1 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Note liminaire
1 Note liminaire Cet ouvrage prend la suite de quelques autres où j’ai parlé de la passion d’amour, des mythes de l’
2 e prend la suite de quelques autres où j’ai parlé de la passion d’amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1
3 te de quelques autres où j’ai parlé de la passion d’ amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1 ; il en prolo
4 s où j’ai parlé de la passion d’amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1 ; il en prolonge les lignes, vers
5 assion d’amour, des mythes de l’âme et du mystère de la personne1 ; il en prolonge les lignes, vers un point de perspectiv
6 sonne1 ; il en prolonge les lignes, vers un point de perspective d’où le regard puisse embrasser un champ mieux unifié du
7 prolonge les lignes, vers un point de perspective d’ où le regard puisse embrasser un champ mieux unifié du phénomène humai
8 e, et sur les personnages imaginaires du roman et de l’opéra en lesquels s’illustrent ces mythes ; puis une série d’observ
9 lesquels s’illustrent ces mythes ; puis une série d’ observations (au sens clinique) sur des personnes réelles, dont le dra
10 ame vécu semble avoir épousé la formule dynamique de Don Juan et de Tristan ; enfin, l’on reviendra au problème capital, c
11 avoir épousé la formule dynamique de Don Juan et de Tristan ; enfin, l’on reviendra au problème capital, celui de la pers
12 enfin, l’on reviendra au problème capital, celui de la personne en soi, telle que les religions majeures la définissent o
13 jeures la définissent ou la nient. Car toute idée de l’homme est une idée de l’amour. Cette succession pourra surprendre.
14 la nient. Car toute idée de l’homme est une idée de l’amour. Cette succession pourra surprendre. Des transitions logiques
15 qu’un faible artifice — et j’y renonce au profit d’ une longue Introduction — s’agissant d’assurer l’unité de l’ouvrage et
16 au profit d’une longue Introduction — s’agissant d’ assurer l’unité de l’ouvrage et d’en faire accepter le vrai sujet : ce
17 ongue Introduction — s’agissant d’assurer l’unité de l’ouvrage et d’en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement d’aller
18 on — s’agissant d’assurer l’unité de l’ouvrage et d’ en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement d’aller et retour du re
19 d’en faire accepter le vrai sujet : ce mouvement d’ aller et retour du religieux à l’érotique qui est l’un des secrets déc
20 ux à l’érotique qui est l’un des secrets décisifs de la psycho occidentale. Je ne vois guère de domaine, en effet, où les
21 cisifs de la psycho occidentale. Je ne vois guère de domaine, en effet, où les malentendus invétérés et les préjugés prêts
22 s et les préjugés prêts au bond retiennent autant d’ esprits, croyants et incroyants, de faire face à leurs vrais problèmes
23 iennent autant d’esprits, croyants et incroyants, de faire face à leurs vrais problèmes ou de souffrir seulement qu’on les
24 royants, de faire face à leurs vrais problèmes ou de souffrir seulement qu’on les observe. Freud a décelé quelques-uns des
25 s observe. Freud a décelé quelques-uns des motifs d’ une pareille résistance à la lucidité ; il les situait dans le conflit
26 osé une analyse non moins « choquante » du refus de prendre conscience des réalités économiques, en conflit avec l’idéal
27 des réalités économiques, en conflit avec l’idéal de la bourgeoisie victorienne. L’un et l’autre, d’ailleurs, demeuraient
28 n et l’autre, d’ailleurs, demeuraient tributaires de cette même société occidentale dont ils surent génialement dénoncer l
29 s surent génialement dénoncer les « bons motifs » de s’aveugler dans deux domaines vitaux, bien définis. Mais ces domaines
30 écisément « taboués » par les classes dirigeantes de leur temps) n’enferment pas toute la réalité, ni de l’homme occidenta
31 leur temps) n’enferment pas toute la réalité, ni de l’homme occidental, ni de l’homme en général. Marx et Freud partageai
32 as toute la réalité, ni de l’homme occidental, ni de l’homme en général. Marx et Freud partageaient malgré tout avec la so
33 out avec la société qu’ils attaquaient un système de pensée et certains préjugés qui devaient à leur tour les aveugler sur
34 aient à leur tour les aveugler sur un autre ordre de réalités. J’ai donc tenté de retrouver la dialectique de l’amour et d
35 r sur un autre ordre de réalités. J’ai donc tenté de retrouver la dialectique de l’amour et de la personne, qui sont les d
36 ités. J’ai donc tenté de retrouver la dialectique de l’amour et de la personne, qui sont les deux réalités que ces grands
37 c tenté de retrouver la dialectique de l’amour et de la personne, qui sont les deux réalités que ces grands hommes avaient
38 ts par leur système, à la fois efficace et fermé, d’ éliminer ou de refouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas de
39 stème, à la fois efficace et fermé, d’éliminer ou de refouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas de littérature, m
40 t fermé, d’éliminer ou de refouler. Il s’agit ici d’ une recherche, et non pas de littérature, malgré les multiples exemple
41 fouler. Il s’agit ici d’une recherche, et non pas de littérature, malgré les multiples exemples que j’ai pris dans les gra
42 des xixe et xxe siècles, et cités comme autant de faits. Il s’agit de trouver ou d’inventer non pas des objets de langa
43 iècles, et cités comme autant de faits. Il s’agit de trouver ou d’inventer non pas des objets de langage (comme on l’atten
44 és comme autant de faits. Il s’agit de trouver ou d’ inventer non pas des objets de langage (comme on l’attend de la poésie
45 ’agit de trouver ou d’inventer non pas des objets de langage (comme on l’attend de la poésie) ni des valeurs (comme on l’a
46 non pas des objets de langage (comme on l’attend de la poésie) ni des valeurs (comme on l’attend des philosophes), mais u
47 s une vision plus vraie, modifiant le sujet. Rien d’ étonnant si une telle recherche m’a porté plus d’une fois bien au-delà
48 d’étonnant si une telle recherche m’a porté plus d’ une fois bien au-delà des conclusions de L’Amour et l’Occident . Cert
49 orté plus d’une fois bien au-delà des conclusions de L’Amour et l’Occident . Certains me feront peut-être un reproche d’i
50 cident . Certains me feront peut-être un reproche d’ inconstance. Pourtant, à y bien regarder, on verra que mes thèses prim
51 tifiées que niées. Quelques oppositions ont perdu de leur tranchant, une fois mieux orientées dans une vue de l’Amour que
52 tranchant, une fois mieux orientées dans une vue de l’Amour que je ne crains pas qu’on dise moniste : le seul monisme non
53 e seul monisme non contradictoire avec la réalité de la personne étant précisément celui de l’Amour, parce qu’il se trouve
54 la réalité de la personne étant précisément celui de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même de l’Amour — son exist
55 de l’Amour, parce qu’il se trouve que l’être même de l’Amour — son existence, sa puissance et son essence — recrée sans ce
56 a préserve au sein de l’Unité, afin de l’aimer et d’ être aimé par elle. Voilà toute la philosophie que je déduis de mes es
57 ar elle. Voilà toute la philosophie que je déduis de mes essais en les relisant, bien qu’elle n’y soit traitée qu’en image
58 traitée qu’en images et symboles. 1. Il s’agit de L’Amour et l’Occident (1939 et 1956), de Doctrine fabuleuse (1947
59 s’agit de L’Amour et l’Occident (1939 et 1956), de Doctrine fabuleuse (1947) et des Personnes du Drame (1944) notamm
2 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — I. L’amour et la personne dans le monde christianisé
60 n’est vrai qu’en Occident, car on n’observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique. Comment nous expliquer ce fait ?
61 t ? Et pourquoi l’érotisme est-il devenu synonyme de perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, ma
62 perversité non seulement dans le jargon des lois de l’État laïque, mais aux yeux des chrétiens exigeants et sincères, dep
63 cles ? Pour comprendre la situation problématique de notre temps, il faut remonter aux origines du christianisme. Le purit
64 que les évangiles : il se déclare dès les épîtres de saint Paul. Et s’il est remarquable que les évangiles, rédigés peu ap
65 évangiles, rédigés peu après, n’en portent guère de traces, il est constant qu’on les a lus pendant des siècles à la lumi
66 ce sont les gnostiques qui ont tenté les premiers de passer de l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes de préférence, a
67 s gnostiques qui ont tenté les premiers de passer de l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes de préférence, allant de l
68 ser de l’Éros à l’Esprit, par des moyens extrêmes de préférence, allant de la castration à la luxure sacrée, ou de la « co
69 it, par des moyens extrêmes de préférence, allant de la castration à la luxure sacrée, ou de la « communio spermatica » de
70 e, allant de la castration à la luxure sacrée, ou de la « communio spermatica » de certaines sectes basilidiennes au culte
71 a luxure sacrée, ou de la « communio spermatica » de certaines sectes basilidiennes au culte général d’une Sophia æterna,
72 e certaines sectes basilidiennes au culte général d’ une Sophia æterna, Éternel féminin exalté bien au-dessus du Créateur b
73 iques du Nord (ou du moins dans leur vocabulaire) d’ où procèdent, par les voies détournées que l’on sait, le lyrisme et le
74 le roman modernes, lesquels ne parlent guère que d’ un amour « profane », sans plus savoir ni d’où il vient ni où il va2.
75 e que d’un amour « profane », sans plus savoir ni d’ où il vient ni où il va2. L’intransigeante hostilité qui oppose les te
76 L’intransigeante hostilité qui oppose les tenants de la morale et les écrivains érotiques prolonge, à l’insu des deux camp
77 gnifiaient à l’origine. Rappelons donc ces termes de base, et voyons si vraiment ils permettent d’expliquer pourquoi c’est
78 mes de base, et voyons si vraiment ils permettent d’ expliquer pourquoi c’est en Europe, et là seulement, que la morale rel
79 ment ils permettent d’expliquer pourquoi c’est en Europe , et là seulement, que la morale religieuse et l’érotique en sont venu
80 ligieuse et l’érotique en sont venues à ce statut de conflit permanent, de mépris réciproque, de rigoureuse exclusion mutu
81 en sont venues à ce statut de conflit permanent, de mépris réciproque, de rigoureuse exclusion mutuelle. Rien de pareil e
82 tatut de conflit permanent, de mépris réciproque, de rigoureuse exclusion mutuelle. Rien de pareil en Inde, répétons-le, n
83 éciproque, de rigoureuse exclusion mutuelle. Rien de pareil en Inde, répétons-le, ni d’une manière plus générale dans les
84 mutuelle. Rien de pareil en Inde, répétons-le, ni d’ une manière plus générale dans les cultures que le christianisme n’a q
85 ent touchées. I. Le christianisme est la religion de l’Amour. — Religion d’un Dieu que l’Ancien Testament définissait comm
86 istianisme est la religion de l’Amour. — Religion d’ un Dieu que l’Ancien Testament définissait comme l’Être originel, le C
87 Être originel, le Créateur du monde et le sauveur d’ Israël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les homme
88 aël, mais que le Nouveau Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’une manière radicalement nouvelle : « Dieu est
89 u Testament révèle au cœur de tous les hommes, et d’ une manière radicalement nouvelle : « Dieu est Amour », répète saint J
90  », répète saint Jean. Religion créée par un acte de l’amour : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… 
91 mme toi-même.3 » Religion qui met au premier rang de toutes les vertus, l’Amour : « Maintenant ces trois choses demeurent,
92 n vérité spirituelle. 2. Parce qu’il est religion de l’Amour, le christianisme implique et pose la réalité de la personne.
93 our, le christianisme implique et pose la réalité de la personne. — Les relations qu’il définit entre l’homme et « son » D
94 lles. Dieu est personnel. La Trinité est composée de trois Personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’
95 rinité est composée de trois Personnes. Le modèle de toute personne humaine est donné par l’Incarnation du Christ fils de
96 umaine est donné par l’Incarnation du Christ fils de Dieu, en Jésus fils de Marie — Jésus-Christ étant à la fois « vrai Di
97 Incarnation du Christ fils de Dieu, en Jésus fils de Marie — Jésus-Christ étant à la fois « vrai Dieu et vrai homme » selo
98 fois « vrai Dieu et vrai homme » selon le Credo. D’ où suit immédiatement que tout homme converti, recréé par l’Amour divi
99 é par l’Amour divin, va devenir, dans l’imitation de Jésus-Christ, vraie vocation et vrai individu, c’est-à-dire : une per
100 distingue. Car pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’h
101 pour aimer, il faut être distinct de l’objet même de l’amour, auquel on voudrait être uni. Et pour que l’homme puisse aime
102 l’homme nouveau, recréé par l’appel qu’il reçoit de l’Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. C
103 Amour. Cet appel est sa vocation, la vie nouvelle de sa personne. Cette vie demeure en partie mystérieuse, étant « cachée
104 ste par des actes, dans l’amour du prochain comme de soi-même. Ainsi l’amour distingue et relie à la fois. Il relie au mys
105 Il relie au mystère divin, mais aussi au mystère de ce « prochain » visible dont la personne reste invisible… 3. Cette re
106 nt la personne reste invisible… 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livre
107 isible… 3. Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livres sacrés sur l’Amour. — 
108 . Cette religion de l’Amour total (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livres sacrés sur l’Amour. — Dans cet
109 al (amour de Dieu, de Soi et du Prochain) n’a pas de livres sacrés sur l’Amour. — Dans cet ensemble infiniment varié de ph
110 sur l’Amour. — Dans cet ensemble infiniment varié de phénomènes que l’Europe seule a désignés par le seul et même terme d’
111 cet ensemble infiniment varié de phénomènes que l’ Europe seule a désignés par le seul et même terme d’amour4, considérons les
112 Europe seule a désignés par le seul et même terme d’ amour4, considérons les raies extrêmes du spectre : l’ultraviolet du s
113 t l’infrarouge du sexuel. Notre mystique, science de l’amour divin, s’est développée très tardivement, dans des formes et
114 es les sociétés constituées. En dépit des traités de quelques Pères de l’Église (prohibant telle position sexuelle parce q
115 ue contraire à la fécondation) et des gros livres de casuistique des xvie et xviie siècles, la plupart écrits par des mo
116 istant ou imaginable — du Kamasutra, des tantras, de tant d’autres traités d’érotisme dans les Vedas et les upanishads, re
117 Kamasutra, des tantras, de tant d’autres traités d’ érotisme dans les Vedas et les upanishads, reliant le sexuel au divin 
118 ux façades des grands temples hindous, illustrant de la manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à
119 a manière la plus précise les unions des dieux et de leurs femmes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthode
120 mes, à des fins didactiques et religieuses. Point de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèler
121 ues et religieuses. Point de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme ce
122 de méthodes secrètes ni de magie sexuelle, point de physiologie du pèlerinage mystique, comme celle que nous décrivent, s
123 puis mille ans, les traités du Hatha Yoga. Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatique
124 Et pas de traces non plus, dans le christianisme, de ces cérémonies initiatiques, communes à la plupart des autres religio
125 i les Africains et les Peaux-Rouges, les sauvages de l’Australie d’hier et de l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primit
126 et les Peaux-Rouges, les sauvages de l’Australie d’ hier et de l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs de la Polyn
127 aux-Rouges, les sauvages de l’Australie d’hier et de l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs de la Polynésie, aux
128 s sauvages de l’Australie d’hier et de l’Amazonie d’ aujourd’hui, et même les primitifs de la Polynésie, aux mœurs si douce
129 e l’Amazonie d’aujourd’hui, et même les primitifs de la Polynésie, aux mœurs si douces, observent tous des rites plus crue
130 us cruels l’un que l’autre, afin de sacraliser et de socialiser l’événement de la puberté. Devant cette même crise endocri
131 , afin de sacraliser et de socialiser l’événement de la puberté. Devant cette même crise endocrine, le christianisme se co
132 ême crise endocrine, le christianisme se contente de conseils moraux très sévères, et de conseils d’hygiène vagues ou aber
133 e se contente de conseils moraux très sévères, et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sév
134 e de conseils moraux très sévères, et de conseils d’ hygiène vagues ou aberrants. D’un côté, le rite et les sévices physiqu
135 es, et de conseils d’hygiène vagues ou aberrants. D’ un côté, le rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’aut
136 rite et les sévices physiques, qui règlent tout ; de l’autre, les problèmes et les tortures morales… Les Églises chrétienn
137 ut conduire à des révélations. « La chair ne sert de rien » (quant au salut), déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fa
138 ), déclare saint Paul. Et l’on eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait
139 n eut bien vite fait de réduire au sexuel le sens de « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âm
140 e « chair » qui, pour l’Apôtre, désignait le tout de l’homme (corps, âme, intellect) dans sa réalité, naturelle et déchue.
141 naturelle et déchue. Dans la naissance virginale de Jésus, la tradition et le peuple dévot virent l’absence du sexe, donc
142 sexe, donc du péché, plutôt que le signe positif d’ une filiation divine…6 En revanche, les Églises chrétiennes, suivies
143 dans l’ensemble définissent une éthique cohérente de type personnaliste, et non plus sociale ou sacrée comme dans les autr
144 s autres religions. Il n’en est que plus frappant d’ observer à quel point les motivations spirituelles du mariage diffèren
145 edisent chez saint Paul. Tantôt il pose une sorte d’ analogie mystique entre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour d
146 ntre l’amour des sexes dans le mariage et l’amour de Jésus pour l’ensemble des âmes croyantes : « Maris, aimez vos femmes
147 ontinence : « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
148 se qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme,
149 ais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler. » Il n’en reste pas moins qu’aux yeux de l’Apôtre, la chastet
150 ’est pas marié s’inquiète du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
151 marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image d
152  » 4. Ainsi donc, exalté d’une part comme l’image de l’amour divin, mais vilipendé d’autre part comme l’ennemi de la vie s
153 divin, mais vilipendé d’autre part comme l’ennemi de la vie spirituelle, toléré finalement mais dans les seules limites du
154 riche et très sommairement condamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle »8, — l’amour
155 sommairement condamné sous les noms de luxure et d’ impudicité ou de « prostitution spirituelle »8, — l’amour humain devai
156 ndamné sous les noms de luxure et d’impudicité ou de « prostitution spirituelle »8, — l’amour humain devait fatalement dev
157 devait fatalement devenir une source intarissable de problèmes, tant pour la société que pour l’individu. Au surplus, lié
158 ividu. Au surplus, lié dès l’origine à la réalité de la personne, l’amour sexuel, sentimental ou spirituel (amour des corp
159 la dialectique du salut, c’est-à-dire du péché et de la grâce, — et valorisé à l’extrême. Ceci ne pouvait se produire — et
160  et ne s’est pas produit — en dehors de la sphère d’ influence du christianisme. C’est pourquoi le phénomène que je nomme é
161 omène que je nomme érotisme, englobant le mariage d’ amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan
162 englobant le mariage d’amour, la passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en
163 a passion mystique de Tristan et la licence impie de Don Juan (l’une au-delà et l’autre en deçà du mariage), ne devait dév
164 it développer toutes ses complexités que dans une Europe travaillée par la doctrine et la morale chrétiennes, séculairement au
165 esse mieux codifiées par les casuistes), dans une Europe formée par l’Église ou contre elle, et longtemps confondue avec la « 
166  — qu’à la lumière de ses origines religieuses et de ses fins trans-naturelles. 2. Cf. L’Amour et l’Occident, nouvelle
167 ivre ii . 3. Voici les trois textes convergents de l’Ancien et du Nouveau Testament : « Tu aimeras ton prochain comme to
168 tique, XIX, 18. « Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Deutéronome,
169 Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’
170 , ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’eux, docteur de la l
171 de toute ta force. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’ eux, docteur de la loi, lui fit cette question : Maître, quel est le p
172 ce. » Deutéronome, VI, 5. « … l’un d’eux, docteur de la loi, lui fit cette question : Maître, quel est le plus grand comma
173 ion : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de to
174 lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premi
175 aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus gran
176 , ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et v
177 mblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » Mat
178 ’en grec « le mot philia désignait tout sentiment d’ attachement et d’affection entre deux personnes, mais les philosophes
179 philia désignait tout sentiment d’attachement et d’ affection entre deux personnes, mais les philosophes distinguèrent ent
180 es philosophes distinguèrent entre quatre espèces de philia : la philia naturelle ou parentale (physikè) unissant les être
181 énikè), qui nous rappelle l’importance des vertus d’ hospitalité… ; la philia des amis (hétaïrikè) qui seule correspond à l
182 ureuse (erotikè), entre personnes du même sexe ou de sexe différent. Enfin, pour distinguer les diverses nuances d’amour,
183 rent. Enfin, pour distinguer les diverses nuances d’ amour, les Grecs disposaient de nombreux mots, en dehors de philia et
184 s diverses nuances d’amour, les Grecs disposaient de nombreux mots, en dehors de philia et d’éros : eunoïa désignant le dé
185 posaient de nombreux mots, en dehors de philia et d’ éros : eunoïa désignant le dévouement ; Agapè, l’affection désintéress
186 téressée ; storgè, la tendresse ; pothos, l’amour de désir ; charis, l’amour de reconnaissance et de complaisance ; mania,
187 esse ; pothos, l’amour de désir ; charis, l’amour de reconnaissance et de complaisance ; mania, la passion déchaînée. Cett
188 r de désir ; charis, l’amour de reconnaissance et de complaisance ; mania, la passion déchaînée. Cette énumération n’est d
189 ir, parce que les premiers chrétiens et les Pères de langue grecque l’emploieront pour désigner l’amour divin et l’amour f
190 is, 1960). Empédocle désigne l’Amour par les mots de philotès (analogue à philia) ou de harmonia. Socrate affirmait ne pos
191 r par les mots de philotès (analogue à philia) ou de harmonia. Socrate affirmait ne posséder qu’une science, celle de l’ér
192 crate affirmait ne posséder qu’une science, celle de l’érotikè. Enfin, les Grecs distinguaient très nettement Aphrodite (d
193 les Grecs distinguaient très nettement Aphrodite ( de aphros, écume, ou sperme du dieu mutilé), qui préside à l’amour physi
194 rnes possèdent elles aussi la plupart de ces mots d’ amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité,
195 dent elles aussi la plupart de ces mots d’amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sa
196 si la plupart de ces mots d’amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais
197 art de ces mots d’amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela
198 ots d’amitié, de tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela, elles l’ap
199 e tendresse, de désir, de passion, de compassion, de charité, etc. ? Sans doute, mais tout cela, elles l’appellent amour,
200 ue qui manque au grec, comme à toutes les langues de l’Asie sans exception. Il est caractéristique de l’Europe chrétienne
201 de l’Asie sans exception. Il est caractéristique de l’Europe chrétienne et de l’Occident tout entier que, là seulement, t
202 ’Asie sans exception. Il est caractéristique de l’ Europe chrétienne et de l’Occident tout entier que, là seulement, toutes les
203 Il est caractéristique de l’Europe chrétienne et de l’Occident tout entier que, là seulement, toutes les formes humaines
204 ier que, là seulement, toutes les formes humaines de l’attrait aient pu être comprises sous un vocable unique, désignant n
205 que substance commune, mais un mouvement créateur de l’être, qui se manifeste en elles toutes. Il est inévitable que certa
206 t inévitable que certains critiques me reprochent de « confondre » dans ces pages l’amour divin, la passion et le désir, l
207 l’éros et l’aphros ; mais cette apparente erreur de vocabulaire est le fait de toute notre culture occidentale. 5. La g
208 cette apparente erreur de vocabulaire est le fait de toute notre culture occidentale. 5. La grande mystique chrétienne,
209 c’est-à-dire durant le troisième quart seulement de l’ère chrétienne ; et toujours en dehors de la théologie, qui n’a ces
210 toujours en dehors de la théologie, qui n’a cessé de s’en méfier : je pense aux ultimes conclusions de Maître Eckhart, de
211 de s’en méfier : je pense aux ultimes conclusions de Maître Eckhart, de Ruysbroek l’Admirable, de saint Jean de la Croix,
212 pense aux ultimes conclusions de Maître Eckhart, de Ruysbroek l’Admirable, de saint Jean de la Croix, condamnées par l’au
213 ions de Maître Eckhart, de Ruysbroek l’Admirable, de saint Jean de la Croix, condamnées par l’autorité ecclésiastique. 6.
214 mnées par l’autorité ecclésiastique. 6. Le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge (1871) isole et souligne cet élém
215 siastique. 6. Le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge (1871) isole et souligne cet élément négatif, puisqu’il ne
216 ment négatif, puisqu’il ne peut ici être question d’ une filiation divine de Marie, d’une autre Incarnation que celle du Ch
217 ne peut ici être question d’une filiation divine de Marie, d’une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce serait entr
218 ci être question d’une filiation divine de Marie, d’ une autre Incarnation que celle du Christ, ou ce serait entrer dans la
219 . Voir l’Annexe I. 8. Toute religion différente de l’orthodoxie judaïque est qualifiée de prostitution par les Prophètes
220 différente de l’orthodoxie judaïque est qualifiée de prostitution par les Prophètes autant que par les Prêtres (Cf. Ézéchi
221 les Prêtres (Cf. Ézéchiel 16, p. ex.). L’exercice de la vraie religion ou Alliance peut donc trouver son analogie dans la
3 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — II. Naissance de l’érotisme occidental
222 IINaissance de l’érotisme occidental Apparu pour la première fois aux lisières méd
223 aru pour la première fois aux lisières médiévales de l’inconscient, annoncé sous le couvert des symboles et du mythe au xi
224 sie et les premiers romans (qui prennent leur nom de la Romania des troubadours), l’érotisme n’accède au niveau de la cons
225 delaire et Wagner furent les premiers à affronter de tout leur être les conséquences de cette révolution. Par l’analyse ph
226 rs à affronter de tout leur être les conséquences de cette révolution. Par l’analyse philosophique, la poésie et la musiqu
227 ternative, Les Fleurs du mal, Tristan, témoignent d’ une prise de conscience très profondément renouvelée des relations ent
228 uvelée des relations entre l’amour humain, la vie de l’âme et la recherche spirituelle. Pour les classiques, l’amour ne po
229 uelle. Pour les classiques, l’amour ne pose guère de problèmes que s’il entre en conflit avec le devoir moral. Il n’est pa
230 son orgueil (social), mais on ne peut pas mourir d’ amour (la métaphore elle-même est ridiculisée). La morale officielle,
231 esprit, ne sait plus comment les relier : éclipse de l’âme. L’antithèse radicale de cette époque classique nous est donnée
232 s relier : éclipse de l’âme. L’antithèse radicale de cette époque classique nous est donnée par les penseurs-poètes de la
233 classique nous est donnée par les penseurs-poètes de la génération post-romantique. Car la question que leur œuvre entrepr
234 ntique. Car la question que leur œuvre entreprend de résoudre est celle-là même que les classiques éliminaient : comment i
235 rer l’amour humain dans une conception religieuse de l’existence ? Toute conception de l’amour (sexuel ou passionnel, libe
236 tion religieuse de l’existence ? Toute conception de l’amour (sexuel ou passionnel, libertin ou matrimonial), toute attitu
237 sionnel, libertin ou matrimonial), toute attitude de l’homme devant l’amour, correspond, qu’on le sache ou non, à une atti
238 n relation dialectique avec les fins spirituelles de l’âme. Par l’expérience de l’amour passionnel, l’Isolde de Wagner att
239 les fins spirituelles de l’âme. Par l’expérience de l’amour passionnel, l’Isolde de Wagner atteint la « joie suprême ». P
240 ner atteint la « joie suprême ». Par l’expérience de l’amour dit sexuel, « l’âme inassouvie » de Baudelaire conçoit « le g
241 ience de l’amour dit sexuel, « l’âme inassouvie » de Baudelaire conçoit « le goût de l’éternel »10. Et dans In vino verita
242 ’âme inassouvie » de Baudelaire conçoit « le goût de l’éternel »10. Et dans In vino veritas, l’un des héros ironiques de K
243 Et dans In vino veritas, l’un des héros ironiques de Kierkegaard définit l’amour comme le lieu où « la vie spirituelle la
244 rituelle la plus élevée. » Le champ nouveau, dont de telles phrases révèlent le réseau de tensions, détermine un espace in
245 ouveau, dont de telles phrases révèlent le réseau de tensions, détermine un espace intermédiaire entre le corps animal et
246 fs plaisirs profonds, anxieux ou tendres, moments de grâce de l’amour humain et couleurs du langage mystique, procèdent de
247 rs profonds, anxieux ou tendres, moments de grâce de l’amour humain et couleurs du langage mystique, procèdent de l’imagin
248 humain et couleurs du langage mystique, procèdent de l’imagination. Ils ne sont, de toute évidence, pas plus « physiques »
249 ystique, procèdent de l’imagination. Ils ne sont, de toute évidence, pas plus « physiques » que spirituels, bien qu’ils ti
250 monde des corps, qui est substantif, ni du monde de l’esprit, qui est celui du verbe, mais du monde animé de l’adjectif q
251 prit, qui est celui du verbe, mais du monde animé de l’adjectif qui est qualification de la substance par l’émotion. Kierk
252 u monde animé de l’adjectif qui est qualification de la substance par l’émotion. Kierkegaard, dans l’Alternative, montre c
253 isme, en apportant au monde le « principe positif de l’Esprit », qui exclut le sensuel, a posé du même coup le sensuel com
254 el et l’érotisme.) Kierkegaard ne se contente pas de substituer cette bipolarité à la simple dualité des classiques. Il dé
255 se qu’un euphémisme désignant les aspects sexuels de l’amour dans le langage pudique et parfois si pédant du jeune discipl
256 ge pudique et parfois si pédant du jeune disciple de Hegel. Entre la spontanéité démoniaque du désir, irrité par l’esprit
257 r l’esprit qui veut l’anéantir, et la spontanéité de l’inclination amoureuse « qui ne reconnaît comme son égale que la spo
258 c incluse dans la sphère animique. Or, le langage de l’âme n’est autre que le Mythe. Il est donc naturel que Kierkegaard,
259 égorie du sensuel pur telle que la pose l’attaque de l’Esprit, et Wagner, pour décrire la passion pure telle que la transf
260 an mystique, aient eu recours aux mythes extrêmes de l’érotique occidentale : Don Juan, Tristan. 9. Le mot apparaît chez
4 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — III. Présence des mythes et leurs pouvoirs dans divers ordres
261 des mythes et leurs pouvoirs dans divers ordres D’ où viennent les mythes ? Sont-ils nos inventions, ou nous les leurs ?
262 pour les illustrer et les qualifier, voire tenter de les rendre exemplaires ? Est-ce encore un problème de la poule et de
263 es rendre exemplaires ? Est-ce encore un problème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes
264 laires ? Est-ce encore un problème de la poule et de l’œuf — qui a commencé ? Ce serait cela si les mythes n’étaient que p
265 thes n’étaient que poésie, c’est-à-dire invention de réalités qui n’existent vraiment que dans leur expression. Mais la pl
266 é exprimés avant nous, s’il est sûr que plusieurs de ceux qui nous dominent ne seront exprimés que demain. Une longue duré
267 à l’homme, des lois cosmiques, ni des catégories de l’Esprit ; mais sont-ils aussi vieux que l’homme et que les circuits
268 t-ils aussi vieux que l’homme et que les circuits de son cerveau, ou bien sont-ils seulement des produits évolués de la ci
269 , ou bien sont-ils seulement des produits évolués de la civilisation néolithique, diffusée de l’Euphrate vers les cinq con
270 évolués de la civilisation néolithique, diffusée de l’Euphrate vers les cinq continents à partir du cinquième millénaire
271 énaire avant notre ère, et dernier ancêtre commun de nos civilisations vivantes ? Ou encore, des symptômes spécifiques de
272 s vivantes ? Ou encore, des symptômes spécifiques de notre seule culture européenne ? Il semble à première vue plus facile
273 des symptômes spécifiques de notre seule culture européenne  ? Il semble à première vue plus facile de répondre dans le cas des my
274 européenne ? Il semble à première vue plus facile de répondre dans le cas des mythes, car les dates de leurs émergences da
275 de répondre dans le cas des mythes, car les dates de leurs émergences dans la littérature mondiale nous sont connues, et c
276 ure mondiale nous sont connues, et c’est à partir d’ elles qu’ils ont vraiment agi et développé tous leurs pouvoirs contagi
277 n Juan sont bel et bien les créations imaginaires d’ un Béroul, d’un Marlowe, d’un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, don
278 el et bien les créations imaginaires d’un Béroul, d’ un Marlowe, d’un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, dont les coordon
279 créations imaginaires d’un Béroul, d’un Marlowe, d’ un Shakespeare et d’un Tirso de Molina, dont les coordonnées dans l’es
280 es d’un Béroul, d’un Marlowe, d’un Shakespeare et d’ un Tirso de Molina, dont les coordonnées dans l’espace et le temps lai
281 t assez peu de marge au doute critique. Et chacun d’ eux décrit l’irruption dramatique d’une force de l’âme dans une sociét
282 ue. Et chacun d’eux décrit l’irruption dramatique d’ une force de l’âme dans une société bien datée. Mais une autre questio
283 n d’eux décrit l’irruption dramatique d’une force de l’âme dans une société bien datée. Mais une autre question se pose au
284  ? N’ont-ils pas simplement développé les clichés de phénomènes plus anciens, ou plus généralement humains ? Nous voici ra
285 ralement humains ? Nous voici ramenés au problème de la genèse historique des complexes. Une différence, toutefois, me par
286 les archétypes sont définis comme des structures de l’inconscient, tandis que les mythes parlent de l’âme. Or si le consc
287 s de l’inconscient, tandis que les mythes parlent de l’âme. Or si le conscient et l’inconscient sont des notions constamme
288 t sont des notions constamment relatives au degré d’ éveil et de lucidité de l’intellect, il n’en va pas de même des trois
289 notions constamment relatives au degré d’éveil et de lucidité de l’intellect, il n’en va pas de même des trois constituant
290 tamment relatives au degré d’éveil et de lucidité de l’intellect, il n’en va pas de même des trois constituants de l’être
291 ct, il n’en va pas de même des trois constituants de l’être humain, le corps, l’âme et l’esprit. Si la pensée (qui est dou
292 ée (qui est doute et certitude) fournit la preuve de l’esprit, et la sensation celle du corps, la preuve de l’âme est l’ém
293 esprit, et la sensation celle du corps, la preuve de l’âme est l’émotion. Les mythes, phénomènes animiques, décrivent des
294 hes, phénomènes animiques, décrivent des réalités de l’affectivité, que le sentiment perçoit immédiatement. Et s’ils expri
295 concepts instantanés, entrant ainsi dans le champ de la conscience sous une sorte de déguisement qui les voile en même tem
296 nsi dans le champ de la conscience sous une sorte de déguisement qui les voile en même temps qu’il les révèle, cela tient
297 e, cela tient beaucoup moins à quelque répression d’ ordre social, moral ou religieux (comme dans le cas des complexes, sel
298 s des complexes, selon Freud) qu’à la nature même de l’âme, dont le symbole lyrique est le langage normal11. Une chose dem
299 nous attendent, préformant les mouvements intimes de notre sensibilité, ou déroulant devant nous les images simplifiées, o
300 devant nous les images simplifiées, ordonnatrices de nos aventures virtuelles12. Méditer sur les Noms qui leur furent attr
301 oms des dieux antiques, évoquent certains groupes de puissances), c’est méditer en fait sur des structures de l’âme qui no
302 sances), c’est méditer en fait sur des structures de l’âme qui nous inclinent à la manière des astres, c’est-à-dire sans n
303 ernant. Nous les reconnaissons, à certains stades de notre évolution psychique ou spirituelle, quand subitement nous nous
304 s sentons coïncider avec la forme ou le mouvement de telle œuvre, poème ou histoire, qui pour la première fois, bien avant
305 fascination secrètement familière — nous avertit de leur apparition. Nous les reconnaissons dans les grands personnages q
306 grands personnages qui leur ont attaché leur nom de fable, Œdipe ou Prométhée, Tristan, Faust ou Don Juan, mais aussi dan
307 ts que ces héros ont engendrés au sein des œuvres d’ imagination de la littérature occidentale. Et nous pouvons enfin les r
308 os ont engendrés au sein des œuvres d’imagination de la littérature occidentale. Et nous pouvons enfin les reconnaître à l
309 uvons enfin les reconnaître à l’œuvre dans la vie de personnes réelles, de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi
310 aître à l’œuvre dans la vie de personnes réelles, de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoir
311 re dans la vie de personnes réelles, de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoire dont les bi
312 ie de personnes réelles, de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoire dont les biographies no
313 de créateurs de l’art et de la pensée, mais aussi d’ acteurs de l’histoire dont les biographies nous sont assez connues. (L
314 rs de l’art et de la pensée, mais aussi d’acteurs de l’histoire dont les biographies nous sont assez connues. (La biograph
315 ographies nous sont assez connues. (La biographie d’ un être original, fortement personnalisé, étant souvent sa création la
316 fermer dans sa durée lyrique, poursuit l’histoire de la personne, qui sera celle de sa liberté. Si nous voulons savoir et
317 oursuit l’histoire de la personne, qui sera celle de sa liberté. Si nous voulons savoir et voir comment agissent les mythe
318 en général, il me paraît que l’étude particulière de l’empire exercé par les mythes de l’amour peut nous y aider le mieux,
319 de particulière de l’empire exercé par les mythes de l’amour peut nous y aider le mieux, et cela pour deux raisons faciles
320 es à discerner. La première, c’est que les mythes de l’amour sont liés à l’expérience individuelle la plus banale et la pl
321 cidental : qui n’a pas été amoureux ou malheureux de l’être pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’était ? Le prem
322 alheureux de l’être pas, ou tout au moins curieux de savoir s’il l’était ? Le premier venu n’est pas tenté de se reconnaît
323 ir s’il l’était ? Le premier venu n’est pas tenté de se reconnaître dans Faust ou Prométhée, Hamlet ou Don Quichotte, mais
324 n’hésite pas à se croire Don Juan s’il a le goût de la facilité et du changement ; ou Tristan s’il se sent plus doué pour
325 ou Tristan s’il se sent plus doué pour le malheur d’ amour, ou la fidélité. La seconde raison tient au fait que l’amour est
326 l, mais sous ses formes les plus richement dotées de tournures populaires et suggestives, de clichés, de métaphores, et de
327 nt dotées de tournures populaires et suggestives, de clichés, de métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la foi
328 tournures populaires et suggestives, de clichés, de métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la fois le meilleu
329 res et suggestives, de clichés, de métaphores, et de symboles convenus. L’amour est à la fois le meilleur conducteur et le
330 is le meilleur conducteur et le meilleur excitant de l’expression. Semblable en cela (comme par bien d’autres traits) à la
331 de sa « déclaration ». Mais il peut naître aussi de sa seule évocation : d’une lecture, d’une chanson, d’une image ou d’u
332 Mais il peut naître aussi de sa seule évocation : d’ une lecture, d’une chanson, d’une image ou d’un mot, qui suffisent à l
333 ître aussi de sa seule évocation : d’une lecture, d’ une chanson, d’une image ou d’un mot, qui suffisent à l’induire, ou à
334 a seule évocation : d’une lecture, d’une chanson, d’ une image ou d’un mot, qui suffisent à l’induire, ou à fixer son choix
335 on : d’une lecture, d’une chanson, d’une image ou d’ un mot, qui suffisent à l’induire, ou à fixer son choix. Ainsi, l’acti
336 ou à fixer son choix. Ainsi, l’action des mythes de l’amour devient lisible, dans la mesure où elle correspond à l’action
337 elles dans des domaines apparemment indépendants de l’amour et du jeu des sexes, et qui vont de la pensée spéculative rel
338 dants de l’amour et du jeu des sexes, et qui vont de la pensée spéculative religieuse ou métaphysique, à l’éthique de l’ac
339 éculative religieuse ou métaphysique, à l’éthique de l’action sociale ou de l’aventure individuelle. Je vois ainsi Don Jua
340 métaphysique, à l’éthique de l’action sociale ou de l’aventure individuelle. Je vois ainsi Don Juan dans l’allure et le r
341 Je vois ainsi Don Juan dans l’allure et le rythme de la polémique nietzschéenne ; mais aussi dans les alternances d’engage
342 e nietzschéenne ; mais aussi dans les alternances d’ engagements passionnés et de retraits ambigus (déception ou besoin de
343 dans les alternances d’engagements passionnés et de retraits ambigus (déception ou besoin de se libérer ?) qui marquent l
344 onnés et de retraits ambigus (déception ou besoin de se libérer ?) qui marquent la carrière d’un certain type nouveau d’av
345 besoin de se libérer ?) qui marquent la carrière d’ un certain type nouveau d’aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois
346 ui marquent la carrière d’un certain type nouveau d’ aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois Tristan dans la passion i
347 d’un certain type nouveau d’aventuriers-penseurs de notre temps. Je vois Tristan dans la passion intellectuelle de Kierke
348 s. Je vois Tristan dans la passion intellectuelle de Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu » est de « vouloir sa propre p
349 e de Kierkegaard, dont le « paradoxe absolu » est de « vouloir sa propre perte » ; mais aussi, comme en filigrane, dans le
350 aussi, comme en filigrane, dans le dessein secret de tant de romans modernes et dans le destin « fatal » de leur protagoni
351 nt de romans modernes et dans le destin « fatal » de leur protagoniste — souvent à l’insu de l’auteur… Et bien d’autres qu
352 « fatal » de leur protagoniste — souvent à l’insu de l’auteur… Et bien d’autres que moi ont su voir, c’est-à-dire prévoir
353 re prévoir Don Quichotte, dans la folie grandiose de Christophe Colomb partant pour les Indes du rêve. Un mot encore, pour
354 rêve. Un mot encore, pour ceux qui m’accuseraient de blasphémer — et j’en connais — en voyant « Tristan » dans ce siècle.
355 e les mythes nous en apprennent bien autant sur l’ Europe que les statues de dieux animaux ou de Shivas à quatre bras sur la ci
356 prennent bien autant sur l’Europe que les statues de dieux animaux ou de Shivas à quatre bras sur la civilisation de l’Égy
357 sur l’Europe que les statues de dieux animaux ou de Shivas à quatre bras sur la civilisation de l’Égypte ou de l’Inde anc
358 ux ou de Shivas à quatre bras sur la civilisation de l’Égypte ou de l’Inde anciennes, c’est de la même manière : non par l
359 à quatre bras sur la civilisation de l’Égypte ou de l’Inde anciennes, c’est de la même manière : non par leur « réalisme 
360 isation de l’Égypte ou de l’Inde anciennes, c’est de la même manière : non par leur « réalisme » ou leur fidélité aux appa
361 ux apparences quotidiennes, mais par leur pouvoir d’ expression du sacré et de l’âme ; non par leur valeur figurée, mais pa
362 s, mais par leur pouvoir d’expression du sacré et de l’âme ; non par leur valeur figurée, mais par leur valeur figurante.
363 leur figurée, mais par leur valeur figurante. Nul Européen n’a jamais été Tristan, ni Don Juan, — et pas plus dans le passé qu’a
364 e passé qu’aujourd’hui ; mais sans ces mythes les Européens ne seraient pas ce qu’ils sont, n’aimeraient pas comme ils aiment, et
365 s seraient incompréhensibles : car elles naissent de leurs rêves et non de leurs doctrines. 11. Il se peut que le rêve e
366 sibles : car elles naissent de leurs rêves et non de leurs doctrines. 11. Il se peut que le rêve emprunte à l’âme son im
367 mes du Tarot, qui sont des mythes figés, extraits de leur durée. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour réduire l’âm
368 our réduire l’âme à l’inconscient. La musique est de l’âme, par exemple, et elle n’existe pas avant son expression ; elle
369 elui des gènes et des génotypes qui conditionnent d’ avance la susceptibilité ou la résistance de l’individu à telle maladi
370 nnent d’avance la susceptibilité ou la résistance de l’individu à telle maladie ? Chacun de nous se trouverait-il ainsi do
371 résistance de l’individu à telle maladie ? Chacun de nous se trouverait-il ainsi doté dès sa naissance à la vie culturelle
372 ie culturelle, intellectuelle, voire spirituelle, d’ une susceptibilité ou d’une relative immunité à telle conduite amoureu
373 uelle, voire spirituelle, d’une susceptibilité ou d’ une relative immunité à telle conduite amoureuse, à tels choix affecti
5 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — IV. Problèmes de la personne aux prises avec les mythes
374 IVProblèmes de la personne aux prises avec les mythes Que les mythes de l’amour dé
375 sonne aux prises avec les mythes Que les mythes de l’amour déterminent largement nos conduites individuelles, les hasard
376 os conduites individuelles, les hasards apparents de nos rencontres, et les choix que nous croyons décider librement — on
377 écider librement — on admet qu’il serait superflu de le démontrer une fois de plus. Que cette action soit propagée par la
378 uteurs croyaient s’abandonner à la pleine liberté de leur imagination, —j’en donnerai plus loin quelques preuves. Or les m
379 min vers un moi-même sans précédent, seul capable d’ un amour neuf. La personne trouve la preuve de sa vraie liberté dans s
380 ble d’un amour neuf. La personne trouve la preuve de sa vraie liberté dans ses décisions singulières, déterminées non poin
381 ntes, commune à tous — et dont certes il est sage de tenir compte — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant d’elle,
382 e — mais par un but qui n’est qu’à elle, en avant d’ elle, un but qu’elle réalise en l’approchant, tout en se réalisant ell
383 connaître tout d’abord leur nature et leurs modes d’ action, puis à savoir en jouer à ses fins propres, sous peine de reste
384 dans ses rêves et dans les œuvres qui ne cessent de l’influencer — puis tenter d’entraîner dans son jeu propre les formes
385 vres qui ne cessent de l’influencer — puis tenter d’ entraîner dans son jeu propre les formes d’énergie dont ils sont condu
386 tenter d’entraîner dans son jeu propre les formes d’ énergie dont ils sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’Éro
387 ergie dont ils sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’Éros se révélera peut-être un jour plus importante, pour
388 s sont conducteurs. Cette conversion de l’énergie d’ Éros se révélera peut-être un jour plus importante, pour l’avenir de l
389 peut-être un jour plus importante, pour l’avenir de l’humanité, que l’actuelle domestication de l’énergie nucléaire et so
390 venir de l’humanité, que l’actuelle domestication de l’énergie nucléaire et solaire. Car si l’une doit permettre d’explore
391 nucléaire et solaire. Car si l’une doit permettre d’ explorer l’espace cosmique et de subvenir à l’alimentation des corps,
392 ne doit permettre d’explorer l’espace cosmique et de subvenir à l’alimentation des corps, l’autre peut permettre à l’espri
393 tion des corps, l’autre peut permettre à l’esprit d’ explorer les richesses mal connues de l’espace et du temps animiques,
394 e à l’esprit d’explorer les richesses mal connues de l’espace et du temps animiques, et d’y trouver de quoi nourrir des fa
395 mal connues de l’espace et du temps animiques, et d’ y trouver de quoi nourrir des faims d’une autre espèce, dès maintenant
396 de l’espace et du temps animiques, et d’y trouver de quoi nourrir des faims d’une autre espèce, dès maintenant éveillées.
397 imiques, et d’y trouver de quoi nourrir des faims d’ une autre espèce, dès maintenant éveillées.
6 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — V. Invasion de l’érotisme au xxe siècle
398 VInvasion de l’érotisme au xxe siècle Chrétiens traditionnels, moralistes laïqu
399 s’unissent pour déplorer l’invasion dans nos vies d’ une sexualité « obsédante ». Les affiches dans les rues, les bureaux,
400 trés et les films, les romans noirs et les albums de nus, les journaux populaires et les bandes dessinées, les chansons à
401 mode, les danses et les strip-teases : il suffit de regarder le décor des journées et des nuits citadines pour vérifier l
402 des nuits citadines pour vérifier l’omniprésence de l’appel au désir sexuel. Ce phénomène mille fois décrit n’en demeure
403 vait des parallèles en d’autres temps, ses moyens d’ expression, eux, sont sans précédent. La culture commercialisée, qui e
404 t quantitatif et plus encore qualitatif des temps de loisir, accroît aussi — comme l’avait dit Baudelaire avec plus de pré
405 ît aussi — comme l’avait dit Baudelaire avec plus de précision que le proverbe antique sur l’oisiveté mère des vices — les
406 l’oisiveté mère des vices — les chances pratiques de l’érotisme. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de compren
407 e. Déplorer le phénomène est donc vain. Il s’agit de comprendre ses causes, et surtout ce dont il est signe. Et d’abord, i
408 rtout ce dont il est signe. Et d’abord, il s’agit de lui donner son vrai nom. C’est l’érotisme qui travaille les sociétés
409 érotisme qui travaille les sociétés occidentales, de l’ouest à l’est, et non pas la sexualité proprement dite, instinctive
410 dite, instinctive et procréatrice. Et les moyens de l’érotisme sont la littérature, les « salles obscures », les arts pla
411 s : milieux par excellence où agissent les mythes de l’âme14. C’est donc avec ces mythes, non pas avec l’instinct ou avec
412 e. Ce n’est pas l’immoralité plus ou moins grande de ce siècle qui la concerne, mais bien les attitudes (religieuses sans
413 tte immoralité ; enfin, ce sont certaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute
414 rtaines notions de l’homme, qu’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale : car c’est là qu
415 u’une élite inconnue de la foule élabore à l’abri de toute sanction sociale : car c’est là qu’on peut voir apparaître le s
416 ai rappelé, et qui n’est guère en soi que l’écume d’ une vague profonde, surgie de l’âme collective. Derrière les apparence
417 e en soi que l’écume d’une vague profonde, surgie de l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolé
418 rgie de l’âme collective. Derrière les apparences de la rue, derrière la tolérance déjà presque sans bornes accordée à ce
419 et qui assurent que ce n’est pas leur faute… Mais de quoi la morale victorienne est-elle morte ? Sans doute, et tout d’abo
420 nne est-elle morte ? Sans doute, et tout d’abord, d’ avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justi
421 te ? Sans doute, et tout d’abord, d’avoir eu peur de l’instinct qu’elle voulait réprimer. Au lieu de justifier ses rigueur
422 r les yeux sur la réalité même du sexe : interdit d’ en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté.
423 même du sexe : interdit d’en parler, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’impureté. C’était vider la morale pu
424 r, sauf du haut de la chaire, et sous le seul nom d’ impureté. C’était vider la morale puritaine de sa virtu, moins religie
425 nom d’impureté. C’était vider la morale puritaine de sa virtu, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet
426 u, moins religieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’ où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression
427 gieuse d’ailleurs que civilisatrice. D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « exp
428 D’où l’effet de révélation que produisit l’œuvre de Freud, l’impression qu’elle « expliquait tout », parce qu’elle expliq
429 ait parler15. Brochant sur la mauvaise conscience d’ une bourgeoisie qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vul
430 nce d’une bourgeoisie qui n’avait plus le courage de ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait
431 s le courage de ses partis pris, la vulgarisation de la psychanalyse a beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de
432 beaucoup fait pour dévaloriser les notions mêmes de répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus
433 ur dévaloriser les notions mêmes de répression et de censure. Les abus dénoncés par Freud nous ont rendus méfiants quant à
434 qui est l’ennemi, mais le refoulement, générateur de complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui eff
435 , mais le refoulement, générateur de complexes et de névroses. D’où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’obse
436 oulement, générateur de complexes et de névroses. D’ où la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’observateurs. Ava
437 ù la tolérance que j’ai dite, et qui effraye tant d’ observateurs. Avant de nous effrayer à notre tour, essayons de bien vo
438 rs. Avant de nous effrayer à notre tour, essayons de bien voir ce qui se passe quand les censures officielles périclitent.
439 L’instinct ne dépend pas des modes, ni la nature de la culture, — du moins pas si directement. Ce qui se trouve libéré, c
440 se trouve libéré, c’est l’expression, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les mon
441 est l’expression, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce
442 sion, la manière de parler des choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc p
443 s choses de l’amour, de spéculer à leur propos ou de les montrer sur l’écran. Ce n’est donc pas le sexe, mais l’érotisme,
444 mps différée. Mozart est le plus grand interprète de Don Juan, mais ce n’est pas lui qui a « déchaîné » Casanova : il lui
445 evoir, sur le tard, le sens du « dramma giocoso » de sa carrière de séducteur. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner, en plein
446 ard, le sens du « dramma giocoso » de sa carrière de séducteur. Kierkegaard, Baudelaire et Wagner, en pleine période de ce
447 rkegaard, Baudelaire et Wagner, en pleine période de censure rationnelle, puritaine et utilitaire, nous révèlent comme des
448 comme des sismographes les mouvements souterrains de l’âme refoulée. Quant aux écrivains d’aujourd’hui, grands romanciers,
449 outerrains de l’âme refoulée. Quant aux écrivains d’ aujourd’hui, grands romanciers, poètes et philosophes que l’on dit « o
450 hes que l’on dit « obsédés par l’érotisme », loin d’ être les fauteurs du phénomène dont j’ai rappelé plus haut les signes
451 s, ils agissent à leur tour comme les révélateurs de ce qui se trouve en jeu et monte à la conscience, derrière ces appare
452 nce, derrière ces apparences triviales. Émetteurs de messages qu’il reste à décoder, ils s’avancent masqués par le scandal
453 ité. Plusieurs autres l’ignorent, ou refuseraient de l’admettre. (Moi, religieux ? Vous voulez rire !) Il leur arrive de p
454 i, religieux ? Vous voulez rire !) Il leur arrive de partager les préjugés de leurs critiques, pour le plaisir de les viol
455 z rire !) Il leur arrive de partager les préjugés de leurs critiques, pour le plaisir de les violer. Certains des plus sér
456 les préjugés de leurs critiques, pour le plaisir de les violer. Certains des plus sérieux ou révolutionnaires montrent le
457 érieux ou révolutionnaires montrent les symptômes d’ une névrose attribuable au refoulement du spirituel. Tandis que d’autr
458 imisent leur rôle —, ils signifient quelque chose d’ important dans l’évolution de la culture et de l’anthropologie occiden
459 ifient quelque chose d’important dans l’évolution de la culture et de l’anthropologie occidentales. C’est l’éternel débat
460 ose d’important dans l’évolution de la culture et de l’anthropologie occidentales. C’est l’éternel débat entre la Gnose ar
461 entre la Gnose ardente et la Sagesse modératrice de l’Église, entre l’aventure personnelle et l’orthodoxie collective, qu
462 e, que vient rénover parmi nous la marée montante de l’Éros. Et je ne prends pas ici de parti général et sans appel, chacu
463 marée montante de l’Éros. Et je ne prends pas ici de parti général et sans appel, chacun des termes, que je viens d’oppose
464 al et sans appel, chacun des termes, que je viens d’ opposer, m’apparaissant valable et nécessaire, cependant que la vérité
465 ire, cependant que la vérité est sûrement au-delà d’ eux tous, soit dans la résultante de leurs tensions, comme j’incline à
466 ement au-delà d’eux tous, soit dans la résultante de leurs tensions, comme j’incline à le croire en tant qu’Occidental, so
467 s dans ce livre ne sont pas des mises en jugement de tel penseur particulier ou de telle attitude générale, mais des reche
468 s mises en jugement de tel penseur particulier ou de telle attitude générale, mais des recherches sur la nature et les mot
469 nature et les motifs des options caractéristiques d’ une personne ou d’un personnage, et du style qui les définit ; sur la
470 fs des options caractéristiques d’une personne ou d’ un personnage, et du style qui les définit ; sur la notion de l’homme
471 nage, et du style qui les définit ; sur la notion de l’homme qu’elles impliquent et supposent, nolens volens. Prendre cons
472 t et supposent, nolens volens. Prendre conscience de ces motivations dans des cas bien concrets mais exemplaires, peut aid
473 eux assumer sa personne. 13. La grande musique, de Mozart à nos jours, est érotique ; elle annonce les très rares révolu
474 e les très rares révolutions et surtout les modes de l’amour. Il est d’autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xx
475 volutions et surtout les modes de l’amour. Il est d’ autant plus remarquable qu’à partir du milieu du xxe siècle, la musiq
476 ècle, la musique expérimentale déserte le domaine de l’animique pour celui de la physique et du calcul, et devienne une af
477 ntale déserte le domaine de l’animique pour celui de la physique et du calcul, et devienne une affaire d’ingénieurs philos
478 la physique et du calcul, et devienne une affaire d’ ingénieurs philosophes. La peinture abstraite n’est pas moins puritain
479 introversion systématique. La musique était chose de l’âme. Mais si elle devient la chose de spécialistes acharnés à nier
480 ait chose de l’âme. Mais si elle devient la chose de spécialistes acharnés à nier l’âme, — cette luxure nous disent-ils —,
481  cette luxure nous disent-ils —, on est en devoir de leur demander ce qu’ils visent : pas un seul ne l’a dit jusqu’ici. 1
482 as, ensuite, répandent ces œuvres, à la rencontre d’ un « appel » préexistant, qu’ils contribuent à rendre un peu plus exig
483 s et trop adaptés… Mais inventez, dans le domaine de la culture, il en reste toujours quelque chose. Ainsi le style des vi
7 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VI. Soulèvement des puissances animiques
484 uissances animiques Mais la soudaine turbulence de l’Éros, avant de nous poser ces problèmes, est d’abord un grand fait
485 ci quatre-cents ans, si toute l’humanité continue d’ obéir à l’instinct de reproduction ; — cette menace peut nous inciter
486 si toute l’humanité continue d’obéir à l’instinct de reproduction ; — cette menace peut nous inciter à séparer de plus en
487 s inciter à séparer de plus en plus le sexuel pur de l’érotique, et peut-être agit-elle déjà sur l’inconscient des hommes
488 e déjà sur l’inconscient des hommes et des femmes d’ aujourd’hui ; mais le phénomène qui nous occupe est antérieur. Je n’ig
489 qu’il nous impose exagère à tel point la tyrannie de l’horaire, du rendement mesurable, des disciplines sociales, et d’une
490 rendement mesurable, des disciplines sociales, et d’ une manière générale des comportements rationnels, qu’un soulèvement d
491 e des comportements rationnels, qu’un soulèvement de l’âme devient inévitable, à titre de compensation : « L’invasion de n
492 névitable, à titre de compensation : « L’invasion de nos vies par la technique » provoquerait-elle ce « déchaînement de l’
493 a technique » provoquerait-elle ce « déchaînement de l’érotisme » qui tendrait à neutraliser ses effets déshumanisants ? O
494 er ses effets déshumanisants ? On peut l’imaginer d’ une manière statistique, mais non pas le vérifier dans nos vies person
495 s personnelles. Faut-il donc accepter l’hypothèse d’ une âme collective qui aurait sa vie à elle, et qui exercerait sur les
496 t sur les hommes un pouvoir comparable à l’action de la Lune sur l’océan et dans le corps des femmes ? Mais qu’est-ce que
497 le âme », ou « salut des âmes », ou « immortalité de l’âme » (désignant la personne ou l’esprit), mais dans le sens beauco
498 ation, animosité, animadversion. Le jeu « animé » d’ un musicien manifeste par des moyens physiques une réalité qui n’est n
499 pirituelle, qui n’est pas celle du corps ni celle de l’intellect, mais plutôt celle du « cœur », comme on dit, — celle de
500 s plutôt celle du « cœur », comme on dit, — celle de l’âme. L’âme est le domaine des impulsions qui outrepassent les exige
501 ine des impulsions qui outrepassent les exigences de l’instinct et se heurtent aux décrets du social. Elle est aussi le do
502 aux décrets du social. Elle est aussi le domaine de ces passions qui déjouent les « programmes » de vie physiologique enr
503 e de ces passions qui déjouent les « programmes » de vie physiologique enregistrés par nos chaînes de chromosomes, démente
504 de vie physiologique enregistrés par nos chaînes de chromosomes, démentent les prévisions de l’économie et troublent nos
505 chaînes de chromosomes, démentent les prévisions de l’économie et troublent nos systèmes de communications rationnelles e
506 révisions de l’économie et troublent nos systèmes de communications rationnelles et spirituelles, à la manière des explosi
507 ales, racisme, vogue immense des superstitions et de la magie des charlatans, voilà la boue. La vague de l’érotisme vient
508 la magie des charlatans, voilà la boue. La vague de l’érotisme vient ensuite, encore trouble et tumultueuse. Si les digue
509 ne poussée nouvelle soudain trop forte. Il s’agit d’ inventer maintenant un nouveau système de canaux pour transformer l’in
510 l s’agit d’inventer maintenant un nouveau système de canaux pour transformer l’inondation en irrigation vivifiante. C’est
511 t à réinventer », disait Rimbaud. Cette espèce-là de révolution psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la cultur
512 ion psychique n’a qu’un précédent dans l’histoire de la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au
513 ’histoire de la culture occidentale : il se situe de la manière la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire
514 re la plus précise au xiie siècle. Depuis la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traité
515 la fin de l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle s
516 l’Empire romain, on n’avait plus écrit de poèmes d’ amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle semblait ré
517 omain, on n’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’o
518 ’avait plus écrit de poèmes d’amour ni de traités de mystique originaux. La vie sexuelle semblait réduite à l’obscure anim
519 animalité. Le mariage ne posait que des problèmes d’ héritages et de consanguinité souvent invraisemblables, justifiant des
520 ariage ne posait que des problèmes d’héritages et de consanguinité souvent invraisemblables, justifiant des divorces causé
521 ublimé, saint Bernard de Clairvaux et la mystique d’ amour, Héloïse et la passion vécue, Tristan et la passion rêvée, le cu
522 sion vécue, Tristan et la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et
523 la passion rêvée, le culte de la Dame et le culte de la Vierge, les hérésies gnostiques ravivées et le cynisme libertin na
524 in naissant, le célibat des prêtres et les « Lois d’ Amour », bref, le lyrisme, l’érotisme et la mystique déchaînés sur l’E
525 yrisme, l’érotisme et la mystique déchaînés sur l’ Europe entière, et parlant une même langue nouvelle, rénovant d’un seul coup
526 ongleurs et prédicateurs étant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande
527 tant les seuls « moyens de diffusion » permettant de toucher les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si
528 her les peuples. Cette première grande révolution de l’Amour, si soudaine dans son explosion, fut lente à propager ses eff
529 propager ses effets bouleversants dans les mœurs de la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décan
530 s mœurs de la masse inculte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de r
531 culte et dans les habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale
532 s habitudes de pensée. Le travail de décantation, d’ adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle d
533 ail de décantation, d’adaptation psychologique et de remise en ordre morale et spirituelle devait prendre des siècles, et
534 tie celle du xiie siècle, submerge quelques-unes de ses conquêtes, mais surtout la déborde largement. Elle éclate dans un
535 bon marché, le film et la radio ne laissent plus de délais ni d’angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que le
536 le film et la radio ne laissent plus de délais ni d’ angles morts. Les effets atteignent nos sens avant que les causes aien
537 nt que les causes aient émergé à nos consciences. D’ où le scandale, et c’est peu dire — d’où l’angoisse et la mauvaise con
538 onsciences. D’où le scandale, et c’est peu dire —  d’ où l’angoisse et la mauvaise conscience qui caractérisent à la fois ce
539 on et ceux qui en subissent les effets. Prenez un Européen cultivé — homme ou femme — formé par la morale bourgeoise, d’ailleurs
540 illeurs croyant ou non, plus ou moins respectueux de la science et du progrès, donc normal et moyen selon les standards du
541 e avec les œuvres, apparues depuis cinquante ans, de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H.
542 ante ans, de Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breto
543 Freud et des écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Rober
544 es écoles qui en dérivent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d
545 vent, de Proust et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de L
546 et de Joyce, de D. H. Lawrence et de Jean Genêt, d’ André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durell,
547 . H. Lawrence et de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durell, pour ne citer que
548 de Jean Genêt, d’André Breton et de Robert Musil, d’ Henry Miller et de Lawrence Durell, pour ne citer que très peu de noms
549 ndré Breton et de Robert Musil, d’Henry Miller et de Lawrence Durell, pour ne citer que très peu de noms des plus connus ;
550 plus connus ; sans oublier la fameuse « Histoire d’ O », les essais de George Bataille et de P. Klossowski pour les initié
551 s oublier la fameuse « Histoire d’O », les essais de George Bataille et de P. Klossowski pour les initiés ; les romans pol
552  Histoire d’O », les essais de George Bataille et de P. Klossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école « no
553 lossowski pour les initiés ; les romans policiers de l’école « noire » et les films de la Nouvelle Vague internationale, p
554 omans policiers de l’école « noire » et les films de la Nouvelle Vague internationale, pour le grand public. Que verra dan
555 , pour le grand public. Que verra dans tout cela, de prime abord, le témoin normal et moyen ? La libido partout à l’œuvre,
556 , la névrose prise pour thème normal, la négation de l’innocence, même enfantine ; la pariade primitive, ou, au contraire,
557 homosexualité et l’inceste ; et toutes les formes d’ exhibitionnisme et de raffinements pervers qui attendent encore leur n
558 ceste ; et toutes les formes d’exhibitionnisme et de raffinements pervers qui attendent encore leur nom ; bref, la luxure,
559 re chose qu’une immense dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gaul
560 nse dépravation, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comme
561 on, qu’un manque de tenue mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-i
562 e mais aussi de légèreté, de vraie tendresse mais de « saine gauloiserie » ? Et comment pourrait-il y voir ce « soulèvemen
563  ? Et comment pourrait-il y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour d’âme, dont certains esprits aberrants osent parle
564 -il y voir ce « soulèvement de l’âme », ce retour d’ âme, dont certains esprits aberrants osent parler ? Lui dira-t-on qu’i
565 s, quoique ces derniers aient des motifs inverses d’ être indignés, inquiets ou angoissés. Les deux camps se rendent bien l
566 mps se rendent bien leur mépris, et chacun refuse de tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonn
567 e tolérer fût-ce un instant, par simple hypothèse de dialogue, les bonnes raisons que peut invoquer l’autre. C’est à parti
568 voquer l’autre. C’est à partir de là que j’essaie de réfléchir, d’élucider l’amour tel qu’on l’écrit de mon temps.
569 . C’est à partir de là que j’essaie de réfléchir, d’ élucider l’amour tel qu’on l’écrit de mon temps.
570 e réfléchir, d’élucider l’amour tel qu’on l’écrit de mon temps.
8 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VII. Parenthèse sur le sens des mots
571 VIIParenthèse sur le sens des mots À la clé de cette Introduction, j’aurais aimé pouvoir inscrire un signe d’objecti
572 oduction, j’aurais aimé pouvoir inscrire un signe d’ objectivité, annonçant qu’ici l’on décrit, avant de juger. Qu’il reste
573 s qui les suivent, je n’utilise jamais les termes de morale bourgeoise et de puritanisme comme des injures, ni comme des é
574 utilise jamais les termes de morale bourgeoise et de puritanisme comme des injures, ni comme des épithètes nécessairement
575 cessairement dépréciatives. En revanche, le terme d’ érotisme ne définit pour moi ni le bien ni le mal, mais un phénomène p
576 ar excellence, dont j’essaie, avant de l’évaluer, de mieux voir ce qu’il est, d’où il vient, où il va. J’entends bien que
577 , avant de l’évaluer, de mieux voir ce qu’il est, d’ où il vient, où il va. J’entends bien que la littérature contemporaine
578 tes puritaines ont su nous imposer dès les débuts de l’Europe, il n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans
579 uritaines ont su nous imposer dès les débuts de l’ Europe , il n’y aurait rien de plus dans notre civilisation que dans celles d
580 de actuel. Il n’y aurait pas non plus le problème de l’érotisme ! Les auteurs érotiques l’oublient très naïvement, tout à
581 etournée, qui leur cache trop souvent les « faits de la vie » — comme l’anglais nomme les faits sexuels —, et leurs multip
582 eux que celle qu’un Staline, qu’un Mao, ont tenté d’ imposer par décrets ? Elle serait strictement adaptée à la production
583 et que l’angoisse compréhensible des Occidentaux d’ aujourd’hui conduit en général à trancher brutalement avant de l’avoir
9 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Introduction. L’érotisme et les mythes de l’âme — VIII. Pour une mythanalyse de la culture
584 VIIIPour une mythanalyse de la culture La littérature érotique embrasse plus de réalités psycho
585 a culture La littérature érotique embrasse plus de réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaî
586 dans une certaine mesure, comme le confort dépend de notre psychologie. Une fois reconnues, elles nous posent des problème
587 on ne résoudra plus en les niant. Les découvertes de l’analyse des profondeurs, l’affaiblissement des tabous sexuels, l’ac
588 provoqués, qui la dépassent, mais dont elle tente de formuler et d’illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois
589 la dépassent, mais dont elle tente de formuler et d’ illustrer les exigences encore désordonnées. Et je vois bien que du dé
590 je vois bien que du désordre inévitable résultant d’ une évolution aussi rapide, on ne pourra sortir qu’en avant, et non po
591 ant, et non point par des retours aux disciplines d’ antan. Mais comment ordonner tout d’abord la recherche et la réflexion
592 t la réflexion ? Je me suis proposé deux méthodes d’ analyse, dont on trouvera dans cet ouvrage quelques applications nouve
593 s ou prônées par la littérature actuelle traitant de l’amour ; et voir comment ces attitudes s’ordonnent ou non à certaine
594 nent ou non à certaines conceptions fondamentales de l’homme définies par les grandes religions, par leurs métaphysiques,
595 et l’Occident illustrait cette approche, partant d’ un raisonnement dont je rappelle le schéma : l’érotisme commence où l’
596 e commence où l’émotion sexuelle devient, au-delà de sa fin procréatrice, une fin en soi ou un moyen de l’âme ; — or les c
597 e sa fin procréatrice, une fin en soi ou un moyen de l’âme ; — or les croyances gnostiques et manichéennes ne décrient pas
598 invention du xiie siècle, a donc toutes chances de correspondre à des attitudes religieuses manichéennes et gnostiques,
599 que l’on peut porter sur lui traduisent une prise de position spirituelle pour ou contre ces attitudes, qu’on le sache ou
600 et mieux vaut le savoir. Il s’agit, on le voit, d’ expliciter des motifs religieux généralement refoulés, ou tout simplem
601 ut simplement ignorés. Méthode exactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. 2° Apprendre
602 ment ignorés. Méthode exactement inverse de celle de Freud, mais qui lui est par là même comparable. 2° Apprendre à lire e
603 complexités et les intrigues apparemment insanes de l’érotique contemporaine. Entre les sciences du corps et de l’esprit,
604 que contemporaine. Entre les sciences du corps et de l’esprit, entre la biologie et la théologie, au-delà des nécessités d
605 biologie et la théologie, au-delà des nécessités de l’espèce, mais en deçà du Bien et du Mal, sans lois ni dogmes, mais n
606 motive, la mythologie mène son jeu, — qui est jeu de l’âme. Grandes formes simples et ordonnatrices, symboles actifs et vé
607 oles actifs et véhicules des puissances animiques d’ Éros, les mythes peuvent nous servir de guides dans la Comédie inferna
608 animiques d’Éros, les mythes peuvent nous servir de guides dans la Comédie infernale, purgative ou sublime de nos désirs,
609 s dans la Comédie infernale, purgative ou sublime de nos désirs, de nos passions, de notre amour. Quand nous ignorons leur
610 ie infernale, purgative ou sublime de nos désirs, de nos passions, de notre amour. Quand nous ignorons leur nature, ils no
611 gative ou sublime de nos désirs, de nos passions, de notre amour. Quand nous ignorons leur nature, ils nous gouvernent san
612 ours dont ils sont coutumiers peut nous permettre de trouver le fil rouge des trames où nous sommes engagés, et de nous or
613 e fil rouge des trames où nous sommes engagés, et de nous orienter dans la forêt obscure de nos phantasmes, vers l’issue d
614 ngagés, et de nous orienter dans la forêt obscure de nos phantasmes, vers l’issue de lumière et notre vrai Désir. Je propo
615 la forêt obscure de nos phantasmes, vers l’issue de lumière et notre vrai Désir. Je propose une mythanalyse, qui puisse ê
616 non seulement aux personnes, mais aux personnages de l’art, et à certaines formules de vie ; l’objectif immédiat d’une tel
617 aux personnages de l’art, et à certaines formules de vie ; l’objectif immédiat d’une telle méthode étant d’élucider les mo
618 à certaines formules de vie ; l’objectif immédiat d’ une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs im
619 e ; l’objectif immédiat d’une telle méthode étant d’ élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent in
620 t d’une telle méthode étant d’élucider les motifs de nos choix et leurs implications trop souvent inconscientes, spirituel
621 té ne puisse être conquise que par le détachement de nos liens avec la chair, avec le monde, et avec notre moi distinct ?
622 mme étant destinés à le transformer sans relâche ( d’ où la technique) pour d’autres tâches qui nous dépassent et en même te
623 t. J’en déduis que notre vocation est bel et bien d’ aller ailleurs, mais avec tout ce que nous sommes ; et qu’elle est moi
624 ec tout ce que nous sommes ; et qu’elle est moins d’ ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de pr
625 e nous sommes ; et qu’elle est moins d’ascèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de prise de consci
626 scèse que de transmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêm
627 ransmutation ; et qu’elle n’est pas de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêmes et des chos
628 e n’est pas de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui
629 as de fuite mais de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous soi
630 is de prise de conscience, de prise de possession de nous-mêmes et des choses, au nom d’un sens qui nous soit propre et si
631 les mythes et leur empire serait néfaste. Tenter de leur échapper en les taxant d’erreur — théologique ou rationnelle — e
632 it néfaste. Tenter de leur échapper en les taxant d’ erreur — théologique ou rationnelle — est une entreprise illusoire. Il
633 onnelle — est une entreprise illusoire. Il s’agit de comprendre et sentir leurs pouvoirs, puis de les traiter de la manièr
634 agit de comprendre et sentir leurs pouvoirs, puis de les traiter de la manière dont il convient à l’homme de traiter la Na
635 dre et sentir leurs pouvoirs, puis de les traiter de la manière dont il convient à l’homme de traiter la Nature : on ne sa
636 traiter de la manière dont il convient à l’homme de traiter la Nature : on ne saurait lui commander qu’en obéissant d’abo
637 us connaîtrons mieux les mythes qui nous tentent, d’ où ils viennent et vers quoi leur logique nous conduit, peut-être sero
638 uit, peut-être serons-nous un peu mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’aller vers
639 mieux en mesure de courir notre risque personnel, d’ assumer notre amour et d’aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous
640 notre risque personnel, d’assumer notre amour et d’ aller vers nous-mêmes. Peut-être serons-nous un peu plus libres.
10 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Nouvelles métamorphoses de Tristan
641 Nouvelles métamorphoses de Tristan La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat
642 morphoses de Tristan La passion est cette forme de l’amour qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance et
643 sentir et s’exalter. Cette définition rend compte de la plupart des vrais romans, par quoi j’entends non point les meilleu
644 non point les meilleures œuvres qu’on est convenu de ranger dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de leur qualité
645 er dans ce genre littéraire, mais, indépendamment de leur qualité d’art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces
646 littéraire, mais, indépendamment de leur qualité d’ art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces œuvres seules où
647 aire, mais, indépendamment de leur qualité d’art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces œuvres seules où transp
648 mment de leur qualité d’art, de leur notoriété ou de leur portée humaine, ces œuvres seules où transparaît, dominateur, l’
649 où transparaît, dominateur, l’archétype médiéval de Tristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou
650 ristan. Je ne sais à vrai dire si la passion naît de la distance, ou l’inverse. Ce qui est certain, c’est que le roman occ
651 le roman occidental n’a jamais décrit, jusqu’ici, de passion qui s’enflamme pour un objet tout proche, aisément accessible
652 généralement toléré. Comme la nature et le nombre de ces tolérances et des interdits qui subsistent varient selon les soci
653 us : ainsi, la bourgeoisie du xixe s’interdisant de parler de l’argent et du sexe, d’où le choc révélateur produit par Ma
654 , la bourgeoisie du xixe s’interdisant de parler de l’argent et du sexe, d’où le choc révélateur produit par Marx et Freu
655 s’interdisant de parler de l’argent et du sexe, d’ où le choc révélateur produit par Marx et Freud), la passion qui est t
656 ion qui est toujours antisociale reçoit cependant de la société même — et d’elle seule, par un assez beau paradoxe — ses o
657 isociale reçoit cependant de la société même — et d’ elle seule, par un assez beau paradoxe — ses objets, différents selon
658 objets, différents selon l’état des mœurs. Point de passion concevable ou déclarée en fait, dans un monde où tout est per
659 bolisé par une dramatis persona, pour les besoins de la narration et de la rhétorique du récit. Dans une société comme la
660 atis persona, pour les besoins de la narration et de la rhétorique du récit. Dans une société comme la nôtre, l’amour-pass
661 pour que son délire se déclare ? J’entends parler de la société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et de ses prolongeme
662 ds parler de la société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et de ses prolongements en Amérique et en Russie ; société t
663 rler de la société occidentale, c’est-à-dire de l’ Europe et de ses prolongements en Amérique et en Russie ; société travaillée
664 société occidentale, c’est-à-dire de l’Europe et de ses prolongements en Amérique et en Russie ; société travaillée et fo
665 cré, créateur des tabous, et le profane, qui naît de leur violation, mais aussi entre la sagesse et la politique, la grâce
666 sion et le mariage. N’en sommes-nous pas au point de notre évolution où, tout étant réduit, « ramené à » comme on dit, pro
667 s ou sentimentales, et soumis par l’intermédiaire d’ analyses toujours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène et de la so
668 e d’analyses toujours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène et de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne
669 jours plus indiscrètes aux règles de l’hygiène et de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la
670 ène et de la sociologie — tout nous semble permis de ce qui ne nuirait pas à la santé et à la productivité ? (Tout le rest
671 productivité ? (Tout le reste étant, d’ailleurs, de mieux en mieux prescrit.) J’entrevoyais, il y a vingt ans, quand j’éc
672 ur et l’Occident , qu’une culture trop consciente de ses fins et moyens, c’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plu
673 ’est-à-dire trop sociologique, ne laisserait plus de place à l’amour passionné, tel qu’il fut inventé au xiie siècle par
674 oc et romancé par les Bretons. C’était faire trop d’ honneur aux seuls tabous moraux de l’époque victorienne et bourgeoise,
675 tait faire trop d’honneur aux seuls tabous moraux de l’époque victorienne et bourgeoise, et aux succès des analystes et de
676 , sur lesquels la passion se jette pour y trouver de nouveaux prétextes à se consumer glorieusement, à défier la morale du
677 à défier la morale du Jour au nom de la mystique de la Nuit, et la vie d’action raisonnable au nom de l’extase et de la m
678 Jour au nom de la mystique de la Nuit, et la vie d’ action raisonnable au nom de l’extase et de la mort enthousiasmante.
679 la vie d’action raisonnable au nom de l’extase et de la mort enthousiasmante. ITrois vrais romans d’amour-passion au xxe
680 de la mort enthousiasmante. ITrois vrais romans d’ amour-passion au xxe siècle Trois œuvres où transparaît l’archétyp
681 siècle Trois œuvres où transparaît l’archétype de Tristan nous sont données vers ce milieu du siècle par l’Europe, l’Am
682 nous sont données vers ce milieu du siècle par l’ Europe , l’Amérique et la Russie. De chacune d’elles on a pu dire, non sans r
683 du siècle par l’Europe, l’Amérique et la Russie. De chacune d’elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle était « en réa
684 par l’Europe, l’Amérique et la Russie. De chacune d’ elles on a pu dire, non sans raison, qu’elle était « en réalité » une
685 té » une description sociale, morale ou politique de l’Autriche impériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution et de se
686 ue de l’Autriche impériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution et de ses suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a
687 ériale, ou des États-Unis, ou de la Révolution et de ses suites en URSS. Mais chacune d’elles aussi a pu être décrite comm
688 Révolution et de ses suites en URSS. Mais chacune d’ elles aussi a pu être décrite comme le dernier roman d’amour-passion d
689 es aussi a pu être décrite comme le dernier roman d’ amour-passion de la littérature occidentale. Le Docteur Jivago de Bori
690 re décrite comme le dernier roman d’amour-passion de la littérature occidentale. Le Docteur Jivago de Boris Pasternak n’es
691 , selon Camus, mais au contraire « un grand livre d’ amour ». L’essai que Lionel Trilling consacre à Lolita de Vladimir Nab
692 ov, s’intitule « Le dernier amant ». Et l’héroïne de L’Homme sans qualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’ell
693 er amant ». Et l’héroïne de L’Homme sans qualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même et de son frère :
694 ualités de Robert Musil, dit à plusieurs reprises d’ elle-même et de son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques
695 rt Musil, dit à plusieurs reprises d’elle-même et de son frère : « Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour… Au
696 rère : « Nous aurons été les derniers romantiques de l’amour… Au fond, c’est la dernière histoire d’amour possible… Sans d
697 s de l’amour… Au fond, c’est la dernière histoire d’ amour possible… Sans doute serons-nous une sorte de Derniers Mohicans
698 ’amour possible… Sans doute serons-nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littér
699 doute serons-nous une sorte de Derniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre
700 erniers Mohicans de l’amour. » Je ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’illustrer un thème
701 e ne fais pas ici de critique littéraire, n’ayant d’ autre propos que d’illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne
702 e critique littéraire, n’ayant d’autre propos que d’ illustrer un thème dont on verra bientôt que je ne suis pas le dernier
703 r les prestiges et le charme fatal. Est-il besoin de souligner que ce grand thème est l’unique justification de mon essai 
704 ner que ce grand thème est l’unique justification de mon essai ? Mythe passionnel à part, tout distingue les trois œuvres
705 nt que trop les bonnes et graves raisons que j’ai de redouter que leur simple rapprochement choque le sens esthétique du l
706 ns moral… Mais il se peut aussi que l’incongruité d’ une telle comparaison fasse tout son prix. D’autant plus différents à
707 uité d’une telle comparaison fasse tout son prix. D’ autant plus différents à tous égards, sauf à un seul, seront les trois
708 uf à un seul, seront les trois ouvrages examinés, d’ autant plus significative l’action du mythe qui s’y trahit, et qui est
709 ai donc, dans ces trois œuvres, qu’à l’apparition de Tristan, dictant impérieusement — à l’insu des auteurs — la rhétoriqu
710 t — à l’insu des auteurs — la rhétorique profonde de leur composition. Passons à l’expérience sans plus de précautions. Vo
711 établir, en se plaçant par hypothèse sous l’angle de vision que je propose : Vladimir Nabokov. — Aux yeux du « vieil Euro
712 ropose : Vladimir Nabokov. — Aux yeux du « vieil Européen  » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil
713 yeux du « vieil Européen » que je me trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’exil. Le lecte
714 e trouve être de naissance, l’Amérique est patrie d’ accueil, plus que d’exil. Le lecteur devinera que je l’aime, malgré to
715 ssance, l’Amérique est patrie d’accueil, plus que d’ exil. Le lecteur devinera que je l’aime, malgré tout ce qui m’irrite e
716 me fascine. Le scandaleux héros (par antiphrase) de mon roman (éduqué en Europe, j’y insiste) n’épouse l’american way of
717 ux héros (par antiphrase) de mon roman (éduqué en Europe , j’y insiste) n’épouse l’american way of life, en la personne d’une b
718 ) n’épouse l’american way of life, en la personne d’ une bourgeoise accomplie, que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet a
719 d’une bourgeoise accomplie, que pour l’amour fou de sa fille. Mais cet amour est impossible, car Lolita n’a pas 13 ans. C
720 pendant, mon héros l’enlève et il fuit avec elle, de motel en hôtel, à travers tout le continent américain qu’il découvre
721 mes. Abandonné par sa nymphet, il commet un crime de dément et meurt ivre d’amour, dans sa prison, après avoir écrit ce li
722 mphet, il commet un crime de dément et meurt ivre d’ amour, dans sa prison, après avoir écrit ce livre posthume. Robert Mu
723 — J’ai aimé mon Autriche « impériale et royale » d’ un amour exigeant, lucide et ironique. Mais elle appartenait à un mili
724 st le plus vrai, puisqu’il ouvre l’accès à la vie d’ extase, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon héros devien
725 cès à la vie d’extase, mais qui le sépare en fait de la vie sociale. Mon héros devient moralement un exilé de l’intérieur,
726 ie sociale. Mon héros devient moralement un exilé de l’intérieur, comme je suis devenu un exilé tout court16. Boris Paste
727 rutal, qui l’a séduite et humiliée. Il m’interdit de lui parler. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert d’un roman
728 er. Je lui dis pourtant mon amour sous le couvert d’ un roman plein d’allusions et de symboles qu’elle comprendra. Et voici
729 urtant mon amour sous le couvert d’un roman plein d’ allusions et de symboles qu’elle comprendra. Et voici que l’on fait un
730 r sous le couvert d’un roman plein d’allusions et de symboles qu’elle comprendra. Et voici que l’on fait un triomphe à ma
731 voici que l’on fait un triomphe à ma déclaration d’ amour ! Le Maître prétend aussitôt que j’ai insulté la Russie. C’est a
732 elle que j’aime qu’il me repousse et qu’il menace de m’exiler. Mais tel est mon amour que je saurai mentir : je demanderai
733 tir : je demanderai pardon au tyran, le suppliant de me laisser vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me
734 me laisser vivre encore un peu dans le voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’
735 voisinage de celle qui doit me rejeter, car loin d’ elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire. A
736 i doit me rejeter, car loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’elle que je veux me taire. Ainsi réduits à leur di
737 ar loin d’elle ma vie n’a pas de sens, c’est près d’ elle que je veux me taire. Ainsi réduits à leur diagramme mythique — o
738 nnu les personnages du drame, ces Tristan séparés d’ une Iseut « interdite » par un roi Marc qui est la Morale commune, la
739 une même ambiguïté quant à la vraie nature, sinon de leur sujet, du moins de l’intérêt principal qu’ils se trouvent offrir
740 à la vraie nature, sinon de leur sujet, du moins de l’intérêt principal qu’ils se trouvent offrir au lecteur : critique d
741 l qu’ils se trouvent offrir au lecteur : critique d’ une société ou récit d’une passion ? On connaît ces paysages fantastiq
742 frir au lecteur : critique d’une société ou récit d’ une passion ? On connaît ces paysages fantastiques de la Renaissance q
743 ne passion ? On connaît ces paysages fantastiques de la Renaissance qui, tournés d’une certaine manière, révèlent soudain
744 sages fantastiques de la Renaissance qui, tournés d’ une certaine manière, révèlent soudain les traits d’une tête humaine.
745 une certaine manière, révèlent soudain les traits d’ une tête humaine. C’est le phénomène inverse qui se produit à la lectu
746 trois romans : vous regardez longuement ce visage de femme et, peu à peu, c’est un paysage, c’est un pays, c’est une socié
747 fait (et nous ne le lirions pas). Mais la réponse de l’écrivain ne suffit pas, bien que sincère. Car il faut voir que cett
748 t accidentelle. Elle ne résulte pas, j’y insiste, de quelque hésitation prolongée de l’auteur entre deux thèmes centraux,
749 pas, j’y insiste, de quelque hésitation prolongée de l’auteur entre deux thèmes centraux, ou deux genres littéraires, ou d
750 raux, ou deux genres littéraires, ou deux sphères d’ imagination. Elle exprime et traduit irrésistiblement l’ambiguïté fond
751 traduit irrésistiblement l’ambiguïté fondamentale de la passion, antisociale par définition, donc liée au milieu social pa
752 Comme le fera voir l’application aux trois romans de l’analyse mythologique proposée par L’Amour et l’Occident . IILol
753 IILolita ou le scandale « Entre les limites d’ âge de 9 et 14 ans apparaissent des fillettes qui, aux yeux de certain
754 olita ou le scandale « Entre les limites d’âge de 9 et 14 ans apparaissent des fillettes qui, aux yeux de certains voya
755 t, pour ces créatures choisies, je propose le nom de nymphets. » Lolita, 12 ans et sept mois, a le charme inquiétant, l’im
756 rme inquiétant, l’impudeur innocente et la pointe de vulgarité qui caractérise la nymphet. Humbert Humbert, Européen, la q
757 rité qui caractérise la nymphet. Humbert Humbert, Européen , la quarantaine, vivant depuis peu en Amérique, la découvre dans une
758 s une petite ville où il prend ses vacances. Coup de foudre. Intrigue démente pour posséder l’enfant, dont il épouse d’abo
759 fait boire un somnifère, mais n’ose pas profiter de son sommeil. Au matin, c’est elle qui le séduit ! Commence la longue
760 séduit ! Commence la longue fuite du beau-père et de la fille, traqués par leur secrète culpabilité, d’un bout à l’autre d
761 e la fille, traqués par leur secrète culpabilité, d’ un bout à l’autre des États-Unis17. Jusqu’au jour où Lolita s’échappe,
762 r où Lolita s’échappe, séduite par un autre homme d’ âge mûr qu’Humbert tuera. À 17 ans, mariée depuis peu avec un jeune et
763 essentiel, et l’auteur ne manque pas une occasion de le souligner et de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une
764 eur ne manque pas une occasion de le souligner et de l’accentuer, soit en accablant son héros dans une préface d’ailleurs
765 lleurs attribuée à un psychiatre américain, soit, d’ une manière plus convaincante, par la cynique désinvolture du style de
766 par la cynique désinvolture du style des mémoires de Humbert Humbert. Si l’amour des nymphets n’était pas, de nos jours, l
767 ert Humbert. Si l’amour des nymphets n’était pas, de nos jours, l’un des derniers tabous sexuels qui tiennent encore (avec
768 ssion ni roman véritables, au sens « tristanien » de ces termes. Car il manquerait entre les deux protagonistes l’obstacle
769 our que l’attrait mutuel, au lieu de s’apaiser ou de s’épuiser par la satisfaction des sens, se métamorphose en passion. C
770 out le scandale évident, le caractère profanateur de l’amour de H. H. pour Lolita, qui trahit la présence du Mythe. Négli
771 dale évident, le caractère profanateur de l’amour de H. H. pour Lolita, qui trahit la présence du Mythe. Négligeons pour
772 des qui séparent ce roman sarcastique et pétulant de la sombre épopée, simple et drue, d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pa
773 et pétulant de la sombre épopée, simple et drue, d’ un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas m
774 , d’un Béroul. Qu’on ne s’y trompe pas : le roman de Tristan n’était pas moins choquant au xiie siècle que ne l’est aujou
775 usion anachronique, aidées par la version moderne de Bédier, nous font prendre trop facilement pour la touchante histoire
776 rendre trop facilement pour la touchante histoire d’ un amour presque chaste et conçu fortuitement hors du mariage, recelai
777 autrement bouleversants ! Les premières versions de Tristan glorifiaient une forme d’amour non seulement opposée au maria
778 mières versions de Tristan glorifiaient une forme d’ amour non seulement opposée au mariage, mais ne pouvant exister que ho
779 ent »18 au nom de ce nouvel Amour toute une série d’ actions tenues pour crimes : astuce blasphématoire de l’ordalie truqué
780 ctions tenues pour crimes : astuce blasphématoire de l’ordalie truquée, violation répétée des allégeances et de la foi jur
781 lie truquée, violation répétée des allégeances et de la foi jurée, profanation du sacré féodal et des sacrements catholiqu
782 , sorcellerie, magie noire. Tout cela sur un fond d’ hérésie bien plus dangereuse alors que ne le sont aujourd’hui les frén
783 ujourd’hui les frénésies qui affectent une partie de la jeunesse, modes passagères dont l’édition et le cinéma me paraisse
784 it guère pu surprendre au Moyen Âge. On a coutume de vénérer l’amour de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de P
785 dre au Moyen Âge. On a coutume de vénérer l’amour de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure
786 me de vénérer l’amour de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure âgée de 12 ans ; ces deux e
787 de Dante pour Béatrice âgée de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure âgée de 12 ans ; ces deux exemples fondent une t
788 de 9 ans, la passion de Pétrarque pour Laure âgée de 12 ans ; ces deux exemples fondent une tradition de la haute littérat
789 12 ans ; ces deux exemples fondent une tradition de la haute littérature européenne, qu’illustreront plus près de nous un
790 les fondent une tradition de la haute littérature européenne , qu’illustreront plus près de nous un Goethe créant le personnage de
791 plus près de nous un Goethe créant le personnage de Mignon, un Novalis dédiant son œuvre à l’amour de Sophie von Kuhn, mo
792 de Mignon, un Novalis dédiant son œuvre à l’amour de Sophie von Kuhn, morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de
793 morte à 11 ans, un Edgar Poe qui épouse une fille de 14 ans, et le génial Lewis Carroll : Alice au Pays des Merveilles est
794 is Carroll : Alice au Pays des Merveilles est née de l’amour des « nymphets », refoulé par la conscience pure du clergyman
795 cience pure du clergyman, mais avoué par certains de ses poèmes et trahi par les plaisanteries souvent féroces de ses lett
796 es et trahi par les plaisanteries souvent féroces de ses lettres à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne condui
797 de ses lettres à des petites filles. L’adultère, de nos jours, ne conduit qu’au divorce, ou s’épuise en liaisons banales.
798 , ou s’épuise en liaisons banales. Il n’offre pas de support sérieux à ce que Freud a nommé un jour l’élan mortel, secret
799 e que Freud a nommé un jour l’élan mortel, secret de l’amour tristanien. Et l’absence de sacré exténue les passions, que l
800 ortel, secret de l’amour tristanien. Et l’absence de sacré exténue les passions, que la conscience d’une profanation faisa
801 de sacré exténue les passions, que la conscience d’ une profanation faisait flamber. Nous restent deux tabous sexuels, cur
802 ociétés humaines connues, les classes bourgeoises de l’Occident constituant l’exception la plus remarquable. Ils sont bien
803 Nabokov fait dire à son héros : « Mon sort a été de grandir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à court
804 andir dans une civilisation qui autorise un homme de 25 ans à courtiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille de 12
805 autorise un homme de 25 ans à courtiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille de 12 ans. » Humbert raconte, au début
806 tiser une fille de 16 ans, mais non pas une fille de 12 ans. » Humbert raconte, au début de ses mémoires, l’amour qu’il co
807 une fille de 12 ans. » Humbert raconte, au début de ses mémoires, l’amour qu’il conçut à 12 ans pour une petite fille de
808 amour qu’il conçut à 12 ans pour une petite fille de 9 ans qui s’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe.
809 ’appelait Annabel, et qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’eros de cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s
810 qui mourut bientôt — rappel de Poe. Ainsi, l’eros de cet adulte, par ailleurs sexuellement normal, s’est trouvé fixé sur l
811 rendue doublement inaccessible par la différence d’ âge et par l’idée de la mort. C’est ainsi que la « nymphet » peut deve
812 naccessible par la différence d’âge et par l’idée de la mort. C’est ainsi que la « nymphet » peut devenir le support de l’
813 ainsi que la « nymphet » peut devenir le support de l’amour-passion, c’est-à-dire du désir infini qui échappe aux rythmes
814 qui échappe aux rythmes naturels et joue le rôle d’ un absolu préférable à la vie elle-même. La possession de cet inaccess
815 solu préférable à la vie elle-même. La possession de cet inaccessible devient alors l’extase, « la joie suprême », la « Hö
816 ’extase, « la joie suprême », la « Höchste Lust » d’ Isolde agonisante. Cependant, ceux qui ont lu Lolita avec plus d’amuse
817 ante. Cependant, ceux qui ont lu Lolita avec plus d’ amusement pervers que d’émotion, seront en droit de douter de la légit
818 i ont lu Lolita avec plus d’amusement pervers que d’ émotion, seront en droit de douter de la légitimité d’une interprétati
819 ’amusement pervers que d’émotion, seront en droit de douter de la légitimité d’une interprétation si solennelle. Certes, d
820 pervers que d’émotion, seront en droit de douter de la légitimité d’une interprétation si solennelle. Certes, du coup de
821 otion, seront en droit de douter de la légitimité d’ une interprétation si solennelle. Certes, du coup de foudre initial ju
822 l jusqu’à la mort des amants séparés, conséquence d’ un amour interdit qui les exile de la communauté et les consume sans l
823 és, conséquence d’un amour interdit qui les exile de la communauté et les consume sans les unir vraiment, on aura reconnu
824 ns aux péripéties et situations les plus typiques de la légende de Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois
825 ies et situations les plus typiques de la légende de Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’iro
826 ues de la légende de Tristan. Mais il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ironie frappe l’allusion. Ainsi, la
827 il est curieux de noter qu’à chaque fois un point d’ ironie frappe l’allusion. Ainsi, la mère du héros meurt très tôt (comm
828 ’avais 3 ans. » (Qu’on se rappelle le ton lugubre de destin, la « vieille et grave mélodie » qui marque la mort de la mère
829 a « vieille et grave mélodie » qui marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la s
830 marque la mort de la mère dans Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseurs enchantés,
831 Tristan !) Le nom de l’hôtel où se passe la nuit de la séduction, les Chasseurs enchantés, rappelle visiblement l’état de
832 Chasseurs enchantés, rappelle visiblement l’état de transe de la scène des aveux dans Tristan, mais toute la description
833 enchantés, rappelle visiblement l’état de transe de la scène des aveux dans Tristan, mais toute la description du lieu vi
834 mais ridiculisé par son échec : il ne s’agit que d’ un somnifère que H. H. fait prendre par ruse à Lolita, et qui se révèl
835 faible, le médecin qui l’a procuré s’étant trompé d’ étiquette ou ayant trompé son client. (Inversion point par point, et q
836 oint, et que l’on peut croire délibérée, du récit de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la
837 croire délibérée, du récit de l’erreur « fatale » de Brangien.) Comme dans Tristan, il est vrai, la polémique contre le ma
838 e l’auteur n’est pas intéressé par le côté sexuel de son histoire, mais uniquement par la magie de l’Éros, et il le dit19.
839 uel de son histoire, mais uniquement par la magie de l’Éros, et il le dit19. Comme dans Tristan, « les amants fuient le mo
840 mme dans Tristan, ils meurent à peu de temps l’un de l’autre, séparés. Mais leur mort est aussi sordide que fut grandiose,
841 n’a jamais répondu à la passion tendre et sauvage de son aîné. De là l’échec du Mythe et par compensation le ton « férocem
842 pondu à la passion tendre et sauvage de son aîné. De là l’échec du Mythe et par compensation le ton « férocement facétieux
843 able et ses plaisanteries un peu folles, sauvées ( de justesse parfois) de la vulgarité par une étourdissante virtuosité ve
844 ries un peu folles, sauvées (de justesse parfois) de la vulgarité par une étourdissante virtuosité verbale. Si Lolita avai
845 nsi que les choses se passent dans le grand livre de Musil, comme on le verra tout à l’heure. Mais l’absence, ici très fra
846 Mais l’absence, ici très frappante, non seulement de toute espèce d’impureté sentimentale, mais aussi de tout horizon spir
847 ici très frappante, non seulement de toute espèce d’ impureté sentimentale, mais aussi de tout horizon spirituel, réduit le
848 toute espèce d’impureté sentimentale, mais aussi de tout horizon spirituel, réduit le roman aux dimensions d’un tableau d
849 horizon spirituel, réduit le roman aux dimensions d’ un tableau de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’aute
850 tuel, réduit le roman aux dimensions d’un tableau de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’auteur, on acclam
851 de mœurs à la Hogarth. On partage les irritations de l’auteur, on acclame sa syntaxe et son vocabulaire, on rit souvent, o
852 , un Tristan manqué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cette immaturité, poin
853 qué. Et cela tient à l’immaturité de l’objet même de la passion décrite ; mais sans cette immaturité, point d’obstacle et
854 ssion décrite ; mais sans cette immaturité, point d’ obstacle et donc point de passion… Peut-être le livre, après tout, n’e
855 cette immaturité, point d’obstacle et donc point de passion… Peut-être le livre, après tout, n’est-il vraiment vicieux qu
856 ris, et son œuvre, en partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon de la littérature européenne. Le comique dévastant
857 partie posthume, ne cessera de monter à l’horizon de la littérature européenne. Le comique dévastant, la lucidité calme, l
858 e cessera de monter à l’horizon de la littérature européenne . Le comique dévastant, la lucidité calme, le lyrisme qui sourd en dép
859 calme, le lyrisme qui sourd en dépit de l’acuité d’ un regard constamment critique, l’infinie variété de l’investigation d
860 un regard constamment critique, l’infinie variété de l’investigation des relations humaines, des rôles sociaux, des problè
861 ations humaines, des rôles sociaux, des problèmes de l’amour et des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages de son d
862 les sociaux, des problèmes de l’amour et des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages de son dernier ouvrage20 une pu
863 des buts de la vie confèrent aux deux-mille pages de son dernier ouvrage20 une puissance d’envoûtement que je n’avais pas
864 ille pages de son dernier ouvrage20 une puissance d’ envoûtement que je n’avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux a
865 voûtement que je n’avais pas subie depuis l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute et d’accès combien plus facile, mais
866 is l’œuvre de Proust, mieux achevée sans doute et d’ accès combien plus facile, mais d’une moindre vertu spirituelle. J’aur
867 e sans doute et d’accès combien plus facile, mais d’ une moindre vertu spirituelle. J’aurais aimé parler de Musil, mais de
868 e moindre vertu spirituelle. J’aurais aimé parler de Musil, mais de lui seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer
869 spirituelle. J’aurais aimé parler de Musil, mais de lui seul… Et j’ai quelque scrupule à le faire figurer dans un context
870 le faire figurer dans un contexte qu’il dépasse, d’ autant plus qu’il s’agit ici d’aborder son chef-d’œuvre sans fin sous
871 xte qu’il dépasse, d’autant plus qu’il s’agit ici d’ aborder son chef-d’œuvre sans fin sous le seul angle de l’amour-passio
872 rder son chef-d’œuvre sans fin sous le seul angle de l’amour-passion. Par bonheur, il se trouve que Musil a décrit cette d
873 e disposition para-mystique dans un langage plein de correspondances avec celui de mes analyses du Mythe, et d’une précisi
874 ns un langage plein de correspondances avec celui de mes analyses du Mythe, et d’une précision si constante qu’elle me per
875 pondances avec celui de mes analyses du Mythe, et d’ une précision si constante qu’elle me permettra, bien souvent, de subs
876 si constante qu’elle me permettra, bien souvent, de substituer la citation au commentaire. Mais une chance plus bizarre v
877 il, non seulement touche à deux reprises le thème de l’amour passionné pour une enfant, mais surtout veut y voir une préfi
878 nfant, mais surtout veut y voir une préfiguration de l’amour interdit qui unira ses héros : Ulrich et Agathe, frère et sœu
879 ien attribuer à la logique du Mythe, en l’absence de tout autre élément qui autorise la comparaison de deux œuvres à ce po
880 de tout autre élément qui autorise la comparaison de deux œuvres à ce point inégales par le climat et l’ambition. Ulrich v
881 monta, elle avait peut-être 12 ans, en compagnie d’ un père très jeune ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’asseoir, de
882 gnie d’un père très jeune ou frère aîné. Sa façon d’ entrer, de s’asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de
883 père très jeune ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parc
884 e ou frère aîné. Sa façon d’entrer, de s’asseoir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parcours, c’était
885 ir, de tendre négligemment au contrôleur l’argent de deux parcours, c’était déjà une dame, mais sans trace d’affectation p
886 parcours, c’était déjà une dame, mais sans trace d’ affectation puérile… Elle était merveilleusement belle : brune, des lè
887 rveilleusement belle : brune, des lèvres pleines, de forts sourcils, un nez légèrement retroussé : une Polonaise noiraude
888 olonaise noiraude peut-être, ou une Slave du Sud… D’ une pareille apparition, on peut tomber passionnément, mortellement am
889 ue s’y mêle la moindre convoitise. Je me souviens d’ avoir regardé timidement les autres voyageurs, parce que j’avais l’imp
890 e le seul exemple qu’en trouve le héros est celui de l’attrait « mortel » pour une nymphet. Une autre fois, parlant encore
891 utre fois, parlant encore avec sa sœur des formes de l’amour « insaisissables » qui lui semblent d’ailleurs traduire « des
892 ec le monde », Ulrich conte de nouveau l’histoire de « la femme la plus merveilleuse qu’il eût croisée sur sa route » : « 
893 r sa route » : « Elle l’avait ravi comme un poème d’ amour écrit en secret, dont les allusions sont chargées d’un bonheur e
894 écrit en secret, dont les allusions sont chargées d’ un bonheur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de rapporter d
895 heur encore inconnu… — N’est-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? dit Agathe. — Seule une c
896 nconnu… — N’est-il pas contre nature de rapporter de telles émotions à une enfant ? dit Agathe. — Seule une convoitise gro
897 lle n’est pas faite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps et de cet esprit en formation, jouer sa pass
898 ite. Il devrait faire abstraction de l’immaturité de ce corps et de cet esprit en formation, jouer sa passion avec un part
899 faire abstraction de l’immaturité de ce corps et de cet esprit en formation, jouer sa passion avec un partenaire muet et
900 t et caché21… C’est une tout autre attitude, avec de tout autres suites ! » Et, comme il sent encore une sorte de réprobat
901 res suites ! » Et, comme il sent encore une sorte de réprobation, jalouse peut-être, chez Agathe, il ajoute : « Si j’ai ra
902 à souligner les mots révélateurs dans le contexte de notre analyse : tout y passerait ! Non seulement ces deux pages se tr
903 es se trouvent préfigurer une critique pénétrante de Lolita, mais elles introduisent un dialogue qui mène au cœur du drame
904 ntroduisent un dialogue qui mène au cœur du drame de la passion : L’amour fraternel ? demanda Agathe, comme si elle enten
905 rtes sont liées à des expériences qui sont toutes d’ une manière ou d’une autre impossibles, refuse les expériences possibl
906 des expériences qui sont toutes d’une manière ou d’ une autre impossibles, refuse les expériences possibles ! Il se peut q
907 la vie, un refuge pour la lâcheté et une caverne de vices, comme beaucoup le prétendent. Je crois que l’histoire de la pe
908 e beaucoup le prétendent. Je crois que l’histoire de la petite fille, et tous les autres exemples dont nous avons parlé, l
909 s exemples dont nous avons parlé, loin de relever de la monstruosité ou de la faiblesse, révèlent un refus du profane, une
910 vons parlé, loin de relever de la monstruosité ou de la faiblesse, révèlent un refus du profane, une insubordination, un d
911 tion, un désir démesuré et démesurément passionné d’ amour ! L’expérience impossible dans laquelle s’engage Ulrich se prés
912 se présente d’abord à sa méditation sous la forme d’ un besoin d’amour « délivré des contre-courants et des aversions socia
913 d’abord à sa méditation sous la forme d’un besoin d’ amour « délivré des contre-courants et des aversions sociales et sexue
914 es aversions sociales et sexuelles » : Il rêvait d’ une femme absolument inaccessible. Elle flottait devant ses yeux comme
915 Elle flottait devant ses yeux comme ces journées d’ arrière-automne à la montagne où l’air a quelque chose d’exsangue, d’a
916 re-automne à la montagne où l’air a quelque chose d’ exsangue, d’agonisant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de
917 la montagne où l’air a quelque chose d’exsangue, d’ agonisant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de la passion.
918 sant, tandis que les couleurs brûlent à l’extrême de la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur Agathe, retr
919 de la passion. À cette rêverie se mêle l’image de sa sœur Agathe, retrouvée après de longues années, et qui, fuyant son
920 e mêle l’image de sa sœur Agathe, retrouvée après de longues années, et qui, fuyant son mari, vient habiter le petit hôtel
921 herché sa voie seul et non sans insolence, le mot de sœur avait été chargé pour lui d’une nostalgie vague, bien qu’il n’eû
922 solence, le mot de sœur avait été chargé pour lui d’ une nostalgie vague, bien qu’il n’eût jamais songé, alors, qu’il possé
923 es phénomènes analogues sont fréquents. Dans plus d’ une existence, la sœur imaginaire n’est que la forme juvénile, insaisi
924 naire n’est que la forme juvénile, insaisissable, d’ un besoin d’amour qui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d
925 que la forme juvénile, insaisissable, d’un besoin d’ amour qui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau,
926 ui, plus tard, les rêves refroidis, se contentera d’ un oiseau, d’un animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité et l
927 , les rêves refroidis, se contentera d’un oiseau, d’ un animal quelconque, ou se tournera vers l’humanité et le prochain.
928 , ou se tournera vers l’humanité et le prochain. De Chateaubriand à d’Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romant
929 rs l’humanité et le prochain. De Chateaubriand à d’ Annunzio et à Thomas Mann, en passant par le romantisme allemand, fran
930 s et anglais, on sait assez la fortune littéraire de cette forme d’amour interdit, dont il serait curieux de chercher pour
931 n sait assez la fortune littéraire de cette forme d’ amour interdit, dont il serait curieux de chercher pourquoi l’époque o
932 te forme d’amour interdit, dont il serait curieux de chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil — veille de
933 e chercher pourquoi l’époque où se passe le roman de Musil — veille de la guerre de 1914 — connut peut-être les derniers p
934 i l’époque où se passe le roman de Musil — veille de la guerre de 1914 — connut peut-être les derniers prestiges. La lente
935 se passe le roman de Musil — veille de la guerre de 1914 — connut peut-être les derniers prestiges. La lente et fascinant
936 rniers prestiges. La lente et fascinante histoire de la prise de conscience, puis du choix de cet amour, par deux êtres en
937 histoire de la prise de conscience, puis du choix de cet amour, par deux êtres en tout point normaux, supérieurement intel
938 rement intelligents, intégrés dans la vie sociale d’ une capitale européenne mais irrités par son insignifiance, remplit la
939 ents, intégrés dans la vie sociale d’une capitale européenne mais irrités par son insignifiance, remplit la seconde partie de ce v
940 par son insignifiance, remplit la seconde partie de ce vaste roman. La réserve savante des descriptions, l’humour impitoy
941 ons échangées par le frère et la sœur, la qualité de leurs exigences morales et de leurs nostalgies spirituelles composent
942 la sœur, la qualité de leurs exigences morales et de leurs nostalgies spirituelles composent un philtre d’une efficacité i
943 eurs nostalgies spirituelles composent un philtre d’ une efficacité inégalée dans la littérature contemporaine. Ce n’est pa
944 st pas décadent ni scandaleux. S’agirait-il moins d’ un inceste que des relations entre Animus et Anima, comme l’avancent d
945 t des commentateurs ? Il ne s’agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamental de la psyché europée
946 s’agit, pour moi, que de la passion, c’est-à-dire d’ un secret fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’est ici que
947 la passion, c’est-à-dire d’un secret fondamental de la psyché européenne. L’inceste n’est ici que la condition même de la
948 c’est-à-dire d’un secret fondamental de la psyché européenne . L’inceste n’est ici que la condition même de la « dernière histoire
949 péenne. L’inceste n’est ici que la condition même de la « dernière histoire d’amour possible », et d’une admirable analyse
950 i que la condition même de la « dernière histoire d’ amour possible », et d’une admirable analyse du spectre spirituel de l
951 de la « dernière histoire d’amour possible », et d’ une admirable analyse du spectre spirituel de l’Occident. Voici la dia
952 , et d’une admirable analyse du spectre spirituel de l’Occident. Voici la dialectique d’Éros et d’Agapè, la lutte entre l’
953 tre spirituel de l’Occident. Voici la dialectique d’ Éros et d’Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange,
954 uel de l’Occident. Voici la dialectique d’Éros et d’ Agapè, la lutte entre l’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devo
955 ’élan qui porte l’homme vers l’ange, et le devoir d’ aimer les autres, fondement de toute société. « Avec une objectivité r
956 ’ange, et le devoir d’aimer les autres, fondement de toute société. « Avec une objectivité relative, il s’avoua que les re
957 lui avaient comporté dès le début une bonne dose d’ aversion pour la société… » Et Musil, dans une note pour l’un des chap
958 tend à Dieu, selon Adler, est celui qui est privé de sens communautaire — selon Schleiermacher, celui qui est indifférent
959 es les plus différentes, que c’est l’état présent de la société qui condamne la passion et rabat au mariage. Notre temps,
960 Notre temps, qui a probablement perdu la notion de passion amoureuse, parce que celle-ci est plus religieuse que sexuell
961 -ci est plus religieuse que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’amour, mais voue tous ses efforts au mariage,
962 que sexuelle, juge puéril de se préoccuper encore d’ amour, mais voue tous ses efforts au mariage, dont il analyse le proce
963 iculeuse vigueur. Déjà alors étaient parus nombre de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’un maître de gymnast
964 de ces livres qui parlent, avec la candeur loyale d’ un maître de gymnastique, des « révolutions de la vie sexuelle », et v
965 s qui parlent, avec la candeur loyale d’un maître de gymnastique, des « révolutions de la vie sexuelle », et veulent aider
966 ale d’un maître de gymnastique, des « révolutions de la vie sexuelle », et veulent aider les hommes à être mariés, et néan
967 L’homme et la femme n’y sont plus que « porteurs de germe mâle ou femelle » ou encore « partenaires sexuels » et l’on bap
968 baptise « problème sexuel » l’ennui qu’il s’agit de bannir de leurs rapports par toute espèce de variantes physiques ou p
969  problème sexuel » l’ennui qu’il s’agit de bannir de leurs rapports par toute espèce de variantes physiques ou psychiques.
970 agit de bannir de leurs rapports par toute espèce de variantes physiques ou psychiques. Mais le besoin de passion, rencon
971 ariantes physiques ou psychiques. Mais le besoin de passion, rencontrant l’interdit, qui est l’antisocial par excellence,
972 ence, projette immédiatement sur lui sa nostalgie d’ un désir infini, quitte à nommer destin cette projection. C’est alors
973 stin cette projection. C’est alors la dialectique de la pure passion tristanienne qui prend son essor : thèmes du regard,
974 stanienne qui prend son essor : thèmes du regard, de la tempête, et de l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs
975 d son essor : thèmes du regard, de la tempête, et de l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se croisè
976 r : thèmes du regard, de la tempête, et de l’épée de chasteté entre les corps : Lorsque leurs regards se croisèrent, il n
977 s, maintenant, leur étaient indifférents… Chacune de leurs respirations leur publiait leur connivence ; ils subissaient, e
978 subissaient, en bravant autrui, ce besoin commun de se délivrer enfin de la tristesse du désir, mais le subir avait déjà
979 ant autrui, ce besoin commun de se délivrer enfin de la tristesse du désir, mais le subir avait déjà tant de douceur que l
980 e subir avait déjà tant de douceur que les images de l’accomplissement étaient bien près de se détacher d’eux et les uniss
981 ’accomplissement étaient bien près de se détacher d’ eux et les unissaient déjà dans leur imagination, comme la tempête, de
982 la tempête, devant les vagues, cravache un voile d’ écume ; une exigence plus forte encore leur commandait le calme, et il
983 eur commandait le calme, et ils furent incapables de se toucher de nouveau. L’équivoque essentielle entre l’amour projeté
984 lle entre l’amour projeté sur l’autre et le refus de la possession qui mettrait un terme au désir, explique le choix d’un
985 qui mettrait un terme au désir, explique le choix d’ un objet interdit, recréant sans cesse la distance nécessaire à « l’am
986 ant sans cesse la distance nécessaire à « l’amour de loin » des troubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il désir de l’au
987 roubadours. Mais quel est ce désir ? Est-il désir de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil en parlent av
988 de l’autre, ou seulement Désir en soi ? Les héros de Musil en parlent avec une sorte de lucidité toute goethéenne, voire u
989 oi ? Les héros de Musil en parlent avec une sorte de lucidité toute goethéenne, voire un peu didactique par endroit : Dir
990 ellement une personne irréelle ? — Là est le nœud de l’affaire : dans tous les rapports extérieurs, la personne réelle doi
991 personne rêvée et même ne faire qu’un avec elle. D’ où les innombrables confusions qui donnent au naïf commerce de l’amour
992 ombrables confusions qui donnent au naïf commerce de l’amour un caractère spectral si fascinant. C’est pourquoi les amant
993 à invoquer le mythe platonicien des deux moitiés de l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui n
994 ux moitiés de l’être qui se cherchent : Ce désir d’ un double de l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant
995 e l’être qui se cherchent : Ce désir d’un double de l’autre sexe qui nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’
996 nous ressemble absolument tout en étant un autre, d’ une créature magique qui soit nous tout en possédant l’avantage, sur t
997 ossédant l’avantage, sur toutes nos imaginations, d’ une existence autonome… on en retrouve des traces jusque dans les circ
998 es jusque dans les circonstances les plus banales de l’amour : dans l’attrait lié à tout changement, à tout travesti, comm
999 ngement, à tout travesti, comme dans l’importance de l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les i
1000 travesti, comme dans l’importance de l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les implacables passi
1001 ans l’importance de l’unisson et de la répétition de soi dans l’autre… Les grandes, les implacables passions amoureuses so
1002 e plus secret l’épier derrière le rideau des yeux d’ un autre. D’où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’in
1003 l’épier derrière le rideau des yeux d’un autre. D’ où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’indistinction q
1004 où l’illusion que le Moi s’abolit dans cette Nuit de l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan : La nuit bri
1005 it de l’indistinction que chante le deuxième acte de Tristan : La nuit brillante enferme en ses bras maternels toutes les
1006 es contradictions, et sur son cœur, il n’est plus de parole vraie ou fausse, chacune étant, hors de l’obscur, l’incomparab
1007 étant, hors de l’obscur, l’incomparable naissance de l’esprit, celle que l’homme connaît dans l’invention d’une pensée… Da
1008 sprit, celle que l’homme connaît dans l’invention d’ une pensée… Dans ces nuits-là, le Moi ne retient rien en lui-même… le
1009 … le Soi-même exalté rayonne dans un oubli infini de soi-même… » Mais Agathe dit un peu plus tard : « Pourquoi ne connais-
1010 dernier moment, nous sépare ? Mais ici, le roman de Musil s’engage dans deux voies divergentes : il nous en reste des fra
1011 ns passeports dans une île de l’Adriatique. Notes de Musil, pour un chapitre intitulé Le Voyage au Paradis : C’est notre
1012 est interdit. Mais nous ne nous tuerons pas avant d’ avoir fait une tentative extrême. Le monde est fugace, fluide : fais c
1013 nt un bonheur dont ils ne savaient pas si c’était de la tristesse ; seule la conviction d’être élus pour vivre l’exception
1014 si c’était de la tristesse ; seule la conviction d’ être élus pour vivre l’exceptionnel retint leurs larmes… Avec les form
1015 Mais cet accomplissement dans l’Ile, symbolique de l’abolition du social, dévoile l’échec fondamental de toute passion :
1016 ’abolition du social, dévoile l’échec fondamental de toute passion : Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’amour possib
1017 passion : Entre deux êtres isolés, il n’y a pas d’ amour possible » reconnaît Ulrich. « Un amour peut naître par défi, il
1018 amour peut naître par défi, il ne peut être fait de défi. Il faut qu’il soit inséré dans une société. Il n’est pas un con
1019 inséré dans une société. Il n’est pas un contenu de vie, mais une négation, une exception faite à tous les contenus de vi
1020 négation, une exception faite à tous les contenus de vie. Or il faut à une exception quelque chose dont elle soit l’except
1021 hose dont elle soit l’exception. On ne peut vivre d’ une négation pure. Sous une forme intellectualisée — il s’agit de sim
1022 ure. Sous une forme intellectualisée — il s’agit de simples notes pour une suite à écrire — Musil transpose ici l’épisode
1023 dans la forêt du Morois : le philtre ayant cessé d’ agir après trois ans, ils découvrent que le monde existe encore et les
1024 uelle départie ! ». Mais il y a plus. La lucidité de Musil s’attaque ici à la formule même du Roman et la détruit. Si la p
1025 i le Jour peut reprendre ses droits, l’expérience de l’amour interdit échoue dans la réalité, et le Roman dans l’analyse p
1026 e du Mythe, pour s’engager dans la voie difficile d’ une recherche de l’amour mystique : c’est ce qu’il nomme le règne mill
1027 s’engager dans la voie difficile d’une recherche de l’amour mystique : c’est ce qu’il nomme le règne millénaire ou l’acce
1028 énaire ou l’accession à l’« autre vie », à l’état d’ amour pur, à l’extase d’un amour non plus égocentrique, mais bien allo
1029 l’« autre vie », à l’état d’amour pur, à l’extase d’ un amour non plus égocentrique, mais bien allocentrique : « N’avoir pl
1030 ntrique, mais bien allocentrique : « N’avoir plus de centre du tout, participer au monde sans réserve, sans rien garder po
1031 ien garder pour soi, au sommet, cesser simplement d’ être. » Cette attitude, qui rejoint le détachement bouddhique, mais qu
1032 mais qui pourrait aussi manifester la rédemption de la passion par l’amour vrai, est décrite au somptueux chapitre intitu
1033 t décrite au somptueux chapitre intitulé Souffles d’ un jour d’été. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre l
1034 au somptueux chapitre intitulé Souffles d’un jour d’ été. Il ne s’y passe rien qu’une longue conversation entre le frère et
1035 e vert assombri des pelouses le fleuve silencieux d’ une neige de fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence,
1036 bri des pelouses le fleuve silencieux d’une neige de fleurs. À ce point, la passion fait place à la présence, la souffranc
1037 tre, qui eût été, selon certains, le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de la présence mystique eût pris la pla
1038 le couronnement de l’œuvre. Ainsi le Jardin clos de la présence mystique eût pris la place de l’Ile de la passion mortell
1039 in clos de la présence mystique eût pris la place de l’Ile de la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne é
1040 e la présence mystique eût pris la place de l’Ile de la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche fû
1041 e de la passion mortelle. Et le Voyage au Paradis de l’ancienne ébauche fût devenu le « Voyage vers Dieu » auquel font all
1042 allusion plusieurs notes pour le livre. Au terme d’ un périple romanesque où tous les thèmes constants de la passion sont
1043 n périple romanesque où tous les thèmes constants de la passion sont apparus et ont grandi l’un après l’autre, pour s’évan
1044 s îles dépassées, ce Jardin clos serait l’Ithaque d’ une moderne Odyssée spirituelle. Mais cette présence heureuse dans l’a
1045 si un mystère plus prochain, une autre rédemption de l’éros par l’Agapè ? L’interdit fascinant de l’amour sororal n’aurait
1046 tion de l’éros par l’Agapè ? L’interdit fascinant de l’amour sororal n’aurait-il pas été le travesti — tout à fait inconsc
1047 avesti — tout à fait inconscient, j’en suis sûr — d’ un amour trop réel pour oser dire son nom dans un roman ? L’amour heur
1048 e son nom dans un roman ? L’amour heureux n’a pas d’ histoire, chacun sait cela depuis qu’on écrit des romans et qui passio
1049 eux de l’écrivain et du lecteur, que toute espèce d’ inceste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage est une terre in
1050 vain et du lecteur, que toute espèce d’inceste ou de passion maudite ? L’érotique du mariage est une terre inconnue pour l
1051 approchée plus que nul autre. Je signale au génie de demain ce précurseur considérable, que sa lucidité a seule retenu d’a
1052 seur considérable, que sa lucidité a seule retenu d’ achever l’un des plus beaux romans de l’Europe de naguère. IVLa pas
1053 seule retenu d’achever l’un des plus beaux romans de l’Europe de naguère. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’
1054 retenu d’achever l’un des plus beaux romans de l’ Europe de naguère. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’une enquê
1055 d’achever l’un des plus beaux romans de l’Europe de naguère. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’une enquête
1056 re. IVLa passion Boris Pasternak Il résulte d’ une enquête récente, conduite dans le public américain, que les préfér
1057 l’enquête, les conditions requises pour un succès de vente. En même temps paraissaient à New York deux romans écrits par d
1058 l’autre des sentiments et obsessions que bien peu d’ hommes et moins encore de femmes ont pu vivre aux États-Unis ; l’un ra
1059 obsessions que bien peu d’hommes et moins encore de femmes ont pu vivre aux États-Unis ; l’un raillant cruellement le way
1060 cette fortune subite (réduisant à néant les dires d’ experts) soit le seul trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraî
1061 trait commun aux deux ouvrages : elle m’en paraît d’ autant plus surprenante. Je vois bien qu’on peut l’attribuer à des mot
1062 dentels et différents, scandale moral dans le cas de Lolita, manifestation politique dans le cas du Docteur Jivago. Mais c
1063 ne version américaine du « réalisme socialiste », d’ où l’amour-passion est exclu. Or je vois triompher dans ce même public
1064 je vois triompher dans ce même public deux romans de l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’agit d’un refoulement ? Ou simplem
1065 romans de l’amour-passion. Dira-t-on qu’il s’agit d’ un refoulement ? Ou simplement que les questions posées suggéraient de
1066 du xxe siècle américain, nonobstant les progrès de l’éducation sexuelle et la préparation rationnelle au mariage dès les
1067 préparation rationnelle au mariage dès les bancs de l’école primaire. Cependant, l’attribution du prix Nobel ayant fait d
1068 u prix Nobel ayant fait du Docteur Jivago l’objet d’ une polémique mondiale où l’URSS et l’Ouest s’affrontent une fois de p
1069 , d’ailleurs, qui ne sont pas dans ce livre, plus d’ un lecteur sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roma
1070 livre, plus d’un lecteur sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va p
1071 sera sincèrement choqué de m’en voir parler comme d’ un roman d’amour. À vrai dire, ma thèse va plus loin : c’est « l’affai
1072 ement choqué de m’en voir parler comme d’un roman d’ amour. À vrai dire, ma thèse va plus loin : c’est « l’affaire Pasterna
1073 oman lui-même, que j’interprète comme une affaire d’ amour-passion. Voyons les faits. Pasternak écrit un énorme roman (dont
1074 e seulement sera publiée) décrivant les prodromes de la révolution russe, puis les luttes des années héroïques, jusqu’à la
1075 al que le roman condamné ne puisse paraître qu’en Europe . Il est normal que le jury du prix Nobel le couronne parce que c’est
1076 ie et rejette le glorieux confrère en le couvrant d’ insultes officielles. Dans le concert mondial qui s’ensuit, hommages e
1077 hommages en Occident, outrages en URSS et lettres de cosaques zaporogues au Kremlin, tout est scandaleusement normal, jusq
1078 é qu’elles ne mettraient aucun obstacle au départ de l’écrivain — ce qui laissait prévoir un décret d’expulsion — Boris Pa
1079 de l’écrivain — ce qui laissait prévoir un décret d’ expulsion — Boris Pasternak adresse au Maître de la Russie une lettre
1080 es deux phrases : « Le départ hors des frontières de ma patrie équivaudrait pour moi à la mort, et c’est pourquoi je vous
1081 moi à la mort, et c’est pourquoi je vous supplie de ne pas prendre à mon égard cette mesure extrême… J’insiste, la main s
1082 peuple. Comment comprendre cette démarche, venant d’ un homme qu’on ne peut soupçonner de lâcheté ? Le peuple russe condamn
1083 arche, venant d’un homme qu’on ne peut soupçonner de lâcheté ? Le peuple russe condamne Pasternak pour avoir mal parlé des
1084 ait un acte politique, comme on a voulu le croire de part et d’autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totaleme
1085 politique, comme on a voulu le croire de part et d’ autre. Sensible à la présence cachée d’une logique totalement différen
1086 de part et d’autre. Sensible à la présence cachée d’ une logique totalement différente de celle qui dicte normalement les p
1087 ésence cachée d’une logique totalement différente de celle qui dicte normalement les prises de position et gestes politiqu
1088 férente de celle qui dicte normalement les prises de position et gestes politiques, mais n’ayant encore lu, lorsque éclata
1089 it tout, y compris le reniement, à se voir séparé de l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui dans un silence humi
1090 compris le reniement, à se voir séparé de l’objet de son amour, dût-il vivre auprès de lui dans un silence humilié et sans
1091 é et sans espoir. Mais quelle peut être la nature de cette « Iseut » inaccessible, dont il semble être le Tristan ? Et que
1092 e. Ils sont de nouveau séparés par les péripéties de la guerre civile. Finalement, le hasard les réunit dans une maison pe
1093 où Jivago se cache, traqué par la nouvelle police d’ un régime qu’il a pourtant servi. On leur offre un moyen clandestin de
1094 pourtant servi. On leur offre un moyen clandestin de sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui est enlevée par un puissan
1095 ervi. On leur offre un moyen clandestin de sortir de Russie : Jivago refuse. Lara lui est enlevée par un puissant politici
1096 épouse sans amour une jeune fille qui s’occupait de son ménage, puis la quitte et meurt dans la foule. Inexplicablement r
1097 et va mourir en Sibérie. Ainsi, tous les moments de la Légende transparaissent et se recomposent l’un après l’autre, avec
1098 Tristan, depuis l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passion, au xiie siècle. Écoutez-la, cette « vieil
1099 l’épiphanie grandiose et décisive de l’archétype de la passion, au xiie siècle. Écoutez-la, cette « vieille et grave mél
1100 dirons encore l’un à l’autre nos paroles secrètes de la nuit, grande et pacifique comme le nom de l’Océan d’Asie. Ce n’est
1101 ètes de la nuit, grande et pacifique comme le nom de l’Océan d’Asie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vi
1102 nuit, grande et pacifique comme le nom de l’Océan d’ Asie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange
1103 sie. Ce n’est pas un hasard si tu es là, au terme de ma vie, mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres e
1104 mon ange secret, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et d’insurrections ; il y a bien longtemps, au commencement d
1105 et, mon ange interdit, sous un ciel de guerres et d’ insurrections ; il y a bien longtemps, au commencement de ma vie, sous
1106 rections ; il y a bien longtemps, au commencement de ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la mêm
1107 au commencement de ma vie, sous le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au
1108 us le ciel paisible de mon enfance, tu es apparue de la même manière… Souvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ai tenté d
1109 ouvent, plus tard, au cours de ma vie, j’ai tenté de définir, de donner un nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dan
1110 tard, au cours de ma vie, j’ai tenté de définir, de donner un nom au sortilège lumineux que tu avais jeté dans mon âme, à
1111 e avec mon existence même, qui est devenue la clé de toutes les portes du monde, grâce à toi. Une fois de plus, la passio
1112 monde : Jivago et Lara détestent « les principes d’ un culte menteur de la société, transformé en politique ». Une fois de
1113 Lara détestent « les principes d’un culte menteur de la société, transformé en politique ». Une fois de plus, la passion s
1114 tre la société : Plus encore que leur communauté d’ âme, l’abîme qui les séparait du monde les unissait. Tous deux avaient
1115 aversion pour tout ce que l’homme contemporain a de fatalement typique, pour son enthousiasme de commande, pour son empha
1116 in a de fatalement typique, pour son enthousiasme de commande, pour son emphase criarde… Ils faisaient exception… le souff
1117 hase criarde… Ils faisaient exception… le souffle de la passion se posait sur leur existence condamnée… Mais qui est Lara
1118 n la perdant, dit Jivago, « il perdrait sa raison de vivre et peut-être même la vie. » Exagération romantique ? Non, c’est
1119 gération romantique ? Non, c’est la vérité vitale d’ un poète. « Depuis son enfance, il aimait la forêt lorsque le soir ell
1120 par le feu du couchant », et les scènes décisives de ce roman de poète sont toujours éclairées par le même soleil rouge so
1121 u couchant », et les scènes décisives de ce roman de poète sont toujours éclairées par le même soleil rouge sortant au bas
1122 ouge sortant au bas des nuages et rasant la forêt de ses derniers rayons. C’est cette image qui lui fait voir « dans la na
1123 ut le monde visible le visage immense et innocent d’ une petite fille ». Mais voici l’aveu décisif ; et cette ambiguïté qu
1124 qui m’arrêtait (parlent-ils donc, ces romanciers, d’ une société, d’un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une
1125 (parlent-ils donc, ces romanciers, d’une société, d’ un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyriq
1126 donc, ces romanciers, d’une société, d’un paysage de l’âme, ou d’une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait
1127 anciers, d’une société, d’un paysage de l’âme, ou d’ une femme ?) se fond dans une identité lyrique : Au fait, qu’était-el
1128 vait toujours une réponse prête. C’est une soirée de printemps. L’air est tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jou
1129 est une soirée de printemps. L’air est tout piqué de sons. Les voix des enfants qui jouent sont éparpillées un peu partout
1130 out comme pour montrer que l’espace est palpitant de vie. Et ce lointain, c’est la Russie, cette mère glorieuse, incompara
1131 is sublimes et tragiques ! Oh ! comme il est doux d’ exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! O
1132  ! comme il est doux d’exister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire
1133 ister. Comme il est doux de vivre sur la terre et d’ aimer la vie ! Oh ! comme l’on voudrait dire merci à la vie même, à l’
1134 et la parole offertes en don aux principes muets de l’existence. Dès cet instant, dès cet aveu, dès que l’identité de La
1135 Dès cet instant, dès cet aveu, dès que l’identité de Lara et de la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce
1136 tant, dès cet aveu, dès que l’identité de Lara et de la Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient d
1137 Russie est expressément déclarée, tout s’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre a
1138 ’éclaire de ce qui vient de se passer dans la vie de Boris Pasternak. Sa lettre au Maître du Kremlin, nous en lisons les t
1139 ant qui a su détourner à son profit le Pouvoir né de la révolution et qui va confisquer Lara) offre l’exil à Jivago. Ce de
1140 Ce dernier lui répond, sans motiver son refus : «  De mon départ, il ne saurait être question. » Mais il ajoute un peu plus
1141 t me traîner humblement à vos pieds pour recevoir de vos mains Lara, la vie, le moyen de retrouver ma famille, le salut… L
1142 pour recevoir de vos mains Lara, la vie, le moyen de retrouver ma famille, le salut… La nouvelle que vous m’annoncez m’aba
1143 seule chose que je puisse faire maintenant, c’est de vous approuver machinalement et de m’en remettre à vous aveuglément.
1144 ntenant, c’est de vous approuver machinalement et de m’en remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vai
1145 remettre à vous aveuglément. Ainsi, pour le bien de Lara, je vais jouer la comédie… VPassion et société Toute pass
1146 VPassion et société Toute passion se nourrit de négation, parce qu’elle assume et souffre l’exception, au sens kierke
1147 tout ce qui règle officiellement la vie sociale. D’ où la présence continuelle, dans nos trois romans tristaniens, de la S
1148 e continuelle, dans nos trois romans tristaniens, de la Société et de ses conventions ; d’où la critique mordante à laquel
1149 ns nos trois romans tristaniens, de la Société et de ses conventions ; d’où la critique mordante à laquelle les soumet le
1150 ristaniens, de la Société et de ses conventions ; d’ où la critique mordante à laquelle les soumet le héros, parlant pour l
1151 arlant pour l’auteur : cette critique fait partie de la justification de la passion, bien plus qu’elle ne relève d’un syst
1152  : cette critique fait partie de la justification de la passion, bien plus qu’elle ne relève d’un système politique ou soc
1153 cation de la passion, bien plus qu’elle ne relève d’ un système politique ou social différent ; en d’autres termes, l’hosti
1154 insi, Tristan, modèle du chevalier, est contraint de violer le sacré féodal, devient traître et félon et se voit exilé de
1155 féodal, devient traître et félon et se voit exilé de la communauté des preux, non point parce qu’il approuve quelque nouve
1156 approuve quelque nouvelle doctrine annonciatrice de subversions sociales — comme il n’en manquait pas au xiie siècle — m
1157 ie siècle — mais parce qu’il est devenu la proie d’ un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion. J’ai montré dans
1158 proie d’un pouvoir beaucoup plus absolu : l’état de passion. J’ai montré dans L’Amour et l’Occident comment cet état pr
1159 le, qu’on attribue donc au Destin. (Mes citations de Musil ont illustré ce point.) C’est l’état de passion qu’on aime d’ab
1160 ons de Musil ont illustré ce point.) C’est l’état de passion qu’on aime d’abord, en soi, plutôt qu’Iseut l’inaccessible. C
1161 les excite à une loquacité intarissable — lettres d’ amour, traités mystiques — et procédant généralement par antithèses et
1162 tithèses et paradoxes. Car on n’aura jamais assez de mots et de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entre
1163 paradoxes. Car on n’aura jamais assez de mots et de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pou
1164 n’aura jamais assez de mots et de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pour tenter de cerner
1165 ts et de métaphores, et de clichés réinventés, et de symboles entrecroisés pour tenter de cerner cet indicible qu’on voudr
1166 inventés, et de symboles entrecroisés pour tenter de cerner cet indicible qu’on voudrait mais qu’on ne peut communiquer. D
1167 le qu’on voudrait mais qu’on ne peut communiquer. De là que la forme de passion la plus commune, parce que la mieux commun
1168 ais qu’on ne peut communiquer. De là que la forme de passion la plus commune, parce que la mieux communicable, soit celle
1169 nce entre un désir sexuel et l’état d’âme, l’état d’ être amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête
1170 l’état d’être amoureux. La passion amoureuse est, de toutes, celle qui se prête le mieux au récit. La sexualité pure et l’
1171 acte, et leur description ennuie vite. La passion de l’Éros est vraie d’abord en rêve, et n’existe peut-être jamais mieux
1172 te peut-être jamais mieux que dans l’élan lyrique de son récit. Lié plus que tout autre à la littérature par une complici
1173 ue tout autre à la littérature par une complicité d’ origine et d’essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère mo
1174 à la littérature par une complicité d’origine et d’ essence, l’amour-passion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépendant
1175 ion, nous l’avons vu, n’est guère moins dépendant de cette société qu’il récuse : c’est elle qui lui a fourni, jusqu’à nos
1176 érique contemporaine, certaines modes littéraires de l’époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’aller dans leur
1177 époque 1900, permettent à un Nabokov, à un Musil, d’ aller dans leurs romans jusqu’au point périlleux où le scandale reste
1178 e efficace tandis que la censure hésite. Le Roman de Tristan n’apparut dans l’histoire qu’au temps où la réforme grégorien
1179 lement l’hérésie du Midi, mais l’élite culturelle de l’Europe. Ainsi, le roman de Pasternak ne vint au jour qu’au lendemai
1180 t l’hérésie du Midi, mais l’élite culturelle de l’ Europe . Ainsi, le roman de Pasternak ne vint au jour qu’au lendemain du « dé
1181 s l’élite culturelle de l’Europe. Ainsi, le roman de Pasternak ne vint au jour qu’au lendemain du « dégel » soviétique : r
1182 le roman trouve les meilleures chances à la fois de se déclarer et de propager sa contagion. Il y a plus. La nature des i
1183 es meilleures chances à la fois de se déclarer et de propager sa contagion. Il y a plus. La nature des interdits sociaux d
1184 étermine le niveau psychologique et le style même d’ un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est de beaucoup le plus trad
1185 e d’un roman. Le Docteur Jivago, par exemple, est de beaucoup le plus traditionnel des trois romans qu’on vient de considé
1186 trois romans qu’on vient de considérer. L’ouvrage de Musil, au contraire, déploie tant de raffinements formels, intellectu
1187 urrait intégrer dans la littérature les démarches de la science et de la psychologie les plus récentes. C’est que la natur
1188 ans la littérature les démarches de la science et de la psychologie les plus récentes. C’est que la nature des obstacles d
1189 ssus est-il irréversible ? Fait-il prévoir la fin d’ un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la li
1190 révoir la fin d’un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature entretenait le culte ? Que
1191 ’un genre, qui serait aussi la fin de cette forme de passion dont la littérature entretenait le culte ? Quels tabous subsi
1192 re entretenait le culte ? Quels tabous subsistant de nos jours pourraient-ils encore provoquer les épiphanies romanesques
1193 t-ils encore provoquer les épiphanies romanesques de Tristan et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le con
1194 rovoquer les épiphanies romanesques de Tristan et de l’amour-passion ? Le totalitarisme soviétique et le conformisme des m
1195 et le conformisme des mœurs dans les démocraties de l’Occident ne sont plus défendus sans scrupules par les élites des de
1196 lus condamnée, mais simplement soignée, aux frais de la Sécurité sociale. Quel génie saura-t-il déjouer ce plan d’asepsie
1197 té sociale. Quel génie saura-t-il déjouer ce plan d’ asepsie spirituelle ? Mais j’imagine parfois d’autres obstacles, plus
1198 t vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’ un amour exigeant le mystère le mieux défendu, — Éros et Agapè ne pour
1199 u nul tabou ne vient symboliser, pour les besoins de la fable et la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle e
1200 able et la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même 
1201 stacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascina
1202 dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ?6 16. On sait que Mu
1203 graphique » du livre évoque une parodie du voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. 18. D’une manière implicite ou v
1204 oyage de Nils Holgersson à travers la Suède. 18. D’ une manière implicite ou voilée dans Béroul et Thomas, explicite et ag
1205 érique). N’importe qui peut imaginer ces éléments d’ animalité. C’est une plus grande entreprise qui me tente : fixer une f
1206 finissait le génie. La belle traduction française de Philippe Jaccottet s’intitule : L’Homme sans qualités. 21. Ailleurs,
1207 urs, Musil revient sur ce thème : « Un partenaire de valeur inégale déséquilibre l’amour ; seulement, il faudrait ajouter
1208 n déséquilibre du sentiment qui entraîne le choix d’ un tel objet. » Voir ma remarque sur le cercle vicieux de Lolita.
1209 l objet. » Voir ma remarque sur le cercle vicieux de Lolita.
11 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Deux princes danois. Kierkegaard et Hamlet
1210 rinces danois Kierkegaard et Hamlet La carrière de Søren Kierkegaard s’est déroulée en une douzaine d’années comme un dr
1211 Søren Kierkegaard s’est déroulée en une douzaine d’ années comme un drame unique, intense, inexorablement motivé à chaque
1212 , intense, inexorablement motivé à chaque instant de son progrès. Sa première œuvre importante, L’Alternative, parut en 18
1213 sure qu’il se fit mieux comprendre, dans la suite de ses ouvrages composés et publiés au rythme accéléré de trois ou quatr
1214 s ouvrages composés et publiés au rythme accéléré de trois ou quatre volumes par an, le public s’écarta, effrayé. Et, lors
1215 s’écarta, effrayé. Et, lorsqu’en 1854 il attaqua de front le christianisme officiel et les évêques, qui avaient loué ses
1216 ute l’opinion, il s’effondra dans la rue au cours d’ une promenade. On le transporta dans un hôpital où il mourut en quelqu
1217 un hôpital où il mourut en quelques semaines, âgé de 42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame fut la rupture de ses
1218 aines, âgé de 42 ans. Le seul événement extérieur de ce drame fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise i
1219 ul événement extérieur de ce drame fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen, crise initiale qui libéra le jaill
1220 Olsen, crise initiale qui libéra le jaillissement de toute son œuvre. Mais l’acte que cette œuvre préparait, cet acte aprè
1221 ce Hamlet — autre Danois — il put mourir, certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
1222 eudonymes symboliques. Il qualifiait ces ouvrages de « communications indirectes » ; et ces pseudonymes figuraient les per
1223 s » ; et ces pseudonymes figuraient les personnes d’ un drame dont lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vi
1224 t lui seul détenait la clé. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masque à la lutte, au cours de la polémiqu
1225 ve qui devait le mener à la mort. Ainsi, le drame de Kierkegaard fut typiquement celui d’une vocation. Toute son intrigue
1226 si, le drame de Kierkegaard fut typiquement celui d’ une vocation. Toute son intrigue consiste dans le dévoilement progress
1227 onsiste dans le dévoilement progressif du sens et de la fin de cette vocation, secrètement orientée, dès le début, vers un
1228 ns le dévoilement progressif du sens et de la fin de cette vocation, secrètement orientée, dès le début, vers une action u
1229 saut final, l’accomplissement, que le héros paie de sa vie. Or il existe, dans la littérature occidentale, un prototype d
1230 te, dans la littérature occidentale, un prototype de cette action tragique, une pièce célèbre dont il nous apparaît que la
1231 et le progrès même présentent avec la biographie de Kierkegaard les plus frappantes analogies. Sans nous attarder sur la
1232 s. Sans nous attarder sur la coïncidence qui fait d’ Hamlet un prince danois — et l’on peut rêver là-dessus — rappelons d’a
1233 nous suggèrent un parallèle possible. L’histoire d’ Hamlet peut se résumer ainsi : un jeune homme profondément mélancoliqu
1234 , qu’il ne peut révéler qu’indirectement, l’isole de ses semblables, l’oblige à rompre ses fiançailles avec la très jeune
1235 voit contraint, par des circonstances fortuites, de réaliser l’acte unique devant lequel il balançait. Il tue l’usurpateu
1236 ncolie, secret qu’il faut garder tout en essayant de le faire deviner, rupture des fiançailles, enfin dénonciation éclatan
1237 ure des fiançailles, enfin dénonciation éclatante d’ une usurpation que tout le monde s’accordait à passer sous silence : c
1238 nde s’accordait à passer sous silence : ce résumé d’ Hamlet ne vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de K
1239 ’Hamlet ne vaut-il pas identiquement comme résumé de la biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de p
1240 l pas identiquement comme résumé de la biographie de Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de pousser ce parallè
1241 e Kierkegaard ? Il reste à voir s’il est possible de pousser ce parallèle beaucoup plus loin dans le détail. Ce serait peu
1242 dans le détail. Ce serait peut-être un bon moyen d’ illustrer à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et, d’une maniè
1243 n moyen d’illustrer à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et, d’une manière générale, ce que l’on pourrait nommer l
1244 à la fois la pensée et la vie de Kierkegaard et, d’ une manière générale, ce que l’on pourrait nommer les lois ou la psych
1245 e l’on pourrait nommer les lois ou la psychologie d’ une vocation. Considérons d’abord le caractère des deux héros, l’un fi
1246 , jeune prince royal, est un intellectuel. Il n’a d’ autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y li
1247 al, est un intellectuel. Il n’a d’autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosop
1248 n’a d’autre désir que de retourner à l’Université de Wittenberg, pour s’y livrer à la philosophie. S’il demeure à la cour,
1249 cour, c’est uniquement par obéissance aux désirs de sa mère. Il ne peut prendre son parti de la commune condition humaine
1250 x désirs de sa mère. Il ne peut prendre son parti de la commune condition humaine. Une incurable mélancolie le possède et
1251 lancolie le possède et lui fait trouver les biens de ce monde « fastidieux, usés et vulgaires ». Le suicide le tente. Mais
1252 éussit à masquer cette mélancolie sous des dehors d’ une gaieté sarcastique, d’un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux
1253 ancolie sous des dehors d’une gaieté sarcastique, d’ un esprit pétulant, prompt à l’ironie et aux métaphores baroques. Voyo
1254 i aussi se sent un prince. « Il y a quelque chose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui au
1255 ose de royal dans mon être », fait-il dire à l’un de ses pseudonymes. Lui aussi voudrait « retourner à Wittenberg », c’est
1256 s’abandonner à son génie dialectique, aux projets de poète et de philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Acad
1257 à son génie dialectique, aux projets de poète et de philosophe qu’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie de Berl
1258 u’il avait conçus pendant son séjour à l’Académie de Berlin ; mais il se résout à passer simplement son examen de théologi
1259 mais il se résout à passer simplement son examen de théologie, par obéissance aux désirs de son père. Et surtout, lui aus
1260 on examen de théologie, par obéissance aux désirs de son père. Et surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte de neu
1261 on père. Et surtout, lui aussi se sait la victime d’ une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’e
1262 surtout, lui aussi se sait la victime d’une sorte de neurasthénie : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’une
1263 : « J’ai vécu dès mes jeunes années sous l’empire d’ une immense mélancolie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté
1264 d’une immense mélancolie, dont la profondeur n’a d’ égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. »
1265 ie, dont la profondeur n’a d’égale que ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais
1266 e ma faculté de la dissimuler sous des apparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais armé d’une foi presque téméraire en m
1267 pparences de gaieté. » Ou encore : « J’étais armé d’ une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sau
1268 s armé d’une foi presque téméraire en ma capacité de pouvoir toutes choses, sauf une : devenir un oiseau libre, ne fût-ce
1269 re, ne fût-ce qu’un seul jour, rompre les chaînes de la mélancolie, où une autre puissance me retenait. » Cette dispositio
1270 de la vivre réellement ; mais, quoique prisonnier de son tourment, il a reçu « la liberté illimitée de pouvoir donner le c
1271 de son tourment, il a reçu « la liberté illimitée de pouvoir donner le change ». Voici donc Hamlet tel que nous le décrive
1272 e nous le décrivent les premières scènes du drame de Shakespeare, et Kierkegaard tel qu’il se montre dans son premier ouvr
1273 L’Alternative : deux princes vraiment, deux êtres d’ exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie com
1274 princes vraiment, deux êtres d’exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une
1275 t, deux êtres d’exception, pleins de hardiesse et de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’une mystérieuse méla
1276 de fierté, mais inaptes à la vie commune, à cause d’ une mystérieuse mélancolie qu’ils dissimulent sous un masque ironique.
1277 ue leur nature psychologique, à devenir des êtres d’ exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît sous
1278 r des êtres d’exception. Hamlet reçoit sa mission de son père, qui lui apparaît sous la forme d’un spectre. Assassiné, dit
1279 ssion de son père, qui lui apparaît sous la forme d’ un spectre. Assassiné, dit-il, par le roi actuel, qui n’est donc qu’un
1280 st donc qu’un usurpateur, le père ordonne au fils de le venger. Hamlet revient vers ses compagnons, qui assistaient de loi
1281 mlet revient vers ses compagnons, qui assistaient de loin à la scène, et leur fait jurer par trois fois de garder le secre
1282 oin à la scène, et leur fait jurer par trois fois de garder le secret sur cette révélation. Kierkegaard, lui aussi, reçut
1283 d, lui aussi, reçut dès sa jeunesse communication d’ un secret, auquel il se réfère souvent, mais dont il n’a jamais expliq
1284 mémoire de son père. Il qualifie cette révélation de « grand tremblement de terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’Hamle
1285 qualifie cette révélation de « grand tremblement de terre » dans sa vie. C’est bien ainsi qu’Hamlet pourrait parler de la
1286 a vie. C’est bien ainsi qu’Hamlet pourrait parler de la scène du spectre. Et, d’autre part, c’est l’influence de son père
1287 e du spectre. Et, d’autre part, c’est l’influence de son père qui ouvrit les yeux de Kierkegaard sur l’absolu du christian
1288 c’est l’influence de son père qui ouvrit les yeux de Kierkegaard sur l’absolu du christianisme véritable et lui permit de
1289 l’absolu du christianisme véritable et lui permit de découvrir cette vérité terrible : le prétendu christianisme des temps
1290 ament que le salon du petit-bourgeois ou la salle de jeu des enfants aux décisions les plus terribles de la réalité la plu
1291 jeu des enfants aux décisions les plus terribles de la réalité la plus cruelle ». Nous avons dénaturé le christianisme, n
1292 stianisme, nous l’avons pris à bon marché, au Heu de nous en reconnaître indignes et d’avouer que nous refusons d’en payer
1293 marché, au Heu de nous en reconnaître indignes et d’ avouer que nous refusons d’en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard
1294 econnaître indignes et d’avouer que nous refusons d’ en payer le prix. C’est là, dit Kierkegaard, « un crime de lèse-majest
1295 er le prix. C’est là, dit Kierkegaard, « un crime de lèse-majesté qualifié ». Il y a donc usurpation. Le christianisme off
1296 l y a donc usurpation. Le christianisme officiel, de nos jours, joue de la sorte, aux yeux de Kierkegaard, le même rôle qu
1297 on. Le christianisme officiel, de nos jours, joue de la sorte, aux yeux de Kierkegaard, le même rôle que le roi Claudius a
1298 egaard, le même rôle que le roi Claudius aux yeux d’ Hamlet. Seulement, tandis que le roi Claudius avait séduit la reine, c
1299 que le roi Claudius avait séduit la reine, c’est de l’Église qu’abuse la doctrine édulcorée que la foule, aujourd’hui, pr
1300 té. Et Kierkegaard pressent sa vocation, qui sera de dénoncer l’usurpation religieuse, afin de rétablir dans sa pureté pre
1301 tablir dans sa pureté première l’exigence absolue de l’Évangile. La tâche apparaît surhumaine. Et nous voyons les deux hér
1302 ster ! », s’écrie Hamlet. Et Kierkegaard ne cesse de répéter sur tous les tons la même idée : il est né pour forcer notre
1303 ien et, sinon à lui obéir, tout au moins à cesser de se dire chrétienne « à bon marché ». Tous les deux pensent qu’« il y
1304 . Tous les deux pensent qu’« il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénon
1305 ’« il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénoncer cette situation, advie
1306 le royaume de Danemark » et que leur destin sera de dénoncer cette situation, advienne que pourra… Les caractères étant d
1307 s le début du drame, voyons maintenant le progrès de l’action. Il faut relever d’abord le rôle que joue le secret dans les
1308 ttentif, toutefois sans trahir l’intention réelle de son œuvre. Kierkegaard dresse ses plans en conséquence. Il publiera d
1309 paradoxaux, apparemment cyniques, et tous signés de divers pseudonymes. Le message chrétien, qui lui importe seul, y sera
1310 a toujours présent, mais soigneusement dissimulé. De la sorte, il attirera le public et l’amènera à son insu au point le p
1311 lle qu’Hamlet dresse un plan analogue. Il imagine de faire jouer devant la cour une pantomime représentant l’assassinat de
1312 t la cour une pantomime représentant l’assassinat de son père et l’usurpation. « Cette représentation, dit-il, est le moye
1313 s.) Mais à ce jeu ils risquent gros. Ils risquent de créer les pires malentendus. Et ils risquent aussi leur bonheur. Ici,
1314 nheur, la pleine participation à la vie, le signe de l’accession à la commune condition humaine, c’est à leurs yeux la fem
1315 le mariage. Or tous les deux se voient contraints d’ y renoncer, à cause de leur mission, de leur secret — peut-être aussi
1316 contraints d’y renoncer, à cause de leur mission, de leur secret — peut-être aussi à cause de leur nature profondément mél
1317 ux cas. Kierkegaard s’est expliqué sur la rupture de ses fiançailles avec Régine. Il s’est expliqué, peut-on dire, dans to
1318 ble, qui sont en réalité le récit à peine déguisé de ses fiançailles et l’analyse interminable des motifs de la rupture. S
1319 fiançailles et l’analyse interminable des motifs de la rupture. Shakespeare, au contraire, ne motive guère l’attitude d’H
1320 espeare, au contraire, ne motive guère l’attitude d’ Hamlet à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard q
1321 et à l’égard d’Ophélia. Ici, c’est l’exemple vécu de Kierkegaard qui nous aide à comprendre Hamlet. Kierkegaard aime Régin
1322 ndre Hamlet. Kierkegaard aime Régine, jeune fille de 17 ans et il en est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de s
1323 est aimé. Mais il a son secret ambigu, le secret de sa vocation et celui de sa mélancolie. Or il comprend bientôt que le
1324 secret ambigu, le secret de sa vocation et celui de sa mélancolie. Or il comprend bientôt que le secret serait trop lourd
1325 elle tenterait simplement, s’il le lui révélait, de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la
1326 , de ramener son fiancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la religion. Elle minerait son courage, déprimerait
1327 iancé à une vue plus bourgeoise de l’existence et de la religion. Elle minerait son courage, déprimerait sa résolution et
1328 deviendrait le pire obstacle intime à l’exercice de son étrange vocation. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin d
1329 on. Peut-on se marier si l’on veut être un témoin de la vérité ? Un soldat à la frontière devrait-il être marié ? se deman
1330 lui, qui se bat aux avant-postes, aux frontières de l’esprit ? D’autre part, il redoute d’initier sa fiancée à l’« esclav
1331 frontières de l’esprit ? D’autre part, il redoute d’ initier sa fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent
1332 , il redoute d’initier sa fiancée à l’« esclavage de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de troubler cette enfant
1333 e de la mélancolie » : il ne se sent pas le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans des tourments auxquels lui
1334 ne se sent pas le droit de troubler cette enfant, de l’entraîner dans des tourments auxquels lui-même risque parfois de su
1335 ns des tourments auxquels lui-même risque parfois de succomber. « Qui peut comprendre, écrit-il, cette contradiction de la
1336 ui peut comprendre, écrit-il, cette contradiction de la douleur : ne point se révéler et faire mourir l’amour ; se révéler
1337 révéler et faire mourir l’aimée ? » S’il choisit d’ être la victime, une seule issue lui reste ouverte : rompre avec la je
1338 sans lui laisser soupçonner un instant la nature de son double secret ; et pour cela faire croire à sa fiancée qu’il ne l
1339 plus. On sait la comédie que Kierkegaard s’imposa de jouer devant Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué,
1340 nt Régine. Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la
1341 . Il se peint à ses yeux comme une sorte de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la conscienc
1342 te de roué, de séducteur cynique, qui a peut-être de graves méfaits sur la conscience et qui renonce au mariage pour mieux
1343 cience et qui renonce au mariage pour mieux jouir de sa vie de garçon. Il a des mots atroces lors de leur séparation : « E
1344 qui renonce au mariage pour mieux jouir de sa vie de garçon. Il a des mots atroces lors de leur séparation : « Elle me dem
1345 Je répondis : « Oui, dans dix ans, quand » le feu de la jeunesse sera passé : il me faudra une » demoiselle au sang frais
1346 nuit. « Mais le lendemain, écrit-il, je fus comme d’ ordinaire, et même plus pétillant d’esprit que jamais : c’était nécess
1347 je fus comme d’ordinaire, et même plus pétillant d’ esprit que jamais : c’était nécessaire… » Il me semble que cette condu
1348 é plus douloureuse que scandaleuse, ne manque pas d’ analogies précises avec la conduite d’Hamlet devant cette autre enfant
1349 manque pas d’analogies précises avec la conduite d’ Hamlet devant cette autre enfant qu’est Ophélia. Hamlet a compris lui
1350 a compris lui aussi que l’amour spontané et naïf d’ Ophélia ferait obstacle à ses desseins secrets. C’est à lui que pensai
1351 ut théorique qu’il imagine : « Je vois que l’idée de mon existence fait naufrage sur cette jeune fille, ergo la jeune fill
1352 cruel, mais c’est pour être tendre… » Il convient de marquer ici, en toute justice, une différence profonde entre Kierkega
1353 catastrophe dans Hamlet : c’est un simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte est empoisonné : le duel spo
1354 n simple assaut de fleuret. Seulement, le fleuret de Laerte est empoisonné : le duel sportif tourne au duel à mort. Blessé
1355 le roi. Quel fut, chez Kierkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou de cette « chute » tragique ? Un incident mini
1356 erkegaard, l’équivalent de ce sommet du drame, ou de cette « chute » tragique ? Un incident minime, une simple phrase, et
1357 discours très officiel. L’évêque Mynster, primat de l’Église danoise, venait de mourir. Et le professeur Martensen, prono
1358 unèbre, crut devoir saluer sa mémoire comme celle d’ un « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, po
1359 saluer sa mémoire comme celle d’un « vrai témoin de la vérité ». Dans cette phrase était le poison, pour Kierkegaard. Car
1360 erkegaard. Car toute son œuvre, toute sa carrière d’ auteur n’avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pu
1361 son œuvre, toute sa carrière d’auteur n’avait eu d’ autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apostolique le
1362 d’auteur n’avait eu d’autre sens, à ses yeux, que de rétablir dans sa pureté apostolique le concept de témoin de la vérité
1363 de rétablir dans sa pureté apostolique le concept de témoin de la vérité, c’est-à-dire pratiquement de martyr. Or l’évêque
1364 r dans sa pureté apostolique le concept de témoin de la vérité, c’est-à-dire pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster a
1365 de témoin de la vérité, c’est-à-dire pratiquement de martyr. Or l’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé de titr
1366 ’évêque Mynster avait été un grand prélat, chargé de titres et d’honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé de
1367 er avait été un grand prélat, chargé de titres et d’ honneurs, un fin lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce
1368 n lettré, un humaniste, un homme comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin de la vérité, c’était commettre à l’égard
1369 me comblé des biens de ce monde. L’appeler témoin de la vérité, c’était commettre à l’égard de l’absolu chrétien le crime
1370 commettre à l’égard de l’absolu chrétien le crime de lèse-majesté qualifié, c’était se moquer de l’Évangile, c’était recon
1371 crime de lèse-majesté qualifié, c’était se moquer de l’Évangile, c’était reconnaître et sanctionner l’usurpation. Kierkega
1372 encore, ce qui aurait pu rester un simple assaut de fleuret, une polémique comme une autre, tourna soudain au duel à mort
1373 ort. Kierkegaard écrivit immédiatement un article d’ une extrême violence. Il attendit des mois avant de le publier, il att
1374 rtelle, aussi « exagérée » que peut l’être l’élan d’ un combattant qui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de ce
1375 ui joue sa vie sur un seul coup. Voici un extrait de cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est
1376 oup. Voici un extrait de cet article : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est, du commencement à la fin,
1377 ommencement à la fin, familière avec toute espèce de souffrance — avec les luttes intérieures, avec la crainte et le tremb
1378 , les frémissements, les scrupules, les angoisses de l’âme, les tourments de l’esprit et, de plus, toutes les souffrances
1379 scrupules, les angoisses de l’âme, les tourments de l’esprit et, de plus, toutes les souffrances dont on parle généraleme
1380 nt on parle généralement dans le monde. Un témoin de la vérité, c’est un homme qui témoigne dans le dénuement, dans la mis
1381 c’est un homme qui est flagellé, torturé, traîné de prison en prison, et puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoi
1382 prison en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité que nous parle le professeur Martense
1383 puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité que nous parle le professeur Martensen — et puis enfin cruc
1384 ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement — et l
1385 le professeur Martensen, fut un des vrais témoins de la vérité. En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chris
1386 elle hérésie ou n’importe quel schisme — et c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers et de jouer ensuite
1387 uel schisme — et c’est de jouer au christianisme, d’ en écarter les dangers et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster
1388 uer au christianisme, d’en écarter les dangers et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vérit
1389 suite au jeu que l’évêque Mynster était un témoin de la vérité. Une polémique furieuse s’éleva de toutes parts. L’opinion
1390 arts. L’opinion danoise et scandinave fut secouée d’ une vertueuse indignation. Kierkegaard luttait seul contre tous. Il la
1391 ir et pour intensifier son offensive. Après un an de bataille, il succomba. Il avait osé l’acte ; il avait réussi : l’usu
1392 au lieu de se faire meurtrier, c’est lui qui paya de sa vie. Il devint lui-même le martyr que son œuvre avait appelé. Soul
1393 ce titre : L’Instant. Depuis longtemps, la pensée de Kierkegaard était comme fascinée par les deux concepts d’instant et d
1394 egaard était comme fascinée par les deux concepts d’ instant et de saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le
1395 comme fascinée par les deux concepts d’instant et de saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le contact du t
1396 et de saut. L’instant, c’était pour lui le temps de la foi, le contact du temps et de l’éternité ou, comme il le disait :
1397 ur lui le temps de la foi, le contact du temps et de l’éternité ou, comme il le disait : « la plénitude du temps, quand la
1398 occasion ». Le saut, c’était le mouvement propre de la foi, irrationnel, instantané, concret, ce mouvement que le moindre
1399 les pages qui précèdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une
1400 èdent, dans la lecture alternée de Kierkegaard et de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus bi
1401 t de Shakespeare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’ une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imagin
1402 peare, j’avoue qu’il m’est arrivé plus d’une fois de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamle
1403 de ne plus bien savoir lequel des deux parlait et de m’imaginer qu’Hamlet avait été écrit par Kierkegaard, voire qu’à l’in
1404 r Kierkegaard, voire qu’à l’inverse la biographie de Kierkegaard avait été mise à la scène deux siècles et demi avant d’êt
1405 it été mise à la scène deux siècles et demi avant d’ être vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergiqu
1406 et demi avant d’être vécue. Le style élisabéthain de Kierkegaard, son lyrisme énergique, mêlant le trivial aux clichés poé
1407 étiques, les métaphores aux calembours, les élans d’ éloquence aux préciosités dialectiques, tout concourait à l’illusion…
1408 lusion… Jusqu’au moment où je tombai sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet d’Hamlet, qui rétablit les différences.
1409 bai sur une note de Kierkegaard lui-même au sujet d’ Hamlet, qui rétablit les différences. Chose curieuse, cette note de de
1410 ablit les différences. Chose curieuse, cette note de deux pages est publiée en appendice au livre dans lequel Kierkegaard
1411 au livre dans lequel Kierkegaard raconte le drame de ses fiançailles. Il semble donc que le parallèle que j’ai risqué se s
1412 rallèle que j’ai risqué se soit offert à l’esprit de Kierkegaard, et qu’il ait tenu à le corriger lui-même. Voici en bref
1413 à le corriger lui-même. Voici en bref le contenu de la note, intitulée : Regard oblique sur l’Hamlet de Shakespeare. Kier
1414 e Shakespeare. Kierkegaard reproche à Shakespeare de n’avoir pas fait d’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d
1415 egaard reproche à Shakespeare de n’avoir pas fait d’ Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas
1416 ’Hamlet un drame religieux. Car, si les scrupules d’ Hamlet ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment t
1417 gieux. Car, si les scrupules d’Hamlet ne sont pas d’ ordre religieux, le héros cesse d’être vraiment tragique. Il frise le
1418 let ne sont pas d’ordre religieux, le héros cesse d’ être vraiment tragique. Il frise le comique. Si, au contraire, ses ter
1419 Si, au contraire, ses tergiversations relevaient de motifs religieux, elles deviendraient infiniment intéressantes, mais
1420 ment intéressantes, mais alors il n’y aurait plus de drame, au sens technique et esthétique du terme. En effet, « dans l’o
1421 ». Si l’obstacle à son acte est en lui, il s’agit d’ un scrupule religieux. Dans ce cas, le héros n’est grand que par sa so
1422 a souffrance, non par son triomphe. Il n’y a plus de jeu poétique exaltant, il n’y a plus que le sérieux, l’existentiel… T
1423 rejoindrait purement et simplement la biographie de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas é
1424 simplement la biographie de Kierkegaard. Le drame de Kierkegaard n’a pas été fictif. Il n’a pas été joué et ne saurait l’ê
1425 ence folle, pourrait-on dire), comme le drame pur d’ une vocation chrétienne. Ici prend fin, ici « échoue sur l’existence »
1426 choue sur l’existence » le parallèle que je viens d’ esquisser. J’ai tenté d’illustrer, par le moyen d’images connues de t
1427 e parallèle que je viens d’esquisser. J’ai tenté d’ illustrer, par le moyen d’images connues de tous, celles de Shakespear
1428 ’esquisser. J’ai tenté d’illustrer, par le moyen d’ images connues de tous, celles de Shakespeare, certains moments mystér
1429 tenté d’illustrer, par le moyen d’images connues de tous, celles de Shakespeare, certains moments mystérieux d’une dialec
1430 er, par le moyen d’images connues de tous, celles de Shakespeare, certains moments mystérieux d’une dialectique tout intér
1431 elles de Shakespeare, certains moments mystérieux d’ une dialectique tout intérieure. On sent le risque de l’entreprise : c
1432 ne dialectique tout intérieure. On sent le risque de l’entreprise : celui de l’ingéniosité. C’est le risque technique, pou
1433 rieure. On sent le risque de l’entreprise : celui de l’ingéniosité. C’est le risque technique, pour ainsi dire, de toute «
1434 sité. C’est le risque technique, pour ainsi dire, de toute « communication indirecte ». Et maintenant, par fidélité à la m
1435 recte ». Et maintenant, par fidélité à la méthode de Kierkegaard, passons sans transition à l’« énoncé direct », à l’exame
1436 sans transition à l’« énoncé direct », à l’examen de la nature ou du mystère d’une vocation historiquement vécue. Le premi
1437 é direct », à l’examen de la nature ou du mystère d’ une vocation historiquement vécue. Le premier caractère d’une vocation
1438 cation historiquement vécue. Le premier caractère d’ une vocation réelle consiste en son ambiguïté. Celle-ci paraît immédia
1439 t immédiatement dans notre usage courant du terme de vocation. On dit ainsi d’un jeune garçon qu’il a une vocation d’avoca
1440 usage courant du terme de vocation. On dit ainsi d’ un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’
1441 dit ainsi d’un jeune garçon qu’il a une vocation d’ avocat, ou de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des p
1442 un jeune garçon qu’il a une vocation d’avocat, ou de poète ; c’est qu’il aime à discuter ou qu’il tient des propos fantais
1443 menuets à sept ans, avait sans doute la vocation d’ un musicien. Il ne s’agit ici que du don naturel et des dispositions n
1444 ens bien différent du terme. Quand Jérémie reçoit de l’Éternel l’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’
1445 terme. Quand Jérémie reçoit de l’Éternel l’ordre de parler aux nations, il répond : « Je ne suis qu’un enfant, voici, je
1446 aroles dans ta bouche. » Il est rarement possible d’ isoler dans le vif ces deux mouvements contradictoires : la poussée de
1447 ces deux mouvements contradictoires : la poussée de la nature et l’appel de l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsi
1448 tradictoires : la poussée de la nature et l’appel de l’esprit. Chez Kierkegaard, l’ambiguïté subsiste. Nous avons vu que s
1449 onde le sépare des autres et, dès l’enfance, fait de lui une nature d’exception. Mais l’appel religieux qui vient l’attein
1450 autres et, dès l’enfance, fait de lui une nature d’ exception. Mais l’appel religieux qui vient l’atteindre au début de sa
1451 l’appel religieux qui vient l’atteindre au début de sa carrière d’écrivain, et qui le charge d’une mission unique, le ren
1452 eux qui vient l’atteindre au début de sa carrière d’ écrivain, et qui le charge d’une mission unique, le rend une exception
1453 début de sa carrière d’écrivain, et qui le charge d’ une mission unique, le rend une exception au second degré, le met à pa
1454 ne seconde fois, pour des raisons qui sont celles de l’esprit — bien que, dans ce cas particulier, la nature et l’appel re
1455 e sens. On pourra donc interpréter cette vocation de deux manières tout opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard s
1456 x manières tout opposées. On pourra toujours dire de Kierkegaard soit qu’il fut un neurasthénique, et que son cas relève d
1457 u’il fut un neurasthénique, et que son cas relève de la psychanalyse, soit qu’il fut un prophète, né pour être poète et ph
1458 nt, par l’appel transcendant, à devenir un témoin de la vérité. Cependant, cette ambiguïté dans notre idée courante de la
1459 pendant, cette ambiguïté dans notre idée courante de la vocation n’est pas celle qui retient Kierkegaard. Il en a distingu
1460 us au double sens du mot, mais à l’existence même d’ une vocation reçue. L’homme, en effet, qui reçoit vocation, se trouve
1461 ru entendre. Et son incertitude n’est pas le fait d’ un manque d’information, d’une conscience vague ou d’une volonté vacil
1462 Et son incertitude n’est pas le fait d’un manque d’ information, d’une conscience vague ou d’une volonté vacillante, mais
1463 tude n’est pas le fait d’un manque d’information, d’ une conscience vague ou d’une volonté vacillante, mais elle provient d
1464 n manque d’information, d’une conscience vague ou d’ une volonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas de pr
1465 e ou d’une volonté vacillante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la r
1466 illante, mais elle provient de ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. I
1467 ais elle provient de ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit d
1468 ent de ce qu’il n’y a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit donc ici, selon
1469 a pas de preuve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’une
1470 ve de la réalité de l’appel reçu ni de la réalité de son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’une incertitude o
1471 son objet. Il s’agit donc ici, selon Kierkegaard, d’ une incertitude objective. De même qu’on ne saurait prouver l’existenc
1472 ive. De même qu’on ne saurait prouver l’existence de Dieu, on ne peut démontrer la nature transcendante d’une vocation. De
1473 ieu, on ne peut démontrer la nature transcendante d’ une vocation. Devant Jésus-Christ, l’un dira : « C’est un nommé Jésus,
1474 rist, l’un dira : « C’est un nommé Jésus, le fils d’ un charpentier de Nazareth » et l’autre confessera : « C’est le Christ
1475 « C’est un nommé Jésus, le fils d’un charpentier de Nazareth » et l’autre confessera : « C’est le Christ, le Fils de Dieu
1476 t l’autre confessera : « C’est le Christ, le Fils de Dieu, la Deuxième Personne de la Trinité. » L’incertitude objective,
1477 le Christ, le Fils de Dieu, la Deuxième Personne de la Trinité. » L’incertitude objective, telle que la définit Kierkegaa
1478 t l’on ne peut que « croire » une vocation, celle d’ un autre, mais aussi et d’abord celle que l’on « croit » avoir reçue s
1479 certitude est objective dans la mesure où l’objet de la conviction qu’on entretient n’est pas démontrable ; dans la mesure
1480 s démontrable ; dans la mesure, aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’être mis en doute, ou même nié ; dans la
1481 , aussi, où l’enjeu de la vocation reste passible d’ être mis en doute, ou même nié ; dans la mesure où cet enjeu risque, a
1482 ; dans la mesure où cet enjeu risque, après tout, d’ être purement imaginaire. À cela, nous ajouterons l’incertitude subjec
1483 rète ou l’esprit qui a parlé ? » En fait, l’homme de la vocation se trouve plongé dans une double incertitude et dans un r
1484 rtitude et dans un risque permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homme engag
1485 ue permanent. Il n’est pas de méthode éprouvée ni de raisonnement qui puisse l’aider. L’homme engage son action et parie t
1486 , en ce sens qu’elle ne présente pas le caractère d’ incertitude objective lié à tout acte de foi. Hamlet sait exactement c
1487 caractère d’incertitude objective lié à tout acte de foi. Hamlet sait exactement ce qu’il doit faire : tuer l’usurpateur,
1488 tien en général, il en va différemment. Il s’agit de découvrir le rôle qu’on devra jouer dans un drame infini, aussi vaste
1489 sommes en scène malgré nous… Telle est l’angoisse de la vocation. Je disais tout à l’heure que Kierkegaard, dès ses premiè
1490 ses premières publications, s’était tracé un plan d’ action comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « tromperie
1491 é un plan d’action comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci
1492 comportant toute une stratégie de pseudonymes et de « tromperies » — comme il tient à le répéter. Ceci nous porterait à c
1493 t à le répéter. Ceci nous porterait à croire que, d’ entrée de jeu, tout comme Hamlet, il avait vu clairement l’acte histor
1494 péter. Ceci nous porterait à croire que, d’entrée de jeu, tout comme Hamlet, il avait vu clairement l’acte historique qu’i
1495 u clairement l’acte historique qu’il était chargé d’ accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simples. C’est
1496 e qu’il était chargé d’accomplir. Mais les choses de la vie ne sont pas aussi simples. C’est après coup, le plus souvent,
1497 brochure intitulée Point de vue sur mon activité d’ auteur : Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre.
1498 activité d’auteur : Il me faut préciser la part de la Providence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyaut
1499 dence dans mon œuvre. Car je me rendrais coupable de déloyauté envers Dieu si je prétendais avoir eu dès le début une vue
1500 eu si je prétendais avoir eu dès le début une vue d’ ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois
1501 étendais avoir eu dès le début une vue d’ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire fra
1502 vue d’ensemble de toute la structure dialectique de mon œuvre… Non, je dois le dire franchement, ce qui m’échappe, c’est
1503 c’est que je puis maintenant avoir l’intelligence de l’ensemble, sans toutefois pouvoir affirmer qu’au début je l’ai saisi
1504 a rigueur et toute la précision possibles la part de la Providence dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formu
1505 ce dans mon œuvre entière, je n’en saurais donner de formule plus adéquate ou plus décisive que celle-ci : la Providence a
1506 mon éducation, qui se réfléchit dans le processus de ma production. Ainsi sont infirmées dans une certaine mesure les vues
1507 ut à fait fausse non plus, car j’ai eu conscience de moi au cours de cette éducation et dès le début. … Dès le premier mom
1508 s le premier moment l’élément religieux est donné de façon décisive ; il a sans contredit la suprématie, mais il attend pa
1509 , mais il attend patiemment que le poète ait fini de s’épancher, tout en veillant avec des yeux d’Argus à ne pas se laisse
1510 ini de s’épancher, tout en veillant avec des yeux d’ Argus à ne pas se laisser duper dans une œuvre où se proclame le poète
1511 oppement ; c’est en elle que j’ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. Dans un autre passage du même livre, il nous
1512 est en elle que j’ai pris conscience de mon idée, de ma tâche. Dans un autre passage du même livre, il nous décrit ce que
1513 écrit ce que l’on pourrait appeler la psychologie d’ une vocation en exercice. Il parle de sa totale solitude. Il se dépein
1514 psychologie d’une vocation en exercice. Il parle de sa totale solitude. Il se dépeint non seulement privé de confident, m
1515 otale solitude. Il se dépeint non seulement privé de confident, mais seul avec un moi qu’il ne comprend même plus : … Vai
1516 e comprend même plus : … Vainement essaierais-je de raconter les occasions où Dieu m’a fait sentir son secours. Une chose
1517  : quand je faisais ce dont il m’était impossible de donner la raison, ne songeant pas même à la chercher ; quand je suiva
1518 e à la chercher ; quand je suivais les impulsions de ma nature, ce qui avait ainsi pour moi une valeur strictement personn
1519 me auteur. Je n’arrivais pas à comprendre comment de petites circonstances, en apparence toutes fortuites, de ma vie et qu
1520 tes circonstances, en apparence toutes fortuites, de ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient d’immenses proportio
1521 ma vie et qui, mon imagination aidant, prenaient d’ immenses proportions, me mettaient dans une disposition précise ; je n
1522 uit toute mon œuvre comme si je n’avais rien fait d’ autre que de copier chaque jour des fragments déterminés d’un livre dé
1523 n œuvre comme si je n’avais rien fait d’autre que de copier chaque jour des fragments déterminés d’un livre déjà imprimé.
1524 ue de copier chaque jour des fragments déterminés d’ un livre déjà imprimé. Ainsi la vocation organise les hasards et fait
1525 i la vocation organise les hasards et fait flèche de tout bois, souvent à notre insu. Mais ce qu’illustre avant tout ce pa
1526 vant tout ce passage, c’est le paradoxe essentiel de toute vocation : il s’agit de suivre un chemin que l’on a l’impressio
1527 paradoxe essentiel de toute vocation : il s’agit de suivre un chemin que l’on a l’impression d’inventer, un chemin qui de
1528 ’agit de suivre un chemin que l’on a l’impression d’ inventer, un chemin qui demeure invisible tant qu’on ne se risque pas
1529 ière sur mon sentier », dont nous parle un psaume de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’avance : non, elle est
1530 e de David, n’éclaire pas au loin une voie tracée d’ avance : non, elle est « à mes pieds » seulement, elle ne peut révéler
1531 l’incertitude objective est le premier caractère d’ une vocation réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en est la cons
1532 er caractère d’une vocation réelle, l’acceptation de l’invraisemblable en est la conséquence nécessaire. Kierkegaard ne se
1533 nséquence nécessaire. Kierkegaard ne se lasse pas d’ insister sur cette dernière catégorie. « Celui qui ne renonce pas à la
1534 a souffrance, lorsqu’il écrit cette phrase lourde de sens : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais c’est le diff
1535 le qui est le chemin. » On voit ici que la notion de vocation, chez Kierkegaard, s’oppose diamétralement à la notion coura
1536 ns le sens où la nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propos
1537 nature nous pousse, dans le sens de nos talents, de nos « facilités », tandis que Kierkegaard nous propose la souffrance
1538 ffrance non pas seulement comme signe et garantie de la vraie voie, mais plus radicalement, comme la voie même… 22. Cett
1539 e finale du beau film que Laurence Olivier a tiré d’ Hamlet. Hamlet blessé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de
1540 ssé, enfin résolu à l’action, monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vid
1541 ction, monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour
1542 monte sur une sorte de tribune élevée, et, de là, d’ un saut prodigieux, se jette dans le vide, l’épée brandie, pour tomber
1543 arfaite traduction plastique des concepts favoris de Kierkegaard.
12 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Don Juan
1544 Don Juan Lorsqu’il paraît brillant d’ or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de
1545 Don Juan Lorsqu’il paraît brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir
1546 t brillant d’or et de soie, dressé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du d
1547 ssé sur ses ergots de grand ténor, l’on est tenté de ne voir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’animalité vé
1548 ir en lui que le feu naturel du désir, une espèce d’ animalité véhémente, et comme innocente… Mais jamais la Nature n’a rie
1549 innocente… Mais jamais la Nature n’a rien produit de pareil. Vous sentez bien qu’il y a du démoniaque dans son cas, une so
1550 n qu’il y a du démoniaque dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Comm
1551 ue dans son cas, une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier
1552 une sorte de polémique anxieuse, de méchanceté et de défi : la main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart.
1553 a main tendue au Commandeur, dans le dernier acte de Mozart. Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non d’avant, mai
1554 Non, ce n’est pas l’animal, mais l’homme, et non d’ avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sa
1555 me, et non d’avant, mais d’après la morale. Point de Don Juan ni chez les « bons sauvages » ni chez les « primitifs » qu’o
1556 us décrit. Don Juan suppose une société encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dan
1557 encombrée de règles précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaî
1558 précises dont elle rêve moins de se délivrer que d’ abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneu
1559 oins de se délivrer que d’abuser. Dans le vertige de l’anarchie où il se plaît, ce grand seigneur n’oublie jamais son rang
1560 re. Voyez comme il se sert des femmes : incapable de les posséder, il les viole d’abord moralement pour s’imposer à l’anim
1561 par le bon et le juste — contre eux. Si les lois de la morale n’existaient pas, il les inventerait pour les violer. Et c’
1562 la qui nous fait pressentir la nature spirituelle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets
1563 lle de son secret, si bien masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent
1564 masqué par le prétexte de l’instinct. Aux sommets de l’esprit révolté, on verra Nietzsche, cent ans plus tard, renouveler
1565 aller si haut ? La recherche « toute naturelle » de l’intensité du désir ne peut-elle expliquer à elle seule cette incons
1566 onstance forcenée ? Alors Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté
1567 Don Juan serait l’homme de la première rencontre, de la plus excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme
1568 excitante victoire ? « La nouveauté est le tyran de notre âme », écrit le vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme
1569 e vieux Casanova. Mais déjà ce n’est plus l’homme de plaisir qui parle ainsi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà
1570 insi. La volupté du vrai sensuel commence au-delà de ces moments que Don Juan fuit à peine atteints. Faudra-t-il se résoud
1571 soudre à soumettre le cas aux docteurs indiscrets de l’école viennoise ? Le beau sujet ! Ils ne l’ont pas manqué. Pour eux
1572 qué. Pour eux aussi, Don Juan serait le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine
1573 le contraire de ce que l’on croit, il souffrirait d’ une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que
1574 il souffrirait d’une anxiété secrète déjà voisine de l’impuissance. Et il est vrai que celui qui cède à cet attrait superf
1575 ur presque tous les hommes, n’évoque pas une idée de santé. Mais dans cette furie insolente, dans cette jactance batailleu
1576 spirituels ? Don Juan serait par exemple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne où pourrait se manif
1577 mple le type de l’homme qui n’atteint pas au plan de la personne où pourrait se manifester ce qu’il y a d’unique dans un ê
1578 a personne où pourrait se manifester ce qu’il y a d’ unique dans un être. Pourquoi ne peut-il désirer que la nouveauté dans
1579 eut-être aussi qu’il n’est pas ? Celui qui a, vit de sa possession et ne l’abandonne pas pour l’incertain, — entendez : s’
1580 on Juan cherchant partout son idéal, son « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit
1581 « type » de beauté féminine (souvenir inconscient de la mère) — trop vite séduit par la plus fugitive ressemblance, toujou
1582 angoissé et cruel… S’il le trouvait, ce « type » de femme rêvé ! J’imagine cette métamorphose. On le voit interrompre sa
1583 On le voit interrompre sa course, changer soudain de contenance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’une timidité,
1584 enance, baisser la tête, s’assombrir, comme saisi d’ une timidité, et fasciné pour la première fois par la révélation d’amo
1585 t fasciné pour la première fois par la révélation d’ amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est
1586 ois par la révélation d’amour, se muer en l’image de Tristan. Mais il ne trouvera pas. Il est Don Juan parce qu’on sait qu
1587 sance à se fixer, soit impuissance à se déprendre d’ une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, s
1588 à se déprendre d’une image à lui-même secrète. Et de là vient sa puissance apparente, sa furia, son rythme dionysiaque… Or
1589 ionysiaque… Or si le don-juanisme est une passion de l’esprit, et non pas comme nous aimions le croire une exultation de l
1590 n pas comme nous aimions le croire une exultation de l’instinct, tout porte à supposer que cette passion n’est pas toujour
1591 rtain équilibre social que les mœurs ont pour but de maintenir, cet équilibre étant d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que
1592 nt d’ailleurs bon ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’e
1593 n ou mauvais.) C’est que le désir de nouveauté et de changement perpétuel, dès que l’esprit insatiable l’excite, devient u
1594 isent, sans que l’ordre des choses ait à souffrir d’ une dépense improductive. Certes Don Juan est un tricheur, et même il
1595 s Don Juan est un tricheur, et même il ne vit que de cela (La banque de pharaon était la grande ressource financière de Ca
1596 richeur, et même il ne vit que de cela (La banque de pharaon était la grande ressource financière de Casanova : symbole do
1597 e de pharaon était la grande ressource financière de Casanova : symbole dont il nous donne maintes fois la clé). Mais une
1598 e est moins dangereuse que les faiblesses subites d’ un honnête homme. On est en garde, et l’on connaît le système, entière
1599 Imaginons un don-juanisme plus secret, une table de pharaon où l’on met sur les cartes des « valeurs » invisibles au lieu
1600 ieu d’espèces sonnantes. Alors la tricherie cesse d’ être une habileté vulgaire et profitable. Elle peut devenir l’acte hér
1601 et profitable. Elle peut devenir l’acte héroïque d’ une loyauté sans scrupules, toutefois considérée comme criminelle du f
1602 fait qu’elle institue un nouvel ordre, par décret de rigueur subversive. Nietzsche s’est dressé face au siècle. Et l’adver
1603 t l’adversaire qu’il s’est choisi, c’est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement
1604 eur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. L’immoraliste est, comme le moraliste, u
1605 liste est, comme le moraliste, un ennemi vigilant de l’instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit de polémique, c’e
1606 instinct : car s’il le glorifie, c’est par esprit de polémique, c’est qu’il veut forcer la nature autrement qu’on ne l’a f
1607 re autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à lui. Il va de défi en défi, excité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de
1608 cité puis exaspéré par le silence ou les lâchetés de l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y
1609 l’adversaire. Les idées se retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent
1610 retournent au caprice de l’esprit : il n’y a plus de vérité qui tienne. Les hommes se rendent ou tombent dans le doute à l
1611 ou tombent dans le doute à la première séduction d’ une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui ma
1612 ction d’une hypothèse scientifique. Il n’y a plus de foi qui affirme et qui maintienne en vertu de l’absurde. Ah ! comme o
1613 nne en vertu de l’absurde. Ah ! comme on se lasse de gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que
1614 de gagner à tout coup pour peu qu’on ait l’envie de nier des règles que personne n’ose plus dire inviolables ! Qui donc s
1615 ’est dans la vie du Don Juan des vérités, l’heure de l’invitation au Commandeur ! Or Dieu se tait. Il ne relève pas le déf
1616 des hauteurs. Une aube vient. C’est encore l’aube de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaq
1617 de la terre. Personne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu
1618 rsonne n’a parlé. Dieu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret
1619 eu est mort ! De chaque idée, de chaque croyance, de chaque valeur, Nietzsche a voulu violer le secret ; et leur défaite r
1620 Il faut rejeter avec dégoût ce que l’on désirait de toute sa fougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces di
1621 ougue ; et se rire des suiveurs, des successeurs, de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’un autre, et qui déjà
1622 de ces disciples enhardis par le triomphe ardent d’ un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et
1623 nt d’un autre, et qui déjà croient pouvoir abuser de ses victimes. Mille et trois vérités se sont rendues, et pas une seul
1624 joie du viol intellectuel. Comme Don Juan l’image de la Mère, Nietzsche poursuit l’image obscure, et à lui-même infiniment
1625 ’image obscure, et à lui-même infiniment secrète, d’ une Vérité qui ne se rendrait point, mais qui le posséderait à tout ja
1626 ais qui le posséderait à tout jamais, digne enfin de sa vraie passion ! Il traque sans relâche tout ce qui bouge, tout ce
1627 ouge, tout ce qui s’arrête, tout ce qui fait mine de résister… Voluptés brèves — le temps d’un aphorisme — fulgurations to
1628 fait mine de résister… Voluptés brèves — le temps d’ un aphorisme — fulgurations toujours décevantes : ce n’est pas elle qu
1629 e n’est pas elle qu’il vient de posséder… Ô haine de leurs vérités faibles ! La Vérité est morte ! Revivra-t-elle ? Car si
1630 si ce Dieu est mort, à tout jamais, il n’y a plus d’ amour possible. Il faut inventer un amour qui permette au moins de haï
1631 . Il faut inventer un amour qui permette au moins de haïr tout ce qui passe, tout ce qui cède, toute l’impudeur et la lour
1632 ’impudeur et la lourdeur du monde. C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’
1633 . C’est au point de fureur dionysiaque où la joie de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’une puissance anéantie
1634 e de détruire devient douleur, et dans l’angoisse d’ une puissance anéantie par son succès, que Nietzsche a rencontré souda
1635 fascinante idée du Retour éternel. Devant le roc de Sils-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, e
1636 s-Maria on le voit interrompre sa course, changer de contenance, et pour la première fois baisser la tête et adorer. Tout
1637 ternellement ! Ainsi Nietzsche devient le Tristan d’ un Destin qu’il ne peut posséder que par l’amour éternellement lointai
1638 uan ne gagnait qu’en trichant, et s’il n’y a plus de règles, on ne peut plus tricher). Voici peut-être la clé du mystère :
1639 s notre grâce. Mais Nietzsche et Don Juan doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur
1640 doutent de leur grâce. Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leu
1641 Les voici donc contraints de gagner dans le temps de leur vie — d’où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des t
1642 contraints de gagner dans le temps de leur vie —  d’ où la tricherie ; ou bien il leur faut nier la fin des temps, le règle
1643 temps, le règlement final, le jugement dernier —  d’ où l’idée du retour éternel. Comme je parlais de ces choses à une amie
1644 — d’où l’idée du retour éternel. Comme je parlais de ces choses à une amie : « J’ai connu, me dit-elle, un homme marié ave
1645 est la tricherie ? Dans le défi, installé au cœur de la règle ?
13 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes I. Méditation au carrefour fabuleux
1646 Méditation au carrefour fabuleux Dans la forêt de Gribskov, il est un lieu nommé « le Coin des Huit-Chemins ». Seul le
1647 uve celui qui le cherche avec beaucoup de soin et de finesse, car aucune carte ne l’indique. Son nom même est une contradi
1648 est une contradiction, car comment le croisement de huit chemins publics peut-il former un « coin » solitaire et dérobé ?
1649 un « coin » solitaire et dérobé ? Si la rencontre de trois routes suffit à donner son nom à tout ce que craint un solitair
1650 mbien plus triviale encore doit être la rencontre de huit routes ! Pourtant, il en est bien ainsi : huit routes et quelle
1651 le solitude ! … Tout près de là, un bosquet fermé de haies, porte le nom d’« Enclos fatal »… L’animation des huit chemins
1652 ès de là, un bosquet fermé de haies, porte le nom d’ « Enclos fatal »… L’animation des huit chemins n’est qu’une pure possi
1653 nte ces routes, hormis le vent dont on ne sait ni d’ où il vient ni où il va. (In Vino Veritas) Kierkegaard a vécu l’amour
1654 ard a vécu l’amour unique, la passion malheureuse de Tristan, mais ses premiers grands livres pseudonymes évoquent le vol
1655 remiers grands livres pseudonymes évoquent le vol d’ un sombre papillon fasciné par la flamme de Don Juan. Nietzsche a vécu
1656 le vol d’un sombre papillon fasciné par la flamme de Don Juan. Nietzsche a vécu plus seul encore, et guère moins chaste, m
1657 moins chaste, mais toute son œuvre mène le train d’ enfer d’un « Don Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrê
1658 haste, mais toute son œuvre mène le train d’enfer d’ un « Don Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrête, « cl
1659 e son œuvre mène le train d’enfer d’un « Don Juan de la connaissance », jusqu’au jour où il s’arrête, « cloué », sur le se
1660 u’au jour où il s’arrête, « cloué », sur le seuil d’ une Éternité en laquelle il découvre son Isolde. Pour l’un et l’autre
1661 la pensée est une passion, et l’expression totale de la passion ne peut être que musicale. « Par la musique, les passions
1662 usicale. « Par la musique, les passions jouissent d’ elles-mêmes.23 » L’un par Mozart et l’autre par Wagner accède au cœur
1663 t son Ombre. J’ai cherché bien longtemps le point de perspective d’où le regard puisse embrasser à la fois ces deux vies d
1664 ai cherché bien longtemps le point de perspective d’ où le regard puisse embrasser à la fois ces deux vies dénuées et ces d
1665 la fois ces deux vies dénuées et ces deux œuvres d’ une richesse inépuisable ; ces deux mythes majeurs de l’amour et leurs
1666 ne richesse inépuisable ; ces deux mythes majeurs de l’amour et leurs épiphanies les plus parfaites dans le lyrisme occide
1667 ans le lyrisme occidental. À la quête spirituelle d’ une vision juste, ou peut-être seulement d’une qualité heureuse et pén
1668 tuelle d’une vision juste, ou peut-être seulement d’ une qualité heureuse et pénétrante du regard, situant en vérité celui
1669 elui qui voit, il arrive qu’on pressente l’invite d’ une étape significative, — et « l’enclos fatal » n’est pas loin, mais
1670 qui chevauche à l’aventure au profond des forêts de l’âme occidentale. Arrêtons-nous ici pour méditer. Et nous suivrons t
1671 pour méditer. Et nous suivrons tantôt cette allée de lumière frayée dans les hautes futaies par les rayons obliques de l’a
1672 e dans les hautes futaies par les rayons obliques de l’après-midi, tantôt cette allée assombrie et qui s’anime au gré d’un
1673 antôt cette allée assombrie et qui s’anime au gré d’ un vent soudain, dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. IKier
1674 nime au gré d’un vent soudain, dont on ne sait ni d’ où il vient ni où il va. IKierkegaard et Don Juan C’est au cœur d
1675 ur des grands bois du Nord de la Seeland, un soir d’ été, que les convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’un pa
1676 convives du Banquet se réunissent devant le seuil d’ un pavillon de chasse. Les portes s’ouvrirent à deux battants ; l’écl
1677 nquet se réunissent devant le seuil d’un pavillon de chasse. Les portes s’ouvrirent à deux battants ; l’éclairage étincel
1678 is que l’orchestre attaquait la musique du ballet de Don Juan, ils se sentirent transfigurés, et comme frappés de respect
1679 , ils se sentirent transfigurés, et comme frappés de respect pour un esprit invisible, ils s’arrêtèrent un instant, sembla
1680 amour qui composent In Vino Veritas, donne le ton de la passion de Kierkegaard pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Jou
1681 osent In Vino Veritas, donne le ton de la passion de Kierkegaard pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Journal de 1839,
1682 d pour le Don Giovanni de Mozart. Dans le Journal de 1839, on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire de Don Juan,
1683 e Mozart. Dans le Journal de 1839, on lit déjà : D’ une certaine façon, je puis dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, me
1684 on lit déjà : D’une certaine façon, je puis dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier de mon bonheur ! Car en vér
1685 dire de Don Juan, comme Elvire : — Toi, meurtrier de mon bonheur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’une f
1686 onheur ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier
1687 ! Car en vérité, cette pièce s’est emparée de moi d’ une façon si diabolique que je ne pourrai plus jamais l’oublier. C’est
1688 -t-il plus tard — dans les Étapes — qu’il aura dû de n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’un amour malheureux ». Relié
1689 aura dû de n’avoir pas vécu sans aimer, « quoique d’ un amour malheureux ». Reliée par ces derniers mots à la vie trop réel
1690 a fascination du mythe révèle ici sa vraie nature de virtualité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’est qualifié
1691 nature de virtualité existentielle. La vie réelle de Kierkegaard s’est qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tenta
1692 ierkegaard s’est qualifiée par son refus du mythe de Don Juan, tentation permanente et toujours refoulée. C’est pourquoi p
1693 nte et toujours refoulée. C’est pourquoi personne d’ autre n’a mieux jugé ce mythe. La thèse de Kierkegaard sur Don Juan re
1694 ersonne d’autre n’a mieux jugé ce mythe. La thèse de Kierkegaard sur Don Juan rejoint Mozart dans sa génialité : elle réin
1695 ente la structure du drame comme par une création de logique intrépide. Elle nous impose, par la vertu d’une cohérence ino
1696 logique intrépide. Elle nous impose, par la vertu d’ une cohérence inoubliable une interprétation triple et unique de l’opé
1697 e inoubliable une interprétation triple et unique de l’opéra, du mythe, et de l’essence de la musique occidentale. En voic
1698 étation triple et unique de l’opéra, du mythe, et de l’essence de la musique occidentale. En voici l’argument condensé. Le
1699 e et unique de l’opéra, du mythe, et de l’essence de la musique occidentale. En voici l’argument condensé. Le christianism
1700 par l’esprit, exige désormais un langage capable de traduire sa spontanéité. La musique seule va s’y prêter. Car elle est
1701 r. Car elle est un langage des sens, mais le sens de l’ouïe, plus que tout autre, est « déterminé par l’esprit ». La musiq
1702 est, après la parole, le médium le moins matériel de l’idée : elle n’existe que dans le temps, dans une succession de mome
1703 e n’existe que dans le temps, dans une succession de moments, puis disparaît, contrairement à l’œuvre plastique, peinte ou
1704 omme étant ce que l’esprit exclut », l’expression de Don Juan ne peut être que musicale. Et c’est pourquoi le seul Don Jua
1705 ui tout l’infini, mais aussi la puissance infinie de la passion, à laquelle rien ne peut résister ; j’entends la convoitis
1706 effrénée du désir, mais aussi le triomphe absolu de ce désir, triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si d’aventure
1707 bsolu de ce désir, triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si d’aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci t
1708 , triomphe auquel il serait vain de s’opposer. Si d’ aventure la pensée s’attarde à l’obstacle, celui-ci tire son importanc
1709 ttarde à l’obstacle, celui-ci tire son importance d’ exciter la passion plutôt que de s’y opposer réellement ; la jouissanc
1710 re son importance d’exciter la passion plutôt que de s’y opposer réellement ; la jouissance en est accrue, la victoire est
1711 ulant. Je trouve en Don Juan une vie ainsi animée d’ un démoniaque puissant et irrésistible, à la façon d’un élément. Telle
1712 n démoniaque puissant et irrésistible, à la façon d’ un élément. Telle est son idéalité dont je puis me réjouir tranquillem
1713 . Lancé comme une pierre qui ricoche à la surface de l’eau, il s’enfonce instantanément dans l’abîme du néant, après le de
1714 gues… La réflexion lui fait défaut… Il n’a besoin d’ aucun préparatif, d’aucun plan, d’aucun temps, car il est toujours prê
1715 ui fait défaut… Il n’a besoin d’aucun préparatif, d’ aucun plan, d’aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est con
1716 … Il n’a besoin d’aucun préparatif, d’aucun plan, d’ aucun temps, car il est toujours prêt, l’énergie est constamment prése
1717 ui et le désir aussi. » Il n’étourdit pas Zerline de belles paroles, il l’invite à entrer, fait un geste. « II ne séduit p
1718 ce qu’elles veulent, et celle qui ne rêverait pas de devenir malheureuse pour avoir été une fois heureuse avec Don Juan se
1719 n Juan est convaincu que « l’expression véritable de la femme consiste en sa volonté d’être séduite… C’est pourquoi elle n
1720 sion véritable de la femme consiste en sa volonté d’ être séduite… C’est pourquoi elle ne se fâche jamais contre son séduct
1721 moins s’il l’a vraiment séduite.26 » L’érotisme de Don Juan s’oppose à l’Éros antique, qui était psychique et non sensue
1722 mps, l’amour sensuel disparition dans le temps », d’ où vient que la musique est son parfait médium. Pour Don Juan, « la fé
1723 on et multiplicité. Sa vie n’étant qu’« une somme de moments distincts… une addition d’instants », Don Juan ne saurait avo
1724 qu’« une somme de moments distincts… une addition d’ instants », Don Juan ne saurait avoir de biographie : le doter d’une e
1725 addition d’instants », Don Juan ne saurait avoir de biographie : le doter d’une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fa
1726 on Juan ne saurait avoir de biographie : le doter d’ une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le
1727 t avoir de biographie : le doter d’une enfance et d’ une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instan
1728 une enfance et d’une jeunesse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire
1729 sse fut l’erreur fatale de Byron. Il est le génie de l’instant. Ses conquêtes sont sans histoire, « car le temps lui manqu
1730 éjouit, jusqu’à ce qu’il butte contre « la pierre d’ achoppement », la statue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur e
1731 tte contre « la pierre d’achoppement », la statue de pierre du Commandeur. Mais le Commandeur est un esprit ! C’est même u
1732 résente la négation spirituelle du génie spontané de l’instant. Il est donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissa
1733 e spontané de l’instant. Il est donc seul capable de dompter Don Juan, nulle puissance du monde n’en ayant eu raison. Cet
1734 ythe par Kierkegaard n’est pas seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart est le my
1735 as seulement inspirée de Mozart : elle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart est le mythe pur, intégralement manif
1736 Mozart : elle a pour but de démontrer que l’opéra de Mozart est le mythe pur, intégralement manifesté en chaque détail com
1737 chaque détail comme dans le style et la structure de l’ensemble. On a pu varier les interprétations de la légende, « jusqu
1738 de l’ensemble. On a pu varier les interprétations de la légende, « jusqu’à ce que Mozart en ait découvert à la fois le méd
1739 en ait découvert à la fois le médium et l’idée », d’ où « la valeur classique absolue » de son opéra. On pourra multiplier
1740 et l’idée », d’où « la valeur classique absolue » de son opéra. On pourra multiplier les Faust 28, car « l’idée de Faust s
1741 . On pourra multiplier les Faust 28, car « l’idée de Faust suppose une telle maturité d’esprit qu’il est naturel qu’il y e
1742 car « l’idée de Faust suppose une telle maturité d’ esprit qu’il est naturel qu’il y en ait plusieurs conceptions », chacu
1743 e Don Juan de Mozart, « par le caractère abstrait de l’idée, vivra éternellement et dans tous les temps ». En récrire un a
1744 à produire une Ilias post Homerum. Du commentaire de l’opéra lui-même (dont la pénétration proprement musicale est stupéfi
1745 centre, par ce que ce centre, qui est la vitalité de Don Juan, se trouve partout. » Le seul personnage qui semble faire ex
1746 exception est naturellement le Commandeur, mais, d’ une certaine manière (que précise l’analyse des thèmes musicaux), il e
1747 Tristan Kierkegaard fut pourtant le contraire d’ un Don Juan. Dans ses rapports avec son œuvre, son action publique, et
1748 Cependant, je n’ai trouvé dans tout son œuvre que de rares allusions à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tris
1749 ons à l’Hamlet de Shakespeare, et pas une mention de Tristan — pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur l
1750 t pas une mention de Tristan — pour des centaines de pages enthousiastes et lyriques sur le Don Juan de la légende et de M
1751 e pages enthousiastes et lyriques sur le Don Juan de la légende et de Mozart. Le contraste entre cette discrétion, voire c
1752 stes et lyriques sur le Don Juan de la légende et de Mozart. Le contraste entre cette discrétion, voire ce mutisme, et cet
1753 oire ce mutisme, et cette luxuriance verbale, est de ceux qui expriment à coup sûr les données essentielles d’une personne
1754 qui expriment à coup sûr les données essentielles d’ une personne. Qu’est-ce que Don Juan pour ce célibataire parfaitement
1755 e Don Juan pour ce célibataire parfaitement libre de mener sa vie comme il lui plaît, riche et oisif, brillant esprit, cur
1756 i plaît, riche et oisif, brillant esprit, curieux de tout, mais en même temps de complexion plutôt malingre (« Qu’on me do
1757 llant esprit, curieux de tout, mais en même temps de complexion plutôt malingre (« Qu’on me donne un corps ! », gémit-il d
1758 it-il dans son Journal) et qui pressent son génie d’ écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan est de toute évidence la
1759 écrivain et sa vocation religieuse ? Don Juan est de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est son
1760 gieuse ? Don Juan est de toute évidence la figure de lui-même qui le tente le plus : c’est son moi potentiel, prestigieux,
1761 e peut et qu’il ne veut actualiser. En l’écartant de soi, en le refusant, il le voit et le définit mieux que personne ; du
1762 non pas sans lui. Il ne conçoit que deux manières de vivre dignes de l’absolu et possibles pour lui : ou bien le séducteur
1763 . Il ne conçoit que deux manières de vivre dignes de l’absolu et possibles pour lui : ou bien le séducteur, ou bien l’anac
1764 l’autre excluent le mariage, « suprême expression de l’amour », à laquelle il a dû renoncer pour une raison qui reste son
1765 et dernier. Le mariage étant écarté, s’il choisit d’ être anachorète, le séducteur devient son mythe. Don Juan devient son
1766 était pas ce qu’il subit et souffre, et s’efforce de dépasser vers l’absolu, vers ce qu’il veut devenir selon l’esprit. Si
1767 st alors la forme actuelle, historiquement vécue, de son Éros ? C’est la passion unique, totale, et malheureuse ; et par c
1768 humain repose sur un instinct qui, élevé au rang d’ inclination, trouve son expression suprême, unique et absolue, poétiqu
1769 seul être bien-aimé, et que cette « seule fois » de l’amour est l’amour, et que la « seconde fois » n’est rien… Une fois
1770 tout absolu, et la seconde fois la ruine absolue de tout.30 Certes, le Jeune Homme d’In Vino Veritas, qui n’a jamais en
1771 ruine absolue de tout.30 Certes, le Jeune Homme d’ In Vino Veritas, qui n’a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclat
1772 o Veritas, qui n’a jamais encore aimé, a beau jeu de faire éclater l’absurdité tragi-comique de ce choix sans appel de la
1773 au jeu de faire éclater l’absurdité tragi-comique de ce choix sans appel de la passion, qui est d’une importance capitale
1774 l’absurdité tragi-comique de ce choix sans appel de la passion, qui est d’une importance capitale et qu’on ne peut faire
1775 que de ce choix sans appel de la passion, qui est d’ une importance capitale et qu’on ne peut faire « qu’à l’aveuglette ».
1776 e ». Comment expliquer « un acte aussi monstrueux de sélection » ? L’amoureux passionné, dans son choix exclusif, n’est-il
1777 usif, n’est-il pas « un pantin dont quelque chose d’ inexplicable tire les ficelles » ? Un tel point de vue, réplique Johan
1778 s avec la vie, car « la résolution, la résolution de la convoitise, est la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour e
1779 on, la résolution de la convoitise, est la pointe de l’existence ». Il faut choisir pour exister. Le Séducteur choisit d’a
1780 l faut choisir pour exister. Le Séducteur choisit d’ aimer le plus souvent qu’il le pourra, car c’est la femme qu’il aime,
1781 parole dans la seconde partie des Étapes, choisit d’ aimer une seule femme et de l’épouser, car le mariage est cette décisi
1782 ie des Étapes, choisit d’aimer une seule femme et de l’épouser, car le mariage est cette décision qui « traduit l’exaltati
1783 ion qui « traduit l’exaltation en réalité. » Loin d’ appauvrir l’expérience de la vie, elle peut seule y introduire. Elle e
1784 ation en réalité. » Loin d’appauvrir l’expérience de la vie, elle peut seule y introduire. Elle est la décision par excell
1785 té fondamentale du mariage, et même il la formule d’ entrée de jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait
1786 entale du mariage, et même il la formule d’entrée de jeu : « L’amour et l’inclination amoureuse sont tout à fait spontanés
1787 temps la décision la plus libre… En outre, l’une de ces choses ne doit pas suivre l’autre, la décision ne doit pas arrive
1788 a décision ne doit pas arriver par-derrière à pas de loup : le tout doit avoir lieu simultanément. » Suivent cent pages au
1789 pages au cours desquelles le Mari réitère à coup d’ arguments philosophiques que la décision ne saurait être fondée dans l
1790 ne saurait être fondée dans l’argumentation. Rien d’ étonnant si cet ouvrage ne convainc guère : Kierkegaard est derrière l
1791 ibilité que Kierkegaard subit, et qu’il va tenter d’ expliquer — de justifier — dans tout le reste de son œuvre. Admettons
1792 erkegaard subit, et qu’il va tenter d’expliquer —  de justifier — dans tout le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vr
1793 r d’expliquer — de justifier — dans tout le reste de son œuvre. Admettons que l’amour vrai soit la passion unique et parta
1794 par exemple, cet amour devrait opérer le miracle de « faire du différent l’égal », créant ainsi la possibilité d’une comp
1795 u différent l’égal », créant ainsi la possibilité d’ une compréhension véritable. Mais cela reste théorique. On le comprend
1796 a reste théorique. On le comprendra par le détour de la théologie de Kierkegaard. Dans ses ouvrages religieux, il revient
1797 e. On le comprendra par le détour de la théologie de Kierkegaard. Dans ses ouvrages religieux, il revient sans cesse sur «
1798 Cet amour serait même impossible hors du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement de passion, un saut. Toute communic
1799 du paradoxe de la foi, laquelle est un mouvement de passion, un saut. Toute communication directe de Dieu à l’homme tuera
1800 de passion, un saut. Toute communication directe de Dieu à l’homme tuerait l’homme, c’est-à-dire tuerait en lui son pouvo
1801 l’homme, c’est-à-dire tuerait en lui son pouvoir d’ appropriation subjective et libre de la vérité. C’est donc l’amour div
1802 i son pouvoir d’appropriation subjective et libre de la vérité. C’est donc l’amour divin lui-même qui exige la communicati
1803 se entre Kierkegaard et sa fiancée semble relever d’ une structure analogue du possible et de l’impossible dans la communic
1804 e relever d’une structure analogue du possible et de l’impossible dans la communication. Il l’aime, elle l’aime, mais le s
1805 colie » comme il dit, mais aussi le pressentiment de sa vocation exceptionnelle) lui interdit d’entrer avec elle dans ce r
1806 iment de sa vocation exceptionnelle) lui interdit d’ entrer avec elle dans ce rapport de communication directe, égalisante,
1807 ) lui interdit d’entrer avec elle dans ce rapport de communication directe, égalisante, en quoi consiste à ses yeux le mar
1808 ine, il doit donc s’éloigner, bien qu’il ne cesse de s’adresser à elle, sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédi
1809 il ne cesse de s’adresser à elle, sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de
1810 er à elle, sous le couvert de ses pseudonymes, et de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de justifications de la ru
1811 et de lui dédier toutes ses œuvres, comme autant de justifications de la rupture et d’assurances de sa fidélité. « Qui co
1812 toutes ses œuvres, comme autant de justifications de la rupture et d’assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette con
1813 , comme autant de justifications de la rupture et d’ assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de la
1814 t de justifications de la rupture et d’assurances de sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de la douleur : ne
1815 sa fidélité. « Qui comprendra cette contradiction de la douleur : ne point se révéler, et faire mourir l’amour ; se révéle
1816 ; se révéler et faire mourir l’aimée ?31 » Tenter d’ établir, en ce point, si l’attitude théologique de Kierkegaard « expli
1817 d’établir, en ce point, si l’attitude théologique de Kierkegaard « explique » sa conduite amoureuse, ou si ce n’est pas pl
1818 vérifiable. En effet, tout homme pensant dispose d’ un système, plus ou moins « original » mais toujours unique, d’appréhe
1819 plus ou moins « original » mais toujours unique, d’ appréhension de la réalité sous toutes ses formes. Ce système définit
1820 « original » mais toujours unique, d’appréhension de la réalité sous toutes ses formes. Ce système définit son individuali
1821 n individualité. Or je ne regarde ici et n’essaie de saisir qu’une certaine structure dynamique : Kierkegaard dans sa vie
1822 indissociables ; et je vois qu’elle est disposée de telle manière que « l’esthétique » et le « religieux » y sont constam
1823 nt constamment homologues, tous les deux irrigués d’ énergie passionnelle, tandis que « l’éthique », le stade intermédiaire
1824 olisait aussi, nous l’avons vu, le fondement même de toute éthique existentielle. Mais voici que cette décision échappe à
1825 elle et autonome : La décision n’est pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle est un point d
1826 nome : La décision n’est pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle est un point de départ rel
1827 n’est pas pouvoir de l’homme, de son courage, ni de son habileté… mais elle est un point de départ religieux ; si elle n’
1828 urage, ni de son habileté… mais elle est un point de départ religieux ; si elle n’est pas cela, celui qui décide n’a été r
1829 rendu fini que dans sa réflexion, il n’a pas pris de vitesse l’inclination amoureuse, mais est resté en cours de route, et
1830 l’inclination amoureuse, mais est resté en cours de route, et une telle décision est trop misérable pour que l’inclinatio
1831 rise et ne préfère se fier à elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’un tel faux savant. La spontanéité de l’in
1832 elle-même plutôt que de se livrer aux directives d’ un tel faux savant. La spontanéité de l’inclination amoureuse ne recon
1833 x directives d’un tel faux savant. La spontanéité de l’inclination amoureuse ne reconnaît qu’une seule spontanéité comme l
1834 egaard le réitère un peu plus loin, « l’absurdité de l’inclination amoureuse arrive à une entente divine avec l’absurdité
1835 orale sans passion. Je vois enfin que la personne de Kierkegaard est ce système qui se définit par la mise en tension et l
1836 finit par la mise en tension et l’interdépendance de trois réalités hétérogènes : — sa croyance en l’altérité totale de Di
1837 hétérogènes : — sa croyance en l’altérité totale de Dieu et en l’unicité de l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’ac
1838 ance en l’altérité totale de Dieu et en l’unicité de l’amour humain ; — la « mélancolie » qui l’accable et lui rend ce mar
1839 qui monte la garde aux frontières, est-il permis de se marier ? Un tel soldat ose-t-il — ceci soit dit dans un sens spiri
1840 s Tartares et les Scythes, mais contre les hordes de brigands d’une mélancolie innée ?33 L’amour n’en est pas moins l’ag
1841 t les Scythes, mais contre les hordes de brigands d’ une mélancolie innée ?33 L’amour n’en est pas moins l’agent privilég
1842 pas moins l’agent privilégié du progrès spirituel de « l’homme supérieur » — toutefois à condition de n’être pas « heureux
1843 posséda, car par elle il ne devint que conseiller d’ État ; pas un ne fut un héros par la jeune fille qu’il posséda, car pa
1844 ce et dans sa ruse avec la vie. Et c’est le mythe de Tristan qui reparaît enfin ! ⁂ On sait assez que le paradoxe est la c
1845 sez que le paradoxe est la catégorie fondamentale de la pensée de Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un de ses o
1846 radoxe est la catégorie fondamentale de la pensée de Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un de ses ouvrages les p
1847 e Kierkegaard. Or voici ce qu’il en dit dans l’un de ses ouvrages les plus achevés, les Riens philosophiques 34 : Il ne f
1848 Riens philosophiques 34 : Il ne faut pas penser de mal du paradoxe, cette passion de la pensée, et les penseurs qui en m
1849 faut pas penser de mal du paradoxe, cette passion de la pensée, et les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans
1850 sont comme des amants sans passion, c’est-à-dire de piètres partenaires. Mais le paroxysme de toute passion est toujours
1851 -à-dire de piètres partenaires. Mais le paroxysme de toute passion est toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le pa
1852 . Mais le paroxysme de toute passion est toujours de vouloir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de la pensée, q
1853 oir sa propre perte… C’est là le paradoxe suprême de la pensée, que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne pui
1854 e… C’est là le paradoxe suprême de la pensée, que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne puisse penser. Et pl
1855 i ces deux puissances s’entendent dans la passion de l’instant, et cette puissance est justement l’amour. Cette forme de
1856 te puissance est justement l’amour. Cette forme de pensée est tristanienne. Elle est d’abord une forme d’existence. Elle
1857 nsée est tristanienne. Elle est d’abord une forme d’ existence. Elle s’illustre dans les relations malheureuses — mais spir
1858 ntre Kierkegaard et Régine. Il n’a pu l’aimer que de loin, dans la perte, choisie par lui, de toute présence autre que nos
1859 imer que de loin, dans la perte, choisie par lui, de toute présence autre que nostalgique. (Et déjà, durant les fiançaille
1860 rant les fiançailles, il lui écrit pour s’excuser d’ un rendez-vous manqué : il est allé tout seul à la campagne, ce jour-l
1861 orsqu’il peut la dire « sienne » dans la solitude de son cœur, « c’est alors seulement que nous sommes unis ».) Régine s’e
1862 mariée ailleurs. Le dernier appel qu’il ait tenté de lui adresser — par l’intermédiaire du mari ! — ne l’a pas atteinte. U
1863 er. C’était le 7 mars 1855, à la veille du départ de Régine pour un long voyage aux Antilles. Il mourut le 11 novembre de
1864 ong voyage aux Antilles. Il mourut le 11 novembre de la même année. Régine était au-delà des mers, dans une autre île. Que
1865 elà des mers, dans une autre île. Que cette forme d’ amour nostalgique et de possession par la perte transparaisse égalemen
1866 autre île. Que cette forme d’amour nostalgique et de possession par la perte transparaisse également dans la dialectique e
1867 tentielle et dans la pensée proprement religieuse de Kierkegaard, apparaît désormais trop évident pour qu’il y ait lieu d’
1868 raît désormais trop évident pour qu’il y ait lieu d’ en reprendre la démonstration en termes de théologie. J’en donnerai to
1869 donnerai toutefois un exemple, qui touche au cœur de mon sujet. Dans ses Œuvres de l’amour, Kierkegaard marque le contrast
1870 qui touche au cœur de mon sujet. Dans ses Œuvres de l’amour, Kierkegaard marque le contraste, apparemment insurmontable,
1871 ochain (amour chrétien), dont le commandement est d’ aimer tous les hommes, sans distinction, non par sympathie élective to
1872 urs égoïste et « charnelle », mais dans l’égalité de tous devant Dieu. On s’étonne : cet amour général, impersonnel, et qu
1873 lence désigne l’homme isolé par l’esprit, — isolé de la foule, « qui est mensonge ». Et l’objet, le prochain — celui qu’il
1874 que — ne saurait être à son tour que l’expression de l’esprit en tout homme. Seul donc celui qui s’est connu et accepté en
1875 est connu et accepté en tant qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve séparé de la communauté naturelle, — comme ayant c
1876 qu’esprit, celui qui de la sorte se trouve séparé de la communauté naturelle, — comme ayant choisi de la perdre — peut vra
1877 de la communauté naturelle, — comme ayant choisi de la perdre — peut vraiment aimer le prochain. Seul, il peut discerner,
1878 doxe proprement kierkegaardien. L’amour ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’un seul, distingué par l’esprit
1879 ne va pas de n’importe qui à tout le monde, mais d’ un seul, distingué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils soient
1880 mais d’un seul, distingué par l’esprit, à chacun de ceux, quels qu’ils soient, également existants par l’esprit. Mais ici
1881 , comment ne pas rappeler que la première mention de l’Individu figure dans la dédicace des Discours religieux de 1843, so
1882 du figure dans la dédicace des Discours religieux de 1843, sous cette forme : « À l’Individu qu’avec joie et reconnaissanc
1883 Journal — c’était Régine ! Plus tard, le concept d’ individu s’universalise (paradoxalement !) et s’approfondit. Il est la
1884 xalement !) et s’approfondit. Il est la signature de l’homme spirituel, distingué dans la foule anonyme, séquestré par sa
1885 , ou pour mieux dire : la vocation exceptionnelle de Søren Kierkegaard lui-même. Vocation qui devait le mener à sa perte,
1886 qui devait le mener à sa perte, puisqu’il mourut d’ une longue passion unique pour l’intériorité de la Vérité. IIINietz
1887 ut d’une longue passion unique pour l’intériorité de la Vérité. IIINietzsche et son ombre Deux vies dénuées. Deux cé
1888 élibataires maladifs, chastes sans vœux, frustrés de toute tendresse quotidienne, souffrant tous les tourments de la passi
1889 ndresse quotidienne, souffrant tous les tourments de la passion poétique mais pour l’Idée, aventuriers de l’esprit seul. D
1890 la passion poétique mais pour l’Idée, aventuriers de l’esprit seul. Deux existences à peu près dépourvues de péripéties ex
1891 sprit seul. Deux existences à peu près dépourvues de péripéties extérieures. Pour l’un, la rupture des fiançailles, l’atta
1892 ans. Pour l’autre, moins encore : quelques années de professorat, une longue solitude errante, la folie à 44 ans. L’un et
1893 ans. L’un et l’autre ont produit en une quinzaine d’ années leur œuvre difficile et foisonnante, et n’ont forcé qu’in extre
1894 orcé qu’in extremis, par le scandale, l’attention de quelques-uns de leurs contemporains. Ce dépouillement extérieur contr
1895 mis, par le scandale, l’attention de quelques-uns de leurs contemporains. Ce dépouillement extérieur contrastant avec tant
1896 s y révèle mieux qu’ailleurs ses lents mouvements d’ approche, d’émergences et d’éclipses alternées. Ces deux chastes ont b
1897 ieux qu’ailleurs ses lents mouvements d’approche, d’ émergences et d’éclipses alternées. Ces deux chastes ont beaucoup médi
1898 ses lents mouvements d’approche, d’émergences et d’ éclipses alternées. Ces deux chastes ont beaucoup médité sur l’amour,
1899 thèmes. Il est remarquable que les contradictions de Nietzsche offrent un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à
1900 dictions de Nietzsche offrent un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Pau
1901 e Nietzsche offrent un raccourci fidèle de celles de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Paul lui-même
1902 de Kierkegaard, qui à leur tour répétaient celles de saint Paul lui-même ! Sur le mariage, par exemple, voici chez Nietzsc
1903 qu’il soit une passion, est cependant susceptible de durer en tant que passion et que l’amour à vie peut être considéré co
1904 être considéré comme la règle. Par cette ténacité d’ une noble croyance, maintenue malgré des réfutations si fréquentes qu’
1905 ont concédé à une passion la croyance en la durée de celle-ci, et la responsabilité de la durée, malgré l’essence même de
1906 nce en la durée de celle-ci, et la responsabilité de la durée, malgré l’essence même de la passion, lui ont procuré un ran
1907 responsabilité de la durée, malgré l’essence même de la passion, lui ont procuré un rang nouveau…35 Comme pour le Mari d
1908 ari des Étapes, qui voulait voir dans la synthèse d’ une décision et d’une inclination le plus haut risque, et même un risq
1909 i voulait voir dans la synthèse d’une décision et d’ une inclination le plus haut risque, et même un risque plus qu’humain,
1910 t par l’esprit que par le ton, et par l’évocation de Socrate — cette attaque frontale : Le philosophe a horreur du mariag
1911 frontale : Le philosophe a horreur du mariage et de tout ce qui pourrait l’y conduire, — du mariage en tant qu’obstacle f
1912 par ironie, précisément pour démontrer la vérité de cette thèse.36 « Marie-toi, ne te marie pas, dans les deux cas tu l
1913 t qu’aucune femme ne pouvait élever la prétention d’ être pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, o
1914 élever la prétention d’être pour l’homme l’objet de l’amour le plus proche et le plus haut, ou même l’objet unique — comm
1915 d au contraire pense que c’est par la femme aimée de passion que l’homme s’élève, à condition cependant qu’il ne l’épouse
1916 pendant qu’il ne l’épouse pas. Dans ses moments «  d’ équilibre doré » et d’évaluation créatrice de la morale et de la civil
1917 use pas. Dans ses moments « d’équilibre doré » et d’ évaluation créatrice de la morale et de la civilisation, Nietzsche met
1918 ts « d’équilibre doré » et d’évaluation créatrice de la morale et de la civilisation, Nietzsche met tout l’accent non sur
1919 doré » et d’évaluation créatrice de la morale et de la civilisation, Nietzsche met tout l’accent non sur l’ascèse, mais s
1920 sur la maîtrise des instincts : La civilisation d’ un peuple se manifeste dans l’unité disciplinée des instincts de ce pe
1921 manifeste dans l’unité disciplinée des instincts de ce peuple : la philosophie maîtrise l’instinct de connaissance, l’art
1922 de ce peuple : la philosophie maîtrise l’instinct de connaissance, l’art maîtrise l’instinct créateur de formes et l’extas
1923 connaissance, l’art maîtrise l’instinct créateur de formes et l’extase, l’Agapè maîtrise l’Éros, etc.38 L’Agapè dont i
1924 ecs que l’amour désintéressé ; mais dans l’esprit de Nietzsche, elle désigne déjà cette passion « noble » qui dès le xiie
1925 siècle a fait porter au premier rang les valeurs d’ art et l’enthousiasme dans la vénération, plutôt que la revendication
1926 e dans la vénération, plutôt que la revendication d’ une liberté des mœurs, qui appartient à la « morale des esclaves. » M
1927 esclaves. » Maintenant l’on comprendra sans plus d’ explications pourquoi l’amour en tant que passion — notre spécialité e
1928 oi l’amour en tant que passion — notre spécialité européenne  — doit être nécessairement d’origine noble. On sait que son invention
1929 spécialité européenne — doit être nécessairement d’ origine noble. On sait que son invention doit être attribuée aux cheva
1930 mes magnifiques et ingénieux du gai saber à qui l’ Europe est redevable de tant de choses et presque d’elle-même.39 Plus tard
1931 génieux du gai saber à qui l’Europe est redevable de tant de choses et presque d’elle-même.39 Plus tard, ayant énuméré s
1932 Europe est redevable de tant de choses et presque d’ elle-même.39 Plus tard, ayant énuméré six moyens de brider la violen
1933 lle-même.39 Plus tard, ayant énuméré six moyens de brider la violence de l’instinct sexuel (éviter les occasions, implan
1934 d, ayant énuméré six moyens de brider la violence de l’instinct sexuel (éviter les occasions, implanter la règle dans l’in
1935 é, associer à l’instinct une idée martyrisante ou de honte, dissocier et disperser ses forces, enfin s’affaiblir et se dép
1936 e en vient à découvrir qu’en réalité « la volonté de combattre la violence d’un instinct est en dehors de notre puissance 
1937 ’en réalité « la volonté de combattre la violence d’ un instinct est en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maît
1938 st en dehors de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’un instinct : … l’intellect n’est que l’instrument aveug
1939 de notre puissance ». Dans le procès de maîtrise d’ un instinct : … l’intellect n’est que l’instrument aveugle d’un autr
1940  : … l’intellect n’est que l’instrument aveugle d’ un autre instinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tou
1941 ent aveugle d’un autre instinct, qui est le rival de celui dont la violence nous tourmente, que ce soit le besoin de repos
1942 la violence nous tourmente, que ce soit le besoin de repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfastes, ou bien
1943 te, que ce soit le besoin de repos, ou la crainte de la honte et d’autres suites néfastes, ou bien encore l’amour. Donc, t
1944 mour. Donc, tandis que nous croyons nous plaindre de la violence d’un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’
1945 dis que nous croyons nous plaindre de la violence d’ un instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’un autre instin
1946 instinct, c’est au fond un instinct qui se plaint d’ un autre instinct.40 Passage capital pour mon propos ! Ce que Nietzs
1947 sme sexuel et l’amour. Or, ni la passion érotique d’ un Byron ou d’un Napoléon — cités peu avant — ni l’amour qu’on invoque
1948 l’amour. Or, ni la passion érotique d’un Byron ou d’ un Napoléon — cités peu avant — ni l’amour qu’on invoque ici, ne sont,
1949 comme un possible instinct rival, est la passion de l’âme par excellence. La lutte entre les deux « instincts » n’est don
1950 utre chose que la lutte entre les deux puissances de l’Éros animique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan.
1951 ces de l’Éros animique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande
1952 nimique que symbolisent les mythes de Don Juan et de Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans
1953 Juan et de Tristan. Suivons maintenant les phases de leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie de Nietzsche. ⁂ « P
1954 leur grande polémique dans l’œuvre et dans la vie de Nietzsche. ⁂ « Par la musique, les passions jouissent d’elles-mêmes. 
1955 zsche. ⁂ « Par la musique, les passions jouissent d’ elles-mêmes. » Il est curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkega
1956 assions jouissent d’elles-mêmes. » Il est curieux de relever que Nietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carrière d’aute
1957 ietzsche, comme Kierkegaard, commence sa carrière d’ auteur par un ouvrage sur la musique, la tragédie lyrique et le mythe 
1958 la tragédie lyrique et le mythe : c’est L’Origine de la tragédie, qu’il publie à 28 ans. Au même âge, Kierkegaard écrit Ou
1959 iovanni de Mozart l’expression parfaite et unique de la spontanéité passionnée, l’autre ne veut prendre à témoin que le se
1960 e Wagner, comme expression exemplaire du mythe et de la musique dionysiaque. L’un et l’autre tiennent le langage pour impu
1961 t le langage pour impuissant à traduire l’essence de la musique, en laquelle l’un voit l’expression de la spontanéité sens
1962 de la musique, en laquelle l’un voit l’expression de la spontanéité sensuelle, et l’autre l’expression de « l’esprit diony
1963 la spontanéité sensuelle, et l’autre l’expression de « l’esprit dionysien », de la spontanéité orgiastique. Pour l’un et l
1964 t l’autre l’expression de « l’esprit dionysien », de la spontanéité orgiastique. Pour l’un et l’autre, « seule, la musique
1965 l’un et l’autre, « seule, la musique » peut dire d’ une manière immédiate, le secret de l’éros et de ses mythes. Mais seul
1966 ue » peut dire d’une manière immédiate, le secret de l’éros et de ses mythes. Mais seule aussi, elle peut régénérer la tra
1967 e d’une manière immédiate, le secret de l’éros et de ses mythes. Mais seule aussi, elle peut régénérer la tragédie. « Une
1968 zsche voit dans le mythe en général « le but réel de la science », s’il est vrai que « la cause finale de la science est d
1969 la science », s’il est vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une «
1970 est vrai que « la cause finale de la science est de rendre l’existence concevable ». Le mythe est une « image du monde en
1971 et, sans le mythe, « toute culture est dépossédée de sa force naturelle, saine et créatrice ; seul un horizon constellé de
1972 e, saine et créatrice ; seul un horizon constellé de mythes parachève l’unité d’une époque de culture. Le seul mythe peut
1973 un horizon constellé de mythes parachève l’unité d’ une époque de culture. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d
1974 onstellé de mythes parachève l’unité d’une époque de culture. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d’une activité
1975 e époque de culture. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d’une activité sans but les facultés de l’imagination…
1976 re. Le seul mythe peut préserver de l’incohérence d’ une activité sans but les facultés de l’imagination… Les images du myt
1977 ’incohérence d’une activité sans but les facultés de l’imagination… Les images du mythe doivent être les esprits tutélaire
1978 sibles et omniprésents, propices au développement de l’âme adolescente, et dont les signes annoncent et expliquent à l’hom
1979 La Tragédie absorbe en elle le délire orgiastique de la musique, portant ainsi du premier coup la musique à sa perfection,
1980 et nous en délivre. … Entre la portée universelle de sa musique et l’auditeur soumis à l’influence dionysiaque, la Tragédi
1981 soit qu’un admirable procédé, un inégalable moyen de donner la vie au monde plastique du mythe. Ce noble subterfuge permet
1982 he. Ce noble subterfuge permet alors à la musique d’ assouplir ses allures aux rythmes des danses dithyrambiques, de s’aban
1983 es allures aux rythmes des danses dithyrambiques, de s’abandonner impunément à un sentiment orgiastique de liberté auquel,
1984 ’abandonner impunément à un sentiment orgiastique de liberté auquel, en tant que musique en soi, il lui serait interdit d’
1985 n tant que musique en soi, il lui serait interdit d’ oser se livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde de cette ill
1986 livrer avec une telle licence, sans la sauvegarde de cette illusion. Le mythe nous protège contre la musique, et lui seul,
1987 atteindre. Et c’est tout spécialement par l’effet de la musique que le spectateur de la Tragédie est envahi de ce sûr pres
1988 ement par l’effet de la musique que le spectateur de la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à
1989 sique que le spectateur de la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment d’une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin
1990 de la Tragédie est envahi de ce sûr pressentiment d’ une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et de déceptio
1991 d’une joie suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et de déception, de sorte qu’il croit entendre la voix la plus
1992 suprême, à laquelle aboutit ce chemin de ruine et de déception, de sorte qu’il croit entendre la voix la plus secrète des
1993 e la voix la plus secrète des choses qui, du fond de l’abîme, lui parle intelligiblement.42 Sans les paroles et l’image
1994 e pourrait supporter l’audition du troisième acte de Tristan « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes l
1995 l’audition du troisième acte de Tristan « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibres de son âme 
1996 « à moins de suffoquer sous la tension convulsive de toutes les fibres de son âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apog
1997 r sous la tension convulsive de toutes les fibres de son âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec W
1998 ve de toutes les fibres de son âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner et de l’admiration p
1999 on âme ». Cet ouvrage de jeunesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner et de l’admiration pour Schopenhauer, leur maîtr
2000 unesse marque l’apogée de l’amitié avec Wagner et de l’admiration pour Schopenhauer, leur maître commun. « J’aime en Wagne
2001 la gaieté, l’irresponsabilité ! Vivons au-dessus de nous afin de pouvoir vivre avec nous-mêmes ! » Que s’est-il passé ent
2002 ine tout. Wagner n’est plus « mon noble compagnon d’ armes » mais « l’asphyxie par le rabâchage de toutes les absurdités mo
2003 gnon d’armes » mais « l’asphyxie par le rabâchage de toutes les absurdités morales et religieuses ». Loin de Bâle, loin de
2004 riebschen, loin de Bayreuth surtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détest
2005 rtout — où l’auteur de Tristan est l’époux comblé de Cosima… — loin du Nord désormais détesté, Nietzsche vit à Gênes, et i
2006 ênes, et il écrit Aurore. « Presque chaque phrase de ce livre a été pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce
2007 é pensée et comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rochers près de Gênes, où je vivais tout seul, en une fam
2008 comme capturée dans les mille recoins de ce chaos de rochers près de Gênes, où je vivais tout seul, en une familière intim
2009 des hauteurs, et il y termine la première partie de Zarathoustra, à « l’heure sainte » — tiendra-t-il à préciser plus tar
2010 e est femme… » Que dit Aurore ? « Il n’y a encore d’ efficace contre l’amour que ce vieux remède radical : l’amour en retou
2011 ligiosité décadente et aux « Sursum ! Bouboum ! » de Wagner ? Elle enseigne l’amour « remis à sa place dans la nature ! No
2012 remis à sa place dans la nature ! Non pas l’amour d’ une femme « idéale » !… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal
2013 idéale » !… Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est l
2014 … Au contraire, l’amour dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, d
2015 re, l’amour dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine
2016 dans ce qu’il a de fatal, de cynique, de candide, de cruel… L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle de
2017 amour dont Benjamin Constant a bien dit qu’il est de tous les sentiments le plus égoïste, — l’amour « naturel » à la Don J
2018 ui-même, en tant que philosophe, en tant qu’amant de la « Sagesse », qui se croit devenu Don Juan, et qui se définit comme
2019 an, et qui se définit comme tel ! Les philosophes de l’avenir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils seront « curieux
2020 Les philosophes de l’avenir réclameront le titre de « séducteurs ». Ils seront « curieux jusqu’au vice, chercheurs jusqu’
2021 rêts à n’importe quelle aventure grâce à un excès de libre jugement… Cachés sous le manteau de la lumière… des conquérants
2022 n excès de libre jugement… Cachés sous le manteau de la lumière… des conquérants ! » Et leur morale, au-delà du bien et du
2023 ute le texte capital : Une fable. — Le Don Juan de la connaissance : aucun philosophe, aucun poète ne l’a encore découve
2024 nque l’amour des choses qu’il découvre, mais il a de l’esprit et de la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de
2025 s choses qu’il découvre, mais il a de l’esprit et de la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de la connaissanc
2026 volupté et il jouit des chasses et des intrigues de la connaissance — qu’il poursuit jusqu’aux étoiles les plus hautes et
2027 ste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’ absolument douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit
2028 connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et de l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’e
2029 me l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et de l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’enfer, — c’est la
2030 é, cloué à la déception et devenu lui-même l’hôte de pierre, et il éprouvera le désir d’un repas du soir de la connaissanc
2031 i-même l’hôte de pierre, et il éprouvera le désir d’ un repas du soir de la connaissance ! qui jamais plus ne lui tombera e
2032 erre, et il éprouvera le désir d’un repas du soir de la connaissance ! qui jamais plus ne lui tombera en partage ! « — Car
2033 amé.47 Le rythme allègre ou endiablé, le presto de Don Juan, son humeur insolente et gaie, la désinvolture de grand seig
2034 an, son humeur insolente et gaie, la désinvolture de grand seigneur avec laquelle on « laisse tomber » une vérité dès qu’u
2035 ante pour l’esprit, tout cela domine les recueils d’ aphorismes, d’Humain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie de
2036 prit, tout cela domine les recueils d’aphorismes, d’ Humain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie de la Morale. Mai
2037 ain, trop humain au Gai Savoir et à la Généalogie de la Morale. Mais déjà dans Aurore, il arrive que le Don Juan de la con
2038 Mais déjà dans Aurore, il arrive que le Don Juan de la connaissance s’interroge, et cela n’est pas dans le droit fil du p
2039 plus outre dans son sens, emporté par sa frénésie de découvertes et de négations triomphantes ? La dernière va le jeter da
2040 n sens, emporté par sa frénésie de découvertes et de négations triomphantes ? La dernière va le jeter dans cela même dont
2041 oi craignons-nous et haïssons-nous la possibilité d’ un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce que la barbarie re
2042 eux qu’ils ne le sont ? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Ma
2043 non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de conn
2044 nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore ap
2045 le bonheur sans connaissance, ou bien le bonheur d’ une illusion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous repr
2046 présenter un pareil état de choses ! L’inquiétude de la découverte et de la divination a pris pour nous autant de charme e
2047 état de choses ! L’inquiétude de la découverte et de la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue t
2048 verte et de la divination a pris pour nous autant de charme et nous est devenue tout aussi indispensable que ne l’est, pou
2049 aucun prix il n’aimerait l’abandonner pour l’état d’ indifférence ; — oui, peut-être sommes-nous, nous aussi, des amants ma
2050 transformée chez nous en passion qui ne s’effraie d’ aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’étei
2051 fice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même… Mais la passion de la connaissance peut faire
2052 , celle de s’éteindre elle-même… Mais la passion de la connaissance peut faire périr l’humanité ? Qu’à cela ne tienne ! «
2053 sur nous. Le christianisme s’est-il donc effrayé d’ idées semblables ? La passion et la mort ne sont-elles pas sœurs ?48 »
2054 i, Don Juan vient de surprendre la vérité secrète de son pire Adversaire. Qui sait s’il ne va pas l’aimer ? ⁂ Dans la troi
2055 il ne va pas l’aimer ? ⁂ Dans la troisième partie d’ Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup de théâtre préparé par c
2056 e d’Ainsi parlait Zarathoustra se produit le coup de théâtre préparé par ces quelques accords dissonants, dont la sourde i
2057 ants, dont la sourde interrogation n’a pu manquer de réveiller dans la mémoire de Nietzsche les motifs tristaniens du Dési
2058 ation n’a pu manquer de réveiller dans la mémoire de Nietzsche les motifs tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit,
2059 ire de Nietzsche les motifs tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et de l’Extase. Sub
2060 tristaniens du Désir, de l’Invocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et de l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’es
2061 nvocation à la Nuit, de la Délivrance du Temps et de l’Extase. Subitement, ce qui parle, c’est l’Ombre, c’est son ombre :
2062 Minuit profond ? J’ai dormi, j’ai dormi — Du fond d’ un songe je m’éveille : Profond est le monde Et plus profond que le jo
2063 la « nouvelle passion » qu’annonçait le fragment d’ Aurore : c’est le retour du mythe mortel de l’Amour qui transfixe et t
2064 agment d’Aurore : c’est le retour du mythe mortel de l’Amour qui transfixe et transfigure. C’est le Chant de Minuit saluan
2065 mour qui transfixe et transfigure. C’est le Chant de Minuit saluant l’Éternité, quand Don Juan meurt avec le temps et la s
2066 tour éternel qui subitement « cloue » le Don Juan de la connaissance. C’est Nietzsche lui-même qui tend la main au Command
2067 Wagner — qui est un dernier Anti-Tristan — venait d’ être envoyé à l’impression. Dans Aurore, je relis : « Que celui qui v
2068 rsaire considère si ce ne serait pas là une façon de l’éterniser en soi-même ». ⁂ Le « cas Nietzsche » n’a pas été tranché
2069 nées que Nietzsche lui-même. Le dernier aphorisme d’ Aurore se termine ainsi : Où voulons-nous aller ? Voulons-nous donc f
2070 nt et s’éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi, gouvernant toujours vers l’ouest, nous espérion
2071 Inde inconnue, — mais que c’était notre destinée d’ échouer devant l’infini ? Ou bien, mes frères, ou bien ? Dans Ecce Ho
2072 Tristan de la Foi. Était-ce vraiment la destinée de Nietzsche « d’échouer devant l’infini » ? Ou au contraire son choix d
2073 Foi. Était-ce vraiment la destinée de Nietzsche «  d’ échouer devant l’infini » ? Ou au contraire son choix délibéré ? Ou bi
2074 ns le Don Juan du théâtre comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des person
2075 u contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, don
2076 t en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il n’aura jamais épuisé
2077 Don Juan, toujours aimé, ne peut aimer en retour. D’ où son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amo
2078 et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’ amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chast
2079 ue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté d’ une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la « prouesse » d
2080 t chaste la « prouesse » divinisante. La tactique de Don Juan, c’est le viol, et aussitôt remportée la victoire, il abando
2081 il abandonne le terrain et s’enfuit. Or la règle de l’amour courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la
2082 crime des crimes, la félonie sans rémission ; et de l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tribut
2083 jusqu’à la mort. Don Juan se rend donc tributaire de la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu’elle existe pour trouve
2084 es règles, des péchés et des vertus, par la grâce d’ une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à ce
2085 par la grâce d’une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le dém
2086 ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde, le martyr de
2087 le prisonnier des apparences du monde, le martyr de la sensation de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan
2088 e et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’ un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mu
2089 Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort
2090 ier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’ un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore
2091 e le Commandeur lui tend la main, au dernier acte de Mozart, rachetant par cet ultime défi des lâchetés qui eussent déshon
2092 ’abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont
2093 se éternité. — Don Juan, joyeux moments, éternité d’ enfer. Un contraste aussi pur, terme à terme, implique évidemment un l
2094 i pur, terme à terme, implique évidemment un lien d’ interaction ; bien plus : une relation complémentaire au sens de la ph
2095 ; bien plus : une relation complémentaire au sens de la physique actuelle. Don Juan n’est pas concevable sans Tristan, et
2096 n, et sans lui n’eût pas vu le jour. Mais ce lien de genèse réciproque ne saurait s’exprimer de la même manière en termes
2097 e lien de genèse réciproque ne saurait s’exprimer de la même manière en termes d’histoire, d’éthique, ou de psychologie. L
2098 exprimer de la même manière en termes d’histoire, d’ éthique, ou de psychologie. L’Histoire constate la filiation des mythe
2099 même manière en termes d’histoire, d’éthique, ou de psychologie. L’Histoire constate la filiation des mythes, puis leurs
2100 nfin leur coexistence statistique dans l’ensemble d’ une société aussi complexe que la nôtre. L’Éthique condamne en princip
2101 e valoir sa vertu, ce soit au prix de l’exclusion d’ autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tris
2102 oit au prix de l’exclusion d’autant plus radicale de l’autre. (Pire qu’un Don Juan, pire qu’un Tristan, seraient un Don Ju
2103 ur.) Enfin, pour la Psychologie, toute apparition de l’un des mythes au niveau de la conscience individuelle correspond à
2104 onscience individuelle correspond à l’occultation de l’autre en l’inconscient. La possibilité d’une inversion du rapport s
2105 ation de l’autre en l’inconscient. La possibilité d’ une inversion du rapport subsiste donc en permanence. Au surplus, dans
2106 mesure où la conduite, la pensée et l’affectivité d’ un même individu sont dissociées, Don Juan peut régir telle d’entre el
2107 elle autre. La filiation des mythes ne pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don J
2108 des mythes ne pose guère de problèmes. La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à
2109 La légende de Tristan date du xiie siècle, celle de Don Juan ne remonte guère qu’à la Renaissance, et ne s’est vraiment c
2110 nstituée qu’à la faveur du refoulement temporaire de la « noble » passion dont parlait Nietzsche, pendant le siècle des Lu
2111 que l’on vient de considérer, l’éclipse du mythe de la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Jua
2112 de la passion devait faire apparaître l’antithèse de Tristan. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xvii
2113 il joué par rapport à ce personnage le rôle exact de Lucifer par rapport à la Création, dans la doctrine manichéenne : c’e
2114 imprimé pour toujours ces deux traits si typiques de l’époque : la noirceur et la scélératesse. Antithèse vraiment parfait
2115 esse. Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’amour chevaleresque : la candeur et la courtoisie.50. » Observons a
2116 u féodal. Si Tristan quitte ses terres, s’éloigne de la Cour, son « errance » traduit dans l’espace la Quête ou l’Exil spi
2117 uête ou l’Exil spirituel. Mais l’humeur voyageuse de Don Juan ne relève que du nomadisme ; elle traduit l’infidélité systé
2118 coutumes, préjugés et principes du groupe natif, de la tribu ou de la nation. C’est pourquoi le retour de la passion mort
2119 ugés et principes du groupe natif, de la tribu ou de la nation. C’est pourquoi le retour de la passion mortelle vers le mi
2120 a tribu ou de la nation. C’est pourquoi le retour de la passion mortelle vers le milieu du xixe , s’il est d’abord le fait
2121 ntisme, ne coïncide point par hasard avec l’essor de la passion nationaliste, qui est sa transposition au niveau politique
2122 position au niveau politique51. Mais le nomadisme de Don Juan n’est pas seulement cosmopolite et donc moderne. Les succès
2123 et donc moderne. Les succès du héros, comme ceux de Casanova, ne sont pas seulement le fait d’un charme individuel. Des c
2124 e ceux de Casanova, ne sont pas seulement le fait d’ un charme individuel. Des coutumes ancestrales, oubliées depuis des si
2125 iècles, sont subitement réactivées par sa qualité d’ Étranger. À la question d’une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! H
2126 activées par sa qualité d’Étranger. À la question d’ une femme qu’il veut séduire : « Ah ciel ! Homme, qui es-tu ? » le Don
2127 mme sans nom, sans passé ni lendemain, c’est l’un de ces cavaliers sortis des temps où les hordes nomades apparaissaient s
2128 femmes, leur révélaient le plaisir dans l’acuité de l’épouvante, et fuyaient au galop vers leur désert. Et c’est aussi le
2129 assez fort pour oser assumer les périls supposés de l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le
2130 t pour oser assumer les périls supposés de l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ
2131 érils supposés de l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une
2132 e l’acte de défloration, — périls de l’âme, perte de la mana. Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une sorte de devoir
2133 Ainsi le jus primæ noctis serait plutôt une sorte de devoir littéralement « religieux » du seigneur. Dans la nuit, sous le
2134 en est. En ce sens, uniquement, Don Juan procède d’ un état de civilisation bien antérieur au christianisme, et plus encor
2135 n ce sens, uniquement, Don Juan procède d’un état de civilisation bien antérieur au christianisme, et plus encore à la che
2136 encore à la chevalerie courtoise. Du point de vue de la psychologie individuelle, l’antériorité de Tristan apparaît encore
2137 vue de la psychologie individuelle, l’antériorité de Tristan apparaît encore plus évidente. L’amour-passion n’est ressenti
2138 , et ne sera plus jamais aussi nettement distinct de toute autre douleur ou joie. Le sentiment qu’expriment les troubadour
2139 uit normalement au mariage, c’est-à-dire au point de départ d’une dialectique des plus complexes, dont les termes de base
2140 ement au mariage, c’est-à-dire au point de départ d’ une dialectique des plus complexes, dont les termes de base sont le se
2141 e dialectique des plus complexes, dont les termes de base sont le sexuel, le social et le sentimental. Supposons que la sy
2142 hanges avec la société — aient trouvé leur régime d’ équilibre en mouvement, et que la résultante de ce système d’échanges
2143 me d’équilibre en mouvement, et que la résultante de ce système d’échanges soit positive, pour l’une et l’autre des person
2144 en mouvement, et que la résultante de ce système d’ échanges soit positive, pour l’une et l’autre des personnes composant
2145 ar elle sera bientôt soumise à l’épreuve imprévue de la durée, qui modifie nécessairement l’importance relative de chacun
2146 qui modifie nécessairement l’importance relative de chacun des trois termes, et cela chez deux être différents. (Calculez
2147 ossibles : ce n’est pas ici mon sujet, mais celui d’ un traité du mariage.) Si au contraire le sentiment, dans son essor ve
2148 s obstacles insurmontables, qui sont généralement de nature sociale : ou bien il s’exalte et les nie — ou bien il renonce
2149 nd une nouvelle énergie, ou des raisons nouvelles de se renier. C’est alors que les mythes s’emparent de lui. Dans les deu
2150 se renier. C’est alors que les mythes s’emparent de lui. Dans les deux cas, le mariage est condamné : puisqu’il est la du
2151 se que l’instant des brèves rencontres érotiques. De ce point de vue, Tristan serait un mari manqué pour avoir manqué le s
2152 al et le sentimental52. Mais comme il n’est guère de mariage qui parvienne à maintenir sans crise une synthèse dans la dur
2153 es réels sont soumis dans leurs crises à l’action de l’un des deux. La morale et la société prononcent alors leurs décrets
2154 la leur, exige une prise de conscience objective de leur véritable nature, et des fins vers lesquelles nous conduisent le
2155 nous conduisent leurs structures. Du point de vue de l’histoire et de la psychologie — phylogenèse, ontogenèse —, c’est l’
2156 eurs structures. Du point de vue de l’histoire et de la psychologie — phylogenèse, ontogenèse —, c’est l’alternance des my
2157 ombre quand l’autre agit au jour. Tout diagnostic d’ une situation, tout pronostic sur son évolution, devront donc s’établi
2158 évoqués ici l’ont établi. En revanche, aux heures de crise que les célibataires comme les couples mariés traversent quelqu
2159 ariés traversent quelquefois, c’est sous la forme d’ une alternative que le drame s’impose, qu’il est vécu, et que la moral
2160 ive qu’en connaissance des fins auxquelles chacun de ses termes s’ordonne et nous incline, selon sa loi. Mais il se peut a
2161 ellement complémentaires. Ce ne serait plus alors d’ un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’une tension à restaurer
2162 ors d’un dilemme à trancher qu’il s’agirait, mais d’ une tension à restaurer dans son équilibre vital… VSens final des d
2163 ns final des deux mythes Quelles sont les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui n
2164 thes Quelles sont les fins de nos vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que d
2165 os vies au-delà de survivre, travailler et gagner de l’argent, qui ne sont au vrai que des moyens ? Limitons-nous aux quat
2166 amoureux. Le bonheur spontané veut la durée. Mais de la durée naît l’ennui : c’est pourquoi beaucoup les confondent. J’ima
2167 t. J’imagine cependant deux raisons non médiocres de refuser la durée normale ; ou plutôt deux tempéraments qui ne pourron
2168 rer l’amour dans l’existence normale, ou par goût de l’excès en soi, l’un prétendra transcender la durée, l’autre en faire
2169 aité mieux. « Le croire malheureux parce qu’il va de l’une à l’autre, c’est le croire malheureux parce qu’il n’atteint pas
2170 nt pas un but qu’il ne poursuit pas », écrit l’un de ses apologistes53, qui ajoute aussitôt : « Il est heureux jusque dans
2171 ussitôt : « Il est heureux jusque dans les échecs de sa chasse, puisque son plaisir est dans la chasse plus que dans la pr
2172 la chasse plus que dans la prise. » L’excitation de la chasse lui suffit donc, et, l’on insiste : elle est même pour lui
2173 ’en vois une autre : rien de plus raisonnable que de la cueillir aussi. » Il est vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en
2174 t vrai que Don Juan « raisonne » ainsi, en chacun de nous à ses heures. C’est qu’il oublie qu’une femme n’est pas une pomm
2175 lui qui ne l’aura pas « prise », s’étant contenté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, parce que, se
2176 nté de la « goûter ». Dona Anna poursuit Don Juan de sa haine, parce que, selon la légende primitive — que nous rappelle u
2177 devait… Il a trompé la femme en elle, en abusant de son rôle divin d’animateur pour satisfaire seulement le plaisir de se
2178 pé la femme en elle, en abusant de son rôle divin d’ animateur pour satisfaire seulement le plaisir de ses sens.54 » Toute
2179 d’animateur pour satisfaire seulement le plaisir de ses sens.54 » Toute magie sexuelle mise à part, le « divin » ramené à
2180 prit ou la personne, le sens est clair : le refus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la vraie possession, qu
2181 fus de la durée, chez Don Juan, équivaut au refus de la vraie possession, qui implique échange et don, entre humains tout
2182 l’on n’en finit pas si vite ! Il n’est que juste d’ observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes, qu’on vient de
2183 ste d’observer d’ailleurs que le Don Juan mangeur de pommes, qu’on vient de citer, reste un peu court. Il n’accédera jamai
2184 accédera jamais à l’érotisme, qui est dépassement de l’instinct et des faims animales. Il n’intéresse pas plus que les par
2185 pas plus que les pariades des autres, et n’a pas de prestige pour l’imagination. Mozart n’en eût rien fait, ni même Da Po
2186 n’en eût rien fait, ni même Da Ponte. Il sert ici d’ exemple extrême, pour déceler une certaine faiblesse intime de l’éroti
2187 trême, pour déceler une certaine faiblesse intime de l’érotisme donjuanesque, même dans ses manifestations les plus altièr
2188 st pas seulement la réalité du couple, mais celle de l’objet désiré. La plupart des rêveries érotiques échouent devant la
2189 ure lui-même avec tout ce que cela peut comporter de gênant ou d’insupportable, après l’accomplissement du phantasme excit
2190 avec tout ce que cela peut comporter de gênant ou d’ insupportable, après l’accomplissement du phantasme excitant. Et c’est
2191 ice Théodora faisait tuer avant l’aube ses amants d’ une nuit. Tristan veut au contraire l’éternité, car il veut échapper à
2192 , veut la profonde éternité ». Telle est la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut plus, et non
2193 de éternité ». Telle est la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut plus, et non moins, que le ma
2194 . Telle est la forme de son évasion, de son refus de la durée incarnée. Il veut plus, et non moins, que le mariage ; plus,
2195 e mariage ; plus, et non moins, que la possession de « la vérité dans une âme et un corps » comme dit Rimbaud. L’excitatio
2196 âme et un corps » comme dit Rimbaud. L’excitation de la nouveauté, il la trouve dans le drame renouvelé d’une seule passio
2197 a nouveauté, il la trouve dans le drame renouvelé d’ une seule passion mais toujours plus intense, brûlant la vie. Psychose
2198 rce véritable ? Seule une estimation bien assurée de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous
2199 on bien assurée de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si
2200 de notre vie dans ce monde-ci, et de son sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si notre incarnat
2201 sens ou de son absurdité, nous mettrait en mesure de répondre. Si notre incarnation présente n’est que souffrance et illus
2202 an qui a raison contre le mariage. S’il n’est pas d’ autre vie ni d’autre réalité qu’historique, matérielle et biologique,
2203 contre le mariage. S’il n’est pas d’autre vie ni d’ autre réalité qu’historique, matérielle et biologique, le mariage est
2204 n Juan serait alors la liberté, un reflet inversé de l’esprit que l’on nie. On peut aussi penser que le mariage est « la p
2205 t « la plénitude du temps », comme le dit le Mari de Kierkegaard, la synthèse vivante de l’instant, de la durée et de l’ét
2206 e dit le Mari de Kierkegaard, la synthèse vivante de l’instant, de la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problè
2207 de Kierkegaard, la synthèse vivante de l’instant, de la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie
2208 la synthèse vivante de l’instant, de la durée et de l’éternité. Celui qui a résolu ce problème dans sa vie est seul en me
2209 résolu ce problème dans sa vie est seul en mesure de condamner Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons
2210 Don Juan et Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons de le faire… Le Bonheur. — Moments de grand plaisir multipli
2211 t Tristan à la fois ; mais il n’a plus de raisons de le faire… Le Bonheur. — Moments de grand plaisir multipliés par les
2212 us de raisons de le faire… Le Bonheur. — Moments de grand plaisir multipliés par les aventures sans lendemain, couples he
2213 res sans lendemain, couples heureux dans la durée de leur amour, tourments bienheureux de la passion : l’argument du bonhe
2214 ans la durée de leur amour, tourments bienheureux de la passion : l’argument du bonheur sert à tous. Et ce n’est pas une r
2215 ions ou l’impuissance, la solitude ou l’obsession de l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’esprit et d’âme — ces deux ca
2216 bsession de l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’ esprit et d’âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de j
2217 l’abandon, l’angoisse ou la vulgarité d’esprit et d’ âme — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de jouer un rôle
2218 — ces deux cas sont les plus généraux — empêchent de jouer un rôle « heureux » dans le mariage, ou le libertinage, ou la p
2219 ’il arrive à chacun des trois types, même réussi, d’ éprouver à l’endroit des deux autres : j’étais né pour ceci ou pour ce
2220 : j’étais né pour ceci ou pour cela (le contraire de ce que je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé de…, si je pouv
2221 ue je suis en train de vivre), j’ai toujours rêvé de …, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’autre chose est normal.
2222 êvé de…, si je pouvais refaire ma vie… Mais rêver d’ autre chose est normal. Une certaine dualité est normale, dans la mesu
2223 sure où elle ne fait que traduire la formule même de la vie sur tous les plans : spirituel, animique, biologique et physiq
2224 t concevable hors de la tension permanente, voire de la lutte (latente ou déclarée) entre au moins deux tendances antagoni
2225 ns ici l’exemple élémentaire et primordial, celui de la vie d’une cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend de l’a
2226 xemple élémentaire et primordial, celui de la vie d’ une cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend de l’action simu
2227 cellule. On sait aujourd’hui que cette vie dépend de l’action simultanée de deux acides nucléiques, concentrés dans le noy
2228 d’hui que cette vie dépend de l’action simultanée de deux acides nucléiques, concentrés dans le noyau mais également à l’œ
2229 ’œuvre dans le cytoplasme, où ils sont les agents d’ induction de la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuv
2230 le cytoplasme, où ils sont les agents d’induction de la synthèse des protéines. Tant que les deux sont à l’œuvre, la cellu
2231 à l’œuvre, la cellule fonctionne bien, son régime d’ échanges et de synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est «
2232 cellule fonctionne bien, son régime d’échanges et de synthèses est créateur : on pourrait dire qu’elle est « heureuse ». M
2233 dans son « âme » (c’est-à-dire dans le programme d’ activité dont ses chromosomes sont porteurs) qui se met à fabriquer le
2234 n virus ? Voilà le point. Un virus est un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il ne re
2235 s est un composé de substances analogues à celles de la cellule, sauf en ceci qu’il ne renferme qu’un seul des acides nucl
2236 nvaincre et modifier le cœur secret, le « noyau » de cette âme, et voici la névrose déclarée, le drame et l’éclatement du
2237 mplement mis en latence, mais demeure susceptible de ressusciter sous l’effet d’un choc émotif. Cette analogie biologique
2238 s demeure susceptible de ressusciter sous l’effet d’ un choc émotif. Cette analogie biologique n’explique pas, on s’en dout
2239 e n’explique pas, on s’en doute, la nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux
2240 nature en soi de nos mythes, qui sont phénomènes de l’âme. Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus de leur acti
2241 Mais elle nous aide à mieux imaginer le processus de leur action ; peut-être aussi de leurs éclipses apparentes, et de leu
2242 ner le processus de leur action ; peut-être aussi de leurs éclipses apparentes, et de leurs soudaines récurrences dans une
2243 peut-être aussi de leurs éclipses apparentes, et de leurs soudaines récurrences dans une vie. (Je songe par exemple au ch
2244 ar exemple au choc reçu par Nietzsche à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le se
2245 au choc reçu par Nietzsche à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarath
2246 zsche à l’annonce de la mort de Wagner : le motif de Tristan reparaît peu après dans le second Zarathoustra : « Car je t’a
2247 étant commune à tous les phénomènes qui relèvent de la vie en général, pourquoi refuser l’hypothèse que les agents « morb
2248 e les agents « morbides » se comportent eux aussi d’ une manière formellement analogue, quel que soit le niveau de la vie c
2249 re formellement analogue, quel que soit le niveau de la vie considéré ? Je ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple
2250 e ne citerai — et en passant — qu’un seul exemple d’ application de cette même dialectique à la vie politique. Le totalitar
2251  et en passant — qu’un seul exemple d’application de cette même dialectique à la vie politique. Le totalitarisme est carac
2252 ractérisé par sa prétention unitaire et son refus de composer avec aucune espèce d’opposition. Ce qui le distingue de tout
2253 taire et son refus de composer avec aucune espèce d’ opposition. Ce qui le distingue de tout autre régime — quelles que soi
2254 c aucune espèce d’opposition. Ce qui le distingue de tout autre régime — quelles que soient ses ressemblances avec plusieu
2255 ressemblances avec plusieurs d’entre eux — c’est, d’ une manière précise, qu’il n’admet qu’une tendance, la centralisation
2256 ntraire, se définit comme la synthèse perpétuelle de deux tendances antagonistes : l’autorité centrale et l’autonomie des
2257 talitarisme, sa maladie mortelle. Ayant vécu près d’ une année en Allemagne hitlérienne, j’avais coutume de dire à ceux qui
2258 e année en Allemagne hitlérienne, j’avais coutume de dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle
2259 dire à ceux qui me questionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant d’Allemands à une doctrine évidemment démen
2260 uestionnaient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant d’Allemands à une doctrine évidemment démente : « J’ai vu certai
2261 aient sur les motifs de l’adhésion réelle de tant d’ Allemands à une doctrine évidemment démente : « J’ai vu certains de me
2262 doctrine évidemment démente : « J’ai vu certains de mes étudiants devenir nazis. J’ai vu qu’ils changeaient physiquement.
2263 cette lourdeur dans le bas du visage, qui permet de reconnaître au premier regard un chef nazi. Si peu sérieux que cela p
2264 e du Trio. Quelques accords puissants, un échange de saluts comme on croise l’épée, toutes forces en alerte, et Don Juan d
2265 oise l’épée, toutes forces en alerte, et Don Juan d’ une voix forte s’écrie : « Que ce lieu s’ouvre à tous ! Vive la libert
2266 armonie ? Car la liberté, pour les Masques, c’est de tuer le traître séducteur et de se faire les exécutants d’un destin q
2267 es Masques, c’est de tuer le traître séducteur et de se faire les exécutants d’un destin qui les terrifie ; pour le valet,
2268 e traître séducteur et de se faire les exécutants d’ un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’est de servir son maître
2269 un destin qui les terrifie ; pour le valet, c’est de servir son maître tant qu’il le paye, et de le trahir si les choses t
2270 c’est de servir son maître tant qu’il le paye, et de le trahir si les choses tournent mal ; pour Mazetto, c’est d’empêcher
2271 si les choses tournent mal ; pour Mazetto, c’est d’ empêcher Zerline de succomber aux entreprises du seigneur ; pour Zerli
2272 nent mal ; pour Mazetto, c’est d’empêcher Zerline de succomber aux entreprises du seigneur ; pour Zerline, c’est de succom
2273 aux entreprises du seigneur ; pour Zerline, c’est de succomber ; et pour Don Juan de conquérir. Ici donc la morale des pri
2274 ur Zerline, c’est de succomber ; et pour Don Juan de conquérir. Ici donc la morale des principes, la morale des esclaves e
2275 es crient toutes : Vive la Loi ! Seule la liberté de Don Juan, qui d’ailleurs mène le chœur, fait exception : elle veut br
2276 al ou son éthique utilitaire. N’y a-t-il donc pas de liberté ? Ou bien la seule vraie liberté serait-elle dans le défi du
2277 servée aux esprits supérieurs, seuls dépositaires de cet ultime secret : Rien n’est vrai, tout est permis. C’était là de l
2278 et : Rien n’est vrai, tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’esprit, une parole qui mettait en question la foi
2279 , tout est permis. C’était là de la vraie liberté d’ esprit, une parole qui mettait en question la foi même de la vérité.56
2280 t, une parole qui mettait en question la foi même de la vérité.56 On ne peut aller plus loin, on ne peut aller plus haut
2281 la défense et dans l’illustration du libertinage de l’esprit, contre la liberté chrétienne d’une part, qui est obéissance
2282 la liberté que Nietzsche veut aimer cessera vite d’ être désirable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie 
2283 rable quand il aura tué la vérité elle-même : pas de « vraie » liberté sans vérité. Comme Nietzsche l’indique — pour l’oub
2284 a pas dit autre chose avant eux, ni les mystiques de l’islam après eux. Cette connaissance ne peut être obtenue par un déf
2285 tte liberté seule « vraie » ne peut être le terme d’ aucune espèce de revendication, nécessairement tournée vers l’extérieu
2286 e « vraie » ne peut être le terme d’aucune espèce de revendication, nécessairement tournée vers l’extérieur, vers les véri
2287 pose donc une libération. Libération est la voie de Tristan. Sa passion veut aimer sans limites au-delà des formes et du
2288 mps, au-delà du moi distinct et désirant, au-delà de tous les attachements terrestres, — elle veut ce ciel où l’amant et l
2289 onfondent en un seul être, dans le règne sans fin de l’Amour sans réveil. Là, rien n’est plus ni vrai ni faux, ni tien ni
2290 re aimer qui ? C’est dans l’énigme jamais résolue de ce nirvana romantique (où le Souffle du Monde est encore une « tourme
2291 ente » !) que nous laissent les dernières mesures de Tristan. L’amour. — Ici la dialectique des deux mythes se resserre.
2292 t son origine concrète, et qui lui échappe. Point d’ amour pour Don Juan, le désir seul ; ni de prochain, mais seulement de
2293 . Point d’amour pour Don Juan, le désir seul ; ni de prochain, mais seulement des objets. Mais pour Tristan, si le dernier
2294 dans l’inconscient tout-englobant, il n’y a plus d’ objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un su
2295 nscient tout-englobant, il n’y a plus d’objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui
2296 ’objet, ni de prochain. Il n’y a plus que l’amour de l’amour dans un sujet qui, lui aussi, doit s’évanouir. Que reste-t-il
2297 autres perdent, pour sauver leur vie, les raisons de vivre, Tristan perd, à cause de l’amour les raisons humaines d’aimer.
2298 tan perd, à cause de l’amour les raisons humaines d’ aimer. Dans la pureté de leur expression mythique, l’extraversion de
2299 our les raisons humaines d’aimer. Dans la pureté de leur expression mythique, l’extraversion de Don Juan et l’introversio
2300 ureté de leur expression mythique, l’extraversion de Don Juan et l’introversion de Tristan anéantissent, chacun à sa maniè
2301 que, l’extraversion de Don Juan et l’introversion de Tristan anéantissent, chacun à sa manière, la réalité du prochain. Do
2302 éalité du prochain. Don Juan et Tristan, symboles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’aimer sans aimer le procha
2303 boles de l’âme, ne sont en fait que deux manières d’ aimer sans aimer le prochain. N’étant pas des personnes, mais des puis
2304 raient s’aimer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car sans prochain, l
2305 mer eux-mêmes, ce qui est la condition de l’amour d’ un autre, et donc de tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne s
2306 i est la condition de l’amour d’un autre, et donc de tout amour réel : car sans prochain, l’amour ne sait plus où se prend
2307 qu’il reçoit, sujet nouveau, — et tel est l’amour de soi-même. Elle s’établit ensuite à l’intérieur du couple, entre les d
2308 et la communauté humaine. Telle est la plénitude de l’amour — et sa rareté merveilleuse ! Mais nos arts devant elle ont t
2309 antes à créer le mythe du mariage idéal, ont vécu de ses maladies… ⁂ En ce terme d’une longue méditation au carrefour fabu
2310 ge idéal, ont vécu de ses maladies… ⁂ En ce terme d’ une longue méditation au carrefour fabuleux qu’aucune carte n’indique,
2311 sage ambigu. Les deux mythes les plus prestigieux de l’amour que l’on rêve en Occident sont en réalité deux négations de l
2312 n rêve en Occident sont en réalité deux négations de l’amour vrai dans le mariage, bien qu’ils en soient inséparables : il
2313 bien qu’ils en soient inséparables : ils sont nés de lui, contre lui, et ne pourraient se perpétuer sans lui. Mais ici se
2314 nos tentations majeures, mais des signes chargés de sens. Qu’ils se lèvent soudain devant nous, fascinants comme un rêve
2315 e, et nous savons que le moment est venu de virer de cap, ou bien d’affronter la tempête et les orages désirés. Tous les d
2316 s que le moment est venu de virer de cap, ou bien d’ affronter la tempête et les orages désirés. Tous les deux ont raison c
2317 re l’amour, sitôt qu’il se ramène en soi, cessant d’ être un échange vivant. Enfin tous les deux ont raison contre nos mora
2318 Enfin tous les deux ont raison contre nos morales de série, hygiéniques, étatiques, et sans style ni virtu. Dès qu’un désé
2319 e l’un des deux gagne à la main, il aura tôt fait de ruiner mariage, modération, personne, et la vie même. Mais sans eux,
2320 ée pure, à l’idéalité, à la catégorie. Il n’a pas de peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron s
2321 de peine à démontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron sont à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou
2322 émontrer que les Don Juan de Molière, de Heiberg, de Byron sont à cet égard loin de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les
2323 n de compte. 25. Ou bien… ou bien, « Les stades de l’érotique spontané ou l’érotique musical » (troisième stade). 26.
2324  » (troisième stade). 26. Étapes sur le chemin de la vie, « In Vino Veritas », discours de Johannes le Séducteur. Casan
2325 e chemin de la vie, « In Vino Veritas », discours de Johannes le Séducteur. Casanova serait beaucoup plus conforme au type
2326 ’à gagner des parties. C’est un des lieux communs de la critique moderne que de nier le caractère donjuanesque du personna
2327 t un des lieux communs de la critique moderne que de nier le caractère donjuanesque du personnage de Casanova. Certes, Cas
2328 e de nier le caractère donjuanesque du personnage de Casanova. Certes, Casanova n’est pas impie, n’est pas démon, ne provo
2329 fe mais très superstitieux. Enfin, il se contente de conquêtes faciles. (Mais je ne sais où l’on prend que Don Juan les dé
2330 s Mémoires existent bel et bien. Quant aux points de contact historiques entre le Vénitien et Don Giovanni, qu’il suffise
2331 entre le Vénitien et Don Giovanni, qu’il suffise de rappeler l’amitié qui liait Da Ponte et Casanova au moment où l’abbé
2332 deux compères firent alors à Mozart, la présence de Casanova lors de la première de Don Giovanni à Prague, enfin une vers
2333 zart, la présence de Casanova lors de la première de Don Giovanni à Prague, enfin une version différente du sextuor du IIe
2334 rouvée dans ses papiers à Dux. 27. À rapprocher de Nietzsche : « Le mot le plus pudique que j’aie jamais entendu : — Dan
2335 Kierkegaard voit très bien la parenté des mythes de Faust et de Don Juan (voir notamment le développement sur Marguerite,
2336 voit très bien la parenté des mythes de Faust et de Don Juan (voir notamment le développement sur Marguerite, dans Ou bie
2337 t sur Marguerite, dans Ou bien… ou bien, « Tracés d’ ombre »). Dans l’ouvrage si intelligent et si bien informé de Mlle Mic
2338 Dans l’ouvrage si intelligent et si bien informé de Mlle Micheline Sauvage : Le Cas Don Juan (une seule lacune, presque i
2339 nt des gémeaux mythiques… moitiés complémentaires d’ un être double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a
2340 d’un être double… Don Juan est intelligent, épris de clair savoir, il a une tête faustienne, Faust est voluptueux, désireu
2341 e tête faustienne, Faust est voluptueux, désireux d’ amour, il a des sens et un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligenc
2342 t un cœur donjuanesques… Faust est l’intelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le romantisme conclura q
2343 ntelligence de Don Juan ; Don Juan est l’érotisme de Faust… Le romantisme conclura que Don Juan et Faust cherchent tous de
2344 e à la volupté. » Etc. 29. Étapes sur le Chemin de la Vie, « Propos sur le mariage ». 30. Les Œuvres de l’amour, 1847.
2345 Vie, « Propos sur le mariage ». 30. Les Œuvres de l’amour, 1847. 31. Riens philosophiques, « Le Dieu comme maître et
2346 hysique) ». 35. Aurore, n° 27. 36. Généalogie de la Morale, « Quel est le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 37. A
2347 36. Généalogie de la Morale, « Quel est le sens de tout idéal ascétique ? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. La Naissance
2348  ? », 7. 37. Aurore, n° 503. 38. La Naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, chap. II. 39. Par
2349 . 38. La Naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, chap. II. 39. Par-delà…, n° 260 fin. 40. Aur
2350 n° 260 fin. 40. Aurore, n° 109. 41. L’Origine de la tragédie (1869-1872), p. 137, 207, 208, trad. française, Mercure d
2351 ad. française, Mercure de France. 42. L’Origine de la tragédie, p. 190-191. 43. Ecce Homo. 44. Le choc profond que du
2352 prouver Nietzsche, à cette nouvelle, précède donc de très peu l’illumination de Sils-Maria, le renversement spectaculaire
2353 nouvelle, précède donc de très peu l’illumination de Sils-Maria, le renversement spectaculaire dont la seconde partie de Z
2354 renversement spectaculaire dont la seconde partie de Zarathoustra va témoigner. Cf. infra, p. 153. 45. Le Cas Wagner, d
2355 st la France, il est bien près de le dire en plus d’ une page de ses mémoires, et pas seulement aux premières phrases où il
2356 e, il est bien près de le dire en plus d’une page de ses mémoires, et pas seulement aux premières phrases où il compare la
2357 es malheurs exemplaires ». Il l’a longtemps aimée de loin, dans son exil. Il l’a ramenée au Mari légitime, représenté par
2358 enée au Mari légitime, représenté par la Légalité de l’État, après l’avoir délivrée de haute lutte en terrassant le géant
2359 par la Légalité de l’État, après l’avoir délivrée de haute lutte en terrassant le géant qui la tenait captive et qui exige
2360 qui la tenait captive et qui exigeait son tribut de jeunes gens (Minotaure-Morholt-Hitler). Puis il a dû s’éloigner de no
2361 el. Mais la vraie passion tristanienne se nourrit de retraits et d’obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire d
2362 ie passion tristanienne se nourrit de retraits et d’ obstacles, quitte à les susciter s’ils semblent faire défaut. Entre la
2363 déposé une épée symbolique ? Pour qu’une passion de cette nature n’aboutisse point à quelque « malheur exemplaire », il f
2364 xemplaire », il faudrait qu’un heureux « accident de l’histoire » vienne déjouer la logique du Mythe. 52. « Celui qui ne
2365 as trouver le chemin qui conduit à son idéal, vit de façon plus frivole, plus insolente, que l’être sans idéal », observe
2366 e, 1922. — À propos de Dona Anna : les biographes de Mozart nous assurent que ses contemporains ne doutaient pas un instan
2367 « l’homme inconnu » pour son fiancé, à la faveur de l’obscurité. Mais c’est Dona Anna qui appelle son père, au moment où
2368 peu trop vite. Je ne vois pas Casanova « trahi » de la sorte. Il a mieux aimé ses conquêtes et elles l’ont mieux conquis 
2369 déclare sa haine pour Don Juan, n’est pas pressée d’ épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal d’Allemagne ne fait qu’une ou
2370 pressée d’épouser Don Ottavio… 55. Mon Journal d’ Allemagne ne fait qu’une ou deux allusions très voilées à cette trans
2371 pu dire que mon livre lui avait suggéré le sujet de son Rhinocéros. 56. Généalogie de la morale, III, 24. 57. Romains,
2372 géré le sujet de son Rhinocéros. 56. Généalogie de la morale, III, 24. 57. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret
2373 57. Romains, 7, 6. 58. Derniers vers du livret de Tristan.
14 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Première partie — Dialectique des mythes II. Les deux âmes d’André Gide
2374 Dialectique des mythes II Les deux âmes d’ André Gide … à présent que j’y vois un peu plus clair… Et nunc man
2375 u plus clair… Et nunc manet in te. Au lendemain de la mort d’André Gide, j’avais écrit pour un Hommage collectif quelque
2376 r… Et nunc manet in te. Au lendemain de la mort d’ André Gide, j’avais écrit pour un Hommage collectif quelques pages don
2377 e qui m’intéresse ici, certain flou dans la prise de vues et certaines erreurs d’éclairage, et leur possible mise au point
2378 n flou dans la prise de vues et certaines erreurs d’ éclairage, et leur possible mise au point par un regard mieux informé.
2379 s peut-elle permettre une connaissance plus juste de quelqu’un qui a vécu sous vos yeux, qui a beaucoup parlé de lui-même
2380 un qui a vécu sous vos yeux, qui a beaucoup parlé de lui-même et vous a livré des aveux que vous pensiez avoir compris, ma
2381 faite pour confirmer, par recoupement, mes essais de mythanalyse portant sur des personnes que je n’ai pas connues et sur
2382 s et sur des personnages fictifs, donc incapables de me réfuter. Un complot de protestants Tout compte fait, nous nou
2383 tifs, donc incapables de me réfuter. Un complot de protestants Tout compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour
2384 compte fait, nous nous connaissions peu, ce jour de juin 39 où, dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train
2385 aissions peu, ce jour de juin 39 où, dans le hall de la rue Sébastien-Bottin, j’étais en train de téléphoner, quand je le
2386 vois descendre l’escalier. Je parle en le suivant d’ un œil. Il s’arrête, il paraît attendre. Je pose le récepteur et nous
2387 que je l’ignore, devant quitter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’apprendre au télé
2388 ter demain la maison de Charles Du Bos qui rentre d’ Amérique, et je viens d’apprendre au téléphone que « cela ne va plus »
2389 Charles Du Bos qui rentre d’Amérique, et je viens d’ apprendre au téléphone que « cela ne va plus » pour un appartement pro
2390 oudain, en se levant : « Eh bien ! allons le voir de ce pas ! » Alors, seulement, je comprends qu’il avait dit : « J’ai un
2391 z lui. Le studio est vaste et plaisant, agrémenté d’ un escalier conduisant à une large galerie. Par une porte capitonnée q
2392 n robe de chambre grise, le corps un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mi
2393 s un peu tassé et de large carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’un sourire mince et pourtant amical. Il fait
2394 e carrure, sa belle tête de moine tibétain barrée d’ un sourire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches
2395 ire mince et pourtant amical. Il fait très chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au mi
2396 rès chaud. De ses poches, il tire deux bouteilles de bière et nous les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’
2397 ire ?… » avec un sourire inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide, en riant : « On va dire que c’est un comp
2398 ide, en riant : « On va dire que c’est un complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins,
2399 n complot de protestants ! » Le mot ne manque pas de pertinence. Tous les matins, vers onze heures, il viendra entr’ouvrir
2400 par un profond « Allô ! Allô ! » et me demandera de passer chez lui pour quelques instants. Chaque fois, il orientera la
2401 é. Saint Paul reste sa bête noire. Et l’idée même d’ orthodoxie. Il nie vivement que l’expression d’orthodoxie protestante
2402 me d’orthodoxie. Il nie vivement que l’expression d’ orthodoxie protestante puisse avoir un sens. Le protestant, pour lui,
2403 -je, vous vous en tenez au protestantisme libéral de la fin du xixe siècle ? » — « Oui, c’est assez cela, la position du
2404 y, que j’aimais bien. » Vite lassé par les débats d’ idées, il semble répugner à toute pensée qui par le style d’abord ne l
2405 l’ait séduit. Il me parle souvent des Variations de Bossuet, avec une vive admiration, mais se refuse à Kierkegaard, qu’i
2406 anchement ses limites, et les moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’e
2407 moyens particuliers de sa recherche. Sur un seul de ces entretiens, j’ai pris des notes. C’est celui du 20 juin. J’avais
2408 ise, qu’il y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupée
2409 y trouve une explication des « erreurs de sa vie de jeune homme ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silen
2410  ». En phrases lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler du « drame de sa vie 
2411 lentes et difficultueuses, coupées de silences et de reniflements, il se met à parler du « drame de sa vie ». Jeune homme,
2412 et de reniflements, il se met à parler du « drame de sa vie ». Jeune homme, épris et puritain, il a voulu disjoindre l’amo
2413 ir. Il croyait que « l’amour hétérosexuel » était d’ autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que
2414 r hétérosexuel » était d’autant plus pur que rien de charnel ne s’y mêlait60. « C’est ainsi que je me suis complètement bl
2415 frappé chez bien des femmes, c’est leur manière «  de s’offusquer du désir de l’homme. » Plusieurs, mariées, lui ont confié
2416 mes, c’est leur manière « de s’offusquer du désir de l’homme. » Plusieurs, mariées, lui ont confié « qu’elles tenaient la
2417 ées, lui ont confié « qu’elles tenaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. Cela recommence tout le temp
2418 enaient la libido de leur mari pour quelque chose de morbide. Cela recommence tout le temps ! disaient-elles. » Il hoche l
2419 uve cela très curieux, n’est-ce pas ? — un éclair de malice au coin de l’œil. Puis il a quelques phrases obscures, apparem
2420 . « Je vous parle très sincèrement, je vous parle de choses qui ont joué un rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le
2421 rôle très grave dans ma vie. » (Frappé par le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement
2422 le ton de confession, par le ton « c’était mal » de ses propos.) Et, subitement, après un silence : « C’est ainsi que j’a
2423 ainsi que j’ai commis, à cette époque — je parle de mon premier séjour en Afrique —, une terrible erreur d’aiguillage ! »
2424 premier séjour en Afrique —, une terrible erreur d’ aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arrive
2425 erreur d’aiguillage ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivant
2426 e ! » Puis il tousse, se plaint de fumer trop, et de n’arriver point à se contraindre. Les jours suivants, il me donne à l
2427 ants, il me donne à lire par paquets les épreuves de son Journal en cours d’impression, et sur lequel je vais écrire un ar
2428 par paquets les épreuves de son Journal en cours d’ impression, et sur lequel je vais écrire un article pour la NRF. Il in
2429 us tard. Il les a recopiés dans deux cahiers gris d’ écolier. Un soir il vient m’avertir qu’il compte s’absenter pour huit
2430 sûr. Des housses couvrent les meubles, une sorte de vieux drap son grand bureau. Sur l’étoffe, bien en évidence, un fort
2431 r l’étoffe, bien en évidence, un fort cahier gris d’ écolier. J’ai lu les premières lignes, pour vérifier, et j’ai vite ref
2432 ner dans le piège ? Les deux, sans doute. Combien de fois l’ai-je revu après la guerre ? Souvent, en somme, et dans les li
2433 à Neuchâtel, à Berne. Mais je n’ai plus souvenir d’ aucune conversation qui mérite d’être rapportée, j’entends : qui modif
2434 ai plus souvenir d’aucune conversation qui mérite d’ être rapportée, j’entends : qui modifie le moins du monde l’image que
2435 odifie le moins du monde l’image que l’on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefoi
2436 on connaît de lui. Nous parlions style, tournures de phrases, Littré. Et quelquefois, littérature. (Mais il s’en détachait
2437 e les ouvrages qu’il se sentait le plus incapable d’ écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’un Simenon). À Berne, pendant un déj
2438 u’il se sentait le plus incapable d’écrire : ceux d’ un Marcel Aymé, d’un Simenon). À Berne, pendant un déjeuner, il s’enqu
2439 plus incapable d’écrire : ceux d’un Marcel Aymé, d’ un Simenon). À Berne, pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance
2440 pendant un déjeuner, il s’enquit avec insistance de mon opinion sur Strindberg, et je lui fis une réponse assez vague, m’
2441 i fis une réponse assez vague, m’étonnant surtout de la question. Huit jours plus tard, il recevait le prix Nobel. Chez Ri
2442 ponses, puis on lit à haute voix les papiers. Jeu de télépathie plutôt que de hasard. J’avais écrit, dernière question : «
2443 te voix les papiers. Jeu de télépathie plutôt que de hasard. J’avais écrit, dernière question : « Qu’est-ce que le style ?
2444 ts-rimés. « Car j’y excelle ! » annonça-t-il. Peu d’ hommes m’ont donné l’impression que le problème religieux existait dan
2445 il restait, pour lui, un problème. Gide avait peu d’ instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il p
2446 e avait peu d’instinct religieux, et moins encore de goût pour la métaphysique. Il préférait ce qu’il jugeait important à
2447 tant à ce que d’autres jugent profond. Son défaut de sens poétique me paraît presque inégalé depuis Montaigne. (Je ne nie
2448 itude envers le christianisme et son mystère. Peu d’ instinct religieux chez cet homme, alors que le christianisme, l’Églis
2449 ’Église et l’Évangile furent ses constants sujets d’ irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent
2450 vangile furent ses constants sujets d’irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oubl
2451 ses constants sujets d’irritation, de ferveur ou de nostalgie ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Qu’on n’oublie pas sa form
2452 ses lectures prolongées et sans cesse renouvelées de l’Écriture ; son amour pour le style biblique ; la confusion courante
2453 enue chez les jeunes bourgeois — et non seulement de son époque — entre tabous sexuels et spiritualité, d’où sa polémique
2454 on époque — entre tabous sexuels et spiritualité, d’ où sa polémique inlassable contre l’orthodoxie telle qu’il l’imaginait
2455 dans laquelle il voyait (par erreur) la sanction d’ une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enf
2456 a sanction d’une certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données bi
2457 certaine éthique ; la conversion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne f
2458 sion de quelques-uns de ses amis ; enfin la piété de sa femme. Ces données biographiques ne font point une nature. Elles e
2459 insistance du problème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, no
2460 roblème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide. Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux 
2461 ale ? Je pense plutôt que la morale était le lieu de son vrai drame, et qu’il ne pouvait approcher la religion que dans ce
2462 éfinir un saint qui ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique ni m
2463 i ne croit pas ? Un saint privé de foi autant que de religion, ni chrétien ni hindou, sans mystique ni mystère ? Ne serait
2464 partis pris éthiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au
2465 thiques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide. Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du chris
2466 s dimensions profondes. J’ai dit qu’il se méfiait d’ une certaine « profondeur », qui mesure parfois la distance entre l’ét
2467 u’il tenait pour la vérité. Il lui arrivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’un texte sacré, disons à son seul
2468 rivait ainsi de s’arrêter à la logique exotérique d’ un texte sacré, disons à son seul sens éthique. Penchant bien protesta
2469 e. Penchant bien protestant, ou simplement rançon d’ une stricte sobriété. Ses connaissances bibliques me stupéfiaient. L’u
2470 écusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’ écrivains, même chrétiens, nous ont montré pareil amour pour l’Évangil
2471 ile, et cela jusque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette c
2472 sque dans les années où il doutait de l’existence de Dieu. Mais il croyait à l’homme individuel, et cette croyance est née
2473 t à l’homme individuel, et cette croyance est née de la synthèse du christianisme. Elle n’existe pas hors de lui, et n’est
2474 . Savons-nous encore mesurer le sens et la portée de cette banalité, en vérité bizarre et unique dans l’Histoire, une civi
2475 rétique entre les hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occ
2476 hérétiques », toujours soucieux de différer mais de légitimer sa différence, on ne pouvait être plus occidental. On ne po
2477 traditionnelles, au sens du mythe, des astres et de l’ordre cosmique, ou bien encore au sens des lois fatales et collecti
2478 hristianisé, et à lui seul, libéré « par la foi » de l’empire des mythes, n’a cessé d’occuper sa pensée. Et j’ignore si c’
2479 « par la foi » de l’empire des mythes, n’a cessé d’ occuper sa pensée. Et j’ignore si c’est mal ou bien : je constate simp
2480 iens pas la foi pour une vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un mili
2481 e vertu plus que l’absence de foi pour une preuve de courage. Des vertus et des vices, dans un milieu donné, tout le monde
2482 ans un milieu donné, tout le monde reste en droit de juger au nom des normes établies. Mais la foi, le salut personnel n’o
2483 nt rien à voir avec la bienséance, et ne sont pas de l’ordre des mérites. Et c’est pourquoi il est écrit : « Ne jugez pas 
2484 e réprouve ces discussions sur la croyance ou non d’ un homme célèbre, multipliées et prolongées après sa mort dans notre s
2485 s après sa mort dans notre siècle. Elles relèvent de l’esprit de parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles
2486 ort dans notre siècle. Elles relèvent de l’esprit de parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni
2487 lèvent de l’esprit de parti, qui est le contraire de l’amour du prochain. Elles ne sont ni chrétiennes ni simplement honnê
2488 u’on croie cela, laissant aux incroyants le droit de mieux savoir. Et qu’est-ce que cela peut bien nous faire ? Sinon nous
2489 que cela peut bien nous faire ? Sinon nous servir d’ argument et nous rassurer curieusement dans notre foi ou dans notre in
2490 ’est justement le totalitarisme, qui est l’esprit de parti logiquement développé. Et d’abord dans la religion. Le vrai cro
2491 nd l’État contre l’homme invoquera les nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’
2492 quera les nécessités de l’Histoire ? Il n’est pas de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et
2493 as de vraie foi sans vrai doute, plus qu’il n’est de lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant,
2494 ité des conclusions que j’avais cru pouvoir tirer de mes entretiens avec Gide, touchant sa vie intime, ses jugements sur l
2495 ême, ou son attitude religieuse. Et par exemple : de cette confession surprenante dont j’ai donné la relation fidèle, la l
2496 te dont j’ai donné la relation fidèle, la lecture de L’Amour et l’Occident n’avait-elle été que le prétexte — ou la moti
2497 é à ce curieux besoin (dont il se plaint souvent) d’ abonder dans le sens de l’interlocuteur — quitte à se reprendre tôt ap
2498 dont il se plaint souvent) d’abonder dans le sens de l’interlocuteur — quitte à se reprendre tôt après, tête à tête avec s
2499 avec son Journal ? Ne cherchait-il que l’occasion d’ un aveu qui le tentait depuis longtemps ? Ou bien venait-il vraiment d
2500 ait depuis longtemps ? Ou bien venait-il vraiment de découvrir une « explication » convaincante de ses « erreurs » ? Ce de
2501 ent de découvrir une « explication » convaincante de ses « erreurs » ? Ce dernier mot lui-même, à cet instant, comment l’e
2502 aliste qui se constatait ? Le passionnant ouvrage de Jean Delay sur La Jeunesse d’André Gide m’a permis de lever une parti
2503 passionnant ouvrage de Jean Delay sur La Jeunesse d’ André Gide m’a permis de lever une partie de ces doutes. Au cours d’un
2504 ean Delay sur La Jeunesse d’André Gide m’a permis de lever une partie de ces doutes. Au cours d’une conversation qui prend
2505 nesse d’André Gide m’a permis de lever une partie de ces doutes. Au cours d’une conversation qui prend place dans les dern
2506 ermis de lever une partie de ces doutes. Au cours d’ une conversation qui prend place dans les derniers temps de sa vie (un
2507 versation qui prend place dans les derniers temps de sa vie (une bonne dizaine d’années après nos entretiens) Gide, écrit
2508 s les derniers temps de sa vie (une bonne dizaine d’ années après nos entretiens) Gide, écrit le Dr Delay « me dit attacher
2509 L’Amour et l’Occident et à ses analyses du mythe de Tristan. « C’est là, ajouta-t-il, et non dans les ouvrages des psycha
2510 des psychanalystes, que j’ai trouvé l’explication de quelques-unes de mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant de l
2511 s, que j’ai trouvé l’explication de quelques-unes de mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant de là, Jean Delay rec
2512 e mes erreurs, et des plus anciennes61 ». Partant de là, Jean Delay reconstitue la psychologie tristanienne, si typique de
2513 psychologie tristanienne, si typique des Cahiers d’ André Walter et des premiers « traités » de Gide, mais dont la persist
2514 ahiers d’André Walter et des premiers « traités » de Gide, mais dont la persistance à travers toute une vie est attestée p
2515 une vie est attestée par la publication posthume de fragments du Journal intime, et de Et nunc manet in te. Confirmation
2516 ation posthume de fragments du Journal intime, et de Et nunc manet in te. Confirmation précieuse et qui m’invite à reprend
2517 emble, le cas-limite que figure à mes yeux la vie de Gide : un exemple à peu près parfait de dissociation de la personne,
2518 ux la vie de Gide : un exemple à peu près parfait de dissociation de la personne, permettant la coexistence — l’actualité
2519 e : un exemple à peu près parfait de dissociation de la personne, permettant la coexistence — l’actualité simultanée — des
2520 anée — des deux mythes normalement exclusifs l’un de l’autre de Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme
2521 deux mythes normalement exclusifs l’un de l’autre de Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le p
2522 rmalement exclusifs l’un de l’autre de Tristan et de Don Juan62. André Walter, ou l’angélisme Dès le premier livre d
2523 ré Walter, ou l’angélisme Dès le premier livre de Gide, toutes les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est li
2524 ès le premier livre de Gide, toutes les « notes » de Tristan sont manifestes. L’amour est lié à la séparation des deux ama
2525 pour tenir le rôle obligé du roi Marc. L’extrême de la séparation étant la mort, Emmanuèle devra mourir, et André note (d
2526 nuèle devra mourir, et André note (dans un projet de roman, anticipant la réalité) : « Elle meurt, donc il la possède… Tan
2527 , mais aussitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes les entraves. » Cet amour doit s’élever à une extase libératri
2528 e, et garderait pourtant la volontaire conscience de son évanouissement ; ce serait comme un néant voluptueusement percept
2529 en somme, et une âme conçue comme « adversaire » de la chair. Mais la vertu de ce mot âme « s’épuise à force de le répéte
2530 e comme « adversaire » de la chair. Mais la vertu de ce mot âme « s’épuise à force de le répéter : il faudrait dire l’ange
2531 le est donc l’Ange, mais en même temps le « but » de l’ange, « l’essor de l’ange » chez son amant. Elle n’est jamais un mo
2532 ais en même temps le « but » de l’ange, « l’essor de l’ange » chez son amant. Elle n’est jamais un moi distinct, indépenda
2533 une projection déguisée, le Double féminin du moi d’ André : « Voilée de noir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au cheve
2534 isée, le Double féminin du moi d’André : « Voilée de noir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au chevet de mon lit, telle
2535 ir, au crépuscule, je t’ai vue accoudée au chevet de mon lit, telle qu’une ombre silencieuse… J’eus peur, et la vision s’é
2536 ur, et la vision s’évanouit. » Ailleurs — et plus d’ une fois — elle se confond avec l’image de la mère : « Le soir je retr
2537 et plus d’une fois — elle se confond avec l’image de la mère : « Le soir je retrouvais son profil disparu dans l’ombre de
2538 oir je retrouvais son profil disparu dans l’ombre de ta tête penchée… ta voix quand tu parlais me faisait souvenir. Et bie
2539 se confondait, indécise. » Parce qu’il a « peur » de cette reconnaissance et du double interdit qui s’y attache, il ne peu
2540 pour éviter le mariage, la vie commune ; et faute d’ obstacles extérieurs empêchant que l’amour « tourne à réalité » (comme
2541 ommé. Les voyages du mari et la « fragile » santé de la femme, les goûts de l’un et les silences de l’autre — quand un mot
2542 ri et la « fragile » santé de la femme, les goûts de l’un et les silences de l’autre — quand un mot pouvait tout dénouer !
2543 té de la femme, les goûts de l’un et les silences de l’autre — quand un mot pouvait tout dénouer ! — les données naturelle
2544 s en apparence, tout concourt à sauver la loi non de la morale mais du mythe : car il est inconcevable à jamais que Trista
2545 , ce ne sera qu’apparence. La vérité particulière de leur amour interdit cette réalité. Ils mourront donc comme ils auront
2546 ourront donc comme ils auront vécu : séparés l’un de l’autre et s’aimant65. Telle est la mystérieuse complicité de la vie
2547 t s’aimant65. Telle est la mystérieuse complicité de la vie contingente et du mythe : mystérieuse en ce sens qu’il demeure
2548 : mystérieuse en ce sens qu’il demeure impossible de décider si c’est le mythe qui a fait la vie, ou si la vie se trouvait
2549 Comme Kierkegaard, Gide s’est plaint très souvent d’ une « écharde dans la chair » qui, pensait-il, le rendait inapte au ma
2550 -il, le rendait inapte au mariage. Cause ou effet de l’emprise du mythe ? La question n’a peut-être pas de sens. On ne peu
2551 ’emprise du mythe ? La question n’a peut-être pas de sens. On ne peut se retenir de penser qu’un conseil judicieux, quelqu
2552 n’a peut-être pas de sens. On ne peut se retenir de penser qu’un conseil judicieux, quelques mots dits à temps à ce jeune
2553 homme élevé dans une folle ignorance des réalités de la chair, eussent au moins prévenu le drame du mariage blanc. Mais ju
2554 eils et les accidents qui eussent ouvert les yeux de sa victime consentante… Le nomadisme, ou Don Juan « Bondir à l’
2555 isme, ou Don Juan « Bondir à l’autre extrémité de soi-même » étant l’un des mouvements les plus typiques de Gide66, con
2556 ême » étant l’un des mouvements les plus typiques de Gide66, considérons en lui sans transition, Don Juan. C’est pendant s
2557 ns transition, Don Juan. C’est pendant son voyage de noces, pendant qu’il vit l’échec atroce de son mariage, que Gide écri
2558 voyage de noces, pendant qu’il vit l’échec atroce de son mariage, que Gide écrit Les Nourritures terrestres, bréviaire du
2559 uan surgit comme pour venger la douleur inhumaine de Tristan. Il se déguise un peu, pour mieux se faire admettre. Il préte
2560 ord que sa doctrine est justifiée par la religion de Gide : « L’Évangile y mène, dit Euclide ; on appellera ta doctrine No
2561 mos, pâturage67. » Ensuite, il substitue au terme de nomadisme, qui évoquerait l’infidélité — et ce scrupule est tristanie
2562 a « disponibilité », qui a je ne sais quel relent de charité générale, d’ouverture généreuse, voire d’amour du prochain. E
2563 qui a je ne sais quel relent de charité générale, d’ ouverture généreuse, voire d’amour du prochain. En fait, il s’agit bie
2564 de charité générale, d’ouverture généreuse, voire d’ amour du prochain. En fait, il s’agit bien du refus de la durée et du
2565 our du prochain. En fait, il s’agit bien du refus de la durée et du refus d’assumer l’autre, caractéristiques de Don Juan.
2566 , il s’agit bien du refus de la durée et du refus d’ assumer l’autre, caractéristiques de Don Juan. « Gide ne tient pas en
2567 e et du refus d’assumer l’autre, caractéristiques de Don Juan. « Gide ne tient pas en place — note Jean Paulhan. Il préfèr
2568 an. Il préfère la chasse à la prise ». Impatience de l’Aventurier et d’un certain type de sensuels. « Le voluptueux Ménalq
2569 hasse à la prise ». Impatience de l’Aventurier et d’ un certain type de sensuels. « Le voluptueux Ménalque veut oublier le
2570 . Impatience de l’Aventurier et d’un certain type de sensuels. « Le voluptueux Ménalque veut oublier le passé comme il veu
2571 veut ignorer l’avenir, il veut « le parfait oubli d’ hier » et « n’importe quel avenir », pour jouir totalement de l’instan
2572 « n’importe quel avenir », pour jouir totalement de l’instant présent et lui appartenir sans restriction, dans une « stup
2573 taisies ou ces phantasmes voluptueux sont le fait d’ un tempérament plus excitable que bien maîtrisé : « Pour moi… que souv
2574 es et sans lendemain, presto et fuite perpétuelle de Don Juan ! Ici l’artiste et l’homme se confondent, dans la même impat
2575 liquerait quelque durée. (Il n’a d’ailleurs cessé de le redire, — mais en des endroits différents.) Et voici le trait fina
2576 r cela même dont il gémira en tant d’autres pages de son œuvre : « Ma joie fut immense et telle que je ne la pusse imagine
2577 telle que je ne la pusse imaginer plus pleine si de l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question d’amour ? Comment e
2578 l’amour s’y fût mêlé. Comment eût-il été question d’ amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer de mon cœur ? Mon pl
2579 amour ? Comment eussè-je laissé le désir disposer de mon cœur ? Mon plaisir était sans arrière-pensée et ne devait être su
2580 était sans arrière-pensée et ne devait être suivi d’ aucun remords.69 » C’est de cette « joie immense » que Gide voulait pa
2581 t ne devait être suivi d’aucun remords.69 » C’est de cette « joie immense » que Gide voulait parler, lorsqu’il me dit, dan
2582 l avait commis, ce jour-là, « une terrible erreur d’ aiguillage. » Le désir et l’amour dissociés Désirer ceux que l’o
2583 e pas, aimer celle qu’on ne désire pas : ce drame de la vie d’André Gide est celui d’une dissociation presque totale de la
2584 er celle qu’on ne désire pas : ce drame de la vie d’ André Gide est celui d’une dissociation presque totale de la personne,
2585 e pas : ce drame de la vie d’André Gide est celui d’ une dissociation presque totale de la personne, et qui l’a livré sans
2586 Gide est celui d’une dissociation presque totale de la personne, et qui l’a livré sans défense à la tyrannie de deux myth
2587 onne, et qui l’a livré sans défense à la tyrannie de deux mythes, — quand un seul suffit bien au malheur d’un seul homme o
2588 ux mythes, — quand un seul suffit bien au malheur d’ un seul homme ou à la passion d’un personnage romanesque. Dans quelle
2589 t bien au malheur d’un seul homme ou à la passion d’ un personnage romanesque. Dans quelle mesure peut-on tenir Gide pour r
2590 quelle mesure peut-on tenir Gide pour responsable de cette « inhabileté foncière à mêler l’esprit et les sens70 » dont il
2591 e début très conscient ? Il en a tiré le meilleur de sa création littéraire, il l’a subie comme une « écharde dans la chai
2592 sa vie intime et son mariage et peut-être la vie de sa femme. Il en parle tantôt comme d’un destin cruel, tantôt comme de
2593 être la vie de sa femme. Il en parle tantôt comme d’ un destin cruel, tantôt comme de son choix « quasi mystique » et final
2594 arle tantôt comme d’un destin cruel, tantôt comme de son choix « quasi mystique » et finalement comme d’une « erreur » mor
2595 son choix « quasi mystique » et finalement comme d’ une « erreur » morale. Dans cette perplexité fondamentale, dans ce reg
2596 lexité fondamentale, dans ce regard critique qu’à de certains moments il porte sur ses deux lui-même dissociés — et qui n’
2597 qui n’entrent vraiment en conflit qu’à la faveur de cette mise en question comme par un Tiers, oui : dans ce Tiers exclu
2598 ion comme par un Tiers, oui : dans ce Tiers exclu de ses amours réside sans doute la vraie personne d’André Gide71. Dès le
2599 de ses amours réside sans doute la vraie personne d’ André Gide71. Dès les Cahiers d’André Walter, il se sent et se connaît
2600 la vraie personne d’André Gide71. Dès les Cahiers d’ André Walter, il se sent et se connaît double : « Puis je les ai tant
2601 ant je n’en suis plus le maître ; ils vont chacun de leur côté, le corps et l’âme. Elle rêve de caresses toujours plus cha
2602 chacun de leur côté, le corps et l’âme. Elle rêve de caresses toujours plus chastes ; lui s’abandonne à la dérive. La sage
2603 n’en être plus le maître — l’un devenant la proie de « Tristan » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux
2604  l’un devenant la proie de « Tristan » et l’autre de « Don Juan » ? A-t-il été victime des dieux, j’entends des mythes ? O
2605 été victime des dieux, j’entends des mythes ? Ou d’ une originelle erreur sur la personne ? Ou simplement, de son éducatio
2606 riginelle erreur sur la personne ? Ou simplement, de son éducation et de la morale puritaine ? La troisième hypothèse est
2607 la personne ? Ou simplement, de son éducation et de la morale puritaine ? La troisième hypothèse est la plus vraisemblabl
2608 uritaine avait fait un monstre des revendications de la chair »72. Non seulement c’était mal, mais c’était le Péché. Et da
2609 ché pire que tout autre, — et que nul ne se vante d’ avoir commis par forfanterie d’immoraliste. Or le jeune Gide, en press
2610 ue nul ne se vante d’avoir commis par forfanterie d’ immoraliste. Or le jeune Gide, en pressent l’épouvante, s’il vient à d
2611 ent à désirer une femme qu’il aime. Tout à la fin de sa vie, parlant de ses rêves, Gide remarque : « … mais dans le rêve s
2612 emme qu’il aime. Tout à la fin de sa vie, parlant de ses rêves, Gide remarque : « … mais dans le rêve seulement, la figure
2613 rque : « … mais dans le rêve seulement, la figure de ma femme se substitue parfois, subtilement et comme mystiquement, à c
2614 rfois, subtilement et comme mystiquement, à celle de ma mère, sans que j’en sois très étonné. Les contours des visages ne
2615 es visages ne sont pas assez nets pour me retenir de passer de l’une à l’autre… bien plus : le rôle que l’une ou l’autre j
2616 ne sont pas assez nets pour me retenir de passer de l’une à l’autre… bien plus : le rôle que l’une ou l’autre joue dans l
2617 ve reste à peu près le même, c’est-à-dire un rôle d’ inhibition, ce qui explique ou motive la substitution.73 » Élevé par
2618 par des femmes qui furent toutes, nous dit-il, «  d’ admirables figures chrétiennes » — sa mère, sa gouvernante et deux tan
2619 maternelles — « à qui le prêt du moindre trouble de la chair eût fait injure, me semblait-il » — puis confondant avec l’i
2620 , me semblait-il » — puis confondant avec l’image de sa mère celle de sa proche cousine Madeleine, qu’il épousera malgré t
2621 » — puis confondant avec l’image de sa mère celle de sa proche cousine Madeleine, qu’il épousera malgré tout — comment Gid
2622 comment Gide eût-il pu surmonter l’interdit jeté de la sorte sur la femme ? Incapable de révoquer les données mêmes de ce
2623 nterdit jeté de la sorte sur la femme ? Incapable de révoquer les données mêmes de ce drame, cherchant son salut dans la f
2624 a femme ? Incapable de révoquer les données mêmes de ce drame, cherchant son salut dans la fuite, il recourt au moyen d’Ul
2625 hant son salut dans la fuite, il recourt au moyen d’ Ulysse : — « Je n’y suis pas. Je ne suis personne ! » Devant l’imminen
2626 vant l’imminence du péril tapi tout près du seuil de sa conscience, il se scinde en deux êtres distincts : le Monstre ne l
2627 ra beaucoup plus tard la clef74. 1° Aimer l’image de sa mère reste permis, tant que le « désir charnel » est inhibé. 2° En
2628 inhibé. 2° En revanche, désirer les corps brunis de jeunes « vauriens » qu’on ne reverra jamais n’est certes pas bien vu
2629 iole pas le suprême interdit. Cette grande audace de notre immoraliste est le type même de la demi-mesure, du compromis d’
2630 ande audace de notre immoraliste est le type même de la demi-mesure, du compromis d’ailleurs vital, entre le désir naturel
2631 ctionnée par la Mère. Donc Gide « prend son parti de dissocier le plaisir de l’amour ». Et même il fait de cette nécessité
2632 nc Gide « prend son parti de dissocier le plaisir de l’amour ». Et même il fait de cette nécessité vertu : « Il me paraiss
2633 issocier le plaisir de l’amour ». Et même il fait de cette nécessité vertu : « Il me paraissait que ce divorce était souha
2634 ageaient point75. » C’est le moyen qu’il a trouvé de ménager à la fois l’amour et le plaisir sans violer le tabou de l’inc
2635 a fois l’amour et le plaisir sans violer le tabou de l’inceste et en s’accommodant, en quelque sorte, aux structures impos
2636 jeunesse par le puritanisme maternel. Un complexe d’ Œdipe mieux noué, plus « normal », dirais-je, eût peut-être donné à Gi
2637 tructures puritaines, comme l’ont fait après tout d’ innombrables jeunes gens élevés dans la même tradition : mais quand so
2638 ut — homme libéral et bon, et par bien des traits de caractère moins « viril », dirait-on, que la mère, du moins telle que
2639 les jeux sont faits. L’alternance, et la fuite de l’âme Cette espèce de sécurité dans l’alternance de ses moi dissoc
2640 ’alternance, et la fuite de l’âme Cette espèce de sécurité dans l’alternance de ses moi dissociés — j’allais dire qu’au
2641 âme Cette espèce de sécurité dans l’alternance de ses moi dissociés — j’allais dire qu’au sens littéral Gide l’a payée
2642  j’allais dire qu’au sens littéral Gide l’a payée de sa personne. L’expression, pour être toute faite, est pourtant fausse
2643 tre toute faite, est pourtant fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les frais de sa ruse vitale. Il faut s’entendre, évid
2644 fausse. C’est l’âme de Gide qui a fait les frais de sa ruse vitale. Il faut s’entendre, évidemment, sur ce mot d’âme. Je
2645 itale. Il faut s’entendre, évidemment, sur ce mot d’ âme. Je le prends ici au sens de Nietzsche, et de Gide lui-même dans s
2646 mment, sur ce mot d’âme. Je le prends ici au sens de Nietzsche, et de Gide lui-même dans sa maturité. Selon la conception
2647 d’âme. Je le prends ici au sens de Nietzsche, et de Gide lui-même dans sa maturité. Selon la conception traditionnelle de
2648 conception traditionnelle des gnostiques et même de saint Paul, l’homme consiste en un corps physique, un corps psychique
2649 instincts et passions ». Pour Gide, « un faisceau d’ émotions, de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’est peut-êt
2650 passions ». Pour Gide, « un faisceau d’émotions, de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’est peut-être que physi
2651 our Gide, « un faisceau d’émotions, de tendances, de susceptibilités, dont le lien n’est peut-être que physiologique ». C’
2652 est peut-être que physiologique ». C’est le siège de l’amour sous ses formes diverses : amour de désir ou de don (« Le gli
2653 siège de l’amour sous ses formes diverses : amour de désir ou de don (« Le glissement de l’un à l’autre reste toujours pos
2654 mour sous ses formes diverses : amour de désir ou de don (« Le glissement de l’un à l’autre reste toujours possible77 »).
2655 erses : amour de désir ou de don (« Le glissement de l’un à l’autre reste toujours possible77 »). Gide ne distingue pas da
2656 scriminations me donnent le vertige. » On le voit de reste, lorsqu’il écrit un peu plus loin, parlant de sa femme : « C’ét
2657 reste, lorsqu’il écrit un peu plus loin, parlant de sa femme : « C’était son âme que j’aimais ; et cette âme, je n’y croy
2658 que le langage moderne, même religieux, ne cesse de confondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique est l’un de ces moments o
2659 fondre avec l’âme.) Cet aveu pathétique est l’un de ces moments où Gide existe, « irremplaçable », où il rejoint sa vraie
2660 vrai moi final, assume enfin l’insoluble conflit de ses deux âmes. Songeant à ces « extrêmes » si longtemps ménagés, cult
2661 mes » si longtemps ménagés, cultivés, isolés l’un de l’autre — et que symbolisent nos deux mythes —, j’oserai dire à mon t
2662 nous avons pu connaître n’était ni le mari transi d’ Emmanuèle, ni le nomade en chasse de brefs plaisirs solaires, ni André
2663 e mari transi d’Emmanuèle, ni le nomade en chasse de brefs plaisirs solaires, ni André Walter, ni Ménalque. Il eût semblé
2664 Walter, ni Ménalque. Il eût semblé bien incongru d’ évoquer devant lui, en sa présence « d’inflexible Mongol à tête de sca
2665 n incongru d’évoquer devant lui, en sa présence «  d’ inflexible Mongol à tête de scarabée79 » les figures alternées de Tris
2666 lui, en sa présence « d’inflexible Mongol à tête de scarabée79 » les figures alternées de Tristan et Don Juan. Ces deux «
2667 ngol à tête de scarabée79 » les figures alternées de Tristan et Don Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué d’avo
2668 Juan. Ces deux « extrêmes » dont il s’était loué d’ avoir su protéger la « cohabitation » semblaient s’être absentés de lu
2669 er la « cohabitation » semblaient s’être absentés de lui-même, entraînant avec eux son âme divisée. Comme évacués de sa pe
2670 ntraînant avec eux son âme divisée. Comme évacués de sa personne, ils étaient devenus personnages de ses œuvres. Encore qu
2671 s de sa personne, ils étaient devenus personnages de ses œuvres. Encore qu’en aucune d’elles — sauf le Journal — ils aient
2672 us personnages de ses œuvres. Encore qu’en aucune d’ elles — sauf le Journal — ils aient jamais « cohabité », d’où l’absenc
2673  sauf le Journal — ils aient jamais « cohabité », d’ où l’absence de tension profonde qui a sans nul doute favorisé les per
2674 l — ils aient jamais « cohabité », d’où l’absence de tension profonde qui a sans nul doute favorisé les perfections formel
2675 ie que l’on sait, aux dépens du pouvoir tragique. D’ avoir été séparément mais simultanément actualisés, ils avaient privé
2676 simultanément actualisés, ils avaient privé Gide de cette Ombre qui est le refoulement d’une part virtuelle de l’âme, — d
2677 Ombre qui est le refoulement d’une part virtuelle de l’âme, — donc sa présence encore, secrète mais active. Ils avaient ce
2678 ce encore, secrète mais active. Ils avaient cessé de le toucher. Et trop bien isolés l’un de l’autre en ses œuvres, loin d
2679 ent cessé de le toucher. Et trop bien isolés l’un de l’autre en ses œuvres, loin de s’y prêter force en secret, ils exténu
2680 cret, ils exténuaient leur énergie dans la pureté d’ un jeu bien alterné. Demeurait la perplexité, sereine ou tourmentée, m
2681 ou l’interlocuteur. Beaucoup de petits problèmes de langage ou de morale, mais dont le débat tournait souvent à l’argutie
2682 uteur. Beaucoup de petits problèmes de langage ou de morale, mais dont le débat tournait souvent à l’argutie, — ou bien il
2683 vous rendait les armes un peu trop vite. Beaucoup d’ arrière-pensées, qu’il ne voulait plus suivre, et c’étaient elles pour
2684 Bref, en dépit de sa curiosité demeurée vive, et de sa générosité, un refus quasi instinctif d’approfondir et d’élargir,
2685 e, et de sa générosité, un refus quasi instinctif d’ approfondir et d’élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’une pro
2686 osité, un refus quasi instinctif d’approfondir et d’ élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’une propension de plus e
2687 efus quasi instinctif d’approfondir et d’élargir, d’ intégrer et de prolonger, doublé d’une propension de plus en plus marq
2688 tinctif d’approfondir et d’élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’une propension de plus en plus marquée à vouloir
2689 et d’élargir, d’intégrer et de prolonger, doublé d’ une propension de plus en plus marquée à vouloir le contraire de tout
2690 on de plus en plus marquée à vouloir le contraire de tout cela, c’est-à-dire à cerner et limiter, dissocier et démystifier
2691 clair » il le faut bien — un certain assèchement de l’âme et de ses pouvoirs d’expansion. De là cette impression que j’av
2692 le faut bien — un certain assèchement de l’âme et de ses pouvoirs d’expansion. De là cette impression que j’avais gardée d
2693 n certain assèchement de l’âme et de ses pouvoirs d’ expansion. De là cette impression que j’avais gardée de lui, et que je
2694 èchement de l’âme et de ses pouvoirs d’expansion. De là cette impression que j’avais gardée de lui, et que je traduisais e
2695 ansion. De là cette impression que j’avais gardée de lui, et que je traduisais en parlant d’un défaut d’imagination spirit
2696 is gardée de lui, et que je traduisais en parlant d’ un défaut d’imagination spirituelle, — pour moi le vrai sens poétique.
2697 lui, et que je traduisais en parlant d’un défaut d’ imagination spirituelle, — pour moi le vrai sens poétique. (Lui préfér
2698 moi le vrai sens poétique. (Lui préférait parler de son « refus d’accueil » à toute espèce de réalité inaccessible au « r
2699 ns poétique. (Lui préférait parler de son « refus d’ accueil » à toute espèce de réalité inaccessible au « raisonnable ».)
2700 parler de son « refus d’accueil » à toute espèce de réalité inaccessible au « raisonnable ».) Je distingue mieux, aujourd
2701 e mieux, aujourd’hui, les origines fonctionnelles de cette fuite de l’âme dédoublée, et comment elle devait se produire à
2702 d’hui, les origines fonctionnelles de cette fuite de l’âme dédoublée, et comment elle devait se produire à la longue dans
2703 e devait se produire à la longue dans l’évolution de sa personne. Gide fut-il la victime d’une fin d’époque cruelle et déj
2704 ’évolution de sa personne. Gide fut-il la victime d’ une fin d’époque cruelle et déjà tout absurde à nos yeux, comme peuven
2705 de sa personne. Gide fut-il la victime d’une fin d’ époque cruelle et déjà tout absurde à nos yeux, comme peuvent paraître
2706 s yeux, comme peuvent paraître absurdes ou dénués d’ intérêt les conflits entretenus dans la vie d’un Aztèque par les décre
2707 ués d’intérêt les conflits entretenus dans la vie d’ un Aztèque par les décrets de dieux déments, et qui sont morts ? Fut-i
2708 tretenus dans la vie d’un Aztèque par les décrets de dieux déments, et qui sont morts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à
2709 ts ? Fut-il plutôt l’acteur, sacrifié à son rôle, d’ une dramatique de l’âme qui vivra bien autant que notre Occident et se
2710 t l’acteur, sacrifié à son rôle, d’une dramatique de l’âme qui vivra bien autant que notre Occident et ses mythes ? Nietzs
2711 tre Occident et ses mythes ? Nietzsche se vantait d’ avoir écrit le seul ouvrage au monde qui se termine par ou bien ? — Gi
2712 iant, mais vos troubadours, je ne puis m’empêcher de penser qu’ils devaient être homosexuels pour la plupart. » Je réponds
2713 ar ailleurs, prouver que je n’étais pas incapable d’ élan (je parle de l’élan qui procrée), mais à condition que rien d’int
2714 ver que je n’étais pas incapable d’élan (je parle de l’élan qui procrée), mais à condition que rien d’intellectuel ou de s
2715 de l’élan qui procrée), mais à condition que rien d’ intellectuel ou de sentimental ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. L
2716 rée), mais à condition que rien d’intellectuel ou de sentimental ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. La Jeunesse d’André
2717 ellectuel ou de sentimental ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. La Jeunesse d’André Gide, tome I, p. 505, 1956. 62. Not
2718 ne s’y mêlât. » (Note de 1960.) 61. La Jeunesse d’ André Gide, tome I, p. 505, 1956. 62. Noter que Gide n’a jamais parlé
2719 age était bien fait pour le scandaliser. L’action de nos deux mythes, dans l’existence de Gide, n’est donc ni « littéraire
2720 er. L’action de nos deux mythes, dans l’existence de Gide, n’est donc ni « littéraire », ni musicale, comme chez Kierkegaa
2721 ant cette phrase, note qu’elle trahit l’influence de la lecture de Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture fut déc
2722 se, note qu’elle trahit l’influence de la lecture de Schopenhauer. Or on sait que cette même lecture fut décisive pour Wag
2723 u’invoque André Walter, c’est la « joie suprême » d’ Isolde. 64. J. Delay, op. cit., II, p. 22. 65. Et nunc manet in te
2724 n ne meurt, p. 251. 67. (Telle était l’épigraphe de Ménalque quand ce fragment central des Nourritures parut en revue.) L
2725 hoisis par Gide pour La Porte étroite était Essai de bien mourir. Les Nourritures terrestres traduisent la volonté d’oppos
2726 Les Nourritures terrestres traduisent la volonté d’ opposer brutalement l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de Tri
2727 uisent la volonté d’opposer brutalement l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de Tristan. 68. J. Delay, op. cit.,
2728 ement l’ici-bas de Don Juan à l’au-delà angélique de Tristan. 68. J. Delay, op. cit., II, p. 598. 69. Si le grain ne m
2729 ces les plus opposées n’ont jamais réussi à faire de moi un être tourmenté, mais perplexe… Cet état de dialogue… devenait
2730 de moi un être tourmenté, mais perplexe… Cet état de dialogue… devenait pour moi nécessaire… il m’invitait à l’œuvre d’art
2731 nait pour moi nécessaire… il m’invitait à l’œuvre d’ art. » Morceaux choisis, p. 434. 72. Si le grain ne meurt, p. 247.
2732 ou les jeux sont faits, p. 128. Les premiers mots de la citation — « dans le rêve seulement » — sont un curieux exemple de
2733 ans le rêve seulement » — sont un curieux exemple de refoulement. J. Delay cite en effet plusieurs phrases telles que cell
2734 s telles que celle-ci (tirée du journal manuscrit de Gide, 1er janvier 1886) : « Que de fois Madeleine étant dans la chamb
2735 rnal manuscrit de Gide, 1er janvier 1886) : « Que de fois Madeleine étant dans la chambre voisine, je l’ai confondue avec
2736  explique ou motive… » : ils marquent la méfiance de Gide à l’égard des relations de causalité à sens unique posées par Fr
2737 quent la méfiance de Gide à l’égard des relations de causalité à sens unique posées par Freud — et par tout le xixe s. 7
2738 te, dans Ainsi soit-il, p. 132 : « Je me souviens d’ avoir déjà parlé ailleurs de ceci, qui reste pour moi incompréhensible
2739 32 : « Je me souviens d’avoir déjà parlé ailleurs de ceci, qui reste pour moi incompréhensible : que l’on puisse à la fois
2740 isse à la fois fournir soi-même tous les éléments de la surprise, et être surpris… » 75. Si le grain ne meurt, p. 289.
2741 ., 15 mai 1949. 79. Jean Paulhan, dans l’Hommage de la NRF .
15 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — Rudolf Kassner et la grandeur humaine
2742 humaine Rudolf Kassner vient de mourir à l’âge de 86 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans n
2743 sner vient de mourir à l’âge de 86 ans, au comble de sa gloire secrète. Qui l’a mis à son rang dans notre siècle ? Les mei
2744 n œuvre, laquelle compte environ quarante volumes d’ une séduisante difficulté. (Il a traduit aussi Platon, Pouchkine et Go
2745 ne et Newman, le Philoctète de Gide et les Éloges de Saint-John Perse.) Intimement hé avec Rilke et avec Hofmannsthal, il
2746 l, il procède à la fois, par un étrange paradoxe, de la dialectique kierkegaardienne, comme son cadet Kafka, et de la soci
2747 tique kierkegaardienne, comme son cadet Kafka, et de la société autrichienne d’avant 1914, comme Robert Musil. Ces cinq no
2748 me son cadet Kafka, et de la société autrichienne d’ avant 1914, comme Robert Musil. Ces cinq noms que l’Autriche a donnés
2749 Musil. Ces cinq noms que l’Autriche a donnés à l’ Europe sont parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illustrent, a
2750 à l’Europe sont parmi les plus grands des Lettres de ce temps. Ils illustrent, au même titre que ceux qu’on a cités d’entr
2751 ême titre que ceux qu’on a cités d’entre les amis de Kassner, la seule littérature digne du nom ; et l’on ne s’étonnera pa
2752 riques dites « littéraires ». Première approche de l’œuvre Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une p
2753 emière approche de l’œuvre Ces premiers textes de Kassner, lus en français dans une précieuse et simple traduction81, l
2754 récieuse et simple traduction81, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot m
2755 tion81, lorsque j’essaie de me remémorer l’espèce de choc que j’en reçus, à 25 ans, un seul mot me vient à l’esprit : auto
2756 un seul mot me vient à l’esprit : autorité. Avant d’ avoir compris ce qui était dit — j’entends compris à la manière intell
2757 ries, à des clichés — j’avais reconnu la grandeur d’ un ton, d’un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper
2758 s clichés — j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’ un style, d’une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper la scène
2759 j’avais reconnu la grandeur d’un ton, d’un style, d’ une impatience rigoureuse. Une manière d’occuper la scène en deux répl
2760 n style, d’une impatience rigoureuse. Une manière d’ occuper la scène en deux répliques, d’imposer une allure bien « rassem
2761 Une manière d’occuper la scène en deux répliques, d’ imposer une allure bien « rassemblée », n’admettant que des gestes net
2762 ’admettant que des gestes nets et maîtrisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ellipses saisissantes qui laissai
2763 trisés, puis de la briser soudain par une cascade d’ ellipses saisissantes qui laissaient le lecteur pantois, comme l’antiq
2764 : devine, ou je te dévore ! Une constante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’exclusion. Seuls les mondains, pensai
2765 onstante énergie de l’énoncé. Et une grande force d’ exclusion. Seuls les mondains, pensais-je, savent encore exclure avec
2766 ntolérance instantanée à l’égard du doute faible, de l’adjectif incertain, et en général des complaisances « artistes » ou
2767 réflexion passionnément originale. Et je tentais de décrire — dans le premier article, je crois bien, publié en France su
2768 , publié en France sur Kassner — « l’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié h
2769 ’acuité lente de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennell
2770 e de la réflexion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui s
2771 ion, l’alliage précieux de hauteur, de rigueur et de pitié humaine, la retenue presque solennelle mais qui sans cesse frôl
2772 composaient, au sens magique du mot, les charmes de cette prose et son autorité. Voici donc cette première approche. ⁂ Da
2773 Dans la mesure même où Kassner se montre disciple de Kierkegaard, sa pensée paraît réfractaire à toute description, car el
2774 définis que par leurs rapports mutuels et tirent de cette interdépendance leur valeur originale. Kassner reprend un des t
2775 sentiels du pré-romantisme allemand, l’opposition de l’antique et du moderne, non du point de vue littéraire comme on le f
2776 tales (problème que notre xviie siècle se devait de ne pas poser). L’homme antique peut atteindre la grandeur parce qu’il
2777 fini : Famille, dieux, nature, tout lui commande d’ être grand. Grand pour la loi, grand pour le Tout. Il ne se recherche
2778 s la démesure, et lorsqu’il « veut prendre mesure de lui-même, il se sent aussitôt incomplet et coupable. Il est donc poss
2779 sitôt incomplet et coupable. Il est donc possible de dire que le péché est la mesure du démesuré, et que pour le chrétien
2780 du démesuré, et que pour le chrétien il n’est pas d’ autre grandeur. » Ainsi le chrétien existe en tant que le péché crée u
2781 omme sans mesure naturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans
2782 aturelle : s’il ne retrouve pas de loi interne et de tension par le péché, il n’est plus qu’un être sans destinée, un Indi
2783 t crevassée et divisée. Son œuvre, souvent pleine de charme mais sans forme et sans but, peut bien nous stimuler, mais ne
2784 on vient de l’intérieur… Il ne peut jamais sortir de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime r
2785 de son moi sans trahison et chaque manifestation de son essence intime ressemble par quelque côté à un outrage, voire à u
2786 une impudeur. À l’opposition du Beau objectif et de l’intéressant sentimental qui pour Schiller et surtout pour Schlegel
2787 hiller et surtout pour Schlegel symbolisait celle de l’antique et du moderne, Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposit
2788 , Kassner répondrait aujourd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique82. La férocit
2789 rd’hui par l’opposition de la grandeur mesurée et de l’indiscrétion journalistique82. La férocité réfléchie qui préside à
2790 . La férocité réfléchie qui préside à son analyse de l’indiscret nous vaut une description inégalable du mal du siècle. Ic
2791 -il reconnaître à ce seul philosophe le privilège d’ avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner do
2792 osophe le privilège d’avoir parlé sans complicité de ce qui nous détruit : Rudolf Kassner donne la sensation à peu près un
2793 donne la sensation à peu près unique en ce temps d’ une pensée autoritaire. Entendons que, pour lui, penser n’est pas se d
2794 plus s’ingénier sur des idées et des combinaisons d’ idées : mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vr
2795 es idées et des combinaisons d’idées : mais créer de tout son être spirituel des faits nouveaux et vrais, dans un certain
2796 vrais, dans un certain style. Car il n’est point de vérité sans forme. Quelques pages étranges et puissantes sur les chim
2797 ues pages étranges et puissantes sur les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est
2798 les chimères de Notre-Dame illustrent ce réalisme de la forme, hors de quoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clé
2799 uoi il n’est qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’où pr
2800 qu’indiscrétion, et qui livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’où provient cette
2801 livre la clé de la pensée de Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’où provient cette obscurité si fascinante 
2802 Kassner, comme aussi de son apparente obscurité. D’ où provient cette obscurité si fascinante ? De cela sans doute que Rud
2803 té. D’où provient cette obscurité si fascinante ? De cela sans doute que Rudolf Kassner se garde bien de poser les problèm
2804 cela sans doute que Rudolf Kassner se garde bien de poser les problèmes dans nos catégories psychologiques. Il prend tout
2805 ut savoir taire ce qui permettrait aux indiscrets de comprendre intellectuellement sans « réaliser ». Il faut que les pens
2806 Une pensée neuve ne saurait être comprise à moins d’ être recréée dans sa forme — ce dont certaine clarté dispense le lecte
2807 aussi que l’indiscret est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’illustrer. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier
2808 est celui qui se préoccupe de défendre plutôt que d’ illustrer. Ainsi, selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de d
2809 , selon Kierkegaard, le premier homme qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’être appelé Judas numéro deux. C
2810 qui s’avisa de défendre la religion mériterait-il d’ être appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une c
2811 re appelé Judas numéro deux. Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’être la chose. Le rare, c’est que chez Kas
2812 Car il ne s’agit pas de professer une chose mais d’ être la chose. Le rare, c’est que chez Kassner, comme chez Kierkegaard
2813 omme chez Kierkegaard, cette présence s’accommode d’ une ironie qui chez d’autres serait plutôt le fait du détachement. Une
2814 s, qui les fouille et les purifie, une ironie née de la rigueur et non du scepticisme. Le dialogue de Laurence Sterne et d
2815 de la rigueur et non du scepticisme. Le dialogue de Laurence Sterne et du recteur Krooks sur Judas et la Parole est à cet
2816 eur Krooks sur Judas et la Parole est à cet égard d’ une saveur particulièrement riche et complexe : Les bavards ne tirent
2817 nt riche et complexe : Les bavards ne tirent pas d’ eux-mêmes toutes les paroles qu’ils profèrent ; ils les reçoivent des
2818 les reçoivent des prophètes ; s’il n’y avait pas de prophètes, les bavards seraient peut-être des créatures très silencie
2819 s filantes. Mais plus encore que leur conception de l’« existence » et que leur ironie, ce qui rapproche Kassner et son m
2820 tragique du péché. Le Lépreux, journal apocryphe de l’empereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations
2821 ereur Alexandre Ier de Russie, n’est qu’une suite de méditations sur le thème du tout-ou-rien moral qui caractérise Kierke
2822 actérise Kierkegaard. On ne peut dire précisément de Kassner qu’il réfute ses adversaires — Freud en particulier, dans Chr
2823 t et l’Âme du monde — mais bien plutôt qu’à force d’ approfondir leur domaine propre, il les mine et les ruine intérieureme
2824 le est la forme des dialogues où culmine son art. De ces dialogues, où chaque interlocuteur, tour à tour, atteint à l’expr
2825 à tour, atteint à l’expression la plus virulente de sa vérité — si bien que la conclusion ne peut être qu’implicite et fo
2826 conclusion ne peut être qu’implicite et fonction d’ une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées — no
2827 ut être qu’implicite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées — nous connaissons le
2828 cite et fonction d’une hiérarchie de valeurs, non de la seule exactitude des pensées — nous connaissons le modèle immortel
2829 s — nous connaissons le modèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de
2830 dèle immortel, le Livre de Job. Il serait curieux d’ en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce ser
2831 urieux d’en suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poé
2832 n suivre la filiation, jusqu’au Soulier de satin, de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ T
2833 oulier de satin, de Claudel : ce serait une sorte de généalogie du réalisme poétique. ⁂ Telle fut ma première impression.
2834 re dont la difficulté, précisément, n’a pas cessé de me séduire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer
2835 ire et inciter. Je suppose qu’il est devenu banal de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pou
2836 l de déplorer l’obscurité des essais et dialogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait
2837 alogues de Kassner. Elle est pourtant la garantie de leur pouvoir, et ne saurait traduire, à mon avis, qu’une intention pr
2838 tention profondément délibérée. Car il s’agit ici d’ une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à
2839 t ici d’une maïeutique, s’exerçant sur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ellipses « saisissantes » et c’éta
2840 ur les mythes de l’âme. Je parlais tout à l’heure d’ ellipses « saisissantes » et c’était au sens littéral, non pathétique,
2841 es » et c’était au sens littéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un pro
2842 ittéral, non pathétique, de l’adjectif. L’ellipse de pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une m
2843 pensée n’est nullement, chez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermé
2844 ez Kassner, un procédé de rhétorique, une manière de sauter les évidences ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte d
2845 es ou platitudes intermédiaires. Elle est un acte de vision. Nous montrant d’un seul coup, sans transition, plusieurs obje
2846 tume sépare, non seulement elle oblige à les voir d’ un œil neuf, mais encore elle excite à découvrir l’angle particulier s
2847 ir, proches ou confondues, son auteur. (Cet angle de vision étant son vrai message.) Elle propose donc à l’imagination un
2848 qu’imposent aux néophytes les moines bouddhistes de la secte du zen. Pourtant, le thème profond, omniprésent, de l’œuvre,
2849 du zen. Pourtant, le thème profond, omniprésent, de l’œuvre, c’est à l’inverse du bouddhisme, en apparence, le problème c
2850 en apparence, le problème chrétien du Dieu-Homme, d’ où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambig
2851 problème chrétien du Dieu-Homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut, e
2852 Homme, d’où naît celui de la personne, générateur de l’Occident. Problème ambigu s’il en fut, et qui échappe par définitio
2853 on à la pensée systématique et discursive : point de réponse rationnelle au cur deus homo de saint Anselme. Kassner gravit
2854 e : point de réponse rationnelle au cur deus homo de saint Anselme. Kassner gravite autour de ce mystère, l’approche par l
2855 ite autour de ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disp
2856 ce mystère, l’approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qu
2857 approche par le moyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordon
2858 oyen de paraboles, de questions, de comparaisons. De quels autres moyens disposons-nous, qui soient ordonnés à cette fin ?
2859 qui soient ordonnés à cette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissant de l’Es
2860 ette fin ? Ce sont moyens de poésie, c’est-à-dire d’ âme, inadéquats sans doute, s’agissant de l’Esprit… « La faculté princ
2861 t-à-dire d’âme, inadéquats sans doute, s’agissant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer », remarqu
2862 , s’agissant de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qu
2863 de l’Esprit… « La faculté principale de l’âme est de comparer », remarque Montesquieu, et il ajoute : « Ce qui fait ordina
2864 ombre d’autres, et qu’on nous fait découvrir tout d’ un coup ce que nous ne pouvions espérer qu’après une grande lecture. »
2865 moderne, ou les grandes intuitions tautologiques de l’Inde et les conséquences « dramatiques » de l’incarnation de la Par
2866 ues de l’Inde et les conséquences « dramatiques » de l’incarnation de la Parole : par leurs images plutôt que leurs concep
2867 les conséquences « dramatiques » de l’incarnation de la Parole : par leurs images plutôt que leurs concepts ; sans conclus
2868 ue leurs concepts ; sans conclusion. Mais l’angle de vision s’est imposé. Et l’imagination, irrésistiblement, s’oriente ve
2869 , s’oriente vers le mystère crucial. S’agirait-il d’ une théologie ? Kassner veut voir. D’une gnose, alors ? On pourrait le
2870 S’agirait-il d’une théologie ? Kassner veut voir. D’ une gnose, alors ? On pourrait le penser. De poésie ? Très certainemen
2871 voir. D’une gnose, alors ? On pourrait le penser. De poésie ? Très certainement. Mais encore faudrait-il s’entendre sur le
2872 re faudrait-il s’entendre sur le sens authentique de ce mot. Disons, pour couper court à de longs développements, que ceux
2873 uthentique de ce mot. Disons, pour couper court à de longs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie une
2874 ngs développements, que ceux-là seuls qui se font de la poésie une idée finalement plus favorable au Livre de Job et aux p
2875 oésie une idée finalement plus favorable au Livre de Job et aux proverbes zen qu’à Lamartine ou même à Rilke, reconnaîtron
2876 reconnaîtront dans les dialogues et les paraboles de Kassner son irréfutable présence. Bâtons rompus Au lendemain de
2877 utable présence. Bâtons rompus Au lendemain de la dernière guerre, des amis lui avaient ménagé une assez plaisante r
2878 ménagé une assez plaisante retraite dans le bourg de Sierre-en-Valais, non loin de cette tour de Muzot où Rilke passa la f
2879 bourg de Sierre-en-Valais, non loin de cette tour de Muzot où Rilke passa la fin de sa vie. À travers les longs corridors
2880 loin de cette tour de Muzot où Rilke passa la fin de sa vie. À travers les longs corridors d’un château renaissant transfo
2881 a la fin de sa vie. À travers les longs corridors d’ un château renaissant transformé en hôtel, un domestique poussait à vi
2882 uteuil roulant, jusqu’à l’ombrage des marronniers de la terrasse. Là, Kassner recevait presque chaque jour des visiteurs v
2883 chaque jour des visiteurs venus des quatre coins de l’Europe. Pourquoi n’y suis-je allé que si rarement ? Sans doute à ca
2884 ue jour des visiteurs venus des quatre coins de l’ Europe . Pourquoi n’y suis-je allé que si rarement ? Sans doute à cause de la
2885 être aussi, et surtout, parce que je m’étais fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’un guru comme disent les Hin
2886 out, parce que je m’étais fait de Kassner l’image d’ un maître spirituel, d’un guru comme disent les Hindous. Je le confess
2887 is fait de Kassner l’image d’un maître spirituel, d’ un guru comme disent les Hindous. Je le confesse cum grano salis, tong
2888 elle serait donc l’expression française ? — amusé de retrouver en moi cette persistance du premier choc reçu par mon adole
2889 ransposant vingt-cinq ans en arrière une relation de maître à disciple qui avait été réelle dans mon esprit seulement et q
2890 assner serrait deux cannes dans ses énormes mains d’ infirme — paralysé des jambes dès le berceau — mais sa maîtrise n’exer
2891 ions, sur les trop nombreux visiteurs, que celles d’ un bref regard pénétrant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou d
2892 visiteurs, que celles d’un bref regard pénétrant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de suj
2893 que celles d’un bref regard pénétrant de malice, d’ un éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de sujet. Après t
2894 d’un bref regard pénétrant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’étai
2895 trant de malice, d’un éclat de voix sardonique ou d’ un subit changement de sujet. Après tout, n’était-ce pas ce que j’atte
2896 éclat de voix sardonique ou d’un subit changement de sujet. Après tout, n’était-ce pas ce que j’attendais ? Il parlait à b
2897 tique, ou pour mieux dire allègrement disciplinée de dominer son grand malheur physique et de refuser que ce malheur l’iso
2898 ciplinée de dominer son grand malheur physique et de refuser que ce malheur l’isole dans la seule profondeur de sa vision8
2899 r que ce malheur l’isole dans la seule profondeur de sa vision84. D’où sa curiosité avide et amusée pour tous ceux que l’o
2900 l’isole dans la seule profondeur de sa vision84. D’ où sa curiosité avide et amusée pour tous ceux que l’on pouvait connaî
2901 us ceux que l’on pouvait connaître, ne fût-ce que de réputation, qu’il avait bien connus lui-même ou rencontrés dans ses v
2902 me ou rencontrés dans ses voyages innombrables en Europe , en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre et de remettre à jour so
2903 bles en Europe, en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine société finis
2904 e, en Russie, en Inde. Il ne cessait de mettre et de remettre à jour son tableau d’une certaine société finissante, compos
2905 ssait de mettre et de remettre à jour son tableau d’ une certaine société finissante, composée certes des meilleurs esprits
2906 t des plus authentiques grandes dames, mais aussi d’ une foule de figures touchantes, excentriques ou typiques, qu’il se di
2907 uthentiques grandes dames, mais aussi d’une foule de figures touchantes, excentriques ou typiques, qu’il se divertissait à
2908 ques ou typiques, qu’il se divertissait à évoquer d’ un seul trait fortement appuyé — et l’on devinait alors qu’ils étaient
2909 alors qu’ils étaient les modèles des personnages de ses Dialogues et récits physiognomoniques, officiers, acteurs ou arti
2910 officiers, acteurs ou artistes, grands maniaques de la chasse ou du jeu, courtisans, courtisanes, ascètes, « indiscrets »
2911 discrets » ou ratés exemplaires. Cette collection de types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout vien
2912 » ou ratés exemplaires. Cette collection de types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout viennoise — s
2913 ollection de types de notre siècle puisait dans l’ Europe de naguère — surtout viennoise — ses éléments anecdotiques ou réalist
2914 on de types de notre siècle puisait dans l’Europe de naguère — surtout viennoise — ses éléments anecdotiques ou réalistes 
2915 tures qui décorent l’extérieur des grands temples de l’Inde. Je relève encore ceci dans ses Propos, confirmant les souveni
2916 ses Propos, confirmant les souvenirs que je viens d’ interpréter : « Le Witz (la boutade, le trait d’esprit) est la forme l
2917 s d’interpréter : « Le Witz (la boutade, le trait d’ esprit) est la forme logique et naturelle que revêt la sociabilité che
2918 même en bavardant, une platitude. Qu’il s’agisse de ses pages les plus denses ou des anecdotes qu’il contait avec un humo
2919 ique (ces deux mots accolés me rappellent son ton de voix), tout en lui, l’œuvre et l’homme, évoquait la présence d’une ma
2920 en lui, l’œuvre et l’homme, évoquait la présence d’ une maîtrise achevée, comme infaillible. D’où l’image qui me vint à l’
2921 ésence d’une maîtrise achevée, comme infaillible. D’ où l’image qui me vint à l’esprit, pendant notre première rencontre, d
2922 int à l’esprit, pendant notre première rencontre, de cet archer qui tire les yeux fermés et atteint à chaque coup le centr
2923 es yeux fermés et atteint à chaque coup le centre de la cible. D’où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhism
2924 s et atteint à chaque coup le centre de la cible. D’ où mes allusions répétées à la technique du zen-bouddhisme — que je vo
2925 Elle remonte aux années qui précédèrent la guerre de 1914, et plusieurs témoignages importants nous en demeurent : lettres
2926 émoignages importants nous en demeurent : lettres de Rilke à leur amie commune, la princesse de Tour et Taxis, dédicace à
2927 la princesse de Tour et Taxis, dédicace à Kassner de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers de Malte Laurids Brigge,
2928 t Taxis, dédicace à Kassner de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers de Malte Laurids Brigge, portant les traces vi
2929 r de la Huitième Élégie de Duino, fin des Cahiers de Malte Laurids Brigge, portant les traces visibles de l’influence kass
2930 Malte Laurids Brigge, portant les traces visibles de l’influence kassnérienne ; et les sept essais successifs consacrés pa
2931 essais successifs consacrés par Kassner à Rilke, de 1926, au lendemain de la mort du poète, jusqu’au trentième anniversai
2932 sacrés par Kassner à Rilke, de 1926, au lendemain de la mort du poète, jusqu’au trentième anniversaire de cette mort. Dès
2933 la mort du poète, jusqu’au trentième anniversaire de cette mort. Dès le premier de ces essais, Kassner, tout en mettant le
2934 ntième anniversaire de cette mort. Dès le premier de ces essais, Kassner, tout en mettant le Poète au plus haut comme pur
2935 fondamentale du sacrifice, seul chemin qui permet de passer de l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons les essais q
2936 le du sacrifice, seul chemin qui permet de passer de l’intériorité fervente à la grandeur. Relisons les essais qui suivent
2937 nde « phallique » aussi, « mélange très singulier de candeur enfantine et de perversion », monde spatial, antihistorique,
2938 « mélange très singulier de candeur enfantine et de perversion », monde spatial, antihistorique, désincarné, lunaire, mon
2939 atial, antihistorique, désincarné, lunaire, monde de l’âme et non de l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet s
2940 rique, désincarné, lunaire, monde de l’âme et non de l’esprit, profondément antipaulinien, et qui permet seul de comprendr
2941 t, profondément antipaulinien, et qui permet seul de comprendre chez Rilke « son hostilité au Christ, qui blesse les uns,
2942 , auxquelles Kassner recourt pour se différencier de celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un des plus grands d
2943 différencier de celui que, pourtant, il ne cesse de tenir pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au
2944 pour l’un des plus grands depuis Dante. Le monde de Kassner, au contraire, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche
2945 e de Kassner, au contraire, est le monde du Fils, de la Parole qui tranche et institue le drame, le monde ouvert par la tr
2946 du paradoxe, du sacrifice et du Retour (Umkehr), de la Personne et de la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cet
2947 acrifice et du Retour (Umkehr), de la Personne et de la Liberté. Monde viril où ne peut régner que « cette prose qui exclu
2948 ibue sur Rilke, Kassner cite de nouveau la phrase de ses Proverbes du yogi : « Le chemin de l’intériorité à la grandeur pa
2949 la phrase de ses Proverbes du yogi : « Le chemin de l’intériorité à la grandeur passe par le sacrifice », phrase dont Ril
2950 st resté qu’un nom pour lui. Mais dans le recueil d’ hommages publié pour ses 80 ans (le Gedenkbuch déjà cité), le rapproch
2951 qu’à ce que, peu de temps après, je fusse informé de l’existence d’une école du zen dont les maîtres parviendraient à ceci
2952 u de temps après, je fusse informé de l’existence d’ une école du zen dont les maîtres parviendraient à ceci : atteindre le
2953 e le but sans le voir, placer la flèche au centre de la cible, les yeux fermés… Je pressentais maintenant ce que le zen si
2954 avec mon œuvre, qui comptait à ce moment-là plus d’ un demi-siècle. Atteindre le but sans le voir (blind), celui qui peut
2955 tes… Le zen suppose la dissolution, l’éclatement de tout le conceptuel. Le point noir qu’atteint la flèche du tireur aux
2956 lèche du tireur aux yeux bandés est le point zéro de la cible, le Néant qui est en même temps le Tout… Que signifie encore
2957 … Que signifie encore le zen, sinon l’élimination de la fortune, au sens antique, c’est-à-dire de la chance, du hasard, et
2958 tion de la fortune, au sens antique, c’est-à-dire de la chance, du hasard, et celui-là seul peut y arriver qui ne sépare p
2959 -là seul peut y arriver qui ne sépare plus l’acte de l’ascèse. Ceci est absolument hindou, ajoute Kassner, appartient à l
2960 atteint. Dans les deux cas, il s’agit du concept, de l’idée et de l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être
2961 les deux cas, il s’agit du concept, de l’idée et de l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être une simple co
2962 il s’agit du concept, de l’idée et de l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’être une simple coque ; et il s’a
2963 l’existence de l’Infini, dès que la parole cesse d’ être une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et
2964 esse d’être une simple coque ; et il s’agit aussi de l’union ultime du But et du Sens. Si je m’en tiens à cette interpréta
2965 s tous mes écrits, à commencer par cette « Morale de la musique » qui aujourd’hui, à cause de cela, remonte vers moi dans
2966 et rajeuni. Kassner rappelle alors sa conception de la musique comme absorption totale du contenu dans la forme, où il vo
2967 u contenu dans la forme, où il voit un équivalent de l’unité du Tout et du Rien, maintenus ensemble et assumés par la seul
2968 maintenus ensemble et assumés par la seule force de l’Imagination. Et il poursuit : Le zen nie le Dieu personnel, il ne
2969 isme, oh ! pas du tout, mais en vertu de son idée de l’Infini, du trans-conceptuel, de l’inconcevable, en vertu de l’Imagi
2970 rtu de son idée de l’Infini, du trans-conceptuel, de l’inconcevable, en vertu de l’Imagination créatrice, qui est pour lui
2971 éatrice, qui est pour lui la seule forme possible de la foi. Et certes, il m’est souvent venu à l’esprit que cette Einbil
2972 être pour Kassner d’abord la seule forme possible de la foi — ce qui est plus gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le
2973 s gnostique qu’orthodoxe… Ne tire-t-il pas le zen de son côté ? Il ajoute d’ailleurs aussitôt qu’on ne saurait croire un s
2974 un extravagant maître du zen » ! Il n’a que faire d’ une doctrine ou d’un système ; mais peut-être, dans certains de ses li
2975 tre du zen » ! Il n’a que faire d’une doctrine ou d’ un système ; mais peut-être, dans certains de ses livres, a-t-il jeté
2976 e ou d’un système ; mais peut-être, dans certains de ses livres, a-t-il jeté un pont, une arche par-dessus continents et m
2977 et millénaires, reliant ainsi les représentations de l’ancienne Asie à celles de l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, e
2978 i les représentations de l’ancienne Asie à celles de l’Occident chrétien. Ce qui lui semble, en fin de compte, relier au z
2979 , c’est que l’un et l’autre se soucient davantage de limites que de causes. Et cette notion de limite, si importante pour
2980 n et l’autre se soucient davantage de limites que de causes. Et cette notion de limite, si importante pour lui, le ramène
2981 vantage de limites que de causes. Et cette notion de limite, si importante pour lui, le ramène à Rilke, dont il cite ce ve
2982 re te semble amer, deviens Vin. Ici, dit-il, plus de théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de cen
2983 iens Vin. Ici, dit-il, plus de théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit égaleme
2984 i, dit-il, plus de théâtre… Il s’agit de limites, d’ abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit également de la lim
2985 , plus de théâtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit également de la limite entre
2986 âtre… Il s’agit de limites, d’abîme, de centre et d’ absence de centre. Il s’agit également de la limite entre existence et
2987 ’agit de limites, d’abîme, de centre et d’absence de centre. Il s’agit également de la limite entre existence et poésie, o
2988 entre et d’absence de centre. Il s’agit également de la limite entre existence et poésie, ou de la poésie comme existence,
2989 lement de la limite entre existence et poésie, ou de la poésie comme existence, ce qui donne une parfaite question zen, la
2990 . Voilà qui est zen, conclut Kassner, ou solution d’ un problème zen par le poète, par la langue, la langue vivante des ima
2991 détour du zen, que le Kassner des derniers temps de sa vie a pu relier son monde et celui de Rilke. Par un suprême dépass
2992 rs temps de sa vie a pu relier son monde et celui de Rilke. Par un suprême dépassement des concepts, au nom du Sens qui es
2993 ris connaissance du zen par le fameux petit livre d’ Herrigel sur L’Art chevaleresque du tir à l’arc 89. Le vers de Rilke s
2994 ur L’Art chevaleresque du tir à l’arc 89. Le vers de Rilke sur le vin a donc pu lui rappeler ce précepte donné par un maît
2995 toi-même, puis, oublie tout et peins. (Problème de la limite entre existence et art, ou de l’art comme existence.) D’aut
2996 (Problème de la limite entre existence et art, ou de l’art comme existence.) D’autres correspondances ont pu le frapper. N
2997 a-t-il par reconnu le style même, et sinon le son de sa voix qu’on est seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de
2998 seul à ne pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’un maître zen
2999 pas reconnaître, du moins le mouvement de pensée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’un maître zen sur le ti
3000 ée de ses Dialogues et Paraboles dans ces paroles d’ un maître zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer ave
3001 e zen sur le tir à l’arc : Celui qui est capable de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’est-à-dire
3002 able de tirer avec l’écaille du lièvre et le poil de la tortue, c’est-à-dire d’atteindre le centre de la cible sans arc (é
3003 e du lièvre et le poil de la tortue, c’est-à-dire d’ atteindre le centre de la cible sans arc (écaille) et sans flèche (poi
3004 de la tortue, c’est-à-dire d’atteindre le centre de la cible sans arc (écaille) et sans flèche (poil), ce dernier est Maî
3005 dans l’acception la plus élevée du terme, Maître de l’art sans art, mieux, il est l’art sans art, à la fois ainsi Maître
3006 ble. Il semble que Kassner ne se soit pas souvenu d’ avoir écrit lui-même dans ses Proverbes du yogi 90 les phrases suivant
3007 entraînant au tir à l’arc. « Vos flèches manquent de portée (fait remarquer le Maître au débutant) parce que spirituelleme
3008 ’infini… Un bon archer tire plus loin avec un arc de moyenne puissance qu’un archer sans âme avec l’arc le plus fort. Le r
3009 vec l’arc le plus fort. Le résultat ne dépend pas de l’arc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et de la faculté
3010 lus fort. Le résultat ne dépend pas de l’arc mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et de la faculté d’éveil avec
3011 ltat ne dépend pas de l’arc mais de la « présence d’ esprit », du dynamisme et de la faculté d’éveil avec laquelle vous tir
3012 mais de la « présence d’esprit », du dynamisme et de la faculté d’éveil avec laquelle vous tirez. » Ou encore : « La Grand
3013 résence d’esprit », du dynamisme et de la faculté d’ éveil avec laquelle vous tirez. » Ou encore : « La Grande Doctrine du
3014 : « La Grande Doctrine du tir à l’arc ignore tout d’ une cible dressée à une distance déterminée ; elle ne connaît que le b
3015 ée ; elle ne connaît que le but, qui ne s’atteint d’ aucune manière technique, et si elle lui donne un nom, ce sera : Boudd
3016 moniste : le disciple dit au maître : « Je crains de ne plus rien comprendre… Est-ce moi qui touche le but ou bien le but
3017 us appelez le « quelque chose » (qui tire) est-il de nature spirituelle aux yeux du corps, ou corporelle aux yeux de l’esp
3018 ’amalgament tellement que je ne suis plus capable de les séparer… Le Maître m’interrompit alors et dit : Voilà justement l
3019 terrompit alors et dit : Voilà justement la corde de l’arc qui vient de vous traverser ! » Mais je n’en finirais pas de ci
3020 t de vous traverser ! » Mais je n’en finirais pas de citer tantôt Kassner, tantôt les maîtres du zen, au risque de confond
3021 se rejoignent d’un seul coup dans l’illumination de la vision (dirait Kassner), du satori (disent les bouddhistes), l’Un
3022 final92. J’en reviens donc à l’homme que j’essaie de décrire par le biais d’une vision particulière que j’eus de lui, et d
3023 nc à l’homme que j’essaie de décrire par le biais d’ une vision particulière que j’eus de lui, et dans laquelle il semble b
3024 par le biais d’une vision particulière que j’eus de lui, et dans laquelle il semble bien qu’il se soit finalement reconnu
3025 se soit finalement reconnu. J’ai dit que l’image d’ un maître zen m’était venue en écoutant parler Kassner. Et voici ce qu
3026 nt parler Kassner. Et voici ce qu’il dit lui-même de la conversation telle qu’il l’entend et la pratique : Je suis toujou
3027 tincelle, la détente, le drame du rejaillissement d’ une image, d’une idée survenant, d’un principe ; le coup est parti, to
3028 détente, le drame du rejaillissement d’une image, d’ une idée survenant, d’un principe ; le coup est parti, tout de suite,
3029 ejaillissement d’une image, d’une idée survenant, d’ un principe ; le coup est parti, tout de suite, cela jaillit et puis,
3030 la jaillit et puis, parfois, cela touche le noir. De là mon « Tireur zen », mon zen… L’arc est toujours tendu. Eh oui, bie
3031 oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ici au bios d’ Héraclite, qui signifie Vie et Arc, vie qui appelle et produit, et arc
3032 c’est bien cette volupté qu’on pourrait qualifier de bouddhiste… Si j’avais pu revoir Kassner, l’hiver dernier, venant de
3033 ’avais pu revoir Kassner, l’hiver dernier, venant de lire son essai sur le zen et Rilke, je lui aurais posé des questions
3034 Je lui aurais dit sans doute : le but du zen est de nous libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre es
3035 us libérer du moi conscient, mais le sens dernier de votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du
3036 onscient, mais le sens dernier de votre œuvre est de libérer ce moi conscient (qui est la personne) du moi factice, du per
3037 est la personne) du moi factice, du personnage et de son masque, laissant alors paraître le visage. Entre les deux « abîme
3038  » du monde magique, qui est le monde sans mesure d’ avant le drame, d’avant l’idée et la Parole — et du monde collectif, q
3039 e, qui est le monde sans mesure d’avant le drame, d’ avant l’idée et la Parole — et du monde collectif, qui est sa contrepa
3040  magie à rebours », vous nous avez montré la voie de la personne, le passage vers l’esprit et vers la liberté, qui est sou
3041 ance et vision, tension et sacrifice, incarnation de la Parole dans l’histoire. Maintenant, comment passer de cette réalit
3042 arole dans l’histoire. Maintenant, comment passer de cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est
3043 , comment passer de cette réalité qui est liberté de la personne, à celle du zen qui est négation du personnel ? Ou plutôt
3044 porter des éléments sans prix pour le Grand Œuvre de ce temps, la transmutation créatrice des valeurs de l’Orient et de l’
3045 ce temps, la transmutation créatrice des valeurs de l’Orient et de l’Occident. ⁂ Je ne pouvais présenter Kassner à des le
3046 ransmutation créatrice des valeurs de l’Orient et de l’Occident. ⁂ Je ne pouvais présenter Kassner à des lecteurs dont la
3047 ar on ne le trouverait pas, on ne toucherait rien de lui en partant de généralités. Il est par excellence l’auteur incompa
3048 rait pas, on ne toucherait rien de lui en partant de généralités. Il est par excellence l’auteur incomparable. Et de même,
3049 parable. Et de même, son œuvre défie toute espèce de catégorie. Ni philosophe professionnel, ni romancier, ni dramaturge,
3050 ficile et mal connue (surtout en France) par l’un de ses aspects les plus particuliers, j’entends par sa relation récemmen
3051 ent entrevue avec ce qui semblait le plus éloigné d’ elle, j’ai tenté d’épouser son style et son mouvement, essentiellement
3052 e qui semblait le plus éloigné d’elle, j’ai tenté d’ épouser son style et son mouvement, essentiellement paradoxaux, dans l
3053 vement, essentiellement paradoxaux, dans l’espoir d’ alerter quelques esprits, curieux d’une grandeur authentique. Je pensa
3054 dans l’espoir d’alerter quelques esprits, curieux d’ une grandeur authentique. Je pensais à ce personnage du plus beau dial
3055 Je pensais à ce personnage du plus beau dialogue de Kassner93, l’oncle Hammond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons
3056 au dialogue de Kassner93, l’oncle Hammond Sterne, de Bath, qui haïssait les boutons et n’admettait au monde que les boucle
3057 ’agitait tout particulièrement et s’abandonnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de quatre grands bou
3058 nnait à de sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown
3059 sombres pensées lorsqu’il lui arrivait de parler de quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de
3060 l lui arrivait de parler de quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de son temps, Big Button. L
3061 e quatre grands boutons de nacre, fixés à l’habit d’ un clown célèbre de son temps, Big Button. Les pensées que ces quatre
3062 tons de nacre, fixés à l’habit d’un clown célèbre de son temps, Big Button. Les pensées que ces quatre boutons éveillaient
3063 que ces quatre boutons éveillaient dans l’esprit de l’oncle Hammond étaient absolument originales et ne tarissaient pas.
3064 lui qu’il eût pu les voir. 80. Les Éléments de la grandeur humaine, NRF, 1931 ; Le Livre du souvenir, Stock, 1942 ;
3065 ions et paraboles, Plon, 1956. 81. Les Éléments de la grandeur humaine, traduction anonyme, que je crois due aux soins c
3066 ion anonyme, que je crois due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen et de Jean Paulhan. 82. « Je ne songe pas ici — 
3067 due aux soins conjugués de Bernard Groethuysen et de Jean Paulhan. 82. « Je ne songe pas ici — écrit Kassner — au journal
3068 omans, des systèmes. Ce journaliste-là, préoccupé d’ une immortalité tout à fait impossible, est indiscret, l’autre ne fait
3069 ue son devoir. » 83. Je viens de lire des propos de Kassner (recueillis par M. Kensik, Neue Zürcher Zeitung, 11 septembre
3070 Zeitung, 11 septembre 1958) sur sa propre manière de concevoir les visites : « Surtout, dit-il, pas de cérémonies. Pour l’
3071 de concevoir les visites : « Surtout, dit-il, pas de cérémonies. Pour l’amour du ciel, pas de cérémonies ! » Il aime qu’on
3072 -il, pas de cérémonies. Pour l’amour du ciel, pas de cérémonies ! » Il aime qu’on arrive et s’en aille à l’improviste, que
3073 oviste, que les récits soient brefs — surtout pas d’ analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautant d’un objet ou d’un pa
3074 ’analyses ! — les propos vifs, spontanés, sautant d’ un objet ou d’un paradoxe à un autre, et qu’on prenne congé sans étrei
3075 les propos vifs, spontanés, sautant d’un objet ou d’ un paradoxe à un autre, et qu’on prenne congé sans étreintes, excuses,
3076 tel que je l’entends, devrait permettre justement d’ éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’e
3077 permettre justement d’éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kas
3078 ustement d’éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obli
3079 éviter ces « cérémonies » ; de saluer, de parler, d’ écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obligeait à mar
3080 érémonies » ; de saluer, de parler, d’écouter, et de s’en aller sans bavures. 84. Kassner s’obligeait à marcher sur ses c
3081 nes plusieurs heures par jour : « Depuis le temps de mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus d’un demi-siècle, j’ai m
3082 s de mon semestre à Berlin, en 1895, pendant plus d’ un demi-siècle, j’ai marché trois heures par jour ou parfois plus… Si
3083 on obtiendrait un chiffre considérable. À défaut d’ une autre gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’avoir ét
3084 gloire, n’est-ce pas, je garderai peut-être celle d’ avoir été le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgr
3085 ut-être celle d’avoir été le plus grand promeneur de la littérature universelle, malgré mes cannes ou à cause d’elles. Ce
3086 érature universelle, malgré mes cannes ou à cause d’ elles. Ce qui ne signifie pas grand-chose pour la littérature, mais be
3087 enkbuch, 1954) où je lis à propos de Kierkegaard, de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De m
3088 ) où je lis à propos de Kierkegaard, de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet
3089 ropos de Kierkegaard, de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet est une génial
3090 , de son père, de sa fiancée, de sa mélancolie et de son angoisse : « De même qu’Hamlet est une géniale conception de Shak
3091  : « De même qu’Hamlet est une géniale conception de Shakespeare, on pourrait appeler Kierkegaard une géniale conception d
3092 urrait appeler Kierkegaard une géniale conception de Dieu… ou bien devrait-on le nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme,
3093 on de Dieu… ou bien devrait-on le nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de foi ?… » Je développais c
3094 nommer l’Hamlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur
3095 amlet de l’idée du Dieu-Homme, l’Hamlet de l’idée de foi ?… » Je développais cette même idée dans mon essai sur Kierkegaar
3096 2 et suiv.) 88. Il serait absolument insuffisant de traduire Einbildungskraft par imagination : chez Kassner, il s’agit d
3097 gskraft par imagination : chez Kassner, il s’agit d’ une force, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’hom
3098 magination : chez Kassner, il s’agit d’une force, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’homme à sa visio
3099 s’agit d’une force, de la vraie force créatrice, de l’acte même qui relie l’homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pou
3100 homme à sa vision, à l’infini ; donc du « pouvoir de transformer » par excellence. C’est elle qui nous permet de passer du
3101 rmer » par excellence. C’est elle qui nous permet de passer du monde magico-mythique à celui de la personne et de la liber
3102 permet de passer du monde magico-mythique à celui de la personne et de la liberté. 89. C’est là qu’on trouvera la scène d
3103 u monde magico-mythique à celui de la personne et de la liberté. 89. C’est là qu’on trouvera la scène du Maître qui tire,
3104 , dans l’obscurité, une première flèche au centre de la cible, puis une seconde qui perce la première. Il dit ensuite : « 
3105 Ans), E. Rentsch, Zürich, 1949. Une bonne partie de ces proverbes étaient écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru
3106 e de ces proverbes étaient écrits avant la guerre de 1914 et avaient paru en revue. Je rappelle que Kassner n’a découvert
3107 plusieurs reprises sur les mots Alleinheit (état d’ isolement de l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien) et All-E
3108 eprises sur les mots Alleinheit (état d’isolement de l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien) et All-Einheit (unit
3109 lleinheit (état d’isolement de l’homme spirituel, de l’Individu kierkegaardien) et All-Einheit (unité tout-embrassante).
3110 brassante). 93. « La chimère » dans Les Éléments de la grandeur humaine.
16 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — La personne, l’ange et l’absolu ou Le dialogue Occident-Orient
3111 en se vident au Japon. (Mais il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occ
3112 is il y a beaucoup plus de chrétiens japonais que de sectateurs du Dr Suzuki en Amérique.) L’Occident découvre la sagesse
3113 peu christianisées qu’en donnent les successeurs de Ramakrishna ; mais déjà l’intelligentzia de l’Inde se préoccupe des p
3114 seurs de Ramakrishna ; mais déjà l’intelligentzia de l’Inde se préoccupe des problèmes qui lui sont imposés par la techniq
3115 e occidentale, et cherche à les résoudre à l’aide d’ un socialisme qui ne doit rien à Shankara. L’Occident découvre Zoroast
3116 oufis, mais l’Iran, l’Arabie sont en pleine crise d’ adaptation à l’habitus capitaliste. L’Occident découvre et publie le H
3117 x parlementaires, et l’exploitation par elle-même de ses ressources matérielles. Ce que nous découvrons avec passion dans
3118 n. Ils adoptent nos formes sociales, nos procédés de gouvernement et nos techniques, mais non pas les tensions spirituelle
3119 moteur secret. Ce qui était pour nous résultantes d’ innombrables poussées et résistances, malaisément équilibrées mais len
3120 evenir immédiat, mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue né
3121 mais peut orienter la conscience de quelques-uns de ceux qui la feront demain. L’essentiel du dialogue nécessaire et déso
3122 eur centrale pour l’Occident, il doit en résulter d’ infinies conséquences dans tous les domaines du réel, du spirituel au
3123 ’affirme d’une part, et quel est le moi qu’on nie de l’autre ? Est-ce bien le même ? La personne Le christianisme a
3124 n formant, dès les premiers conciles, ses modèles de pensée en tension : Incarnation, Personnes divines à la fois distinct
3125 ersonnes divines à la fois distinctes et reliées. D’ où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et pré
3126 la fois distinctes et reliées. D’où la définition de la personne humaine ou du vrai moi, reprise et précisée par toutes le
3127 eprise et précisée par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme natu
3128 par toutes les grandes époques de la théologie et de la philosophie, et toujours opposée à l’homme naturel, animal plus ou
3129 al plus ou moins raisonnable et simple exemplaire de l’espèce. Pour saint Paul, le vrai moi est l’homme nouveau, « appelé 
3130 on peut suivre l’évolution du concept et du terme de personne, forgé par la doctrine trinitaire : il s’appliquera de mieux
3131 orgé par la doctrine trinitaire : il s’appliquera de mieux en mieux à l’homme nouveau, à l’ens sibi suscité par l’esprit d
3132 tes, le vrai moi, c’est « l’âme », mais il s’agit d’ une âme tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et
3133 e tout intellectuelle, dont « la nature n’est que de penser » et qui reste entièrement distincte du corps. Avec Kant, le v
3134 al, s’oppose au moi phénoménal, et reprend le nom de personne. Chez Renouvier, la personne apparaît comme « fonction à plu
3135 « fonction à plusieurs variables », par là douée d’ une liberté que n’aura jamais l’individu, simple objet du déterminisme
3136 du déterminisme universel. Et quant à la science d’ aujourd’hui, dont on a pu penser « qu’elle n’aborde le Moi que pour le
3137 dité, l’équilibre endocrinien), et nous le montre d’ autant plus distinct, dans sa fonction centrale, totalisante, dans son
3138 fonction centrale, totalisante, dans son pouvoir d’ intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psycho
3139 rale, totalisante, dans son pouvoir d’intégration de l’être. Loin de dissocier le moi, les recherches psychologiques du xx
3140 gent de toutes parts, et retrouvent par le détour de leurs descriptions « objectives » l’opposition paulinienne des « deux
3141 vrai que le langage courant confond sans l’ombre d’ un scrupule la personne et tout ce qu’elle n’est pas — l’individu, la
3142 l’élémentaire et souvent si trompeuse conscience de soi — reste que la croyance au moi distinct et le recours à la « vale
3143 moi distinct et le recours à la « valeur absolue de la personne » sont à peu près universels en Occident. Comme l’atteste
3144 ttestent tant de notions considérées comme allant de soi — et tant de réalités « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se
3145 « bien vues » à l’Ouest, mais que l’Est se devait d’ ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l
3146 ’Ouest, mais que l’Est se devait d’ignorer, voire de condamner, telles que l’originalité, les droits de l’homme, le record
3147 mnation par nos critiques du style impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diat
3148 le impersonnel ou de la banalité, la dénonciation de l’on par nos philosophes, et les diatribes marxistes contre l’aliénat
3149 aliénation. Et comme l’atteste enfin notre notion de l’amour, — à quoi j’entends venir plus loin. L’ange Quelle est
3150 nir plus loin. L’ange Quelle est cette part de la personne dès maintenant libérée du monde où elle vit encore en exi
3151 ant l’image céleste », « glorifiée », « revêtue » de lumière, d’incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « 
3152 céleste », « glorifiée », « revêtue » de lumière, d’ incorruptibilité et d’immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée
3153  », « revêtue » de lumière, d’incorruptibilité et d’ immortalité ; dès maintenant donc « ressuscitée avec le Christ », bien
3154 chée avec le Christ en Dieu » jusqu’à l’avènement de l’Amour ? C’est l’Ange, répond l’Iran des spirituels, l’Iran du mazdé
3155 che de l’Inde mais enté sur le tronc abrahamique, d’ où sont issus les Juifs, les chrétiens, et l’islam. Que serait l’Ange
3156 on du moi individuel ou collectif. Pour les sages de l’Iran, il est ce moi. Barakat, juif passé à l’islam, écrit en 1165 :
3157 finité, il y a un être spirituel qui tout au long de leur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’âmes une sollic
3158 ur existence assume envers cette âme ou ce groupe d’ âmes une sollicitude et une tendresse spéciales ; c’est lui qui les in
3159 us du simple messager transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme so
3160 er transmettant les ordres, ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun
3161 , ni de l’idée courante de l’Ange gardien », mais de ceci : « que la Forme sous laquelle chacun des spirituels connaît Die
3162 dmirables commentaires qu’Henry Corbin nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulemen
3163 in nous donne de la mystique soufi, « la totalité de notre être, ce n’est pas seulement cette partie que nous appelons pré
3164 oufis n’évoque pas seulement cette part initiante de l’être renouvelé qui demeure cachée en Dieu selon le christianisme, m
3165 e en Dieu selon le christianisme, mais encore, et d’ une manière plus précise dans l’homologie, ces entités célestes, fémin
3166 ces entités célestes, féminines, que la religion de Zarathustra nommait les Fravartis, « celles qui ont choisi » (c’est-à
3167 s, « celles qui ont choisi » (c’est-à-dire choisi de combattre pour venir en aide à Ohrmazd) et qui sont à la fois les arc
3168 e ou morale, chaque être complet ou chaque groupe d’ êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Di
3169 let ou chaque groupe d’êtres appartenant au monde de Lumière a sa Fravarti » — Ohrmazd, le Dieu lumineux a lui-même la sie
3170 s. L’événement majeur, la scène capitale du drame de la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit
3171 la personne ainsi constituée se produit à l’aube de la troisième nuit qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de
3172 t qui suit la mort terrestre : c’est la rencontre de l’âme avec son moi céleste à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysag
3173 à l’entrée du pont Chinvat. Dans un paysage nimbé de la Lumière-de-Gloire restituant toutes choses et tous les êtres dans
3174 es dans leur pureté paradisiaque, « dans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’eaux célestes où croissent les pl
3175 ans un décor de montagnes flamboyant aux aurores, d’ eaux célestes où croissent les plantes d’immortalité », au centre du m
3176 aurores, d’eaux célestes où croissent les plantes d’ immortalité », au centre du monde spirituel (qui est le monde réel des
3177 vant l’âme sa Dâenâ, son moi céleste, jeune femme d’ une beauté resplendissante et qui lui dit : — Je suis toi-même ! Mais
3178 négation du moi Les peuples des régions que l’ Europe nomme Asie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe,
3179 sie diffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’Europe, mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun, c’est
3180 iffèrent bien plus entre eux que les peuples de l’ Europe , mais s’il est une croyance qu’ils ont tous en commun, c’est la croya
3181 nous semble à première vue impliquer comme allant de soi la croyance en un moi reconnaissable au travers de ses vies succe
3182 distincte, voilà précisément ce que les doctrines de l’Inde, ou nées en Inde comme le bouddhisme, dénoncent depuis des mil
3183 ue des autres ? En fait, on ne voit pas les Sages de l’Asie dénoncer sans relâche, comme on pourrait s’y attendre, les cro
3184 n pourrait s’y attendre, les croyances populaires de leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils
3185 e leurs contrées ; c’est bien plutôt à notre idée de la personne qu’ils opposent leur idée du non-moi. Le vrai malentendu
3186 nsitoire et « aveugle », enveloppe obscurcissante d’ une âme divine. Ainsi parlent tous les upanishads, et les premiers écr
3187 sme : il faut éteindre le désir individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matièr
3188 individuel, cause de l’erreur, des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On
3189 des souffrances et de la mort, dissiper cet écran de matière entre l’âme et la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien i
3190 la Réalité. On peut penser qu’il s’agit bien ici de la même « mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses di
3191 mort au monde et à soi-même » que le Christ exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai
3192 t exige de ses disciples, et qui est la condition de leur accession à leur vrai moi spirituel, celui qui doit ressusciter
3193 lieu que l’âme chrétienne doit le transfigurer, —  d’ où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhism
3194 ne doit le transfigurer, — d’où la « résurrection de la chair ». Il en va de même pour le bouddhisme originel. Qu’est-ce q
3195 . Qu’est-ce que l’homme ? Un ensemble transitoire d’ agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste
3196 ? Un ensemble transitoire d’agrégats matériels et de formations mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignoranc
3197 ions mentales en proie au désir égoïste, qui naît de l’ignorance et qui entraîne fatalement les attachements à l’illusoire
3198 raîne fatalement les attachements à l’illusoire ; d’ où l’action, le devenir, la mort, et la roue des retours sans fin. « I
3199 loppés par l’ignorance, et que le désir conduit à de criminelles renaissances. »99 Le but est donc « de nous apprendre le
3200 e criminelles renaissances. »99 Le but est donc «  de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne in
3201  »99 Le but est donc « de nous apprendre le moyen de ne pas renaître », nous dit une moderne interprète du bouddhisme tibé
3202 t, un interprète du zen fait écho : « La négation de l’Atman énoncée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’e
3203 ée par les premiers bouddhistes porte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expér
3204 rte sur l’Atman de l’ego relatif, non sur l’Atman de l’ego absolu, l’ego d’après l’expérience illuminante.101 » Ou dans le
3205 e voit, l’expérience personnelle est le fondement de la philosophie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’une e
3206 ie bouddhiste », comprenons qu’il s’agit pour lui d’ une expérience rigoureusement spirituelle. En somme, l’adversaire prin
3207 n’est pas encore la personne, mais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux cond
3208 ais l’obstination de l’ego qui veut durer au-delà de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans pur
3209 là de la mort sans rien comprendre aux conditions de cette survie, sans purifier d’avance son jîva, — sans s’ordonner d’av
3210 dre aux conditions de cette survie, sans purifier d’ avance son jîva, — sans s’ordonner d’avance, dirions-nous, aux exigenc
3211 ans purifier d’avance son jîva, — sans s’ordonner d’ avance, dirions-nous, aux exigences du vrai moi, qui est notre réponda
3212 n des buts majeurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître103 ! Mais vient le second stade, où les spiri
3213 eurs des méthodes spirituelles soit de l’empêcher de renaître103 ! Mais vient le second stade, où les spirituels s’oppose
3214 uels s’opposent même à l’ego absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensi
3215 o absolu, à la réalité de l’âme distincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce
3216 istincte. Le soi de chacun se confond avec le Soi de l’Immensité, ou du Brahma. Qu’est-ce que l’âme ? Une monade disent le
3217 ïtins : il n’y a que brahman. Et tu n’es rien. Et de leur côté les bouddhistes (mais le tao chinois et le shinto nippon di
3218  : « Nagasena, existe-t-il un être qui transmigre de ce corps dans un autre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas d
3219 utre ? — Non, il n’y en a point. — S’il n’y a pas de transmigration, peut-il y avoir une réincarnation ? — Oui, c’est pos
3220 être pur. — O Nagasena, dis-moi s’il existe rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.104 » Un tex
3221 xiste rien de semblable à l’âme ? — Il n’y a rien de semblable à l’âme.104 » Un texte zen chinois surenchérit : « Y a-t-il
3222 ire du samahdi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se jou
3223 ahdi : c’est un éveil instantané. Éveil de quoi ? De la vision-en-soi, du Cela qui n’est pas personnel et se joue à traver
3224 oyance en la transmigration… Mais voici le moment d’ ajuster la vision. Tout l’Orient exagère ses formules. Il dit cent-mil
3225 té pour dire longévité. Notre hygiène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette
3226 ène, augmentant de cinquante ans la durée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’immortalité ». Et même la seule
3227 rée moyenne de la vie, serait alors une « recette d’ immortalité ». Et même la seule qui ait réussi. Apprenons donc à lire
3228 on. Et les trois autres distinctions s’expliquent de la même manière. Puis il ajoute : Si le disciple est exceptionnelle
3229 ndateur du zen) l’a déclaré, zen ne se soucie pas de disserter sur des notions abstruses telles que Dieu, la Vérité ; ce q
3230 la Vérité ; ce que zen demande au disciple, c’est de voir sa propre physionomie. » Ou, comme le disait le sixième Patriarc
3231 omie. » Ou, comme le disait le sixième Patriarche de la secte (638-713) : « Ne pense pas au bien ni au mal, mais regarde c
3232 ionomie originelle, celle que tu avais avant même d’ être né.106 » Par où nous rejoignons un certain christianisme — à par
3233 us rejoignons un certain christianisme — à partir d’ un certain bouddhisme — et certainement le mazdéisme et les soufis : i
3234 rtainement le mazdéisme et les soufis : il s’agit d’ une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même.
3235 éisme et les soufis : il s’agit d’une seule quête de l’esprit, dont le Graal, ou l’Ange, est : toi-même. ⁂ Les différences
3236 tons préciser leur nature, c’est dans les notions de l’amour traduisant ces trois conceptions que nous avons les plus gran
3237 nceptions que nous avons les plus grandes chances de les trouver. Dans ce domaine, toute différence reconnue peut être vér
3238 romet au dialogue des spirituels un élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’
3239 élargissement de la conscience que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scient
3240 que chacun prendra de son bien. Tandis qu’au plan de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il sembl
3241 de l’anthropologie plus ou moins « scientifique » de ce siècle, il semblerait que les négations du moi selon les écoles or
3242 orientales correspondent simplement aux névroses de la psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisati
3243 a psychanalyse freudienne : elles seraient autant de « rationalisations » des attitudes « dysfonctionnelles » qui menacent
3244 et nous laisse « nos » problèmes. Trois écoles de l’amour Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme
3245 Si l’amour est le premier moteur non seulement de l’homme mais du monde, c’est son action qui configure l’idée du moi q
3246 te idée du moi révèle l’amour, comme la structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour do
3247 structure de l’atome traduit certaines propriétés de l’énergie. « C’est l’amour dominant qui fait l’homme… L’homme est abs
3248 ’homme est absolument tel qu’est l’amour dominant de sa vie : selon (cet amour) se fait son ciel, s’il est bon, ou son enf
3249 it Swedenborg dans La Nouvelle Jérusalem. Et dans De Cœlo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est l
3250 érusalem. Et dans De Cœlo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.107 » Les t
3251 Cœlo, il ajoute : « Le corps de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’ho
3252 s de chaque esprit et de chaque ange est la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer
3253 est la forme de son amour.107 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’évoquer nous apparaissent alors comme autant
3254 107 » Les trois notions de l’homme que l’on vient d’ évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergéti
3255 nt d’évoquer nous apparaissent alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son
3256 r nous apparaissent alors comme autant de modèles d’ une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action con
3257 t alors comme autant de modèles d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et compo
3258 les d’une énergétique de l’amour, ou comme autant d’ effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons di
3259 énergétique de l’amour, ou comme autant d’effets de son action configurante et composante. Et nous les voyons différer d’
3260 urante et composante. Et nous les voyons différer d’ une manière subtile mais précise par la forme des rapports qu’elles im
3261 l’ego et le Soi. Observons que les trois partent d’ une dualité sans laquelle ni l’homme ni l’amour ne seraient même conce
3262 s, préalablement à tout jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’une tension permanente entre l’
3263 ut jugement moral, il s’agit de la reconnaissance d’ une bipolarité, d’une tension permanente entre l’individu et le « vrai
3264 il s’agit de la reconnaissance d’une bipolarité, d’ une tension permanente entre l’individu et le « vrai moi ». (L’individ
3265 se des nations. Et cela vaut d’abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’amour du prochain. Tous les moralistes
3266 abord pour l’amour de soi-même, sans lequel point d’ amour du prochain. Tous les moralistes du monde s’accordent avec les s
3267 ordent avec les spirituels dans leur condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture au
3268 condamnation de l’égoïsme, qui est l’impérialisme de l’ego naturel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette co
3269 turel et sa fermeture autarcique. Mais les motifs de cette condamnation ne sont pas les mêmes : les moralistes jugent au n
3270 L’école chrétienne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le
3271 ne Dans une vue chrétienne de l’homme, l’amour de soi est le rapport positif entre l’individu et le vrai moi. Le second
3272 nt un moi duel, au sein duquel l’amour s’instaure d’ une manière telle que s’aimer et aimer le prochain soit un même acte :
3273 e comme n’aurait pas son plein sens. Dans l’amour de soi-même, l’homme naturel s’ouvre à l’action du vrai moi spirituel et
3274 lui. C’est le vrai moi qui aime, qui est l’agent de l’amour. Ce vrai moi seul peut aimer le prochain, parce que seul il d
3275 imer, c’est soutenir, deviner, porter le meilleur de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de s
3276 de ce qu’on aime », disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochai
3277 , disait Alain. Or le meilleur de l’autre — comme de soi — est sa vocation singulière. Aimer le prochain dans sa personne,
3278 e, intégrant l’animique au spirituel, va toujours de personne à personne. Mais alors, d’où vient la personne ? Quel que so
3279 , va toujours de personne à personne. Mais alors, d’ où vient la personne ? Quel que soit le nom que lui ont donné les troi
3280 dans l’homme la personne. Si la plus haute valeur de l’Occident chrétien n’est pas la connaissance détachée mais le sacrif
3281 et si le sacrifice diffère du suicide — la nature de l’amour véritable l’explique seule. « Personne n’a un plus grand amou
3282 que seule. « Personne n’a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’il aime. » Se sacrifier pour l’autre aimé,
3283 par l’esprit. C’est rejoindre la forme immortelle de son être au travers d’une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modè
3284 oindre la forme immortelle de son être au travers d’ une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vra
3285 une « mort à soi-même » transfigurante. Ce modèle de l’amour et du vrai moi instaure le normal, le sublime, et la probléma
3286 staure le normal, le sublime, et la problématique de l’Occident chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour e
3287 ent chrétien. Il conditionne aussi les déviations de l’amour et les formes particulières que prennent en Occident certaine
3288 iées à tel point qu’il devient parfois impossible d’ en reconnaître ailleurs les homologues. En voici deux exemples extrême
3289 ples extrêmes. Le masochisme religieux, ou haine de soi. — Dans son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la ha
3290 son langage dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous l
3291 dramatique, saint Paul parle parfois de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituel
3292 de la haine de soi-même, formule reprise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une com
3293 rise au pied de la lettre par tous les spirituels de tendance ascétique, avec une complaisance croissante. Je sais bien qu
3294 roissante. Je sais bien que la haine est l’envers de l’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime p
3295 ’amour, mais comment l’amour fasciné par le désir de ce qu’il aime peut-il haïr vraiment ce qu’il lui sacrifie ? Le masoch
3296 i sacrifie ? Le masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de
3297 masochisme n’est-il pas le moment de retombement de l’âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dan
3298 âme frustrée, quand l’esprit qui l’appelait cesse de la diriger dans son élan vers le vrai moi ? Elle voulait l’ange. Il l
3299  ? Elle voulait l’ange. Il lui reste la nostalgie d’ une fuite hors du moi naturel. Désormais le vieil homme est jugé : n’a
3300 u l’entraîner avec elle vers son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu
3301 son bien et l’animer de son amour, l’âme l’accuse de volonté mauvaise. Mais elle sait bien qu’ils ont partie liée, et qu’e
3302 lle mourra si elle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’
3303 lle le tue. Elle se contente alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. L
3304 nte alors de le maudire, de le traiter en « corps de mort », et leurs relations s’empoisonnent. La plupart des névroses di
3305 l’âme oppose au corps, vu comme signe et symbole de la « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’une métamorphos
3306 « prison » du moi. Et c’est que l’âme avait rêvé d’ une métamorphose angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’o
3307 angélique, quand l’esprit lui demandait seulement d’ ordonner tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. M
3308 r tout le moi terrestre et temporel à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le
3309 à la vocation de l’amour. Mais celui qui se hait de cette manière ne peut pas aimer le prochain : il ne peut voir en lui
3310 corps lui paraît désirable, il sera parfois tenté d’ attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour a
3311 l sera parfois tenté d’attribuer ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’un amour angélique. La passion romantiq
3312 r ce mouvement, né de l’instinct, à la révélation d’ un amour angélique. La passion romantique trouve ici sa genèse. Exalté
3313 trouve ici sa genèse. Exaltée jusqu’à la mystique de l’ascèse autopunitive, elle finit par confondre avec les exigences de
3314 tive, elle finit par confondre avec les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non tra
3315 les exigences de la mort au faux-moi, l’instinct de mort… Contre cet ascétisme non transfigurant, Nietzsche n’écrit pas s
3316 ui se hait lui-même, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour
3317 ême, car nous serons les victimes de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même108 »
3318 de sa colère et de sa vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même108 ». L’érotisme sensuel est l’autre
3319 vengeance. Ayons donc soin de l’induire à l’amour de lui-même108 ». L’érotisme sensuel est l’autre extrême où se porte l’
3320 procède du vrai moi et se dirige vers le vrai moi de l’autre. Mais il peut arriver qu’il s’arrête en chemin, que son élan
3321 élan vers la personne singulière retombe au plan de l’individuel, du générique. Capté par l’instinct qu’il excite au-delà
3322 de anesthésie, l’âme retombe alors dans les liens de l’instinct, qui est la puissance impersonnelle par excellence, et s’é
3323 nce, et s’épuise à s’en libérer par le changement de l’excitation, par le défi perpétuel aux attachements. C’est la libert
3324 e revendiquée par Don Juan contre les conventions de la morale commune — qu’il est déjà trop « spirituel » pour respecter 
3325 mais aussi contre le respect du mystère exigeant de l’Autre — qu’il n’est pas assez « spirituel » pour aimer. (Mais s’il
3326 ait assez, il retrouverait aussi la justification de certaines conventions, protégeant chez la brute et l’innocent les pre
3327 chez la brute et l’innocent les premières chances de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispens
3328 de l’esprit, — ou mettant à l’abri des atteintes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui
3329 ntes de l’esprit l’indispensable tissu conjonctif de toutes les sociétés qui ne sont pas un ordre.) ⁂ L’école iranienne
3330 rdre.) ⁂ L’école iranienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéism
3331 nienne Il n’existe plus de communauté humaine, d’ unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathustra ; et n
3332 Il n’existe plus de communauté humaine, d’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathustra ; et nulle ne
3333 ’unité de civilisation qui s’inspire du mazdéisme de Zarathustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis,
3334 sme de Zarathustra ; et nulle ne s’inspira jamais de la mystique des soufis, et pour cause. Si je les fais intervenir ici,
3335 use. Si je les fais intervenir ici, c’est à titre d’ évocation d’une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente
3336 es fais intervenir ici, c’est à titre d’évocation d’ une dimension virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit 
3337 nsion virtuelle, intemporelle, et donc permanente de l’esprit : le mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’ho
3338 e mazdéisme et les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme
3339 les soufis ont proposé des notions de l’homme et de l’amour homologues aux notions chrétiennes, mais comme transposées te
3340 chrétiennes, mais comme transposées terme à terme d’ un degré vers le « ciel » des archétypes : ainsi la dualité ego-vrai m
3341 s : ainsi la dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le p
3342 dualité ego-vrai moi y devient celle de l’âme et de son ange. Pour situer dans son vrai climat spirituel le personnalisme
3343 vrai climat spirituel le personnalisme essentiel de ces doctrines109, citons ce verset du Coran (24-41) qui pose comme un
3344 une clef musicale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’ori
3345 cale : « Chaque être connaît le mode de prière et de glorification qui lui est propre. » Toute personne s’origine en Dieu,
3346 Dieu, qui l’a créée afin d’être connu par elle et de devenir en elle l’objet de Sa propre connaissance. C’est donc en Dieu
3347 être connu par elle et de devenir en elle l’objet de Sa propre connaissance. C’est donc en Dieu que tout amour peut reconn
3348 Dieu que tout amour peut reconnaître la personne de l’autre et l’aimer « comme soi-même », — comme étant née du même amou
3349 au regard de chaque amant… car il est impossible d’ aimer un être sans se représenter en lui la divinité… Un être n’aime e
3350 i la divinité… Un être n’aime en réalité personne d’ autre que son créateur ?110 » Ibn Arabi distingue trois amours : l’amo
3351  : l’amour divin du Créateur pour sa créature, et d’ elle pour Lui ; l’amour spirituel « dont le siège est en la créature t
3352 t le siège est en la créature toujours à la quête de l’être dont elle découvre en elle l’Image, ou dont elle se découvre c
3353 in l’amour naturel, qui recherche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas !
3354 echerche la satisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manièr
3355 tisfaction de ses désirs sans souci de l’agrément de l’Aimé. « Et telle est hélas ! dit Ibn Arabi, la manière dont la plup
3356 it Ibn Arabi, la manière dont la plupart des gens d’ aujourd’hui comprennent l’amour. » Comment réconcilier l’amour naturel
3357 que cette capacité révèle chez eux l’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en
3358 ’unification de leur double nature (le dénouement de la « conscience malheureuse » en proie aux déchirements). » Telle est
3359 est donc la personne unifiée et tel est son amour de soi-même. Quant à l’amour-passion (ici, non romantique !) il se situe
3360 n romantique !) il se situe au point où le regard de l’âme reconnaît soudain dans l’Aimé cette Forme sensible du divin, ce
3361 e que l’âme peut aimer dans toutes les dimensions de l’amour unifié. L’Aimé n’est plus alors un simple objet — comme il es
3362 à faire exister dans l’être aimé, par l’efficace de son amour pré-figurant. C’est précisément là que s’origine la plus
3363 écisément là que s’origine la plus haute fonction de l’amour humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’o
3364 r humain, celle-là même qui assure la coalescence de ce que l’on a désigné historiquement comme amour courtois et amour my
3365 r mystique. Car l’amour tend à la transfiguration de la figure aimée terrestre, en l’adossant à une lumière qui en fasse é
3366 s les virtualités surhumaines, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures f
3367 s, jusqu’à l’investir de la fonction théophanique de l’Ange (ainsi en a-t-il été des Figures féminines célébrées par les F
3368 té des Figures féminines célébrées par les Fedeli d’ amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut
3369 ines célébrées par les Fedeli d’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Me
3370 ’amore, compagnons de Dante ; ainsi en a-t-il été de celle qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia
3371 qui apparut à Ibn Arabi, à la Mekke, comme figure de la Sophia divine). Que l’amant tende à contempler l’être aimé, à s’un
3372 dans l’Aimé.111 On reconnaît ici les « notes » de l’amour du prochain selon Kierkegaard112, mais aussi selon Swedenborg
3373 t-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu’il a quelque chose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit
3374 hose du Seigneur en lui ; or, comme nul ne reçoit de la même manière le bien qui procède du Seigneur, il s’ensuit que l’un
3375 gneur, il s’ensuit que l’un n’est pas le prochain de la même manière que l’autre… ; il n’y a jamais chez deux personnes un
3376 chain, et chacun est le prochain selon la qualité de son amour.113 En dépit de tout ce qui distingue la transparence (p
3377 ngue la transparence (parfois trompeuse) du latin de l’ingénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’an
3378 ngénieur-philosophe Swedenborg et la poésie dense de l’Arabe, l’analogie des énoncés est indéniable. Si le symbolisme conc
3379 tement comparable, comme le sont les trois formes de l’amour que manifeste cette structure. Mais « l’Imagination créatrice
3380 combien plus vivement l’unité première et finale de tout amour ! Peut-être aussi nous fera-telle entrevoir comment le myt
3381 aussi nous fera-telle entrevoir comment le mythe de Tristan — en dépit du pseudo-bouddhisme tardivement emprunté par Wagn
3382 sticisme soufi, et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir dés
3383 fi, et même la « rencontre aurorale » de l’âme et de sa Dâenâ au pont Chinvat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour
3384 invat ? Et n’est-ce pas pour avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir q
3385 our avoir désiré l’amour de l’Ange que les amants de la forêt du Morois en viennent à découvrir que c’est leur passion mêm
3386 vie », mais pour l’autre ? S’il est une « erreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alo
3387 rreur de Tristan », motivant le malheur essentiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « cie
3388 ntiel de sa passion, ce serait alors dans le mode de la transposition du « ciel » sur Terre et de l’Ange en la femme, que
3389 mode de la transposition du « ciel » sur Terre et de l’Ange en la femme, que l’on pourrait en pressentir l’ultime secret.
3390 s. Du même coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de p
3391 coup se trouvent évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagoniste
3392 t évacués les problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, c
3393 es problèmes de l’amour de soi-même et de l’amour de Dieu et du prochain : faute de protagonistes bien réels, ces problème
3394 t des sexes agissant fatalement sur des milliards d’ agrégats éphémères, combinés et défaits selon le cours des astres et l
3395 a morale sociale condamne radicalement l’adultère de la femme mariée ; mais ce n’est pas au nom de l’amour, on le pense bi
3396 e et du bouddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte
3397 ddhisme. S’il est vrai que « la notion de Moi n’a d’ accès que dans la pensée des sots », comme le dit un texte tibétain, l
3398 sots », comme le dit un texte tibétain, la notion de Toi ne vaut pas mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’hy
3399 mieux. « La morale bouddhique, qui est une sorte d’ hygiène spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffranc
3400 spirituelle, tend à détruire, en nous, les causes de souffrance pour autrui.116 » « On ne peut comprendre la nature de l’u
3401 ur autrui.116 » « On ne peut comprendre la nature de l’ultime réalité qu’après avoir détruit tout attachement inné ou acqu
3402 17 » Et le Bouddha lui-même : « Qui a cent sortes d’ amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui
3403 même : « Qui a cent sortes d’amours a cent sortes de douleurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas
3404 eurs ; qui a un amour a une douleur ; qui n’a pas d’ amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause es
3405 amour a une douleur ; qui n’a pas d’amour n’a pas de douleur. » Si l’on s’en tient aux textes, la cause est entendue : l’A
3406 sique ne connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimo
3407 connaît pas l’amour, — j’entends l’amour de Dieu, de soi et du prochain, l’amour-passion, et même l’amour matrimonial. Mai
3408 x textes. On ajoutera peut-être qu’on ne voit pas de raisons pour que l’Orient réel soit plus conforme aux sermons du Boud
3409 soit plus conforme aux sermons du Bouddha, que l’ Europe au Sermon sur la montagne. On aura tort. Car les grandes doctrines re
3410 aura tort. Car les grandes doctrines religieuses de l’Asie n’ont jamais été révolutionnaires. Elles n’ont jamais prétendu
3411 ents, par le régime des castes et la condamnation de toute curiosité du monde) ; d’autre part, en tant que doctrines elles
3412 ctrines elles proposent aux spirituels les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions
3413 les moyens de s’en évader en dérangeant le moins de choses possible. Les religions abrahamiques, au contraire, monothéist
3414 s à le transformer en vérité118. Elles provoquent d’ innombrables réactions. Il est par suite inévitable que l’existence ré
3415 as, jusqu’à nos jours, en Asie. Prenons l’exemple de l’érotisme. Le shivaïsme explique le cosmos tout entier en termes de
3416 termes de sexualité : il pose le désir à la base de tout. « Nous ne désirons des choses que dans la mesure où elles nous
3417 curent une jouissance. La divinité n’est un objet d’ amour que parce qu’elle représente une volupté sans mélange… Le désir
3418 me n’existe que parce qu’il voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possessio
3419 l voit en elle la forme de son plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir
3420 plaisir, la source de sa jouissance. Dans la joie de la possession, la souffrance du désir est pour un instant apaisée… et
3421 ité. C’est cet amour qui est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant »119. Kâma, l
3422 est l’amour pur, l’amour de l’amour même, l’amour de l’Être-de-volupté transcendant »119. Kâma, le dieu du plaisir érotiqu
3423 ncore : « Celui qui cherche l’amour dans l’espoir d’ une jouissance est la victime du désir. Le sage accepte les plaisirs s
3424 expérience du divin, comparons-les aux diatribes d’ un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre
3425 x diatribes d’un saint Paul annonçant la « colère de Dieu, révélée du Ciel » contre les « impudiques » et les « infâmes »,
3426 e sont livrés à l’impureté, selon les convoitises de leur cœur. » Comparons le Shiva Purana, le Kamasutra, le Mahabharata,
3427 é et catégorie spirituelle. Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’exemples convaincants — pour ma part, je n’
3428 Dans les littératures de l’Asie, on trouvera peu d’ exemples convaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce qu
3429 vaincants — pour ma part, je n’en connais point — de ce que nous baptisons amour-passion, et l’on sait à quel point cette
3430 ur-passion, et l’on sait à quel point cette forme de l’amour est liée à ses expressions. La passion et l’amour mystique, l
3431 ntaux, posés à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagess
3432 à tous par les rigueurs mal tolérées de dogmes et de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques
3433 de doctrines impératives, cependant que les voies de sagesse asiatiques sont seulement proposées, — à quelques-uns. Les re
3434 ulement proposées, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’immortalité par la rétention du semen, sont liées en As
3435 es, — à quelques-uns. Les recettes de plaisir, ou d’ immortalité par la rétention du semen, sont liées en Asie à la piété,
3436 Asie à la piété, tandis que nos coutumes viennent d’ un vieux fond païen et que notre hygiène moderne se veut « scientifiqu
3437 fique ». À cause de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occide
3438 use de la nature du christianisme et de la nature de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en con
3439 e de l’hindouisme ou du bouddhisme, la vie réelle de l’Occident est en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’
3440 en conflit avec la foi, tandis que la vie réelle de l’Asie est en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces f
3441 en symbiose avec ses religions. Et si la symétrie de ces formules inquiète, revenons au quotidien banal, pris sur le vif :
3442 uve être un brahmane védantin : « J’avais vécu en Europe , j’avais épousé une Européenne : apparemment, cela me donnait l’invra
3443 in : « J’avais vécu en Europe, j’avais épousé une Européenne  : apparemment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de compren
3444 ment, cela me donnait l’invraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.122 » Ceci encore : le cliché Orien
3445 nvraisemblable privilège de comprendre les choses de l’amour.122 » Ceci encore : le cliché Orient — Occident = non-moi —
3446 e moins cours en Orient que dans certains milieux d’ Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me par
3447 moins cours en Orient que dans certains milieux d’ Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît ap
3448 s en Orient que dans certains milieux d’Europe et d’ Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler
3449 lieux d’Europe et d’Amérique sérieusement éperdus de sagesse asiatique, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’in
3450 ue, me paraît appeler deux remarques, à vrai dire d’ inégale importance, et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de
3451 , et qu’on voudrait déconcertantes. 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent t
3452 . 1. Précaution de méthode dialectique. — Au défi de dogmes sublimes et qui prétendent transfigurer la vie concrète, l’Occ
3453 ses résistances naturelles, et qui font l’intérêt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux
3454 êt de sa vie amoureuse. Mais l’Orient se contente de proposer des voies aux Renonçants (ou sannyasins) qui ont épuisé la c
3455 s) qui ont épuisé la coupe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais
3456 upe, ou la dédaignent. Pas de drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variété
3457 e drame, encore moins de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultim
3458 de tragique, et surtout pas de tout ou rien, mais d’ innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous ver
3459 ien, mais d’innombrables variétés dans l’approche de l’ultime réalité. Où nous verrions contradiction, antinomie, ils ne m
3460 nces ne s’opposent pas. S’il arrive que certaines de leurs croyances semblent bien se confondre avec les nôtres (semblent
3461 (semblent bien affirmer, par exemple, la réalité de la personne ou du prochain) on n’en saurait déduire qu’elles excluent
3462 aire, ou que l’on s’était mépris sur le vrai sens de leurs affirmations répétées du contraire (comme la non-existence du m
3463 la non-existence du moi). Illustrons cela. L’idée de vocation personnelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’êt
3464 nelle accomplie aux dépens de l’individu est loin d’ être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action
3465 aux dépens de l’individu est loin d’être absente de la Bhagavad-Gita : Sois détaché et accomplis l’action qui est ton de
3466 t, vaut mieux que le devoir parfaitement accompli d’ un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et da
3467 evoir parfaitement accompli d’un autre. Le dharma d’ un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : L
3468 compli d’un autre. Le dharma d’un autre est plein de dangers. (III, 35.) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de ri
3469 35.) Et dans les upanishads : La vie n’a servi de rien à celui qui quitte ce monde sans avoir réalisé son propre monde
3470 n non accomplie. (Brihad-âranyaka Up.) La notion de l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’aimer aussi son en
3471 l’amour du prochain, et l’injonction évangélique d’ aimer aussi son ennemi ne sont pas absentes du bouddhisme : car l’enne
3472 enseigna le zen à toutes les Amériques dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’Europe, va jusqu’à dire que la mét
3473 s dégoûtées de l’Occident, et de plus en plus à l’ Europe , va jusqu’à dire que la méthode bouddhiste « consiste à transformer É
3474 philosophie sans dogmatique. Nous parlerons alors d’ inconséquence logique ? Mais notre science n’a-t-elle pas inventé plus
3475 cés spirituels correspondant à différents niveaux d’ évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en qu
3476 fférents niveaux d’évolution, à différents degrés d’ éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — 
3477 niveaux d’évolution, à différents degrés d’éveil de la conscience… 2. Mise en question par l’expérience vécue. — Dans le
3478 question par l’expérience vécue. — Dans le roman de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’un upanishad reparaît
3479 de Raja Rao qu’on vient de citer, cette sentence d’ un upanishad reparaît à plusieurs reprises : En vérité, à quoi se rap
3480 reprises : En vérité, à quoi se rapporte l’amour d’ un mari pour sa femme ? Non point à la femme, mais en vérité au Soi qu
3481 lle phrase, j’éprouve d’abord ceci : le sentiment d’ une immédiate et vive reconnaissance. Car toute vérité sur l’amour est
3482 atement reconnue par celui qui s’est mis en quête d’ un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de
3483 nnue par celui qui s’est mis en quête d’un savoir de l’amour qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’es
3484 ur qu’il vit. N’importe qui m’avertira que le Soi de l’Inde n’est pas le vrai Dieu des chrétiens, qui est personnel. On co
3485 artir de là que nos questions deviennent capables de réponses. Sur cette phrase des upanishads, sur le dialogue qui peut s
3486 ds, sur le dialogue qui peut s’instituer à partir d’ expériences reconnues, on pourrait écrire tout un livre. (Mais si c’ét
3487 nnu tout d’abord en soi-même — le vrai moi, sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut deve
3488 sujet de l’amour, et l’aider à prendre conscience de ce qu’il est ou peut devenir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lum
3489 enir. N’est-ce pas l’aider à réfléchir la lumière de l’amour créateur ? Non, ce serait-là trop dire, et pas assez. Aimer,
3490 as assez. Aimer, c’est aider l’autre à se’ situer de telle manière que la lumière se voie en lui, mais qu’en même temps le
3491 se voie en lui, mais qu’en même temps le vrai moi de l’amant s’y découvre, autrement éclairé, et par là subtilement changé
3492 -ce le Nom qu’on lui donne qui diffère, — ou quoi d’ autre ? Le point du dialogue est ici. Un point seulement, sans étendue
3493 re : l’Occidental ou l’Oriental. Tous les risques d’ erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêti
3494 tal ou l’Oriental. Tous les risques d’erreur sont de notre côté, nous les payons par les névroses ou l’abêtissement spirit
3495 tout ce qui existe (à tel point que le seul fait d’ exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en
3496 seul fait d’exister devient pour eux l’équivalent de notre péché originel). Ils en ont fait autant pour les névroses qui s
3497 tout entier semble résulter — selon leurs sages — d’ une gigantesque schizophrénie du Soi. (Mais il sera finalement résorbé
3498 Tout est le contraire du drame. Tous les risques d’ erreur sont liés à notre amour ; et plus l’amour est passionné, exigea
3499 royons aimer en elle, est-ce elle-même ou l’image de notre ange ? Ce que nous avons cru voir en elle, et que nous déifions
3500 alystes nous l’ont dit : l’erreur sur la personne de l’être aimé est la source des pires conflits, une violence faite à l’
3501 ce des pires conflits, une violence faite à l’âme de l’autre, à son corps ou à son esprit — ou encore à son moi total non
3502 imer mieux, c’est apprendre à discerner la raison d’ être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce cor
3503 est apprendre à discerner la raison d’être — donc d’ être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que
3504 discerner la raison d’être — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un
3505 tre — donc d’être unique — de l’autre aimé, comme de soi-même. Ce corps visible que vient animer un mouvement singulier et
3506 vient animer un mouvement singulier et fascinant de l’être… « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ! » — Aimer, c’es
3507 on « Dieu » dans ses créatures, puisqu’il est dit de Lui qu’il est amour. — Mais Dieu pour nous est une Personne, et nous
3508 tout en tous. » Depuis six millénaires, les sages de l’Asie n’ont pas varié dans leur croyance en la dualité de l’Un et du
3509 n’ont pas varié dans leur croyance en la dualité de l’Un et du Multiple, dualité finalement illusoire puisqu’un jour — do
3510 une trace, comme n’ayant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l
3511 ant pas eu lieu. Le triomphe de ces spirituels et de leur eschatologie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’un p
3512 ogie se confondra ce jour-là avec l’aboutissement d’ un processus entièrement matériel calculé par la science occidentale :
3513 es plans poétique et religieux du second principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer
3514 nd principe de la thermodynamique. L’autre moitié de l’humanité croit dur comme fer à la réalité tangible, insuffisante, p
3515 e fer à la réalité tangible, insuffisante, pleine de mystères, des apparences actuelles, qu’elle s’évertue en conséquence
3516 la vie et contre l’entropie127. Elle ne sait plus d’ où lui vient cette passion qui a produit la technique et les sciences,
3517 homme et une extraordinaire avidité. Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est
3518 Le sens réel de l’aventure échappe à la majorité de ceux qu’elle entraîne. Et il est vrai qu’on ne saurait guère le conce
3519 ’on ne saurait guère le concevoir sans une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre èr
3520 une vision de sa fin anticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul tr
3521 nticipée. La petite phrase de saint Paul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’un seul trait fulgurant décrit ce
3522 aul au début de notre ère, « Dieu tout en tous », d’ un seul trait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et
3523 ait fulgurant décrit cette fin. Dès lors, au duel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des uniques — 
3524 uel de l’Un et du Multiple est substitué le drame de l’Un et des uniques — à l’anéantissement final dans l’unisson, l’har
3525 l’anéantissement final dans l’unisson, l’harmonie d’ un chœur infini ; — à la régressive extinction des différences éphémèr
3526 — à l’individuel aboli par une longue aspiration de l’Atman, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imaginatio
3527 man, le personnel éternisé par l’effort vivifiant de l’Imagination. Ce sont là deux doctrines, deux vues des spirituels. Q
3528 es spirituels. Quelle est la vraie ? Si les sages de l’Orient ont raison, personne ne pourra le vérifier à la consommation
3529 eux Créations totalement insensées. Si les saints de l’Occident ont raison, ils seront seuls à être là pour le savoir. La
3530 e sera celle que nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’action. Les résultats actuels et historiques sont amb
3531 nous choisirons, en vérité vécue de conscience et d’ action. Les résultats actuels et historiques sont ambigus à l’infini,
3532 l’ignorance malheureuse des origines et des fins de ce qu’ils croient, bien qu’ils en vivent plus ou moins bien, et même
3533 ’Orient est resté jusqu’ici, et que ses doctrines d’ extinction n’ont pas tué l’illusion du moi ; au contraire, ce moi sans
3534 aloir ses revendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous
3535 vendications, par plusieurs centaines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons
3536 aines de millions de bouches à nourrir, et demain de cerveaux à diriger. Nous pressentons dans la terreur et l’espérance c
3537 t peut devenir : soit s’engloutir dans l’illusion de la matière (et l’Orient aurait eu raison), soit accomplir sa vocation
3538 iffrer l’Être dans le singulier et les structures de l’énergie universelle. Car c’est au secret des personnes que nous ten
3539 ar c’est au secret des personnes que nous tentons d’ écouter la Personne, mais c’est dans la matière que nous cherchons le
3540 ’est dans la matière que nous cherchons le Soi. «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, dit Spinoza, d’
3541 onnaissons les choses particulières, dit Spinoza, d’ autant plus nous connaissons Dieu. » La création tout entière, « soumi
3542 « un ardent désir, attend la révélation des fils de Dieu » (Romains, 8). Et saint Justin, l’œcuménique du iie siècle, os
3543 t Justin, l’œcuménique du iie siècle, ose parler d’ un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mes
3544 ’œcuménique du iie siècle, ose parler d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la
3545 d’un salut de la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recompo
3546 la Matière. À force de l’étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épie
3547 étreindre de ses mains, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, com
3548 ins, de la mesurer par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, ce
3549 par la vue, de la dissoudre et de la recomposer, de l’épier dans sa vie secrète, comme l’alchimiste, cette matière du cos
3550 alchimiste, cette matière du cosmos en expansion, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’Occident ne cherche pas
3551 on, de l’atome élusif, des corps vivants, l’homme d’ Occident ne cherche pas seulement à dévoiler ses lois secrètes, mais à
3552 est dans l’individuel, et l’Être dans les raisons d’ être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance
3553 raisons d’être des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est u
3554 re des uniques. Or ce choix est celui de l’amour, de la connaissance par l’amour, car tout ce qui existe est unique, à voi
3555 ’amour, car tout ce qui existe est unique, à voir de près, comme voit l’amour. 94. Cf. Charles Baudoin : Découverte de
3556 l’amour. 94. Cf. Charles Baudoin : Découverte de la Personne, p. 22. (Cet ouvrage est le meilleur exposé du personnali
3557 si Ch. Baudoin me paraît un peu trop pessimiste, de son propre point de vue, D. T. Suzuki passe la mesure dans l’autre se
3558 Corbin : L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn Arabi, 1958, p. 28 et 50. 96. Ibid., p. 131. 97. Henry Corbin :
3559 . 131. 97. Henry Corbin : Terre céleste et corps de résurrection, 1960, p. 31. 98. Sur les solutions proposées par l’Ind
3560 103. A. David-Neel donne une Parabole tibétaine de la « personne » dans l’op. cit. « Une personne » ressemble à une ass
3561 Une personne » ressemble à une assemblée composée d’ une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de
3562 ressemble à une assemblée composée d’une quantité de membres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se
3563 mbres. La discussion ne cesse jamais. Parfois, un de ses membres se lève, prononce un discours, préconise une action ; ses
3564 qu’il a proposé. D’autres fois, plusieurs membres de l’assemblée se lèvent ensemble, proposent des choses différentes et c
3565 emble, proposent des choses différentes et chacun d’ eux appuie ses propositions sur des raisons particulières. On en vient
3566 collègues. Il advient aussi que certains membres de l’assemblée la quittent d’eux-mêmes ; d’autres sont graduellement pou
3567 i que certains membres de l’assemblée la quittent d’ eux-mêmes ; d’autres sont graduellement poussés au-dehors et d’autres,
3568 ssés au-dehors et d’autres, encore, sont expulsés de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’intr
3569 s de force par leurs collègues. Pendant ce temps, de nouveaux venus s’introduisent dans l’assemblée, soit en s’y glissant
3570 s portes. On remarque encore que certains membres de l’assemblée dépérissent lentement ; leur voix devient faible, on fini
3571 finissent par s’instituer dictateurs. Les membres de cette assemblée, ce sont les éléments physiques et mentaux qui consti
3572 nos idées, nos croyances, nos désirs, etc. Chacun de ceux-ci se trouve être, de par les causes qui l’ont engendré, le desc
3573 s qui l’ont engendré, le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remonta
3574 , le descendant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le pass
3575 dant et l’héritier de multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont l
3576 e multiples lignes de causes, de multiples séries de phénomènes remontant loin dans le passé et dont les traces se perdent
3577 t dont les traces se perdent dans les profondeurs de l’éternité. » Nous connaissons assez bien cela en Occident. Bismarck
3578 n Occident. Bismarck écrit : « Faust se plaignait d’ avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’âmes turbulentes. Et t
3579 t d’avoir deux âmes en lui. J’ai en moi une foule d’ âmes turbulentes. Et tout se passe comme dans une république. » À rega
3580 est forme dominante et gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait p
3581 gouvernante. Si on tentait de l’observer à l’aide d’ un microscope, l’éléphant lui aussi ne serait plus qu’une vaste illusi
3582 plus qu’une vaste illusion. 104. Les Questions de Milinda (Milindahunha), Ier siècle A. D. Milinda est le roi indo-grec
3583 304-305. 107. Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son co
3584 . Ces deux phrases sont à rapprocher de cette vue d’ un soufi : « Le paradis du gnostique fidèle, c’est son corps même, et
3585 nostique fidèle, c’est son corps même, et l’enfer de l’homme sans foi ni connaissance c’est également son corps même. » (C
3586 re, 517. 109. Voir sur ce point les beaux essais de Hans Heinrich Schaeder recueillis dans Der Mensch in Orient und Okzid
3587 Corbin, L’Imagination créatrice dans le soufisme d’ Ibn’Arabi, p. III. 111. Id. ibid., p. 117. 112. Cf. supra, p. 125 à
3588 qu’aux yeux de celui qui nie l’âme ; mais alors, d’ où viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la
3589 viendrait cet amour, à qui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upani
3590 ui irait-il ? La passion de Tristan est la preuve de l’âme, s’il en fût jamais. 115. Katha upanishad. 116. Alexandra Dav
3591 la vraie religion ». (La vraie ! Aux autres, pas de bonjour.) » 119. Lingopasanâ rahasya. 120. Alain Daniélou, Le Poly
3592 rien dans la littérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beau
3593 ttérature qui confronte avec plus de tendresse et de rigueur l’Est et l’Ouest. Lire aussi, mais c’est beaucoup moins tendr
3594 pour les deux, c’est même féroce, le chef-d’œuvre d’ Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Li
3595 e d’Henri Michaux, Un Barbare en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’in
3596 e en Asie. Lire enfin de Rudolf Kassner, Le Livre de ma Vie. Puis aller en Inde et sentir l’innombrable, le « corps magiqu
3597 uteur ne vienne ici à la rencontre des catégories de L’Amour et l’Occident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de s
3598 ccident un peu plus qu’il ne serait souhaitable, de son propre point de vue. 124. On pourra retrouver ce passage dans la
3599 . Phrases empruntées comme plusieurs ici au roman de Raja Rao, Le Serpent et la Corde. 126. P. Teilhard de Chardin : La
3600 a Corde. 126. P. Teilhard de Chardin : La Route de l’Ouest (inédit). 127. Il serait peut-être fécond d’interpréter le p
3601 ’Ouest (inédit). 127. Il serait peut-être fécond d’ interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l
3602 serait peut-être fécond d’interpréter le principe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse)
3603 rincipe de Carnot-Clausius (accroissement général de l’entropie, mort lumineuse) en termes de métaphysique orientale, et l
3604 termes de métaphysique orientale, et le principe d’ exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vi
3605 étaphysique orientale, et le principe d’exclusion de Pauli (individuation des électrons, conditionnant la « vie ») en term
17 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Deuxième partie — L’amour même
3606 L’amour même ILes quatre couleurs de l’amour (Schéma philosophique abstrait, orné d’une illustration.)
3607 s de l’amour (Schéma philosophique abstrait, orné d’ une illustration.) L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe
3608 ’une illustration.) L’amour étant l’initiateur de tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’amour. Les degrés
3609 tout ce qui existe, on appellera néant l’absence d’ amour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux de la création à l’
3610 on appellera néant l’absence d’amour. Les degrés d’ existence de l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle
3611 a néant l’absence d’amour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne
3612 mour. Les degrés d’existence de l’amour sont ceux de la création à l’œuvre, sans laquelle le néant ne serait pas conçu, ni
3613 erait pas conçu, ni l’être. L’amour divin, venant de Dieu, retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonan
3614 ant de Dieu, retourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transc
3615 ourne à Dieu, posant en son point de réflexion et de résonance dans la créature, un moi nouveau qui transcende l’ancien pa
3616 e totalise et l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est
3617 l’ordonne à l’esprit. (Cette action d’ordonnance, d’ orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Pri
3618 esprit. (Cette action d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas d
3619 ion d’ordonnance, d’orientation de soi dans l’axe d’ efficacité majeure, est la prière. Prier n’est pas demander mais s’ori
3620 r et à réaliser.) Le moi posé, quelle est la voie de l’amour en l’homme ? L’expérience méditée — et que j’espère banale (a
3621 tre états que l’on peut distinguer par leur ordre d’ apparition. Ils se mêleront et combineront dans l’homme achevé. 1. La
3622 me achevé. 1. La vision intuitive. — Cette forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en m
3623 on intuitive. — Cette forme de l’amour est l’acte de l’esprit ; et elle est connaissance active en même temps que reconnai
3624 t la philia, l’amitié spirituelle. Elle est agent de différenciation par excellence, du fait qu’elle voit — ou cherche à v
3625 regard intuitif est appel, donc attente agissante d’ une réponse, et, par suite, de l’échange qui est l’action de l’amour.
3626 c attente agissante d’une réponse, et, par suite, de l’échange qui est l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’
3627 nse, et, par suite, de l’échange qui est l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’agir sur l’autre excèdent la c
3628 l’action de l’amour. Quand ce désir et ce besoin d’ agir sur l’autre excèdent la conscience de soi-même et le respect de s
3629 besoin d’agir sur l’autre excèdent la conscience de soi-même et le respect de sa propre personne en tant que vocation uni
3630 excèdent la conscience de soi-même et le respect de sa propre personne en tant que vocation unique, cet amour du prochain
3631 cation unique, cet amour du prochain peut changer de signe, et du coup sa fonction s’inverse : il se mue en impérialisme,
3632 il se mue en impérialisme, et devient donc agent d’ uniformisation, tout d’abord dans l’échange de personne à personne, co
3633 ent d’uniformisation, tout d’abord dans l’échange de personne à personne, comme l’amitié, l’éducation et le mariage, mais
3634 utions religieuses ou philosophiques pour le bien de l’âme de ceux qu’on massacrait, et comme nous le montre aujourd’hui l
3635 ligieuses ou philosophiques pour le bien de l’âme de ceux qu’on massacrait, et comme nous le montre aujourd’hui la « vertu
3636 iner ce qui, dans sa nature déterminée, l’empêche d’ aimer. Nul ne peut distinguer le bien d’autrui s’il n’a su distinguer
3637 l’empêche d’aimer. Nul ne peut distinguer le bien d’ autrui s’il n’a su distinguer d’abord son propre bien. Qui s’aime mal,
3638 onne unique s’édifie dans l’individu. Cette règle d’ or est la norme morale, par excellence, en tout domaine, aussi bien da
3639 xcellence, en tout domaine, aussi bien dans celui de l’érotique que dans l’éducation, l’amitié et le mariage. Au point d’é
3640 ans l’éducation, l’amitié et le mariage. Au point d’ équilibre idéal entre la retenue qui naît de l’amour de soi et l’élan
3641 point d’équilibre idéal entre la retenue qui naît de l’amour de soi et l’élan vers le moi d’autrui, l’amour du prochain co
3642 ilibre idéal entre la retenue qui naît de l’amour de soi et l’élan vers le moi d’autrui, l’amour du prochain constitue le
3643 qui naît de l’amour de soi et l’élan vers le moi d’ autrui, l’amour du prochain constitue le modèle créateur de toute comm
3644 l’amour du prochain constitue le modèle créateur de toute communauté, et l’image organisatrice d’une biologie de l’humani
3645 eur de toute communauté, et l’image organisatrice d’ une biologie de l’humanité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour
3646 mmunauté, et l’image organisatrice d’une biologie de l’humanité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour d’autrui comme
3647 anité en tant que celle-ci forme un tout. L’amour d’ autrui comme de soi-même pouvant seul assurer la santé et régler le mé
3648 ue celle-ci forme un tout. L’amour d’autrui comme de soi-même pouvant seul assurer la santé et régler le métabolisme du gr
3649 s. 2. L’émotion, ou l’Éros. — Cette seconde forme de l’amour procède de l’âme. Elle est moins sélective que le regard intu
3650 l’Éros. — Cette seconde forme de l’amour procède de l’âme. Elle est moins sélective que le regard intuitif, puisqu’elle n
3651 existe et tant que dure sa plénitude, elle exclut de sa réalité tout ce qui n’est ni l’objet ni le sujet de l’émotion : à
3652 réalité tout ce qui n’est ni l’objet ni le sujet de l’émotion : à ces deux se réduit pour elle l’univers. Dans sa genèse,
3653 e, elle correspond, quel que soit l’âge, à l’état de première adolescence, quand l’amour « point le cœur », oppresse le so
3654 oppresse le souffle, brûle en rêve, et reste loin d’ imaginer la possession. (C’est un aspect de l’amour courtois, non le p
3655 e loin d’imaginer la possession. (C’est un aspect de l’amour courtois, non le plus spécifique, ni le plus insolite). Mais
3656 ît guère sans que l’ait éveillé un premier regard de l’intuition. Les très jeunes gens l’ignorent encore ; la plupart des
3657 gnorent encore ; la plupart des adultes ont cessé de le sentir ; mais un homme qui se connaît bien et les femmes surtout s
3658 rtaine perception instantanée du secret singulier de l’autre — et surtout s’il paraît lui-même l’ignorer — est la conditio
3659 lui-même l’ignorer — est la condition nécessaire de l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiai
3660 l’émotion vraiment envahissante. Dans ce domaine de l’âme intermédiaire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’e
3661 ire entre le spirituel et le sensuel, les risques d’ erreur sont plus grands, parce que l’émotion la plus vive peut très bi
3662 t, s’émeut, et « le reste est silence ». Au degré de la passion, l’âme va se détacher du spirituel et du sensuel, pour le
3663 tuel et du sensuel, pour le plaisir et la douleur de mieux brûler. L’amour-passion oriente le moi vers un objet qu’il veut
3664 n objet qu’il veut unique, infiniment différencié de tous les autres, et dans lequel s’investissent bientôt toute la prése
3665 « Seul je suis, moi, le Monde ! » À cette limite de l’extrême différence actualisée, tout ce qui avait été refoulé, écart
3666 it été refoulé, écarté et virtualisé dans la nuit de l’indifférencié, d’un seul coup submerge l’amant : il s’abîme dans le
3667 eux » et dans la « tourmente du Monde » — sa mort d’ amour, sa « Joie suprême 128. » 3. Le plaisir sexuel. — Cette troisièm
3668 . » 3. Le plaisir sexuel. — Cette troisième forme de l’amour est dite physique, encore que nous sachions très bien que le
3669 e est lié comme nulle autre fonction à la volonté de l’intellect, à l’âme et à l’imaginaire ; et qu’en tant qu’il ne serai
3670 a sexualité quand vient son temps. Les confusions de notre langage courant semblent parfois assimiler l’amour au sexe, mai
3671 assimiler l’amour au sexe, mais elles proviennent d’ une contamination en sens inverse : si la sexualité peut signifier l’a
3672 onne à des fins nouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que
3673 ouvelles qui ne sont plus celles de l’espèce mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’amour que lui donne l’Occid
3674 e mais de la personne, la sexualité mérite ce nom d’ amour que lui donne l’Occident moderne, — quoi qu’en pense la morale m
3675 ue rationnelle et « scientifique », elle se garde de la déclarer, mais trahit constamment son intime conviction par des ju
3676 que la comparaison qui est faite ici entre l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le
3677 re l’acte de la connaissance religieuse et l’acte de l’union sexuelle, rabaisse le spirituel ou élève l’érotique ? (J’ente
3678 l’homme spirituel doit atteindre avec l’ensemble de ses facultés.) La sexualité en elle-même ne me paraît pas indifférent
3679 re. Et cependant, dès qu’elle accède à la liberté de l’érotisme (qui transcende la fonction naturelle et vitale) elle devi
3680 lle et vitale) elle devient justiciable à la fois de la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la s
3681 lle devient justiciable à la fois de la morale et de l’esprit, comme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la pe
3682 omme tout autre élément impliqué dans la synthèse de la personne. Deux déviations morales, symétriques, la tentent dès lor
3683 ce : a) La sexualité condamnée. Ceux qui ont peur de leur sexualité et qui ne voient qu’ignominie dans l’érotisme, expulse
3684 ne voient qu’ignominie dans l’érotisme, expulsent de leur propre personne (et de celle d’autrui s’ils le peuvent !) cette
3685 l’érotisme, expulsent de leur propre personne (et de celle d’autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme de l’amour.
3686 e, expulsent de leur propre personne (et de celle d’ autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme de l’amour. Ils la co
3687 ’autrui s’ils le peuvent !) cette troisième forme de l’amour. Ils la condamnent ainsi à rester indifférenciée, inculte, no
3688 une force mauvaise, obscure et menaçante, aliénée de la personne : or ce sont là les caractères et la genèse d’un démon. I
3689 sonne : or ce sont là les caractères et la genèse d’ un démon. Ils verront ce démon apparaître partout, passant le bout de
3690 ront ce démon apparaître partout, passant le bout de l’oreille entre ces lignes, par exemple ; et certains semblent bien ê
3691 qu’à le matérialiser, si l’on en croit les récits de vies d’anachorètes. À leur intention, je me répète. « Faire l’amour »
3692 matérialiser, si l’on en croit les récits de vies d’ anachorètes. À leur intention, je me répète. « Faire l’amour » peut-êt
3693 me, libération ou servitude, ou simplement erreur de part et d’autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’est en soi
3694 ion ou servitude, ou simplement erreur de part et d’ autre, accident ridicule mais sans suites. Ce n’est en soi ni bien ni
3695 s. Ce n’est en soi ni bien ni mal. Seul, le degré d’ amour réel (personnifiant, lié à la personne) peut qualifier l’acte se
3696 ) peut qualifier l’acte sexuel. Et je ne vois pas d’ autre critère qui tienne, ou ne soit réductible à celui-là. b) La sexu
3697 . b) La sexualité séparée. Dès qu’il est dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et l
3698 ualité séparée. Dès qu’il est dissocié de l’amour d’ intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et le situent d
3699 Dès qu’il est dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et le situent dans l’amour vra
3700 est dissocié de l’amour d’intuition et de l’amour de sentiment, qui le précèdent et le situent dans l’amour vrai, le désir
3701 désir sensuel tend aussitôt à redescendre au plan de l’instinct. Mais alors que le désir animal est simplement déterminé p
3702 al est simplement déterminé par le renouvellement de l’espèce, le désir sensuel-érotique est devenu force libre, autonome,
3703 i agit désormais contre l’amour en tant que force d’ individuation. Don Juan ne choisit pas, il désire toutes les femmes, e
3704 s, il désire toutes les femmes, et ce désir fait, de chacune, la femme en tant que sexe en général. (Au contraire, l’amour
3705 tant que sexe en général. (Au contraire, l’amour de Tristan faisait d’une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du d
3706 énéral. (Au contraire, l’amour de Tristan faisait d’ une seule, élue, la Femme unique.) Cette forme du désir part de l’amou
3707 élue, la Femme unique.) Cette forme du désir part de l’amour mais en direction du néant : elle accroît l’indifférencié, el
3708 : et c’est l’apparition du Commandeur. Le contact de ce Double d’antimatière anéantit le corps physique. (La main saisie,
3709 apparition du Commandeur. Le contact de ce Double d’ antimatière anéantit le corps physique. (La main saisie, l’éclair, la
3710 appe.) 4. L’énergie cosmique. — La dernière forme de l’amour n’est atteinte que par la pensée, mais à travers le monde des
3711 elà des corps à notre échelle, au-delà du domaine de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais
3712 -delà du domaine de l’individuation, au-delà même de la matière que l’on dit brute, mais encore tangible et sensible, elle
3713 , elle découvre et mesure l’énergie et le mystère de l’attraction universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellec
3714 action universelle. Et il est beau que l’aventure de l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif
3715 l’intellect, descendant des clartés instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à
3716 instantanées de l’esprit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir ab
3717 rit intuitif au clair-obscur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace élec
3718 scur de l’âme, à l’obscur de la chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin
3719 chair, à l’opaque de la matière et au noir absolu de l’espace électronique, débouche enfin sur des lueurs nouvelles qui so
3720 sont peut-être celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de
3721 re celles qu’entrevoyaient les sages de l’Inde et de la Grèce, et que Dante dit avoir contemplées au prix de sa vue « cons
3722 ma volonté étaient mus — comme une roue tournant d’ une manière uniforme — par l’Amour qui meut aussi le soleil et les aut
3723 aussi le soleil et les autres étoiles. La forme de pensée qui se révèle ici transcende la recherche moderne d’une formul
3724 qui se révèle ici transcende la recherche moderne d’ une formule du champ unitaire. Elle implique l’équation plus générale
3725 les lois cosmiques, et l’amour créateur. Théorie de l’amour unifiant, c’est autant dire de l’Amour même. La science actue
3726 r. Théorie de l’amour unifiant, c’est autant dire de l’Amour même. La science actuelle, guidée par l’intuition d’Einstein,
3727 même. La science actuelle, guidée par l’intuition d’ Einstein, conçoit déjà la possibilité d’une explication unifiée des ph
3728 intuition d’Einstein, conçoit déjà la possibilité d’ une explication unifiée des phénomènes gravitationnels et magnétiques,
3729 ulations créatrices. Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles
3730 . Déjà, les grandes « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentie
3731 es « écoles » de mathématiciens, de physiciens et d’ astronomes, reconnaissent qu’elles diffèrent essentiellement par leurs
3732 par leurs options métaphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’
3733 taphysiques. Ainsi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée
3734 insi l’extrême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu
3735 ême de l’amour cognitif, de la passion de savoir, d’ inventer le savoir et d’y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier
3736 de la passion de savoir, d’inventer le savoir et d’ y soumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction
3737 oumettre la pensée, poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en
3738 poussé jusqu’au dernier degré de l’abstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrêm
3739 bstraction et de l’audace logique, semble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mysti
3740 ble en voie de rejoindre en perspective l’extrême de l’amour intuitif : la vue mystique. ⁂ Une illustration. — Tout le mon
3741 out le monde connaît les cartes à jouer, au moins de vue, mais presque personne ne les voit. Presque personne ne prend la
3742 Presque personne ne prend la peine ou le plaisir d’ en déchiffrer l’idéogramme. C’est trop sérieux pour les joueurs, et po
3743 moment, mais sans jouer, les « couleurs » du jeu de cartes ordinaire, on ne tardera pas à découvrir qu’elles corresponden
3744 rait pour trait aux quatre amours que nous venons d’ identifier. (Et si l’on remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit p
3745 remonte aux tarots, on verra qu’il ne s’agit pas d’ un hasard ou d’une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de
3746 rots, on verra qu’il ne s’agit pas d’un hasard ou d’ une fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste He
3747 e fantaisie, comme l’ont montré les belles études de l’indianiste Heinrich Zimmer). Les quatre amours Pique ♠ La fo
3748 mbre 1. Elle suggère : pénétrer, traverser, voler d’ un trait, blesser, tuer, féconder. Correspond à l’ Esprit et à l’int
3749 sme et sadisme, ou à l’inverse, ascétisme et goût de l’autosacrifice ; vers l’autre : crime ; vers soi : suicide. Concept
3750 l’autre : crime ; vers soi : suicide. Conception de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment,
3751 rs soi : suicide. Conception de l’amour : un roi de pique dira que « l’Amour n’est pas un sentiment, mais la situation to
3752 n’est pas un sentiment, mais la situation totale de celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet
3753 celui qui aime, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet amour : le regard juste. Cœur ♥ La forme indique le n
3754 me, orienté vers la vérité. » Preuve de validité de cet amour : le regard juste. Cœur ♥ La forme indique le nombre 2. Ell
3755 me. (Seul celui qui a une âme, et le sait, a lieu d’ être masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa.
3756 une âme, et le sait, a lieu d’être masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amo
3757 lieu d’être masochiste et de s’en réjouir.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait p
3758 r.) Goût de la mort à deux. Paranoïa. Conception de l’amour : « La beauté fait pleurer les meilleures larmes ». — Tristan
3759 sation. (« Toute chair est comme l’herbe. » Amour de la chair pour ce qui la transcende et l’anime, car la poussée vient d
3760 ui la transcende et l’anime, car la poussée vient d’ en bas, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière re
3761 as, mais l’éclosion et l’épanouissement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée.) Tempérament : sensuel-im
3762 t l’épanouissement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée.) Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; préd
3763 sement dépendent de la lumière reçue, de l’air et de la rosée.) Tempérament : sensuel-impulsif-curieux ; prédateur-exclus
3764 mpulsif-curieux ; prédateur-exclusif-fabricateur ( d’ objets, non de concepts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations
3765 x ; prédateur-exclusif-fabricateur (d’objets, non de concepts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct
3766 ts.) Déviations typiques : Don Juan. Aberrations de l’instinct. Naturisme mystique. (C’est l’utopie magique, quelquefois
3767 éalisée, du trèfle à quatre : transformer la tige de l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourman
3768 de l’instinct en quatrième feuille). Conception de l’amour : la gourmandise. « Ce qui est vrai, ce qui est beau, c’est c
3769 és, rappelant que ce carré fut d’abord un carreau d’ arbalète, une flèche à quatre pans) ; contredire et mettre en parallèl
3770 Intellect, à la pensée (Amour du juste et passion de la découverte). Tempérament : exclusif, bâtisseur, critique, prudent
3771  ») ; abstracteur, classique, impudent, inventif ( de structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goû
3772 , classique, impudent, inventif (de structures et de concepts). Déviations typiques : Schizophrénie. Goût du viol. Impuis
3773 . Goût du viol. Impuissance sexuelle par méfiance de l’âme. (L’Intellectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l
3774 lectuel, au mauvais sens, est celui qui est coupé de l’âme, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception de l’amour : l’
3775 e, ou ne sait qu’en faire et la nie.) Conception de l’amour : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans
3776 our : l’équilibre exigeant l’échange, le maintien de chacun dans ses justes limites. Preuve : comprendre (ou au contraire
3777 nnu au passage les quatre fonctions fondamentales de C. G. Jung : pensée, sensation, intuition, sentiment, bien que placée
3778 raduisant la logique particulière et l’ontogenèse de l’amour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme no
3779 mour. Ces quatre fonctions coexistent dans la vie de tout homme normal, mais l’une, en général, est dominante, plus fortem
3780 dans l’inconscient la fonction la plus différente d’ elle-même. Les couples d’opposés décrits par Jung : intuition-sensatio
3781 ction la plus différente d’elle-même. Les couples d’ opposés décrits par Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de
3782 r Jung : intuition-sensation (signes noirs du jeu de cartes) et sentiment-pensée (signes rouges) se retrouvent dans mon sc
3783 le vide, n’étant nous-mêmes que furtifs agrégats d’ infimes tourbillons statistiques ; que tout soit vide en vérité de sci
3784 llons statistiques ; que tout soit vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière
3785 it vide en vérité de science, dans les dimensions de l’Univers (millions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’année
3786 ience, dans les dimensions de l’Univers (millions d’ années-lumière dans l’espace, milliards d’années terrestres dans le te
3787 illions d’années-lumière dans l’espace, milliards d’ années terrestres dans le temps), et qu’au fond du réel calculé soit l
3788 l calculé soit le Vide — mais que, scintillements d’ une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisation
3789 que, scintillements d’une seconde dans l’histoire de ce grain, notre Terre, des civilisations passées nous apparaissent gr
3790 grandes et majestueuses ; bien plus, qu’au détour d’ un sentier suivi dans la forêt d’avril nous attende une révélation du
3791 us, qu’au détour d’un sentier suivi dans la forêt d’ avril nous attende une révélation du bonheur pur ; qu’il ait suffi de
3792 e une révélation du bonheur pur ; qu’il ait suffi de l’inflexion d’une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain
3793 n du bonheur pur ; qu’il ait suffi de l’inflexion d’ une voix pour que cette rencontre, demain, soit soudain le point de la
3794 ue cette rencontre, demain, soit soudain le point de la vie ; qu’il y ait tels moments où nous sommes convaincus que « tou
3795 nts où nous sommes convaincus que « tout » dépend d’ une décision à prendre ; qu’un monde coloré, déployé, dense et stable
3796 a mais le vide, tout cela dans le vide et composé de vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en sil
3797 e vide et composé de vide, compénétré et imprégné de vacuité, ce vertige accompagne en silence la pensée des hommes d’aujo
3798 ertige accompagne en silence la pensée des hommes d’ aujourd’hui et leur action. Le miracle est qu’il y ait des formes ! Qu
3799 miracle est qu’il y ait des formes ! Qu’il y ait de la consistance, des paysages, des visages, une Nature, autour de nous
3800 i fait ma joie, et c’est le passage du tourbillon de billions d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme
3801 ie, et c’est le passage du tourbillon de billions d’ agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’une forme unique, lib
3802 billon de billions d’agrégats divisibles au désir d’ un corps animé, d’une forme unique, libérée pour un peu de temps de ce
3803 d’agrégats divisibles au désir d’un corps animé, d’ une forme unique, libérée pour un peu de temps de cette transparence i
3804 ps animé, d’une forme unique, libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originell
3805 d’une forme unique, libérée pour un peu de temps de cette transparence incolore qui est la malédiction originelle, l’enfe
3806 vue lointaine et la musique, la souple résistance de la chair, et le désir qui ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un a
3807 ne s’arrêtera plus dans sa lancée vers un au-delà de plénitude, vers le Plérome. Car cette Nature qui nous paraît miracule
3808 flété sur le Vide, si elle n’est pas une parabole de l’éternel. Ces formes demeurent allusives, ces corps souffrent et meu
3809 s nous voulons l’au-delà, et non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un
3810 delà, et non pas le contraire de nos angoisses et de nos joies, l’au-delà qui transforme et non pas un reflet ! Un poète m
3811 et non pas un reflet ! Un poète mineur et parfait de ce temps l’a découvert un jour, non sans stupeur : Il y a un autre m
3812 il qu’un ? Il y a le monde du Vide, l’autre monde de la science : il est là, parmi nous et tout autour de nous, ici et mai
3813 , et nous ne le voyons pas, quoique étant assurés de sa présence instante. Il n’est pas nous. Mais il y a en nous le Royau
3814 a en nous le Royaume ! Le Royaume « qui n’est pas de ce monde », et qui pourtant est « au-dedans de nous », car il est plu
3815 us nous-mêmes que nous, parce qu’il est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répond
3816 est en chacun de ceux qui le reçoivent « le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effi
3817  le Fils de Dieu », la part céleste, le répondant de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et
3818 nt de l’Ange qui sera « notre effigie » au cercle de feu qu’a vu Dante. Et par quelle parabole le représenterons-nous ? « 
3819 présenterons-nous ? « Il est semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre,
3820 st semblable à un grain de sénevé, la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre, mais lorsqu’il a été semé,
3821 e, mais lorsqu’il a été semé, il monte… et pousse de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel (les anges) peuven
3822 et le temps, qui étendent le Vide aux dimensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’à présent, du monde des form
3823 ensions de l’univers ; il n’est pas loin d’ici ou d’ à présent, du monde des formes, qui est la Nature, la Parabole — mais
3824 i-même. Le Royaume du ciel est un point, le point d’ éternité posé dans toi, la semence du Plérome à venir, quand « la figu
3825 la semence du Plérome à venir, quand « la figure de ce monde passera », et que l’invisible sera vu. Quand tu le sais, l’a
3826 Pourquoi pas rien ? — si la pensée ne trouve pas de réponse, elle se rend au vide et s’annule. Ce qui peut la retenir au
3827 etenir au bord du rien, c’est l’intuition directe de l’amour. C’est à cause de l’amour qu’il y a quelque chose, que le vid
3828 à tout : au vide cosmique où danse tel brouillard d’ électrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’un coup peut di
3829 ctrons empruntés à droite et à gauche et qui tout d’ un coup peut dire moi, peut dire toi quand il voit le moi dans l’autre
3830 utre ; peut dire : je suis ; mais aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’avril, petit monde complexe et fortuit,
3831 is aussi à ce coin de sentier perdu dans la forêt d’ avril, petit monde complexe et fortuit, terre et pierres, herbe humide
3832 i-je aimé ? Pourquoi pas rien ? Parce que ce coin de sentier m’a fait un signe et fut un signe à cet instant pour moi, exi
3833 ue tout signe ou sens manifeste l’amour ; et rien d’ autre n’importe en vérité : rien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai p
3834 mour ; et rien d’autre n’importe en vérité : rien d’ autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être, et du devenir,
3835 ien d’autre au monde ne m’appelle. J’ai pu douter de l’être, et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai j
3836 elle. J’ai pu douter de l’être, et du devenir, et de toutes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même.
3837 utes nos idées sur « Dieu », je n’ai jamais douté de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les v
3838 de l’amour même. J’ai pu douter jusqu’au vertige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentales
3839 er jusqu’au vertige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentales, — avant d’en retrouver quelq
3840 ige de presque toutes les vérités de la morale et de la culture occidentales, — avant d’en retrouver quelques-unes mieux c
3841 la morale et de la culture occidentales, — avant d’ en retrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l
3842 etrouver quelques-unes mieux comprises, au retour d’ un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successive
3843 lques-unes mieux comprises, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontr
3844 es, au retour d’un Orient de l’esprit. J’ai douté de la plupart des vérités successivement démontrées par nos sciences ; e
3845 ment démontrées par nos sciences ; et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevable
3846 trées par nos sciences ; et je ne cesse de douter de notre image du monde, du vide et des distances inconcevables calculée
3847 lculées à partir de nos formes. (Je pressens trop de raccourcis, et qu’on trouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais do
3848 ouvera !) Mais je crois bien n’avoir jamais douté de tout cela, qu’en vertu et au nom de l’Amour. Il est la grâce indubita
3849 l’Amour. Il est la grâce indubitable. Je n’ai pas d’ autre foi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors
3850 ce indubitable. Je n’ai pas d’autre foi certaine, d’ autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres ra
3851 oi certaine, d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de ch
3852 d’autre espérance, et je ne vois pas de sens hors d’ elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’
3853 vois pas de sens hors d’elle, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous p
3854 le, ni d’autres raisons de douter, je veux dire : de chercher jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notr
3855 r jusqu’au bout ce qu’un jour nous pourrons aimer de tout notre être enfin réalisé, dans le Tout enfin contemplé. Quand l’
3856 l’Amour sera tout en tous, lors du renouvellement de toutes les choses. FIN 128. Les citations sont de saint Jean de la
3857 toutes les choses. FIN 128. Les citations sont de saint Jean de la Croix, Novalis, et Wagner (dans Tristan). 129. Paul
18 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe I. L’amour selon les évangiles
3858 aussi aimés… Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis… Je vous ai appelés amis parce que je vou
3859 je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. (Jean, XV, 9, 13, 15.) Celui qui garde mes commandements, c
3860 celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître de lui. (Jean, XV, 15
3861 e mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître de lui. (Jean, XV, 15). Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui ha
3862 XII, 25). Jésus sachant son heure venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
3863 les.) (Jean, XIII, 1). Enfin, ce passage capital de l’Épître de Jean I, 4, 7-21 : Bien-aimés, aimons-nous les uns les aut
3864 XIII, 1). Enfin, ce passage capital de l’Épître de Jean I, 4, 7-21 : Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’
3865 aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’a
3866 car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Di
3867 s lui répondit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le prem
3868 u aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus gra
3869 ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et v
3870 mblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes (Matt.
3871 n ? (demande un autre docteur de la Loi). Réponse de Jésus : Celui qui a secouru le blessé trouvé au bord du chemin, celui
3872 ux qui vous maltraitent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux (Matt., V, 43). L’amour du prochai
3873 ent étranger aux attachements naturels, aux liens de la chair : Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense mér
3874 on fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi (Matt., X, 37). Quelqu’un lui dit : Ta mère et tes frères sont de
3875 irent, pour l’éprouver : Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ? Il répondit : N’avez-vou
3876 vez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’ adultère. Mais moi je vous dis que quiconque regarde une femme pour la
3877 devant Jésus une femme surprise en flagrant délit d’ adultère. Faut-il la lapider ? Qu’en pense-il ? Mais Jésus, s’étant ba
3878 ’interroger, il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette, le premier, la pierre contre elle. Jé
3879 e celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf po
3880 s que celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d’ infidélité, l’expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une f
3881 les sadducéens. Jésus leur répondit : les enfants de ce siècle prennent des femmes et des maris, mais ceux qui seront trou
3882 et des maris, mais ceux qui seront trouvés dignes d’ avoir part au siècle à venir et à la résurrection des morts ne prendro
3883 eront semblables aux anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples l
3884 anges, et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la Résurrection (Luc, XX, 34-36). Ses disciples lui dirent : Si telle
3885 disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme (interdiction de divorcer, sauf pour ca
3886 on de l’homme à l’égard de la femme (interdiction de divorcer, sauf pour cause d’infidélité), il n’est pas avantageux de s
3887 femme (interdiction de divorcer, sauf pour cause d’ infidélité), il n’est pas avantageux de se marier. Il leur répondit :
3888 pour cause d’infidélité), il n’est pas avantageux de se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent pas cette parole, m
3889 Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère ; il y en a qui le sont devenus par les hommes ; et il y en
3890 dit le récit, vient voir Jésus qui est à la table d’ un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de ses cheveux, l
3891 ble d’un pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de ses cheveux, les baise et les oint de parfum. Le pharisien s
3892 pharisien. Elle pleure, essuie les pieds de Jésus de ses cheveux, les baise et les oint de parfum. Le pharisien se dit en
3893 ds de Jésus de ses cheveux, les baise et les oint de parfum. Le pharisien se dit en lui-même : Si cet homme était un proph
3894  : Si cet homme était un prophète, il connaîtrait de quelle espèce est la femme qui le touche et que c’est une pécheresse.
3895 e donc, dans le contexte : elle a montré beaucoup d’ amour pour moi, parce qu’elle se sentait pardonnée et qu’elle a cru à
3896 , fatigué, s’arrête au bord d’un puits. Une femme de Samarie survient. S’engage un entretien, en termes paraboliques, sur
3897 termes paraboliques, sur l’eau du puits et l’eau de la vie éternelle. La Samaritaine comprend. Jésus lui dit : « — Tu as
3898 sentiel, et presque la totalité, des déclarations de l’Évangile sur l’amour. Je n’ai omis, je crois, que les développement
3899 r. Je n’ai omis, je crois, que les développements de Jean sur l’amour divin (aux chapitres 14, 15 et 17) et les répétition
3900 autres évangiles synoptiques, des passages cités de l’un des trois. Quelques observations : 1. Tous les textes cités, dan
3901 pparent où nous vivons. 2. Jésus n’a jamais parlé de sa naissance virginale. Pas une seule fois. Mais constamment, de sa f
3902 virginale. Pas une seule fois. Mais constamment, de sa filiation céleste, aussi promise à ceux qui aiment, « car quiconqu
3903 se à ceux qui aiment, « car quiconque aime est né de Dieu. » 3. Le passage sur les « eunuques… à cause du Royaume » ne ces
3904 les « eunuques… à cause du Royaume » ne cesserait d’ être mystérieux que s’il était interprété en termes « charnels », comm
3905 omme le fit Origène. 4. Jésus donne quelques-unes de ses révélations les plus profondes à des « gens de mauvaise vie » (do
3906 e ses révélations les plus profondes à des « gens de mauvaise vie » (dont plusieurs femmes), que les doctes lui reprochent
3907 plusieurs femmes), que les doctes lui reprochent de fréquenter de préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures »
3908 mes), que les doctes lui reprochent de fréquenter de préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures » que saint Pau
3909 réquenter de préférence ; or ce sont les « hommes de mœurs impures » que saint Paul ordonne à ses disciples non seulement
3910 saint Paul ordonne à ses disciples non seulement de « ne pas fréquenter », mais de « livrer à Satan. » 5. Saint Paul écri
3911 ples non seulement de « ne pas fréquenter », mais de « livrer à Satan. » 5. Saint Paul écrit que « les impudiques n’entrer
3912 s « riches ». L’Occident n’a retenu que la phrase de saint Paul. 6. Le péché signifie de nos jours, pour le chrétien moyen
3913 que la phrase de saint Paul. 6. Le péché signifie de nos jours, pour le chrétien moyen (si l’on ose dire) essentiellement
3914 ) essentiellement l’immoralité, non pas le manque de sens du spirituel ; et le premier exemple d’immoralité qui vienne à l
3915 nque de sens du spirituel ; et le premier exemple d’ immoralité qui vienne à l’esprit du chrétien moyen, c’est la contraven
3916 rétien moyen, c’est la contravention aux « lois » de la vie sexuelle. On voit donc où le bât nous blesse, en Occident. 7.
3917 ccident. 7. En regard des déclarations constantes de Jésus sur l’amour spirituel, seul décisif, et de ses rares jugements
3918 de Jésus sur l’amour spirituel, seul décisif, et de ses rares jugements (autant de pardons, d’ailleurs) sur l’amour sexue
3919 , seul décisif, et de ses rares jugements (autant de pardons, d’ailleurs) sur l’amour sexuel « irrégulier », contrastant a
3920 ec sa sévérité envers les autres « attachements » de la chair, tels que les liens familiaux, voici dans l’Évangile une « o
19 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe II. Misère et grandeur de saint Paul
3921 Annexe IIMisère et grandeur de saint Paul Du point de vue de la psychologie du xxe siècle, la mor
3922 isère et grandeur de saint Paul Du point de vue de la psychologie du xxe siècle, la morale sexuelle de saint Paul sembl
3923 la psychologie du xxe siècle, la morale sexuelle de saint Paul semble conditionnée par une névrose, sans doute liée à cet
3924 e profonde à l’égard de la femme, besoin constant de s’humilier (« moi, l’avorton ») mais aussitôt de justifier et d’exalt
3925 de s’humilier (« moi, l’avorton ») mais aussitôt de justifier et d’exalter son rôle (« j’ai donc sujet de me glorifier »)
3926 « moi, l’avorton ») mais aussitôt de justifier et d’ exalter son rôle (« j’ai donc sujet de me glorifier ») : ces comportem
3927 ustifier et d’exalter son rôle (« j’ai donc sujet de me glorifier ») : ces comportements sont classiques en psychiatrie. L
3928 es raisons qu’il invoque contre la femme relèvent d’ une logique consternante131, si elles ne comportent pas un sens ésotér
3929 ens ésotérique qui nous échappe. Une bonne moitié de ses épîtres consiste en imprécations contre les « impudiques » et con
3930 ton est le même dans les deux cas, l’assimilation de l’impudicité et de l’impudence spirituelle est évidente). Celui qui v
3931 s les deux cas, l’assimilation de l’impudicité et de l’impudence spirituelle est évidente). Celui qui vient de lire les év
3932 et qui aborde l’Épître aux Romains se sent tomber de la prière dans l’éloquence polémique, de l’exposé souverain de la vér
3933 t tomber de la prière dans l’éloquence polémique, de l’exposé souverain de la vérité en acte (et heureux seront ceux qui L
3934 dans l’éloquence polémique, de l’exposé souverain de la vérité en acte (et heureux seront ceux qui La croient) dans l’obju
3935 tandis que l’indignation morale et les règlements de comptes théologiques alternent leurs motifs, entrecoupés d’appels au
3936 théologiques alternent leurs motifs, entrecoupés d’ appels au secours (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou de « 
3937 trecoupés d’appels au secours (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hy
3938 appels au secours (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de vict
3939 rs (« Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’actio
3940 élivrera de ce corps de mort ? » ou de « ce corps d’ humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’action de grâces, b
3941 de mort ? » ou de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’action de grâces, brefs et sublimes dan
3942 de « ce corps d’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’action de grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mai
3943 ’humiliation ») et de rares hymnes de victoire et d’ action de grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mais du point de v
3944 ion ») et de rares hymnes de victoire et d’action de grâces, brefs et sublimes dans leur élan. Mais du point de vue de l’h
3945 et sublimes dans leur élan. Mais du point de vue de l’histoire, tout change. C’est que Paul se battait pour fonder une Ég
3946 pour fonder une Église, pour imposer une doctrine de l’homme, et pour épurer sans relâche ses petits groupes de militants
3947 e, et pour épurer sans relâche ses petits groupes de militants locaux, convertis de la première heure, mal ressuyés de leu
3948 ses petits groupes de militants locaux, convertis de la première heure, mal ressuyés de leur éducation hellénistique ou ju
3949 aux, convertis de la première heure, mal ressuyés de leur éducation hellénistique ou judaïque, et tentés par la gnose nais
3950 et vulgaires, facilement entraînés « à tout vent de doctrine », et toujours prêts à retourner aux coutumes de leurs pères
3951 ine », et toujours prêts à retourner aux coutumes de leurs pères ou de leur tribu « comme le chien à son vomissement », le
3952 prêts à retourner aux coutumes de leurs pères ou de leur tribu « comme le chien à son vomissement », le puritanisme agres
3953 oxie ombrageuse sont des nécessités indiscutables de l’action révolutionnaire et missionnaire, sous tous les deux et de to
3954 utionnaire et missionnaire, sous tous les deux et de tous les temps. Juger saint Paul à la manière dont un critique littér
3955 e ou un psychanalyste jugeraient un grand penseur de notre époque, serait d’un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepte
3956 geraient un grand penseur de notre époque, serait d’ un naïf et ridicule anachronisme. Mais accepter « comme parole d’Évang
3957 dicule anachronisme. Mais accepter « comme parole d’ Évangile » pour tous les temps, à tout jamais, sans nulle critique, de
3958 ment dictés par les circonstances, par la passion d’ un chef réaliste, par une névrose peut-être assez commune et par une f
3959 pirituelle ? N’est-ce pas entretenir, sous le nom de religion, des règlements de mœurs « toujours bons pour la masse », et
3960 tretenir, sous le nom de religion, des règlements de mœurs « toujours bons pour la masse », et sans doute défendables, voi
3961 ends pas un instant proposer une nouvelle échelle de valeurs, subordonnant la Vérité aux contingences de l’histoire, voire
3962 valeurs, subordonnant la Vérité aux contingences de l’histoire, voire aux aléas de la culture. Je propose au contraire qu
3963 é aux contingences de l’histoire, voire aux aléas de la culture. Je propose au contraire que l’on cesse de confondre avec
3964 a culture. Je propose au contraire que l’on cesse de confondre avec la vérité de l’Esprit le puritanisme et la misogynie d
3965 traire que l’on cesse de confondre avec la vérité de l’Esprit le puritanisme et la misogynie de l’Apôtre, qui me paraissen
3966 vérité de l’Esprit le puritanisme et la misogynie de l’Apôtre, qui me paraissent dépendre en premier lieu de contingences
3967 pôtre, qui me paraissent dépendre en premier lieu de contingences tout historiques et personnelles. Je propose d’appliquer
3968 nces tout historiques et personnelles. Je propose d’ appliquer à la morale paulinienne la critique qu’il recommandait lui-m
3969 ulinienne la critique qu’il recommandait lui-même d’ appliquer aux morales ritualistes et magiques de son temps. Il nommait
3970 e d’appliquer aux morales ritualistes et magiques de son temps. Il nommait cela : « discerner les esprits ». Et il disait
3971 oit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En e
3972 uvrir la tête, puisqu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme
3973 gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femm
3974 re de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme… C’est pourquoi la femme, à cause
3975 homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme… C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur l
3976 ause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend ». C’est une honte pour l’homme de porter
3977 dont elle dépend ». C’est une honte pour l’homme de porter de longs cheveux, mais une gloire pour la femme, « parce que l
3978 dépend ». C’est une honte pour l’homme de porter de longs cheveux, mais une gloire pour la femme, « parce que la chevelur
3979 Nature ! (v. 15). Comme s’il sentait la faiblesse de l’argument, surtout venant de la part d’un furieux contempteur de la
3980 urtout venant de la part d’un furieux contempteur de la Nature, Paul conclut : « Si quelqu’un se plaît à contester, nous n
20 1961, Comme toi-même. Essais sur les mythes de l’amour. Annexes — Annexe III. Post-scriptum
3981 Annexe IIIPost-scriptum IUne querelle de famille Dans sa Jeunesse d’André Gide, Jean Delay cite une lettre
3982 IUne querelle de famille Dans sa Jeunesse d’ André Gide, Jean Delay cite une lettre inédite qu’adressait le fameux
3983 on neveu André, le futur prix Nobel. André venait d’ avouer à son oncle qu’il avait eu, à 25 ans et pour la première fois,
3984 les Gide écrit le 20 janvier 1895 : Tu as besoin de revenir aux vérités élémentaires de la morale que vos spéculations ph
3985 Tu as besoin de revenir aux vérités élémentaires de la morale que vos spéculations philosophiques et littéraires ont comp
3986  Les impudiques n’entreront point dans le Royaume de Dieu ». Voilà qui est simple et clair. J’entends bien que ton explica
3987 e était moral, presque religieux… mais ce sont là de misérables sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé de souve
3988 sophismes. En admettant qu’il ne t’ait pas laissé de souvenir voluptueux, il t’aura laissé d’obscènes images : c’est l’un
3989 s laissé de souvenir voluptueux, il t’aura laissé d’ obscènes images : c’est l’un ou l’autre. Avec ce raisonnement-là, d’ai
3990 en être recherchés et expérimentés dans un esprit de curiosité scientifique ou d’éducation morale… Dans tout pays, coucher
3991 entés dans un esprit de curiosité scientifique ou d’ éducation morale… Dans tout pays, coucher avec une femme sans l’aimer
3992 avec une femme sans l’aimer est le dernier degré de l’avilissement qu’on puisse lui infliger… Mais en voilà assez. « What
3993 ot be undone », dit Lady Macbeth en parlant aussi d’ une tache que rien ne pouvait effacer. Or, en couchant avec la jolie
3994 cer. Or, en couchant avec la jolie Mériem, fille de joie, Gide avait justement essayé de normaliser ses goûts sexuels. Et
3995 ériem, fille de joie, Gide avait justement essayé de normaliser ses goûts sexuels. Et l’on sait que l’arrivée à Biskra (un
3996 n peu trop tôt) et la malencontreuse intervention de sa mère mirent un terme à cette tentative. En jugeant André au nom de
3997  l’impudique » au nom de l’Évangile et du Royaume de Dieu, l’oncle le rejetait à l’incroyance. André Gide jugea la lettre
3998 jetait à l’incroyance. André Gide jugea la lettre de son oncle « admirable ». Elle le condamnait certes, mais avec quelle
3999 ú paternelle — qui jouait d’ailleurs dans le sens d’ un complexe d’Œdipe jamais élucidé ou éliminé. On peut penser aussi qu
4000  qui jouait d’ailleurs dans le sens d’un complexe d’ Œdipe jamais élucidé ou éliminé. On peut penser aussi que la sévérité
4001 ou éliminé. On peut penser aussi que la sévérité de l’oncle à l’occasion d’une aventure féminine ne pouvait pas déplaire
4002 ser aussi que la sévérité de l’oncle à l’occasion d’ une aventure féminine ne pouvait pas déplaire à l’homosexuel que Gide
4003 lairs » : — « Heureux les pauvres, car le Royaume de Dieu est à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par
4004 st à eux » et : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Roya
4005 st plus facile à un chameau de passer par le trou d’ une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles
4006 e passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’ entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles Gide était économiste. L’éco
4007 e aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Charles Gide était économiste. L’économie s’occupe de nos ric
4008 harles Gide était économiste. L’économie s’occupe de nos richesses, production et répartition. Admettons que « l’impudicit
4009  l’impudicité » selon l’Évangile ne concerne rien d’ autre que les relations sexuelles (ce dont je doute fort). Or l’Évangi
4010 t je doute fort). Or l’Évangile, selon la version de l’oncle, dit que l’impudique n’entre pas au Royaume, mais il dit auss
4011 le riche ne peut pas y entrer. Celui qui s’occupe d’ érotisme et celui qui s’occupe d’économie seraient donc sur le même pl
4012 lui qui s’occupe d’érotisme et celui qui s’occupe d’ économie seraient donc sur le même plan, s’agissant du salut ? Sophism
4013 et deux mesures. D’une part la chose est claire, de l’autre il faut, nuancer. Je demande pourquoi. Je propose que dans le
4014 quoi. Je propose que dans les deux cas, on essaie d’ évaluer, d’interpréter d’ordonner les moyens à la fin spirituelle. And
4015 opose que dans les deux cas, on essaie d’évaluer, d’ interpréter d’ordonner les moyens à la fin spirituelle. André Gide, co
4016 les deux cas, on essaie d’évaluer, d’interpréter d’ ordonner les moyens à la fin spirituelle. André Gide, connaissant les
4017 ageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le Royaume de Dieu. » Les impudiques sont cités en premier, les voleurs viennent en
4018 t les riches sont omis. Cette hiérarchie n’a rien d’ évangélique. II« Croissez et multipliez » Vu sous l’aspect physi
4019 us l’aspect physiologique, l’érotisme est l’usage de la sexualité pour d’autres fins que la procréation. Les Églises le co
4020 attendus — au nom du commandement donné aux Juifs de croître et de multiplier. C’est aussi l’argument que l’on opposa aux
4021 nom du commandement donné aux Juifs de croître et de multiplier. C’est aussi l’argument que l’on opposa aux cathares et au
4022 abstinence, à l’époque où le pape Grégoire venait d’ imposer le célibat à tous les prêtres séculiers. Parce qu’il fut dit a
4023 rêtres séculiers. Parce qu’il fut dit aux Hébreux d’ il y a trois millénaires : « Croissez et multipliez ! », nombre de bon
4024 illénaires : « Croissez et multipliez ! », nombre de bons chrétiens croient encore aujourd’hui que la limitation volontair
4025 , — chiffre qui ne prétend qu’à indiquer un ordre de grandeur, comparative. Près de 3 milliards d’hommes vivent aujourd’hu
4026 dre de grandeur, comparative. Près de 3 milliards d’ hommes vivent aujourd’hui. Ils seront 6 milliards en l’an 2000. S’ils
4027 milliards en l’an 2000. S’ils devaient continuer de croître et de multiplier au rythme actuel (la population mondiale dou
4028 l’an 2000. S’ils devaient continuer de croître et de multiplier au rythme actuel (la population mondiale doublant tous les
4029 ois-cents ans. La surface habitable (aujourd’hui) de la Terre étant de 7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme t
4030 surface habitable (aujourd’hui) de la Terre étant de 7 milliards d’hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mètres
4031 le (aujourd’hui) de la Terre étant de 7 milliards d’ hectares, il y aurait donc un homme tous les dix mètres vers l’an 2260
4032 0. Puis un homme par mètre carré vers 2400. Moins de cent ans plus tard, ils se touchent tous. Ces chiffres sont absurdes 
4033 trent en effet que l’instinct parfaitement animal de croître et de multiplier, si la croyance aveugle au commandement bibl
4034 que l’instinct parfaitement animal de croître et de multiplier, si la croyance aveugle au commandement biblique interdisa
4035 u commandement biblique interdisait effectivement de le maîtriser, mènerait l’humanité d’une main ferme à sa perte, la mèn
4036 ffectivement de le maîtriser, mènerait l’humanité d’ une main ferme à sa perte, la mènerait à l’enfer sur la Terre ; et que
4037 it à l’enfer sur la Terre ; et que le seul espoir d’ y échapper sans crime ne pourrait être mis, par les « croyants » que j
4038 par des catastrophes naturelles ou des épidémies d’ une ampleur inouïe. Ou bien, serait-ce Elle qui inciterait un général
4039 é institué : … pour amener l’homme à se contenter d’ une seule femme, et pour nous donner des enfants : mais c’est la premi
4040 t dans les nombreux mariages qui ne peuvent avoir d’ enfant. C’est pourquoi la première raison du mariage, c’est de régler
4041 est pourquoi la première raison du mariage, c’est de régler la concupiscence, maintenant surtout que le genre humain a rem
4042 ga : « Il faut convenir que l’exaltation effrénée de la sexualité, dans la société contemporaine est sans doute plus catas
4043 euve ou enquête, et nous laisse ignorer la nature de la catastrophe alléguée : serait-elle physique, morale, ou spirituell
4044 é que les préjugés antioccidentaux des sectateurs d’ une discipline venue d’Orient et qui se répand de nos jours sur toute
4045 occidentaux des sectateurs d’une discipline venue d’ Orient et qui se répand de nos jours sur toute la Terre. Mais un autre
4046 d’une discipline venue d’Orient et qui se répand de nos jours sur toute la Terre. Mais un autre passage du même livre nou
4047 me sexuel, pour les hommes, en raison de la perte de liqueur séminale, est un des principaux facteurs de diminution du cap
4048 liqueur séminale, est un des principaux facteurs de diminution du capital vital. Pour éviter cette déperdition, ils arrêt
4049 rdition, ils arrêtent l’éjaculation par un effort de volonté et la transforment en un épanchement intérieur qui ne les pri
4050 enues dans le sperme. » Ce procédé est bien connu de l’Inde : les upanishads et les écrits tantriques le désignent sous le
4051 et les écrits tantriques le désignent sous le nom de vajrolî mudrâ ou « geste de l’éclair » qui, selon le Shiva samhita « 
4052 désignent sous le nom de vajrolî mudrâ ou « geste de l’éclair » qui, selon le Shiva samhita « détruit la Ténèbre du monde
4053 le secret des secrets ». Dans la seconde version de L’Amour et l’Occident (pages 100 à 108), je soutenais l’hypothèse qu’
4054 e qu’un pareil procédé fût aussi l’un des secrets de l’amour courtois. La forme tantrique ou courtoise de l’érotisme peut
4055 l’amour courtois. La forme tantrique ou courtoise de l’érotisme peut être interprétée de deux manières, soit qu’on la cons
4056 ou courtoise de l’érotisme peut être interprétée de deux manières, soit qu’on la considère comme résultant d’une crainte
4057 manières, soit qu’on la considère comme résultant d’ une crainte magique, soit qu’on la considère comme visant à « élever »
4058 re comme visant à « élever » et « animer » le jeu d’ amour, à des fins proprement érotiques, que certains tiennent même pou
4059 tains tiennent même pour spirituelles. 1. La peur de perdre sa vitalité en perdant le semen correspond chez nous — me dise
4060 nous — me disent les psychiatres — à un symptôme de névrose caractérisée. Cette peur est plus ouvertement avouée, voire c
4061 ent active en Orient qu’en Occident. Le sentiment de faute qui, pour un Oriental, peut s’attacher à l’acte sexuel, reste d
4062 Oriental, peut s’attacher à l’acte sexuel, reste de l’ordre naturel, pour ainsi dire physiologique, tandis que chez l’Occ
4063 dental il est masqué et relégué aux arrière-plans de la conscience par un sentiment de culpabilité d’ordre moral. Les reli
4064 x arrière-plans de la conscience par un sentiment de culpabilité d’ordre moral. Les religions hindouistes et surtout boudd
4065 de la conscience par un sentiment de culpabilité d’ ordre moral. Les religions hindouistes et surtout bouddhistes, ayant p
4066 es et surtout bouddhistes, ayant pour fin suprême d’ éteindre le Désir, cause d’attachements à l’éphémère, se gardent bien
4067 ayant pour fin suprême d’éteindre le Désir, cause d’ attachements à l’éphémère, se gardent bien de brider la sexualité : le
4068 ause d’attachements à l’éphémère, se gardent bien de brider la sexualité : leur morale est à cet égard plus que laxiste :
4069 es à tort ou à raison des évangiles, mais surtout de saint Paul, entendent discipliner le désir naturel dans le seul cadre
4070 entionnées. Ceci dit, le vajrolî mudrâ ou le tour de force des yogis reversant dans leur corps le semen (s’ils n’ont pas p
4071 en ne revient pas en son lieu, mais dans le canal de l’urètre, d’où il sera bientôt éliminé. Le procédé physique comporte
4072 pas en son lieu, mais dans le canal de l’urètre, d’ où il sera bientôt éliminé. Le procédé physique comporte donc une erre
4073 ntièrement différent, quand elle devient un moyen de l’érotisme, un moyen de maîtriser l’instinct pour l’ordonner à certai
4074 and elle devient un moyen de l’érotisme, un moyen de maîtriser l’instinct pour l’ordonner à certaines fins plus « idéales 
4075 rions : pour le sublimer, soit en plaisir détaché de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au
4076 é de l’instinct, soit en amour, soit en adoration de l’Éternel féminin au sens mystique. La maithuna tantrique (union sexu
4077 ue le tantrisme fait subir à l’amant ont pour but de le faire accéder à une maîtrise de soi telle que le jeu d’amour puiss
4078 t ont pour but de le faire accéder à une maîtrise de soi telle que le jeu d’amour puisse se prolonger très longtemps sans
4079 re accéder à une maîtrise de soi telle que le jeu d’ amour puisse se prolonger très longtemps sans achèvement physique, et
4080 longtemps sans achèvement physique, et sans perte de semen ou bindu. À ceux qui peuvent y parvenir est promise « l’immorta
4081 uelle, vers le détachement du concret par l’effet d’ un désir détaché de l’instinct et tourné vers l’essence divine. La cor
4082 chement du concret par l’effet d’un désir détaché de l’instinct et tourné vers l’essence divine. La cortezia des troubadou
4083 ) ce que l’on a longtemps pris pour simple « joie d’ amour », et qui était en fait « le jeu d’amour133 », un moyen de le pr
4084 e « joie d’amour », et qui était en fait « le jeu d’ amour133 », un moyen de le prolonger « sans fin », sans « achèvement »
4085 qui était en fait « le jeu d’amour133 », un moyen de le prolonger « sans fin », sans « achèvement », et d’élever ainsi le
4086 e prolonger « sans fin », sans « achèvement », et d’ élever ainsi le désir à la hauteur de l’amour animique et du culte ren
4087 vement », et d’élever ainsi le désir à la hauteur de l’amour animique et du culte rendu à la Dame (considérée non pas comm
4088 comme femme et comme personne, mais comme symbole de l’Anima) tout en échappant aux « conséquences », — lesquelles étaient
4089 res. C’est dans la cortezia que je vois l’origine de l’érotisme occidental, et des problèmes qu’il ne cesse de poser et de
4090 tisme occidental, et des problèmes qu’il ne cesse de poser et de reposer dans tous les ordres, à notre civilisation. D’où
4091 ntal, et des problèmes qu’il ne cesse de poser et de reposer dans tous les ordres, à notre civilisation. D’où la nécessité
4092 poser dans tous les ordres, à notre civilisation. D’ où la nécessité de ce rappel technique, au terme d’un ouvrage dont le
4093 s ordres, à notre civilisation. D’où la nécessité de ce rappel technique, au terme d’un ouvrage dont le sujet n’était null
4094 ’où la nécessité de ce rappel technique, au terme d’ un ouvrage dont le sujet n’était nullement la sexualité, mais bien l’a
4095 la sexualité, mais bien l’amour. ⁂ Est-il besoin de préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel de morale et n’entend pa
4096 n de préciser que cet ouvrage n’est pas un manuel de morale et n’entend pas donner de conseils à qui que ce soit ? (Et enc
4097 st pas un manuel de morale et n’entend pas donner de conseils à qui que ce soit ? (Et encore moins, de permissions ! Celui
4098 de conseils à qui que ce soit ? (Et encore moins, de permissions ! Celui qui en demande prouvant en général, et par là mêm
4099 me, qu’il n’y a pas encore droit). Le libre usage d’ Éros peut être un bien pour les sages qui voudraient intégrer sa vertu
4100 indique l’esprit : mais ceux-là ne cherchent plus de recettes morales, sachant bien que leur personne est en jeu, et qu’il
4101 lle se révèle suffisante. Certes, l’éducation n’a d’ autre fin dernière que de rendre l’individu apte à mieux assumer la li
4102 Certes, l’éducation n’a d’autre fin dernière que de rendre l’individu apte à mieux assumer la liberté de la personne resp
4103 rendre l’individu apte à mieux assumer la liberté de la personne responsable d’elle-même ; celle qui peut reconnaître le p
4104 eux assumer la liberté de la personne responsable d’ elle-même ; celle qui peut reconnaître le prochain et donc l’aimer. Ma
4105 la personne on croit aussi à l’absolue nécessité de maîtriser l’individu, qui est son support inséparable, et qu’elle tra
4106 u’elle transformera plus tard à sa manière. Point d’ aristocratie sans disciplines, ni de démocratie non plus : mais ce ne
4107 anière. Point d’aristocratie sans disciplines, ni de démocratie non plus : mais ce ne sont pas les mêmes disciplines. Car
4108 nes, et qu’il n’en est pas deux interchangeables. D’ où la difficulté de concevoir une morale générale de l’amour, des règl
4109 est pas deux interchangeables. D’où la difficulté de concevoir une morale générale de l’amour, des règles générales imposé
4110 où la difficulté de concevoir une morale générale de l’amour, des règles générales imposées à l’amour — au nom de quoi, qu
4111 le social et l’éducation ; pour tout ce qu’il y a de social et de sexuel dans le mariage, les liaisons, etc. Non pour l’am
4112 l’éducation ; pour tout ce qu’il y a de social et de sexuel dans le mariage, les liaisons, etc. Non pour l’amour propremen
4113 ersonne est posée par l’amour, existe par un acte de l’amour, et que l’amour la fait unique. Toute morale qui n’est pas un
4114 badours (La Table ronde, janvier 1956) et La Joie d’ amour et l’Occident (Les Cahiers du Sud, n° 348). L’auteur montre que
4115 nt la maîtrise « donne à l’individu une sensation de liberté. » M. Camproux estime, bien à tort selon moi, que cette inter
4116 n s’oppose « absolument » à celle que j’ai donnée de « l’Éros sans fin » et de l’amour réciproque malheureux. C’est qu’il
4117 à celle que j’ai donnée de « l’Éros sans fin » et de l’amour réciproque malheureux. C’est qu’il veut limiter la cortezia à
4118 C’est qu’il veut limiter la cortezia à une sorte de technique érotique, tandis que je montrais son horizon mystique ; et
4119 se et doive être modifiée. Mais d’abord il s’agit de mieux la voir, comme j’ai tenté de le faire dans ce livre.
4120 bord il s’agit de mieux la voir, comme j’ai tenté de le faire dans ce livre.