1
Avant-propos Ce n’est pas une histoire
de
l’Europe qu’on va lire, mais seulement une chronique — illustrée de c
2
va lire, mais seulement une chronique — illustrée
de
citations — des prises de conscience successives de notre unité de cu
3
e chronique — illustrée de citations — des prises
de
conscience successives de notre unité de culture, des temps homérique
4
citations — des prises de conscience successives
de
notre unité de culture, des temps homériques à nos jours. Au cours de
5
s prises de conscience successives de notre unité
de
culture, des temps homériques à nos jours. Au cours de ces trois mill
6
jours. Au cours de ces trois millénaires, combien
d’
auteurs ont-ils écrit sur le sujet qui nous occupe ? On en trouve nomm
7
? On en trouve nommés près de 2.000 dans l’index
d’
un ouvrage récent sur l’histoire de l’idée européenne, où n’ont été re
8
0 dans l’index d’un ouvrage récent sur l’histoire
de
l’idée européenne, où n’ont été retenus que les meilleurs ou les plus
9
meilleurs ou les plus significatifs. J’ai choisi
de
citer ceux qui demeurent actuels et peuvent encore parler aux hommes
10
urent actuels et peuvent encore parler aux hommes
de
cette époque, soit en tant que témoins des origines de notre civilisa
11
tte époque, soit en tant que témoins des origines
de
notre civilisation ou de l’apparition de ses problèmes cruciaux au ni
12
que témoins des origines de notre civilisation ou
de
l’apparition de ses problèmes cruciaux au niveau de la conscience et
13
origines de notre civilisation ou de l’apparition
de
ses problèmes cruciaux au niveau de la conscience et de l’histoire ;
14
problèmes cruciaux au niveau de la conscience et
de
l’histoire ; soit en tant que précurseurs ou champions des plans d’un
15
it en tant que précurseurs ou champions des plans
d’
union fédérative qui, sous nos yeux, commencent à prendre corps. De ce
16
e qui, sous nos yeux, commencent à prendre corps.
De
cette évolution, qui va du Mythe au Fait en passant par les Utopies e
17
Fait en passant par les Utopies et par une série
de
Plans issus les uns des autres, quelques thèmes généraux se dégagent.
18
généraux se dégagent. Si je les formule au seuil
de
cet ouvrage, c’est dans l’espoir que le lecteur les prenne pour guide
19
le lecteur les prenne pour guides dans un dédale
de
citations tirées de vingt-huit siècles de littérature, d’histoire et
20
ne pour guides dans un dédale de citations tirées
de
vingt-huit siècles de littérature, d’histoire et de philosophie en do
21
dédale de citations tirées de vingt-huit siècles
de
littérature, d’histoire et de philosophie en douze langues anciennes
22
ions tirées de vingt-huit siècles de littérature,
d’
histoire et de philosophie en douze langues anciennes et modernes : 1.
23
vingt-huit siècles de littérature, d’histoire et
de
philosophie en douze langues anciennes et modernes : 1. L’Europe est
24
aucoup plus ancienne que ses nations. Elle risque
de
périr du fait de leur désunion et de leurs prétentions — toujours plu
25
nne que ses nations. Elle risque de périr du fait
de
leur désunion et de leurs prétentions — toujours plus illusoires — à
26
Elle risque de périr du fait de leur désunion et
de
leurs prétentions — toujours plus illusoires — à la souveraineté abso
27
nce une fonction non seulement universelle, mais,
de
fait, universalisante. Elle a fomenté le Monde, en l’explorant d’abor
28
es moyens intellectuels, techniques et politiques
d’
une future unité du « genre humain ». Elle demeure responsable d’une v
29
ité du « genre humain ». Elle demeure responsable
d’
une vocation mondiale, qu’elle ne pourra soutenir qu’en fédérant ses f
30
ceux qui ont vu loin. Homère déjà qualifiait Zeus
d’
europos, adjectif signifiant « qui voit très loin ». 4. Nous ne trouve
31
urope qu’en la faisant, comme l’enseigne le mythe
de
Cadmus, qu’on va citer. Le vrai moyen de la définir, c’est de la bâti
32
le mythe de Cadmus, qu’on va citer. Le vrai moyen
de
la définir, c’est de la bâtir. Et il s’agit bien moins de la délimite
33
u’on va citer. Le vrai moyen de la définir, c’est
de
la bâtir. Et il s’agit bien moins de la délimiter dans le temps de l’
34
finir, c’est de la bâtir. Et il s’agit bien moins
de
la délimiter dans le temps de l’histoire et l’espace terrestre, que d
35
l s’agit bien moins de la délimiter dans le temps
de
l’histoire et l’espace terrestre, que de renouveler sans cesse le ray
36
le temps de l’histoire et l’espace terrestre, que
de
renouveler sans cesse le rayonnement de son génie particulier, qui se
37
stre, que de renouveler sans cesse le rayonnement
de
son génie particulier, qui se trouve être, justement, universel. J’ét
38
ais loin de soupçonner l’ampleur et la complexité
de
la matière lorsque j’entrepris cet ouvrage. Je suis allé de découvert
39
ère lorsque j’entrepris cet ouvrage. Je suis allé
de
découverte en découverte, et mon espoir est que le lecteur participe
40
européen de la culture, qui eut la première idée
de
cette anthologie, et auquel je dois une bonne part des recherches bib
41
rains dont les travaux m’ont inspiré, il me plaît
de
citer au premier rang Gonzague de Reynold et son monumental ouvrage e
42
monumental ouvrage en 8 volumes sur la Formation
de
l’Europe. Puis Carlo Curcio et ses deux volumes exhaustifs intitulés
43
uropagedanke ; enfin les trois auteurs classiques
d’
ouvrages de base sur l’internationalisme européen, Jacob ter Meulen, C
44
e ; enfin les trois auteurs classiques d’ouvrages
de
base sur l’internationalisme européen, Jacob ter Meulen, Christian L.
45
e souhaite la venue prochaine, qui entreprendront
d’
améliorer ce premier essai téméraire d’orientation dans un sujet illim
46
eprendront d’améliorer ce premier essai téméraire
d’
orientation dans un sujet illimité, puiseront sans doute à d’autres so
47
Première partieLes Origines
d’
Hésiode à Charlemagne (du ixe siècle av. J.-C. au xie siècle de notr
48
rlemagne (du ixe siècle av. J.-C. au xie siècle
de
notre ère) D’où vient le nom ? Quel est son sens ? Depuis quand par
49
siècle av. J.-C. au xie siècle de notre ère)
D’
où vient le nom ? Quel est son sens ? Depuis quand parle-t-on de l’Eur
50
nom ? Quel est son sens ? Depuis quand parle-t-on
de
l’Europe ? (Serait-ce seulement depuis Victor Hugo et Mazzini ? Ou de
51
is Coudenhove et Briand ? Voire depuis le congrès
de
La Haye, au mois de mai 1948 ?) Nous avons cherché la réponse ou plut
52
and ? Voire depuis le congrès de La Haye, au mois
de
mai 1948 ?) Nous avons cherché la réponse ou plutôt les réponses à ce
53
on s’arrête, en général, à Pierre Dubois, juriste
de
Philippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union de nos États, au dé
54
ubois, juriste de Philippe le Bel, premier auteur
d’
un plan d’union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons déc
55
iste de Philippe le Bel, premier auteur d’un plan
d’
union de nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’alle
56
Philippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union
de
nos États, au début du xive siècle. Nous avons décidé d’aller beauco
57
tats, au début du xive siècle. Nous avons décidé
d’
aller beaucoup plus haut. Cette recherche nous a conduit vers des conf
58
s temps fabuleux. Le premier qui ait écrit le nom
d’
Europe, c’est Hésiode, qui apparaît vers l’an 900 avant notre ère1. Et
59
’Asie, c’est Hippocrate. Mais la première mention
de
l’Europe comme unité non seulement géographique, mais humaine, et des
60
qui la défendent, ne remonte qu’au viiie siècle
de
notre ère, après la bataille de Poitiers, qui eut lieu en 732. L’empi
61
’au viiie siècle de notre ère, après la bataille
de
Poitiers, qui eut lieu en 732. L’empire carolingien marque un sommet
62
ieu en 732. L’empire carolingien marque un sommet
de
la conscience d’une Europe unie, puis on redescend vers des guerres e
63
ire carolingien marque un sommet de la conscience
d’
une Europe unie, puis on redescend vers des guerres et des querelles d
64
is on redescend vers des guerres et des querelles
d’
investitures : notre enquête sur les Origines se termine donc au xie
65
e sur les Origines se termine donc au xie siècle
de
notre ère. 1.Protohistoire d’un continent sans nom La quatrième
66
nc au xie siècle de notre ère. 1.Protohistoire
d’
un continent sans nom La quatrième période glaciaire avait recouver
67
rt près de la moitié des plaines et des montagnes
d’
une épaisse calotte, dont la fonte transforma le continent en marécage
68
avait produit les fascinantes peintures rupestres
de
Lascaux et d’Altamira. C’est dans le Moyen-Orient qu’une tout autre c
69
les fascinantes peintures rupestres de Lascaux et
d’
Altamira. C’est dans le Moyen-Orient qu’une tout autre civilisation va
70
u chasseresse — elle envahira d’abord le pourtour
de
la Méditerranée, pour remonter de là sur notre continent et pénétrer
71
ord le pourtour de la Méditerranée, pour remonter
de
là sur notre continent et pénétrer profondément dans sa forêt central
72
aies qui s’étendent du Portugal jusqu’aux rivages
de
l’Asie Mineure. Le continent prend sa forme actuelle. Vers 6000 av. J
73
Écosse sont recouverts par la mer du Nord. Partis
de
l’Asie Mineure et de l’Égée, des colons remontent le cours du Vardar
74
s par la mer du Nord. Partis de l’Asie Mineure et
de
l’Égée, des colons remontent le cours du Vardar et du Danube pour all
75
e pour aller défricher les fertiles terres noires
de
l’Ukraine, les rives de la Baltique et de la mer du Nord, enfin la va
76
es fertiles terres noires de l’Ukraine, les rives
de
la Baltique et de la mer du Nord, enfin la vallée du Rhin et la Belgi
77
noires de l’Ukraine, les rives de la Baltique et
de
la mer du Nord, enfin la vallée du Rhin et la Belgique, poussant jusq
78
e, les abandonnent bientôt, brûlent d’autres pans
de
forêts, avancent lentement. Un autre courant de colons venus par mer
79
s de forêts, avancent lentement. Un autre courant
de
colons venus par mer des rives de l’Égypte actuelle et du Proche-Orie
80
n autre courant de colons venus par mer des rives
de
l’Égypte actuelle et du Proche-Orient, remonte peu à peu l’Italie et
81
il établit ses cités lacustres, occupe le bassin
de
la Seine, et s’aventure même jusqu’en Angleterre. Vers la fin du iiie
82
i nous cédons la parole à M. André Varagnac, l’un
de
nos meilleurs guides dans la protohistoire du continent : Avec cett
83
encore attestées par des milliers et des milliers
de
monuments dans presque toute l’Europe occidentale. Ses origines demeu
84
à la conquête des âmes, comme feront, après plus
de
trois-mille ans, les conquistadors. Quels qu’aient pu être ces rituel
85
la conscience paysanne, la vénération des morts.
De
hardis prospecteurs ont porté jusqu’aux îles lointaines du nord de l’
86
teurs ont porté jusqu’aux îles lointaines du nord
de
l’Écosse, ce culte et son architecture. Ils atteignirent le Jutland,
87
tentrionale. Avec eux voyageaient armes et outils
de
cuivre. Ainsi s’établit, dès la première moitié du iie millénaire av
88
ié du iie millénaire avant notre ère, un système
d’
échanges maritimes associant à la Méditerranée cette Méditerranée du N
89
aire avant notre ère, il semble bien qu’une sorte
de
civilisation commune se soit étendue à la majeure partie du continent
90
ntinent : elle est marquée par le rite généralisé
de
l’incinération (« Champs d’urnes »). Puis la Grèce et l’Italie des Ét
91
ar le rite généralisé de l’incinération (« Champs
d’
urnes »). Puis la Grèce et l’Italie des Étrusques, quelques siècles pl
92
ent vers l’ouest et le nord les produits raffinés
de
leurs arts et métiers : le vase de Vix illustre cette période dite de
93
duits raffinés de leurs arts et métiers : le vase
de
Vix illustre cette période dite de Hallstatt. Celle-ci fera place à l
94
iers : le vase de Vix illustre cette période dite
de
Hallstatt. Celle-ci fera place à la civilisation des Celtes, au ve s
95
tes, au ve siècle av. J.-C. Des Gaëls d’Irlande,
d’
Angleterre et de Bretagne, en passant par les Gaulois, jusqu’aux Galat
96
le av. J.-C. Des Gaëls d’Irlande, d’Angleterre et
de
Bretagne, en passant par les Gaulois, jusqu’aux Galates parvenus en A
97
J.-C., les Celtes ont recouvert la majeure partie
de
la péninsule occidentale, à l’exclusion toutefois de l’Italie et de l
98
la péninsule occidentale, à l’exclusion toutefois
de
l’Italie et de la Grèce, où ils n’ont fait que de rapides incursions
99
cidentale, à l’exclusion toutefois de l’Italie et
de
la Grèce, où ils n’ont fait que de rapides incursions (à Rome et à De
100
de l’Italie et de la Grèce, où ils n’ont fait que
de
rapides incursions (à Rome et à Delphes). Leur empire décentralisé, l
101
rmée, justement, par la pensée, l’art et les lois
de
ces deux peuples de la mer du Sud, mystérieusement inaccessibles aux
102
la pensée, l’art et les lois de ces deux peuples
de
la mer du Sud, mystérieusement inaccessibles aux Celtes. La conquête
103
érieusement inaccessibles aux Celtes. La conquête
de
la Gaule par César va marquer le début de la fusion séculaire du mond
104
onquête de la Gaule par César va marquer le début
de
la fusion séculaire du monde continental et du monde méditerranéen. E
105
préhistoire, ou mieux protohistoire dont on vient
d’
indiquer quelques étapes, c’est celle d’un continent sans nom, lenteme
106
on vient d’indiquer quelques étapes, c’est celle
d’
un continent sans nom, lentement peuplé, civilisé et travaillé par des
107
pices ? Et que signifiera son nom ? 2.Le mythe
de
l’enlèvement d’Europe Quant à l’Europe, il ne paraît pas que l’on
108
ignifiera son nom ? 2.Le mythe de l’enlèvement
d’
Europe Quant à l’Europe, il ne paraît pas que l’on sache, ni d’où e
109
t à l’Europe, il ne paraît pas que l’on sache, ni
d’
où elle a tiré ce nom ni qui le lui a donné, à moins que nous ne disio
110
nné, à moins que nous ne disions qu’elle l’a pris
d’
Europe de Tyr, car, auparavant, ainsi que les deux autres parties du m
111
deux autres parties du monde, elle n’avait point
de
nom. Il est certain qu’Europe était Asiatique et qu’elle n’est jamais
112
maintenant l’Europe, mais qu’elle passa seulement
de
Phénicie en Crète et de Crète en Lycie.4 Hérodote Europe fut d’abo
113
s qu’elle passa seulement de Phénicie en Crète et
de
Crète en Lycie.4 Hérodote Europe fut d’abord une déesse, l’une des
114
e, l’une des trois-mille Océanides, « race sainte
de
filles qui, avec Apollon et les fleuves, nourrissent la jeunesse des
115
C., nous devons la première mention connue du nom
d’
Europe, au vers 357 de sa Théogonie. Parmi les innombrables sœurs Océa
116
mière mention connue du nom d’Europe, au vers 357
de
sa Théogonie. Parmi les innombrables sœurs Océanides — dont il ne cit
117
core Asie, et Métis ou la Raison, première épouse
de
Zeus. Beaucoup plus tard, nous retrouvons Europe non plus déesse mais
118
re. Agénor, roi de Tyr en Phénicie, et descendant
de
Neptune, est son père. Elle est si belle quant aux yeux — comme son n
119
uant aux yeux — comme son nom grec l’indique — et
d’
une si éclatante blancheur, que Zeus lui-même s’en éprend. Métamorphos
120
d. Métamorphosé en taureau, il l’enlève aux rives
de
l’Asie pour la conduire en Crète, où elle deviendra reine, et mère de
121
Crète, où elle deviendra reine, et mère des rois
de
la dynastie de Minos. De cette légende, qui inspira sans nul doute be
122
deviendra reine, et mère des rois de la dynastie
de
Minos. De cette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres
123
reine, et mère des rois de la dynastie de Minos.
De
cette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres perdues d
124
ette légende, qui inspira sans nul doute beaucoup
d’
œuvres perdues de poètes antérieurs, et dont nous parlent Hérodote et
125
inspira sans nul doute beaucoup d’œuvres perdues
de
poètes antérieurs, et dont nous parlent Hérodote et Thucydide entre a
126
e version grecque tardive : la célèbre « Idylle »
de
Moschos, qui date du iie siècle avant notre ère, en pleine littératu
127
rine. Il est probable que Moschos, poète sicilien
de
Syracuse, artiste érudit et précieux, s’est inspiré de peintures trad
128
racuse, artiste érudit et précieux, s’est inspiré
de
peintures traditionnelles, fresques, mosaïques ou cratères, vases déc
129
printanier où les poètes, sculpteurs et peintres
de
vingt siècles occidentaux feront jouer leur imagination sensuelle du
130
gination sensuelle du Mythe, et cela va du métope
de
Sélinonte au bas-relief ornant une gare moderne — celle de Genève —,
131
nte au bas-relief ornant une gare moderne — celle
de
Genève —, d’Ovide à Victor Hugo et de l’auteur des mosaïques d’Aquilé
132
lief ornant une gare moderne — celle de Genève —,
d’
Ovide à Victor Hugo et de l’auteur des mosaïques d’Aquilée jusqu’aux d
133
rne — celle de Genève —, d’Ovide à Victor Hugo et
de
l’auteur des mosaïques d’Aquilée jusqu’aux décorateurs du xxe siècle
134
’Ovide à Victor Hugo et de l’auteur des mosaïques
d’
Aquilée jusqu’aux décorateurs du xxe siècle, en passant par Véronèse,
135
èse, le Titien, le Lorrain et Tiepolo. L’Idylle
de
Moschos5 Une fois, Kypris envoya à Europé un doux songe. C’était
136
e. C’était l’heure où commence le troisième tiers
de
la nuit et où l’aurore est proche, l’heure où le sommeil, plus doux q
137
songes véridiques ; alors, la fille encore vierge
de
Phoinix, Europé, qui dormait dans sa chambre à l’étage supérieur, cru
138
oir deux terres se disputer à son sujet, la terre
d’
Asie et la terre d’en face ; leur aspect était celui de femmes. L’une
139
disputer à son sujet, la terre d’Asie et la terre
d’
en face ; leur aspect était celui de femmes. L’une avait les traits d’
140
e et la terre d’en face ; leur aspect était celui
de
femmes. L’une avait les traits d’une étrangère ; l’autre ressemblait
141
ect était celui de femmes. L’une avait les traits
d’
une étrangère ; l’autre ressemblait à une femme du pays ; elle s’attac
142
it mise au jour et que seule elle avait pris soin
d’
elle ; mais l’autre, la saisissant de force de ses mains puissantes, l
143
it pris soin d’elle ; mais l’autre, la saisissant
de
force de ses mains puissantes, l’entraînait sans qu’elle résistât, et
144
oin d’elle ; mais l’autre, la saisissant de force
de
ses mains puissantes, l’entraînait sans qu’elle résistât, et déclarai
145
lle résistât, et déclarait que, de par la volonté
de
Zeus porteur d’égide, il était décidé qu’Europé lui appartenait. Cell
146
déclarait que, de par la volonté de Zeus porteur
d’
égide, il était décidé qu’Europé lui appartenait. Celle-ci se précipit
147
nait. Celle-ci se précipita hors de son lit garni
de
couvertures ; elle avait peur et son cœur palpitait car le songe qu’e
148
intive : « Qui, des habitants du ciel, m’a envoyé
de
semblables visions ? Que signifient les songes, qui, planant dans ma
149
es songes, qui, planant dans ma chambre au-dessus
de
ma couche garnie de couvertures, m’ont dressée tout émue, pendant que
150
ant dans ma chambre au-dessus de ma couche garnie
de
couvertures, m’ont dressée tout émue, pendant que je dormais doucemen
151
angère que j’ai vue dans mon sommeil ? Quel désir
d’
elle a envahi mon âme ! Et elle, de son côté, avec quelle affection el
152
l ? Quel désir d’elle a envahi mon âme ! Et elle,
de
son côté, avec quelle affection elle me faisait accueil et me regarda
153
va, et alla chercher ses compagnes, nobles filles
de
son âge, nées la même année qu’elle, qui plaisaient à son cœur et éta
154
qu’elle se préparât pour prendre part à un chœur
de
danse, qu’elle baignât son corps à l’embouchure des rivières, ou qu’e
155
es fleurs ; elles gagnèrent les prairies voisines
de
la mer, qui étaient le lieu de réunion habituel de leur troupe, charm
156
prairies voisines de la mer, qui étaient le lieu
de
réunion habituel de leur troupe, charmées par la beauté des roses et
157
e la mer, qui étaient le lieu de réunion habituel
de
leur troupe, charmées par la beauté des roses et par le bruit des flo
158
des flots. Europé elle-même portait une corbeille
d’
or magnifique, admirable merveille, admirable travail d’Héphaistos ; i
159
agnifique, admirable merveille, admirable travail
d’
Héphaistos ; il l’avait donnée à Libye, quand elle était entrée dans l
160
it donnée à la toute belle Téléphaassa, qui était
de
son sang ; et Téléphaassa, mère d’Europé, avait remis ce superbe prés
161
présent à sa fille non mariée. L’objet était orné
de
beaucoup d’ouvrages d’orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait,
162
fille non mariée. L’objet était orné de beaucoup
d’
ouvrages d’orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io f
163
mariée. L’objet était orné de beaucoup d’ouvrages
d’
orfèvrerie brillant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille d’Inac
164
orné de beaucoup d’ouvrages d’orfèvrerie brillant
d’
un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille d’Inachos, dans le temps qu’
165
llant d’un vif éclat. Il y avait, en or, Io fille
d’
Inachos, dans le temps qu’elle était encore génisse et qu’elle n’avait
166
était encore génisse et qu’elle n’avait pas forme
de
femme ; vagabonde elle marchait sur les chemins de la plaine salée, c
167
e femme ; vagabonde elle marchait sur les chemins
de
la plaine salée, comme si elle eût nagé ; la mer était faite de métal
168
alée, comme si elle eût nagé ; la mer était faite
de
métal azuré. Haut placés, deux hommes se tenaient debout sur l’escarp
169
qui traversait la mer. Il y avait aussi Zeus fils
de
Cronos, effleurant doucement de la main la génisse fille d’Inachos, q
170
t aussi Zeus fils de Cronos, effleurant doucement
de
la main la génisse fille d’Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches
171
effleurant doucement de la main la génisse fille
d’
Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches, de vache cornue, il transf
172
lle d’Inachos, qu’auprès du Nil aux sept bouches,
de
vache cornue, il transforma de nouveau en femme ; le cours du Nil éta
173
forma de nouveau en femme ; le cours du Nil était
d’
argent ; la vache, de bronze ; quant à Zeus, il était fait en or. Auto
174
emme ; le cours du Nil était d’argent ; la vache,
de
bronze ; quant à Zeus, il était fait en or. Autour de la corbeille ro
175
était représenté Hermès ; près de lui gisait tout
de
son long Argos, orné d’yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge d’Arg
176
; près de lui gisait tout de son long Argos, orné
d’
yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge d’Argos, surgissait un oiseau
177
, orné d’yeux rebelles au sommeil ; du sang rouge
d’
Argos, surgissait un oiseau, fier de son plumage fleuri et multicolore
178
du sang rouge d’Argos, surgissait un oiseau, fier
de
son plumage fleuri et multicolore ; il déployait ses pennes — tel un
179
tel un navire qui fend rapidement les flots — et
de
ses pennes déployées couvrait les bords de la corbeille d’or. Telle é
180
s — et de ses pennes déployées couvrait les bords
de
la corbeille d’or. Telle était la corbeille de la toute belle Europé.
181
nnes déployées couvrait les bords de la corbeille
d’
or. Telle était la corbeille de la toute belle Europé. Arrivées dans l
182
ds de la corbeille d’or. Telle était la corbeille
de
la toute belle Europé. Arrivées dans les prés fleuris, les jeunes fil
183
tissaient à chercher chacune telle ou telle sorte
de
fleur ; l’une prenait le narcisse odorant, une autre l’hyacinthe, cel
184
nes mains les roses resplendissantes à la couleur
de
flamme, attirait parmi elles les regards comme parmi les Charites la
185
es regards comme parmi les Charites la déesse née
de
l’écume. Elle ne devait pas longtemps prendre plaisir à ces fleurs, n
186
tacte sa ceinture virginale. Aussitôt que le fils
de
Cronos l’eut aperçue, de quel vertige saisi il fut dompté par les tra
187
le. Aussitôt que le fils de Cronos l’eut aperçue,
de
quel vertige saisi il fut dompté par les traits imprévus de Kypris, s
188
rtige saisi il fut dompté par les traits imprévus
de
Kypris, seule capable de dompter Zeus lui-même ! Voulant à la fois év
189
par les traits imprévus de Kypris, seule capable
de
dompter Zeus lui-même ! Voulant à la fois éviter le courroux de la ja
190
s lui-même ! Voulant à la fois éviter le courroux
de
la jalouse Héra et décevoir l’esprit naïf de la jeune fille, il mit u
191
roux de la jalouse Héra et décevoir l’esprit naïf
de
la jeune fille, il mit un masque au dieu, transforma sa personne, se
192
ptés par l’aiguillon, traînent des chars porteurs
de
lourds fardeaux. Tout son corps était de couleur blonde, à l’exceptio
193
porteurs de lourds fardeaux. Tout son corps était
de
couleur blonde, à l’exception d’un cercle blanc pur qui brillait au m
194
son corps était de couleur blonde, à l’exception
d’
un cercle blanc pur qui brillait au milieu de son front ; ses yeux, de
195
us, étincelaient et lançaient des éclairs chargés
d’
amour ; ses cornes s’élevaient, l’une en face de l’autre, égales au-de
196
aient, l’une en face de l’autre, égales au-dessus
de
sa tête, pareilles au croissant demi-circulaire de la lune cornue. Il
197
e sa tête, pareilles au croissant demi-circulaire
de
la lune cornue. Il vint dans la prairie, et son apparition n’effraya
198
les jeunes filles ; toutes furent prises du désir
de
s’approcher, de toucher le joli animal, dont la divine odeur, se répa
199
s ; toutes furent prises du désir de s’approcher,
de
toucher le joli animal, dont la divine odeur, se répandant au loin, d
200
pandant au loin, dominait même le souffle embaumé
de
la prée. Il s’arrêta en face de l’irréprochable Europé ; il lui lécha
201
le charme. Elle le caressait, essuyait doucement
de
ses mains l’écume qui lui tombait, abondante, de la bouche ; et au ta
202
de ses mains l’écume qui lui tombait, abondante,
de
la bouche ; et au taureau elle donna un baiser. Lui, poussa un tendre
203
aurait cru entendre résonner le chant harmonieux
de
la flûte mygdonienne. Il s’agenouilla aux pieds d’Europé ; tournant l
204
e la flûte mygdonienne. Il s’agenouilla aux pieds
d’
Europé ; tournant le col, il la regardait et lui montrait son large do
205
es tresses : « Venez, chères compagnes, compagnes
de
mon âge, asseyons-nous sur ce taureau, pour notre divertissement ; à
206
lles allaient en faire autant ; mais il se releva
d’
un bond, enlevant celle qu’il voulait et gagna rapidement la mer. Euro
207
s poissons, alentour, s’ébattaient devant les pas
de
Zeus ; le dauphin, sorti de l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus de l
208
taient devant les pas de Zeus ; le dauphin, sorti
de
l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus de l’eau qui s’enflait. Les Néré
209
in, sorti de l’abîme, cabriolait joyeux au-dessus
de
l’eau qui s’enflait. Les Néréides surgirent du fond de l’onde, et, as
210
eau qui s’enflait. Les Néréides surgirent du fond
de
l’onde, et, assises sur le dos de poissons, défilaient en cortège ; à
211
rgirent du fond de l’onde, et, assises sur le dos
de
poissons, défilaient en cortège ; à la surface des flots, qu’il gouve
212
ui s’assemblaient les tritons, bruyants musiciens
de
la mer ; soufflant dans de longs coquillages, ils faisaient retentir
213
ns, bruyants musiciens de la mer ; soufflant dans
de
longs coquillages, ils faisaient retentir le chant nuptial. Assise su
214
ant nuptial. Assise sur le dos du taureau, Europé
d’
une main, serrait la grande corne de la bête ; de l’autre, elle mainte
215
ureau, Europé d’une main, serrait la grande corne
de
la bête ; de l’autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré de s
216
d’une main, serrait la grande corne de la bête ;
de
l’autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré de sa robe, pour
217
autre, elle maintenait contre elle le pli pourpré
de
sa robe, pour éviter que, traînant derrière elle, il ne fût mouillé p
218
rrière elle, il ne fût mouillé par l’onde immense
de
la mer blanchissante. Aux épaules, le péplos d’Europé se gonfla en un
219
e de la mer blanchissante. Aux épaules, le péplos
d’
Europé se gonfla en une poche profonde, comme la voile d’un navire, et
220
é se gonfla en une poche profonde, comme la voile
d’
un navire, et allégeait le poids de la jeune fille. Déjà elle était lo
221
comme la voile d’un navire, et allégeait le poids
de
la jeune fille. Déjà elle était loin de la terre natale ; il n’y avai
222
bas la mer sans limites. Alors, promenant autour
d’
elle ses regards, elle fit entendre ces mots : « Où m’emportes-tu, tau
223
s à fendre les flots ; mais les taureaux ont peur
de
la voie marine. Quelle boisson capable de te plaire, quelle nourritur
224
nt peur de la voie marine. Quelle boisson capable
de
te plaire, quelle nourriture trouves-tu dans l’onde salée ? Sans dout
225
je pense, tu vas t’élever aussi dans les hauteurs
de
l’air étincelant et tu voleras comme les oiseaux rapides. Hélas, gran
226
est mon infortune, à moi qui ai quitté la demeure
de
mon père, et, suivant ce taureau, accomplis une étrange navigation, e
227
gation, errante et solitaire. Mais toi, souverain
de
la mer blanchissante, ébranleur de la terre, montre-toi pour moi bien
228
toi, souverain de la mer blanchissante, ébranleur
de
la terre, montre-toi pour moi bienveillant, toi qu’il me semble voir
229
me tracer la route. Ce n’est pas sans le vouloir
d’
un dieu que je suis ces humides chemins. » Elle dit ; et le taureau au
230
ssure-toi, jeune fille ; ne crains pas les vagues
de
la mer ; je suis Zeus en personne, bien que, de près, j’aie l’air d’ê
231
s de la mer ; je suis Zeus en personne, bien que,
de
près, j’aie l’air d’être un taureau ; il est en ma puissance de paraî
232
Zeus en personne, bien que, de près, j’aie l’air
d’
être un taureau ; il est en ma puissance de paraître ce que je veux. C
233
l’air d’être un taureau ; il est en ma puissance
de
paraître ce que je veux. C’est mon amour pour toi qui m’a poussé à pa
234
parcourir une telle étendue marine, sous l’aspect
d’
un taureau. Mais la Crète te recevra bientôt ; elle m’a nourri moi-mêm
235
e se célébreront tes noces. Et je te rendrai mère
de
nobles fils, qui tous, parmi les hommes, seront porteurs de sceptre.
236
fils, qui tous, parmi les hommes, seront porteurs
de
sceptre. » Il dit ; et ce qu’il avait dit était chose accomplie. Déjà
237
Zeus reprenait sa figure ; il détacha la ceinture
d’
Europé ; les Heures lui préparaient une couche ; elle qui était vierge
238
it vierge auparavant, sans tarder devint l’épouse
de
Zeus ; sans tarder, elle conçut des enfants du fils de Cronos et devi
239
us ; sans tarder, elle conçut des enfants du fils
de
Cronos et devint mère. C’est sans nul doute le songe du début de l’I
240
int mère. C’est sans nul doute le songe du début
de
l’Idylle qui contient, pour nous tout au moins, la véritable signific
241
s deux terres qui se disputent Europe, « la terre
d’
Asie et la terre d’en face », le continent déjà civilisé et celui qui
242
e disputent Europe, « la terre d’Asie et la terre
d’
en face », le continent déjà civilisé et celui qui n’a pas de nom, qui
243
, le continent déjà civilisé et celui qui n’a pas
de
nom, qui veut un nom et un esprit, et qui va l’arracher par la violen
244
l’arracher par la violence, mais non sans l’aide
de
Zeus lui-même. Le thème du songe où deux femmes se disputent apparaît
245
apparaît déjà dans les Perses, l’admirable récit
de
Salamine qu’Eschyle fit jouer sept ans après la bataille, en 473. Il
246
s après la bataille, en 473. Il s’agit, là aussi,
de
la rivalité entre l’Europe et l’Asie, l’une représentée par la Grèce
247
domptable, l’autre par la Perse docile : Songe
de
la reine, mère de Xerxès Deux femmes, bien mises, ont semblé s’of
248
ises, ont semblé s’offrir à mes yeux, l’une parée
de
la robe perse, l’autre vêtue en Dorienne, toutes deux surpassant de b
249
l’autre vêtue en Dorienne, toutes deux surpassant
de
beaucoup les femmes d’aujourd’hui, aussi bien par leur taille que par
250
ne, toutes deux surpassant de beaucoup les femmes
d’
aujourd’hui, aussi bien par leur taille que par leur beauté sans tache
251
leur met le harnais sur la nuque. Et l’une alors
de
tirer vanité de cet accoutrement et d’offrir une bouche toute docile
252
nais sur la nuque. Et l’une alors de tirer vanité
de
cet accoutrement et d’offrir une bouche toute docile aux rênes, tandi
253
’une alors de tirer vanité de cet accoutrement et
d’
offrir une bouche toute docile aux rênes, tandis que l’autre trépignai
254
es, tandis que l’autre trépignait, puis, soudain,
de
ses mains met en pièces le harnais qui la lie au char, l’entraîne de
255
pièces le harnais qui la lie au char, l’entraîne
de
vive force en dépit du mors, brise enfin le joug en deux. Mon fils to
256
ui couvrent son corps ! Voilà d’abord mes visions
de
la nuit. Mais je me lève, je trempe mes mains au cours d’une onde pur
257
it. Mais je me lève, je trempe mes mains au cours
d’
une onde pure et, les chargeant d’offrandes, je m’approche de l’autel,
258
mains au cours d’une onde pure et, les chargeant
d’
offrandes, je m’approche de l’autel, pour y consacrer le gâteau rituel
259
pure et, les chargeant d’offrandes, je m’approche
de
l’autel, pour y consacrer le gâteau rituel aux dieux préservateurs à
260
aperçois alors un aigle qui fuit vers l’autel bas
de
Phoibos ! Muette d’effroi, je m’arrête, amis. Mais bientôt, sous mes
261
gle qui fuit vers l’autel bas de Phoibos ! Muette
d’
effroi, je m’arrête, amis. Mais bientôt, sous mes yeux, un milan fond
262
s mes yeux, un milan fond du ciel, à grands coups
d’
ailes rapides et, de ses serres, se met à déchirer la tête de l’aigle,
263
fond du ciel, à grands coups d’ailes rapides et,
de
ses serres, se met à déchirer la tête de l’aigle, qui ne sait plus qu
264
ides et, de ses serres, se met à déchirer la tête
de
l’aigle, qui ne sait plus que se pelotonner sans défense ! Le milan
265
rec qui fond sur l’aigle perse annonce la défaite
de
Xerxès et sa dernière apparition, abandonné et désarmé, à la fin du d
266
ont des réalités plus générales et plus anciennes
d’
un millénaire au moins, comme nous le verrons, que symbolise l’Idylle
267
ns, comme nous le verrons, que symbolise l’Idylle
de
Moschos, si tardive qu’elle soit. Selon la plupart des commentateurs
268
ait en somme une manifestation locale et poétique
de
la Grande Déesse, dont le culte dominait le Proche-Orient, de l’Euphr
269
Déesse, dont le culte dominait le Proche-Orient,
de
l’Euphrate au Bosphore et au Nil. Un autre érudit, le poète Robert Gr
270
n complexe assyrio-hébraïque auquel la Bible fait
de
fréquentes et très précises allusions et au centre duquel se situent
271
se situent des poèmes légendaires comme l’épopée
de
Keret (retrouvée à Ras Shamra en 1929). Keret est roi des Sidoniens-T
272
Phéniciens et qui sont des Sémites : les Hébreux
de
la mer. Or, Keret est le nom de la Crète ; les Keretites que mentionn
273
tes : les Hébreux de la mer. Or, Keret est le nom
de
la Crète ; les Keretites que mentionne le prophète Sophonie (II, 5) s
274
wé des Hébreux, est un dieu-taureau qui a coutume
d’
enlever des filles sur les rives de Canaan, de Tyr et de Sidon, donc d
275
qui a coutume d’enlever des filles sur les rives
de
Canaan, de Tyr et de Sidon, donc de la « Phénicie » des Grecs. Il a s
276
ume d’enlever des filles sur les rives de Canaan,
de
Tyr et de Sidon, donc de la « Phénicie » des Grecs. Il a son siège en
277
ver des filles sur les rives de Canaan, de Tyr et
de
Sidon, donc de la « Phénicie » des Grecs. Il a son siège en Kaphtor (
278
sur les rives de Canaan, de Tyr et de Sidon, donc
de
la « Phénicie » des Grecs. Il a son siège en Kaphtor (Crète) et il es
279
en Kaphtor (Crète) et il est aussi le grand dieu
d’
Edom, qui est le même nom qu’Adam, qui signifie « rouge » ou Phœnix, —
280
nom qu’Adam, qui signifie « rouge » ou Phœnix, —
d’
où Phéniciens. (Hérodote pense que les Phéniciens viennent de la mer É
281
croissant géminés, proclame l’origine phénicienne
de
cette représentation »8. Tout concourt à prouver l’ascendance sémitiq
282
qui n’a rien pour étonner le lecteur des travaux
de
Bérard sur les poèmes homériques et la Bible et sur les origines sémi
283
riques et la Bible et sur les origines sémitiques
de
tant de noms de dieux et de lieux grecs. Et tout cela nous renvoie, h
284
le et sur les origines sémitiques de tant de noms
de
dieux et de lieux grecs. Et tout cela nous renvoie, historiquement, à
285
s origines sémitiques de tant de noms de dieux et
de
lieux grecs. Et tout cela nous renvoie, historiquement, à des événeme
286
héologiques les plus récentes. Quoi qu’il en soit
de
toutes ces hypothèses, ou de ces preuves, si l’on en revient au mythe
287
. Quoi qu’il en soit de toutes ces hypothèses, ou
de
ces preuves, si l’on en revient au mythe grec, on voit qu’Europe rest
288
ent au mythe grec, on voit qu’Europe reste le nom
d’
une puissance féminine enlevée à l’Asie, puis fécondée par le dieu mâl
289
l’Olympe des Grecs continentaux : le grand masque
d’
or retrouvé sous les ruines de Mycènes, un Zeus solaire contemporain d
290
x : le grand masque d’or retrouvé sous les ruines
de
Mycènes, un Zeus solaire contemporain du déclin de la Crète et de son
291
e Mycènes, un Zeus solaire contemporain du déclin
de
la Crète et de son culte de la Grande Mère, éclaire et reflète à la f
292
eus solaire contemporain du déclin de la Crète et
de
son culte de la Grande Mère, éclaire et reflète à la fois la naissanc
293
ontemporain du déclin de la Crète et de son culte
de
la Grande Mère, éclaire et reflète à la fois la naissance de l’Europe
294
e Mère, éclaire et reflète à la fois la naissance
de
l’Europe hellénique. Ainsi le mythe traduit la mutation religieuse d’
295
ue. Ainsi le mythe traduit la mutation religieuse
d’
une civilisation venue du Proche-Orient sur l’obscur continent occiden
296
bscur continent occidental, qui va prendre le nom
de
sa précieuse proie. Nous ne donnerons pas ici d’autres versions fameu
297
s ne donnerons pas ici d’autres versions fameuses
de
l’Enlèvement, celle d’Ovide et celle de Diodore (ier siècle av. J.-C
298
d’autres versions fameuses de l’Enlèvement, celle
d’
Ovide et celle de Diodore (ier siècle av. J.-C.) : elles ne font qu’i
299
fameuses de l’Enlèvement, celle d’Ovide et celle
de
Diodore (ier siècle av. J.-C.) : elles ne font qu’imiter le modèle d
300
le av. J.-C.) : elles ne font qu’imiter le modèle
de
Moschos, que nous avons tenu à citer en entier parce qu’il figure en
301
parce qu’il figure en quelque sorte l’étymologie
d’
une tradition de l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits de
302
ure en quelque sorte l’étymologie d’une tradition
de
l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits de cette gracieuse
303
l’Art qui traversera les siècles. Mais les traits
de
cette gracieuse allégorie décorative — le songe du début mis à part —
304
aucune réalité historique ou psychologique. Rien
de
commun entre l’Idylle et le destin de l’Europe dans l’histoire à veni
305
gique. Rien de commun entre l’Idylle et le destin
de
l’Europe dans l’histoire à venir. Il n’en va pas de même avec Horace.
306
dans l’émouvante et solennelle apostrophe finale
de
Vénus : … bene ferre magnum Disce fortunam ; tua sectus orbis Nomina
307
rtunam ; tua sectus orbis Nomina ducet. L’ode
d’
Horace À Galatée Ainsi Europe confia au taureau séducteur son flan
308
insi Europe confia au taureau séducteur son flanc
de
neige, Europe, devant les monstres pullulant sur la mer et les pièges
309
r la mer et les pièges qui l’environnaient, pâlit
de
son audace. Elle qui, naguère dans les prés, n’était occupée que des
310
uée aux nymphes, maintenant, à la clarté douteuse
de
la nuit, elle ne voit rien que les astres et les flots. Mais dès qu’e
311
e aux cent villes : « Ô mon père, dit-elle, ô nom
de
fille que j’ai trahi, ô piété qu’a vaincue mon délire ! D’où suis-je
312
que j’ai trahi, ô piété qu’a vaincue mon délire !
D’
où suis-je venue, et où ? Une seule mort est trop légère pour la faute
313
onteux ? ou bien, sans reproche, suis-je le jouet
d’
une image Dont le vol trompeur, par la porte d’ivoire, m’amène un song
314
et d’une image Dont le vol trompeur, par la porte
d’
ivoire, m’amène un songe ? Valait-il mieux s’en aller à travers les fl
315
colère, ce taureau qui me déshonore, je voudrais,
de
toutes mes forces, déchirer, briser avec le fer les cornes du monstre
316
ant qu’une affreuse maigreur n’ait envahi l’éclat
de
mes joues, que cette proie, tendre et pleine de sève, se soit desséch
317
t de mes joues, que cette proie, tendre et pleine
de
sève, se soit desséchée, je veux belle encore nourrir les tigres. Mép
318
pide, à moins que tu n’aimes mieux filer ta tâche
d’
esclave. Toi, le sang des rois, livrée à une maîtresse des pays barbar
319
barbares. » Ainsi elle se lamentait, mais à côté
d’
elle se tenait Vénus, souriant malignement, et son fils, l’arc détendu
320
déesse se fut assez divertie : « Trêve, dit-elle,
de
colères et de bouillantes querelles, quand l’odieux taureau viendra t
321
assez divertie : « Trêve, dit-elle, de colères et
de
bouillantes querelles, quand l’odieux taureau viendra te donner ses c
322
ornes à déchirer. Tu es, sans le savoir, la femme
de
l’invincible Jupiter. Laisse là les sanglots, apprends à bien porter
323
nce, qui sera suivi par saint Jérôme, s’efforcent
d’
en évacuer le merveilleux : Europe fut enlevée par les Crétois dans u
324
n deux lignes le récit primitif : il l’introduira
de
la sorte, grâce au succès durable de ses Étymologies, dans les écoles
325
l’introduira de la sorte, grâce au succès durable
de
ses Étymologies, dans les écoles du Moyen Âge. À l’inverse de Lactanc
326
logies, dans les écoles du Moyen Âge. À l’inverse
de
Lactance et de Jérôme, qui avaient privé le mythe de son contenu reli
327
s écoles du Moyen Âge. À l’inverse de Lactance et
de
Jérôme, qui avaient privé le mythe de son contenu religieux païen, le
328
Lactance et de Jérôme, qui avaient privé le mythe
de
son contenu religieux païen, le Moyen Âge tente parfois de lui rendre
329
ntenu religieux païen, le Moyen Âge tente parfois
de
lui rendre un contenu religieux chrétien, un peu comme Simone Weil, d
330
enu religieux chrétien, un peu comme Simone Weil,
de
nos jours, le fera pour d’autres mythes, celui de Prométhée notamment
331
de nos jours, le fera pour d’autres mythes, celui
de
Prométhée notamment. En voici un exemple touchant : le moine Pierre B
332
que la Crète serait la vie contemplative. Le rapt
d’
Europe symbolise à ses yeux le passage de l’âme du temporel à l’éterne
333
Le rapt d’Europe symbolise à ses yeux le passage
de
l’âme du temporel à l’éternel : Cette pucelle Europe signifie l’âme…
334
e Europe signifie l’âme… Jupiter signifie le fils
de
Dieu qui pour sauver l’âme se mua en taureau, c’est-à-dire qu’il prit
335
corporelle en prenant l’humaine chair. Comme l’un
de
nous il vint demeurer en ce monde terrestre plein de tribulations… l’
336
nous il vint demeurer en ce monde terrestre plein
de
tribulations… l’âme dévote doit le suivre et se tenir à lui comme à u
337
enlevée en un navire, portant en proue la figure
d’
un taureau. Et aucuns reconnaissent la nef, portant l’effigie de Jupin
338
Et aucuns reconnaissent la nef, portant l’effigie
de
Jupin tutélaire et du taureau. Palephatus dit qu’un Candiot nommé Tau
339
Palephatus dit qu’un Candiot nommé Taurus enleva
d’
Italie ou région des Tyrrhènes, avec autres filles, Europe fille du ro
340
nnière. Y en a qui disent, qu’il y eut une légion
de
gens de guerre, qui portait entre autres enseignes un taureau. Quelqu
341
Y en a qui disent, qu’il y eut une légion de gens
de
guerre, qui portait entre autres enseignes un taureau. Quelques-uns d
342
appelée, à cause de sa beauté par la ressemblance
de
cette fille ravie. Le taureau certes, par lequel ils veulent qu’Europ
343
propos les mœurs et naturel des Européens. Il est
d’
un courage un peu élevé, insolent, embelli par ses cornes, de couleur
344
e un peu élevé, insolent, embelli par ses cornes,
de
couleur blanche, d’un gosier large, d’un col gras, guide et commandeu
345
lent, embelli par ses cornes, de couleur blanche,
d’
un gosier large, d’un col gras, guide et commandeur des haras ; de trè
346
es cornes, de couleur blanche, d’un gosier large,
d’
un col gras, guide et commandeur des haras ; de très grande continence
347
e, d’un col gras, guide et commandeur des haras ;
de
très grande continence, mais s’il est amené à sexe dissemblable, il s
348
est amené à sexe dissemblable, il se montre être
de
chaleur extrême, toutefois en après chaste et modéré. Tel est quasi l
349
rd, André Chénier, Victor Hugo, en font une sorte
d’
exercice de description, dans le style de l’Idylle antique. Citons Hug
350
hénier, Victor Hugo, en font une sorte d’exercice
de
description, dans le style de l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ouv
351
ne sorte d’exercice de description, dans le style
de
l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ouvrier d’Égine a sculpté sur la
352
le de l’Idylle antique. Citons Hugo : Un ouvrier
d’
Égine a sculpté sur la plinthe Europe dont un dieu n’écoute pas la pla
353
s espoir, Crie, et baissant les yeux, s’épouvante
de
voir L’Océan monstrueux qui baise ses pieds roses. Seul, Leconte de
354
eul, Leconte de Lisle retrouve un peu de l’accent
d’
Horace, dans le discours qu’il attribue à Zeus lui-même, non plus à Vé
355
phétiques Où tu célébreras ton hymen glorieux, Et
de
toi sortiront des Enfants héroïques Qui régiront la terre et deviendr
356
Entre le mythe primitif et la réalité — le drame
de
l’Europe dans l’histoire — ces poètes ont mis toute la distance qui s
357
toute la distance qui sépare l’archétype profond
de
la littérature décorative. Revenons au réel, c’est-à-dire à la relati
358
l symbolise et l’Europe naissant à l’histoire. Un
de
nos grands historiens contemporains, G. de Reynold, nous y aidera mie
359
idera mieux que personne : Europe nous est venue
d’
Asie, mère de toutes les grandes religions, génératrice de tous les gr
360
ue personne : Europe nous est venue d’Asie, mère
de
toutes les grandes religions, génératrice de tous les grands mythes.
361
mère de toutes les grandes religions, génératrice
de
tous les grands mythes. Europe est une des formes prises par le premi
362
. Europe est une des formes prises par le premier
de
ces mythes, par le panthéisme primitif et informe : l’adoration de la
363
r le panthéisme primitif et informe : l’adoration
de
la terre et de la fécondité, la Grande Mère où tout est un et divers
364
primitif et informe : l’adoration de la terre et
de
la fécondité, la Grande Mère où tout est un et divers à la fois. Dès
365
rencontre avec une intense vie maritime, une vie
de
piraterie et de commerce, de conflits et d’échanges, une vie dont il
366
une intense vie maritime, une vie de piraterie et
de
commerce, de conflits et d’échanges, une vie dont il se colore à tel
367
ie maritime, une vie de piraterie et de commerce,
de
conflits et d’échanges, une vie dont il se colore à tel point que l’o
368
e vie de piraterie et de commerce, de conflits et
d’
échanges, une vie dont il se colore à tel point que l’on a longtemps c
369
olore à tel point que l’on a longtemps cru facile
de
l’expliquer par l’histoire et par les mœurs. Sitôt méditerranéen, le
370
he Europe passe en Crète. Il y devient le symbole
de
toute une civilisation intermédiaire entre la Grèce et l’Asie. État p
371
colonisateur, la Crète des Minos répand le culte
d’
Europe associé à celui de Zeus dans le monde égéen, dans la Grèce cont
372
es Minos répand le culte d’Europe associé à celui
de
Zeus dans le monde égéen, dans la Grèce continentale. Et voici le mom
373
péenne. Qu’est-ce que l’Europe ? Europe est venue
d’
Asie. Elle a été enlevée à l’Orient par un dieu du Nord. Zeus-Jupiter
374
rs le dieu par excellence, le principe, la racine
de
tout le polythéisme grec. Il maintient l’unité entre toutes ces divin
375
lution durant laquelle les énergies élémentaires,
d’
hypostase en hypostase, sont arrivées à se concrétiser, à s’humaniser.
376
e Zeus apparaît le dieu-homme dont la mission est
de
dominer le monde et de le gouverner, afin que les hommes puissent y v
377
-homme dont la mission est de dominer le monde et
de
le gouverner, afin que les hommes puissent y vivre. Il prendra pour p
378
son ; mais il l’absorbera en soi, dans la crainte
d’
en avoir un fils plus fort que lui-même, et il engendrera par la tête
379
Junon, sera la morale. Ces mythes ne font-ils pas
de
lui le symbole de la grande civilisation génératrice de toute la civi
380
ale. Ces mythes ne font-ils pas de lui le symbole
de
la grande civilisation génératrice de toute la civilisation européenn
381
le symbole de la grande civilisation génératrice
de
toute la civilisation européenne ? Au culte de Zeus, celui d’Europe
382
e de toute la civilisation européenne ? Au culte
de
Zeus, celui d’Europe est associé, mais comme une manifestation second
383
ivilisation européenne ? Au culte de Zeus, celui
d’
Europe est associé, mais comme une manifestation secondaire. Comment v
384
rd, se répandre peu à peu dans l’Hellade entière.
De
Crète, il prend trois directions : vers Corinthe, la Thessalie, puis,
385
avers la Thrace, jusqu’à la partie septentrionale
de
l’Asie Mineure — vers la Béotie, la Locride, la Phocide, jusque dans
386
es et phéniciennes où le mythe retrouve son point
de
départ. Cependant, les légendes et les traditions s’embrouillent, se
387
a déesse, paraît le continent.10 3.Le Mythe
de
Japhet S’il reste vrai que le mythe du rapt d’Europe se trouve tra
388
de Japhet S’il reste vrai que le mythe du rapt
d’
Europe se trouve traduire le mouvement général qui a porté d’Est en Ou
389
trouve traduire le mouvement général qui a porté
d’
Est en Ouest, du Proche-Orient sémitique vers le « continent sans nom
390
nom » des peuplades colonisantes et des éléments
de
civilisation religieux et techniques, c’est à un autre mythe, moins c
391
t techniques, c’est à un autre mythe, moins connu
de
nos jours, que nous devons attribuer la persistance d’un concept de l
392
s jours, que nous devons attribuer la persistance
d’
un concept de l’Europe comme continent distinct, même aux époques où l
393
nous devons attribuer la persistance d’un concept
de
l’Europe comme continent distinct, même aux époques où le nom d’Europ
394
me continent distinct, même aux époques où le nom
d’
Europe n’éveillait plus, dans les esprits, que la seule idée géographi
395
dans les esprits, que la seule idée géographique
d’
une des trois grandes régions de l’univers alors connu. C’est à la Bib
396
idée géographique d’une des trois grandes régions
de
l’univers alors connu. C’est à la Bible, interprétée par les premiers
397
l’Église, qu’entend remonter, dès le ive siècle
de
notre ère, cette tradition indépendante de la Grèce : nous l’appeller
398
siècle de notre ère, cette tradition indépendante
de
la Grèce : nous l’appellerons le Mythe de Japhet. Selon saint Jérôme
399
endante de la Grèce : nous l’appellerons le Mythe
de
Japhet. Selon saint Jérôme (346-420) dans son Liber hebraicarum quest
400
selon saint Ambroise (né en 340), les trois fils
de
Noé, Sem, Cham et Japhet, ont reçu en partage les trois parties du mo
401
Afrique et l’Europe. Cette tripartition mythique
de
la terre va dominer toute la géographie du Moyen Âge. Elle se fonde s
402
oyen Âge. Elle se fonde sur les chapitres 9 et 10
de
la Genèse, qui racontent comment les fils de Noé au sortir de l’Arche
403
t 10 de la Genèse, qui racontent comment les fils
de
Noé au sortir de l’Arche, reçurent de leur père l’ordre de remplir to
404
nt les fils de Noé au sortir de l’Arche, reçurent
de
leur père l’ordre de remplir toute la terre de leur postérité. Ils ne
405
sortir de l’Arche, reçurent de leur père l’ordre
de
remplir toute la terre de leur postérité. Ils ne furent pas traités é
406
nt de leur père l’ordre de remplir toute la terre
de
leur postérité. Ils ne furent pas traités également, car Sem et Japhe
407
lement, car Sem et Japhet ayant couvert la nudité
de
Noé ivre furent seuls bénis par lui : Béni soit l’Éternel, Dieu de S
408
soit l’Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan (fils
de
Cham) soit leur esclave ! Que Dieu étende les possessions de Japhet,
409
it leur esclave ! Que Dieu étende les possessions
de
Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur
410
ssessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes
de
Sem, et que Canaan soit leur esclave ! (Gen. 9, 26 et 27.) Pour Ambr
411
ve ! (Gen. 9, 26 et 27.) Pour Ambroise, les fils
de
Sem sont bons, ceux de Cham mauvais, ceux de Japhet « indifférents »,
412
) Pour Ambroise, les fils de Sem sont bons, ceux
de
Cham mauvais, ceux de Japhet « indifférents », c’est-à-dire païens, «
413
fils de Sem sont bons, ceux de Cham mauvais, ceux
de
Japhet « indifférents », c’est-à-dire païens, « attachés aux biens de
414
ents », c’est-à-dire païens, « attachés aux biens
de
ce monde », mais capables de se convertir11. Les commentateurs des si
415
« attachés aux biens de ce monde », mais capables
de
se convertir11. Les commentateurs des siècles suivants comme Paul Oro
416
e Brescia reprennent et précisent la tripartition
d’
Ambroise. Pour saint Augustin, Japhet est l’ancêtre des peuples de l’O
417
saint Augustin, Japhet est l’ancêtre des peuples
de
l’Occident, qui comprend l’Europe et l’Afrique, tandis que Sem est l’
418
Afrique, tandis que Sem est l’ancêtre des peuples
de
l’Orient. Augustin voit dans Genèse 9, 27 une prophétie, prophetica b
419
ca benedictio, et l’interprète ainsi : les tentes
de
Sem représentent l’Église ; Japhet, par sa postérité « s’étendra » ju
420
, par sa postérité « s’étendra » jusqu’au domaine
de
Sem, donc les peuples de l’Europe se convertiront au vrai Dieu. Le mo
421
endra » jusqu’au domaine de Sem, donc les peuples
de
l’Europe se convertiront au vrai Dieu. Le mot sur lequel insistent to
422
é : dilatet selon la Vulgate. Japhet (ou Yepheth,
de
phatah = se dilater, se répandre) signifie latitude, largeur, expansi
423
e latitude, largeur, expansion. Ainsi l’expansion
de
l’Empire romain en Europe et dans tout l’orbis terrarum connu à l’épo
424
pré-formé, selon Isidore de Séville, l’expansion
de
l’Église chrétienne. Le concept d’Europe reçoit ainsi un contenu reli
425
e, l’expansion de l’Église chrétienne. Le concept
d’
Europe reçoit ainsi un contenu religieux en même temps qu’un contenu g
426
ographique. Isidore fait entrer dans la postérité
de
Japhet les Cappadociens, Ciliciens, Ioniens, Thraces, Gaulois et Espa
427
es, Gaulois et Espagnols : Tels sont les peuples
de
la lignée de Japhet, qui, du Mont Taurus dans l’Asie médiane jusqu’à
428
t Espagnols : Tels sont les peuples de la lignée
de
Japhet, qui, du Mont Taurus dans l’Asie médiane jusqu’à l’Océan Brita
429
omnem Europam). Jürgen Fischer cite une douzaine
d’
auteurs du ve au xve siècle qui rattachent à Japhet et à ses 23 ou 2
430
gues distinctes. Relevons en passant que certains
de
ces auteurs divisent le genre humain en trois classes : Les hommes li
431
humain en trois classes : Les hommes libres, fils
de
Sem, les soldais, fils de Japhet, et les esclaves, fils de Cham. Il
432
Les hommes libres, fils de Sem, les soldais, fils
de
Japhet, et les esclaves, fils de Cham. Il n’est certes pas démontrab
433
es soldais, fils de Japhet, et les esclaves, fils
de
Cham. Il n’est certes pas démontrable, mais possible, que la relatio
434
t et l’Europe se soit vue confirmée dans l’esprit
de
ces auteurs par la traduction en grec de l’allégorie (biblique) : au
435
l’esprit de ces auteurs par la traduction en grec
de
l’allégorie (biblique) : au latin latus (large, étendu) correspond le
436
et la mythologie grecque. L’Europe ferait partie
de
l’économie du salut, serait donc un concept acceptable aux yeux des P
437
oncept acceptable aux yeux des Pères. Et le mythe
de
Japhet, ainsi interprété, exprimerait assez bien l’état du continent
438
z bien l’état du continent dans la seconde moitié
de
notre premier millénaire : ce mélange originellement « indifférent »
439
ement « indifférent » (à l’égard de la vraie foi)
de
païens et de convertis toujours plus nombreux, qui porte en bloc le n
440
férent » (à l’égard de la vraie foi) de païens et
de
convertis toujours plus nombreux, qui porte en bloc le nom d’Europe.
441
toujours plus nombreux, qui porte en bloc le nom
d’
Europe. L’origine japhétique de l’Europe ne fut guère contestée jusqu’
442
rte en bloc le nom d’Europe. L’origine japhétique
de
l’Europe ne fut guère contestée jusqu’au xixe siècle. Joseph de Mais
443
tient pour un dogme établi. Vico spécule à partir
d’
elle sur la formation des langues. Campanella se demande si « l’expans
444
langues. Campanella se demande si « l’expansion »
de
Japhet dans les tentes de Sem ne peut pas signifier « domination » de
445
ande si « l’expansion » de Japhet dans les tentes
de
Sem ne peut pas signifier « domination » de l’Europe sur le monde ara
446
entes de Sem ne peut pas signifier « domination »
de
l’Europe sur le monde arabe… Mais Voltaire croit pouvoir réfuter la l
447
ire croit pouvoir réfuter la légende en affectant
de
l’interpréter littéralement jusqu’à l’absurde — l’un de ses procédés
448
nterpréter littéralement jusqu’à l’absurde — l’un
de
ses procédés favoris : Je laisse à de plus savans que moi le soin de
449
ris : Je laisse à de plus savans que moi le soin
de
prouver que les trois enfans de Noé, qui étaient les seuls habitans d
450
s que moi le soin de prouver que les trois enfans
de
Noé, qui étaient les seuls habitans du globe, le partagèrent tout ent
451
llèrent chacun, à deux ou trois-mille lieues l’un
de
l’autre, fonder par-tout de puissans empires ; et que Javan son petit
452
ois-mille lieues l’un de l’autre, fonder par-tout
de
puissans empires ; et que Javan son petit-fils peupla la Grèce en pas
453
peupla la Grèce en passant en Italie : que c’est
de
là que les Grecs s’appelèrent Ioniens parce qu’Ion envoya des colonie
454
ns parce qu’Ion envoya des colonies sur les côtes
de
l’Asie Mineure ; que cet Ion est visiblement Javan, en changeant I en
455
avan, en changeant I en Ja, et on en van. On fait
de
ces contes aux enfans, et les enfans n’en croient rien.13 Mais les
456
nfants parfois sont mauvais juges et la gaminerie
de
Voltaire a tort en l’occurrence. L’émigration des Sémites « phénicien
457
n des Sémites « phéniciens » vers l’Ionie, patrie
d’
Homère (certains ayant passé par la Boétie de Cadmus) est aujourd’hui
458
stée14. Mais si l’on songe à l’immense popularité
de
la légende de Japhet chez les clercs de tout rang, pendant quatorze s
459
i l’on songe à l’immense popularité de la légende
de
Japhet chez les clercs de tout rang, pendant quatorze siècles, on s’é
460
opularité de la légende de Japhet chez les clercs
de
tout rang, pendant quatorze siècles, on s’étonne d’observer que deux
461
tout rang, pendant quatorze siècles, on s’étonne
d’
observer que deux ou trois humanistes seulement aient osé suggérer que
462
ient osé suggérer que cette tradition étant celle
de
la chrétienté, la logique eût voulu que notre continent fût nommé Jap
463
principem institutum.15 4.Cadmus ou la quête
d’
Europe Les légendes et l’archéologie révèlent une autre zone de con
464
légendes et l’archéologie révèlent une autre zone
de
contact ou de contamination entre les deux mythes, le grec et le bibl
465
archéologie révèlent une autre zone de contact ou
de
contamination entre les deux mythes, le grec et le biblique. Voyons d
466
r venu de la région du Delta pour habiter le pays
de
Canaan, est le père de cinq fils et d’une fille : Europe. Cette derni
467
Delta pour habiter le pays de Canaan, est le père
de
cinq fils et d’une fille : Europe. Cette dernière ayant été enlevée p
468
er le pays de Canaan, est le père de cinq fils et
d’
une fille : Europe. Cette dernière ayant été enlevée par le taureau di
469
in (ou par le roi de Crète Taurus), les cinq fils
d’
Agénor partent à sa recherche, sur l’ordre de leur père. Comme ils ign
470
fils d’Agénor partent à sa recherche, sur l’ordre
de
leur père. Comme ils ignorent où est allé le taureau, ils prennent ch
471
future Carthage, où il donne son nom aux Punici (
de
Pœni) puis revient en Canaan, qui sera rebaptisé Phénicie en son honn
472
inq frères va d’abord à Rhodes, puis en Thrace et
de
là, à Delphes. Il interroge l’oracle pour savoir où il trouvera Europ
473
ir où il trouvera Europe. La Pythie lui conseille
d’
abandonner sa Quête, et de suivre plutôt une vache : là où cette vache
474
La Pythie lui conseille d’abandonner sa Quête, et
de
suivre plutôt une vache : là où cette vache tombera de fatigue, Cadmu
475
ivre plutôt une vache : là où cette vache tombera
de
fatigue, Cadmus devra bâtir une ville. Il achète donc une vache marqu
476
bâtir une ville. Il achète donc une vache marquée
d’
une pleine lune blanche sur chaque flanc, la chasse devant lui sans ré
477
’effondre, épuisée, au lieu où s’élèvera la ville
de
Thèbes. On voit donc que la Quête d’Europe — selon ce groupe de légen
478
era la ville de Thèbes. On voit donc que la Quête
d’
Europe — selon ce groupe de légendes rapportées notamment par Pausania
479
voit donc que la Quête d’Europe — selon ce groupe
de
légendes rapportées notamment par Pausanias — se confond avec les voy
480
ien, dès ces débuts fabuleux, il paraît difficile
de
« retrouver Europe » ! C’est la poursuite de son image mythique qui f
481
cile de « retrouver Europe » ! C’est la poursuite
de
son image mythique qui fait découvrir aux cinq frères sa réalité géog
482
le au plus actif d’entre eux. Voilà qui est plein
d’
enseignements. Rechercher l’Europe c’est la faire ! En d’autres termes
483
en Chnas, qui apparaît dans la Genèse sous le nom
de
Canaan. Nombre de coutumes cananéennes indiquent une provenance est-a
484
raît dans la Genèse sous le nom de Canaan. Nombre
de
coutumes cananéennes indiquent une provenance est-africaine, et les C
485
vallée du Nil et le Delta. La dispersion des fils
d’
Agénor rappellerait, selon Robert Graves, la fuite vers l’ouest des Ca
486
Elle correspond en tout cas à la grande aventure
de
ces premiers descubridores que furent les Phéniciens. Voici comment V
487
d ramasse en une page étonnante tout cet ensemble
de
symboles et de réalités historiques que sa thèse « phénicienne » nous
488
e page étonnante tout cet ensemble de symboles et
de
réalités historiques que sa thèse « phénicienne » nous rend intelligi
489
mérique, s’étaient lancés pareillement à la quête
d’
une Terre occidentale, qu’en leur langue, ils devaient nommer la « ter
490
mer la « terre du Couchant », Eréba. Ils tenaient
de
leurs maîtres égyptiens la notion de cette « belle Amenât », de ce Co
491
Ils tenaient de leurs maîtres égyptiens la notion
de
cette « belle Amenât », de ce Couchant mystérieux où l’Égypte plaçait
492
es égyptiens la notion de cette « belle Amenât »,
de
ce Couchant mystérieux où l’Égypte plaçait le séjour éternel et bienh
493
l’Égypte plaçait le séjour éternel et bienheureux
de
ses morts. De cette quête de l’Eréba, les Hellènes firent leur légend
494
it le séjour éternel et bienheureux de ses morts.
De
cette quête de l’Eréba, les Hellènes firent leur légende de la belle
495
ernel et bienheureux de ses morts. De cette quête
de
l’Eréba, les Hellènes firent leur légende de la belle Europé, « l’Occ
496
uête de l’Eréba, les Hellènes firent leur légende
de
la belle Europé, « l’Occidentale », poursuivie par son frère Cadmos,
497
Agénor, roi de Tyr, avait envoyé à la recherche :
de
Phénicie en Crète, en Béotie, en Illyrie, Cadmos avait marché vers ce
498
alents pour cette Terre du Couchant, que les gens
de
Tyr-Sidon se figuraient sans doute à l’origine comme une masse compac
499
te, un continent « prodigieux », semblable à l’un
de
ceux qu’ils pouvaient connaître en leur voisinage, Asie et Libye… Com
500
leur voisinage, Asie et Libye… Combien fallut-il
d’
années aux découvreurs de passes pour découper cette masse en îles, pr
501
Libye… Combien fallut-il d’années aux découvreurs
de
passes pour découper cette masse en îles, presqu’îles et territoires
502
ue : ils voulurent pousser plus loin la recherche
de
Cadmos et reculer toujours le gîte de cet autre monde : quand, au-del
503
a recherche de Cadmos et reculer toujours le gîte
de
cet autre monde : quand, au-delà de Calypso et des Colonnes d’Hercule
504
jours le gîte de cet autre monde : quand, au-delà
de
Calypso et des Colonnes d’Hercule, s’ouvrit devant eux l’Océan sans b
505
monde : quand, au-delà de Calypso et des Colonnes
d’
Hercule, s’ouvrit devant eux l’Océan sans bornes, ils soutinrent qu’Es
506
éan sans bornes, ils soutinrent qu’Espéris, fille
d’
Atlas, — l’Atlantide — s’était effondrée dans ces eaux, où quelques-un
507
s’était effondrée dans ces eaux, où quelques-uns
de
nos navigateurs modernes ont pensé la retrouver, où certains de nos g
508
eurs modernes ont pensé la retrouver, où certains
de
nos géographes et géologues s’entêtent encore à l’entrevoir.17 Mais
509
e à l’entrevoir.17 Mais la pleine signification
de
la légende de Cadmus est encore loin d’être épuisée par ce rappel de
510
r.17 Mais la pleine signification de la légende
de
Cadmus est encore loin d’être épuisée par ce rappel de la découverte
511
ification de la légende de Cadmus est encore loin
d’
être épuisée par ce rappel de la découverte du Couchant. En effet, et
512
dmus est encore loin d’être épuisée par ce rappel
de
la découverte du Couchant. En effet, et toujours selon Victor Bérard,
513
resque unanime attribuait à Cadmus l’introduction
de
l’alphabet en Grèce, et plaçait la venue de Cadmus au début du xve s
514
but du xve siècle ». Or les trouvailles récentes
de
l’archéologie confirment cette date. Par la Crète, l’alphabet nous vi
515
x-ci colonisèrent la Béotie et y firent souche et
de
leurs nobles dynasties des « Cadméens » procèdent nombre des lettrés
516
Sept Sages, fondèrent plus tard en Ionie, patrie
d’
Homère, la prose grecque et la philosophie. Qu’on n’oublie pas non plu
517
cu en Béotie… Relevons enfin deux autres éléments
de
parenté mythologique. Si Agénor, père d’Europe, est Canaan, il serait
518
, est Canaan, il serait, selon la Genèse, ce fils
de
Cham promis à l’esclavage. Le mythe gréco-phénicien et la légende de
519
esclavage. Le mythe gréco-phénicien et la légende
de
Japhet se recouperaient donc en ce point, non sans qu’il en résulte d
520
aient donc en ce point, non sans qu’il en résulte
de
nouvelles incertitudes et complexités, puisque Europe descendrait ain
521
et complexités, puisque Europe descendrait ainsi
de
Cham selon la légende classique et son interprétation phénicienne, ta
522
elon la tradition biblique, c’est aux descendants
de
Japhet qu’aurait été promis le continent occidental. Non moins curieu
523
is déconcerte, entre le Japhet de la Genèse, fils
de
Noé, et le Japet de la mythologie, ce Titan père de Prométhée, et don
524
le Japhet de la Genèse, fils de Noé, et le Japet
de
la mythologie, ce Titan père de Prométhée, et donc grand-père de Deuc
525
Noé, et le Japet de la mythologie, ce Titan père
de
Prométhée, et donc grand-père de Deucalion, qui fut précisément le No
526
18 : Japhet, qui a peuplé la plus grande partie
de
l’Occident, y est demeuré célèbre sous le nom fameux d’Iapet. Nous a
527
ccident, y est demeuré célèbre sous le nom fameux
d’
Iapet. Nous allons voir comment s’explique cette apparente confusion.
528
la pratiquent sans art. À travers des filiations
de
signes et de sons qu’il est parfois possible d’établir sans équivoque
529
t sans art. À travers des filiations de signes et
de
sons qu’il est parfois possible d’établir sans équivoque, elle se pro
530
s de signes et de sons qu’il est parfois possible
d’
établir sans équivoque, elle se propose de rechercher des significatio
531
ossible d’établir sans équivoque, elle se propose
de
rechercher des significations, tenant les primitives pour plus authen
532
st significatif. Elle décrit donc les préférences
de
celui qui découvre une « vraie » racine, plutôt qu’elle ne statue sur
533
ne, plutôt qu’elle ne statue sur le « vrai » sens
d’
un mot. Et c’est pourquoi il est intéressant de rappeler ici quelques-
534
ns d’un mot. Et c’est pourquoi il est intéressant
de
rappeler ici quelques-unes des « origines » retenues par diverses épo
535
tenues par diverses époques pour expliquer ce nom
d’
Europe, dont Hérodote pensait que nul mortel ne saurait espérer découv
536
sur la double croyance traditionnelle que le nom
d’
Europe vient de l’hébreu et que notre continent fut la part de Japhet.
537
nt de l’hébreu et que notre continent fut la part
de
Japhet. (Il s’agit donc, comme on l’a vu plus haut, de donner une rac
538
phet. (Il s’agit donc, comme on l’a vu plus haut,
de
donner une racine biblique à ce nom qui, autrement, rappellerait fâch
539
t les coupables amours du roi des dieux païens et
d’
une fille de Tyr, cette ville cent fois maudite par les Prophètes.) Go
540
les amours du roi des dieux païens et d’une fille
de
Tyr, cette ville cent fois maudite par les Prophètes.) Goropius écrit
541
n mariage légitime ; Ur, excellent, Hop, espoir :
d’
où réussit Europ soit espoir excellent d’un mariage légitime, lequel a
542
espoir : d’où réussit Europ soit espoir excellent
d’
un mariage légitime, lequel a été propre de cette portion des terres,
543
ellent d’un mariage légitime, lequel a été propre
de
cette portion des terres, laquelle Noé donna à Japhet pour sa demeure
544
het pour sa demeure. Car combien que la postérité
de
Sem a été plusieurs siècles alliée avec Dieu en la race d’Abraham, si
545
été plusieurs siècles alliée avec Dieu en la race
d’
Abraham, si a elle toutefois répudiée. Mais le mariage, par lequel le
546
jamais rompu : de sorte qu’à bon droit la portion
de
Japhet est dite Europe. b) Après l’étymologie fantaisiste, voici la
547
fantaisiste, voici la celtique : dans leur Atlas
de
géographie ancienne et moderne publié en 1829, Lapie père et Lapie fi
548
t, paraît s’imposer tout d’abord par des raisons…
d’
orientation ! Ainsi l’historien roumain Nicolas Jorga écrivait en 1932
549
iens peuples orientaux qui vivaient dans les pays
d’
où se lève le soleil, c’est-à-dire en Asie, par le mot Europe, on ente
550
ope, on entendait le pays où le soleil se couche.
De
leur côté, la lumière ; du nôtre, l’obscurité, les ténèbres, l’Arip,
551
, mot que l’on doit mettre à côté du sombre Érèbe
de
la mythologie grecque. En effet, ne pouvant pas déplacer encore davan
552
s haut sur les origines « phéniciennes » du mythe
d’
Europe vient renforcer la vraisemblance de l’étymologie ereb. Mais voi
553
u mythe d’Europe vient renforcer la vraisemblance
de
l’étymologie ereb. Mais voici, de surcroît, un argument immédiatement
554
a vraisemblance de l’étymologie ereb. Mais voici,
de
surcroît, un argument immédiatement tiré de la phonétique. On sait qu
555
oici, de surcroît, un argument immédiatement tiré
de
la phonétique. On sait qu’en hébreu, ce sont les consonnes qui compte
556
re en faveur de l’origine sémitique : On a cessé
de
croire à la parenté d’Erèbe et d’Europe, par quoi entendre une parent
557
ne sémitique : On a cessé de croire à la parenté
d’
Erèbe et d’Europe, par quoi entendre une parenté directe, comme celle
558
e : On a cessé de croire à la parenté d’Erèbe et
d’
Europe, par quoi entendre une parenté directe, comme celle du frère et
559
ndre une parenté directe, comme celle du frère et
de
la sœur. Cependant, il y a un lien indirect, et c’est encore la mytho
560
iode — engendra donc la Nuit. Et la Nuit engendra
de
terribles enfants : la Détresse, le Trépas, la Mort, les Parques, Ném
561
personne », le Sommeil, les Songes ; mais enfin,
de
son frère Erèbe lui-même, l’Éther et la Lumière du jour, cette lumièr
562
mière du jour, cette lumière victorieuse qui naît
de
la nuit pour la tuer. Puis Erèbe prit un sens dérivé : les profondeur
563
ique ereb, soir. d) Reste notre nom grec, celui
de
la fille d’Agénor. Ici, nous invoquerons de nouveau G. de Reynold21 :
564
oir. d) Reste notre nom grec, celui de la fille
d’
Agénor. Ici, nous invoquerons de nouveau G. de Reynold21 : Europe est
565
us rarement euruopè, une des épithètes homériques
de
Zeus. Euruopa se relève plusieurs fois dans l’Iliade et l’Odyssée : e
566
ment récents. Ces formes sont des vocatifs. Celle
d’
euruopa est également employée comme nominatif éolien ou bien comme ac
567
ogie, elle est facile. Nous avons là des composés
de
deux autres mots grecs : l’adjectif eurus, large, ample, spacieux ; l
568
yeux, au beau regard, au beau visage. La parenté
d’
Europe avec l’épithète homérique de Zeus est ainsi évidente. Eurôpè,
569
ge. La parenté d’Europe avec l’épithète homérique
de
Zeus est ainsi évidente. Eurôpè, de son côté, n’a point tardé à prod
570
te homérique de Zeus est ainsi évidente. Eurôpè,
de
son côté, n’a point tardé à produire son masculin eurôpos. « Zeus qui
571
» a sa cité divine sur l’Olympe : dans le massif
de
l’Olympe, le Pénée prend sa source, et il a pour affluent l’Europos.
572
uropos. Le fait qu’« europe » est un qualificatif
de
Zeus amène à se demander s’il ne se serait pas produit un dédoublemen
573
à son tour des possibilités diverses. Voici l’une
d’
elles, explorée par Robert Graves22, dans les notes jointes à son chap
574
ues signalées par cet auteur donnera quelque idée
de
l’extrême complexité du thème : Europe signifie « large face », syno
575
thème : Europe signifie « large face », synonyme
de
pleine lune et l’un des titres des déesses-Lune, Demeter à Labadie et
576
bien irrigué ». Le saule régit le cinquième mois
de
l’année sacrée23 et il est associé à la magie et aux rites de fertili
577
acrée23 et il est associé à la magie et aux rites
de
fertilité dans toute l’Europe… Le rapt d’Europe par Zeus, qui rappell
578
x rites de fertilité dans toute l’Europe… Le rapt
d’
Europe par Zeus, qui rappelle une très longue occupation de la Crète p
579
par Zeus, qui rappelle une très longue occupation
de
la Crète par les Hellènes, a été tiré d’images préhelléniques de la P
580
cupation de la Crète par les Hellènes, a été tiré
d’
images préhelléniques de la Prêtresse lunaire chevauchant triomphaleme
581
les Hellènes, a été tiré d’images préhelléniques
de
la Prêtresse lunaire chevauchant triomphalement le taureau solaire, s
582
e. La scène est dépeinte par huit plaques moulées
de
verre bleu, trouvées dans la cité mycénienne de Midea : il semble qu’
583
s de verre bleu, trouvées dans la cité mycénienne
de
Midea : il semble qu’elle fasse partie d’un rituel de fertilité au co
584
énienne de Midea : il semble qu’elle fasse partie
d’
un rituel de fertilité au cours duquel la guirlande de Mai d’Europe ét
585
idea : il semble qu’elle fasse partie d’un rituel
de
fertilité au cours duquel la guirlande de Mai d’Europe était portée e
586
rituel de fertilité au cours duquel la guirlande
de
Mai d’Europe était portée en procession. Quant à la séduction d’Europ
587
de fertilité au cours duquel la guirlande de Mai
d’
Europe était portée en procession. Quant à la séduction d’Europe par Z
588
était portée en procession. Quant à la séduction
d’
Europe par Zeus changé en aigle24, elle rappelle la séduction d’Héra p
589
eus changé en aigle24, elle rappelle la séduction
d’
Héra par Zeus changé en coucou ; et selon Hésychius, Héra portait le t
590
oucou ; et selon Hésychius, Héra portait le titre
d’
Europia. Le nom crétois et corinthien d’Europe était Hellotis, qui évo
591
le titre d’Europia. Le nom crétois et corinthien
d’
Europe était Hellotis, qui évoque Helice (saule) ; Hellé et Hélène son
592
que le plane était aussi tenu pour l’arbre sacré
d’
Hélène. Sa sainteté s’explique par les cinq pointes de sa feuille, rep
593
lène. Sa sainteté s’explique par les cinq pointes
de
sa feuille, représentant les cinq doigts de la déesse… Faut-il rappe
594
intes de sa feuille, représentant les cinq doigts
de
la déesse… Faut-il rappeler au surplus que Hellén — masculin d’Hélèn
595
Faut-il rappeler au surplus que Hellén — masculin
d’
Hélène et ancêtre éponyme de tous les Hellènes — était le fils de Deuc
596
que Hellén — masculin d’Hélène et ancêtre éponyme
de
tous les Hellènes — était le fils de Deucalion ? Que celui-ci est le
597
être éponyme de tous les Hellènes — était le fils
de
Deucalion ? Que celui-ci est le Noé de la mythologie grecque, seul re
598
it le fils de Deucalion ? Que celui-ci est le Noé
de
la mythologie grecque, seul rescapé avec Pyrrha sa femme (grâce à l’A
599
une que Prométhée son père lui a fait construire)
d’
un déluge dont une colombe lui annonça la fin ? Hellén est donc l’arri
600
des symboles et des mythes ! On n’en finirait pas
de
les préciser, de les distinguer, de les contraster — jusqu’au moment
601
es mythes ! On n’en finirait pas de les préciser,
de
les distinguer, de les contraster — jusqu’au moment où ils apparaîtra
602
finirait pas de les préciser, de les distinguer,
de
les contraster — jusqu’au moment où ils apparaîtraient, peut-être, co
603
nt où ils apparaîtraient, peut-être, comme autant
de
récits véridiques d’une seule et même histoire, vue par divers témoin
604
ent, peut-être, comme autant de récits véridiques
d’
une seule et même histoire, vue par divers témoins. 6.Le concept gé
605
ins. 6.Le concept géographique On a coutume
d’
attribuer à Paul Valéry la remarque que l’Europe n’est qu’un cap ou «
606
ue que l’Europe n’est qu’un cap ou « un appendice
de
l’Asie ». Voici son texte le plus souvent cité à ce sujet : L’Europe
607
u’elle paraît, c’est-à-dire : la partie précieuse
de
l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
608
partie précieuse de l’univers terrestre, la perle
de
la sphère, le cerveau d’un vaste corps ?25 Ailleurs encore Valéry n
609
vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau
d’
un vaste corps ?25 Ailleurs encore Valéry nomme l’Europe une sorte
610
Ailleurs encore Valéry nomme l’Europe une sorte
de
cap du vieux continent, un appendice occidental de l’Asie. Cela fit
611
e cap du vieux continent, un appendice occidental
de
l’Asie. Cela fit naguère sensation. Il s’agit en réalité d’un lieu c
612
Cela fit naguère sensation. Il s’agit en réalité
d’
un lieu commun des géographes depuis des siècles. Citons-en quelques-u
613
er un tout indépendant. Ce n’est qu’une péninsule
de
l’Asie, l’extrémité, la pointe du continent asiatique.29 Et, dans l
614
lus, Auguste Himly, Raoul Blanchard, tous auteurs
d’
Atlas et de manuels classiques. Mais une comparaison non moins traditi
615
e Himly, Raoul Blanchard, tous auteurs d’Atlas et
de
manuels classiques. Mais une comparaison non moins traditionnelle fai
616
ais une comparaison non moins traditionnelle fait
de
l’Europe une Grèce agrandie30 : On a souvent dit que l’Europe était
617
riée et coupée, des limites naturelles ; entourée
de
mers, baignée de golfes profonds, elle tenait un heureux milieu entre
618
es limites naturelles ; entourée de mers, baignée
de
golfes profonds, elle tenait un heureux milieu entre l’hiver de la Sc
619
onds, elle tenait un heureux milieu entre l’hiver
de
la Scythie et les ardeurs de l’Égypte. Elle dominait alors les mers l
620
milieu entre l’hiver de la Scythie et les ardeurs
de
l’Égypte. Elle dominait alors les mers les plus connues. Mais ce para
621
t être étendu à des rapports plus nobles que ceux
de
la nature corporelle. Le jeu mutuel de plusieurs caractères nationaux
622
s que ceux de la nature corporelle. Le jeu mutuel
de
plusieurs caractères nationaux différents et même opposés ; l’esprit
623
s nationaux différents et même opposés ; l’esprit
de
liberté tant civil que politique : voilà les deux grands points de re
624
ivil que politique : voilà les deux grands points
de
ressemblance. Pourtant ce ne sont pas les Grecs qui ont « découvert
625
ais bien les Phéniciens, étendant leurs comptoirs
de
commerce, leur piraterie et leurs explorations maritimes à toute la M
626
toute la Méditerranée, puis au-delà des Colonnes
d’
Hercule jusqu’aux Canaries, à la Bretagne, aux Îles Britanniques et à
627
tanniques et à la mer du Nord, où le Monde cesse…
De
Carthage, colonie de Tyr (fondée nous l’avons vu, par Phœnix, l’un de
628
du Nord, où le Monde cesse… De Carthage, colonie
de
Tyr (fondée nous l’avons vu, par Phœnix, l’un des frères d’Europe), H
629
selon Pline, reçut un siècle plus tard la mission
de
remonter les côtes atlantiques de l’Europe : Sicut ad extera Europæ
630
tard la mission de remonter les côtes atlantiques
de
l’Europe : Sicut ad extera Europæ noscenda missus eodem tempore Himi
631
noscenda missus eodem tempore Himilco. Un poète
de
la décadence, Rufius Festus Avenius, devait mettre en vers latin, ver
632
ttre en vers latin, vers 370, le récit du périple
d’
Himilco : Au-delà des Colonnes, sur les plages d’Europe, les Carthagi
633
d’Himilco : Au-delà des Colonnes, sur les plages
d’
Europe, les Carthaginois eurent autrefois des établissements et des vi
634
établissements et des villes. Leur coutume était
de
construire des navires à carène plate, propres à glisser sur une mer
635
rapporte qu’en dehors des Colonnes, à l’Occident
de
l’Europe, s’étend une mer sans limites ; l’océan s’y déploie vers des
636
it la voile. Aussi l’air y est-il enveloppé comme
d’
un manteau de brouillards ; une brume épaisse cache en tout temps les
637
Aussi l’air y est-il enveloppé comme d’un manteau
de
brouillards ; une brume épaisse cache en tout temps les flots, et de
638
e brume épaisse cache en tout temps les flots, et
de
sombres vapeurs y voilent la clarté du jour. Cependant les Grecs ont
639
t été les premiers à donner à ce continent le nom
de
la princesse enlevée par leur dieu aux Phéniciens, précisément : d’ap
640
c’est le savant Hippias d’Élis, inventeur allégué
de
la mnémotechnie, qui aurait le premier nommé les parties du monde d’a
641
é vers 540 av. J.-C., avait écrit une Description
de
la Terre en deux livres, dont l’un consacré à l’Europe, l’autre à l’A
642
n Prométhée joué en 472, Eschyle fait dire à l’un
de
ses héros décrivant un voyage qui implique la traversée du Bosphore :
643
raversée du Bosphore : Dès lors, laissant le sol
d’
Europe, tu prendras pied sur le continent d’Asie. Anaximandre pense
644
e sol d’Europe, tu prendras pied sur le continent
d’
Asie. Anaximandre pense de même31. Mais à partir de là, tous les aut
645
pied sur le continent d’Asie. Anaximandre pense
de
même31. Mais à partir de là, tous les auteurs antiques jusqu’à Strabo
646
ent la même définition : l’Europe va des Colonnes
d’
Hercule (c’est Gibraltar) jusqu’au Phase — ou Rioni — petit fleuve qui
647
te et que nous qui habitons du Phase aux Colonnes
d’
Hercule, nous n’en habitons qu’une petite partie, vivant tout autour d
648
mer, comme des fourmis et des grenouilles autour
d’
un marécage, et qu’il y a par ailleurs divers et nombreux peuples qui
649
d’autres contrées semblables. C’est ici le lieu
de
rappeler que Socrate fut le premier philosophe à dire que sa patrie é
650
Reynold32 distingue trois étapes dans le passage
de
la conception mythique et géographique au plan politique et « culture
651
hique au plan politique et « culturel » : l’étape
d’
Hippocrate, celle d’Aristote et celle d’Isocrate. Voici les textes : V
652
que et « culturel » : l’étape d’Hippocrate, celle
d’
Aristote et celle d’Isocrate. Voici les textes : Vers la fin du Ve siè
653
: l’étape d’Hippocrate, celle d’Aristote et celle
d’
Isocrate. Voici les textes : Vers la fin du Ve siècle av. J.-C., Hippo
654
a fin du Ve siècle av. J.-C., Hippocrate (ou l’un
de
ses disciples), dans son Traité des airs, des eaux et des lieux fait
655
s différens phénomènes qui, par leur dissemblance
de
caractère, font distinguer l’Asie de l’Europe. Dissemblance qui s’éte
656
ux parties du monde, qu’ils contrastent entre eux
d’
une manière étonnante. Comme il serait trop difficile de traiter ces p
657
manière étonnante. Comme il serait trop difficile
de
traiter ces phénomènes dans tous leurs développements, je me bornerai
658
J’avance donc que l’Asie diffère considérablement
de
l’Europe, non seulement en ce qui est particulier aux hommes, mais en
659
re en ce qui est relatif à toutes les productions
de
la terre. Tous les caractères des différens phénomènes sont donc comm
660
empérature la plus habituelle en est plus douce ;
d’
où il suit encore que les peuples qui l’habitent sont d’un naturel plu
661
l suit encore que les peuples qui l’habitent sont
d’
un naturel plus doux et d’un esprit plus pénétrant… § 21. Si donc les
662
les qui l’habitent sont d’un naturel plus doux et
d’
un esprit plus pénétrant… § 21. Si donc les Asiatiques sont pusillanim
663
t pusillanimes, sans courage, moins belliqueux et
d’
un caractère plus doux que les Européens, c’est encore dans la nature
664
faut chercher la principale cause. En Asie, loin
d’
éprouver de fortes tribulations, celles-ci ont à peu près les mêmes ca
665
her la principale cause. En Asie, loin d’éprouver
de
fortes tribulations, celles-ci ont à peu près les mêmes caractères, p
666
s les mêmes caractères, passant du froid au chaud
d’
une manière insensible ; de sorte que dans une telle température la fa
667
toujours égale ; car ce sont les passages rapides
d’
un extrême à l’autre qui stimulent les esprits de l’homme, et font naî
668
d’un extrême à l’autre qui stimulent les esprits
de
l’homme, et font naître les idées de s’arracher à son état d’inertie
669
les esprits de l’homme, et font naître les idées
de
s’arracher à son état d’inertie et d’insouciance. Mais, non seulement
670
et font naître les idées de s’arracher à son état
d’
inertie et d’insouciance. Mais, non seulement, je pense que c’est au d
671
e les idées de s’arracher à son état d’inertie et
d’
insouciance. Mais, non seulement, je pense que c’est au défaut de pare
672
Mais, non seulement, je pense que c’est au défaut
de
pareils changemens qu’il faut attribuer la pusillanimité des Asiatiqu
673
auxquelles ils sont soumis. La plus grande partie
de
l’Asie étant gouvernée par des rois, il en résulte que partout où les
674
ulte que partout où les hommes ne sont ni maîtres
de
leurs volontés, ni gouvernés par les lois qu’ils se sont données, mai
675
uper du métier des armes, ils ont même grand soin
de
ne point paraître avoir l’inclination guerrière, par la raison que le
676
es intérêts) ne sont pas également partagés. Sous
de
tels gouvernements les sujets sont forcés d’aller à la guerre, d’en s
677
Sous de tels gouvernements les sujets sont forcés
d’
aller à la guerre, d’en supporter toutes les peines, et de mourir même
678
ments les sujets sont forcés d’aller à la guerre,
d’
en supporter toutes les peines, et de mourir même pour leurs maîtres,
679
à la guerre, d’en supporter toutes les peines, et
de
mourir même pour leurs maîtres, loin de leurs enfans, de leurs femmes
680
ir même pour leurs maîtres, loin de leurs enfans,
de
leurs femmes et de leurs amis. Leurs exploits ne servent donc qu’à au
681
maîtres, loin de leurs enfans, de leurs femmes et
de
leurs amis. Leurs exploits ne servent donc qu’à augmenter et à propag
682
nt donc qu’à augmenter et à propager la puissance
de
leurs tyrans, lorsque les dangers et la mort sont les seuls fruits qu
683
la mort sont les seuls fruits qu’ils recueillent
de
leur bravoure. Ajoutez à cela que sous de tels hommes la terre reste
684
eillent de leur bravoure. Ajoutez à cela que sous
de
tels hommes la terre reste encore sans culture, autant par l’inertie
685
e reste encore sans culture, autant par l’inertie
de
leur tempérament, que par la crainte des ravages de la guerre ; de so
686
leur tempérament, que par la crainte des ravages
de
la guerre ; de sorte que, quand même il se trouverait parmi eux des h
687
rmi eux des hommes braves et courageux, la nature
de
leurs lois doit s’ajouter à la répugnance de donner essor à leur cour
688
ture de leurs lois doit s’ajouter à la répugnance
de
donner essor à leur courage. § 23… Ce qu’on vient d’observer à l’égar
689
donner essor à leur courage. § 23… Ce qu’on vient
d’
observer à l’égard du caractère du physique, peut aussi s’appliquer au
690
ractères moraux. Aussi voit-on les Européens être
d’
un naturel plus sauvage, insociable, emporté, par cela même que vivant
691
rendent l’homme agreste, et dépouillent ses mœurs
de
douceur et d’aménité. Par la même raison, je les regarde donc comme p
692
e agreste, et dépouillent ses mœurs de douceur et
d’
aménité. Par la même raison, je les regarde donc comme plus courageux
693
donc comme plus courageux que les Asiatiques, car
de
l’influence d’une température uniforme naît l’insouciance et la pares
694
courageux que les Asiatiques, car de l’influence
d’
une température uniforme naît l’insouciance et la paresse, ce qui est
695
causes du caractère plus belliqueux des habitants
de
l’Europe que des Asiatiques. Mais il n’en est pas moins certain que l
696
ce que l’âme asservie ne peut avoir aucune envie
de
risquer sa personne, sans autre intérêt que celui d’augmenter la puis
697
risquer sa personne, sans autre intérêt que celui
d’
augmenter la puissance de qui l’opprime. Le passage essentiel d’Arist
698
autre intérêt que celui d’augmenter la puissance
de
qui l’opprime. Le passage essentiel d’Aristote (384-322 av. J.-C.) s
699
puissance de qui l’opprime. Le passage essentiel
d’
Aristote (384-322 av. J.-C.) sur l’Europe se trouve au livre VII, chap
700
sur l’Europe se trouve au livre VII, chapitre 6,
de
la Politique : Les peuples qui habitent les pays froids et les diffé
701
itent les pays froids et les différentes contrées
de
l’Europe sont généralement pleins de courage, mais ils sont inférieur
702
tes contrées de l’Europe sont généralement pleins
de
courage, mais ils sont inférieurs sous le rapport de l’intelligence e
703
t inférieurs sous le rapport de l’intelligence et
de
l’industrie. C’est pour cette raison qu’ils savent mieux conserver le
704
conserver leur liberté, mais ils sont incapables
d’
organiser un gouvernement et ils ne peuvent pas conquérir les pays voi
705
uvent pas conquérir les pays voisins. Les peuples
de
l’Asie sont intelligents et propres à l’industrie, mais ils manquent
706
gents et propres à l’industrie, mais ils manquent
de
courage, et c’est pour cela qu’ils ne sortent pas de leur assujettiss
707
courage, et c’est pour cela qu’ils ne sortent pas
de
leur assujettissement et de leur esclavage perpétuels. La race des Gr
708
qu’ils ne sortent pas de leur assujettissement et
de
leur esclavage perpétuels. La race des Grecs, occupant les contrées i
709
s contrées intermédiaires, réunit ces deux sortes
de
caractères, elle est brave et intelligente. Aussi demeure-t-elle libr
710
Après cette étape « hégémonique » vient l’étape
de
« l’adoption ». Elle est caractérisée par la phrase célèbre d’Isocrat
711
on ». Elle est caractérisée par la phrase célèbre
d’
Isocrate, contemporain de Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et anc
712
ée par la phrase célèbre d’Isocrate, contemporain
de
Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et ancêtre de tous les « conféd
713
Platon (ve au ive siècle av. J.-C.) et ancêtre
de
tous les « confédéralistes » ou « unionistes » européens : On appell
714
nant la généalogie des descriptions géographiques
de
l’Europe, d’Hérodote à saint Augustin. Hérodote, écrivant au ve siè
715
logie des descriptions géographiques de l’Europe,
d’
Hérodote à saint Augustin. Hérodote, écrivant au ve siècle av. J.-C.
716
pe comme une région nordique assez mal distinguée
de
la Scythie, qui est la plaine russe. Il lui donne pour axe le Danube,
717
’Europe entière, il entre dans la Scythie par une
de
ses extrémités. Cependant, Hérodote se demande pourquoi la Terre ét
718
ui donne trois noms différents, qui sont des noms
de
femmes. En effet, selon Strabon : Du temps d’Homère, ni l’Europe, n
719
s de femmes. En effet, selon Strabon : Du temps
d’
Homère, ni l’Europe, ni l’Asie n’avaient reçu leurs noms respectifs ;
720
fait trop marquant qu’il n’eût certes pas négligé
de
mentionner. Et pourtant, il semble qu’Homère ait eu la notion de l’E
721
Et pourtant, il semble qu’Homère ait eu la notion
de
l’Europe. On lit au chant XIV de l’Iliade, à propos d’Hypnos et d’Hér
722
ait eu la notion de l’Europe. On lit au chant XIV
de
l’Iliade, à propos d’Hypnos et d’Héré : Tous deux allèrent sur le co
723
it au chant XIV de l’Iliade, à propos d’Hypnos et
d’
Héré : Tous deux allèrent sur le continent, et le haut des forêts s’a
724
Strabon, Grec du Pont, écrivant sous les règnes
d’
Auguste et de Tibère, nous donne un premier grand tableau géographique
725
ec du Pont, écrivant sous les règnes d’Auguste et
de
Tibère, nous donne un premier grand tableau géographique de l’Europe,
726
nous donne un premier grand tableau géographique
de
l’Europe, continent supérieur aux deux autres, nous dit-il, à cause
727
e l’a placé pour le développement moral et social
de
ses habitants… Car même dans les régions montagneuses, leur intellige
728
nt vaincu la nature et permis à leur civilisation
de
se développer. Suit une théorie des climats, qui rappelle l’école d’
729
uit une théorie des climats, qui rappelle l’école
d’
Hippocrate et qui fera fortune jusqu’au xixe siècle ; on la retrouve
730
eur goût pour les arts et à leur parfaite entente
de
toutes les conditions de la vie matérielle. Les Romains, de leur côté
731
à leur parfaite entente de toutes les conditions
de
la vie matérielle. Les Romains, de leur côté, après avoir incorporé à
732
les conditions de la vie matérielle. Les Romains,
de
leur côté, après avoir incorporé à leur empire maintes nations restée
733
upaient et que leur âpreté naturelle, leur manque
de
ports, la rigueur de leur climat ou telle autre cause rendaient presq
734
preté naturelle, leur manque de ports, la rigueur
de
leur climat ou telle autre cause rendaient presque inhabitables, sont
735
t presque inhabitables, sont parvenus à les tirer
de
leur isolement, à les mettre en rapport les unes avec les autres, et
736
tres, et à ployer les plus barbares aux habitudes
de
la vie sociale. Mais dans le reste de la partie habitable, là où le s
737
x habitudes de la vie sociale. Mais dans le reste
de
la partie habitable, là où le sol de l’Europe est uni et son climat t
738
ans le reste de la partie habitable, là où le sol
de
l’Europe est uni et son climat tempéré, la nature semble avoir tout f
739
ure semble avoir tout fait pour hâter les progrès
de
la civilisation. Comme il arrive, en effet, que dans les contrées ria
740
iantes et fertiles, les populations sont toujours
d’
humeur pacifique, tandis qu’elles sont belliqueuses et énergiques dans
741
s’établit entre les unes et les autres un échange
de
mutuels services, les secondes prêtant le secours de leurs armes aux
742
mutuels services, les secondes prêtant le secours
de
leurs armes aux premières qui les aident à leur tour des productions
743
mières qui les aident à leur tour des productions
de
leur sol, des travaux de leurs artistes et des leçons de leurs philos
744
eur tour des productions de leur sol, des travaux
de
leurs artistes et des leçons de leurs philosophes. En revanche, on co
745
sol, des travaux de leurs artistes et des leçons
de
leurs philosophes. En revanche, on conçoit tout le mal qu’elles peuve
746
’elles peuvent se faire pour peu qu’elles cessent
de
s’entraider ainsi, l’avantage dans le cas d’un conflit, devant être,
747
sent de s’entraider ainsi, l’avantage dans le cas
d’
un conflit, devant être, à ce qu’il semble, du côté de ces populations
748
lations toujours armées et toujours prêtes à user
de
violence, à moins pourtant qu’elles ne succombent sous le nombre. Eh
749
Eh bien ! à cet égard, là encore, l’Europe a reçu
de
la nature de grands avantages. Comme elle est, en effet, toute parsem
750
et égard, là encore, l’Europe a reçu de la nature
de
grands avantages. Comme elle est, en effet, toute parsemée de montagn
751
antages. Comme elle est, en effet, toute parsemée
de
montagnes et de plaines, partout les populations agricoles et civilis
752
lle est, en effet, toute parsemée de montagnes et
de
plaines, partout les populations agricoles et civilisées y vivent côt
753
ervir et la propager. Il s’ensuit aussi qu’en cas
de
guerre, l’Europe est en état de suffire à elle-même, puisque, à côté
754
t aussi qu’en cas de guerre, l’Europe est en état
de
suffire à elle-même, puisque, à côté d’une population nombreuse de cu
755
t en état de suffire à elle-même, puisque, à côté
d’
une population nombreuse de cultivateurs et de citadins, elle compte b
756
-même, puisque, à côté d’une population nombreuse
de
cultivateurs et de citadins, elle compte beaucoup de soldats exercés.
757
ôté d’une population nombreuse de cultivateurs et
de
citadins, elle compte beaucoup de soldats exercés. Un autre de ces av
758
elle compte beaucoup de soldats exercés. Un autre
de
ces avantages, c’est qu’elle tire de son sol les produits les meilleu
759
és. Un autre de ces avantages, c’est qu’elle tire
de
son sol les produits les meilleurs et les plus nécessaires à la vie,
760
es meilleurs et les plus nécessaires à la vie, et
de
ses mines les métaux les plus utiles. Restent donc les parfums et les
761
ums et les pierres précieuses qu’elle est obligée
de
tirer du dehors, mais ce sont là des biens dont on peut être privé sa
762
ns enfin qu’elle nourrit une très grande quantité
de
bétail et fort peu de bêtes féroces, et nous aurons achevé de donner
763
fort peu de bêtes féroces, et nous aurons achevé
de
donner de la nature de ce continent une idée générale. Dira-t-on que
764
de bêtes féroces, et nous aurons achevé de donner
de
la nature de ce continent une idée générale. Dira-t-on que tous ces
765
ces, et nous aurons achevé de donner de la nature
de
ce continent une idée générale. Dira-t-on que tous ces auteurs grecs
766
grecs confondent l’Europe avec la seule province
de
Thrace qui porta en effet ce nom, ou avec la Grèce, comme c’est le ca
767
ffet ce nom, ou avec la Grèce, comme c’est le cas
d’
Eschyle ? Mais on s’expliquerait mal qu’ils aient éprouvé le besoin de
768
s’expliquerait mal qu’ils aient éprouvé le besoin
de
désigner la Grèce par un terme plus général, s’ils n’entendaient vrai
769
général, s’ils n’entendaient vraiment parler que
d’
elle. On a vu, dans la page citée plus haut de Victor Bérard qu’il exi
770
que d’elle. On a vu, dans la page citée plus haut
de
Victor Bérard qu’il existait dès la plus haute époque une « utopie »
771
existait dès la plus haute époque une « utopie »
de
l’Europe continentale, très comparable à l’utopie qui animera Christo
772
ement que la Grèce n’est qu’une « petite partie »
de
l’Europe. Cicéron (Pro Flacco, XXVII), dit de la Grèce : Parvum quen
773
e » de l’Europe. Cicéron (Pro Flacco, XXVII), dit
de
la Grèce : Parvum quendam locum Europætenet. Saint Augustin, dans
774
locum Europætenet. Saint Augustin, dans La Cité
de
Dieu, pense que le monde est partagé en deux moitiés, l’Asie occupant
775
lités modernes : Et maintenant je vais parcourir
de
la plume l’Europe en tant qu’elle est connue des hommes. Elle commenc
776
i sont à l’orient. Elle se continue par le rivage
de
l’océan septentrional jusqu’à la Gaule Belgique et au fleuve Rhin qui
777
à la Gaule Belgique et au fleuve Rhin qui descend
de
l’occident, puis jusqu’au Danube, que l’on appelle aussi l’Ister, qui
778
ble représente cinquante-quatre nations. Sautons
de
là au xive siècle de notre ère. Dans son Commento alla Comedia 36, G
779
te-quatre nations. Sautons de là au xive siècle
de
notre ère. Dans son Commento alla Comedia 36, Giovanni Boccace (1313-
780
prend la division tripartite du Monde, et insiste
d’
une manière significative sur la position centrale de la Crète, où Zeu
781
ne manière significative sur la position centrale
de
la Crète, où Zeus avait fait Europe reine : Il n’y a au monde aucune
782
s anciens se plurent à diviser le monde habitable
de
notre hémisphère supérieur en trois parties, qu’ils nommèrent l’Asie,
783
nsi l’île de Crète paraît être située aux confins
de
ces trois parties du monde. Les géographes qui ont délimité l’Europe
784
es frontières du côté du Levant : par l’extrémité
de
la mer Égée, l’Hellespont, la mer appelée Propontide, le cours du fle
785
Norvège, l’Angleterre et les parties occidentales
de
l’Espagne jusqu’à l’endroit où commence la mer Méditerranée ; ensuite
786
péré, un ciel doux, et n’y a dedans nulle pénurie
de
vin et d’arbres fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné de v
787
iel doux, et n’y a dedans nulle pénurie de vin et
d’
arbres fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné de villes, châ
788
fruitiers. En sus, c’est un beau pays, bien orné
de
villes, châteaux, villages, et a un peuple viril, qu’elle surpasse As
789
a aussi des régions occupées tout à la ronde par
d’
âpres montagnes, et là c’est dur de rester. Mais là où c’est plat, c’e
790
à la ronde par d’âpres montagnes, et là c’est dur
de
rester. Mais là où c’est plat, c’est un bon pays, et y croissent tout
791
agnes.37 En 1679, Robbe, ingénieur et géographe
de
Louis XIV, fait imprimer à Paris une Méthode pour apprendre facilemen
792
est la plus grande en qualité… Si l’Asie se vante
d’
avoir vu former le premier homme par les mains mêmes du Créateur du ci
793
homme par les mains mêmes du Créateur du ciel et
de
la terre, et d’avoir été honorée de la naissance et de la présence du
794
ains mêmes du Créateur du ciel et de la terre, et
d’
avoir été honorée de la naissance et de la présence du Sauveur du mond
795
ur du ciel et de la terre, et d’avoir été honorée
de
la naissance et de la présence du Sauveur du monde pendant le cours d
796
terre, et d’avoir été honorée de la naissance et
de
la présence du Sauveur du monde pendant le cours de sa vie mortelle :
797
la présence du Sauveur du monde pendant le cours
de
sa vie mortelle : l’Europe dira que c’est une grâce singulière, à la
798
ne grâce singulière, à la vérité, qu’elle a reçue
de
la Sagesse éternelle ; mais que la gloire en est empruntée pour l’Asi
799
rendent illustre. Même idée dans le Dictionnaire
de
Moreri : Quoique l’Europe soit la moindre des trois parties de conti
800
uoique l’Europe soit la moindre des trois parties
de
continent, elle a pourtant des avantages qui la doivent faire préfére
801
le continent. Elle est abondante en toutes sortes
de
biens, et les peuples y sont ordinairement doux, honnêtes, civilisés
802
es termes presque, dans la Géographie universelle
de
Mantelle et Malte Brun, parue à Paris en 1816 : En sortant des mains
803
un, parue à Paris en 1816 : En sortant des mains
de
la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
804
ujourd’hui. Petit continent, qui possède le moins
de
richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
805
ichesses territoriales… nous ne sommes riches que
d’
emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain. Cette régio
806
ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir
de
l’esprit humain. Cette région, que la nature n’avait ornée que de for
807
in. Cette région, que la nature n’avait ornée que
de
forêts immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
808
avait ornée que de forêts immenses, s’est peuplée
de
nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
809
est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
de
cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
810
est devenue la métropole du genre humain. Ainsi
d’
Hérodote et d’Hippocrate jusqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas
811
a métropole du genre humain. Ainsi d’Hérodote et
d’
Hippocrate jusqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas cessé d’être c
812
usqu’à nos jours, l’Europe physique n’a pas cessé
d’
être conçue comme un ensemble caractéristique, diversifié mais disting
813
t le seul continent articulé, semble déjà l’œuvre
de
l’intelligence plus que de la nature. L’Europe, c’est le continent qu
814
é, semble déjà l’œuvre de l’intelligence plus que
de
la nature. L’Europe, c’est le continent qui doit se projeter hors de
815
nent qui doit se projeter hors de soi-même, celui
de
l’expansion et de la conquête, de la découverte et de la colonisation
816
rojeter hors de soi-même, celui de l’expansion et
de
la conquête, de la découverte et de la colonisation. L’Europe est née
817
soi-même, celui de l’expansion et de la conquête,
de
la découverte et de la colonisation. L’Europe est née impériale. Elle
818
’expansion et de la conquête, de la découverte et
de
la colonisation. L’Europe est née impériale. Elle a été créée pour êt
819
le a été créée pour être le globe. Voyez sa ligne
de
force sortir de l’Asie pour se tendre vers l’infini par-dessus l’océa
820
our être le globe. Voyez sa ligne de force sortir
de
l’Asie pour se tendre vers l’infini par-dessus l’océan. Les autres co
821
’article Europe, la représente ainsi en l’honneur
de
Charles-Quint : « L’Espagne était la tête de cette femme ; le col, le
822
neur de Charles-Quint : « L’Espagne était la tête
de
cette femme ; le col, les provinces de Languedoc et de Gascogne ; le
823
it la tête de cette femme ; le col, les provinces
de
Languedoc et de Gascogne ; le reste de la Gaule, la poitrine ; les br
824
tte femme ; le col, les provinces de Languedoc et
de
Gascogne ; le reste de la Gaule, la poitrine ; les bras, l’Italie et
825
provinces de Languedoc et de Gascogne ; le reste
de
la Gaule, la poitrine ; les bras, l’Italie et la Grande-Bretagne ; le
826
emagne ; la Bohême, le nombril ; et tout le reste
de
son corps, les autres royaumes et provinces. » Mais la représentation
827
eprésentation la plus symbolique est encore celle
de
quelques anciens géographes. Ils voyaient dans l’Europe l’image de la
828
ns géographes. Ils voyaient dans l’Europe l’image
de
la Vierge : une Vierge couronnée, pour tête l’Espagne, pour cœur la F
829
ne Vierge dont la plaine russe se perdant au fond
de
l’Asie obscure, représentait la robe aux vastes et vagues plis. La Vi
830
conclusions se dégagent : le concept géographique
d’
Europe est beaucoup plus ancien, et les mythes grecs et sémitiques bea
831
ythes grecs et sémitiques beaucoup moins éloignés
de
la réalité qu’on ne l’imagine généralement de nos jours. Mais la cons
832
nés de la réalité qu’on ne l’imagine généralement
de
nos jours. Mais la conscience politico-historique d’une entité europé
833
nos jours. Mais la conscience politico-historique
d’
une entité européenne, c’est-à-dire d’une communauté de destin des peu
834
-historique d’une entité européenne, c’est-à-dire
d’
une communauté de destin des peuples habitant l’Europe telle qu’Hérodo
835
entité européenne, c’est-à-dire d’une communauté
de
destin des peuples habitant l’Europe telle qu’Hérodote ou Strabon la
836
comparaisons globales entre le destin des peuples
de
l’Europe et de l’Asie, esquissées par Hippocrate et Aristote. Mais ce
837
obales entre le destin des peuples de l’Europe et
de
l’Asie, esquissées par Hippocrate et Aristote. Mais ces deux grands g
838
ces deux grands génies n’étaient pas l’expression
d’
une opinion courante ou d’une conscience populaire : celles-ci ne pouv
839
taient pas l’expression d’une opinion courante ou
d’
une conscience populaire : celles-ci ne pouvaient exister, de leur tem
840
ience populaire : celles-ci ne pouvaient exister,
de
leur temps, que dans la croyance religieuse et dans les mythes. Penda
841
et dans les mythes. Pendant l’ère romaine, l’idée
d’
une Europe politique est tout naturellement refoulée par celle de l’un
842
litique est tout naturellement refoulée par celle
de
l’unité impériale commune à l’Orient et à l’Occident, moitiés géograp
843
és géographiques et administrativement distinctes
d’
un seul et même État : utraques pars, pars orientalis et pars occident
844
nommée en lieu et place de la moitié occidentale
de
l’Empire, l’Asie en lieu et place de la moitié orientale : ainsi dans
845
de la moitié orientale : ainsi dans l’inscription
de
l’an 7 av. J.-C., trouvée sur l’île de Philae, en Égypte, et désignan
846
t désignant Auguste comme Seigneur de l’Europe et
de
l’Asie 39. Ce ne sont là ni l’Europe réelle ni encore moins l’Asie da
847
des désignations allégoriques. C’est ici le lieu
de
remarquer que les termes d’Orient et d’Occident ont subi au cours des
848
es. C’est ici le lieu de remarquer que les termes
d’
Orient et d’Occident ont subi au cours des siècles antiques et moderne
849
i le lieu de remarquer que les termes d’Orient et
d’
Occident ont subi au cours des siècles antiques et modernes des fluctu
850
es fluctuations beaucoup plus fortes que le terme
d’
Europe : tantôt moitiés administratives de l’Empire (Arcadius et Honor
851
e terme d’Europe : tantôt moitiés administratives
de
l’Empire (Arcadius et Honorius), tantôt moitiés théologiques de l’Égl
852
rcadius et Honorius), tantôt moitiés théologiques
de
l’Église (Rome et Byzance), ou enfin vastes et vagues désignations my
853
és lumineuses et spirituelles, l’Occident la nuit
de
la matière. Relevant les caractères régulièrement attribués à cet Ori
854
t à cet Occident mystiques par les métaphysiciens
de
la Grèce présocratique, puis de la Perse avicenienne, et enfin par to
855
es métaphysiciens de la Grèce présocratique, puis
de
la Perse avicenienne, et enfin par tous les auteurs européens jusqu’à
856
opéens jusqu’à nos jours qui déclarent s’inspirer
de
« la Tradition », D. de Rougemont donne le tableau suivant formé de q
857
», D. de Rougemont donne le tableau suivant formé
de
quatorze antithèses40 : Orient : l’aurore, le matin, le haut, la dr
858
droite, l’extrême raffinement, la lumière, l’Ange
de
la Révélation, le but dernier, l’âme, l’initiation, la sagesse, la ré
859
gauche, l’épaisseur opaque, la pénombre, le démon
de
l’utilitarisme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme,
860
paque, la pénombre, le démon de l’utilitarisme et
de
la puissance aveugle, l’oubli des buts de l’âme, le corps et la matiè
861
isme et de la puissance aveugle, l’oubli des buts
de
l’âme, le corps et la matière, l’activité désordonnée, la passion, la
862
e par les liens matériels et passionnels, le lieu
d’
exil. Cette unanimité dans l’interprétation, uniquement favorable à l’
863
’interprétation, uniquement favorable à l’Orient,
de
nos deux termes symboliques ne peut manquer d’impressionner. On ne sa
864
t, de nos deux termes symboliques ne peut manquer
d’
impressionner. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel, de physiq
865
d’impressionner. On ne saurait la réduire à rien
d’
accidentel, de physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l
866
er. On ne saurait la réduire à rien d’accidentel,
de
physique ou d’anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour l
867
it la réduire à rien d’accidentel, de physique ou
d’
anecdotique. Car si le soleil se lève à l’Orient pour les Grecs, il en
868
et ceux-ci ne figurent pas pour autant l’Occident
de
la Chine41 ou de la Malaisie, ni le Japon, l’Occident de l’Amérique !
869
urent pas pour autant l’Occident de la Chine41 ou
de
la Malaisie, ni le Japon, l’Occident de l’Amérique ! Elle révèle donc
870
hine41 ou de la Malaisie, ni le Japon, l’Occident
de
l’Amérique ! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente de l’âme,
871
cident de l’Amérique ! Elle révèle donc une forme
de
l’âme, une pente de l’âme, voire une « orientation » de la psyché occ
872
! Elle révèle donc une forme de l’âme, une pente
de
l’âme, voire une « orientation » de la psyché occidentale42. Ajouto
873
me, une pente de l’âme, voire une « orientation »
de
la psyché occidentale42. Ajoutons à tout cela l’influence de plusie
874
occidentale42. Ajoutons à tout cela l’influence
de
plusieurs passages des psaumes, des prophètes et des évangiles célébr
875
et des évangiles célébrant l’Orient comme le lieu
d’
où vient le salut. Ainsi Matthieu 24, 27 : Comme l’éclair part de l’O
876
lut. Ainsi Matthieu 24, 27 : Comme l’éclair part
de
l’Orient et se montre jusqu’en Occident, ainsi sera l’avènement du Fi
877
jusqu’en Occident, ainsi sera l’avènement du Fils
de
l’Homme. Ce thème de l’ex oriente lux est si puissant, que la Vulgat
878
si sera l’avènement du Fils de l’Homme. Ce thème
de
l’ex oriente lux est si puissant, que la Vulgate traduit presque touj
879
r « germe » ! (ainsi Zacharie 6, 12). Le prestige
de
l’Orient biblique, métaphysique et occultiste empêchera longtemps que
880
ra longtemps que l’Europe (plus ou moins synonyme
d’
Occident) prenne un sens autre que géographique, c’est-à-dire prenne l
881
tre que géographique, c’est-à-dire prenne le sens
d’
une entité historique et spirituelle que l’on puisse opposer à l’Asie,
882
pologètes. Il faut attendre le début du Ve siècle
de
notre ère pour voir reparaître — et c’est la première fois depuis Hér
883
e fois depuis Hérodote43 — l’autonomie historique
de
l’Europe. Un poème latin de Claudius Claudien (né à Alexandrie vers 3
884
’autonomie historique de l’Europe. Un poème latin
de
Claudius Claudien (né à Alexandrie vers 365, et demeuré païen) désign
885
t demeuré païen) désigne en effet les « ennemis »
de
l’Europe : le maure Gildon et le barbare Alaric : … Duo namque fuere
886
ricum barbara Peuce Nutrierat…44 Au iie siècle
de
notre ère — donc 200 ans après l’inscription de Philae : notons ce lo
887
e de notre ère — donc 200 ans après l’inscription
de
Philae : notons ce long silence — c’est un polémiste antichrétien, Ce
888
détruirait les diversités politiques des peuples
de
la Terre, voulues et garanties par les dieux païens ! Pour cet ancêtr
889
ur cet ancêtre du nationalisme, qui ne manque pas
de
lucidité, l’ennemi juré c’est l’universalisme des chrétiens. Mais cec
890
le doit. Sulpice Sévère est en effet le biographe
de
saint Martin de Tours, qui passera pour « le plus grand ascète de tou
891
de Tours, qui passera pour « le plus grand ascète
de
toute l’Europe » pendant les siècles à venir. Et ce seul saint, selon
892
celle-ci s’enorgueillisse du nombre et des vertus
de
ses saints, il ne sera pas mauvais de lui faire entendre que l’Europe
893
des vertus de ses saints, il ne sera pas mauvais
de
lui faire entendre que l’Europe ne le cède pas à toute l’Asie, et cel
894
Martin.46 À Martin de Tours s’ajoutent bientôt
d’
innombrables saints européens : Vital de Ravenne, Gervais et Ambroise
895
t bientôt d’innombrables saints européens : Vital
de
Ravenne, Gervais et Ambroise de Milan, Justine de Padoue, Eulalie de
896
e Rome, Cécile de Sicile, et finalement tous ceux
de
la Légion Thébaine, saint Maurice à leur tête, sacrifiés pour leur fo
897
ir, selon les chroniqueurs du temps, fait le tour
de
presque toute l’Europe : omne … fere Europa circuita. C’est donc à se
898
rcuita. C’est donc à ses saints que l’Europe doit
de
se distinguer enfin de « l’Occident » — si mal vu par les spirituels
899
s saints que l’Europe doit de se distinguer enfin
de
« l’Occident » — si mal vu par les spirituels — et de revêtir une dig
900
l’Occident » — si mal vu par les spirituels — et
de
revêtir une dignité qui la rapproche de « l’Orient » des mystiques. D
901
uels — et de revêtir une dignité qui la rapproche
de
« l’Orient » des mystiques. Dès lors, le nom d’Europe et le concept d
902
e de « l’Orient » des mystiques. Dès lors, le nom
d’
Europe et le concept d’Europe vont revenir avec une insistance croissa
903
ystiques. Dès lors, le nom d’Europe et le concept
d’
Europe vont revenir avec une insistance croissante, jusqu’à l’Empire d
904
avec une insistance croissante, jusqu’à l’Empire
de
Charlemagne, dans les textes solennels des apostrophes au pape, dans
905
600, s’adresse au pape Grégoire comme à la fleur
de
toute l’Europe, puis en 615 au pape Boniface IV comme au chef de tou
906
e, puis en 615 au pape Boniface IV comme au chef
de
toutes les Églises de toute l’Europe (omnium totius Europæ ecclesiaru
907
Boniface IV comme au chef de toutes les Églises
de
toute l’Europe (omnium totius Europæ ecclesiarum capiti). Dans les A
908
ecclesiarum capiti). Dans les Annales burgondes
d’
Avenches (milieu du viie siècle) on lit à plusieurs reprises le nom d
909
viie siècle) on lit à plusieurs reprises le nom
de
Eurupa, désignant à la fois les peuples francs et le continent arrosé
910
son Histoire des Goths, montre tous les peuples
de
l’Europe tremblant devant eux (Hos Europæ omnes tremuere gentes). L’
911
eux (Hos Europæ omnes tremuere gentes). L’auteur
de
la Vie de Gertrude, parlant de la fille de Pépin de Landen, déclare q
912
uropæ omnes tremuere gentes). L’auteur de la Vie
de
Gertrude, parlant de la fille de Pépin de Landen, déclare que tout un
913
gentes). L’auteur de la Vie de Gertrude, parlant
de
la fille de Pépin de Landen, déclare que tout un chacun en Europe (qu
914
auteur de la Vie de Gertrude, parlant de la fille
de
Pépin de Landen, déclare que tout un chacun en Europe (quisnam in Eur
915
la Vie de Gertrude, parlant de la fille de Pépin
de
Landen, déclare que tout un chacun en Europe (quisnam in Euruppa habi
916
in Euruppa habitans) connaît son nom et la gloire
de
sa race ; tandis que l’auteur de la Vie de Landibert écrit : En ce t
917
nom et la gloire de sa race ; tandis que l’auteur
de
la Vie de Landibert écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince de
918
gloire de sa race ; tandis que l’auteur de la Vie
de
Landibert écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince de nombreuse
919
rt écrit : En ce temps-là, Pépin était le prince
de
nombreuses régions et cités d’Europe. (Il orthographie Eoruppa.) Mai
920
in était le prince de nombreuses régions et cités
d’
Europe. (Il orthographie Eoruppa.) Mais voici le texte capital, que l
921
le texte capital, que l’on peut tenir pour l’acte
de
naissance de l’Europe historique et politique : on le trouve dans une
922
tal, que l’on peut tenir pour l’acte de naissance
de
l’Europe historique et politique : on le trouve dans une suite à la f
923
n le trouve dans une suite à la fameuse Chronique
d’
Isidore de Séville, rédigée un siècle plus tôt. Le continuateur anonym
924
nonyme (Isidor Pacensis, ou Isidore de Badajoz ou
de
Beja ? on ne sait, et l’on appelle aujourd’hui ce texte la « chroniqu
925
elle aujourd’hui ce texte la « chronique mozarabe
de
754 ») décrit la bataille de Poitiers, gagnée par Charles-Martel sur
926
« chronique mozarabe de 754 ») décrit la bataille
de
Poitiers, gagnée par Charles-Martel sur les Arabes en 732. Il a certa
927
sur les Arabes en 732. Il a certainement été mêlé
de
près à l’événement, qu’il rapporte en détail quelques années plus tar
928
Européens » (soldats des contrées diverses allant
de
l’Aquitaine à la Germanie et formant l’armée du Maire du Palais) vire
929
les tentes des Arabes sont vides ; les guerriers
de
Charles-Martel, après le pillage, n’ont plus qu’à s’en retourner, joy
930
n suas leti recipiunt patrias.47 Ainsi le terme
d’
Européens, pour la première fois dans notre ère, désigne une communaut
931
ntinentale, celle qui englobe dans un même destin
de
défense contre un même ennemi les peuples vivant au nord des Pyrénées
932
peut que les historiens qui ramènent la bataille
de
Poitiers à un « mythe » ou à « un incident sans importance » aient ra
933
s Arabes n’aient qu’à peine enregistré la défaite
d’
Abdarrahmân : selon leurs historiens de l’époque, elle n’aurait marqué
934
la défaite d’Abdarrahmân : selon leurs historiens
de
l’époque, elle n’aurait marqué que l’issue malheureuse d’une razzia d
935
que, elle n’aurait marqué que l’issue malheureuse
d’
une razzia de plus chez les Francs. Le recul de l’islam à partir de ce
936
se d’une razzia de plus chez les Francs. Le recul
de
l’islam à partir de cette date serait dû à une crise intérieure du mo
937
t Byzance, dès 71848. Mais il y a cette chronique
de
l’anonyme espagnol, il y a ce mot Europenses qui suffit à lui seul po
938
nt naturellement décrits non comme les défenseurs
d’
une Romania devenue mythique, ni de l’Occident en général, ni de la pa
939
les défenseurs d’une Romania devenue mythique, ni
de
l’Occident en général, ni de la papauté, ni de leur « nation » ou pat
940
devenue mythique, ni de l’Occident en général, ni
de
la papauté, ni de leur « nation » ou patrie particulière, mais bien c
941
ni de l’Occident en général, ni de la papauté, ni
de
leur « nation » ou patrie particulière, mais bien comme les membres d
942
patrie particulière, mais bien comme les membres
d’
une même famille de peuples. 8.« Europa vel regnum Caroli » Cett
943
e, mais bien comme les membres d’une même famille
de
peuples. 8.« Europa vel regnum Caroli » Cette conscience commun
944
a vel regnum Caroli » Cette conscience commune
de
l’Europe — remplaçant de plus en plus le concept déprécié ou déprécia
945
e plus en plus le concept déprécié ou dépréciatif
d’
Occident — va s’affermir et se préciser avec les conquêtes de Charlema
946
— va s’affermir et se préciser avec les conquêtes
de
Charlemagne, de 768 à 814. Selon Bède le Vénérable (675-755), histori
947
et se préciser avec les conquêtes de Charlemagne,
de
768 à 814. Selon Bède le Vénérable (675-755), historien des Anglais e
948
monde », l’Europe était essentiellement composée
de
la Gaulle, de la Germanie et de l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus
949
rope était essentiellement composée de la Gaulle,
de
la Germanie et de l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus tard. (L’Angl
950
ellement composée de la Gaulle, de la Germanie et
de
l’Espagne, l’Italie s’y joignant plus tard. (L’Angleterre et la Scand
951
arlemagne conquiert les Lombards, ajoute le titre
de
roi d’Italie à ceux de roi de Neustrie, d’Aquitaine et d’Austrasie, d
952
Lombards, ajoute le titre de roi d’Italie à ceux
de
roi de Neustrie, d’Aquitaine et d’Austrasie, déborde largement l’anci
953
titre de roi d’Italie à ceux de roi de Neustrie,
d’
Aquitaine et d’Austrasie, déborde largement l’ancien limes à l’est et
954
’Italie à ceux de roi de Neustrie, d’Aquitaine et
d’
Austrasie, déborde largement l’ancien limes à l’est et au nord, ainsi
955
ine et chrétienne, impérialiste et universaliste,
d’
un impossible imperium mundi. Voici le prêtre Cathwulf qui loue Charle
956
oici le prêtre Cathwulf qui loue Charles, en 775,
d’
avoir été choisi par Dieu pour être élevé au rang de « gloire de l’emp
957
avoir été choisi par Dieu pour être élevé au rang
de
« gloire de l’empire d’Europe » : quoi ipse te exaltavit in honorem
958
oisi par Dieu pour être élevé au rang de « gloire
de
l’empire d’Europe » : quoi ipse te exaltavit in honorem gloriæ regni
959
u pour être élevé au rang de « gloire de l’empire
d’
Europe » : quoi ipse te exaltavit in honorem gloriæ regni Europæ. V
960
in honorem gloriæ regni Europæ. Voici le poète
de
la cour, Angilbert, gendre de l’empereur, qui décerne à Charles, en 7
961
æ. Voici le poète de la cour, Angilbert, gendre
de
l’empereur, qui décerne à Charles, en 799, les titres de « tête du mo
962
pereur, qui décerne à Charles, en 799, les titres
de
« tête du monde…, cime (ou tiare) de l’Europe, … père suprême » et ce
963
, les titres de « tête du monde…, cime (ou tiare)
de
l’Europe, … père suprême » et ce sont là titres mêlés et conjugués d’
964
suprême » et ce sont là titres mêlés et conjugués
d’
imperator et de pontifex : Rex Carolus caput orbis, amor populique, d
965
sont là titres mêlés et conjugués d’imperator et
de
pontifex : Rex Carolus caput orbis, amor populique, decusque Europæ
966
49 : Rex, pater Europæ… Cette « Europe ou règne
de
Charles », Europa vel regnum Caroli comme la nomment les Annales de F
967
pa vel regnum Caroli comme la nomment les Annales
de
Fulda (fin du ixe siècle), est donc un seul empire chrétien, né hors
968
n’est donc plus seulement l’une des trois parties
de
la carte du Monde traditionnelle (l’Europe, la Libye ou Afrique, l’As
969
ue, l’Asie), mais une existence autonome et dotée
de
vertus spirituelles. Selon Alcuin (735-804), maître de l’école du pal
970
rtus spirituelles. Selon Alcuin (735-804), maître
de
l’école du palais, éducateur, théologien et rhéteur de cour, elle est
971
école du palais, éducateur, théologien et rhéteur
de
cour, elle est le continent de la foi. En tant que telle, l’Europe de
972
ologien et rhéteur de cour, elle est le continent
de
la foi. En tant que telle, l’Europe de Charles se trouve plus près de
973
s près de « l’Orient », qui est Jésus-Christ, que
de
« l’Occident » classique, mauvaise moitié du monde… C’est ici le prem
974
tié du monde… C’est ici le premier épanouissement
d’
une véritable idée européenne, d’une conscience commune attestée par d
975
r épanouissement d’une véritable idée européenne,
d’
une conscience commune attestée par d’innombrables expressions exclama
976
européenne, d’une conscience commune attestée par
d’
innombrables expressions exclamatives et par des fêtes communes50. Hél
977
Tôt après Charlemagne, en effet, la grande image
d’
un « règne européen » s’estompe. Déjà, sous Louis le Pieux, son fils —
978
Déjà, sous Louis le Pieux, son fils — le partage
de
l’empire vient d’être consommé — on note un changement bien typique d
979
le Pieux, son fils — le partage de l’empire vient
d’
être consommé — on note un changement bien typique dans les formules d
980
num Europæ — empire unique —, voici dans un poème
de
l’Espagnol Theowulf (après 814) l’expression de regna, ou royaumes d’
981
e de l’Espagnol Theowulf (après 814) l’expression
de
regna, ou royaumes d’Europe : Tu pius Europæ regna potenter habes51.
982
lf (après 814) l’expression de regna, ou royaumes
d’
Europe : Tu pius Europæ regna potenter habes51. L’idée du regnum Eu
983
ter habes51. L’idée du regnum Europæ se détache
de
l’idée d’un empire terrestre — qui déjà ne se compose plus que de reg
984
1. L’idée du regnum Europæ se détache de l’idée
d’
un empire terrestre — qui déjà ne se compose plus que de regna, c’est-
985
mpire terrestre — qui déjà ne se compose plus que
de
regna, c’est-à-dire d’une multiplicité de royaumes distincts — pour s
986
éjà ne se compose plus que de regna, c’est-à-dire
d’
une multiplicité de royaumes distincts — pour se rapprocher de l’idée
987
lus que de regna, c’est-à-dire d’une multiplicité
de
royaumes distincts — pour se rapprocher de l’idée médiévale d’un empi
988
licité de royaumes distincts — pour se rapprocher
de
l’idée médiévale d’un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret :
989
istincts — pour se rapprocher de l’idée médiévale
d’
un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret : d’une chrétienté pap
990
un empire sur les âmes, c’est-à-dire au concret :
d’
une chrétienté papale. Au lieu de l’Europe unie de Charlemagne, règne
991
d’une chrétienté papale. Au lieu de l’Europe unie
de
Charlemagne, règne sacerdotal et impérial tout à la fois, une confédé
992
tal et impérial tout à la fois, une confédération
de
princes occidentaux se dessine vaguement dans l’ombre des intrigues p
993
re des intrigues pré-nationales, et sera le champ
de
l’ambition « romaine » des empereurs « de nation germanique » ; tandi
994
e champ de l’ambition « romaine » des empereurs «
de
nation germanique » ; tandis que l’unité spirituelle deviendra l’autr
995
l’unité spirituelle deviendra l’autre pôle, celui
de
la papauté. Dès 843, Léon IV s’oppose au Patriarche de Constantinople
996
papauté. Dès 843, Léon IV s’oppose au Patriarche
de
Constantinople, en invoquant toutes les Églises d’Europe contre l’Emp
997
e Constantinople, en invoquant toutes les Églises
d’
Europe contre l’Empire romano-byzantin. Empire et papauté, dans les si
998
ront notre Moyen Âge, vont remplir les chroniques
de
leurs luttes, refoulant le concept d’Europe dans le domaine du mythe
999
chroniques de leurs luttes, refoulant le concept
d’
Europe dans le domaine du mythe et de l’allégorie, ou dans la nostalgi
1000
t le concept d’Europe dans le domaine du mythe et
de
l’allégorie, ou dans la nostalgie du grand passé carolingien. Parfois
1001
and passé carolingien. Parfois, cependant, le nom
d’
Europe affleure et brille encore pour un instant. Notker le Bègue, cha
1002
nt. Notker le Bègue, chargé par Charles le Simple
de
rédiger les Gesta Caroli dès 883, célèbre la construction du pont de
1003
a Caroli dès 883, célèbre la construction du pont
de
Mayence comme une démonstration du pouvoir des Européens, « grands et
1004
unis : … Comme en témoignent les arches du pont
de
Mayence, que toute l’Europe édifia par une œuvre commune certes, mais
1005
mieux ordonnées (ordinatissimæ participationis).
De
cette fin du ixe et de tout le xe siècle, Jürgen Fischer nous cite
1006
issimæ participationis). De cette fin du ixe et
de
tout le xe siècle, Jürgen Fischer nous cite plusieurs dizaines d’aut
1007
ècle, Jürgen Fischer nous cite plusieurs dizaines
d’
auteurs qui parlent encore de l’Europe, mais le sens du nom n’est plus
1008
e plusieurs dizaines d’auteurs qui parlent encore
de
l’Europe, mais le sens du nom n’est plus que rhétorique (souvenir de
1009
e sens du nom n’est plus que rhétorique (souvenir
de
Charles) ou simplement géographique ; tout cela, le plus souvent, dan
1010
vent, dans un latin douteux. Après le règne agité
d’
Othon III, « imperator » d’imitation, l’idée revit d’un « peuple europ
1011
. Après le règne agité d’Othon III, « imperator »
d’
imitation, l’idée revit d’un « peuple européen » : des expressions tel
1012
thon III, « imperator » d’imitation, l’idée revit
d’
un « peuple européen » : des expressions telles que populus Europæ, ou
1013
plume des annalistes : c’est que l’utopie tenace
d’
une rénovation de l’Empire romain a provisoirement reculé. Derniers ra
1014
stes : c’est que l’utopie tenace d’une rénovation
de
l’Empire romain a provisoirement reculé. Derniers rayons furtifs, mai
1015
lemagnes, accompagné seulement, nous dit le récit
de
l’époque52, par très peu de soldats, c’est-à-dire : … soutenu par ce
1016
a occurendo admiserat). Sur le manteau constellé
de
l’empereur était brodée cette inscription : O decus Europæ Cæsar He
1017
erii tibi rex qui régnât in ævum. (Ô toi, honneur
de
l’Europe, César Henri, bienheureux ! Que celui qui règne en éternité
1018
t funèbre, rimé par un poète rhénan, clama la fin
de
l’idée carolingienne de l’Europe : « Pleure l’Europe décapitée ! » :
1019
oète rhénan, clama la fin de l’idée carolingienne
de
l’Europe : « Pleure l’Europe décapitée ! » : Ploret hunc Europa iam
1020
iam decapitata. Et commença l’éclipse médiévale
de
la conscience — non certes de la réalité — européenne. Il faudra les
1021
l’éclipse médiévale de la conscience — non certes
de
la réalité — européenne. Il faudra les menaces mongole et turque pour
1022
turque pour réveiller, avec la chrétienté, l’idée
de
l’Europe. Ici donc prend fin notre enquête sur les origines attestées
1023
origines attestées. 1. Selon la démonstration
de
Victor Bérard dans sa Résurrection d’Homère, chap. VIII, Hésiode aura
1024
monstration de Victor Bérard dans sa Résurrection
d’
Homère, chap. VIII, Hésiode aurait vécu vers l’an 900, Homère vers l’a
1025
el puis Ranke ont fortement souligné l’importance
de
la conquête des Gaules, dans laquelle ils voient l’un et l’autre l’ac
1026
ié à Melpomène. 5. Nous empruntons la traduction
de
l’Idylle au précieux petit livre d’Alfred Lombard intitulé : Un Mythe
1027
la traduction de l’Idylle au précieux petit livre
d’
Alfred Lombard intitulé : Un Mythe dans la poésie et dans l’art : l’En
1028
Mythe dans la poésie et dans l’art : l’Enlèvement
d’
Europe, qui donne aussi les textes d’Horace et des poètes de l’ère mod
1029
l’Enlèvement d’Europe, qui donne aussi les textes
d’
Horace et des poètes de l’ère moderne qu’on lira plus loin. Éditions d
1030
qui donne aussi les textes d’Horace et des poètes
de
l’ère moderne qu’on lira plus loin. Éditions de la Baconnière, Neuchâ
1031
s de l’ère moderne qu’on lira plus loin. Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1946, 32 illustrations. 6. Voir notamment
1032
auf dem Stier, cité par G. de Reynold, Formation
de
l’Europe, t. I, LUF Fribourg, 1944 et Plon, Paris ; et par Jürgen Fis
1033
, Londres, 1955. 8. V. Bérard : La Résurrection
d’
Homère, p. 207, Paris, 1930. 9. Notons que cette interprétation « rat
1034
Notons que cette interprétation « rationaliste »
de
saint Jérôme était déjà celle d’Hérodote — évhémériste avant la lettr
1035
« rationaliste » de saint Jérôme était déjà celle
d’
Hérodote — évhémériste avant la lettre — qui écrit dans son premier li
1036
s Crétois. 10. Gonzague de Reynold, La formation
de
l’Europe, I, p. 112, 110, 111. 11. Nous suivons ici la démonstration
1037
110, 111. 11. Nous suivons ici la démonstration
de
Jürgen Fischer, op. cit., p. 10 à 19 : Die Japhet-Historie. 12. Jürg
1038
sage blanc ». De même, le Dictionnaire historique
de
Moreri (1674) donne l’avis de Bouchart, qui pense qu’Europe vient du
1039
ionnaire historique de Moreri (1674) donne l’avis
de
Bouchart, qui pense qu’Europe vient du phénicien chur-appe = visage b
1040
isage blanc, et rappelle la blancheur tant vantée
de
la fille d’Agénor. 20. Au sujet du nom « arabe », G. Rawlinson, Note
1041
et rappelle la blancheur tant vantée de la fille
d’
Agénor. 20. Au sujet du nom « arabe », G. Rawlinson, Notes to Herodot
1042
i paraît avoir été commune aux traditions sacrées
de
toute l’Europe, commençait un jour après le solstice d’hiver et se di
1043
te l’Europe, commençait un jour après le solstice
d’
hiver et se divisait en 13 mois désignés chacun par une lettre et par
1044
un par une lettre et par un arbre. 24. Il s’agit
d’
une autre légende d’Europe, beaucoup moins connue. 25. Variétés I, p
1045
par un arbre. 24. Il s’agit d’une autre légende
d’
Europe, beaucoup moins connue. 25. Variétés I, p. 24, puis p. 38. 2
1046
J.-C.) divise la Terre en deux moitiés : à l’est
de
l’Hellespont, l’Asie, qui n’est encore que l’Asie Mineure ; à l’ouest
1047
sse au sujet de cette Anthologie. 33. Traduction
de
Delavaud, chez Bossange et consorts, Paris, 1804. 34. Panégyrique,
1048
e, 50. Cf. Georges Mathieu : Les Idées politiques
d’
Isocrate, Paris, 1925. L’auteur fait des réserves sur l’universalisme
1049
5. L’auteur fait des réserves sur l’universalisme
d’
Isocrate… 35. C’est aujourd’hui le Don. 36. Commento alla Comedia a
1050
pertinentes, 1906. 40. L’Aventure occidentale
de
l’homme , Albin Michel, Paris, 1957, p. 26. 41. L’auteur a simplifié
1051
t en soi » qui est l’Asie. 43. Selon la remarque
de
J. Fischer, op. cit., p. 41. 44. Claudius Claudianus, Paneg. de sext
1052
op. cit., p. 41. 44. Claudius Claudianus, Paneg.
de
sext. consul. Honorii, Monumenta Germaniæ Historica, AA, X, 293. 45.
1053
363, 20 et 30. 48. Emmanuel Berl, Les Impostures
de
l’Histoire, Paris 1959. 49. Monumenta germ. Hist., Pœt. Carol. I.,
1054
opagedanke, Münich, 1951, p. 417, cite une « Fête
de
la Toussaint de l’Europe » (a feast of the Saints of Europe) institué
1055
1.Sur plusieurs siècles
de
silence « européen » À partir du milieu du xie siècle jusqu’à la R
1056
endant la haute époque du Moyen Âge, peu ou point
de
textes sur l’Europe. Et pourtant, c’est précisément cette période des
1057
ette période des xiie et xiiie siècles que tant
d’
ouvrages récents désignent, dans leurs titres, comme étant celle, par
1058
leurs titres, comme étant celle, par excellence,
de
« la Naissance », ou de « l’Essor », ou de « l’Ascension », ou de la
1059
nt celle, par excellence, de « la Naissance », ou
de
« l’Essor », ou de « l’Ascension », ou de la « Formation », ou même d
1060
lence, de « la Naissance », ou de « l’Essor », ou
de
« l’Ascension », ou de la « Formation », ou même des « Origines » de
1061
e », ou de « l’Essor », ou de « l’Ascension », ou
de
la « Formation », ou même des « Origines » de l’Europe53. Ainsi les h
1062
ou de la « Formation », ou même des « Origines »
de
l’Europe53. Ainsi les historiens modernes considéreraient comme le so
1063
storiens modernes considéreraient comme le sommet
de
l’Europe — son « toit », dit l’un d’entre eux — ces temps où nos ancê
1064
où nos ancêtres n’ont manifesté nulle conscience
de
former une Europe ? Cette période d’unité exemplaire serait aussi cel
1065
e conscience de former une Europe ? Cette période
d’
unité exemplaire serait aussi celle où le sujet de cette unité eût ign
1066
d’unité exemplaire serait aussi celle où le sujet
de
cette unité eût ignoré qu’il existât ? J. Calmette ouvre son livre su
1067
? J. Calmette ouvre son livre sur l’Effondrement
d’
un Empire et la naissance d’une Europe 54 par cette phrase paradoxale
1068
re sur l’Effondrement d’un Empire et la naissance
d’
une Europe 54 par cette phrase paradoxale : « L’Europe occidentale est
1069
ase paradoxale : « L’Europe occidentale est issue
de
la désintégration de l’Empire carolingien. » Or, l’Empire carolingien
1070
Europe occidentale est issue de la désintégration
de
l’Empire carolingien. » Or, l’Empire carolingien était une Europe occ
1071
Europe occidentale unie. L’Europe serait donc née
de
la désintégration de son unité politique ? Là-dessus, des centaines d
1072
ie. L’Europe serait donc née de la désintégration
de
son unité politique ? Là-dessus, des centaines d’essais et de gros vo
1073
de son unité politique ? Là-dessus, des centaines
d’
essais et de gros volumes. Essayons de simplifier. L’Europe de Charlem
1074
politique ? Là-dessus, des centaines d’essais et
de
gros volumes. Essayons de simplifier. L’Europe de Charlemagne est un
1075
s centaines d’essais et de gros volumes. Essayons
de
simplifier. L’Europe de Charlemagne est un empire sacerdotal. À parti
1076
tir de la querelle des Investitures, elle cessera
d’
être une en esprit. Elle retombera donc au niveau d’une entité puremen
1077
être une en esprit. Elle retombera donc au niveau
d’
une entité purement géographique. Ce qui compte désormais, ce qui pass
1078
(ne sauraient d’ailleurs en appeler) qu’à l’idée
de
chrétienté, seule commune. L’apparition d’un tiers parti interne, men
1079
l’idée de chrétienté, seule commune. L’apparition
d’
un tiers parti interne, menaçant à la fois les deux autres, changera l
1080
a la situation dès le xive siècle. Alors, l’idée
d’
Europe poindra de nouveau obscurément, comme le nouveau symbole presse
1081
u obscurément, comme le nouveau symbole pressenti
d’
une unité qui allait de soi, et que l’empereur, pas plus que le pape,
1082
ettre en question : il ne voulait qu’en disposer.
De
l’extérieur vient une autre menace, propre à réveiller, elle aussi, l
1083
ce, propre à réveiller, elle aussi, la conscience
de
ce qui reste commun, malgré tout, aux gibelins et aux guelfes. L’isla
1084
gibelins et aux guelfes. L’islam a séparé la part
de
Japhet de celle de Sem et de celle de Cham. Il n’y a donc plus, en tê
1085
t aux guelfes. L’islam a séparé la part de Japhet
de
celle de Sem et de celle de Cham. Il n’y a donc plus, en tête à tête
1086
lfes. L’islam a séparé la part de Japhet de celle
de
Sem et de celle de Cham. Il n’y a donc plus, en tête à tête et en con
1087
lam a séparé la part de Japhet de celle de Sem et
de
celle de Cham. Il n’y a donc plus, en tête à tête et en contacts guer
1088
aré la part de Japhet de celle de Sem et de celle
de
Cham. Il n’y a donc plus, en tête à tête et en contacts guerriers ou
1089
nfidèles. Pratiquement refoulée sur le territoire
de
l’Europe, la chrétienté définit l’unité la plus visible, la plus prof
1090
s visible, la plus profonde et la mieux ressentie
de
tous les peuples qui habitent ce continent. Mais les dissensions inte
1091
issante et vulnérable. La dernière croisade vient
d’
échouer, celle de saint Louis. Marco Polo, redécouvrant la Chine, vien
1092
able. La dernière croisade vient d’échouer, celle
de
saint Louis. Marco Polo, redécouvrant la Chine, vient d’ajouter une d
1093
t Louis. Marco Polo, redécouvrant la Chine, vient
d’
ajouter une dimension nouvelle au monde connu. Cette situation ne va p
1094
au monde connu. Cette situation ne va pas manquer
de
poser à la conscience européenne deux problèmes concrets : celui de l
1095
cience européenne deux problèmes concrets : celui
de
l’établissement de la paix entre les peuples chrétiens et celui d’une
1096
eux problèmes concrets : celui de l’établissement
de
la paix entre les peuples chrétiens et celui d’une reprise de la guer
1097
t de la paix entre les peuples chrétiens et celui
d’
une reprise de la guerre contre les Infidèles. La plupart des projets
1098
ntre les peuples chrétiens et celui d’une reprise
de
la guerre contre les Infidèles. La plupart des projets de pacificatio
1099
erre contre les Infidèles. La plupart des projets
de
pacification, et par suite d’union de l’Europe se trouveront donc org
1100
plupart des projets de pacification, et par suite
d’
union de l’Europe se trouveront donc organiquement liés — et cela jusq
1101
des projets de pacification, et par suite d’union
de
l’Europe se trouveront donc organiquement liés — et cela jusqu’au xvi
1102
et cela jusqu’au xviiie siècle ! — à des projets
de
reconquête des lieux saints, puis de coalition défensive contre les T
1103
des projets de reconquête des lieux saints, puis
de
coalition défensive contre les Turcs. Trois grands motifs commandent
1104
la croisade, la lutte pour ou contre l’hégémonie
d’
une puissance à l’intérieur de l’Europe. On les voit combinés chez le
1105
X ; et jusque chez l’universel Leibniz. Le motif
de
la croisade contre les Turcs n’est guère absent que chez trois des au
1106
que nous citerons : chez Dante, surtout préoccupé
de
faire triompher le principe impérial ; chez Sully, surtout préoccupé
1107
principe impérial ; chez Sully, surtout préoccupé
de
contenir la Maison d’Autriche ; et chez Émeric Crucé, pacifiste intég
1108
ez Sully, surtout préoccupé de contenir la Maison
d’
Autriche ; et chez Émeric Crucé, pacifiste intégral, qui voudrait engl
1109
ourquoi les premiers appels à l’union des princes
de
l’Europe n’ont-ils été lancés — en vain d’ailleurs — qu’au début du x
1110
tife : la France de Philippe le Bel ? (L’attentat
d’
Anagni date de 1303.) Jusqu’ici les tensions qui animaient le corps ch
1111
ce de Philippe le Bel ? (L’attentat d’Anagni date
de
1303.) Jusqu’ici les tensions qui animaient le corps chrétien étaient
1112
tensions qui animaient le corps chrétien étaient
de
nature « universelle » ou pouvaient apparaître telles. Elles concerna
1113
ut homme et tout état social. Elles vont devenir,
d’
une manière avouée, particulières, nationales, donc séparatistes. À la
1114
développer, comme par compensation, la nostalgie
de
l’unité. Dante en est le premier témoin, viril, sublime et absolu. Si
1115
é et les nations. 53. On pense ici aux ouvrages
de
J. Calmette, de Louis Halphen, de Friedrich Heer, de G. de Reynold et
1116
. 53. On pense ici aux ouvrages de J. Calmette,
de
Louis Halphen, de Friedrich Heer, de G. de Reynold et de H. Brugmans.
1117
ci aux ouvrages de J. Calmette, de Louis Halphen,
de
Friedrich Heer, de G. de Reynold et de H. Brugmans. 54. Paris, 1941
1118
J. Calmette, de Louis Halphen, de Friedrich Heer,
de
G. de Reynold et de H. Brugmans. 54. Paris, 1941. La date et le lie
1119
s Halphen, de Friedrich Heer, de G. de Reynold et
de
H. Brugmans. 54. Paris, 1941. La date et le lieu sont à noter.
1120
2.Premiers plans
d’
union Dante (1265-1321) Selon Gilles de Rome (xiiie s.) le pap
1121
’instar de Dieu, premier Moteur. Il est la source
de
l’ordre cosmique, du mouvement des choses et de la juridiction des pr
1122
e de l’ordre cosmique, du mouvement des choses et
de
la juridiction des princes et des peuples. L’empereur reçoit de lui s
1123
ion des princes et des peuples. L’empereur reçoit
de
lui son autorité temporelle, comme la Lune reçoit du Soleil la lumièr
1124
reçoit du Soleil la lumière qu’elle nous renvoie.
De
lui viennent l’autorité (un prince païen ne saurait être qu’un « brig
1125
aïen ne saurait être qu’un « brigand »), le droit
de
propriété et de succession, la légitimité du mariage. Un pécheur sépa
1126
être qu’un « brigand »), le droit de propriété et
de
succession, la légitimité du mariage. Un pécheur séparé du pape n’est
1127
doue, c’est le peuple qui est le vrai dépositaire
de
toute autorité, et il la délègue à l’empereur. Ce dernier représente
1128
empereur. Ce dernier représente donc la plénitude
de
la juridiction. Hors de lui, point d’autorité. L’Église peut avertir,
1129
a plénitude de la juridiction. Hors de lui, point
d’
autorité. L’Église peut avertir, éclairer les âmes ; lui gouverne la t
1130
e pour la première fois les droits « souverains »
de
l’État national. Comment se situe Dante dans ce drame ? Pour lui, le
1131
ce drame ? Pour lui, le pape est la source unique
de
l’autorité, la neuvième sphère du Ciel qui communique son mouvement a
1132
rité. Cependant, l’empereur est la cause première
de
l’ordre social, et nul baron ne commande sans tenir de lui son pouvoi
1133
ordre social, et nul baron ne commande sans tenir
de
lui son pouvoir. Il est le principe d’unité du genre humain. Et il es
1134
sans tenir de lui son pouvoir. Il est le principe
d’
unité du genre humain. Et il est nécessairement juste, étant tout-puis
1135
s âmes à la lumière, qui est leur seule liberté. (
De
Monarchia, III, XVI.) Dans un tel système, point de place pour la sou
1136
Monarchia, III, XVI.) Dans un tel système, point
de
place pour la souveraineté absolue des États, qui ne saurait mener qu
1137
équivalent, a-t-on remarqué56, du pouvoir moderne
de
la Science ?) C’est pour saluer la marche de l’empereur Henri VII qui
1138
erne de la Science ?) C’est pour saluer la marche
de
l’empereur Henri VII qui vient se faire couronner à Rome par Clément
1139
à Rome par Clément V, que Dante écrit en 1308 son
De
Monarchia. (Il a 46 ans, et il n’a composé de sa Comédie que l’Enfer.
1140
son De Monarchia. (Il a 46 ans, et il n’a composé
de
sa Comédie que l’Enfer.) Le paradoxe central de cet ouvrage, en leque
1141
é de sa Comédie que l’Enfer.) Le paradoxe central
de
cet ouvrage, en lequel on a voulu voir la première proclamation de l’
1142
n lequel on a voulu voir la première proclamation
de
l’union fédérale des nations sous l’égide « romaine » (lisons europée
1143
ropre du genre humain, pris en sa totalité, c’est
d’
actuer continuellement la plénitude de la puissance de l’intellect pos
1144
lité, c’est d’actuer continuellement la plénitude
de
la puissance de l’intellect possible, d’abord en vue de la spéculatio
1145
tuer continuellement la plénitude de la puissance
de
l’intellect possible, d’abord en vue de la spéculation, puis, par voi
1146
d’abord en vue de la spéculation, puis, par voie
de
conséquence, pour la pratique. Or parties et tout obéissent aux mêmes
1147
nt à sa tâche propre, lorsqu’il jouit du repos et
de
la paix ; et sa tâche est presque divine, selon la parole sainte : tu
1148
sainte : tu l’as placé peu au-dessous des anges.
D’
où il suit que la paix universelle est le meilleur de tous les moyens
1149
ù il suit que la paix universelle est le meilleur
de
tous les moyens qui peuvent nous procurer le bonheur…57 Si nous cons
1150
rs, ou que sa propre supériorité, du consentement
de
tous, lui donne l’autorité ; autrement, le village, non seulement n’a
1151
non seulement n’atteint pas le minimum nécessaire
de
bien-être, mais, souvent, sous la pression des rivalités qui luttent
1152
Le contraire se produit-il, non seulement la fin
de
la vie sociale est perdue, mais la cité elle-même disparaît. Enfin da
1153
disparaît. Enfin dans un royaume, dont la fin est
d’
assurer, avec plus de sécurité et de tranquillité les bienfaits de la
1154
un royaume, dont la fin est d’assurer, avec plus
de
sécurité et de tranquillité les bienfaits de la cité, un seul roi doi
1155
nt la fin est d’assurer, avec plus de sécurité et
de
tranquillité les bienfaits de la cité, un seul roi doit régner et gou
1156
plus de sécurité et de tranquillité les bienfaits
de
la cité, un seul roi doit régner et gouverner ; autrement, non seulem
1157
royaume tombe en dissolution, selon cette parole
de
l’infaillible vérité : tout royaume divisé est perdu. Ce qui se passe
1158
i sont ordonnés à un but unique établit la vérité
de
ce qui a été avancé plus haut. Désormais, il est évident que la total
1159
que la bonne existence du monde exige l’existence
de
la Monarchie ou de l’Empire.58 Entre deux princes, dont l’un n’est n
1160
nce du monde exige l’existence de la Monarchie ou
de
l’Empire.58 Entre deux princes, dont l’un n’est nullement soumis à l
1161
gement. Puisque l’un ne peut examiner la conduite
de
l’autre (chacun d’eux étant indépendant, et un égal n’ayant sur son é
1162
n ne peut examiner la conduite de l’autre (chacun
d’
eux étant indépendant, et un égal n’ayant sur son égal aucun pouvoir),
1163
aucun pouvoir), un troisième prince doit exister,
d’
une juridiction plus ample, et qui tienne les deux princes précédents
1164
entendue au sens que les plus minimes règlements
d’
une ville quelconque doivent émaner directement du prince suprême ; so
1165
unicipales sont défectueuses, et elles ont besoin
d’
être jugées, ainsi qu’il résulte du cinquième livre à Nicomaque, où le
1166
es par des lois différentes. La loi est une règle
de
direction pour la vie. Autrement doivent être dirigés les Scythes qui
1167
ptième climat, ils subissent une grande inégalité
de
jours et de nuits, et ils supportent un froid presque intolérable ; a
1168
t, ils subissent une grande inégalité de jours et
de
nuits, et ils supportent un froid presque intolérable ; autrement, le
1169
ntes qui habitent sous l’équinoxe ; ils jouissent
de
jours et de nuits toujours égaux et ils ne peuvent se couvrir de vête
1170
itent sous l’équinoxe ; ils jouissent de jours et
de
nuits toujours égaux et ils ne peuvent se couvrir de vêtements à caus
1171
nuits toujours égaux et ils ne peuvent se couvrir
de
vêtements à cause de la trop grande chaleur. Le véritable sens de la
1172
ause de la trop grande chaleur. Le véritable sens
de
la phrase du début est celui-ci : le genre humain, sur les points com
1173
r du monarque ; ainsi l’intellect pratique reçoit
de
l’intellect spéculatif la majeure qui commande la conclusion pratique
1174
le ne peut être faite que par un seul, sous peine
d’
introduire la confusion dans les principes universels.60 Si, depuis l
1175
les principes universels.60 Si, depuis la chute
de
nos premiers parents, cause de toutes nos erreurs, nous considérons l
1176
i, depuis la chute de nos premiers parents, cause
de
toutes nos erreurs, nous considérons les mœurs des hommes et les évén
1177
n fût alors heureux, au milieu de la tranquillité
de
la paix universelle, tous les historiens, tous les poètes illustres,
1178
ens, tous les poètes illustres, et même le témoin
de
la bonté du Christ l’ont témoigné ; enfin Paul nomma cet état très he
1179
tunique sans couture fut déchirée par les ongles
de
la cupidité, nous pouvons le lire chez les historiens, puissions-nous
1180
puissions-nous ne pas le revoir. Ô genre humain,
de
quelles luttes et querelles, de quels naufrages dois-tu être agité !
1181
. Ô genre humain, de quelles luttes et querelles,
de
quels naufrages dois-tu être agité ! Tu es devenu un monstre aux mult
1182
contradictoires. Tu es malade en l’un et l’autre
de
tes intellects, et aussi en ta sensibilité ; tu n’as pas souci de nou
1183
s, et aussi en ta sensibilité ; tu n’as pas souci
de
nourrir l’intellect supérieur par des raisons irréfragables ; ni l’in
1184
r l’expérience ; ni la sensibilité par la douceur
de
l’appel divin, lorsque les trompettes divines, au nom du Saint-Esprit
1185
t : « combien il est bon, combien il est agréable
de
vivre avec des frères et d’être fondu en un. »61 Après cette utopie
1186
mbien il est agréable de vivre avec des frères et
d’
être fondu en un. »61 Après cette utopie sublime de la Paix par l’Em
1187
tre fondu en un. »61 Après cette utopie sublime
de
la Paix par l’Empire — bafouée par des siècles de progrès constant du
1188
de la Paix par l’Empire — bafouée par des siècles
de
progrès constant du nationalisme, mais qui pourtant, ne cessera d’agi
1189
nt du nationalisme, mais qui pourtant, ne cessera
d’
agir sur la conscience des meilleurs jusqu’à nous — voici la descripti
1190
la description étonnamment précise pour l’époque,
d’
une Europe qui n’est pas seulement géographique mais déjà « culturelle
1191
strée par l’exemple des langues. Citons le traité
De
vulgari eloquentia (I, 8) : Par suite de la confusion des langues do
1192
des langues dont on vient de parler62, nous avons
de
sérieuses raisons de penser qu’alors pour la première fois les hommes
1193
ient de parler62, nous avons de sérieuses raisons
de
penser qu’alors pour la première fois les hommes se dispersèrent pour
1194
du monde, toutes les régions et tous les recoins
de
ces pays. Et comme la souche primitive de la race humaine fut plantée
1195
recoins de ces pays. Et comme la souche primitive
de
la race humaine fut plantée aux rivages de l’Orient, et que de là not
1196
mitive de la race humaine fut plantée aux rivages
de
l’Orient, et que de là notre race s’est propagée des deux côtés en mu
1197
maine fut plantée aux rivages de l’Orient, et que
de
là notre race s’est propagée des deux côtés en multiples rameaux pour
1198
iples rameaux pour s’étendre enfin jusqu’aux pays
d’
Occident, peut-être est-ce alors pour la première fois que les fleuves
1199
st-ce alors pour la première fois que les fleuves
de
l’Europe, ou du moins certains d’entre eux, ont désaltéré des êtres d
1200
rtains d’entre eux, ont désaltéré des êtres doués
de
raison. Mais, que ses derniers occupants soient venus de l’étranger o
1201
s soient venus de l’étranger ou que des indigènes
de
l’Europe y soient revenus, ces hommes y apportèrent un langage divisé
1202
ortèrent un langage divisé en trois branches ; et
de
ceux qui l’apportèrent, les uns s’attribuèrent la région méridionale
1203
ent, les uns s’attribuèrent la région méridionale
de
l’Europe, d’autres la région septentrionale ; et le troisième groupe,
1204
appelons maintenant les Grecs, occupa une partie
de
l’Europe et une partie de l’Asie. C’est d’un seul et même langage reç
1205
recs, occupa une partie de l’Europe et une partie
de
l’Asie. C’est d’un seul et même langage reçu dans le châtiment de la
1206
partie de l’Europe et une partie de l’Asie. C’est
d’
un seul et même langage reçu dans le châtiment de la confusion que les
1207
d’un seul et même langage reçu dans le châtiment
de
la confusion que les diverses langues vulgaires ont pris naissance, c
1208
nube ou du Palus-Méotide aux limites occidentales
de
l’Angleterre, est borné par le pays des Italiens et des Français et p
1209
re d’autres nations. Il ne resta qu’un seul signe
de
la même origine commune : presque tous les peuples cités ci-dessus po
1210
e à partir du pays des Hongrois dans la direction
de
l’orient, un autre a occupé tout ce qui, au-delà, porte le nom d’Euro
1211
autre a occupé tout ce qui, au-delà, porte le nom
d’
Europe, et s’est propagé plus loin. Tout le reste de l’Europe a été oc
1212
Europe, et s’est propagé plus loin. Tout le reste
de
l’Europe a été occupé par un troisième langage, bien que maintenant i
1213
is et les Latins. Mais le signe évident que c’est
d’
un seul et même langage que procèdent les langues vulgaires de ces tro
1214
même langage que procèdent les langues vulgaires
de
ces trois peuples, c’est qu’on les voit désigner une foule d’objets p
1215
peuples, c’est qu’on les voit désigner une foule
d’
objets par les mêmes mots : ainsi Dieu, le ciel, l’amour, la mer, la t
1216
t, il aime, et presque tout le reste. Les peuples
de
langue d’oc occupent l’occident de l’Europe méridionale au-delà du pa
1217
, et presque tout le reste. Les peuples de langue
d’
oc occupent l’occident de l’Europe méridionale au-delà du pays des Gén
1218
e. Les peuples de langue d’oc occupent l’occident
de
l’Europe méridionale au-delà du pays des Génois. Ceux qui disent si o
1219
des Génois. Ceux qui disent si occupent l’orient
de
ces pays jusqu’au promontoire de l’Italie où commence la mer Adriatiq
1220
ccupent l’orient de ces pays jusqu’au promontoire
de
l’Italie où commence la mer Adriatique, ainsi que la Sicile. Quant au
1221
r Adriatique, ainsi que la Sicile. Quant aux gens
de
langue d’oïl, ce sont en quelque sorte des septentrionaux en regard d
1222
ue, ainsi que la Sicile. Quant aux gens de langue
d’
oïl, ce sont en quelque sorte des septentrionaux en regard de ceux-là,
1223
ds, sont entourés à l’ouest et au nord par la mer
d’
Angleterre, et limités par les montagnes d’Aragon ; au midi également,
1224
la mer d’Angleterre, et limités par les montagnes
d’
Aragon ; au midi également, ils sont bornés par les Provençaux et par
1225
sont bornés par les Provençaux et par les pentes
de
l’Apennin. Pierre Dubois (env. 1250-1320) Contemporain de la M
1226
Pierre Dubois (env. 1250-1320) Contemporain
de
la Monarchie (1308), l’essai de Pierre Dubois (1306) s’en distingue p
1227
) Contemporain de la Monarchie (1308), l’essai
de
Pierre Dubois (1306) s’en distingue par un empirisme sans vergogne, o
1228
st à Ernest Renan que nous devons la résurrection
de
ce projet, enterré pendant cinq siècles dans la paix des archives de
1229
ré pendant cinq siècles dans la paix des archives
de
Christine de Suède, puis du Vatican. Depuis Renan, tout le monde le c
1230
r rendre un peu de son relief à la figure étrange
de
l’avocat normand que l’historien français Charles Langlois caractéris
1231
glois caractérisait comme « le premier publiciste
de
son époque », citons ici quelques extraits du chapitre que Renan lui
1232
e Renan lui consacre dans son Histoire littéraire
de
la France 63. Pierre Dubois naquit certainement en Normandie et très
1233
nces ou aux environs. Il étudia dans l’Université
de
Paris, où il entendit saint Thomas d’Aquin prononcer un sermon et Sig
1234
rmon et Siger de Brabant64 commenter la Politique
d’
Aristote. Saint Thomas d’Aquin étant mort en 1274 et l’enseignement de
1235
omas d’Aquin étant mort en 1274 et l’enseignement
de
Siger devant être placé vers le même temps, il semble que l’on ne se
1236
e prenait définitivement le dessus sur la justice
d’
église, et reléguait celle-ci dans un for ecclésiastique très large en
1237
Pierre Dubois exerçant à Coutances les fonctions
d’
avocat des causes royales. Déjà, sans doute, avant cette époque, il ét
1238
nement. En effet, le premier écrit qui nous reste
de
lui, le Traité sur l’abrègement des guerres et des procès, daté avec
1239
c la plus grande précision des cinq derniers mois
de
l’an 1300, est adressé à Philippe le Bel, et rentre tout à fait dans
1240
es préoccupations qui dictèrent le prononcé papal
de
1298, ainsi que les actes de la diplomatie royale en 1300. Cet ouvrag
1241
nt le prononcé papal de 1298, ainsi que les actes
de
la diplomatie royale en 1300. Cet ouvrage témoigne d’une connaissance
1242
a diplomatie royale en 1300. Cet ouvrage témoigne
d’
une connaissance étendue des affaires politiques de l’Europe et des se
1243
’une connaissance étendue des affaires politiques
de
l’Europe et des secrets de la maison de France ; on ne peut supposer
1244
es affaires politiques de l’Europe et des secrets
de
la maison de France ; on ne peut supposer qu’un obscur avocat de prov
1245
olitiques de l’Europe et des secrets de la maison
de
France ; on ne peut supposer qu’un obscur avocat de province, sans ra
1246
France ; on ne peut supposer qu’un obscur avocat
de
province, sans rapport avec la cour, fût si bien renseigné… La pensée
1247
cour, fût si bien renseigné… La pensée dominante
de
Pierre Dubois était la résistance aux empiètements de l’Église et l’e
1248
ierre Dubois était la résistance aux empiètements
de
l’Église et l’extension des pouvoirs de la société civile. La lutte d
1249
iètements de l’Église et l’extension des pouvoirs
de
la société civile. La lutte de Philippe le Bel et de Boniface VIII vi
1250
nsion des pouvoirs de la société civile. La lutte
de
Philippe le Bel et de Boniface VIII vint lui offrir une occasion exce
1251
la société civile. La lutte de Philippe le Bel et
de
Boniface VIII vint lui offrir une occasion excellente pour donner cou
1252
s passions anticléricales. Pendant toute la durée
de
cette lutte, nous le voyons à côté du roi, recevant ses inspirations,
1253
guments, tenant la plume pour défendre les droits
de
la couronne… Avant 1306, pour des raisons qu’on ignore, et certaineme
1254
t certainement sans rompre ses liens avec la cour
de
France, Dubois entrait au service d’Édouard Ier, roi d’Angleterre. …
1255
avec la cour de France, Dubois entrait au service
d’
Édouard Ier, roi d’Angleterre. … En 1306, il composa le plus important
1256
gleterre. … En 1306, il composa le plus important
de
ses ouvrages, celui où il s’est plu à rassembler toutes ses idées de
1257
lui où il s’est plu à rassembler toutes ses idées
de
politique et de réformes sociales. C’est un traité adressé à Édouard
1258
plu à rassembler toutes ses idées de politique et
de
réformes sociales. C’est un traité adressé à Édouard Ier, sur les moy
1259
t un traité adressé à Édouard Ier, sur les moyens
de
recouvrer la Terre sainte65. … Il est permis de penser que Dubois ten
1260
s de recouvrer la Terre sainte65. … Il est permis
de
penser que Dubois tenait assez peu au but lointain qu’il assignait à
1261
l’activité des nations chrétiennes… Sous prétexte
d’
indiquer les meilleurs procédés pour conquérir la Terre sainte, Dubois
1262
érir la Terre sainte, Dubois expose un vaste plan
de
réformes, qui consiste à détruire le pouvoir temporel du pape, à dépo
1263
pouvoir temporel du pape, à dépouiller le clergé
de
ses biens, à transformer ces biens en pensions payées par le pouvoir
1264
ouvoir séculier et à donner la direction générale
de
la chrétienté au roi de France. En 1307 nous trouvons de nouveau Dubo
1265
nnée 1308, il paraît avoir été au plus haut degré
de
son crédit auprès de Philippe. En cette année, l’empereur Albert d’Au
1266
Clément V se trouvant à Poitiers entre les mains
de
Philippe le Bel, Dubois proposa au roi de profiter de l’occasion pour
1267
s mains de Philippe le Bel, Dubois proposa au roi
de
profiter de l’occasion pour se faire élire empereur… Une fois nommé e
1268
hilippe le Bel, Dubois proposa au roi de profiter
de
l’occasion pour se faire élire empereur… Une fois nommé empereur, le
1269
e fois nommé empereur, le roi se mettra à la tête
de
la chrétienté et marchera sur Jérusalem par terre, comme le firent Ch
1270
l serait assez difficile, écrit Chr. L. Lange 66,
d’
exposer les idées du traité de Pierre Dubois d’après le plan suivi par
1271
t Chr. L. Lange 66, d’exposer les idées du traité
de
Pierre Dubois d’après le plan suivi par l’auteur lui-même. Son ouvrag
1272
suivi par l’auteur lui-même. Son ouvrage n’a rien
de
systématique : les digressions et les répétitions sont fréquentes ; l
1273
l’auteur semblent assez disparates et n’ont guère
de
relation avec le sujet principal : il disserte sur l’éducation des fe
1274
cation des femmes et sur l’organisation militaire
de
la France, sur la réforme des couvents de religieuses et sur l’utilit
1275
litaire de la France, sur la réforme des couvents
de
religieuses et sur l’utilité d’apprendre les langues, sur les mariage
1276
orme des couvents de religieuses et sur l’utilité
d’
apprendre les langues, sur les mariages mixtes entre sarrasins et chré
1277
entre sarrasins et chrétiennes et sur les moyens
d’
abréger les procès. Ce dernier sujet lui tient notamment à cœur, il le
1278
ur, il le considère comme étroitement lié à celui
de
« l’abréviation des guerres ». Nous suivrons donc ici l’analyse propo
1279
nations chrétiennes, condition absolue du succès
de
la croisade. Les croisés ne demeureront pas en Terre sainte s’ils app
1280
inte s’ils apprennent que leur pays est en danger
de
guerre. Cependant, il ne suffit pas de prêcher la paix : Ne voit-on
1281
en danger de guerre. Cependant, il ne suffit pas
de
prêcher la paix : Ne voit-on pas que l’Écriture sainte, qui déteste
1282
et l’enseignement des ministres actuels et futurs
de
l’Église puissent faire cesser les guerres et les cupidités dont elle
1283
mme à leur supérieur ; car si l’évolution tendait
de
ce côté-là, il y aurait des guerres, des séditions, des dissensions s
1284
fin ; et il serait impossible pour n’importe qui
d’
y mettre fin, à cause de la multitude des nations, de l’éloignement et
1285
mettre fin, à cause de la multitude des nations,
de
l’éloignement et de la diversité des lieux, et de la disposition natu
1286
de la multitude des nations, de l’éloignement et
de
la diversité des lieux, et de la disposition naturelle des hommes au
1287
de l’éloignement et de la diversité des lieux, et
de
la disposition naturelle des hommes au désaccord ; il est vrai que qu
1288
i, quant au spirituel, gouvernerait et dirigerait
de
l’est à l’ouest et du nord au sud. La « république chrétienne » de P
1289
et du nord au sud. La « république chrétienne »
de
Pierre Dubois est une sorte de Confédération, qui serait placée sous
1290
lique chrétienne » de Pierre Dubois est une sorte
de
Confédération, qui serait placée sous la direction d’un concile, dans
1291
onfédération, qui serait placée sous la direction
d’
un concile, dans lequel les différentes nations garderaient une indépe
1292
il ne croit pas la paix possible sans une réforme
de
l’Église. Fort de l’autorité gagnée par ce moyen, le pape devrait pre
1293
paix possible sans une réforme de l’Église. Fort
de
l’autorité gagnée par ce moyen, le pape devrait prendre l’initiative
1294
ar ce moyen, le pape devrait prendre l’initiative
de
la convocation d’un concile qui établirait la paix entre les chrétien
1295
pe devrait prendre l’initiative de la convocation
d’
un concile qui établirait la paix entre les chrétiens, en organisant l
1296
nt la société internationale en vue de la reprise
de
la Terre sainte. Il faut surtout organiser des moyens judiciaires afi
1297
Pierre Dubois développe alors un projet détaillé
d’
arbitrage international entre les princes, qu’il admet d’ailleurs « so
1298
tés et ces princes nombreux, ne reconnaissant pas
de
supérieurs au monde qui exercent la justice sur eux selon les lois et
1299
autres pour chacune des parties, hommes aisés et
de
telle condition qu’il soit probable qu’ils ne puissent être corrompus
1300
dans un endroit approprié, et, étant assermentés
de
la manière la plus stricte, après qu’ils auraient reçu avant leur réu
1301
leur réunion les plaidoiries sommaires et claires
de
chaque partie, ils recevraient — en éliminant d’abord tout ce qui ser
1302
eusement… Si l’une des parties n’est pas contente
de
la sentence, les juges eux-mêmes doivent renvoyer tout le procès, acc
1303
être confirmées et enregistrées dans les archives
de
l’Église ad perpetuam memoriam. Il est intéressant de noter que le p
1304
Église ad perpetuam memoriam. Il est intéressant
de
noter que le pape est désigné par cet avocat de l’État national pour
1305
t de noter que le pape est désigné par cet avocat
de
l’État national pour être le juge suprême dans les litiges des prince
1306
nts et amis des condamnés. Il veut donc profiter
de
l’esprit guerrier de son époque pour faire avancer son projet de conq
1307
mnés. Il veut donc profiter de l’esprit guerrier
de
son époque pour faire avancer son projet de conquête des lieux saints
1308
rrier de son époque pour faire avancer son projet
de
conquête des lieux saints : les trouble-paix seront déportés en Orien
1309
ront déportés en Orient, où ils auront l’occasion
de
développer leurs capacités militaires contre les Infidèles, au lieu q
1310
’en restant en Europe, ils y détruiraient la paix
de
la république chrétienne ! Mais cette disposition ne suffit pas. Dubo
1311
ilement que les armes. « Le trait caractéristique
de
ce projet, remarque Lange67, c’est son esprit réaliste. Dubois sait a
1312
me qui se pose, c’est la coexistence dans la paix
d’
États souverains ; il voit également que le moyen judiciaire de vider
1313
rains ; il voit également que le moyen judiciaire
de
vider les litiges entre États souverains est l’arbitrage. Il recomman
1314
s en usage depuis le xiie siècle ; les sanctions
de
l’arbitrage, qui également entraient tout à fait dans la pratique de
1315
également entraient tout à fait dans la pratique
de
son époque… S’il n’a pas trouvé d’écho, c’est qu’il y a peu d’hommes
1316
ns la pratique de son époque… S’il n’a pas trouvé
d’
écho, c’est qu’il y a peu d’hommes qui voient vraiment la réalité, com
1317
… S’il n’a pas trouvé d’écho, c’est qu’il y a peu
d’
hommes qui voient vraiment la réalité, comme il l’a vue. Il était trop
1318
sentielle — qui fait aussi l’intérêt — du système
de
Dubois : « Le point de départ de son raisonnement est l’existence de
1319
ssi l’intérêt — du système de Dubois : « Le point
de
départ de son raisonnement est l’existence de l’État, du prince souve
1320
rêt — du système de Dubois : « Le point de départ
de
son raisonnement est l’existence de l’État, du prince souverain, rex
1321
int de départ de son raisonnement est l’existence
de
l’État, du prince souverain, rex qui non recognoscit superiorem in te
1322
t superiorem in terris… Or, l’affirmation absolue
de
la souveraineté de l’État doit, poussée à fond, amener l’établissemen
1323
ris… Or, l’affirmation absolue de la souveraineté
de
l’État doit, poussée à fond, amener l’établissement de l’anarchie dan
1324
État doit, poussée à fond, amener l’établissement
de
l’anarchie dans les relations entre les États, anarchie qui, en princ
1325
e toujours devant notre époque comme devant celle
de
Philippe le Bel et de Boniface VIII. Pierre Dubois est le premier qui
1326
e époque comme devant celle de Philippe le Bel et
de
Boniface VIII. Pierre Dubois est le premier qui l’a posé, et qui a tâ
1327
ubois est le premier qui l’a posé, et qui a tâché
d’
en indiquer une solution. » Pétrarque (1304-1374) Cependant l’an
1328
et virulent, déchirent son corps. Est-ce le corps
de
la chrétienté ? Pétrarque n’a pas l’air de le penser, lorsqu’il lamen
1329
corps de la chrétienté ? Pétrarque n’a pas l’air
de
le penser, lorsqu’il lamente la décadence d’une Europe où, dans plusi
1330
’air de le penser, lorsqu’il lamente la décadence
d’
une Europe où, dans plusieurs régions, « le Christ est inconnu ou méco
1331
esprit plus loin ; toute la Gaule, limite extrême
de
notre continent, et la Grande-Bretagne, projetée hors du continent, s
1332
ses. La Germanie, non moins que l’Italie, souffre
de
luttes intestines et brûle en son propre feu. Les rois d’Espagne pren
1333
s intestines et brûle en son propre feu. Les rois
d’
Espagne prennent les armes l’un contre l’autre… La Grèce laboure pour
1334
alut, délaisse la crèche. Dans les autres régions
d’
Europe, le Christ est inconnu ou mal vu… Le lieu de naissance et le sé
1335
’Europe, le Christ est inconnu ou mal vu… Le lieu
de
naissance et le sépulcre même du Seigneur, double port de la paix pou
1336
ance et le sépulcre même du Seigneur, double port
de
la paix pour les chrétiens, sont piétinés par les chiens et ceux qui
1337
briguant l’Empire bien qu’hérétique, il a besoin
de
l’appui du pape et des princes de la chrétienté. « C’est probablement
1338
ue, il a besoin de l’appui du pape et des princes
de
la chrétienté. « C’est probablement pendant l’année même de son avène
1339
tienté. « C’est probablement pendant l’année même
de
son avènement au trône — écrit Lange69 — que Georges a fait la connai
1340
crit Lange69 — que Georges a fait la connaissance
d’
Antoine Marini, originaire de Grenoble, inventeur et grand industriel,
1341
fait la connaissance d’Antoine Marini, originaire
de
Grenoble, inventeur et grand industriel, qui avait fondé des entrepri
1342
grand industriel, qui avait fondé des entreprises
de
tuileries et de chaufournerie en Styrie et en Salzburg. Antoine déplo
1343
, qui avait fondé des entreprises de tuileries et
de
chaufournerie en Styrie et en Salzburg. Antoine déployait depuis 1456
1344
llemands, probablement aussi en Bohême ; dans une
de
ses lettres de créance, le roi appelle Antoine carbonista, charbonnie
1345
blement aussi en Bohême ; dans une de ses lettres
de
créance, le roi appelle Antoine carbonista, charbonnier. On doit supp
1346
che en ressources, qui a suggéré à Georges l’idée
de
faire introduire ses projets d’alliances politiques par un plan grand
1347
à Georges l’idée de faire introduire ses projets
d’
alliances politiques par un plan grandiose de fédération européenne. C
1348
jets d’alliances politiques par un plan grandiose
de
fédération européenne. C’est encore Antoine qui a présenté le projet
1349
enfin soumis le projet à Louis XI pendant l’hiver
de
1462 à 1463. En 1464 Antoine prend part à une grande ambassade bohémi
1350
s XI. C’est sa dernière apparition ; il disparaît
de
l’histoire après cet événement. — On sait que plus tard, en 1466, le
1351
XI en 1463 est écrit en latin. Dans les Mémoires
de
Philippe de Comines, qui le reproduisent, il porte ce titre en frança
1352
roduisent, il porte ce titre en français : Traité
d’
alliance et confédération entre le roy Louis XI, Georges roy de Bohême
1353
confédération entre le roy Louis XI, Georges roy
de
Bohême et la seigneurie de Venise, pour résister au Turc. Podiebrad c
1354
Louis XI, Georges roy de Bohême et la seigneurie
de
Venise, pour résister au Turc. Podiebrad comptait y faire participer
1355
er au Turc. Podiebrad comptait y faire participer
d’
entrée de jeu les rois de Pologne et de Hongrie, ainsi que les ducs de
1356
c. Podiebrad comptait y faire participer d’entrée
de
jeu les rois de Pologne et de Hongrie, ainsi que les ducs de Bourgogn
1357
ptait y faire participer d’entrée de jeu les rois
de
Pologne et de Hongrie, ainsi que les ducs de Bourgogne et de Bavière
1358
participer d’entrée de jeu les rois de Pologne et
de
Hongrie, ainsi que les ducs de Bourgogne et de Bavière ; mais l’emper
1359
rois de Pologne et de Hongrie, ainsi que les ducs
de
Bourgogne et de Bavière ; mais l’empereur et le pape s’en voyaient ex
1360
et de Hongrie, ainsi que les ducs de Bourgogne et
de
Bavière ; mais l’empereur et le pape s’en voyaient exclus. C’est donc
1361
elle des États et des nations naissantes, — celle
de
Pierre Dubois — qu’entendait se fonder ce plan fédératif : il prenait
1362
ait se fonder ce plan fédératif : il prenait acte
d’
une situation de fait, et tentait de prévenir le péril de l’anarchie d
1363
plan fédératif : il prenait acte d’une situation
de
fait, et tentait de prévenir le péril de l’anarchie des souverainetés
1364
prenait acte d’une situation de fait, et tentait
de
prévenir le péril de l’anarchie des souverainetés. Bien qu’il ait éch
1365
ituation de fait, et tentait de prévenir le péril
de
l’anarchie des souverainetés. Bien qu’il ait échoué devant la résista
1366
netés. Bien qu’il ait échoué devant la résistance
de
deux papes, au pouvoir desquels il entendait faire pièce, ce projet m
1367
pièce, ce projet marque une date dans l’histoire
de
l’Europe : il esquisse pour la première fois une Confédération contin
1368
l’autonomie des États membres. Il porte création
d’
une Assemblée votant à la majorité simple ; d’une Cour de Justice ; d’
1369
ion d’une Assemblée votant à la majorité simple ;
d’
une Cour de Justice ; d’une procédure d’arbitrage international ; d’un
1370
ssemblée votant à la majorité simple ; d’une Cour
de
Justice ; d’une procédure d’arbitrage international ; d’une force arm
1371
nt à la majorité simple ; d’une Cour de Justice ;
d’
une procédure d’arbitrage international ; d’une force armée commune ;
1372
simple ; d’une Cour de Justice ; d’une procédure
d’
arbitrage international ; d’une force armée commune ; et d’un budget f
1373
ice ; d’une procédure d’arbitrage international ;
d’
une force armée commune ; et d’un budget fédéral, alimenté d’ailleurs
1374
ge international ; d’une force armée commune ; et
d’
un budget fédéral, alimenté d’ailleurs aux dépens de la dîme ecclésias
1375
d’ailleurs aux dépens de la dîme ecclésiastique.
De
ce texte fort long, redondant et fleuri comme il se devait à l’époque
1376
omme il se devait à l’époque, nous traduirons ici
d’
amples extraits : il nous paraît que le justifient les nombreux rappro
1377
que cette lecture suggère avec les circonstances
de
notre temps. Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, Nous, Georges, r
1378
mps que le sépulcre du Seigneur. Il n’y avait pas
de
nation à cette époque dans le monde entier qui osât attaquer la domin
1379
elle est déchirée, réduite, affaiblie, dépouillée
de
tout son éclat et de toute sa splendeur d’autrefois… Car l’islam, pu
1380
duite, affaiblie, dépouillée de tout son éclat et
de
toute sa splendeur d’autrefois… Car l’islam, puis les Turcs, sont su
1381
uillée de tout son éclat et de toute sa splendeur
d’
autrefois… Car l’islam, puis les Turcs, sont survenus, « réduisant en
1382
uis … déportant hors des pays chrétiens un nombre
d’
âmes presque infini ». Ô Province dorée ! Ô chrétienté, gloire de l’u
1383
nfini ». Ô Province dorée ! Ô chrétienté, gloire
de
l’univers, comment tout honneur s’est-il retiré de toi ? Comment a di
1384
e l’univers, comment tout honneur s’est-il retiré
de
toi ? Comment a disparu ton éclat sans rival ? Où est la vigueur de t
1385
disparu ton éclat sans rival ? Où est la vigueur
de
ton peuple ? Où, le respect que toutes les nations te portaient ? Où,
1386
ires, si tu devais si vite être menée au triomphe
de
tes vainqueurs ? À quoi bon avoir résisté à la puissance des chefs pa
1387
, si maintenant tu ne peux plus soutenir l’assaut
de
tes voisins ? Ô vicissitudes de la fortune, que de changements vous a
1388
soutenir l’assaut de tes voisins ? Ô vicissitudes
de
la fortune, que de changements vous apportez aux empires ! Avec quell
1389
e tes voisins ? Ô vicissitudes de la fortune, que
de
changements vous apportez aux empires ! Avec quelle rapidité se trans
1390
évanouissent les puissances ! Quelle est la cause
d’
un tel changement et d’une telle ruine ? Il n’est pas facile de la dis
1391
nces ! Quelle est la cause d’un tel changement et
d’
une telle ruine ? Il n’est pas facile de la discerner, parce que les j
1392
gement et d’une telle ruine ? Il n’est pas facile
de
la discerner, parce que les jugements de Dieu sont cachés. Les champs
1393
s facile de la discerner, parce que les jugements
de
Dieu sont cachés. Les champs ne sont pas moins fertiles aujourd’hui q
1394
troupeaux ne sont pas moins féconds ; le produit
de
la vigne emplit les cuves avec usure ; des hommes industrieux ont déc
1395
; des hommes industrieux ont découvert des mines
d’
or et d’argent, de grands esprits ont fait leurs preuves dans une foul
1396
ommes industrieux ont découvert des mines d’or et
d’
argent, de grands esprits ont fait leurs preuves dans une foule de dom
1397
strieux ont découvert des mines d’or et d’argent,
de
grands esprits ont fait leurs preuves dans une foule de domaines, les
1398
nds esprits ont fait leurs preuves dans une foule
de
domaines, les lettres sont aussi florissantes que jamais. Qu’est-ce d
1399
soit lamentable et qu’il faille déplorer la ruine
de
Constantinople et d’autres provinces, nous devons pourtant, si nous s
1400
nces, nous devons pourtant, si nous sommes avides
de
gloire, souhaiter cette occasion qui peut nous réserver l’honneur d’ê
1401
r cette occasion qui peut nous réserver l’honneur
d’
être appelés défenseurs et mainteneurs du nom chrétien. C’est pourquoi
1402
du nom chrétien. C’est pourquoi, dans notre désir
de
voir cesser et disparaître entièrement ces guerres, rapines, désordre
1403
s prélats, des princes, des grands, des nobles et
de
nos docteurs en droit divin et humain, à cet acte d’alliance, de paix
1404
nos docteurs en droit divin et humain, à cet acte
d’
alliance, de paix, de fraternité et de concorde destiné à durer inébra
1405
en droit divin et humain, à cet acte d’alliance,
de
paix, de fraternité et de concorde destiné à durer inébranlablement,
1406
divin et humain, à cet acte d’alliance, de paix,
de
fraternité et de concorde destiné à durer inébranlablement, à cause d
1407
à cet acte d’alliance, de paix, de fraternité et
de
concorde destiné à durer inébranlablement, à cause du respect de Dieu
1408
tiné à durer inébranlablement, à cause du respect
de
Dieu et du maintien de la foi, pour nous, nos héritiers et nos futurs
1409
lement, à cause du respect de Dieu et du maintien
de
la foi, pour nous, nos héritiers et nos futurs successeurs, à perpétu
1410
té statuent : que les contractants s’abstiendront
de
recourir aux armes les uns contre les autres ; qu’ils ne prêteront se
1411
ours ni conseil à aucune conspiration contre l’un
d’
eux ; et qu’ils s’entraideront pour réprimer les délits commis par leu
1412
délits commis par leurs sujets sur le territoire
de
n’importe quel pays membre. L’article suivant aborde le sujet capital
1413
membre. L’article suivant aborde le sujet capital
de
l’assistance mutuelle et de l’arbitrage international : Quatrièmemen
1414
orde le sujet capital de l’assistance mutuelle et
de
l’arbitrage international : Quatrièmement, nous voulons que si par h
1415
es-uns, en dehors de cette convention qui réclame
de
nous amour et fraternité, et sans avoir été attaqués ou provoqués, ou
1416
ou provoqués, ouvrent les hostilités contre l’un
de
nous, ou qu’il arrivât qu’elles fussent ouvertes (ce qui paraît fort
1417
es ; et là, en présence des parties en conflit ou
de
leurs ambassadeurs plénipotentiaires, employer tout son zèle et toute
1418
ci-dessous désigné. Et si, du fait et par défaut
de
l’agresseur, la paix et l’union ne peuvent se faire par l’un des moye
1419
n des moyens susdits, tous les autres parmi nous,
d’
un accord unanime, voulons secourir notre allié attaqué ou contraint d
1420
voulons secourir notre allié attaqué ou contraint
de
se défendre en lui procurant chaque année pour sa défense les dîmes d
1421
procurant chaque année pour sa défense les dîmes
de
notre royaume, ainsi que les revenus, gains ou émoluments de nos gens
1422
yaume, ainsi que les revenus, gains ou émoluments
de
nos gens et de nos sujets, qu’ils auront versé à proportion de trois
1423
e les revenus, gains ou émoluments de nos gens et
de
nos sujets, qu’ils auront versé à proportion de trois jours par année
1424
t de nos sujets, qu’ils auront versé à proportion
de
trois jours par année pour la jouissance de leur maison ou habitation
1425
rtion de trois jours par année pour la jouissance
de
leur maison ou habitation… Les organes de la Confédération sont ensu
1426
ssance de leur maison ou habitation… Les organes
de
la Confédération sont ensuite indiqués : Cour de justice ou Consistoi
1427
de la Confédération sont ensuite indiqués : Cour
de
justice ou Consistoire, Assemblée, enfin force armée commune, ainsi q
1428
, enfin force armée commune, ainsi que la manière
de
la financer et de la faire entrer en action : Mais, comme la paix n
1429
e commune, ainsi que la manière de la financer et
de
la faire entrer en action : Mais, comme la paix ne peut être cultiv
1430
la justice sans la paix… nous avons prévu d’abord
d’
organiser une sorte de Consistoire général qui siégera au lieu où l’As
1431
x… nous avons prévu d’abord d’organiser une sorte
de
Consistoire général qui siégera au lieu où l’Assemblée elle-même se t
1432
ssemblée elle-même se trouvera pour le moment, et
d’
où, comme d’une source, découleront de partout les ruisseaux de la jus
1433
e-même se trouvera pour le moment, et d’où, comme
d’
une source, découleront de partout les ruisseaux de la justice. Ce tri
1434
moment, et d’où, comme d’une source, découleront
de
partout les ruisseaux de la justice. Ce tribunal sera organisé, quant
1435
’une source, découleront de partout les ruisseaux
de
la justice. Ce tribunal sera organisé, quant au nombre et à la qualit
1436
otre Assemblée ci-dessous désignée ou la majorité
de
celle-ci l’aura arrêté et décidé. Et afin que dans ce tribunal un ter
1437
simplement et clairement, sans figure et tumulte
de
procès, en l’absence de tout subterfuge et de toute manœuvre dilatoir
1438
t, sans figure et tumulte de procès, en l’absence
de
tout subterfuge et de toute manœuvre dilatoire. … D’autre part, comme
1439
lte de procès, en l’absence de tout subterfuge et
de
toute manœuvre dilatoire. … D’autre part, comme cet acte de bonne int
1440
anœuvre dilatoire. … D’autre part, comme cet acte
de
bonne intelligence et de charité est fait et établi avant tout à la g
1441
tre part, comme cet acte de bonne intelligence et
de
charité est fait et établi avant tout à la gloire et à l’honneur de l
1442
t et établi avant tout à la gloire et à l’honneur
de
la divine majesté de la sainte Église romaine et de la foi catholique
1443
t à la gloire et à l’honneur de la divine majesté
de
la sainte Église romaine et de la foi catholique, de défendre et prot
1444
la divine majesté de la sainte Église romaine et
de
la foi catholique, de défendre et protéger la religion chrétienne et
1445
la sainte Église romaine et de la foi catholique,
de
défendre et protéger la religion chrétienne et tous les fidèles oppri
1446
s avec nos revenus, profits et émoluments et ceux
de
nos sujets, à fournir, comme il est dit, à raison de trois jours par
1447
e par accabler l’imprévoyance, nous décidons que,
d’
un commun accord de toute notre Assemblée ou de la majeure partie de c
1448
prévoyance, nous décidons que, d’un commun accord
de
toute notre Assemblée ou de la majeure partie de celle-ci, on fixera
1449
e, d’un commun accord de toute notre Assemblée ou
de
la majeure partie de celle-ci, on fixera à quel moment il conviendra
1450
de toute notre Assemblée ou de la majeure partie
de
celle-ci, on fixera à quel moment il conviendra d’attaquer l’ennemi,
1451
e celle-ci, on fixera à quel moment il conviendra
d’
attaquer l’ennemi, avec quelles forces de terre et de mer il faudra fa
1452
nviendra d’attaquer l’ennemi, avec quelles forces
de
terre et de mer il faudra faire la guerre, quels chefs militaires, qu
1453
ttaquer l’ennemi, avec quelles forces de terre et
de
mer il faudra faire la guerre, quels chefs militaires, quelles machin
1454
efs militaires, quelles machines et quel matériel
de
guerre il sera nécessaire d’employer, à quel endroit toutes les armée
1455
nes et quel matériel de guerre il sera nécessaire
d’
employer, à quel endroit toutes les armées de terre devront se réunir
1456
aire d’employer, à quel endroit toutes les armées
de
terre devront se réunir pour poursuivre leur marche contre les Turcs.
1457
voici comment le traité prévoit le fonctionnement
de
l’Assemblée fédérale, pièce maîtresse de la construction : Item, af
1458
onnement de l’Assemblée fédérale, pièce maîtresse
de
la construction : Item, afin que ce qui est écrit ci-dessus et ci-d
1459
l est dû, nous promettons et prenons l’engagement
de
la manière susdite que chacun de nous assemblera ses ambassadeurs, ge
1460
ons l’engagement de la manière susdite que chacun
de
nous assemblera ses ambassadeurs, gens notables et jouissant d’une gr
1461
lera ses ambassadeurs, gens notables et jouissant
d’
une grande autorité, munis des plus larges pouvoirs et de son sceau, l
1462
rande autorité, munis des plus larges pouvoirs et
de
son sceau, le dimanche Reminiscere de l’année 1464 après la nativité
1463
pouvoirs et de son sceau, le dimanche Reminiscere
de
l’année 1464 après la nativité du Seigneur70, dans la cité de Bâle en
1464
464 après la nativité du Seigneur70, dans la cité
de
Bâle en Allemagne, afin qu’ils y demeurent tous pendant les cinq ans
1465
corps, communauté ou Collège ; que, ces cinq ans
de
l’Assemblée de Bâle une fois écoulés, cette même Assemblée se réunira
1466
cinq ans immédiatement suivants dans une ville X
de
France, et, au cours de la troisième période de cinq ans, dans une ci
1467
X de France, et, au cours de la troisième période
de
cinq ans, dans une cité X d’Italie, de sorte qu’en faisant toujours p
1468
la troisième période de cinq ans, dans une cité X
d’
Italie, de sorte qu’en faisant toujours par la suite une rotation de c
1469
qu’en faisant toujours par la suite une rotation
de
cinq en cinq ans jusqu’à ce que l’Assemblée elle-même ou la majorité
1470
squ’à ce que l’Assemblée elle-même ou la majorité
de
celle-ci juge devoir en ordonner et disposer autrement, l’Assemblée e
1471
re et la tête, et que nous autres rois et princes
de
la chrétienté en soyons les membres ; que ledit Collège ait aussi sur
1472
empire, selon que ladite Assemblée ou la majorité
de
celle-ci l’aura arrêté et décidé ; qu’enfin il ait ses propres armes,
1473
oment, on mettra à la tête des principaux offices
de
l’Assemblée des hommes qui soient issus et originaires de cette même
1474
emblée des hommes qui soient issus et originaires
de
cette même nation, et en connaissent et comprennent les coutumes et l
1475
s, roi de France, avec les autres rois et princes
de
la Gaule, ayons une voix dans l’Assemblée elle-même, nous, rois et pr
1476
dans l’Assemblée elle-même, nous, rois et princes
de
Germanie, une autre, et nous, doge de Venise, avec les princes et com
1477
et princes de Germanie, une autre, et nous, doge
de
Venise, avec les princes et communes d’Italie, une troisième ; mais q
1478
ous, doge de Venise, avec les princes et communes
d’
Italie, une troisième ; mais que si le roi de Castille ou d’autres roi
1479
si le roi de Castille ou d’autres rois et princes
d’
Espagne se joignaient à notre union, amitié et fraternité, ils aient e
1480
is si, entre les ambassadeurs des rois et princes
d’
une seule et même nation, des votes contraires sont donnés et émis sur
1481
res clauses du traité fut la raison bien évidente
de
l’échec final du projet : par une ruse cousue de fil blanc, les princ
1482
de l’échec final du projet : par une ruse cousue
de
fil blanc, les princes décident de s’adresser au pape pour le charger
1483
ne ruse cousue de fil blanc, les princes décident
de
s’adresser au pape pour le charger de veiller à ce que les dîmes, per
1484
es décident de s’adresser au pape pour le charger
de
veiller à ce que les dîmes, perçues par l’Église, soient désormais ve
1485
ésormais versées à l’Assemblée, nouveau défenseur
de
la Foi ! Poliment écarté par Louis XI, expressément condamné par le p
1486
XI, expressément condamné par le pape, le projet
de
Podiebrad n’eut aucune suite. Æneas Silvius Piccolomini (1405-1464
1487
Pierre Dubois, ni Podiebrad, ne font usage du nom
d’
Europe ou de l’adjectif européen, dans leurs plans qui cependant ne co
1488
s, ni Podiebrad, ne font usage du nom d’Europe ou
de
l’adjectif européen, dans leurs plans qui cependant ne concernent que
1489
e concernent que l’Europe, en tant que chrétienté
de
fait. Chose curieuse, c’est un pape, à l’aube de la Renaissance, qui
1490
de fait. Chose curieuse, c’est un pape, à l’aube
de
la Renaissance, qui sera le premier à désigner de nouveau par son nom
1491
dont il ne sait que trop que les premiers efforts
d’
unité se sont dessinés jusqu’alors contre le Saint-Siège, précisément,
1492
us Piccolomini, l’un des plus glorieux humanistes
de
son temps71, fut élevé au pontificat sous le nom de Pie II en 1458, l
1493
son temps71, fut élevé au pontificat sous le nom
de
Pie II en 1458, l’année même, notons-le, où Georges Podiebrad était é
1494
otre patrie, notre maison », car tout y participe
d’
un même destin menacé : Maintenant, c’est en Europe même, c’est-à-dir
1495
que nous sommes attaqués et tués.72 Vers la fin
de
sa vie, il avait entrepris la rédaction d’une Cosmographie générale,
1496
la fin de sa vie, il avait entrepris la rédaction
d’
une Cosmographie générale, dont seuls les chapitres sur « Asie » et «
1497
t géographique. Il est malheureusement impossible
d’
en citer des extraits significatifs, car l’œuvre se divise en chapitre
1498
3, et quand il devint pape, sa première tâche fut
de
défendre la chrétienté par la force de la persuasion et par la force
1499
tâche fut de défendre la chrétienté par la force
de
la persuasion et par la force des armes. Pour Pie II, la chrétienté e
1500
se Lettre à Mahomet II, il énumère les ressources
de
la chrétienté comme étant les ressources de l’Europe, et nie l’existe
1501
urces de la chrétienté comme étant les ressources
de
l’Europe, et nie l’existence de véritables chrétiens en dehors de l’E
1502
nt les ressources de l’Europe, et nie l’existence
de
véritables chrétiens en dehors de l’Europe. Nous ne pouvons croire q
1503
Nous ne pouvons croire que tu sois assez ignorant
de
ce qui nous concerne pour ne pas voir quelle est la puissance du peup
1504
aux chrétiens non européens, que Mahomet se vante
de
dominer, Pie II a tôt fait de les exclure en tant que faux chrétiens
1505
ue Mahomet se vante de dominer, Pie II a tôt fait
de
les exclure en tant que faux chrétiens : Ils sont tous imbus d’erreu
1506
en tant que faux chrétiens : Ils sont tous imbus
d’
erreur, quoiqu’ils rendent un culte au Christ — Arméniens, Jacobites,
1507
s, Maronites et le reste. Les Grecs se séparèrent
de
l’unité de l’Église romaine lorsque tu envahis Constantinople. Ils n’
1508
s et le reste. Les Grecs se séparèrent de l’unité
de
l’Église romaine lorsque tu envahis Constantinople. Ils n’ont jamais
1509
sance des chrétiens, dit le pape, s’il approchait
de
l’intérieur de la chrétienté, c’est-à-dire de l’intérieur de l’Europe
1510
iens, dit le pape, s’il approchait de l’intérieur
de
la chrétienté, c’est-à-dire de l’intérieur de l’Europe. Tandis que si
1511
ait de l’intérieur de la chrétienté, c’est-à-dire
de
l’intérieur de l’Europe. Tandis que si Mahomet accepte la conversion
1512
eur de la chrétienté, c’est-à-dire de l’intérieur
de
l’Europe. Tandis que si Mahomet accepte la conversion (comme un autre
1513
utre Constantin), le pape lui promet l’admiration
de
toute la Grèce, de toute l’Italie, de toute l’Europe. Quant à la croi
1514
e pape lui promet l’admiration de toute la Grèce,
de
toute l’Italie, de toute l’Europe. Quant à la croisade que Pie II ess
1515
’admiration de toute la Grèce, de toute l’Italie,
de
toute l’Europe. Quant à la croisade que Pie II essaya de promouvoir à
1516
e l’Europe. Quant à la croisade que Pie II essaya
de
promouvoir à Mantoue, c’était, selon ses propres termes, pour chasser
1517
selon ses propres termes, pour chasser l’infidèle
d’
Europe. Lorsque, à la fin de sa vie, il prie pour le succès des croisé
1518
ur chasser l’infidèle d’Europe. Lorsque, à la fin
de
sa vie, il prie pour le succès des croisés, il dit : Donne-nous la vi
1519
ope. Relevons la triade significative des termes
de
Grèce, d’Italie et de chrétienté pour désigner « toute l’Europe » : p
1520
vons la triade significative des termes de Grèce,
d’
Italie et de chrétienté pour désigner « toute l’Europe » : première es
1521
de significative des termes de Grèce, d’Italie et
de
chrétienté pour désigner « toute l’Europe » : première esquisse de ce
1522
r désigner « toute l’Europe » : première esquisse
de
cette définition de notre culture par ses trois sources principales,
1523
’Europe » : première esquisse de cette définition
de
notre culture par ses trois sources principales, Athènes, Rome et Jér
1524
is les chefs des nouveaux États divisant le corps
de
l’Europe restèrent sourds aux appels du Pontife, comme à ceux de son
1525
tèrent sourds aux appels du Pontife, comme à ceux
de
son rival le roi de Bohême. Il eut beau joindre à ses prières l’annon
1526
prières l’annonce, qu’il croyait décisive, du don
de
sa personne sacrée, en promettant de se mettre lui-même à la tête d’u
1527
sive, du don de sa personne sacrée, en promettant
de
se mettre lui-même à la tête d’une nouvelle croisade : Qui pourrait r
1528
ée, en promettant de se mettre lui-même à la tête
d’
une nouvelle croisade : Qui pourrait refuser son concours quand l’évêq
1529
Qui pourrait refuser son concours quand l’évêque
de
Rome est fret à exposer sa propre vie ? Rien n’y fit. À Ancône, où il
1530
en 1464 — l’année même où Podiebrad avait proposé
de
réunir à Bâle la première Assemblée fédérale ! — il ne trouva qu’une
1531
Assemblée fédérale ! — il ne trouva qu’une cohue
d’
aventuriers sans armes ni chefs. Il mourut quelques semaines plus tard
1532
mourut quelques semaines plus tard, sous le coup
de
cette déception. Ne devait-il pas, cependant, l’avoir prévue, lui qui
1533
avant de devenir pape : La chrétienté n’a point
de
chef auquel tous veuillent obéir. Ni au Souverain Pontife ni à l’empe
1534
ni à l’empereur on ne rend leur dû. Il n’est plus
de
respect ni d’obéissance. Nous regardons le pape et l’empereur comme d
1535
r on ne rend leur dû. Il n’est plus de respect ni
d’
obéissance. Nous regardons le pape et l’empereur comme des noms, des f
1536
prince.74 55. Lorsque Dante se fait l’avocat
d’
un Empire qui réaliserait l’ordinatio ad unum, il n’envisage pas un in
1537
, dans son introduction à la traduction française
de
la Monarchie, Felix Alcan, Paris, 1933, qu’on va citer. 57. De Mona
1538
, Felix Alcan, Paris, 1933, qu’on va citer. 57.
De
Monarchia, I, 4. 58. Ibid., I, 5. 59. Ibid., I, 10. 60. Op. cit
1539
. cit., I, 14. 61. Ibid., I, 16. 62. Il s’agit
de
la tour de Babel. 63. E. Renan, Histoire littéraire de la France, T
1540
14. 61. Ibid., I, 16. 62. Il s’agit de la tour
de
Babel. 63. E. Renan, Histoire littéraire de la France, Tome XXVI, F
1541
our de Babel. 63. E. Renan, Histoire littéraire
de
la France, Tome XXVI, Firmin-Didot, Paris, 1873. 64. Siger de Braban
1542
ar l’Église en tant que propagateur des doctrines
d’
Averroès, fut aussi l’un des maîtres de Dante. 65. Il s’agit de l’ouv
1543
t aussi l’un des maîtres de Dante. 65. Il s’agit
de
l’ouvrage qu’on va citer : De recuperatione Terra Sancte. La première
1544
nte. 65. Il s’agit de l’ouvrage qu’on va citer :
De
recuperatione Terra Sancte. La première partie du traité est adressée
1545
dressée en forme de circulaire à tous les princes
de
la chrétienté, Édouard d’abord ; tandis qu’une lettre à Philippe le B
1546
orme la conclusion. 66. Chr. L. Lange : Histoire
de
l’internationalisme, Christiania, 1919. Tome I, chap. IV : Les précur
1547
stiania, 1919. Tome I, chap. IV : Les précurseurs
de
l’internationalisme moderne. Le tome II (de 1648 à 1815) terminé par
1548
seurs de l’internationalisme moderne. Le tome II (
de
1648 à 1815) terminé par Auguste Schou, a paru en 1954. 67. Chr. L.
1549
tyle nouveau). 71. On connaît la fresque fameuse
de
Benozzo Gozzoli (Le départ des trois Mages) où l’on peut le voir chev
1550
où l’on peut le voir chevauchant vers le concile
de
Bâle, dans un paysage hautement civilisé ; et le tableau de Pinturicc
1551
ans un paysage hautement civilisé ; et le tableau
de
Pinturicchio qui le montre recevant la couronne des poètes des mains
1552
montre recevant la couronne des poètes des mains
de
Frédéric III, dernier empereur du Saint-Empire qui ait été couronné à
1553
ait été couronné à Rome. Grands symboles ! 72.
De
Constantinopolitana clade ac bello contra Turcos congregando. Texte l
1554
a, percussi cæsique sumus. » Ce « id est » mérite
d’
être souligné. 73. Denis Hay : « Sur un problème de terminologie hist
1555
être souligné. 73. Denis Hay : « Sur un problème
de
terminologie historique : « Europe » et « chrétienté » », Diogène, n°
1556
3.Le problème
de
la guerre et l’essor des États (xvie siècle) Trois événements maje
1557
es débuts du colonialisme, la Réforme, et l’échec
de
la grandiose tentative impériale de Charles-Quint. Leurs répercussion
1558
e, et l’échec de la grandiose tentative impériale
de
Charles-Quint. Leurs répercussions sur « l’image de l’Europe » ont ét
1559
Charles-Quint. Leurs répercussions sur « l’image
de
l’Europe » ont été diverses et contradictoires. Les grandes découvert
1560
înent pas encore une prise de conscience nouvelle
de
la singularité de l’Europe dans le monde (il faut attendre le xviiie
1561
ne prise de conscience nouvelle de la singularité
de
l’Europe dans le monde (il faut attendre le xviiie siècle pour la vo
1562
er) ni, à plus forte raison, une mise en question
de
l’excellence de notre civilisation, qu’elles paraissent au contraire
1563
orte raison, une mise en question de l’excellence
de
notre civilisation, qu’elles paraissent au contraire confirmer. Elles
1564
nt au contraire confirmer. Elles inaugurent l’ère
d’
un aventureux impérialisme économique au moment où sombre l’idée du Sa
1565
continental. Elles déplacent les foyers créateurs
de
notre civilisation vers les rivages atlantiques. Elles créent les bas
1566
ntiques. Elles créent les bases du capitalisme et
de
la primauté de l’État. Mais ces transformations ne sont guère enregis
1567
créent les bases du capitalisme et de la primauté
de
l’État. Mais ces transformations ne sont guère enregistrées que par l
1568
ue par les « Utopies » relatives au Nouveau Monde
de
Thomas More et de Campanella. Pour les meilleurs esprits du temps, l’
1569
es » relatives au Nouveau Monde de Thomas More et
de
Campanella. Pour les meilleurs esprits du temps, l’Europe ne pose pas
1570
meilleurs esprits du temps, l’Europe ne pose pas
de
problème : elle va de soi, comme l’air que l’on respire. Ils la conna
1571
rement, ils y entretiennent un commerce continuel
d’
idées, de colloques, de correspondances érudites, de polémiques nobles
1572
ls y entretiennent un commerce continuel d’idées,
de
colloques, de correspondances érudites, de polémiques nobles ou virul
1573
nent un commerce continuel d’idées, de colloques,
de
correspondances érudites, de polémiques nobles ou virulentes. « L’Eur
1574
idées, de colloques, de correspondances érudites,
de
polémiques nobles ou virulentes. « L’Europe en un seul corps », comme
1575
xtérieur : eux seuls, parfois, réveillent le sens
d’
une certaine union nécessaire, mais celle-ci n’est imaginée que sous l
1576
e, mais celle-ci n’est imaginée que sous la forme
d’
une coalition des Souverains. La crise profonde de la Réforme n’est pa
1577
d’une coalition des Souverains. La crise profonde
de
la Réforme n’est pas ressentie comme divisant l’Europe, mais seulemen
1578
gements modernes, sur ce point, sont donc frappés
d’
anachronisme.) Si l’on s’en tient aux témoignages du temps, on voit qu
1579
s du temps, on voit qu’en fait, jamais le concept
d’
Europe n’est invoqué par l’une ou l’autre des parties en présence, en
1580
eur de sa thèse 76. Calvin, Luther et Loyola sont
de
très grandes figures européennes, mais aucun n’a jamais parlé de l’Eu
1581
figures européennes, mais aucun n’a jamais parlé
de
l’Europe comme telle, encore moins de son unité. Dans le domaine poli
1582
amais parlé de l’Europe comme telle, encore moins
de
son unité. Dans le domaine politique, au contraire, la conscience d’u
1583
le domaine politique, au contraire, la conscience
d’
une Europe rassemblée sous la couronne du Saint-Empire paraît plus prè
1584
ronne du Saint-Empire paraît plus près que jamais
de
se traduire en une grandiose réalité. Charles-Quint, à son avènement,
1585
aître des Allemagnes, des Espagnes, des Pays-Bas,
de
Naples et de Milan, et d’une partie de la France actuelle, c’est-à-di
1586
emagnes, des Espagnes, des Pays-Bas, de Naples et
de
Milan, et d’une partie de la France actuelle, c’est-à-dire des trois
1587
Espagnes, des Pays-Bas, de Naples et de Milan, et
d’
une partie de la France actuelle, c’est-à-dire des trois quarts de l’E
1588
Pays-Bas, de Naples et de Milan, et d’une partie
de
la France actuelle, c’est-à-dire des trois quarts de l’Europe contine
1589
la France actuelle, c’est-à-dire des trois quarts
de
l’Europe continentale, tandis que les conquistadores vont lui apporte
1590
e les conquistadores vont lui apporter les titres
de
souverain des Indes et de la Terre ferme de la mer Océane, et de domi
1591
lui apporter les titres de souverain des Indes et
de
la Terre ferme de la mer Océane, et de dominateur de l’Afrique et de
1592
itres de souverain des Indes et de la Terre ferme
de
la mer Océane, et de dominateur de l’Afrique et de l’Asie. Et pourtan
1593
s Indes et de la Terre ferme de la mer Océane, et
de
dominateur de l’Afrique et de l’Asie. Et pourtant à sa mort, en 1558,
1594
la Terre ferme de la mer Océane, et de dominateur
de
l’Afrique et de l’Asie. Et pourtant à sa mort, en 1558, que reste-t-i
1595
e la mer Océane, et de dominateur de l’Afrique et
de
l’Asie. Et pourtant à sa mort, en 1558, que reste-t-il de ce grand rê
1596
e. Et pourtant à sa mort, en 1558, que reste-t-il
de
ce grand rêve d’une monarchie universelle dont le foyer eût été l’Eur
1597
sa mort, en 1558, que reste-t-il de ce grand rêve
d’
une monarchie universelle dont le foyer eût été l’Europe unie ? Tout s
1598
Tout s’est défait, dénaturé et disloqué. L’unité
de
l’Église est brisée pour des siècles, la France s’est alliée aux Turc
1599
la France s’est alliée aux Turcs contre le reste
de
l’Europe, l’Espagne a perdu la plupart de ses anciennes libertés comm
1600
nies commerciales, des armateurs et des banquiers
de
toute l’Europe, fait place à une exploitation stérilisante sous le mo
1601
’idéal impérial, idée platonicienne qui n’a cessé
de
fasciner les ambitions des grands monarques, de Charlemagne à Charles
1602
é de fasciner les ambitions des grands monarques,
de
Charlemagne à Charles-Quint en passant par Othon III et Frédéric II,
1603
aineté absolue posent au premier plan le problème
de
la guerre et du droit de guerre ; tandis que l’expansion du commerce
1604
premier plan le problème de la guerre et du droit
de
guerre ; tandis que l’expansion du commerce vers d’autres continents
1605
ommerce vers d’autres continents pose le problème
d’
un droit international qui sera fondé au début du xviie siècle par Hu
1606
tius, à partir du droit maritime ; et le problème
d’
un droit des gens (jus gentium), à partir du drame des colonies : Fran
1607
tique immédiate, n’est simplement pas mentionnée.
De
Francisco de Vitoria (1580-1546), dominicain, professeur à Salamanque
1608
avec Suárez, du droit des gens, célèbre auteur du
De
Indis, citons deux pages sur la guerre : Nulle guerre n’est légitime
1609
tage, une province chrétienne n’est qu’une partie
de
toute la République, j’estime que même si une guerre est utile à une
1610
ue d’autre part elle est au détriment du monde ou
de
la chrétienté, alors la guerre est par cela même injuste. Si par exem
1611
par cela même injuste. Si par exemple une guerre
de
l’Espagne contre la France était entreprise par des motifs justes, et
1612
’elle fût sous d’autres rapports utile au royaume
d’
Espagne, mais que, toutefois, elle fût menée avec un préjudice plus gr
1613
menée avec un préjudice plus grand et aux risques
de
la chrétienté (si par exemple les Turcs occupent, sur ces entrefaits,
1614
inces des chrétiens) alors il faudrait s’abstenir
de
telle guerre.77 On ne peut s’empêcher de penser que Montesquieu, da
1615
stenir de telle guerre.77 On ne peut s’empêcher
de
penser que Montesquieu, dans sa célèbre déclaration qui se termine pa
1616
paraphrasé Vitoria. Dans une lettre au connétable
de
Castille, Vitoria revient sur l’idée que les guerres ne pourraient êt
1617
demanderai pas à Dieu grâce plus grande que celle
de
faire de ces deux princes (Charles V et François Ier) des frères dans
1618
i pas à Dieu grâce plus grande que celle de faire
de
ces deux princes (Charles V et François Ier) des frères dans leur vol
1619
e sont en parenté ; car alors, il n’y aurait plus
d’
hérétiques dans l’Église ni plus de Maures qui la tourmentent, et l’Ég
1620
’y aurait plus d’hérétiques dans l’Église ni plus
de
Maures qui la tourmentent, et l’Église serait réformée, que le pape l
1621
dans la personne du roi de France et moins encore
de
l’empereur. Que Dieu pardonne aux princes ou à leurs opposants ; mais
1622
t les choses étant ainsi, veuillez voir, ô hommes
de
bien, si nos guerres sont au profit de l’Espagne, ou de la France, ou
1623
, ô hommes de bien, si nos guerres sont au profit
de
l’Espagne, ou de la France, ou de l’Italie ou de l’Allemagne, ou plut
1624
n, si nos guerres sont au profit de l’Espagne, ou
de
la France, ou de l’Italie ou de l’Allemagne, ou plutôt pour la destru
1625
sont au profit de l’Espagne, ou de la France, ou
de
l’Italie ou de l’Allemagne, ou plutôt pour la destruction de tous ces
1626
de l’Espagne, ou de la France, ou de l’Italie ou
de
l’Allemagne, ou plutôt pour la destruction de tous ces pays.79 Curi
1627
ou de l’Allemagne, ou plutôt pour la destruction
de
tous ces pays.79 Curieusement, les grands pacifistes du xvie siècl
1628
voir cherché dans un droit supranational le moyen
de
combattre la cause principale des guerres : l’arrogante et anarchique
1629
nte et Pierre Dubois, qui avaient vu la nécessité
d’
instaurer un pouvoir supérieur à celui des souverains nationaux, ils s
1630
celui des souverains nationaux, ils se contentent
de
vitupérer la guerre et de ridiculiser ses prétextes (voir plus loin É
1631
naux, ils se contentent de vitupérer la guerre et
de
ridiculiser ses prétextes (voir plus loin Érasme) au nom de la morale
1632
us loin Érasme) au nom de la morale chrétienne et
de
la raison. Quant aux juristes, en régression sur la coutume du Moyen
1633
t à peine s’ils mentionnent encore la possibilité
de
l’arbitrage. Et quant aux penseurs politiques, loin de songer à conte
1634
), dans sa Méthode pour faciliter la connaissance
de
l’histoire, publiée en 1566 à Paris, le genre humain forme une unité.
1635
s les royaumes, empires, tyrannies ou républiques
de
la terre sont réunis par un lien qui n’est pas autre chose que l’auto
1636
un lien qui n’est pas autre chose que l’autorité
de
la raison ou du droit des gens. D’où il résulte que ce monde est comm
1637
que l’autorité de la raison ou du droit des gens.
D’
où il résulte que ce monde est comme une grande cité et tous les homme
1638
’ils sont tous de même sang et sous la protection
d’
une même raison. Mais parce que cet empire de la raison est dépourvu d
1639
tion d’une même raison. Mais parce que cet empire
de
la raison est dépourvu de contrainte, on ne saurait réunir en une seu
1640
is parce que cet empire de la raison est dépourvu
de
contrainte, on ne saurait réunir en une seule république toutes les n
1641
s à la seule réalité sérieuse, celle des États et
de
leurs luttes fratricides sans « raison », sans fin, sans merci. En ef
1642
même Jean Bodin dans sa République : La grandeur
d’
un prince, à en bien parler, n’est autre chose que la ruine, ou diminu
1643
er, n’est autre chose que la ruine, ou diminution
de
ses voisins : et sa force n’est rien que la faiblesse d’autrui. L’ég
1644
voisins : et sa force n’est rien que la faiblesse
d’
autrui. L’égoïsme sacré serait donc le dernier mot de la sagesse poli
1645
trui. L’égoïsme sacré serait donc le dernier mot
de
la sagesse politique ? Il en est bien ainsi, dès qu’on admet le princ
1646
Il en est bien ainsi, dès qu’on admet le principe
de
la souveraineté sans limites que s’arrogent un prince ou une républiq
1647
n prince ou une république. En regard de ce texte
d’
un ton machiavélien, citons cependant une page célèbre de Francisco Su
1648
n machiavélien, citons cependant une page célèbre
de
Francisco Suárez (1548-1617). Le grand jésuite espagnol ne se content
1649
17). Le grand jésuite espagnol ne se contente pas
d’
exalter la communauté du genre humain, mais suggère et implique l’idée
1650
du genre humain, mais suggère et implique l’idée
d’
un droit des gens, imposant sa réelle autorité à la prétendue potestas
1651
Cette unité est indiquée par le précepte naturel
de
l’amour mutuel et de la miséricorde, précepte qui s’étend à tous, mêm
1652
quée par le précepte naturel de l’amour mutuel et
de
la miséricorde, précepte qui s’étend à tous, même aux étrangers, de q
1653
précepte qui s’étend à tous, même aux étrangers,
de
quelque condition qu’ils soient. C’est pourquoi tout État souverain,
1654
i et fermement assis, est néanmoins en même temps
d’
une certaine manière membre de cet univers, en tant qu’il regarde le g
1655
moins en même temps d’une certaine manière membre
de
cet univers, en tant qu’il regarde le genre humain. Jamais aucun État
1656
in. Jamais aucun État ne peut se suffire au point
de
n’avoir besoin d’aucun appui, d’association et de rapports mutuels, t
1657
tat ne peut se suffire au point de n’avoir besoin
d’
aucun appui, d’association et de rapports mutuels, tantôt pour son bie
1658
suffire au point de n’avoir besoin d’aucun appui,
d’
association et de rapports mutuels, tantôt pour son bien-être et pour
1659
de n’avoir besoin d’aucun appui, d’association et
de
rapports mutuels, tantôt pour son bien-être et pour une fin d’utilité
1660
utuels, tantôt pour son bien-être et pour une fin
d’
utilité, tantôt à cause d’une nécessité et d’un besoin moral, comme il
1661
en-être et pour une fin d’utilité, tantôt à cause
d’
une nécessité et d’un besoin moral, comme il ressort de l’expérience m
1662
fin d’utilité, tantôt à cause d’une nécessité et
d’
un besoin moral, comme il ressort de l’expérience même. Il faut donc a
1663
nécessité et d’un besoin moral, comme il ressort
de
l’expérience même. Il faut donc aux États un droit qui les dirige et
1664
oit qui les dirige et les gouverne, dans ce genre
de
communauté et de société. Sans doute à ce point de vue la raison natu
1665
e et les gouverne, dans ce genre de communauté et
de
société. Sans doute à ce point de vue la raison naturelle fait beauco
1666
s n’avons donc trouvé que peu de pages témoignant
d’
une conscience européenne comme telle. Deux textes cependant méritent
1667
éenne comme telle. Deux textes cependant méritent
d’
être cités. Ils montrent à quel point la vision des penseurs de ce tem
1668
Ils montrent à quel point la vision des penseurs
de
ce temps est naturellement européenne, en ce sens qu’elle ne cesse de
1669
rellement européenne, en ce sens qu’elle ne cesse
de
comparer entre elles nos diverses nations comme parties d’un tout imp
1670
er entre elles nos diverses nations comme parties
d’
un tout implicite. Mais ils montrent aussi combien, à cette époque, la
1671
chez les autres, loin de conduire à la conscience
d’
une politique positive, visant à juguler l’anarchie des États. Voici d
1672
ie des États. Voici d’abord des pages peu connues
de
Machiavel (1469-1527), tirées de son Art de la guerre 82. Il y dévelo
1673
ages peu connues de Machiavel (1469-1527), tirées
de
son Art de la guerre 82. Il y développe une thèse que l’on a vue plus
1674
nnues de Machiavel (1469-1527), tirées de son Art
de
la guerre 82. Il y développe une thèse que l’on a vue plus haut esqui
1675
pe : Vous savez que l’Europe célèbre la renommée
d’
innombrables grands hommes qui se sont illustrés à la guerre. L’Afriqu
1676
et l’Asie encore moins. Cette différence résulte
de
ce que, dans ces deux dernières parties du monde, il n’y eut qu’une o
1677
urage, que lorsque l’État les emploie ou les tire
de
leur obscurité, qu’ils vivent dans une monarchie ou dans une républiq
1678
narchie ou dans une république. Ainsi plus il y a
d’
États, plus il y a de grands hommes. Ils sont plus rares à mesure que
1679
épublique. Ainsi plus il y a d’États, plus il y a
de
grands hommes. Ils sont plus rares à mesure que le nombre des États d
1680
e ; on ne peut guère trouver d’autres noms dignes
de
leur être comparés. Et sans parler de l’ancienne Égypte, l’Afrique no
1681
noms dignes de leur être comparés. Et sans parler
de
l’ancienne Égypte, l’Afrique nomme ses Massinissa, ses Jugurtha, et l
1682
ses Jugurtha, et les capitaines que la république
de
Carthage a élevés dans son sein. Cependant ces guerriers illustres so
1683
res sont bien peu nombreux en comparaison de ceux
de
l’Europe : c’est en Europe en effet que l’on voit briller sans nombre
1684
cé le nom ; car l’époque où les vertus ont brillé
d’
un plus grand éclat, est celle où il s’est trouvé le plus d’États à le
1685
grand éclat, est celle où il s’est trouvé le plus
d’
États à les favoriser, poussés par la nécessité ou par toute autre pas
1686
e passion humaine. Ainsi l’Asie ne compte que peu
d’
hommes illustres. Cette immense contrée où dominait pour ainsi dire un
1687
régnait trop souvent, ne pouvait enfanter que peu
d’
hommes illustres. Il en est allé de même en Afrique. Cependant cette c
1688
lques grands hommes de plus grâce à la république
de
Carthage. Car les grands hommes sont plus nombreux dans une républiqu
1689
ouffer. Que si l’on considère toutes les contrées
de
l’Europe, on constate qu’elles furent remplies d’une foule de républi
1690
de l’Europe, on constate qu’elles furent remplies
d’
une foule de républiques et de principautés qui, vivant dans la craint
1691
on constate qu’elles furent remplies d’une foule
de
républiques et de principautés qui, vivant dans la crainte continuell
1692
les furent remplies d’une foule de républiques et
de
principautés qui, vivant dans la crainte continuelle les unes des aut
1693
continuelle les unes des autres, ont été obligées
de
conserver leurs institutions militaires et de combler d’honneurs ceux
1694
ées de conserver leurs institutions militaires et
de
combler d’honneurs ceux qui se distinguaient dans l’art de la guerre.
1695
erver leurs institutions militaires et de combler
d’
honneurs ceux qui se distinguaient dans l’art de la guerre. En effet,
1696
r d’honneurs ceux qui se distinguaient dans l’art
de
la guerre. En effet, en Grèce, sans compter le royaume de Macédoine,
1697
erre. En effet, en Grèce, sans compter le royaume
de
Macédoine, il y avait de nombreuses républiques qui toutes ont eu des
1698
sans compter le royaume de Macédoine, il y avait
de
nombreuses républiques qui toutes ont eu des hommes remarquables. L’I
1699
norent que le vainqueur. Il n’est pas raisonnable
de
croire que pendant les cent-cinquante années où les Samnites et les T
1700
tes et les Toscans combattirent les Romains avant
d’
être vaincus, ils n’aient pas donné le jour à de nombreux hommes illus
1701
t d’être vaincus, ils n’aient pas donné le jour à
de
nombreux hommes illustres. Il en a été de même dans les Gaules et dan
1702
courage que les historiens n’ont pas célébré chez
de
simples citoyens, ils l’ont du moins loué chez les peuples dont ils p
1703
re la liberté. Puisqu’il est vrai que plus il y a
d’
empires, plus on voit de grands hommes se distinguer, il s’ensuit néce
1704
est vrai que plus il y a d’empires, plus on voit
de
grands hommes se distinguer, il s’ensuit nécessairement qu’empêcher l
1705
’est étouffer peu à peu la vertu que l’on empêche
de
se manifester dans les actions de ceux qu’elle inspire. Ainsi, lorsqu
1706
ue l’on empêche de se manifester dans les actions
de
ceux qu’elle inspire. Ainsi, lorsque l’Empire romain au faîte de sa g
1707
inspire. Ainsi, lorsque l’Empire romain au faîte
de
sa grandeur eut vaincu toutes les républiques et toutes les monarchie
1708
u toutes les républiques et toutes les monarchies
de
l’Europe, de l’Afrique, et la plupart de celles de l’Asie, Rome resta
1709
républiques et toutes les monarchies de l’Europe,
de
l’Afrique, et la plupart de celles de l’Asie, Rome resta la seule car
1710
e l’Europe, de l’Afrique, et la plupart de celles
de
l’Asie, Rome resta la seule carrière ouverte au courage. Et les grand
1711
qu’en Asie. La vertu tomba alors au dernier degré
de
l’abaissement. Car limitée comme elle l’était pour ainsi dire à Rome
1712
des Scythes vinrent et se partagèrent l’empire en
de
nombreux États, mais la vertu n’a pu y renaître : d’abord, parce qu’i
1713
u y renaître : d’abord, parce qu’il est difficile
de
faire revivre des institutions entièrement viciées, et, ensuite parce
1714
e sont telles que l’homme n’a plus le même besoin
de
se défendre qu’autrefois. On tuait alors les vaincus ou on les livrai
1715
it les habitants ; et, après les avoir dépouillés
de
leurs biens on les dispersait dans tout l’univers. Les vaincus suppor
1716
ette terreur toujours renaissante auraient craint
de
négliger leurs institutions militaires et ils honoraient donc tous ce
1717
raindre qu’on les détruise. On conserve les biens
de
leurs habitants et le plus grand malheur qu’elles aient à redouter, c
1718
us grand malheur qu’elles aient à redouter, c’est
de
payer des contributions. Les hommes répugnent à se soumettre aux obli
1719
Par comparaison d’ailleurs, les diverses contrées
de
l’Europe ont bien peu de chefs aujourd’hui. En effet, la France entiè
1720
L’Espagne également. L’Italie est divisée en peu
d’
États ; de sorte que les villes faibles se défendent en s’attachant au
1721
our ses saints, et ne la mettait que par la grâce
d’
eux seuls au-dessus des nations du Proche-Orient ! (Car c’est au Proch
1722
e compte, la raison et la liberté, voici l’auteur
de
l’Éloge de la Folie et du traité Dulce bellum inexpertis (« La guerre
1723
a raison et la liberté, voici l’auteur de l’Éloge
de
la Folie et du traité Dulce bellum inexpertis (« La guerre est douce
1724
n’est pas lui qui nommerait « excellent » l’homme
d’
armes, qu’il tient plutôt pour une apparition monstrueuse et qui répug
1725
guerrier furieux… Je t’ai imaginé comme un animal
d’
un certain caractère divin.83 » Érasme est le type même de ces grands
1726
tain caractère divin.83 » Érasme est le type même
de
ces grands hommes du xvie siècle qui ne parlent pas de l’Europe parc
1727
grands hommes du xvie siècle qui ne parlent pas
de
l’Europe parce qu’en somme ils ne voient rien qu’elle. Ce Hollandais
1728
n somme ils ne voient rien qu’elle. Ce Hollandais
de
naissance a vécu à Bruxelles, à Paris, en Angleterre et en Suisse, et
1729
il a visité l’Italie et l’Allemagne. On a pu dire
de
lui que « s’il avait une patrie, c’était l’Europe » (Lange). Par tout
1730
oute sa vie et ses travaux, par toutes les fibres
de
son être, il a bien mérité le titre de « premier Européen », sinon pa
1731
les fibres de son être, il a bien mérité le titre
de
« premier Européen », sinon par l’intention, du moins par le fait. De
1732
n », sinon par l’intention, du moins par le fait.
De
sa Querela pacis 84, voici quelques pages qui résument ses idées sur
1733
ur le nationalisme naissant : XXXIV. — On rougit
de
rappeler pour quels motifs honteux ou frivoles les princes chrétiens
1734
prend pour prétexte un point omis dans un traité
de
cent chapitres. Celui-ci a un ressentiment contre celui-là au sujet d
1735
lui-ci a un ressentiment contre celui-là au sujet
d’
une fiancée refusée ou enlevée ou de quelque raillerie un peu trop lib
1736
i-là au sujet d’une fiancée refusée ou enlevée ou
de
quelque raillerie un peu trop libre ; et, le comble de l’infamie, c’e
1737
elque raillerie un peu trop libre ; et, le comble
de
l’infamie, c’est qu’il y a des princes qui, sentant leur autorité fai
1738
nces qui, sentant leur autorité faiblir par suite
d’
une paix trop longue et de l’union de leurs sujets, s’entendent en sec
1739
orité faiblir par suite d’une paix trop longue et
de
l’union de leurs sujets, s’entendent en secret, de façon diabolique,
1740
ir par suite d’une paix trop longue et de l’union
de
leurs sujets, s’entendent en secret, de façon diabolique, avec les au
1741
e l’union de leurs sujets, s’entendent en secret,
de
façon diabolique, avec les autres princes qui, lorsque le prétexte es
1742
t la guerre, afin de tout diviser par la discorde
de
ceux qui vivaient étroitement unis et de dépouiller le malheureux peu
1743
discorde de ceux qui vivaient étroitement unis et
de
dépouiller le malheureux peuple, grâce à cette autorité sans frein qu
1744
e pour opprimer leurs États. Et ceux qui agissent
de
cette manière sont considérés comme des chrétiens ? Ainsi souillés de
1745
t considérés comme des chrétiens ? Ainsi souillés
de
sang osent-ils entrer dans les Églises et s’approcher des autels ? Ô
1746
procher des autels ? Ô fléaux des nations, dignes
d’
être déportés dans les îles les plus éloignées ! S’ils sont les membre
1747
îles les plus éloignées ! S’ils sont les membres
d’
un seul corps chrétien, pourquoi chacun d’eux ne s’estime-t-il pas heu
1748
membres d’un seul corps chrétien, pourquoi chacun
d’
eux ne s’estime-t-il pas heureux du bonheur de l’autre ? XXXVI. — Aujo
1749
cun d’eux ne s’estime-t-il pas heureux du bonheur
de
l’autre ? XXXVI. — Aujourd’hui le voisinage d’un royaume un peu trop
1750
ur de l’autre ? XXXVI. — Aujourd’hui le voisinage
d’
un royaume un peu trop florissant est presque un motif légitime de gue
1751
peu trop florissant est presque un motif légitime
de
guerre. En effet, si nous voulons être justes, quelle autre cause a p
1752
sinon le fait que ce pays est le plus florissant
de
tous ? Nul ne possède une étendue plus vaste ; nulle part le Sénat n’
1753
l’Académie plus célèbre ; aucun ne jouit de plus
de
concorde et par cela même de plus de pouvoir. Nulle part les lois ne
1754
ouit de plus de concorde et par cela même de plus
de
pouvoir. Nulle part les lois ne sont mieux appliquées et, en ce qui c
1755
ou les Espagnols. L’Allemagne, pour ne rien dire
de
la Bohême, est divisée en une foule de royaumes et on ne voit cependa
1756
rien dire de la Bohême, est divisée en une foule
de
royaumes et on ne voit cependant chez elle nulle ombre d’autorité. Se
1757
mes et on ne voit cependant chez elle nulle ombre
d’
autorité. Seule la France, fleur intacte du royaume du Christ, est son
1758
hasard quelque orage survient, elle sera attaquée
de
toutes les façons, assaillie par toutes les ruses de ceux qui la boul
1759
toutes les façons, assaillie par toutes les ruses
de
ceux qui la bouleversent, pour le seul plaisir de se féliciter de l’o
1760
de ceux qui la bouleversent, pour le seul plaisir
de
se féliciter de l’orage qu’ils auront provoqué. Et après cela, peut-o
1761
ouleversent, pour le seul plaisir de se féliciter
de
l’orage qu’ils auront provoqué. Et après cela, peut-on dire que ces h
1762
après cela, peut-on dire que ces hommes jouissent
de
la moindre parcelle de l’esprit chrétien ? LV. — La guerre, qui est l
1763
e que ces hommes jouissent de la moindre parcelle
de
l’esprit chrétien ? LV. — La guerre, qui est la chose la plus dangere
1764
soit, ne doit être faite qu’avec le consentement
de
toute la nation. Il faut supprimer les causes de la guerre dès qu’ell
1765
de toute la nation. Il faut supprimer les causes
de
la guerre dès qu’elles se manifestent… LVII. — Mais, si la guerre, ce
1766
r les Turcs ? Il serait, naturellement préférable
de
convertir les Turcs au christianisme, par la persuasion, par les bien
1767
a persuasion, par les bienfaits, et par l’exemple
d’
une vie pure, plutôt que par les armes : cependant, si la guerre est a
1768
uaient entre eux. Si l’amour réciproque n’est pas
de
nature à les unir, que du moins ils soient unis contre l’ennemi commu
1769
seule à les diviser à ce point et le titre commun
d’
hommes et de chrétiens ne peut pas les unir ! Pourquoi une chose de si
1770
diviser à ce point et le titre commun d’hommes et
de
chrétiens ne peut pas les unir ! Pourquoi une chose de si peu d’impor
1771
rétiens ne peut pas les unir ! Pourquoi une chose
de
si peu d’importance agit-elle avec plus de force sur eux que les lien
1772
peut pas les unir ! Pourquoi une chose de si peu
d’
importance agit-elle avec plus de force sur eux que les liens de la na
1773
chose de si peu d’importance agit-elle avec plus
de
force sur eux que les liens de la nature et du Christ ? La distance d
1774
git-elle avec plus de force sur eux que les liens
de
la nature et du Christ ? La distance d’un pays à l’autre sépare les c
1775
les liens de la nature et du Christ ? La distance
d’
un pays à l’autre sépare les corps et non les âmes. Jadis le Rhin sépa
1776
des Français, mais elle ne peut rompre les liens
de
la société du Christ. L’apôtre Paul s’indigna un jour, en entendant d
1777
uis Paulicien. Il ne permit pas des dénominations
de
ce genre qui eussent pu blesser le Christ, le conciliateur de toute c
1778
qui eussent pu blesser le Christ, le conciliateur
de
toute chose. Et nous considérons cette dissemblance de noms communs à
1779
ute chose. Et nous considérons cette dissemblance
de
noms communs à chaque pays, comme un motif suffisant pour que les nat
1780
pas applaudir à ces sarcasmes contre les « causes
de
guerre », alléguées par les « princes » ? Mais comment ne pas voir, e
1781
as voir, en même temps, qu’en se faisant l’avocat
d’
une cristallisation des frontières et d’une sorte de « nationalisation
1782
l’avocat d’une cristallisation des frontières et
d’
une sorte de « nationalisation » des princes, de même qu’en proposant
1783
une cristallisation des frontières et d’une sorte
de
« nationalisation » des princes, de même qu’en proposant que la guerr
1784
la guerre ne soit faite « qu’avec le consentement
de
toute la nation », loin de « supprimer les causes de guerre », Érasme
1785
toute la nation », loin de « supprimer les causes
de
guerre », Érasme fait le jeu de ces forces collectives et régressives
1786
primer les causes de guerre », Érasme fait le jeu
de
ces forces collectives et régressives dont l’avenir devait révéler qu
1787
r la guerre aux Turcs, il en vient enfin à l’idée
d’
un Pouvoir supranational : il ne peut toutefois l’imaginer qu’à l’inst
1788
outefois l’imaginer qu’à l’instar de la Monarchie
de
Dante, qui lui semble idéale mais utopique ; il faut donc se rabattre
1789
uilibre plus ou moins fédératif des puissances :
D’
aucuns sont effrayés par le mot de Monarchie universelle, que certains
1790
s puissances : D’aucuns sont effrayés par le mot
de
Monarchie universelle, que certains paraissent ambitionner… Certes, l
1791
œurs des hommes étant ce qu’elles sont, les États
de
grandeur moyenne (moderata imperia) sont les plus sûrs, s’ils sont un
1792
pactes chrétiens. Cependant, à l’autre extrémité
de
l’Europe, en Scandinavie, une voix de rude bon sens s’élève contre l’
1793
e extrémité de l’Europe, en Scandinavie, une voix
de
rude bon sens s’élève contre l’exaltation machiavélienne de la virtù
1794
n sens s’élève contre l’exaltation machiavélienne
de
la virtù guerrière. C’est celle du réformateur de la Suède, Olaus Pet
1795
de la virtù guerrière. C’est celle du réformateur
de
la Suède, Olaus Petri (1497-1552), qui fut le chancelier du roi Gusta
1796
ncelier du roi Gustav Vasa, et le premier pasteur
de
Stockholm : Nos chroniques suédoises font grand honneur à nos ancêtr
1797
rangers. Mais si l’on y réfléchit, il y avait peu
d’
honneur en tout cela… Loue qui veut les anciens Goths : ceux qui euren
1798
e les louèrent pas, mais les appelèrent une horde
de
bandits et de tyrans, pour avoir pillé et brûlé campagnes et cités, e
1799
pas, mais les appelèrent une horde de bandits et
de
tyrans, pour avoir pillé et brûlé campagnes et cités, et privé de leu
1800
avoir pillé et brûlé campagnes et cités, et privé
de
leurs biens et de leur vie des centaines de milliers d’hommes. Tel fu
1801
lé campagnes et cités, et privé de leurs biens et
de
leur vie des centaines de milliers d’hommes. Tel fut leur courage tan
1802
privé de leurs biens et de leur vie des centaines
de
milliers d’hommes. Tel fut leur courage tant vanté, ainsi que les chr
1803
rs biens et de leur vie des centaines de milliers
d’
hommes. Tel fut leur courage tant vanté, ainsi que les chroniques le f
1804
us jamais les réparer. Celui qui pense s’acquérir
de
l’honneur par l’incendie, le meurtre et la guerre devrait pouvoir se
1805
meurtre et la guerre devrait pouvoir se réclamer
d’
une juste cause, sinon l’on verra que c’est une grossière brutalité, n
1806
courage, qui l’anime.86 75. Dans son Abrégé
de
cosmographie, cité par Moreri, et d’après la présentation que Christi
1807
n du siècle que la Réforme a provoqué une rupture
de
l’« unité des peuples et des princes » dans « une Europe autrefois to
1808
e. 77. Relectiones theologicæ tredecim, édition
de
Venise, 1626. 78. On trouvera le texte entier de ce passage de Monte
1809
de Venise, 1626. 78. On trouvera le texte entier
de
ce passage de Montesquieu, p. 132. 79. Au Connétable de Castille, 19
1810
6. 78. On trouvera le texte entier de ce passage
de
Montesquieu, p. 132. 79. Au Connétable de Castille, 19 novembre 1536
1811
assage de Montesquieu, p. 132. 79. Au Connétable
de
Castille, 19 novembre 1536. 80. « On y pourrait ajouter (à ces cause
1812
1536. 80. « On y pourrait ajouter (à ces causes
de
guerre) la religion — écrira Émeric Crucé —, si l’expérience n’eût fa
1813
n’eût fait connaître qu’elle sert le plus souvent
de
prétexte. » 81. Tractatus de legibus ac de Deo legislatores, II, XI
1814
rt le plus souvent de prétexte. » 81. Tractatus
de
legibus ac de Deo legislatores, II, XIX, 9, publié à Anvers en 1614,
1815
vent de prétexte. » 81. Tractatus de legibus ac
de
Deo legislatores, II, XIX, 9, publié à Anvers en 1614, mais composé à
1816
Sur l’idée européenne chez Machiavel, cf. l’essai
de
C. Curcio in Macchiavelli nel Risorgimento, Milan, 1953. 83. Dulce
1817
15, dédiée au jeune Charles-Quint, dont il venait
d’
être nommé conseiller, Érasme écrivait, non sans une profonde ironie :
1818
ns une profonde ironie : Faisons d’abord en sorte
d’
être nous-mêmes chrétiens sincères ; puis, si cela est acquis, alors a
1819
cela est acquis, alors attaquons les Turcs. 86.
De
la chronique suédoise du xvie siècle, d’Olaf Petri.
1820
. 86. De la chronique suédoise du xvie siècle,
d’
Olaf Petri.
1821
4.« Têtes
de
Turcs » Nous avons dit, au reste, que le xvie siècle n’apporte rie
1822
dit, au reste, que le xvie siècle n’apporte rien
de
neuf quant à l’union de l’Europe : il n’y penserait plus sans les Tur
1823
ie siècle n’apporte rien de neuf quant à l’union
de
l’Europe : il n’y penserait plus sans les Turcs. Ceux-ci ont certes a
1824
nt certes assiégé Vienne en 1552, au grand effroi
de
la chrétienté. Mais don Juan d’Autriche a battu leur flotte à Lépante
1825
voit-on pas que les guerres intestines font plus
de
mal à l’Europe que le Turc ? Peut-être, mais on n’ose appeler l’union
1826
n’ose appeler l’union qu’en se réclamant du mythe
de
la croisade, levier traditionnel, cause bien vue par les princes. Ain
1827
Bruges en 1540, après avoir vécu à Louvain auprès
d’
Érasme, puis en Angleterre au service d’Henry VIII) se persuade que po
1828
in auprès d’Érasme, puis en Angleterre au service
d’
Henry VIII) se persuade que pour pacifier l’Europe, il suffirait de co
1829
persuade que pour pacifier l’Europe, il suffirait
de
convaincre quelques princes et leurs conseillers. À cette fin, il écr
1830
fin, il écrit au pape : Ce qu’on attend d’abord
de
toi, c’est de faire la paix entre les princes… Dis que la guerre entr
1831
au pape : Ce qu’on attend d’abord de toi, c’est
de
faire la paix entre les princes… Dis que la guerre entre chrétiens es
1832
a absolument, comme une dispute entre les membres
d’
un même corps.87 Cette exhortation étant restée sans effets, il reco
1833
vrage le plus connu porte un titre significatif :
De
Europæ Dissidiis et Bello Turcico Dialogus. Vives y reprend, après Ma
1834
et tant d’autres Renaissants, le vieux thème grec
de
l’opposition Asie-Europe : Aristote, grand sectateur de la sagesse,
1835
osition Asie-Europe : Aristote, grand sectateur
de
la sagesse, et avec lui beaucoup d’autres grands hommes qui se sont d
1836
nds hommes qui se sont dédiés à l’étude fatigante
de
la Nature et des causes des choses, nous ont tous confirmé que la rac
1837
par le courage et la force, mais il en va de même
de
ses bêtes sauvages. Les lions nés en Europe ont plus de courage que l
1838
bêtes sauvages. Les lions nés en Europe ont plus
de
courage que les lions puniques ; cela vaut également pour les chiens,
1839
ns, les loups et les autres animaux, quoique ceux
de
l’Afrique semblent avoir plus de férocité… La discorde de l’Europe, n
1840
ux, quoique ceux de l’Afrique semblent avoir plus
de
férocité… La discorde de l’Europe, notamment celle qui s’enflamma ent
1841
ique semblent avoir plus de férocité… La discorde
de
l’Europe, notamment celle qui s’enflamma entre les princes de Constan
1842
notamment celle qui s’enflamma entre les princes
de
Constantinople, a livré l’Asie aux mains des Turcs ; elle leur a ouve
1843
x mains des Turcs ; elle leur a ouvert les portes
de
la Thrace. Par la suite, les dissensions entre les rois de l’Europe e
1844
ace. Par la suite, les dissensions entre les rois
de
l’Europe et les guerres naissant l’une de l’autre comme les têtes de
1845
es rois de l’Europe et les guerres naissant l’une
de
l’autre comme les têtes de l’hydre ont encouragé les Turcs à s’étendr
1846
guerres naissant l’une de l’autre comme les têtes
de
l’hydre ont encouragé les Turcs à s’étendre sur l’Europe plus largeme
1847
Parfois l’art arrive à corriger quelques défauts
de
la Nature, mais il n’en supprime pas la racine ; et quand l’art recul
1848
siatiques. L’adversité révélerait ce qu’une série
de
succès ininterrompue a caché, et ferait voir en toute clarté que les
1849
en toute clarté que les Turcs ne furent pas forts
de
leur propre force et courage, mais de vos erreurs. … Les chrétiens po
1850
t pas forts de leur propre force et courage, mais
de
vos erreurs. … Les chrétiens possèdent encore la part la plus solide
1851
chrétiens possèdent encore la part la plus solide
de
l’Europe : l’Allemagne. Qu’ils cessent de se combattre, sinon ils son
1852
solide de l’Europe : l’Allemagne. Qu’ils cessent
de
se combattre, sinon ils sont perdus. Qu’ils fortifient l’Allemagne, o
1853
ravaillent en commun pour que le Turc ne s’empare
de
l’Allemagne ; sinon il n’y a plus d’espoir que tout l’Occident ne tom
1854
ne s’empare de l’Allemagne ; sinon il n’y a plus
d’
espoir que tout l’Occident ne tombe au pouvoir des Turcs, et que ceux
1855
be au pouvoir des Turcs, et que ceux qui refusent
de
vivre sous ce joug, n’émigrent en grandes flottes vers le Nouveau Mon
1856
là même, ils ne seront pas à l’abri des attaques
de
ce tyran piqué par le taon de l’avidité et de l’ambition. Quelle redo
1857
l’abri des attaques de ce tyran piqué par le taon
de
l’avidité et de l’ambition. Quelle redoute pourrions-nous encore lui
1858
ues de ce tyran piqué par le taon de l’avidité et
de
l’ambition. Quelle redoute pourrions-nous encore lui opposer s’il s’e
1859
pourrions-nous encore lui opposer s’il s’emparait
de
l’Allemagne ? Tout autre obstacle serait un château de cartes. Il est
1860
Allemagne ? Tout autre obstacle serait un château
de
cartes. Il est douloureux d’avoir à dire que seule la faiblesse pourr
1861
le serait un château de cartes. Il est douloureux
d’
avoir à dire que seule la faiblesse pourrait être opposée au souverain
1862
e la faiblesse pourrait être opposée au souverain
de
l’Allemagne et d’un si grand nombre de races et de royaumes. Il est v
1863
rrait être opposée au souverain de l’Allemagne et
d’
un si grand nombre de races et de royaumes. Il est vrai que l’Europe e
1864
souverain de l’Allemagne et d’un si grand nombre
de
races et de royaumes. Il est vrai que l’Europe est très forte ; mais
1865
e l’Allemagne et d’un si grand nombre de races et
de
royaumes. Il est vrai que l’Europe est très forte ; mais de quoi cela
1866
s. Il est vrai que l’Europe est très forte ; mais
de
quoi cela lui servirait-il, si le Turc possédait la meilleure partie
1867
rait-il, si le Turc possédait la meilleure partie
de
l’Europe ? Vives rejoint ici l’opinion d’un autre champion de la rés
1868
partie de l’Europe ? Vives rejoint ici l’opinion
d’
un autre champion de la résistance aux Turcs, Gaspard Peucer (1525-160
1869
Vives rejoint ici l’opinion d’un autre champion
de
la résistance aux Turcs, Gaspard Peucer (1525-1602), savant allemand,
1870
spard Peucer (1525-1602), savant allemand, gendre
de
Melanchton, dont il partageait la conviction que seule la pulchra con
1871
eait la conviction que seule la pulchra coniuncto
de
l’Allemagne, de la France et de l’Italie serait capable de sauver l’E
1872
on que seule la pulchra coniuncto de l’Allemagne,
de
la France et de l’Italie serait capable de sauver l’Europe. C’est en
1873
pulchra coniuncto de l’Allemagne, de la France et
de
l’Italie serait capable de sauver l’Europe. C’est en s’appuyant avant
1874
magne, de la France et de l’Italie serait capable
de
sauver l’Europe. C’est en s’appuyant avant tout sur les Allemagnes qu
1875
ces luthériens entrevoyaient la création possible
d’
une respublica cristiana en Europe, c’est-à-dire une confédération ant
1876
édération antipapale et anti-impériale à la fois.
De
son côté, Vives dans un écrit complémentaire à celui qu’on vient de c
1877
rit complémentaire à celui qu’on vient de citer :
De
Concordia et Discordia in Humano Genere 89 dit la nécessité d’une « r
1878
et Discordia in Humano Genere 89 dit la nécessité
d’
une « reconstruction générale de l’Europe », mais n’en décrit pas les
1879
dit la nécessité d’une « reconstruction générale
de
l’Europe », mais n’en décrit pas les moyens : les « grands desseins »
1880
s plus tard : Dès lors, dans une série si longue
de
guerres qui sont nées l’une de l’autre par une fécondité incroyable,
1881
ne série si longue de guerres qui sont nées l’une
de
l’autre par une fécondité incroyable, toute l’Europe a souffert des d
1882
s et aura besoin, dans presque tous les domaines,
d’
une grande et quasi universelle reconstruction ; mais de nulle autre c
1883
grande et quasi universelle reconstruction ; mais
de
nulle autre chose la nécessité n’est plus pressante, que d’une immédi
1884
utre chose la nécessité n’est plus pressante, que
d’
une immédiate réconciliation et concorde, qui s’étendent et se communi
1885
ensemble, peuvent en quatre ans chasser les Turcs
de
l’Europe. La Noue propose une confédération entre les princes chrétie
1886
s chrétiens réunis à Augsbourg sous la présidence
de
l’empereur : Ayant basti une telle confédération, il conviendrait en
1887
ons expediens pour la continuer au moins l’espace
de
quatre années. Projet modeste, en vérité, mais qui n’en eut pas plus
1888
et modeste, en vérité, mais qui n’en eut pas plus
de
suites. Il convient de citer enfin dans ce contexte Guillaume Postel
1889
mais qui n’en eut pas plus de suites. Il convient
de
citer enfin dans ce contexte Guillaume Postel (1510-1581), humaniste
1890
talien, en latin et traduit les Saintes Écritures
de
l’hébreu et du grec en arabe.) Postel croit à la Monarchie universell
1891
mahométans ou « Ismaéliens », par la propagation
d’
un « christianisme raisonnable ». Cela fait, quand tous seront un : D
1892
e, un seul prince… meilleure image du Dieu unique
d’
où procède l’ordre du monde. Un tel monarque universel ne saurait êtr
1893
oi de France, puisque ce roi descend du fils aîné
de
Japhet, Gomer, fondateur de la race gallique au témoignage de Josèphe
1894
descend du fils aîné de Japhet, Gomer, fondateur
de
la race gallique au témoignage de Josèphe… Toutefois, Postel est loin
1895
omer, fondateur de la race gallique au témoignage
de
Josèphe… Toutefois, Postel est loin de se regarder comme un impériali
1896
rder comme un impérialiste « gaulois ». Dans l’un
de
ses livres intitulé La République des Turcs (1560), il se nomme au co
1897
siècle C’est au xviie siècle qu’il appartenait
de
tirer certaines conclusions constructives, à la fois philosophiques e
1898
s et proprement politiques, du grand remue-ménage
de
la Renaissance et de la Réforme. Quatre plans de vaste envergure appo
1899
iques, du grand remue-ménage de la Renaissance et
de
la Réforme. Quatre plans de vaste envergure apportent leur contributi
1900
de la Renaissance et de la Réforme. Quatre plans
de
vaste envergure apportent leur contribution à cet effort de mise en o
1901
nvergure apportent leur contribution à cet effort
de
mise en ordre, qui semble bien avoir été la devise du siècle. Nous le
1902
ous leur découvrons, après coup, plusieurs traits
de
ressemblance assez profonds. Tous les quatre sont des utopies, donnée
1903
utopies, données comme telles — encore que celui
de
Sully prétende à quelque réalisme politique, celui de William Penn à
1904
ully prétende à quelque réalisme politique, celui
de
William Penn à une économie bien entendue. Tous les quatre expriment
1905
atre expriment avec force la vocation fédératrice
de
l’Europe, et la sourde angoisse de l’époque devant les prétentions ab
1906
on fédératrice de l’Europe, et la sourde angoisse
de
l’époque devant les prétentions absolutistes des États. Tous les quat
1907
s absolutistes des États. Tous les quatre émanent
d’
esprits profondément religieux mais « œcuméniques », au sens qu’a pris
1908
la mémoire des siècles aux traités « réalistes »
de
l’époque, rapidement effacés par le mouvement de l’histoire, et n’ont
1909
de l’époque, rapidement effacés par le mouvement
de
l’histoire, et n’ont cessé d’agir sur l’imagination des créateurs d’i
1910
és par le mouvement de l’histoire, et n’ont cessé
d’
agir sur l’imagination des créateurs d’institutions, jusqu’à nos jours
1911
’ont cessé d’agir sur l’imagination des créateurs
d’
institutions, jusqu’à nos jours. Nous les citerons ici selon la chrono
1912
645 ; William Penn, 1692. Le « Nouveau Cynée »
d’
Émeric Crucé De ce premier auteur d’un plan d’union qui engloberai
1913
1692. Le « Nouveau Cynée » d’Émeric Crucé
De
ce premier auteur d’un plan d’union qui engloberait non seulement l’E
1914
u Cynée » d’Émeric Crucé De ce premier auteur
d’
un plan d’union qui engloberait non seulement l’Europe chrétienne mais
1915
d’Émeric Crucé De ce premier auteur d’un plan
d’
union qui engloberait non seulement l’Europe chrétienne mais le monde
1916
ut « moine pédagogue dans on ne sait quel collège
de
Paris », enseigna les mathématiques et publia quelques pesants travau
1917
x qui le firent traiter par des érudits allemands
de
« petit maître d’école parisien »90. Ce personnage obscur n’en eut pa
1918
. Ce personnage obscur n’en eut pas moins le cœur
de
s’adresser à tous les princes d’Europe, dans l’envoi de son grand tra
1919
as moins le cœur de s’adresser à tous les princes
d’
Europe, dans l’envoi de son grand traité, qui parut à Paris en 1623 :
1920
dresser à tous les princes d’Europe, dans l’envoi
de
son grand traité, qui parut à Paris en 1623 : Le Nouveau Cynée ou Dis
1921
ut à Paris en 1623 : Le Nouveau Cynée ou Discours
d’
Estat représentant les occasions et moyens d’établir une paix générale
1922
ours d’Estat représentant les occasions et moyens
d’
établir une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde.
1923
out le monde. Aux monarques et princes souverains
de
ce temps. Ses 249 grandes pages ne comportent pas de divisions en cha
1924
ce temps. Ses 249 grandes pages ne comportent pas
de
divisions en chapitres, et seulement deux alinéas en tout ! Nous en r
1925
t mesme un fameux personnage a monstré les moyens
d’
exterminer les Turcs dans les quatre ans ou environ91, et plusieurs au
1926
strangers, qu’ils estiment une prudence politique
de
semer parmy eux des divisions, afin de jouyr d’un repos plus asseuré.
1927
e de semer parmy eux des divisions, afin de jouyr
d’
un repos plus asseuré.92 Mais je suis bien d’un autre advis, et me se
1928
uyr d’un repos plus asseuré.92 Mais je suis bien
d’
un autre advis, et me semble quand on voit brusler ou tomber la maison
1929
semble quand on voit brusler ou tomber la maison
de
son voisin qu’on a subject de crainte, autant que de compassion, veu
1930
ou tomber la maison de son voisin qu’on a subject
de
crainte, autant que de compassion, veu que la société humaine est un
1931
son voisin qu’on a subject de crainte, autant que
de
compassion, veu que la société humaine est un corps, dont tous les me
1932
n corps, dont tous les membres ont une sympathie,
de
manière qu’il est impossible que les maladies de l’un ne se communiqu
1933
de manière qu’il est impossible que les maladies
de
l’un ne se communiquent aux autres. Faut-il que les monarchies s’étab
1934
es, il n’est plus besoing à ceux qui en ioüissent
de
remplir le monde de ce carnage. Crucé insistera plus loin sur cette
1935
soing à ceux qui en ioüissent de remplir le monde
de
ce carnage. Crucé insistera plus loin sur cette idée de statu quo à
1936
arnage. Crucé insistera plus loin sur cette idée
de
statu quo à conserver, chère à Érasme, nous l’avons vu. La guerre est
1937
nnent, et ne se laissent point aisément dessaisir
de
leurs possessions. Je confronte ces deux peuples, pour ce qu’ils sont
1938
ces deux peuples, pour ce qu’ils sont par manière
de
dire ennemis naturels, et ont divisé presque tout le monde en deux pa
1939
le monde en deux parties, à cause de la diversité
de
leur religion, tellement que s’ils se pouvoient accorder, ce serait u
1940
d acheminement pour la paix universelle. Inutile
d’
insister sur le parallèle avec nos « deux blocs » actuels. La plus sûr
1941
s « deux blocs » actuels. La plus sûre prévention
de
la guerre, Crucé la voit dans l’arbitrage, idée reprise du Moyen Âge
1942
rage, idée reprise du Moyen Âge : Auparavant que
de
venir aux armes (les princes devraient)… se rapporter à l’arbitrage d
1943
souverains : Ce faisant ils gaigneroient l’amitié
de
leurs semblables, pour s’en prévaloir contre leurs ennemis, au cas qu
1944
s qu’ils ne voulussent se soubsmettre au jugement
d’
un tiers. Or si un prince recevoit un juge qui voulust impérieusement
1945
voit un juge qui voulust impérieusement s’ingérer
de
vuider les differens, cela véritablement ravaleroit sa grandeur : mai
1946
cela véritablement ravaleroit sa grandeur : mais
d’
accepter volontairement les arbitres, c’est une chose jadis pratiquée
1947
t à cecy servirait grandement rassemblée generale
de
laquelle nous parlerons cy-après… Comments est-il possible, dira quel
1948
-après… Comments est-il possible, dira quelqu’un,
d’
accorder des peuples qui sont si séparez de volonté et d’affection, co
1949
qu’un, d’accorder des peuples qui sont si séparez
de
volonté et d’affection, comme le Turc et le Persan, le François et l’
1950
der des peuples qui sont si séparez de volonté et
d’
affection, comme le Turc et le Persan, le François et l’Espagnol, le C
1951
us oster la similitude du naturel, vray fondement
d’
amitié et société humaine. Pourquoy moy qui suis François voudray-je d
1952
ble. La même tolérance doit s’étendre au domaine
de
la religion : Qu’est-il besoin de se faire la guerre pour la diversi
1953
dre au domaine de la religion : Qu’est-il besoin
de
se faire la guerre pour la diversité des cérémonies ? Je ne dirai pas
1954
our la diversité des cérémonies ? Je ne dirai pas
de
religion, vu que leur fin principale reside en l’adoration de Dieu, q
1955
vu que leur fin principale reside en l’adoration
de
Dieu, qui demande plutost le cœur des hommes que le culte extérieur e
1956
res… La pieté est un trop bel arbre pour produire
de
si mauvais fruits. Tandis que nous taschons de gagner le ciel par l’i
1957
re de si mauvais fruits. Tandis que nous taschons
de
gagner le ciel par l’ingredient de la religion, gardons-nous de tombe
1958
nous taschons de gagner le ciel par l’ingredient
de
la religion, gardons-nous de tomber en une stupidité et inhumanité br
1959
iel par l’ingredient de la religion, gardons-nous
de
tomber en une stupidité et inhumanité brutale… Toutes ces Religions (
1960
la sienne est la meilleure. Je n’ay pas entrepris
de
vuider ce différend. Un plus suffisant que moy y seroit bein empesché
1961
e fin, à sçavoir à la recognoissance et adoration
de
la divinité. Que si aucunes ne choisissent pas le bon chemin ou moyen
1962
ue par malice, et par consequent sont plus dignes
de
compassion que de haine… (Seuls des esprits bornés croient) que tous
1963
par consequent sont plus dignes de compassion que
de
haine… (Seuls des esprits bornés croient) que tous sont tenus de vivr
1964
s des esprits bornés croient) que tous sont tenus
de
vivre comme luy, et ne prise que ses coutusmes, à la façon de ces nia
1965
me luy, et ne prise que ses coutusmes, à la façon
de
ces niais d’Athènes, qui estimoient la Lune de leur pays meilleure qu
1966
prise que ses coutusmes, à la façon de ces niais
d’
Athènes, qui estimoient la Lune de leur pays meilleure que celle des a
1967
on de ces niais d’Athènes, qui estimoient la Lune
de
leur pays meilleure que celle des autres. Les sages et divins esprits
1968
considèrent que l’harmonie du monde est composée
de
diverses humeurs, et que ce qui est loüable en un lieu, n’est pas tro
1969
volontez sont muables, et les actions des hommes
de
ce temps n’obligent pas leurs successeurs… Néantmoins pour en préveni
1970
n prévenir les inconvéniens, il seroit necessaire
de
choisir une ville, où tous les Souverains eussent perpétuellement leu
1971
ourraient survenir fussent vuidez par le jugement
de
toute l’assemblee. Les ambassadeurs de ceux qui seroient intéressez e
1972
e jugement de toute l’assemblee. Les ambassadeurs
de
ceux qui seroient intéressez exposeroient là les plaintes de leurs ma
1973
seroient intéressez exposeroient là les plaintes
de
leurs maistres, et les autres députez en jugeraient sans passion. Il
1974
s députez en jugeraient sans passion. Il propose
d’
en fixer le siège sur le territoire de Venise, pour ce qu’il est comm
1975
Il propose d’en fixer le siège sur le territoire
de
Venise, pour ce qu’il est comme neutre et indifferent à tous princes
1976
si qu’il est proche des plus signalées Monarchies
de
la terre, de celles du pape, des deux empereurs, et du roy d’Hespagne
1977
proche des plus signalées Monarchies de la terre,
de
celles du pape, des deux empereurs, et du roy d’Hespagne. Il n’est pa
1978
pereurs, et du roy d’Hespagne. Il n’est pas loing
de
France, de Tartarie, Moschouie, Polongne, Angleterre, et Dannemarch.
1979
du roy d’Hespagne. Il n’est pas loing de France,
de
Tartarie, Moschouie, Polongne, Angleterre, et Dannemarch. Quant à la
1980
il a bien ses idées là-dessus, mais il a décidé «
de
ne pas songer à soy seulement » et au contraire de parler comme s’il
1981
comme s’il était né « en la république imaginaire
de
Platon ou en la région de ses Idées ». Il finit donc par proposer que
1982
a république imaginaire de Platon ou en la région
de
ses Idées ». Il finit donc par proposer que le pape « ait la préséanc
1983
r que le pape « ait la préséance, pour le respect
de
l’ancienne Rome », mais — ô révolution presque impensable ! — que le
1984
atement après lui, « attendu qu’il tient le siège
de
l’empire oriental ». Viendront ensuite « l’empereur chrestien » puis
1985
ixiesme lieu pourroit estre debatu entre les roys
de
Perse, de la Chine, le Pretre-Jan, le Precop de Tartarie, et le grand
1986
eu pourroit estre debatu entre les roys de Perse,
de
la Chine, le Pretre-Jan, le Precop de Tartarie, et le grand duc de Mo
1987
rtarie, et le grand duc de Moschouie… Et les roys
de
la grand Bretagne, de Pologne, de Dannemarch, de Suede, du Jappon, de
1988
c de Moschouie… Et les roys de la grand Bretagne,
de
Pologne, de Dannemarch, de Suede, du Jappon, de Marroc, le grand Mogo
1989
ie… Et les roys de la grand Bretagne, de Pologne,
de
Dannemarch, de Suede, du Jappon, de Marroc, le grand Mogol, et autres
1990
de la grand Bretagne, de Pologne, de Dannemarch,
de
Suede, du Jappon, de Marroc, le grand Mogol, et autres monarques tant
1991
, de Pologne, de Dannemarch, de Suede, du Jappon,
de
Marroc, le grand Mogol, et autres monarques tant des Indes que d’Afri
1992
and Mogol, et autres monarques tant des Indes que
d’
Afrique, ne doivent pas estre aux derniers rangs, tous braves princes,
1993
s rangs, tous braves princes, qui se maintiennent
d’
eux-mesmes et ne dependent de personne… Et pour authoriser d’avantage
1994
qui se maintiennent d’eux-mesmes et ne dependent
de
personne… Et pour authoriser d’avantage le jugement, on prendroit adu
1995
s et ne dependent de personne… Et pour authoriser
d’
avantage le jugement, on prendroit aduis des grandes Republiques, qui
1996
me celle des Vénitiens et des Suisses, et non pas
de
ces petites Seigneuries, qui ne se peuvent maintenir d’elles-mesmes,
1997
petites Seigneuries, qui ne se peuvent maintenir
d’
elles-mesmes, et dependent de la protection d’autruy. … Ceste compagni
1998
se peuvent maintenir d’elles-mesmes, et dependent
de
la protection d’autruy. … Ceste compagnie donc jugeroit les débats qu
1999
nir d’elles-mesmes, et dependent de la protection
d’
autruy. … Ceste compagnie donc jugeroit les débats qui surviendroient
2000
es mescontentemens, et les apoiseroit par la voye
de
douceur, si faire se pouvoit, ou en cas de nécessité par la force. Qu
2001
a voye de douceur, si faire se pouvoit, ou en cas
de
nécessité par la force. Que si quelqu’un contrevenoit à l’arrest d’un
2002
a force. Que si quelqu’un contrevenoit à l’arrest
d’
une si notable compagnie, il encourrait la disgrace de tous les autres
2003
e si notable compagnie, il encourrait la disgrace
de
tous les autres princes, qui auraient beau moyen de le faire venir à
2004
tous les autres princes, qui auraient beau moyen
de
le faire venir à la raison. Dès la première partie de son traité, Cr
2005
faire venir à la raison. Dès la première partie
de
son traité, Crucé s’était demandé ce que feraient les peuples, s’ils
2006
la guerre pour « exercice ». Il proposait un plan
d’
éducation des peuples (sciences, médecine et mathématiques en premier
2007
decine et mathématiques en premier lieu), un plan
de
développement des industries artisanales, et un plan d’aménagement de
2008
eloppement des industries artisanales, et un plan
d’
aménagement des territoires : rivières à rendre navigables, canal joig
2009
. Et déjà il s’écriait : Quel plaisir seroit-ce,
de
voir les hommes aller de part et d’autre librement, et communiquer en
2010
Quel plaisir seroit-ce, de voir les hommes aller
de
part et d’autre librement, et communiquer ensemble sans aucun scrupul
2011
ir seroit-ce, de voir les hommes aller de part et
d’
autre librement, et communiquer ensemble sans aucun scrupule de pays,
2012
ment, et communiquer ensemble sans aucun scrupule
de
pays, de ceremonies, ou d’autres diversitez semblables, comme si la t
2013
communiquer ensemble sans aucun scrupule de pays,
de
ceremonies, ou d’autres diversitez semblables, comme si la terre esto
2014
tablement, une cité commune à tous ? Vers la fin
de
l’ouvrage, il reprend et développe ce thème de la libre circulation d
2015
in de l’ouvrage, il reprend et développe ce thème
de
la libre circulation des biens et des personnes : Voilà les moyens d
2016
on des biens et des personnes : Voilà les moyens
d’
entretenir la paix particulièrement en chaque monarchie. Il y en a d’a
2017
universels, qui concernent la bonne intelligence
de
tous les souverains respectivement l’un avec l’autre, dont le premier
2018
us important est qu’ils se contentent des limites
de
leur seigneurie qui leur seront prescripts par la generale assemblée
2019
leur seront prescripts par la generale assemblée
de
laquelle nous avons parlé. Ce poinct estant gaigné, il faudra aduiser
2020
igné, il faudra aduiser à ce que les particuliers
de
diverses nations se puissent hanter et trafiquer ensemble en asseuran
2021
les accorde promptement sans faveur ny acception
de
personne. Car puisqu’il s’agist d’une paix universelle il faut rendre
2022
r ny acception de personne. Car puisqu’il s’agist
d’
une paix universelle il faut rendre la justice aux estrangers, et ne p
2023
leur plaisir. Crucé a bien vu que cette liberté
de
commerce — diamétralement opposée au protectionnisme national qui com
2024
onal qui commençait à s’appesantir sur l’économie
de
l’Europe — supposait d’autres mesures : … il est necessaire que les
2025
es mesures : … il est necessaire que les princes
d’
un commun consentement réduisent les monnoyes à un mesme pied, afin qu
2026
libres et le commerce estant ouvert par le moyen
de
la paix, on puisse trafiquer par tout sans dommage. Il n’y a personne
2027
dommage. Il n’y a personne qui soit plus capable
de
cela que le pape. C’est son devoir de moyenner une concorde générale
2028
lus capable de cela que le pape. C’est son devoir
de
moyenner une concorde générale entre les princes chrestiens. Et pour
2029
isser ce tesmoignage à la postérité. S’il ne sert
de
rien, patience. C’est peu de chose, de perdre du papier, et des parol
2030
il ne sert de rien, patience. C’est peu de chose,
de
perdre du papier, et des paroles. Je protesteray en ce cas comme Solo
2031
des paroles. Je protesteray en ce cas comme Solon
d’
avoir dit et faict ce qui m’a esté possible pour le bien public, et qu
2032
m’en sçauront gré, et m’honoreront comme j’espère
de
leur souvenance. Le mémoire de Crucé n’eut pas plus de succès que le
2033
nt comme j’espère de leur souvenance. Le mémoire
de
Crucé n’eut pas plus de succès que les projets de ses prédécesseurs.
2034
r souvenance. Le mémoire de Crucé n’eut pas plus
de
succès que les projets de ses prédécesseurs. Mais ceux qui le dédaign
2035
de Crucé n’eut pas plus de succès que les projets
de
ses prédécesseurs. Mais ceux qui le dédaignèrent sont oubliés, lui no
2036
a fait son chemin clandestin à travers une série
d’
œuvres souvent glorieuses. Le jeune Leibniz l’a lu et s’en souvient :
2037
Société des Nations, puis Churchill et le congrès
de
La Haye et les grands débats de notre temps. Le Grand Dessein du d
2038
ill et le congrès de La Haye et les grands débats
de
notre temps. Le Grand Dessein du duc de Sully Tout le monde, d
2039
u. Est-on même certain qu’il existe ? La « Charte
de
l’Atlantique », pendant la dernière guerre, exerça, elle aussi, une g
2040
n : ses éléments sont dispersés dans les milliers
de
pages des Mémoires de Sully, dont au surplus nous possédons plusieurs
2041
dispersés dans les milliers de pages des Mémoires
de
Sully, dont au surplus nous possédons plusieurs versions : les deux p
2042
eurs versions : les deux premières parties datées
de
1638 et qui ne furent pas « mises dans le commerce » ; la troisième p
2043
bé de l’Écluse, qui fit connaître au grand public
de
1745 une œuvre fortement remaniée ; enfin, des éditions modernes, res
2044
omposés par quatre secrétaires anonymes, à l’aide
d’
un gigantesque fatras de documents, copies de lettres, ou lettres écri
2045
taires anonymes, à l’aide d’un gigantesque fatras
de
documents, copies de lettres, ou lettres écrites après coup, brouillo
2046
aide d’un gigantesque fatras de documents, copies
de
lettres, ou lettres écrites après coup, brouillons de discours, états
2047
ettres, ou lettres écrites après coup, brouillons
de
discours, états financiers, notes, souvenirs, dictées, bilans, etc. L
2048
elieu, attribue le Grand Dessein à Henry IV, plus
de
vingt ans après l’assassinat du roi. Les états successifs du plan qu’
2049
nous révèle (sous forme de lettres apocryphes ou
de
discours) défient la citation par la longueur des phrases et le désor
2050
tion par la longueur des phrases et le désordonné
de
la présentation. Voici tout de même un assez court fragment où, par u
2051
, Sully cherche à gagner l’Angleterre aux projets
d’
Henry IV contre les Habsbourg : Suivant ce que le roi d’Angleterre vo
2052
ui ayant ainsi envoyé le plus ancien et confident
de
ses serviteurs et celui sur lequel lui-même pouvait prendre le plus d
2053
celui sur lequel lui-même pouvait prendre le plus
de
confiance. Sur quoi voyant, comme il vous sembla, l’occasion très opp
2054
hautes propositions que le roi vous avait ordonné
de
lui faire, mais seulement comme de vous-même, vous lui répondîtes en
2055
avait ordonné de lui faire, mais seulement comme
de
vous-même, vous lui répondîtes en ces termes : « […] Sire, il faut qu
2056
vanités mondaines, je préfère néanmoins la gloire
de
Dieu, mon salut et la subsistance de la vraie religion que je profess
2057
ns la gloire de Dieu, mon salut et la subsistance
de
la vraie religion que je professe, au roi mon maître, ma fortune, ma
2058
pagne, les archiducs, les princes ecclésiastiques
d’
Allemagne, et tous autres grands et communautés catholiques, n’ont poi
2059
n’ont point de plus forte passion en l’esprit que
de
former une puissante association pour la ruine et destruction de tout
2060
uissante association pour la ruine et destruction
de
toute créance contraire à la romaine. Ils ne sont retardés d’y travai
2061
ance contraire à la romaine. Ils ne sont retardés
d’
y travailler tout ouvertement que parce qu’ils n’ont point encore pu f
2062
ein. Mais il est à craindre que par la diminution
de
ma faveur (comme celle des princes est sujette à varier) ou par de tr
2063
me celle des princes est sujette à varier) ou par
de
trop continuelles sollicitations, il ne se laisse enfin persuader, s’
2064
bles à son généreux esprit (car c’est cette vertu
de
magnanimité qui tient le premier lieu en son âme), qui sont ceux desq
2065
Votre Majesté, et dans quels aussi elle trouvera
de
quoi accroître sa puissance et son autorité, amplifier sa domination,
2066
, et perpétuer sa renommée, qui est le second but
de
mes désirs. De vous seul dépend l’exécution des choses que je veux pr
2067
sa renommée, qui est le second but de mes désirs.
De
vous seul dépend l’exécution des choses que je veux proposer, lesquel
2068
le tous les autres rois, princes, et surtout ceux
de
Danemark et de Suède, États, républiques, villes et communautés prote
2069
res rois, princes, et surtout ceux de Danemark et
de
Suède, États, républiques, villes et communautés protestantes, qui so
2070
communautés protestantes, qui sont comme obligés
d’
être toujours contraires à la faction espagnole et d’Autriche, et conf
2071
tre toujours contraires à la faction espagnole et
d’
Autriche, et confirmer tout cela par l’alliance de vos communs enfants
2072
d’Autriche, et confirmer tout cela par l’alliance
de
vos communs enfants, qui se trouveront d’âge sortable les uns aux aut
2073
lliance de vos communs enfants, qui se trouveront
d’
âge sortable les uns aux autres. Je ne désespère pas si je vous vois g
2074
turel volage et à son véhément et ambitieux désir
de
porter couronne royale, les plus puissants princes catholiques d’Alle
2075
ne royale, les plus puissants princes catholiques
d’
Allemagne, pour l’espérance d’arracher la couronne impériale de la mai
2076
princes catholiques d’Allemagne, pour l’espérance
d’
arracher la couronne impériale de la maison d’Autriche et tous les éta
2077
pour l’espérance d’arracher la couronne impériale
de
la maison d’Autriche et tous les états de Bohême, Autriche, Moravie,
2078
nce d’arracher la couronne impériale de la maison
d’
Autriche et tous les états de Bohême, Autriche, Moravie, Silésie et Lu
2079
périale de la maison d’Autriche et tous les états
de
Bohême, Autriche, Moravie, Silésie et Lusatie, pour les rétablir dans
2080
ciennes libertés, voire même le pape en proposant
de
lui faire posséder une propriété ce dont il n’est reconnu que par une
2081
dont il n’est reconnu que par une vaine apparence
de
féodalité. » Sur toutes lesquelles ouvertures, quoique d’abord en gén
2082
et en gros, le roi d’Angleterre fît démonstration
d’
y prendre goût, voire de les louer et approuver, si ne laissa-t-il pas
2083
leterre fît démonstration d’y prendre goût, voire
de
les louer et approuver, si ne laissa-t-il pas d’en vouloir entendre t
2084
de les louer et approuver, si ne laissa-t-il pas
d’
en vouloir entendre tout le détail, et de former lors une infinité de
2085
t-il pas d’en vouloir entendre tout le détail, et
de
former lors une infinité de difficultés sur la jonction en une loyale
2086
re tout le détail, et de former lors une infinité
de
difficultés sur la jonction en une loyale association de tant de dive
2087
icultés sur la jonction en une loyale association
de
tant de diverses têtes et tant diversement intentionnées et intéressé
2088
ent intentionnées et intéressées sur la poursuite
d’
un si haut dessein… Les discours que vous eûtes lors, tant sur ce suje
2089
ieurs autres très importants, vous retinrent plus
de
quatre heures seuls enfermés ensemble. Cependant, le Grand Dessein,
2090
s ses derniers états, déborde largement au profit
de
l’Europe entière, ce projet initial d’alliance protestante — nonobsta
2091
au profit de l’Europe entière, ce projet initial
d’
alliance protestante — nonobstant l’adhésion de princes catholiques et
2092
al d’alliance protestante — nonobstant l’adhésion
de
princes catholiques et même du pape. Nous en donnerons ici l’exposé m
2093
s et royales Économies » : L’Europe sera composée
de
: 5 monarchies électives : le Saint-Empire romain germanique, les Ét
2094
talie, la Suisse, la Belgique (pour la définition
de
ces territoires voir plus loin). Les pays dont seront composés ces Ét
2095
en détail ; s’il y a désaccord sur l’attribution
d’
un territoire, il sera soumis directement à l’autorité européenne cent
2096
rficie et leurs richesses, ces États devront être
d’
importance à peu près égale, pour assurer entre eux le plus haut degré
2097
our assurer entre eux le plus haut degré possible
d’
équilibre, de même qu’entre les religions catholique, luthérienne et c
2098
e, luthérienne et calviniste. Cette Confédération
d’
États sera placée sous la garde d’un Conseil de l’Europe composé de si
2099
e Confédération d’États sera placée sous la garde
d’
un Conseil de l’Europe composé de six Conseils provinciaux et d’un Con
2100
ée sous la garde d’un Conseil de l’Europe composé
de
six Conseils provinciaux et d’un Conseil Général. Les Conseils provi
2101
e l’Europe composé de six Conseils provinciaux et
d’
un Conseil Général. Les Conseils provinciaux auront leurs sièges à :
2102
ardie, etc., et une ville à désigner dans l’Ouest
de
l’Europe pour la France, l’Espagne, l’Angleterre et la Belgique. Le C
2103
l Général aura son siège dans une ville du centre
de
l’Europe, à désigner chaque année parmi les villes suivantes : Metz,
2104
nçon. On voit que le Rhin est l’artère principale
de
cette nouvelle configuration politique. Ce Conseil Général sera compo
2105
ration politique. Ce Conseil Général sera composé
de
représentants de chacun des gouvernements de la république chrétienne
2106
Ce Conseil Général sera composé de représentants
de
chacun des gouvernements de la république chrétienne, au total 40 hom
2107
posé de représentants de chacun des gouvernements
de
la république chrétienne, au total 40 hommes d’expérience, à raison d
2108
s de la république chrétienne, au total 40 hommes
d’
expérience, à raison de 4 représentants pour les grands États et de 2
2109
aison de 4 représentants pour les grands États et
de
2 pour les États plus petits. Ces Conseils recevront le pouvoir de tr
2110
ts plus petits. Ces Conseils recevront le pouvoir
de
trancher tout différend, tant entre un souverain et son peuple qu’ent
2111
e qu’entre différents États. Ils ont pour mission
de
régler toutes les questions d’intérêt commun et d’élaborer tous les p
2112
s ont pour mission de régler toutes les questions
d’
intérêt commun et d’élaborer tous les projets concernant l’ensemble de
2113
e régler toutes les questions d’intérêt commun et
d’
élaborer tous les projets concernant l’ensemble de la République chrét
2114
d’élaborer tous les projets concernant l’ensemble
de
la République chrétienne. Le Conseil de l’Europe a les compétences et
2115
seil de l’Europe a les compétences et les devoirs
d’
un Sénat, ses membres étant à réélire tous les trois ans. Les décision
2116
ra qu’une souveraineté conditionnelle. Comme base
de
la république européenne, Sully exige la liberté du commerce et même
2117
e la suppression des barrières douanières. L’idée
de
l’arbitrage et aussi du « concert européen » apparaît avec une nettet
2118
lection des souverains des trois royaumes chargés
d’
assurer la défense de l’Europe à l’Est. Il prévoit en effet : comme «
2119
marche » et rempart contre les Turcs, un royaume
de
Hongrie (Basse-Autriche, Styrie, Carinthie, Croatie, Bosnie, Slovénie
2120
contre les Moscovites et les Tartares, un royaume
de
Pologne, enfin un royaume de Bohême. Pour associer ces royaumes le pl
2121
Tartares, un royaume de Pologne, enfin un royaume
de
Bohême. Pour associer ces royaumes le plus étroitement possible au so
2122
aumes le plus étroitement possible au sort commun
de
l’Europe, deux dispositions : d’une part leurs souverains devront êtr
2123
uverains devront être élus par un collège composé
de
huit souverains : le pape, l’empereur, les rois de France, d’Espagne,
2124
e huit souverains : le pape, l’empereur, les rois
de
France, d’Espagne, d’Angleterre, du Danemark, de Suède et de Lombardi
2125
erains : le pape, l’empereur, les rois de France,
d’
Espagne, d’Angleterre, du Danemark, de Suède et de Lombardie, d’autre
2126
pape, l’empereur, les rois de France, d’Espagne,
d’
Angleterre, du Danemark, de Suède et de Lombardie, d’autre part ces hu
2127
de France, d’Espagne, d’Angleterre, du Danemark,
de
Suède et de Lombardie, d’autre part ces huit souverains seront obligé
2128
d’Espagne, d’Angleterre, du Danemark, de Suède et
de
Lombardie, d’autre part ces huit souverains seront obligés par devoir
2129
art ces huit souverains seront obligés par devoir
d’
alliance à défendre ces royaumes contre toute agression. Arbitrage aus
2130
e roi d’Espagne et les cantons suisses. Le devoir
d’
alliance des huit souverains joue également pour Venise et le royaume
2131
uverains joue également pour Venise et le royaume
de
Sicile. Enfin, le plan Sully prévoit en détail les ajustements territ
2132
erritoriaux nécessaires pour cette réorganisation
de
l’Europe : La souveraineté espagnole est limitée à la péninsule ibéri
2133
rk et la Suède gardent leur statu quo. Le royaume
de
Lombardie est formé par : la Savoie, le Piémont, Montferrat et Milan.
2134
e est renforcée territorialement : elle s’accroît
de
la Franche-Comté, de l’Alsace et du Tyrol. La République de Belgique
2135
torialement : elle s’accroît de la Franche-Comté,
de
l’Alsace et du Tyrol. La République de Belgique se compose de la Belg
2136
et du Tyrol. La République de Belgique se compose
de
la Belgique et de la Hollande actuelles. Enfin, une république italie
2137
publique de Belgique se compose de la Belgique et
de
la Hollande actuelles. Enfin, une république italienne sera formée, e
2138
à la Savoie, ni à Venise. Cette république faite
d’
une mosaïque de territoires en surplus sera placée sous la souverainet
2139
i à Venise. Cette république faite d’une mosaïque
de
territoires en surplus sera placée sous la souveraineté du pape. La R
2140
elon Sully, ne devra pas être admise comme membre
de
la Communauté chrétienne. C. J. Burckhardt compare, en conclusion, l
2141
J. Burckhardt compare, en conclusion, le Dessein
de
Sully et les autres projets européens de paix perpétuelle : Cet effo
2142
Dessein de Sully et les autres projets européens
de
paix perpétuelle : Cet effort toujours repris à nouveau peut se rame
2143
mobiles constants : l’espoir placé dans l’action
de
la volonté libre pour surmonter l’entraînement fatidique vers la guer
2144
supérieure aux États ; et surtout : le sentiment
de
tout ce que les Européens, malgré contrastes et conflits, possèdent d
2145
ropéens, malgré contrastes et conflits, possèdent
de
commun et d’irremplaçable. Ce qui distingue les écrits de Sully de ce
2146
ré contrastes et conflits, possèdent de commun et
d’
irremplaçable. Ce qui distingue les écrits de Sully de ceux de ses pré
2147
n et d’irremplaçable. Ce qui distingue les écrits
de
Sully de ceux de ses prédécesseurs et contemporains, c’est qu’en sa q
2148
remplaçable. Ce qui distingue les écrits de Sully
de
ceux de ses prédécesseurs et contemporains, c’est qu’en sa qualité d’
2149
ble. Ce qui distingue les écrits de Sully de ceux
de
ses prédécesseurs et contemporains, c’est qu’en sa qualité d’homme d’
2150
cesseurs et contemporains, c’est qu’en sa qualité
d’
homme d’État il part d’un contexte politique tout à fait concret et pa
2151
ns, c’est qu’en sa qualité d’homme d’État il part
d’
un contexte politique tout à fait concret et particulier et qu’ensuite
2152
mesure que lentement il mûrit son plan, le désir
d’
assurer la primauté à sa propre nation s’estompe de plus en plus chez
2153
e que, dans son grand âge, et déjà presque au ban
de
la communauté française en sa qualité de protestant, il finit par ard
2154
e au ban de la communauté française en sa qualité
de
protestant, il finit par ardemment souhaiter un pouvoir suprême supra
2155
, tant de défaites et tant de lamentables traités
de
paix qu’il ne pourra plus en supporter beaucoup d’autres sans périr…
2156
passées à observer l’agitation des hommes du fond
de
sa retraite l’ont amené pour finir à surmonter en lui-même, dans son
2157
ns son propre cœur, la force la plus considérable
de
son époque, cette force qui jadis dans sa jeunesse l’avait poussé à l
2158
t tendu vers l’avenir.94 Le Réveil universel
de
Comenius Le principal titre de gloire d’Amos Comenius (nom latini
2159
veil universel de Comenius Le principal titre
de
gloire d’Amos Comenius (nom latinisé de Jean Amos Komenski), né en Mo
2160
rsel de Comenius Le principal titre de gloire
d’
Amos Comenius (nom latinisé de Jean Amos Komenski), né en Moravie en 1
2161
pal titre de gloire d’Amos Comenius (nom latinisé
de
Jean Amos Komenski), né en Moravie en 1592, mort en Hollande en 1670,
2162
en Moravie en 1592, mort en Hollande en 1670, est
d’
avoir contribué plus que tout autre, en écrivant sa Grande Didactique
2163
e tout autre, en écrivant sa Grande Didactique et
de
nombreux traités spéciaux, à créer la science de l’éducation en Europ
2164
de nombreux traités spéciaux, à créer la science
de
l’éducation en Europe. Mais ses recherches de philosophe et de théolo
2165
nce de l’éducation en Europe. Mais ses recherches
de
philosophe et de théologien (il fut évêque de l’Unité des frères mora
2166
n en Europe. Mais ses recherches de philosophe et
de
théologien (il fut évêque de l’Unité des frères moraves) autant que s
2167
hes de philosophe et de théologien (il fut évêque
de
l’Unité des frères moraves) autant que son action de pédagogue, devai
2168
l’Unité des frères moraves) autant que son action
de
pédagogue, devaient trouver leur couronnement et l’expression de leur
2169
evaient trouver leur couronnement et l’expression
de
leur unité profonde dans un ouvrage qu’il ne put achever : la Délibér
2170
pansophique ». Elle porte le sous-titre suivant :
De
rerum humanarum emendatione consultatio catholica ad genus humanum, a
2171
n système scolaire perfectionné sous la direction
d’
une sorte d’académie internationale ; coordination politique, sous la
2172
olaire perfectionné sous la direction d’une sorte
d’
académie internationale ; coordination politique, sous la direction d’
2173
onale ; coordination politique, sous la direction
d’
institutions internationales ; réconciliation des Églises, qui se donn
2174
ent un Consistoire mondial. Le projet gigantesque
d’
une fédération mondiale à la fois culturelle, politique et religieuse,
2175
la fois culturelle, politique et religieuse, fait
de
Comenius l’un des grands précurseurs de l’union européenne autant que
2176
use, fait de Comenius l’un des grands précurseurs
de
l’union européenne autant que du mouvement œcuménique. Notons une foi
2177
nt parle Comenius n’est en fait que la chrétienté
de
son temps, donc l’Europe. Au reste, Comenius se qualifie lui-même d’E
2178
l’Europe. Au reste, Comenius se qualifie lui-même
d’
Européen. Dans la Præfatio ad Europeos qui ouvre sa Panegersia, il par
2179
a Panegersia, il parle — le premier peut-être ? —
de
notre patrie européenne : Afin que nous cessions de dissimuler nos p
2180
notre patrie européenne : Afin que nous cessions
de
dissimuler nos projets et nos efforts, et de travailler chacun pour s
2181
ions de dissimuler nos projets et nos efforts, et
de
travailler chacun pour soi, je vais payer d’exemple : car mon but sup
2182
, et de travailler chacun pour soi, je vais payer
d’
exemple : car mon but suprême est d’annoncer le Christ à tous les peup
2183
je vais payer d’exemple : car mon but suprême est
d’
annoncer le Christ à tous les peuples. Cette Lumière doit être apporté
2184
e navire. Je ne puis me taire, car mon espoir est
d’
adoucir les maux de la guerre par mon message, comme par une musique t
2185
s me taire, car mon espoir est d’adoucir les maux
de
la guerre par mon message, comme par une musique tout harmonieuse, et
2186
à cette action par les efforts qui se produisent
de
notre temps, en Europe plus qu’ailleurs, et qui portent en eux la pro
2187
s qu’ailleurs, et qui portent en eux la pro messe
de
grandes choses. Voici quelques extraits de la Panegersia 95 § 6. I
2188
messe de grandes choses. Voici quelques extraits
de
la Panegersia 95 § 6. Il importe, dis-je, d’adjoindre aux Lettrés d
2189
ts de la Panegersia 95 § 6. Il importe, dis-je,
d’
adjoindre aux Lettrés des gardiens vigilants ; leur tâche sera de leur
2190
Lettrés des gardiens vigilants ; leur tâche sera
de
leur apprendre, en les exhortant, leur principale mission, qui est d’
2191
n les exhortant, leur principale mission, qui est
d’
éliminer tous les restes de l’ignorance ou des erreurs dans les esprit
2192
ipale mission, qui est d’éliminer tous les restes
de
l’ignorance ou des erreurs dans les esprits humains. Il faut adjoindr
2193
er, avec leur aide, tout ce qui subsistera encore
d’
athéisme, d’épicurisme et d’impiété. Et il faut adjoindre aux Puissant
2194
r aide, tout ce qui subsistera encore d’athéisme,
d’
épicurisme et d’impiété. Et il faut adjoindre aux Puissants des gardie
2195
qui subsistera encore d’athéisme, d’épicurisme et
d’
impiété. Et il faut adjoindre aux Puissants des gardiens du pouvoir po
2196
pouvoir pour que, par un zèle exagéré, la semence
de
discorde ne germe pas de nouveau ; ou, si elle commence à germer, pou
2197
ce célèbre passage, Matth. 23, 8-10, en ordonnant
de
ne pas établir parmi les hommes le gouvernement d’un seul chef, la co
2198
e ne pas établir parmi les hommes le gouvernement
d’
un seul chef, la conduite d’un seul conducteur et la sagesse d’un seul
2199
ommes le gouvernement d’un seul chef, la conduite
d’
un seul conducteur et la sagesse d’un seul sage. Il interdit, en effet
2200
f, la conduite d’un seul conducteur et la sagesse
d’
un seul sage. Il interdit, en effet, que quelqu’un au monde se fasse a
2201
introduire autre chose que l’enseignement commun
de
nous tous, unis par des liens fraternels, que l’assujettissement de n
2202
par des liens fraternels, que l’assujettissement
de
nous tous au seul Père dans les cieux et au Christ qui nous a été don
2203
rois états, on instituera par conséquent un corps
de
dirigeants. Le chef suprême de chacun de ces corps sera cet Hermès Tr
2204
onséquent un corps de dirigeants. Le chef suprême
de
chacun de ces corps sera cet Hermès Trimégiste96 (le trois fois grand
2205
un corps de dirigeants. Le chef suprême de chacun
de
ces corps sera cet Hermès Trimégiste96 (le trois fois grand truchemen
2206
te96 (le trois fois grand truchement des volontés
de
Dieu concernant les hommes, le suprême prophète, le suprême prêtre, l
2207
e roi), c’est-à-dire le Christ qui seul a pouvoir
de
tout diriger puissamment. Mais, pour maintenir l’ordre, partout les u
2208
st soient solidement établis. § 12. Il sera utile
d’
adopter des appellations différentes pour ces tribunaux : le tribunal
2209
le tribunal des lettrés s’appellerait le Conseil
de
la lumière, le tribunal ecclésiastique le Consistoire et le tribunal
2210
e le Consistoire et le tribunal politique la Cour
de
justice. § 13. Le Conseil de la lumière veillera à ce qu’il ne soit n
2211
al politique la Cour de justice. § 13. Le Conseil
de
la lumière veillera à ce qu’il ne soit nécessaire, nulle part au mond
2212
ce qu’il ne soit nécessaire, nulle part au monde,
d’
instruire quelqu’un et moins encore à ce qu’il se trouve quelqu’un qui
2213
u’il se trouve quelqu’un qui ignore quelque chose
d’
indispensable, et à ce que tous les hommes soient instruits par Dieu.
2214
bles, permettra à tous les hommes du monde entier
de
tourner leurs yeux vers cette lumière dans laquelle tous verront, par
2215
énitude soit consacrée à Dieu ; qu’il n’y ait pas
de
scandale, ni d’écrits, ni de gravures, ni de peintures, etc., scandal
2216
sacrée à Dieu ; qu’il n’y ait pas de scandale, ni
d’
écrits, ni de gravures, ni de peintures, etc., scandaleux mais qu’il y
2217
; qu’il n’y ait pas de scandale, ni d’écrits, ni
de
gravures, ni de peintures, etc., scandaleux mais qu’il y ait partout
2218
pas de scandale, ni d’écrits, ni de gravures, ni
de
peintures, etc., scandaleux mais qu’il y ait partout à profusion des
2219
que chacun, où qu’il se tourne, trouve matière à
de
saintes réflexions. § 15. Enfin, la Cour de la paix veillera à ce que
2220
ère à de saintes réflexions. § 15. Enfin, la Cour
de
la paix veillera à ce que nulle part une nation ne s’élève contre une
2221
rsonne n’ose se montrer pour enseigner la manière
de
combattre ou de fabriquer les armes ; à ce que toutes les épées et le
2222
montrer pour enseigner la manière de combattre ou
de
fabriquer les armes ; à ce que toutes les épées et les lances soient
2223
s lances soient transformées en serpes et en socs
de
charrue (Es. 2, 4, etc.). § 16. Par conséquent, tous les corps savant
2224
ociété fructifère en Allemagne, etc.) feront bien
de
se réunir en un seul Conseil de la lumière ; car c’est le Père éterne
2225
etc.) feront bien de se réunir en un seul Conseil
de
la lumière ; car c’est le Père éternel des lumières lui-même qui les
2226
e qui les invite à former une unité et communauté
de
la lumière… § 17. Et tous les consistoires ou conseils des anciens de
2227
, les Éthiopiens, les réformés, etc.) feront bien
de
fusionner en un seul Consistoire de l’Église, telle qu’elle est préfi
2228
) feront bien de fusionner en un seul Consistoire
de
l’Église, telle qu’elle est préfigurée par la Jérusalem merveilleusem
2229
difiée, la seule ville où sont dressés les trônes
de
la justice, les trônes de la maison de David (Psaume 122, 3, 5). § 18
2230
sont dressés les trônes de la justice, les trônes
de
la maison de David (Psaume 122, 3, 5). § 18. Et tous les tribunaux du
2231
les trônes de la justice, les trônes de la maison
de
David (Psaume 122, 3, 5). § 18. Et tous les tribunaux du monde feront
2232
§ 18. Et tous les tribunaux du monde feront bien
de
devenir un seul tribunal de Christ ; car, une fois que tous les royau
2233
du monde feront bien de devenir un seul tribunal
de
Christ ; car, une fois que tous les royaumes du monde lui seront remi
2234
rès les plans du moine français, du duc huguenot,
de
l’évêque morave, voici enfin celui d’un « dissenter » anglais, qui, à
2235
c huguenot, de l’évêque morave, voici enfin celui
d’
un « dissenter » anglais, qui, à la différence de ses prédécesseurs, f
2236
d’un « dissenter » anglais, qui, à la différence
de
ses prédécesseurs, fut un grand fondateur d’État : « le Lycurgue mode
2237
ence de ses prédécesseurs, fut un grand fondateur
d’
État : « le Lycurgue moderne », dira de lui Montesquieu. Fils d’un ric
2238
fondateur d’État : « le Lycurgue moderne », dira
de
lui Montesquieu. Fils d’un riche et noble amiral qui l’envoya très je
2239
Lycurgue moderne », dira de lui Montesquieu. Fils
d’
un riche et noble amiral qui l’envoya très jeune en France apprendre l
2240
retour en Angleterre et plusieurs fois emprisonné
de
ce chef à la Tour de Londres, William Penn obtint de la Couronne, en
2241
et plusieurs fois emprisonné de ce chef à la Tour
de
Londres, William Penn obtint de la Couronne, en échange d’une créance
2242
ce chef à la Tour de Londres, William Penn obtint
de
la Couronne, en échange d’une créance laissée par son père sur le roi
2243
s, William Penn obtint de la Couronne, en échange
d’
une créance laissée par son père sur le roi Charles II, le vaste terri
2244
te territoire américain qui allait prendre le nom
de
sa famille. Cela se passait en 1681, Louis XIV régnant en France et W
2245
s XIV régnant en France et William Penn étant âgé
de
37 ans. Il introduisit en « Pennsylvania » la constitution la plus to
2246
l’histoire occidentale ait connue. C’est au cours
d’
une brève interruption de sa carrière de Gouverneur — de 1692 à 1694 —
2247
t connue. C’est au cours d’une brève interruption
de
sa carrière de Gouverneur — de 1692 à 1694 — qu’il composa son Essay
2248
au cours d’une brève interruption de sa carrière
de
Gouverneur — de 1692 à 1694 — qu’il composa son Essay towards the Pre
2249
brève interruption de sa carrière de Gouverneur —
de
1692 à 1694 — qu’il composa son Essay towards the Present and Future
2250
1701, laissant à ses descendants le gouvernement
de
son État, et mourut en 1718. On sait les circonstances de l’Europe à
2251
tat, et mourut en 1718. On sait les circonstances
de
l’Europe à la date où William Penn rédige son Essay : l’agression de
2252
te où William Penn rédige son Essay : l’agression
de
Louis XIV contre le Palatinat a provoqué la Grande Alliance de 1689,
2253
contre le Palatinat a provoqué la Grande Alliance
de
1689, sous la direction de Guillaume III d’Orange, devenu roi d’Angle
2254
qué la Grande Alliance de 1689, sous la direction
de
Guillaume III d’Orange, devenu roi d’Angleterre. La guerre est généra
2255
le. C’est le spectacle des « tragédies sanglantes
de
cette guerre, en Hongrie, en Allemagne, en Flandres, en Irlande, et s
2256
ut à écrire le pacifiste quaker et le législateur
d’
un État neuf, délivré des folies invétérées de l’absolutisme du vieux
2257
eur d’un État neuf, délivré des folies invétérées
de
l’absolutisme du vieux Monde. « J’ai entrepris un sujet qui est au-de
2258
onde. « J’ai entrepris un sujet qui est au-dessus
de
mes forces, mais qui mérite vraiment d’être discuté, étant donné l’ét
2259
au-dessus de mes forces, mais qui mérite vraiment
d’
être discuté, étant donné l’état lamentable de l’Europe. » Ainsi début
2260
ent d’être discuté, étant donné l’état lamentable
de
l’Europe. » Ainsi débute l’ouvrage. Ses trois premières sections sont
2261
en la paix est désirable ; quel est le vrai moyen
de
la réaliser, à savoir la justice, non la guerre ; et « que la justice
2262
uvernement, comme le gouvernement est le résultat
de
la société, laquelle provient d’abord d’un dessein raisonnable des ho
2263
résultat de la société, laquelle provient d’abord
d’
un dessein raisonnable des hommes paisibles ». La IVe section, que nou
2264
ction, que nous allons citer, introduit un projet
de
fédération de princes, qui rappelle celui de Crucé, encore qu’il se r
2265
s allons citer, introduit un projet de fédération
de
princes, qui rappelle celui de Crucé, encore qu’il se réclame d’Henri
2266
ojet de fédération de princes, qui rappelle celui
de
Crucé, encore qu’il se réclame d’Henri IV (c’est-à-dire du Dessein de
2267
rappelle celui de Crucé, encore qu’il se réclame
d’
Henri IV (c’est-à-dire du Dessein de Sully) et de l’exemple qu’ont don
2268
il se réclame d’Henri IV (c’est-à-dire du Dessein
de
Sully) et de l’exemple qu’ont donné les Provinces-Unies des Pays-Bas9
2269
d’Henri IV (c’est-à-dire du Dessein de Sully) et
de
l’exemple qu’ont donné les Provinces-Unies des Pays-Bas97. Si les s
2270
ovinces-Unies des Pays-Bas97. Si les souverains
d’
Europe, qui représentent cette société ou cet état indépendant des hom
2271
cline les hommes à la vie sociale, savoir l’amour
de
la paix et de l’ordre, pour se rencontrer, par leurs délégués, dans u
2272
es à la vie sociale, savoir l’amour de la paix et
de
l’ordre, pour se rencontrer, par leurs délégués, dans une Diète génér
2273
le, un État ou Parlement, et y établir des règles
de
justice à observer mutuellement par eux tous ; pour se réunir ainsi t
2274
l’une des souverainetés participantes refuserait
de
soumettre au jugement de la Diète ses réclamations ou prétentions, ou
2275
participantes refuserait de soumettre au jugement
de
la Diète ses réclamations ou prétentions, ou refuserait d’exécuter la
2276
te ses réclamations ou prétentions, ou refuserait
d’
exécuter la décision intervenue, ou chercherait une solution par les a
2277
rée pour ses habitants torturés, harassés. VII. —
De
la composition de la Diète générale Cette composition semble donner l
2278
ants torturés, harassés. VII. — De la composition
de
la Diète générale Cette composition semble donner lieu à certaines di
2279
ltés soient insurmontables, car s’il est possible
de
connaître chaque année la valeur des pays souverains dont les délégué
2280
auguste assemblée, on pourra déterminer le nombre
de
personnes ou de voix pour chacune des souverainetés. Maintenant que l
2281
e, on pourra déterminer le nombre de personnes ou
de
voix pour chacune des souverainetés. Maintenant que l’Angleterre, la
2282
l’objection ci-dessus, si l’on a le moindre désir
de
parvenir à la paix européenne… Je suppose donc que l’Empire germaniqu
2283
petites souverainetés voisines, deux ; les duchés
de
Holstein et de Courlande, un ; si les Turcs et les Russes étaient com
2284
inetés voisines, deux ; les duchés de Holstein et
de
Courlande, un ; si les Turcs et les Russes étaient compris, ce qui se
2285
sie et les arts ont leur place et empire… Le lieu
de
la première session de la Diète devrait être au centre de l’Europe, a
2286
r place et empire… Le lieu de la première session
de
la Diète devrait être au centre de l’Europe, autant que possible, et
2287
emière session de la Diète devrait être au centre
de
l’Europe, autant que possible, et ensuite comme elle en déciderait. V
2288
comme elle en déciderait. VIII. — Des règlements
de
la Diète européenne ès session Afin d’éviter des discussions au sujet
2289
ils rempliront, chacun à leur tour, les fonctions
de
président à qui on devra s’adresser pour obtenir la parole ; ce prési
2290
e, dans une grande proportion, les mauvais effets
de
la corruption. Car, si l’un des délégués de cette haute assemblée pou
2291
ffets de la corruption. Car, si l’un des délégués
de
cette haute assemblée pouvait être assez vil, faux et malhonnête au p
2292
uvait être assez vil, faux et malhonnête au point
d’
être influencé par l’argent, il aurait la possibilité de prendre l’arg
2293
influencé par l’argent, il aurait la possibilité
de
prendre l’argent et de voter selon sa conscience sans qu’on le sache.
2294
, il aurait la possibilité de prendre l’argent et
de
voter selon sa conscience sans qu’on le sache. C’est aussi un remède,
2295
st aussi un remède, car celui qui voudrait donner
de
l’argent avec un pareil risque d’être dupé, préférera s’abstenir. Et
2296
voudrait donner de l’argent avec un pareil risque
d’
être dupé, préférera s’abstenir. Et ceux qui accepteraient de l’argent
2297
, préférera s’abstenir. Et ceux qui accepteraient
de
l’argent dans de pareilles conditions préféreront mentir aux corrupte
2298
tenir. Et ceux qui accepteraient de l’argent dans
de
pareilles conditions préféreront mentir aux corrupteurs plutôt que fa
2299
t que faire tort à leur pays, car ils seront sûrs
de
ne pas être découverts. Il me semble que dans ce Parlement impérial,
2300
ajorité des trois quarts des membres, ou au moins
de
la moitié plus sept. Toutes les plaintes seraient remises par écrit s
2301
une armoire ou un coffre qui comporterait autant
de
fermetures qu’il y aurait de dizaines d’États, et s’il y avait un sec
2302
comporterait autant de fermetures qu’il y aurait
de
dizaines d’États, et s’il y avait un secrétaire pour chaque dizaine d
2303
t autant de fermetures qu’il y aurait de dizaines
d’
États, et s’il y avait un secrétaire pour chaque dizaine de délégués,
2304
et s’il y avait un secrétaire pour chaque dizaine
de
délégués, une table ou un banc serait prévu pour ces employés. À la f
2305
un banc serait prévu pour ces employés. À la fin
de
chaque session, un délégué de chaque dizaine sera chargé d’examiner e
2306
employés. À la fin de chaque session, un délégué
de
chaque dizaine sera chargé d’examiner et de comparer les mémoires ou
2307
session, un délégué de chaque dizaine sera chargé
d’
examiner et de comparer les mémoires ou journaux de ces secrétaires et
2308
légué de chaque dizaine sera chargé d’examiner et
de
comparer les mémoires ou journaux de ces secrétaires et de les mettre
2309
’examiner et de comparer les mémoires ou journaux
de
ces secrétaires et de les mettre sous clés comme je l’ai dit ci-dessu
2310
er les mémoires ou journaux de ces secrétaires et
de
les mettre sous clés comme je l’ai dit ci-dessus ; cela serait sûr et
2311
istes, mais le second plus pratique pour les gens
de
qualité. IX. — Des objections qui peuvent être avancées contre le pro
2312
e la suppression du métier militaire et qu’en cas
de
besoin on n’aurait pas d’armée suffisante, comme cela s’est produit e
2313
militaire et qu’en cas de besoin on n’aurait pas
d’
armée suffisante, comme cela s’est produit en Hollande en 72. Il n’y a
2314
ela s’est produit en Hollande en 72. Il n’y a pas
de
danger d’effémination, parce que chaque pays peut introduire une disc
2315
produit en Hollande en 72. Il n’y a pas de danger
d’
effémination, parce que chaque pays peut introduire une discipline sév
2316
une discipline sévère ou modérée dans l’éducation
de
la jeunesse, par une vie simple et un labeur convenable. Apprenez-lui
2317
naturelle par la pratique, ce qui fait l’honneur
de
la noblesse allemande. Cela fera des hommes, non des femmes ni des li
2318
s lions : car les soldats se trouvent à l’extrême
de
l’effémination. La connaissance de la nature et la culture des arts a
2319
nt à l’extrême de l’effémination. La connaissance
de
la nature et la culture des arts aussi utiles qu’agréables, donnent a
2320
qu’agréables, donnent aux hommes la connaissance
d’
eux-mêmes, du monde où ils sont nés, et les moyens d’être utiles aux a
2321
ux-mêmes, du monde où ils sont nés, et les moyens
d’
être utiles aux autres et à eux aussi et encore de secourir et aider,
2322
d’être utiles aux autres et à eux aussi et encore
de
secourir et aider, mais non de nuire et de détruire. La connaissance
2323
ux aussi et encore de secourir et aider, mais non
de
nuire et de détruire. La connaissance du gouvernement en général, des
2324
encore de secourir et aider, mais non de nuire et
de
détruire. La connaissance du gouvernement en général, des constitutio
2325
ement en général, des constitutions particulières
de
l’Europe, et pardessus tout de celle de son propre pays, sont des cho
2326
ions particulières de l’Europe, et pardessus tout
de
celle de son propre pays, sont des choses très recommandables. Cela p
2327
iculières de l’Europe, et pardessus tout de celle
de
son propre pays, sont des choses très recommandables. Cela prépare le
2328
ela prépare le citoyen au parlement et au conseil
de
l’intérieur, aux cours des princes et à la Diète générale à l’extérie
2329
ième objection est qu’il y aurait un grand besoin
d’
emplois pour les frères cadets et que le pauvre ne peut être que solda
2330
réponse à la seconde objection. Nous aurons plus
de
commerçants et de cultivateurs ou d’ingénieux naturalistes, si le gou
2331
nde objection. Nous aurons plus de commerçants et
de
cultivateurs ou d’ingénieux naturalistes, si le gouvernement a tant s
2332
aurons plus de commerçants et de cultivateurs ou
d’
ingénieux naturalistes, si le gouvernement a tant soit peu le souci de
2333
stes, si le gouvernement a tant soit peu le souci
de
l’éducation de la jeunesse, ce qui, après le bien-être présent et imm
2334
vernement a tant soit peu le souci de l’éducation
de
la jeunesse, ce qui, après le bien-être présent et immédiat de chaque
2335
e, ce qui, après le bien-être présent et immédiat
de
chaque pays, doit être la préoccupation et l’art du gouvernement. Car
2336
gouvernement. Car la prochaine génération dépend
de
la façon dont la jeunesse est élevée ; de même le gouvernement se tro
2337
enus ne seront diminués ; au contraire, le budget
de
la guerre pouvant être réduit, par suite de mon plan, les deniers ser
2338
netés demeurent comme elles étaient ; mais aucune
d’
elles n’a de suprématie sur les autres. Si cela peut s’appeler un amoi
2339
ent comme elles étaient ; mais aucune d’elles n’a
de
suprématie sur les autres. Si cela peut s’appeler un amoindrissement
2340
autres. Si cela peut s’appeler un amoindrissement
de
leur puissance, ce serait seulement parce que le gros poisson ne pour
2341
avaler les petits et que chaque pays est préservé
de
tout dommage et incapable d’en commettre. X.— Des réels avantages qui
2342
ue pays est préservé de tout dommage et incapable
d’
en commettre. X.— Des réels avantages qui résulteraient de cette propo
2343
mettre. X.— Des réels avantages qui résulteraient
de
cette proposition en vue de la paix Je suis maintenant parvenu à mon
2344
hapitre dans lequel je vais énumérer quelques-uns
de
ces nombreux et réels bienfaits qui découleraient de cette propositio
2345
ces nombreux et réels bienfaits qui découleraient
de
cette proposition pour la présente et future paix de l’Europe… En deh
2346
cette proposition pour la présente et future paix
de
l’Europe… En dehors de la perte de tant de vies si importantes pour t
2347
et future paix de l’Europe… En dehors de la perte
de
tant de vies si importantes pour tout gouvernement, aussi bien au poi
2348
vue du travail qu’à l’égard du progrès, les cris
de
tant de veuves, d’orphelins, qui ne sont agréables aux oreilles d’auc
2349
à l’égard du progrès, les cris de tant de veuves,
d’
orphelins, qui ne sont agréables aux oreilles d’aucun gouvernement, qu
2350
, d’orphelins, qui ne sont agréables aux oreilles
d’
aucun gouvernement, qui sont la conséquence de la guerre partout, sero
2351
les d’aucun gouvernement, qui sont la conséquence
de
la guerre partout, seront évités. Il y a encore un bienfait manifeste
2352
en quelque sorte recouvrée. Car pour le scandale
de
ce saint état, les chrétiens qui se glorifient du nom de leur Sauveur
2353
aint état, les chrétiens qui se glorifient du nom
de
leur Sauveur ont sacrifié son crédit et sa dignité à leurs passions d
2354
si souvent qu’ils ont été excités par l’impulsion
de
l’ambition ou de la vengeance. Ils n’ont pas toujours été dans le dro
2355
ont été excités par l’impulsion de l’ambition ou
de
la vengeance. Ils n’ont pas toujours été dans le droit et le droit n’
2356
e droit et le droit n’a pas été non plus la cause
de
la guerre. Non seulement des chrétiens contre des chrétiens, mais enc
2357
e secte, ils ont souillé leurs mains dans le sang
de
leurs frères, invoquant de toutes leurs forces le Dieu bon et miséric
2358
urs mains dans le sang de leurs frères, invoquant
de
toutes leurs forces le Dieu bon et miséricordieux pour le succès de l
2359
rces le Dieu bon et miséricordieux pour le succès
de
leurs armes dans la destruction de leurs frères. … Le troisième bienf
2360
pour le succès de leurs armes dans la destruction
de
leurs frères. … Le troisième bienfait est l’économie de l’argent pour
2361
rs frères. … Le troisième bienfait est l’économie
de
l’argent pour les princes comme pour les peuples. Par ce moyen sont d
2362
t qui sont la conséquence des dépenses dévorantes
de
la guerre. Ils auront alors la possibilité d’améliorer les œuvres pub
2363
tes de la guerre. Ils auront alors la possibilité
d’
améliorer les œuvres publiques pour l’enseignement, la charité, les ma
2364
ntionner les pensions aux veuves et aux orphelins
de
ceux qui meurent dans les guerres et à ceux qui ont été estropiés ; e
2365
les, cités et pays qui sont mis à sac par la rage
de
la guerre seront préservés. Ce vœu sera bien entendu dans les Flandre
2366
des ruines et des misères. Le cinquième bienfait
de
cette paix est l’aisance et la sécurité du voyage et du trafic, bonhe
2367
ons aisément concevoir la commodité et l’avantage
de
pouvoir voyager à travers l’Europe avec un passeport délivré par une
2368
voyagé en Allemagne où il y a un si grand nombre
d’
États se rendent compte de la nécessité et de la valeur de ce privilèg
2369
y a un si grand nombre d’États se rendent compte
de
la nécessité et de la valeur de ce privilège par les nombreux arrêts
2370
mbre d’États se rendent compte de la nécessité et
de
la valeur de ce privilège par les nombreux arrêts qu’ils subissent en
2371
se rendent compte de la nécessité et de la valeur
de
ce privilège par les nombreux arrêts qu’ils subissent en cours de rou
2372
par les nombreux arrêts qu’ils subissent en cours
de
route ; et surtout ceux qui ont fait le grand tour de l’Europe. Concl
2373
oute ; et surtout ceux qui ont fait le grand tour
de
l’Europe. Conclusion … J’avoue que je désire sincèrement que l’honneu
2374
… J’avoue que je désire sincèrement que l’honneur
de
proposer et de réaliser un dessein si bon et si grand revienne à l’An
2375
e désire sincèrement que l’honneur de proposer et
de
réaliser un dessein si bon et si grand revienne à l’Angleterre, parmi
2376
grand revienne à l’Angleterre, parmi les nations
de
l’Europe, quoique certaines parties de ma proposition aient été envis
2377
es nations de l’Europe, quoique certaines parties
de
ma proposition aient été envisagées par la sagesse, la justice et la
2378
nvisagées par la sagesse, la justice et la valeur
d’
Henri IV de France, dont les qualités supérieures l’élevant au-dessus
2379
dont les qualités supérieures l’élevant au-dessus
de
ses ancêtres ou contemporains lui méritèrent le titre d’Henri le Gran
2380
ancêtres ou contemporains lui méritèrent le titre
d’
Henri le Grand. La Paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre.
2381
e titre d’Henri le Grand. La Paix perpétuelle
de
l’abbé de Saint-Pierre. Aux quatre grands projets du xviiie sièc
2382
du xviiie siècle fait immédiatement suite celui
de
l’abbé de Saint-Pierre, publié pour la première fois en 1712. S’il es
2383
a première fois en 1712. S’il est le plus célèbre
de
tous, ce n’est point qu’il soit le meilleur, il s’en faut ; mais c’es
2384
, et c’est ensuite qu’il a valu à son auteur plus
de
railleries qu’aucun écrit de l’ère moderne n’en aura jamais motivées.
2385
lu à son auteur plus de railleries qu’aucun écrit
de
l’ère moderne n’en aura jamais motivées. Bien entendu, ni cet excès d
2386
aura jamais motivées. Bien entendu, ni cet excès
d’
honneur, ni cette indignité ne sont justifiés. Charles-Irénée Castel d
2387
Saint-Pierre (1658-1743) naquit dans le Cotentin,
d’
une très ancienne famille, peu fortunée. Il entra dans les ordres mine
2388
trise. À Paris, il fit carrière sous les auspices
de
Fontenelle et du salon de la marquise de Lambert, qui lui ouvrirent l
2389
rière sous les auspices de Fontenelle et du salon
de
la marquise de Lambert, qui lui ouvrirent les portes de l’Académie fr
2390
marquise de Lambert, qui lui ouvrirent les portes
de
l’Académie française en 1695. Il venait d’acheter la charge d’aumônie
2391
portes de l’Académie française en 1695. Il venait
d’
acheter la charge d’aumônier de Madame et connut la Cour. En qualité d
2392
française en 1695. Il venait d’acheter la charge
d’
aumônier de Madame et connut la Cour. En qualité de secrétaire de l’ab
2393
en 1695. Il venait d’acheter la charge d’aumônier
de
Madame et connut la Cour. En qualité de secrétaire de l’abbé de Polig
2394
’aumônier de Madame et connut la Cour. En qualité
de
secrétaire de l’abbé de Polignac, envoyé de la France au congrès de l
2395
adame et connut la Cour. En qualité de secrétaire
de
l’abbé de Polignac, envoyé de la France au congrès de la paix d’Utrec
2396
alité de secrétaire de l’abbé de Polignac, envoyé
de
la France au congrès de la paix d’Utrecht (1712) il put voir de tout
2397
’abbé de Polignac, envoyé de la France au congrès
de
la paix d’Utrecht (1712) il put voir de tout près la pratique des tra
2398
lignac, envoyé de la France au congrès de la paix
d’
Utrecht (1712) il put voir de tout près la pratique des traités et ses
2399
u congrès de la paix d’Utrecht (1712) il put voir
de
tout près la pratique des traités et ses défauts. Exclu de l’Académie
2400
rès la pratique des traités et ses défauts. Exclu
de
l’Académie en 1716 pour avoir critiqué la mémoire de Louis XIV, il fo
2401
l’Académie en 1716 pour avoir critiqué la mémoire
de
Louis XIV, il fonda le « Club de l’Entresol », société de libres disc
2402
tiqué la mémoire de Louis XIV, il fonda le « Club
de
l’Entresol », société de libres discussions, qui lui valut de nouveau
2403
XIV, il fonda le « Club de l’Entresol », société
de
libres discussions, qui lui valut de nouveaux ennuis. « Il avait de l
2404
l », société de libres discussions, qui lui valut
de
nouveaux ennuis. « Il avait de l’esprit, des lettres et des chimères
2405
ons, qui lui valut de nouveaux ennuis. « Il avait
de
l’esprit, des lettres et des chimères », dit Saint-Simon dans ses mém
2406
il mourut insensible aux sarcasmes que ne cessait
de
provoquer son Projet. Et l’on dit que son dernier mot fut « Espérance
2407
que son dernier mot fut « Espérance ». Le Projet
de
paix perpétuelle parut d’abord à Cologne, sans nom d’auteur, en 1712.
2408
aix perpétuelle parut d’abord à Cologne, sans nom
d’
auteur, en 1712. L’année suivante paraissait à Utrecht une version amp
2409
dédié à Louis XV, fut publié à Rotterdam en 1729.
De
ces ouvrages assez médiocrement écrits, mal construits et pleins de r
2410
sez médiocrement écrits, mal construits et pleins
de
répétitions, il n’est pas facile de tirer des extraits qui rendent ju
2411
its et pleins de répétitions, il n’est pas facile
de
tirer des extraits qui rendent justice aux idées positives de l’abbé
2412
extraits qui rendent justice aux idées positives
de
l’abbé ou qui en dégagent l’originalité. Cependant, pour leur intérêt
2413
sèque, nous donnerons ci-après quelques fragments
de
la Préface et des XII Articles principaux du Projet de 1713. Mais rap
2414
Préface et des XII Articles principaux du Projet
de
1713. Mais rapportons d’abord l’occasion singulière qui inspira son p
2415
ière qui inspira son projet au bon abbé. Au cours
d’
un voyage en Normandie, durant l’hiver 1706-1707, sa voiture ayant ver
2416
vre, et sans transition, il écrit : Je finissais
de
mettre la dernière main à ce mémoire, lorsqu’il m’est venu à l’esprit
2417
émoire, lorsqu’il m’est venu à l’esprit un projet
d’
établissement qui par sa grande beauté m’a frappé d’étonnement. Il a a
2418
établissement qui par sa grande beauté m’a frappé
d’
étonnement. Il a attiré depuis quinze jours toute mon attention. Je me
2419
puis quinze jours toute mon attention. Je me sens
d’
autant plus d’inclination à l’approfondir que plus je le considère, et
2420
urs toute mon attention. Je me sens d’autant plus
d’
inclination à l’approfondir que plus je le considère, et ce par différ
2421
avantageux aux souverains. C’est l’établissement
d’
un arbitrage permanent entre eux pour terminer sans guerre leurs diffé
2422
. Je ne sais si je me trompe, mais on a fondement
d’
espérer qu’un traité se signera quelque jour… C’est avec cette espéran
2423
Socrate : Que l’on va loin lorsqu’on a le courage
de
marcher longtemps et sur la même ligne. Voyons maintenant les chemin
2424
ntenant les chemins nouveaux que l’abbé s’efforça
d’
ouvrir. Préface98 … Il y a environ quatre ans qu’après avoir chevé l
2425
atre ans qu’après avoir chevé la première ébauche
d’
un Règlement utile au Commerce intérieur du royaume, instruit par mes
2426
merce intérieur du royaume, instruit par mes yeux
de
l’extrême misère où les Peuples sont réduits par les grandes Impositi
2427
tions particulières des Contributions excessives,
de
Fouragemens, des Incendies, des violences, des cruautez, & des me
2428
s des États chrétiens ; enfin touché sensiblement
de
tous les maux que la Guerre cause aux Souverains d’Europe & à leu
2429
tous les maux que la Guerre cause aux Souverains
d’
Europe & à leurs Sujets, je pris la résolution de pénétrer jusqu’a
2430
urope & à leurs Sujets, je pris la résolution
de
pénétrer jusqu’aux premières sources du mal, & de chercher par me
2431
énétrer jusqu’aux premières sources du mal, &
de
chercher par mes propres réflexions si ce mal étoit tellement attaché
2432
r la matière pour découvrir s’il étoit impossible
de
trouver des moyens praticables pour terminer sans Guerre tous leurs d
2433
Paix perpétuelle. … Il me parut alors nécessaire
de
commencer par faire quelques réflexions sur la nécessité où sont les
2434
éflexions sur la nécessité où sont les Souverains
d’
Europe, comme les autres hommes, de vivre en Paix, unis par quelque so
2435
les Souverains d’Europe, comme les autres hommes,
de
vivre en Paix, unis par quelque société permanente, pour vivre plus h
2436
plus heureux, sur la nécessité où ils se trouvent
d’
avoir des Guerres entre eux, pour la possession ou pour le partage de
2437
entre eux, pour la possession ou pour le partage
de
quelques biens, & enfin sur les moyens dont ils se sont servi jus
2438
ont servi jusqu’à présent, soit pour se dispenser
d’
entreprendre ces Guerres, soit pour n’y pas succomber quand elles ont
2439
s promesses mutuelles écrites ou dans des Traitez
de
Commerce, de Trêve, de Paix, où l’on règle les limites du Territoire,
2440
utuelles écrites ou dans des Traitez de Commerce,
de
Trêve, de Paix, où l’on règle les limites du Territoire, & les au
2441
crites ou dans des Traitez de Commerce, de Trêve,
de
Paix, où l’on règle les limites du Territoire, & les autres préte
2442
tres prétentions réciproques, ou dans des Traitez
de
Garantie ou de Ligue offensive & défensive pour établir, pour mai
2443
s réciproques, ou dans des Traitez de Garantie ou
de
Ligue offensive & défensive pour établir, pour maintenir ou pour
2444
blir, pour maintenir ou pour rétablir l’Équilibre
de
puissance des maisons dominantes ; Système qui jusques ici semble êtr
2445
me qui jusques ici semble être le plus haut degré
de
prudence, auquel les Souverains d’Europe & les ministres ayent po
2446
lus haut degré de prudence, auquel les Souverains
d’
Europe & les ministres ayent porté leur politique. Je ne fus pas l
2447
-tems sans voir que tant que l’on se contenteroit
de
pareils moyens, on n’auroit jamais de sûreté suffisante de l’exécutio
2448
ontenteroit de pareils moyens, on n’auroit jamais
de
sûreté suffisante de l’exécution des Traitez, ni de moyens suffisans
2449
s moyens, on n’auroit jamais de sûreté suffisante
de
l’exécution des Traitez, ni de moyens suffisans pour terminer équitab
2450
sûreté suffisante de l’exécution des Traitez, ni
de
moyens suffisans pour terminer équitablement, & sur tout sans Gue
2451
x chefs ou à deux Propositions, que je me propose
d’
y démontrer. 1° La constitution présente de l’Europe ne sçauroit jamai
2452
ropose d’y démontrer. 1° La constitution présente
de
l’Europe ne sçauroit jamais produire que des Guerres presque continue
2453
ne sçauroit jamais procurer la sûreté suffisante
de
l’exécution des Traitez. 2° L’Équilibre de puissance entre la Maison
2454
sante de l’exécution des Traitez. 2° L’Équilibre
de
puissance entre la Maison de France & la Maison d’Autriche ne sça
2455
tez. 2° L’Équilibre de puissance entre la Maison
de
France & la Maison d’Autriche ne sçauroit procurer de sûreté suff
2456
issance entre la Maison de France & la Maison
d’
Autriche ne sçauroit procurer de sûreté suffisante ni contre les Guerr
2457
e & la Maison d’Autriche ne sçauroit procurer
de
sûreté suffisante ni contre les Guerres Étrangères, ni contre les Gue
2458
iviles, & ne sçauroit par conséquent procurer
de
sûreté suffisante soit pour la conservation des États, soit pour la c
2459
pourraient pas trouver quelque sûreté suffisante
de
l’exécution des promesses mutuelles en établissant entre eux un Arbit
2460
elles, & pour se procurer tous les avantages
d’
un Commerce perpétuel de nation à Nation, vouloient faire un traité d’
2461
ocurer tous les avantages d’un Commerce perpétuel
de
nation à Nation, vouloient faire un traité d’Union & un Congrez p
2462
uel de nation à Nation, vouloient faire un traité
d’
Union & un Congrez perpétuel à peu près sur le même modèle, ou des
2463
rès sur le même modèle, ou des Sept Souverainetés
de
Hollande, ou des treize Souverainetés des Suisses, ou des Souverainet
2464
e Souverainetés des Suisses, ou des Souverainetés
d’
Allemagne, & former l’Union européenne sur ce qu’il y a de bon dan
2465
& former l’Union européenne sur ce qu’il y a
de
bon dans ces Unions, & sur tout dans l’Union Germanique composée
2466
sur tout dans l’Union Germanique composée de plus
de
deux cens Souverainetés, je trouvai, dis-je, que les plus foibles aur
2467
la. … En examinant le gouvernement des Souverains
d’
Allemagne, je ne trouvai pas plus de difficultez à former de nos jours
2468
es Souverains d’Allemagne, je ne trouvai pas plus
de
difficultez à former de nos jours le Corps Européen, qu’on en trouva
2469
e, je ne trouvai pas plus de difficultez à former
de
nos jours le Corps Européen, qu’on en trouva autrefois à former le Co
2470
nd ; au contraire je trouvai qu’il y auroit moins
d’
obstacles & plus de facilitez pour former le Corps Européen, &
2471
ouvai qu’il y auroit moins d’obstacles & plus
de
facilitez pour former le Corps Européen, & ce qui m’aida beaucoup
2472
mère, ce fut l’avis que me donna bientôt après un
de
mes amis, lorsque je lui montrai la première ébauche de cet Ouvrage d
2473
amis, lorsque je lui montrai la première ébauche
de
cet Ouvrage dans ma Province : il me dit qu’Henry IV avoit formé un P
2474
u duc de Sully son Premier ministre… … Je sçavois
de
quel poids sont les préjugez, & que souvent ils font plus d’impre
2475
ont les préjugez, & que souvent ils font plus
d’
impression sur le commun des esprits, que les véritables raisons prise
2476
& les Sociétez que je donne comme des espèces
de
modèles ; qu’après tout Henri IV avoit pû se tromper en croyant possi
2477
bles & suffisans, qui consistent aux articles
d’
un traité d’union, dans lequel on trouvât pour tout le monde une sûret
2478
uffisans, qui consistent aux articles d’un traité
d’
union, dans lequel on trouvât pour tout le monde une sûreté suffisante
2479
trouvât pour tout le monde une sûreté suffisante,
de
la perpétuité de la paix, je ne négligerai rien pour les inventer, &a
2480
le monde une sûreté suffisante, de la perpétuité
de
la paix, je ne négligerai rien pour les inventer, & je crois les
2481
er à tous les princes chrétiens sûreté suffisante
de
la perpétuité de la Paix au-dedans & dehors de leurs États, il n’
2482
nces chrétiens sûreté suffisante de la perpétuité
de
la Paix au-dedans & dehors de leurs États, il n’y a aucun d’eux p
2483
e la perpétuité de la Paix au-dedans & dehors
de
leurs États, il n’y a aucun d’eux pour qui il n’y ait beaucoup plus d
2484
edans & dehors de leurs États, il n’y a aucun
d’
eux pour qui il n’y ait beaucoup plus d’avantages à signer le traité p
2485
y a aucun d’eux pour qui il n’y ait beaucoup plus
d’
avantages à signer le traité pour l’établissement de cette Société, qu
2486
avantages à signer le traité pour l’établissement
de
cette Société, qu’à ne le pas signer. Or la Société européenne, que l
2487
er à tous les princes chrétiens sûreté suffisante
de
la perpétuité de la paix au-dedans & au-dehors de leurs États. Do
2488
nces chrétiens sûreté suffisante de la perpétuité
de
la paix au-dedans & au-dehors de leurs États. Donc il n’y aura au
2489
a perpétuité de la paix au-dedans & au-dehors
de
leurs États. Donc il n’y aura aucun d’eux pour qui il n’y ait beaucou
2490
au-dehors de leurs États. Donc il n’y aura aucun
d’
eux pour qui il n’y ait beaucoup plus d’avantages à signer le traité p
2491
ura aucun d’eux pour qui il n’y ait beaucoup plus
d’
avantages à signer le traité pour l’établissement de cette Société, qu
2492
avantages à signer le traité pour l’établissement
de
cette Société, qu’à ne le pas signer. La majeure, ou la première pro
2493
ur disposer l’esprit du Lecteur à sentir la force
de
la démonstration. La mineure ou la seconde proposition contient les m
2494
iscours. À l’égard de la dernière proposition, ou
de
la conclusion, c’est le but que je me suis proposé dans cet Ouvrage…
2495
re tous les Souverains chrétiens, dans le dessein
de
rendre la Paix inaltérable en Europe, & dans cette vue l’Union fe
2496
es Souverains Mahometans ses voisins, des Traitez
de
Ligue offensive & défensive, pour maintenir chacun en Paix dans l
2497
ve, pour maintenir chacun en Paix dans les bornes
de
son Territoire, en prenant d’eux, & leur donnant toutes les sûret
2498
aix dans les bornes de son Territoire, en prenant
d’
eux, & leur donnant toutes les sûretez possibles réciproques. Les
2499
été Européenne ne se mêlera point du gouvernement
de
chaque État, si ce n’est pour en conserver la forme fondamentale, &am
2500
-joint… Les Souverains ne pourront entr’eux faire
d’
échange d’aucun Territoire, ni signer aucun Traité entr’eux que du con
2501
s Souverains ne pourront entr’eux faire d’échange
d’
aucun Territoire, ni signer aucun Traité entr’eux que du consentement,
2502
r’eux que du consentement, & sous la garantie
de
l’Union aux trois quarts des vingt-quatre voix, & l’Union démeure
2503
ingt-quatre voix, & l’Union démeurera garante
de
l’éxécution des promesses réciproques. VII. — Les Députez travaillero
2504
férens Commerces entre les Nations particulières,
de
sorte cependant que les Loix soient égales & réciproques pour tou
2505
Chambres pour le maintien du Commerce, composées
de
Députez autorisez à concilier, & à juger à la rigueur, & en d
2506
le Commerce, ou autres matières entre les Sujets
de
divers Souverains, au-dessus de dix mille livres : les autres procez
2507
entre les Sujets de divers Souverains, au-dessus
de
dix mille livres : les autres procez de moindre conséquence seront dé
2508
au-dessus de dix mille livres : les autres procez
de
moindre conséquence seront décidez à l’ordinaire par les Juges du lie
2509
lité que contre celui qui aura été déclaré ennemi
de
la Société européenne : mais s’il y a quelque sujet de se plaindre de
2510
Société européenne : mais s’il y a quelque sujet
de
se plaindre de quelqu’un des Membres ou quelque demande à lui faire,
2511
enne : mais s’il y a quelque sujet de se plaindre
de
quelqu’un des Membres ou quelque demande à lui faire, il fera donner
2512
par son Député son Mémoire au Sénat dans la Ville
de
paix, & le Sénat prendra soin de concilier les différens par ses
2513
ans la Ville de paix, & le Sénat prendra soin
de
concilier les différens par ses Commissaires Médiateurs, ou s’ils ne
2514
verain qui prendra les armes avant la déclaration
de
guerre de l’Union, ou qui refusera d’exécuter un Réglement de la Soci
2515
prendra les armes avant la déclaration de guerre
de
l’Union, ou qui refusera d’exécuter un Réglement de la Société, elle
2516
déclaration de guerre de l’Union, ou qui refusera
d’
exécuter un Réglement de la Société, elle lui fera la Guerre, jusqu’à
2517
ment & des Réglemens il payera même les frais
de
la Guerre, & le Païs qui sera conquis sur lui lors de la suspensi
2518
ïs qui sera conquis sur lui lors de la suspension
d’
armes, demeurera pour toujours séparé de son État… IX. — Il y aura da
2519
uspension d’armes, demeurera pour toujours séparé
de
son État… IX. — Il y aura dans le Sénat d’Europe vingt-quatre Sénate
2520
éparé de son État… IX. — Il y aura dans le Sénat
d’
Europe vingt-quatre Sénateurs ou Députez des Souverains unis, ni plus,
2521
qu’une voix. X. — Les Membres & les Associez
de
l’Union contribueront aux frais de la Société, & aux subsides pou
2522
; les Associez de l’Union contribueront aux frais
de
la Société, & aux subsides pour la sûreté à proportion chacun de
2523
; aux subsides pour la sûreté à proportion chacun
de
leurs révenus & des richesses de leurs Peuples… XII. — On ne chan
2524
rtion chacun de leurs révenus & des richesses
de
leurs Peuples… XII. — On ne changera jamais rien aux onze Articles fo
2525
ci-dessus exprimez, sans le consentement unanime
de
tous les membres : mais à l’égard des autres Articles, la Société pou
2526
généralement sur « l’utopie ».et les « chimères »
de
son Projet, l’abbé avait écrit avec une sobre lucidité : Je conviens
2527
il avait ajouté : Il ne s’agit présentement que
de
commencer la ligue dans un congrès, à La Haye ou ailleurs. Deux-cent
2528
le Projet devait surtout sa célébrité au concert
de
railleries qu’il provoqua : c’est qu’elles n’émanaient point d’obscur
2529
qu’il provoqua : c’est qu’elles n’émanaient point
d’
obscurantistes invétérés, mais plutôt d’esprits « éclairés », quoique
2530
ent point d’obscurantistes invétérés, mais plutôt
d’
esprits « éclairés », quoique mauvaises langues, comme Voltaire et Fré
2531
ses langues, comme Voltaire et Frédéric II, voire
d’
illustres protagonistes d’une Europe fédérée, comme Leibniz et Roussea
2532
e et Frédéric II, voire d’illustres protagonistes
d’
une Europe fédérée, comme Leibniz et Rousseau, qui redoutaient que le
2533
Projet ne desservît la cause. Voltaire, parlant
de
l’art militaire : Je vous l’avoue, je formais des souhaits Pour que
2534
quité fît régner sur la terre L’impraticable paix
de
l’abbé de Saint-Pierre. Frédéric II, dans une lettre à Voltaire99 :
2535
int-Pierre, qui me distingue assez pour m’honorer
de
sa correspondance, m’a envoyé un bel ouvrage sur la façon de rétablir
2536
spondance, m’a envoyé un bel ouvrage sur la façon
de
rétablir la paix en Europe. La chose est très praticable : il ne manq
2537
manque pour la faire réussir que le consentement
de
l’Europe et quelques autres bagatelles semblables. Leibniz, à propos
2538
gatelles semblables. Leibniz, à propos d’un plan
de
Tribunal catholique européen100 : Voilà des projets qui réussiront a
2539
s projets qui réussiront aussi aisément que celui
de
M. l’abbé de Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis de faire des rom
2540
réussiront aussi aisément que celui de M. l’abbé
de
Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis de faire des romans, pourquoi
2541
l’abbé de Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis
de
faire des romans, pourquoi trouverons-nous sa fiction mauvaise, qui n
2542
a fiction mauvaise, qui nous ramènerait le siècle
d’
or. Rousseau, dans son Extrait du Projet : Si le Projet demeure san
2543
e les hommes sont insensés et que c’est une sorte
de
folie que d’être sage au milieu des fous.101 Bluntschli, juriste i
2544
sont insensés et que c’est une sorte de folie que
d’
être sage au milieu des fous.101 Bluntschli, juriste international
2545
sort au mot du Cardinal Dubois : « C’est le rêve
d’
un homme de bien. » À quoi Th. Ruyssen ajoute : « Mais ce rêve ne cess
2546
t du Cardinal Dubois : « C’est le rêve d’un homme
de
bien. » À quoi Th. Ruyssen ajoute : « Mais ce rêve ne cessera de hant
2547
oi Th. Ruyssen ajoute : « Mais ce rêve ne cessera
de
hanter la conscience de l’humanité. » 90. Ernest Nys, Émeric Crucé
2548
« Mais ce rêve ne cessera de hanter la conscience
de
l’humanité. » 90. Ernest Nys, Émeric Crucé, in Études de Droit Int
2549
ité. » 90. Ernest Nys, Émeric Crucé, in Études
de
Droit International, I, 1896. 91. Allusion au projet de La Noue, voi
2550
t International, I, 1896. 91. Allusion au projet
de
La Noue, voir plus haut. 92. Allusion à Jean Bodin, cité plus haut.
2551
imitif : Mémoires des sages et royales oeconomies
d’
Estat, domestiques, politiques et militaires de Henry le Grand, l’Exem
2552
es d’Estat, domestiques, politiques et militaires
de
Henry le Grand, l’Exemplaire des roys, le prince des Vertus, des Arme
2553
ertus, des Armes et des Loix, et le Père en effet
de
ses Peuples François, et des servitudes utiles, obéissances convenabl
2554
béissances convenables et administrations loyales
de
Maximilien de Béthune…, etc. 94. C. J. Burckhardt : Vier historisch
2555
Verlag, Zürich, 1953, p. 25-29, 48-49. 95. Tirés
de
Jean Amos Comenius — Pages choisies, avec une introduction de Jean Pi
2556
Comenius — Pages choisies, avec une introduction
de
Jean Piaget — Unesco, 1957. 96. Hermès Trimégiste : c’est sous ce no
2557
rmès Trimégiste : c’est sous ce nom que les Grecs
de
la basse époque désignaient le dieu égyptien Toth, qui était le dieu
2558
ur dieu Hermès. 97. Nos citations sont extraites
de
l’Essai pour la paix présente et future de l’Europe par William Penn,
2559
raites de l’Essai pour la paix présente et future
de
l’Europe par William Penn, traduit par R. Umbdenstock, in William Pen
2560
k, in William Penn théoricien du Pacifisme. Thèse
de
l’Université de Dijon, 1931. 98. Extraits du Projet pour rendre la P
2561
nn théoricien du Pacifisme. Thèse de l’Université
de
Dijon, 1931. 98. Extraits du Projet pour rendre la Paix perpétuelle
2562
tuelle en Europe, Tome 1, Utrecht, 1713 (sans nom
d’
auteur). 99. Frédéric II, Œuvres, tome XIV, p. 247. 100. Lettre à G
2563
101. La Rochefoucauld : « C’est une grande folie
de
vouloir être sage tout seul. »
2564
entre 1623 et 1713, gravitent plusieurs douzaines
d’
utopies politico-mystiques, de plans de fédérations, d’anticipations p
2565
plusieurs douzaines d’utopies politico-mystiques,
de
plans de fédérations, d’anticipations pacifistes ou d’élucubrations :
2566
douzaines d’utopies politico-mystiques, de plans
de
fédérations, d’anticipations pacifistes ou d’élucubrations : les titr
2567
pies politico-mystiques, de plans de fédérations,
d’
anticipations pacifistes ou d’élucubrations : les titres seuls souvent
2568
ans de fédérations, d’anticipations pacifistes ou
d’
élucubrations : les titres seuls souvent vaudraient d’être cités, dans
2569
ucubrations : les titres seuls souvent vaudraient
d’
être cités, dans la mesure où ils nomment l’Europe comme unité, mais i
2570
ent l’Europe comme unité, mais il y faudrait trop
de
pages. Bornons-nous à quelques exemples choisis aux quatre coins du c
2571
und Haüpter Europæ geschrieben… C’était l’œuvre
d’
un jeune théologien luthérien, Valentin Andreæ, inspirée de la Riforma
2572
e théologien luthérien, Valentin Andreæ, inspirée
de
la Riforma Generale dell’Universo du satiriste italien Trajano Boccal
2573
trouver au cours de leurs voyages, un seul membre
de
cette société. Cependant, il est établi que Leibniz fut, à vingt ans,
2574
tabli que Leibniz fut, à vingt ans, le secrétaire
d’
une confrérie de rose-croix, à Nuremberg… En 1691, un commerçant suiss
2575
z fut, à vingt ans, le secrétaire d’une confrérie
de
rose-croix, à Nuremberg… En 1691, un commerçant suisse du nom de Goud
2576
à Nuremberg… En 1691, un commerçant suisse du nom
de
Goudet publiait en Hollande un ouvrage aujourd’hui introuvable, et qu
2577
sujet Jurieu et Pierre Bayle. Ces Huit Entretiens
d’
Irène et Ariste proposaient aux Européens de s’unir pour se partager l
2578
tiens d’Irène et Ariste proposaient aux Européens
de
s’unir pour se partager l’Empire ottoman102. La paix perpétuelle deva
2579
x perpétuelle devait être assurée « par une armée
de
40.000 Suisses équipée et maintenue sous les armes après accord de to
2580
équipée et maintenue sous les armes après accord
de
tous les pays d’Europe, ainsi que par 30.000 hommes recrutés chez d’a
2581
enue sous les armes après accord de tous les pays
d’
Europe, ainsi que par 30.000 hommes recrutés chez d’autres nations eur
2582
me auteur du libelle, ce dernier perdit la chaire
de
philosophie qu’il occupait à Rotterdam. Le Projet de l’abbé de Saint-
2583
philosophie qu’il occupait à Rotterdam. Le Projet
de
l’abbé de Saint-Pierre devait donner lieu à une série d’ouvrages plus
2584
bé de Saint-Pierre devait donner lieu à une série
d’
ouvrages plus ou moins analogues, tout au long du xviiie siècle. En I
2585
t entre les princes. On en revient donc aux plans
de
l’abbé. En Allemagne c’est le Dr Eobald Toze qui reprend l’idée dans
2586
Mecklembourg, 1752. Il passe en revue les projets
d’
« Henry IV » (Sully), de Goudet, et de l’abbé, et les juges irréaliste
2587
asse en revue les projets d’« Henry IV » (Sully),
de
Goudet, et de l’abbé, et les juges irréalistes, parce que contraires
2588
les projets d’« Henry IV » (Sully), de Goudet, et
de
l’abbé, et les juges irréalistes, parce que contraires au principe tr
2589
stes, parce que contraires au principe triomphant
de
la souveraineté des États. Il n’a d’espoirs que dans une lente éducat
2590
e triomphant de la souveraineté des États. Il n’a
d’
espoirs que dans une lente éducation « de l’esprit de justice, de l’am
2591
. Il n’a d’espoirs que dans une lente éducation «
de
l’esprit de justice, de l’amour du prochain et de la maîtrise de soi,
2592
spoirs que dans une lente éducation « de l’esprit
de
justice, de l’amour du prochain et de la maîtrise de soi, aussi bien
2593
ans une lente éducation « de l’esprit de justice,
de
l’amour du prochain et de la maîtrise de soi, aussi bien chez les pri
2594
de l’esprit de justice, de l’amour du prochain et
de
la maîtrise de soi, aussi bien chez les princes que chez les peuples
2595
justice, de l’amour du prochain et de la maîtrise
de
soi, aussi bien chez les princes que chez les peuples »105. Dans un m
2596
05. Dans un manuscrit retrouvé à Nancy, et datant
de
1748, le roi Stanislas Leczinski critique lui aussi le Projet de l’ab
2597
Stanislas Leczinski critique lui aussi le Projet
de
l’abbé, et propose que le roi de France prenne la tête d’une union de
2598
é, et propose que le roi de France prenne la tête
d’
une union des républiques européennes, car, dit-il avec un bel optimis
2599
e pour s’agrandir. Un aventurier français, auteur
d’
un ouvrage d’économie, Ange Goudar, fait paraître à Rotterdam en 1757
2600
ndir. Un aventurier français, auteur d’un ouvrage
d’
économie, Ange Goudar, fait paraître à Rotterdam en 1757 un écrit inti
2601
tre à Rotterdam en 1757 un écrit intitulé La paix
de
l’Europe ne petit s’établir qu’à la suite d’une longue trêve : par le
2602
paix de l’Europe ne petit s’établir qu’à la suite
d’
une longue trêve : par le Chevalier G. La situation de l’Europe est as
2603
e longue trêve : par le Chevalier G. La situation
de
l’Europe est assez triste à l’en croire : On ne parle que des machin
2604
ste à l’en croire : On ne parle que des machines
de
Guerre et les plus destructives sont toujours les mieux reçues. Un Pa
2605
reçues. Un Particulier qui découvriroit un moyen
d’
exterminer une nation entière, d’un seul coup, seroit regardé aujourd’
2606
Européens, observe-t-il, qui ont propagé le fléau
de
leurs guerres sur les autres continents, et cela du fait de leur expa
2607
uerres sur les autres continents, et cela du fait
de
leur expansion économique. Les armes économiques sont devenues décisi
2608
qu’ils procurent les richesses qui sont les nerfs
de
la Guerre. Cet esprit très moderne, et sobre, ne voit d’espoir que d
2609
erre. Cet esprit très moderne, et sobre, ne voit
d’
espoir que dans une trêve de vingt ans pour apaiser les fièvres guerri
2610
ne, et sobre, ne voit d’espoir que dans une trêve
de
vingt ans pour apaiser les fièvres guerrières des souverains d’Europe
2611
our apaiser les fièvres guerrières des souverains
d’
Europe. Un grand seigneur livonien, J. H. von Lilienfeld, publie à Lei
2612
s Staats-Gebaüde. Il propose lui aussi la réunion
d’
un congrès des puissances chrétiennes, mais il ajoute deux importantes
2613
ibunal souverain » appliquerait aux États un Code
de
droit international, et désignerait en cas de besoin les forces armée
2614
ode de droit international, et désignerait en cas
de
besoin les forces armées chargées d’exécuter contre tel État récalcit
2615
erait en cas de besoin les forces armées chargées
d’
exécuter contre tel État récalcitrant les sanctions requises par le co
2616
es mêmes motifs militent en faveur d’un même type
d’
union : c’est toujours pour assurer la paix, et donc pour juguler les
2617
our juguler les souverainetés que l’on se propose
d’
unir les puissances chrétiennes par quelque lien de droit confédéral.
2618
’unir les puissances chrétiennes par quelque lien
de
droit confédéral. Et toujours, l’élément fédérateur apparemment indis
2619
e Révolution française pour voir paraître un plan
d’
union qui change de « tête de Turc » si l’on ose dire. Anticipons sur
2620
ise pour voir paraître un plan d’union qui change
de
« tête de Turc » si l’on ose dire. Anticipons sur la chronologie, pou
2621
oir paraître un plan d’union qui change de « tête
de
Turc » si l’on ose dire. Anticipons sur la chronologie, pour marquer
2622
cipons sur la chronologie, pour marquer cette fin
d’
une époque. Il s’agit du Plan d’une pacification générale en Europe pa
2623
marquer cette fin d’une époque. Il s’agit du Plan
d’
une pacification générale en Europe par le Citoyen Delaunay, Consul de
2624
énérale en Europe par le Citoyen Delaunay, Consul
de
la République, Paris 1794. L’auteur commence par avertir que quand on
2625
and on rêve pour le public, il faut prendre garde
de
s’endormir et de mettre sa sensibilité à la place de son jugement. Il
2626
le public, il faut prendre garde de s’endormir et
de
mettre sa sensibilité à la place de son jugement. Il s’agit de créer
2627
sensibilité à la place de son jugement. Il s’agit
de
créer une Convention européenne. Mais, à cette fin, qu’on n’attende p
2628
gramme aux futurs députés, mais qu’on se contente
d’
indiquer les moyens de parvenir à cette Convention. Enfin et surtout,
2629
tés, mais qu’on se contente d’indiquer les moyens
de
parvenir à cette Convention. Enfin et surtout, qu’on se garde de reco
2630
ette Convention. Enfin et surtout, qu’on se garde
de
recourir au mythe de la croisade contre les Turcs : car il faut au co
2631
n et surtout, qu’on se garde de recourir au mythe
de
la croisade contre les Turcs : car il faut au contraire les avoir ave
2632
me organisation européenne, on doit tout craindre
de
l’influence russe : Si on réfléchit sur l’étonnante augmentation de
2633
e : Si on réfléchit sur l’étonnante augmentation
de
puissance de la Russie, depuis un siècle, sur ce qu’elle peut devenir
2634
fléchit sur l’étonnante augmentation de puissance
de
la Russie, depuis un siècle, sur ce qu’elle peut devenir, et sur son
2635
alement qu’on mette un frein à la seule puissance
de
l’Europe qui puisse y lancer de grandes révolutions. D’où l’idée d’i
2636
a seule puissance de l’Europe qui puisse y lancer
de
grandes révolutions. D’où l’idée d’instituer deux grands groupes : u
2637
rope qui puisse y lancer de grandes révolutions.
D’
où l’idée d’instituer deux grands groupes : une Confédération d’Occide
2638
sse y lancer de grandes révolutions. D’où l’idée
d’
instituer deux grands groupes : une Confédération d’Occident, centrée
2639
instituer deux grands groupes : une Confédération
d’
Occident, centrée sur la France, l’Angleterre et l’Espagne, et une Con
2640
, l’Angleterre et l’Espagne, et une Confédération
d’
Orient, centrée sur la Russie, l’Autriche et le corps germanique. Quan
2641
serait entièrement neutre et deviendrait le siège
de
la Confédération d’Occident, tandis que Danzig serait le siège de cel
2642
eutre et deviendrait le siège de la Confédération
d’
Occident, tandis que Danzig serait le siège de celle d’Orient. Au res
2643
ion d’Occident, tandis que Danzig serait le siège
de
celle d’Orient. Au reste, qu’on ne croie pas que l’uniformité économ
2644
ident, tandis que Danzig serait le siège de celle
d’
Orient. Au reste, qu’on ne croie pas que l’uniformité économique soit
2645
e pas que l’uniformité économique soit un facteur
d’
union, bien au contraire : C’est parce que le sol de l’Europe n’est pa
2646
union, bien au contraire : C’est parce que le sol
de
l’Europe n’est pas le même partout, n’est pas également fertile, prod
2647
ile, produit des fruits différents et des trésors
de
diverses natures, que les Européens sont appelés à s’unir et à se bie
2648
des échanges faciles, tout ce qui peut leur être
de
nécessité, d’utilité ou de luxe.107 102. Il s’agit donc d’un des C
2649
faciles, tout ce qui peut leur être de nécessité,
d’
utilité ou de luxe.107 102. Il s’agit donc d’un des Cent projets de
2650
ce qui peut leur être de nécessité, d’utilité ou
de
luxe.107 102. Il s’agit donc d’un des Cent projets de partage de l
2651
, d’utilité ou de luxe.107 102. Il s’agit donc
d’
un des Cent projets de partage de la Turquie recensés par Djuvara dans
2652
.107 102. Il s’agit donc d’un des Cent projets
de
partage de la Turquie recensés par Djuvara dans un livre qui porte ce
2653
. Il s’agit donc d’un des Cent projets de partage
de
la Turquie recensés par Djuvara dans un livre qui porte ce titre, Par
2654
etzevitch, La Révolution française et les projets
d’
union européenne in La Révolution française, Paris, 1931, Tome 84, p.
2655
Il a vécu dans la plupart de nos pays, il souffre
de
leurs dissensions, il veut l’union de l’Europe dans ses diversités, e
2656
il souffre de leurs dissensions, il veut l’union
de
l’Europe dans ses diversités, en fait un plan et le propose à Louis X
2657
mais admirateur sincère du catholicisme romain et
de
l’orthodoxie russe, il s’épuise à les concilier, d’où sa correspondan
2658
l’orthodoxie russe, il s’épuise à les concilier,
d’
où sa correspondance fameuse avec Bossuet : œcuménisme. Européen consc
2659
use avec Bossuet : œcuménisme. Européen conscient
de
nos valeurs spécifiques, il voit le monde s’agrandir et s’en réjouit
2660
en réjouit : universalisme. Il a cherché le moyen
de
correspondre en toutes les langues, par le moyen d’un ars combinatori
2661
correspondre en toutes les langues, par le moyen
d’
un ars combinatoria, et sa plus glorieuse découverte mathématique, le
2662
que, le calcul infinitésimal, est encore un moyen
de
passage du discontinu au continu, une harmonie… « Les académies qu’il
2663
, une harmonie… « Les académies qu’il s’efforçait
de
fonder dans les différents pays n’étaient dans sa pensée que les frag
2664
sa pensée que les fragments épars et provisoires
d’
une vaste Académie européenne, d’une fédération des savants dont elles
2665
s et provisoires d’une vaste Académie européenne,
d’
une fédération des savants dont elles eussent constitué simplement des
2666
ici d’abord le citoyen du monde : Je ne suis pas
de
ceux qui sont fanatisés par leur pays ou encore par une nation partic
2667
sidère le Ciel comme la Patrie et tous les hommes
de
bonne volonté comme les concitoyens en ce Ciel ; et j’aime mieux acco
2668
En 1670, déjà, Leibniz redoutant les ambitions
de
Louis XIV avait cherché à les détourner vers l’Orient. De là l’ébauch
2669
XIV avait cherché à les détourner vers l’Orient.
De
là l’ébauche du plan qu’il soumit au roi, intitulé Consilium Ægypticm
2670
i, intitulé Consilium Ægypticmorum. Il s’agissait
de
se tourner contre les Turcs, une fois de plus, de conquérir l’Égypte
2671
de se tourner contre les Turcs, une fois de plus,
de
conquérir l’Égypte et de percer l’isthme de Suez. Leibniz espérait ai
2672
Turcs, une fois de plus, de conquérir l’Égypte et
de
percer l’isthme de Suez. Leibniz espérait ainsi pacifier l’Europe et
2673
plus, de conquérir l’Égypte et de percer l’isthme
de
Suez. Leibniz espérait ainsi pacifier l’Europe et provoquer son union
2674
me à Paris, mais ne le reçut pas, les difficultés
de
la France avec le Sultan s’étant aplanies entre-temps… En 1676, la pa
2675
an s’étant aplanies entre-temps… En 1676, la paix
de
Nimègue ayant affirmé la prédominance menaçante de Louis XIV en Europ
2676
e Nimègue ayant affirmé la prédominance menaçante
de
Louis XIV en Europe, Leibniz publie un traité en latin sous le pseudo
2677
bniz publie un traité en latin sous le pseudonyme
de
Cæsarius Fursterinus, dans lequel il prend la défense des princes du
2678
l prend la défense des princes du Saint-Empire et
de
leur autonomie. Il rappelle qu’au Moyen Âge la double autorité de l’e
2679
e. Il rappelle qu’au Moyen Âge la double autorité
de
l’empereur et du pape ménageait la liberté des souverainetés fédérées
2680
mes, le pape et l’empereur, exerçaient le pouvoir
de
sa part, l’un le pouvoir spirituel, l’autre le pouvoir temporel. Et i
2681
emporel. Et il était manifestement dans l’intérêt
de
tous que les chrétiens fussent réunis sous une autorité commune, en s
2682
mps ils se fissent craindre davantage des ennemis
de
la foi… Et parce que manifestement, dans le monde chrétien, la majest
2683
tement, dans le monde chrétien, la majesté sacrée
de
l’empereur romain repose sur cette base, il s’ensuit qu’elle ne doit
2684
mpereur doit être investi, dans une grande partie
de
l’Europe, d’un pouvoir, ainsi que d’une sorte de souveraineté suprême
2685
être investi, dans une grande partie de l’Europe,
d’
un pouvoir, ainsi que d’une sorte de souveraineté suprême correspondan
2686
rande partie de l’Europe, d’un pouvoir, ainsi que
d’
une sorte de souveraineté suprême correspondant à celle de l’Église ;
2687
de l’Europe, d’un pouvoir, ainsi que d’une sorte
de
souveraineté suprême correspondant à celle de l’Église ; et de même q
2688
rte de souveraineté suprême correspondant à celle
de
l’Église ; et de même que, dans notre Empire, en vue du maintien de l
2689
e même que, dans notre Empire, en vue du maintien
de
la paix universelle, des contributions communes sont exigées pour la
2690
étien. On reconnaît ici les thèses fondamentales
de
la Monarchie de Dante. Par ailleurs, la sympathie qu’éprouvait ce lut
2691
naît ici les thèses fondamentales de la Monarchie
de
Dante. Par ailleurs, la sympathie qu’éprouvait ce luthérien pour la p
2692
feste à maintes reprises, quoique parfois teintée
de
quelque ironie. Ainsi une lettre relative au projet du prince de Hess
2693
du prince de Hesse-Rheinfels : celui-ci proposait
d’
établir un « Tribunal catholique européen » et d’en fixer le siège à L
2694
d’établir un « Tribunal catholique européen » et
d’
en fixer le siège à Lucerne. Leibniz commente : S’il existait un cons
2695
permanent ou un Sénat créé par ce concile, chargé
de
veiller aux intérêts généraux de la chrétienté, ce qui se fait mainte
2696
concile, chargé de veiller aux intérêts généraux
de
la chrétienté, ce qui se fait maintenant par les alliances, et, comme
2697
public fondé par le pape et l’empereur en qualité
de
chefs de la chrétienté ; donc par le moyen d’une entente amicale et d
2698
ndé par le pape et l’empereur en qualité de chefs
de
la chrétienté ; donc par le moyen d’une entente amicale et d’une mani
2699
ité de chefs de la chrétienté ; donc par le moyen
d’
une entente amicale et d’une manière plus pratique et convenable qu’ac
2700
enté ; donc par le moyen d’une entente amicale et
d’
une manière plus pratique et convenable qu’actuellement. … Pour moi, j
2701
convenable qu’actuellement. … Pour moi, je serois
d’
avis de l’établir à Rome même et d’en faire le pape président, comme e
2702
ble qu’actuellement. … Pour moi, je serois d’avis
de
l’établir à Rome même et d’en faire le pape président, comme en effet
2703
moi, je serois d’avis de l’établir à Rome même et
d’
en faire le pape président, comme en effet il faisoit autrefois figure
2704
ident, comme en effet il faisoit autrefois figure
de
juge entre les princes chrétiens. Mais il faudroit en même temps que
2705
trembler des rois et des royaumes, comme du tems
de
Nicolas Ier ou de Grégoire VII. Et pour y faire consentir les protest
2706
et des royaumes, comme du tems de Nicolas Ier ou
de
Grégoire VII. Et pour y faire consentir les protestants, il faudroit
2707
ir les protestants, il faudroit prier sa Sainteté
de
rétablir la forme de l’Église telle qu’elle fut du tems de Charlemagn
2708
l faudroit prier sa Sainteté de rétablir la forme
de
l’Église telle qu’elle fut du tems de Charlemagne, lorsqu’il tenait l
2709
ir la forme de l’Église telle qu’elle fut du tems
de
Charlemagne, lorsqu’il tenait le concile de Francfort ; et de renonce
2710
tems de Charlemagne, lorsqu’il tenait le concile
de
Francfort ; et de renoncer à tous conciles tenus depuis, qui ne sauro
2711
ne, lorsqu’il tenait le concile de Francfort ; et
de
renoncer à tous conciles tenus depuis, qui ne sauroient passer pour œ
2712
que les papes ressemblassent aux premiers évêques
de
Rome. Voilà des projets qui réussiront aussi aisément que celui de M.
2713
s projets qui réussiront aussi aisément que celui
de
M. l’abbé de Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis de faire des rom
2714
réussiront aussi aisément que celui de M. l’abbé
de
Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis de faire des romans, pourquoi
2715
l’abbé de Saint-Pierre, mais puisqu’il est permis
de
faire des romans, pourquoi trouverons-nous sa fiction mauvaise, qui n
2716
a fiction mauvaise, qui nous ramènerait le siècle
d’
or.110 Au sujet de l’abbé de Saint-Pierre, Leibniz s’exprimera un pe
2717
des objections, et à votre manière nette et ronde
d’
y répondre. Il n’y a que la volonté qui manque aux hommes pour se déli
2718
la volonté qui manque aux hommes pour se délivrer
d’
une infinité de maux. Si cinq ou six personnes vouloient, elles pourro
2719
manque aux hommes pour se délivrer d’une infinité
de
maux. Si cinq ou six personnes vouloient, elles pourroient faire cess
2720
t, elles pourroient faire cesser le grand Schisme
d’
Occident, et mettre l’Église dans un bon ordre. Un Souverain qui le ve
2721
uverain qui le veut bien peut préserver ses États
de
la peste ; la maison de Brunswick n’y a pas mal réussi, grâces à Dieu
2722
peut préserver ses États de la peste ; la maison
de
Brunswick n’y a pas mal réussi, grâces à Dieu ; la peste s’est arrêté
2723
al réussi, grâces à Dieu ; la peste s’est arrêtée
de
mon tems à ses frontières. Un Souverain pourrait encore garantir ses
2724
. Un Souverain pourrait encore garantir ses États
de
la famine. Mais pour faire cesser les guerres, il faudroit qu’un autr
2725
u’un autre Henri IV, avec quelques grands princes
de
son tems, goûtât votre Projet. Le mal est qu’il est difficile de le f
2726
ûtât votre Projet. Le mal est qu’il est difficile
de
le faire entendre aux grands princes. Il n’y a point de Ministre main
2727
faire entendre aux grands princes. Il n’y a point
de
Ministre maintenant qui voudrait proposer à l’empereur de renoncer à
2728
tre maintenant qui voudrait proposer à l’empereur
de
renoncer à la succession de l’Espagne, et des Indes. Les Puissances M
2729
proposer à l’empereur de renoncer à la succession
de
l’Espagne, et des Indes. Les Puissances Maritimes et tant d’autres y
2730
us souvent des fatalités qui empêchent les hommes
d’
être heureux… Leibniz, conseiller de Pierre le Grand, considérait que
2731
t les hommes d’être heureux… Leibniz, conseiller
de
Pierre le Grand, considérait que le rôle de la Russie devait être cel
2732
iller de Pierre le Grand, considérait que le rôle
de
la Russie devait être celui d’un trait d’union chrétien entre l’Europ
2733
dérait que le rôle de la Russie devait être celui
d’
un trait d’union chrétien entre l’Europe et la Chine, en vue d’une syn
2734
le rôle de la Russie devait être celui d’un trait
d’
union chrétien entre l’Europe et la Chine, en vue d’une synthèse supér
2735
union chrétien entre l’Europe et la Chine, en vue
d’
une synthèse supérieure des civilisations. Il semble encore, que c’es
2736
’est une fatalité singulière, ou plustost un coup
de
la Providence, qu’à même temps dans le Nord, dans l’Est et dans le Su
2737
iewiecz, souverain Seigneur des Russes et presque
de
tout le Nord, nous apprenons que Cam-hi, Amalogdo-Chan, monarque de l
2738
ous apprenons que Cam-hi, Amalogdo-Chan, monarque
de
la Chine et des Tartares les plus orientaux, et Jakso Adjam-Saugbed,
2739
res — ont tous conçu des desseins, qui surpassent
de
beaucoup ceux de leurs ancestres, comme nous apprenons tant par les r
2740
nçu des desseins, qui surpassent de beaucoup ceux
de
leurs ancestres, comme nous apprenons tant par les relations nouvelle
2741
e nous apprenons tant par les relations nouvelles
de
la Chine, où le christianisme vient d’être autorisé et appuyé d’un éd
2742
nouvelles de la Chine, où le christianisme vient
d’
être autorisé et appuyé d’un édit du roy, que par l’ambassade des Abys
2743
le christianisme vient d’être autorisé et appuyé
d’
un édit du roy, que par l’ambassade des Abyssins à Batavie en 1692. Le
2744
et frontiers du Turc, quoique bien éloignés l’un
de
l’autre. Mais le tsar et le monarque des Chinois sont frontiers entre
2745
les arts et les bonnes manières particulièrement
de
notre Europe, et ils se peuvent prester la main et obliger mutuelleme
2746
t à celles des jésuites : J’insinue qu’il serait
de
la gloire de Dieu et de l’honneur des protestants de prendre part à c
2747
s jésuites : J’insinue qu’il serait de la gloire
de
Dieu et de l’honneur des protestants de prendre part à cette grande a
2748
: J’insinue qu’il serait de la gloire de Dieu et
de
l’honneur des protestants de prendre part à cette grande aventure dan
2749
la gloire de Dieu et de l’honneur des protestants
de
prendre part à cette grande aventure dans le champ du Seigneur, afin
2750
juge que cette mission est la plus grande affaire
de
notre temps, tant pour la gloire de Dieu et la propagation de la reli
2751
rande affaire de notre temps, tant pour la gloire
de
Dieu et la propagation de la religion chrétienne, que pour le bien gé
2752
ps, tant pour la gloire de Dieu et la propagation
de
la religion chrétienne, que pour le bien général des hommes et l’accr
2753
bien que chez les Chinois ; car c’est un commerce
de
lumière qui nous peut donner d’un seul coup leurs travaux de quelques
2754
qui nous peut donner d’un seul coup leurs travaux
de
quelques milliers d’années… et doubler, pour ainsi dire, nos véritabl
2755
d’un seul coup leurs travaux de quelques milliers
d’
années… et doubler, pour ainsi dire, nos véritables richesses de part
2756
oubler, pour ainsi dire, nos véritables richesses
de
part et d’autre.113 Enfin ce trait final : dans un fragment latin i
2757
r ainsi dire, nos véritables richesses de part et
d’
autre.113 Enfin ce trait final : dans un fragment latin intitulé : «
2758
, l’Europe se découvre Ces dernières citations
de
Leibniz sont importantes. Elles témoignent d’une révolution de l’espr
2759
ons de Leibniz sont importantes. Elles témoignent
d’
une révolution de l’esprit qui se produit à la fin du xviie et au déb
2760
nt importantes. Elles témoignent d’une révolution
de
l’esprit qui se produit à la fin du xviie et au début du xviiie siè
2761
t remis à voyager, plus encore qu’aux beaux jours
de
la Renaissance, et surtout bien plus loin. Ce ne sont plus seulement
2762
e découvre elle-même, en se comparant aux peuples
d’
outre-mer. Au début et au terme de cette vaste enquête, plaçons en épi
2763
ant aux peuples d’outre-mer. Au début et au terme
de
cette vaste enquête, plaçons en épigraphes quatre cartes postales du
2764
s : Miguel de Cervantès (1547-1616) : Je sortis
de
notre nation pour entrer en France, et quoique nous y fussions bien a
2765
il me sembla que l’on pouvait vivre avec le plus
de
liberté.114 Balthazar Gracian (1601-1658), célèbre auteur de « L’H
2766
Balthazar Gracian (1601-1658), célèbre auteur
de
« L’Homme de Cour » : L’Europe est la face admirable du monde : gra
2767
Gracian (1601-1658), célèbre auteur de « L’Homme
de
Cour » : L’Europe est la face admirable du monde : grave en Espagne
2768
du monde : grave en Espagne, jolie en Angleterre,
de
bel air en France, fine en Italie, fraîche en Allemagne, précieuse en
2769
arl von Linné (1707-1778), le « premier botaniste
de
l’Europe », aussi zoologiste, et ici anthropologue : Homo Europæus.
2770
ur ritibus.116 Le Grand Dictionnaire historique
de
Louis Moreri, publié en 1674, donne une description sommaire de l’Eur
2771
i, publié en 1674, donne une description sommaire
de
l’Europe où déjà se retrouvent tous les clichés sur la psychologie de
2772
prisans et fiers jusqu’à la férocité. Les peuples
d’
Europe, par leur adresse et par leur courage, se sont soumis ceux des
2773
abitent. Nous devons encore ajouter aux avantages
de
l’Europe, celui qu’elle a d’être presque toute éclairée des lumières
2774
jouter aux avantages de l’Europe, celui qu’elle a
d’
être presque toute éclairée des lumières de l’Évangile. Suit une « li
2775
elle a d’être presque toute éclairée des lumières
de
l’Évangile. Suit une « liste des auteurs qui parlent de l’Europe » (
2776
angile. Suit une « liste des auteurs qui parlent
de
l’Europe » (premier sommaire pour une Anthologie européenne !) qui va
2777
sommaire pour une Anthologie européenne !) qui va
de
Strabon et Ptolémée jusqu’aux géographes modernes, comme Rabbe. L’hi
2778
ux géographes modernes, comme Rabbe. L’historien
de
la culture Paul Hazard a décrit mieux que personne, de nos jours, ce
2779
culture Paul Hazard a décrit mieux que personne,
de
nos jours, ce phénomène de découverte de l’Europe par elle-même117 :
2780
it mieux que personne, de nos jours, ce phénomène
de
découverte de l’Europe par elle-même117 : Quand Boileau prenait les
2781
ersonne, de nos jours, ce phénomène de découverte
de
l’Europe par elle-même117 : Quand Boileau prenait les eaux de Bourbo
2782
ar elle-même117 : Quand Boileau prenait les eaux
de
Bourbon, il pensait être au but du monde ; Auteuil lui suffisait. Par
2783
, ils aimaient tant la nouveauté qu’ils faisaient
de
leur mieux pour ne pas conserver longtemps un ami ; qu’ils inventaien
2784
l’Asie et tantôt pour l’Afrique, afin de changer
de
lieu et de se divertir118. Les Allemands voyageaient, c’était leur ha
2785
tantôt pour l’Afrique, afin de changer de lieu et
de
se divertir118. Les Allemands voyageaient, c’était leur habitude, leu
2786
t, c’était leur habitude, leur manie ; impossible
de
les retenir chez eux. « Nous voyageons de père en fils, sans qu’aucun
2787
ossible de les retenir chez eux. « Nous voyageons
de
père en fils, sans qu’aucune affaire nous en empêche jamais », dit l’
2788
age ; la première chose dont on se fournit, c’est
d’
un Itinéraire, qui enseigne les voies ; la seconde, d’un petit livre q
2789
Itinéraire, qui enseigne les voies ; la seconde,
d’
un petit livre qui apprend ce qu’il y a de curieux en chaque pays. Lor
2790
econde, d’un petit livre qui apprend ce qu’il y a
de
curieux en chaque pays. Lorsque nos voyageurs sont gens de lettres, i
2791
x en chaque pays. Lorsque nos voyageurs sont gens
de
lettres, ils se munissent en partant de chez eux d’un livre blanc, bi
2792
sont gens de lettres, ils se munissent en partant
de
chez eux d’un livre blanc, bien relié, qu’on nomme Album Amicorum, et
2793
lettres, ils se munissent en partant de chez eux
d’
un livre blanc, bien relié, qu’on nomme Album Amicorum, et ne manquent
2794
é, qu’on nomme Album Amicorum, et ne manquent pas
d’
aller visiter les savants de tous les lieux où ils passent, et de le l
2795
m, et ne manquent pas d’aller visiter les savants
de
tous les lieux où ils passent, et de le leur présenter afin qu’ils y
2796
les savants de tous les lieux où ils passent, et
de
le leur présenter afin qu’ils y mettent leur nom… Les Anglais voyagea
2797
m… Les Anglais voyageaient, c’était le complément
de
leur éducation ; les jeunes seigneurs fraîchement sortis d’Oxford et
2798
ucation ; les jeunes seigneurs fraîchement sortis
d’
Oxford et de Cambridge, bien pourvus de guinées et flanqués d’un sage
2799
s jeunes seigneurs fraîchement sortis d’Oxford et
de
Cambridge, bien pourvus de guinées et flanqués d’un sage précepteur,
2800
ent sortis d’Oxford et de Cambridge, bien pourvus
de
guinées et flanqués d’un sage précepteur, franchissaient le détroit e
2801
de Cambridge, bien pourvus de guinées et flanqués
d’
un sage précepteur, franchissaient le détroit et entreprenaient le gra
2802
troit et entreprenaient le grand tour. On en a vu
de
toute espèce ; certains se contentaient de connaître le muscat de Fro
2803
n a vu de toute espèce ; certains se contentaient
de
connaître le muscat de Frontignan et de Montefiascone, les vins d’Ay,
2804
; certains se contentaient de connaître le muscat
de
Frontignan et de Montefiascone, les vins d’Ay, d’Arbois, de Bordeaux,
2805
tentaient de connaître le muscat de Frontignan et
de
Montefiascone, les vins d’Ay, d’Arbois, de Bordeaux, de Xérez, tandis
2806
uscat de Frontignan et de Montefiascone, les vins
d’
Ay, d’Arbois, de Bordeaux, de Xérez, tandis que d’autres, avec conscie
2807
de Frontignan et de Montefiascone, les vins d’Ay,
d’
Arbois, de Bordeaux, de Xérez, tandis que d’autres, avec conscience, é
2808
nan et de Montefiascone, les vins d’Ay, d’Arbois,
de
Bordeaux, de Xérez, tandis que d’autres, avec conscience, étudiaient
2809
tefiascone, les vins d’Ay, d’Arbois, de Bordeaux,
de
Xérez, tandis que d’autres, avec conscience, étudiaient tous les cabi
2810
es, avec conscience, étudiaient tous les cabinets
d’
histoire naturelle, toutes les collections d’antiquités. À chacun son
2811
nets d’histoire naturelle, toutes les collections
d’
antiquités. À chacun son caractère : « Les Français voyagent ordinaire
2812
rgner, de sorte qu’ils apportent quelquefois plus
de
dommage que de profit dans les endroits où ils logent. Les Anglais, a
2813
qu’ils apportent quelquefois plus de dommage que
de
profit dans les endroits où ils logent. Les Anglais, au contraire, so
2814
où ils logent. Les Anglais, au contraire, sortent
d’
Angleterre avec de bonnes lettres de change, avec un bel équipage et u
2815
Anglais, au contraire, sortent d’Angleterre avec
de
bonnes lettres de change, avec un bel équipage et une grande suite, e
2816
aire, sortent d’Angleterre avec de bonnes lettres
de
change, avec un bel équipage et une grande suite, et font de magnifiq
2817
avec un bel équipage et une grande suite, et font
de
magnifiques dépenses. On compte que, dans la seule ville de Rome, il
2818
ques dépenses. On compte que, dans la seule ville
de
Rome, il y a pour l’ordinaire plus de cinquante gentilshommes anglais
2819
seule ville de Rome, il y a pour l’ordinaire plus
de
cinquante gentilshommes anglais, et toujours avec des gens à leurs ga
2820
x-mille écus par an ; de sorte que la seule ville
de
Rome tire tous les ans d’Angleterre plus de trente mille pistoles eff
2821
orte que la seule ville de Rome tire tous les ans
d’
Angleterre plus de trente mille pistoles effectives. » C’est Gregorio
2822
ville de Rome tire tous les ans d’Angleterre plus
de
trente mille pistoles effectives. » C’est Gregorio Leti qui nous le d
2823
à Milan, se fit calviniste à Genève, panégyriste
de
Louis XIV à Paris, historien d’Angleterre à Londres, pamphlétaire au
2824
nève, panégyriste de Louis XIV à Paris, historien
d’
Angleterre à Londres, pamphlétaire au service des États en Hollande, o
2825
née 1701. Des savants enrichissaient leur science
de
ville en ville, comme Antonio Conti, Padouan, qui fut en 1713 à Paris
2826
Leibniz, et, en passant par la Hollande, eut soin
de
rendre visite à Leuwenhœck. Des philosophes voyageaient, et non pas a
2827
ites, les catalogues des musées, ou les histoires
d’
amour, le Voyage triomphait. … Il existe un titre charmant, qu’on ne
2828
tre charmant, qu’on ne peut lire sans avoir envie
de
prendre la poste, sans entrevoir un horizon plein de douces promesses
2829
prendre la poste, sans entrevoir un horizon plein
de
douces promesses : les Délices. Les Délices de l’Italie ; Les Délices
2830
in de douces promesses : les Délices. Les Délices
de
l’Italie ; Les Délices et Agréments du Danemark et de la Norvège ; Le
2831
’Italie ; Les Délices et Agréments du Danemark et
de
la Norvège ; Les Délices de la Grande-Bretagne et de l’Irlande ; L’Ét
2832
éments du Danemark et de la Norvège ; Les Délices
de
la Grande-Bretagne et de l’Irlande ; L’État et les Délices de la Suis
2833
la Norvège ; Les Délices de la Grande-Bretagne et
de
l’Irlande ; L’État et les Délices de la Suisse. Et toutes ces Délices
2834
-Bretagne et de l’Irlande ; L’État et les Délices
de
la Suisse. Et toutes ces Délices, réunies, donnent Les Merveilles de
2835
utes ces Délices, réunies, donnent Les Merveilles
de
l’Europe. Mais la Galerie agréable du monde, n’est-elle pas plus sédu
2836
ante encore ? L’Europe, en effet, ne cessait plus
de
travailler à découvrir le monde, et à l’exploiter ; le xviie siècle
2837
mers, mais publient la plus copieuse littérature
de
voyages qui soit au monde ; à mesure que Colbert propose à l’activité
2838
riches colonies et les comptoirs lointains : que
de
récits en reviendront, « faits par ordre du roi » ! Le roi ne se dout
2839
par ordre du roi » ! Le roi ne se doutait pas que
de
ces récits eux-mêmes, naîtraient des idées capables d’ébranler les no
2840
s récits eux-mêmes, naîtraient des idées capables
d’
ébranler les notions les plus chères à sa croyance, et les plus nécess
2841
sa croyance, et les plus nécessaires au maintien
de
son autorité. … Il est parfaitement exact d’affirmer que toutes les i
2842
tien de son autorité. … Il est parfaitement exact
d’
affirmer que toutes les idées vitales, celle de propriété, celle de li
2843
ct d’affirmer que toutes les idées vitales, celle
de
propriété, celle de liberté, celle de justice, ont été remises en dis
2844
utes les idées vitales, celle de propriété, celle
de
liberté, celle de justice, ont été remises en discussion par l’exempl
2845
ales, celle de propriété, celle de liberté, celle
de
justice, ont été remises en discussion par l’exemple du lointain. D’a
2846
versel, on a constaté l’existence du particulier,
de
l’irréductible, de l’individuel. Ensuite parce qu’aux opinions reçues
2847
té l’existence du particulier, de l’irréductible,
de
l’individuel. Ensuite parce qu’aux opinions reçues, on peut opposer d
2848
qu’aux opinions reçues, on peut opposer des faits
d’
expérience, mis sans peine à la portée des penseurs. … De toutes les l
2849
ience, mis sans peine à la portée des penseurs. …
De
toutes les leçons que donne l’espace, la plus neuve peut-être fut cel
2850
donne l’espace, la plus neuve peut-être fut celle
de
la relativité. » Jésuites missionnaires, réformés chassés par la rév
2851
missionnaires, réformés chassés par la révocation
de
l’édit de Nantes, « dissenters » embarqués pour la Nouvelle Amsterdam
2852
s antipodes donnent surtout une vision nouvelle …
de
l’Europe. D’une Europe relativisée, certes, mais mieux vue dans son u
2853
onnent surtout une vision nouvelle … de l’Europe.
D’
une Europe relativisée, certes, mais mieux vue dans son unicité, et au
2854
e dans son unicité, et aussi dans son unité. Plus
d’
un, d’ailleurs, a cru trouver chez les « barbares » l’idéal qu’il avai
2855
érante. L’éloge du Primitif lointain sert d’abord
d’
argument contre certains voisins. De là les nombreux mythes de compens
2856
sert d’abord d’argument contre certains voisins.
De
là les nombreux mythes de compensation qui se développent au xviiie
2857
ontre certains voisins. De là les nombreux mythes
de
compensation qui se développent au xviiie siècle : le bon sauvage, l
2858
Hindou tolérant et surtout le Chinois philosophe.
De
là les « utopies » (mot créé par Thomas More au xvie siècle) et les
2859
inien Cyrano de Bergerac et ses Estats et empires
de
la Lune puis du Soleil, Swift et ses Voyages de Gulliver, Giovanni Pa
2860
s de la Lune puis du Soleil, Swift et ses Voyages
de
Gulliver, Giovanni Paolo Marana et son Espoir du Grand Seigneur, Mont
2861
son Ingénu, Rousseau et son Homme né bon. Autant
de
pamphlets d’ailleurs, autant de manœuvres politiques et philosophique
2862
me né bon. Autant de pamphlets d’ailleurs, autant
de
manœuvres politiques et philosophiques, autant de prises de conscienc
2863
de manœuvres politiques et philosophiques, autant
de
prises de conscience critiques du rôle de l’Europe dans le monde. Le
2864
es politiques et philosophiques, autant de prises
de
conscience critiques du rôle de l’Europe dans le monde. Le xviiie si
2865
autant de prises de conscience critiques du rôle
de
l’Europe dans le monde. Le xviiie siècle marque ainsi le mouvement d
2866
onde. Le xviiie siècle marque ainsi le mouvement
de
réflexion sur l’Europe de ses propres « grandes découvertes ». Vic
2867
rque ainsi le mouvement de réflexion sur l’Europe
de
ses propres « grandes découvertes ». Vico Jean-Baptiste Vico na
2868
ien aux vues amples et poétiques mais peu capable
d’
exactitude, métaphysicien baroque mais devançant plus d’une fois la sc
2869
titude, métaphysicien baroque mais devançant plus
d’
une fois la science physique et la sociologie des siècles à venir, il
2870
sants et le premier des Modernes, le continuateur
de
Pic de la Mirandole, de Giordano Bruno, de Cardan, et le précurseur d
2871
t le premier des Modernes, le continuateur de Pic
de
la Mirandole, de Giordano Bruno, de Cardan, et le précurseur de Hegel
2872
Modernes, le continuateur de Pic de la Mirandole,
de
Giordano Bruno, de Cardan, et le précurseur de Hegel et de Croce. C’e
2873
uateur de Pic de la Mirandole, de Giordano Bruno,
de
Cardan, et le précurseur de Hegel et de Croce. C’est à son œuvre prin
2874
e, de Giordano Bruno, de Cardan, et le précurseur
de
Hegel et de Croce. C’est à son œuvre principale, la Scienza Nuova que
2875
no Bruno, de Cardan, et le précurseur de Hegel et
de
Croce. C’est à son œuvre principale, la Scienza Nuova que nous emprun
2876
cription du Monde Moderne », très caractéristique
de
la vision de l’Europe et de sa place dans le monde, que pouvait prend
2877
onde Moderne », très caractéristique de la vision
de
l’Europe et de sa place dans le monde, que pouvait prendre un grand e
2878
très caractéristique de la vision de l’Europe et
de
sa place dans le monde, que pouvait prendre un grand esprit de cette
2879
ans le monde, que pouvait prendre un grand esprit
de
cette époque. À notre époque la civilisation se trouve répandue dans
2880
s toutes les nations et un petit nombre seulement
de
grands monarques règnent dans le monde ; s’il s’en trouve encore de b
2881
s règnent dans le monde ; s’il s’en trouve encore
de
barbares c’est qu’ils ont pu maintenir leur autorité grâce à des croy
2882
les pays froids du Nord, nous rencontrons le tsar
de
Moscovie, prince chrétien sans doute mais qui commande à des hommes d
2883
hrétien sans doute mais qui commande à des hommes
d’
une grande paresse d’esprit ; le khan de Tartarie étend son autorité s
2884
is qui commande à des hommes d’une grande paresse
d’
esprit ; le khan de Tartarie étend son autorité sur un peuple sans éne
2885
es hommes d’une grande paresse d’esprit ; le khan
de
Tartarie étend son autorité sur un peuple sans énergie comme le furen
2886
les anciens Sères qui formaient la majeure partie
de
la population de son empire et dont le pays a été rattaché à la Chine
2887
qui formaient la majeure partie de la population
de
son empire et dont le pays a été rattaché à la Chine ; quant au négus
2888
e pays a été rattaché à la Chine ; quant au négus
d’
Éthiopie et aux puissants rois de Fez et du Maroc, ils régnent sur des
2889
; quant au négus d’Éthiopie et aux puissants rois
de
Fez et du Maroc, ils régnent sur des peuples faibles et très simples
2890
s régnent sur des peuples faibles et très simples
de
goûts. Mais si l’on passe à la zone tempérée, on trouve que la nature
2891
arouche et belliqueux et la langue même — au dire
de
certains doctes voyageurs — rappelle par ses consonances le latin ; c
2892
frayante et cruelle, des dieux terribles couverts
d’
armes redoutables. Les missionnaires qui ont visité ces régions, rappo
2893
du peuple sont hommes comme eux. Il y a beaucoup
d’
humanité chez les Chinois car leur religion est faite de douceur et de
2894
nité chez les Chinois car leur religion est faite
de
douceur et de mansuétude et les lettres y sont fort cultivées ; il en
2895
Chinois car leur religion est faite de douceur et
de
mansuétude et les lettres y sont fort cultivées ; il en est de même d
2896
s ; Persans et Turcs enfin ont mêlé à la mollesse
de
l’Asie qu’ils ont soumise, les croyances grossières de leur religion
2897
Asie qu’ils ont soumise, les croyances grossières
de
leur religion ; les Turcs en particulier tempèrent leur orgueil par l
2898
iniment pur et parfait, le christianisme qui fait
de
la charité un devoir envers tous les hommes, domine partout en Europe
2899
rs tous les hommes, domine partout en Europe ; là
de
puissantes monarchies entretiennent une civilisation des plus évoluée
2900
plus évoluées. Sans doute trouvera-t-on au nord —
de
nos jours en Pologne et en Angleterre comme ce fut le cas il y a quel
2901
e ce fut le cas il y a quelque cent-cinquante ans
de
la Suède et du Danemark — des monarchies gouvernées aristocratiquemen
2902
eaucoup les sciences, il y a un plus grand nombre
d’
États populaires que dans les trois autres. Le retour des mêmes besoin
2903
pour se défendre contre la puissance grandissante
de
Rome et c’est ce qu’on observe aujourd’hui avec les cantons Suisses e
2904
trouvent ainsi liées les unes aux autres en temps
de
paix et de guerre ; l’Empire germanique lui-même n’est qu’un ensemble
2905
nsi liées les unes aux autres en temps de paix et
de
guerre ; l’Empire germanique lui-même n’est qu’un ensemble de cités l
2906
l’Empire germanique lui-même n’est qu’un ensemble
de
cités libres dont les souverains sont indépendants et à la tête desqu
2907
s états aristocratiques entraînant une atmosphère
de
soupçon et de crainte propres à ces sortes d’états comme nous l’avons
2908
cratiques entraînant une atmosphère de soupçon et
de
crainte propres à ces sortes d’états comme nous l’avons déjà montré.
2909
ère de soupçon et de crainte propres à ces sortes
d’
états comme nous l’avons déjà montré. C’est là la forme ultime des soc
2910
s sociétés politiques et l’on ne saurait imaginer
d’
État qui fût supérieur à ces aristocraties ; ce fut également la forme
2911
aître avec l’union des pères, ces véritables rois
de
l’âge des familles qui gouvernèrent aristocratiquement les premières
2912
bien en effet la nature des véritables principes
d’
être à l’origine, et de marquer la fin des choses.120 Pour revenir à
2913
e des véritables principes d’être à l’origine, et
de
marquer la fin des choses.120 Pour revenir à notre sujet, nous diron
2914
evenir à notre sujet, nous dirons qu’on ne trouve
de
nos jours en Europe que cinq aristocraties, Venise, Gênes et Lucques
2915
fort limité. Mais cette Europe chrétienne brille
d’
une admirable civilisation ; tous les biens auxquels l’homme peut aspi
2916
plus profonds d’entre les systèmes philosophiques
de
l’antiquité païenne la secondent et que, d’autre part, elle cultive t
2917
ur découverte.121 108. L. Couturat, Logique
de
Leibniz, Paris 1901, p. 527-528. Notons ici que Campanella le premier
2918
7-528. Notons ici que Campanella le premier, rêva
d’
une « Académie européenne ». 109. Lettre à Pierre Ier, 16 janvier 171
2919
ld und Europagedanke. 117. Paul Hazard, La Crise
de
la conscience européenne, 1680-1715, Paris, 1935. Nous citons des ext
2920
pages 5 à 11. 118. Giovanni Paolo Marana, Lettre
d’
un Sicilien à l’un de ses amis, contenant une agréable critique de Par
2921
iovanni Paolo Marana, Lettre d’un Sicilien à l’un
de
ses amis, contenant une agréable critique de Paris et des Français, 1
2922
l’un de ses amis, contenant une agréable critique
de
Paris et des Français, 1700 et 1710. 119. Gregorio Leti, Historia e
2923
msterdam, 1692. Trad. fr., 1694. — Il est amusant
de
citer ici une page de l’Émile de Rousseau (Tome IV, édition de 1762)
2924
fr., 1694. — Il est amusant de citer ici une page
de
l’Émile de Rousseau (Tome IV, édition de 1762) qui s’inspire libremen
2925
une page de l’Émile de Rousseau (Tome IV, édition
de
1762) qui s’inspire librement de Saint-Évremond et de G. Leti, tels q
2926
Tome IV, édition de 1762) qui s’inspire librement
de
Saint-Évremond et de G. Leti, tels que P. Hazard vient de les citer :
2927
762) qui s’inspire librement de Saint-Évremond et
de
G. Leti, tels que P. Hazard vient de les citer : « De tous les peuple
2928
. Leti, tels que P. Hazard vient de les citer : «
De
tous les peuples du monde le François est celui qui voyage le plus, m
2929
François est celui qui voyage le plus, mais plein
de
ses usages, il confond tout ce qui n’y ressemble pas. Il y a des Fran
2930
çais dans tous les coins du monde. Il n’y a point
de
pays où l’on trouve plus de gens qui aient voyagé qu’on en trouve en
2931
monde. Il n’y a point de pays où l’on trouve plus
de
gens qui aient voyagé qu’on en trouve en France. Avec cela pourtant,
2932
gé qu’on en trouve en France. Avec cela pourtant,
de
tous les peuples de l’Europe celui qui en voit le plus connoît le moi
2933
n France. Avec cela pourtant, de tous les peuples
de
l’Europe celui qui en voit le plus connoît le moins. L’Anglois voyage
2934
us connoît le moins. L’Anglois voyage aussi, mais
d’
une autre manière ; il faut que ces deux Peuples soient contraires en
2935
er. Les François ont presque toujours quelque vue
d’
intérêt dans leurs voyages : mais les Anglois ne vont point chercher f
2936
, c’est pour y verser leur argent, non pour vivre
d’
industrie ; ils sont trop fiers pour aller ramper hors de chez eux. Ce
2937
norance qu’à la passion. L’Anglois a les préjugés
de
l’orgueil, & le François ceux de la vanité. Comme les Peuples les
2938
les préjugés de l’orgueil, & le François ceux
de
la vanité. Comme les Peuples les moins cultivés sont généralement les
2939
cherches frivoles, & moins occupés des objets
de
notre vaine curiosité, ils donnent toute leur attention à ce qui est
2940
e ne connois guère que les Espagnols qui voyagent
de
cette manière. Tandis qu’un François court chez les Artistes d’un pay
2941
re. Tandis qu’un François court chez les Artistes
d’
un pays, qu’un Anglois en fait dessiner quelque antique, et qu’un Alle
2942
s, la police, & il est le seul des quatre qui
de
retour chez lui, rapporte de ce qu’il a vu quelque remarque utile à s
2943
seul des quatre qui de retour chez lui, rapporte
de
ce qu’il a vu quelque remarque utile à son Pays. » Et Rousseau de con
2944
quelque remarque utile à son Pays. » Et Rousseau
de
conclure : « Il y a cent fois plus de liaison maintenant entre l’Euro
2945
Et Rousseau de conclure : « Il y a cent fois plus
de
liaison maintenant entre l’Europe et l’Asie, qu’il y en avoit jadis e
2946
rima (Œuvres, III, 1, 56) il n’avait imaginé rien
de
moins qu’une confédération comprenant toutes les nations unies comme
2947
e V, chap. III, §§ 1089 à 1095. Collection Unesco
d’
œuvres représentatives, Éd. Nagel, Paris 1953.
2948
e à peu près absolu avec le génie sombre et tendu
d’
un Vico, voici un hédoniste, un sceptique indulgent, épris d’observati
2949
voici un hédoniste, un sceptique indulgent, épris
d’
observations exactes, qui conclut également en faveur de l’Europe, apr
2950
, il est l’ancêtre distingué et tout involontaire
de
cette immense littérature qui aboutit de nos jours à la science-ficti
2951
lontaire de cette immense littérature qui aboutit
de
nos jours à la science-fiction. Au Sixième Soir de ses promenades ave
2952
e nos jours à la science-fiction. Au Sixième Soir
de
ses promenades avec une marquise, dans un parc, lui ayant expliqué to
2953
ue l’on sait des autres mondes et ce qu’en permet
d’
imaginer l’astronomie, la marquise lui fait observer que les Chinois,
2954
is, selon ce qu’elle en a lu, ont décrit la chute
de
mille étoiles à la fois. Fontenelle en doute. La marquise réitère :
2955
-je pas toujours ouï dire que les Chinois étoient
de
très-grands Astronomes ? Il est vrai, repris-je ; mais les Chinois y
2956
-je ; mais les Chinois y ont gagné à être séparés
de
nous par un long espace de terre, comme les Grecs et les Romains à êt
2957
t gagné à être séparés de nous par un long espace
de
terre, comme les Grecs et les Romains à être séparés par une longue s
2958
t les Romains à être séparés par une longue suite
de
siècles ; tout éloignement est en droit de nous en imposer. En vérité
2959
suite de siècles ; tout éloignement est en droit
de
nous en imposer. En vérité, je crois toujours de plus en plus qu’il y
2960
up éloigné. Peut-être qu’il ne lui est pas permis
de
se répandre dans une grande étendue de terre à la fois, et que quelqu
2961
pas permis de se répandre dans une grande étendue
de
terre à la fois, et que quelque fatalité lui prescrit des bornes asse
2962
ns-en tandis que nous le possédons ; ce qu’il y a
de
meilleur, c’est qu’il ne se renferme pas dans les sciences et dans le
2963
les spéculations sèches ; il s’étend avec autant
de
succès jusqu’aux choses d’agrément, sur lesquelles je doute qu’aucun
2964
il s’étend avec autant de succès jusqu’aux choses
d’
agrément, sur lesquelles je doute qu’aucun peuple nous égale.122 M
2965
du gouvernement libéral, mais le plus sûr témoin
de
l’Europe de son temps, qu’il avait parcourue en tous sens. L’artifice
2966
ment libéral, mais le plus sûr témoin de l’Europe
de
son temps, qu’il avait parcourue en tous sens. L’artifice du « barbar
2967
arbare perspicace » n’est pour lui qu’une manière
d’
exposer sa méthode d’observation sociologique. C’est ainsi qu’il fait
2968
’est pour lui qu’une manière d’exposer sa méthode
d’
observation sociologique. C’est ainsi qu’il fait dire à l’un de ses Pe
2969
sociologique. C’est ainsi qu’il fait dire à l’un
de
ses Persans comment il entend mener sa propre enquête sur les diversi
2970
es secrets du commerce, des intérêts des princes,
de
la forme de leur gouvernement ; je ne néglige pas même les superstiti
2971
u commerce, des intérêts des princes, de la forme
de
leur gouvernement ; je ne néglige pas même les superstitions européen
2972
s des nuages qui couvraient mes yeux dans le pays
de
ma naissance. Citons, sans plus de système qu’on en trouve dans les
2973
stème qu’on en trouve dans les notes et opuscules
de
Montesquieu, quelques résultats de cette méthode. Sur l’interdépendan
2974
s et opuscules de Montesquieu, quelques résultats
de
cette méthode. Sur l’interdépendance de nos nations : Un prince croi
2975
résultats de cette méthode. Sur l’interdépendance
de
nos nations : Un prince croit qu’il sera plus grand par la ruine d’u
2976
n prince croit qu’il sera plus grand par la ruine
d’
un état voisin. Au contraire. Les choses sont telles en Europe que tou
2977
dépendent les uns des autres. La France a besoin
de
l’opulence de la Pologne et de la Moscovie, comme la Guyenne a besoin
2978
uns des autres. La France a besoin de l’opulence
de
la Pologne et de la Moscovie, comme la Guyenne a besoin de la Bretagn
2979
La France a besoin de l’opulence de la Pologne et
de
la Moscovie, comme la Guyenne a besoin de la Bretagne et la Bretagne
2980
ogne et de la Moscovie, comme la Guyenne a besoin
de
la Bretagne et la Bretagne de l’Anjou. L’Europe est un état composé d
2981
Bretagne de l’Anjou. L’Europe est un état composé
de
plusieurs provinces.124 Sur la puissance de l’esprit et l’atout qu
2982
sé de plusieurs provinces.124 Sur la puissance
de
l’esprit et l’atout que sa culture représente pour l’Europe : On ne
2983
as dire que les lettres ne soyent qu’un amusement
d’
une certaine partie des citoyens ; il faut les regarder sois une autre
2984
les plus cultivées ont aussi, à proportion, plus
de
puissance.125 Sur la position de l’Europe dans le Monde : L’effet
2985
oportion, plus de puissance.125 Sur la position
de
l’Europe dans le Monde : L’effet de la découverte de l’Amérique fut
2986
la position de l’Europe dans le Monde : L’effet
de
la découverte de l’Amérique fut de lier à l’Europe l’Asie et l’Afriqu
2987
’Europe dans le Monde : L’effet de la découverte
de
l’Amérique fut de lier à l’Europe l’Asie et l’Afrique. L’Amérique fou
2988
nde : L’effet de la découverte de l’Amérique fut
de
lier à l’Europe l’Asie et l’Afrique. L’Amérique fournit à l’Europe la
2989
Afrique. L’Amérique fournit à l’Europe la matière
de
son commerce avec cette vaste partie de l’Asie qu’on appelle les Inde
2990
a matière de son commerce avec cette vaste partie
de
l’Asie qu’on appelle les Indes orientales. L’argent, ce métal si util
2991
signe, fut encore la base du plus grand commerce
de
l’univers, comme marchandise. Enfin, la navigation d’Afrique devint n
2992
’univers, comme marchandise. Enfin, la navigation
d’
Afrique devint nécessaire ; elle fournissait des hommes pour le travai
2993
es hommes pour le travail des mines et des terres
de
l’Amérique. L’Europe est parvenue à un si haut degré de puissance, qu
2994
mérique. L’Europe est parvenue à un si haut degré
de
puissance, que l’histoire n’a rien à comparer là-dessus, si l’on cons
2995
dépenses, la grandeur des engagements, le nombre
de
troupes, et la continuité de leur entretien, même lorsqu’elles sont l
2996
gagements, le nombre de troupes, et la continuité
de
leur entretien, même lorsqu’elles sont le plus inutiles, et qu’on ne
2997
tion. Le P. Duhalde dit que le commerce intérieur
de
la Chine est plus grand que celui de toute l’Europe. Cela pourrait êt
2998
ce intérieur de la Chine est plus grand que celui
de
toute l’Europe. Cela pourrait être, si notre commerce extérieur n’aug
2999
ande font à peu près la navigation et le commerce
de
l’Europe.126 Sur le parallèle Europe-Asie : L’Asie n’a point propr
3000
allèle Europe-Asie : L’Asie n’a point proprement
de
zone tempérée ; et les lieux situés dans un climat très-froid y touch
3001
limats très-différents entre eux, n’y ayant point
de
rapport entre les climats d’Espagne et d’Italie, et ceux de Norwège e
3002
eux, n’y ayant point de rapport entre les climats
d’
Espagne et d’Italie, et ceux de Norwège et de Suède. Mais, comme le cl
3003
t point de rapport entre les climats d’Espagne et
d’
Italie, et ceux de Norwège et de Suède. Mais, comme le climat y devien
3004
entre les climats d’Espagne et d’Italie, et ceux
de
Norwège et de Suède. Mais, comme le climat y devient insensiblement f
3005
mats d’Espagne et d’Italie, et ceux de Norwège et
de
Suède. Mais, comme le climat y devient insensiblement froid en allant
3006
n allant du midi au nord, à peu près à proportion
de
la latitude de chaque pays, il y arrive que chaque pays est à peu prè
3007
i au nord, à peu près à proportion de la latitude
de
chaque pays, il y arrive que chaque pays est à peu près semblable à c
3008
de le dire, la zone tempérée y est très-étendue.
De
là suit qu’en Asie les nations sont opposées aux nations du fort au f
3009
peu près le même courage. C’est la grande raison
de
la faiblesse de l’Asie et de la force de l’Europe, de la liberté de l
3010
e courage. C’est la grande raison de la faiblesse
de
l’Asie et de la force de l’Europe, de la liberté de l’Europe et de la
3011
est la grande raison de la faiblesse de l’Asie et
de
la force de l’Europe, de la liberté de l’Europe et de la servitude de
3012
e raison de la faiblesse de l’Asie et de la force
de
l’Europe, de la liberté de l’Europe et de la servitude de l’Asie ; ca
3013
a faiblesse de l’Asie et de la force de l’Europe,
de
la liberté de l’Europe et de la servitude de l’Asie ; cause que je ne
3014
l’Asie et de la force de l’Europe, de la liberté
de
l’Europe et de la servitude de l’Asie ; cause que je ne sache pas que
3015
a force de l’Europe, de la liberté de l’Europe et
de
la servitude de l’Asie ; cause que je ne sache pas que l’on ait encor
3016
ope, de la liberté de l’Europe et de la servitude
de
l’Asie ; cause que je ne sache pas que l’on ait encore remarquée. C’e
3017
en est que le peuple tartare, conquérant naturel
de
l’Asie, est devenu esclave lui-même. … C’est ce qui a fait que le gén
3018
lave lui-même. … C’est ce qui a fait que le génie
de
la nation tartare ou gétique a toujours été semblable à celui des emp
3019
ique a toujours été semblable à celui des empires
de
l’Asie. Les peuples, dans ceux-ci, sont gouvernés par le bâton ; les
3020
s peuples tartares par les longs fouets. L’esprit
de
l’Europe a toujours été contraire à ces mœurs ; et, dans tous les tem
3021
urs ; et, dans tous les temps, ce que les peuples
d’
Asie ont appelé punition, les peuples d’Europe l’ont appelé outrage. L
3022
s peuples d’Asie ont appelé punition, les peuples
d’
Europe l’ont appelé outrage. Les Tartares, détruisant l’empire grec, é
3023
n Atlantique, a tant loué la Scandinavie, a parlé
de
cette grande prérogative qui doit mettre les nations qui l’habitent a
3024
doit mettre les nations qui l’habitent au-dessus
de
tous les peuples du monde : c’est qu’elles ont été la source de la li
3025
uples du monde : c’est qu’elles ont été la source
de
la liberté de l’Europe, c’est-à-dire de presque toute celle qui est a
3026
: c’est qu’elles ont été la source de la liberté
de
l’Europe, c’est-à-dire de presque toute celle qui est aujourd’hui par
3027
la source de la liberté de l’Europe, c’est-à-dire
de
presque toute celle qui est aujourd’hui parmi les hommes. Le Goth Jor
3028
mi les hommes. Le Goth Jornandès a appelé le nord
de
l’Europe la fabrique du genre humain : je l’appellerai plutôt la fabr
3029
que se forment ces nations vaillantes qui sortent
de
leur pays pour détruire les tyrans et les esclaves, et apprendre aux
3030
que pour le bonheur128. En Asie on a toujours vu
de
grands empires ; en Europe, ils n’ont jamais pu subsister. C’est que
3031
Europe, le partage naturel forme plusieurs États
d’
une étendue médiocre, dans lesquels le gouvernement des lois n’est pas
3032
des lois n’est pas incompatible avec le maintien
de
l’État : au contraire, il y est si favorable, que sans elles cet État
3033
à tous les autres. C’est ce qui a formé un génie
de
liberté qui rend chaque partie très-difficile à être subjuguée et sou
3034
trangère, autrement que par les lois et l’utilité
de
son commerce. Au contraire, il règne en Asie un esprit de servitude q
3035
ommerce. Au contraire, il règne en Asie un esprit
de
servitude qui ne l’a jamais quitté ; et, dans toutes les histoires de
3036
l’a jamais quitté ; et, dans toutes les histoires
de
ce pays, il n’est pas possible de trouver un seul trait qui marque un
3037
s les histoires de ce pays, il n’est pas possible
de
trouver un seul trait qui marque une âme libre : on y verra jamais qu
3038
une âme libre : on y verra jamais que l’héroïsme
de
la servitude129. Enfin ce texte célèbre entre tous : Si je savais q
3039
fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais
de
mon esprit. Si je savais quelque chose qui serait utile à ma famille
3040
ns l’utopie, ni dans celle du passé ni dans celle
de
l’avenir. « Il faut examiner l’état où l’on est, et non l’état où l’o
3041
le second, il publie en 1769 un opuscule intitulé
De
la Paix perpétuelle, par le Dr Goodheart, où l’on peut lire : La seu
3042
servi ! — voici ce qu’il fait dire au personnage
d’
un de ses Dialogues qu’il désigne par A. et qui semble être anglais (C
3043
i ! — voici ce qu’il fait dire au personnage d’un
de
ses Dialogues qu’il désigne par A. et qui semble être anglais (C. éta
3044
ue les Athéniens et les Romains ; que vos combats
de
coqs ou de gladiateurs, dans une enceinte de planches pourries, l’emp
3045
niens et les Romains ; que vos combats de coqs ou
de
gladiateurs, dans une enceinte de planches pourries, l’emportent sur
3046
bats de coqs ou de gladiateurs, dans une enceinte
de
planches pourries, l’emportent sur le Colisée ? Les savetiers et les
3047
dans vos tragédies sont-ils supérieurs aux héros
de
Sophocle ? Vos orateurs font-ils oublier Cicéron et Démosthène ? Et e
3048
le ne valait alors, et il en est de même du reste
de
l’Europe. B. — Ah ! exceptez-en, je vous prie, la Grèce, qui obéit au
3049
qui obéit au Grand Turc, et la malheureuse partie
de
l’Italie qui obéit au pape. A. — Je les excepte aussi ; mais songez q
3050
epte aussi ; mais songez que Paris, qui n’est que
d’
un dixième moins grand que Londres, n’était alors qu’une petite cité b
3051
terdam n’était qu’un marais. Madrid un désert, et
de
la rive droite du Rhin jusqu’au golfe de Bothnie tout était sauvage ;
3052
lfe de Bothnie tout était sauvage ; les habitants
de
ces climats vivaient, comme les Tartares ont toujours vécu, dans l’ig
3053
de, en Pologne, en Russie, et que les découvertes
de
notre grand Newton soient devenues le catéchisme de la noblesse de Mo
3054
notre grand Newton soient devenues le catéchisme
de
la noblesse de Moscou et de Pétersbourg ? C. — Vous m’avouerez qu’il
3055
wton soient devenues le catéchisme de la noblesse
de
Moscou et de Pétersbourg ? C. — Vous m’avouerez qu’il n’en est pas de
3056
evenues le catéchisme de la noblesse de Moscou et
de
Pétersbourg ? C. — Vous m’avouerez qu’il n’en est pas de même sur les
3057
rouva à moitié nus ? A. — Je le crois fermement ;
de
bonnes maisons, de bons vêtements, de la bonne chère, avec de bonnes
3058
? A. — Je le crois fermement ; de bonnes maisons,
de
bons vêtements, de la bonne chère, avec de bonnes lois et de la liber
3059
fermement ; de bonnes maisons, de bons vêtements,
de
la bonne chère, avec de bonnes lois et de la liberté, valent mieux qu
3060
isons, de bons vêtements, de la bonne chère, avec
de
bonnes lois et de la liberté, valent mieux que la disette, l’anarchie
3061
ements, de la bonne chère, avec de bonnes lois et
de
la liberté, valent mieux que la disette, l’anarchie et l’esclavage. C
3062
anarchie et l’esclavage. Ceux qui sont mécontents
de
Londres n’ont qu’à s’en aller aux Orcades : ils y vivront comme nous
3063
s y vivront comme nous vivions à Londres du temps
de
César ; ils mangeront du pain d’avoine, et s’égorgeront à coups de co
3064
Londres du temps de César ; ils mangeront du pain
d’
avoine, et s’égorgeront à coups de couteau pour un poisson séché au so
3065
ngeront du pain d’avoine, et s’égorgeront à coups
de
couteau pour un poisson séché au soleil et pour une cabane de paille.
3066
our un poisson séché au soleil et pour une cabane
de
paille. La vie sauvage a ses charmes ; ceux qui la prêchent n’ont qu’
3067
urelle. La pure nature n’a jamais connu ni débats
de
parlement, ni prérogatives de la couronne, ni compagnie des Indes, ni
3068
ais connu ni débats de parlement, ni prérogatives
de
la couronne, ni compagnie des Indes, ni impôts de trois schellings pa
3069
de la couronne, ni compagnie des Indes, ni impôts
de
trois schellings par livre sur son champ et sur son pré, et d’un sche
3070
llings par livre sur son champ et sur son pré, et
d’
un schelling par fenêtre. Vous pourriez bien avoir corrompu la nature
3071
ous m’étonnez ; quoi ! c’est suivre la nature que
de
sacrer un archevêque de Cantorbéry ? d’appeler un Allemand transplant
3072
’est suivre la nature que de sacrer un archevêque
de
Cantorbéry ? d’appeler un Allemand transplanté chez vous « Votre Maje
3073
ature que de sacrer un archevêque de Cantorbéry ?
d’
appeler un Allemand transplanté chez vous « Votre Majesté » ? de ne po
3074
llemand transplanté chez vous « Votre Majesté » ?
de
ne pouvoir épouser qu’une seule femme, et de payer plus du quart de v
3075
» ? de ne pouvoir épouser qu’une seule femme, et
de
payer plus du quart de votre revenu tous les ans ? sans compter bien
3076
ser qu’une seule femme, et de payer plus du quart
de
votre revenu tous les ans ? sans compter bien d’autres transgressions
3077
ue l’instinct et le jugement, ces deux fils aînés
de
la nature, nous enseignent à chercher en tout notre bien-être, et à p
3078
ieux cardinaux se rencontraient à jeun et mourant
de
faim sous un prunier, ils s’aideraient tous deux machinalement à mont
3079
r cueillir des prunes, et que deux petits coquins
de
la Forêt-Noire ou des Chicachas en feraient autant ? B. — Eh bien ! q
3080
il faut s’entraider. Ceux qui fourniront le plus
de
secours à la société seront donc ceux qui suivront la nature de plus
3081
ux qui inventeront les arts (qui est un grand don
de
Dieu), ceux qui proposeront des lois (ce qui est infiniment plus aisé
3082
é en effet observée. Donc, lorsque nous convenons
de
payer trois schellings en commun par livre sterling, pour jouir plus
3083
dix-sept autres schellings ; quand nous convenons
de
choisir un Allemand pour être, sous le nom de roi, le conservateur de
3084
ons de choisir un Allemand pour être, sous le nom
de
roi, le conservateur de notre liberté, l’arbitre entre les lords et l
3085
nd pour être, sous le nom de roi, le conservateur
de
notre liberté, l’arbitre entre les lords et les communes, le chef de
3086
’arbitre entre les lords et les communes, le chef
de
la république ; quand nous n’épousons qu’une seule femme par économie
3087
s (parce que nous sommes riches) qu’un archevêque
de
Cantorbéry ait douze mille pièces de revenu pour soulager les pauvres
3088
n archevêque de Cantorbéry ait douze mille pièces
de
revenu pour soulager les pauvres, pour prêcher la vertu s’il sait prê
3089
dans le clergé, etc., etc., nous faisons plus que
de
perfectionner la loi naturelle, nous allons au-delà du but ; mais le
3090
du but ; mais le sauvage isolé et brut (s’il y a
de
tels animaux sur la terre, ce dont je doute fort), que fait-il du mat
3091
je doute fort), que fait-il du matin au soir, que
de
pervertir la loi naturelle en étant inutile à lui-même et à tous les
3092
ct : les hommes insociables corrompent l’instinct
de
la nature humaine. C. — Ainsi l’homme, déguisé sous la laine des mou
3093
et allant chercher la vérole à deux-mille lieues
de
chez lui, c’est là l’homme naturel, et le Brésilien tout nu est l’hom
3094
n animal qui n’a pas encore atteint le complément
de
son espèce. C’est un oiseau qui n’a ses plumes que fort tard, une che
3095
es Locke, et alors il aura rempli toute l’étendue
de
la carrière humaine, supposé que les organes du Brésilien soient asse
3096
nes. Mais que m’importent après tout le caractère
d’
un Brésilien et les sentiments d’un Topinambou ? Je ne suis ni l’un ni
3097
out le caractère d’un Brésilien et les sentiments
d’
un Topinambou ? Je ne suis ni l’un ni l’autre, je veux être heureux ch
3098
c à mi-chemin entre les détracteurs systématiques
de
l’Europe et ceux qui veulent en faire un paradis par leur Système ; c
3099
comme il se tient à mi-chemin entre le pessimisme
de
Hobbes et l’optimisme de Leibniz, ou encore entre les tyrans éclairés
3100
emin entre le pessimisme de Hobbes et l’optimisme
de
Leibniz, ou encore entre les tyrans éclairés et le pacifisme intégral
3101
sidérant l’Europe dans l’état où elle est, pleine
d’
abus et d’intolérance mais aussi de « lumières » nouvelles et de grand
3102
’Europe dans l’état où elle est, pleine d’abus et
d’
intolérance mais aussi de « lumières » nouvelles et de grands génies t
3103
le est, pleine d’abus et d’intolérance mais aussi
de
« lumières » nouvelles et de grands génies tels que Newton, il écrit
3104
tolérance mais aussi de « lumières » nouvelles et
de
grands génies tels que Newton, il écrit en 1767 : Je vois avec plais
3105
’il se forme dans l’Europe une république immense
d’
esprits cultivés. C’est donc l’Europe de la culture — comme nous diri
3106
immense d’esprits cultivés. C’est donc l’Europe
de
la culture — comme nous dirions aujourd’hui — la société des esprits
3107
écrivait en 1752, dans son introduction au Siècle
de
Louis XIV : L’Europe surpasse en toutes choses les autres parties du
3108
pe chrétienne (à la Russie près) comme une espèce
de
grande république partagée en plusieurs États, les uns monarchiques,
3109
les uns avec les autres, tous ayant un même fond
de
religion, quoique divisés en plusieurs sectes ; tous ayant les mêmes
3110
plusieurs sectes ; tous ayant les mêmes principes
de
droit public et de politique, inconnus dans les autres parties du mon
3111
tous ayant les mêmes principes de droit public et
de
politique, inconnus dans les autres parties du monde. C’est par ces p
3112
prisonniers, qu’elles respectent les ambassadeurs
de
leurs ennemis, qu’elles conviennent ensemble de la prééminence et de
3113
s de leurs ennemis, qu’elles conviennent ensemble
de
la prééminence et de quelques droits de certains princes, comme de l’
3114
u’elles conviennent ensemble de la prééminence et
de
quelques droits de certains princes, comme de l’empereur, des rois et
3115
ensemble de la prééminence et de quelques droits
de
certains princes, comme de l’empereur, des rois et des autres moindre
3116
et de quelques droits de certains princes, comme
de
l’empereur, des rois et des autres moindres potents et qu’elles s’acc
3117
elles s’accordent surtout, dans la sage politique
de
tenir entr’elles, autant qu’elles peuvent, une balance égale de pouvo
3118
elles, autant qu’elles peuvent, une balance égale
de
pouvoir, employant sans cesse les négociations, même au milieu de la
3119
qui peuvent avertir toutes les cours des desseins
d’
une seule, donner à la fois l’allarme à l’Europe et garantir les plus
3120
des invasions que le plus fort est toujours prêt
d’
entreprendre. Rousseau (1712-1778) « Rousseau n’a rien inventé,
3121
tout enflammé », disait Mme de Staël, et c’est un
de
ces jugements qui caractérisent leur auteur mieux que leur objet. Car
3122
ir » ; et peut-être l’a-t-il été. Il se proposait
d’
en exposer le système dans une suite au Contrat social qui a été perdu
3123
ais il s’est exprimé longuement sur les avantages
de
l’union européenne dans Extrait, et sur le principe fédératif lui-mêm
3124
nnu, mais beaucoup plus original, le Gouvernement
de
Pologne. Une dame Dupin avait confié à Jean-Jacques l’éducation de so
3125
ame Dupin avait confié à Jean-Jacques l’éducation
de
son fils. Elle pria le précepteur de rédiger un « condensé » (procédé
3126
l’éducation de son fils. Elle pria le précepteur
de
rédiger un « condensé » (procédé littéraire cher à l’époque) du Proje
3127
» (procédé littéraire cher à l’époque) du Projet
de
l’abbé de Saint-Pierre. Rousseau l’écrivit le garda longtemps dans se
3128
1, à Amsterdam, sous le titre : Extrait du Projet
de
paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, par J. J. Rousseau, ci
3129
le titre : Extrait du Projet de paix perpétuelle
de
M. l’abbé de Saint-Pierre, par J. J. Rousseau, citoyen de Genève. Au
3130
xtrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé
de
Saint-Pierre, par J. J. Rousseau, citoyen de Genève. Au début, l’élog
3131
abbé de Saint-Pierre, par J. J. Rousseau, citoyen
de
Genève. Au début, l’éloge est fervent, bien que Rousseau n’entende pa
3132
i plus utile, n’occupa l’esprit humain, que celui
d’
une paix perpétuelle et universelle entre tous les peuples d’Europe, j
3133
perpétuelle et universelle entre tous les peuples
d’
Europe, jamais auteur ne mérita mieux l’attention du public que celui
3134
sentiment dont j’étais plein. Tâchons maintenant
de
raisonner de sang-froid. Quel est l’état réel de l’Europe ? On n’y
3135
nt j’étais plein. Tâchons maintenant de raisonner
de
sang-froid. Quel est l’état réel de l’Europe ? On n’y a su prévenir
3136
e raisonner de sang-froid. Quel est l’état réel
de
l’Europe ? On n’y a su prévenir les guerres particulières que pour en
3137
nir les guerres particulières que pour en allumer
de
générales, on ne s’unit à quelques-uns que contre tous les autres :
3138
contre tous les autres : S’il y a quelque moyen
de
lever ces dangereuses contradictions, ce ne peut être que par une for
3139
contradictions, ce ne peut être que par une forme
de
gouvernement confédérative, qui, unissant les peuples par des liens s
3140
s, les Gaules leurs cités et les derniers soupirs
de
la Grèce devinrent encore illustres dans la ligne achéenne. Mais null
3141
ore illustres dans la ligne achéenne. Mais nulles
de
ces confédérations n’approchèrent, pour la sagesse, de celle du corps
3142
s confédérations n’approchèrent, pour la sagesse,
de
celle du corps germanique, de la ligue helvétique, et des états génér
3143
t, pour la sagesse, de celle du corps germanique,
de
la ligue helvétique, et des états généraux. Outre ces confédérations
3144
réelles, par l’union des intérêts, par le rapport
de
nos maximes, par la conformité des coutumes, ou par d’autres circonst
3145
es divisés. C’est ainsi que toutes les puissances
de
l’Europe forment entre elles une sorte de système qui les unit par un
3146
ssances de l’Europe forment entre elles une sorte
de
système qui les unit par une même religion, par un même droit des gen
3147
, par les lettres, par le commerce, par une sorte
d’
équilibre qui est l’effet nécessaire de tout cela, et qui, sans que pe
3148
une sorte d’équilibre qui est l’effet nécessaire
de
tout cela, et qui, sans que personne songe en effet à le conserver, n
3149
oujours existé : c’est à l’Empire puis à l’Église
de
Rome que nous devons une sorte de « société étroite entre les nations
3150
puis à l’Église de Rome que nous devons une sorte
de
« société étroite entre les nations de l’Europe ». Mais il y a plus :
3151
une sorte de « société étroite entre les nations
de
l’Europe ». Mais il y a plus : Joignez à cela la situation particuli
3152
plus : Joignez à cela la situation particulière
de
l’Europe, plus également peuplée, plus également fertile, mieux réuni
3153
verains ; la multitude des rivières et la variété
de
leur cours, qui rend toutes les communications faciles ; l’humeur inc
3154
fréquemment les uns chez les autres ; l’invention
de
l’imprimerie et le goût général des lettres, qui a mis entre eux une
3155
l des lettres, qui a mis entre eux une communauté
d’
études et de connaissances ; enfin la multitude et la petitesse des ét
3156
s, qui a mis entre eux une communauté d’études et
de
connaissances ; enfin la multitude et la petitesse des états, qui, jo
3157
es aux autres. Toutes ces causes réunies, forment
de
l’Europe, non seulement, comme l’Asie ou l’Afrique, une idéale collec
3158
comme l’Asie ou l’Afrique, une idéale collection
de
peuples qui n’ont de commun qu’un nom, mais une société réelle qui a
3159
rique, une idéale collection de peuples qui n’ont
de
commun qu’un nom, mais une société réelle qui a sa religion, ses mœur
3160
os beaux discours et nos procédés horribles, tant
d’
humanité dans les maximes et de cruauté dans les actions, une religion
3161
és horribles, tant d’humanité dans les maximes et
de
cruauté dans les actions, une religion si douce et une si sanguinaire
3162
iétés ; et cette fraternité prétendue des peuples
de
l’Europe ne semble être qu’un nom de dérision pour exprimer avec iron
3163
des peuples de l’Europe ne semble être qu’un nom
de
dérision pour exprimer avec ironie leur mutuelle animosité. Cependant
3164
qui vient à changer. L’antique union des peuples
de
l’Europe a compliqué leurs intérêts et leurs droits de mille manières
3165
Europe a compliqué leurs intérêts et leurs droits
de
mille manières ; ils se touchent par tant de points, que le moindre m
3166
que le moindre mouvement des uns ne peut manquer
de
choquer les autres ; leurs divisions sont d’autant plus funestes, que
3167
quer de choquer les autres ; leurs divisions sont
d’
autant plus funestes, que leurs liaisons sont plus intimes, et leurs f
3168
la cruauté des guerres civiles. Voyons maintenant
de
quelle manière ce grand ouvrage, commencé par la fortune, peut être a
3169
états européens, prenant la force et la solidité
d’
un vrai corps politique, peut se changer en une confédération réelle.
3170
se forme de temps en temps parmi nous des espèces
de
diètes générales sous le nom de congrès, où l’on se rend solennelleme
3171
nous des espèces de diètes générales sous le nom
de
congrès, où l’on se rend solennellement de tous les états de l’Europe
3172
le nom de congrès, où l’on se rend solennellement
de
tous les états de l’Europe pour s’en retourner de même ; où l’on s’as
3173
où l’on se rend solennellement de tous les états
de
l’Europe pour s’en retourner de même ; où l’on s’assemble pour ne rie
3174
a ronde ou carrée, si la salle aura plus ou moins
de
portes, si un tel plénipotentiaire aura le visage ou le dos tourné ve
3175
né vers la fenêtre, si tel autre fera deux pouces
de
chemin de plus ou de moins dans une visite, et sur mille questions de
3176
i tel autre fera deux pouces de chemin de plus ou
de
moins dans une visite, et sur mille questions de pareille importance,
3177
de moins dans une visite, et sur mille questions
de
pareille importance, inutilement agitée depuis trois siècles, et très
3178
e depuis trois siècles, et très dignes assurément
d’
occuper les politiques du nôtre. Il se peut faire que les membres d’un
3179
tiques du nôtre. Il se peut faire que les membres
d’
une de ces assemblées soient une fois doués du sens commun ; il n’est
3180
du nôtre. Il se peut faire que les membres d’une
de
ces assemblées soient une fois doués du sens commun ; il n’est pas mê
3181
oir aplani bien des difficultés, ils auront ordre
de
leurs souverains respectifs de signer la confédération générale que j
3182
, ils auront ordre de leurs souverains respectifs
de
signer la confédération générale que je suppose sommairement contenue
3183
icles suivants. Suit un long résumé des 23 tomes
de
l’abbé, suivi de cette conclusion justement célèbre : L’établissemen
3184
Suit un long résumé des 23 tomes de l’abbé, suivi
de
cette conclusion justement célèbre : L’établissement de la paix perp
3185
e conclusion justement célèbre : L’établissement
de
la paix perpétuelle dépend uniquement du consentement des souverains,
3186
entement des souverains, et n’offre point à lever
d’
autre difficulté que leur résistance. Sans doute ce n’est pas à dire q
3187
ouverains adopteront ce projet (qui peut répondre
de
la raison d’autrui ?) mais seulement qu’ils l’adopteraient s’ils cons
3188
pteront ce projet (qui peut répondre de la raison
d’
autrui ?) mais seulement qu’ils l’adopteraient s’ils consultaient leur
3189
t. La seule chose qu’on leur suppose, c’est assez
de
raison pour voir ce qui leur est utile, et assez de courage pour fair
3190
raison pour voir ce qui leur est utile, et assez
de
courage pour faire leur propre bonheur. Si, malgré tout cela, ce proj
3191
les hommes sont insensés, et que c’est une sorte
de
folie d’être sage au milieu des fous. Dans un Jugement sur la Paix p
3192
es sont insensés, et que c’est une sorte de folie
d’
être sage au milieu des fous. Dans un Jugement sur la Paix perpétuell
3193
bé, c’est aux princes souverains qu’il appartient
de
convoquer le Congrès européen. Pour Rousseau, c’est aux peuples eux-m
3194
à créer leur fédération. Car : … peut-on espérer
de
soumettre à un tribunal supérieur des hommes qui s’osent vanter de ne
3195
tribunal supérieur des hommes qui s’osent vanter
de
ne tenir leur pouvoir que de leur épée, et qui ne font mention de Die
3196
s qui s’osent vanter de ne tenir leur pouvoir que
de
leur épée, et qui ne font mention de Dieu même que parce qu’il est au
3197
pouvoir que de leur épée, et qui ne font mention
de
Dieu même que parce qu’il est au ciel ? Les souverains se soumettront
3198
ur des lois n’a jamais pu forcer les particuliers
d’
admettre dans les leurs ? Un simple gentilhomme offensé dédaigne de po
3199
es leurs ? Un simple gentilhomme offensé dédaigne
de
porter ses plaintes au tribunal des maréchaux de France, et vous voul
3200
de porter ses plaintes au tribunal des maréchaux
de
France, et vous voulez qu’un roi porte les siennes à la diète europée
3201
jours à ceux du prince ? Les ministres ont besoin
de
la guerre pour se rendre nécessaires… Et le public ne laisse pas de d
3202
se rendre nécessaires… Et le public ne laisse pas
de
demander pourquoi, si ce projet est possible, ils ne l’ont pas adopté
3203
’ont pas adopté ? Il ne voit pas qu’il n’y a rien
d’
impossible dans ce projet, sinon qu’il soit adopté par eux. Que feront
3204
n ridicule. Près de vingt ans après la rédaction
de
l’Extrait, en 1771, Rousseau est approché par les Confédérés polonais
3205
st approché par les Confédérés polonais, au cours
d’
une suspension de leur guerre contre les Russes. À la veille du partag
3206
es Confédérés polonais, au cours d’une suspension
de
leur guerre contre les Russes. À la veille du partage tragique, ces p
3207
patriotes demandent à l’auteur du Contrat social
d’
élaborer le plan d’une constitution moins bizarre et anarchique que ce
3208
t à l’auteur du Contrat social d’élaborer le plan
d’
une constitution moins bizarre et anarchique que celle qui a causé la
3209
arre et anarchique que celle qui a causé la ruine
de
leur pays. Rousseau accepte ce travail considérable, tout en se plaig
3210
pte ce travail considérable, tout en se plaignant
de
son état « qui lui laisse à peine la faculté de lier ses idées ». Il
3211
t de son état « qui lui laisse à peine la faculté
de
lier ses idées ». Il terminera l’ouvrage en 1773, l’année même du Tra
3212
et l’intitulera Considération sur le gouvernement
de
Pologne et sur sa réformation projetée en 1772. Son premier souci, qu
3213
Son premier souci, qui dominera tout l’essai, est
de
détourner les Polonais d’imiter « l’Europe », c’est-à-dire les puissa
3214
inera tout l’essai, est de détourner les Polonais
d’
imiter « l’Europe », c’est-à-dire les puissances de l’Ouest qui « s’ab
3215
’imiter « l’Europe », c’est-à-dire les puissances
de
l’Ouest qui « s’abâtardissent journellement par la pente générale de
3216
abâtardissent journellement par la pente générale
de
prendre les goûts et les mœurs des Français ». Au cosmopolitisme à la
3217
la suite. La Pologne est un grand état environné
d’
États encore plus considérables, qui, par leur despotisme, et par leur
3218
s dans l’état présent des choses qu’un seul moyen
de
lui donner cette consistance qui lui manque ; c’est d’infuser pour ai
3219
i donner cette consistance qui lui manque ; c’est
d’
infuser pour ainsi dire dans toute la nation l’âme des confédérés : c’
3220
dans toute la nation l’âme des confédérés : c’est
d’
établir tellement la république dans le cœur des Polonais, qu’elle y s
3221
onais, qu’elle y subsiste malgré tous les efforts
de
ses oppresseurs. C’est là, ce me semble, l’unique asile où la force n
3222
e ne peut ni l’atteindre ni la détruire. On vient
d’
en voir une preuve à jamais mémorable. La Pologne était dans les fers
3223
ent vous pouvez braver la puissance et l’ambition
de
vos voisins. Vous ne sauriez empêcher qu’ils ne vous engloutissent ;
3224
nt le génie, le caractère, les goûts et les mœurs
d’
un peuple, qui le font être lui et non pas un autre… Il n’y a plus auj
3225
ui et non pas un autre… Il n’y a plus aujourd’hui
de
Français, d’Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dis
3226
un autre… Il n’y a plus aujourd’hui de Français,
d’
Allemands, d’Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a
3227
n’y a plus aujourd’hui de Français, d’Allemands,
d’
Espagnols, d’Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a que des Europ
3228
ujourd’hui de Français, d’Allemands, d’Espagnols,
d’
Anglais même, quoi qu’on en dise ; il n’y a que des Européens. Tous on
3229
assions, les mêmes mœurs, parce qu’aucun n’a reçu
de
forme nationale par une institution particulière… Que leur importe à
3230
re… Que leur importe à quel maître ils obéissent,
de
quel état ils suivent les lois, pourvu qu’ils trouvent de l’argent à
3231
état ils suivent les lois, pourvu qu’ils trouvent
de
l’argent à voler, et des femmes à corrompre, ils sont partout dans le
3232
uent leur âme à n’aimer que leur patrie ! L’éloge
de
cette « éducation nationale » ne se lit pas aujourd’hui sans quelque
3233
qu’elle. Tout vrai républicain suça avec le lait
de
sa mère l’amour qui fait toute son existence : il ne voit que la patr
3234
qu’il est seul, il est nul ; sitôt qu’il n’a plus
de
patrie, il n’est plus : et s’il n’est pas mort, il est pis. L’éducati
3235
Je veux qu’en apprenant à lire il lise des choses
de
son pays ; qu’à dix ans il en connaisse toutes les productions, à dou
3236
a loi doit régler la matière, l’ordre et la forme
de
leurs études… Tous, étant égaux par la constitution de l’état, doiven
3237
urs études… Tous, étant égaux par la constitution
de
l’état, doivent être élevés ensemble et de la même manière ; et si l’
3238
tution de l’état, doivent être élevés ensemble et
de
la même manière ; et si l’on ne peut établir une éducation publique t
3239
mettre à un prix que les pauvres puissent payer…
De
telles pages ne feraient-elles pas de Rousseau le véritable précurseu
3240
ent payer… De telles pages ne feraient-elles pas
de
Rousseau le véritable précurseur des régimes totalitaires du xxe siè
3241
ternes qu’une gradation nécessaire force les rois
de
leur donner… La première réforme dont vous auriez besoin serait celle
3242
ière réforme dont vous auriez besoin serait celle
de
votre étendue… Commencez par resserrer vos limites, si vous voulez ré
3243
rées ; mais ce serait un grand bien pour le corps
de
la nation… Je voudrais, s’il était possible, que vous eussiez autant
3244
ais, s’il était possible, que vous eussiez autant
d’
États que de palatinats133. Formez dans chacun autant d’administration
3245
ait possible, que vous eussiez autant d’États que
de
palatinats133. Formez dans chacun autant d’administrations particuliè
3246
s que de palatinats133. Formez dans chacun autant
d’
administrations particulières. Perfectionnez la forme des diétines, ét
3247
tes que rien ne puisse rompre entre elles le lien
de
la commune législation, et de la subordination au corps de la républi
3248
entre elles le lien de la commune législation, et
de
la subordination au corps de la république. En un mot, appliquez-vous
3249
mune législation, et de la subordination au corps
de
la république. En un mot, appliquez-vous à étendre et perfectionner l
3250
puisse vous convenir. En cette partie centrale
de
son mémoire, Rousseau rappelle expressément les moyens qu’il préconis
3251
s qu’une nation ne peut être légitimement sujette
d’
une autre, parce que l’essence du corps politique est dans l’accord de
3252
ue l’essence du corps politique est dans l’accord
de
l’obéissance et de la liberté, et que ces mots de sujet et de souvera
3253
ps politique est dans l’accord de l’obéissance et
de
la liberté, et que ces mots de sujet et de souverain sont des corréla
3254
de l’obéissance et de la liberté, et que ces mots
de
sujet et de souverain sont des corrélations identiques dont l’idée se
3255
nce et de la liberté, et que ces mots de sujet et
de
souverain sont des corrélations identiques dont l’idée se réunit sous
3256
identiques dont l’idée se réunit sous le seul mot
de
citoyen… Mais comment donner aux petits états assez de force pour rés
3257
toyen… Mais comment donner aux petits états assez
de
force pour résister aux grands ? Comme jadis les villes grecques rési
3258
la Hollande et la Suisse ont résisté à la maison
d’
Autriche. Que si les Polonais préfèrent à ce fédéralisme intégral la
3259
e fois), alors, qu’ils suivent l’exemple du reste
de
l’Europe, qu’ils développent les sciences, les arts, le commerce, les
3260
ent tout cela au nom de la puissance nationale :
De
cette manière, vous formerez un peuple ingrat, avide, servile et frip
3261
ujours sans aucun milieu à l’un des deux extrêmes
de
la misère ou de l’opulence, de la licence ou de l’esclavage : mais on
3262
n milieu à l’un des deux extrêmes de la misère ou
de
l’opulence, de la licence ou de l’esclavage : mais on vous comptera p
3263
des deux extrêmes de la misère ou de l’opulence,
de
la licence ou de l’esclavage : mais on vous comptera parmi les grande
3264
s de la misère ou de l’opulence, de la licence ou
de
l’esclavage : mais on vous comptera parmi les grandes puissances de l
3265
ais on vous comptera parmi les grandes puissances
de
l’Europe, vous entrerez dans les systèmes politiques ; dans toutes le
3266
pas une guerre en Europe où vous n’ayez l’honneur
d’
être fourrés : si le bonheur vous en veut, vous pourrez rentrer dans v
3267
vos anciennes possessions, peut-être en conquérir
de
nouvelles, et puis dire comme Pyrrhus ou comme les Russes, c’est-à-di
3268
ra à moi, je mangerai bien du sucre. » Gloire
de
l’Europe L’Europe de Montesquieu, de Voltaire et de Rousseau peut
3269
Gloire de l’Europe L’Europe de Montesquieu,
de
Voltaire et de Rousseau peut se mettre en question, se comparer, et l
3270
Europe L’Europe de Montesquieu, de Voltaire et
de
Rousseau peut se mettre en question, se comparer, et le fait pour la
3271
e des idées ; mais elle ne doute pas sérieusement
d’
elle-même. C’est une Europe française, et la France au sommet de son h
3272
’est une Europe française, et la France au sommet
de
son hégémonie intellectuelle ne saurait concevoir aucune comparaison
3273
son avantage, même si elle tourne à la confusion
d’
un parti détesté, qui ne la représente pas. (C’est Rousseau pour Volta
3274
ce, la vraie Europe par conséquent, ne peut pâtir
de
la défaite de ceux qui ont tort contre son vrai génie !) Les trois te
3275
urope par conséquent, ne peut pâtir de la défaite
de
ceux qui ont tort contre son vrai génie !) Les trois textes qui suive
3276
trois textes qui suivent donneront une juste idée
de
la confiance orgueilleuse que met en ses destins l’Europe française.
3277
ament la supériorité essentielle et comme absolue
de
la religion européenne, de la race blanche et de la langue française.
3278
ielle et comme absolue de la religion européenne,
de
la race blanche et de la langue française. Anne-Robert-Jacques Turgot
3279
de la religion européenne, de la race blanche et
de
la langue française. Anne-Robert-Jacques Turgot, baron de l’Aulne (17
3280
(1727-1781), fut tout d’abord séminariste, avant
d’
entrer dans une carrière civile qui devait faire de lui l’un des plus
3281
’entrer dans une carrière civile qui devait faire
de
lui l’un des plus grands ministres de Louis XVI. En 1750, prieur de l
3282
evait faire de lui l’un des plus grands ministres
de
Louis XVI. En 1750, prieur de la Sorbonne, et tout jeune homme il pro
3283
us grands ministres de Louis XVI. En 1750, prieur
de
la Sorbonne, et tout jeune homme il prononce en latin un « Premier di
3284
t du christianisme a procurés au genre humain ».
De
ce long exercice de rhétorique, détachons une prosopopée typique du s
3285
procurés au genre humain ». De ce long exercice
de
rhétorique, détachons une prosopopée typique du siècle : … Superbe G
3286
splendeur avait rendues si brillantes ? Une foule
de
barbares a effacé jusqu’aux traces de ces arts par lesquels tu avais
3287
? Une foule de barbares a effacé jusqu’aux traces
de
ces arts par lesquels tu avais autrefois triomphé des Romains et soum
3288
is tes vainqueurs mêmes. Tout a cédé au fanatisme
de
cette religion destructive qui consacre la barbarie. L’Égypte, l’Asie
3289
Quel heureux abri put conserver au milieu de tant
d’
orages le flambeau des sciences prêt à s’éteindre ? Quoi ! cette relig
3290
coup, si les divisions des conquérants, les vices
de
leurs gouvernements, le séjour de la noblesse à la campagne, le défau
3291
ants, les vices de leurs gouvernements, le séjour
de
la noblesse à la campagne, le défaut de commerce, le mélange de tant
3292
le séjour de la noblesse à la campagne, le défaut
de
commerce, le mélange de tant de peuples et de leurs langages, retinre
3293
à la campagne, le défaut de commerce, le mélange
de
tant de peuples et de leurs langages, retinrent longtemps l’Europe da
3294
aut de commerce, le mélange de tant de peuples et
de
leurs langages, retinrent longtemps l’Europe dans une ignorance gross
3295
l a fallu du temps pour effacer toutes les traces
de
la barbarie, du moins les monuments du génie, les modèles du goût peu
3296
ltés, peu suivis, furent conservés dans les mains
de
l’ignorance, comme des dépôts, pour être ouverts dans des temps plus
3297
; mais elle subsista, comme les arbres dépouillés
de
leurs feuilles par l’hiver, subsistent au milieu des frimas pour donn
3298
(1727-1787) né dans les Abruzzes, auteur à 22 ans
d’
un ouvrage sur les monnaies, fut au dire de Marmontel « le plus joli p
3299
22 ans d’un ouvrage sur les monnaies, fut au dire
de
Marmontel « le plus joli petit arlequin qu’ait produit l’Italie », ma
3300
rige : « C’est Platon avec la verve et les gestes
d’
Arlequin. » De ses « Dialogues sur les blés » publiés en 1770, Voltair
3301
Platon avec la verve et les gestes d’Arlequin. »
De
ses « Dialogues sur les blés » publiés en 1770, Voltaire put écrire :
3302
pos que pouvaient accepter les salons « avancés »
de
l’époque. En voici deux fragments134 : … Les hommes aussi ont mis un
3303
s immense à leur perfectibilité ; car les peuples
de
la Californie et de la Nouvelle-Hollande, qui sont anciens de trois o
3304
fectibilité ; car les peuples de la Californie et
de
la Nouvelle-Hollande, qui sont anciens de trois ou quatre-mille ans,
3305
rnie et de la Nouvelle-Hollande, qui sont anciens
de
trois ou quatre-mille ans, sont encore de vraies brutes. La perfectib
3306
anciens de trois ou quatre-mille ans, sont encore
de
vraies brutes. La perfectibilité a commencé à faire de grands progrès
3307
aies brutes. La perfectibilité a commencé à faire
de
grands progrès en Asie, à ce qu’on dit, il y a plus de douze mille an
3308
ands progrès en Asie, à ce qu’on dit, il y a plus
de
douze mille ans ; et Dieu sait combien de temps auparavant on n’avait
3309
a plus de douze mille ans ; et Dieu sait combien
de
temps auparavant on n’avait fait que de vains efforts. Si une race as
3310
t combien de temps auparavant on n’avait fait que
de
vains efforts. Si une race asiatique n’avait point passé en Europe et
3311
’avait point passé en Europe et en Afrique, et si
d’
Europe elle n’eût passé en Amérique, d’où elle a fait le tour du globe
3312
que, et si d’Europe elle n’eût passé en Amérique,
d’
où elle a fait le tour du globe, l’homme ne serait encore que le plus
3313
singes. Ainsi la perfectibilité n’est pas un don
de
l’homme en entier, mais de la seule race blanche et barbue. Par allia
3314
ilité n’est pas un don de l’homme en entier, mais
de
la seule race blanche et barbue. Par alliance, la race basanée et bar
3315
e, un non causa pro causa, erreur la plus commune
de
la logique. Tout tient aux races. La première, la plus noble des race
3316
lus près, et c’est pour cela qu’ils ont fait plus
de
progrès en cinquante ans, qu’on n’en fera faire aux Portugais en cinq
3317
inconstance est une loi physique… Sans elle point
de
fertilité, point de variété, point de perfectibilité. L’immense varié
3318
loi physique… Sans elle point de fertilité, point
de
variété, point de perfectibilité. L’immense variété des nations qui o
3319
elle point de fertilité, point de variété, point
de
perfectibilité. L’immense variété des nations qui ont peuplé ou se so
3320
u se sont alliées en Europe, a fait la perfection
de
notre race. Les Chinois ne se sont abrutis que par la non-mixtion ; e
3321
gné beaucoup. Antoine Rivarol (1753-1801), homme
d’
esprit et précurseur des auteurs d’échos scandaleux dans la presse, n’
3322
3-1801), homme d’esprit et précurseur des auteurs
d’
échos scandaleux dans la presse, n’est guère connu de nos jours que pa
3323
chos scandaleux dans la presse, n’est guère connu
de
nos jours que par son Discours sur l’Universalité de la langue frança
3324
nos jours que par son Discours sur l’Universalité
de
la langue française, couronné par l’Académie de Berlin en 1784. On y
3325
é de la langue française, couronné par l’Académie
de
Berlin en 1784. On y lit, à propos de la Renaissance : À cette époqu
3326
époque, la renaissance des lettres, la découverte
de
l’Amérique & du passage aux Indes, l’invention de la poudre &
3327
’Amérique & du passage aux Indes, l’invention
de
la poudre & de l’Imprimerie, ont donné une autre face aux empires
3328
passage aux Indes, l’invention de la poudre &
de
l’Imprimerie, ont donné une autre face aux empires. Ceux qui brilloie
3329
nt tout-à-coup obscurcis ; & d’autres sortant
de
leur obscurité, sont venus figurer à leur tour sur la scène du monde.
3330
ur la scène du monde. Si du nord au midi le voile
de
la Religion s’est déchiré, un commerce immense a jetté de nouveaux li
3331
ligion s’est déchiré, un commerce immense a jetté
de
nouveaux liens parmi les hommes. C’est avec les sujets de l’Afrique q
3332
aux liens parmi les hommes. C’est avec les sujets
de
l’Afrique que nous cultivons l’Amérique & c’est avec les richesse
3333
ltivons l’Amérique & c’est avec les richesses
de
l’Amérique que nous trafiquons en Asie. L’Univers n’offrit jamais un
3334
L’Europe surtout est parvenue à un si haut degré
de
puissance, que l’histoire n’a rien à lui comparer : le nombre des Cap
3335
rope présente une République fédérative, composée
d’
empires & de royaumes, & la plus redoutable qui ait jamais exi
3336
e République fédérative, composée d’empires &
de
royaumes, & la plus redoutable qui ait jamais existé ; on ne peut
3337
ure & sa clarté : jusqu’au moment où, par une
de
ces grandes révolutions qui remettent les choses à leur premier point
3338
enre humain. Comme en écho à ces voix optimistes
de
la France, voici d’Espagne le message non moins « philosophique » d’u
3339
en écho à ces voix optimistes de la France, voici
d’
Espagne le message non moins « philosophique » d’un partisan de l’Euro
3340
d’Espagne le message non moins « philosophique »
d’
un partisan de l’Europe fédérée… par l’Instruction : Melchior-Gaspar d
3341
message non moins « philosophique » d’un partisan
de
l’Europe fédérée… par l’Instruction : Melchior-Gaspar de Jovellanos (
3342
re, et poète : Qui ne voit que grâce au progrès (
de
l’Enseignement) les gouvernements travailleront seulement et efficace
3343
lleront seulement et efficacement pour le bonheur
de
leurs gouvernés, et que les nations, au heu de se combattre et de se
3344
ur de leurs gouvernés, et que les nations, au heu
de
se combattre et de se détruire pour de mesquines raisons d’intérêt ou
3345
és, et que les nations, au heu de se combattre et
de
se détruire pour de mesquines raisons d’intérêt ou d’ambition, resser
3346
ns, au heu de se combattre et de se détruire pour
de
mesquines raisons d’intérêt ou d’ambition, resserreront entre elles l
3347
attre et de se détruire pour de mesquines raisons
d’
intérêt ou d’ambition, resserreront entre elles les liens d’amour et d
3348
e détruire pour de mesquines raisons d’intérêt ou
d’
ambition, resserreront entre elles les liens d’amour et de fraternité
3349
ou d’ambition, resserreront entre elles les liens
d’
amour et de fraternité auxquels les a destinées la Providence ? Qui ne
3350
on, resserreront entre elles les liens d’amour et
de
fraternité auxquels les a destinées la Providence ? Qui ne voit que l
3351
s la Providence ? Qui ne voit que le progrès même
de
l’instruction conduira un jour les nations les plus éclairées d’Europ
3352
n conduira un jour les nations les plus éclairées
d’
Europe d’abord, et toutes celles du globe ensuite, à une confédération
3353
te, à une confédération générale dont le but sera
d’
assurer à chacune d’elles la jouissance des avantages que le ciel leur
3354
ion générale dont le but sera d’assurer à chacune
d’
elles la jouissance des avantages que le ciel leur a donnés, ainsi que
3355
es avantages que le ciel leur a donnés, ainsi que
de
maintenir une paix inviolable et perpétuelle, et de réprimer, non pas
3356
maintenir une paix inviolable et perpétuelle, et
de
réprimer, non pas avec des armées ou des canons, mais avec la force d
3357
avec des armées ou des canons, mais avec la force
de
sa voix, qui sera plus forte et terrible qu’eux, ces peuples témérair
3358
religion lui dictent, et la seule qui soit digne
de
la haute destinée pour laquelle Dieu l’a créée ?135 122. B. de
3359
onclusion. 123. Lettres persanes, XXXIe lettre,
de
Rhédi à Usbek, datée de Venise. 124. Cahiers, Sur la puissance des
3360
s persanes, XXXIe lettre, de Rhédi à Usbek, datée
de
Venise. 124. Cahiers, Sur la puissance des États. C’est une réfutat
3361
Sur la puissance des États. C’est une réfutation
de
Jean Bodin, cf. p. 77. Dans les Réflexions sur la Monarchie universel
3362
pe : « L’Europe n’est plus qu’une nation composée
de
plusieurs provinces. » 125. Cahiers, Sur les ouvrages de l’Esprit.
3363
urs provinces. » 125. Cahiers, Sur les ouvrages
de
l’Esprit. 126. De l’Esprit des Lois. Firmin Didot et Cie, Paris, Li
3364
5. Cahiers, Sur les ouvrages de l’Esprit. 126.
De
l’Esprit des Lois. Firmin Didot et Cie, Paris, Livre XXI, chap. XXI,
3365
Cie, Paris, Livre XXI, chap. XXI, p. 316. 127.
De
l’Esprit des Lois, Livre XVII, chap. Ill, p. 228. 128. Ibid., Livre
3366
VI, p. 230-231. 130. Pensées diverses (Portrait
de
soi-même). Cf. supra la citation de Vitoria, p. 75. 131. Extrait de
3367
ses (Portrait de soi-même). Cf. supra la citation
de
Vitoria, p. 75. 131. Extrait de Dialogues et anecdotes philosophique
3368
upra la citation de Vitoria, p. 75. 131. Extrait
de
Dialogues et anecdotes philosophiques, septième entretien : « Que l’E
3369
les Institutions Politiques qu’il rêva longtemps
d’
écrire. 133. À cette date, la Pologne était divisée en 33 « palatinat
3370
134. Ferdinand Galiani : Correspondance inédite
de
l’abbé F. G., conseiller du roi, pendant les années 1765 à 1783 (Extr
3371
du roi, pendant les années 1765 à 1783 (Extraits
de
deux lettres à Madame d’Épinay), tome II, Paris, I. G. Dentu, 1818. L
3372
22 novembre 1777. 135. Tratado teorico-practico
de
Ensenanza. Biblioteca de autores espanoles, Œuvres de Jovellanos, I,
3373
Tratado teorico-practico de Ensenanza. Biblioteca
de
autores espanoles, Œuvres de Jovellanos, I, p. 251.
3374
nsenanza. Biblioteca de autores espanoles, Œuvres
de
Jovellanos, I, p. 251.
3375
l’étudie dans ses « Considérations sur les causes
de
la grandeur et de la décadence des Romains » formait une sorte d’orga
3376
« Considérations sur les causes de la grandeur et
de
la décadence des Romains » formait une sorte d’organisme soumis à des
3377
t de la décadence des Romains » formait une sorte
d’
organisme soumis à des lois immanentes de développement, ou, pour s’en
3378
ne sorte d’organisme soumis à des lois immanentes
de
développement, ou, pour s’en tenir à ses propres termes, « à des caus
3379
u xviiie siècle s’ouvre l’ère des vues générales
de
l’Histoire du monde. L’idée d’un développement organique ou « dialect
3380
des vues générales de l’Histoire du monde. L’idée
d’
un développement organique ou « dialectique » des civilisations s’impo
3381
ences incalculables. Car s’il existe des « lois »
d’
évolution, il en résulte à première vue qu’à toute ascension vers la g
3382
science européenne un doute anxieux sur le destin
de
notre civilisation : d’où la naissance exactement simultanée des idée
3383
ute anxieux sur le destin de notre civilisation :
d’
où la naissance exactement simultanée des idées de Progrès à l’infini
3384
d’où la naissance exactement simultanée des idées
de
Progrès à l’infini et de Déclin fatal de l’Occident. Robertson entrep
3385
ent simultanée des idées de Progrès à l’infini et
de
Déclin fatal de l’Occident. Robertson entreprend d’écrire une histoir
3386
es idées de Progrès à l’infini et de Déclin fatal
de
l’Occident. Robertson entreprend d’écrire une histoire de l’Europe co
3387
Déclin fatal de l’Occident. Robertson entreprend
d’
écrire une histoire de l’Europe comme ensemble organique. Gibbon, quel
3388
ident. Robertson entreprend d’écrire une histoire
de
l’Europe comme ensemble organique. Gibbon, quelques années plus tard,
3389
bbon, quelques années plus tard, reprend le sujet
de
Montesquieu mais dans une vue plus historique, moins moraliste : il e
3390
lus historique, moins moraliste : il entend tirer
de
l’évolution de Rome des conclusions instructives pour l’évolution de
3391
moins moraliste : il entend tirer de l’évolution
de
Rome des conclusions instructives pour l’évolution de l’Europe, et el
3392
ome des conclusions instructives pour l’évolution
de
l’Europe, et elles sont, de justesse, optimistes. Mais le problème de
3393
ives pour l’évolution de l’Europe, et elles sont,
de
justesse, optimistes. Mais le problème de notre décadence n’en demeur
3394
s sont, de justesse, optimistes. Mais le problème
de
notre décadence n’en demeure pas moins posé, dès ce moment. Condorcet
3395
voit bien, mais répond au défi en lançant l’idée
de
Progrès. Volney cède au contraire, premier des romantiques, aux verti
3396
contraire, premier des romantiques, aux vertiges
de
la Décadence. Quant à Wieland, dernier des philosophes « éclairés »,
3397
lairés », il croira jusqu’au dernier jour — celui
de
la Révolution — et même au-delà, que l’ère de la raison « cosmopolite
3398
lui de la Révolution — et même au-delà, que l’ère
de
la raison « cosmopolite » a été instaurée pour toujours par l’Europe…
3399
793), chapelain du roi pour l’Écosse et principal
de
l’Université d’Édimbourg, peut être considéré comme le premier histor
3400
du roi pour l’Écosse et principal de l’Université
d’
Édimbourg, peut être considéré comme le premier historien qui ait pris
3401
omme le premier historien qui ait pris pour objet
de
son étude l’Europe entière, considérée comme unité, non comme une add
3402
e, considérée comme unité, non comme une addition
de
chroniques régionales. Le lecteur d’aujourd’hui ne manquera pas de vo
3403
une addition de chroniques régionales. Le lecteur
d’
aujourd’hui ne manquera pas de voir dans cette méthode l’annonce de la
3404
ionales. Le lecteur d’aujourd’hui ne manquera pas
de
voir dans cette méthode l’annonce de la thèse de Toynbee sur les « ch
3405
manquera pas de voir dans cette méthode l’annonce
de
la thèse de Toynbee sur les « champs d’étude intelligibles ». Dans la
3406
de voir dans cette méthode l’annonce de la thèse
de
Toynbee sur les « champs d’étude intelligibles ». Dans la Préface à s
3407
l’annonce de la thèse de Toynbee sur les « champs
d’
étude intelligibles ». Dans la Préface à son Histoire de Charles-Quint
3408
e intelligibles ». Dans la Préface à son Histoire
de
Charles-Quint (1769), Robertson déclare expressément qu’il entend « b
3409
éclare expressément qu’il entend « borner l’étude
de
l’Histoire à cette période surtout où les différentes Puissances de l
3410
tte période surtout où les différentes Puissances
de
l’Europe s’étant plus étroitement unies, les opérations d’un État ont
3411
pe s’étant plus étroitement unies, les opérations
d’
un État ont affecté toutes les autres, au point d’influer sur leurs pr
3412
d’un État ont affecté toutes les autres, au point
d’
influer sur leurs projets et de régler leurs démarches ». C’est pourqu
3413
s autres, au point d’influer sur leurs projets et
de
régler leurs démarches ». C’est pourquoi il a entrepris de présenter
3414
leurs démarches ». C’est pourquoi il a entrepris
de
présenter l’histoire de Charles-Quint, car, écrit-il : Il est une ép
3415
t pourquoi il a entrepris de présenter l’histoire
de
Charles-Quint, car, écrit-il : Il est une époque, avant laquelle cha
3416
propre Histoire, et après laquelle les événements
de
chaque nation considérable de l’Europe deviennent instructifs et inté
3417
elle les événements de chaque nation considérable
de
l’Europe deviennent instructifs et intéressants pour toutes les autre
3418
terminer. C’est dans cette vue que j’ai entrepris
d’
écrire l’Histoire de l’empereur Charles-Quint. Ce fut pendant son règn
3419
cette vue que j’ai entrepris d’écrire l’Histoire
de
l’empereur Charles-Quint. Ce fut pendant son règne que les Puissances
3420
uint. Ce fut pendant son règne que les Puissances
de
l’Europe formèrent un vaste système politique, où chacune prit un ran
3421
ang, qu’elle a conservé depuis avec beaucoup plus
de
stabilité qu’on n’aurait pu l’attendre… Le siècle de Charles-Quint pe
3422
stabilité qu’on n’aurait pu l’attendre… Le siècle
de
Charles-Quint peut donc être regardé comme la période à laquelle l’ét
3423
ardé comme la période à laquelle l’état politique
de
l’Europe commença de prendre une nouvelle forme. Deux passages de ce
3424
à laquelle l’état politique de l’Europe commença
de
prendre une nouvelle forme. Deux passages de cette préface, intitulé
3425
nça de prendre une nouvelle forme. Deux passages
de
cette préface, intitulée « Tableau des progrès de la société en Europ
3426
de cette préface, intitulée « Tableau des progrès
de
la société en Europe, depuis la destruction de l’Empire romain jusqu’
3427
ès de la société en Europe, depuis la destruction
de
l’Empire romain jusqu’au commencement du xvie siècle », éclairent et
3428
iée par Robertson136 : Il paroit que les nations
d’
Europe se sont regardées pendant plusieurs siècles comme des sociétés
3429
rce étendu et suivi, qui leur donnât une occasion
d’
observer et de pénétrer leurs vues et leurs projets réciproques. Ils n
3430
suivi, qui leur donnât une occasion d’observer et
de
pénétrer leurs vues et leurs projets réciproques. Ils n’avoient point
3431
et leurs projets réciproques. Ils n’avoient point
d’
ambassadeurs qui, résidant constamment dans chaque cour, fussent à por
3432
nt constamment dans chaque cour, fussent à portée
d’
épier tous ses mouvements et d’en donner sur le champ avis à leurs maî
3433
, fussent à portée d’épier tous ses mouvements et
d’
en donner sur le champ avis à leurs maîtres. L’espérance de quelques a
3434
er sur le champ avis à leurs maîtres. L’espérance
de
quelques avantages éloignés, ou la crainte de quelques dangers incert
3435
nce de quelques avantages éloignés, ou la crainte
de
quelques dangers incertains ou possibles, n’étoient pas des motifs su
3436
r propre sûreté. Quiconque veut écrire l’histoire
de
quelqu’un des grands États de l’Europe pendant les deux derniers sièc
3437
ope pendant les deux derniers siècles, est obligé
d’
écrire l’histoire de l’Europe entière. Depuis cette époque, les différ
3438
derniers siècles, est obligé d’écrire l’histoire
de
l’Europe entière. Depuis cette époque, les différens royaumes n’ont f
3439
et vaste système, si étroitement, uni, que chacun
d’
entr’eux ayant un rang déterminé, les opérations de l’un se font senti
3440
’entr’eux ayant un rang déterminé, les opérations
de
l’un se font sentir à tous les autres assez puissamment pour influer
3441
e mêloient rarement, excepté lorsque le voisinage
de
territoire rendoit les occasions de querelles fréquentes et inévitabl
3442
le voisinage de territoire rendoit les occasions
de
querelles fréquentes et inévitables… Cependant, la connaissance des
3443
ables… Cependant, la connaissance des diversités
de
l’Europe n’en est pas moins essentielle à l’historien que celle de so
3444
est pas moins essentielle à l’historien que celle
de
son unité : Tandis que les institutions et les événemens que j’ai dé
3445
loient devoir donner les mêmes mœurs aux habitans
de
l’Europe, en les conduisant de la barbarie à la civilisation, par les
3446
mœurs aux habitans de l’Europe, en les conduisant
de
la barbarie à la civilisation, par les mêmes sentiers et à peu près d
3447
ivilisation, par les mêmes sentiers et à peu près
d’
un pas égal, il se rencontra d’autres circonstances qui produisirent u
3448
et donnèrent naissance à ces formes particulières
de
gouvernement, d’où résulta une si grande variété dans le caractère et
3449
sance à ces formes particulières de gouvernement,
d’
où résulta une si grande variété dans le caractère et le génie des nat
3450
aractère et le génie des nations. La connoissance
de
ces dernières circonstances n’est pas moins nécessaire que celle des
3451
ce a été universelle, mettra mes lecteurs en état
d’
expliquer cette singulière ressemblance qu’on remarque dans la police
3452
re et dans les expéditions militaires des peuples
de
l’Europe. Mais sans une connoissance exacte de la forme particulière
3453
es de l’Europe. Mais sans une connoissance exacte
de
la forme particulière et du caractère de leur gouvernement civil, une
3454
e exacte de la forme particulière et du caractère
de
leur gouvernement civil, une grande partie de leur histoire paroîtroi
3455
ère de leur gouvernement civil, une grande partie
de
leur histoire paroîtroit mystérieuse et inexpliquable. Les auteurs qu
3456
expliquable. Les auteurs qui ont écrit l’histoire
d’
une nation particulière, ne se sont guère proposé que d’intéresser et
3457
nation particulière, ne se sont guère proposé que
d’
intéresser et d’instruire leurs compatriotes, à qui ils pouvoient supp
3458
ère, ne se sont guère proposé que d’intéresser et
d’
instruire leurs compatriotes, à qui ils pouvoient supposer que les mœu
3459
connues ; en conséquence ils ont souvent négligé
d’
entrer à cet égard, dans des détails suffisans pour faire connoître au
3460
t. Mais une histoire qui embrasse les révolutions
de
tant de pays divers, serait extrêmement imparfaite, sans un examen pr
3461
trêmement imparfaite, sans un examen préliminaire
de
leur constitution et de leur état politique.137 Robertson, en défin
3462
ns un examen préliminaire de leur constitution et
de
leur état politique.137 Robertson, en définitive, sera donc ramené
3463
er l’une après l’autre les composantes nationales
de
son Tableau, comme vient de le faire Voltaire dans son Essai sur les
3464
e le fera bientôt Jean de Müller. C’est le centre
de
référence des jugements de l’historien qui a changé : décrivant telle
3465
üller. C’est le centre de référence des jugements
de
l’historien qui a changé : décrivant telle ou telle évolution nationa
3466
’il fondait une redoutable tradition par le titre
de
l’ouvrage monumental dont il nous dit aux dernières lignes qu’il a «
3467
res lignes qu’il a « occupé et amusé vingt années
de
sa vie » : l’Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire roma
3468
pé et amusé vingt années de sa vie » : l’Histoire
de
la Décadence et de la Chute de l’Empire romain. Son exemple n’a cessé
3469
nnées de sa vie » : l’Histoire de la Décadence et
de
la Chute de l’Empire romain. Son exemple n’a cessé d’inspirer jusqu’à
3470
vie » : l’Histoire de la Décadence et de la Chute
de
l’Empire romain. Son exemple n’a cessé d’inspirer jusqu’à nos jours l
3471
a Chute de l’Empire romain. Son exemple n’a cessé
d’
inspirer jusqu’à nos jours les auteurs de grandes synthèses de l’histo
3472
’a cessé d’inspirer jusqu’à nos jours les auteurs
de
grandes synthèses de l’histoire des civilisations. Mais à la différen
3473
usqu’à nos jours les auteurs de grandes synthèses
de
l’histoire des civilisations. Mais à la différence d’un Spengler ou d
3474
’histoire des civilisations. Mais à la différence
d’
un Spengler ou d’un Toynbee, Gibbon, comme les Schlegel, Hegel et Comt
3475
ilisations. Mais à la différence d’un Spengler ou
d’
un Toynbee, Gibbon, comme les Schlegel, Hegel et Comte, qui écrivirent
3476
ui écrivirent avant Darwin et Marx, ne déduit pas
de
la décadence du monde antique la fatalité organique d’une décadence d
3477
décadence du monde antique la fatalité organique
d’
une décadence de l’Europe. Bien au contraire ! Dans les Observations g
3478
nde antique la fatalité organique d’une décadence
de
l’Europe. Bien au contraire ! Dans les Observations générales sur la
3479
re ! Dans les Observations générales sur la chute
de
l’Empire romain d’Occident (qui font suite au chapitre XXXVIII de son
3480
vations générales sur la chute de l’Empire romain
d’
Occident (qui font suite au chapitre XXXVIII de son grand ouvrage), il
3481
in d’Occident (qui font suite au chapitre XXXVIII
de
son grand ouvrage), il examine les trois grandes causes, qui, selon l
3482
auses, qui, selon lui, ayant contribué à la ruine
de
Rome, motivent désormais la sécurité de l’Europe. Et certes il serait
3483
la ruine de Rome, motivent désormais la sécurité
de
l’Europe. Et certes il serait aisé de renverser, au nom des expérienc
3484
la sécurité de l’Europe. Et certes il serait aisé
de
renverser, au nom des expériences de notre siècle, les prévisions qu’
3485
serait aisé de renverser, au nom des expériences
de
notre siècle, les prévisions qu’il fondait sur l’observation du sien.
3486
ue nous soyons trop pessimistes, ces deux erreurs
d’
appréciation ne changeant rien aux faits de civilisation que Gibbon én
3487
rreurs d’appréciation ne changeant rien aux faits
de
civilisation que Gibbon énumère avec lucidité. Les « 10 000 vaisseaux
3488
» prêts à porter vers les États-Unis les trésors
de
l’Europe ont déjà plus d’une fois traversé l’Atlantique… Un patriote
3489
États-Unis les trésors de l’Europe ont déjà plus
d’
une fois traversé l’Atlantique… Un patriote doit sans doute préférer
3490
et chercher exclusivement l’intérêt et la gloire
de
son pays natal ; mais il est permis à un philosophe d’étendre ses vue
3491
n pays natal ; mais il est permis à un philosophe
d’
étendre ses vues, et de considérer l’Europe entière comme une républiq
3492
est permis à un philosophe d’étendre ses vues, et
de
considérer l’Europe entière comme une république dont tous les habita
3493
es habitants ont atteint à peu près au même degré
de
culture et de perfection. La prépondérance continuera de passer succe
3494
nt atteint à peu près au même degré de culture et
de
perfection. La prépondérance continuera de passer successivement d’un
3495
ure et de perfection. La prépondérance continuera
de
passer successivement d’une puissance à l’autre, et la prospérité de
3496
prépondérance continuera de passer successivement
d’
une puissance à l’autre, et la prospérité de notre patrie ou des royau
3497
ement d’une puissance à l’autre, et la prospérité
de
notre patrie ou des royaumes voisins peut alternativement s’accroître
3498
es. Les peuples sauvages sont les ennemis communs
de
toutes les sociétés civilisées ; nous allons examiner si l’Europe peu
3499
épétition des calamités qui renversèrent l’empire
de
Rome et anéantirent ses institutions. La même réflexion servira peut-
3500
expliquer les causes qui contribuèrent à la ruine
de
ce puissant empire, et celles qui motivent aujourd’hui notre sécurité
3501
tre sécurité. I. Les Romains ignoraient l’étendue
de
leur danger et le nombre de leurs ennemis. Au-delà du Danube et du Rh
3502
ignoraient l’étendue de leur danger et le nombre
de
leurs ennemis. Au-delà du Danube et du Rhin, les pays septentrionaux
3503
elà du Danube et du Rhin, les pays septentrionaux
de
l’Europe étaient remplis d’innombrables tribus de pâtres et de chasse
3504
s pays septentrionaux de l’Europe étaient remplis
d’
innombrables tribus de pâtres et de chasseurs, pauvres, voraces et tur
3505
de l’Europe étaient remplis d’innombrables tribus
de
pâtres et de chasseurs, pauvres, voraces et turbulents, intrépides da
3506
taient remplis d’innombrables tribus de pâtres et
de
chasseurs, pauvres, voraces et turbulents, intrépides dans les combat
3507
urbulents, intrépides dans les combats, et avides
de
s’emparer des fruits de l’industrie. La rapide impulsion de la guerre
3508
ns les combats, et avides de s’emparer des fruits
de
l’industrie. La rapide impulsion de la guerre agita le monde barbare,
3509
er des fruits de l’industrie. La rapide impulsion
de
la guerre agita le monde barbare, et les révolutions de la Chine entr
3510
guerre agita le monde barbare, et les révolutions
de
la Chine entraînèrent celles de la Gaule et de l’Italie. Les Huns, qu
3511
t les révolutions de la Chine entraînèrent celles
de
la Gaule et de l’Italie. Les Huns, qui fuyaient devant un ennemi vict
3512
ns de la Chine entraînèrent celles de la Gaule et
de
l’Italie. Les Huns, qui fuyaient devant un ennemi victorieux, dirigèr
3513
rent à leur tour des conquêtes. Le poids accumulé
d’
une multitude de barbares qui se précipitaient les uns sur les autres
3514
des conquêtes. Le poids accumulé d’une multitude
de
barbares qui se précipitaient les uns sur les autres fondit avec impé
3515
ue d’autres occupaient leur place et présentaient
de
nouveaux assaillans. On ne voit plus sortir du Nord ces émigrations f
3516
le long repos qui a été attribué au décroissement
de
la population est la suite heureuse des progrès des arts et de l’agri
3517
ion est la suite heureuse des progrès des arts et
de
l’agriculture. Au lieu de quelques villages placés de loin en loin, a
3518
’agriculture. Au lieu de quelques villages placés
de
loin en loin, au milieu des bois et des marais, l’Allemagne compte au
3519
urd’hui deux-mille-trois-cents villes environnées
de
murs. Les royaumes chrétiens du Danemarck, de la Suède et de la Polog
3520
ées de murs. Les royaumes chrétiens du Danemarck,
de
la Suède et de la Pologne se sont élevés successivement ; les négocia
3521
s royaumes chrétiens du Danemarck, de la Suède et
de
la Pologne se sont élevés successivement ; les négocians hanséatiques
3522
iques ont étendu leurs colonies le long des côtes
de
la mer Baltique jusqu’au golfe de Finlande. Depuis le golfe de Finlan
3523
an Oriental, la Russie prend aujourd’hui la forme
d’
un empire puissant et civilisé. On voit sur les bords de la Volga, de
3524
mpire puissant et civilisé. On voit sur les bords
de
la Volga, de l’Obi et du Lena, le laboureur conduire sa charrue, le t
3525
t et civilisé. On voit sur les bords de la Volga,
de
l’Obi et du Lena, le laboureur conduire sa charrue, le tisserand trav
3526
t pas inquiéter sérieusement la grande république
d’
Europe. Cependant cette sécurité apparente ne doit pas nous faire oubl
3527
isible sur la carte du monde, peut nous présenter
de
nouveaux ennemis et des dangers imprévus. Les Arabes ou Sarrasins, qu
3528
que Mahomet anima leurs corps sauvages du souffle
de
l’enthousiasme. II. L’empire de Rome était solidement établi sur la p
3529
uvages du souffle de l’enthousiasme. II. L’empire
de
Rome était solidement établi sur la parfaite union de toutes ses part
3530
ome était solidement établi sur la parfaite union
de
toutes ses parties. Les peuples, devenus des sujets, renoncèrent à l’
3531
s sujets, renoncèrent à l’espoir et même au désir
de
l’indépendance, et se trouvèrent honorés du titre de citoyens romains
3532
l’indépendance, et se trouvèrent honorés du titre
de
citoyens romains. Forcées de céder aux barbares, les provinces de l’O
3533
ent honorés du titre de citoyens romains. Forcées
de
céder aux barbares, les provinces de l’Occident se virent avec douleu
3534
ins. Forcées de céder aux barbares, les provinces
de
l’Occident se virent avec douleur séparées de leur mère-patrie ; mais
3535
ces de l’Occident se virent avec douleur séparées
de
leur mère-patrie ; mais elles avaient acheté cette union par la perte
3536
ais elles avaient acheté cette union par la perte
de
la liberté nationale et de l’esprit militaire. Renonçant à tout senti
3537
tte union par la perte de la liberté nationale et
de
l’esprit militaire. Renonçant à tout sentiment de vigueur et d’activi
3538
de l’esprit militaire. Renonçant à tout sentiment
de
vigueur et d’activité, les provinces asservies attendaient leur salut
3539
litaire. Renonçant à tout sentiment de vigueur et
d’
activité, les provinces asservies attendaient leur salut de troupes me
3540
é, les provinces asservies attendaient leur salut
de
troupes mercenaires et de gouvernemens dirigés par les ordres d’une c
3541
attendaient leur salut de troupes mercenaires et
de
gouvernemens dirigés par les ordres d’une cour éloignée. Le bonheur d
3542
enaires et de gouvernemens dirigés par les ordres
d’
une cour éloignée. Le bonheur de cent-millions d’individus dépendait d
3543
és par les ordres d’une cour éloignée. Le bonheur
de
cent-millions d’individus dépendait du mérite personnel d’un ou de de
3544
d’une cour éloignée. Le bonheur de cent-millions
d’
individus dépendait du mérite personnel d’un ou de deux hommes, peut-ê
3545
illions d’individus dépendait du mérite personnel
d’
un ou de deux hommes, peut-être de deux enfans, dont l’éducation, le l
3546
d’individus dépendait du mérite personnel d’un ou
de
deux hommes, peut-être de deux enfans, dont l’éducation, le luxe et l
3547
érite personnel d’un ou de deux hommes, peut-être
de
deux enfans, dont l’éducation, le luxe et le despotisme avaient corro
3548
ut sous les minorités des fils et des petits-fils
de
Théodose que l’empire éprouva les plus funestes calamités ; et, lorsq
3549
sque ces princes méprisables eurent atteint l’âge
de
la virilité, ils abandonnèrent l’église aux évêques, l’état aux eunuq
3550
tés plus petites, mais indépendantes. Les chances
de
talens dans les rois et les ministres sont au moins multipliées en ra
3551
sommeilleront sur les trônes du sud. L’influence
de
la crainte et la honte arrêtent l’abus de la tyrannie. Les république
3552
fluence de la crainte et la honte arrêtent l’abus
de
la tyrannie. Les républiques ont acquis de l’ordre et de la stabilité
3553
l’abus de la tyrannie. Les républiques ont acquis
de
l’ordre et de la stabilité ; les monarchies ont adopté des maximes de
3554
yrannie. Les républiques ont acquis de l’ordre et
de
la stabilité ; les monarchies ont adopté des maximes de liberté, ou a
3555
stabilité ; les monarchies ont adopté des maximes
de
liberté, ou au moins de modération ; et les mœurs générales du siècle
3556
es ont adopté des maximes de liberté, ou au moins
de
modération ; et les mœurs générales du siècle ont introduit quelques
3557
rales du siècle ont introduit quelques sentiments
d’
honneur et de justice dans les constitutions les plus défectueuses. En
3558
le ont introduit quelques sentiments d’honneur et
de
justice dans les constitutions les plus défectueuses. En temps de pai
3559
les constitutions les plus défectueuses. En temps
de
paix, l’émulation active de tant de rivaux accélère les progrès des s
3560
éfectueuses. En temps de paix, l’émulation active
de
tant de rivaux accélère les progrès des sciences et de l’industrie ;
3561
nt de rivaux accélère les progrès des sciences et
de
l’industrie ; en temps de guerre, des contestations passagères et peu
3562
progrès des sciences et de l’industrie ; en temps
de
guerre, des contestations passagères et peu décisives exercent les fo
3563
s et peu décisives exercent les forces militaires
de
l’Europe. Si un conquérant sauvage sortait des déserts de la Tartarie
3564
ope. Si un conquérant sauvage sortait des déserts
de
la Tartarie, il faudrait qu’il vainquît successivement les paysans ro
3565
u’il vainquît successivement les paysans robustes
de
la Russie, les nombreuses armées de l’Allemagne, la vaillante nobless
3566
sans robustes de la Russie, les nombreuses armées
de
l’Allemagne, la vaillante noblesse de France, et les intrépides citoy
3567
uses armées de l’Allemagne, la vaillante noblesse
de
France, et les intrépides citoyens de la Bretagne, que la défense com
3568
te noblesse de France, et les intrépides citoyens
de
la Bretagne, que la défense commune pourrait peut-être réunir. En sup
3569
ntique, dix mille vaisseaux mettraient les restes
de
la société civilisée à l’abri de leurs poursuites, et l’Europe renaît
3570
aient les restes de la société civilisée à l’abri
de
leurs poursuites, et l’Europe renaîtrait et fleurirait en Amérique, o
3571
Le froid, la pauvreté, l’habitude des dangers et
de
la fatigue entretiennent les forces et le courage des peuples barbare
3572
ont fait la loi aux nations paisibles et policées
de
la Chine, de l’Inde, et de la Perse, qui négligeaient et négligent en
3573
oi aux nations paisibles et policées de la Chine,
de
l’Inde, et de la Perse, qui négligeaient et négligent encore de suppl
3574
paisibles et policées de la Chine, de l’Inde, et
de
la Perse, qui négligeaient et négligent encore de suppléer à ces avan
3575
de la Perse, qui négligeaient et négligent encore
de
suppléer à ces avantages naturels par les ressources de l’art militai
3576
pléer à ces avantages naturels par les ressources
de
l’art militaire. Les nations guerrières de l’antiquité, de la Grèce,
3577
ources de l’art militaire. Les nations guerrières
de
l’antiquité, de la Grèce, de la Macédoine et de Rome, élevaient une r
3578
militaire. Les nations guerrières de l’antiquité,
de
la Grèce, de la Macédoine et de Rome, élevaient une race de soldats,
3579
s nations guerrières de l’antiquité, de la Grèce,
de
la Macédoine et de Rome, élevaient une race de soldats, exerçaient le
3580
s de l’antiquité, de la Grèce, de la Macédoine et
de
Rome, élevaient une race de soldats, exerçaient leurs corps, discipli
3581
e, de la Macédoine et de Rome, élevaient une race
de
soldats, exerçaient leurs corps, disciplinaient leur courage, multipl
3582
l’attaque et pour la défense. Mais la corruption
de
leurs mœurs et de leurs lois fit disparaître insensiblement cette sup
3583
la défense. Mais la corruption de leurs mœurs et
de
leurs lois fit disparaître insensiblement cette supériorité. La polit
3584
nsiblement cette supériorité. La politique faible
de
Constantin et de ses successeurs arma et introduisit la valeur indisc
3585
supériorité. La politique faible de Constantin et
de
ses successeurs arma et introduisit la valeur indisciplinée des merce
3586
s barbares qui renversèrent l’empire. L’invention
de
la poudre a produit une grande révolution dans l’art militaire, en so
3587
on dans l’art militaire, en soumettant au pouvoir
de
l’homme l’air et le feu, les deux plus redoutables agens de la nature
3588
l’air et le feu, les deux plus redoutables agens
de
la nature. Les mathématiques, la chimie, la mécanique, et l’architect
3589
ecture, ont appliqué leurs découvertes au service
de
la guerre ; et les combattans emploient aujourd’hui les méthodes les
3590
ion qu’avec l’argent dépensé pour les préparatifs
d’
un siège on établirait et entretiendrait une colonie florissante ; mai
3591
moins comme une chose heureuse que la destruction
d’
une ville soit une entreprise difficile et dispendieuse, ou qu’un peup
3592
es, et l’Europe n’a plus à redouter une irruption
de
barbares, puisqu’il serait indispensable qu’ils se civilisassent avan
3593
voir conquérir. Leurs découvertes dans la science
de
la guerre seraient nécessairement accompagnées comme l’exemple de la
3594
aient nécessairement accompagnées comme l’exemple
de
la Russie le démontre, de progrès proportionnels dans les arts paisib
3595
pagnées comme l’exemple de la Russie le démontre,
de
progrès proportionnels dans les arts paisibles et dans la politique c
3596
dans la politique civile ; ils mériteraient alors
d’
être comptés au nombre des nations civilisées qu’ils auraient soumises
3597
arquis Antoine de Condorcet (1743-1794), partisan
de
la Révolution et tué par elle, avait écrit un an avant sa mort, caché
3598
avant sa mort, caché chez des amis, son Esquisse
d’
un tableau historique des progrès de l’esprit humain. Il fut le précur
3599
son Esquisse d’un tableau historique des progrès
de
l’esprit humain. Il fut le précurseur des assurances sociales « par l
3600
urances sociales « par le calcul des probabilités
de
la vie », et le précurseur de la coopération scientifique internation
3601
ul des probabilités de la vie », et le précurseur
de
la coopération scientifique internationale139. Nous citerons les page
3602
ifique internationale139. Nous citerons les pages
de
l’Esquisse où il prévoit avec lucidité (mais résout avec trop d’optim
3603
ù il prévoit avec lucidité (mais résout avec trop
d’
optimisme) les problèmes que créera dans le monde l’expansion de nos c
3604
es problèmes que créera dans le monde l’expansion
de
nos concepts et techniques, ou comme il dit « des lumières et de la r
3605
et techniques, ou comme il dit « des lumières et
de
la raison en Europe ». Toutes les nations doivent-elles se rapproche
3606
s les nations doivent-elles se rapprocher un jour
de
l’état de civilisation où sont parvenus les peuples les plus éclairés
3607
ons doivent-elles se rapprocher un jour de l’état
de
civilisation où sont parvenus les peuples les plus éclairés, les plus
3608
us éclairés, les plus libres, les plus affranchis
de
préjugés, tels que les Français et les Anglo-Américains ? Cette dista
3609
s ? Cette distance immense qui sépare ces peuples
de
la servitude des nations soumises à des rois, de la barbarie des peup
3610
de la servitude des nations soumises à des rois,
de
la barbarie des peuplades africaines, de l’ignorance des sauvages, do
3611
es rois, de la barbarie des peuplades africaines,
de
l’ignorance des sauvages, doit-elle peu à peu s’évanouir ? Y a-t-il s
3612
ture ait condamné les habitants à ne jamais jouir
de
la liberté, à ne jamais exercer leur raison ? Cette différence de lum
3613
ne jamais exercer leur raison ? Cette différence
de
lumière, de moyens ou de richesses, observée jusqu’à présent chez tou
3614
xercer leur raison ? Cette différence de lumière,
de
moyens ou de richesses, observée jusqu’à présent chez tous les peuple
3615
aison ? Cette différence de lumière, de moyens ou
de
richesses, observée jusqu’à présent chez tous les peuples civilisés,
3616
ntre les différentes classes qui composent chacun
d’
eux ; cette inégalité, que les premiers progrès de la société ont augm
3617
d’eux ; cette inégalité, que les premiers progrès
de
la société ont augmentée et pour ainsi dire produite, tient-elle à la
3618
civilisation même, ou aux imperfections actuelles
de
l’art social ? doit-elle continuellement s’affaiblir pour faire place
3619
ment s’affaiblir pour faire place à cette égalité
de
fait, dernier but de l’art social, qui, diminuant même les effets de
3620
faire place à cette égalité de fait, dernier but
de
l’art social, qui, diminuant même les effets de la différence naturel
3621
t de l’art social, qui, diminuant même les effets
de
la différence naturelle des facultés, ne laisse plus subsister qu’une
3622
plus subsister qu’une inégalité utile à l’intérêt
de
tous, parce qu’elle favorisera les progrès de la civilisation, de l’i
3623
rêt de tous, parce qu’elle favorisera les progrès
de
la civilisation, de l’instruction et de l’industrie, sans entraîner n
3624
u’elle favorisera les progrès de la civilisation,
de
l’instruction et de l’industrie, sans entraîner ni dépendance, ni hum
3625
s progrès de la civilisation, de l’instruction et
de
l’industrie, sans entraîner ni dépendance, ni humiliation, ni appauvr
3626
s, et par conséquence nécessaire, dans les moyens
de
bien-être particulier et de prospérité commune ; soit par des progrès
3627
aire, dans les moyens de bien-être particulier et
de
prospérité commune ; soit par des progrès dans les principes de condu
3628
commune ; soit par des progrès dans les principes
de
conduite et dans la morale pratique ; soit enfin par le perfectionnem
3629
acultés intellectuelles, morales et physiques, ou
de
l’organisation naturelle de l’homme ? En répondant à ces trois questi
3630
ales et physiques, ou de l’organisation naturelle
de
l’homme ? En répondant à ces trois questions, nous trouverons… les mo
3631
tions, nous trouverons… les motifs les plus forts
de
croire que la nature n’a mis aucun terme à nos espérances. Si nous je
3632
verrons d’abord que, dans l’Europe, les principes
de
la constitution française sont déjà ceux de tous les hommes éclairés.
3633
cipes de la constitution française sont déjà ceux
de
tous les hommes éclairés. Nous les y verrons trop répandus, et trop h
3634
s des tyrans et des prêtres puissent les empêcher
de
pénétrer peu à peu jusqu’aux cabanes de leurs esclaves ; et ces princ
3635
empêcher de pénétrer peu à peu jusqu’aux cabanes
de
leurs esclaves ; et ces principes y réveilleront bientôt un reste de
3636
et ces principes y réveilleront bientôt un reste
de
bon sens, et cette sourde indignation que l’habitude de l’humiliation
3637
sens, et cette sourde indignation que l’habitude
de
l’humiliation et de la terreur ne peuvent étouffer dans l’âme des opp
3638
de indignation que l’habitude de l’humiliation et
de
la terreur ne peuvent étouffer dans l’âme des opprimés. … Peut-on dou
3639
les effets lents, mais infaillibles, des progrès
de
leurs colonies, ne produisent bientôt l’indépendance du Nouveau Monde
3640
quête, les nations sauvages qui y occupent encore
de
vastes contrées ? Parcourez l’histoire de nos entreprises, de nos éta
3641
encore de vastes contrées ? Parcourez l’histoire
de
nos entreprises, de nos établissements en Afrique et ou en Asie, vous
3642
ntrées ? Parcourez l’histoire de nos entreprises,
de
nos établissements en Afrique et ou en Asie, vous verrez nos monopole
3643
Afrique et ou en Asie, vous verrez nos monopoles
de
commerce, nos trahisons, notre mépris sanguinaire pour les hommes d’u
3644
ahisons, notre mépris sanguinaire pour les hommes
d’
une autre couleur ou d’une autre croyance, l’insolence de nos usurpati
3645
anguinaire pour les hommes d’une autre couleur ou
d’
une autre croyance, l’insolence de nos usurpations, l’extravagant pros
3646
utre couleur ou d’une autre croyance, l’insolence
de
nos usurpations, l’extravagant prosélytisme ou les intrigues de nos p
3647
ions, l’extravagant prosélytisme ou les intrigues
de
nos prêtres, détruire ces sentiments de respect et de bienveillance q
3648
intrigues de nos prêtres, détruire ces sentiments
de
respect et de bienveillance que la supériorité de nos lumières et les
3649
os prêtres, détruire ces sentiments de respect et
de
bienveillance que la supériorité de nos lumières et les avantages de
3650
de respect et de bienveillance que la supériorité
de
nos lumières et les avantages de notre commerce avaient d’abord obten
3651
e la supériorité de nos lumières et les avantages
de
notre commerce avaient d’abord obtenu. Mais l’instant approche sans d
3652
u. Mais l’instant approche sans doute où, cessant
de
ne leur montrer que des corrupteurs ou des tyrans, nous deviendrons p
3653
op éclairé sur leurs propres droits pour se jouer
de
ceux des autres peuples, respecteront cette indépendance, qu’ils ont
3654
dépendance, qu’ils ont jusqu’ici violée avec tant
d’
audace. Leurs établissements, au lieu de se remplir de protégés des go
3655
dace. Leurs établissements, au lieu de se remplir
de
protégés des gouvernements qui, à la faveur d’une place ou d’un privi
3656
ir de protégés des gouvernements qui, à la faveur
d’
une place ou d’un privilège, courent amasser des trésors par le brigan
3657
des gouvernements qui, à la faveur d’une place ou
d’
un privilège, courent amasser des trésors par le brigandage et la perf
3658
Europe des honneurs et des titres, se peupleront
d’
hommes industrieux, qui iront chercher dans ces climats heureux l’aisa
3659
. La liberté les y retiendra ; l’ambition cessera
de
les rappeler, et ces comptoirs de brigands deviendront des colonies d
3660
mbition cessera de les rappeler, et ces comptoirs
de
brigands deviendront des colonies de citoyens qui répandront dans l’A
3661
es comptoirs de brigands deviendront des colonies
de
citoyens qui répandront dans l’Afrique et dans l’Asie les principes e
3662
Afrique et dans l’Asie les principes et l’exemple
de
la liberté, les lumières et la raison de l’Europe. Le comte Constant
3663
’exemple de la liberté, les lumières et la raison
de
l’Europe. Le comte Constantin-François Chassebœuf de Volney, né en 1
3664
né par la Révolution, finalement sénateur et pair
de
France sous la Restauration, dut sa célébrité à un ouvrage Les Ruines
3665
es auteurs du xxe siècle qui ont rêvé sur la fin
de
l’Europe, « sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur
3666
Europe, « sur la cendre des peuples et la mémoire
de
leur grandeur ». (Paul Valéry s’en est sans doute souvenu en écrivant
3667
enu en écrivant ses pages fameuses sur la « Crise
de
l’Esprit ».) Ici, me dis-je, ici fleurit jadis une ville opulente :
3668
eurit jadis une ville opulente : ici fut le siège
d’
un empire puissant. Oui ! ces lieux maintenant si déserts, jadis une m
3669
ssaient sans cesse le bruit des arts, et les cris
d’
allégresse et de fête : ces marbres amoncelés formaient des palais rég
3670
se le bruit des arts, et les cris d’allégresse et
de
fête : ces marbres amoncelés formaient des palais réguliers ; ces col
3671
aces publiques. Là, pour les devoirs respectables
de
son culte, pour les soins touchans de sa subsistance, affluait un peu
3672
espectables de son culte, pour les soins touchans
de
sa subsistance, affluait un peuple nombreux : là, une industrie créat
3673
un peuple nombreux : là, une industrie créatrice
de
jouissances appelait les richesses de tous les climats, et l’on voyai
3674
e créatrice de jouissances appelait les richesses
de
tous les climats, et l’on voyait s’échanger la pourpre de Tyr pour le
3675
les climats, et l’on voyait s’échanger la pourpre
de
Tyr pour le fil précieux de la Sérique, les tissus moelleux de Kachem
3676
s’échanger la pourpre de Tyr pour le fil précieux
de
la Sérique, les tissus moelleux de Kachemire, pour les tapis fastueux
3677
e fil précieux de la Sérique, les tissus moelleux
de
Kachemire, pour les tapis fastueux de la Lydie, l’ambre de la Baltiqu
3678
us moelleux de Kachemire, pour les tapis fastueux
de
la Lydie, l’ambre de la Baltique pour les perles et les parfums arabe
3679
ire, pour les tapis fastueux de la Lydie, l’ambre
de
la Baltique pour les perles et les parfums arabes, l’or d’Ophir pour
3680
tique pour les perles et les parfums arabes, l’or
d’
Ophir pour l’étain de Thulé. Et maintenant voilà ce qui subsiste de ce
3681
et les parfums arabes, l’or d’Ophir pour l’étain
de
Thulé. Et maintenant voilà ce qui subsiste de cette ville puissante,
3682
ain de Thulé. Et maintenant voilà ce qui subsiste
de
cette ville puissante, un lugubre squelette ! Voilà ce qui reste d’un
3683
ssante, un lugubre squelette ! Voilà ce qui reste
d’
une vaste domination, un souvenir obscur et vain ! Au concours bruyant
3684
ressait sous ces portiques a succédé une solitude
de
mort. Le silence des tombeaux s’est substitué au murmure des places p
3685
titué au murmure des places publiques. L’opulence
d’
une cité de commerce s’est échangée en une pauvreté hideuse. Les palai
3686
rmure des places publiques. L’opulence d’une cité
de
commerce s’est échangée en une pauvreté hideuse. Les palais des rois
3687
es… Que sont devenus tant de brillantes créations
de
la main de l’homme ? Où sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs de
3688
t devenus tant de brillantes créations de la main
de
l’homme ? Où sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs de Babylonie,
3689
de la main de l’homme ? Où sont-ils ces remparts
de
Ninive, ces murs de Babylonie, ces palais de Persépolis, ces temples
3690
me ? Où sont-ils ces remparts de Ninive, ces murs
de
Babylonie, ces palais de Persépolis, ces temples de Balbeck et de Jér
3691
arts de Ninive, ces murs de Babylonie, ces palais
de
Persépolis, ces temples de Balbeck et de Jérusalem ? Où sont ces flot
3692
Babylonie, ces palais de Persépolis, ces temples
de
Balbeck et de Jérusalem ? Où sont ces flottes de Tyr, ces chantiers d
3693
s palais de Persépolis, ces temples de Balbeck et
de
Jérusalem ? Où sont ces flottes de Tyr, ces chantiers d’Arad, ces ate
3694
de Balbeck et de Jérusalem ? Où sont ces flottes
de
Tyr, ces chantiers d’Arad, ces ateliers de Sidon, et cette multitude
3695
salem ? Où sont ces flottes de Tyr, ces chantiers
d’
Arad, ces ateliers de Sidon, et cette multitude de matelots, de pilote
3696
lottes de Tyr, ces chantiers d’Arad, ces ateliers
de
Sidon, et cette multitude de matelots, de pilotes, de marchands, de s
3697
d’Arad, ces ateliers de Sidon, et cette multitude
de
matelots, de pilotes, de marchands, de soldats ? et ces laboureurs, e
3698
teliers de Sidon, et cette multitude de matelots,
de
pilotes, de marchands, de soldats ? et ces laboureurs, et ces moisson
3699
idon, et cette multitude de matelots, de pilotes,
de
marchands, de soldats ? et ces laboureurs, et ces moissons, et ces tr
3700
multitude de matelots, de pilotes, de marchands,
de
soldats ? et ces laboureurs, et ces moissons, et ces troupeaux, et to
3701
issons, et ces troupeaux, et toute cette création
d’
êtres vivants dont s’enorgueillissait la face de la terre ? Hélas ! je
3702
n d’êtres vivants dont s’enorgueillissait la face
de
la terre ? Hélas ! je l’ai parcourue, cette terre ravagée ! J’ai visi
3703
gée ! J’ai visité les lieux qui furent le théâtre
de
tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude. … Et à c
3704
is le sceptre du monde à des peuples si différens
de
cultes et de mœurs, depuis ceux de l’Asie antique jusqu’aux plus réce
3705
du monde à des peuples si différens de cultes et
de
mœurs, depuis ceux de l’Asie antique jusqu’aux plus récens de l’Europ
3706
s si différens de cultes et de mœurs, depuis ceux
de
l’Asie antique jusqu’aux plus récens de l’Europe, ce nom d’une terre
3707
puis ceux de l’Asie antique jusqu’aux plus récens
de
l’Europe, ce nom d’une terre natale réveilla en moi le sentiment de l
3708
antique jusqu’aux plus récens de l’Europe, ce nom
d’
une terre natale réveilla en moi le sentiment de la patrie ; et tourna
3709
m d’une terre natale réveilla en moi le sentiment
de
la patrie ; et tournant vers elle mes regards, j’arrêtai toutes mes p
3710
r toutes les mers, ses ports couverts des tributs
de
l’une et de l’autre Inde ; et comparant à l’activité de son commerce,
3711
mers, ses ports couverts des tributs de l’une et
de
l’autre Inde ; et comparant à l’activité de son commerce, à l’étendue
3712
ne et de l’autre Inde ; et comparant à l’activité
de
son commerce, à l’étendue de sa navigation, à la richesse de ses monu
3713
mparant à l’activité de son commerce, à l’étendue
de
sa navigation, à la richesse de ses monumens, aux arts et à l’industr
3714
erce, à l’étendue de sa navigation, à la richesse
de
ses monumens, aux arts et à l’industrie de ses habitants, tout ce que
3715
chesse de ses monumens, aux arts et à l’industrie
de
ses habitants, tout ce que l’Égypte et la Syrie purent jadis posséder
3716
ce que l’Égypte et la Syrie purent jadis posséder
de
semblable, je me plaisais à retrouver la splendeur passée de l’Asie d
3717
e, je me plaisais à retrouver la splendeur passée
de
l’Asie dans l’Europe moderne ; mais bientôt le charme de ma rêverie f
3718
ie dans l’Europe moderne ; mais bientôt le charme
de
ma rêverie fut flétri par un dernier terme de comparaison. Réfléchiss
3719
rme de ma rêverie fut flétri par un dernier terme
de
comparaison. Réfléchissant que telle avait été jadis l’activité des l
3720
, me dis-je, si tel ne sera pas un jour l’abandon
de
nos propres contrées ? Qui sait si sur les rives de la Seine, de la T
3721
nos propres contrées ? Qui sait si sur les rives
de
la Seine, de la Tamise ou du Zuydersée, là où maintenant, dans le tou
3722
contrées ? Qui sait si sur les rives de la Seine,
de
la Tamise ou du Zuydersée, là où maintenant, dans le tourbillon de ta
3723
u Zuydersée, là où maintenant, dans le tourbillon
de
tant de jouissances, le cœur et les yeux ne peuvent suffire à la mult
3724
voyageur comme moi ne s’asseoira pas un jour sur
de
muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuple
3725
solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire
de
leur grandeur ?140 Christoph Martin Wieland (1733-1813), à la veill
3726
Christoph Martin Wieland (1733-1813), à la veille
de
la Révolution, exprimera une dernière fois l’idéal des Montesquieu et
3727
olite » : Le cosmopolite obéit à toutes les lois
de
l’État dans lequel il vit, quand celles-ci reflètent manifestement la
3728
t aux autres, il s’y soumet par nécessité. Il est
de
bonne foi à l’endroit de sa nation, mais aussi à l’endroit des autres
3729
’endroit des autres nations ; et il est incapable
de
vouloir fonder le bien-être, la gloire et la grandeur de sa patrie su
3730
oir fonder le bien-être, la gloire et la grandeur
de
sa patrie sur une oppression et une exploitation volontaire des autre
3731
incompatibles avec leur idéal. Ils s’abstiennent
de
faire partie de toute administration d’État qui prescrirait des princ
3732
vec leur idéal. Ils s’abstiennent de faire partie
de
toute administration d’État qui prescrirait des principes contraires
3733
stiennent de faire partie de toute administration
d’
État qui prescrirait des principes contraires à leurs propres maximes.
3734
les différents régimes existants comme autant …
d’
échafaudages pour l’édification de ce temple immortel de la félicité u
3735
comme autant … d’échafaudages pour l’édification
de
ce temple immortel de la félicité universelle, à laquelle, en un cert
3736
faudages pour l’édification de ce temple immortel
de
la félicité universelle, à laquelle, en un certain sens, tous les siè
3737
nt travaillé. La page que l’on va lire, extraite
d’
un ouvrage intitulé Das Geheimnis des Kosmopoliten-Ordens — et qui par
3738
és ceux qui connurent comme il convient la valeur
de
la liberté ; les Grecs le surent et c’est grâce à eux — dont les méri
3739
habitants ont su conserver sur les autres peuples
de
la terre de par un perfectionnement des facultés naturelles de l’homm
3740
e par un perfectionnement des facultés naturelles
de
l’homme toujours plus grand et poussé toujours plus loin. On connaît
3741
oujours plus loin. On connaît bien cet effet issu
de
causes également connues : malgré les progrès très rapides de la civi
3742
alement connues : malgré les progrès très rapides
de
la civilisation dans le domaine des arts et des sciences particulière
3743
tif, à l’industrie, au zèle opiniâtre, à l’esprit
de
compétition que l’homme puise dans la rivalité —, l’art suprême qui s
3744
slation et une direction responsable des affaires
de
l’État est de loin, comparativement, le moins avancé. Dans la plus gr
3745
direction responsable des affaires de l’État est
de
loin, comparativement, le moins avancé. Dans la plus grande et la plu
3746
ancé. Dans la plus grande et la plus belle partie
de
l’Europe, les forces les plus nobles de l’Humanité étouffent encore s
3747
le partie de l’Europe, les forces les plus nobles
de
l’Humanité étouffent encore sous le poids de tous ces résidus de la c
3748
bles de l’Humanité étouffent encore sous le poids
de
tous ces résidus de la constitution barbare, de l’incertitude et des
3749
touffent encore sous le poids de tous ces résidus
de
la constitution barbare, de l’incertitude et des erreurs d’un milléna
3750
s de tous ces résidus de la constitution barbare,
de
l’incertitude et des erreurs d’un millénaire sauvage et sombre. Et ce
3751
titution barbare, de l’incertitude et des erreurs
d’
un millénaire sauvage et sombre. Et cela en Europe, dans un siècle où
3752
ilisation et le raffinement ont gravi, en un laps
de
temps relativement court, tant d’échelons, que ce n’est pas sans une
3753
avi, en un laps de temps relativement court, tant
d’
échelons, que ce n’est pas sans une sorte de vertige qu’on regarde les
3754
tant d’échelons, que ce n’est pas sans une sorte
de
vertige qu’on regarde les siècles précédents. Mais après ces étapes i
3755
sive et, en fin de compte, irrésistible puissance
de
la raison ; bref, une révolution qui, sans souiller l’Europe de sang,
3756
bref, une révolution qui, sans souiller l’Europe
de
sang, ni mettre partout le feu, saura n’être qu’une œuvre toute simpl
3757
nt leurs droits et leurs devoirs, quel est le but
de
leur existence et quels sont les moyens qui permettront d’atteindre s
3758
xistence et quels sont les moyens qui permettront
d’
atteindre sûrement et immanquablement ce but. En 1796, Wieland lui-mê
3759
t années qui se sont écoulées depuis la rédaction
de
cet essai, d’une manière telle que tous nos concitoyens ne peuvent pl
3760
e sont écoulées depuis la rédaction de cet essai,
d’
une manière telle que tous nos concitoyens ne peuvent plus guère consi
3761
mêmes par le passé, du moins quand ils agissaient
de
concert, en grande foule. Il est admirable que le démenti sanglant i
3762
à son idéal cosmopolite n’ait pas empêché Wieland
de
poursuivre le projet d’une association des peuples européens. C’est a
3763
n’ait pas empêché Wieland de poursuivre le projet
d’
une association des peuples européens. C’est ainsi que dans ses Gesprä
3764
rançais qu’il nomme « Frankgall » : À quel degré
de
perfection et de bien-être les peuples d’Europe ne parviendraient-ils
3765
me « Frankgall » : À quel degré de perfection et
de
bien-être les peuples d’Europe ne parviendraient-ils, avec nous ou in
3766
l degré de perfection et de bien-être les peuples
d’
Europe ne parviendraient-ils, avec nous ou indépendamment de nous, s’i
3767
e parviendraient-ils, avec nous ou indépendamment
de
nous, s’ils renonçaient définitivement à tous ces résidus honteux de
3768
nçaient définitivement à tous ces résidus honteux
de
la vieille barbarie, à cette sanguinaire haine de nation à nation, au
3769
de la vieille barbarie, à cette sanguinaire haine
de
nation à nation, au bas préjugé, à ce bonheur étranger qu’on veut ass
3770
assurer au détriment du nôtre à toutes ces ruses
d’
épicier et tours de coupeur de bourse que l’on nommait autrefois polit
3771
nt du nôtre à toutes ces ruses d’épicier et tours
de
coupeur de bourse que l’on nommait autrefois politique et qui ne trom
3772
à toutes ces ruses d’épicier et tours de coupeur
de
bourse que l’on nommait autrefois politique et qui ne trompent plus p
3773
rraient atteindre ce résultat par une association
de
peuples, constituée sans tenir compte de cette variété des formes de
3774
ociation de peuples, constituée sans tenir compte
de
cette variété des formes de gouvernement peu importante dans le fond
3775
uée sans tenir compte de cette variété des formes
de
gouvernement peu importante dans le fond ; et ainsi serait créée et o
3776
ans le fond ; et ainsi serait créée et organisée,
de
façon durable, une communauté d’États européenne. Quelques années pl
3777
ée et organisée, de façon durable, une communauté
d’
États européenne. Quelques années plus tard, en 1806, Wieland exposer
3778
ra encore dans sa revue Teutscher Merkur, un plan
de
Tribunal européen, comptant cette fois-ci sur Napoléon pour le réalis
3779
frapper… 136. W. Robertson : Histoire du règne
de
l’empereur Charles-Quint. Tableau des progrès de la Société en Europe
3780
de l’empereur Charles-Quint. Tableau des progrès
de
la Société en Europe, depuis la destruction de l’Empire romain jusqu’
3781
ès de la Société en Europe, depuis la destruction
de
l’Empire romain jusqu’au commencement du xvie siècle. — Traduction f
3782
III, p. 168, 169. 138. Edward Gibbon : Histoire
de
la décadence et de la chute de l’Empire romain, Éd. A. Desrez, Paris.
3783
138. Edward Gibbon : Histoire de la décadence et
de
la chute de l’Empire romain, Éd. A. Desrez, Paris. Tome I. Observatio
3784
Gibbon : Histoire de la décadence et de la chute
de
l’Empire romain, Éd. A. Desrez, Paris. Tome I. Observations générales
3785
miné qu’en 1787, à Lausanne. 139. « Je parlerai…
de
la réunion des savants du globe en une république universelle des sci
3786
. » Fragment sur l’Atlantide, ou efforts combinés
de
l’Espèce humaine pour le Progrès des Sciences. 140. Les Ruines, par
3787
Amérique décidait du sien. Elle devenait l’avenir
de
l’Europe, ou du moins l’avenir de ces Européens qui désespéraient de
3788
venait l’avenir de l’Europe, ou du moins l’avenir
de
ces Européens qui désespéraient de réussir sur leur sol l’union néces
3789
moins l’avenir de ces Européens qui désespéraient
de
réussir sur leur sol l’union nécessaire. C’est ce que Benjamin Frankl
3790
(1706-1790) a bien su voir et dire dans une série
de
lettres écrites de Paris à ses compatriotes : Toute l’Europe est gag
3791
su voir et dire dans une série de lettres écrites
de
Paris à ses compatriotes : Toute l’Europe est gagnée à notre cause (
3792
te l’Europe est gagnée à notre cause (la création
de
l’Union des États indépendants américains), elle applaudit à nos effo
3793
, elle applaudit à nos efforts et nous accompagne
de
ses vœux. Les hommes qui vivent sous le joug du pouvoir arbitraire n’
3794
nt pas moins la liberté : ils désespèrent presque
de
voir jamais le rétablissement de l’Europe et lisent avec impatience t
3795
espèrent presque de voir jamais le rétablissement
de
l’Europe et lisent avec impatience tout ce que l’on écrit sur l’établ
3796
tience tout ce que l’on écrit sur l’établissement
de
constitutions indépendantes dans notre continent. On rencontre partou
3797
dantes dans notre continent. On rencontre partout
d’
innombrables personnes qui envisagent de se rendre en Amérique avec le
3798
e partout d’innombrables personnes qui envisagent
de
se rendre en Amérique avec leurs familles et leurs fortunes, dès que
3799
n peut généralement escompter que les émigrations
de
l’Europe nous vaudront un surcroît de puissance, de richesse et de sc
3800
émigrations de l’Europe nous vaudront un surcroît
de
puissance, de richesse et de science. L’idée se répand de plus en plu
3801
l’Europe nous vaudront un surcroît de puissance,
de
richesse et de science. L’idée se répand de plus en plus que les régi
3802
vaudront un surcroît de puissance, de richesse et
de
science. L’idée se répand de plus en plus que les régimes tyranniques
3803
ir en Europe devront s’assouplir et accorder plus
de
libertés aux peuples, s’ils veulent diminuer l’ampleur des émigration
3804
que tous les milieux que notre cause est la cause
de
tout le genre humain, et qu’en défendant notre liberté, nous combatto
3805
pour la remplir et qu’elle couronnera nos efforts
de
succès.141 Et tandis que l’Europe intellectuelle, négligée par les
3806
e par les grands politiques, accumulait les plans
d’
union mais n’en réalisait aucun, l’Amérique, elle, se fédérait. Ses ho
3807
ses idées étaient européennes. Elle ne se sépara
de
la mère patrie que sur la seule question de la réalisation de ces idé
3808
épara de la mère patrie que sur la seule question
de
la réalisation de ces idées. Or à ce point, intérêts précis entraient
3809
atrie que sur la seule question de la réalisation
de
ces idées. Or à ce point, intérêts précis entraient en jeu, et comme
3810
hommes d’État européens se révélaient incapables
de
les prendre au sérieux, il n’y eut pas convergence mais conflit. Cert
3811
s convergence mais conflit. Certes, les pionniers
de
l’Union américaine n’opposaient à l’Europe que les principes formulés
3812
Or il faut voir que si cette colonie a trouvé bon
de
mettre un terme à la désunion de ses États, c’est aussi pour se rendr
3813
nie a trouvé bon de mettre un terme à la désunion
de
ses États, c’est aussi pour se rendre indépendante « de tout contrôle
3814
États, c’est aussi pour se rendre indépendante «
de
tout contrôle et de toute influence européenne ». Citons une page du
3815
pour se rendre indépendante « de tout contrôle et
de
toute influence européenne ». Citons une page du Federalist, qui ne m
3816
itons une page du Federalist, qui ne manquera pas
de
suggérer aujourd’hui l’idée d’un nouveau retour des choses… The Fede
3817
ui ne manquera pas de suggérer aujourd’hui l’idée
d’
un nouveau retour des choses… The Federalist est un recueil de 85 art
3818
retour des choses… The Federalist est un recueil
de
85 articles de journaux écrits pour défendre la Constitution votée pa
3819
es… The Federalist est un recueil de 85 articles
de
journaux écrits pour défendre la Constitution votée par la Convention
3820
eptembre 1787. Ce plaidoyer est adressé au peuple
de
l’État de New York par Alexander Hamilton, John Jay et James Madison.
3821
e considérable jusqu’à nos jours. Les publicistes
d’
Amérique, les professeurs et les étudiants, les juges de la Cour suprê
3822
ique, les professeurs et les étudiants, les juges
de
la Cour suprême, y voient avec raison le premier commentaire de la Co
3823
rême, y voient avec raison le premier commentaire
de
la Constitution fédérale, et l’un des monuments de la science politiq
3824
e la Constitution fédérale, et l’un des monuments
de
la science politique. Le texte que nous citons est de Hamilton, et il
3825
a science politique. Le texte que nous citons est
de
Hamilton, et il est extrait du chapitre XI : Le monde peut être divi
3826
vée l’a disposée à se regarder comme la Maîtresse
de
l’univers, et à croire le reste du genre humain créé pour son utilité
3827
créé pour son utilité. Des hommes, admirés comme
de
grands philosophes, ont positivement attribué à ses habitants une sup
3828
érique ; que les chiens même perdaient la faculté
d’
aboyer, après avoir respiré quelque temps dans notre atmosphère. Les f
3829
s des Européens. C’est à nous à relever l’honneur
de
la race humaine et à faire connaître la modération à ces frères usurp
3830
son triomphe. Que les Américains se lassent enfin
d’
être les instruments de la grandeur européenne ! Que les Treize-États,
3831
méricains se lassent enfin d’être les instruments
de
la grandeur européenne ! Que les Treize-États, réunis dans une étroit
3832
et indissoluble Union, concourent à la formation
d’
un grand système américain qui soit au-dessus du contrôle de toute for
3833
système américain qui soit au-dessus du contrôle
de
toute force ou de toute influence européenne, et qui lui permette de
3834
qui soit au-dessus du contrôle de toute force ou
de
toute influence européenne, et qui lui permette de dicter les termes
3835
e toute influence européenne, et qui lui permette
de
dicter les termes des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde !
3836
Monde ! 141. Benjamin Franklin, Lettre écrite
de
Paris, 1777.
3837
Révolution française et l’Europe Les illusions
d’
un Wieland n’ont-elles pas été partagées par ceux-là mêmes qui donnère
3838
’éloquence « cosmopolite » et « philanthropique »
d’
un Mirabeau, d’un Robespierre, est certainement sincère. Mais comme el
3839
smopolite » et « philanthropique » d’un Mirabeau,
d’
un Robespierre, est certainement sincère. Mais comme elle change vite
3840
certainement sincère. Mais comme elle change vite
de
registre quand il s’agit de reconnaître que l’idéal qu’elle exalte ne
3841
omme elle change vite de registre quand il s’agit
de
reconnaître que l’idéal qu’elle exalte ne saurait entrer dans l’Histo
3842
nfondant avec les intérêts ou la survie militaire
d’
une nation ! Partie pour instaurer la fraternité mondiale et « la soci
3843
on va se voir rapidement entraînée dans une suite
de
guerres qui créeront le nationalisme moderne. Une déclaration de Mira
3844
créeront le nationalisme moderne. Une déclaration
de
Mirabeau, le 25 août 1790, annonce, par le coup de frein des derniers
3845
e Mirabeau, le 25 août 1790, annonce, par le coup
de
frein des derniers mots, cette dramatique évolution : La France aura
3846
matique évolution : La France aura-t-elle besoin
d’
alliés, lorsqu’elle n’aura plus d’ennemis ? Il n’est pas loin de nous
3847
a-t-elle besoin d’alliés, lorsqu’elle n’aura plus
d’
ennemis ? Il n’est pas loin de nous peut-être, ce moment où la liberté
3848
sans rivale sur les deux mondes, réalisera le vœu
de
la philosophie, absoudra l’espèce humaine du crime de la guerre et pr
3849
a philosophie, absoudra l’espèce humaine du crime
de
la guerre et proclamera la paix universelle ; alors le bonheur des pe
3850
eront plus par des querelles sanglantes les nœuds
de
la fraternité qui doivent unir tous les gouvernements et tous les hom
3851
et tous les hommes ; alors se consommera le pacte
de
la fédération du genre humain ; mais avouons-le à regret, ces considé
3852
r la guerre, qu’elle mène au nom de la liberté et
de
la paix universelle. Robespierre l’a dit en une phrase dans son disco
3853
du 15 mai 1790 à l’Assemblée nationale : Il est
de
l’intérêt des nations de protéger la nation française, parce que c’es
3854
blée nationale : Il est de l’intérêt des nations
de
protéger la nation française, parce que c’est de la France que doit p
3855
de protéger la nation française, parce que c’est
de
la France que doit partir la liberté et le bonheur du monde. Il faut
3856
us tard, le 9 novembre 1792, la Convention décide
de
célébrer les victoires de l’armée de la Liberté par une « fête de l’H
3857
2, la Convention décide de célébrer les victoires
de
l’armée de la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud c
3858
ntion décide de célébrer les victoires de l’armée
de
la Liberté par une « fête de l’Humanité », que Vergniaud célèbre en c
3859
victoires de l’armée de la Liberté par une « fête
de
l’Humanité », que Vergniaud célèbre en ces termes : Chantez donc, ch
3860
Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle
de
l’humanité. Il a péri des hommes ; mais c’est pour qu’il n’en périsse
3861
ernité universelle que vous allez établir, chacun
de
vos combats sera un pas de fait vers la paix, l’humanité et le bonheu
3862
allez établir, chacun de vos combats sera un pas
de
fait vers la paix, l’humanité et le bonheur des peuples. Déjà, le Pa
3863
5 décembre 1791, cet appel à la « guerre sainte »
de
la Raison anticléricale : La guerre ! la guerre ! tel est le cri de
3864
éricale : La guerre ! la guerre ! tel est le cri
de
tous les patriotes, tel est le vœu de tous les amis de la liberté rép
3865
est le cri de tous les patriotes, tel est le vœu
de
tous les amis de la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui
3866
us les patriotes, tel est le vœu de tous les amis
de
la liberté répandus sur la surface de l’Europe, qui n’attendent plus
3867
us les amis de la liberté répandus sur la surface
de
l’Europe, qui n’attendent plus que cette heureuse diversion pour atta
3868
m du genre humain dont il n’a jamais mieux mérité
d’
être appelé l’ami. C’est en effet à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Clo
3869
à Jean-Baptiste, dit Anacharsis Cloots, Prussien
de
naissance, mais aristocrate hollandais d’ascendance, qu’il appartiend
3870
russien de naissance, mais aristocrate hollandais
d’
ascendance, qu’il appartiendra de formuler de la manière la plus théât
3871
crate hollandais d’ascendance, qu’il appartiendra
de
formuler de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révol
3872
dais d’ascendance, qu’il appartiendra de formuler
de
la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire de la Révolution, étend
3873
de la manière la plus théâtrale l’idéal unitaire
de
la Révolution, étendu à un genre humain totalement « nivelé » par les
3874
n genre humain totalement « nivelé » par les lois
de
la Liberté. Cloots, lui aussi, est parti de l’idéal cosmopolite. Il s
3875
lois de la Liberté. Cloots, lui aussi, est parti
de
l’idéal cosmopolite. Il s’écrie dans son discours du 13 juin 1790 :
3876
, ni vaincus, ni vainqueurs… L’Océan sera couvert
de
navires qui formeront un superbe pont de communication, et les grande
3877
couvert de navires qui formeront un superbe pont
de
communication, et les grandes routes de France se prolongeront jusqu’
3878
erbe pont de communication, et les grandes routes
de
France se prolongeront jusqu’aux confins de la Chine. On ira en poste
3879
outes de France se prolongeront jusqu’aux confins
de
la Chine. On ira en poste de Paris à Pékin, comme de Bordeaux à Stras
3880
nt jusqu’aux confins de la Chine. On ira en poste
de
Paris à Pékin, comme de Bordeaux à Strasbourg, sans que rien ne nous
3881
la Chine. On ira en poste de Paris à Pékin, comme
de
Bordeaux à Strasbourg, sans que rien ne nous arrête, ni barrières, ni
3882
ailles, ni commis, ni chasseurs. Il n’y aura plus
de
déserts ; toute la terre sera un jardin. L’Orient et l’Occident s’emb
3883
n. L’Orient et l’Occident s’embrasseront au champ
de
la Fédération. Et il ajoute, dans le même sens, le 26 avril 1793 :
3884
le bon sens et le bonheur ; elle coupe les canaux
de
la prospérité universelle ; sa Constitution, manquant par la base, se
3885
t en effet dans ces termes : Nous ne voulons pas
d’
autre maître que l’expression de la volonté générale, absolue, suprême
3886
us ne voulons pas d’autre maître que l’expression
de
la volonté générale, absolue, suprême. Or, si je rencontre sur la ter
3887
sel, je m’y oppose ; cette résistance est un état
de
guerre et de servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera jus
3888
ppose ; cette résistance est un état de guerre et
de
servitude dont le genre humain, l’être suprême, fera justice tôt ou t
3889
ra qu’un seul corps, la nation unique… La commune
de
Paris sera le point de réunion, le fanal central de la communauté uni
3890
nation unique… La commune de Paris sera le point
de
réunion, le fanal central de la communauté universelle. Il pense qu’
3891
Paris sera le point de réunion, le fanal central
de
la communauté universelle. Il pense qu’il ne serait pas difficile de
3892
verselle. Il pense qu’il ne serait pas difficile
de
régir le monde à partir de Paris : Quand un Lama de Rome et un Lama
3893
régir le monde à partir de Paris : Quand un Lama
de
Rome et un Lama de la Mecque donnent des lois aux Péruviens et aux Ma
3894
rtir de Paris : Quand un Lama de Rome et un Lama
de
la Mecque donnent des lois aux Péruviens et aux Malais ; quand des ma
3895
aux Péruviens et aux Malais ; quand des marchands
d’
Amsterdam et de Londres dominent sur le Bengale et les Moluques, je co
3896
t aux Malais ; quand des marchands d’Amsterdam et
de
Londres dominent sur le Bengale et les Moluques, je conçois la facili
3897
le fédéraliste lui paraît réactionnaire : Nombre
d’
écrivains politiques ont présenté des projets de paix perpétuelle, de
3898
e d’écrivains politiques ont présenté des projets
de
paix perpétuelle, de confédérations d’États, de nations ; mais aucun
3899
ues ont présenté des projets de paix perpétuelle,
de
confédérations d’États, de nations ; mais aucun homme ne s’est élevé
3900
es projets de paix perpétuelle, de confédérations
d’
États, de nations ; mais aucun homme ne s’est élevé au véritable princ
3901
s de paix perpétuelle, de confédérations d’États,
de
nations ; mais aucun homme ne s’est élevé au véritable principe de l’
3902
aucun homme ne s’est élevé au véritable principe
de
l’unité souveraine, de la confédération individuelle. Au nom — pour
3903
levé au véritable principe de l’unité souveraine,
de
la confédération individuelle. Au nom — pour le moins paradoxal — de
3904
individuelle. Au nom — pour le moins paradoxal —
de
cette « confédération individuelle », Cloots dépose en conclusion le
3905
viduelle », Cloots dépose en conclusion le Projet
de
décret suivant : La Convention nationale voulant mettre un terme au
3906
es des droits de l’homme : Art. I. — Il n’y a pas
d’
autre souverain que le genre humain. Art. II. — Tout individu, toute c
3907
oîtra ce principe lumineux et immuable, sera reçu
de
droit dans notre association fraternelle, dans la République des Homm
3908
Universels. Art. III. — À défaut de contiguïté ou
de
communication maritime, on attendra la propagation de la vérité, pour
3909
ommunication maritime, on attendra la propagation
de
la vérité, pour admettre les communes, et les enclaves lointaines. M
3910
r ce Projet fantastique en adjurant la Convention
de
revenir à la « réalité » : Laissons aux philosophes, laissons-leur l
3911
Laissons aux philosophes, laissons-leur le soin
d’
examiner l’humanité sous tous les rapports : nous ne sommes pas les re
3912
du genre humain. Je veux donc que le législateur
de
la France oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que de son pa
3913
oublie un instant l’univers pour ne s’occuper que
de
son pays ; je veux cette espèce d’égoïsme national sans lequel nous t
3914
s’occuper que de son pays ; je veux cette espèce
d’
égoïsme national sans lequel nous trahirons nos devoirs, sans lequel n
3915
mmes libres ; mais j’aime mieux les hommes libres
de
la France que tous les autres hommes de l’univers. Le refus jacobin
3916
es libres de la France que tous les autres hommes
de
l’univers. Le refus jacobin de la formule fédéraliste, tant pour la
3917
les autres hommes de l’univers. Le refus jacobin
de
la formule fédéraliste, tant pour la France que pour l’Europe, le dél
3918
tant pour la France que pour l’Europe, le délire
d’
unité universelle nivelée et centralisée, devait conduire la Révolutio
3919
n, par une nécessité concrète, à la négation même
de
ses premiers principes : à l’« égoïsme national », au nationalisme ag
3920
sez souligner l’importance décisive pour l’Europe
de
cette évolution de la pensée politique et du vocabulaire français. Le
3921
ortance décisive pour l’Europe de cette évolution
de
la pensée politique et du vocabulaire français. Les girondins qui se
3922
ot, si l’on en croit le dictionnaire étymologique
de
Warburg — furent dénoncés par les jacobins comme traîtres à la Patrie
3923
nçais et des Européens qui tiennent à se réclamer
de
la Révolution et de la tradition jacobine. D’où le malentendu permane
3924
ns qui tiennent à se réclamer de la Révolution et
de
la tradition jacobine. D’où le malentendu permanent qui les oppose dè
3925
mer de la Révolution et de la tradition jacobine.
D’
où le malentendu permanent qui les oppose dès cette date, aux démocrat
3926
monde anglo-saxon et des petits pays. Un Français
d’
aujourd’hui, s’il tient à s’assurer du sens de ce mot décrié, recourt
3927
ais d’aujourd’hui, s’il tient à s’assurer du sens
de
ce mot décrié, recourt au dictionnaire Littré, et lit ceci à l’articl
3928
dant la révolution, projet attribué aux girondins
de
rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédératio
3929
ibué aux girondins de rompre l’unité nationale et
de
transformer la France en une fédération de petits États. — Aux jacobi
3930
ale et de transformer la France en une fédération
de
petits États. — Aux jacobins, on agita gravement la question du fédér
3931
mille fureurs contre les girondins, Thiers, Hist.
de
la Rév.
3932
2.Plans
d’
union européenne contemporains de la Révolution En dépit des nombreu
3933
2.Plans d’union européenne contemporains
de
la Révolution En dépit des nombreuses déclamations des conventionne
3934
déclamations des conventionnels invoquant le nom
de
l’Europe, pas un seul plan sérieux d’union continentale n’est sorti d
3935
uant le nom de l’Europe, pas un seul plan sérieux
d’
union continentale n’est sorti de la Révolution, du moins en France et
3936
eul plan sérieux d’union continentale n’est sorti
de
la Révolution, du moins en France et cela s’explique. L’explosion pas
3937
ique. L’explosion passionnelle a jeté ses acteurs
de
l’utopie du « genre humain » à l’idéal nationaliste en sautant le sta
3938
l’idéal nationaliste en sautant le stade réaliste
de
la fédération de l’Europe. Le résidu concret du phénomène sera la « n
3939
ste en sautant le stade réaliste de la fédération
de
l’Europe. Le résidu concret du phénomène sera la « nationalisation »
3940
euples. Le « qui veut faire l’ange fait la bête »
de
Pascal se traduit ici par « qui veut le Monde abstrait fait la nation
3941
smoulins écrivait : Nous avons arraché les haies
de
division qui séparaient les Français entre eux, et déjà il n’y a plus
3942
ent les Français entre eux, et déjà il n’y a plus
de
provinces ; espérons que bientôt la division des royaumes ne sera plu
3943
e, qu’on appellera le genre humain. Le processus
de
nivellement des diversités régionales, préconisé par cette déclaratio
3944
omme que l’Europe, comme le faisaient les auteurs
d’
avant la Renaissance lorsqu’ils parlaient de la « chrétienté ». Mais p
3945
teurs d’avant la Renaissance lorsqu’ils parlaient
de
la « chrétienté ». Mais précisément ce défaut de perspective historiq
3946
de la « chrétienté ». Mais précisément ce défaut
de
perspective historique l’empêche de voir les caractères spécifiques d
3947
ent ce défaut de perspective historique l’empêche
de
voir les caractères spécifiques de l’ensemble Europe dans le monde. H
3948
ique l’empêche de voir les caractères spécifiques
de
l’ensemble Europe dans le monde. Hors du drame de Paris, on les disti
3949
de l’ensemble Europe dans le monde. Hors du drame
de
Paris, on les distingue mieux. Les plans d’union de l’Anglais Bentham
3950
drame de Paris, on les distingue mieux. Les plans
d’
union de l’Anglais Bentham, de l’Italien E. L’Aurora, des Allemands Ka
3951
Paris, on les distingue mieux. Les plans d’union
de
l’Anglais Bentham, de l’Italien E. L’Aurora, des Allemands Kant et Ge
3952
ue mieux. Les plans d’union de l’Anglais Bentham,
de
l’Italien E. L’Aurora, des Allemands Kant et Gentz, seront expresséme
3953
logique qu’exprime la Révolution, ils s’efforcent
de
rejoindre les réalités concrètes qu’il s’agirait maintenant d’organis
3954
les réalités concrètes qu’il s’agirait maintenant
d’
organiser. Jeremy Bentham (1747-1832) fut décrété citoyen français par
3955
é citoyen français par la Convention à l’occasion
d’
un grand discours contre le colonialisme. Il n’a pas seulement lié son
3956
sme. Il n’a pas seulement lié son nom au principe
de
l’utilitarisme : il a lancé l’idée d’une législation internationale d
3957
au principe de l’utilitarisme : il a lancé l’idée
d’
une législation internationale dans ses Principles of International La
3958
des Objets et des Sujets du droit international,
de
la Guerre et de la Paix. C’est dans le quatrième essai, « A Plan for
3959
es Sujets du droit international, de la Guerre et
de
la Paix. C’est dans le quatrième essai, « A Plan for an Universal and
3960
e Bentham aborde la question européenne. Le champ
de
son ambition est le monde, annonce-t-il. Mais les mesures qu’il propo
3961
seule compte, avec la France, et ce qu’il va dire
de
l’une vaudra pour l’autre142. L’objet du présent essai est de soumet
3962
ra pour l’autre142. L’objet du présent essai est
de
soumettre au monde un plan de paix universel et perpétuel. Le Globe e
3963
u présent essai est de soumettre au monde un plan
de
paix universel et perpétuel. Le Globe est l’aire de l’influence à laq
3964
paix universel et perpétuel. Le Globe est l’aire
de
l’influence à laquelle aspire l’auteur, — la Presse son instrument, e
3965
t, et le seul auquel il ait recours, — le Cabinet
de
l’Humanité le théâtre de son intrigue. Le plan qui suit se fonde sur
3966
it recours, — le Cabinet de l’Humanité le théâtre
de
son intrigue. Le plan qui suit se fonde sur deux propositions fondame
3967
ns fondamentales : 1. La réduction et la fixation
de
la force des différentes nations qui composent le système européen ;
3968
en ; 2. l’émancipation des dépendances lointaines
de
chaque État. Chacune de ces propositions possède ses avantages distin
3969
es dépendances lointaines de chaque État. Chacune
de
ces propositions possède ses avantages distincts ; mais ni l’une ni l
3970
une ni l’autre, comme on le verra, ne permettrait
d’
atteindre seule le but recherché Quant à l’utilité d’une paix universe
3971
tteindre seule le but recherché Quant à l’utilité
d’
une paix universelle et durable, moyennant un plan praticable à cet ef
3972
un plan praticable à cet effet, et qui ait chance
d’
être adopté, il ne saurait y avoir qu’une voix. La seule objection pos
3973
tel que toute proposition dans ce sens mériterait
d’
être tenue pour visionnaire et ridicule. Je m’appliquerai tout d’abord
3974
cette objection, car il se peut que la réduction
d’
un tel préjugé soit nécessaire pour que le plan reçoive audience. Quoi
3975
écessaire pour que le plan reçoive audience. Quoi
de
mieux fait, pour préparer les esprits à recevoir une proposition de c
3976
r préparer les esprits à recevoir une proposition
de
ce genre, que la proposition elle-même ? Et qu’on ne m’objecte pas qu
3977
entreprendre ce qui peut les faire mûrir. Un plan
de
cette nature est de ceux qui ne viennent jamais trop tôt, ni trop tar
3978
peut les faire mûrir. Un plan de cette nature est
de
ceux qui ne viennent jamais trop tôt, ni trop tard. … Les feuillets q
3979
feuillets qui suivent sont dédiés au bien commun
de
toutes les nations civilisées, mais plus particulièrement à celui de
3980
ns civilisées, mais plus particulièrement à celui
de
la Grande-Bretagne et de la France. Leur but est de promouvoir trois
3981
particulièrement à celui de la Grande-Bretagne et
de
la France. Leur but est de promouvoir trois grands objets : — la simp
3982
la Grande-Bretagne et de la France. Leur but est
de
promouvoir trois grands objets : — la simplicité du gouvernement, la
3983
nationale, et la paix. La réflexion m’a convaincu
de
la vérité des propositions suivantes : I. Qu’il n’est pas de l’intérê
3984
é des propositions suivantes : I. Qu’il n’est pas
de
l’intérêt de la Grande-Bretagne d’avoir des dépendances lointaines, q
3985
tions suivantes : I. Qu’il n’est pas de l’intérêt
de
la Grande-Bretagne d’avoir des dépendances lointaines, quelles qu’ell
3986
u’il n’est pas de l’intérêt de la Grande-Bretagne
d’
avoir des dépendances lointaines, quelles qu’elles soient. II Qu’il n’
3987
ines, quelles qu’elles soient. II Qu’il n’est pas
de
l’intérêt de la Grande-Bretagne d’avoir des traités d’alliance, offen
3988
qu’elles soient. II Qu’il n’est pas de l’intérêt
de
la Grande-Bretagne d’avoir des traités d’alliance, offensive ou défen
3989
u’il n’est pas de l’intérêt de la Grande-Bretagne
d’
avoir des traités d’alliance, offensive ou défensive, avec quelque pui
3990
intérêt de la Grande-Bretagne d’avoir des traités
d’
alliance, offensive ou défensive, avec quelque puissance que ce soit.
3991
elque puissance que ce soit. III. Qu’il n’est pas
de
l’intérêt de la Grande-Bretagne d’avoir aucun traité, avec quelque pu
3992
ce que ce soit. III. Qu’il n’est pas de l’intérêt
de
la Grande-Bretagne d’avoir aucun traité, avec quelque puissance que c
3993
u’il n’est pas de l’intérêt de la Grande-Bretagne
d’
avoir aucun traité, avec quelque puissance que ce soit, aux fins de s’
3994
porte quelle autre puissance. IV. Qu’il n’est pas
de
l’intérêt de la Grande-Bretagne d’entretenir aucune force navale excé
3995
autre puissance. IV. Qu’il n’est pas de l’intérêt
de
la Grande-Bretagne d’entretenir aucune force navale excédant celle qu
3996
u’il n’est pas de l’intérêt de la Grande-Bretagne
d’
entretenir aucune force navale excédant celle qui lui suffit pour défe
3997
n commerce contre les pirates. V. Qu’il n’est pas
de
l’intérêt de la Grande-Bretagne de garder en vigueur quelque ordonnan
3998
ntre les pirates. V. Qu’il n’est pas de l’intérêt
de
la Grande-Bretagne de garder en vigueur quelque ordonnance que ce soi
3999
u’il n’est pas de l’intérêt de la Grande-Bretagne
de
garder en vigueur quelque ordonnance que ce soit visant à l’augmentat
4000
ue ce soit visant à l’augmentation ou au maintien
de
ses forces navales au loin, telles que l’Acte de Navigation, les prim
4001
de ses forces navales au loin, telles que l’Acte
de
Navigation, les primes au commerce avec le Groënland, et autres dispo
4002
ement vrai pour la France. XI. Que l’accord total
de
la Grande-Bretagne et de la France étant supposé acquis, les principa
4003
. XI. Que l’accord total de la Grande-Bretagne et
de
la France étant supposé acquis, les principales difficultés d’un plan
4004
étant supposé acquis, les principales difficultés
d’
un plan de pacification générale et permanente pour toute l’Europe ser
4005
osé acquis, les principales difficultés d’un plan
de
pacification générale et permanente pour toute l’Europe seraient écar
4006
fs des troupes entretenues. XIII. Que le maintien
de
cette pacification serait considérablement facilité par l’institution
4007
erait considérablement facilité par l’institution
d’
une Cour de Justice commune pour régler les différends entre nations,
4008
dérablement facilité par l’institution d’une Cour
de
Justice commune pour régler les différends entre nations, encore qu’u
4009
, encore qu’une telle Cour n’ait pas à être dotée
de
pouvoirs de coercition. XIV. Que le secret des opérations du ministèr
4010
une telle Cour n’ait pas à être dotée de pouvoirs
de
coercition. XIV. Que le secret des opérations du ministère des Affair
4011
ent inutile, et au surplus contraire aux intérêts
de
la liberté comme à ceux de la paix. Après avoir discuté tambour batt
4012
contraire aux intérêts de la liberté comme à ceux
de
la paix. Après avoir discuté tambour battant les douze premiers arti
4013
scuté tambour battant les douze premiers articles
de
son plan, Bentham remarque au sujet du treizième : Établissez un Tri
4014
: Établissez un Tribunal commun, et la nécessité
de
faire la guerre ne résultera plus des différences d’opinion. Juste ou
4015
faire la guerre ne résultera plus des différences
d’
opinion. Juste ou non, la sentence des arbitres sauvera l’honneur et l
4016
tence des arbitres sauvera l’honneur et le crédit
de
la partie plaignante. Peut-on vraiment traiter de visionnaire un tel
4017
de la partie plaignante. Peut-on vraiment traiter
de
visionnaire un tel arrangement, une fois prouvé à son sujet que : 1.
4018
ou la Ligue helvétique ? Ces dernières n’ont pas
d’
ambitions. Qu’il en soit donc ainsi ; mais n’est-ce pas déjà le cas de
4019
ventions ? L’un des principaux objets du plan est
d’
effectuer une réduction — et très considérable — des dépenses des peup
4020
nsidérable — des dépenses des peuples. Le montant
de
cette réduction, pour chaque nation, devrait être stipulé par le Trai
4021
ratification du Traité par les différents États.
De
cette manière, la masse des peuples, qui est la partie la plus exposé
4022
des préventions, ne serait pas plus tôt informée
de
la ratification du Traité qu’elle en sentirait les bienfaits. Ils ver
4023
aire reconnaître et circuler dans toute l’étendue
de
chaque État ; 3, après un certain délai, à mettre l’État réfractaire
4024
certain délai, à mettre l’État réfractaire au ban
de
l’Europe. Il ne serait peut-être pas mauvais de fixer le contingent q
4025
n de l’Europe. Il ne serait peut-être pas mauvais
de
fixer le contingent que les différents États devraient fournir pour d
4026
force aux décrets du Tribunal. Mais la nécessité
de
recourir à cette ultime ressource serait, en toute probabilité suppri
4027
l’expédient beaucoup plus simple et moins onéreux
d’
une clause introduite dans l’instrument créant la Cour, et garantissan
4028
rument créant la Cour, et garantissant la liberté
de
la presse dans chaque État… Le reste de l’essai est occupé par une l
4029
liberté de la presse dans chaque État… Le reste
de
l’essai est occupé par une longue polémique contre le secret diplomat
4030
ècle, ait su voir à la fois l’importance décisive
d’
une presse libre, et les dangers d’une telle liberté lorsqu’elle n’est
4031
tance décisive d’une presse libre, et les dangers
d’
une telle liberté lorsqu’elle n’est inspirée que par l’égoïsme nationa
4032
que par l’égoïsme national, sacralisé sous le nom
de
« patriotisme » : La voix de la nation ne peut se faire entendre que
4033
cralisé sous le nom de « patriotisme » : La voix
de
la nation ne peut se faire entendre que par les journaux. Mais sur ce
4034
tenus pour criminels ou vicieux dans la poursuite
d’
intérêts individuels, se voient aussitôt sublimés et qualifiés de vert
4035
viduels, se voient aussitôt sublimés et qualifiés
de
vertueux, dans la poursuite d’intérêts nationaux. Que celui qui a jam
4036
limés et qualifiés de vertueux, dans la poursuite
d’
intérêts nationaux. Que celui qui a jamais lu un journal anglais ose d
4037
rer qu’il n’en va pas ainsi ! Et là-dessus, point
de
différences entre les partis. Quelque opposés qu’ils soient sur tous
4038
soi que les faits doivent se plier. Qui rougirait
de
les fausser, quand les fausser est une vertu ? Mais s’il est vrai que
4039
voix des journaux n’est encore qu’une faible part
de
la voix du peuple, il n’en reste pas moins que l’enseignement qu’ils
4040
itatore », fut un des jacobins les plus éloquents
de
l’Italie, comme on peut en juger par le titre de l’ouvrage qu’il publ
4041
de l’Italie, comme on peut en juger par le titre
de
l’ouvrage qu’il publia en 1796 : All’Italia nelle tenebre L’Aurora po
4042
à s’unir en une seule nation pour inaugurer l’ère
de
la Liberté-égalité-fraternité, succédant aux ères historiques de l’âg
4043
galité-fraternité, succédant aux ères historiques
de
l’âge d’or, de la barbarie, de la justice et de la monarchie. Non, E
4044
aternité, succédant aux ères historiques de l’âge
d’
or, de la barbarie, de la justice et de la monarchie. Non, Européens,
4045
té, succédant aux ères historiques de l’âge d’or,
de
la barbarie, de la justice et de la monarchie. Non, Européens, que n
4046
x ères historiques de l’âge d’or, de la barbarie,
de
la justice et de la monarchie. Non, Européens, que notre enfance, no
4047
s de l’âge d’or, de la barbarie, de la justice et
de
la monarchie. Non, Européens, que notre enfance, notre ignorance et
4048
colère universelle s’abatte sur la tête branlante
de
nos persécuteurs, que les vicissitudes d’une guerre sanglante touchen
4049
anlante de nos persécuteurs, que les vicissitudes
d’
une guerre sanglante touchent nos seuls ennemis ! Et que les nations,
4050
, soient gouvernées selon les droits sacro-saints
de
la liberté et de l’égalité, dirigées selon les principes de la paix,
4051
es selon les droits sacro-saints de la liberté et
de
l’égalité, dirigées selon les principes de la paix, de la vertu et de
4052
rté et de l’égalité, dirigées selon les principes
de
la paix, de la vertu et de la justice… Que toutes les nations de l’Eu
4053
égalité, dirigées selon les principes de la paix,
de
la vertu et de la justice… Que toutes les nations de l’Europe puissen
4054
es selon les principes de la paix, de la vertu et
de
la justice… Que toutes les nations de l’Europe puissent se considérer
4055
la vertu et de la justice… Que toutes les nations
de
l’Europe puissent se considérer comme appartenant à un seul État, que
4056
Europe puisse être tenue pour la mère universelle
de
tous ses habitants ! Il demandait la convocation d’un « congrès uni
4057
ous ses habitants ! Il demandait la convocation
d’
un « congrès universel des hommes sages et érudits » élus par la « gen
4058
fût réuni en Sicile ou à Majorque pour délibérer
d’
une « constitution générale pour toute l’Europe » et de trois pactes o
4059
« constitution générale pour toute l’Europe » et
de
trois pactes ou codes réglant les relations morales, sociales et mili
4060
sociales et militaires entre les nations. Le plan
de
Bentham ne fut publié qu’un demi-siècle après avoir été écrit, et cel
4061
qu’un demi-siècle après avoir été écrit, et celui
de
L’Aurora n’a été redécouvert que par des érudits italiens de notre si
4062
n’a été redécouvert que par des érudits italiens
de
notre siècle143. Beaucoup plus célèbre sera dès 1795 le plan de Kant,
4063
e143. Beaucoup plus célèbre sera dès 1795 le plan
de
Kant, et beaucoup plus efficace la pensée de Gentz, homme politique m
4064
plan de Kant, et beaucoup plus efficace la pensée
de
Gentz, homme politique mêlé aux grandes affaires du temps. Emmanuel K
4065
res du temps. Emmanuel Kant (1724-1804) était âgé
de
71 ans lorsqu’il publia en 1795 son traité Zum ewigen Friede. Il n’ét
4066
95 son traité Zum ewigen Friede. Il n’était sorti
de
sa ville natale de Königsberg qu’une seule fois en sa vie, mais suiva
4067
wigen Friede. Il n’était sorti de sa ville natale
de
Königsberg qu’une seule fois en sa vie, mais suivait de près les gran
4068
igsberg qu’une seule fois en sa vie, mais suivait
de
près les grands mouvements de l’époque : on sait que l’annonce de la
4069
a vie, mais suivait de près les grands mouvements
de
l’époque : on sait que l’annonce de la Révolution française lui fit m
4070
ds mouvements de l’époque : on sait que l’annonce
de
la Révolution française lui fit modifier d’Est en Ouest la direction
4071
nonce de la Révolution française lui fit modifier
d’
Est en Ouest la direction de sa promenade quotidienne. Il connaissait
4072
aise lui fit modifier d’Est en Ouest la direction
de
sa promenade quotidienne. Il connaissait le Projet de l’abbé de Saint
4073
a promenade quotidienne. Il connaissait le Projet
de
l’abbé de Saint-Pierre (qu’il cite avec éloges dès 1750) et l’Extrait
4074
qu’en avait donné Rousseau. Dès 1760, l’influence
de
Rousseau l’amène à s’occuper de l’idée d’un « Völkerbund ». Il en pré
4075
1760, l’influence de Rousseau l’amène à s’occuper
de
l’idée d’un « Völkerbund ». Il en précise les bases morales dans plus
4076
fluence de Rousseau l’amène à s’occuper de l’idée
d’
un « Völkerbund ». Il en précise les bases morales dans plusieurs de s
4077
». Il en précise les bases morales dans plusieurs
de
ses ouvrages rédigés à la veille de la Révolution. Puis dans un petit
4078
ans plusieurs de ses ouvrages rédigés à la veille
de
la Révolution. Puis dans un petit écrit datant de 1793 : Ueber den Ge
4079
de la Révolution. Puis dans un petit écrit datant
de
1793 : Ueber den Gemeinspruch : Das mag in der Théorie richtigsein, t
4080
forme systématique, mais avec un souci manifeste
de
réalisme politique : il se réfère en effet (jusque dans l’ordonnance
4081
: il se réfère en effet (jusque dans l’ordonnance
de
son plan) à la Paix de Bâle, que la Prusse et l’Espagne viennent de s
4082
(jusque dans l’ordonnance de son plan) à la Paix
de
Bâle, que la Prusse et l’Espagne viennent de signer avec la Républiqu
4083
c la République Française. L’essai revêt la forme
d’
un traité international divisé en 6 articles préliminaires, 3 « articl
4084
uxième article définitif » que réside l’essentiel
de
la pensée fédéraliste européenne du grand philosophe : Si l’on ne pe
4085
s un profond mépris les sauvages, dans leur amour
d’
une indépendance sans règle, préférer se battre sans cesse, plutôt que
4086
erté raisonnable, et si l’on considère cela comme
de
la barbarie, comme un manque de civilisation et comme une dégradation
4087
sidère cela comme de la barbarie, comme un manque
de
civilisation et comme une dégradation brutale de l’humanité, dès lors
4088
de civilisation et comme une dégradation brutale
de
l’humanité, dès lors ne devrions-nous pas penser que les peuples civi
4089
chacun forme un État distinct) devraient se hâter
de
sortir au plus tôt d’un état si abject ? Au lieu de cela, chaque État
4090
istinct) devraient se hâter de sortir au plus tôt
d’
un état si abject ? Au lieu de cela, chaque État fait bien plutôt cons
4091
n plutôt consister sa majesté (car il est absurde
de
parler de la majesté populaire) à ne se soumettre à aucune contrainte
4092
onsister sa majesté (car il est absurde de parler
de
la majesté populaire) à ne se soumettre à aucune contrainte légale ex
4093
r, sans qu’il ait lui-même à courir aucun danger,
de
plusieurs milliers d’hommes qui se laissent sacrifier pour une cause
4094
même à courir aucun danger, de plusieurs milliers
d’
hommes qui se laissent sacrifier pour une cause qui ne les concerne pa
4095
cerne pas. Toute la différence entre les sauvages
de
l’Amérique et ceux de l’Europe, consiste en ce que les premiers ont d
4096
fférence entre les sauvages de l’Amérique et ceux
de
l’Europe, consiste en ce que les premiers ont déjà mangé maintes trib
4097
eur parti des vaincus ; ils préfèrent, plutôt que
de
les manger, augmenter le nombre de leurs sujets, et, par conséquent,
4098
nt, plutôt que de les manger, augmenter le nombre
de
leurs sujets, et, par conséquent, celui des instruments qu’ils destin
4099
s conquêtes. […] Quand on considère la méchanceté
de
la nature humaine, qui se montre à nu dans les libres relations des p
4100
mot droit n’ait pas encore été tout à fait banni
de
la politique de la guerre comme une expression pédante, et qu’aucun É
4101
pas encore été tout à fait banni de la politique
de
la guerre comme une expression pédante, et qu’aucun État ne se soit e
4102
re ingénument, pour « justifier » une déclaration
de
guerre, Hugo Grotius, Pufendorf, Vattel et d’autres encore (tristes c
4103
(tristes consolateurs), bien que leur code, conçu
de
manière philosophique ou diplomatique, n’ait ou ne puisse avoir la mo
4104
sseins. Cet hommage que chaque État rend à l’idée
de
droit (du moins en paroles) prouve cependant qu’il y a en l’homme une
4105
) est l’avantage que la nature donne au plus fort
de
se faire obéir par le plus faible. » […] La possibilité de réaliser
4106
e obéir par le plus faible. » […] La possibilité
de
réaliser (il s’agit de réalité objective) cette idée de fédération, q
4107
ble. » […] La possibilité de réaliser (il s’agit
de
réalité objective) cette idée de fédération, qui doit s’étendre progr
4108
liser (il s’agit de réalité objective) cette idée
de
fédération, qui doit s’étendre progressivement à tous les États, et l
4109
la paix perpétuelle), il y aurait ainsi un centre
d’
alliance fédérative à laquelle les autres États pourraient adhérer, af
4110
erté, conformément à l’idée du droit des gens, et
d’
étendre cette alliance peu à peu par d’autres associations de ce genre
4111
ette alliance peu à peu par d’autres associations
de
ce genre. L’idée du droit des gens, comprise comme un droit à la guer
4112
oprement inconcevable (puisque ce serait le droit
de
décider ce qui est juste non pas d’après des lois extérieures univers
4113
s universellement valables et limitant la liberté
de
chaque individu, mais par la force, selon des maximes particulières).
4114
force, selon des maximes particulières). À moins
d’
entendre par là qu’il est tout à fait juste que des hommes dans de sem
4115
à qu’il est tout à fait juste que des hommes dans
de
semblables dispositions se détruisent les uns les autres et trouvent
4116
tombeau qui recouvre avec eux toutes les horreurs
de
la violence. Aux yeux de la raison, il n’y a pas, pour des États entr
4117
des États entretenant des relations réciproques,
d’
autre moyen de sortir de l’absence de légalité, source de guerres décl
4118
retenant des relations réciproques, d’autre moyen
de
sortir de l’absence de légalité, source de guerres déclarées, que de
4119
es relations réciproques, d’autre moyen de sortir
de
l’absence de légalité, source de guerres déclarées, que de renoncer,
4120
réciproques, d’autre moyen de sortir de l’absence
de
légalité, source de guerres déclarées, que de renoncer, comme les ind
4121
moyen de sortir de l’absence de légalité, source
de
guerres déclarées, que de renoncer, comme les individus, à leur liber
4122
nce de légalité, source de guerres déclarées, que
de
renoncer, comme les individus, à leur liberté sauvage (anarchique), p
4123
r liberté sauvage (anarchique), pour s’accommoder
de
la contrainte publique des lois et former ainsi un « État des nations
4124
ment, qui s’étendrait à la fin à tous les peuples
de
la terre. Mais comme, d’après l’idée qu’ils se font du droit des gens
4125
t du droit des gens, ils ne veulent point du tout
de
ce moyen, et rejettent in hypothesi ce qui est juste in thesi, à défa
4126
i est juste in thesi, à défaut de l’idée positive
d’
une « république mondiale », il n’y a (si l’on ne veut pas tout perdre
4127
ne veut pas tout perdre) que l’ersatz « négatif »
d’
une « alliance » permanente, sans cesse élargie, qui puisse préserver
4128
manente, sans cesse élargie, qui puisse préserver
de
la guerre et contenir le torrent de ces dispositions hostiles et oppo
4129
sse préserver de la guerre et contenir le torrent
de
ces dispositions hostiles et opposées au droit ; pourtant, le danger
4130
stiles et opposées au droit ; pourtant, le danger
de
leur déchaînement subsiste. (Furor impius intus frémit horridus ore c
4131
leur et la vivacité des discussions que le projet
de
Kant provoqua en Allemagne s’expliquent par l’intérêt qu’avait déjà s
4132
dans l’élite prussienne la redécouverte des plans
de
Sully et de l’abbé de Saint-Pierre (grâce à l’édition des Œconomies r
4133
prussienne la redécouverte des plans de Sully et
de
l’abbé de Saint-Pierre (grâce à l’édition des Œconomies royales due à
4134
t à l’influence qu’exercèrent très vite les idées
de
Kant, elle est illustrée par la publication, cinq ans après La Paix é
4135
la publication, cinq ans après La Paix éternelle,
d’
un important essai de Gentz qui porte à peu près le même titre. Friedr
4136
ans après La Paix éternelle, d’un important essai
de
Gentz qui porte à peu près le même titre. Friedrich von Gentz (1764-1
4137
ministre du roi de Prusse, puis conseiller intime
de
la politique autrichienne, bras droit de Metternich et secrétaire du
4138
r intime de la politique autrichienne, bras droit
de
Metternich et secrétaire du congrès de Vienne, avait été dès sa jeune
4139
bras droit de Metternich et secrétaire du congrès
de
Vienne, avait été dès sa jeunesse un disciple de Kant, dont il partag
4140
de Vienne, avait été dès sa jeunesse un disciple
de
Kant, dont il partagea au début l’enthousiasme pour la Révolution. Ma
4141
ture des Reflections on the Revolution in France,
d’
Edmund Burke, qu’il traduisit un an après leur publication en 1790, le
4142
e. Ses vues sur le problème européen, dans chacun
de
ses ouvrages comme dans sa carrière politique, manifestent le même ba
4143
qu’inspirerait la raison pure au non qu’il déduit
de
son expérience politique, et, vers la fin de sa vie, d’une lassitude
4144
duit de son expérience politique, et, vers la fin
de
sa vie, d’une lassitude désenchantée. Cet homme que le tsar Alexandre
4145
expérience politique, et, vers la fin de sa vie,
d’
une lassitude désenchantée. Cet homme que le tsar Alexandre avait pu b
4146
e tsar Alexandre avait pu baptiser « le chevalier
de
l’Europe » et « le secrétaire général présomptif de l’Europe », finit
4147
l’Europe » et « le secrétaire général présomptif
de
l’Europe », finit par écrire en 1814 : « Ma politique devient tous le
4148
égoïste et plus étroitement autrichienne. Le mot
d’
Europe m’est devenu objet d’horreur » ; ou encore : « … j’ai perdu tou
4149
autrichienne. Le mot d’Europe m’est devenu objet
d’
horreur » ; ou encore : « … j’ai perdu toute envie d’être un Européen.
4150
orreur » ; ou encore : « … j’ai perdu toute envie
d’
être un Européen. » Ce qui retient notre attention dans son essai de 1
4151
. » Ce qui retient notre attention dans son essai
de
1800 intitulé Über den ewigen Frieden, c’est la critique lucide (quoi
4152
enfin la fédération des États soit par un système
d’
arbitrage, soit par des liens constitutionnels. Gentz repousse avec fo
4153
stitutionnels. Gentz repousse avec force l’utopie
de
la République universelle et unitaire des jacobins, qui n’est autre q
4154
u’une version renouvelée du vieux mythe effrayant
de
la Monarchie universelle : « L’Europe soumise à un seul gouvernement
4155
faut faire quelque chose pour prévenir le retour
de
guerres intestines qui ruinent l’Europe, cette « vingtième partie des
4156
urope, cette « vingtième partie des terres fermes
de
la planète » qui n’a dû qu’à sa culture de dominer le monde. Cette hé
4157
fermes de la planète » qui n’a dû qu’à sa culture
de
dominer le monde. Cette hégémonie durera-t-elle ? L’Amérique ne va-t-
4158
ient de proposer l’année même : la transformation
de
nos États en autarcies commerciales, politiques et culturelles (voir
4159
ceptique que Gentz consacre la partie essentielle
de
son essai : Le troisième moyen d’assurer ou de préparer la paix éter
4160
ie essentielle de son essai : Le troisième moyen
d’
assurer ou de préparer la paix éternelle serait d’instaurer une libre
4161
e de son essai : Le troisième moyen d’assurer ou
de
préparer la paix éternelle serait d’instaurer une libre fédération ou
4162
d’assurer ou de préparer la paix éternelle serait
d’
instaurer une libre fédération ou d’élaborer dans ses moindres détails
4163
rnelle serait d’instaurer une libre fédération ou
d’
élaborer dans ses moindres détails une constitution fédérale entre les
4164
insi, les États fédérés se réserveraient le droit
de
nommer, en cas de litige, un ou plusieurs arbitres ; ou bien ils adop
4165
dérés se réserveraient le droit de nommer, en cas
de
litige, un ou plusieurs arbitres ; ou bien ils adopteraient le princi
4166
ue la nécessité s’en ferait sentir, aux décisions
de
la majorité ; et enfin un congrès permanent serait institué, chargé d
4167
nfin un congrès permanent serait institué, chargé
de
régler toutes les affaires communes des États confédérés, de mener à
4168
outes les affaires communes des États confédérés,
de
mener à terme tous leurs procès et de mettre fin, en dernière instanc
4169
confédérés, de mener à terme tous leurs procès et
de
mettre fin, en dernière instance, à tous les contentieux. Suit une c
4170
criraient jamais à une constitution les empêchant
d’
être injustes quand il leur plaît ; s’il était vrai, comme il le préte
4171
nous ne devrions pas laisser s’évanouir l’espoir
de
la voir se réaliser. Il s’est trouvé plus d’un moment dans l’histoire
4172
poir de la voir se réaliser. Il s’est trouvé plus
d’
un moment dans l’histoire récente de l’Europe, où tous les gouvernemen
4173
t trouvé plus d’un moment dans l’histoire récente
de
l’Europe, où tous les gouvernements eussent préféré avec empressement
4174
nts eussent préféré avec empressement la sécurité
d’
une paix durable au succès incertain des guerres ; un tel moment peut
4175
etrouver et tout ce qui, parmi les hommes, dépend
d’
une décision instantanée, est possible et pratiquement réalisable. La
4176
e. La difficulté, ou même la totale impossibilité
de
ce projet, réside moins dans la création de la fédération que dans le
4177
ilité de ce projet, réside moins dans la création
de
la fédération que dans les conditions mêmes de sa durée. Un libre con
4178
on de la fédération que dans les conditions mêmes
de
sa durée. Un libre contrat conclu entre les États n’entrera en consid
4179
s ne possède à la fois la volonté et la puissance
de
le rompre ; ou, en d’autres termes, que si la paix, que ce contrat de
4180
urer sans lui. C’est donc à un retour au système
de
l’« équilibre européen » que conclut Gentz, annonçant ainsi la politi
4181
» que conclut Gentz, annonçant ainsi la politique
de
la Sainte-Alliance dont il sera l’un des grands artisans : Le but de
4182
e dont il sera l’un des grands artisans : Le but
de
ce système n’a jamais été, comme on l’en a accusé à tort, de rendre t
4183
me n’a jamais été, comme on l’en a accusé à tort,
de
rendre tous les États également puissants, mais bien, autant que poss
4184
lement puissants, mais bien, autant que possible,
de
protéger les plus faibles, en les alliant avec les plus forts, contre
4185
liant avec les plus forts, contre les entreprises
d’
un État prépondérant. On se proposait d’organiser cette manière de con
4186
treprises d’un État prépondérant. On se proposait
d’
organiser cette manière de constitution fédérale, qui s’est naturellem
4187
dérant. On se proposait d’organiser cette manière
de
constitution fédérale, qui s’est naturellement créée en Europe, de te
4188
édérale, qui s’est naturellement créée en Europe,
de
telle sorte que chaque poids dans la grande masse politique eût quelq
4189
ait, chaque fois qu’il le fallait, à la tentation
de
la guerre les grandes difficultés que celle-ci soulève ; ou on cherch
4190
ner, par la peur ou l’intérêt, ce qu’en l’absence
de
toute autorité supérieure, ni la loi ni la moralité n’étaient capable
4191
eure, ni la loi ni la moralité n’étaient capables
de
réprimer. On voulait, en un mot, obtenir par des pactes séparés ce qu
4192
, obtenir par des pactes séparés ce que le projet
de
Saint-Pierre promettait de réaliser par un pacte général. Quant à la
4193
parés ce que le projet de Saint-Pierre promettait
de
réaliser par un pacte général. Quant à la quatrième possibilité, cel
4194
général. Quant à la quatrième possibilité, celle
d’
une Constitution fédérale, c’est hélas — dit Gentz — « une éternelle c
4195
», car : 1. Elle devrait, pour réaliser l’idéal
de
la paix éternelle, pouvoir régir la terre entière. Un système fédérat
4196
u monde, n’offrirait en aucune façon une garantie
de
paix suffisante. L’état de nature, qui règne entre les différents pay
4197
ys, ne cessera véritablement sur toute la surface
de
la Terre que le jour où tous les États pourront s’unir en un seul ; c
4198
en aucune condition, pour un nombre considérable
de
pays et surtout de grands pays. Une association de petits États, que
4199
n, pour un nombre considérable de pays et surtout
de
grands pays. Une association de petits États, que relie entre eux un
4200
e pays et surtout de grands pays. Une association
de
petits États, que relie entre eux un intérêt commun, peut certes vivr
4201
ut certes vivre et se développer, si on l’a dotée
d’
une constitution de ce genre145. Mais s’il fallait appliquer le systèm
4202
se développer, si on l’a dotée d’une constitution
de
ce genre145. Mais s’il fallait appliquer le système fédératif à de gr
4203
ais s’il fallait appliquer le système fédératif à
de
grands États, s’il fallait transformer l’Europe en une véritable répu
4204
fédérative — non pas d’après le plan insuffisant
de
Saint-Pierre, mais dans le sens indiqué ici et seul valable — il conv
4205
ens indiqué ici et seul valable — il conviendrait
d’
investir le Sénat suprême de cette immense république d’une autorité q
4206
ble — il conviendrait d’investir le Sénat suprême
de
cette immense république d’une autorité qui ne souffrît aucune compar
4207
stir le Sénat suprême de cette immense république
d’
une autorité qui ne souffrît aucune comparaison avec celle de chacun d
4208
ité qui ne souffrît aucune comparaison avec celle
de
chacun des États membres ; ce qui, une fois de plus, est absolument i
4209
t purement idéal du projet. Car il est impossible
d’
admettre que chaque État puisse se soumettre de plein gré aux jugement
4210
at puisse se soumettre de plein gré aux jugements
de
la Haute Cour de la fédération. À l’intérieur des États il faut souve
4211
ettre de plein gré aux jugements de la Haute Cour
de
la fédération. À l’intérieur des États il faut souvent avoir recours
4212
eut-être plus souvent encore que dans les litiges
d’
ordre privé, la bonne exécution des décisions du Tribunal devrait être
4213
res coercitives contre un État ne signifient rien
d’
autre que la guerre ; par conséquent, la guerre reste inévitable, même
4214
névitable, et comme la Révolution française vient
d’
aggraver ses conditions — ici Gentz reprend la critique de Burke et de
4215
er ses conditions — ici Gentz reprend la critique
de
Burke et de Bonald — tout ce que l’on est en droit d’espérer et de pr
4216
tions — ici Gentz reprend la critique de Burke et
de
Bonald — tout ce que l’on est en droit d’espérer et de préparer, c’es
4217
urke et de Bonald — tout ce que l’on est en droit
d’
espérer et de préparer, c’est un système d’équilibre qui « limite le m
4218
nald — tout ce que l’on est en droit d’espérer et
de
préparer, c’est un système d’équilibre qui « limite le mal » : Les h
4219
droit d’espérer et de préparer, c’est un système
d’
équilibre qui « limite le mal » : Les hommes de la Révolution croyaie
4220
e d’équilibre qui « limite le mal » : Les hommes
de
la Révolution croyaient unir tous les peuples de la terre en une gran
4221
de la Révolution croyaient unir tous les peuples
de
la terre en une grande fédération cosmopolite, et ils n’ont réussi qu
4222
à fait quelques pas importants dans l’élaboration
d’
une constitution pacifique de droit international. Le pas le plus impo
4223
s dans l’élaboration d’une constitution pacifique
de
droit international. Le pas le plus important de tous était sans cont
4224
de droit international. Le pas le plus important
de
tous était sans contredit la découverte des vrais principes de l’écon
4225
sans contredit la découverte des vrais principes
de
l’économie politique. Une conception éclairée, libérale et bienfaisan
4226
système selon lequel la grandeur et le bien-être
de
l’État reposent sur la guerre et les conquêtes. Les gouvernements app
4227
rnements apprenaient peu à peu que la source même
de
leur puissance, qu’ils avaient cherchée bien loin de leur patrie, gis
4228
el État, contribuaient plus ou moins au bien-être
de
tous. Même la nation la plus riche retire de plus grands avantages de
4229
ion la plus riche retire de plus grands avantages
de
l’opulence que de la pauvreté de ses voisins et de toutes les autres
4230
retire de plus grands avantages de l’opulence que
de
la pauvreté de ses voisins et de toutes les autres nations. Quant aux
4231
grands avantages de l’opulence que de la pauvreté
de
ses voisins et de toutes les autres nations. Quant aux ravages causés
4232
e l’opulence que de la pauvreté de ses voisins et
de
toutes les autres nations. Quant aux ravages causés par la guerre, qu
4233
es semblaient bien avoir trouvé le chemin de plus
d’
un trône. Ainsi paraissait s’ouvrir en Europe, partout à la fois, une
4234
ir en Europe, partout à la fois, une ère nouvelle
de
sagesse, d’humanité et de paix. Cette terrible Révolution a fini par
4235
, partout à la fois, une ère nouvelle de sagesse,
d’
humanité et de paix. Cette terrible Révolution a fini par contaminer l
4236
fois, une ère nouvelle de sagesse, d’humanité et
de
paix. Cette terrible Révolution a fini par contaminer la vie politiqu
4237
Révolution a fini par contaminer la vie politique
de
l’Europe entière, car elle ne trouvait plus à l’intérieur de la Franc
4238
elle ne trouvait plus à l’intérieur de la France
de
quoi satisfaire sa grande puissance destructrice. Son résultat final
4239
uissance destructrice. Son résultat final dépasse
de
loin toutes les évaluations des hommes. Mais actuellement une seule c
4240
ellement une seule certitude a été acquise : loin
d’
avoir affermi la paix sur la terre, elle s’est mise au service de la g
4241
la paix sur la terre, elle s’est mise au service
de
la guerre, lui fournissant maintes occasions d’éclater et maints moye
4242
e de la guerre, lui fournissant maintes occasions
d’
éclater et maints moyens de se développer, disposant même les esprits
4243
sant maintes occasions d’éclater et maints moyens
de
se développer, disposant même les esprits en sa faveur. Certes, des é
4244
eversement des guerres, une nouvelle Constitution
de
droit international peut naître et se développer plus rapidement qu’o
4245
se développer plus rapidement qu’on est en droit
de
l’espérer. Un ordre des choses plus pacifique, fondé sur de meilleurs
4246
er. Un ordre des choses plus pacifique, fondé sur
de
meilleurs principes, s’établirait alors de façon tout à fait inattend
4247
dé sur de meilleurs principes, s’établirait alors
de
façon tout à fait inattendue pour la plus grande joie de l’humanité.
4248
n tout à fait inattendue pour la plus grande joie
de
l’humanité. Mais ce sont là de ces bienfaits de la Fortune, sur lesqu
4249
a plus grande joie de l’humanité. Mais ce sont là
de
ces bienfaits de la Fortune, sur lesquels personne ne peut compter, s
4250
e de l’humanité. Mais ce sont là de ces bienfaits
de
la Fortune, sur lesquels personne ne peut compter, surtout pas lorsqu
4251
nne ne peut compter, surtout pas lorsqu’il s’agit
d’
édifier l’avenir. Dans l’état actuel des choses, une seule vérité subs
4252
non seulement la paix, mais la simple possibilité
de
la paix est très éloignée de nous ; la guerre est notre destin sur te
4253
a simple possibilité de la paix est très éloignée
de
nous ; la guerre est notre destin sur terre, et si des changements et
4254
assez souvent cette vérité dans les antichambres
de
la politique, pour que diplomates et politiciens se rendent compte de
4255
r que diplomates et politiciens se rendent compte
de
la lourde tâche et de la grande vocation qui est désormais la leur ;
4256
liticiens se rendent compte de la lourde tâche et
de
la grande vocation qui est désormais la leur ; et qu’ils redoublent d
4257
qui est désormais la leur ; et qu’ils redoublent
de
volonté, de courage et de force pour trouver enfin la voie du salut o
4258
ormais la leur ; et qu’ils redoublent de volonté,
de
courage et de force pour trouver enfin la voie du salut ou, du moins,
4259
; et qu’ils redoublent de volonté, de courage et
de
force pour trouver enfin la voie du salut ou, du moins, une limite au
4260
, écrivain politique abondant et brillant orateur
de
la Chambre des communes, fut à la fois le premier défenseur des droit
4261
ur des droits américains et le premier adversaire
de
l’idéologie jacobine. Héritier de Montesquieu, maître de Gentz, il no
4262
mier adversaire de l’idéologie jacobine. Héritier
de
Montesquieu, maître de Gentz, il nous apparaît comme le précurseur de
4263
carme qu’entretiennent les clameurs enthousiastes
de
la gauche et les anathèmes de la droite, sa voix s’élève de nouveau a
4264
meurs enthousiastes de la gauche et les anathèmes
de
la droite, sa voix s’élève de nouveau au xxe siècle, en Angleterre e
4265
tats-Unis, où le « néo-conservatisme » s’autorise
de
la pondération et du sens réaliste qu’il défendit avec tant de violen
4266
réaliste qu’il défendit avec tant de violence et
de
généreux paradoxes. Contrairement à Kant, il croit la guerre inévita
4267
viniser comme J. de Maistre : il se fait l’avocat
d’
un équilibre difficile, précieux et toujours menacé, entre l’idéal chr
4268
ou à l’autre, découlent dans notre monde européen
de
deux principes : … de l’esprit chevaleresque (spirit of gentleman) et
4269
t dans notre monde européen de deux principes : …
de
l’esprit chevaleresque (spirit of gentleman) et de l’esprit religieux
4270
e l’esprit chevaleresque (spirit of gentleman) et
de
l’esprit religieux. Mais les temps de la chevalerie sont révolus ; v
4271
tleman) et de l’esprit religieux. Mais les temps
de
la chevalerie sont révolus ; voici venu le temps de la « barbarie phi
4272
la chevalerie sont révolus ; voici venu le temps
de
la « barbarie philosophique », des économistes et des cyniques. « La
4273
e », des économistes et des cyniques. « La gloire
de
l’Europe est éteinte. » Voici, tirée de ses quatre Letters on the Pro
4274
La gloire de l’Europe est éteinte. » Voici, tirée
de
ses quatre Letters on the Proposal for peace with the regicide Direct
4275
rectory of France (1796) sa description classique
de
l’unité européenne : La conformité et l’analogie dont j’ai parlé, qu
4276
et l’analogie dont j’ai parlé, quoique incapables
de
préserver à elles seules une parfaite confiance et tranquillité parmi
4277
utres que ne l’ont été plus tard bien des nations
de
l’Europe, au cours de guerres longues et sanglantes. La cause doit en
4278
nt écrit sur le droit public ont souvent qualifié
de
Commonwealth cet agrégat de nations. Ils avaient raison. Car il repré
4279
ont souvent qualifié de Commonwealth cet agrégat
de
nations. Ils avaient raison. Car il représente virtuellement un seul
4280
llement un seul grand État, ayant les mêmes bases
de
droit, malgré quelques diversités de coutumes régionales et d’ordonna
4281
mêmes bases de droit, malgré quelques diversités
de
coutumes régionales et d’ordonnances locales. Les nations de l’Europe
4282
gré quelques diversités de coutumes régionales et
d’
ordonnances locales. Les nations de l’Europe ont eu la même religion c
4283
régionales et d’ordonnances locales. Les nations
de
l’Europe ont eu la même religion chrétienne, s’accordant quant aux fo
4284
s subordonnées. Le régime politique et l’économie
de
chaque pays, dans leur ensemble, dérivaient des mêmes sources. Ils av
4285
, qui en avait fait un système et une discipline.
De
là naquirent les ordres multiples, avec ou sans monarque, qu’on nomme
4286
trées qui avaient rejeté cette dernière, l’esprit
de
la monarchie européenne subsistait. On y trouvait encore les états, c
4287
à peine changés. En fait, la vigueur et la forme
de
l’institution des états se maintenaient plus parfaitement dans ces co
4288
ommunautés républicaines que sous les monarchies.
De
toutes ces sources s’était composé un système de mœurs et d’éducation
4289
De toutes ces sources s’était composé un système
de
mœurs et d’éducation qui était à peu près le même dans toute cette ré
4290
es sources s’était composé un système de mœurs et
d’
éducation qui était à peu près le même dans toute cette région du Glob
4291
qui estompait, mêlait et harmonisait les couleurs
de
l’ensemble. Il y avait peu de variations dans le régime des universit
4292
iences, ou des formes plus libérales et élégantes
de
l’érudition. Cette ressemblance dans le mode des relations et dans to
4293
s relations et dans toutes les formes et coutumes
de
la vie courante faisait que nul citoyen de l’Europe ne pouvait se reg
4294
utumes de la vie courante faisait que nul citoyen
de
l’Europe ne pouvait se regarder comme un exilé dans aucun de nos pays
4295
ne pouvait se regarder comme un exilé dans aucun
de
nos pays. Il n’y trouvait rien d’autre qu’une plaisante variété, récr
4296
xilé dans aucun de nos pays. Il n’y trouvait rien
d’
autre qu’une plaisante variété, récréant et instruisant l’esprit, enri
4297
. Car, selon Burke, « les principes et les formes
de
l’antique constitution commune des États européens, améliorés et adap
4298
ens, améliorés et adaptés à la situation présente
de
l’Europe, ne se trouvent plus conservés qu’en Angleterre »147. Mais d
4299
ouvent plus conservés qu’en Angleterre »147. Mais
de
fait, l’Angleterre va devenir l’ennemie du continent conquis par les
4300
enir l’ennemie du continent conquis par les idées
de
la Révolution ; et la politique « d’équilibre des Puissances », telle
4301
ar les idées de la Révolution ; et la politique «
d’
équilibre des Puissances », telle que la Sainte-Alliance pourra la réa
4302
p. 67-113. 145. « Dans ce domaine, les exemples
de
réussite ont démontré que seule une fédération, dont l’ensemble des é
4303
’ensemble des états membres ne compose qu’un pays
de
petite ou de moyenne dimension, a des chances de se maintenir. Par de
4304
états membres ne compose qu’un pays de petite ou
de
moyenne dimension, a des chances de se maintenir. Par deux fois, l’es
4305
de petite ou de moyenne dimension, a des chances
de
se maintenir. Par deux fois, l’essai a été tenté en des régions très
4306
dues : en Allemagne et en Amérique du Nord. L’une
de
ces tentatives a eu l’issue que l’on sait, l’avenir seul permettra de
4307
eu l’issue que l’on sait, l’avenir seul permettra
de
porter un jugement sur l’autre. Mais si des circonstances tout à fait
4308
à fait exceptionnelles ne préservent pas l’unité
de
l’état indépendant d’Amérique du Nord, celle-ci aura beaucoup de pein
4309
s ne préservent pas l’unité de l’état indépendant
d’
Amérique du Nord, celle-ci aura beaucoup de peine à subsister, ne sera
4310
ine à subsister, ne serait-ce qu’une cinquantaine
d’
années. » 146. Edmund Burke Selected Works, éd. E. J. Payne, Clarendo
4311
ais par excellence, celui du rayonnement européen
de
la France, de Montesquieu à Condorcet, par Voltaire le cosmopolite et
4312
ence, celui du rayonnement européen de la France,
de
Montesquieu à Condorcet, par Voltaire le cosmopolite et Rousseau le f
4313
xixe siècles en prenant pour axe la Révolution.
De
Wieland à Schelling, de Herder à Hegel, en passant par un Kant ou par
4314
t pour axe la Révolution. De Wieland à Schelling,
de
Herder à Hegel, en passant par un Kant ou par un Goethe, l’Allemagne
4315
Kant ou par un Goethe, l’Allemagne a pris la tête
d’
une révolution intellectuelle et poétique qui évolue en marge de l’aut
4316
contre elle, et la débordera largement : théories
de
l’Histoire, systèmes métaphysiques, romantisme, inconscient, dialecti
4317
romantisme, inconscient, dialectique — naissance
de
la pensée moderne. Groupons ici quatre écrivains et philosophes qui,
4318
ce grand renouvellement des valeurs dont la chute
de
Napoléon, après leur mort, semblera déclencher le processus européen.
4319
Schiller (1759-1805) lorsqu’il écrit son Histoire
de
la guerre de Trente Ans (dès 1790) vient enfin de s’établir à Weimar.
4320
9-1805) lorsqu’il écrit son Histoire de la guerre
de
Trente Ans (dès 1790) vient enfin de s’établir à Weimar. Son « Sturm
4321
de la guerre de Trente Ans (dès 1790) vient enfin
de
s’établir à Weimar. Son « Sturm und Drang » est terminé et l’auteur d
4322
et l’auteur des Brigands professe à l’Université
d’
Iéna ! C’est alors qu’il reçoit de la Convention le titre de citoyen f
4323
à l’Université d’Iéna ! C’est alors qu’il reçoit
de
la Convention le titre de citoyen français : et certes, son cœur et s
4324
’est alors qu’il reçoit de la Convention le titre
de
citoyen français : et certes, son cœur et son tempérament sont avec l
4325
sing, comme Herder et Kant, et comme les orateurs
de
la Révolution, Schiller s’inspire de Rousseau : et c’est parce qu’il
4326
les orateurs de la Révolution, Schiller s’inspire
de
Rousseau : et c’est parce qu’il a lu l’Extrait du système de l’abbé d
4327
: et c’est parce qu’il a lu l’Extrait du système
de
l’abbé de Saint-Pierre qu’il écrit cette strophe illustre chantée par
4328
rit cette strophe illustre chantée par les chœurs
de
Beethoven : Seid umschlungen, Millionen, Diesen Kuss der ganzen Welt
4329
wohnen.148 Mais il ne partage pas les illusions
d’
un Cloots sur l’unité de style néo-romain qu’il faudrait imposer à tou
4330
partage pas les illusions d’un Cloots sur l’unité
de
style néo-romain qu’il faudrait imposer à toute l’humanité. Sa concep
4331
audrait imposer à toute l’humanité. Sa conception
de
l’Europe est en effet bien plus fédéraliste que jacobine. C’est aux l
4332
la Réformation qu’il attribue l’origine véritable
de
la Communauté des peuples européens. Le contraste est total avec les
4333
tions des Schlegel, Novalis et Görres, ses cadets
d’
une quinzaine d’années — qui bientôt accuseront la Réforme d’avoir bri
4334
el, Novalis et Görres, ses cadets d’une quinzaine
d’
années — qui bientôt accuseront la Réforme d’avoir brisé l’antique uni
4335
aine d’années — qui bientôt accuseront la Réforme
d’
avoir brisé l’antique union et marqué le commencement de la fin d’une
4336
r brisé l’antique union et marqué le commencement
de
la fin d’une Europe germano-catholique, utopie nostalgique du romanti
4337
antique union et marqué le commencement de la fin
d’
une Europe germano-catholique, utopie nostalgique du romantisme allema
4338
gique du romantisme allemand. Dès la seconde page
de
l’Histoire de la guerre de Trente Ans, il expose sa thèse à grands tr
4339
tisme allemand. Dès la seconde page de l’Histoire
de
la guerre de Trente Ans, il expose sa thèse à grands traits : C’est
4340
d. Dès la seconde page de l’Histoire de la guerre
de
Trente Ans, il expose sa thèse à grands traits : C’est la Réformatio
4341
ncèrent, grâce à la Réformation, à avoir un point
de
contact et à se rapprocher les uns des autres, mus par une sympathie
4342
ie politique réciproque. De même que les rapports
de
citoyen à citoyen, de souverain à sujet furent complètement transform
4343
e. De même que les rapports de citoyen à citoyen,
de
souverain à sujet furent complètement transformés par la Réformation,
4344
choses, la séparation des Églises devint la cause
d’
une union plus étroite entre les États. Il est vrai que les premiers e
4345
ais l’Europe réchappa, insoumise et indépendante,
de
cette terrible guerre, pendant laquelle elle s’affirma pour la premiè
4346
ffirma pour la première fois comme une communauté
d’
États cohérente ; et cette collaboration étroite entre États, qui s’in
4347
raintes dissipées. Au IIe Livre, Schiller évoque
d’
une manière plus précise la nature des liens tissés par la Réforme ent
4348
, des mœurs, des caractères nationaux, qui a fait
de
chaque pays et nation un « tout » isolé, élevant entre eux des cloiso
4349
s, a rendu chaque État insensible aux difficultés
d’
un autre, quand elle ne les a pas dressés les uns contre les autres pa
4350
pas dressés les uns contre les autres par le fait
d’
une rivalité impitoyable de nation à nation. La Réformation abattit ce
4351
les autres par le fait d’une rivalité impitoyable
de
nation à nation. La Réformation abattit ces cloisons. Un intérêt plus
4352
us immédiat que l’intérêt national ou que l’amour
de
la patrie, sans rapport aucun avec la vie civique, commença à animer
4353
t même des États entiers. Cet intérêt fut capable
de
lier entre eux plusieurs États, même les plus éloignés les uns des au
4354
en pouvait fort bien disparaître entre les sujets
d’
un même État. Le calviniste français avait donc avec le réformé genevo
4355
enevois, anglais, allemand ou hollandais un point
de
contact qu’il n’avait plus avec son propre concitoyen catholique. Ain
4356
olique. Ainsi il cessait, sur un point important,
d’
être le citoyen d’un État particulier et d’accorder à cet unique État
4357
essait, sur un point important, d’être le citoyen
d’
un État particulier et d’accorder à cet unique État toute son attentio
4358
rtant, d’être le citoyen d’un État particulier et
d’
accorder à cet unique État toute son attention et sa collaboration. So
4359
commence à faire dépendre son propre destin futur
de
celui des pays étrangers qui ont la même foi que lui et à considérer
4360
ur la première fois des gouvernants se permettent
de
soumettre à l’assemblée de leurs États des questions provenant de pay
4361
vernants se permettent de soumettre à l’assemblée
de
leurs États des questions provenant de pays étrangers, sachant très b
4362
’assemblée de leurs États des questions provenant
de
pays étrangers, sachant très bien qu’ils peuvent espérer trouver des
4363
le maltraite et passe en l’autre camp, acceptant
de
mourir pour la liberté de la Hollande. On voit maintenant, sur les ri
4364
l’autre camp, acceptant de mourir pour la liberté
de
la Hollande. On voit maintenant, sur les rives de la Loire et de la S
4365
de la Hollande. On voit maintenant, sur les rives
de
la Loire et de la Seine, le Suisse se battre contre le Suisse, l’Alle
4366
On voit maintenant, sur les rives de la Loire et
de
la Seine, le Suisse se battre contre le Suisse, l’Allemand contre l’A
4367
d contre l’Allemand, afin de trancher la question
de
la succession du trône en France. Le Danois passe l’Eider, le Suédois
4368
eurs l’un des premiers à mettre en valeur l’unité
de
mœurs et la similitude des institutions dans l’Europe médiévale, en d
4369
ns dans l’Europe médiévale, en dépit de l’absence
de
relations régulières et d’échanges entre nos divers peuples. Dans un
4370
en dépit de l’absence de relations régulières et
d’
échanges entre nos divers peuples. Dans un fragment sur les Croisades
4371
ivers peuples. Dans un fragment sur les Croisades
de
son Universalhistorische Uebersicht, on lit : L’Occident européen, q
4372
aient issues, qui se trouvaient, lors de la prise
de
possession du pays, à peu près dans la même situation, l’Occident aur
4373
cle très varié, ce qui aurait eu pour conséquence
de
faire apparaître, par la suite, d’importantes différences entre ces n
4374
ur conséquence de faire apparaître, par la suite,
d’
importantes différences entre ces nations. Mais la même rage dévastatr
4375
lture ; elles foulèrent aux pieds et détruisirent
de
la même façon tout ce qui s’offrait à elles, transformant ces pays de
4376
t ce qui s’offrait à elles, transformant ces pays
de
telle manière que l’État nouveau dans lequel ils se trouvèrent n’eut
4377
édiats, la situation géographique furent la cause
de
différences sensibles, que, d’autre part, les vestiges laissés par la
4378
bes cultivés dans les pays du Sud-Ouest, le siège
de
la hiérarchie en Italie et le commerce actif de ce même pays avec les
4379
e de la hiérarchie en Italie et le commerce actif
de
ce même pays avec les Grecs n’aient pas pu rester sans conséquences p
4380
as pu rester sans conséquences pour les habitants
de
toutes ces contrées, il faut tout de même reconnaître que toutes ces
4381
es, trop peu marquées pour effacer ou transformer
de
façon visible la forte empreinte générique que ces nations avaient ap
4382
l’historien constate, en général, aux extrémités
de
l’Europe, en Sicile, en Grande-Bretagne, sur les bords du Danube et d
4383
e, en Grande-Bretagne, sur les bords du Danube et
de
l’Eider, sur ceux de l’Elbe et de l’Ebre, une similitude de constitut
4384
, sur les bords du Danube et de l’Eider, sur ceux
de
l’Elbe et de l’Ebre, une similitude de constitutions et de mœurs qui
4385
ds du Danube et de l’Eider, sur ceux de l’Elbe et
de
l’Ebre, une similitude de constitutions et de mœurs qui le remplit d’
4386
, sur ceux de l’Elbe et de l’Ebre, une similitude
de
constitutions et de mœurs qui le remplit d’autant plus d’admiration q
4387
et de l’Ebre, une similitude de constitutions et
de
mœurs qui le remplit d’autant plus d’admiration qu’elle s’accompagne
4388
itude de constitutions et de mœurs qui le remplit
d’
autant plus d’admiration qu’elle s’accompagne d’une très grande indépe
4389
itutions et de mœurs qui le remplit d’autant plus
d’
admiration qu’elle s’accompagne d’une très grande indépendance et d’un
4390
t d’autant plus d’admiration qu’elle s’accompagne
d’
une très grande indépendance et d’une absence presque complète de rela
4391
le s’accompagne d’une très grande indépendance et
d’
une absence presque complète de relations réciproques. Si nombreux soi
4392
de indépendance et d’une absence presque complète
de
relations réciproques. Si nombreux soient les siècles qui ont passé s
4393
de nouvelles situations, par suite du changement
de
religion et de langue, de l’acquisition de nouveaux arts, de nouveaux
4394
ituations, par suite du changement de religion et
de
langue, de l’acquisition de nouveaux arts, de nouveaux objets d’envie
4395
par suite du changement de religion et de langue,
de
l’acquisition de nouveaux arts, de nouveaux objets d’envie, de nouvel
4396
gement de religion et de langue, de l’acquisition
de
nouveaux arts, de nouveaux objets d’envie, de nouvelles jouissances e
4397
et de langue, de l’acquisition de nouveaux arts,
de
nouveaux objets d’envie, de nouvelles jouissances et commodités de la
4398
’acquisition de nouveaux arts, de nouveaux objets
d’
envie, de nouvelles jouissances et commodités de la vie, il n’en subsi
4399
ion de nouveaux arts, de nouveaux objets d’envie,
de
nouvelles jouissances et commodités de la vie, il n’en subsiste pas m
4400
s d’envie, de nouvelles jouissances et commodités
de
la vie, il n’en subsiste pas moins, en général, une structure de l’Ét
4401
’en subsiste pas moins, en général, une structure
de
l’État inchangée, édifiée par leurs ancêtres. Actuellement encore ils
4402
qu’ils furent en leur patrie scythe, dans un état
d’
indépendance sauvage, armés pour l’attaque et la défense, disséminés d
4403
et la défense, disséminés dans tous ces districts
d’
Europe comme dans un immense camp militaire, ayant transplanté leur pr
4404
ant l’Europe déchirée et concevant la possibilité
de
sa décadence, prend une conscience nouvelle du rôle qu’elle a joué da
4405
mps je me suis passé le temps en lisant le voyage
de
Niebuhr et Volney en Syrie et en Égypte et je ne saurais qu’en recomm
4406
pour la première fois quel bienfait nous est échu
d’
être nés en Europe. Il est véritablement incompréhensible que la force
4407
que la force vivifiante en l’homme n’ait un champ
d’
action que dans une petite partie du monde et que des foules innombrab
4408
te partie du monde et que des foules innombrables
de
peuples n’entrent absolument pas en ligne de compte pour ce qui est d
4409
absolument pas en ligne de compte pour ce qui est
de
la perfectibilité humaine. Je ne puis que difficilement concevoir que
4410
énéral tous les non-Européens manquent totalement
de
dispositions morales ou esthétiques. Le réalisme ainsi que l’idéalism
4411
oethe se borne à répondre : Soyons donc contents
de
vivre sur cette partie du globe, même si l’Europe doit connaître enco
4412
lobe, même si l’Europe doit connaître encore plus
de
remous. Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) peut être considéré comme
4413
Pourtant, la série des grandes œuvres politiques
de
ce disciple de Rousseau et de Kant, contemporaines de la Révolution f
4414
érie des grandes œuvres politiques de ce disciple
de
Rousseau et de Kant, contemporaines de la Révolution française (qu’il
4415
s œuvres politiques de ce disciple de Rousseau et
de
Kant, contemporaines de la Révolution française (qu’il défend dès 179
4416
e disciple de Rousseau et de Kant, contemporaines
de
la Révolution française (qu’il défend dès 1793) et de Napoléon (qu’il
4417
a Révolution française (qu’il défend dès 1793) et
de
Napoléon (qu’il attaquera violemment) s’ouvre par un projet de Sociét
4418
qu’il attaquera violemment) s’ouvre par un projet
de
Société des Nations et de citoyenneté mondiale : Grundriss der Völker
4419
) s’ouvre par un projet de Société des Nations et
de
citoyenneté mondiale : Grundriss der Völker- und Weltbürgerrechts, 17
4420
ire triompher dans le monde entier les conditions
de
la liberté populaire conquises par la Révolution. Fichte n’abandonner
4421
oies militaires par lesquelles Napoléon va tenter
d’
imposer la révolution jacobine à l’Europe. Dans l’un et l’autre cas, l
4422
nettes, Fichte veut l’instaurer par la contrainte
de
l’État national autarcique. Partant de l’idée de société des peuples
4423
contrainte de l’État national autarcique. Partant
de
l’idée de société des peuples libres, Fichte constate d’abord que l’e
4424
de l’État national autarcique. Partant de l’idée
de
société des peuples libres, Fichte constate d’abord que l’expansion c
4425
bord que l’expansion coloniale est le grand péché
de
l’Europe : elle est inutile et immorale — Bentham pensait de même — e
4426
est elle qui a provoqué la dissolution anarchique
de
l’Europe, jadis indivise, en États instables et belliqueux. Le mouvem
4427
et refermés chacun sur soi, sans espoir ni besoin
d’
agrandissement. Alors, l’État qui a la plus haute culture (« der auf d
4428
ce finalement réunira le genre humain. Les étapes
de
ce raisonnement — qui annonce souvent de la manière la plus précise l
4429
s étapes de ce raisonnement — qui annonce souvent
de
la manière la plus précise le national-socialisme et le communisme —
4430
illustrées par les citations suivantes, extraites
de
l’ouvrage intitulé Der geschlossene Handelsstaat (L’État commercial f
4431
monde antique étaient séparés les uns des autres
d’
une manière très rigoureuse, par une foule de conditions. Pour eux l’é
4432
tres d’une manière très rigoureuse, par une foule
de
conditions. Pour eux l’étranger était un ennemi ou un barbare. On peu
4433
bare. On peut au contraire considérer les peuples
de
la nouvelle Europe chrétienne comme formant une seule nation. Unis pa
4434
es et les mêmes conceptions primitives des forêts
de
Germanie, ils furent aussi liés les uns aux autres, depuis leur expan
4435
autres, depuis leur expansion dans les provinces
de
l’Empire romain d’Occident, par une même religion commune et la même
4436
r expansion dans les provinces de l’Empire romain
d’
Occident, par une même religion commune et la même soumission au chef
4437
ion commune et la même soumission au chef visible
de
cette dernière. Aux peuples de race différente qui vinrent plus tard,
4438
on au chef visible de cette dernière. Aux peuples
de
race différente qui vinrent plus tard, on inculqua, en même temps que
4439
religion, le même système germanique fondamental
d’
usages et d’idées… Quoi d’étonnant si ces peuples qui, unis de toute m
4440
e même système germanique fondamental d’usages et
d’
idées… Quoi d’étonnant si ces peuples qui, unis de toute manière, n’ét
4441
germanique fondamental d’usages et d’idées… Quoi
d’
étonnant si ces peuples qui, unis de toute manière, n’étaient pas sépa
4442
d’idées… Quoi d’étonnant si ces peuples qui, unis
de
toute manière, n’étaient pas séparés par ce qui d’ordinaire sépare le
4443
e toute manière, n’étaient pas séparés par ce qui
d’
ordinaire sépare les hommes, la constitution de l’État, n’en ayant poi
4444
ui d’ordinaire sépare les hommes, la constitution
de
l’État, n’en ayant point en fait, se considéraient et se comportaient
4445
ient du service et si chacun, arrivé dans le pays
d’
autrui se croyait toujours chez lui. Plus tard seulement, avec l’intro
4446
e à l’origine, ne fut considéré que comme général
de
la chrétienté, devant être pour l’Église entière ce qu’étaient les pa
4447
se sont ainsi formés ; — non, comme on a coutume
de
décrire dans la doctrine du droit la formation d’un État, par le rass
4448
de décrire dans la doctrine du droit la formation
d’
un État, par le rassemblement et la réunion d’individus isolés sous l’
4449
ion d’un État, par le rassemblement et la réunion
d’
individus isolés sous l’unité de la loi, mais plutôt par la séparation
4450
ent et la réunion d’individus isolés sous l’unité
de
la loi, mais plutôt par la séparation et la division d’une seule gran
4451
loi, mais plutôt par la séparation et la division
d’
une seule grande masse humaine, faiblement unie. Ainsi les divers État
4452
insi les divers États de l’Europe chrétienne sont
de
ces morceaux détachés de l’ancien ensemble, déterminés en grande part
4453
l’Europe chrétienne sont de ces morceaux détachés
de
l’ancien ensemble, déterminés en grande partie pour leur étendue par
4454
pour leur étendue par le hasard. C’est à l’époque
de
cette unité de l’Europe chrétienne que s’est formé aussi, entre autre
4455
ue par le hasard. C’est à l’époque de cette unité
de
l’Europe chrétienne que s’est formé aussi, entre autres, le système c
4456
s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui. Chaque partie
de
ce grand Tout et chaque individu, cultivait, fabriquait, acquérait pa
4457
ns les autres parties du monde, ce qu’il pouvait,
de
la façon la plus pratique, suivant sa condition naturelle, et le port
4458
, et le portait au marché dans toutes les parties
de
ce même Tout, sans empêchement, et les prix des objets s’établissaien
4459
pêchement, et les prix des objets s’établissaient
d’
eux-mêmes… Les citoyens d’un même État doivent tous trafiquer entre e
4460
objets s’établissaient d’eux-mêmes… Les citoyens
d’
un même État doivent tous trafiquer entre eux. L’Europe chrétienne for
4461
opéens entre eux devait être libre. Il est facile
de
faire l’application à l’état actuel des choses. Si toute l’Europe chr
4462
Europe chrétienne avec les colonies et les places
de
commerce qui s’y sont ajoutées dans les autres parties du monde, form
4463
orme encore un tout, alors assurément le commerce
de
toutes les parties entre elles doit rester libre, comme il l’était à
4464
plètement fermés. Nous voici parvenus à la source
de
la plus grande partie des abus qui existent encore. Dans l’Europe nou
4465
t encore. Dans l’Europe nouvelle, il n’y a pas eu
d’
États du tout pendant un long espace de temps. On en est encore à la p
4466
y a pas eu d’États du tout pendant un long espace
de
temps. On en est encore à la période des essais pour en former. De pl
4467
former. De plus, on a jusqu’ici conçu la mission
de
l’État seulement d’une manière unilatérale et à moitié incomplète, co
4468
a jusqu’ici conçu la mission de l’État seulement
d’
une manière unilatérale et à moitié incomplète, comme une institution
4469
nstitution pour maintenir le citoyen par le moyen
de
la loi, dans les conditions de propriété où on le trouve. On a néglig
4470
toyen par le moyen de la loi, dans les conditions
de
propriété où on le trouve. On a négligé le devoir plus profond de l’É
4471
on le trouve. On a négligé le devoir plus profond
de
l’État qui consiste à établir d’abord chacun dans la propriété qui lu
4472
en ce qui concerne sa législation et sa fonction
de
juge.150 Faut-il se lamenter sur la division de l’Europe ? Non, il
4473
de juge.150 Faut-il se lamenter sur la division
de
l’Europe ? Non, il serait vain de « déplorer l’inévitable » : Si l’o
4474
sur la division de l’Europe ? Non, il serait vain
de
« déplorer l’inévitable » : Si l’on veut supprimer la guerre, il fau
4475
l faut que chaque État obtienne ce qu’il projette
d’
obtenir par la guerre et ce que seulement il peut projeter raisonnable
4476
ce que seulement il peut projeter raisonnablement
d’
obtenir, ses frontières naturelles. Dès lors, il n’a plus rien à deman
4477
il cherchait.151 Ainsi, à l’utopie rousseauiste
de
l’homme naturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie de l’État
4478
aturellement bon, correspond chez Fichte l’utopie
de
l’État naturellement raisonnable. Il n’y a plus qu’à tirer les conséq
4479
l n’y a plus qu’à tirer les conséquences logiques
de
ces prémisses : fermer les États, interdire entre eux les échanges, d
4480
diversifier leurs monnaies, etc. C’est la théorie
de
l’autarcie absolue qui naît sous nos yeux. C’est d’un processus exact
4481
l’autarcie absolue qui naît sous nos yeux. C’est
d’
un processus exactement inverse de celui du Marché commun que Fichte s
4482
nos yeux. C’est d’un processus exactement inverse
de
celui du Marché commun que Fichte se fait l’avocat : Toute la monnai
4483
c’est-à-dire tout l’or et l’argent, sera retirée
de
la circulation et échangée contre une nouvelle monnaie nationale, c’e
4484
vue de restreindre périodiquement ce commerce et
de
le faire cesser entièrement après un laps de temps déterminé… Tous le
4485
e et de le faire cesser entièrement après un laps
de
temps déterminé… Tous les ans l’importation étrangère doit diminuer.
4486
us les ans l’importation étrangère doit diminuer.
D’
une année à l’autre le public a moins besoin de ces marchandises qui n
4487
r. D’une année à l’autre le public a moins besoin
de
ces marchandises qui ne peuvent être produites en leur pureté ni remp
4488
sage des marchandises où il n’est tenu compte que
de
l’opinion, peuvent même être interdits sur le champ. Le besoin de ces
4489
uvent même être interdits sur le champ. Le besoin
de
ces marchandises importées de l’étranger diminue également si elles-m
4490
le champ. Le besoin de ces marchandises importées
de
l’étranger diminue également si elles-mêmes ou leurs succédanés, doiv
4491
se développent constamment et ainsi les produits
de
l’extérieur sont remplacés par ceux de l’intérieur. L’exportation éga
4492
s produits de l’extérieur sont remplacés par ceux
de
l’intérieur. L’exportation également doit diminuer… Car, suivant le p
4493
r les étrangers à des travaux pour les nationaux,
de
la manière convenable. Il ne cherche pas en effet à acquérir une prép
4494
Le savant seul et l’artiste supérieur ont besoin
de
voyager hors de l’État commercial fermé : il ne doit pas être permis
4495
longtemps à une vaine curiosité et à la recherche
de
distractions de transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des
4496
vaine curiosité et à la recherche de distractions
de
transporter en tout pays leur ennui. Les voyages des premiers s’effec
4497
des premiers s’effectuent pour le plus grand bien
de
l’humanité et de l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devra
4498
fectuent pour le plus grand bien de l’humanité et
de
l’État ; loin de les empêcher, le gouvernement devrait même les encou
4499
it même les encourager et faire voyager aux frais
de
l’État savants et artistes.153 Il est évident que dans une nation ai
4500
acquiert par suite des mesures indiquées sa façon
de
vivre, son organisation et ses mœurs particulières, qui aime avec dév
4501
aime avec dévouement la patrie et tout ce qui est
de
la patrie, l’honneur national se développera très vite, à un degré él
4502
e nation, absolument nouvelle. Cette introduction
d’
une monnaie nationale en est véritablement la création… Un seul lien
4503
ul lien devra subsister entre les peuples : celui
de
la science. Grâce à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront de
4504
e à elle, mais à elle seule, les hommes s’uniront
de
manière durable et ils le doivent, quand pour tout le reste, leur div
4505
en, il le favorisera plutôt, car l’enrichissement
de
la Science par la puissance réunie de l’espèce humaine, avance même c
4506
ichissement de la Science par la puissance réunie
de
l’espèce humaine, avance même ces fins terrestres particulières. Les
4507
ribuer sur eux une prépondérance quelconque.154
De
toutes les utopies issues de la philosophie pré-romantique, il faut a
4508
nce quelconque.154 De toutes les utopies issues
de
la philosophie pré-romantique, il faut avouer que celle de Fichte, po
4509
losophie pré-romantique, il faut avouer que celle
de
Fichte, pour délirante qu’elle nous paraisse, se trouve avoir le mieu
4510
allaient suivre. Et cependant, il serait injuste
de
considérer Fichte sous le seul aspect d’un précurseur de l’Anti-Europ
4511
injuste de considérer Fichte sous le seul aspect
d’
un précurseur de l’Anti-Europe des nationalismes totalitaires. Par des
4512
idérer Fichte sous le seul aspect d’un précurseur
de
l’Anti-Europe des nationalismes totalitaires. Par des voies « dialect
4513
croyait atteindre. Cinq ans après la publication
de
son manifeste de l’Autarcie, il écrivait, dans ses Grundzüge des gege
4514
e. Cinq ans après la publication de son manifeste
de
l’Autarcie, il écrivait, dans ses Grundzüge des gegenwärtigen Zeitalt
4515
ärtigen Zeitalters (1804-1805) : … les Européens
de
religion chrétienne ne forment en réalité qu’un seul peuple, ils ne r
4516
e que cette Europe qui est leur terre commune, et
d’
une extrémité à l’autre du continent, ils ne poursuivent, à peu de cho
4517
seins, grâce à eux cependant la première esquisse
de
l’organisation mondiale se prépare et les progrès de la culture unive
4518
l’organisation mondiale se prépare et les progrès
de
la culture universelle s’intensifient peu à peu ; et selon la même rè
4519
bite notre globe, sera réuni par les institutions
de
l’unique République universelle de la culture, qui comprendra tous le
4520
s institutions de l’unique République universelle
de
la culture, qui comprendra tous les peuples. À l’expansion coloniali
4521
peuples. À l’expansion colonialiste, responsable
de
la division de l’Europe en nations hostiles, puis au processus de fer
4522
xpansion colonialiste, responsable de la division
de
l’Europe en nations hostiles, puis au processus de fermeture totale d
4523
e l’Europe en nations hostiles, puis au processus
de
fermeture totale de ces monades politiques, succédera donc un jour, s
4524
s hostiles, puis au processus de fermeture totale
de
ces monades politiques, succédera donc un jour, selon Fichte, l’expan
4525
onc un jour, selon Fichte, l’expansion triomphale
de
la culture européenne, portée par la Science et libérée de tout impér
4526
ture européenne, portée par la Science et libérée
de
tout impérialisme. Nous n’en sommes pas si loin, dans cette seconde m
4527
uvait l’imaginer : ne fût-ce que par la collusion
de
la science et des nationalismes… Johann Gottfried von Herder (1744-18
4528
n fécondes hypothèses contradictoires sur le rôle
de
l’Europe dans l’histoire. Il a célébré « l’âme des peuples » en précu
4529
omantique, « l’équilibre européen » en précurseur
de
la Sainte-Alliance, les vertus nordiques en précurseur du racisme, la
4530
précurseur du racisme, la supériorité spirituelle
de
l’Orient en précurseur des philosophes modernes de notre « décadence
4531
e l’Orient en précurseur des philosophes modernes
de
notre « décadence fatale ». Tantôt il voit l’Europe à la tête du prog
4532
qu’elle a colonisés et pillés. Essayons cependant
de
saisir, dans ce balancement pendulaire de sa pensée, quelques-uns des
4533
pendant de saisir, dans ce balancement pendulaire
de
sa pensée, quelques-uns des moments de passage à l’axe européen. Voic
4534
pendulaire de sa pensée, quelques-uns des moments
de
passage à l’axe européen. Voici d’abord l’Europe « République des sav
4535
s qu’elle est allée chercher sur toute la surface
de
la Terre, a su se donner une forme idéale que seuls le savant perçoit
4536
ent leur cours : nous poursuivons l’image magique
d’
une Science suprême et d’une Connaissance universelle, que nous n’atte
4537
rsuivons l’image magique d’une Science suprême et
d’
une Connaissance universelle, que nous n’atteindrons jamais, mais qui
4538
si longtemps que durera la Constitution politique
de
l’Europe. Les États qui ne sont jamais entrés dans ce conflit, ne com
4539
mptent pour ainsi dire pas.155 Mais voici l’une
de
ces intuitions typiquement herdériennes, c’est-à-dire géo-historico-l
4540
noncent les grands systèmes « weltgeschichtlich »
de
Schlegel à Spengler en passant par Hegel : Est-ce le Nord ou le Sud,
4541
été la « vagina hominum » ? Quelle est l’origine
de
l’espèce humaine, des inventions, des arts et des religions ? Faut-il
4542
ons ? Faut-il croire que le genre humain a émigré
de
l’est vers le nord, pour s’y reproduire dans les montagnes du froid,
4543
uire dans les montagnes du froid, mû par sa force
de
géant, comme ces monstrueux poissons conservés sous les glaces ? Ensu
4544
ces ? Ensuite, après avoir inventé cette religion
de
la cruauté conforme à son climat, il aurait envahi l’Europe à la forc
4545
son climat, il aurait envahi l’Europe à la force
de
l’épée, y implantant ses mœurs et sa conception de la justice. S’il e
4546
e l’épée, y implantant ses mœurs et sa conception
de
la justice. S’il en est ainsi, je vois deux courants : l’un, venu d’O
4547
en est ainsi, je vois deux courants : l’un, venu
d’
Orient, passe par la Grèce et l’Italie et s’infléchit légèrement dans
4548
et l’Italie et s’infléchit légèrement dans le sud
de
l’Europe, inventeur d’une douce religion méridionale, d’une poésie de
4549
hit légèrement dans le sud de l’Europe, inventeur
d’
une douce religion méridionale, d’une poésie de l’imagination, d’une m
4550
rope, inventeur d’une douce religion méridionale,
d’
une poésie de l’imagination, d’une musique, d’un art, d’une sagesse de
4551
ur d’une douce religion méridionale, d’une poésie
de
l’imagination, d’une musique, d’un art, d’une sagesse des mœurs, d’un
4552
igion méridionale, d’une poésie de l’imagination,
d’
une musique, d’un art, d’une sagesse des mœurs, d’une science qui form
4553
le, d’une poésie de l’imagination, d’une musique,
d’
un art, d’une sagesse des mœurs, d’une science qui forment le patrimoi
4554
poésie de l’imagination, d’une musique, d’un art,
d’
une sagesse des mœurs, d’une science qui forment le patrimoine du Sud-
4555
d’une musique, d’un art, d’une sagesse des mœurs,
d’
une science qui forment le patrimoine du Sud-Ouest européen. Quant au
4556
uest européen. Quant au deuxième courant, il part
d’
Asie, par le nord rejoint l’Europe où il submerge l’autre courant… S’i
4557
t ainsi, le troisième courant ne viendra-t-il pas
d’
Amérique et le dernier peut-être du cap de Bonne-Espérance ou des régi
4558
s situées au-delà ?156 Sur la fonction mondiale
de
l’Europe, Herder a des vues prophétiques, que vérifie l’évolution ant
4559
siècle. Déjà dans ses Idées pour une Philosophie
de
l’Histoire (1784) il annonçait que les instruments et moyens inventés
4560
dû se souvenir : On peut considérer l’existence
d’
un État en soi ou par rapport aux autres États ; l’Europe se trouve da
4561
tres États ; l’Europe se trouve dans l’obligation
d’
utiliser les deux échelles, les États d’Asie n’en ont qu’une seule.159
4562
752-1809), historien des Suisses, combla les vœux
de
Herder en donnant à ses contemporains une Vue générale de l’Histoire
4563
r en donnant à ses contemporains une Vue générale
de
l’Histoire du Genre Humain (1797) dont le succès fut immense à l’époq
4564
chen Menschheit) cette vue générale ne laisse pas
d’
être pessimiste. Selon Heinz Gollwitzer, J. von Müller « fut le premie
4565
parfois assumé le contenu affectif et conceptuel
d’
une conscience de la décadence spécifiquement européenne, apparentée (
4566
e contenu affectif et conceptuel d’une conscience
de
la décadence spécifiquement européenne, apparentée (mais non identiqu
4567
e, apparentée (mais non identique), au pessimisme
de
la vision chrétienne du monde »160. Comme Rousseau, il voyait « tous
4568
soit à l’Amérique ». Voici le tableau qu’il donne
de
l’état des puissances européennes, tel qu’on pouvait le concevoir à l
4569
ensemble, l’intérêt protestant dans cette partie
de
l’Europe ; un jour la neutralité armée se joindra ici… Parmi les pui
4570
alité armée se joindra ici… Parmi les puissances
de
la seconde classe, qui tiennent l’équilibre de la liberté européenne,
4571
es de la seconde classe, qui tiennent l’équilibre
de
la liberté européenne, l’empereur, la Russie et la Prusse sont par le
4572
e et la Prusse sont par le nombre et l’excellence
de
leurs troupes, naturellement les principales. D’autres leur disputera
4573
uelque nouveau Gustave Adolphe, qui par l’énergie
de
son héroïsme, sût placer un petit peuple à la tête des Potentats. À l
4574
nces barbares est le Padisha ; l’Europe n’a point
de
relations avec les Cours d’Asie ; en Afrique, Alger, Tunis, Tripoli,
4575
; l’Europe n’a point de relations avec les Cours
d’
Asie ; en Afrique, Alger, Tunis, Tripoli, Maroc, sont dignes de remarq
4576
frique, Alger, Tunis, Tripoli, Maroc, sont dignes
de
remarque. On peut traiter de la Suisse et des rois de Sardaigne et de
4577
, Maroc, sont dignes de remarque. On peut traiter
de
la Suisse et des rois de Sardaigne et de Portugal après la maison de
4578
emarque. On peut traiter de la Suisse et des rois
de
Sardaigne et de Portugal après la maison de Bourbon, dont l’un est ce
4579
traiter de la Suisse et des rois de Sardaigne et
de
Portugal après la maison de Bourbon, dont l’un est censé d’être allié
4580
rois de Sardaigne et de Portugal après la maison
de
Bourbon, dont l’un est censé d’être allié ; et dont les liaisons peuv
4581
l après la maison de Bourbon, dont l’un est censé
d’
être allié ; et dont les liaisons peuvent seules faire valoir les droi
4582
cernant la Lombardie. La Scandinavie, les princes
de
l’Empire, la Pologne, quelques États d’Italie peuvent être considérés
4583
ribuer surtout à gêner ou à accélérer les progrès
de
l’une contre l’autre de ces puissances. Parmi les États gouvernés par
4584
u à accélérer les progrès de l’une contre l’autre
de
ces puissances. Parmi les États gouvernés par les Bourbons, la France
4585
tion, son terroir, sa population, et le caractère
de
ses habitants, pourroit seule donner la loi au monde, si un système s
4586
monde, si un système suivi, approprié à la nature
d’
une grande puissance, faisoit valoir ses prodigieuses ressources.161
4587
On est frappé par la complication et la fragilité
de
ces divers groupes de puissances censées « tenir l’équilibre de la li
4588
omplication et la fragilité de ces divers groupes
de
puissances censées « tenir l’équilibre de la liberté européenne ». El
4589
groupes de puissances censées « tenir l’équilibre
de
la liberté européenne ». Elles évoquent la page dans laquelle Kant, c
4590
ent la page dans laquelle Kant, critiquant l’idée
d’
équilibre européen chère à Gentz et à Burke, rappelait cette maison dé
4591
cette maison décrite par Swift et qui était bâtie
d’
une manière si conforme au seul principe d’équilibre que lorsqu’un moi
4592
bâtie d’une manière si conforme au seul principe
d’
équilibre que lorsqu’un moineau se posa sur son toit, elle s’écroula.
4593
rs, Müller est surtout intéressant par ses essais
de
comparaison globale des civilisations. À cet égard, le Résumé du ixe
4594
gard, le Résumé du ixe Discours est très typique
de
cette apparition d’une conscience de l’Europe-dans-le-Monde qui marqu
4595
xe Discours est très typique de cette apparition
d’
une conscience de l’Europe-dans-le-Monde qui marque la pensée germaniq
4596
très typique de cette apparition d’une conscience
de
l’Europe-dans-le-Monde qui marque la pensée germanique de l’époque :
4597
ope-dans-le-Monde qui marque la pensée germanique
de
l’époque : Pendant huit siècles depuis la ruine de l’Empire romain n
4598
l’époque : Pendant huit siècles depuis la ruine
de
l’Empire romain nous avons vu l’Orient toujours semblable à lui-même
4599
me ; un empire, aussi prompt à s’élever que celui
de
Ninus et de Cyrus, s’affoiblir, se partager, et diverses dynasties se
4600
re, aussi prompt à s’élever que celui de Ninus et
de
Cyrus, s’affoiblir, se partager, et diverses dynasties se succéder, p
4601
espotes ; les Mongols, comme les Scythes du temps
de
Cyaxares, envahir mille diverses tribus du genre humain, et disparoît
4602
ssager du premier empereur des Francs, le passage
de
la vie des anciens Germains à l’état de police, quand les nations con
4603
e passage de la vie des anciens Germains à l’état
de
police, quand les nations contenues l’une par l’autre, furent forcées
4604
ntenues l’une par l’autre, furent forcées à tirer
de
leur sol, ce qu’ils auraient mieux aimé conquérir. De cette applicati
4605
eur sol, ce qu’ils auraient mieux aimé conquérir.
De
cette application résulte l’industrie, puis le courage de la liberté,
4606
application résulte l’industrie, puis le courage
de
la liberté, parmi les bourgeois, enfin le développement de l’esprit h
4607
erté, parmi les bourgeois, enfin le développement
de
l’esprit humain. Toutes les religions sont venues de l’Orient ; le se
4608
l’esprit humain. Toutes les religions sont venues
de
l’Orient ; le sentiment y est plus vif, plus élevé ; ces connoissance
4609
emploient, ici elles accélèrent le grand ouvrage
de
l’établissement de l’ordre civil. On voit plus d’art, plus de persévé
4610
es accélèrent le grand ouvrage de l’établissement
de
l’ordre civil. On voit plus d’art, plus de persévérance dans la polit
4611
de l’établissement de l’ordre civil. On voit plus
d’
art, plus de persévérance dans la politique des Européens, dans celle
4612
sement de l’ordre civil. On voit plus d’art, plus
de
persévérance dans la politique des Européens, dans celle des Orientau
4613
ique des Européens, dans celle des Orientaux plus
de
cette énergie momentanée. Nous sommes au milieu du Drame qu’ont ouver
4614
qu’ont ouvert les Géans du Nord, les destructeurs
de
l’ancien Empire. 148. Soyez embrassés, ô millions. Par ce baiser
4615
1951, p.117. 161. Jean de Müller : Vue générale
de
l’histoire du genre humain. Vingt-unième discours, conclusion. Paris,
4616
t l’Autriche et la Prusse, et combattu toute idée
d’
hégémonie européenne, estima qu’il était temps « de substituer aux for
4617
’hégémonie européenne, estima qu’il était temps «
de
substituer aux formes surannées de la vieille Europe un nouvel ordre
4618
était temps « de substituer aux formes surannées
de
la vieille Europe un nouvel ordre des choses »162 et devint ministre
4619
ôme de Westphalie. C’était le temps où la Gazette
de
France écrivait sous le titre de « Tableau de l’Europe »163 : Ce ne
4620
ps où la Gazette de France écrivait sous le titre
de
« Tableau de l’Europe »163 : Ce ne seront plus des forces égales qui
4621
tte de France écrivait sous le titre de « Tableau
de
l’Europe »163 : Ce ne seront plus des forces égales qui, par leur op
4622
ur être attaquée et trop grande pour avoir besoin
de
s’étendre, tiendra tout en paix autour d’elle… Désormais la France se
4623
besoin de s’étendre, tiendra tout en paix autour
d’
elle… Désormais la France sera le point d’appui sur lequel reposera l’
4624
autour d’elle… Désormais la France sera le point
d’
appui sur lequel reposera l’Europe entière. C’était le temps aussi où
4625
que celle, où Napoléon le Grand réunit la moitié
de
l’Europe sous son empire et par l’ascendant de son exemple exerce sur
4626
ié de l’Europe sous son empire et par l’ascendant
de
son exemple exerce sur l’autre moitié la plus heureuse influence ? Gr
4627
ce et en Allemagne, reprenant les anciens projets
de
paix en Europe par l’union des États, mais cette fois sous l’égide du
4628
s cette fois sous l’égide du Premier Consul, puis
de
l’empereur : ainsi le Tableau politique de l’Europe par Echassériaux
4629
, puis de l’empereur : ainsi le Tableau politique
de
l’Europe par Echassériaux (1802), Die Europäische Republik par Niklas
4630
opäische Republik par Niklas Vogt (1802 et 1808),
De
la Paix de l’Europe et de ses bases par Delisle de Sales, Du droit pu
4631
publik par Niklas Vogt (1802 et 1808), De la Paix
de
l’Europe et de ses bases par Delisle de Sales, Du droit public et du
4632
as Vogt (1802 et 1808), De la Paix de l’Europe et
de
ses bases par Delisle de Sales, Du droit public et du droit des gens,
4633
ales, Du droit public et du droit des gens, suivi
d’
un projet de paix générale et perpétuelle par Gondon (1807), Das Urbil
4634
it public et du droit des gens, suivi d’un projet
de
paix générale et perpétuelle par Gondon (1807), Das Urbild der Mensch
4635
(1807-1811), et vingt autres… On sait d’ailleurs
de
quel étrange prestige Napoléon bénéficia auprès des grands esprits de
4636
tige Napoléon bénéficia auprès des grands esprits
de
Weimar et de Iéna, un Goethe, un Wieland, un Hegel, les plus « europé
4637
bénéficia auprès des grands esprits de Weimar et
de
Iéna, un Goethe, un Wieland, un Hegel, les plus « européens » du mond
4638
« européens » du monde germanique, et même auprès
d’
un poète aussi peu politique que Jean Paul (Johann Paul Friedrich Rich
4639
. Cet enthousiaste a été jusqu’à louer l’empereur
d’
avoir tenté de transformer le continent tout entier en l’« État commer
4640
aste a été jusqu’à louer l’empereur d’avoir tenté
de
transformer le continent tout entier en l’« État commercial fermé » q
4641
mait Fichte ! Mais c’est en réalité l’imagination
de
l’Humanité unie et de l’Europe s’ouvrant au monde qui inspirent les é
4642
st en réalité l’imagination de l’Humanité unie et
de
l’Europe s’ouvrant au monde qui inspirent les écrits politiques de Je
4643
rant au monde qui inspirent les écrits politiques
de
Jean Paul, tels que Dämmerungen für Deutschland et Politische Fastenp
4644
ssage qui rappelle si curieusement la description
de
l’Europe en un seul corps par Guillaume Postel et par les graveurs de
4645
ul corps par Guillaume Postel et par les graveurs
de
la Renaissance. Non seulement l’Allemagne occupe le centre géographi
4646
ulement l’Allemagne occupe le centre géographique
de
l’Europe, mais elle en est aussi le centre moral. À juste titre, on l
4647
ste titre, on la représente souvent sur l’effigie
d’
une jeune fille sous la forme du cœur, tandis que mainte autre partie
4648
la forme du cœur, tandis que mainte autre partie
de
l’Europe n’est que la tête ou le bras avec le poing. Ce bon cœur si h
4649
es les guerres européennes ont transpercé à coups
de
canon !165 Que pensait dans le même temps le héros de ces utopistes
4650
on !165 Que pensait dans le même temps le héros
de
ces utopistes, le porteur de leurs espoirs européens, celui qui avait
4651
même temps le héros de ces utopistes, le porteur
de
leurs espoirs européens, celui qui avait rêvé d’une conquête de l’Asi
4652
de leurs espoirs européens, celui qui avait rêvé
d’
une conquête de l’Asie mais que son échec égyptien avait contraint de
4653
rs européens, celui qui avait rêvé d’une conquête
de
l’Asie mais que son échec égyptien avait contraint de limiter ses amb
4654
’Asie mais que son échec égyptien avait contraint
de
limiter ses ambitions au continent dont on prétend qu’il dit un jour
4655
pète que l’empereur n’a « révélé » ses intentions
d’
unir l’Europe qu’au temps de Sainte-Hélène, quand il était trop tard.
4656
as exact. Si l’Acte additionnel aux Constitutions
de
l’Empire, rédigé au retour de l’île d’Elbe, fut comme on sait l’œuvre
4657
l aux Constitutions de l’Empire, rédigé au retour
de
l’île d’Elbe, fut comme on sait l’œuvre de Benjamin Constant, son pré
4658
retour de l’île d’Elbe, fut comme on sait l’œuvre
de
Benjamin Constant, son préambule porte les marques de la pensée et de
4659
enjamin Constant, son préambule porte les marques
de
la pensée et de la main de l’empereur. Or on y lit : Nous avions alo
4660
, son préambule porte les marques de la pensée et
de
la main de l’empereur. Or on y lit : Nous avions alors pour but d’or
4661
bule porte les marques de la pensée et de la main
de
l’empereur. Or on y lit : Nous avions alors pour but d’organiser un
4662
pereur. Or on y lit : Nous avions alors pour but
d’
organiser un grand système fédératif européen, que nous avions adopté
4663
me à l’esprit du siècle, et favorable aux progrès
de
la civilisation. Pour parvenir à le compléter et à lui donner toute l
4664
susceptible, nous avions ajourné l’établissement
de
plusieurs institutions intérieures, plus spécialement destinées à pro
4665
é des citoyens… On conçoit que l’inaction forcée
de
Sainte-Hélène ait seule permis au despote déposé de se former une vue
4666
Sainte-Hélène ait seule permis au despote déposé
de
se former une vue cohérente des motifs qui animaient son action polit
4667
te des motifs qui animaient son action politique.
D’
où les déclarations fréquentes faites à Las Cases sur l’organisation q
4668
ation qu’il souhaite pour l’Europe. À la question
de
savoir ce qui fût advenu s’il était sorti victorieux de la campagne d
4669
oir ce qui fût advenu s’il était sorti victorieux
de
la campagne de Russie, Napoléon répond : La paix dans Moscou accompl
4670
advenu s’il était sorti victorieux de la campagne
de
Russie, Napoléon répond : La paix dans Moscou accomplissait et termi
4671
Moscou accomplissait et terminait mes expéditions
de
guerre. C’était, pour la grande cause, la fin des hasards et le comme
4672
ande cause, la fin des hasards et le commencement
de
la sécurité. Un nouvel horizon, de nouveaux travaux allaient se dérou
4673
e commencement de la sécurité. Un nouvel horizon,
de
nouveaux travaux allaient se dérouler, tous pleins du bien-être et de
4674
allaient se dérouler, tous pleins du bien-être et
de
la prospérité de tous. Le système européen se trouvait fondé ; il n’é
4675
ler, tous pleins du bien-être et de la prospérité
de
tous. Le système européen se trouvait fondé ; il n’était plus questio
4676
se trouvait fondé ; il n’était plus question que
de
l’organiser. Satisfait sur ces grands points, et tranquille partout,
4677
nt des idées qu’on m’a volées. Dans cette réunion
de
tous les souverains, nous eussions traité de nos intérêts en famille,
4678
nion de tous les souverains, nous eussions traité
de
nos intérêts en famille, et compté de clerc à maître avec les peuples
4679
ions traité de nos intérêts en famille, et compté
de
clerc à maître avec les peuples. L’empereur, ajoute Las Cases dans l
4680
s. L’empereur, ajoute Las Cases dans le Mémorial
de
Sainte-Hélène, passait ensuite en revue ce qu’il eût proposé pour la
4681
rité, les intérêts, la jouissance et le bien-être
de
l’association européenne. Il eût voulu les mêmes principes, le même s
4682
même système partout. Un Code européen ; une Cour
de
Cassation européenne, redressant, pour tous, les erreurs, comme la nô
4683
erreurs, comme la nôtre redresse chez nous celles
de
nos tribunaux. Une même monnaie sous des coins différents ; les mêmes
4684
tc., etc. L’Europe, disait-il, n’eût bientôt fait
de
la sorte véritablement qu’un même peuple, et chacun en voyageant, par
4685
cobin — et nullement fédéraliste ! — la condition
de
toute union européenne résidait dans une « simplification sommaire »
4686
unifiés à l’intérieur des grandes nations : Une
de
mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration
4687
Ainsi l’on compte en Europe, bien qu’épars, plus
de
trente millions de Français, quinze millions d’Espagnols, quinze mill
4688
en Europe, bien qu’épars, plus de trente millions
de
Français, quinze millions d’Espagnols, quinze millions d’Italiens, tr
4689
s de trente millions de Français, quinze millions
d’
Espagnols, quinze millions d’Italiens, trente millions d’Allemands : j
4690
ais, quinze millions d’Espagnols, quinze millions
d’
Italiens, trente millions d’Allemands : j’eusse voulu faire de chacun
4691
nols, quinze millions d’Italiens, trente millions
d’
Allemands : j’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et mê
4692
trente millions d’Allemands : j’eusse voulu faire
de
chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. C’est avec un
4693
lions d’Allemands : j’eusse voulu faire de chacun
de
ces peuples un seul et même corps de nation. C’est avec un tel cortèg
4694
re de chacun de ces peuples un seul et même corps
de
nation. C’est avec un tel cortège qu’il eût été beau de s’avancer dan
4695
ion. C’est avec un tel cortège qu’il eût été beau
de
s’avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles. Je me sent
4696
t la bénédiction des siècles. Je me sentais digne
de
cette gloire ! Après cette simplification sommaire, il eût été plus p
4697
simplification sommaire, il eût été plus possible
de
se livrer à la chimère du beau idéal de la civilisation : c’est dans
4698
possible de se livrer à la chimère du beau idéal
de
la civilisation : c’est dans cet état de choses qu’on eût trouvé plus
4699
est dans cet état de choses qu’on eût trouvé plus
de
chances d’amener partout l’unité des codes, celle des principes, des
4700
t état de choses qu’on eût trouvé plus de chances
d’
amener partout l’unité des codes, celle des principes, des opinions, d
4701
res universellement répandues, devenait-il permis
de
rêver, pour la grande famille européenne, l’application du Congrès am
4702
on du Congrès américain, ou celle des amphictions
de
la Grèce ; et quelle perspective alors de force, de grandeur, de joui
4703
ictions de la Grèce ; et quelle perspective alors
de
force, de grandeur, de jouissances, de prospérité ! Quel grand et mag
4704
la Grèce ; et quelle perspective alors de force,
de
grandeur, de jouissances, de prospérité ! Quel grand et magnifique sp
4705
t quelle perspective alors de force, de grandeur,
de
jouissances, de prospérité ! Quel grand et magnifique spectacle ! … Q
4706
tive alors de force, de grandeur, de jouissances,
de
prospérité ! Quel grand et magnifique spectacle ! … Quoi qu’il en soi
4707
ne pense pas qu’après ma chute et la disparition
de
mon système, il y ait en Europe d’autre grand équilibre possible que
4708
la disparition de mon système, il y ait en Europe
d’
autre grand équilibre possible que l’agglomération et la confédération
4709
au milieu de la première grande mêlée, embrassera
de
bonne foi la cause des peuples, se trouvera à la tête de toute l’Euro
4710
e foi la cause des peuples, se trouvera à la tête
de
toute l’Europe, et pourra tenter tout ce qu’il voudra. 162. Cf. Go
4711
und J. v. Müller, Frauenfeld, 1893. La lettre est
de
1804. 163. Numéro du 2 janvier 1806. 164. Marquis de Laplace : Expo
4712
5.L’Europe des adversaires
de
l’empereur Napoléon avait raison sur ce dernier point : le seul « é
4713
t : le seul « équilibre possible » après la chute
de
son empire, eût été la fédération. De fait, l’équilibre impossible de
4714
ès la chute de son empire, eût été la fédération.
De
fait, l’équilibre impossible de la Sainte-Alliance fut imposé par des
4715
té la fédération. De fait, l’équilibre impossible
de
la Sainte-Alliance fut imposé par des souverains qui, très loin d’« e
4716
ance fut imposé par des souverains qui, très loin
d’
« embrasser de bonne foi la cause des peuples », ne purent nouer au no
4717
é par des souverains qui, très loin d’« embrasser
de
bonne foi la cause des peuples », ne purent nouer au nom de la stabil
4718
is. Toutefois, l’idée européenne avait pris assez
de
force et rassemblé assez d’espoirs divers pour que les négociateurs d
4719
enne avait pris assez de force et rassemblé assez
d’
espoirs divers pour que les négociateurs des Traités de paix se sentis
4720
oirs divers pour que les négociateurs des Traités
de
paix se sentissent obligés de l’honorer au moins des lèvres : Extrait
4721
iateurs des Traités de paix se sentissent obligés
de
l’honorer au moins des lèvres : Extrait du protocole de la séance du
4722
onorer au moins des lèvres : Extrait du protocole
de
la séance du 5 février 1814, au congrès de Châtillon : Les plénipote
4723
tocole de la séance du 5 février 1814, au congrès
de
Châtillon : Les plénipotentiaires des cours alliées déclarent qu’ils
4724
ces comme uniquement envoyés par les quatre cours
de
la part desquelles ils sont munis de pleins pouvoirs, mais se trouvan
4725
quatre cours de la part desquelles ils sont munis
de
pleins pouvoirs, mais se trouvant chargés de traiter la paix avec la
4726
unis de pleins pouvoirs, mais se trouvant chargés
de
traiter la paix avec la France au nom de l’Europe, ne formant qu’un s
4727
e, ne formant qu’un seul tout. Extrait du traité
de
Chaumont, 1er mars 1814 : Le présent traité d’alliance défensive, ay
4728
é de Chaumont, 1er mars 1814 : Le présent traité
d’
alliance défensive, ayant pour but de maintenir l’équilibre en Europe,
4729
ésent traité d’alliance défensive, ayant pour but
de
maintenir l’équilibre en Europe, d’assurer le repos et l’indépendance
4730
yant pour but de maintenir l’équilibre en Europe,
d’
assurer le repos et l’indépendance des puissances et de prévenir les e
4731
urer le repos et l’indépendance des puissances et
de
prévenir les envahissements qui, depuis tant d’années, ont désolé le
4732
t de prévenir les envahissements qui, depuis tant
d’
années, ont désolé le monde, les Hautes Parties contractantes sont con
4733
Parties contractantes sont convenues entre elles
d’
en étendre la durée de vingt ans, à date du jour de la signature. Ext
4734
sont convenues entre elles d’en étendre la durée
de
vingt ans, à date du jour de la signature. Extrait de la Déclaration
4735
’en étendre la durée de vingt ans, à date du jour
de
la signature. Extrait de la Déclaration de Vichy, 15 mars 1814 : La
4736
ngt ans, à date du jour de la signature. Extrait
de
la Déclaration de Vichy, 15 mars 1814 : La marche des événements (a
4737
jour de la signature. Extrait de la Déclaration
de
Vichy, 15 mars 1814 : La marche des événements (a donné) aux Cours a
4738
énements (a donné) aux Cours alliées le sentiment
de
toute la force de la ligue européenne… La paix sera celle de l’Europe
4739
aux Cours alliées le sentiment de toute la force
de
la ligue européenne… La paix sera celle de l’Europe, toute autre est
4740
force de la ligue européenne… La paix sera celle
de
l’Europe, toute autre est inadmissible. Extrait de l’Acte de reconna
4741
l’Europe, toute autre est inadmissible. Extrait
de
l’Acte de reconnaissance de la neutralité de la Suisse, 1814 et 1815
4742
toute autre est inadmissible. Extrait de l’Acte
de
reconnaissance de la neutralité de la Suisse, 1814 et 1815 : Les Pui
4743
nadmissible. Extrait de l’Acte de reconnaissance
de
la neutralité de la Suisse, 1814 et 1815 : Les Puissances signataire
4744
rait de l’Acte de reconnaissance de la neutralité
de
la Suisse, 1814 et 1815 : Les Puissances signataires… reconnaissent…
4745
connaissent… que la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse… sont dans les vrais intérêts de l’Europe tout entière. Et
4746
bilité de la Suisse… sont dans les vrais intérêts
de
l’Europe tout entière. Et Metternich lui-même, l’un des principaux i
4747
ernich lui-même, l’un des principaux inspirateurs
de
ces Traités, déclarait : Depuis longtemps, l’Europe est pour moi une
4748
une patrie. Toute l’Europe se mit donc à parler
de
l’Europe, contre Napoléon qui avait voulu la faire. Mais ce concert d
4749
stico-métaphysiques ou socioéconomiques). Domaine
d’
expression française : deux libéraux suisses, Constant et Mme de Staël
4750
iste, Saint-Simon. Domaine germanique : un groupe
de
romantiques catholicisants, Novalis, Görres, Baader et Adam Müller ;
4751
lis, Görres, Baader et Adam Müller ; et un groupe
de
philosophes aux vues profondes, systématiques et mondiales à la Ficht
4752
chlegel, Hegel et Schelling. Mme de Staël servira
de
trait d’union entre les deux domaines. Et Goethe les dominera de sa s
4753
Hegel et Schelling. Mme de Staël servira de trait
d’
union entre les deux domaines. Et Goethe les dominera de sa stature, m
4754
n entre les deux domaines. Et Goethe les dominera
de
sa stature, mais non pas de son influence. C’est au moment où Napoléo
4755
t Goethe les dominera de sa stature, mais non pas
de
son influence. C’est au moment où Napoléon vient de quitter l’île d’E
4756
onstant (1767-1830) publie son célèbre pamphlet :
De
l’Esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la c
4757
7-1830) publie son célèbre pamphlet : De l’Esprit
de
conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation
4758
son célèbre pamphlet : De l’Esprit de conquête et
de
l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne. Cer
4759
on européenne. Certes, il n’y propose pas un plan
d’
union166, mais l’idée de l’Europe comme formant un ensemble n’est pas
4760
l n’y propose pas un plan d’union166, mais l’idée
de
l’Europe comme formant un ensemble n’est pas seulement dans le titre
4761
eulement dans le titre : elle est le sous-entendu
de
l’ouvrage entier. Napoléon, c’est l’esprit de conquête et d’uniformit
4762
ndu de l’ouvrage entier. Napoléon, c’est l’esprit
de
conquête et d’uniformité imposé par les armes, c’est l’anti-Europe. L
4763
e entier. Napoléon, c’est l’esprit de conquête et
d’
uniformité imposé par les armes, c’est l’anti-Europe. La polémique de
4764
par les armes, c’est l’anti-Europe. La polémique
de
Benjamin Constant contre la guerre se lie donc à une attaque contre l
4765
se lie donc à une attaque contre l’idée jacobine
de
la nation centralisée. Par là même, Benjamin Constant se fait le préc
4766
e précurseur des fédéralistes modernes, partisans
d’
une Europe unie dans ses diversités et opposant au nationalisme abstra
4767
able que l’uniformité n’ait jamais rencontré plus
de
faveur que dans une révolution faite au nom des droits et de la liber
4768
ue dans une révolution faite au nom des droits et
de
la liberté des hommes. L’esprit systématique s’est d’abord extasié su
4769
attachement aux intérêts, aux mœurs, aux coutumes
de
localité, nos soi-disant patriotes ont déclaré la guerre à toutes ces
4770
s un être abstrait, une idée générale, dépouillée
de
tout ce qui frappe l’imagination et de tout ce qui parle à la mémoire
4771
dépouillée de tout ce qui frappe l’imagination et
de
tout ce qui parle à la mémoire. Pour bâtir l’édifice, ils commençaien
4772
gnaient par des chiffres les légions et les corps
d’
armée, tant ils semblaient craindre qu’une idée morale ne pût se ratta
4773
is longtemps, et dont l’amalgame a perdu l’odieux
de
la violence et de la conquête, on voit le patriotisme qui naît des va
4774
ont l’amalgame a perdu l’odieux de la violence et
de
la conquête, on voit le patriotisme qui naît des variétés locales, se
4775
iotisme qui naît des variétés locales, seul genre
de
patriotisme véritable, renaître comme des cendres, dès que la main du
4776
ut ce qui leur donne l’apparence, même trompeuse,
d’
être constitués en corps de nation, et réunis par des hens particulier
4777
rence, même trompeuse, d’être constitués en corps
de
nation, et réunis par des hens particuliers. On sent que s’ils n’étai
4778
que s’ils n’étaient arrêtés dans le développement
de
cette inclination innocente et bienfaisante, il se formerait bientôt
4779
aisante, il se formerait bientôt en eux une sorte
d’
honneur communal, pour ainsi dire, d’honneur de ville, d’honneur de pr
4780
ux une sorte d’honneur communal, pour ainsi dire,
d’
honneur de ville, d’honneur de province, qui serait à la fois une joui
4781
te d’honneur communal, pour ainsi dire, d’honneur
de
ville, d’honneur de province, qui serait à la fois une jouissance et
4782
ur communal, pour ainsi dire, d’honneur de ville,
d’
honneur de province, qui serait à la fois une jouissance et une vertu.
4783
l, pour ainsi dire, d’honneur de ville, d’honneur
de
province, qui serait à la fois une jouissance et une vertu. Mais la j
4784
ois une jouissance et une vertu. Mais la jalousie
de
l’autorité les surveille, s’alarme, et brise le germe prêt à éclore.
4785
Quelle politique déplorable que celle qui en fait
de
la rébellion ! Qu’arrive-t-il ? que dans tous les États où l’on détru
4786
dans un isolement contre nature, étrangers au heu
de
leur naissance, sans contact avec le passé, ne vivant que dans un pré
4787
s sur une plaine immense et nivelée, se détachent
d’
une patrie qu’ils n’aperçoivent nulle part, et dont l’ensemble leur de
4788
que leur affection ne peut se reposer sur aucune
de
ses parties. La variété, c’est de l’organisation : l’uniformité, c’es
4789
oser sur aucune de ses parties. La variété, c’est
de
l’organisation : l’uniformité, c’est du mécanisme. La variété, c’est
4790
la mort. L’année même où paraissait la brochure
de
Constant, manifeste du libéralisme politique, où mourait Fichte, théo
4791
ur Sainte-Hélène tandis que Gentz, le « chevalier
de
l’Europe » se voyait placé au cœur des grandes affaires, un obscur ar
4792
ncien officier, ancien spéculateur, ancien détenu
de
la Terreur, économiste, ingénieur, écrivain, et futur fondateur d’une
4793
onomiste, ingénieur, écrivain, et futur fondateur
d’
une secte religieuse, publiait un plan d’États-Unis d’Europe d’une con
4794
ondateur d’une secte religieuse, publiait un plan
d’
États-Unis d’Europe d’une conception absolument nouvelle. En voici le
4795
eligieuse, publiait un plan d’États-Unis d’Europe
d’
une conception absolument nouvelle. En voici le titre complet : De la
4796
absolument nouvelle. En voici le titre complet :
De
la réorganisation de la Société européenne, ou de la nécessité de ras
4797
En voici le titre complet : De la réorganisation
de
la Société européenne, ou de la nécessité de rassembler les peuples d
4798
De la réorganisation de la Société européenne, ou
de
la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps p
4799
tion de la Société européenne, ou de la nécessité
de
rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique, en con
4800
nne, ou de la nécessité de rassembler les peuples
de
l’Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indép
4801
n indépendance nationale. Sans même tenir compte
de
l’influence que Saint-Simon devait exercer par la suite sur l’histori
4802
u capitalisme industriel par F. de Lesseps (canal
de
Suez) et sur le socialisme français par Enfantin, Fourier et les phal
4803
nces, que Metternich et Alexandre allaient tenter
de
réaliser, en vain, et il propose l’élection de députés européens par
4804
er de réaliser, en vain, et il propose l’élection
de
députés européens par les « corporations », ou professions qu’ils rep
4805
engagements solides ». Plus que tout autre auteur
de
Plans antérieurs, il se fonde sur l’économie. Il est le vrai précurse
4806
e fonde sur l’économie. Il est le vrai précurseur
de
la tendance institutionnaliste du xxe siècle, qui a produit le March
4807
rché commun et l’OCDE. Qu’on en juge : Le traité
de
Westphalie établit un nouvel ordre de choses par une opération politi
4808
Le traité de Westphalie établit un nouvel ordre
de
choses par une opération politique, qu’on appela équilibre des puissa
4809
partagée en deux confédérations qu’on s’efforçait
de
maintenir égales : c’était créer la guerre et l’entretenir constituti
4810
ntretenir constitutionnellement ; car deux ligues
d’
égale force sont nécessairement rivales, et il n’y a pas de rivalités
4811
orce sont nécessairement rivales, et il n’y a pas
de
rivalités sans guerres. Dès lors chaque puissance n’eut d’autre occup
4812
tés sans guerres. Dès lors chaque puissance n’eut
d’
autre occupation que d’accroître ses forces militaires. Au lieu de ces
4813
ors chaque puissance n’eut d’autre occupation que
d’
accroître ses forces militaires. Au lieu de ces chétives poignées de s
4814
rces militaires. Au lieu de ces chétives poignées
de
soldats levées pour un temps et bientôt licenciées, on vit partout de
4815
, presque toujours actives ; car depuis le traité
de
Westphalie la guerre a été l’état habituel de l’Europe… L’Europe a fo
4816
ité de Westphalie la guerre a été l’état habituel
de
l’Europe… L’Europe a formé autrefois une société confédérative unie p
4817
réparer. Je ne prétends pas sans doute qu’on tire
de
la poussière cette vieille organisation qui fatigue encore l’Europe d
4818
vieille organisation qui fatigue encore l’Europe
de
ses débris inutiles : le xixe siècle est trop loin du xiiie . Une co
4819
là ce que je propose aujourd’hui… À toute réunion
de
peuples comme à toute réunion d’hommes, il faut des institutions comm
4820
À toute réunion de peuples comme à toute réunion
d’
hommes, il faut des institutions communes, il faut une organisation :
4821
e par un parlement, reconnaissaient la suprématie
d’
un parlement général placé au-dessus de tous les gouvememens nationaux
4822
suprématie d’un parlement général placé au-dessus
de
tous les gouvememens nationaux et investi du pouvoir de juger leurs d
4823
s les gouvememens nationaux et investi du pouvoir
de
juger leurs différens. … Il en est du gouvernement européen, comme de
4824
omme des Gouvernemens nationaux, il ne peut avoir
d’
action sans une volonté commune à tous ses membres. Or, cette volonté
4825
nté commune à tous ses membres. Or, cette volonté
de
corps qui, dans un gouvernement national, naît du patriotisme nationa
4826
ans le gouvernement européen ne peut provenir que
d’
une plus grande généralité de vues, d’un sentiment plus étendu, qu’on
4827
ne peut provenir que d’une plus grande généralité
de
vues, d’un sentiment plus étendu, qu’on peut appeler le patriotisme e
4828
rovenir que d’une plus grande généralité de vues,
d’
un sentiment plus étendu, qu’on peut appeler le patriotisme européen.
4829
nt qui fait sortir le patriotisme hors des bornes
de
la patrie, cette habitude de considérer les intérêts de l’Europe, au
4830
isme hors des bornes de la patrie, cette habitude
de
considérer les intérêts de l’Europe, au lieu des intérêts nationaux,
4831
patrie, cette habitude de considérer les intérêts
de
l’Europe, au lieu des intérêts nationaux, sera pour ceux qui doivent
4832
former le parlement européen, un fruit nécessaire
de
son établissement. Il est vrai ; mais aussi ce sont les hommes qui fo
4833
peut s’établir si elle ne les trouve tout formés
d’
avance, ou du moins préparés à l’être. C’est donc une nécessité de n’a
4834
moins préparés à l’être. C’est donc une nécessité
de
n’admettre dans la chambre des députés du parlement européen, c’est-à
4835
, c’est-à-dire dans l’un des deux pouvoirs actifs
de
la constitution européenne, que des hommes qui, par des relations plu
4836
e répand sur tous les peuples, sont plus capables
d’
arriver bientôt à cette généralité de vues qui doit être l’esprit de c
4837
lus capables d’arriver bientôt à cette généralité
de
vues qui doit être l’esprit de corps, à cet intérêt général qui doit
4838
à cette généralité de vues qui doit être l’esprit
de
corps, à cet intérêt général qui doit être l’intérêt de corps du parl
4839
ps, à cet intérêt général qui doit être l’intérêt
de
corps du parlement européen. Des négocians, des savans, des magistrat
4840
u grand parlement. Et en effet, tout ce qu’il y a
d’
intérêts communs à la société européenne, peut être rapporté aux scien
4841
l’administration et à l’industrie. Chaque million
d’
hommes sachant lire et écrire en Europe, devra députer à la chambre de
4842
supposant qu’il y ait en Europe soixante millions
d’
hommes sachant lire et écrire, la chambre sera composée de deux-cent-q
4843
sachant lire et écrire, la chambre sera composée
de
deux-cent-quarante membres. Les élections de chacun des membres se fe
4844
osée de deux-cent-quarante membres. Les élections
de
chacun des membres se feront par la corporation à laquelle il apparti
4845
us seront nommés pour dix années… Toute question
d’
intérêt général de la société européenne sera portée devant le grand p
4846
our dix années… Toute question d’intérêt général
de
la société européenne sera portée devant le grand parlement, et exami
4847
e et son territoire. Le parlement aura le pouvoir
de
lever sur la confédération tous les impôts qu’il jugera nécessaires.
4848
qu’il jugera nécessaires. Toutes les entreprises
d’
une utilité générale pour la société européenne, seront dirigées par l
4849
que, etc. Sans activité au-dehors, il n’y a point
de
tranquillité au-dedans. Le plus sûr moyen de maintenir la paix dans l
4850
oint de tranquillité au-dedans. Le plus sûr moyen
de
maintenir la paix dans la confédération sera de la porter sans cesse
4851
n de maintenir la paix dans la confédération sera
de
la porter sans cesse hors d’elle-même, et de l’occuper sans relâche p
4852
a confédération sera de la porter sans cesse hors
d’
elle-même, et de l’occuper sans relâche par des grands travaux intérie
4853
sera de la porter sans cesse hors d’elle-même, et
de
l’occuper sans relâche par des grands travaux intérieurs. Peupler le
4854
r des grands travaux intérieurs. Peupler le globe
de
la race européenne, qui est supérieure à toutes les autres races d’ho
4855
nne, qui est supérieure à toutes les autres races
d’
hommes ; le rendre voyageable et habitable comme l’Europe, voilà l’ent
4856
européen devra continuellement exercer l’activité
de
l’Europe, et la tenir toujours en haleine. L’instruction publique dan
4857
on et la surveillance du grand parlement. Un code
de
morale tant générale que nationale et individuelle, sera rédigé par l
4858
s meilleurs, les plus solides, les seuls capables
de
rendre la société aussi heureuse qu’elle puisse l’être, et par la nat
4859
e l’être, et par la nature humaine, et par l’état
de
ses lumières. Le grand parlement permettra l’entière liberté de consc
4860
s. Le grand parlement permettra l’entière liberté
de
conscience, et l’exercice libre de toutes les religions ; mais il rép
4861
ntière liberté de conscience, et l’exercice libre
de
toutes les religions ; mais il réprimera celles dont les principes se
4862
t les principes seraient contraires au grand code
de
morale qui aura été établi. Ainsi, il y aura entre les peuples europé
4863
peuples européens ce qui fait le lien et la base
de
toute association politique : conformité d’institutions, union d’inté
4864
base de toute association politique : conformité
d’
institutions, union d’intérêts, rapport de maximes, communauté de mora
4865
tion politique : conformité d’institutions, union
d’
intérêts, rapport de maximes, communauté de morale et d’instruction pu
4866
formité d’institutions, union d’intérêts, rapport
de
maximes, communauté de morale et d’instruction publique… Après de gra
4867
union d’intérêts, rapport de maximes, communauté
de
morale et d’instruction publique… Après de grands efforts et de grand
4868
rêts, rapport de maximes, communauté de morale et
d’
instruction publique… Après de grands efforts et de grands travaux, je
4869
unauté de morale et d’instruction publique… Après
de
grands efforts et de grands travaux, je me suis placé du point de vue
4870
’instruction publique… Après de grands efforts et
de
grands travaux, je me suis placé du point de vue de l’intérêt commun
4871
grands travaux, je me suis placé du point de vue
de
l’intérêt commun des peuples européens. Ce point est le seul duquel o
4872
evoir et les maux qui nous menacent et les moyens
d’
éviter ces maux. Que ceux qui dirigent les affaires s’élèvent à la mêm
4873
l viendra sans doute un temps où tous les peuples
de
l’Europe sentiront qu’il faut régler les points d’intérêt général, av
4874
e l’Europe sentiront qu’il faut régler les points
d’
intérêt général, avant de descendre aux intérêts nationaux ; alors les
4875
ue nous tendons sans cesse, c’est là que le cours
de
l’esprit humain nous emporte ! mais lequel est le plus digne de la pr
4876
main nous emporte ! mais lequel est le plus digne
de
la prudence de l’homme ou de s’y traîner, ou d’y courir ? Le comte J
4877
te ! mais lequel est le plus digne de la prudence
de
l’homme ou de s’y traîner, ou d’y courir ? Le comte Joseph de Maistr
4878
el est le plus digne de la prudence de l’homme ou
de
s’y traîner, ou d’y courir ? Le comte Joseph de Maistre (1754-1821)
4879
e de la prudence de l’homme ou de s’y traîner, ou
d’
y courir ? Le comte Joseph de Maistre (1754-1821) né en Savoie, longt
4880
e en marge de la France, — quoique grand écrivain
de
langue française — l’opposition la plus fanatique à la Révolution lib
4881
eti genus, comme l’écrivait Horace) est à la tête
de
l’humanité, il n’en énonce pas moins les prophéties les plus sombres
4882
t imaginer pour elle qu’un seul salut : le retour
de
tous les peuples à Rome, et leur subordination sans condition au pape
4883
dination sans condition au pape, « grand Démiurge
de
la civilisation », fondateur de la « monarchie européenne » et « sour
4884
« grand Démiurge de la civilisation », fondateur
de
la « monarchie européenne » et « source de la souveraineté de l’Europ
4885
dateur de la « monarchie européenne » et « source
de
la souveraineté de l’Europe ». Mais comment croire à la réalisation d
4886
rchie européenne » et « source de la souveraineté
de
l’Europe ». Mais comment croire à la réalisation de cette grandiose r
4887
l’Europe ». Mais comment croire à la réalisation
de
cette grandiose rêverie théocratique ? On doute que son auteur y ait
4888
us tard, il n’en définit pas moins la supériorité
de
l’Europe et de la liberté sur l’Asie et le despotisme : L’univers s’
4889
n définit pas moins la supériorité de l’Europe et
de
la liberté sur l’Asie et le despotisme : L’univers s’est partagé en
4890
tisme : L’univers s’est partagé en deux systèmes
d’
une diversité tranchante. La race audacieuse de Japhet n’a cessé, s’i
4891
s d’une diversité tranchante. La race audacieuse
de
Japhet n’a cessé, s’il est permis de s’exprimer ainsi, de graviter ve
4892
e audacieuse de Japhet n’a cessé, s’il est permis
de
s’exprimer ainsi, de graviter vers ce qu’on appelle la liberté, c’est
4893
t n’a cessé, s’il est permis de s’exprimer ainsi,
de
graviter vers ce qu’on appelle la liberté, c’est-à-dire vers cet État
4894
tenté, il a épuisé toutes les formes imaginables
de
gouvernement, pour se passer de maîtres ou pour restreindre leur puis
4895
ormes imaginables de gouvernement, pour se passer
de
maîtres ou pour restreindre leur puissance. L’immense postérité de Se
4896
r restreindre leur puissance. L’immense postérité
de
Sem et de Cham a pris une autre route. Depuis les temps primitifs jus
4897
dre leur puissance. L’immense postérité de Sem et
de
Cham a pris une autre route. Depuis les temps primitifs jusqu’à ceux
4898
hez elle, l’homme le plus riche et le plus maître
de
ses actions, le possesseur d’une immense fortune mobilière, absolumen
4899
e et le plus maître de ses actions, le possesseur
d’
une immense fortune mobilière, absolument libre de la transporter où i
4900
d’une immense fortune mobilière, absolument libre
de
la transporter où il voudroit, sûr d’ailleurs d’une protection parfai
4901
de la transporter où il voudroit, sûr d’ailleurs
d’
une protection parfaite sur le sol européen, et voyant déjà arriver à
4902
ou le poignard, les préfère cependant au malheur
de
mourir d’ennui au milieu de nous. Personne sans doute n’imaginera de
4903
gnard, les préfère cependant au malheur de mourir
d’
ennui au milieu de nous. Personne sans doute n’imaginera de conseiller
4904
u milieu de nous. Personne sans doute n’imaginera
de
conseiller à l’Europe le droit public, si court et si clair, de l’Asi
4905
à l’Europe le droit public, si court et si clair,
de
l’Asie et de l’Afrique ; mais puisque le pouvoir chez elle est toujou
4906
droit public, si court et si clair, de l’Asie et
de
l’Afrique ; mais puisque le pouvoir chez elle est toujours craint, di
4907
uté, attaqué ou transporté ; puisqu’il n’y a rien
de
si insupportable à notre orgueil que le gouvernement despotique, le p
4908
potique, le plus grand problème européen est donc
de
savoir : Comment on peut restreindre le pouvoir souverain sans le dét
4909
s’est demandé si le vrai but du livre n’était pas
de
ramener à l’obédience de Rome l’empereur Alexandre Ier. Pour une négo
4910
but du livre n’était pas de ramener à l’obédience
de
Rome l’empereur Alexandre Ier. Pour une négociation de cette nature,
4911
me l’empereur Alexandre Ier. Pour une négociation
de
cette nature, de Maistre a peu d’atouts : il condamne d’avance toute
4912
une négociation de cette nature, de Maistre a peu
d’
atouts : il condamne d’avance toute idée de rapprochement avec l’ortho
4913
e nature, de Maistre a peu d’atouts : il condamne
d’
avance toute idée de rapprochement avec l’orthodoxie ou avec les prote
4914
a peu d’atouts : il condamne d’avance toute idée
de
rapprochement avec l’orthodoxie ou avec les protestants, qui n’ont qu
4915
s premiers, le retour à Rome serait le seul moyen
de
« s’élever au plus haut niveau de la culture européenne » ; pour les
4916
t le seul moyen de « s’élever au plus haut niveau
de
la culture européenne » ; pour les seconds, il s’agirait d’une abdica
4917
ure européenne » ; pour les seconds, il s’agirait
d’
une abdication de leur « orgueil » et d’une conversion totale, car, di
4918
; pour les seconds, il s’agirait d’une abdication
de
leur « orgueil » et d’une conversion totale, car, dit-il, « la moitié
4919
s’agirait d’une abdication de leur « orgueil » et
d’
une conversion totale, car, dit-il, « la moitié (protestante) de l’Eur
4920
on totale, car, dit-il, « la moitié (protestante)
de
l’Europe est sans religion ». Bien plus, à l’en croire : Le plus gra
4921
Bien plus, à l’en croire : Le plus grand ennemi
de
l’Europe, qu’il importe d’étouffer par tous les moyens qui ne sont pa
4922
Le plus grand ennemi de l’Europe, qu’il importe
d’
étouffer par tous les moyens qui ne sont pas des crimes, l’ulcère fune
4923
verainetés et qui les ronge sans relâche, le fils
de
l’orgueil, le père de l’anarchie, le dissolvant universel, c’est le p
4924
ronge sans relâche, le fils de l’orgueil, le père
de
l’anarchie, le dissolvant universel, c’est le protestantisme. Fille
4925
olvant universel, c’est le protestantisme. Fille
de
Necker, ministre genevois, protestant et libéral, de Louis XVI, la ba
4926
Necker, ministre genevois, protestant et libéral,
de
Louis XVI, la baronne de Staël-Holstein (1766-1817) est aux antipodes
4927
Holstein (1766-1817) est aux antipodes spirituels
de
son voisin de Chambéry, le ministre savoyard du roi de Sardaigne. Ell
4928
-1817) est aux antipodes spirituels de son voisin
de
Chambéry, le ministre savoyard du roi de Sardaigne. Elle est née pour
4929
et lui ne voit dans la Réforme que l’ennemi juré
de
l’unité. Ne serait-ce pas qu’il se fait de l’unité la même idée forme
4930
i juré de l’unité. Ne serait-ce pas qu’il se fait
de
l’unité la même idée formelle et coercitive que les jacobins exécrés
4931
itive que les jacobins exécrés ? Mme de Staël est
de
l’école fédéraliste, qui est aussi œcuménique : Il y a dans l’esprit
4932
forces très distinctes : l’une inspire le besoin
de
croire, l’autre celui d’examiner. L’une de ces facultés ne doit pas ê
4933
l’une inspire le besoin de croire, l’autre celui
d’
examiner. L’une de ces facultés ne doit pas être satisfaite aux dépens
4934
besoin de croire, l’autre celui d’examiner. L’une
de
ces facultés ne doit pas être satisfaite aux dépens de l’autre : le p
4935
otestantisme et le catholicisme ne viennent point
de
ce qu’il y a eu des papes et Luther ; c’est une pauvre manière de con
4936
eu des papes et Luther ; c’est une pauvre manière
de
considérer l’histoire que de l’attribuer à des hasards. Le protestant
4937
t une pauvre manière de considérer l’histoire que
de
l’attribuer à des hasards. Le protestantisme et le catholicisme exist
4938
dans chaque homme. … Il se peut qu’un jour un cri
d’
union s’élève, et que l’universalité des chrétiens aspire à professer
4939
ternelle prodigue les siècles à l’accomplissement
de
ses desseins, et notre existence passagère s’en irrite et s’en étonne
4940
’être plus qu’un même peuple dans les divers pays
de
l’Europe et la religion chrétienne y a puissamment contribué.169 Le
4941
Napoléon, que dans l’usage fécond qu’elle a fait
de
son exil. Coppet devint grâce à elle (comme le lui reprocheront les n
4942
elle (comme le lui reprocheront les nationalistes
de
l’école de Charles Maurras) la « trouée » par laquelle la France fut
4943
le lui reprocheront les nationalistes de l’école
de
Charles Maurras) la « trouée » par laquelle la France fut ouverte au
4944
» par laquelle la France fut ouverte au renouveau
de
la pensée européenne, initié par le génie des Goethe et des Herder. S
4945
ie des Goethe et des Herder. Son ouvrage intitulé
De
l’Allemagne est un acte européen dont les conséquences se révéleront
4946
nt plus amples que celles des actes diplomatiques
de
l’époque : Il faut, dans nos temps modernes, avoir l’esprit européen
4947
’esprit européen. … Les nations doivent se servir
de
guide les unes aux autres, et toutes auraient tort de se priver des l
4948
uide les unes aux autres, et toutes auraient tort
de
se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter. Il y
4949
vent mutuellement se prêter. Il y a quelque chose
de
très-singulier dans la différence d’un peuple à un autre : le climat,
4950
uelque chose de très-singulier dans la différence
d’
un peuple à un autre : le climat, l’aspect de la nature, la langue, le
4951
ence d’un peuple à un autre : le climat, l’aspect
de
la nature, la langue, le gouvernement, enfin surtout les événements d
4952
ue, le gouvernement, enfin surtout les événements
de
l’histoire, puissance plus extraordinaire encore que toutes les autre
4953
r ce qui se développe naturellement dans l’esprit
de
celui qui vit sur un autre sol et respire un autre air ; on se trouve
4954
autre air ; on se trouvera donc bien en tout pays
d’
accueillir les pensées étrangères ; car dans ce genre, l’hospitalité f
4955
car dans ce genre, l’hospitalité fait la fortune
de
celui qui reçoit. … Enfin, il reste encore une chose, dont l’ignoranc
4956
a frivolité ne peuvent jouir, c’est l’association
de
tous les hommes qui pensent, d’un bout de l’Europe à l’autre. Souvent
4957
est l’association de tous les hommes qui pensent,
d’
un bout de l’Europe à l’autre. Souvent ils n’ont entre eux aucune rela
4958
ciation de tous les hommes qui pensent, d’un bout
de
l’Europe à l’autre. Souvent ils n’ont entre eux aucune relation ; ils
4959
nt dispersés souvent à des grandes distances l’un
de
l’autre ; mais quand ils se rencontrent, un mot suffit pour qu’ils se
4960
’est pas telle religion, telle opinion, tel genre
d’
étude, c’est le culte de la vérité qui les réunit. Tantôt, comme les m
4961
telle opinion, tel genre d’étude, c’est le culte
de
la vérité qui les réunit. Tantôt, comme les mineurs, ils creusent jus
4962
ôt, comme les mineurs, ils creusent jusqu’au fond
de
la terre, pour pénétrer, au sein de l’éternelle nuit, les mystères du
4963
nomènes inconnus, tantôt ils étudient les langues
de
l’Orient, pour y chercher l’histoire primitive de l’homme, tantôt ils
4964
de l’Orient, pour y chercher l’histoire primitive
de
l’homme, tantôt ils vont à Jérusalem pour faire sortir des ruines sai
4965
et la poésie ; enfin, ils sont vraiment le peuple
de
Dieu, ces hommes qui ne désespèrent pas encore de la racine humaine,
4966
de Dieu, ces hommes qui ne désespèrent pas encore
de
la racine humaine, et veulent lui conserver l’empire de la pensée.170
4967
racine humaine, et veulent lui conserver l’empire
de
la pensée.170 Il n’y a pas de plus éminent service à rendre à la lit
4968
us éminent service à rendre à la littérature, que
de
transporter d’une langue à l’autre les chefs-d’œuvre de l’esprit huma
4969
ice à rendre à la littérature, que de transporter
d’
une langue à l’autre les chefs-d’œuvre de l’esprit humain. Il existe s
4970
nsporter d’une langue à l’autre les chefs-d’œuvre
de
l’esprit humain. Il existe si peu de productions du premier rang ; le
4971
pauvre. D’ailleurs, la circulation des idées est,
de
tous les genres de commerce, celui dont les avantages sont les plus c
4972
la circulation des idées est, de tous les genres
de
commerce, celui dont les avantages sont les plus certains.171 On va
4973
nt les plus certains.171 On va retrouver l’écho
de
cet œcuménisme ou fédéralisme des esprits dans les déclarations de Go
4974
ou fédéralisme des esprits dans les déclarations
de
Goethe sur la littérature mondiale. 166. Il aura l’occasion de le f
4975
a littérature mondiale. 166. Il aura l’occasion
de
le faire quelques semaines plus tard, lorsqu’il rédigera sur la deman
4976
ines plus tard, lorsqu’il rédigera sur la demande
de
Napoléon lui-même, l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire,
4977
on lui-même, l’Acte additionnel aux Constitutions
de
l’Empire, dans lequel est affirmée expressément la volonté de créer u
4978
dans lequel est affirmée expressément la volonté
de
créer une fédération européenne. 167. De l’Esprit de conquête. Chap
4979
olonté de créer une fédération européenne. 167.
De
l’Esprit de conquête. Chap. XIII : De l’Uniformité. 168. Livre II, c
4980
éer une fédération européenne. 167. De l’Esprit
de
conquête. Chap. XIII : De l’Uniformité. 168. Livre II, chap. 2 : « I
4981
nne. 167. De l’Esprit de conquête. Chap. XIII :
De
l’Uniformité. 168. Livre II, chap. 2 : « Inconvéniens de la Souverai
4982
veraineté », Paris, 1821. 169. Œuvres complètes
de
la baronne de Staël, tome IV, De la Littérature, Paris, 1820. 170.
4983
Œuvres complètes de la baronne de Staël, tome IV,
De
la Littérature, Paris, 1820. 170. De l’Allemagne, op. cit., T. XI.
4984
, tome IV, De la Littérature, Paris, 1820. 170.
De
l’Allemagne, op. cit., T. XI. Cet ouvrage, confisqué et détruit par l
4985
é en France qu’en 1814. 171. Op. cit., t. XVII,
De
l’esprit des traductions.
4986
ans les 143 volumes in octavo qui forment l’œuvre
de
ce « grand Européen », on trouve peu de choses sur l’Europe : c’est q
4987
te à sa personne qu’il ne trouve guère l’occasion
d’
en parler comme d’une entité objective. Les plans d’union le laissent
4988
u’il ne trouve guère l’occasion d’en parler comme
d’
une entité objective. Les plans d’union le laissent indifférent, comme
4989
en parler comme d’une entité objective. Les plans
d’
union le laissent indifférent, comme la chose politique en général. To
4990
al-oriental, ou la jeune Amérique dans Les Années
de
voyage de Wilhelm Meister, ses prises de position peuvent paraître am
4991
l, ou la jeune Amérique dans Les Années de voyage
de
Wilhelm Meister, ses prises de position peuvent paraître ambiguës. On
4992
s Années de voyage de Wilhelm Meister, ses prises
de
position peuvent paraître ambiguës. On a lu sa réponse évasive à Schi
4993
à Schiller, qui lui vantait les avantages uniques
de
l’Europe. On va lire ses déclarations contrastées sur les avantages r
4994
arations contrastées sur les avantages respectifs
de
l’ancienneté de notre culture et de la nouveauté de l’american way of
4995
tées sur les avantages respectifs de l’ancienneté
de
notre culture et de la nouveauté de l’american way of life. On ne sau
4996
es respectifs de l’ancienneté de notre culture et
de
la nouveauté de l’american way of life. On ne saurait s’en étonner. C
4997
l’ancienneté de notre culture et de la nouveauté
de
l’american way of life. On ne saurait s’en étonner. Ces contradiction
4998
adictions apparentes relèvent aussi naturellement
de
la formule vitale de Goethe que de la formule créatrice de l’Europe.
4999
relèvent aussi naturellement de la formule vitale
de
Goethe que de la formule créatrice de l’Europe. Rien ne serait moins
5000
naturellement de la formule vitale de Goethe que
de
la formule créatrice de l’Europe. Rien ne serait moins goethéen qu’un
5001
mule vitale de Goethe que de la formule créatrice
de
l’Europe. Rien ne serait moins goethéen qu’un « nationalisme européen
5002
», rien de plus contraire à l’Europe qu’un refus
de
la mettre en question, de la comparer objectivement aux autres, et de
5003
à l’Europe qu’un refus de la mettre en question,
de
la comparer objectivement aux autres, et de lui donner tort, cas éché
5004
tion, de la comparer objectivement aux autres, et
de
lui donner tort, cas échéant, quoique au nom même des idéaux universe
5005
’abord conçus et propagés… Voici d’abord un choix
de
propos de Goethe où l’on retrouvera les mêmes idées, parfois presque
5006
çus et propagés… Voici d’abord un choix de propos
de
Goethe où l’on retrouvera les mêmes idées, parfois presque dans les m
5007
u’exprimait Mme de Staël : Les diversités innées
de
conceptions et de sentiments… propres à des peuples entiers aussi bie
5008
Staël : Les diversités innées de conceptions et
de
sentiments… propres à des peuples entiers aussi bien qu’à des individ
5009
ntiers aussi bien qu’à des individus et résultant
de
l’inclination, de l’orgueil, ou de vues erronées, ou d’exagérations p
5010
qu’à des individus et résultant de l’inclination,
de
l’orgueil, ou de vues erronées, ou d’exagérations passionnées, prenne
5011
s et résultant de l’inclination, de l’orgueil, ou
de
vues erronées, ou d’exagérations passionnées, prennent avec le temps
5012
nclination, de l’orgueil, ou de vues erronées, ou
d’
exagérations passionnées, prennent avec le temps et pour les foules av
5013
c le temps et pour les foules aveugles, la valeur
de
frontières infranchissables, tout comme les mers et les montagnes lim
5014
omme les mers et les montagnes limitent les pays.
De
là, pour les gens cultivés et pour l’élite, le devoir d’exercer sur l
5015
pour les gens cultivés et pour l’élite, le devoir
d’
exercer sur les relations entre les peuples une influence pacifiante e
5016
gnes. Le libre commerce des idées et des manières
de
sentir accroît, tout autant que l’échange des produits et denrées, la
5017
s et denrées, la richesse et le bien-être général
de
l’humanité. Qu’il n’ait pas eu lieu jusqu’ici, cela ne tient à rien d
5018
n’ait pas eu lieu jusqu’ici, cela ne tient à rien
d’
autre qu’au fait que la communauté internationale n’a pas encore de lo
5019
t que la communauté internationale n’a pas encore
de
lois morales et de principes fermes, comme il en existe dans les rela
5020
internationale n’a pas encore de lois morales et
de
principes fermes, comme il en existe dans les relations privées, et q
5021
ans les relations privées, et qui soient capables
de
fondre en un tour plus ou moins harmonieux les innombrables diversité
5022
, Anglais et Allemands, nous ayons la possibilité
de
nous corriger l’un l’autre. Tel est le grand profit qu’apporte une li
5023
t qui se révélera toujours davantage173. Le terme
de
littérature nationale ne signifie plus grand-chose aujourd’hui ; nous
5024
nous ne devons pas nous attacher à quelque chose
de
particulier et vouloir le considérer comme un modèle, que ce soit la
5025
ou les Nibelungen ; mais quand nous avons besoin
d’
un modèle, il nous faut sans cesse retourner vers les anciens Grecs do
5026
rier dans la mesure du possible ce qui s’y trouve
de
bon.174 Il n’existe pas d’art patriotique ni de science patriotique.
5027
ble ce qui s’y trouve de bon.174 Il n’existe pas
d’
art patriotique ni de science patriotique. L’un et l’autre, comme tout
5028
de bon.174 Il n’existe pas d’art patriotique ni
de
science patriotique. L’un et l’autre, comme tout ce qui est haut et b
5029
entier175. … La haine nationale est quelque chose
de
singulier. Vous la trouverez toujours plus forte et plus ardente aux
5030
plus forte et plus ardente aux degrés inférieurs
de
la culture. Or, il est un degré où elle disparaît complètement et où
5031
es nations, où l’on sent le bonheur et le malheur
de
la nation voisine comme si c’était le nôtre. Ce degré de culture répo
5032
ation voisine comme si c’était le nôtre. Ce degré
de
culture répondait à ma nature et je m’y étais solidement fixé longtem
5033
e et je m’y étais solidement fixé longtemps avant
d’
être parvenu à la soixantaine176. C’est la culture qui a fait la véri
5034
. C’est la culture qui a fait la véritable unité
de
l’Europe, et c’est la politique idéologique, adoptée par les masses,
5035
la technique jouera de plus en plus dans le sens
de
l’union : L’Europe — dit Goethe — était autrefois l’une des plus ext
5036
mais existé, et sa ruine a été due au fait qu’une
de
ses parties a voulu devenir ce qu’était le tout, à savoir la France,
5037
, qui voulut devenir République177. Nous parlâmes
de
l’unité de l’Allemagne et dîmes en quel sens elle est possible et dés
5038
t devenir République177. Nous parlâmes de l’unité
de
l’Allemagne et dîmes en quel sens elle est possible et désirable. « J
5039
le, … qui a également imprégné toutes les parties
de
l’empire. »178 Mais Goethe craint qu’une centralisation politique t
5040
sation politique trop poussée nuise à cette unité
de
culture qui ne saurait prospérer que dans la diversité : tout ce qu’i
5041
ospérer que dans la diversité : tout ce qu’il dit
de
l’Allemagne, ici, s’applique identiquement à l’Europe. Les grands tra
5042
u Second Faust — sont aussi pour lui une promesse
d’
union des peuples. Il s’enthousiasme à l’idée du percement de l’isthme
5043
peuples. Il s’enthousiasme à l’idée du percement
de
l’isthme de Panama : J’aimerais vivre assez pour le voir, mais ce n’
5044
s’enthousiasme à l’idée du percement de l’isthme
de
Panama : J’aimerais vivre assez pour le voir, mais ce n’est pas poss
5045
lieu, je voudrais voir les Anglais en possession
d’
un canal à Suez. Oui, je voudrais vivre assez pour voir se réaliser ce
5046
the, devient le symbole du monde technique, libre
de
toutes contraintes traditionnelles, succédant au monde européen de la
5047
ntes traditionnelles, succédant au monde européen
de
la culture. (Une fois de plus, le stade politique est survolé). Mais
5048
t, il exprime son irritation devant la complexité
de
nos relations humaines et leur absence de cordialité ; ainsi : Du re
5049
plexité de nos relations humaines et leur absence
de
cordialité ; ainsi : Du reste, nous autres vieux Européens, nous nou
5050
nous nous portons tous plutôt mal. Nos conditions
de
vie sont trop artificielles et trop compliquées, notre nourriture et
5051
trop compliquées, notre nourriture et notre genre
de
vie sont trop éloignés de la saine nature et nos relations sociales m
5052
urriture et notre genre de vie sont trop éloignés
de
la saine nature et nos relations sociales manquent de charité et de b
5053
a saine nature et nos relations sociales manquent
de
charité et de bienveillance. Chacun est distingué et poli, mais perso
5054
et nos relations sociales manquent de charité et
de
bienveillance. Chacun est distingué et poli, mais personne n’a le cou
5055
t distingué et poli, mais personne n’a le courage
d’
être sincère et vrai, de sorte qu’un honnête homme, avec des tendances
5056
al à sa place parmi nous. Souvent on souhaiterait
d’
être un de ces soi-disant sauvages nés dans les îles des mers du Sud,
5057
ace parmi nous. Souvent on souhaiterait d’être un
de
ces soi-disant sauvages nés dans les îles des mers du Sud, pour pouvo
5058
jamais rien mettre sur pied ». Et il se félicite
d’
avoir encore vécu dans l’âge de la culture, comme « l’un des derniers
5059
Et il se félicite d’avoir encore vécu dans l’âge
de
la culture, comme « l’un des derniers d’une époque qui ne reviendra p
5060
ns l’âge de la culture, comme « l’un des derniers
d’
une époque qui ne reviendra pas de si tôt »182. Cette ambivalence de s
5061
un des derniers d’une époque qui ne reviendra pas
de
si tôt »182. Cette ambivalence de son jugement se traduit par le doub
5062
e reviendra pas de si tôt »182. Cette ambivalence
de
son jugement se traduit par le double mouvement qu’il donne aux perso
5063
nt qu’il donne aux personnages des Années nomades
de
Wilhelm Meister : tandis que les uns s’embarquent pour le Nouveau Mon
5064
barquent pour le Nouveau Monde, un autre a décidé
de
revenir à l’Europe, après avoir été élevé en Amérique par ses parents
5065
ir été élevé en Amérique par ses parents, émigrés
de
la première génération. Au commencement du xviiie siècle, les espri
5066
que la population se fût étendue vers l’Occident.
De
vastes territoires, sous le nom de comtés, étaient encore à vendre au
5067
rs l’Occident. De vastes territoires, sous le nom
de
comtés, étaient encore à vendre aux limites des terres habitées. Le p
5068
à vendre aux limites des terres habitées. Le père
de
notre vieillard s’y était fait lui-même un établissement considérable
5069
autrefois, sous mille et mille formes, lui donna
de
tout autres idées du point où l’humanité peut parvenir. Il aima mieux
5070
et se perdre dans le mouvement vaste et régulier
de
la foule, en travaillant avec elle, que de reculer de plusieurs siècl
5071
gulier de la foule, en travaillant avec elle, que
de
reculer de plusieurs siècles et de jouer, au-delà des mers, le rôle d
5072
a foule, en travaillant avec elle, que de reculer
de
plusieurs siècles et de jouer, au-delà des mers, le rôle d’Orphée et
5073
avec elle, que de reculer de plusieurs siècles et
de
jouer, au-delà des mers, le rôle d’Orphée et de Lycurgue. Partout, se
5074
rs siècles et de jouer, au-delà des mers, le rôle
d’
Orphée et de Lycurgue. Partout, se disait-il, l’homme a besoin de pati
5075
t de jouer, au-delà des mers, le rôle d’Orphée et
de
Lycurgue. Partout, se disait-il, l’homme a besoin de patience ; parto
5076
Lycurgue. Partout, se disait-il, l’homme a besoin
de
patience ; partout il a des ménagements à garder, et j’aime mieux m’a
5077
isant, d’un autre côté, quelques concessions, que
de
guerroyer avec les Iroquois, pour les refouler, ou de les tromper par
5078
uerroyer avec les Iroquois, pour les refouler, ou
de
les tromper par des traités, pour les chasser de leurs marais, ou l’o
5079
de les tromper par des traités, pour les chasser
de
leurs marais, ou l’on souffre à mourir de la morsure des moustiques.1
5080
chasser de leurs marais, ou l’on souffre à mourir
de
la morsure des moustiques.183 172. Gespräche, zu Mickiewicz, 182
5081
illeur Sur notre continent, l’ancien. Tu n’as pas
de
châteaux en ruines Pas de basalte. Et tu n’es pas, au plus intime Des
5082
, l’ancien. Tu n’as pas de châteaux en ruines Pas
de
basalte. Et tu n’es pas, au plus intime Des heures vitales Troublée p
5083
s, au plus intime Des heures vitales Troublée par
de
vains souvenirs. Par tant de vieux conflits en vain… Saisis les chanc
5084
! » 182. Cité par E. Ludwig : Goethe, histoire
d’
un homme, III, 362. 183. Wilhelm Meisters Wanderjahre, Ire partie, c
5085
l’Europe, dont il avait donné lecture à un groupe
d’
amis (parmi lesquels les frères Schlegel et le jeune Schelling), mais
5086
ublier, comme trop « catholicisant » selon l’avis
de
Goethe. L’écrit ne parut qu’en 1826, longtemps après la mort prématur
5087
ut qu’en 1826, longtemps après la mort prématurée
de
son auteur. Mais si son influence ne s’est pas exercée sur la premièr
5088
ermanique qui allait devenir la nostalgie commune
de
tous les amis de Novalis, penseurs, artistes et poètes, catholiques d
5089
ait devenir la nostalgie commune de tous les amis
de
Novalis, penseurs, artistes et poètes, catholiques de naissance ou né
5090
ovalis, penseurs, artistes et poètes, catholiques
de
naissance ou néophytes comme le fut Novalis lui-même : Schlegel, Sche
5091
z Joseph de Maistre. C’est aussi le pressentiment
d’
une réconciliation des âmes et d’une renaissance religieuse, d’un gran
5092
le pressentiment d’une réconciliation des âmes et
d’
une renaissance religieuse, d’un grand « concile européen » réunissant
5093
liation des âmes et d’une renaissance religieuse,
d’
un grand « concile européen » réunissant dans une nouvelle Jérusalem c
5094
pour célébrer le « Liebesmahl », l’agape, la Fête
de
la paix. Les fragments que nous citons restituent la succession des a
5095
commun unissait les provinces les plus éloignées
de
ce vaste empire spirituel. Un seul chef dénué de grandes possessions
5096
de ce vaste empire spirituel. Un seul chef dénué
de
grandes possessions temporelles, dirigeait et unissait les grandes pu
5097
t les grandes puissances politiques… Le sage chef
de
l’Église s’opposait à bon droit aux empiètements insolents des instit
5098
maines quand elles lésaient les privilèges sacrés
de
l’esprit, ainsi qu’aux découvertes importunes et dangereuses dans le
5099
rassemblaient tous les hommes sages et vénérables
de
l’Europe. Tous les trésors y affluaient, Jérusalem détruite avait pri
5100
Des princes soumettaient leurs différends au Père
de
la chrétienté, mettaient volontairement à ses pieds leurs couronnes e
5101
, et allaient jusqu’à tirer gloire, comme membres
de
cette sublime corporation, d’aller finir leur vie dans de pieuses méd
5102
oire, comme membres de cette sublime corporation,
d’
aller finir leur vie dans de pieuses méditations entre les murailles s
5103
sublime corporation, d’aller finir leur vie dans
de
pieuses méditations entre les murailles solitaires des monastères… …
5104
tères… … Tels étaient les beaux traits essentiels
de
ces temps véritablement catholiques ou chrétiens. L’humanité n’était
5105
assez mûre ni tout à fait formée pour ce royaume
de
splendeur. C’était un premier amour qui mourut sous le poids de la vi
5106
C’était un premier amour qui mourut sous le poids
de
la vie temporelle, dont le souvenir fut effacé par des soucis égoïste
5107
destructrices, fut une démonstration remarquable
de
la nocivité de la culture pour le sens de l’invisible, à tout le moin
5108
fut une démonstration remarquable de la nocivité
de
la culture pour le sens de l’invisible, à tout le moins de la nocivit
5109
rquable de la nocivité de la culture pour le sens
de
l’invisible, à tout le moins de la nocivité temporelle d’un certain d
5110
ture pour le sens de l’invisible, à tout le moins
de
la nocivité temporelle d’un certain degré de culture… […] Les insurgé
5111
isible, à tout le moins de la nocivité temporelle
d’
un certain degré de culture… […] Les insurgés prirent avec raison le n
5112
oins de la nocivité temporelle d’un certain degré
de
culture… […] Les insurgés prirent avec raison le nom de protestants,
5113
ture… […] Les insurgés prirent avec raison le nom
de
protestants, car ils protestaient solennellement contre tout empiètem
5114
otestaient solennellement contre tout empiètement
d’
un pouvoir incommode et qui semblait illégitime, sur les consciences.
5115
ndiquèrent provisoirement pour eux-mêmes le droit
d’
examiner, de définir et de choisir en matière religieuse, droit auquel
5116
rovisoirement pour eux-mêmes le droit d’examiner,
de
définir et de choisir en matière religieuse, droit auquel ce pouvoir
5117
pour eux-mêmes le droit d’examiner, de définir et
de
choisir en matière religieuse, droit auquel ce pouvoir avait renoncé
5118
i demeurait vacant. Ils érigèrent aussi une foule
de
principes justes, introduisirent une foule de choses louables et abol
5119
ule de principes justes, introduisirent une foule
de
choses louables et abolirent une foule d’institutions néfastes ; mais
5120
e foule de choses louables et abolirent une foule
d’
institutions néfastes ; mais ils perdirent de vue l’aboutissement néce
5121
oule d’institutions néfastes ; mais ils perdirent
de
vue l’aboutissement nécessaire de leur action, ils séparèrent ce qui
5122
s ils perdirent de vue l’aboutissement nécessaire
de
leur action, ils séparèrent ce qui est inséparable, divisèrent l’Égli
5123
t durable renaissance… La Réforme a sonné le glas
de
la chrétienté. Celle-ci n’existe plus désormais. Catholiques et prote
5124
t à végéter, non sans se ressentir insensiblement
de
l’influence pernicieuse des États protestants voisins. La politique m
5125
estants voisins. La politique moderne ne date que
d’
alors et certains États puissants s’efforcèrent de prendre possession
5126
d’alors et certains États puissants s’efforcèrent
de
prendre possession du siège de la puissance catholique, transformé en
5127
ants s’efforcèrent de prendre possession du siège
de
la puissance catholique, transformé en un trône… La Réforme avait été
5128
dans l’Allemagne vraiment libre. Les bons esprits
de
toutes les nations s’étaient secrètement émancipés, et pleins du sent
5129
ement émancipés, et pleins du sentiment illusoire
de
leur vocation ils répudiaient avec d’autant plus d’insolence une cont
5130
t illusoire de leur vocation ils répudiaient avec
d’
autant plus d’insolence une contrainte périmée. Le savant est instinct
5131
leur vocation ils répudiaient avec d’autant plus
d’
insolence une contrainte périmée. Le savant est instinctivement l’enne
5132
clésiastique se livrent nécessairement une guerre
d’
extermination, dès qu’elles sont séparées ; car elles se disputent une
5133
centuée de plus en plus, et les savants gagnèrent
d’
autant plus de terrain que l’histoire de l’humanité européenne approch
5134
s en plus, et les savants gagnèrent d’autant plus
de
terrain que l’histoire de l’humanité européenne approchait de l’ère d
5135
gagnèrent d’autant plus de terrain que l’histoire
de
l’humanité européenne approchait de l’ère de la science triomphante,
5136
ue l’histoire de l’humanité européenne approchait
de
l’ère de la science triomphante, et que le savoir et la foi s’affront
5137
oire de l’humanité européenne approchait de l’ère
de
la science triomphante, et que le savoir et la foi s’affrontaient de
5138
phante, et que le savoir et la foi s’affrontaient
de
façon de plus en plus marquée. On chercha dans la foi la cause de la
5139
en plus marquée. On chercha dans la foi la cause
de
la stagnation générale que l’on espérait guérir grâce au savoir. Part
5140
’esprit religieux souffrait diverses persécutions
de
son mode ancien et de ses formes individuelles présentes. On donna au
5141
frait diverses persécutions de son mode ancien et
de
ses formes individuelles présentes. On donna au fruit de la nouvelle
5142
formes individuelles présentes. On donna au fruit
de
la nouvelle façon de penser le nom de philosophie et l’on comprit sou
5143
présentes. On donna au fruit de la nouvelle façon
de
penser le nom de philosophie et l’on comprit sous ce terme tout ce qu
5144
na au fruit de la nouvelle façon de penser le nom
de
philosophie et l’on comprit sous ce terme tout ce qui était contraire
5145
tachée à la foi catholique devint peu à peu haine
de
la Bible, de la foi chrétienne et finalement de la religion. Bien plu
5146
oi catholique devint peu à peu haine de la Bible,
de
la foi chrétienne et finalement de la religion. Bien plus : cette hai
5147
e de la Bible, de la foi chrétienne et finalement
de
la religion. Bien plus : cette haine de la religion s’étendit de faço
5148
inalement de la religion. Bien plus : cette haine
de
la religion s’étendit de façon très naturelle et logique à tout ce qu
5149
Bien plus : cette haine de la religion s’étendit
de
façon très naturelle et logique à tout ce qui peut être objet d’entho
5150
aturelle et logique à tout ce qui peut être objet
d’
enthousiasme et condamna l’imagination et le sentiment, la morale et l
5151
imagination et le sentiment, la morale et l’amour
de
l’art, l’avenir et le passé ; on en vint à placer nécessairement l’ho
5152
en vint à placer nécessairement l’homme au sommet
de
l’échelle des êtres et à faire de la musique éternelle et inépuisable
5153
homme au sommet de l’échelle des êtres et à faire
de
la musique éternelle et inépuisable de l’univers le tic-tac monotone
5154
et à faire de la musique éternelle et inépuisable
de
l’univers le tic-tac monotone d’un immense moulin, mû et porté par le
5155
e et inépuisable de l’univers le tic-tac monotone
d’
un immense moulin, mû et porté par le torrent du hasard, un moulin en
5156
use race humaine et rendu obligatoire pour chacun
de
ses actionnaires, comme la pierre de touche de la plus haute culture
5157
pour chacun de ses actionnaires, comme la pierre
de
touche de la plus haute culture — l’enthousiasme pour cette magnifiqu
5158
un de ses actionnaires, comme la pierre de touche
de
la plus haute culture — l’enthousiasme pour cette magnifique et grand
5159
tres et ses mystagogues. La France eut le bonheur
d’
être le centre et le siège de cette religion nouvelle, faite de fragme
5160
rance eut le bonheur d’être le centre et le siège
de
cette religion nouvelle, faite de fragments de savoir mal recollés. S
5161
tre et le siège de cette religion nouvelle, faite
de
fragments de savoir mal recollés. Si décriée que fût la poésie dans c
5162
ge de cette religion nouvelle, faite de fragments
de
savoir mal recollés. Si décriée que fût la poésie dans cette nouvelle
5163
ments anciens et des lumières anciennes, mais qui
de
ce fait risquaient de consumer par ce feu ancien le nouveau système d
5164
umières anciennes, mais qui de ce fait risquaient
de
consumer par ce feu ancien le nouveau système de l’univers. Des adept
5165
de consumer par ce feu ancien le nouveau système
de
l’univers. Des adeptes plus avisés surent arroser d’eau froide les au
5166
l’univers. Des adeptes plus avisés surent arroser
d’
eau froide les auditeurs déjà trop échauffés. Ces adeptes étaient sans
5167
Ces adeptes étaient sans cesse occupés à nettoyer
de
toute poésie la nature, le sol, les âmes humaines et les sciences à d
5168
divin, à déshonorer par des sarcasmes le souvenir
de
tous les événements et de tous les hommes dignes d’admiration, et à d
5169
s sarcasmes le souvenir de tous les événements et
de
tous les hommes dignes d’admiration, et à dépouiller le monde de tout
5170
tous les événements et de tous les hommes dignes
d’
admiration, et à dépouiller le monde de toute sa parure bigarrée. À ca
5171
mes dignes d’admiration, et à dépouiller le monde
de
toute sa parure bigarrée. À cause de sa docilité mathématique et de s
5172
bigarrée. À cause de sa docilité mathématique et
de
son impudeur, la lumière était devenue leur favorite. Ils se félicita
5173
félicitaient qu’elle se laissât briser plutôt que
de
jouer avec les couleurs et c’est ainsi qu’ils nommèrent d’après elle
5174
peu près complètement la forme, c’est la période
de
transition entre la religion grecque et le christianisme. Entrez donc
5175
philanthropes et encyclopédistes dans cette loge
de
paix, et recevez le baiser fraternel, dépouillez ce voile gris et reg
5176
z avec un amour juvénile la miraculeuse splendeur
de
la nature, de l’histoire et de l’humanité. Je vous conduirai vers un
5177
r juvénile la miraculeuse splendeur de la nature,
de
l’histoire et de l’humanité. Je vous conduirai vers un frère à la par
5178
aculeuse splendeur de la nature, de l’histoire et
de
l’humanité. Je vous conduirai vers un frère à la parole duquel vos cœ
5179
e duquel vos cœurs s’ouvriront, et vous revêtirez
d’
un corps nouveau l’âme défunte de votre pressentiment aimé, vous l’étr
5180
t vous revêtirez d’un corps nouveau l’âme défunte
de
votre pressentiment aimé, vous l’étreindrez à nouveau et reconnaîtrez
5181
as vous procurer. Ce frère, c’est le cœur battant
de
l’ère nouvelle ; quiconque l’a senti battre ne doute plus qu’elle n’a
5182
i battre ne doute plus qu’elle n’arrive et, plein
de
la douce fierté d’appartenir à son époque, il se détache lui aussi de
5183
lus qu’elle n’arrive et, plein de la douce fierté
d’
appartenir à son époque, il se détache lui aussi de la foule pour se j
5184
’appartenir à son époque, il se détache lui aussi
de
la foule pour se joindre à la troupe des disciples nouveaux… Tournons
5185
urnons-nous à présent vers le spectacle politique
de
notre temps. Le monde ancien et le monde nouveau sont en lutte, l’ins
5186
i, ici comme dans les sciences, la fin historique
de
la guerre ne serait point d’abord d’amener une connexion plus étroite
5187
n historique de la guerre ne serait point d’abord
d’
amener une connexion plus étroite et plus variée et un rapprochement e
5188
ons pas nous trouver en face d’un État des États,
d’
une Doctrine de la Science appliquée à la politique ! La hiérarchie, c
5189
ouver en face d’un État des États, d’une Doctrine
de
la Science appliquée à la politique ! La hiérarchie, cette figure géo
5190
mentale des États, ne serait-elle pas le principe
d’
une société des États, étant l’intuition intellectuelle du moi politiq
5191
moi politique ? Il est impossible que les forces
de
l’univers se mettent d’elles-mêmes en équilibre, seul un troisième él
5192
impossible que les forces de l’univers se mettent
d’
elles-mêmes en équilibre, seul un troisième élément, à la fois séculie
5193
n, un armistice ; du point de vue des politiciens
de
cabinet, de la conscience commune, aucune conciliation n’est possible
5194
ice ; du point de vue des politiciens de cabinet,
de
la conscience commune, aucune conciliation n’est possible. Les deux p
5195
conciliation n’est possible. Les deux partis ont
de
grandes et nécessaires revendications et sont tenus de les faire valo
5196
andes et nécessaires revendications et sont tenus
de
les faire valoir, pour obéir aux impulsions de l’esprit de l’univers
5197
us de les faire valoir, pour obéir aux impulsions
de
l’esprit de l’univers et de l’humanité. Tous deux représentent des fo
5198
ire valoir, pour obéir aux impulsions de l’esprit
de
l’univers et de l’humanité. Tous deux représentent des forces indestr
5199
obéir aux impulsions de l’esprit de l’univers et
de
l’humanité. Tous deux représentent des forces indestructibles au cœur
5200
x représentent des forces indestructibles au cœur
de
l’humanité ; d’une part le sentiment exaltant de la liberté, l’espoir
5201
de l’humanité ; d’une part le sentiment exaltant
de
la liberté, l’espoir illimité de puissantes sphères d’action, le goût
5202
ntiment exaltant de la liberté, l’espoir illimité
de
puissantes sphères d’action, le goût de la nouveauté, et de la jeunes
5203
liberté, l’espoir illimité de puissantes sphères
d’
action, le goût de la nouveauté, et de la jeunesse, les relations fami
5204
illimité de puissantes sphères d’action, le goût
de
la nouveauté, et de la jeunesse, les relations familières entre tous
5205
tes sphères d’action, le goût de la nouveauté, et
de
la jeunesse, les relations familières entre tous les concitoyens, la
5206
familières entre tous les concitoyens, la fierté
de
vérités universellement humaines et valables, le goût du droit indivi
5207
aines et valables, le goût du droit individuel et
de
la propriété collective, et le vigoureux sens civique. Que ni l’un ni
5208
gnifient rien, car la capitale la plus intérieure
de
chaque empire ne se trouve pas derrière des murailles et ne saurait ê
5209
s derrière des murailles et ne saurait être prise
d’
assaut. Qui sait si la guerre n’a pas assez duré ? Mais elle ne cesser
5210
pe jusqu’à ce que les nations prennent conscience
de
la redoutable folie qui les fait tourner en rond, jusqu’à ce que sens
5211
pied des anciens autels, entreprenant des œuvres
de
paix et célébrant sur des champs de bataille fumants, sous un déluge
5212
nt des œuvres de paix et célébrant sur des champs
de
bataille fumants, sous un déluge de chaudes larmes, de grandes agapes
5213
ur des champs de bataille fumants, sous un déluge
de
chaudes larmes, de grandes agapes en guise de fête de la paix. Seule
5214
taille fumants, sous un déluge de chaudes larmes,
de
grandes agapes en guise de fête de la paix. Seule la religion peut ré
5215
haudes larmes, de grandes agapes en guise de fête
de
la paix. Seule la religion peut réveiller l’Europe et rassurer les pe
5216
ts attendent la réconciliation et la résurrection
de
l’Europe pour se joindre à elle et devenir concitoyens du Royaume des
5217
as y avoir bientôt de nouveau en Europe une foule
d’
esprits vraiment consacrés ? Tous les véritables membres de la famille
5218
vraiment consacrés ? Tous les véritables membres
de
la famille religieuse ne devraient-ils pas aspirer ardemment à voir l
5219
oyaume des cieux s’établir sur terre, et y entrer
de
bon gré, et entonner des hymnes sacrées ? Il faut que la chrétienté r
5220
accueille dans son sein toutes les âmes altérées
de
ciel et qui s’offre à devenir médiatrice entre le monde ancien et le
5221
’elle déverse de nouveau sur les peuples la corne
d’
abondance de ses bénédictions. Du sein sacré d’un vénérable concile eu
5222
e de nouveau sur les peuples la corne d’abondance
de
ses bénédictions. Du sein sacré d’un vénérable concile européen, la c
5223
ne d’abondance de ses bénédictions. Du sein sacré
d’
un vénérable concile européen, la chrétienté renaîtra, et la tâche qui
5224
naîtra, et la tâche qui consistera dans le réveil
de
la religion sera menée selon un vaste plan divin où rien ne sera négl
5225
contrainte chrétienne ou séculière, car l’essence
de
l’Église sera la vraie liberté, et toutes les réformes bienfaisantes
5226
il vient, il viendra nécessairement, l’âge sacré
de
la paix éternelle où la Jérusalem nouvelle sera la capitale de l’univ
5227
ernelle où la Jérusalem nouvelle sera la capitale
de
l’univers. Jusque-là demeurez calmes et courageux dans les dangers du
5228
courageux dans les dangers du siècle, compagnons
de
ma foi, annoncez par la parole et par l’action l’évangile divin, et r
5229
res (1776-1848) est celui des penseurs politiques
de
la Restauration et du romantisme qui a le plus écrit sur l’Europe. Ob
5230
uée dans cet ouvrage, ne fût-ce que par un aperçu
de
ses thèses les plus constantes. Comme tant d’autres Allemands, il s’e
5231
toi aussi tu vas te dresser pour libérer l’Europe
de
ses despotes ! Et il propose une organisation internationale dirigée
5232
tres, il retourne ses batteries, dès les journées
de
Brumaire 1799 — Bonaparte a trahi, pense-t-il — et la Restauration le
5233
-t-il — et la Restauration le trouve dans le camp
de
la Sainte-Alliance. En 1815, il publie dans son journal Der Rheinisch
5234
il salue la Sainte-Alliance comme la « fondation
d’
une République européenne au pied des autels du Dieu inconnu. » Il ann
5235
la grandeur allemande : si ce peuple a le bonheur
de
trouver un jour son Wallenstein, dit-il, celui-ci « soumettra l’Europ
5236
i « soumettra l’Europe entière, jusqu’aux limites
de
l’Asie » ! En 1821, dans un écrit intitulé Europa und die Revolution,
5237
lution, il attaque la Réformation, qu’il qualifie
de
« second péché originel », et il la compare aux autres catastrophes q
5238
tionales, la Révolution, et finalement « l’empire
de
Satan », celui de Napoléon. Tous les thèmes favoris de Joseph de Mais
5239
ution, et finalement « l’empire de Satan », celui
de
Napoléon. Tous les thèmes favoris de Joseph de Maistre (Du pape vient
5240
tan », celui de Napoléon. Tous les thèmes favoris
de
Joseph de Maistre (Du pape vient de paraître deux ans plus tôt) sont
5241
sur La Sainte-Alliance et les peuples au congrès
de
Vérone, il demande que l’Allemagne redevienne … l’Autorité supérieur
5242
e redevienne … l’Autorité supérieure honorifique
de
la république européenne, l’Instance de conciliation qui apaise les d
5243
norifique de la république européenne, l’Instance
de
conciliation qui apaise les différends, et tout cela parce que sa pos
5244
ela parce que sa position, sa situation, sa façon
de
penser, tout la pousse vers la paix et non vers la conquête ; c’est e
5245
fixe des limites, c’est elle qui sépare l’Orient
de
l’Occident, le Nord du Sud, c’est elle le point d’appui de tout le sy
5246
e l’Occident, le Nord du Sud, c’est elle le point
d’
appui de tout le système des États européens, le centre naturel de ce
5247
dent, le Nord du Sud, c’est elle le point d’appui
de
tout le système des États européens, le centre naturel de ce nouveau
5248
le système des États européens, le centre naturel
de
ce nouveau Saint-Empire romain germanique, plus grand que l’ancien, f
5249
e contrainte par la Sainte-Alliance sous la forme
d’
une confédération d’États. Et quels seront les ennemis de cet Empire
5250
Sainte-Alliance sous la forme d’une confédération
d’
États. Et quels seront les ennemis de cet Empire germano-catholique e
5251
nfédération d’États. Et quels seront les ennemis
de
cet Empire germano-catholique enfin relevé ? Non pas la Russie, « col
5252
lique enfin relevé ? Non pas la Russie, « colonie
de
l’Europe » qui va s’ouvrir librement à notre culture, mais bien l’Asi
5253
varois, théosophe et mystique, longtemps disciple
de
Claude de Saint-Martin, voit lui aussi dans une renaissance religieus
5254
ssi dans une renaissance religieuse le seul salut
de
la « Société européenne ». Mais loin d’exiger comme condition préalab
5255
eul salut de la « Société européenne ». Mais loin
d’
exiger comme condition préalable l’anéantissement du protestantisme et
5256
tissement du protestantisme et le retour au giron
de
l’orthodoxie, comme Görres et Maistre, il communie dans l’espérance œ
5257
Maistre, il communie dans l’espérance œcuménique
de
Novalis. Dans un écrit qu’il adresse en 1814 aux empereurs de Russie
5258
Dans un écrit qu’il adresse en 1814 aux empereurs
de
Russie et d’Autriche, et au roi de Prusse, il propose une fédération
5259
qu’il adresse en 1814 aux empereurs de Russie et
d’
Autriche, et au roi de Prusse, il propose une fédération chrétienne de
5260
i de Prusse, il propose une fédération chrétienne
de
l’Europe, fondée sur « une liaison nouvelle et plus intime de la reli
5261
fondée sur « une liaison nouvelle et plus intime
de
la religion et de la politique », et sur l’union des trois grandes co
5262
liaison nouvelle et plus intime de la religion et
de
la politique », et sur l’union des trois grandes confessions représen
5263
es par ces monarques. L’idée centrale paraît être
de
ramener la Russie dans le concert européen comme une hérétique repent
5264
jour, dès cette époque, chez Baader et plusieurs
de
ses contemporains : les premiers slavophiles ne furent pas Russes mai
5265
remière revue européenne du xixe siècle, Europa,
de
1803 à 1805. (Il la dirigeait de Paris, mais elle paraissait à Francf
5266
siècle, Europa, de 1803 à 1805. (Il la dirigeait
de
Paris, mais elle paraissait à Francfort.) Il y développa les mêmes id
5267
Il y développa les mêmes idées générales qui font
de
sa Philosophie de l’histoire universelle le monument de la pensée rom
5268
mêmes idées générales qui font de sa Philosophie
de
l’histoire universelle le monument de la pensée romantique. L’Asie —
5269
Philosophie de l’histoire universelle le monument
de
la pensée romantique. L’Asie — l’Inde en particulier — est la patrie
5270
e. L’Asie — l’Inde en particulier — est la patrie
de
toute religion véritable mais le christianisme a fait l’Europe et peu
5271
d, du romantisme et du classicisme, du moderne et
de
l’antique, du christianisme et de l’hellénisme. L’Empire de Charlemag
5272
, du moderne et de l’antique, du christianisme et
de
l’hellénisme. L’Empire de Charlemagne, puis la papauté (Schlegel alla
5273
ue, du christianisme et de l’hellénisme. L’Empire
de
Charlemagne, puis la papauté (Schlegel allait devenir catholique en 1
5274
1808) ont représenté les plus hautes institutions
de
la « république européenne », et depuis lors, tout n’est que décadenc
5275
début du xixe siècle. Pourtant nous aurions tort
de
désespérer de l’Europe, car elle reste la terre décisive, si l’on pen
5276
siècle. Pourtant nous aurions tort de désespérer
de
l’Europe, car elle reste la terre décisive, si l’on pense que c’est
5277
lit, que c’est ici que le bien lutte avec le plus
de
véhémence sur la terre avec le mal, et que c’est donc ici que doit êt
5278
t que c’est donc ici que doit être scellé le sort
de
l’Humanité… La véritable Europe doit d’abord voir le jour.184 Sembl
5279
’abord voir le jour.184 Semblables déclarations
de
foi dans l’avenir européen (qu’on rapprochera de celles de Hegel sur
5280
de foi dans l’avenir européen (qu’on rapprochera
de
celles de Hegel sur l’Europe considérée comme « fin de l’Histoire »)1
5281
ns l’avenir européen (qu’on rapprochera de celles
de
Hegel sur l’Europe considérée comme « fin de l’Histoire »)185 revienn
5282
lles de Hegel sur l’Europe considérée comme « fin
de
l’Histoire »)185 reviennent maintes fois dans Europa et dans les Leço
5283
gel et les romantiques allemands, même romanisés,
de
Joseph de Maistre et des catholiques français préromantiques. On ne l
5284
On ne l’oubliera pas en lisant les pages fameuses
de
Schlegel sur l’unité de l’Europe médiévale, écho direct de la ferveur
5285
lisant les pages fameuses de Schlegel sur l’unité
de
l’Europe médiévale, écho direct de la ferveur et des illusions de Nov
5286
el sur l’unité de l’Europe médiévale, écho direct
de
la ferveur et des illusions de Novalis186 : L’idée qui présidait à l
5287
évale, écho direct de la ferveur et des illusions
de
Novalis186 : L’idée qui présidait à l’ensemble de l’empire chrétien
5288
e Novalis186 : L’idée qui présidait à l’ensemble
de
l’empire chrétien était celle d’une grande autorité protectrice, part
5289
ait à l’ensemble de l’empire chrétien était celle
d’
une grande autorité protectrice, partant du centre d’une puissance fon
5290
ne grande autorité protectrice, partant du centre
d’
une puissance fondée sur le droit, qui servirait d’égide à tous les pa
5291
’une puissance fondée sur le droit, qui servirait
d’
égide à tous les pays et à tous les peuples chrétiens, et c’était dans
5292
tout ce grand corps. Sitôt que cette force cessa
d’
agir, tout l’édifice dut nécessairement s’écrouler. Aussi dans les con
5293
n y substituant la relation purement artificielle
d’
un équilibre dynamique et d’une égalité républicaine entre les divers
5294
purement artificielle d’un équilibre dynamique et
d’
une égalité républicaine entre les divers États, sans aucune tendance
5295
rétienne des États, et cette alliance des peuples
de
l’Europe occidentale ; et n’a-t-on réussi à faire sortir de cette rév
5296
e occidentale ; et n’a-t-on réussi à faire sortir
de
cette révolution générale et antichrétienne qui s’opéra dans les mœur
5297
confusion symétriquement organisée. Si le partage
de
l’empire de Charlemagne était conforme aux usages antiques et fondé s
5298
métriquement organisée. Si le partage de l’empire
de
Charlemagne était conforme aux usages antiques et fondé sur les droit
5299
forme aux usages antiques et fondé sur les droits
d’
héritage usités dans les familles des grands, il n’annonce pas moins u
5300
ands, il n’annonce pas moins une confiance pleine
d’
une naïveté antique, une confiance presque héroïque en une conformité
5301
iance presque héroïque en une conformité et unité
de
tendance, dont on supposait l’existence, à ce qu’il paraît. Car on cr
5302
ce qu’il paraît. Car on croyait pouvoir concilier
de
cette manière la nécessité de la présence d’un souverain dans un pays
5303
t pouvoir concilier de cette manière la nécessité
de
la présence d’un souverain dans un pays d’une étendue raisonnable ave
5304
lier de cette manière la nécessité de la présence
d’
un souverain dans un pays d’une étendue raisonnable avec l’unité d’ens
5305
essité de la présence d’un souverain dans un pays
d’
une étendue raisonnable avec l’unité d’ensemble d’une grande monarchie
5306
ns un pays d’une étendue raisonnable avec l’unité
d’
ensemble d’une grande monarchie collective… Dans la première monarchie
5307
d’une étendue raisonnable avec l’unité d’ensemble
d’
une grande monarchie collective… Dans la première monarchie allemande,
5308
… Dans la première monarchie allemande, le besoin
d’
un gouvernement indigène, résidant dans le pays, et régnant comme un p
5309
comme un père au sein de sa famille, fut concilié
d’
une manière beaucoup moins imparfaite avec la puissante unité de l’ens
5310
beaucoup moins imparfaite avec la puissante unité
de
l’ensemble, par le moyen des quatre grands duchés nationaux soumis à
5311
e grands duchés nationaux soumis à la suzeraineté
d’
un seul roi ou empereur ; quoique là aussi l’union ne soit pas restée
5312
n’a jamais encore imaginé ou découvert une forme
de
constitution ou de système politique qui pût résister à la longue au
5313
imaginé ou découvert une forme de constitution ou
de
système politique qui pût résister à la longue au manque et au change
5314
t résister à la longue au manque et au changement
de
tendance. Les parlements, les états généraux, les droits civils et po
5315
ssemblées nationales des États, grands et petits,
de
ce temps-là, dans les conciliabules et les délibérations des ducs et
5316
s une forme tout à fait locale, suivant les mœurs
de
la nation et les usages de la vie ; de même qu’ils étaient basés sur
5317
ale, suivant les mœurs de la nation et les usages
de
la vie ; de même qu’ils étaient basés sur des coutumes positives et s
5318
d’être fondés sur la théorie purement spéculative
d’
une égalité parfaite et générale ; on ne cherchait pas l’unité et la s
5319
rale ; on ne cherchait pas l’unité et la solidité
de
l’ensemble dans la combinaison d’un équilibre appuyé sur une forme ar
5320
et la solidité de l’ensemble dans la combinaison
d’
un équilibre appuyé sur une forme artificielle, mais bien dans les mœu
5321
ennement parlant unique même dans la vie, l’union
de
la force et de l’esprit peut subsister malgré la division des pouvoir
5322
t unique même dans la vie, l’union de la force et
de
l’esprit peut subsister malgré la division des pouvoirs, on n’a qu’à
5323
rent prospères, la paix et la justice croissaient
de
jour en jour et les peuples jouissaient du bien-être… L’Église était
5324
e qui embrassait tout, et sous l’abri hospitalier
de
laquelle ces peuples guerriers [du Nord] commencèrent à se ranger pai
5325
se former, et à se constituer selon les principes
de
l’équité. Le soin de l’enseignement, le patrimoine des connaissances,
5326
nstituer selon les principes de l’équité. Le soin
de
l’enseignement, le patrimoine des connaissances, l’étude des sciences
5327
ssances, l’étude des sciences et le développement
de
l’esprit, étaient confiés à sa sollicitude protectrice, et se distrib
5328
e des écoles chrétiennes. Si la science avait peu
d’
étendue, elle n’était pas du moins ensevelie sans utilité dans les cab
5329
tard, comme elle l’était en partie chez les Grecs
d’
alors ; puis elle répondait suffisamment aux forces et à la civilisati
5330
dait suffisamment aux forces et à la civilisation
de
cette époque ; attendu qu’en fait de développement, on ne peut franch
5331
civilisation de cette époque ; attendu qu’en fait
de
développement, on ne peut franchir tous les degrés d’un seul bond, ma
5332
éveloppement, on ne peut franchir tous les degrés
d’
un seul bond, mais qu’il faut les monter progressivement, et les uns a
5333
Occident alors si actif, et à l’excellent clergé
de
ce temps ; car le savoir n’était pas encore entré en opposition hosti
5334
a vraie croyance et avec la vie, comme il le fit,
d’
une manière si arrogante et si dédaigneuse, dans la période subséquent
5335
insi que les pensées salutaires descendirent donc
de
la voûte céleste de la foi, non comme un déluge envahissant, mais com
5336
salutaires descendirent donc de la voûte céleste
de
la foi, non comme un déluge envahissant, mais comme une douce ondée,
5337
mme une pluie féconde, pour tomber sur le terrain
de
la vie, continuellement agité dans la guerre et dans la paix, dans le
5338
’Europe, surtout en ce qui concerne la conception
de
la liberté ; après celui de l’Unité, voici l’éloge de nos diversités
5339
oncerne la conception de la liberté ; après celui
de
l’Unité, voici l’éloge de nos diversités : Si les invasions barbares
5340
a liberté ; après celui de l’Unité, voici l’éloge
de
nos diversités : Si les invasions barbares n’avaient pas eu lieu, si
5341
iser le joug romain, si au contraire tout le nord
de
l’Europe non occupé avait pu aussi être incorporé à l’Empire et que l
5342
cette lutte magnifique ni cet ample développement
de
l’esprit humain au sein de ces nouvelles nations. Et cependant c’est
5343
ustement cette richesse, cette diversité qui fait
de
l’Europe ce qu’elle est, qui lui donne l’avantage d’être le siège le
5344
l’Europe ce qu’elle est, qui lui donne l’avantage
d’
être le siège le plus favorable de la vie et de la culture de l’Humani
5345
onne l’avantage d’être le siège le plus favorable
de
la vie et de la culture de l’Humanité. Cette Europe, libre et riche,
5346
ge d’être le siège le plus favorable de la vie et
de
la culture de l’Humanité. Cette Europe, libre et riche, n’existerait
5347
iège le plus favorable de la vie et de la culture
de
l’Humanité. Cette Europe, libre et riche, n’existerait donc pas et à
5348
e cette copieuse histoire européenne, les annales
de
l’Unique Empire romain feraient pendant à ces chroniques chinoises d’
5349
omain feraient pendant à ces chroniques chinoises
d’
une si triste uniformité. … Jetons d’abord un coup d’œil sur la situat
5350
d un coup d’œil sur la situation la plus ancienne
de
l’Europe. C’est un spectacle étrange et attirant que de voir l’homme
5351
urope. C’est un spectacle étrange et attirant que
de
voir l’homme si richement doté par la nature, plein d’une force extra
5352
ir l’homme si richement doté par la nature, plein
d’
une force extraordinaire, revêtir un aspect si différent de l’état auq
5353
ce extraordinaire, revêtir un aspect si différent
de
l’état auquel nous sommes accoutumés. Avant que cette propension à la
5354
tte propension à la domination du monde ait passé
d’
Asie en Grèce pour se transmettre ensuite aux Romains, l’état de l’Eur
5355
e pour se transmettre ensuite aux Romains, l’état
de
l’Europe était à peu près le même partout. Les rudiments de la cultur
5356
e était à peu près le même partout. Les rudiments
de
la culture étaient déjà connus, l’agriculture était répandue et quelq
5357
illes en quantité, mais il y avait presque autant
de
petits États que de villes importantes. Dans l’ensemble d’ailleurs to
5358
ais il y avait presque autant de petits États que
de
villes importantes. Dans l’ensemble d’ailleurs tout était particulier
5359
nt à trois ou quatre grandes nations, mais aucune
d’
elles n’était « une » ni ne formait un tout. Chacune se subdivisait en
5360
ut. Chacune se subdivisait en une grande quantité
de
petites peuplades et tribus composant tout autant d’États particulier
5361
petites peuplades et tribus composant tout autant
d’
États particuliers. Chacune de ces peuplades n’entendait que très peu
5362
mposant tout autant d’États particuliers. Chacune
de
ces peuplades n’entendait que très peu parler de celles qui étaient t
5363
de ces peuplades n’entendait que très peu parler
de
celles qui étaient très éloignées, mais était en guerre avec les plus
5364
al, si misérable que puisse paraître la condition
de
ces anciennes peuplades, celles-ci n’en possédaient pas moins presque
5365
pposition à l’Asie, comme le caractère distinctif
de
l’Europe. En Asie nous trouvons dès le commencement de grandes quanti
5366
Europe. En Asie nous trouvons dès le commencement
de
grandes quantités d’États et de nations ainsi qu’une domination unive
5367
trouvons dès le commencement de grandes quantités
d’
États et de nations ainsi qu’une domination universelle. En Europe tou
5368
s le commencement de grandes quantités d’États et
de
nations ainsi qu’une domination universelle. En Europe tout était ori
5369
ginellement particularisé, par conséquent en état
de
lutte et de rivalité constantes, chacun se développant selon les poss
5370
particularisé, par conséquent en état de lutte et
de
rivalité constantes, chacun se développant selon les possibilités de
5371
tes, chacun se développant selon les possibilités
de
sa propre liberté. L’Asie, pourrait-on dire, est le pays de l’unité,
5372
re liberté. L’Asie, pourrait-on dire, est le pays
de
l’unité, où tout s’épanouit en grandes masses et dans des circonstanc
5373
ces on ne peut plus simples. L’Europe est le pays
de
la liberté, c’est-à-dire de la formation, par la rivalité entre États
5374
L’Europe est le pays de la liberté, c’est-à-dire
de
la formation, par la rivalité entre États, de forces particulières et
5375
ire de la formation, par la rivalité entre États,
de
forces particulières et différentes l’une de l’autre. Cette diversité
5376
ats, de forces particulières et différentes l’une
de
l’autre. Cette diversité est devenue, tout au long des siècles, le ca
5377
tout au long des siècles, le caractère distinctif
de
la formation de l’Europe ; car, même après que de plus grands États e
5378
siècles, le caractère distinctif de la formation
de
l’Europe ; car, même après que de plus grands États et nations furent
5379
États et nations furent constitués, ce qu’il y a
d’
essentiel dans ce caractère originel est resté intact. Et dans ses Vo
5380
sungen über Karl V (15e leçon), il déplore la fin
de
cette synthèse vivante entre l’unité et la diversité, que l’empereur
5381
’unité et la diversité, que l’empereur avait rêvé
de
faire revivre : … Ainsi se retira à nouveau du monde l’homme qui, en
5382
urope. À sa mort les États chrétiens rivalisèrent
de
splendeur et de pompe lors des cérémonies funèbres, pour glorifier so
5383
les États chrétiens rivalisèrent de splendeur et
de
pompe lors des cérémonies funèbres, pour glorifier son nom et sa gran
5384
er son nom et sa grandeur ; même dans la capitale
de
l’empire turc un noble ennemi honora par un service funèbre public la
5385
’Europe parut sentir que le héros et le défenseur
d’
une époque n’était plus, époque à laquelle allait succéder, d’autant p
5386
n’était plus, époque à laquelle allait succéder,
d’
autant plus sûrement que cette ultime force au service de l’unité avai
5387
t plus sûrement que cette ultime force au service
de
l’unité avait disparu, un siècle de guerre et d’ébranlement. Pour Ge
5388
ce au service de l’unité avait disparu, un siècle
de
guerre et d’ébranlement. Pour Georg Friedrich Hegel (1770-1831), l’H
5389
de l’unité avait disparu, un siècle de guerre et
d’
ébranlement. Pour Georg Friedrich Hegel (1770-1831), l’Histoire mondi
5390
stoire mondiale reflète et traduit la dialectique
de
« l’Idée qui se réalise », de l’Idée de liberté, c’est-à-dire du « de
5391
duit la dialectique de « l’Idée qui se réalise »,
de
l’Idée de liberté, c’est-à-dire du « devenir réel de l’Esprit ». C’es
5392
alectique de « l’Idée qui se réalise », de l’Idée
de
liberté, c’est-à-dire du « devenir réel de l’Esprit ». C’est donc, au
5393
l’Idée de liberté, c’est-à-dire du « devenir réel
de
l’Esprit ». C’est donc, au vrai, une Théodicée. Conformément au Systè
5394
d für sich »). Dans ses Leçons sur la Philosophie
de
l’Histoire (publication posthume), Hegel décrit l’évolution de l’Asie
5395
(publication posthume), Hegel décrit l’évolution
de
l’Asie, de l’Antiquité et de l’Europe moderne, comme s’il s’agissait
5396
on posthume), Hegel décrit l’évolution de l’Asie,
de
l’Antiquité et de l’Europe moderne, comme s’il s’agissait réellement
5397
l décrit l’évolution de l’Asie, de l’Antiquité et
de
l’Europe moderne, comme s’il s’agissait réellement d’une évolution de
5398
’Europe moderne, comme s’il s’agissait réellement
d’
une évolution de l’Esprit. Le terme ultime de ce grandiose processus n
5399
comme s’il s’agissait réellement d’une évolution
de
l’Esprit. Le terme ultime de ce grandiose processus n’est autre que l
5400
ment d’une évolution de l’Esprit. Le terme ultime
de
ce grandiose processus n’est autre que l’Europe « vraiment fin de l’H
5401
processus n’est autre que l’Europe « vraiment fin
de
l’Histoire », éminemment représentée par sa composante germanique, et
5402
germanique, et comme le préciseront les hégéliens
de
droite, par l’État prussien. Deux citations célèbres (empruntées à l’
5403
ntroduction) suffiront ici à caractériser le rôle
de
l’Europe dans l’Histoire mondiale, selon Hegel : J’ai dit que les Or
5404
’homme est libre. Ces stades dans la connaissance
de
la Liberté constituent la division que nous ferons dans l’Histoire un
5405
elle nous l’étudierons… L’Histoire universelle va
de
l’est à l’ouest, car l’Europe est vraiment la fin de l’Histoire, dont
5406
l’est à l’ouest, car l’Europe est vraiment la fin
de
l’Histoire, dont l’Asie est le commencement. Pour l’Histoire universe
5407
i, κατ`έξοχήν, l’Est pour-soi étant quelque chose
de
tout relatif ; car, quoique la Terre soit une sphère, l’Histoire ne d
5408
’Histoire ne décrit pourtant pas un cercle autour
d’
elle, mais elle a bien plutôt un Est déterminé, et c’est l’Asie. Là se
5409
c’est pourquoi. ici, se lève le soleil intérieur
de
la conscience de soi, qui répand un plus haut éclat.187 Wilhelm Jos
5410
ici, se lève le soleil intérieur de la conscience
de
soi, qui répand un plus haut éclat.187 Wilhelm Josef von Schelling
5411
on Schelling (1775-1854) fut le dernier survivant
de
la grande génération des philosophes romantiques. Avec la fin de sa c
5412
nération des philosophes romantiques. Avec la fin
de
sa carrière, nous voyons se fermer les cycles inaugurés par Herder, K
5413
Système » porte la même date que « l’État fermé »
de
Fichte et l’essai sur l’Europe de Gentz. Ami de Novalis dans sa jeune
5414
» de Fichte et l’essai sur l’Europe de Gentz. Ami
de
Novalis dans sa jeunesse et devenu plus tard catholique comme lui, il
5415
e lui, il fut l’un des maîtres les plus influents
de
la pensée européenne du xixe siècle : car on ne compte pas seulement
5416
siècle : car on ne compte pas seulement au nombre
de
ses disciples ses camarades du cercle de l’Athenæum (tous ceux qu’on
5417
u nombre de ses disciples ses camarades du cercle
de
l’Athenæum (tous ceux qu’on a cités dans les pages qui précèdent), ma
5418
plupart des penseurs russes, surtout slavophiles,
de
son temps. Déjà, dans l’Introduction à son System der Transcendentale
5419
ismus 188 publié en 1800, Schelling défend l’idée
d’
une fédération et d’une Cour de justice internationales, dans lesquell
5420
1800, Schelling défend l’idée d’une fédération et
d’
une Cour de justice internationales, dans lesquelles il voit le couron
5421
ling défend l’idée d’une fédération et d’une Cour
de
justice internationales, dans lesquelles il voit le couronnement néce
5422
ans lesquelles il voit le couronnement nécessaire
de
l’ère historique de la « Nature » succédant à celle du « Destin » et
5423
it le couronnement nécessaire de l’ère historique
de
la « Nature » succédant à celle du « Destin » et annonçant celle de l
5424
uccédant à celle du « Destin » et annonçant celle
de
la « Providence ». L’histoire dans son ensemble est une révélation c
5425
semble est une révélation continue et progressive
de
l’absolu. Nous pouvons distinguer trois périodes dans cette manifesta
5426
y a de plus grand et de plus noble. Cette période
de
l’histoire, que nous pouvons appeler tragique, est celle de la décade
5427
ire, que nous pouvons appeler tragique, est celle
de
la décadence de la splendeur et des merveilles du monde ancien, et de
5428
uvons appeler tragique, est celle de la décadence
de
la splendeur et des merveilles du monde ancien, et de la chute des gr
5429
a splendeur et des merveilles du monde ancien, et
de
la chute des grands empires dont le souvenir s’est à peine conservé e
5430
les nous font présumer la grandeur : la décadence
de
l’humanité la plus noble qui ait jamais fleuri et dont le retour sur
5431
fleuri et dont le retour sur la terre est l’objet
de
vœux éternels. La seconde période est celle où ce qui dans la premièr
5432
me nature. Elle paraît commencer avec l’expansion
de
la république romaine qui, dans sa soif de conquêtes et d’asservissem
5433
ansion de la république romaine qui, dans sa soif
de
conquêtes et d’asservissement — manifestations du despotisme effréné
5434
ublique romaine qui, dans sa soif de conquêtes et
d’
asservissement — manifestations du despotisme effréné qui y régnait —
5435
sciences qui, jusqu’alors avaient été le monopole
de
quelques peuples isolés, contrainte qu’elle était, sans en avoir cons
5436
ns en avoir conscience et même contre sa volonté,
de
s’adapter à un plan naturel dont l’aboutissement verra l’union univer
5437
e développeront et se manifesteront comme l’œuvre
de
la providence ; ainsi même ce qui paraissait l’œuvre du destin ou de
5438
ainsi même ce qui paraissait l’œuvre du destin ou
de
la nature n’était que le commencement d’une providence qui ne se révé
5439
estin ou de la nature n’était que le commencement
d’
une providence qui ne se révélait qu’imparfaitement. Quand cette pério
5440
On ne saurait donc envisager l’existence durable
d’
une constitution politique unique — fût-elle parfaite dans sa forme —
5441
erposant à l’État individuel, sans une fédération
de
tous les États où chacun d’entre eux serait le garant de la constitut
5442
les États où chacun d’entre eux serait le garant
de
la constitution de l’autre. Cependant, d’une part, cette garantie gén
5443
n d’entre eux serait le garant de la constitution
de
l’autre. Cependant, d’une part, cette garantie générale et mutuelle n
5444
possible que si les États acceptent les principes
d’
un véritable ordre judiciaire, de sorte que chaque État ait intérêt à
5445
Je forme des vœux pour la réconciliation complète
de
tous les peuples européens et veux croire qu’ils adopteront à nouveau
5446
te, Schelling en viendra, lui aussi, à n’attendre
d’
autre salut pour l’Europe que de la libre coopération de l’État et de
5447
ssi, à n’attendre d’autre salut pour l’Europe que
de
la libre coopération de l’État et de l’Église, seule base d’une union
5448
e salut pour l’Europe que de la libre coopération
de
l’État et de l’Église, seule base d’une union durable des peuples :
5449
l’Europe que de la libre coopération de l’État et
de
l’Église, seule base d’une union durable des peuples : L’étude de l’
5450
coopération de l’État et de l’Église, seule base
d’
une union durable des peuples : L’étude de l’histoire moderne qui déb
5451
e base d’une union durable des peuples : L’étude
de
l’histoire moderne qui débute, au fond, avec l’apparition du christia
5452
tianisme en Europe fait ressortir deux tentatives
de
l’humanité dans sa quête de l’unité. La première qui visait la créati
5453
ortir deux tentatives de l’humanité dans sa quête
de
l’unité. La première qui visait la création d’une unité spirituelle a
5454
te de l’unité. La première qui visait la création
d’
une unité spirituelle au sein de l’Église était vouée à l’échec, car e
5455
e l’État. L’erreur que commit l’Église à l’époque
de
la hiérarchie ecclésiastique ne fut pas d’intervenir dans le domaine
5456
époque de la hiérarchie ecclésiastique ne fut pas
d’
intervenir dans le domaine de l’État mais au contraire, de laisser cel
5457
siastique ne fut pas d’intervenir dans le domaine
de
l’État mais au contraire, de laisser celui-ci s’immiscer dans le sien
5458
enir dans le domaine de l’État mais au contraire,
de
laisser celui-ci s’immiscer dans le sien propre. Au lieu de se garder
5459
er dans le sien propre. Au lieu de se garder pure
de
tout élément extérieur, elle se livra à l’État en épousant certaines
5460
eur, elle se livra à l’État en épousant certaines
de
ses formes. La violence extérieure ne pourra jamais servir la cause d
5461
a cause du vrai et du divin, et l’Église s’écarta
de
sa vraie vocation dès qu’elle commença à persécuter les hérétiques. L
5462
ença à persécuter les hérétiques. L’État a acquis
de
l’importance au moment du renversement de la hiérarchie ecclésiastiqu
5463
acquis de l’importance au moment du renversement
de
la hiérarchie ecclésiastique, et il est évident que le joug des tyran
5464
la mesure même où ils croyaient pouvoir se passer
de
l’unité spirituelle. Il est certain en tout cas que, quel que puisse
5465
vraie unité ne peut être réalisée que par la voie
de
la religion. Il ne s’agit pas là de la domination de l’Église par l’É
5466
e par la voie de la religion. Il ne s’agit pas là
de
la domination de l’Église par l’État ou vice versa, mais de la nécess
5467
la religion. Il ne s’agit pas là de la domination
de
l’Église par l’État ou vice versa, mais de la nécessité ou se trouve
5468
nation de l’Église par l’État ou vice versa, mais
de
la nécessité ou se trouve l’État lui-même de développer les principes
5469
mais de la nécessité ou se trouve l’État lui-même
de
développer les principes religieux de façon que l’union de tous les p
5470
at lui-même de développer les principes religieux
de
façon que l’union de tous les peuples puisse se fonder sur la communa
5471
pper les principes religieux de façon que l’union
de
tous les peuples puisse se fonder sur la communauté des convictions r
5472
te époque, l’un des seuls équivalents des auteurs
de
grands systèmes historico-philosophiques que nous venons de citer. Ma
5473
que nous venons de citer. Mais il ne se rattache
de
près ni de loin à aucun d’eux. Disciple préféré de Saint-Simon, auprè
5474
enons de citer. Mais il ne se rattache de près ni
de
loin à aucun d’eux. Disciple préféré de Saint-Simon, auprès duquel il
5475
Mais il ne se rattache de près ni de loin à aucun
d’
eux. Disciple préféré de Saint-Simon, auprès duquel il a remplacé Augu
5476
e près ni de loin à aucun d’eux. Disciple préféré
de
Saint-Simon, auprès duquel il a remplacé Augustin Thierry dans le rôl
5477
uquel il a remplacé Augustin Thierry dans le rôle
de
« fils adoptif », il fonde à son tour une secte, la religion positivi
5478
ciologie moderne. Comme tous les saint-simoniens (
d’
Eichthal, Pierre Leroux, Feugueray, Considérant, Pecqueur, Littré et t
5479
, Pecqueur, Littré et tant d’autres, tous auteurs
de
traités sur l’unité européenne), Auguste Comte est un défenseur conva
5480
Comte est un défenseur convaincu, quasi mystique,
de
l’européocentrisme, du rôle privilégié et redoutable que l’Europe doi
5481
l’unir, après s’être elle-même unifiée. Le titre
d’
une de ses publications donnera une idée de l’espèce de délire rationn
5482
r, après s’être elle-même unifiée. Le titre d’une
de
ses publications donnera une idée de l’espèce de délire rationnel (et
5483
titre d’une de ses publications donnera une idée
de
l’espèce de délire rationnel (et romantique à sa façon, quoiqu’il se
5484
de ses publications donnera une idée de l’espèce
de
délire rationnel (et romantique à sa façon, quoiqu’il se dise « posit
5485
a pensée européenne des saint-simoniens, et celle
de
Comte en particulier : Calendrier positiviste ou système général de
5486
lier : Calendrier positiviste ou système général
de
commémoration publique, destiné surtout à la transition finale de la
5487
publique, destiné surtout à la transition finale
de
la grande République occidentale, formée des cinq populations avancée
5488
50. Cependant, dans son œuvre capitale, le Cours
de
philosophie positive 190 Comte entend donner une solide base critique
5489
’on puisse trouver : l’Europe. Il se propose donc
de
… considérer exclusivement le développement effectif des populations
5490
ionnelle digression sur les divers autres centres
de
civilisation indépendante, dont l’évolution a été, par des causes que
5491
plus imparfait ; à moins que l’examen comparatif
de
ces séries accessoires ne puisse utilement éclairer le sujet principa
5492
jet principal, comme je l’ai expliqué en traitant
de
la méthode sociologique. Notre exploration historique devra donc être
5493
que uniquement réduite à l’élite ou l’avant-garde
de
l’humanité, comprenant la majeure partie de la race blanche ou des na
5494
garde de l’humanité, comprenant la majeure partie
de
la race blanche ou des nations européennes, en nous bornant même, pou
5495
ions européennes, en nous bornant même, pour plus
de
précision, surtout dans les temps modernes, aux peuples de l’Europe o
5496
ion, surtout dans les temps modernes, aux peuples
de
l’Europe occidentale. … On ne peut certainement espérer de reconnaîtr
5497
pe occidentale. … On ne peut certainement espérer
de
reconnaître d’abord la véritable marche fondamentale des sociétés hum
5498
iétés humaines que par la considération exclusive
de
l’évolution la plus complète et la mieux caractérisée, à l’éclairciss
5499
ète et la mieux caractérisée, à l’éclaircissement
de
laquelle doivent être constamment subordonnées toutes les observation
5500
ifestation, il deviendra possible, et même utile,
de
procéder à l’explication rationnelle des modifications plus ou moins
5501
ers titres, sont restées plus ou moins en arrière
d’
un tel type de développement. Jusqu’alors, ce puéril et inopportun éta
5502
nt restées plus ou moins en arrière d’un tel type
de
développement. Jusqu’alors, ce puéril et inopportun étalage d’une éru
5503
ent. Jusqu’alors, ce puéril et inopportun étalage
d’
une érudition stérile et mal dirigée, qui tend aujourd’hui à entraver
5504
dirigée, qui tend aujourd’hui à entraver l’étude
de
notre évolution sociale par le vicieux mélange de l’histoire des popu
5505
de notre évolution sociale par le vicieux mélange
de
l’histoire des populations qui, telles que celles de l’Inde, de la Ch
5506
l’histoire des populations qui, telles que celles
de
l’Inde, de la Chine, etc., n’ont pu exercer sur notre passé aucune vé
5507
des populations qui, telles que celles de l’Inde,
de
la Chine, etc., n’ont pu exercer sur notre passé aucune véritable inf
5508
e hautement signalé comme une source inextricable
de
confusion radicale dans la recherche des lois réelles de la sociabili
5509
usion radicale dans la recherche des lois réelles
de
la sociabilité humaine, dont la marche fondamentale et toutes les mod
5510
dé sans doute par le principe purement littéraire
de
l’unité de composition, me paraît avoir d’avance senti instinctivemen
5511
te par le principe purement littéraire de l’unité
de
composition, me paraît avoir d’avance senti instinctivement les condi
5512
éraire de l’unité de composition, me paraît avoir
d’
avance senti instinctivement les conditions logiques imposées par la n
5513
rit son appréciation historique à l’unique examen
d’
une série homogène et continue, et néanmoins justement qualifiée d’uni
5514
ène et continue, et néanmoins justement qualifiée
d’
universelle ; restriction éminemment judicieuse, qui lui a été si étra
5515
, qui lui a été si étrangement reprochée par tant
d’
esprits antiphilosophiques, et vers laquelle nous ramène aujourd’hui e
5516
aujourd’hui essentiellement l’analyse approfondie
de
la marche intellectuelle propre à de telles études. Voilà pourquoi A
5517
approfondie de la marche intellectuelle propre à
de
telles études. Voilà pourquoi Auguste Comte bornera son étude à « l’
5518
omte bornera son étude à « l’explication spéciale
de
l’agent et du théâtre de l’évolution sociale la plus complète », à l’
5519
« l’explication spéciale de l’agent et du théâtre
de
l’évolution sociale la plus complète », à l’Europe. Et il exposera da
5520
aisons pour lesquelles « la race blanche possède,
d’
une manière si prononcée, le privilège effectif du principal développe
5521
», tandis que « l’Europe a été le lien essentiel
de
cette civilisation prépondérante ». 184. Europa, Frankfurt a. Main
5522
p. 38 et 39. 185. Cf. p. 224. 186. Philosophie
de
l’Histoire, professée en dix-huit leçons publiques à Vienne, par F. d
5523
187. G. W. F. Hegel : Leçons sur la philosophie
de
l’histoire. Traduction par J. Gibelin, Éd. H. Vrin, Paris, 1946. 188
5524
tuttgarter Privatvorlesungen), 1810. 190. Cours
de
Philosophie Positive, 1830-42, tome V, Paris, 1894.
5525
1842), écrivait dans un ouvrage sur L’État actuel
de
l’Humanité les phrases suivantes, qu’on croirait d’aujourd’hui, et qu
5526
l’Humanité les phrases suivantes, qu’on croirait
d’
aujourd’hui, et qui étaient vraies déjà en tant que diagnostic, bien q
5527
stic, bien que l’Histoire n’ait guère tenu compte
de
leur pronostic pendant le siècle qui suivit : Il ne s’agit plus aujo
5528
vit : Il ne s’agit plus aujourd’hui en politique
de
la balance de l’Europe, mais de l’avenir de l’humanité. Les guerres c
5529
’agit plus aujourd’hui en politique de la balance
de
l’Europe, mais de l’avenir de l’humanité. Les guerres civiles de l’Eu
5530
’hui en politique de la balance de l’Europe, mais
de
l’avenir de l’humanité. Les guerres civiles de l’Europe sont finies,
5531
tique de la balance de l’Europe, mais de l’avenir
de
l’humanité. Les guerres civiles de l’Europe sont finies, la rivalité
5532
is de l’avenir de l’humanité. Les guerres civiles
de
l’Europe sont finies, la rivalité des peuples qui la composent va s’é
5533
s’éloignant, comme s’éteignit, sous la domination
d’
Alexandre, la rivalité des cités grecques… et de même, l’Europe commen
5534
il y a une Amérique, une Asie, une Afrique. C’est
de
l’unité de l’Europe contre ces masses et de la balance de ces masses
5535
Amérique, une Asie, une Afrique. C’est de l’unité
de
l’Europe contre ces masses et de la balance de ces masses entre elles
5536
C’est de l’unité de l’Europe contre ces masses et
de
la balance de ces masses entre elles, que l’homme doit à présent s’oc
5537
té de l’Europe contre ces masses et de la balance
de
ces masses entre elles, que l’homme doit à présent s’occuper.191 Jo
5538
nde. L’Europe représentait pour lui l’avant-garde
de
l’humanité, en tant que civilisation ; la France, l’avant-garde de l’
5539
tant que civilisation ; la France, l’avant-garde
de
l’Europe en tant que nation. Quant aux intérêts des individus dans ch
5540
ivilisation, et des civilisations dans l’ensemble
de
l’humanité, ils ne pouvaient finalement que converger au sein d’une a
5541
e, nous avons du Hegel. Pourquoi ce beau système
d’
évolution globale vers l’harmonie de l’un et de divers a-t-il été brut
5542
beau système d’évolution globale vers l’harmonie
de
l’un et de divers a-t-il été brutalement démenti au terme même du pro
5543
me d’évolution globale vers l’harmonie de l’un et
de
divers a-t-il été brutalement démenti au terme même du processus d’ép
5544
té brutalement démenti au terme même du processus
d’
épanouissement des grandes nations, qui était censé produire la paix,
5545
t la formation des « nationalités », comme autant
d’
étapes nécessaires d’une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîn
5546
nationalités », comme autant d’étapes nécessaires
d’
une dialectique de l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passio
5547
mme autant d’étapes nécessaires d’une dialectique
de
l’Esprit, s’est trouvé déchaîner en fait des passions que l’esprit ne
5548
exploiter et bientôt nationaliser au sens actuel
de
l’expression. De ce tragique malentendu, les poètes de la génération
5549
ntôt nationaliser au sens actuel de l’expression.
De
ce tragique malentendu, les poètes de la génération de 1848 furent le
5550
expression. De ce tragique malentendu, les poètes
de
la génération de 1848 furent les premières victimes, enthousiastes et
5551
tragique malentendu, les poètes de la génération
de
1848 furent les premières victimes, enthousiastes et bernées. Ils cro
5552
gale liberté. Ils s’inspirent tous du messianisme
de
la Révolution française : libérer sa propre nation du joug des tyrans
5553
l’Europe et le genre humain… En fait, la liberté
de
la Nation, une fois acquise, ne sera rien que la souveraineté de l’Ét
5554
ne fois acquise, ne sera rien que la souveraineté
de
l’État qui s’en prévaudra. Et l’anarchie des souverainetés divinisées
5555
rande Dialectique idéaliste prévoyait l’avènement
de
la paix. Inaugurée par le traumatisme de la Révolution, imposée à tou
5556
vènement de la paix. Inaugurée par le traumatisme
de
la Révolution, imposée à toute l’Europe par les armées de Napoléon, l
5557
volution, imposée à toute l’Europe par les armées
de
Napoléon, l’ère des Nations a succédé à l’ère du cosmopolitisme des É
5558
a trouver grâce aux poètes nationaux et militants
de
1848 ses traductions lyriques et populaires, en termes de liberté et
5559
s lyriques et populaires, en termes de liberté et
de
patriotisme. La « Sainte-Alliance des Peuples » va proclamer son utop
5560
able face à la politique courte mais « positive »
de
la Sainte-Alliance des rois. Puis les derniers saint-simoniens, les f
5561
iéristes, un agitateur italien, Mazzini, un poète
de
génie, Hugo, et un idéologue socialiste, Proudhon, essaieront de comb
5562
et un idéologue socialiste, Proudhon, essaieront
de
combler le vide laissé par le grand mythe du Saint-Empire, en proclam
5563
es « États-Unis d’Europe », substitut démocratisé
de
l’instance supérieure aux Nations. Hélas ! l’histoire réelle se passe
5564
-Simon aboutit entre autres au percement du canal
de
Suez, dont aussitôt la politique des États, après s’y être opposée, s
5565
ire des Quarante-huitards échoue dans les manuels
d’
écoles primaires, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque de l’É
5566
es, et s’y dénature en nationalisme, culte laïque
de
l’État. Le mouvement Jeune Europe, qui voulait utiliser les passions
5567
ulait utiliser les passions nationales au service
de
l’idée fédéraliste, voit l’inverse se réaliser. Jamais les idéaux n’o
5568
mieux démentis par les faits, ni mieux détournés
de
leurs buts. Jamais l’Europe qui crée par la révolution industrielle l
5569
ui crée par la révolution industrielle les moyens
d’
unifier l’humanité, et qui en attendant, achève de la subjuguer par le
5570
d’unifier l’humanité, et qui en attendant, achève
de
la subjuguer par les armes, ne s’est montrée à la fois moins humanita
5571
e fait par les États et dans leur cadre au profit
de
leurs intérêts immédiats, mal calculés, et au détriment de cet équili
5572
les données. Et c’est pourquoi les grands esprits
de
la fin du xixe siècle, enregistrant cette dissolution de l’idéal eur
5573
n du xixe siècle, enregistrant cette dissolution
de
l’idéal européen, de Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel, aboutiron
5574
registrant cette dissolution de l’idéal européen,
de
Ranke à Renan et de Nietzsche à Sorel, aboutiront à une série de prop
5575
solution de l’idéal européen, de Ranke à Renan et
de
Nietzsche à Sorel, aboutiront à une série de prophéties uniformément
5576
n et de Nietzsche à Sorel, aboutiront à une série
de
prophéties uniformément pessimistes, quant à l’avenir de notre civili
5577
héties uniformément pessimistes, quant à l’avenir
de
notre civilisation. Voici les textes qui jalonnent, de Heine à George
5578
tre civilisation. Voici les textes qui jalonnent,
de
Heine à Georges Sorel, cette double évolution des idées et des faits,
5579
914. Citons d’abord une page très caractéristique
de
la révolution qui s’est opérée dans tous nos pays, entre 1789 et 1848
5580
tre 1789 et 1848, et qui s’annonçait dans l’œuvre
de
Herder. L’humanisme nouveau, celui qui inspire les fondateurs de l’in
5581
manisme nouveau, celui qui inspire les fondateurs
de
l’instruction publique obligatoire, se présente comme anticosmopolite
5582
ntons cette page, fut à la fois le grand pionnier
de
l’éducation populaire en Europe du Nord et l’initiateur d’un mouvemen
5583
ation populaire en Europe du Nord et l’initiateur
d’
un mouvement religieux (dérivé du luthéranisme) qui marqua longuement
5584
ivé du luthéranisme) qui marqua longuement la vie
de
son pays. Poète, théologien, éducateur, et homme politique au surplus
5585
fois la pensée et l’action, et aussi le sentiment
de
son époque. Le monde que l’on nomme cultivé est victime d’une grave
5586
que. Le monde que l’on nomme cultivé est victime
d’
une grave erreur sur la vie humaine et sur les conditions de son évolu
5587
e erreur sur la vie humaine et sur les conditions
de
son évolution éclairée, lorsqu’il se met à choyer l’idée que, parce q
5588
que toutes les différences entre les hommes sont
de
nature purement fortuite étant nées de l’habitude et des circonstance
5589
ommes sont de nature purement fortuite étant nées
de
l’habitude et des circonstances, en sorte qu’on ferait aussi bien de
5590
s circonstances, en sorte qu’on ferait aussi bien
de
les tenir toutes pour équivalentes, et que la pure humanité se manife
5591
alentes, et que la pure humanité se manifesterait
d’
autant mieux que l’on négligerait davantage toute particularité. On ne
5592
à une autre et où l’on ne peut mener deux chevaux
de
la même façon, seule une sagesse démente prétendrait que l’on peut tr
5593
prétendrait que l’on peut traiter tous les hommes
de
la même manière, alors que bien au contraire la diversité est l’un de
5594
ontraire la diversité est l’un des biens suprêmes
de
la nature humaine… En dépit de cela, le siècle dernier a considéré qu
5595
a, le siècle dernier a considéré que l’excellence
de
la culture consistait à nier les différences entre Anglais, Français,
5596
en est résulté qu’aussitôt l’on a perdu la notion
de
ce qui distingue un sage d’un sot, l’intelligence du sentiment, voire
5597
’on a perdu la notion de ce qui distingue un sage
d’
un sot, l’intelligence du sentiment, voire l’homme de la femme. Mais l
5598
n sot, l’intelligence du sentiment, voire l’homme
de
la femme. Mais la vraie culture doit s’en tenir à ceci : de même que
5599
dont chacun parlait sa propre langue et montrait
de
nombreux traits qui lui étaient essentiellement propres. D’autant plu
5600
x traits qui lui étaient essentiellement propres.
D’
autant plus courageusement un peuple défend ses particularités, d’auta
5601
urageusement un peuple défend ses particularités,
d’
autant mieux la vie générale peut se déployer dans toutes les directio
5602
e peut se déployer dans toutes les directions, et
d’
autant plus féconde sera l’influence que chacun pourra exercer sur les
5603
l ne faut pas confondre avec la section allemande
de
la « Jeune Europe » de Mazzini dont nous aurons à reparler. Point de
5604
avec la section allemande de la « Jeune Europe »
de
Mazzini dont nous aurons à reparler. Point de pensée européenne systé
5605
e » de Mazzini dont nous aurons à reparler. Point
de
pensée européenne systématique, chez Heine, mais une série de « point
5606
ropéenne systématique, chez Heine, mais une série
de
« pointes » alternées, — diastole lyrique, systole sardonique. L’idée
5607
s, — diastole lyrique, systole sardonique. L’idée
de
l’Europe, omniprésente dans ses œuvres, s’y manifeste par des observa
5608
ts et prophéties contradictoires, dont on tentera
de
communiquer le mouvement par quelques citations fort disparates. Au d
5609
s. Au début, Heine épouse l’idéologie herdérienne
d’
une Europe des « nationalités » qu’il considère, un peu à la manière d
5610
manière de Fichte, comme une étape indispensable
de
l’évolution historique : Tous les peuples de l’Europe et du monde de
5611
ble de l’évolution historique : Tous les peuples
de
l’Europe et du monde devront traverser cette agonie, pour que la vie
5612
traverser cette agonie, pour que la vie surgisse
de
la mort et pour qu’à la nationalité païenne succède la fraternité chr
5613
cède la fraternité chrétienne.193 Sa conception
de
l’union des peuples est d’ailleurs très nettement fédéraliste : « har
5614
ître, chaque peuple lui paraissait être une corde
de
cette harpe géante, montée sur un ton particulier, et il percevait l’
5615
rticulier, et il percevait l’harmonie universelle
de
leurs sons différents.194 Mais ces élans lyriques ne l’empêchent pa
5616
s ces élans lyriques ne l’empêchent pas longtemps
d’
exercer sa lucidité sur l’Europe telle qu’elle est, menacée à la fois
5617
est, menacée à la fois (dirait-on) par son excès
de
conscience et par son manque de vigilance, tantôt vieillard et tantôt
5618
on) par son excès de conscience et par son manque
de
vigilance, tantôt vieillard et tantôt vierge folle : Cette spiritual
5619
littérature européenne, est peut-être le symptôme
d’
une proche agonie ; de même certains hommes deviennent voyants sur leu
5620
e certains hommes deviennent voyants sur leur lit
de
mort et, de leurs lèvres livides, laissent échapper des secrets de l’
5621
ommes deviennent voyants sur leur lit de mort et,
de
leurs lèvres livides, laissent échapper des secrets de l’au-delà. Ou
5622
urs lèvres livides, laissent échapper des secrets
de
l’au-delà. Ou faut-il penser que la vieille Europe est en train de ra
5623
ition du mourant, mais l’inquiétant pressentiment
d’
une renaissance, le souffle spirituel d’un nouveau printemps ?195 Que
5624
sentiment d’une renaissance, le souffle spirituel
d’
un nouveau printemps ?195 Quel que soit le comportement de la vierge
5625
eau printemps ?195 Quel que soit le comportement
de
la vierge Europe — elle peut veiller avec sagesse près de sa lampe ou
5626
s’endormir à côté de la lampe éteinte — nul jour
de
joie ne l’attend.196 Dans le poème intitulé Germania, Heine a ce no
5627
e poème intitulé Germania, Heine a ce nouvel élan
d’
espoir : La vierge Europe est fiancée au beau génie de la Liberté : i
5628
oir : La vierge Europe est fiancée au beau génie
de
la Liberté : ils tendent amoureusement les bras pour un premier baise
5629
allemands. Elle a pour axe, ici et là, la passion
d’
une liberté conçue tantôt comme celle du groupe populaire, de la « nat
5630
té conçue tantôt comme celle du groupe populaire,
de
la « nationalité » secouant le joug de tous les despotismes, politiqu
5631
populaire, de la « nationalité » secouant le joug
de
tous les despotismes, politiques ou spirituels, tantôt comme l’embras
5632
qués par Schiller. Quand Heine fait sienne l’idée
de
nation, c’est dans le sens mazzinien d’une « Internationale des natio
5633
ne l’idée de nation, c’est dans le sens mazzinien
d’
une « Internationale des nationalistes » : c’est donc pour préserver l
5634
les diversités, contre les « terribles niveleurs
de
l’Europe » (« die furchtbarsten Nivelleurs Europas ») que sont les un
5635
Richelieu ou à la Robespierre, ou les « empereurs
de
la finance » à la Rothschild. Ce nivellement mortel, qui rendrait not
5636
rait notre monde invivable, serait l’issue fatale
d’
une grande guerre franco-allemande, déclenchée par les idées révolutio
5637
emande, déclenchée par les idées révolutionnaires
de
Paris : Quel serait l’aboutissement de ce mouvement, dont Paris, com
5638
ionnaires de Paris : Quel serait l’aboutissement
de
ce mouvement, dont Paris, comme toujours, aurait donné le signal ? Ce
5639
erait la guerre, la plus épouvantable des guerres
d’
anéantissement, qui enverrait dans l’arène les deux plus nobles peuple
5640
verrait dans l’arène les deux plus nobles peuples
de
la civilisation, causant leur perte à tous les deux ; je veux parler
5641
usant leur perte à tous les deux ; je veux parler
de
la France et de l’Allemagne… Le deuxième acte sera certainement la ré
5642
à tous les deux ; je veux parler de la France et
de
l’Allemagne… Le deuxième acte sera certainement la révolution europée
5643
mplacable entre les prolétaires et l’aristocratie
de
la propriété ; il ne sera alors question ni de nationalité ni de reli
5644
ie de la propriété ; il ne sera alors question ni
de
nationalité ni de religion ; il n’y aura qu’une seule patrie, la terr
5645
; il ne sera alors question ni de nationalité ni
de
religion ; il n’y aura qu’une seule patrie, la terre, et qu’une seule
5646
pense qu’à la fin on écrasera la tête du serpent
de
mer et qu’on écorchera l’ours du Nord. Il n’y aura plus alors qu’un s
5647
ucoup de coups. Je conseille à nos petits-enfants
de
venir au monde avec la peau du dos fort épaisse.197 Cette curieuse
5648
ion ! En voici une autre version, dans une lettre
de
Heine écrite deux ans plus tôt. Ce qu’a dit Napoléon à Sainte-Hélène
5649
rageante prophétie !… Ce rêve n’est pas une bulle
de
savon qu’un souffle anéantit, mais en lui nous épie une possibilité t
5650
e possibilité terrible, pétrifiante comme la tête
de
Méduse. Quelle perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir d’ennui
5651
le perspective ! Dans le meilleur des cas, mourir
d’
ennui en tant que Républicain ! Pauvres petits-neveux !198 On sait qu
5652
les Russes des révoltes hongroises et polonaises
de
1848. Ce fut l’équivalent de 1956, à tous égards, y compris la paraly
5653
roises et polonaises de 1848. Ce fut l’équivalent
de
1956, à tous égards, y compris la paralysie politique de nos États, d
5654
, à tous égards, y compris la paralysie politique
de
nos États, demeurés pratiquement insensibles au soulèvement de l’opin
5655
demeurés pratiquement insensibles au soulèvement
de
l’opinion unanime. Voici deux textes brefs comme deux cris, échappés
5656
ux textes brefs comme deux cris, échappés au chef
de
la révolte hongroise, Lajos Kossuth (1802-1894), qui put émigrer en E
5657
même ; car elle ne peut devenir que l’avant-garde
de
la monarchie universelle de la Russie.199 Et Petöfi, dans son poème
5658
nir que l’avant-garde de la monarchie universelle
de
la Russie.199 Et Petöfi, dans son poème de 1848 intitulé Silence de
5659
elle de la Russie.199 Et Petöfi, dans son poème
de
1848 intitulé Silence de l’Europe : L’Europe se tait… Honte à cette
5660
t Petöfi, dans son poème de 1848 intitulé Silence
de
l’Europe : L’Europe se tait… Honte à cette Europe silencieuse Et qui
5661
1798-1855) il élève la plainte séculaire des pays
de
l’Est européen périodiquement « libérés » par les Russes. Voici quelq
5662
libérés » par les Russes. Voici quelques strophes
de
son grand poème intitulé Le Livre des Pèlerins 200 : Lorsque la Libe
5663
e criai vers toi, nation, afin d’avoir un morceau
de
fer pour défense et une poignée de poudre, et toi tu m’as donné un ar
5664
oir un morceau de fer pour défense et une poignée
de
poudre, et toi tu m’as donné un article de gazette. Mais cette nation
5665
oignée de poudre, et toi tu m’as donné un article
de
gazette. Mais cette nation répondra : Quand m’avez-vous appelée ? Et
5666
t la Liberté répondra : J’ai appelé par la bouche
de
ces pèlerins, et tu ne m’as pas écoutée ; va donc en servitude, là où
5667
sère, et je t’ai demandé, ô nation, la protection
de
tes lois et des secours, et toi tu m’as jeté des ordonnances. Et la n
5668
berté répondra : Je suis venue à toi sous l’habit
de
ces pèlerins, et tu m’as méprisée ; va donc dans la servitude là où i
5669
re pèlerinage sera pour les Puissances une pierre
d’
achoppement. Les Puissances ont rejeté votre pierre de l’édifice europ
5670
hoppement. Les Puissances ont rejeté votre pierre
de
l’édifice européen, et voici que cette pierre deviendra la pierre ang
5671
e pierre deviendra la pierre angulaire et la clef
de
voûte de l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écra
5672
deviendra la pierre angulaire et la clef de voûte
de
l’édifice futur ; et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera et c
5673
econnaîtra plus. « Aujourd’hui, l’Occident meurt
de
ses doctrines ! » s’écriait le Polonais, désespérant pour sa patrie.
5674
sa patrie. Les Italiens, qui se sentent au seuil
de
leur indépendance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste de l’Eu
5675
dance, prennent une vue beaucoup moins pessimiste
de
l’Europe. Ainsi Vincenzo Gioberti (1801-1852). Philosophe et théologi
5676
que, qui fut mêlé aux conspirations républicaines
de
1833, exilé à Paris et Bruxelles, puis réhabilité par le Piémont dont
5677
e, Gioberti fut un néo-guelfe. Il voulait l’union
de
l’Italie et il voulait aussi l’union de l’Europe : l’une étant condit
5678
t l’union de l’Italie et il voulait aussi l’union
de
l’Europe : l’une étant condition de l’autre. À ses yeux, l’Italie («
5679
aussi l’union de l’Europe : l’une étant condition
de
l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient de l’Occident ») devait j
5680
on de l’autre. À ses yeux, l’Italie (« cet Orient
de
l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle de nation-guide, sou
5681
l’Occident ») devait jouer pour l’Europe le rôle
de
nation-guide, sous la haute direction du pape, Rome devenant la métro
5682
ute direction du pape, Rome devenant la métropole
d’
un monde au sein duquel toutes les « nationalités » politiques et spir
5683
rdant leur diversité, entreraient dans un rapport
d’
union « dialectique » : « La dictature du Pontife, chargé de la direct
5684
dialectique » : « La dictature du Pontife, chargé
de
la direction politique de l’Italie et de l’organisation de l’Europe,
5685
ture du Pontife, chargé de la direction politique
de
l’Italie et de l’organisation de l’Europe, avait pour but d’instituer
5686
, chargé de la direction politique de l’Italie et
de
l’organisation de l’Europe, avait pour but d’instituer les différente
5687
ection politique de l’Italie et de l’organisation
de
l’Europe, avait pour but d’instituer les différentes chrétientés nati
5688
et de l’organisation de l’Europe, avait pour but
d’
instituer les différentes chrétientés nationales », écrivait-il en 184
5689
-il en 1843, dans un ouvrage publié à Bruxelles :
De
la primauté morale et civile des Italiens, que l’on appelle en Italie
5690
il donnait la formule du passage « dialectique »
de
la cité à la nation, puis à l’Europe et au monde : Le Christ, en fix
5691
n fixant à la civilisation l’ultime but terrestre
d’
unifier la grande famille des humains, suggéra l’idée dialectique de n
5692
e famille des humains, suggéra l’idée dialectique
de
nation, qui est, si l’on peut dire, la cité agrandie et l’humanité en
5693
et l’humanité en petit… Le même concept unitaire
de
l’Europe, sorte de confédération amphictionique des nations chrétienn
5694
etit… Le même concept unitaire de l’Europe, sorte
de
confédération amphictionique des nations chrétiennes et dernière étap
5695
ionique des nations chrétiennes et dernière étape
de
ce processus d’unification qui tend à embrasser tout le genre humain,
5696
ons chrétiennes et dernière étape de ce processus
d’
unification qui tend à embrasser tout le genre humain, n’eut pas d’aut
5697
tend à embrasser tout le genre humain, n’eut pas
d’
autre origine. Et il ajoutait dans Rinnovamento : Tout peuple divisé
5698
appel se réfère à l’Europe. Au reste, il donnait
de
l’Europe la définition classique formulée d’abord par les Grecs, véri
5699
rd par les Grecs, véritables ancêtres, selon lui,
de
notre « idée européenne » : L’Europe est la première partie du monde
5700
ctique du genre humain aussi bien du point de vue
de
la situation géographique que de celui du climat ou de la race. Ce fa
5701
du point de vue de la situation géographique que
de
celui du climat ou de la race. Ce fait apparaît clairement si on cons
5702
situation géographique que de celui du climat ou
de
la race. Ce fait apparaît clairement si on considère sa structure ent
5703
airement si on considère sa structure entrecoupée
de
mers et de grands fleuves, ou sa température intermédiaire entre cell
5704
on considère sa structure entrecoupée de mers et
de
grands fleuves, ou sa température intermédiaire entre celle du Colure
5705
mes latitudes. Ce même fait peut se déduire aussi
de
la qualité de la race, qui est blanche, japhétique, et qui appartient
5706
Ce même fait peut se déduire aussi de la qualité
de
la race, qui est blanche, japhétique, et qui appartient à la branche
5707
la branche principale des Indo-pélages ; ou enfin
de
la religion, qui est le christianisme, père de cette civilisation adu
5708
in de la religion, qui est le christianisme, père
de
cette civilisation adulte qui marche à grands pas vers la conquête de
5709
n adulte qui marche à grands pas vers la conquête
de
la paix et la concorde dans le monde. Sa supériorité [de l’Europe] pr
5710
aix et la concorde dans le monde. Sa supériorité [
de
l’Europe] provient de la variété et de l’opposition de ses composante
5711
s le monde. Sa supériorité [de l’Europe] provient
de
la variété et de l’opposition de ses composantes, qui sont harmonisée
5712
périorité [de l’Europe] provient de la variété et
de
l’opposition de ses composantes, qui sont harmonisées par l’unité dom
5713
Europe] provient de la variété et de l’opposition
de
ses composantes, qui sont harmonisées par l’unité dominante de la rac
5714
antes, qui sont harmonisées par l’unité dominante
de
la race et des rites chrétiens, puisque la valeur de chaque force cré
5715
la race et des rites chrétiens, puisque la valeur
de
chaque force créée naît du concours de deux moments dialectiques, à s
5716
la valeur de chaque force créée naît du concours
de
deux moments dialectiques, à savoir de l’opposition des contraires et
5717
u concours de deux moments dialectiques, à savoir
de
l’opposition des contraires et de leur nature conciliante. L’Europe,
5718
iques, à savoir de l’opposition des contraires et
de
leur nature conciliante. L’Europe, du point de vue du droit constitut
5719
ée ; ce qui revient à dire qu’elle est un composé
de
plusieurs États qui ont besoin d’une union réciproque (sans perdre po
5720
est un composé de plusieurs États qui ont besoin
d’
une union réciproque (sans perdre pour autant leur individualité), mai
5721
, ils sont désunis et opposés par bien des foyers
de
haine et discorde réciproque.201 La Pologne et la Hongrie sont des
5722
ationale se confonde irrésistiblement avec l’idée
de
liberté et s’harmonise avec l’idée d’une Europe unie : une nation en
5723
avec l’idée de liberté et s’harmonise avec l’idée
d’
une Europe unie : une nation en devenir n’a pas encore d’intérêts « tr
5724
urope unie : une nation en devenir n’a pas encore
d’
intérêts « traditionnels » qui l’opposent au plus vaste ensemble. Mais
5725
sent au plus vaste ensemble. Mais qu’en sera-t-il
de
la France et de l’Espagne, ces aînées, ces modèles de l’État national
5726
te ensemble. Mais qu’en sera-t-il de la France et
de
l’Espagne, ces aînées, ces modèles de l’État national fortement const
5727
a France et de l’Espagne, ces aînées, ces modèles
de
l’État national fortement constitué et qui ne veut rien devoir à pers
5728
Les deux cas sont très différents. Car la France
de
1848 se considère comme une nation qui vient de renaître, dans une Eu
5729
, dans une Europe rénovée par les principes mêmes
de
sa révolution ; tandis que l’Espagne ne voit dans ces principes étend
5730
es et des Méditations, mais l’historien (peu sûr)
de
la Révolution et l’homme d’État éloquent du gouvernement provisoire d
5731
’homme d’État éloquent du gouvernement provisoire
de
1848, partisan d’un régime « sincèrement progressiste et énergiquemen
5732
uent du gouvernement provisoire de 1848, partisan
d’
un régime « sincèrement progressiste et énergiquement conservateur ».
5733
ns tous ses discours, exaltant le rôle libérateur
de
la France des deux révolutions, il se réfère à l’Europe comme à une v
5734
gouvernement provisoire établi par la révolution
de
février 1848, Lamartine adresse aux agents diplomatiques français un
5735
02 destiné à rassurer l’Europe sur les intentions
de
la France nouvelle. L’idée de l’harmonie des Nations au bénéfice de l
5736
sur les intentions de la France nouvelle. L’idée
de
l’harmonie des Nations au bénéfice de l’ensemble européen y revient a
5737
lle. L’idée de l’harmonie des Nations au bénéfice
de
l’ensemble européen y revient avec insistance : En 1792, les idées d
5738
n y revient avec insistance : En 1792, les idées
de
la France et de l’Europe n’étaient pas préparées à comprendre et à ac
5739
insistance : En 1792, les idées de la France et
de
l’Europe n’étaient pas préparées à comprendre et à accepter la grande
5740
du siècle qui finissait n’était que dans la tête
de
quelques philosophes. La philosophie est populaire aujourd’hui. Cinqu
5741
ophie est populaire aujourd’hui. Cinquante années
de
liberté de penser, de parler et d’écrire, ont produit leur résultat.
5742
opulaire aujourd’hui. Cinquante années de liberté
de
penser, de parler et d’écrire, ont produit leur résultat. Les livres,
5743
jourd’hui. Cinquante années de liberté de penser,
de
parler et d’écrire, ont produit leur résultat. Les livres, les journa
5744
nquante années de liberté de penser, de parler et
d’
écrire, ont produit leur résultat. Les livres, les journaux, les tribu
5745
les journaux, les tribunes ont opéré l’apostolat
de
l’intelligence européenne. La raison, rayonnant de partout, par-dessu
5746
e l’intelligence européenne. La raison, rayonnant
de
partout, par-dessus les frontières des peuples, a créé entre les espr
5747
nationalité intellectuelle qui sera l’achèvement
de
la Révolution française et la constitution de la fraternité internati
5748
ent de la Révolution française et la constitution
de
la fraternité internationale sur le globe… La République exercera, pa
5749
ur le globe… La République exercera, par la lueur
de
ses idées, par le spectacle d’ordre et de paix qu’elle espère donner
5750
cera, par la lueur de ses idées, par le spectacle
d’
ordre et de paix qu’elle espère donner au monde, le seul et honnête pr
5751
a lueur de ses idées, par le spectacle d’ordre et
de
paix qu’elle espère donner au monde, le seul et honnête prosélytisme,
5752
le seul et honnête prosélytisme, le prosélytisme
de
l’estime et de la sympathie. Ce n’est point là la guerre, c’est la na
5753
nête prosélytisme, le prosélytisme de l’estime et
de
la sympathie. Ce n’est point là la guerre, c’est la nature. Ce n’est
5754
e, c’est la nature. Ce n’est point là l’agitation
de
l’Europe, c’est la vie. Ce n’est point là incendier le monde, c’est b
5755
n’est point là incendier le monde, c’est briller
de
sa place sur l’horizon des peuples pour les devancer et les guider à
5756
r à la fois. Dans le même esprit, mais avec plus
de
profondeur, l’historien Jules Michelet (1798-1874) exaltait « l’intim
5757
qui devait unir toutes les parties constituantes
de
l’Europe, et tous les patriotismes, si « unique » que chacun d’eux se
5758
t tous les patriotismes, si « unique » que chacun
d’
eux se conçût : Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de pl
5759
ique » que chacun d’eux se conçût : Ce qu’il y a
de
moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de m
5760
d’eux se conçût : Ce qu’il y a de moins simple,
de
moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de pl
5761
e moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire
de
moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde, c’est l’E
5762
go qu’il appartiendra, bien des années plus tard,
d’
opérer la « transfiguration » des idéaux de 1848 en un européisme et e
5763
tard, d’opérer la « transfiguration » des idéaux
de
1848 en un européisme et en un mondialisme sublimes, achevant ainsi —
5764
mantisme politique. Parce qu’il n’est pas suspect
de
nationalisme borné, et parce qu’il fut au xixe siècle, le prophète l
5765
l fut au xixe siècle, le prophète le plus exalté
de
l’union européenne, ses déclarations réitérées sur l’avenir européen
5766
ses déclarations réitérées sur l’avenir européen
de
sa patrie illustrent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté de
5767
rent mieux que toute autre la grandiose ambiguïté
de
l’idée nationale. Cette généreuse et sincère volonté de se perdre dan
5768
dée nationale. Cette généreuse et sincère volonté
de
se perdre dans l’universel, de se transfigurer en Europe et en monde
5769
et sincère volonté de se perdre dans l’universel,
de
se transfigurer en Europe et en monde ne sera-t-elle pas nécessaireme
5770
interprétée par les autres comme un désir secret
de
gagner tout l’univers au style de vie et de pensée d’une « nation mèr
5771
un désir secret de gagner tout l’univers au style
de
vie et de pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de
5772
ecret de gagner tout l’univers au style de vie et
de
pensée d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’empire f
5773
agner tout l’univers au style de vie et de pensée
d’
une « nation mère » ? Parlant des « sauvages » de l’empire français qu
5774
d’une « nation mère » ? Parlant des « sauvages »
de
l’empire français qui viennent contempler à Paris l’exposition univer
5775
nnent contempler à Paris l’exposition universelle
de
1867, il a des phrases qui découragent la critique : Ces yeux saturé
5776
s qui découragent la critique : Ces yeux saturés
de
nuit viennent regarder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple d
5777
rder la vérité… Ils savent qu’il existe un peuple
de
réconciliation… une nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque e
5778
lle chez elle quiconque est frère ou veut l’être.
De
leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion. Sur ce thème
5779
oici quelques pages inspirées : La France a cela
d’
admirable qu’elle est destinée à mourir, mais à mourir comme les dieux
5780
tre en constellation ; les autres peuples, astres
de
deuxième grandeur, se groupent autour de lui, et c’est ainsi qu’Athèn
5781
urera et deviendra le monde humain. La révolution
de
France s’appellera l’évolution des peuples. Pourquoi ? Parce que la F
5782
ce que la France le mérite ; parce qu’elle manque
d’
égoïsme, parce qu’elle ne travaille pas pour elle seule, parce qu’elle
5783
pas pour elle seule, parce qu’elle] est créatrice
d’
espérances universelles, parce qu’elle représente toute la bonne volon
5784
ulement des sœurs, elle est mère. Cette maternité
de
la généreuse France éclate dans tous les phénomènes sociaux de ce tem
5785
se France éclate dans tous les phénomènes sociaux
de
ce temps ; les autres peuples lui font ses malheurs, elle leur fait l
5786
tte nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas
d’
être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale a
5787
re, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste
de
l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
5788
u reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce
d’
une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appeller
5789
uoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation
de
l’Europe.205 Enfin, dans son discours pour saluer l’Exposition univ
5790
son discours pour saluer l’Exposition universelle
de
1867, à Paris206, Hugo s’élève à des sommets d’éloquence d’où l’on vo
5791
e de 1867, à Paris206, Hugo s’élève à des sommets
d’
éloquence d’où l’on voit l’Europe elle-même se fondre dans l’immensité
5792
Paris206, Hugo s’élève à des sommets d’éloquence
d’
où l’on voit l’Europe elle-même se fondre dans l’immensité de l’humani
5793
oit l’Europe elle-même se fondre dans l’immensité
de
l’humanité la plus moderne. Voici l’exorde : Que l’Europe soit la bi
5794
u’elle entre chez elle. Qu’elle prenne possession
de
ce Paris qui lui appartient, et auquel elle appartient ! Qu’elle ait
5795
qu’elle respire à pleins poumons dans cette ville
de
tous et pour tous, qui a le privilège de faire des actes européens !
5796
te ville de tous et pour tous, qui a le privilège
de
faire des actes européens ! c’est d’ici que sont parties toutes les h
5797
ici que sont parties toutes les hautes impulsions
de
l’esprit du xixe siècle ; c’est ici que s’est tenu, magnifique spect
5798
ue spectacle contemporain, pendant trente-six ans
de
liberté, le concile des intelligences ; c’est ici qu’ont été posées,
5799
nt été posées, débattues et résolues dans le sens
de
la délivrance, toutes les grandes questions de cette époque : droit d
5800
ns de la délivrance, toutes les grandes questions
de
cette époque : droit de l’individu, base et point de départ du droit
5801
tes les grandes questions de cette époque : droit
de
l’individu, base et point de départ du droit social, droit du travail
5802
cette époque : droit de l’individu, base et point
de
départ du droit social, droit du travail, droit de la femme, droit de
5803
e départ du droit social, droit du travail, droit
de
la femme, droit de l’enfant, abolition de l’ignorance, abolition de l
5804
ocial, droit du travail, droit de la femme, droit
de
l’enfant, abolition de l’ignorance, abolition de la misère, abolition
5805
, droit de la femme, droit de l’enfant, abolition
de
l’ignorance, abolition de la misère, abolition du glaive sous toutes
5806
de l’enfant, abolition de l’ignorance, abolition
de
la misère, abolition du glaive sous toutes ses formes, inviolabilité
5807
n du glaive sous toutes ses formes, inviolabilité
de
la vue humaine. Comme les glaciers, qui ont on ne sait quelle chastet
5808
ont on ne sait quelle chasteté grandiose, et qui,
d’
un mouvement insensible, mais irrésistible et inconnu, rejettent sur l
5809
es immondices, la voirie, les abattoirs, la peine
de
mort. Et voici la péroraison : Ô France, adieu ! tu es trop grande
5810
op grande pour n’être qu’une patrie. On se sépare
de
sa mère qui devient déesse. Encore un peu de temps, et tu t’évanouira
5811
auguste à cette heure comme l’effacement visible
de
ta frontière. Résigne-toi à ton immensité. Adieu Peuple ! Salut Homme
5812
elle entend rester ce qu’elle fut, même diminuée
de
son empire américain, n’espérant rien du Progrès, ni de la Science, n
5813
empire américain, n’espérant rien du Progrès, ni
de
la Science, ni de la Démocratie sociale, ni du mouvement de l’Histoir
5814
n’espérant rien du Progrès, ni de la Science, ni
de
la Démocratie sociale, ni du mouvement de l’Histoire, et encore moins
5815
nce, ni de la Démocratie sociale, ni du mouvement
de
l’Histoire, et encore moins de la Liberté, mais plaçant toute sa foi
5816
e, ni du mouvement de l’Histoire, et encore moins
de
la Liberté, mais plaçant toute sa foi terrestre et politique dans un
5817
), le nationalisme le plus hautain prend la forme
d’
un antijacobinisme et d’un antiromantisme absolus : ce n’est pas une i
5818
us hautain prend la forme d’un antijacobinisme et
d’
un antiromantisme absolus : ce n’est pas une idéologie libertaire qui
5819
lent et simpliste que chez Hugo, mais il a changé
de
signe. Voici, en quelques phrases, tirées de deux lettres à Montalemb
5820
angé de signe. Voici, en quelques phrases, tirées
de
deux lettres à Montalembert, toute la philosophie de l’Objecteur le p
5821
deux lettres à Montalembert, toute la philosophie
de
l’Objecteur le plus total aux idéaux politiques de 1848 : Je crois q
5822
e l’Objecteur le plus total aux idéaux politiques
de
1848 : Je crois que la civilisation catholique contient le bien sans
5823
lisation catholique contient le bien sans mélange
de
mal, et que la civilisation philosophique contient le mal sans mélang
5824
sation philosophique contient le mal sans mélange
de
bien… Si je considère la civilisation catholique dans sa réalité hist
5825
je dirai que ses imperfections venant uniquement
de
sa combinaison avec la liberté humaine, le véritable progrès aurait c
5826
ne voie différente. En donnant pour mort l’empire
de
la foi, et en proclamant l’indépendance de la raison et de la volonté
5827
empire de la foi, et en proclamant l’indépendance
de
la raison et de la volonté de l’homme, elle a rendu absolu, universel
5828
, et en proclamant l’indépendance de la raison et
de
la volonté de l’homme, elle a rendu absolu, universel et nécessaire l
5829
mant l’indépendance de la raison et de la volonté
de
l’homme, elle a rendu absolu, universel et nécessaire le mal, qui éta
5830
elatif, exceptionnel et contingent. Cette période
de
rapide rétrogradation a commencé en Europe avec la restauration du pa
5831
e politique. Aujourd’hui le monde est à la veille
de
la dernière de ces restaurations : la restauration du paganisme socia
5832
jourd’hui le monde est à la veille de la dernière
de
ces restaurations : la restauration du paganisme socialiste… L’histoi
5833
’une consiste à conformer la raison et la volonté
de
l’homme à l’élément divin, et l’autre à laisser de côté l’élément div
5834
e l’homme à l’élément divin, et l’autre à laisser
de
côté l’élément divin et à proclamer l’indépendance et la souveraineté
5835
et à proclamer l’indépendance et la souveraineté
de
l’élément humain… Du reste ce grand retour en arrière était dans la l
5836
continu, la terre aurait fini par être le paradis
de
l’homme, et Dieu a voulu que la terre fût une vallée de larmes. Dieu
5837
omme, et Dieu a voulu que la terre fût une vallée
de
larmes. Dieu aurait été socialiste. Alors qu’eût été Proudhon ? Chacu
5838
le rencontrer jamais, un paradis dans une vallée
de
larmes, et Dieu plaçant cette vallée de larmes entre deux paradis, po
5839
ne vallée de larmes, et Dieu plaçant cette vallée
de
larmes entre deux paradis, pour que l’homme puisse se trouver toujour
5840
ique hugolienne n’empêche nullement Donoso Cortès
de
porter sur l’Europe politique des jugements d’une lucidité cruelle. D
5841
ès de porter sur l’Europe politique des jugements
d’
une lucidité cruelle. Dans son célèbre discours « Sur la situation gén
5842
son célèbre discours « Sur la situation générale
de
l’Europe » prononcé à la Chambre des Députés d’Espagne le 30 janvier
5843
e de l’Europe » prononcé à la Chambre des Députés
d’
Espagne le 30 janvier 1850, il n’annonce pas, comme le fera Hugo, la p
5844
tés qu’il faut redouter et que les meneurs du jeu
de
l’Histoire laissent monter : La cause de toutes vos erreurs, messieu
5845
du jeu de l’Histoire laissent monter : La cause
de
toutes vos erreurs, messieurs (l’orateur s’adresse aux bancs de la ga
5846
erreurs, messieurs (l’orateur s’adresse aux bancs
de
la gauche), c’est que vous ignorez la marche de la civilisation et du
5847
s de la gauche), c’est que vous ignorez la marche
de
la civilisation et du monde. Vous croyez, vous autres, que la civilis
5848
t. Le monde marche à grands pas à la constitution
d’
un despotisme, le plus gigantesque et le plus terrible que les hommes
5849
. Et pour annoncer ces choses, je n’ai pas besoin
d’
être prophète ; il me suffit de considérer l’ensemble des événements h
5850
je n’ai pas besoin d’être prophète ; il me suffit
de
considérer l’ensemble des événements humains de leur seul et vrai poi
5851
t de considérer l’ensemble des événements humains
de
leur seul et vrai point de vue, je veux dire des hauteurs catholiques
5852
ons hier, ce que nous sommes depuis la révolution
de
février. Depuis cette révolution de formidable mémoire, il n’y a plus
5853
la révolution de février. Depuis cette révolution
de
formidable mémoire, il n’y a plus rien de solide, plus rien de sûr en
5854
olution de formidable mémoire, il n’y a plus rien
de
solide, plus rien de sûr en Europe… Voyez l’état de l’Europe. Il semb
5855
mémoire, il n’y a plus rien de solide, plus rien
de
sûr en Europe… Voyez l’état de l’Europe. Il semble que tous les chefs
5856
solide, plus rien de sûr en Europe… Voyez l’état
de
l’Europe. Il semble que tous les chefs d’État ont perdu le don de con
5857
semble que tous les chefs d’État ont perdu le don
de
conseil ; la raison humaine subit des éclipses, les institutions subi
5858
ons subissent des bouleversements, et les nations
de
grandes et soudaines décadences. Jetez, messieurs, jetez avec moi les
5859
messieurs, jetez avec moi les yeux sur l’Europe,
de
la Pologne au Portugal, et dites-moi, la main sur la conscience, dite
5860
t dites-moi, la main sur la conscience, dites-moi
de
bonne foi si vous rencontrez une seule société qui puisse dire : Je s
5861
les concentrées et portées à leur plus haut degré
de
puissance, ont suffi à peine, et n’ont rien fait de plus que suffire
5862
ance qu’elle n’a pas le moindre danger à redouter
de
ce côté. L’influence que la Russie exerçait en Europe, messieurs, ell
5863
la Russie ne pouvait, en aucun cas, s’accommoder
d’
avoir en face d’elle un empire allemand et toutes les races allemandes
5864
emandes réunies. La Confédération se composa donc
de
principautés microscopiques et de deux grandes monarchies. Qu’est-ce
5865
se composa donc de principautés microscopiques et
de
deux grandes monarchies. Qu’est-ce qui convenait dans l’hypothèse d’u
5866
archies. Qu’est-ce qui convenait dans l’hypothèse
d’
une guerre en France ? Ce qui convenait à la Russie, c’était que ces m
5867
messieurs, comment il est arrivé que l’influence
de
la Russie, depuis la formation de la Confédération jusqu’à la révolut
5868
que l’influence de la Russie, depuis la formation
de
la Confédération jusqu’à la révolution de février, s’est étendue de S
5869
rmation de la Confédération jusqu’à la révolution
de
février, s’est étendue de Saint-Pétersbourg à Paris. Mais depuis la r
5870
n jusqu’à la révolution de février, s’est étendue
de
Saint-Pétersbourg à Paris. Mais depuis la révolution de février les c
5871
nt-Pétersbourg à Paris. Mais depuis la révolution
de
février les choses ont changé de face ; la tempête révolutionnaire a
5872
is la révolution de février les choses ont changé
de
face ; la tempête révolutionnaire a jeté bas les trônes, traîné dans
5873
aos. C’est vous dire, messieurs, qu’à l’influence
de
la Russie, qui s’étendait de Saint-Pétersbourg à Paris, a succédé l’i
5874
rs, qu’à l’influence de la Russie, qui s’étendait
de
Saint-Pétersbourg à Paris, a succédé l’influence démagogique de Paris
5875
sbourg à Paris, a succédé l’influence démagogique
de
Paris, qui s’étend jusqu’en Pologne… Ce n’est pas mon opinion cependa
5876
nion cependant que l’Europe n’ait rien à redouter
de
la Russie ; je crois tout le contraire ; mais pour que la Russie acce
5877
une guerre générale, pour que la Russie s’empare
de
l’Europe, il faut auparavant les trois événements que je vais dire, l
5878
’à cette angoisse, tout patriotisme meurt au cœur
de
l’homme ; en troisième heu, il faut que se réalise la confédération p
5879
il faut que se réalise la confédération puissante
de
tous les peuples slaves sous l’influence et le protectorat de la Russ
5880
peuples slaves sous l’influence et le protectorat
de
la Russie. Les nations slaves comptent, messieurs, 80 millions d’habi
5881
s nations slaves comptent, messieurs, 80 millions
d’
habitants. Eh bien, lorsque la révolution aura détruit en Europe les a
5882
int le patriotisme en Europe, lorsque, à l’orient
de
l’Europe, se sera accomplie la grande fédération des peuples slaves ;
5883
s spoliés et celle des spoliateurs, alors l’heure
de
la Russie sonnera ; alors la Russie pourra se promener tranquillement
5884
oire, ce châtiment épouvantable sera le châtiment
de
l’Angleterre. 191. Théodore Jouffroy : De l’État actuel de l’Human
5885
ment de l’Angleterre. 191. Théodore Jouffroy :
De
l’État actuel de l’Humanité, mélanges philosophiques, Bruxelles, 1834
5886
rre. 191. Théodore Jouffroy : De l’État actuel
de
l’Humanité, mélanges philosophiques, Bruxelles, 1834. 192. An Gustav
5887
192. An Gustav Kolb, Florenz, 11-11-1828. 193.
De
la Pologne, in Œuvres complètes, Patries et Portraits, Paris, 1868.
5888
rie, Bruxelles, 1859. 200. Chap. XXII : La Cause
de
la Liberté des peuples. 201. Prolegomeni al Primato. 202. Parfois
5889
i al Primato. 202. Parfois désigné sous le titre
de
Manifeste à l’Europe, cf. Gollwitzer, op. cit., p. 323. 203. J. Mic
5890
89 et 295. 206. Article intitulé : « Déclaration
de
Paix », 1867, op. cit., tome IV, p. 349-350, 351. 365. 207. Lettres
5891
it., tome IV, p. 349-350, 351. 365. 207. Lettres
de
M. Donoso Cortès sur l’Avenir de la Société Nouvelle, à M. le comte d
5892
5. 207. Lettres de M. Donoso Cortès sur l’Avenir
de
la Société Nouvelle, à M. le comte de Montalembert, 26 mai et 4 juin
5893
ur l’Avenir de la Société Nouvelle, à M. le comte
de
Montalembert, 26 mai et 4 juin 1849.
5894
2.Un idéal
de
compensation : les États-Unis d’Europe Quel fut le premier auteur d
5895
États-Unis d’Europe Quel fut le premier auteur
de
l’expression ? Cattaneo ? Cobden ? Mazzini ? ou Hugo ? Un obscur orat
5896
? Cobden ? Mazzini ? ou Hugo ? Un obscur orateur
de
la « campagne des Banquets », qui préluda en 1847 à la révolution, ou
5897
en 1847 à la révolution, ou le rédacteur anonyme
d’
un article du Moniteur daté du 26 février 1848208 ? Les historiens hés
5898
génies collectifs. Le recours à l’Europe mystique
d’
un Lamartine ne serait plus qu’une clause de style dès qu’au nom de le
5899
tique d’un Lamartine ne serait plus qu’une clause
de
style dès qu’au nom de leurs intérêts les États refuseraient de jouer
5900
u’au nom de leurs intérêts les États refuseraient
de
jouer le beau jeu de la dialectique idéaliste. D’où le besoin d’une s
5901
érêts les États refuseraient de jouer le beau jeu
de
la dialectique idéaliste. D’où le besoin d’une souveraineté nouvelle,
5902
de jouer le beau jeu de la dialectique idéaliste.
D’
où le besoin d’une souveraineté nouvelle, d’une instance supérieure au
5903
u jeu de la dialectique idéaliste. D’où le besoin
d’
une souveraineté nouvelle, d’une instance supérieure aux États, d’une
5904
iste. D’où le besoin d’une souveraineté nouvelle,
d’
une instance supérieure aux États, d’une Europe fédérale plus efficace
5905
té nouvelle, d’une instance supérieure aux États,
d’
une Europe fédérale plus efficace et franche que « l’Europe des nation
5906
ploitée par les politiciens aux courtes ruses. Né
d’
une angoisse prémonitoire, le mot d’ordre des « États-Unis d’Europe »
5907
États-Unis d’Europe » n’est en somme qu’un idéal
de
compensation. Sauf peut-être chez Proudhon, il ne prend pas la suite
5908
chez Proudhon, il ne prend pas la suite des plans
de
paix européenne que nous avons cités plus haut, de Pierre Dubois à Sa
5909
e paix européenne que nous avons cités plus haut,
de
Pierre Dubois à Saint-Simon. Il essaie plutôt de conjurer les méfaits
5910
de Pierre Dubois à Saint-Simon. Il essaie plutôt
de
conjurer les méfaits pressentis de passions nationales qu’on a trop l
5911
essaie plutôt de conjurer les méfaits pressentis
de
passions nationales qu’on a trop lyriquement célébrées pour oser s’y
5912
économiste, mais aussi chef des insurgés milanais
de
mars 1848, n’a pas été amené à l’idée européenne par un élan passionn
5913
e par un élan passionnel ni par la logique idéale
d’
une construction à la Hegel. Nous assistons avec lui à la découverte e
5914
Nous assistons avec lui à la découverte empirique
d’
une réalité européenne sous-jacente, seule assez vaste et assez bien d
5915
vaste et assez bien délimitée pour rendre compte
de
la naissance et de l’interaction des complexes d’intérêts qu’il étudi
5916
n délimitée pour rendre compte de la naissance et
de
l’interaction des complexes d’intérêts qu’il étudiait. (Par un proces
5917
de la naissance et de l’interaction des complexes
d’
intérêts qu’il étudiait. (Par un processus analogue, Toynbee choisira
5918
pas les nations, ni le monde, comme seul « champ
d’
étude intelligible de l’Histoire »). Toutefois, Cattaneo n’envisage p
5919
le monde, comme seul « champ d’étude intelligible
de
l’Histoire »). Toutefois, Cattaneo n’envisage pas une unification de
5920
outefois, Cattaneo n’envisage pas une unification
de
nos diversités de tous ordres. La variété, la multiplicité, l’individ
5921
n’envisage pas une unification de nos diversités
de
tous ordres. La variété, la multiplicité, l’individualité, la nationa
5922
essentielles à l’Europe, qui par là se distingue
de
l’Asie-mère, encore qu’elle en ait hérité les éléments d’uniformité c
5923
e-mère, encore qu’elle en ait hérité les éléments
d’
uniformité constitutifs de toute civilisation. Posant ainsi le problèm
5924
ait hérité les éléments d’uniformité constitutifs
de
toute civilisation. Posant ainsi le problème des tensions nécessaires
5925
roprement fédéraliste. Le développement organique
de
l’Europe, la logique des faits économiques autant que celle de l’hist
5926
la logique des faits économiques autant que celle
de
l’histoire, nous conduisent inévitablement vers une intégration fédér
5927
ement, comme le pensaient les romantiques, un âge
d’
or primitif qu’il faudrait restaurer ; bien au contraire, elle est au
5928
restaurer ; bien au contraire, elle est au terme
de
l’effort civilisateur209 : Il serait vain de croire que l’Europe, en
5929
rme de l’effort civilisateur209 : Il serait vain
de
croire que l’Europe, en ces siècles de sauvagerie, ait été différente
5930
erait vain de croire que l’Europe, en ces siècles
de
sauvagerie, ait été différente des terres qui sont restées telles que
5931
i, bien avant les grandes nations, il dut y avoir
de
petits peuples, et avant ces peuples, des tribus divisées. Et chaque
5932
le habitât une vallée écartée ou une lande ceinte
de
marais et entrecoupée de fleuves, dut vivre d’abord en vase clos, cha
5933
rtée ou une lande ceinte de marais et entrecoupée
de
fleuves, dut vivre d’abord en vase clos, chacune ayant son propre idi
5934
clos, chacune ayant son propre idiome et sa façon
de
se vêtir particulière, dans le cercle étroit que lui assignaient les
5935
mies. Ce serait faux et aller à fin contraire que
de
rechercher à laquelle des grandes nations qui se sont ensuite dévelop
5936
cours des siècles, au gré des lentes préparations
de
l’histoire, telle ou telle tribu appartenait ; ce serait aussi absurd
5937
e tribu appartenait ; ce serait aussi absurde que
de
vouloir savoir de quel fleuve les ruisseaux dérivent, alors qu’au con
5938
t ; ce serait aussi absurde que de vouloir savoir
de
quel fleuve les ruisseaux dérivent, alors qu’au contraire ceux-ci des
5939
à. Par conséquent il serait temps plus que jamais
de
cesser ces divagations au sujet de la postérité des Celtes, des Illyr
5940
orientale ne pénétrât en Europe avec son système
de
colonisation, ses rites religieux, son commerce, ses armes de conquér
5941
ion, ses rites religieux, son commerce, ses armes
de
conquérant, ainsi que toutes les misères de l’exil et de la servitude
5942
armes de conquérant, ainsi que toutes les misères
de
l’exil et de la servitude ; civilisation qui, d’un autre côté, propag
5943
uérant, ainsi que toutes les misères de l’exil et
de
la servitude ; civilisation qui, d’un autre côté, propagea le long de
5944
re côté, propagea le long des mers et des fleuves
d’
Europe cette mystérieuse unité de langage qui a sa source, pour notre
5945
s et des fleuves d’Europe cette mystérieuse unité
de
langage qui a sa source, pour notre plus grand émerveillement, aux In
5946
ermanique et slave. S’il y a en Europe un élément
d’
unité prenant racine certainement en Asie, mère antique des religions,
5947
es écritures et des arts, il y a aussi un élément
de
variété ; celui-ci constitue le principe des nationalités respectives
5948
résente ce que les peuples autochtones ont retenu
d’
eux-mêmes, y compris leur façon de s’agréger et celle de s’adapter à c
5949
ones ont retenu d’eux-mêmes, y compris leur façon
de
s’agréger et celle de s’adapter à cette civilisation diffusée par les
5950
mêmes, y compris leur façon de s’agréger et celle
de
s’adapter à cette civilisation diffusée par les centres que l’influen
5951
t la variété autochtone se formèrent sur la terre
d’
Europe, et non en Asie. Les principales langues se répandirent en des
5952
nts originels ; et si on enlève tout ce qu’il y a
d’
uniforme, c’est-à-dire d’étranger et de factice, les rauques dialectes
5953
enlève tout ce qu’il y a d’uniforme, c’est-à-dire
d’
étranger et de factice, les rauques dialectes reprennent vie et redevi
5954
qu’il y a d’uniforme, c’est-à-dire d’étranger et
de
factice, les rauques dialectes reprennent vie et redeviennent ces lan
5955
indépendants et absolus, créés par les conditions
de
vie que le genre humain connut à son origine. De Cattaneo à Giuseppe
5956
de vie que le genre humain connut à son origine.
De
Cattaneo à Giuseppe Mazzini (1807-1872), le contraste est grand : c’e
5957
(1807-1872), le contraste est grand : c’est celui
de
la science prudente et de l’éloquence militante, de la sobre sociolog
5958
est grand : c’est celui de la science prudente et
de
l’éloquence militante, de la sobre sociologie et de la propagande exa
5959
la science prudente et de l’éloquence militante,
de
la sobre sociologie et de la propagande exaltée. Ils ont voulu tous l
5960
l’éloquence militante, de la sobre sociologie et
de
la propagande exaltée. Ils ont voulu tous les deux l’union de l’Itali
5961
ande exaltée. Ils ont voulu tous les deux l’union
de
l’Italie dans une Europe unie ; ils ont cru tous les deux que la « na
5962
« nationalité » était l’un des termes essentiels
de
toute union vivante de l’Europe — l’autre terme étant l’Humanité. Mai
5963
l’un des termes essentiels de toute union vivante
de
l’Europe — l’autre terme étant l’Humanité. Mais Cattaneo reste un pen
5964
un penseur, Mazzini est avant tout un agitateur.
D’
où l’emploi différent des idées, chez l’un et l’autre. Le philosophe v
5965
fie des concepts en les confrontant au réel serré
de
près, par des méthodes variées, tandis que l’agitateur veut entraîner
5966
veut entraîner les réalités dans l’élan mystique
d’
une idéologie, qui est beaucoup moins sa création individuelle que le
5967
e résumé tourbillonnant des plus nobles illusions
de
son temps. Dénoncé par le vieux Metternich comme un danger public pou
5968
r Cavour qui soupçonne en lui un dictateur doublé
d’
un démagogue, admiré par le jeune Nietzsche qu’un hasard le fait renco
5969
1 au sommet du Gothard — lieu sacré, cœur et toit
de
l’Europe —, il touche aux deux extrémités du siècle : entre la Réacti
5970
le dur pessimisme historique qui marquera la fin
de
l’ère des Nations, il a cru tout ce qu’homme de son temps a pu croire
5971
n de l’ère des Nations, il a cru tout ce qu’homme
de
son temps a pu croire sur la liberté, sur l’amour et sur l’harmonie,
5972
s peuples : « Le Peuple, dira-t-il, parole sacrée
de
l’avenir… » Il fut d’abord l’apôtre de l’italianité, de l’unité itali
5973
ole sacrée de l’avenir… » Il fut d’abord l’apôtre
de
l’italianité, de l’unité italienne dans le républicanisme ; puis, par
5974
venir… » Il fut d’abord l’apôtre de l’italianité,
de
l’unité italienne dans le républicanisme ; puis, partant de là210, de
5975
italienne dans le républicanisme ; puis, partant
de
là210, de l’union européenne ; mais il la concevait comme l’union des
5976
dans le républicanisme ; puis, partant de là210,
de
l’union européenne ; mais il la concevait comme l’union des proscrits
5977
mais il la concevait comme l’union des proscrits
de
toutes les monarchies, l’autrichienne, la française, puis l’italienne
5978
t utopistes cités jusqu’ici, ce n’est pas un plan
d’
union des princes ou des États qu’il propose, mais il rédige la premiè
5979
qu’il propose, mais il rédige la première charte
d’
un mouvement de militants européens. Ce document date de 1834, et port
5980
mais il rédige la première charte d’un mouvement
de
militants européens. Ce document date de 1834, et porte la signature
5981
ouvement de militants européens. Ce document date
de
1834, et porte la signature de sept Italiens, de cinq Allemands et de
5982
. Ce document date de 1834, et porte la signature
de
sept Italiens, de cinq Allemands et de sept Polonais. Mazzini est en
5983
de 1834, et porte la signature de sept Italiens,
de
cinq Allemands et de sept Polonais. Mazzini est en ce moment réfugié
5984
signature de sept Italiens, de cinq Allemands et
de
sept Polonais. Mazzini est en ce moment réfugié clandestin en Suisse.
5985
pétés qu’essuie le mouvement en Italie (une série
de
soulèvements ont été écrasés) Mazzini décide d’élargir son action. Il
5986
e de soulèvements ont été écrasés) Mazzini décide
d’
élargir son action. Il crée des comités Jeune Allemagne et Jeune Polog
5987
nce. La charte qu’on va lire doit sceller l’union
de
ces groupements nationaux et républicains : JEUNE EUROPE Liberté — É
5988
: JEUNE EUROPE Liberté — Égalité — Humanité ACTE
DE
FRATERNITÉ Nous soussignés, hommes de Progrès et de Liberté, croyant
5989
manité ACTE DE FRATERNITÉ Nous soussignés, hommes
de
Progrès et de Liberté, croyant : Dans l’Église et la Fraternité des H
5990
FRATERNITÉ Nous soussignés, hommes de Progrès et
de
Liberté, croyant : Dans l’Église et la Fraternité des Hommes ; Dans l
5991
océder, par un progrès continuel et sous l’empire
de
la loi morale universelle, au développement libre et harmonieux de se
5992
universelle, au développement libre et harmonieux
de
ses propres facultés et à l’accomplissement de sa propre mission dans
5993
ux de ses propres facultés et à l’accomplissement
de
sa propre mission dans l’univers ; Qu’elle ne le peut pas sans le con
5994
s ; Qu’elle ne le peut pas sans le concours actif
de
tous ses membres, librement unis ; Que l’association ne peut se const
5995
x, puisque toute inégalité entraîne une violation
de
l’indépendance, et que toute violation d’indépendance empêche la libe
5996
olation de l’indépendance, et que toute violation
d’
indépendance empêche la liberté du consentement ; Que la Liberté, l’Ég
5997
du problème social, et que toutes les fois qu’un
de
ces éléments est sacrifié aux deux autres, l’ordonnance des travaux h
5998
ère, qui tandis qu’elle constitue l’individualité
de
cet homme et de ce peuple, concourt nécessairement à l’accomplissemen
5999
qu’elle constitue l’individualité de cet homme et
de
ce peuple, concourt nécessairement à l’accomplissement de la mission
6000
uple, concourt nécessairement à l’accomplissement
de
la mission générale de l’humanité ; Convaincus enfin : Que l’associat
6001
rement à l’accomplissement de la mission générale
de
l’humanité ; Convaincus enfin : Que l’association des hommes et des p
6002
uples doit réunir la protection du libre exercice
de
la mission individuelle à la certitude que tout est fait en vue du dé
6003
rtitude que tout est fait en vue du développement
de
la mission générale ; Forts de nos droits d’hommes et de citoyens, fo
6004
e du développement de la mission générale ; Forts
de
nos droits d’hommes et de citoyens, forts de notre conscience et du m
6005
ment de la mission générale ; Forts de nos droits
d’
hommes et de citoyens, forts de notre conscience et du mandat que Dieu
6006
ission générale ; Forts de nos droits d’hommes et
de
citoyens, forts de notre conscience et du mandat que Dieu et l’Humani
6007
orts de nos droits d’hommes et de citoyens, forts
de
notre conscience et du mandat que Dieu et l’Humanité confient à ceux
6008
onales libres et indépendantes : noyaux primitifs
de
la Jeune Italie, de la Jeune Pologne et de la Jeune Allemagne. Réunis
6009
épendantes : noyaux primitifs de la Jeune Italie,
de
la Jeune Pologne et de la Jeune Allemagne. Réunis en assemblée dans u
6010
mitifs de la Jeune Italie, de la Jeune Pologne et
de
la Jeune Allemagne. Réunis en assemblée dans un but d’utilité général
6011
Jeune Allemagne. Réunis en assemblée dans un but
d’
utilité générale, le 15 avril 1834, la main sur le cœur et nous portan
6012
1834, la main sur le cœur et nous portant garants
de
l’avenir, nous avons décidé ce qui suit : I La Jeune Allemagne, la Je
6013
entique qui embrasse l’Humanité, et sous l’empire
d’
une même foi de Liberté, d’Égalité et de Progrès, signent un acte de f
6014
rasse l’Humanité, et sous l’empire d’une même foi
de
Liberté, d’Égalité et de Progrès, signent un acte de fraternité valab
6015
nité, et sous l’empire d’une même foi de Liberté,
d’
Égalité et de Progrès, signent un acte de fraternité valable aujourd’h
6016
l’empire d’une même foi de Liberté, d’Égalité et
de
Progrès, signent un acte de fraternité valable aujourd’hui et toujour
6017
Liberté, d’Égalité et de Progrès, signent un acte
de
fraternité valable aujourd’hui et toujours pour tout ce qui concerne
6018
e qui concerne le but général. II Une déclaration
de
principe constituant la loi morale universelle appliquée aux sociétés
6019
la direction générale des trois sociétés. Aucune
d’
elles ne pourra s’en écarter dans ses travaux, sans violer de façon co
6020
pourra s’en écarter dans ses travaux, sans violer
de
façon coupable l’acte de fraternité et sans en subir les conséquences
6021
ses travaux, sans violer de façon coupable l’acte
de
fraternité et sans en subir les conséquences. III Pour ce qui sort de
6022
s en subir les conséquences. III Pour ce qui sort
de
la sphère des intérêts généraux et de la déclaration de principes, ch
6023
ce qui sort de la sphère des intérêts généraux et
de
la déclaration de principes, chacune des associations est libre et in
6024
sphère des intérêts généraux et de la déclaration
de
principes, chacune des associations est libre et indépendante. IV La
6025
sociations est libre et indépendante. IV La ligne
d’
attaque et de défense solidaire des peuples qui se reconnaissent est c
6026
t libre et indépendante. IV La ligne d’attaque et
de
défense solidaire des peuples qui se reconnaissent est constituée par
6027
réunion des Congreghe nationales ou des délégués
de
chacune d’elles constituera la Congrega de la Jeune Europe. VI Les in
6028
s Congreghe nationales ou des délégués de chacune
d’
elles constituera la Congrega de la Jeune Europe. VI Les individus qui
6029
posent les trois associations sont frères. Chacun
d’
eux accomplira vis-à-vis des autres les devoirs de la fraternité. VII
6030
d’eux accomplira vis-à-vis des autres les devoirs
de
la fraternité. VII La Congrega de la Jeune Europe choisira un symbole
6031
e placée en tête des écrits contresignera l’œuvre
de
la société. VIII Tout peuple qui voudrait participer aux droits et au
6032
qui voudrait participer aux droits et aux devoirs
de
la fraternité établie entre les trois peuples fédérés par cet acte, a
6033
llement à l’acte même, le signant par l’entremise
de
sa Congrega nationale. Fait à Berne (Suisse), le 15 avril 1834. Tout
6034
Berne (Suisse), le 15 avril 1834. Tout l’espoir
de
1848 est dans ce texte, et lorsque éclata la Révolution de février à
6035
st dans ce texte, et lorsque éclata la Révolution
de
février à Paris, cependant que les cantons suisses décidaient de se f
6036
ris, cependant que les cantons suisses décidaient
de
se fédérer, qu’un Parlement fédéral allemand se réunissait à Francfor
6037
on put croire pendant quelques mois à l’avènement
de
la Jeune Europe, tout au moins de ses idéaux. En 1850, réfugié à Lond
6038
s à l’avènement de la Jeune Europe, tout au moins
de
ses idéaux. En 1850, réfugié à Londres, où il subit les sarcasmes d’u
6039
850, réfugié à Londres, où il subit les sarcasmes
d’
un exilé qui va mieux réussir, Karl Marx, Mazzini constate l’écrasemen
6040
» des nationalités. Il s’interroge sur les causes
de
cette défaite et les trouve dans la désunion des fédéralistes eux-mêm
6041
il fut le premier Européen, répétons-le, à tenter
d’
organiser en mouvement : Oui, la cause est en nous, elle est dans not
6042
la cause est en nous, elle est dans notre manque
d’
organisation, dans le fractionnement que des systèmes, quelquefois abs
6043
ant soutenus avec l’exclusivisme et l’acharnement
de
l’intolérance, ont produit dans nos rangs. Elle est dans nos défiance
6044
uines vanités perpétuelles, dans le manque absolu
de
cet esprit de discipline qui seul accomplit les grandes choses, dans
6045
perpétuelles, dans le manque absolu de cet esprit
de
discipline qui seul accomplit les grandes choses, dans l’éparpillemen
6046
ccomplit les grandes choses, dans l’éparpillement
de
nos forces en une multitude de petits foyers, de groupes, de sectes,
6047
ns l’éparpillement de nos forces en une multitude
de
petits foyers, de groupes, de sectes, de coteries puissantes à dissou
6048
de nos forces en une multitude de petits foyers,
de
groupes, de sectes, de coteries puissantes à dissoudre, impuissantes
6049
es en une multitude de petits foyers, de groupes,
de
sectes, de coteries puissantes à dissoudre, impuissantes à fonder. El
6050
ultitude de petits foyers, de groupes, de sectes,
de
coteries puissantes à dissoudre, impuissantes à fonder. Elle est dans
6051
iels qui s’est peu à peu substitué sur le drapeau
de
nos écoles à l’adoration des saintes idées, au grand problème éducati
6052
qui seul rend nos efforts légitimes, au sentiment
de
la Vie et de sa mission. Elle est dans l’oubli de Dieu, de sa loi d’a
6053
nos efforts légitimes, au sentiment de la Vie et
de
sa mission. Elle est dans l’oubli de Dieu, de sa loi d’amour, de dévo
6054
de la Vie et de sa mission. Elle est dans l’oubli
de
Dieu, de sa loi d’amour, de dévouement et de progrès moral de la gran
6055
et de sa mission. Elle est dans l’oubli de Dieu,
de
sa loi d’amour, de dévouement et de progrès moral de la grande tradit
6056
mission. Elle est dans l’oubli de Dieu, de sa loi
d’
amour, de dévouement et de progrès moral de la grande tradition religi
6057
Elle est dans l’oubli de Dieu, de sa loi d’amour,
de
dévouement et de progrès moral de la grande tradition religieuse de l
6058
ubli de Dieu, de sa loi d’amour, de dévouement et
de
progrès moral de la grande tradition religieuse de l’humanité, pour l
6059
sa loi d’amour, de dévouement et de progrès moral
de
la grande tradition religieuse de l’humanité, pour le bien-être, pour
6060
e progrès moral de la grande tradition religieuse
de
l’humanité, pour le bien-être, pour le catéchisme de Volney, pour le
6061
l’humanité, pour le bien-être, pour le catéchisme
de
Volney, pour le principe égoïste de Bentham, pour l’indifférence aux
6062
le catéchisme de Volney, pour le principe égoïste
de
Bentham, pour l’indifférence aux vérités d’un ordre plus élevé que la
6063
oïste de Bentham, pour l’indifférence aux vérités
d’
un ordre plus élevé que la terre, seules capables de la transformer. E
6064
un ordre plus élevé que la terre, seules capables
de
la transformer. Elle est dans l’esprit de nationalisme substitué part
6065
apables de la transformer. Elle est dans l’esprit
de
nationalisme substitué partout à l’esprit de nationalité, dans la fol
6066
prit de nationalisme substitué partout à l’esprit
de
nationalité, dans la folle prétention que chaque peuple a eue de pouv
6067
dans la folle prétention que chaque peuple a eue
de
pouvoir résoudre le problème politique, économique et social en son s
6068
n son sein et par ses seules forces, dans l’oubli
de
cette grande vérité : que la cause des peuples est une ; que la patri
6069
e révolution qui n’est pas explicitement un culte
de
dévouement envers tous ceux qui souffrent et combattent doit se consu
6070
r ; que la Sainte-Alliance des nations est le but
de
nos luttes, la seule force qui puisse terrasser la ligue des pouvoirs
6071
asser la ligue des pouvoirs issus du privilège ou
de
l’égoïsme des intérêts. Et quant à nos ennemis, ils sont à la merci d
6072
rêts. Et quant à nos ennemis, ils sont à la merci
de
notre travail. Ils ne sont forts que par nos fautes, à nous. Nous mar
6073
s l’orage ; mais au-delà est le soleil, le soleil
de
Dieu, brillant, éternel. Ils peuvent, pendant quelque temps, l’obscur
6074
he encore ; et ce n’est pas par quelques chiffons
de
papier qu’on l’arrêtera dans sa marche.211 Le mouvement Jeune Europ
6075
eune Europe avait échoué. Mais plusieurs Sociétés
d’
allures moins subversives se fondèrent à sa suite, sous les auspices d
6076
rsives se fondèrent à sa suite, sous les auspices
de
Frédéric Passy puis de Camille Lemonnier, notamment. On y retrouve le
6077
a suite, sous les auspices de Frédéric Passy puis
de
Camille Lemonnier, notamment. On y retrouve les derniers disciples de
6078
, notamment. On y retrouve les derniers disciples
de
Saint-Simon, de Cobden, de Bastiat, de Mazzini lui-même, des anarchis
6079
y retrouve les derniers disciples de Saint-Simon,
de
Cobden, de Bastiat, de Mazzini lui-même, des anarchistes, des pacifis
6080
les derniers disciples de Saint-Simon, de Cobden,
de
Bastiat, de Mazzini lui-même, des anarchistes, des pacifistes illumin
6081
disciples de Saint-Simon, de Cobden, de Bastiat,
de
Mazzini lui-même, des anarchistes, des pacifistes illuminés, ainsi qu
6082
s, ainsi que le Général Garibaldi, qui préside un
de
leurs congrès à Genève, en 1867 ; et enfin et surtout on y retrouve,
6083
urtout on y retrouve, pendant vingt ans environné
d’
un long tonnerre d’acclamations, Victor Hugo (1802-1885), ce poète qu’
6084
e, pendant vingt ans environné d’un long tonnerre
d’
acclamations, Victor Hugo (1802-1885), ce poète qu’il faut saluer comm
6085
ète qu’il faut saluer comme le plus grand lyrique
de
l’idéal d’union européenne. C’est dans son discours du 17 juillet 185
6086
aut saluer comme le plus grand lyrique de l’idéal
d’
union européenne. C’est dans son discours du 17 juillet 1851 à l’Assem
6087
u 17 juillet 1851 à l’Assemblée législative, lors
d’
un débat sur la révision de la Constitution, qu’il prononce pour la pr
6088
blée législative, lors d’un débat sur la révision
de
la Constitution, qu’il prononce pour la première fois à la tribune le
6089
du monde a fait trois révolutions comme les dieux
d’
Homère faisaient trois pas. Ces trois révolutions qui n’en font qu’une
6090
révolution humaine ; ce n’est pas le cri égoïste
d’
un peuple, c’est la revendication de la sainte équité universelle, c’e
6091
e cri égoïste d’un peuple, c’est la revendication
de
la sainte équité universelle, c’est la liquidation des griefs générau
6092
erselle, c’est la liquidation des griefs généraux
de
l’humanité depuis que l’histoire existe ; c’est après les siècles de
6093
s que l’histoire existe ; c’est après les siècles
de
l’esclavage, du servage, de la théocratie, de la féodalité, de l’inqu
6094
est après les siècles de l’esclavage, du servage,
de
la théocratie, de la féodalité, de l’inquisition, du despotisme sous
6095
les de l’esclavage, du servage, de la théocratie,
de
la féodalité, de l’inquisition, du despotisme sous tous les noms, du
6096
e, du servage, de la théocratie, de la féodalité,
de
l’inquisition, du despotisme sous tous les noms, du supplice humain s
6097
roclamation auguste des droits de l’homme ! Après
de
longues épreuves, cette révolution a enfanté en France la république…
6098
… la république, qui est pour le peuple une sorte
de
droit naturel comme la liberté pour l’homme. Le peuple français a tai
6099
du vieux continent monarchique la première assise
de
cet immense édifice de l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Un
6100
rchique la première assise de cet immense édifice
de
l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Unis d’Europe ! M. de Mo
6101
le 21 août 1849, Hugo, nommé président du Congrès
de
la paix, réuni à Paris, avait proclamé sa foi dans la venue « inévita
6102
vait proclamé sa foi dans la venue « inévitable »
de
l’union européenne. Son discours inaugural, dont on va lire les premi
6103
ges et la conclusion, préfigure les grands thèmes
d’
espérance et les plus nobles anticipations qui vont nourrir pendant un
6104
pendant un siècle toute l’éloquence des militants
de
l’Europe unie : Messieurs, si quelqu’un, il y a quatre siècles, à l’
6105
quatre siècles, à l’époque où la guerre existait
de
commune à commune, de ville à ville, de province à province, si quelq
6106
poque où la guerre existait de commune à commune,
de
ville à ville, de province à province, si quelqu’un eût dit à la Lorr
6107
existait de commune à commune, de ville à ville,
de
province à province, si quelqu’un eût dit à la Lorraine, à la Picardi
6108
a guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus
d’
hommes d’armes les uns contre les autres, un jour viendra où l’on ne d
6109
un jour viendra où vous ne lèverez plus d’hommes
d’
armes les uns contre les autres, un jour viendra où l’on ne dira plus
6110
ez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes
d’
armes ? Savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et
6111
avez-vous ce que vous mettrez à la place des gens
de
pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des pique
6112
e que vous mettrez à la place des gens de pied et
de
cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épée
6113
piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte
de
sapin que vous appellerez l’urne du scrutin, et de cette boîte, il so
6114
e sapin que vous appellerez l’urne du scrutin, et
de
cette boîte, il sortira, quoi ? une assemblée en laquelle vous vous s
6115
i résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive
de
toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui dira à
6116
tous les gens sérieux, tous les grands politiques
d’
alors se fussent écriés : — Oh ! le songeur ! Oh ! le rêve-creux ! Com
6117
jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs
de
bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvra
6118
universel des peuples, par le véritable arbitrage
d’
un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à
6119
que, les États-Unis d’Europe, placés en face l’un
de
l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs pro
6120
et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être
de
tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissa
6121
nfinies, la fraternité des hommes et la puissance
de
Dieu ! En 1872, Hugo ne paraît pas au Congrès de la paix qui se tien
6122
de Dieu ! En 1872, Hugo ne paraît pas au Congrès
de
la paix qui se tient cette année-là à Lugano, mais lui envoie un mess
6123
mots : « Mes compatriotes européens. » La guerre
de
1870 a remis la civilisation en question. Allons-nous vers l’Europe c
6124
rique couronnent le nouveau. Nous aurons l’esprit
de
conquête transfiguré en esprit de découverte ; nous aurons la généreu
6125
aurons l’esprit de conquête transfiguré en esprit
de
découverte ; nous aurons la généreuse fraternité des nations au lieu
6126
ache au vieux poète des pages dont les événements
de
Budapest ont tragiquement actualisé l’accent dans notre siècle : Il
6127
accent dans notre siècle : Il devient nécessaire
d’
appeler l’attention des gouvernements européens sur un fait tellement
6128
ts le voient-ils ? Non. Les nations ont au-dessus
d’
elles quelque chose qui est au-dessous d’elles, les gouvernements. À d
6129
u-dessus d’elles quelque chose qui est au-dessous
d’
elles, les gouvernements. À de certains moments, ce contresens éclate
6130
qui est au-dessous d’elles, les gouvernements. À
de
certains moments, ce contresens éclate : la civilisation est dans les
6131
voient rien qu’à travers cette myopie, la raison
d’
État ; le genre humain regarde avec un autre œil, la conscience. Nous
6132
as plus permis à un gouvernement qu’à un individu
d’
être assassin, c’est que l’Europe est solidaire, c’est que tout ce qui
6133
trop petits pour être vendus, on les fend en deux
d’
un coup de sabre ; c’est qu’on brûle les familles dans les maisons ; c
6134
s pour être vendus, on les fend en deux d’un coup
de
sabre ; c’est qu’on brûle les familles dans les maisons ; c’est que t
6135
alak, par exemple, est réduite en quelques heures
de
neuf-mille habitants à treize cents ; c’est que les cimetières sont e
6136
; c’est que les cimetières sont encombrés de plus
de
cadavres qu’on n’en peut enterrer, de sorte qu’aux vivants qui leur o
6137
est bien fait ; nous apprenons aux gouvernements
d’
Europe ceci, c’est qu’on ouvre les femmes grosses pour leur tuer les e
6138
c’est qu’il y a dans les places publiques des tas
de
squelettes de femmes ayant la trace de l’éventrement, c’est que les c
6139
a dans les places publiques des tas de squelettes
de
femmes ayant la trace de l’éventrement, c’est que les chiens rongent
6140
es des tas de squelettes de femmes ayant la trace
de
l’éventrement, c’est que les chiens rongent dans les rues le crâne de
6141
que tout cela est horrible, c’est qu’il suffirait
d’
un geste des gouvernements d’Europe pour l’empêcher, et que les sauvag
6142
’est qu’il suffirait d’un geste des gouvernements
d’
Europe pour l’empêcher, et que les sauvages qui commettent ces forfait
6143
ttre sont épouvantables. Il est temps qu’il sorte
de
la civilisation une majestueuse défense d’aller plus loin… Ce qui se
6144
sorte de la civilisation une majestueuse défense
d’
aller plus loin… Ce qui se passe en Serbie démontre la nécessité des É
6145
ons et les dogmes qui ont le sabre au poing. Plus
de
guerres, plus de massacres, plus de carnages ; libre pensée, libre éc
6146
qui ont le sabre au poing. Plus de guerres, plus
de
massacres, plus de carnages ; libre pensée, libre échange ; fraternit
6147
u poing. Plus de guerres, plus de massacres, plus
de
carnages ; libre pensée, libre échange ; fraternité. Est-ce donc si d
6148
’Europe, la fédération continentale, il n’y a pas
d’
autre réalité politique que celle-là. Les raisonnements le constatent,
6149
monstration des philosophes… Ce que les atrocités
de
Serbie mettent hors de doute, c’est qu’il faut à l’Europe une nationa
6150
Verbe, voici le penseur actif qui ouvre une voie
d’
avenir. Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) a pu se vanter à juste titr
6151
Proudhon (1809-1865) a pu se vanter à juste titre
d’
avoir été le premier théoricien du fédéralisme, encore que Rousseau —
6152
il faut bien avouer que Proudhon garde l’avantage
d’
avoir traité le sujet d’une manière exhaustive et réaliste, avec une s
6153
Proudhon garde l’avantage d’avoir traité le sujet
d’
une manière exhaustive et réaliste, avec une sorte d’acharnement intel
6154
ne manière exhaustive et réaliste, avec une sorte
d’
acharnement intellectuel dont Jean-Jacques ne peut être accusé. Si Mar
6155
es démocratiques du socialisme : pas un seul chef
de
camp de travail forcé, pas une seule brute totalitaire n’a jamais pu
6156
ratiques du socialisme : pas un seul chef de camp
de
travail forcé, pas une seule brute totalitaire n’a jamais pu se récla
6157
seule brute totalitaire n’a jamais pu se réclamer
de
sa doctrine pour tenter de justifier ses crimes. Le socialisme fédéra
6158
jamais pu se réclamer de sa doctrine pour tenter
de
justifier ses crimes. Le socialisme fédéraliste et libertaire de Prou
6159
s crimes. Le socialisme fédéraliste et libertaire
de
Proudhon n’a guère eu de succès jusqu’ici ; le socialisme collectivis
6160
édéraliste et libertaire de Proudhon n’a guère eu
de
succès jusqu’ici ; le socialisme collectiviste, centralisateur et aut
6161
isme collectiviste, centralisateur et autoritaire
de
Marx a fait l’URSS et domine la moitié de notre monde. Il y a sans do
6162
ritaire de Marx a fait l’URSS et domine la moitié
de
notre monde. Il y a sans doute erreur sur la doctrine dans les deux c
6163
son maître — en retard sur l’évolution créatrice
de
l’humanité. Proudhon n’aura sa revanche que dans la seule mesure où l
6164
e saura découvrir que le fédéralisme est la santé
de
ses peuples, et le secret de son rayonnement sur la planète. On a lu
6165
ralisme est la santé de ses peuples, et le secret
de
son rayonnement sur la planète. On a lu les attaques virulentes de Do
6166
t sur la planète. On a lu les attaques virulentes
de
Donoso Cortès contre le jeune Proudhon assimilé (ou peu s’en faut) à
6167
é (ou peu s’en faut) à l’Antéchrist. Il est juste
de
citer également ce que Proudhon dit de lui-même : Et moi aussi j’ai
6168
est juste de citer également ce que Proudhon dit
de
lui-même : Et moi aussi j’ai une tradition, une généalogie politique
6169
litique à laquelle je tiens comme à la légitimité
de
ma naissance ; je suis fils de la Révolution, qui fut fille elle-même
6170
me à la légitimité de ma naissance ; je suis fils
de
la Révolution, qui fut fille elle-même de la Philosophie du xviiie s
6171
is fils de la Révolution, qui fut fille elle-même
de
la Philosophie du xviiie siècle, laquelle eut pour mère la Réforme,
6172
s, orthodoxes et hétérodoxes, qui se sont succédé
d’
âge en âge depuis l’origine du christianisme jusqu’à la chute de l’emp
6173
epuis l’origine du christianisme jusqu’à la chute
de
l’empire d’Orient. N’oublions pas, dans cette génération splendide, l
6174
ine du christianisme jusqu’à la chute de l’empire
d’
Orient. N’oublions pas, dans cette génération splendide, les communes,
6175
des castes, fut aussi, dans son temps, une forme
de
liberté. Et de qui est fils le christianisme lui-même, que je ne sépa
6176
t aussi, dans son temps, une forme de liberté. Et
de
qui est fils le christianisme lui-même, que je ne sépare pas de cette
6177
s le christianisme lui-même, que je ne sépare pas
de
cette généalogie révolutionnaire ? Le christianisme est fils du judaï
6178
ionnaire ? Le christianisme est fils du judaïsme,
de
l’égyptianisme, du brahmanisme, du magisme, du platonisme, de la phil
6179
nisme, du brahmanisme, du magisme, du platonisme,
de
la philosophie grecque et du droit romain. Si je ne croyais pas à l’É
6180
ts du grand ouvrage qui ne parut qu’après la mort
de
son auteur : Du Principe fédératif. On ne saurait assez souligner leu
6181
rant dans l’association, 1° ait autant à recevoir
de
l’État qu’il lui sacrifie ; 2° qu’il conserve toute sa liberté, sa so
6182
une convention par laquelle un ou plusieurs chefs
de
famille, une ou plusieurs commîmes, un ou plusieurs groupes de commun
6183
ne ou plusieurs commîmes, un ou plusieurs groupes
de
communes ou États, s’obligent réciproquement et également les uns env
6184
spécialement alors et exclusivement aux délégués
de
la fédération. En résumé, le système fédératif est l’opposé de la hié
6185
ion. En résumé, le système fédératif est l’opposé
de
la hiérarchie ou centralisation administrative et gouvernementale par
6186
est celle-ci : Dans la fédération, les attributs
de
l’autorité centrale se spécialisent et se restreignent, diminuent de
6187
ale se spécialisent et se restreignent, diminuent
de
nombre, d’immédiateté, et, si j’ose ainsi dire, d’intensité, à mesure
6188
ialisent et se restreignent, diminuent de nombre,
d’
immédiateté, et, si j’ose ainsi dire, d’intensité, à mesure que la Con
6189
e nombre, d’immédiateté, et, si j’ose ainsi dire,
d’
intensité, à mesure que la Confédération se développe par l’accession
6190
que la Confédération se développe par l’accession
de
nouveaux États. Dans les gouvernements centralisés, au contraire, les
6191
, corporations et particuliers, en raison directe
de
la superficie territoriale et du chiffre de la population. De là cet
6192
recte de la superficie territoriale et du chiffre
de
la population. De là cet écrasement sous lequel disparaît toute liber
6193
icie territoriale et du chiffre de la population.
De
là cet écrasement sous lequel disparaît toute liberté, non seulement
6194
s même individuelle et nationale. Une conséquence
de
ce fait, c’est que, le système unitaire étant l’inverse du système fé
6195
e, la Prusse, peuvent faire entre eux des traités
d’
alliance ou de commerce ; il répugne qu’ils se fédéralisent, d’abord p
6196
peuvent faire entre eux des traités d’alliance ou
de
commerce ; il répugne qu’ils se fédéralisent, d’abord parce que leur
6197
équence il leur faudrait abandonner quelque chose
de
leur souveraineté, et reconnaître au-dessus d’eux, au moins pour cert
6198
se de leur souveraineté, et reconnaître au-dessus
d’
eux, au moins pour certains cas, un arbitre. Leur nature est de comman
6199
ns pour certains cas, un arbitre. Leur nature est
de
commander, non de transiger ni d’obéir. Les princes qui, en 1813, sou
6200
as, un arbitre. Leur nature est de commander, non
de
transiger ni d’obéir. Les princes qui, en 1813, soutenus par l’insurr
6201
Leur nature est de commander, non de transiger ni
d’
obéir. Les princes qui, en 1813, soutenus par l’insurrection des masse
6202
ection des masses, combattaient pour les libertés
de
l’Europe contre Napoléon, qui plus tard formèrent la Sainte-Alliance,
6203
nce, n’étaient pas des confédérés : l’absolutisme
de
leur pouvoir leur défendait d’en prendre le titre. C’étaient, comme e
6204
és : l’absolutisme de leur pouvoir leur défendait
d’
en prendre le titre. C’étaient, comme en 92, des coalisés ; l’histoire
6205
92, des coalisés ; l’histoire ne leur donnera pas
d’
autre nom. … l’idée d’une confédération universelle est contradictoire
6206
istoire ne leur donnera pas d’autre nom. … l’idée
d’
une confédération universelle est contradictoire. En cela se manifeste
6207
umis à tous les inconvénients et à tous les vices
de
l’indéfini, de l’illimité, de l’absolu, de l’idéal. L’Europe serait e
6208
inconvénients et à tous les vices de l’indéfini,
de
l’illimité, de l’absolu, de l’idéal. L’Europe serait encore trop gran
6209
et à tous les vices de l’indéfini, de l’illimité,
de
l’absolu, de l’idéal. L’Europe serait encore trop grande pour une con
6210
vices de l’indéfini, de l’illimité, de l’absolu,
de
l’idéal. L’Europe serait encore trop grande pour une confédération un
6211
ue : elle ne pourrait former qu’une confédération
de
confédérations. C’est d’après cette idée que j’indiquais, dans ma der
6212
recque, batave, scandinave et danubienne, prélude
de
la décentralisation des grands États, et par suite, du désarmement gé
6213
ndrait à la liberté ; alors se réaliserait l’idée
d’
un équilibre européen, prévu par tous les publicistes et hommes d’État
6214
et hommes d’État, mais impossible à obtenir avec
de
grandes puissances à constitutions unitaires. Le peuple, dans la vag
6215
onstitutions unitaires. Le peuple, dans la vague
de
sa pensée, se contemple comme une gigantesque et mystérieuse existenc
6216
gage semble fait pour l’entretenir dans l’opinion
de
son indivisible unité. Il s’appelle le Peuple, la Nation ; c’est-à-di
6217
es, sa Voix, pareille au tonnerre, la grande voix
de
Dieu. Autant il se sent innombrable, irrésistible, immense, autant il
6218
des masses, à toutes les ambitions et excitations
de
la démagogie : c’est la fin du régime de la place publique, des triom
6219
itations de la démagogie : c’est la fin du régime
de
la place publique, des triomphes des tribuns, comme de l’absorption d
6220
place publique, des triomphes des tribuns, comme
de
l’absorption des capitales. Que Paris fasse, dans l’enceinte de ses m
6221
n des capitales. Que Paris fasse, dans l’enceinte
de
ses murs, des révolutions : à quoi bon si Lyon, Marseille, Toulouse,
6222
sbourg, Dijon, etc., si les départements, maîtres
d’
eux-mêmes, ne suivent pas ? Paris en sera pour ses frais… La fédératio
6223
le : car elle le sauve à la fois, en le divisant,
de
la tyrannie de ses meneurs et de sa propre folie. … Après la révoluti
6224
e sauve à la fois, en le divisant, de la tyrannie
de
ses meneurs et de sa propre folie. … Après la révolution des idées do
6225
en le divisant, de la tyrannie de ses meneurs et
de
sa propre folie. … Après la révolution des idées doit arriver, comme
6226
rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire
de
mille ans. Quelque dix ans après la publication du Principe fédérati
6227
araissent en allemand deux ouvrages qu’il importe
de
citer ici : en 1878 celui du Suisse J. C. Bluntschli sur L’Organisati
6228
lui du Suisse J. C. Bluntschli sur L’Organisation
d’
une Société d’États européens et en 1879 celui de l’Allemand Constanti
6229
d’une Société d’États européens et en 1879 celui
de
l’Allemand Constantin Frantz sur Le Fédéralisme. Ni le juriste suisse
6230
n devoir au socialiste français ; ils tirent tout
de
leur expérience nationale et professionnelle. Le problème du fédérali
6231
isme européen se trouve ainsi ramené des hauteurs
de
l’éloquence à la Hugo et de l’idéologie à la Mazzini au niveau d’une
6232
i ramené des hauteurs de l’éloquence à la Hugo et
de
l’idéologie à la Mazzini au niveau d’une pratique politique et à l’ex
6233
la Hugo et de l’idéologie à la Mazzini au niveau
d’
une pratique politique et à l’examen de ses conditions d’application.
6234
au niveau d’une pratique politique et à l’examen
de
ses conditions d’application. Johann Caspar Bluntschli (1808-1881) av
6235
ratique politique et à l’examen de ses conditions
d’
application. Johann Caspar Bluntschli (1808-1881) avait été l’auteur d
6236
chli (1808-1881) avait été l’auteur du code civil
de
son canton natal, Zurich, avant de devenir à Heidelberg l’un des plus
6237
r à Heidelberg l’un des plus célèbres professeurs
de
droit international de son temps. L’expérience vécue du fédéralisme s
6238
plus célèbres professeurs de droit international
de
son temps. L’expérience vécue du fédéralisme suisse le met en mesure
6239
ence vécue du fédéralisme suisse le met en mesure
de
préciser certaines distinctions fondamentales qui devaient presque né
6240
mantisme politique. Ainsi aborde-t-il le problème
de
la « nationalité », dont nous avons vu les ambiguïtés pervertir tout
6241
ous avons vu les ambiguïtés pervertir tout l’élan
de
1848. Comment concevoir une « nationalité européenne » sur le modèle
6242
soluble, et c’est qu’il était mal posé. L’exemple
d’
une nation « internationale » par essence permet au contraire d’imagin
6243
internationale » par essence permet au contraire
d’
imaginer ce que serait un État fédéral européen : La Suisse, pays de
6244
erait un État fédéral européen : La Suisse, pays
de
montagnes en Europe centrale, où les grands fleuves européens, le Rhi
6245
l’Allemagne, l’Italie, la France et l’Autriche, a
de
ce fait un caractère très particulier. De même le peuple suisse et le
6246
a grande république qu’est la Confédération — ont
de
grandes tâches vitales à accomplir, d’importance non seulement locale
6247
tion — ont de grandes tâches vitales à accomplir,
d’
importance non seulement locale, mais européenne. Ces États populaires
6248
péenne. Ces États populaires, petits, mais pleins
de
force, jouissant pleinement d’une liberté politique générale dans ce
6249
etits, mais pleins de force, jouissant pleinement
d’
une liberté politique générale dans ce pays où règne la paix, ont la p
6250
où règne la paix, ont la possibilité et le devoir
d’
aborder, par eux-mêmes, suivant leur disposition naturelle, toutes les
6251
s les questions que le destin et le développement
de
l’humanité posent aux nations européennes, et de les résoudre entière
6252
de l’humanité posent aux nations européennes, et
de
les résoudre entièrement, conformément aux circonstances du moment. A
6253
stances du moment. Ainsi ces États peuvent servir
d’
exemples, sous ce rapport, aux autres peuples et jouer un rôle détermi
6254
les et jouer un rôle déterminant dans l’évolution
de
l’humanité. … Aussi longtemps que le peuple suisse aspire à remplir c
6255
es nations, formant avec celles-ci une communauté
de
culture qui détermine leur vie spirituelle. Pour cette raison la nati
6256
uté culturelle et plus ce caractère international
de
la nationalité suisse aura sa juste valeur. Il est devenu pour la Sui
6257
uropéens une importance à laquelle une population
de
trois millions et demi d’habitants parlant une seule et même langue n
6258
laquelle une population de trois millions et demi
d’
habitants parlant une seule et même langue ne pourrait plus prétendre
6259
nt pour l’ensemble des États européens une source
de
prospérité et de développement et qui seront un jour destinés à assur
6260
e des États européens une source de prospérité et
de
développement et qui seront un jour destinés à assurer la paix en Eur
6261
estinés à assurer la paix en Europe… Si cet idéal
de
l’avenir se réalise un jour, la nationalité suisse de caractère inter
6262
’avenir se réalise un jour, la nationalité suisse
de
caractère international devra s’incorporer à la communauté de la Gran
6263
international devra s’incorporer à la communauté
de
la Grande Europe. De cette façon elle n’aura pas vécu en vain ni sans
6264
s’incorporer à la communauté de la Grande Europe.
De
cette façon elle n’aura pas vécu en vain ni sans gloire.216 Ainsi s
6265
ce passage à l’Europe, cette « transfiguration »
d’
une vocation nationale dont rêvait Hugo pour la France et Mazzini pour
6266
is voilà qui ne paraît concevable que dans le cas
d’
une nation non unitaire, c’est-à-dire de structure fédéraliste. « L’In
6267
ns le cas d’une nation non unitaire, c’est-à-dire
de
structure fédéraliste. « L’Internationale des nationalismes » préconi
6268
des nationalismes » préconisée par les prophètes
de
1848, évoque l’idée d’une amicale universelle des misanthropes ou d’u
6269
éconisée par les prophètes de 1848, évoque l’idée
d’
une amicale universelle des misanthropes ou d’une mutuelle des égoïste
6270
dée d’une amicale universelle des misanthropes ou
d’
une mutuelle des égoïstes. On peut écrire de telles choses, non les fa
6271
es ou d’une mutuelle des égoïstes. On peut écrire
de
telles choses, non les faire. Cependant, il est curieux qu’un Bluntsc
6272
ieux qu’un Bluntschli, si conscient des avantages
d’
une vraie fédération pour les cantons jadis « souverains » de son pays
6273
fédération pour les cantons jadis « souverains »
de
son pays, recule devant cette solution lorsqu’il s’agit de l’applique
6274
ys, recule devant cette solution lorsqu’il s’agit
de
l’appliquer à l’Europe. À l’Écossais James Lorimer, qui venait de pub
6275
is James Lorimer, qui venait de publier un projet
d’
État fédéral européen, Bluntschli oppose un plan beaucoup plus prudemm
6276
ral. En voici le principe : Si le grand problème
de
la constitution de la communauté des États européens doit trouver sa
6277
incipe : Si le grand problème de la constitution
de
la communauté des États européens doit trouver sa solution, la condit
6278
qu’il faudra remplir sera le maintien scrupuleux
de
l’indépendance et de la liberté des États associés. Les États europée
6279
sera le maintien scrupuleux de l’indépendance et
de
la liberté des États associés. Les États européens se considèrent com
6280
soustraire à toute influence due à la suprématie
d’
un autre État. Ils peuvent bien coopérer entre eux pour l’accomplissem
6281
nt bien coopérer entre eux pour l’accomplissement
de
tâches communes, mais ils ne vont pas se soumettre volontairement au
6282
e vont pas se soumettre volontairement au pouvoir
d’
une constitution qui leur paraîtra étrangère. Ils ne renonceront jamai
6283
propre armée ; jamais ils ne toléreront au-dessus
d’
eux un monarque universel ni un parlement européen unique. C’est pourq
6284
irréalisable. Bluntschli propose alors une Union
d’
États souverains (Staatenbund) dirigée par un Conseil Fédéral représen
6285
un Sénat représentant les peuples : Le maintien
de
la paix des peuples, les délibérations et résolutions dans le domaine
6286
les délibérations et résolutions dans le domaine
de
la grande politique européenne seront confiés de préférence au Consei
6287
mise à l’approbation du Sénat. Parmi les affaires
de
la grande politique, il faut ranger toutes les questions concernant l
6288
liberté des États, dont dépendent les conditions
de
vie, la sécurité et le développement des peuples. Pour trancher toute
6289
ats en litige auront à se soumettre aux décisions
de
cette autorité. Celle-ci ne trouvera la force d’imposer ses résolutio
6290
de cette autorité. Celle-ci ne trouvera la force
d’
imposer ses résolutions que par une collaboration entre les gouverneme
6291
n étroite entre eux, pour le moins par le soutien
d’
une majorité importante. Et il conclut, avec une sobriété tout helvét
6292
une sobriété tout helvétique : Le nouveau projet
d’
une constitution fédérale européenne n’est pas très brillant et n’a ri
6293
le européenne n’est pas très brillant et n’a rien
d’
extraordinaire ; il est modeste et modéré ; mais étant donné qu’il ne
6294
philosophe politique, diplomate et fonctionnaire
de
l’État prussien (dont il ne cessa de condamner les prétentions hégémo
6295
onctionnaire de l’État prussien (dont il ne cessa
de
condamner les prétentions hégémoniques), fut non seulement l’un des p
6296
, fut non seulement l’un des plus zélés partisans
d’
une unité allemande de type fédéraliste, mais le théoricien d’une unio
6297
un des plus zélés partisans d’une unité allemande
de
type fédéraliste, mais le théoricien d’une union des pays centraux et
6298
allemande de type fédéraliste, mais le théoricien
d’
une union des pays centraux et nordiques de l’Europe, en laquelle il v
6299
ricien d’une union des pays centraux et nordiques
de
l’Europe, en laquelle il voyait le noyau d’une future fédération mond
6300
iques de l’Europe, en laquelle il voyait le noyau
d’
une future fédération mondiale à base chrétienne217. Il s’agissait d’a
6301
ase chrétienne217. Il s’agissait d’abord pour lui
de
tenir en échec les deux puissances impérialistes, France à l’ouest et
6302
ie à l’est ; puis une fois l’atmosphère purifiée,
de
les faire adhérer à l’union, ainsi que l’Amérique du Nord. Constantin
6303
si que l’Amérique du Nord. Constantin Frantz part
de
l’expérience vécue d’une Allemagne moins une que diverse, donc destin
6304
ord. Constantin Frantz part de l’expérience vécue
d’
une Allemagne moins une que diverse, donc destinée et préparée par son
6305
it que l’Allemagne ne convient pas à la formation
d’
un État unitaire centralisé, ni même, d’une façon générale, à celle d’
6306
formation d’un État unitaire centralisé, ni même,
d’
une façon générale, à celle d’une simple nation « fermée », étant donn
6307
entralisé, ni même, d’une façon générale, à celle
d’
une simple nation « fermée », étant donné les rapports étroits, déterm
6308
ritoire allemand ne se prête guère à la formation
d’
un État unitaire, la nation allemande s’y prête encore moins, parce qu
6309
té, dès le début, — pour reprendre une expression
de
Schelling — « un peuple de peuples ».218 Frantz a bien vu et dit qu
6310
prendre une expression de Schelling — « un peuple
de
peuples ».218 Frantz a bien vu et dit que l’État unitaire ne saurai
6311
ue l’État unitaire ne saurait en aucun cas servir
de
base à une union fédérative : ou bien il reste formé et il n’y a pas
6312
dérative : ou bien il reste formé et il n’y a pas
d’
union possible, ou bien le carcan est brisé et l’union devient possibl
6313
où vont les choses actuellement, que la formation
d’
un pur État unitaire est proche. Il n’est pas impossible que nous soyo
6314
n’est pas impossible que nous soyons les témoins
de
cette transformation ; mais supposons l’État unitaire constitué, déve
6315
t pas longtemps et ferait vite sauter la camisole
de
force qu’on lui aurait mise. Ceci est un des termes de notre alternat
6316
rce qu’on lui aurait mise. Ceci est un des termes
de
notre alternative. En revanche, si nous voulons échapper à l’actuel c
6317
on pourrait sérieusement envisager la possibilité
d’
une fédération d’Europe Centrale. Et chaque pas que nous ferions dans
6318
usement envisager la possibilité d’une fédération
d’
Europe Centrale. Et chaque pas que nous ferions dans cette direction n
6319
nous ferions dans cette direction nous assurerait
d’
un double gain : en effet, non seulement cette fédération créerait un
6320
t étendue, mais elle permettrait aussi la réunion
d’
une telle masse de forces défensives que chaque État membre n’aurait à
6321
le permettrait aussi la réunion d’une telle masse
de
forces défensives que chaque État membre n’aurait à maintenir sur pie
6322
ion du budget militaire et favoriserait le retour
d’
une importante main-d’œuvre à des travaux plus productifs. Aucune puis
6323
u monde n’oserait attaquer cette fédération, qui,
de
son côté, ne pourrait en aucune manière manifester de tendances agres
6324
on côté, ne pourrait en aucune manière manifester
de
tendances agressives. De cette façon serait fondé un système pour le
6325
ucune manière manifester de tendances agressives.
De
cette façon serait fondé un système pour le maintien de la paix tel q
6326
te façon serait fondé un système pour le maintien
de
la paix tel que l’Europe n’en a encore jamais vu. Et quel honneur pou
6327
eur pour l’Allemagne si elle pouvait être la base
d’
une fédération pour la paix, au lieu d’avoir, par le système de 1866,
6328
ion pour la paix, au lieu d’avoir, par le système
de
1866, créé le militarisme européen qui nous suce notre propre sang. S
6329
difficultés réelles qui s’opposent à la fondation
de
la fédération d’Europe Centrale — et nous sommes les derniers à nous
6330
es qui s’opposent à la fondation de la fédération
d’
Europe Centrale — et nous sommes les derniers à nous bercer d’illusion
6331
trale — et nous sommes les derniers à nous bercer
d’
illusions —, elles pourraient très bien être surmontées grâce à une pr
6332
ses qui ont prévalu jusqu’à présent. Ainsi l’idée
d’
État, avec laquelle de toute façon on ne peut rien construire… Il ren
6333
squ’à présent. Ainsi l’idée d’État, avec laquelle
de
toute façon on ne peut rien construire… Il rend justice à l’élan pri
6334
va au-delà du but assigné, ainsi la valorisation
de
la nationalité devint un but absolu… Au stade des nations fermées co
6335
ermanentes : Il est bien établi que le but final
de
l’organisation n’est pas l’État universel, mais bien la fédération de
6336
iances » qui constitue manifestement le préalable
d’
un tel processus. Par alliances, nous entendons des associations concl
6337
tif : elle sera constituée pour toujours et dotée
d’
organes permanents prêts à fonctionner de façon durable. De ce point d
6338
et dotée d’organes permanents prêts à fonctionner
de
façon durable. De ce point de vue, le système politique appelé « Conc
6339
permanents prêts à fonctionner de façon durable.
De
ce point de vue, le système politique appelé « Concert européen des g
6340
ns propre, ce mot, à l’origine, ne désignait rien
d’
autre qu’un système d’alliances… À examiner de près l’essence même de
6341
’origine, ne désignait rien d’autre qu’un système
d’
alliances… À examiner de près l’essence même de ce système des grandes
6342
ien d’autre qu’un système d’alliances… À examiner
de
près l’essence même de ce système des grandes puissances, on constate
6343
me d’alliances… À examiner de près l’essence même
de
ce système des grandes puissances, on constate d’après son nom même q
6344
e d’après son nom même qu’il est fondé sur l’idée
de
la seule puissance, et qu’il fait abstraction aussi bien des principe
6345
t qu’il fait abstraction aussi bien des principes
de
l’histoire et de la moralité que des buts élevés de la civilisation.
6346
raction aussi bien des principes de l’histoire et
de
la moralité que des buts élevés de la civilisation. La seule fin est
6347
l’histoire et de la moralité que des buts élevés
de
la civilisation. La seule fin est d’être ou de devenir une grande pui
6348
buts élevés de la civilisation. La seule fin est
d’
être ou de devenir une grande puissance. Et pour autant que plusieurs
6349
és de la civilisation. La seule fin est d’être ou
de
devenir une grande puissance. Et pour autant que plusieurs de ces gra
6350
ne grande puissance. Et pour autant que plusieurs
de
ces grandes puissances se trouvent être l’une à côté de l’autre, quel
6351
ut poursuivront-elles principalement, sinon celui
d’
augmenter leur force militaire ? Il est frappant de constater que la p
6352
’augmenter leur force militaire ? Il est frappant
de
constater que la prédominance de l’élément militaire va de pair avec
6353
Il est frappant de constater que la prédominance
de
l’élément militaire va de pair avec le règne de l’argent, ce qui a po
6354
ter que la prédominance de l’élément militaire va
de
pair avec le règne de l’argent, ce qui a pour conséquence que tout le
6355
e de l’élément militaire va de pair avec le règne
de
l’argent, ce qui a pour conséquence que tout le développement des peu
6356
ourse… … Tous les petits États sont ainsi menacés
de
décadence, à moins qu’ils ne soient déjà réellement déchus… En revanc
6357
ue les grandes puissances militaires… Allons donc
de
l’avant ! Puisque ce système a vu le jour uniquement par un processus
6358
uniquement par un processus historique, la notion
de
grande puissance n’est par conséquent qu’une catégorie de l’histoire,
6359
e puissance n’est par conséquent qu’une catégorie
de
l’histoire, destinée à disparaître à la prochaine étape de l’évolutio
6360
oire, destinée à disparaître à la prochaine étape
de
l’évolution, de la même manière qu’elle est apparue un jour et qu’ell
6361
disparaître à la prochaine étape de l’évolution,
de
la même manière qu’elle est apparue un jour et qu’elle a acquis, temp
6362
n jour et qu’elle a acquis, temporairement, droit
de
cité un peu partout. Le principe de non-intervention, proclamé depuis
6363
rement, droit de cité un peu partout. Le principe
de
non-intervention, proclamé depuis longtemps, n’est-il pas la déclarat
6364
amé depuis longtemps, n’est-il pas la déclaration
de
faillite de la politique du concert européen ? De ce fait même, cette
6365
ongtemps, n’est-il pas la déclaration de faillite
de
la politique du concert européen ? De ce fait même, cette dernière es
6366
de faillite de la politique du concert européen ?
De
ce fait même, cette dernière est devenue, si l’on peut dire, un « asy
6367
». Et maintenant la tâche importante nous incombe
de
créer un nouveau système, c’est-à-dire un ordre fondé sur la réalité,
6368
ion du temps exige, devra se fonder sur le modèle
de
l’union allemande, qui exclut toute hégémonie d’un de ses États. Ains
6369
de l’union allemande, qui exclut toute hégémonie
d’
un de ses États. Ainsi le nationalisme condamné par Frantz sous sa for
6370
’union allemande, qui exclut toute hégémonie d’un
de
ses États. Ainsi le nationalisme condamné par Frantz sous sa forme ét
6371
réapparaît irrésistiblement sous la forme épurée
d’
une « mission européenne » de l’Allemagne. Nous connaissons maintenant
6372
sous la forme épurée d’une « mission européenne »
de
l’Allemagne. Nous connaissons maintenant le processus pour l’avoir il
6373
le processus pour l’avoir illustré par des textes
de
Gioberti et de Mazzini, de Lamartine et de Hugo, de Mickiewicz, de Do
6374
ur l’avoir illustré par des textes de Gioberti et
de
Mazzini, de Lamartine et de Hugo, de Mickiewicz, de Donoso Cortès et
6375
llustré par des textes de Gioberti et de Mazzini,
de
Lamartine et de Hugo, de Mickiewicz, de Donoso Cortès et même de Blun
6376
textes de Gioberti et de Mazzini, de Lamartine et
de
Hugo, de Mickiewicz, de Donoso Cortès et même de Bluntschli. Il manqu
6377
Gioberti et de Mazzini, de Lamartine et de Hugo,
de
Mickiewicz, de Donoso Cortès et même de Bluntschli. Il manquait à ce
6378
Mazzini, de Lamartine et de Hugo, de Mickiewicz,
de
Donoso Cortès et même de Bluntschli. Il manquait à ce concert une voi
6379
de Hugo, de Mickiewicz, de Donoso Cortès et même
de
Bluntschli. Il manquait à ce concert une voix allemande, et la voici
6380
t qu’une telle fédération ne peut pas s’instaurer
d’
un coup. Il faut d’abord qu’elle s’établisse sur une base réelle, d’où
6381
d’abord qu’elle s’établisse sur une base réelle,
d’
où, par la suite, l’impulsion pourra être donnée… Si c’est l’Allemagne
6382
… Si c’est l’Allemagne, où a commencé la scission
de
l’Église, qui a contribué le plus à la décadence de la communauté des
6383
l’Église, qui a contribué le plus à la décadence
de
la communauté des peuples occidentaux, il conviendrait que ce pays se
6384
x, il conviendrait que ce pays se fasse un devoir
de
participer activement au rétablissement de cette communauté et de se
6385
devoir de participer activement au rétablissement
de
cette communauté et de se consacrer à cette tâche de telle façon que
6386
tivement au rétablissement de cette communauté et
de
se consacrer à cette tâche de telle façon que l’on puisse bien augure
6387
cette communauté et de se consacrer à cette tâche
de
telle façon que l’on puisse bien augurer de la transformation du syst
6388
tâche de telle façon que l’on puisse bien augurer
de
la transformation du système européen dans sa totalité… Seul le fédér
6389
-t-il dans la politique actuelle, est le principe
de
l’évolution politique de l’avenir. 208. Cf. P. Renouvin, L’idée de
6390
ctuelle, est le principe de l’évolution politique
de
l’avenir. 208. Cf. P. Renouvin, L’idée de fédération européenne da
6391
ique de l’avenir. 208. Cf. P. Renouvin, L’idée
de
fédération européenne dans la pensée politique du xixe siècle, Oxfor
6392
spiration patriotique qui nous a donné le courage
d’
entreprendre cet immense travail ? N’avons-nous pas voulu la ceindre d
6393
mense travail ? N’avons-nous pas voulu la ceindre
d’
une couronne d’éléments qui saluassent sa première résurrection ? » Cf
6394
N’avons-nous pas voulu la ceindre d’une couronne
d’
éléments qui saluassent sa première résurrection ? » Cf. Dora Melegari
6395
é par le Bureau du Nouveau Monde, Paris (brochure
de
104 p. écrite en français). 212. V. Hugo, Œuvres complètes, Actes e
6396
politique extérieure. 218. Toutes les citations
de
C. Frantz sont empruntées à son ouvrage paru en 1879 sous ce titre :
6397
ou à l’Allemagne, voire à la Suisse fédéraliste,
de
faire l’Europe et de s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nat
6398
ire à la Suisse fédéraliste, de faire l’Europe et
de
s’y fondre, accomplissant ainsi une vocation nationale, universelle ?
6399
s du xixe siècle — c’est elle qui a pour mission
de
régénérer l’Europe et de l’unir, car c’est ainsi seulement que la Rus
6400
elle qui a pour mission de régénérer l’Europe et
de
l’unir, car c’est ainsi seulement que la Russie pourra devenir europé
6401
isse en font indiscutablement partie. Mais le cas
de
la Russie est différent. Elle peut choisir d’être d’Europe ou non, se
6402
cas de la Russie est différent. Elle peut choisir
d’
être d’Europe ou non, selon que l’Europe sera conforme ou non à l’idée
6403
la Russie est différent. Elle peut choisir d’être
d’
Europe ou non, selon que l’Europe sera conforme ou non à l’idée russe
6404
que l’Europe sera conforme ou non à l’idée russe
de
l’humanité, du christianisme et de l’ordre social. Ce privilège exorb
6405
à l’idée russe de l’humanité, du christianisme et
de
l’ordre social. Ce privilège exorbitant, existe-t-il en fait, est-il
6406
? Ou bien ne serait-il qu’un phantasme, un besoin
de
surcompenser le retard de la Russie sur les « progrès » de l’Ouest, —
6407
un phantasme, un besoin de surcompenser le retard
de
la Russie sur les « progrès » de l’Ouest, — ces progrès à la fois jal
6408
penser le retard de la Russie sur les « progrès »
de
l’Ouest, — ces progrès à la fois jalousés et honnis ? Notre propos da
6409
s et honnis ? Notre propos dans cet ouvrage étant
de
présenter des textes afin de les mieux laisser parler, nous rappeller
6410
rappellerons d’abord les opinions contradictoires
de
l’Ouest sur la Russie, puis celles des deux écoles antagonistes qui d
6411
oïevski. A. Opinions européennes sur la Russie,
de
Voltaire à Karl Marx Nous avons vu Sully exclure la Russie de son
6412
arl Marx Nous avons vu Sully exclure la Russie
de
son grand dessein, Leibniz tenter de l’inclure — non sans réserve — d
6413
re la Russie de son grand dessein, Leibniz tenter
de
l’inclure — non sans réserve — dans l’ensemble spirituel de l’Europe,
6414
re — non sans réserve — dans l’ensemble spirituel
de
l’Europe, William Penn l’accepter dans sa Ligue des Nations, et leurs
6415
udain le vrai danger, contre lequel il serait bon
de
s’unir et de s’entendre avec les Turcs. Voltaire et ses contemporains
6416
danger, contre lequel il serait bon de s’unir et
de
s’entendre avec les Turcs. Voltaire et ses contemporains tenaient enc
6417
me Impératrice que le premier gazetier littéraire
de
Paris, Melchior Grimm, peut écrire cette prophétie sensationnelle, qu
6418
t écrire cette prophétie sensationnelle, que tant
d’
esprits plus grands que lui ne feront que répéter jusqu’à nos jours :
6419
eux empires se partageront […] tous les avantages
de
la civilisation, de la puissance, du génie, des lettres, des arts, de
6420
geront […] tous les avantages de la civilisation,
de
la puissance, du génie, des lettres, des arts, des armes et de l’indu
6421
ce, du génie, des lettres, des arts, des armes et
de
l’industrie : la Russie du côté de l’orient, et l’Amérique, devenue l
6422
du côté de l’orient, et l’Amérique, devenue libre
de
nos jours, du côté de l’occident, et nous autres, peuples du noyau, n
6423
noyau ». L’Amérique et la Russie sont les « pays
d’
avenir » destinés à succéder à l’Europe lorsque ses divisions spiritue
6424
visions spirituelles et ses guerres auront achevé
de
l’épuiser. En 1797, Jean de Müller annonce que « l’avenir appartiendr
6425
soit à l’Amérique » : Napoléon, dans le Mémorial
de
Sainte-Hélène, prévoit que le monde sera sous peu « République améric
6426
du nom : Qu’il se trouve, disait-il, un empereur
de
Russie vaillant, impétueux, capable, en un mot un tsar qui ait de la
6427
nt, impétueux, capable, en un mot un tsar qui ait
de
la barbe au menton (ce qu’il exprimait, du reste, beaucoup plus énerg
6428
’arriverais à Calais à temps fixe et par journées
d’
étape, et je m’y trouverais le maître et l’arbitre de l’Europe… L’ab
6429
tape, et je m’y trouverais le maître et l’arbitre
de
l’Europe… L’abbé de Pradt, contemporain de Metternich, publie en 18
6430
itre de l’Europe… L’abbé de Pradt, contemporain
de
Metternich, publie en 1823 un « Parallèle de la puissance anglaise et
6431
rain de Metternich, publie en 1823 un « Parallèle
de
la puissance anglaise et russe relativement à l’Europe », où il démon
6432
une à renouveler le vieux monde, l’autre à tenter
de
le dominer. Précurseur de Churchill lançant le slogan du « rideau de
6433
monde, l’autre à tenter de le dominer. Précurseur
de
Churchill lançant le slogan du « rideau de fer », il écrit : Au-delà
6434
urseur de Churchill lançant le slogan du « rideau
de
fer », il écrit : Au-delà de la Vistule tombe un rideau derrière leq
6435
slogan du « rideau de fer », il écrit : Au-delà
de
la Vistule tombe un rideau derrière lequel il est fort difficile de b
6436
e un rideau derrière lequel il est fort difficile
de
bien voir ce qui se passe dans l’intérieur de l’empire russe. À la ma
6437
ile de bien voir ce qui se passe dans l’intérieur
de
l’empire russe. À la manière de l’Orient, dont il a reçu l’origine et
6438
ussi d’après elles seulement que l’on peut parler
de
l’armée russe… … Depuis Pierre le Grand jusqu’à ce jour, la politique
6439
uis Pierre le Grand jusqu’à ce jour, la politique
de
la Russie n’a pas cessé d’être conquérante ; on dirait que depuis un
6440
ce jour, la politique de la Russie n’a pas cessé
d’
être conquérante ; on dirait que depuis un siècle entier son cabinet n
6441
un siècle entier son cabinet n’a été composé que
d’
un seul et même homme tant il n’a eu qu’une seule et même pensée, cell
6442
tant il n’a eu qu’une seule et même pensée, celle
de
l’agrandissement méthodique. Sainte-Beuve, commentant et paraphrasan
6443
les courants vont vers deux fins : ou l’Autocrate
d’
Europe, ou les États-Unis d’Europe. Vers le même temps, et dans le mê
6444
re que bientôt parmi elles il ne se trouvera plus
de
place que pour la liberté démocratique ou la tyrannie des Césars. J
6445
longtemps, il est clair que le monde va au-devant
de
l’alternative suivante : ou la Démocratie totale, ou le Despotisme ab
6446
se résument en ceci : l’Amérique a un bon siècle
d’
avance sur la Russie, et l’Europe de l’Ouest devra marcher derrière no
6447
devra marcher derrière nous pendant une centaine
d’
années, avant que la Russie puisse étendre son aile au-dessus de l’Atl
6448
t que la Russie puisse étendre son aile au-dessus
de
l’Atlantique. Mais la formulation la plus fameuse et d’ailleurs la p
6449
ion la plus fameuse et d’ailleurs la plus précise
de
ce que je voudrais nommer le mythe européen des deux grands, nous la
6450
’hui sur la terre deux grands peuples qui, partis
de
points différents, semblent s’avancer vers le même but : ce sont les
6451
ancent qu’avec mille efforts ; eux seuls marchent
d’
un pas aisé et rapide dans une carrière dont l’œil ne saurait encore a
6452
t et la barbarie, l’autre la civilisation revêtue
de
toutes ses armes ; aussi les conquêtes de l’Américain se font-elles a
6453
revêtue de toutes ses armes ; aussi les conquêtes
de
l’Américain se font-elles avec le soc du laboureur, celles du Russe a
6454
en quelque sorte dans un homme toute la puissance
de
la société. L’un a pour principal moyen d’action la liberté ; l’autre
6455
ssance de la société. L’un a pour principal moyen
d’
action la liberté ; l’autre, la servitude. Leur point de départ est di
6456
on la liberté ; l’autre, la servitude. Leur point
de
départ est différent, leurs voies sont diverses ; néanmoins, chacun d
6457
nt, leurs voies sont diverses ; néanmoins, chacun
d’
eux semble appelé par un dessein secret de la Providence à tenir un jo
6458
chacun d’eux semble appelé par un dessein secret
de
la Providence à tenir un jour dans ses mains les destinées de la moit
6459
ence à tenir un jour dans ses mains les destinées
de
la moitié du monde.223 On notera que Tocqueville ne se fait pas fau
6460
oins, en réalité, dans l’évolution qu’il annonce,
d’
une double fatalité que d’une alternative, ménageant à l’Europe un cho
6461
volution qu’il annonce, d’une double fatalité que
d’
une alternative, ménageant à l’Europe un choix final, sans doute inévi
6462
pensent la plupart des auteurs innombrables qui,
de
la fin du xviiie siècle à nos jours, ont supputé l’avenir de notre c
6463
xviiie siècle à nos jours, ont supputé l’avenir
de
notre continent : le seul fait qu’ils s’expriment pour ou contre l’un
6464
essimisme tende à l’emporter. S’ils avaient assez
de
foi dans le destin de l’Europe, ils opposeraient aux deux empires un
6465
porter. S’ils avaient assez de foi dans le destin
de
l’Europe, ils opposeraient aux deux empires un même refus, serein et
6466
une ou l’autre des roues. En vérité, leurs prises
de
position révèlent une anxiété de l’imagination plutôt qu’une angoisse
6467
té, leurs prises de position révèlent une anxiété
de
l’imagination plutôt qu’une angoisse immédiate, sans horizon. Nous av
6468
me le puissant refuge des trésors et des libertés
de
l’Europe. En revanche, de Joseph de Maistre à Georges Sorel, en passa
6469
trésors et des libertés de l’Europe. En revanche,
de
Joseph de Maistre à Georges Sorel, en passant par Proudhon et Renan,
6470
ue virulente et hautaine du « pays du dollar » et
de
son « matérialisme » ne cessera de s’amplifier jusqu’à nos jours, où
6471
du dollar » et de son « matérialisme » ne cessera
de
s’amplifier jusqu’à nos jours, où elle deviendra le lieu commun des n
6472
ù elle deviendra le lieu commun des nationalistes
d’
extrême gauche et d’extrême droite. Beaucoup plus rares sont les auteu
6473
lieu commun des nationalistes d’extrême gauche et
d’
extrême droite. Beaucoup plus rares sont les auteurs qui, comme Jean-P
6474
» — bien avant l’ère soviétique ! — n’a pas cessé
de
hanter à la fois les conservateurs, les libéraux et les socialistes.
6475
x et les socialistes. Seuls, certains catholiques
d’
extrême droite comme le Savoyard Joseph de Maistre, le Bavarois Ernst
6476
ns une secrète complaisance à rêver l’éventualité
d’
un juste châtiment fondant de Moscou sur nos démocraties… Plus sobre e
6477
rêver l’éventualité d’un juste châtiment fondant
de
Moscou sur nos démocraties… Plus sobre et plus serein, à sa coutume,
6478
24, dans son premier ouvrage : Il faut se garder
de
mettre en contraste l’Europe et l’Amérique : ce que l’on trouve là-ba
6479
que l’on trouve là-bas n’est qu’un développement
de
nos races et de notre genre de vie : en fait, New York et Lima nous i
6480
là-bas n’est qu’un développement de nos races et
de
notre genre de vie : en fait, New York et Lima nous importent davanta
6481
u’un développement de nos races et de notre genre
de
vie : en fait, New York et Lima nous importent davantage que Kiev et
6482
Certes, les Russes, selon Ranke, ont bien mérité
de
l’Europe en la protégeant contre les Mongols. Mais leur manière de s’
6483
protégeant contre les Mongols. Mais leur manière
de
s’occidentaliser reste à ses yeux liée à la tendance à s’approprier
6484
eux liée à la tendance à s’approprier la culture
de
l’Occident dans ses aspects matériels (in materieller Beziehung).224
6485
te : le marquis de Custine, dans son fameux récit
d’
un séjour en Russie, « La Russie en 1839 », prédit le réveil effrayant
6486
russe, et alors « la violence mettra fin au règne
de
la parole » : Une ambition désordonnée, immense, une de ces ambition
6487
arole » : Une ambition désordonnée, immense, une
de
ces ambitions qui ne peuvent germer que dans l’âme des opprimés, et s
6488
l’âme des opprimés, et se nourrir que du malheur
d’
une nation entière, fermente au cœur du peuple russe. Cette nation, es
6489
t conquérante, avide à force de privations, expie
d’
avance chez elle, par une soumission avilissante, l’espoir d’exercer l
6490
ez elle, par une soumission avilissante, l’espoir
d’
exercer la tyrannie chez les autres ; la gloire, la richesse qu’elle a
6491
gloire, la richesse qu’elle attend la distraient
de
la honte qu’elle subit, et, pour se laver du sacrifice impie de toute
6492
’elle subit, et, pour se laver du sacrifice impie
de
toute liberté publique et personnelle, l’esclave, à genoux, rêve la d
6493
; elle fomente chez nous l’anarchie dans l’espoir
de
profiter d’une corruption favorisée par elle, parce qu’elle est favor
6494
te chez nous l’anarchie dans l’espoir de profiter
d’
une corruption favorisée par elle, parce qu’elle est favorable à ses v
6495
’elle est favorable à ses vues : c’est l’histoire
de
la Pologne recommencée en grand. Depuis de longues années Paris lit d
6496
stoire de la Pologne recommencée en grand. Depuis
de
longues années Paris lit des journaux révolutionnaires, révolutionnai
6497
ai par tout homme initié à la marche des affaires
de
l’Europe et aux secrets des cabinets pendant les vingt dernières anné
6498
me occidental. Dans le même sens, mais avec plus
de
précision et une lucidité qui se révèle aujourd’hui prophétique, Jaco
6499
Burckhardt constate : Le tragique, dans le destin
de
l’Europe jusqu’ici, réside en ce que les peuples de l’Ouest, considér
6500
l’Europe jusqu’ici, réside en ce que les peuples
de
l’Ouest, considérés dans leurs perpétuelles mutations et révolutions,
6501
. (On l’eût embarrassé en lui demandant la raison
de
cette supériorité paradoxale, lui qui estimait que la culture n’est q
6502
même que son ami Engels, il salua les mouvements
de
libération nationale des Polonais, des Hongrois et des Allemands (tou
6503
des Allemands (tous écrasés par les interventions
de
la Russie) comme autant d’étapes « dialectiques » vers l’union finale
6504
par les interventions de la Russie) comme autant
d’
étapes « dialectiques » vers l’union finale des Européens, dans une so
6505
ui devait triompher d’abord en France : La chute
de
la bourgeoisie en France, le triomphe de la classe ouvrière française
6506
La chute de la bourgeoisie en France, le triomphe
de
la classe ouvrière française, l’émancipation de la classe ouvrière en
6507
e de la classe ouvrière française, l’émancipation
de
la classe ouvrière en général, voilà le mot et la solution de la libé
6508
ouvrière en général, voilà le mot et la solution
de
la libération européenne.226 Certes, l’Angleterre bourgeoise ne man
6509
Certes, l’Angleterre bourgeoise ne manquerait pas
de
s’opposer à ce mouvement, mais une « guerre mondiale » l’obligerait à
6510
ue les États-Unis devaient former part intégrante
de
l’Occident et intervenir en Europe. Il écrivait en 1853 : Le grand é
6511
: Le grand événement du jour, c’est l’apparition
de
la politique américaine à l’horizon européen. Salué par les uns, reje
6512
mis par tous. À Beirouth, les Américains viennent
d’
arracher un fugitif hongrois de plus aux serres de l’aigle autrichien.
6513
d’arracher un fugitif hongrois de plus aux serres
de
l’aigle autrichien. Il est réconfortant de constater que l’interventi
6514
serres de l’aigle autrichien. Il est réconfortant
de
constater que l’intervention américaine en Europe se produit d’abord
6515
Europe se produit d’abord à propos de la question
d’
Orient… Dans l’explication violente et permanente qui oppose l’Est à l
6516
st le plus jeune et le plus puissant représentant
de
l’Ouest.227 Mais le grand adversaire de cette « libération de l’Eu
6517
entant de l’Ouest.227 Mais le grand adversaire
de
cette « libération de l’Europe » restait — et resterait toujours, sel
6518
Mais le grand adversaire de cette « libération
de
l’Europe » restait — et resterait toujours, selon Marx — la Russie, p
6519
et la « barbarie mongole », et dont la politique
d’
hégémonie mondiale ne cesserait de duper les nations européennes : Co
6520
nt la politique d’hégémonie mondiale ne cesserait
de
duper les nations européennes : Comptant sur la lâcheté et la peur d
6521
Comptant sur la lâcheté et la peur des puissances
de
l’Ouest, la Russie joue les spadassins et accroît ses exigences à la
6522
mite du possible, afin d’être en mesure plus tard
de
se donner l’air magnanime en se contentant des avantages les plus imm
6523
dant un siècle, jusqu’à ce que le grand mouvement
de
1789 lui ait opposé un puissant adversaire. Nous entendons la révolut
6524
dons la révolution européenne, la force explosive
de
ses idées démocratiques et de sa soif innée de liberté. Depuis ce tem
6525
la force explosive de ses idées démocratiques et
de
sa soif innée de liberté. Depuis ce temps, il n’y a plus eu en Europe
6526
ve de ses idées démocratiques et de sa soif innée
de
liberté. Depuis ce temps, il n’y a plus eu en Europe que deux forces
6527
cé en 1867, Marx précise que l’objectif permanent
de
la politique russe, son « étoile polaire », est la domination du mond
6528
», est la domination du monde : Il ne manque pas
de
naïfs qui s’imaginent que tout cela (l’impérialisme russe) s’est modi
6529
isme russe) s’est modifié, que la Pologne a cessé
d’
être une « nation nécessaire » comme l’appelait un écrivain, et n’est
6530
? Non, seul l’aveuglement des couches dirigeantes
de
l’Europe s’est accru et a atteint son zénith. La politique russe est
6531
s manœuvres peuvent varier, mais l’étoile polaire
de
sa politique — la domination mondiale — est une étoile fixe. Cependa
6532
révoyait la chute finale du despotisme congénital
de
la Russie, sous les coups du « progrès des masses » et de la « force
6533
ssie, sous les coups du « progrès des masses » et
de
la « force des idées », — recréant la « puissance et l’unité » de l’E
6534
s idées », — recréant la « puissance et l’unité »
de
l’Europe. Dans l’un des quelque 500 articles que Marx donna au New Yo
6535
rticles que Marx donna au New York Herald Tribune
de
1851 à 1861, nous trouvons les lignes suivantes, parues le 31 décembr
6536
vantes, parues le 31 décembre 1853 : Les peuples
de
l’Ouest remonteront au pouvoir et retrouveront l’unité de but, tandis
6537
st remonteront au pouvoir et retrouveront l’unité
de
but, tandis que le Colosse russe sera ruiné par le progrès des masses
6538
sses et la force explosive des idées.229 Marx,
de
toute évidence, ne pouvait penser qu’à la Russie des tsars, mais sa p
6539
prophétie, si elle s’applique mal aux événements
de
1917, est loin d’avoir perdu son sens pour autant. B. Opinions rus
6540
e s’applique mal aux événements de 1917, est loin
d’
avoir perdu son sens pour autant. B. Opinions russes sur l’Europe,
6541
pour autant. B. Opinions russes sur l’Europe,
de
Tchaadaïev à Tolstoï Russie de l’époque de Kiev, occidentale. Russ
6542
s sur l’Europe, de Tchaadaïev à Tolstoï Russie
de
l’époque de Kiev, occidentale. Russie de la Horde d’Or, asiatique. Ru
6543
pe, de Tchaadaïev à Tolstoï Russie de l’époque
de
Kiev, occidentale. Russie de la Horde d’Or, asiatique. Russie moscovi
6544
des Tartares, et se considérant, selon les termes
de
la lettre du moine Philotée à Ivan III, comme « la Troisième Rome » p
6545
tique que Byzance, si l’on en croit la prétention
d’
Ivan le Terrible à détenir non seulement le pouvoir politique, mais le
6546
n seulement le pouvoir politique, mais le pouvoir
de
sauver les âmes. Enfin Russie de Pierre le Grand, ouverte de force à
6547
es âmes. Enfin Russie de Pierre le Grand, ouverte
de
force à l’Europe par son maître. Les encyclopédistes français y domin
6548
is y dominent par correspondance pendant le règne
de
la Grande Catherine. Dès le début du xixe , c’est le tour des philoso
6549
identalistes. Les premiers n’ont vu dans l’œuvre
de
Pierre qu’une transgression des bases de la Russie, une contrainte qu
6550
l’œuvre de Pierre qu’une transgression des bases
de
la Russie, une contrainte qui pesa sur son développement et en interr
6551
autres n’ont pas reconnu le caractère particulier
de
la Russie, l’ont considérée comme un pays arriéré, en face de ce type
6552
cidental qui représentait pour eux le type unique
de
culture et de civilisation.230 La Russie d’Alexandre, puis de Nicol
6553
eprésentait pour eux le type unique de culture et
de
civilisation.230 La Russie d’Alexandre, puis de Nicolas Ier, au sor
6554
de civilisation.230 La Russie d’Alexandre, puis
de
Nicolas Ier, au sortir des guerres napoléoniennes, est encore en plei
6555
intelligentzia, comme on va la nommer, se nourrit
de
Saint-Simon, de Fourier, et de la philosophie des romantiques alleman
6556
comme on va la nommer, se nourrit de Saint-Simon,
de
Fourier, et de la philosophie des romantiques allemands. Le grand pro
6557
nommer, se nourrit de Saint-Simon, de Fourier, et
de
la philosophie des romantiques allemands. Le grand problème qu’elle s
6558
problème qu’elle se pose est celui des relations
de
la Russie et de l’Europe. La première réponse importante sera donnée
6559
e se pose est celui des relations de la Russie et
de
l’Europe. La première réponse importante sera donnée par un occidenta
6560
u. Pierre Tchaadaïev (1790-1856), ancien officier
de
la Garde, disciple de Maistre, de Bonald et de Schelling, publie en 1
6561
ancien officier de la Garde, disciple de Maistre,
de
Bonald et de Schelling, publie en 1836, dans une revue de Moscou, sa
6562
er de la Garde, disciple de Maistre, de Bonald et
de
Schelling, publie en 1836, dans une revue de Moscou, sa première Lett
6563
d et de Schelling, publie en 1836, dans une revue
de
Moscou, sa première Lettre philosophique (traduite du français en rus
6564
t en germe dans ces Lettres : « Il nie l’histoire
de
son pays, écrit Berdiaev, et sa négation est précisément le type de l
6565
Berdiaev, et sa négation est précisément le type
de
la négation russe. » Il veut que la Russie s’européanise, et il affir
6566
t il affirme que le peuple russe est seul capable
de
résoudre les problèmes spirituels et sociaux de l’Occident. Le tsar l
6567
e de résoudre les problèmes spirituels et sociaux
de
l’Occident. Le tsar l’ayant fait déclarer fou, il publie L’Apologie d
6568
r l’ayant fait déclarer fou, il publie L’Apologie
d’
un fou, où il réitère sa condamnation du passé russe mais sa foi dans
6569
ue du peuple russe. Voici la définition lumineuse
de
l’Europe qu’il oppose aux ténèbres fécondes de la Russie231 : Les pe
6570
se de l’Europe qu’il oppose aux ténèbres fécondes
de
la Russie231 : Les peuples de l’Europe ont une physionomie commune,
6571
ténèbres fécondes de la Russie231 : Les peuples
de
l’Europe ont une physionomie commune, un air de famille. Malgré la di
6572
s de l’Europe ont une physionomie commune, un air
de
famille. Malgré la division générale de ces peuples en branche latine
6573
e, un air de famille. Malgré la division générale
de
ces peuples en branche latine et teutonique, en Méridionaux et Septen
6574
droit public. Outre ce caractère général, chacun
de
ces peuples a un caractère particulier, mais tout cela n’est que de l
6575
n caractère particulier, mais tout cela n’est que
de
l’Histoire et de la tradition. Cela fait le patrimoine héréditaire d’
6576
culier, mais tout cela n’est que de l’Histoire et
de
la tradition. Cela fait le patrimoine héréditaire d’idées de ces peup
6577
la tradition. Cela fait le patrimoine héréditaire
d’
idées de ces peuples. Chaque individu y jouit de son usufruit, amasse
6578
tion. Cela fait le patrimoine héréditaire d’idées
de
ces peuples. Chaque individu y jouit de son usufruit, amasse dans la
6579
e d’idées de ces peuples. Chaque individu y jouit
de
son usufruit, amasse dans la vie, sans fatigue, sans travail, ces not
6580
pouvons recueillir ainsi dans le simple commerce
d’
idées élémentaires, pour nous en servir tant bien que mal à nous dirig
6581
dans la vie ? Et remarquez qu’il ne s’agit ici ni
d’
étude ni de lecture, de rien de littéraire ou de scientifique, mais si
6582
? Et remarquez qu’il ne s’agit ici ni d’étude ni
de
lecture, de rien de littéraire ou de scientifique, mais simplement du
6583
uez qu’il ne s’agit ici ni d’étude ni de lecture,
de
rien de littéraire ou de scientifique, mais simplement du contact des
6584
l ne s’agit ici ni d’étude ni de lecture, de rien
de
littéraire ou de scientifique, mais simplement du contact des intelli
6585
i d’étude ni de lecture, de rien de littéraire ou
de
scientifique, mais simplement du contact des intelligences ; de ces i
6586
e, mais simplement du contact des intelligences ;
de
ces idées qui s’emparent de l’enfant au berceau, qui l’environnent au
6587
t des intelligences ; de ces idées qui s’emparent
de
l’enfant au berceau, qui l’environnent au milieu de ses jeux, que sa
6588
ui souffle dans ses caresses ; qui, sous la forme
de
sentiments divers, pénètrent dans la moelle de ses os avec l’air qu’i
6589
me de sentiments divers, pénètrent dans la moelle
de
ses os avec l’air qu’il respire, et qui ont déjà fait son être moral
6590
avoir qu’elles sont ces idées ? Ce sont les idées
de
devoir, de justice, de droit, d’ordre. Elles dérivent des événements
6591
les sont ces idées ? Ce sont les idées de devoir,
de
justice, de droit, d’ordre. Elles dérivent des événements mêmes qui y
6592
idées ? Ce sont les idées de devoir, de justice,
de
droit, d’ordre. Elles dérivent des événements mêmes qui y ont constit
6593
e sont les idées de devoir, de justice, de droit,
d’
ordre. Elles dérivent des événements mêmes qui y ont constitué la soci
6594
lles sont des éléments intégrants du monde social
de
ces pays. C’est l’atmosphère de l’Occident ; c’est plus que de l’hist
6595
s du monde social de ces pays. C’est l’atmosphère
de
l’Occident ; c’est plus que de l’histoire, c’est plus que de la psych
6596
C’est l’atmosphère de l’Occident ; c’est plus que
de
l’histoire, c’est plus que de la psychologie, c’est la physiologie de
6597
nt ; c’est plus que de l’histoire, c’est plus que
de
la psychologie, c’est la physiologie de l’homme de l’Europe. Qu’avez-
6598
plus que de la psychologie, c’est la physiologie
de
l’homme de l’Europe. Qu’avez-vous à mettre à la place de cela chez no
6599
e la psychologie, c’est la physiologie de l’homme
de
l’Europe. Qu’avez-vous à mettre à la place de cela chez nous ? Toutes
6600
à la place de cela chez nous ? Toutes les nations
de
l’Europe se tenaient par la main en avançant dans les siècles. Quelqu
6601
ur la même route. Pour concevoir le développement
de
famille de ces peuples, il n’est pas besoin d’étudier l’histoire. Lis
6602
route. Pour concevoir le développement de famille
de
ces peuples, il n’est pas besoin d’étudier l’histoire. Lisez seulemen
6603
nt de famille de ces peuples, il n’est pas besoin
d’
étudier l’histoire. Lisez seulement le Tasse, et voyez-les tous proste
6604
se, et voyez-les tous prosternés au pied des murs
de
Jérusalem. Rappelez-vous que, pendant quinze siècles, ils n’ont eu qu
6605
prême, pour célébrer sa gloire dans le plus grand
de
ses bienfaits. Et cependant, Tchaadaïev ne croit pas que la Russie s
6606
ndant, Tchaadaïev ne croit pas que la Russie soit
d’
Europe — bien qu’elle soit destinée à sauver l’Europe en adoptant ses
6607
destinée à sauver l’Europe en adoptant ses formes
de
pensée, son sens de la durée, de la continuité, de l’unité… Dans ses
6608
Europe en adoptant ses formes de pensée, son sens
de
la durée, de la continuité, de l’unité… Dans ses Lettres philosophiqu
6609
ptant ses formes de pensée, son sens de la durée,
de
la continuité, de l’unité… Dans ses Lettres philosophiques, il repren
6610
e pensée, son sens de la durée, de la continuité,
de
l’unité… Dans ses Lettres philosophiques, il reprend l’idée que la Ru
6611
aines ; nous n’avons en rien contribué au progrès
de
l’esprit humain, et tout ce qui nous est revenu de ce progrès, nous l
6612
e l’esprit humain, et tout ce qui nous est revenu
de
ce progrès, nous l’avons défiguré. Nous ne nous sommes donné la peine
6613
vons défiguré. Nous ne nous sommes donné la peine
de
rien imaginer nous-mêmes, et, de tout ce que les autres ont imaginé,
6614
s donné la peine de rien imaginer nous-mêmes, et,
de
tout ce que les autres ont imaginé, nous n’avons emprunté que des app
6615
ses et le luxe inutile.232 Mais dans une lettre
de
1835, il pousse cette autocritique jusqu’au point « dialectique » où
6616
e se renverse : du désert russe sortira le messie
de
la culture européenne : Il ne s’agit donc nullement pour nous de cou
6617
ropéenne : Il ne s’agit donc nullement pour nous
de
courir après les autres ; il s’agit de nous apprécier franchement, de
6618
pour nous de courir après les autres ; il s’agit
de
nous apprécier franchement, de nous concevoir tels que nous sommes, d
6619
autres ; il s’agit de nous apprécier franchement,
de
nous concevoir tels que nous sommes, de sortir du mensonge, et de nou
6620
nchement, de nous concevoir tels que nous sommes,
de
sortir du mensonge, et de nous placer dans la vérité. Après cela, nou
6621
r tels que nous sommes, de sortir du mensonge, et
de
nous placer dans la vérité. Après cela, nous avancerons, et nous avan
6622
avail des siècles qui nous ont précédés. Les gens
de
l’Europe se méprennent étrangement sur notre compte. Voilà M. Jouffro
6623
ez-lui donc, je vous prie, quels sont les peuples
de
l’Asie que nous avons civilisés ? Apparemment les mastodontes et les
6624
es mastodontes et les autres populations fossiles
de
la Sibérie, seules races d’êtres, à ma connaissance, que nous ayons t
6625
populations fossiles de la Sibérie, seules races
d’
êtres, à ma connaissance, que nous ayons tirés de l’obscurité, et cela
6626
d’êtres, à ma connaissance, que nous ayons tirés
de
l’obscurité, et cela encore grâce aux Pallas et Fischer. Ils s’obstin
6627
’obstinent à nous livrer l’Orient ; par une sorte
d’
instinct de nationalité européenne, ils nous refoulent en Orient pour
6628
à nous livrer l’Orient ; par une sorte d’instinct
de
nationalité européenne, ils nous refoulent en Orient pour ne plus nou
6629
nous rencontrer en Occident. Ne soyons pas dupes
de
leur artifice involontaire ; cherchons nous-mêmes à découvrir notre a
6630
que nous avons à faire. L’Orient est aux maîtres
de
la mer, cela est évident, nous en sommes beaucoup plus éloignés que l
6631
ne sommes plus au temps où toutes les révolutions
de
l’Orient partaient de l’Asie centrale. La nouvelle Charte de la Compa
6632
s où toutes les révolutions de l’Orient partaient
de
l’Asie centrale. La nouvelle Charte de la Compagnie des Indes, voilà
6633
partaient de l’Asie centrale. La nouvelle Charte
de
la Compagnie des Indes, voilà désormais le véritable élément civilisa
6634
voilà désormais le véritable élément civilisateur
de
l’Asie. C’est l’Europe au contraire, que nous sommes destinés à instr
6635
nous sommes destinés à instruire sur une infinité
de
choses qu’elle ne saurait concevoir sans cela. Ne riez pas, vous save
6636
re force matérielle. Tel sera le résultat logique
de
notre longue solitude : toujours les grandes choses sont venues du dé
6637
servira singulièrement à hâter l’accomplissement
de
nos destinées. Frappée de stupeur et d’épouvante, l’Europe nous a rep
6638
hâter l’accomplissement de nos destinées. Frappée
de
stupeur et d’épouvante, l’Europe nous a repoussés avec colère ; la pa
6639
lissement de nos destinées. Frappée de stupeur et
d’
épouvante, l’Europe nous a repoussés avec colère ; la page fatale de n
6640
ope nous a repoussés avec colère ; la page fatale
de
notre histoire, écrite de la main de Pierre le Grand, est déchirée :
6641
colère ; la page fatale de notre histoire, écrite
de
la main de Pierre le Grand, est déchirée : grâce à Dieu, nous ne somm
6642
page fatale de notre histoire, écrite de la main
de
Pierre le Grand, est déchirée : grâce à Dieu, nous ne sommes plus de
6643
est déchirée : grâce à Dieu, nous ne sommes plus
de
l’Europe ; dès ce jour donc notre mission universelle a commencé. Tc
6644
t ici tout près des adversaires les plus acharnés
de
son Apologie d’un fou. Un an plus tard, en 1837, paraît le premier nu
6645
des adversaires les plus acharnés de son Apologie
d’
un fou. Un an plus tard, en 1837, paraît le premier numéro de la revue
6646
n an plus tard, en 1837, paraît le premier numéro
de
la revue des slavophiles, partisans d’un nationalisme spirituel et cu
6647
ier numéro de la revue des slavophiles, partisans
d’
un nationalisme spirituel et culturel, de l’orthodoxie pure et des cou
6648
artisans d’un nationalisme spirituel et culturel,
de
l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales de la Russie paysanne,
6649
de l’orthodoxie pure et des coutumes ancestrales
de
la Russie paysanne, telles que le mir, adversaires donc de « l’Europe
6650
sie paysanne, telles que le mir, adversaires donc
de
« l’Europe », et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume d’Ivan
6651
, et cette revue s’intitule Europa ! Par la plume
d’
Ivan Kireievsky, son principal rédacteur, elle oppose à l’Europe la no
6652
cipal rédacteur, elle oppose à l’Europe la notion
d’
enthousiasme, qui serait restée le privilège des Russes et que nos pay
6653
it restée le privilège des Russes et que nos pays
de
l’Ouest auraient perdue ; mais cette notion se trouve empruntée à Sch
6654
rialiste et bourgeoisement satisfaite, la mission
de
la Russie authentique est d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le
6655
tisfaite, la mission de la Russie authentique est
d’
inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe.
6656
n de la Russie authentique est d’inverser l’œuvre
de
Pierre le Grand : le salut de l’Europe sera russe. Pour Kireievsky et
6657
d’inverser l’œuvre de Pierre le Grand : le salut
de
l’Europe sera russe. Pour Kireievsky et ses amis, la notion d’hégémon
6658
era russe. Pour Kireievsky et ses amis, la notion
d’
hégémonie organisatrice est capitale : Mais pour que l’unité de l’Eur
6659
ganisatrice est capitale : Mais pour que l’unité
de
l’Europe se constitue organiquement et harmonieusement, il est nécess
6660
un centre défini, un peuple qui domine les autres
de
sa supériorité politique et culturelle. Toutes les grandes nations d
6661
itique et culturelle. Toutes les grandes nations
de
l’Europe ont exercé successivement cette hégémonie. Mais elles sont é
6662
bien que non européenne ou à cause de cela même —
de
restaurer l’Europe en la rendant conforme au génie russe ; pourtant,
6663
pourtant, cela ne pourra se faire qu’avec l’aide
de
l’Europe… … notre nationalité a été jusqu’ici une nationalité barbar
6664
iliser, l’élever, lui donner la vie et le pouvoir
d’
évoluer, ne serait possible que par la médiation d’une influence étran
6665
’évoluer, ne serait possible que par la médiation
d’
une influence étrangère ; et comme jusqu’ici toute notre civilisation
6666
omme jusqu’ici toute notre civilisation s’inspire
de
l’étranger ce n’est que de l’étranger que nous pourrons la recevoir j
6667
civilisation s’inspire de l’étranger ce n’est que
de
l’étranger que nous pourrons la recevoir jusqu’au moment où nous égal
6668
cevoir jusqu’au moment où nous égalerons le reste
de
l’Europe. Alors, quand la civilisation commune de l’Europe coïncidera
6669
de l’Europe. Alors, quand la civilisation commune
de
l’Europe coïncidera avec le nôtre propre, naîtra une civilisation vra
6670
aîtra une civilisation vraiment russe, expression
de
la vie spirituelle d’une nation instruite, d’une civilisation stable,
6671
vraiment russe, expression de la vie spirituelle
d’
une nation instruite, d’une civilisation stable, profonde, vivante et
6672
ion de la vie spirituelle d’une nation instruite,
d’
une civilisation stable, profonde, vivante et pleine de conséquences h
6673
civilisation stable, profonde, vivante et pleine
de
conséquences heureuses, pour la Russie et pour l’humanité. Telles so
6674
qu’à la fin du siècle. Il faut avouer qu’aux yeux
d’
un Européen d’aujourd’hui, les thèses communes aux deux écoles (décade
6675
siècle. Il faut avouer qu’aux yeux d’un Européen
d’
aujourd’hui, les thèses communes aux deux écoles (décadence européenne
6676
social), paraissent plus décisives que les points
de
désaccord (appréciation de la valeur du passé russe, insistance sur l
6677
cisives que les points de désaccord (appréciation
de
la valeur du passé russe, insistance sur la religion et ses conséquen
6678
antin). Nicolas Berdiaev, dans une page étonnante
de
ses Sources et sens du communisme russe (cité plus haut) donne une de
6679
isme russe (cité plus haut) donne une description
de
l’Intelligentzia russe que toute l’histoire récente de la vie soviéti
6680
Intelligentzia russe que toute l’histoire récente
de
la vie soviétique illustre et confirme. Les Russes ont témoigné d’un
6681
ue illustre et confirme. Les Russes ont témoigné
d’
une disposition spéciale à adopter les idées occidentales et à les bra
6682
sion ou dans l’erreur, mais c’est aussi une sorte
de
vertu qui témoigne d’un élan religieux total de l’âme. L’intelligentz
6683
mais c’est aussi une sorte de vertu qui témoigne
d’
un élan religieux total de l’âme. L’intelligentziste russe applique à
6684
e de vertu qui témoigne d’un élan religieux total
de
l’âme. L’intelligentziste russe applique à la science ces méthodes id
6685
ient pas ce dogme, et, par exemple, les partisans
de
Lamarck, étaient en butte à son mépris. Le philosophe le plus importa
6686
d que Léon Tolstoï (1828-1910), dans le préambule
de
son pamphlet intitulé « Les Décembristes », ait pu railler l’époque o
6687
n, mais avec une philosophie russe, et des revues
de
sens exclusivement russe, développant des principes russes, mais avec
6688
uropéenne […]. Tout le monde cherchait à déterrer
de
nouvelles questions et à les résoudre, tout le monde écrivait, lisait
6689
Russes, comme un seul homme, étaient dans un état
d’
exaltation indescriptible… Qui peut dire si Tolstoï se sent plus près
6690
occidentalistes quand il écrit233 : Il n’y a pas
de
raison de croire que les Russes soient nécessairement soumis à la mêm
6691
istes quand il écrit233 : Il n’y a pas de raison
de
croire que les Russes soient nécessairement soumis à la même loi de p
6692
Russes soient nécessairement soumis à la même loi
de
progression de la civilisation qui régit les peuples européens, ni qu
6693
écessairement soumis à la même loi de progression
de
la civilisation qui régit les peuples européens, ni que cette progres
6694
non se prolétariser, à l’imitation de l’Europe et
de
l’Amérique, mais au contraire, il doit résoudre chez lui le problème
6695
en slavophile comme Vladimir Soloviev, la mission
de
la Russie tient tout entière dans la spiritualité de l’orthodoxie, ta
6696
la Russie tient tout entière dans la spiritualité
de
l’orthodoxie, tandis que pour le révolutionnaire occidentaliste Alexa
6697
on et messianisme, mission (divine ou historique)
de
la Russie, face à l’Europe qui a perdu la vraie religion ou qui manqu
6698
e l’Orient et l’Occident sur le rôle et la nature
de
la « civilisation » elle-même ? C’est bien ce que nous suggère un des
6699
e nous suggère un des plus grands poètes lyriques
de
la Russie, Fiodor Ivan Tiouttchev (1803-1873) lorsqu’il écrit : Un b
6700
73) lorsqu’il écrit : Un bien grand inconvénient
de
notre position, c’est cette obligation où nous sommes d’appeler du no
6701
e position, c’est cette obligation où nous sommes
d’
appeler du nom d’Europe un fait qui ne devrait jamais s’appeler que pa
6702
cette obligation où nous sommes d’appeler du nom
d’
Europe un fait qui ne devrait jamais s’appeler que par son propre nom
6703
: Civilisation. C. Dostoïevski et la mission
de
la Russie Toutes ces contradictions, apparentes ou réelles, nous a
6704
serrés, fiévreuses et exaltées comme les hachures
de
Van Gogh et tourmentées comme ses nuages, dans les œuvres de Dostoïev
6705
et tourmentées comme ses nuages, dans les œuvres
de
Dostoïevski. À la question de savoir si la Russie appartient ou non à
6706
es, dans les œuvres de Dostoïevski. À la question
de
savoir si la Russie appartient ou non à l’Europe, personne n’a répond
6707
ppartient ou non à l’Europe, personne n’a répondu
d’
une manière à la fois plus abondante, plus sincère, et plus désespérém
6708
, et plus désespérément ambiguë. Il ne manque pas
d’
Européens de nos jours pour protester contre une prétendue « exclusion
6709
sespérément ambiguë. Il ne manque pas d’Européens
de
nos jours pour protester contre une prétendue « exclusion de la Russi
6710
s pour protester contre une prétendue « exclusion
de
la Russie » dont les conseils européens, non pas Staline, seraient re
6711
ïevski ne ferait-il pas partie du trésor culturel
de
l’Europe ? Voyons ce que lui-même en a dit. Fiodor Michaïlovitch Dost
6712
(1821-1881) se mit à publier en 1876 son Journal
d’
un écrivain, gazette mensuelle dont il était le seul rédacteur. Des pa
6713
n voici quelques brefs extraits. L’idée constante
de
Dostoïevski est celle de la mission de l’orthodoxie, en laquelle seul
6714
traits. L’idée constante de Dostoïevski est celle
de
la mission de l’orthodoxie, en laquelle seule …la face divine du Chr
6715
constante de Dostoïevski est celle de la mission
de
l’orthodoxie, en laquelle seule …la face divine du Christ s’est cons
6716
te image divine afin, lorsque le temps sera venu,
de
la révéler à un monde qui a perdu sa voie… Ce « monde » est en réali
6717
l’Europe n’a été aussi travaillée, et par autant
d’
éléments hostiles qu’à notre époque. On dirait que tout est sapé, miné
6718
ue l’Europe frappera à notre porte et nous criera
de
venir la sauver quand viendra l’heure dernière et que l’ordre des cho
6719
ans quelque droit, elle l’exigera, nous ordonnant
de
la lui accorder ; elle nous dira que nous faisons partie d’elle-même,
6720
accorder ; elle nous dira que nous faisons partie
d’
elle-même, que par conséquent le même ordre de choses se retrouve chez
6721
tie d’elle-même, que par conséquent le même ordre
de
choses se retrouve chez nous comme chez elle, que ce n’est pas en vai
6722
nts ans nous l’avons imitée et nous sommes vantés
d’
être des Européens, donc en la sauvant nous nous sauverons nous-mêmes…
6723
quel point nous avons toujours été dissemblables
de
l’Europe, en dépit de notre désir deux fois séculaire d’appartenir à
6724
rope, en dépit de notre désir deux fois séculaire
d’
appartenir à l’Europe, désir et rêve qui nous ont poussés à des actes
6725
prendrons certainement pas ce que l’Europe attend
de
nous, ce qu’elle nous demande, et en quoi nous pourrions alors lui êt
6726
us pas, au contraire, mettre à la raison l’ennemi
de
l’Europe et de son ordre par le même « fer et feu » que le prince de
6727
raire, mettre à la raison l’ennemi de l’Europe et
de
son ordre par le même « fer et feu » que le prince de Bismarck ? C’es
6728
ploit, que nous pourrons hardiment nous féliciter
d’
être tout à fait des Européens !235 Dostoïevski pense d’ailleurs que
6729
nse d’ailleurs que la Russie, tout en n’étant pas
d’
Europe sera bientôt la plus forte nation d’Europe : Dans le numéro de
6730
nt pas d’Europe sera bientôt la plus forte nation
d’
Europe : Dans le numéro de mars de mon Journal, je me suis laissé all
6731
t la plus forte nation d’Europe : Dans le numéro
de
mars de mon Journal, je me suis laissé aller à quelques rêveries sur
6732
s forte nation d’Europe : Dans le numéro de mars
de
mon Journal, je me suis laissé aller à quelques rêveries sur l’avenir
6733
uis laissé aller à quelques rêveries sur l’avenir
de
l’Europe. Mais ce n’est plus une rêverie, c’est presque une certitude
6734
tôt la Russie sera peut-être la plus forte nation
de
l’Europe. Cela résultera du fait que toutes les grandes puissances en
6735
faiblies et sapées par les efforts mal satisfaits
de
leur démocratie, par la proportion trop considérable des éléments app
6736
ge à cela, par une commune disposition, ou mieux,
d’
un commun accord. Il ne restera donc qu’un seul colosse sur le contine
6737
ira-t-il encore plus tôt qu’on ne pense. L’avenir
de
l’Europe appartient à la Russie…236 Ses affirmations réitérées (dan
6738
l’Europe, leur « seconde patrie », n’ont en somme
d’
autre effet que de mieux souligner la dualité existante et que certain
6739
econde patrie », n’ont en somme d’autre effet que
de
mieux souligner la dualité existante et que certains Européens s’obst
6740
nt ceux-ci ne pas s’en offusquer ! Il est inutile
de
protester contre un fait semblable. La plus haute parmi les hautes mi
6741
sentons devoir un jour assumer, c’est la mission
de
grouper l’humanité en un seul faisceau, car nous, ce n’est pas seulem
6742
re chair et à notre sang… La Convention française
de
1793, tout en décernant un brevet de citoyen au poète allemand Schill
6743
on française de 1793, tout en décernant un brevet
de
citoyen au poète allemand Schiller, l’ami de l’humanité, et bien qu’e
6744
evet de citoyen au poète allemand Schiller, l’ami
de
l’humanité, et bien qu’elle ait fait par là un beau geste, voire un g
6745
upçonnait certainement pas qu’à l’autre extrémité
de
l’Europe, dans la Moscovie inculte, ce même Schiller était bien plus
6746
aux Russes barbares non seulement qu’à la France
de
ce temps-là, mais à celle de tout le xixe siècle, où Schiller, citoy
6747
ement qu’à la France de ce temps-là, mais à celle
de
tout le xixe siècle, où Schiller, citoyen français et ami de l’human
6748
ixe siècle, où Schiller, citoyen français et ami
de
l’humanité, n’a jamais été connu que des professeurs de littérature,
6749
umanité, n’a jamais été connu que des professeurs
de
littérature, et encore pas de tous, et très partiellement. Or, Schill
6750
que des professeurs de littérature, et encore pas
de
tous, et très partiellement. Or, Schiller s’est incorporé à l’âme rus
6751
, il a presque marqué une période dans l’histoire
de
notre civilisation. Cette façon à nous de considérer la littérature u
6752
istoire de notre civilisation. Cette façon à nous
de
considérer la littérature universelle est un phénomène à peu près san
6753
ale, manifester une force active, ne peut manquer
de
devenir aussitôt un poète russe, ne peut échapper à la pensée russe,
6754
peut échapper à la pensée russe, ne peut manquer
d’
être presque une force russe […]237 Non, la Russie ne sera jamais d
6755
rce russe […]237 Non, la Russie ne sera jamais
d’
Europe … à moins que l’Europe ne devienne russe. Et le ton monte : La
6756
e. Et le ton monte : La Russie est quelque chose
de
tout à fait à part, ne ressemblant en rien à l’Europe, et doué de sa
6757
part, ne ressemblant en rien à l’Europe, et doué
de
sa vie propre. L’Europe a peut-être grand tort de se moquer des Russe
6758
de sa vie propre. L’Europe a peut-être grand tort
de
se moquer des Russes en les qualifiant de révolutionnaires : car nous
6759
nd tort de se moquer des Russes en les qualifiant
de
révolutionnaires : car nous sommes des révolutionnaires non seulement
6760
pas moins invincibles, justement grâce à l’unité
de
notre esprit national et de notre conscience nationale. Nous ne somme
6761
ement grâce à l’unité de notre esprit national et
de
notre conscience nationale. Nous ne sommes pas la France qui est tout
6762
pas l’Europe qui tout entière dépend des Bourses
de
sa bourgeoisie et de la tranquillité de ses prolétaires, tranquillité
6763
t entière dépend des Bourses de sa bourgeoisie et
de
la tranquillité de ses prolétaires, tranquillité que les gouvernement
6764
s Bourses de sa bourgeoisie et de la tranquillité
de
ses prolétaires, tranquillité que les gouvernements de là-bas s’effor
6765
s prolétaires, tranquillité que les gouvernements
de
là-bas s’efforcent d’acheter et qu’ils obtiennent tout au plus pour u
6766
llité que les gouvernements de là-bas s’efforcent
d’
acheter et qu’ils obtiennent tout au plus pour un laps de temps… Tiron
6767
er et qu’ils obtiennent tout au plus pour un laps
de
temps… Tirons l’épée, s’il le faut, au nom des malheureux persécutés,
6768
roirons que plus fortement à la véritable mission
de
la Russie, à sa puissance et à sa vérité : se sacrifier pour ceux qui
6769
rimés et abandonnés au nom des prétendus intérêts
de
la civilisation. Il faut que les organes politiques reconnaissent la
6770
quelque fart, que tout au moins une nation serve
de
flambeau. Qu’adviendrait-il sans cela ?239 Au nom de la véritable r
6771
rer et libérer par la sainte Russie, sous peine «
de
sombrer dans le cynisme » et d’y trouver leur fin, « vers laquelle il
6772
sie, sous peine « de sombrer dans le cynisme » et
d’
y trouver leur fin, « vers laquelle il semble bien qu’ils s’acheminent
6773
idées » — ou plutôt prophéties — mais les expose
d’
une manière moins haletante, et sur un ton plus ample et nostalgique :
6774
blait contradiction dans ses articles devient jeu
de
symboles poétiques. Un même « rêve de l’Europe » le hante, qu’il fait
6775
devient jeu de symboles poétiques. Un même « rêve
de
l’Europe » le hante, qu’il fait rêver successivement au Stavroguine d
6776
de L’Adolescent, et à l’homme ridicule du Journal
d’
un écrivain. Nous en donnons ici la version tirée de L’Adolescent 240,
6777
un écrivain. Nous en donnons ici la version tirée
de
L’Adolescent 240, la plus complète et la plus belle. Le soleil coucha
6778
e et la plus belle. Le soleil couchant du tableau
de
Claude Lorrain, après avoir illuminé L’Âge d’Or de l’humanité europée
6779
eau de Claude Lorrain, après avoir illuminé L’Âge
d’
Or de l’humanité européenne devient soudain, mêlé aux flammes des Tuil
6780
e Claude Lorrain, après avoir illuminé L’Âge d’Or
de
l’humanité européenne devient soudain, mêlé aux flammes des Tuileries
6781
ammes des Tuileries, l’éclairage du Grand Soir et
de
la fin de l’Europe. Je n’oublierai jamais mes premiers instants d’Eu
6782
Tuileries, l’éclairage du Grand Soir et de la fin
de
l’Europe. Je n’oublierai jamais mes premiers instants d’Europe… Je t
6783
ope. Je n’oublierai jamais mes premiers instants
d’
Europe… Je te raconterai une de mes premières impressions d’alors, un
6784
premiers instants d’Europe… Je te raconterai une
de
mes premières impressions d’alors, un songe que j’ai eu, un véritable
6785
Je te raconterai une de mes premières impressions
d’
alors, un songe que j’ai eu, un véritable songe. Il y a à Dresde, au M
6786
able songe. Il y a à Dresde, au Musée, un tableau
de
Claude Lorrain que le catalogue intitule L’âge d’or, j’ignore d’aille
6787
de Claude Lorrain que le catalogue intitule L’âge
d’
or, j’ignore d’ailleurs pourquoi… Je l’avais remarqué en passant. Je v
6788
que je vis ainsi ; comme dans le tableau, un coin
de
l’Archipel, il y a plus de trois-mille ans ; des vagues bleues et car
6789
ns le tableau, un coin de l’Archipel, il y a plus
de
trois-mille ans ; des vagues bleues et caressantes, des îles et des r
6790
dans le lointain un panorama féerique, un coucher
de
soleil séducteur… impossible de rendre cela en paroles. C’est l’human
6791
rique, un coucher de soleil séducteur… impossible
de
rendre cela en paroles. C’est l’humanité européenne qui se rappelle s
6792
rappelle son berceau : cette idée emplit mon âme
d’
un amour filial. C’était là le paradis terrestre de l’humanité : les d
6793
’un amour filial. C’était là le paradis terrestre
de
l’humanité : les dieux descendus du ciel et s’apparentant aux hommes…
6794
nnocents ; les prés et les bocages s’emplissaient
de
leurs chants et de leurs cris joyeux ; un immense surplus d’énergies
6795
et les bocages s’emplissaient de leurs chants et
de
leurs cris joyeux ; un immense surplus d’énergies vierges se répandai
6796
ants et de leurs cris joyeux ; un immense surplus
d’
énergies vierges se répandait en amour et en joies naïves. Le soleil l
6797
amour et en joies naïves. Le soleil les inondait
de
chaleur et de lumière, en admirant ces merveilleux enfants… Songe mer
6798
oies naïves. Le soleil les inondait de chaleur et
de
lumière, en admirant ces merveilleux enfants… Songe merveilleux, subl
6799
ux enfants… Songe merveilleux, sublime aberration
de
l’humanité ! L’âge d’or est le rêve le plus invraisemblable de tous c
6800
eilleux, sublime aberration de l’humanité ! L’âge
d’
or est le rêve le plus invraisemblable de tous ceux qui ont jamais été
6801
! L’âge d’or est le rêve le plus invraisemblable
de
tous ceux qui ont jamais été, mais pour lui des hommes ont donné tout
6802
éveillai et ouvris les yeux, littéralement baigné
de
larmes. J’étais heureux, je m’en souviens. Une sensation de bonheur e
6803
J’étais heureux, je m’en souviens. Une sensation
de
bonheur encore inéprouvé traversa mon cœur, jusqu’à la douleur ; c’ét
6804
a mon cœur, jusqu’à la douleur ; c’était un amour
de
toute l’humanité. C’était maintenant tout à fait le soir ; à travers
6805
re des fleurs placées sur la fenêtre, un faisceau
de
rayons obliques frappait la vitre de ma petite chambrette et m’inonda
6806
un faisceau de rayons obliques frappait la vitre
de
ma petite chambrette et m’inondait de lumière. Eh bien, mon ami, eh b
6807
it la vitre de ma petite chambrette et m’inondait
de
lumière. Eh bien, mon ami, eh bien ! ce soleil couchant du premier jo
6808
ami, eh bien ! ce soleil couchant du premier jour
de
l’humanité européenne, que je voyais dans mon songe, se transforma to
6809
n une réalité, en soleil couchant du dernier jour
de
l’humanité européenne ! À ce moment surtout on entendait tinter sur l
6810
surtout on entendait tinter sur l’Europe un glas
d’
enterrement. Je ne veux pas parler seulement de la guerre, ni des Tuil
6811
as d’enterrement. Je ne veux pas parler seulement
de
la guerre, ni des Tuileries ; je savais sans cela que tout passerait,
6812
e pouvais pas l’admettre. Oui, ils venaient alors
de
brûler les Tuileries… Oh ! sois tranquille, je sais que c’était « log
6813
». Et je comprends bien la puissance irrésistible
de
l’idée courante, mais, comme représentant de la haute pensée russe, j
6814
ible de l’idée courante, mais, comme représentant
de
la haute pensée russe, je ne pouvais l’admettre, car la haute pensée
6815
entier : j’étais seul et errant. Je ne parle pas
de
moi personnellement, mais de la pensée russe. Là-bas, il y avait comb
6816
ant. Je ne parle pas de moi personnellement, mais
de
la pensée russe. Là-bas, il y avait combat et logique ; là-bas le Fra
6817
ar conséquent, jamais le Français n’a fait autant
de
mal à la France, ni l’Allemand à son Allemagne qu’à cette époque-là !
6818
J’émigrai, poursuivit-il, et je ne regrettai rien
de
ce que je laissais derrière moi. Tout ce que j’avais de forces, je l’
6819
que je laissais derrière moi. Tout ce que j’avais
de
forces, je l’avais mis au service de la Russie tant que j’y avais véc
6820
que j’avais de forces, je l’avais mis au service
de
la Russie tant que j’y avais vécu ; une fois parti, je continuai à la
6821
avais été tout bonnement Russe, comme le Français
d’
alors n’était que Français, et l’Allemand qu’Allemand. En Europe, on n
6822
as. L’Europe a créé les nobles types du Français,
de
l’Anglais, de l’Allemand, mais de son homme futur elle ne sait encore
6823
créé les nobles types du Français, de l’Anglais,
de
l’Allemand, mais de son homme futur elle ne sait encore à peu près ri
6824
es du Français, de l’Anglais, de l’Allemand, mais
de
son homme futur elle ne sait encore à peu près rien. Et je crois bien
6825
it été dressé le bilan général, a reçu la faculté
d’
être le plus russe précisément lorsqu’il est le plus européen. C’est l
6826
ion nationale la plus essentielle qui nous sépare
de
tous les autres, et, à cet égard, nous ne sommes comme personne […] O
6827
i, c’est un fait remarquable que, voici déjà près
d’
un siècle, la Russie ne vit décidément plus pour elle-même, mais uniqu
6828
ent pour l’Europe ! Quant à eux, ils sont voués à
de
terribles souffrances, avant d’atteindre au Royaume de Dieu. Finis
6829
ils sont voués à de terribles souffrances, avant
d’
atteindre au Royaume de Dieu. Finis Europæ… Dans les Frères Karamazo
6830
rribles souffrances, avant d’atteindre au Royaume
de
Dieu. Finis Europæ… Dans les Frères Karamazov, Ivan parle en ces te
6831
ns les Frères Karamazov, Ivan parle en ces termes
de
son prochain départ pour l’Europe : Je sais bien que je vais dans un
6832
e vais dans un cimetière, mais c’est le plus cher
de
tous les cimetières… Tout proche des Russes par la passion spirituel
6833
6) appartient à son siècle comme l’œil à la tombe
de
Caïn. C’est notre temps qui l’a compris. Où le classer ? Tout l’exist
6834
istentialisme vient de lui, et c’est le contraire
d’
un système. Plaçons-le entre deux chapitres, comme il eût souhaité, lu
6835
« Le Solitaire » : Toute l’Europe, avec la hâte
d’
une passion croissante, se perd dans des problèmes mondains qui ne sau
6836
les hommes — est apparu, il est devenu impossible
d’
avancer d’un pas vers la solution du problème de l’égalité de l’homme
6837
— est apparu, il est devenu impossible d’avancer
d’
un pas vers la solution du problème de l’égalité de l’homme avec l’hom
6838
e d’avancer d’un pas vers la solution du problème
de
l’égalité de l’homme avec l’homme, selon ce monde dont l’essence est
6839
’un pas vers la solution du problème de l’égalité
de
l’homme avec l’homme, selon ce monde dont l’essence est la diversité
6840
barrée pour toujours ; et cette frontière se rit
de
tous les efforts humains, se rit de la mesquinerie du temporel face a
6841
ntière se rit de tous les efforts humains, se rit
de
la mesquinerie du temporel face au droit suprême et seigneurial de l’
6842
du temporel face au droit suprême et seigneurial
de
l’éternel, lorsque le temporel prétend expliquer à la manière du mond
6843
res et bombardements soient nécessaires, item que
de
nombreux ministres perdent la raison… Mais nul ne peut savoir combien
6844
erdent la raison… Mais nul ne peut savoir combien
de
temps l’on passera dans la pure convulsivité.242 219. Cattaneo :
6845
Danger russe et l’Europe ». 222. La Russie est,
de
toutes les nations de l’Ancien Monde, celle dont la population augmen
6846
ope ». 222. La Russie est, de toutes les nations
de
l’Ancien Monde, celle dont la population augmente le plus rapidement,
6847
mente le plus rapidement, proportion gardée (Note
de
Tocqueville). 223. Alexis de Tocqueville : Œuvres complètes, Édition
6848
tes, Édition définitive publiée sous la direction
de
J.-P. Mayer, tome I, i : De la Démocratie en Amérique, pages 430-431.
6849
iée sous la direction de J.-P. Mayer, tome I, i :
De
la Démocratie en Amérique, pages 430-431. Éd. Gallimard, Paris. 224.
6850
7. K. Marx, articles du New York Herald Tribune,
de
1853 à 1856, publiés en 1897 sous le titre « The Eastern Question ».
6851
ions Gallimard. 231. Lettres sur la Philosophie
de
l’Histoire, éd. Gerchenson, Moscou 1913, p. 81-88. 232. op. cit., p
6852
Russie face à l’Occident, suite tirée du Journal
d’
un écrivain, par André Chédel, Lausanne, 1945. 235. Journal d’un écr
6853
par André Chédel, Lausanne, 1945. 235. Journal
d’
un écrivain, ch. I, mars 1876. 236. Journal d’un écrivain, II, avril
6854
l d’un écrivain, ch. I, mars 1876. 236. Journal
d’
un écrivain, II, avril 1876. 237. Ibid., 1er juin 1876. 238. Ibid.
6855
239. Ibid., février 1877. 240. Trad. française
de
Pierre Pascal, Paris 1934. 241. Cf. Dimitri Merejkowsky, dans son Rè
6856
34. 241. Cf. Dimitri Merejkowsky, dans son Règne
de
l’Antéchrist, Paris 1921 : « Les Européens, en Europe, sont Anglais,
6857
sie et l’Europe. » Rousseau, dans le Gouvernement
de
la Pologne, déplorait au contraire qu’il n’y eut plus en Europe que d
6858
emand Léopold von Ranke (1795-1886), un sentiment
d’
incongruité profond s’empare de l’esprit : ou bien les descriptions de
6859
886), un sentiment d’incongruité profond s’empare
de
l’esprit : ou bien les descriptions des Russes sont délirantes et ne
6860
e leur propre esprit, ou bien le sobre interprète
de
l’Europe n’a simplement pas vu les réalités parmi lesquelles il a véc
6861
réalités parmi lesquelles il a vécu pendant près
d’
un siècle. Les deux mondes en tout cas ne sont pas contemporains, en d
6862
demandait lequel est le plus vrai, il serait vain
d’
espérer aucune réponse sérieuse : les méthodes ne sont pas comparables
6863
es ne sont pas comparables ici et là, et les fins
d’
ordres différents. Ranke est en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa vo
6864
t les fins d’ordres différents. Ranke est en plus
d’
un sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité, de sobriété spirit
6865
st en plus d’un sens l’anti-Hegel, par sa volonté
d’
objectivité, de sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce
6866
sens l’anti-Hegel, par sa volonté d’objectivité,
de
sobriété spirituelle, de description contrôlée de « ce qui s’est vrai
6867
a volonté d’objectivité, de sobriété spirituelle,
de
description contrôlée de « ce qui s’est vraiment passé », et par son
6868
de sobriété spirituelle, de description contrôlée
de
« ce qui s’est vraiment passé », et par son refus de tout système dia
6869
« ce qui s’est vraiment passé », et par son refus
de
tout système dialectique permettant de survoler les faits et dotant l
6870
son refus de tout système dialectique permettant
de
survoler les faits et dotant l’évolution d’on ne sait quelle énergie
6871
ttant de survoler les faits et dotant l’évolution
d’
on ne sait quelle énergie intrinsèque : « Chaque génération est immédi
6872
lui, ne conquiert que par sa « culture » le droit
de
jouer un rôle actif dans l’histoire mondiale. La primauté appartient
6873
« romano-germanique » : Italie — France — Espagne
d’
un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie de l’autre. César, par s
6874
e d’un côté, Allemagne — Angleterre — Scandinavie
de
l’autre. César, par sa conquête des Gaules a rendu possible cette con
6875
e cette configuration, dont Charlemagne, « prince
de
la culture », a créé la première unité. Sous la conduite des papes ro
6876
s romains et des empereurs germains, la « liaison
de
l’Europe entière » n’a cessé de se développer et de s’affirmer. Ranke
6877
ins, la « liaison de l’Europe entière » n’a cessé
de
se développer et de s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le confl
6878
l’Europe entière » n’a cessé de se développer et
de
s’affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit de la papauté et
6879
affirmer. Ranke ne croit nullement que le conflit
de
la papauté et de l’Empire, puis du Catholicisme et de la Réforme, aie
6880
e croit nullement que le conflit de la papauté et
de
l’Empire, puis du Catholicisme et de la Réforme, aient été des grands
6881
a papauté et de l’Empire, puis du Catholicisme et
de
la Réforme, aient été des grands malheurs pour l’Europe, car cette bi
6882
alheurs pour l’Europe, car cette bipolarité … a
de
profondes racines dans la nature même des choses et c’est même grâce
6883
s et c’est même grâce à ces conflits que l’esprit
de
l’Europe a mûri. Tensions fécondes donc, et non pas déchirements cat
6884
doivent pas empêcher l’historien fidèle aux faits
de
constater … que le complexe des États chrétiens d’Europe doit être c
6885
constater … que le complexe des États chrétiens
d’
Europe doit être considéré comme un ensemble, en quelque sorte comme u
6886
plus grave que représentent pour l’unité foncière
de
l’Europe les souverainetés nationales absolues : Cependant, celui qu
6887
onales absolues : Cependant, celui qui s’efforce
de
ne voir qu’une simple tendance de l’histoire universelle dans cette i
6888
i qui s’efforce de ne voir qu’une simple tendance
de
l’histoire universelle dans cette importance de plus en plus grande q
6889
Ses derniers ouvrages — contemporains du Journal
d’
un écrivain de Dostoïevski ! — sont à la gloire de la civilisation et
6890
ouvrages — contemporains du Journal d’un écrivain
de
Dostoïevski ! — sont à la gloire de la civilisation et du génie chrét
6891
d’un écrivain de Dostoïevski ! — sont à la gloire
de
la civilisation et du génie chrétien de l’Europe, summum bonum de l’h
6892
la gloire de la civilisation et du génie chrétien
de
l’Europe, summum bonum de l’humanité. Élevons notre pensée, non par
6893
on et du génie chrétien de l’Europe, summum bonum
de
l’humanité. Élevons notre pensée, non par l’imagination, mais par un
6894
oulement des faits, afin d’avoir une vue générale
de
l’histoire universelle… Si variés que puissent être nos déchirements
6895
Autrefois d’autres nations et d’autres ensembles
de
peuples furent florissants, qui étaient animés par d’autres principes
6896
in de nous… L’Empire ottoman est écrasé, traversé
de
tous côtés par le fait chrétien. Disons-le tout net : par « fait chré
6897
ignent qu’incomplètement la chose. C’est le génie
de
l’Occident. C’est l’esprit qui transforme les peuples en armées bien
6898
les canaux, s’approprie les mers en les couvrant
de
flottes, remplit les lointains continents de colonies, sonde les myst
6899
rant de flottes, remplit les lointains continents
de
colonies, sonde les mystères de la nature par la recherche scientifiq
6900
ntains continents de colonies, sonde les mystères
de
la nature par la recherche scientifique, pénètre dans tous les domain
6901
par un travail incessant, sans pour autant perdre
de
vue la vérité éternelle, enfin qui fait régner l’ordre et la loi parm
6902
re et la loi parmi les hommes malgré la diversité
de
leurs passions. Cet esprit, nous le voyons accomplir des progrès énor
6903
conquis l’Amérique, l’enlevant aux forces brutes
de
la nature et aux peuplades indomptables qui l’habitaient, puis il l’a
6904
; par différentes voies il pénètre jusqu’au fond
de
la lointaine Asie où il n’y a guère que la Chine qui puisse encore lu
6905
univers spirituel et historique où la prééminence
de
l’Europe dans la civilisation mondiale ne saurait être mise en questi
6906
ques illusions rationalistes (ainsi dans L’Avenir
de
la Science), il a su voir mieux que Ranke le danger du nationalisme p
6907
u nationalisme pour l’Europe, pour « les intérêts
de
la raison et de la civilisation ». C’est la guerre de 1870, illustran
6908
our l’Europe, pour « les intérêts de la raison et
de
la civilisation ». C’est la guerre de 1870, illustrant les conséquenc
6909
a raison et de la civilisation ». C’est la guerre
de
1870, illustrant les conséquences tragiques du nationalisme d’État, q
6910
strant les conséquences tragiques du nationalisme
d’
État, qui l’oblige, toutes affaires cessantes, à faire face aux problè
6911
fait national. À l’idée romantique et herdérienne
d’
une nation fondée sur la race, la langue, la naissance, le passé, Rena
6912
ngue, la naissance, le passé, Renan oppose l’idée
d’
une nation fédérée par le « consentement actuel » des populations et p
6913
nt actuel » des populations et par leur « volonté
de
vivre ensemble » en vue d’un avenir commun. Cette analyse capitale po
6914
et par leur « volonté de vivre ensemble » en vue
d’
un avenir commun. Cette analyse capitale pour toute l’évolution de l’i
6915
un. Cette analyse capitale pour toute l’évolution
de
l’idée européenne dont il formule la thèse en plein drame collectif,
6916
ule la thèse en plein drame collectif, il choisit
de
l’adresser personnellement à l’un de ses pairs dans la science neuve
6917
, il choisit de l’adresser personnellement à l’un
de
ses pairs dans la science neuve des civilisations, le professeur alle
6918
id Strauss. Sa première lettre est datée du début
de
la guerre, sa seconde lettre de la fin. L’idée de fédération y surgit
6919
st datée du début de la guerre, sa seconde lettre
de
la fin. L’idée de fédération y surgit une fois de plus, comme la solu
6920
de la guerre, sa seconde lettre de la fin. L’idée
de
fédération y surgit une fois de plus, comme la solution évidente des
6921
me la solution évidente des déchirements absurdes
de
l’Europe : La paix ne peut, à ce qu’il semble, être conclue directem
6922
et l’Allemagne ; elle ne peut être l’ouvrage que
de
l’Europe, qui a blâmé la guerre et qui doit vouloir qu’aucun des memb
6923
a guerre et qui doit vouloir qu’aucun des membres
de
la famille européenne ne soit trop affaibli. Vous parlez à bon droit
6924
ne ne soit trop affaibli. Vous parlez à bon droit
de
garanties contre le retour de rêves malsains ; mais quelle garantie v
6925
parlez à bon droit de garanties contre le retour
de
rêves malsains ; mais quelle garantie vaudrait celle de l’Europe, con
6926
es malsains ; mais quelle garantie vaudrait celle
de
l’Europe, consacrant de nouveau les frontières actuelles et interdisa
6927
tières actuelles et interdisant à qui que ce soit
de
songer à déplacer les bornes fixées par les anciens traités ? Toute a
6928
se cela, et elle aura posé pour l’avenir le germe
de
la plus féconde institution, je veux dire d’une autorité centrale, so
6929
erme de la plus féconde institution, je veux dire
d’
une autorité centrale, sorte de congrès des États-Unis d’Europe, jugea
6930
tion, je veux dire d’une autorité centrale, sorte
de
congrès des États-Unis d’Europe, jugeant les nations, s’imposant à el
6931
eant le principe des nationalités par le principe
de
fédération… Le principe de la fédération européenne peut ainsi offrir
6932
alités par le principe de fédération… Le principe
de
la fédération européenne peut ainsi offrir une base de médiation semb
6933
fédération européenne peut ainsi offrir une base
de
médiation semblable à celle que l’Église offrait au Moyen Âge.245 …
6934
les violences du passé. La Lorraine a fait partie
de
l’empire germanique, sans aucun doute ; mais la Hollande, la Suisse,
6935
squ’à Bénévent, et en remontant au-delà du traité
de
Verdun, la France entière, en y comprenant même la Catalogne, en ont
6936
artie. L’Alsace est maintenant un pays germanique
de
langue et de race ; mais, avant d’être envahie par la race germanique
6937
ce est maintenant un pays germanique de langue et
de
race ; mais, avant d’être envahie par la race germanique, l’Alsace ét
6938
ays germanique de langue et de race ; mais, avant
d’
être envahie par la race germanique, l’Alsace était un pays celtique,
6939
lsace était un pays celtique, ainsi qu’une partie
de
l’Allemagne du Sud. Nous ne concluons pas de là que l’Allemagne du Su
6940
rtie de l’Allemagne du Sud. Nous ne concluons pas
de
là que l’Allemagne du Sud doive être française ; mais qu’on ne vienne
6941
terait. Presque partout où les patriotes fougueux
de
l’Allemagne réclament un droit germanique, nous pourrions réclamer un
6942
y eut les orangs-outangs. Avec cette philosophie
de
l’histoire, il n’y aura de légitime dans le monde que le droit des or
6943
Avec cette philosophie de l’histoire, il n’y aura
de
légitime dans le monde que le droit des orangs-outangs, injustement d
6944
telles que les a faites l’histoire sont les pairs
d’
un grand sénat où chaque membre est inviolable. L’Europe est une confé
6945
re est inviolable. L’Europe est une confédération
d’
États réunis par l’idée commune de la civilisation. L’individualité de
6946
e confédération d’États réunis par l’idée commune
de
la civilisation. L’individualité de chaque nation est constituée sans
6947
’idée commune de la civilisation. L’individualité
de
chaque nation est constituée sans doute par la race, la langue, l’his
6948
stoire, la religion, mais aussi par quelque chose
de
beaucoup plus tangible, par le consentement actuel, par la volonté qu
6949
, par la volonté qu’ont les différentes provinces
d’
un État de vivre ensemble.246 Douze ans plus tard, dans une confére
6950
olonté qu’ont les différentes provinces d’un État
de
vivre ensemble.246 Douze ans plus tard, dans une conférence à la S
6951
es. Et tout d’abord, dans une préface à l’édition
de
son texte, datée du 8 mai 1887, il réitère sa thèse fondamentale : L
6952
un être moral. On n’admet plus qu’il soit permis
de
persécuter les gens pour leur faire changer de religion ; les persécu
6953
is de persécuter les gens pour leur faire changer
de
religion ; les persécuter pour leur faire changer de langue ou de pat
6954
religion ; les persécuter pour leur faire changer
de
langue ou de patrie nous paraît tout aussi mal… Ce qui constitue une
6955
s persécuter pour leur faire changer de langue ou
de
patrie nous paraît tout aussi mal… Ce qui constitue une nation, ce n’
6956
si mal… Ce qui constitue une nation, ce n’est pas
de
parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnographique,
6957
nation, ce n’est pas de parler la même langue ou
d’
appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble
6958
d’appartenir au même groupe ethnographique, c’est
d’
avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en f
6959
roupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble
de
grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’ave
6960
fait ensemble de grandes choses dans le passé et
de
vouloir en faire encore dans l’avenir. De la conférence elle-même, q
6961
ssé et de vouloir en faire encore dans l’avenir.
De
la conférence elle-même, qui marque une date, et dont on a si souvent
6962
roduction et précautions liminaires : À l’époque
de
la Révolution française, on croyait que les institutions de petites v
6963
lution française, on croyait que les institutions
de
petites villes indépendantes, telles que Sparte et Rome, pouvaient s’
6964
Rome, pouvaient s’appliquer à nos grandes nations
de
trente à quarante millions d’âmes. De nos jours, on commet une erreur
6965
nos grandes nations de trente à quarante millions
d’
âmes. De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la ra
6966
des nations de trente à quarante millions d’âmes.
De
nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec
6967
à celle des peuples réellement existants. Tâchons
d’
arriver à quelque précision en ces questions difficiles, où la moindre
6968
que nous allons faire est délicat ; c’est presque
de
la vivisection ; nous allons traiter les vivants comme d’ordinaire on
6969
visection ; nous allons traiter les vivants comme
d’
ordinaire on traite les morts. Nous y mettrons la froideur, l’impartia
6970
absolue… L’Europe s’est constituée par le refus
de
toute hégémonie d’une de ses nations ou régions : Depuis la fin de l
6971
s’est constituée par le refus de toute hégémonie
d’
une de ses nations ou régions : Depuis la fin de l’Empire romain, ou,
6972
constituée par le refus de toute hégémonie d’une
de
ses nations ou régions : Depuis la fin de l’Empire romain, ou, mieux
6973
d’une de ses nations ou régions : Depuis la fin
de
l’Empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation de l’empire de Char
6974
l’Empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation
de
l’empire de Charlemagne, l’Europe occidentale nous apparaît divisée e
6975
ain, ou, mieux, depuis la dislocation de l’empire
de
Charlemagne, l’Europe occidentale nous apparaît divisée en nations, d
6976
e hégémonie sur les autres, sans jamais y réussir
d’
une manière durable. Ce que n’ont pu Charles-Quint, Louis XIV, Napoléo
6977
ement ne le pourra dans l’avenir. L’établissement
d’
un nouvel Empire romain ou d’un nouvel empire de Charlemagne est deven
6978
nir. L’établissement d’un nouvel Empire romain ou
d’
un nouvel empire de Charlemagne est devenu une impossibilité. La divis
6979
t d’un nouvel Empire romain ou d’un nouvel empire
de
Charlemagne est devenu une impossibilité. La division de l’Europe est
6980
lemagne est devenu une impossibilité. La division
de
l’Europe est trop grande pour qu’une tentative de domination universe
6981
de l’Europe est trop grande pour qu’une tentative
de
domination universelle ne provoque pas très vite une coalition qui fa
6982
t européens et modernes : Les nations, entendues
de
cette manière, sont quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire. L’
6983
s, entendues de cette manière, sont quelque chose
d’
assez nouveau dans l’histoire. L’antiquité ne les connut pas : l’Égypt
6984
fils du Soleil ou un fils du Ciel. Il n’y eut pas
de
citoyens égyptiens, pas plus qu’il n’y a de citoyens chinois. L’antiq
6985
t pas de citoyens égyptiens, pas plus qu’il n’y a
de
citoyens chinois. L’antiquité classique eut des républiques et des ro
6986
s et des royautés municipales, des confédérations
de
républiques locales, des empires ; elle n’eut guère la nation au sens
6987
s la comprenons. Athènes, Sparte, Sidon, Tyr sont
de
petits centres d’admirable patriotisme ; mais ce sont des cités avec
6988
thènes, Sparte, Sidon, Tyr sont de petits centres
d’
admirable patriotisme ; mais ce sont des cités avec un territoire rela
6989
ption dans l’Empire romain, étaient des ensembles
de
peuplades, souvent liguées entre elles, mais sans institutions centra
6990
ies. L’empire assyrien, l’empire persan, l’empire
d’
Alexandre ne furent pas non plus des patries. Il n’y eut jamais de pat
6991
urent pas non plus des patries. Il n’y eut jamais
de
patriotes assyriens… La race, la langue, la culture, définissent-ell
6992
science instinctive qui a présidé à la confection
de
la carte d’Europe n’a tenu aucun compte de la race, et les premières
6993
inctive qui a présidé à la confection de la carte
d’
Europe n’a tenu aucun compte de la race, et les premières nations de l
6994
ection de la carte d’Europe n’a tenu aucun compte
de
la race, et les premières nations de l’Europe sont des nations de san
6995
aucun compte de la race, et les premières nations
de
l’Europe sont des nations de sang essentiellement mélangé. Le fait de
6996
es premières nations de l’Europe sont des nations
de
sang essentiellement mélangé. Le fait de la race, capital à l’origine
6997
nations de sang essentiellement mélangé. Le fait
de
la race, capital à l’origine, va donc toujours perdant de son importa
6998
ce, capital à l’origine, va donc toujours perdant
de
son importance. L’histoire humaine diffère essentiellement de la zool
6999
tance. L’histoire humaine diffère essentiellement
de
la zoologie. La race n’y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les
7000
es rongeurs ou les félins, et on n’a pas le droit
d’
aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorg
7001
s les prendre à la gorge en leur disant : — Tu es
de
notre sang tu nous appartiens !… … Ce que nous venons de dire de la r
7002
u nous appartiens !… … Ce que nous venons de dire
de
la race, il faut le dire de la langue. La langue invite à se réunir ;
7003
e nous venons de dire de la race, il faut le dire
de
la langue. La langue invite à se réunir ; elle n’y force pas. Les Éta
7004
faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment
de
ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans
7005
quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose
de
supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’ê
7006
érieur à la langue : c’est la volonté. La volonté
de
la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait
7007
angue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse
d’
être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien plus imp
7008
lonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété
de
ses idiomes, est un fait bien plus important qu’une similitude de lan
7009
est un fait bien plus important qu’une similitude
de
langage souvent obtenue par des vexations. La nation serait-elle mi
7010
ons. La géographie est un des facteurs essentiels
de
l’histoire… Peut-on dire cependant, comme le croient certains partis,
7011
comme le croient certains partis, que les limites
d’
une nation sont écrites sur la carte et que cette nation a le droit de
7012
rites sur la carte et que cette nation a le droit
de
s’adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours, pour
7013
gne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte
de
faculté limitante a priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbit
7014
de faculté limitante a priori ? Je ne connais pas
de
doctrine plus arbitraire ni plus funeste. Avec cela, on justifie tout
7015
lles qui séparent et celles qui ne séparent pas ?
De
Biarritz à Tomea, il n’y a pas une embouchure de fleuve qui ait plus
7016
De Biarritz à Tomea, il n’y a pas une embouchure
de
fleuve qui ait plus qu’une autre un caractère bornal. Si l’histoire l
7017
l’Oder auraient, autant que le Rhin, ce caractère
de
frontière naturelle qui a fait commettre tant d’infractions au droit
7018
de frontière naturelle qui a fait commettre tant
d’
infractions au droit fondamental, qui est la volonté des hommes. Une
7019
autre dans le présent. Dans le passé, un héritage
de
gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à ré
7020
présent. Dans le passé, un héritage de gloire et
de
regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoi
7021
voilà ce que l’on comprend malgré les diversités
de
race et de langue. … Par leurs facultés diverses, souvent opposées, l
7022
ue l’on comprend malgré les diversités de race et
de
langue. … Par leurs facultés diverses, souvent opposées, les nations
7023
t opposées, les nations servent à l’œuvre commune
de
la civilisation ; toutes apportent une note à ce grand concert de l’h
7024
on ; toutes apportent une note à ce grand concert
de
l’humanité, qui, en somme, est la plus haute réalité idéale que nous
7025
les nations pour des qualités, qui se nourrirait
de
vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qu
7026
s hommes. … Les nations ne sont pas quelque chose
d’
éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européen
7027
ropéenne, probablement, les remplacera. L’auteur
de
La Culture de la Renaissance et des Considérations sur l’Histoire uni
7028
ablement, les remplacera. L’auteur de La Culture
de
la Renaissance et des Considérations sur l’Histoire universelle, l’hi
7029
kob Burckhardt (1818-1897) a incarné la tradition
d’
une cité humaniste, allemande par la langue et suisse par le civisme,
7030
la langue et suisse par le civisme, mais nourrie
d’
influences françaises et italiennes. On ne trouve pas dans son œuvre d
7031
es et italiennes. On ne trouve pas dans son œuvre
de
système d’interprétation ou de construction métaphysique ; mais une e
7032
ennes. On ne trouve pas dans son œuvre de système
d’
interprétation ou de construction métaphysique ; mais une espèce d’imp
7033
pas dans son œuvre de système d’interprétation ou
de
construction métaphysique ; mais une espèce d’impersonnalité classiqu
7034
ou de construction métaphysique ; mais une espèce
d’
impersonnalité classique, secrètement passionnée, et la pénétration d’
7035
ssique, secrètement passionnée, et la pénétration
d’
un regard imaginatif qui ressuscite le passé qu’il aime, « taxe » avec
7036
rophètes inspirés. Nietzsche l’excessif n’a cessé
de
rechercher l’amitié de Burckhardt le mesuré. Et certes, ce dernier av
7037
zsche l’excessif n’a cessé de rechercher l’amitié
de
Burckhardt le mesuré. Et certes, ce dernier avait chaudement soutenu
7038
liment écarté les avances pathétiques du prophète
de
Zarathoustra. Au moment de sombrer, à Turin, Nietzsche envoie deux dé
7039
seur bâlois se trouve être un « Polizeidirektor »
de
Karlsruhe, Friedrich von Preen. Lorsque Burckhardt parle de « l’histo
7040
he, Friedrich von Preen. Lorsque Burckhardt parle
de
« l’histoire mondiale », il se limite très consciemment à l’Europe, c
7041
u sens le plus élevé du mot, les peuples à l’état
de
civilisation, et non ceux qui sont à l’état de nature. Et même parmi
7042
ux dont la culture n’est pas embranchée sur celle
de
l’Europe, par exemple le Japon et la Chine. Pour ce qui est des Indes
7043
erses, Macédoniens et autres peuples. Notre objet
d’
étude se circonscrit donc au seul passé qui ait un rapport distinct av
7044
l’on sait que cette époque heureuse appelée l’âge
d’
or, au sens mythique du mot, n’a jamais existé et n’existera jamais, o
7045
jamais existé et n’existera jamais, on s’abstient
de
surévaluer follement un certain passé ou de désespérer follement du p
7046
tient de surévaluer follement un certain passé ou
de
désespérer follement du présent ou enfin d’espérer follement en l’ave
7047
sé ou de désespérer follement du présent ou enfin
d’
espérer follement en l’avenir ; mais on voit cependant dans l’étude de
7048
des plus nobles occupations. Le passé n’est rien
d’
autre que l’histoire de la vie et des souffrances de l’humanité consid
7049
tions. Le passé n’est rien d’autre que l’histoire
de
la vie et des souffrances de l’humanité considérée dans son ensemble.
7050
autre que l’histoire de la vie et des souffrances
de
l’humanité considérée dans son ensemble. Et cependant l’Antiquité a d
7051
e : c’est à elle que nous devons notre conception
de
l’État ; elle vit naître nos religions et est encore aujourd’hui l’él
7052
est encore aujourd’hui l’élément le plus durable
de
notre civilisation. Ses créations, dans le domaine des arts plastique
7053
nous oppose à elle… Et même si nous sommes issus
de
peuples qui, encore en leur enfance, sommeillèrent à côté des grands
7054
sommeillèrent à côté des grands peuples civilisés
de
l’Antiquité, nous ne nous sentons pas moins les descendants de ceux-c
7055
é, nous ne nous sentons pas moins les descendants
de
ceux-ci, parce que leur âme a passé en nous et que leur labeur, leur
7056
répond : la papauté, le Saint-Empire, la conquête
de
l’Outremer, quelques grandes individualités, et la lutte permanente c
7057
és, et la lutte permanente contre toute hégémonie
d’
un des grands États : Un seul danger mortel a paru constamment menace
7058
’écrasante puissance mécanique, qu’elle provienne
d’
un peuple barbare conquérant ou d’une accumulation des moyens de guerr
7059
’elle provienne d’un peuple barbare conquérant ou
d’
une accumulation des moyens de guerre au service d’un État ou d’une te
7060
rbare conquérant ou d’une accumulation des moyens
de
guerre au service d’un État ou d’une tendance, ou peut-être même des
7061
’une accumulation des moyens de guerre au service
d’
un État ou d’une tendance, ou peut-être même des masses actuelles. Ce
7062
tion des moyens de guerre au service d’un État ou
d’
une tendance, ou peut-être même des masses actuelles. Ce ne sont pas l
7063
asses actuelles. Ce ne sont pas les pires ennemis
de
Rome qui ont sauvé l’Europe, mais bien les ennemis les plus opiniâtre
7064
Europe, mais bien les ennemis les plus opiniâtres
de
l’Espagne : les Hollandais, l’Angleterre (la protestante et la cathol
7065
’arrache au danger que constituent les tentatives
d’
unification et de nivellement politico-socialo-religieux qu’on cherche
7066
r que constituent les tentatives d’unification et
de
nivellement politico-socialo-religieux qu’on cherche à lui imposer pa
7067
la plus spécifique, la richesse infiniment variée
de
son esprit. C’est bien un lieu commun de répéter que l’esprit est inv
7068
t variée de son esprit. C’est bien un lieu commun
de
répéter que l’esprit est invincible et qu’il vaincra toujours, alors
7069
que réellement il ne dépend parfois que du degré
d’
énergie d’un seul homme à un certain moment pour que des peuples ou de
7070
ement il ne dépend parfois que du degré d’énergie
d’
un seul homme à un certain moment pour que des peuples ou des civilisa
7071
ères soient ou non appelés à disparaître. Il faut
de
grands individus et ceux-ci ont besoin de réussir. Mais l’Europe a fr
7072
Il faut de grands individus et ceux-ci ont besoin
de
réussir. Mais l’Europe a fréquemment eu de grands hommes aux moments
7073
besoin de réussir. Mais l’Europe a fréquemment eu
de
grands hommes aux moments cruciaux de son histoire.250 Mais qu’est-
7074
quemment eu de grands hommes aux moments cruciaux
de
son histoire.250 Mais qu’est-ce que l’Europe, en fin de compte ? Bu
7075
pe en tant que foyer, à la fois vieux et nouveau,
d’
une vie aux mille aspects, lieu de naissance des plus riches créations
7076
eux et nouveau, d’une vie aux mille aspects, lieu
de
naissance des plus riches créations, patrie de tous les contrastes qu
7077
eu de naissance des plus riches créations, patrie
de
tous les contrastes qui se résorbent en la seule unité ; ici, tout ce
7078
moyen. Voilà qui est européen : la manifestation
de
toutes les forces, y compris l’individu, par le truchement du monumen
7079
ompris l’individu, par le truchement du monument,
de
la représentation plastique, du mot, des institutions, des partis ; l
7080
sens et toutes les directions ; cette aspiration
de
l’esprit à vouloir absolument faire connaître tout ce qui est en lui
7081
ate que les cloches sonnent en harmonie, même si,
de
tout près, elles font entendre quelques dissonances : Discordia conco
7082
u’un obscur besoin ait conduit certaines branches
d’
Indo-européens vers l’Occident simplement parce qu’ici un autre sol, u
7083
parce qu’ici un autre sol, un autre climat (celui
de
la liberté et de la diversité), tout un monde déchiqueté d’îles et de
7084
utre sol, un autre climat (celui de la liberté et
de
la diversité), tout un monde déchiqueté d’îles et de caps les attenda
7085
rté et de la diversité), tout un monde déchiqueté
d’
îles et de caps les attendaient. Car, voilà qui est aussi européen : a
7086
la diversité), tout un monde déchiqueté d’îles et
de
caps les attendaient. Car, voilà qui est aussi européen : aimer non s
7087
celte et germanique ; civilisations qui dépassent
de
beaucoup celles d’Asie par le fait qu’elles sont d’aspect et de forme
7088
; civilisations qui dépassent de beaucoup celles
d’
Asie par le fait qu’elles sont d’aspect et de forme multiples et qu’en
7089
beaucoup celles d’Asie par le fait qu’elles sont
d’
aspect et de forme multiples et qu’en elles l’individu put se développ
7090
lles d’Asie par le fait qu’elles sont d’aspect et
de
forme multiples et qu’en elles l’individu put se développer pleinemen
7091
aisait partie… L’historien ne peut que se réjouir
de
cette richesse et laisser tous les appétits de victoire aux partisans
7092
ir de cette richesse et laisser tous les appétits
de
victoire aux partisans de telle ou telle tendance. Étant donné la vio
7093
isser tous les appétits de victoire aux partisans
de
telle ou telle tendance. Étant donné la violence extrême des combats
7094
e extrême des combats du passé, le désir constant
d’
anéantir l’ennemi, nous ne pourrions, nous autres tard-venus de l’huma
7095
ennemi, nous ne pourrions, nous autres tard-venus
de
l’humanité, tenir pour un parti, même s’il s’agit de celui qu’en nous
7096
l’humanité, tenir pour un parti, même s’il s’agit
de
celui qu’en nous-mêmes nous croyons être le nôtre.251 « Nous autres
7097
ons être le nôtre.251 « Nous autres tards-venus
de
l’humanité »… Cette incidente (qui fait penser à Nietzsche) trahit le
7098
r à Nietzsche) trahit le pessimisme irrépressible
de
l’historien de la civilisation. Bien qu’il ait observé qu’en Europe t
7099
trahit le pessimisme irrépressible de l’historien
de
la civilisation. Bien qu’il ait observé qu’en Europe toute évolution
7100
ne peut s’empêcher, dans ses Lettres à von Preen,
de
porter sur l’avenir prochain (le xxe siècle) un jugement des plus du
7101
nfirmé : Vous ne croirez jamais quel cas on fait
de
ces roulements de tambour au fur et à mesure que les années passent ;
7102
croirez jamais quel cas on fait de ces roulements
de
tambour au fur et à mesure que les années passent ; la grande masse,
7103
nt ; la grande masse, dans sa confusion, a besoin
d’
un rythme pour marcher, sans lequel elle n’aurait « aucune façon ». En
7104
anges attend les travailleurs. La vision que j’ai
de
leur avenir confine, pour le moment, à la folie ; mais je ne peux m’e
7105
taire doit devenir un fabricant en gros. Ces amas
d’
humains dans les usines ne doivent pas éternellement être abandonnés à
7106
à leur misère et à leurs envies. Un certain degré
de
misère contrôlée, avec de l’avancement, et en uniforme, chaque journé
7107
nvies. Un certain degré de misère contrôlée, avec
de
l’avancement, et en uniforme, chaque journée commencée et terminée pa
7108
ue journée commencée et terminée par un roulement
de
tambour, voilà ce qui devrait logiquement se produire. (Mais j’en con
7109
rouve irrémédiablement placé devant l’alternative
d’
une démocratie totale ou d’un despotisme sans loi et absolu, ce dernie
7110
é devant l’alternative d’une démocratie totale ou
d’
un despotisme sans loi et absolu, ce dernier n’étant d’ailleurs pas le
7111
ties qui ont maintenant le cœur trop tendre, mais
de
dictatures militaires prétendues républicaines. On n’aime guère se re
7112
’aime guère se représenter le monde sous la botte
de
gouvernants qui fassent entièrement abstraction des notions de droit,
7113
s qui fassent entièrement abstraction des notions
de
droit, de prospérité, de travail et d’industrie toujours plus enrichi
7114
ent entièrement abstraction des notions de droit,
de
prospérité, de travail et d’industrie toujours plus enrichissants, de
7115
abstraction des notions de droit, de prospérité,
de
travail et d’industrie toujours plus enrichissants, de crédit, etc. e
7116
es notions de droit, de prospérité, de travail et
d’
industrie toujours plus enrichissants, de crédit, etc. et qui gouverne
7117
avail et d’industrie toujours plus enrichissants,
de
crédit, etc. et qui gouvernent, au contraire, brutalement. Cependant,
7118
lement. Cependant, c’est justement dans les mains
de
gens pareils que l’on précipite le monde, par cette folle concurrence
7119
cernant, la participation des masses. … Ma vision
de
ces « terribles simplificateurs » que l’Europe va connaître, est loin
7120
lificateurs » que l’Europe va connaître, est loin
d’
être agréable ; et de temps en temps, lors de mes rêveries, je vois ce
7121
uand nous serons, en septembre, devant un demi. …
De
temps à autre je suppute ce que pourront devenir notre érudition et n
7122
ne commencé son déclin. Il m’arrive parfois aussi
d’
imaginer un des beaux côtés de ces temps nouveaux : comment, sur tous
7123
rrive parfois aussi d’imaginer un des beaux côtés
de
ces temps nouveaux : comment, sur tous les efforts et aspirations, s’
7124
fforts et aspirations, s’étendra l’horreur livide
de
la mort, parce qu’une fois de plus la force nue aura le dessus et la
7125
e plus la force nue aura le dessus et la consigne
de
fermer son bec sera donnée partout. Friedrich Nietzsche (1844-1900)
7126
Baudelaire d’une part, Tocqueville et Burckhardt
de
l’autre, il le sauve de la stupidité spirituelle et de la sottise pol
7127
Tocqueville et Burckhardt de l’autre, il le sauve
de
la stupidité spirituelle et de la sottise politique, mais c’est pour
7128
autre, il le sauve de la stupidité spirituelle et
de
la sottise politique, mais c’est pour mieux le condamner dans son ens
7129
iser, par une réaction instinctive, « l’éducation
d’
une caste nouvelle destinée à régner sur l’Europe », — et c’est là, éc
7130
que je l’entends »252. Les aphorismes 242 et 243
de
Par-delà le bien et le mal décrivent sans aucun ménagement pour les t
7131
l décrivent sans aucun ménagement pour les tabous
de
l’époque, ce processus européen : Qu’on appelle « civilisation », ou
7132
rs, et qui s’affranchissent chaque jour davantage
de
tout milieu défini qui voudrait s’implanter pendant des siècles, dans
7133
mêmes revendications, — donc la lente apparition
d’
une espèce d’hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme
7134
ications, — donc la lente apparition d’une espèce
d’
hommes essentiellement surnationale et nomade qui, comme signe distinc
7135
if, possède physiologiquement parlant, un maximum
de
faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Eur
7136
ysiologiquement parlant, un maximum de faculté et
de
force d’assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pou
7137
uement parlant, un maximum de faculté et de force
d’
assimilation. Ce phénomène de création de l’Européen, qui pourra être
7138
faculté et de force d’assimilation. Ce phénomène
de
création de l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par d
7139
de force d’assimilation. Ce phénomène de création
de
l’Européen, qui pourra être retardé dans son allure par de grands ret
7140
péen, qui pourra être retardé dans son allure par
de
grands retours en arrière, mais qui, par cela même, gagnera peut-être
7141
es naïfs promoteurs et protagonistes, les apôtres
de
l’« idée moderne », voudraient le moins faire entrer en ligne de comp
7142
ront en moyenne au nivellement et à l’abaissement
de
l’homme — de la bête de troupeau humain, habile, laborieuse, utile et
7143
ne au nivellement et à l’abaissement de l’homme —
de
la bête de troupeau humain, habile, laborieuse, utile et utilisable d
7144
lement et à l’abaissement de l’homme — de la bête
de
troupeau humain, habile, laborieuse, utile et utilisable de façon mul
7145
u humain, habile, laborieuse, utile et utilisable
de
façon multiple, — ces conditions sont au plus haut degré aptes à prod
7146
ont au plus haut degré aptes à produire des êtres
d’
exception, de la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante […]2
7147
aut degré aptes à produire des êtres d’exception,
de
la qualité la plus dangereuse et la plus attrayante […]253 Mais plu
7148
plus attrayante […]253 Mais plusieurs maladies
de
l’esprit affectent l’Europe, selon Nietzsche. Tout d’abord le nationa
7149
ures où nous nous permettons un patriotisme plein
de
courage, un bond et un retour à de vieilles amours et de vieilles étr
7150
riotisme plein de courage, un bond et un retour à
de
vieilles amours et de vieilles étroitesses — je viens d’en donner une
7151
age, un bond et un retour à de vieilles amours et
de
vieilles étroitesses — je viens d’en donner une preuve —, des heures
7152
lles amours et de vieilles étroitesses — je viens
d’
en donner une preuve —, des heures d’effervescence nationale, d’angois
7153
s — je viens d’en donner une preuve —, des heures
d’
effervescence nationale, d’angoisse patriotique, des heures où bien d’
7154
e preuve —, des heures d’effervescence nationale,
d’
angoisse patriotique, des heures où bien d’autres sentiments antiques
7155
t. Des esprits plus lourds que nous mettront plus
de
temps à en finir avec ce qui chez nous n’occupe que quelques heures e
7156
quelques heures : pour les uns, il faut la moitié
d’
une année, pour les autres la moitié d’une vie humaine, selon la rapid
7157
la moitié d’une année, pour les autres la moitié
d’
une vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés d’assimilation et
7158
es la moitié d’une vie humaine, selon la rapidité
de
leurs facultés d’assimilation et de renouvellement. Je saurais même m
7159
vie humaine, selon la rapidité de leurs facultés
d’
assimilation et de renouvellement. Je saurais même me figurer des race
7160
n la rapidité de leurs facultés d’assimilation et
de
renouvellement. Je saurais même me figurer des races épaisses et hési
7161
s, qui, dans notre Europe hâtive, auraient besoin
de
demi-siècles pour surmonter de tels excès de patriotisme atavique et
7162
e, auraient besoin de demi-siècles pour surmonter
de
tels excès de patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour
7163
soin de demi-siècles pour surmonter de tels excès
de
patriotisme atavique et d’attachement à la glèbe, pour revenir à la r
7164
urmonter de tels excès de patriotisme atavique et
d’
attachement à la glèbe, pour revenir à la raison, je veux dire au « bo
7165
u « bon européanisme ».254 L’exemple privilégié
de
la musique, cette création essentiellement européenne, permet de suiv
7166
cette création essentiellement européenne, permet
de
suivre le processus de décomposition qui conduit de l’européanisme co
7167
llement européenne, permet de suivre le processus
de
décomposition qui conduit de l’européanisme cosmopolite au nationalis
7168
suivre le processus de décomposition qui conduit
de
l’européanisme cosmopolite au nationalisme borné : Le « bon vieux te
7169
coco ait encore un sens pour nous, que ce qu’il a
de
« bonne compagnie », de tendres ardeurs, de goût enfantin pour la chi
7170
pour nous, que ce qu’il a de « bonne compagnie »,
de
tendres ardeurs, de goût enfantin pour la chinoiserie et la fioriture
7171
’il a de « bonne compagnie », de tendres ardeurs,
de
goût enfantin pour la chinoiserie et la fioriture, de politesse du cœ
7172
oût enfantin pour la chinoiserie et la fioriture,
de
politesse du cœur, d’aspiration vers ce qui est précieux, amoureux, d
7173
hinoiserie et la fioriture, de politesse du cœur,
d’
aspiration vers ce qui est précieux, amoureux, dansant, sentimental, d
7174
qui est précieux, amoureux, dansant, sentimental,
de
foi au Midi, que tout cela trouve encore en nous quelque chose qui l’
7175
— Mais n’en doutez pas, l’intelligence et le goût
de
Beethoven passeront plus vite encore ; car celui-là ne fut que le der
7176
encore ; car celui-là ne fut que le dernier écho
d’
une transformation et d’une brisure du style ; au lieu que Mozart fut
7177
e fut que le dernier écho d’une transformation et
d’
une brisure du style ; au lieu que Mozart fut la dernière expression d
7178
e ; au lieu que Mozart fut la dernière expression
de
tout un goût européen vivant depuis des siècles. Beethoven est l’inte
7179
sur sa musique est épandue la lueur crépusculaire
d’
une éternelle déception, et d’une éternelle et errante espérance, — ce
7180
lueur crépusculaire d’une éternelle déception, et
d’
une éternelle et errante espérance, — cette même lueur qui baignait l’
7181
qu’elle dansait autour de l’arbre révolutionnaire
de
la liberté, qu’elle s’agenouillait enfin aux pieds de Napoléon. Comme
7182
a liberté, qu’elle s’agenouillait enfin aux pieds
de
Napoléon. Comme tous ces sentiments pâlissent vite, comme il nous est
7183
pâlissent vite, comme il nous est difficile déjà
de
les comprendre, comme elle est lointaine et étrange la langue des Rou
7184
Byron, la langue où s’exprima cette même destinée
de
l’Europe qui chantait en Beethoven ! Puis ce fut, dans la musique all
7185
iel que n’avait été le grand entracte, le passage
de
Rousseau à Napoléon et à la démocratie montante. […] Schuman était dé
7186
i la musique allemande courait cet immense risque
de
cesser d’être la voix par où s’énonce l’âme de l’Europe et de tomber
7187
ue allemande courait cet immense risque de cesser
d’
être la voix par où s’énonce l’âme de l’Europe et de tomber au rang mé
7188
ue de cesser d’être la voix par où s’énonce l’âme
de
l’Europe et de tomber au rang médiocre d’une chose purement nationale
7189
être la voix par où s’énonce l’âme de l’Europe et
de
tomber au rang médiocre d’une chose purement nationale.255 Le natio
7190
e l’âme de l’Europe et de tomber au rang médiocre
d’
une chose purement nationale.255 Le nationalisme est issu du romanti
7191
ar une fatalité à laquelle les plus grands hommes
de
la première moitié du xixe siècle semblent avoir tous succombé : Gr
7192
ionalités a mises et met encore entre les peuples
de
l’Europe, grâce aux politiciens à la vue courte et aux mains promptes
7193
isme, sans soupçonner à quel point leur politique
de
désunion est fatalement une simple politique d’entracte, — grâce à to
7194
e de désunion est fatalement une simple politique
d’
entracte, — grâce à tout cela, et à bien des choses encore qu’on ne pe
7195
on déforme mensongèrement les signes qui prouvent
de
la manière la plus manifeste que l’Europe veut devenir une. Tous les
7196
t devenir une. Tous les hommes un peu profonds et
d’
esprit large qu’a vus ce siècle ont tendu vers ce but unique le travai
7197
le ont tendu vers ce but unique le travail secret
de
leur âme : ils voulurent frayer les voies à un nouvel accord et tentè
7198
frayer les voies à un nouvel accord et tentèrent
de
réaliser en eux-mêmes l’Européen à venir ; s’ils appartinrent à une p
7199
ne fut jamais que par les régions superficielles
de
leur intelligence, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils
7200
uperficielles de leur intelligence, ou aux heures
de
défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenan
7201
de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient
d’
eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napol
7202
ine, Schopenhauer. Qu’on ne m’en veuille pas trop
de
nommer à leur suite Richard Wagner.256 Avec le romantisme est né l
7203
omine la pensée européenne du siècle. La position
de
Nietzsche devant l’historisme est nécessairement ambiguë, car sa visi
7204
torisme est nécessairement ambiguë, car sa vision
de
l’Europe est historique, mais ses jugements de valeur se veulent de p
7205
on de l’Europe est historique, mais ses jugements
de
valeur se veulent de plus en plus intemporels : Ce sens historique q
7206
ième sens. Toutes les formes, toutes les manières
de
vivre, toutes les civilisations du passé, autrefois entassées les une
7207
confusion. Nos instincts se dispersent maintenant
de
tous côtés, nous sommes nous-mêmes une sorte de chaos ; enfin « l’esp
7208
t de tous côtés, nous sommes nous-mêmes une sorte
de
chaos ; enfin « l’esprit », je le répète, finit par y trouver son pro
7209
it par y trouver son profit. Par la demi-barbarie
de
notre âme et de nos désirs, nous avons des échappées secrètes de tout
7210
son profit. Par la demi-barbarie de notre âme et
de
nos désirs, nous avons des échappées secrètes de toutes espèces, tell
7211
de nos désirs, nous avons des échappées secrètes
de
toutes espèces, telles qu’une époque noble n’en a jamais eu, surtout
7212
civilisations incomplètes et aux enchevêtrements
de
toutes les demi-barbaries qu’il y eut jamais au monde. Et, dans la me
7213
Et, dans la mesure où la part la plus importante
de
la culture fut jusqu’à présent une demi-barbarie, le « sens historiqu
7214
éressés, modestes, endurants, pleinement capables
de
nous dominer nous-mêmes, pleins d’abandon, très reconnaissants, très
7215
ement capables de nous dominer nous-mêmes, pleins
d’
abandon, très reconnaissants, très patients, très accueillants. Avec t
7216
s et presque hostiles, c’est précisément le point
de
perfection, de maturité dernière dans toute culture et tout art, la m
7217
stiles, c’est précisément le point de perfection,
de
maturité dernière dans toute culture et tout art, la marque propre d’
7218
dans toute culture et tout art, la marque propre
d’
aristocratie dans les œuvres et les hommes, leur aspect de mer unie et
7219
cratie dans les œuvres et les hommes, leur aspect
de
mer unie et de contentement alcyonien, l’éclat d’or brillant et froid
7220
œuvres et les hommes, leur aspect de mer unie et
de
contentement alcyonien, l’éclat d’or brillant et froid qui apparaît s
7221
de mer unie et de contentement alcyonien, l’éclat
d’
or brillant et froid qui apparaît sur toute chose achevée.257 Si l’E
7222
chevée.257 Si l’Europe est plus loin que jamais
de
concevoir et d’assurer ce plus haut idéal d’elle-même, c’est qu’elle
7223
l’Europe est plus loin que jamais de concevoir et
d’
assurer ce plus haut idéal d’elle-même, c’est qu’elle souffre d’une ma
7224
mais de concevoir et d’assurer ce plus haut idéal
d’
elle-même, c’est qu’elle souffre d’une maladie de la volonté, d’une im
7225
lus haut idéal d’elle-même, c’est qu’elle souffre
d’
une maladie de la volonté, d’une impuissance à se vouloir une, dont la
7226
d’elle-même, c’est qu’elle souffre d’une maladie
de
la volonté, d’une impuissance à se vouloir une, dont la Russie va pro
7227
’est qu’elle souffre d’une maladie de la volonté,
d’
une impuissance à se vouloir une, dont la Russie va profiter : Notre
7228
profiter : Notre Europe contemporaine, ce foyer
d’
un effort soudain et irréfléchi pour mélanger radicalement les rangs e
7229
ces, est, par cela même, sceptique du haut en bas
de
l’échelle, tantôt animée de ce scepticisme mobile, qui impatient et l
7230
ptique du haut en bas de l’échelle, tantôt animée
de
ce scepticisme mobile, qui impatient et lascif, saute d’une branche à
7231
cepticisme mobile, qui impatient et lascif, saute
d’
une branche à l’autre, tantôt troublé et comme obscurci par un nuage d
7232
re, tantôt troublé et comme obscurci par un nuage
de
questions — et parfois las de sa volonté à en mourir ! Paralysie de l
7233
scurci par un nuage de questions — et parfois las
de
sa volonté à en mourir ! Paralysie de la volonté, où ne rencontre-t-o
7234
parfois las de sa volonté à en mourir ! Paralysie
de
la volonté, où ne rencontre-t-on pas aujourd’hui cette infirmité ! Et
7235
teurs ! Pour cacher cette maladie on a des habits
d’
apparat, des parures menteuses ; par exemple ce qu’on étale aujourd’hu
7236
ar exemple ce qu’on étale aujourd’hui sous le nom
d’
« objectivité », d’« esprit scientifique », d’« art pour l’art », de «
7237
étale aujourd’hui sous le nom d’« objectivité »,
d’
« esprit scientifique », d’« art pour l’art », de « connaissance pure,
7238
nom d’« objectivité », d’« esprit scientifique »,
d’
« art pour l’art », de « connaissance pure, indépendante de la volonté
7239
d’« esprit scientifique », d’« art pour l’art »,
de
« connaissance pure, indépendante de la volonté », tout cela n’est qu
7240
our l’art », de « connaissance pure, indépendante
de
la volonté », tout cela n’est que du scepticisme fardé, la paralysie
7241
cela n’est que du scepticisme fardé, la paralysie
de
la volonté qui se déguise. Je me porte garant du diagnostic de cette
7242
qui se déguise. Je me porte garant du diagnostic
de
cette maladie européenne. — La maladie de la volonté s’est propagée à
7243
gnostic de cette maladie européenne. — La maladie
de
la volonté s’est propagée à travers l’Europe d’une façon inégale ; el
7244
e de la volonté s’est propagée à travers l’Europe
d’
une façon inégale ; elle sévit avec le plus de force et sous les aspec
7245
ope d’une façon inégale ; elle sévit avec le plus
de
force et sous les aspects les plus variés partout où la civilisation
7246
evendiquer — ses droits sous les vêtements lâches
de
la civilisation occidentale. En conséquence, c’est dans la France con
7247
dans la France contemporaine, comme il est facile
de
le montrer et de le démontrer, que la volonté est le plus malade ; et
7248
ntemporaine, comme il est facile de le montrer et
de
le démontrer, que la volonté est le plus malade ; et la France qui a
7249
séduisante, jusqu’aux tournures les plus néfastes
de
son esprit, apparaît aujourd’hui à l’Europe, dans l’excès de son géni
7250
it, apparaît aujourd’hui à l’Europe, dans l’excès
de
son génie national, comme la véritable école et le théâtre du sceptic
7251
de plus attrayant. La force du vouloir, la force
de
vouloir longtemps dans un même sens, est déjà un peu plus accentuée e
7252
e, ici grâce à la dureté des crânes — sans parler
de
l’Italie qui est trop jeune pour savoir encore ce qu’elle veut, et qu
7253
ait si elle sera affirmative ou négative — attend
d’
une façon menaçante le moment où elle sera déclenchée, pour emprunter
7254
ée, pour emprunter leur mot favori aux physiciens
d’
aujourd’hui. Ce n’est pas à la guerre avec l’Inde, ni aux complication
7255
mplications en Asie que l’Europe devrait demander
de
la protéger contre le danger le plus sérieux qui la menace, mais à un
7256
ion émiettant l’empire et surtout à l’importation
de
l’absurdité parlementaire, avec l’obligation pour chacun de lire le j
7257
dité parlementaire, avec l’obligation pour chacun
de
lire le journal à son déjeuner… Je voudrais voir l’Europe, en face de
7258
, en face de l’attitude de plus en plus menaçante
de
la Russie, se décider à devenir menaçante à son tour, à se créer, au
7259
evenir menaçante à son tour, à se créer, au moyen
d’
une nouvelle caste qui la régirait, une volonté unique, formidable, ca
7260
régirait, une volonté unique, formidable, capable
de
poursuivre un but pendant des milliers d’années, afin de mettre un te
7261
capable de poursuivre un but pendant des milliers
d’
années, afin de mettre un terme à la trop longue comédie de sa petite
7262
afin de mettre un terme à la trop longue comédie
de
sa petite politique et à ses mesquines et innombrables volontés dynas
7263
s volontés dynastiques ou démocratiques. Le temps
de
la petite politique est passé ; déjà le siècle qui s’annonce fait pré
7264
politique.258 Mais l’Europe sera-t-elle capable
de
mener cette « grande politique » à l’échelle mondiale, donc d’affront
7265
e « grande politique » à l’échelle mondiale, donc
d’
affronter ce que lui réserve le xxe siècle ? Dans la préface à Par-de
7266
stiano-ecclésiastique exercée depuis des milliers
d’
années — car le christianisme est du platonisme à l’usage du « peuple
7267
e lutte a créé en Europe une merveilleuse tension
de
l’esprit, telle qu’il n’y en eut pas encore sur terre : et avec un ar
7268
arc si fortement tendu il est possible, dès lors,
de
tirer sur les cibles les plus lointaines. Il est vrai que l’homme d’E
7269
bles les plus lointaines. Il est vrai que l’homme
d’
Europe souffre de cette tension et, par deux fois, l’on fit de vastes
7270
ntaines. Il est vrai que l’homme d’Europe souffre
de
cette tension et, par deux fois, l’on fit de vastes tentatives pour d
7271
ffre de cette tension et, par deux fois, l’on fit
de
vastes tentatives pour détendre l’arc ; ce fut d’abord par le jésuiti
7272
rationalisme démocratique. À l’aide de la liberté
de
la presse, de la lecture des journaux, il se pourrait que l’on obtînt
7273
émocratique. À l’aide de la liberté de la presse,
de
la lecture des journaux, il se pourrait que l’on obtînt véritablement
7274
prits — nous sentons encore en nous tout le péril
de
l’intelligence et toute la tension de son arc ! Et peut-être aussi la
7275
ut le péril de l’intelligence et toute la tension
de
son arc ! Et peut-être aussi la flèche, la mission, qui sait ? le but
7276
in) : La diversité des langues, surtout, empêche
de
voir ce qui se passe au fond : la disparition de l’homme national et
7277
de voir ce qui se passe au fond : la disparition
de
l’homme national et l’apparition de l’homme européen. et dans la Vol
7278
a disparition de l’homme national et l’apparition
de
l’homme européen. et dans la Volonté de Puissance : Un peu d’air pu
7279
parition de l’homme européen. et dans la Volonté
de
Puissance : Un peu d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état d
7280
opéen. et dans la Volonté de Puissance : Un peu
d’
air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état de l’Europe dure plus lo
7281
u d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état
de
l’Europe dure plus longtemps ! Y a-t-il une pensée quelconque derrièr
7282
il une pensée quelconque derrière ce nationalisme
de
bêtes à cornes ? À présent que tout s’oriente vers de plus larges int
7283
vers de plus larges intérêts communs, à quoi rime
d’
exciter ces égoïsmes galeux ? Et cela au moment où l’absence d’indépen
7284
égoïsmes galeux ? Et cela au moment où l’absence
d’
indépendance intellectuelle et la déchéance des nationalismes sautent
7285
autent aux yeux, où toute la valeur, tout le sens
de
la civilisation présente consiste à se fondre en un seul ensemble où
7286
nderont réciproquement !260 Mais les conditions
d’
une restauration, telles qu’il les énumère dans ses notes inédites des
7287
et il le sent bien : le pessimisme, ce « marteau
de
la philosophie », reste la dernière arme à la disposition des « bons
7288
nt son choix : veut-elle sa décadence ? Se garder
de
la médiocrisation. Plutôt périr.261 C’est à l’historien suédois Har
7289
mme « Siècle du nationalisme » : tel est le titre
d’
un article qu’il publia le 31 décembre 1899 dans le Svenska Dagbladet,
7290
dans le Svenska Dagbladet, grand journal libéral
de
Stockholm : Le siècle qui se termine ce soir a été le témoin de bien
7291
Le siècle qui se termine ce soir a été le témoin
de
bien des efforts et de bien des illusions dans la vie des peuples. Sa
7292
ne ce soir a été le témoin de bien des efforts et
de
bien des illusions dans la vie des peuples. Savoir laquelle de ses in
7293
llusions dans la vie des peuples. Savoir laquelle
de
ses innombrables tendances fut la plus importante, c’est peut-être un
7294
la plus importante, c’est peut-être une question
de
goût. Pour ma part, en ces dernières heures du siècle, je voudrais mé
7295
servi la culture, en ce sens qu’elles ont permis
de
surmonter bien des obstacles qui, jusqu’alors, avaient empêché les pe
7296
usqu’alors, avaient empêché les peuples dispersés
de
participer à une communauté culturelle. Mais ces avantages pèsent moi
7297
e le facteur politique dominant. La revendication
de
la pleine égalité de droits par toutes les nationalités ayant pris fo
7298
e dominant. La revendication de la pleine égalité
de
droits par toutes les nationalités ayant pris forme d’État souverain
7299
oits par toutes les nationalités ayant pris forme
d’
État souverain est aussi contraire à l’Histoire et étrangère à la réal
7300
mondial vers quoi certains tendent […]. La haine
de
tout ce qui est étranger, entretenue au nom du patriotisme, est proch
7301
retenue au nom du patriotisme, est proche parente
de
la passion de persécuter les hérétiques ; elle transforme rapidement
7302
du patriotisme, est proche parente de la passion
de
persécuter les hérétiques ; elle transforme rapidement le sentiment n
7303
t national en un instinct qui échappe au contrôle
de
la raison. Du même coup, le nationalisme cesse d’être un facteur de d
7304
de la raison. Du même coup, le nationalisme cesse
d’
être un facteur de développement culturel et devient superstition. Dan
7305
ême coup, le nationalisme cesse d’être un facteur
de
développement culturel et devient superstition. Dans quelle mesure le
7306
ù j’écris. Il semble au moins aussi vraisemblable
de
penser que le nationalisme, en se combinant avec d’autres forces, anc
7307
s et modernes, nous conduit irrésistiblement vers
de
nouvelles catastrophes, qui ne seront pas de moindre envergure que la
7308
vers de nouvelles catastrophes, qui ne seront pas
de
moindre envergure que la guerre de Trente Ans ou la Révolution frança
7309
ne seront pas de moindre envergure que la guerre
de
Trente Ans ou la Révolution française et ses suites. Mais le xixe s
7310
re mondiale qui l’achève, aux deux sens du terme.
De
cet achèvement normal, logique, et pourtant criminel, le témoin le pl
7311
sintéressé ». Plus européen, sans doute, qu’aucun
de
ses compatriotes au début de ce siècle, il n’a parlé de l’Europe que
7312
sans doute, qu’aucun de ses compatriotes au début
de
ce siècle, il n’a parlé de l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit
7313
compatriotes au début de ce siècle, il n’a parlé
de
l’Europe que sur le ton d’un sombre dépit prophétique. Voici quelques
7314
e siècle, il n’a parlé de l’Europe que sur le ton
d’
un sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits de ses Propos rec
7315
sombre dépit prophétique. Voici quelques extraits
de
ses Propos recueillis par l’un de ses disciples à la veille de la Pre
7316
elques extraits de ses Propos recueillis par l’un
de
ses disciples à la veille de la Première Guerre mondiale262 : Octobr
7317
recueillis par l’un de ses disciples à la veille
de
la Première Guerre mondiale262 : Octobre 1908. — L’Europe est, par e
7318
ent des lois élémentaires, ou des malins qui font
de
la démagogie et vivent de leurs mensonges. Personne n’a le courage de
7319
ou des malins qui font de la démagogie et vivent
de
leurs mensonges. Personne n’a le courage de dire ou d’écrire que l’ét
7320
ivent de leurs mensonges. Personne n’a le courage
de
dire ou d’écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Po
7321
urs mensonges. Personne n’a le courage de dire ou
d’
écrire que l’état de paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Eu
7322
nne n’a le courage de dire ou d’écrire que l’état
de
paix en Europe est un état anormal. Pourquoi l’Europe est-elle par ex
7323
iers ? Parce qu’elle est habitée par une quantité
de
races qui sont singulièrement opposées les unes aux autres, et dans l
7324
mœurs, et dans leurs ambitions. L’Europe n’a pas
de
chance. Tous ses habitants ne peuvent faire que mauvais voisinage. …
7325
sinage. … Et il y a le Slavisme qui met son grain
de
sel là-dedans. La politique panslave… C’est gai pour demain ! Je vous
7326
is ; des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux
d’
autorité ; des Français avares ; des Italiens souffrant d’une crise de
7327
té ; des Français avares ; des Italiens souffrant
d’
une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois g
7328
nçais avares ; des Italiens souffrant d’une crise
de
croissance ; des Balkaniques braconniers ; des Hongrois guerriers ? C
7329
uerriers ? Comment calmerez-vous ce panier rempli
de
crabes qui se pincent toute la sainte journée ? Malheureuse Europe !
7330
cle. 8 novembre 1912. — Rien n’améliorera le sort
de
l’Europe. Pourquoi voulez-vous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vie
7331
ous qu’il s’améliore ? Que signifie ce vieux fond
d’
optimisme qui attend que les choses s’arrangent ? Il n’y a aucune rais
7332
ns un récipient. L’Europe est un récipient rempli
de
cette sorte de composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prene
7333
. L’Europe est un récipient rempli de cette sorte
de
composés chimiques. Ça met le feu ; que diable ! Prenez-en votre part
7334
e, est peuplée par des peuples qui chantent avant
d’
aller s’entretuer. Les Français et les Allemands chanteront bientôt.
7335
Allemands chanteront bientôt. Sorel, désespérant
de
« cette Europe qui est la terre-type du malheur de l’humanité », et r
7336
e « cette Europe qui est la terre-type du malheur
de
l’humanité », et réinventant le mot d’Ivan Karamazov sur le « cimetiè
7337
du malheur de l’humanité », et réinventant le mot
d’
Ivan Karamazov sur le « cimetière européen263 », fut sans doute l’obse
7338
, fut sans doute l’observateur le plus pessimiste
de
la fatalité nationaliste ; et c’est à lui que 1914 donna raison. Car
7339
na raison. Car 1914 sonna le glas du rôle mondial
de
l’Europe des nations. Cette catastrophe fut déclenchée dans l’allégre
7340
ette catastrophe fut déclenchée dans l’allégresse
de
nationalismes pimpants, « fleur au fusil », dans l’inconscience génér
7341
, dans l’inconscience générale du véritable enjeu
de
la guerre. Car en 1914, ainsi que l’écrira plus tard Jules Romains :
7342
s autres n’avaient présents à l’esprit le miracle
de
ce continent, ni le miracle plus fragile encore qu’était sa chance da
7343
e. Cette Europe, la leur, devenue mère ou tutrice
de
tous les peuples, source des pensées et des inventions, détentrice de
7344
qu’un chant national, qu’un dialecte, qu’un tracé
de
frontière, qu’un nom de bataille à inscrire sur un socle, qu’un gisem
7345
’un dialecte, qu’un tracé de frontière, qu’un nom
de
bataille à inscrire sur un socle, qu’un gisement de phosphates, qu’un
7346
bataille à inscrire sur un socle, qu’un gisement
de
phosphates, qu’une statistique du tonnage comparé, que le plaisir d’h
7347
ne statistique du tonnage comparé, que le plaisir
d’
humilier le voisin.264 Il nous plaît de citer ici cette page de l’un
7348
plaisir d’humilier le voisin.264 Il nous plaît
de
citer ici cette page de l’un des rares auteurs français vivants qui a
7349
oisin.264 Il nous plaît de citer ici cette page
de
l’un des rares auteurs français vivants qui aient eu le courage et la
7350
is vivants qui aient eu le courage et la lucidité
de
militer pour une Europe unie, — Europe, mon pays que j’ai voulu chant
7351
mon pays que j’ai voulu chanter ! — tout au long
d’
une œuvre importante qui s’étend du poème intitulé « Europe », publié
7352
« Europe », publié en 1915, jusqu’à des campagnes
de
presse en faveur de la CED, en passant par la suite romanesque des Ho
7353
ED, en passant par la suite romanesque des Hommes
de
Bonne Volonté. En pleine guerre des nations, Romains avait lancé un p
7354
sacrée. Même sort ou pire, fut réservé aux appels
d’
un Romain Rolland qui, dès septembre 1914, en publiant son pamphlet Au
7355
eptembre 1914, en publiant son pamphlet Au-dessus
de
la mêlée, avait eu l’intuition du crime contre l’Europe et contre la
7356
les peuples avaient été conduits par la politique
de
leurs gouvernements et la faillite des puissances chargées de défendr
7357
vernements et la faillite des puissances chargées
de
défendre la paix : socialisme et christianisme.265 La renaissance d
7358
et christianisme.265 La renaissance des projets
d’
union date des lendemains de la Première Guerre mondiale. Et la naissa
7359
naissance des projets d’union date des lendemains
de
la Première Guerre mondiale. Et la naissance d’une action politique,
7360
s de la Première Guerre mondiale. Et la naissance
d’
une action politique, économique et culturelle pour faire de ces proje
7361
on politique, économique et culturelle pour faire
de
ces projets une réalité date du lendemain de la Seconde Guerre mondia
7362
aire de ces projets une réalité date du lendemain
de
la Seconde Guerre mondiale. Il fallait toucher le fond, c’est fait. L
7363
L’Europe unie naît à l’histoire parmi les ruines
de
sa dernière grande guerre civile. Et nous allons voir les prophètes d
7364
guerre civile. Et nous allons voir les prophètes
de
sa décadence finale controuvés par les faits et réfutés par une génér
7365
Nietzsche va plus loin : il prévoit la nécessité
d’
un Marché commun européen : « Au-delà de toutes ces guerres nationales
7366
nécessité d’un Marché commun européen : « Au-delà
de
toutes ces guerres nationales, de ces « empires » et de ce qui occupe
7367
éen : « Au-delà de toutes ces guerres nationales,
de
ces « empires » et de ce qui occupe le premier plan, je vois plus loi
7368
tes ces guerres nationales, de ces « empires » et
de
ce qui occupe le premier plan, je vois plus loin. Ce qui m’importe, c
7369
’Europe une, et je la vois se préparer lentement,
d’
une manière hésitante. Chez tous les esprits étendus et profonds de ce
7370
itante. Chez tous les esprits étendus et profonds
de
ce siècle, l’œuvre commune de l’âme a consisté à préparer, à supputer
7371
étendus et profonds de ce siècle, l’œuvre commune
de
l’âme a consisté à préparer, à supputer et à anticiper cette nouvelle
7372
à anticiper cette nouvelle synthèse : l’Européen
de
l’avenir. Ce ne fut qu’une fois devenus vieux, ou aux heures de faibl
7373
e ne fut qu’une fois devenus vieux, ou aux heures
de
faiblesse, qu’ils retombèrent dans l’étroitesse nationale et devinren
7374
e qui éveille et forme dans ces esprits le besoin
d’
une unité nouvelle, ou déjà les besoins nouveaux de cette nouvelle uni
7375
’une unité nouvelle, ou déjà les besoins nouveaux
de
cette nouvelle unité, il faut placer un grand fait économique qui écl
7376
économiquement intenables, à bref délai, du fait
de
la tendance absolue du grand trafic et du grand commerce à dépasser t
7377
-delà le bien et le mal, § 208. 259. Ibid., fin
de
l’avant-propos. 260. Volonté de Puissance, III, 3. 261. « Zucht un
7378
59. Ibid., fin de l’avant-propos. 260. Volonté
de
Puissance, III, 3. 261. « Zucht und Züchtung », III, « Die ewige Wie
7379
e ewige Wiederkunft ». 262. Jean Variot : Propos
de
Georges Sorel, Paris, 1935. 263. Cf., p. 288. 264. Jules Romains, L
7380
263. Cf., p. 288. 264. Jules Romains, Les Hommes
de
Bonne Volonté, vol. XIV, p. 293-4. 265. Romain Rolland, Journal des
7381
. 293-4. 265. Romain Rolland, Journal des années
de
guerre, p. 735.
7382
onalistes accumulées depuis un siècle, l’incendie
de
1914 ne fut éteint, provisoirement, qu’avec l’aide des Américains et
7383
provisoirement, qu’avec l’aide des Américains et
de
forts contingents recrutés en Asie, en Australie et en Afrique. Appel
7384
en Australie et en Afrique. Appelés à nous tirer
de
nos décombres, ils le firent, librement ou non, puis s’en retournèren
7385
ux, sans insister, mais édifiés sur notre compte.
D’
une expérience durement acquise de la réalité européenne, les uns conc
7386
r notre compte. D’une expérience durement acquise
de
la réalité européenne, les uns conclurent qu’ils pourraient désormais
7387
s s’approprier nos forces matérielles et certains
de
nos principes politiques, quitte à les retourner contre nous profitan
7388
ues, quitte à les retourner contre nous profitant
de
nos faiblesses morales et de nos désunions passionnées : ainsi pensèr
7389
ontre nous profitant de nos faiblesses morales et
de
nos désunions passionnées : ainsi pensèrent aussi les Soviétiques ; d
7390
; d’autres conclurent que le nationalisme, cause
de
nos ruines, devait être enfin surmonté, mais à l’échelle de l’arbitra
7391
nes, devait être enfin surmonté, mais à l’échelle
de
l’arbitrage mondial, c’est-à-dire à l’échelle des troubles que l’Euro
7392
s pour y répondre, donc loin de mesurer l’ampleur
de
notre crise, ils marquèrent leur « victoire » par des Traités qui dev
7393
es du mal. L’Europe ne comptait en 1914 pas moins
de
vingt nations souveraines. Après les Traités de Versailles, Trianon e
7394
s de vingt nations souveraines. Après les Traités
de
Versailles, Trianon et St-Germain, elle en compta trente et une (plus
7395
et les mieux dénoncés par Renan et par Nietzsche)
d’
un nationalisme scolaire. Le problème des colonies ne fut pas posé : e
7396
les auteurs des Traités posèrent ainsi les bases
de
l’échec de la Société des Nations et du succès des entreprises totali
7397
s des Traités posèrent ainsi les bases de l’échec
de
la Société des Nations et du succès des entreprises totalitaires, d’o
7398
ations et du succès des entreprises totalitaires,
d’
où devait résulter la Deuxième Guerre mondiale. Paul Valéry les juge
7399
ul Valéry les juge ainsi : L’Europe avait en soi
de
quoi ordonner à des fins européennes le reste du monde. Elle avait de
7400
u-dessous de ceux-ci étaient ceux qui disposaient
d’
elle. Ils étaient nourris du passé ; ils n’ont su faire que du passé.
7401
; ils n’ont su faire que du passé. Ses querelles
de
clocher ont fait perdre à l’Europe cette immense occasion dont elle n
7402
aimé jouer aux Armagnacs et aux Bourguignons que
de
prendre sur la terre le grand rôle que les Romains surent prendre et
7403
.266 Mais dans le même temps, quelques penseurs
d’
un type nouveau essayaient de regarder la réalité de l’Europe, négligé
7404
s, quelques penseurs d’un type nouveau essayaient
de
regarder la réalité de l’Europe, négligée par les réalistes. Tenant c
7405
un type nouveau essayaient de regarder la réalité
de
l’Europe, négligée par les réalistes. Tenant compte à la fois de l’hi
7406
gligée par les réalistes. Tenant compte à la fois
de
l’histoire, de la sociologie, des arts, des sciences nouvelles, de la
7407
réalistes. Tenant compte à la fois de l’histoire,
de
la sociologie, des arts, des sciences nouvelles, de la morale et de l
7408
la sociologie, des arts, des sciences nouvelles,
de
la morale et de la politique, ils tentaient d’estimer nos chances. Il
7409
des arts, des sciences nouvelles, de la morale et
de
la politique, ils tentaient d’estimer nos chances. Ils les jugeaient
7410
s, de la morale et de la politique, ils tentaient
d’
estimer nos chances. Ils les jugeaient avec raison fort compromises. E
7411
ses ne les écouteraient, ils se donnaient le luxe
de
prévoir le pire, surcompensant par une lucidité désespérée le cynisme
7412
et la naïveté qui dominaient en fait l’évolution
de
l’histoire. Le premier d’entre eux fut Spengler. Il est remarquable q
7413
Il est remarquable que le titre du grand ouvrage
d’
Oswald Spengler (1880-1936), ait été trouvé par l’auteur dès 1912 : Le
7414
ait été trouvé par l’auteur dès 1912 : Le Déclin
de
l’Occident. Le sentiment de notre décadence aura donc précédé chez le
7415
dès 1912 : Le Déclin de l’Occident. Le sentiment
de
notre décadence aura donc précédé chez les meilleurs esprits cet évén
7416
C’est à ce titre que Spengler doit le plus clair
de
sa célébrité, dans un public immense qui souvent ne l’a pas lu, mais
7417
l prévoit notre déclin. Qu’en est-il, en réalité,
de
ce livre qui a fait époque ? Par son recours effervescent aux analogi
7418
lanétaires et millénaires, portant sur les formes
d’
art les plus variées et sur les civilisations les plus lointaines, il
7419
ntisme allemand, et préfigure le Musée imaginaire
d’
André Malraux. Par son recours à la comparaison des lois cycliques de
7420
r son recours à la comparaison des lois cycliques
de
formation, d’essor, d’apogée et de déclin des cultures et des civilis
7421
à la comparaison des lois cycliques de formation,
d’
essor, d’apogée et de déclin des cultures et des civilisations, il con
7422
araison des lois cycliques de formation, d’essor,
d’
apogée et de déclin des cultures et des civilisations, il continue Heg
7423
lois cycliques de formation, d’essor, d’apogée et
de
déclin des cultures et des civilisations, il continue Hegel et préfig
7424
ples sont contestables, surtout quand il les tire
d’
une actualité que nous voyons déjà périmée. (Il déclare, en 1917, que
7425
jà périmée. (Il déclare, en 1917, que la peinture
de
plein air — alors « moderne » — « n’est pas faite pour le peuple » ;
7426
ur la vraie peinture et oppose à l’art abstrait.)
D’
une entreprise aussi vaste que la sienne, qui se donne d’innombrables
7427
ntreprise aussi vaste que la sienne, qui se donne
d’
innombrables possibilités de « vérifier » ses thèses par des exemples
7428
sienne, qui se donne d’innombrables possibilités
de
« vérifier » ses thèses par des exemples prestigieux — soit que chacu
7429
oit le premier à les signaler — retenons un style
de
pensée qui a fait école, et un parti pris pessimiste qui a fourni ses
7430
s références à toute une époque. Ses entrevisions
d’
un avenir césarien, noyant le pouvoir de l’argent dans le « sang », c’
7431
revisions d’un avenir césarien, noyant le pouvoir
de
l’argent dans le « sang », c’est-à-dire dans une éruption des forces
7432
dire dans une éruption des forces instinctives et
de
la volonté de puissance ont été réalisées par Hitler beaucoup plus tô
7433
éruption des forces instinctives et de la volonté
de
puissance ont été réalisées par Hitler beaucoup plus tôt qu’il ne le
7434
te un des témoins les plus sincères et importants
de
l’aventure occidentale au xxe siècle. Ses deux maîtres sont Goethe e
7435
e (abusivement peut-être) une théorie organiciste
de
la culture : chaque culture serait comparable à une plante, à un anim
7436
orté ses fruits. Du second il retient une manière
de
regarder en face les catastrophes et d’aimer le destin qu’on ne peut
7437
e manière de regarder en face les catastrophes et
d’
aimer le destin qu’on ne peut infléchir. Mais pour autant, il ne veut
7438
autant, il ne veut pas renoncer au mythe faustien
de
l’individu actif et créateur… Voici deux pages qui illustrent bien le
7439
eux pages qui illustrent bien les thèmes centraux
de
cet énorme ouvrage. Organicisme : comme les nations, selon Hegel, le
7440
moment où une grande âme se réveille, se détache
de
l’état psychique primaire d’éternelle enfance humaine, forme issue de
7441
réveille, se détache de l’état psychique primaire
d’
éternelle enfance humaine, forme issue de l’informe, limite et caducit
7442
primaire d’éternelle enfance humaine, forme issue
de
l’informe, limite et caducité sorties de l’infini et de la durée. Ell
7443
me issue de l’informe, limite et caducité sorties
de
l’infini et de la durée. Elle croît sur le sol d’un paysage exactemen
7444
nforme, limite et caducité sorties de l’infini et
de
la durée. Elle croît sur le sol d’un paysage exactement délimitable a
7445
de l’infini et de la durée. Elle croît sur le sol
d’
un paysage exactement délimitable auquel elle reste liée comme la plan
7446
ture meurt quand l’âme a réalisé la somme entière
de
ses possibilités sous la forme de peuples, de langues, de doctrines r
7447
a somme entière de ses possibilités sous la forme
de
peuples, de langues, de doctrines religieuses, d’arts, d’États, de sc
7448
ère de ses possibilités sous la forme de peuples,
de
langues, de doctrines religieuses, d’arts, d’États, de sciences, et r
7449
ossibilités sous la forme de peuples, de langues,
de
doctrines religieuses, d’arts, d’États, de sciences, et retourne ains
7450
de peuples, de langues, de doctrines religieuses,
d’
arts, d’États, de sciences, et retourne ainsi à l’état psychique prima
7451
es, de langues, de doctrines religieuses, d’arts,
d’
États, de sciences, et retourne ainsi à l’état psychique primaire. Mai
7452
ngues, de doctrines religieuses, d’arts, d’États,
de
sciences, et retourne ainsi à l’état psychique primaire. Mais son êtr
7453
primaire. Mais son être vivant, cette succession
de
grandes époques qui marquent à grands traits précis son accomplisseme
7454
lutte très intime et passionnée pour la conquête
de
l’idée sur les puissances extérieures du chaos et sur l’instinct où c
7455
eulement l’artiste qui lutte contre la résistance
de
la matière et contre la destruction de l’idée en lui. Chaque culture
7456
résistance de la matière et contre la destruction
de
l’idée en lui. Chaque culture se trouve dans un rapport profondément
7457
anisme, byzantinisme, mandarinisme. C’est le sens
de
tous les déclins dans l’histoire — le sens de l’accomplissement intér
7458
ens de tous les déclins dans l’histoire — le sens
de
l’accomplissement intérieur et extérieur, celui de la fin qui menace
7459
e l’accomplissement intérieur et extérieur, celui
de
la fin qui menace toutes les cultures vivantes ; — parmi ces déclins,
7460
es ; — parmi ces déclins, le plus distinct, celui
de
« l’antiquité », s’étale à grands traits sous nos yeux, tandis qu’en
7461
vons clairement à la trace les premiers symptômes
de
notre événement, absolument semblable au premier par son cours et sa
7462
miers siècles du prochain millénaire, le « déclin
de
l’Occident ».267 Amor fati : si tu veux prévenir le désastre, il t
7463
loi ; mieux même : à la vouloir, dernier recours
de
ton étroite liberté : Une puissance ne peut être détruite que par un
7464
autre, non par un principe, et il n’y en a point
d’
autre contre l’argent. L’argent ne sera dominé que par le sang et supp
7465
ujours et uniquement la vie, la race, la victoire
de
la volonté de puissance, non celle des vérités, des inventions ou de
7466
uement la vie, la race, la victoire de la volonté
de
puissance, non celle des vérités, des inventions ou de l’argent. L’hi
7467
issance, non celle des vérités, des inventions ou
de
l’argent. L’histoire universelle est le tribunal universel : elle a t
7468
nné à la vie plus forte, plus complète, plus sûre
d’
elle-même, le droit à l’existence, dût-il ne pas être un droit pour l’
7469
la justice plus que la puissance. Ainsi le drame
d’
une haute culture, tout ce monde merveilleux de divinités, d’arts, de
7470
me d’une haute culture, tout ce monde merveilleux
de
divinités, d’arts, de pensées, de batailles, de villes, se termine en
7471
culture, tout ce monde merveilleux de divinités,
d’
arts, de pensées, de batailles, de villes, se termine encore par les f
7472
, tout ce monde merveilleux de divinités, d’arts,
de
pensées, de batailles, de villes, se termine encore par les faits élé
7473
nde merveilleux de divinités, d’arts, de pensées,
de
batailles, de villes, se termine encore par les faits élémentaux du s
7474
x de divinités, d’arts, de pensées, de batailles,
de
villes, se termine encore par les faits élémentaux du sang éternel qu
7475
estin a placés dans cette culture, et à ce moment
de
son devenir, où l’argent célèbre ses dernières victoires et où son hé
7476
roche doucement et irrésistiblement, la direction
de
notre vouloir et de notre devoir — hors desquels la vie n’a pas de se
7477
rrésistiblement, la direction de notre vouloir et
de
notre devoir — hors desquels la vie n’a pas de sens — est par là même
7478
et de notre devoir — hors desquels la vie n’a pas
de
sens — est par là même tracée dans un cercle étroitement circonscrit.
7479
oitement circonscrit. Nous n’avons pas la liberté
de
choisir le point à atteindre, mais celle de faire le nécessaire ou ri
7480
berté de choisir le point à atteindre, mais celle
de
faire le nécessaire ou rien. Et un problème que la nécessité historiq
7481
ière Guerre mondiale et terminé en 1917, le livre
de
Spengler fut en réalité un ouvrage d’anticipation : il révélait les c
7482
7, le livre de Spengler fut en réalité un ouvrage
d’
anticipation : il révélait les causes des catastrophes à venir. Dès 19
7483
nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler
de
mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs
7484
s entendu parler de mondes disparus tout entiers,
d’
empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; des
7485
urs symbolistes, leurs critiques et les critiques
de
leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est f
7486
vions bien que toute la terre apparente est faite
de
cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions à tra
7487
que chose. Nous apercevions à travers l’épaisseur
de
l’histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de ric
7488
à travers l’épaisseur de l’histoire, les fantômes
d’
immenses navires qui furent chargés de richesse et d’esprit. Nous ne p
7489
es fantômes d’immenses navires qui furent chargés
de
richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces nauf
7490
mmenses navires qui furent chargés de richesse et
d’
esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après to
7491
as notre affaire. Elam, Ninive, Babylone étaient
de
beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu d
7492
étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale
de
ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existe
7493
ais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi
de
beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenan
7494
n beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme
de
l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une ci
7495
vie. Les circonstances qui enverraient les œuvres
de
Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne son
7496
ces qui enverraient les œuvres de Keats et celles
de
Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inco
7497
eats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres
de
Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les jou
7498
érir. Un frisson extraordinaire a couru la moelle
de
l’Europe. Elle a senti, par tous ses noyaux pensants qu’elle ne se re
7499
qu’elle ne se reconnaissait plus, qu’elle cessait
de
se ressembler, qu’elle allait perdre conscience — une conscience acqu
7500
nscience — une conscience acquise par des siècles
de
malheurs supportables, par des milliers d’hommes du premier ordre, pa
7501
iècles de malheurs supportables, par des milliers
d’
hommes du premier ordre, par des chances géographiques, ethniques, his
7502
brables. Alors, comme pour une défense désespérée
de
son être et de son avoir physiologiques, toute sa mémoire lui est rev
7503
comme pour une défense désespérée de son être et
de
son avoir physiologiques, toute sa mémoire lui est revenue confusémen
7504
onaux… Et dans le même désordre mental, à l’appel
de
la même angoisse, l’Europe cultivée a subi la reviviscence rapide de
7505
, l’Europe cultivée a subi la reviviscence rapide
de
ses innombrables pensées : dogmes, philosophies, idéaux hétérogènes ;
7506
es, idéaux hétérogènes ; les trois-cents manières
d’
expliquer le Monde, les mille et une nuances du christianisme, les deu
7507
une nuances du christianisme, les deux douzaines
de
positivismes : tout le spectre de la lumière intellectuelle a étalé s
7508
deux douzaines de positivismes : tout le spectre
de
la lumière intellectuelle a étalé ses couleurs incompatibles, éclaira
7509
lle a étalé ses couleurs incompatibles, éclairant
d’
une étrange lueur contradictoire l’agonie de l’âme européenne. … Maint
7510
irant d’une étrange lueur contradictoire l’agonie
de
l’âme européenne. … Maintenant, sur une immense terrasse d’Elsinore,
7511
uropéenne. … Maintenant, sur une immense terrasse
d’
Elsinore, qui va de Bâle à Cologne, qui touche aux sables de Nieuport,
7512
nant, sur une immense terrasse d’Elsinore, qui va
de
Bâle à Cologne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais de la S
7513
, qui va de Bâle à Cologne, qui touche aux sables
de
Nieuport, aux marais de la Somme, aux craies de Champagne, aux granit
7514
ne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais
de
la Somme, aux craies de Champagne, aux granits d’Alsace, — l’Hamlet e
7515
s de Nieuport, aux marais de la Somme, aux craies
de
Champagne, aux granits d’Alsace, — l’Hamlet européen regarde des mill
7516
de la Somme, aux craies de Champagne, aux granits
d’
Alsace, — l’Hamlet européen regarde des millions de spectres. Mais il
7517
’Alsace, — l’Hamlet européen regarde des millions
de
spectres. Mais il est un Hamlet intellectuel. Il médite sur la vie et
7518
t des vérités. Il a pour fantômes tous les objets
de
nos controverses ; il a pour remords tous les titres de notre gloire
7519
controverses ; il a pour remords tous les titres
de
notre gloire ; il est accablé sous le poids des découvertes, des conn
7520
ids des découvertes, des connaissances, incapable
de
se reprendre à cette activité illimitée. Il songe à l’ennui de recomm
7521
re à cette activité illimitée. Il songe à l’ennui
de
recommencer le passé, à la folie de vouloir innover toujours. Il chan
7522
nge à l’ennui de recommencer le passé, à la folie
de
vouloir innover toujours. Il chancelle entre les deux abîmes, car deu
7523
ntre les deux abîmes, car deux dangers ne cessent
de
menacer le monde : l’ordre et le désordre. S’il saisit un crâne, c’es
7524
e volant n’a pas précisément servi les intentions
de
l’inventeur : nous savons que l’homme volant monté sur son grand cygn
7525
uccello sopra del dosso del suo magnio cecero) a,
de
nos jours, d’autres emplois que d’aller prendre de la neige à la cime
7526
nio cecero) a, de nos jours, d’autres emplois que
d’
aller prendre de la neige à la cime des monts pour la jeter, pendant l
7527
e nos jours, d’autres emplois que d’aller prendre
de
la neige à la cime des monts pour la jeter, pendant les jours de chal
7528
a cime des monts pour la jeter, pendant les jours
de
chaleur, sur le pavé des villes… Et cet autre crâne est celui de Leib
7529
le pavé des villes… Et cet autre crâne est celui
de
Leibniz qui rêva de la paix universelle. Et celui-ci fut Kant, Kant q
7530
Et cet autre crâne est celui de Leibniz qui rêva
de
la paix universelle. Et celui-ci fut Kant, Kant qui genuit Hegel, qui
7531
t Marx, qui genuit… Hamlet ne sait trop que faire
de
tous ces crânes. Mais s’il les abandonne !… Va-t-il cesser d’être lui
7532
crânes. Mais s’il les abandonne !… Va-t-il cesser
d’
être lui-même ? Son esprit affreusement clairvoyant contemple le passa
7533
rit affreusement clairvoyant contemple le passage
de
la guerre à la paix. Ce passage est plus obscur, plus dangereux que l
7534
ge est plus obscur, plus dangereux que le passage
de
la paix à la guerre ; tous les peuples en sont troublés. « Et moi, se
7535
destructions comme fait la guerre. C’est le temps
d’
une concurrence créatrice, et de la lutte des productions. Mais Moi, n
7536
e. C’est le temps d’une concurrence créatrice, et
de
la lutte des productions. Mais Moi, ne suis-je pas fatigué de produir
7537
des productions. Mais Moi, ne suis-je pas fatigué
de
produire ? N’ai-je pas épuisé le désir des tentatives extrêmes et n’a
7538
pas abusé des savants mélanges ? Faut-il laisser
de
côté mes devoirs difficiles et mes ambitions transcendantes ? Dois-je
7539
se ? — Adieu, fantômes ! Le monde n’a plus besoin
de
vous. Ni de moi. Le monde, qui baptise du nom de progrès sa tendance
7540
, fantômes ! Le monde n’a plus besoin de vous. Ni
de
moi. Le monde, qui baptise du nom de progrès sa tendance à une précis
7541
de vous. Ni de moi. Le monde, qui baptise du nom
de
progrès sa tendance à une précision fatale, cherche à unir aux bienfa
7542
ne précision fatale, cherche à unir aux bienfaits
de
la vie, les avantages de la mort. Une certaine confusion règne encore
7543
che à unir aux bienfaits de la vie, les avantages
de
la mort. Une certaine confusion règne encore, mais encore un peu de t
7544
ircira ; nous verrons enfin apparaître le miracle
d’
une société animale, une parfaite et définitive fourmilière ».269 Da
7545
Dans le même temps — à mi-chemin, entre l’année
de
la rédaction des fameuses lettres de Paul Valéry et l’année de leur p
7546
ntre l’année de la rédaction des fameuses lettres
de
Paul Valéry et l’année de leur publication — une jeune diplomate suis
7547
on des fameuses lettres de Paul Valéry et l’année
de
leur publication — une jeune diplomate suisse promis à une grande car
7548
nsthal, quelques pages prophétiques sur le destin
de
l’Europe270 : Ces semaines en Italie ont modifié pour moi bien des p
7549
Européen. En êtes-vous un ? Avez-vous le courage
d’
être aujourd’hui encore — ou de nouveau — un Européen ? N’est-ce pas l
7550
ujours, relève du passé ? N’était-ce pas l’espoir
de
la chrétienté de jadis ? Car l’humanisme, l’héritage des Grecs, ont-i
7551
passé ? N’était-ce pas l’espoir de la chrétienté
de
jadis ? Car l’humanisme, l’héritage des Grecs, ont-ils jamais été plu
7552
pano-italo-slaves avec l’essence slave comme note
de
basse profonde. Une fédération ne se conçoit que sous le dénominateur
7553
ion ne se conçoit que sous le dénominateur commun
d’
une forte pensée de base, d’une conviction. Or, elles font défaut. Un
7554
ue sous le dénominateur commun d’une forte pensée
de
base, d’une conviction. Or, elles font défaut. Un danger commun, comm
7555
e dénominateur commun d’une forte pensée de base,
d’
une conviction. Or, elles font défaut. Un danger commun, comme jadis l
7556
, résolu, même le danger. Dans toutes les parties
de
la monarchie, vos compatriotes ont été gagnés par le nationalisme ; c
7557
es naturelles et le romantisme, l’idée romantisée
de
la Révolution française y ont contribué, indirectement dirigés contre
7558
tellectuels autrichiens, ces opportunistes dénués
de
flair, qui auraient pu entraver ce processus. Chez nous, en Suisse ?
7559
ant des affinités avec l’Allemagne, à l’exclusion
de
tout nationalisme. Gotthelf, Keller, Meyer, Jacob Burckhardt se sont
7560
on politiquement. Mais ils se sont déjà détournés
de
l’Allemagne des années 48, et n’ont plus rien voulu avoir de commun a
7561
gne des années 48, et n’ont plus rien voulu avoir
de
commun avec le Reich de Bismarck, modelé en si grande partie sur le p
7562
ont plus rien voulu avoir de commun avec le Reich
de
Bismarck, modelé en si grande partie sur le prototype français du xvi
7563
siècle. Le dernier fédéraliste global, et citoyen
d’
un monde polyphonique où antiquité et christianisme s’amalgament en un
7564
cours. En lui le sanctum Imperium réduit à l’état
d’
ombre, est devenu une réalité. Quant au message de Herder, c’est préci
7565
d’ombre, est devenu une réalité. Quant au message
de
Herder, c’est précisément contre son esprit que la majorité du peuple
7566
on esprit que la majorité du peuple allemand, née
de
la défaite, est en révolte. On ne peut qu’attendre, et si possible du
7567
iode, mais il faudra attendre longtemps que cesse
de
résonner la note nationaliste. C’est un état d’hypnose, il gagne de p
7568
e de résonner la note nationaliste. C’est un état
d’
hypnose, il gagne de plus en plus les esprits autour de lui, tout est
7569
es et les grandes chimères… Peut-être les progrès
de
la technique amorceront-ils, dès ce siècle, une sorte d’organisation
7570
echnique amorceront-ils, dès ce siècle, une sorte
d’
organisation mondiale. Pour l’instant, il semble néanmoins que le mond
7571
randes nations européennes renonce à son exigence
de
primauté. « Les grandes puissances », « le concert des puissances »,
7572
Sont-ils donc si peu nombreux, les gens capables
de
lire l’inscription sur le mur que tracent notre art et notre musique
7573
ique actuels ? Si peu nombreux, les gens capables
de
méditer sur la mort de la mélodie profondément européenne ? Il n’est
7574
ombreux, les gens capables de méditer sur la mort
de
la mélodie profondément européenne ? Il n’est pas de retour en arrièr
7575
la mélodie profondément européenne ? Il n’est pas
de
retour en arrière possible, rien n’est jamais récupéré de ce qui fut
7576
r en arrière possible, rien n’est jamais récupéré
de
ce qui fut perdu ; mais qui demeurera fidèle et supportera de rester
7577
t perdu ; mais qui demeurera fidèle et supportera
de
rester seul, ressuscitera peut-être un jour, en des temps très lointa
7578
, en des temps très lointains. C’est là le secret
de
toutes les Renaissances. Peut-être, après de lourdes défaites et des
7579
cret de toutes les Renaissances. Peut-être, après
de
lourdes défaites et des dévastations, le grain semé germera-t-il à no
7580
ol profondément labouré. Demeurer fidèle, secret
de
toutes les Renaissances… Mais les uns veulent être fidèles à l’humani
7581
libéral, tandis que les autres y voient la source
de
nos maux. Si nous ne sauvons pas les valeurs de liberté, de tolérance
7582
e de nos maux. Si nous ne sauvons pas les valeurs
de
liberté, de tolérance et de libre examen, dit l’un, — si nous ne sauv
7583
x. Si nous ne sauvons pas les valeurs de liberté,
de
tolérance et de libre examen, dit l’un, — si nous ne sauvons pas, au
7584
uvons pas les valeurs de liberté, de tolérance et
de
libre examen, dit l’un, — si nous ne sauvons pas, au contraire, les v
7585
75-1955) : Dans tout humanisme il y a un élément
de
faiblesse qui vient de sa répugnance pour tout fanatisme, de sa tolér
7586
e qui vient de sa répugnance pour tout fanatisme,
de
sa tolérance et de son penchant pour un scepticisme indulgent, en un
7587
épugnance pour tout fanatisme, de sa tolérance et
de
son penchant pour un scepticisme indulgent, en un mot de sa bonté nat
7588
penchant pour un scepticisme indulgent, en un mot
de
sa bonté naturelle. Et cela peut, en certaines circonstances, lui dev
7589
virilité et qui serait convaincu que le principe
de
la liberté, de la tolérance et du libre examen n’a pas le droit de se
7590
i serait convaincu que le principe de la liberté,
de
la tolérance et du libre examen n’a pas le droit de se laisser exploi
7591
la tolérance et du libre examen n’a pas le droit
de
se laisser exploiter par le fanatisme sans vergogne de ses ennemis. L
7592
laisser exploiter par le fanatisme sans vergogne
de
ses ennemis. L’humanisme européen est-il devenu incapable d’une résur
7593
mis. L’humanisme européen est-il devenu incapable
d’
une résurrection qui rendrait à ses principes leur valeur de combat ?
7594
rrection qui rendrait à ses principes leur valeur
de
combat ? S’il n’est pas plus capable de prendre conscience de lui-mêm
7595
ur valeur de combat ? S’il n’est pas plus capable
de
prendre conscience de lui-même, de se préparer à la lutte dans un ren
7596
S’il n’est pas plus capable de prendre conscience
de
lui-même, de se préparer à la lutte dans un renouveau de ses forces v
7597
s plus capable de prendre conscience de lui-même,
de
se préparer à la lutte dans un renouveau de ses forces vitales, alors
7598
même, de se préparer à la lutte dans un renouveau
de
ses forces vitales, alors il périra et avec lui l’Europe, dont le nom
7599
hercher dès maintenant un refuge hors du temps et
de
l’espace.271 Or, cet humanisme, précisément, cet idéal européen mod
7600
umanisme, précisément, cet idéal européen moderne
de
la Raison, du Progrès, de la Science et de la Culture, répugne à l’Es
7601
idéal européen moderne de la Raison, du Progrès,
de
la Science et de la Culture, répugne à l’Espagnol « suressentiel et q
7602
oderne de la Raison, du Progrès, de la Science et
de
la Culture, répugne à l’Espagnol « suressentiel et quichottesque » qu
7603
uelques phrases son argument, ou plutôt son refus
d’
argumenter, son cri : En deux mots se résume l’ensemble de ce que l’o
7604
ter, son cri : En deux mots se résume l’ensemble
de
ce que l’on demande pour notre pays. Ces deux mots sont européen et m
7605
aniser », tels sont ces lieux communs… Je ne veux
d’
autre méthode que celle de la passion ; et quand ma poitrine se soulèv
7606
eux communs… Je ne veux d’autre méthode que celle
de
la passion ; et quand ma poitrine se soulève de dégoût, de répugnance
7607
e de la passion ; et quand ma poitrine se soulève
de
dégoût, de répugnance, de pitié ou de mépris, je laisse, débordée par
7608
sion ; et quand ma poitrine se soulève de dégoût,
de
répugnance, de pitié ou de mépris, je laisse, débordée par le cœur, p
7609
ma poitrine se soulève de dégoût, de répugnance,
de
pitié ou de mépris, je laisse, débordée par le cœur, parler la bouche
7610
se soulève de dégoût, de répugnance, de pitié ou
de
mépris, je laisse, débordée par le cœur, parler la bouche et les mots
7611
ommes des charlatans fantaisistes, qui farcissons
de
rhétorique les vides de la logique, qui raffinons avec plus ou moins
7612
taisistes, qui farcissons de rhétorique les vides
de
la logique, qui raffinons avec plus ou moins d’esprit mais sans utili
7613
s de la logique, qui raffinons avec plus ou moins
d’
esprit mais sans utilité aucune, qui manquons du sens de l’enchaînemen
7614
it mais sans utilité aucune, qui manquons du sens
de
l’enchaînement et de la dépendance, des scolastiques, des casuistes,
7615
aucune, qui manquons du sens de l’enchaînement et
de
la dépendance, des scolastiques, des casuistes, etc., etc. J’ai enten
7616
asuistes, etc., etc. J’ai entendu dire des choses
de
ce genre d’Augustin, le grand Africain, âme de feu qui s’épanchait en
7617
c., etc. J’ai entendu dire des choses de ce genre
d’
Augustin, le grand Africain, âme de feu qui s’épanchait en flots de rh
7618
es de ce genre d’Augustin, le grand Africain, âme
de
feu qui s’épanchait en flots de rhétorique, de phrases retorses, d’an
7619
and Africain, âme de feu qui s’épanchait en flots
de
rhétorique, de phrases retorses, d’antithèses, de paradoxes et de sub
7620
me de feu qui s’épanchait en flots de rhétorique,
de
phrases retorses, d’antithèses, de paradoxes et de subtilités. Saint
7621
hait en flots de rhétorique, de phrases retorses,
d’
antithèses, de paradoxes et de subtilités. Saint Augustin fut un gongo
7622
de rhétorique, de phrases retorses, d’antithèses,
de
paradoxes et de subtilités. Saint Augustin fut un gongoriste et conce
7623
e phrases retorses, d’antithèses, de paradoxes et
de
subtilités. Saint Augustin fut un gongoriste et conceptiste en même t
7624
le gongorisme sont les formes les plus naturelles
de
la passion et de la véhémence. Le grand Africain, le grand Africain a
7625
t les formes les plus naturelles de la passion et
de
la véhémence. Le grand Africain, le grand Africain ancien ! Voilà une
7626
: « africain ancien » qui peut s’opposer à celle
d’
« européen moderne » et qui vaut autant qu’elle, pour le moins. Saint
7627
deux ans, après avoir voyagé dans divers domaines
de
la culture européenne moderne et, seul avec ma conscience, je me dema
7628
’appelle moderne. » Et je continue : « Et ce fait
de
ne te sentir ni Européen ni moderne, ne t’ôte-t-il point ta qualité d
7629
ropéen ni moderne, ne t’ôte-t-il point ta qualité
d’
Espagnol ? » … Avant tout, et pour ce qui me concerne, je dois avouer
7630
nvers tout ce qui passe pour principes directeurs
de
l’esprit européen moderne, envers l’orthodoxie scientifique d’aujourd
7631
uropéen moderne, envers l’orthodoxie scientifique
d’
aujourd’hui, ses méthodes et ses tendances. Il y a deux choses dont on
7632
s avouer, me sont antipathiques. … L’unique moyen
d’
entrer en relation vivante avec un autre est le moyen de l’agression ;
7633
er en relation vivante avec un autre est le moyen
de
l’agression ; seuls arrivent à une vraie compénétration, à une frater
7634
n, à une fraternité spirituelle ceux qui essaient
de
se subjuguer spirituellement les uns les autres, que ce soient des in
7635
idus ou que ce soient des peuples. Quand je tente
de
mettre mon esprit dans l’esprit de mon prochain, c’est alors seulemen
7636
Quand je tente de mettre mon esprit dans l’esprit
de
mon prochain, c’est alors seulement que je reçois dans le mien l’espr
7637
ors seulement que je reçois dans le mien l’esprit
de
ce prochain. La bénédiction de l’apôtre est qu’il reçoit en soi les â
7638
s le mien l’esprit de ce prochain. La bénédiction
de
l’apôtre est qu’il reçoit en soi les âmes de tous ceux qu’il évangéli
7639
tion de l’apôtre est qu’il reçoit en soi les âmes
de
tous ceux qu’il évangélise : c’est la noblesse du prosélytisme. … J’a
7640
rofonde conviction, pour arbitraire qu’elle soit (
d’
autant plus profonde que plus arbitraire, car c’est ainsi pour les vér
7641
plus arbitraire, car c’est ainsi pour les vérités
de
foi) j’ai la profonde conviction que l’européanisation véritable et i
7642
viction que l’européanisation véritable et intime
de
l’Espagne, c’est-à-dire notre digestion de cette partie de l’esprit e
7643
intime de l’Espagne, c’est-à-dire notre digestion
de
cette partie de l’esprit européen qui peut devenir notre esprit, ne c
7644
gne, c’est-à-dire notre digestion de cette partie
de
l’esprit européen qui peut devenir notre esprit, ne commencera que qu
7645
sprit, ne commencera que quand nous aurons essayé
de
nous imposer à l’ordre spirituel de l’Europe, de lui faire avaler ce
7646
aurons essayé de nous imposer à l’ordre spirituel
de
l’Europe, de lui faire avaler ce qui est nôtre, essentiellement nôtre
7647
de nous imposer à l’ordre spirituel de l’Europe,
de
lui faire avaler ce qui est nôtre, essentiellement nôtre, en échange
7648
qui est nôtre, essentiellement nôtre, en échange
de
ce qui est sien, quand nous aurons essayé d’espagnoliser l’Europe.272
7649
ange de ce qui est sien, quand nous aurons essayé
d’
espagnoliser l’Europe.272 Ce n’est pas un nationaliste qui parle ici
7650
parle ici. C’est un homme qui « a désir et besoin
de
l’âme, et d’une âme substantielle »273. Et c’est l’Europe de la Passi
7651
est un homme qui « a désir et besoin de l’âme, et
d’
une âme substantielle »273. Et c’est l’Europe de la Passion, de l’Espr
7652
stantielle »273. Et c’est l’Europe de la Passion,
de
l’Esprit le plus subversif, qui rejette par sa bouche l’Europe tiède,
7653
, humanitaire, occupée à survivre. Hitler tentera
de
les tuer toutes les deux. L’essayiste anglais Hilaire Belloc condamne
7654
nglais Hilaire Belloc condamne lui aussi le culte
de
la Science et du Progrès, mais au nom de l’Église et de l’Autorité :
7655
Science et du Progrès, mais au nom de l’Église et
de
l’Autorité : Voici ma thèse : la culture et la civilisation de la ch
7656
: Voici ma thèse : la culture et la civilisation
de
la chrétienté — qui fut désignée pendant des siècles par le terme gén
7657
e catholique, rassemblant les traditions sociales
de
l’empire gréco-romain, et animant l’ensemble de ce grand corps d’une
7658
s de l’empire gréco-romain, et animant l’ensemble
de
ce grand corps d’une vie nouvelle. C’est l’Église catholique qui nous
7659
o-romain, et animant l’ensemble de ce grand corps
d’
une vie nouvelle. C’est l’Église catholique qui nous a faits, qui nous
7660
us a donné notre unité et toute notre philosophie
de
la vie, et qui a formé la nature du monde blanc. Ce monde — la chréti
7661
c. Ce monde — la chrétienté — surmonta les périls
de
la barbarie païenne, résistant à ses assauts tant extérieurs qu’intér
7662
ts tant extérieurs qu’intérieurs et à la pression
de
la grande hérésie qui allait devenir une religion nouvelle : le mahom
7663
tous les périls, il tint tête, bien que dépouillé
de
vastes territoires ; il se releva, une fois la tourmente passée, et e
7664
montra, dès le début du xive siècle, les signes
d’
un déclin qui se précipita rapidement durant le xve siècle. La Foi do
7665
ait, contestée. La société chrétienne fut soumise
de
la sorte à une tension, prolongée, qui la menaçait de disruption ; el
7666
a sorte à une tension, prolongée, qui la menaçait
de
disruption ; elle devint toujours plus instable, jusqu’à ce qu’enfin,
7667
. Selon l’usage courant, ce désastre porte le nom
de
Réformation. Dès ce moment, à travers les xvie , xviie et xviiie si
7668
viie et xviiie siècles, jusqu’au xixe , l’unité
de
la chrétienté ayant disparu et le principe vital dont sa vie dépendai
7669
re elle-même. Cette mauvaise fortune s’accompagna
d’
un accroissement rapide de la connaissance du monde extérieur, c’est-à
7670
se fortune s’accompagna d’un accroissement rapide
de
la connaissance du monde extérieur, c’est-à-dire de la science et du
7671
la connaissance du monde extérieur, c’est-à-dire
de
la science et du pouvoir de l’homme sur les choses matérielles, au dé
7672
térieur, c’est-à-dire de la science et du pouvoir
de
l’homme sur les choses matérielles, au détriment de la saisie des vér
7673
saisie des vérités spirituelles. Ce fut l’inverse
de
ce qui s’était produit au début de notre civilisation : alors, notre
7674
fut l’inverse de ce qui s’était produit au début
de
notre civilisation : alors, notre religion avait sauvé le monde ancie
7675
religion avait sauvé le monde ancien à l’instant
de
périr, et formé une culture nouvelle, quoique obérée par le déclin de
7676
ue obérée par le déclin des sciences, des arts et
de
la vie matérielle. L’accroissement de notre savoir extérieur et de no
7677
des arts et de la vie matérielle. L’accroissement
de
notre savoir extérieur et de notre pouvoir sur la nature ne fit rien
7678
lle. L’accroissement de notre savoir extérieur et
de
notre pouvoir sur la nature ne fit rien pour apaiser les tensions int
7679
t entre idolâtries nationales opposées, l’absence
de
communes mesures et de doctrines invariables les garantissant, nous c
7680
onales opposées, l’absence de communes mesures et
de
doctrines invariables les garantissant, nous conduisit, aux débuts du
7681
os et à des dissensions entre les hommes menaçant
de
détruire toute société. Dans cette crise, une seule alternative demeu
7682
rnative demeure : la guérison par la restauration
de
la foi catholique, ou l’extinction de notre culture.274 Cependant,
7683
estauration de la foi catholique, ou l’extinction
de
notre culture.274 Cependant, un autre philosophe catholique, Jacque
7684
çant lui aussi au nom du thomisme les « erreurs »
de
l’humanisme libéral, entend faire confiance non point à quelque réact
7685
manisme, à un « humanisme intégral ». À la veille
de
la Seconde Guerre mondiale, dans une conférence sur le Crépuscule de
7686
e mondiale, dans une conférence sur le Crépuscule
de
la Civilisation, il dit sa foi dans les « voies de la liberté et de l
7687
e la Civilisation, il dit sa foi dans les « voies
de
la liberté et de l’esprit » : La fatalité qui joue contre les démocr
7688
, il dit sa foi dans les « voies de la liberté et
de
l’esprit » : La fatalité qui joue contre les démocraties modernes, c
7689
joue contre les démocraties modernes, c’est celle
de
la fausse philosophie de la vie qui pendant un siècle a altéré leur p
7690
es modernes, c’est celle de la fausse philosophie
de
la vie qui pendant un siècle a altéré leur principe vital authentique
7691
le principe — enfin dégagé dans sa vraie nature —
d’
une espérance renouvelée et d’une foi invincible. Si les démocraties o
7692
s sa vraie nature — d’une espérance renouvelée et
d’
une foi invincible. Si les démocraties occidentales ne doivent pas êtr
7693
ntales ne doivent pas être emportées, et une nuit
de
plusieurs siècles s’étendre sur la civilisation, c’est à condition qu
7694
e politique, et qu’elles retrouvent ainsi le sens
de
la justice, et de l’héroïsme, en retrouvant Dieu. Au crépuscule du so
7695
’elles retrouvent ainsi le sens de la justice, et
de
l’héroïsme, en retrouvant Dieu. Au crépuscule du soir où nous sommes,
7696
penser que se mêlent déjà les lueurs incertaines
d’
un crépuscule du matin. Le redressement spirituel qui s’accomplit depu
7697
es années dans notre pays importe à tout l’avenir
de
la civilisation. Et aussi le développement, dans des parties de plus
7698
t, dans des parties de plus en plus considérables
de
la jeunesse française, de conceptions politiques et sociales fondées
7699
s en plus considérables de la jeunesse française,
de
conceptions politiques et sociales fondées sur la valeur de la person
7700
ions politiques et sociales fondées sur la valeur
de
la personne humaine. L’Europe, cependant, est-il trop tard pour l’Eur
7701
t, est-il trop tard pour l’Europe ? Avec l’Europe
d’
aujourd’hui, qui oserait espérer en la possibilité d’une nouvelle chré
7702
ujourd’hui, qui oserait espérer en la possibilité
d’
une nouvelle chrétienté ? — D’abord l’Europe n’est pas isolée, ce n’es
7703
urope, c’est pour le monde entier que le problème
de
la civilisation se pose maintenant. D’autre part l’important pour cha
7704
t. D’autre part l’important pour chacun n’est pas
de
savoir ce que fera l’univers, mais ce qu’il a à faire, lui. Le reste
7705
es États totalitaires n’ignorent pas l’importance
de
l’unanimité morale ; ils s’efforcent de la procurer, ils ne peuvent y
7706
mportance de l’unanimité morale ; ils s’efforcent
de
la procurer, ils ne peuvent y parvenir que par l’intimidation et la c
7707
itive, à l’égard de l’adhésion interne des cœurs,
d’
une efficacité douteuse. La question est de savoir si les peuples des
7708
cœurs, d’une efficacité douteuse. La question est
de
savoir si les peuples des pays encore libres sont capables d’atteindr
7709
les peuples des pays encore libres sont capables
d’
atteindre par les voies de la liberté et de l’esprit une suffisante un
7710
re libres sont capables d’atteindre par les voies
de
la liberté et de l’esprit une suffisante unanimité morale et de résis
7711
pables d’atteindre par les voies de la liberté et
de
l’esprit une suffisante unanimité morale et de résister aux altératio
7712
et de l’esprit une suffisante unanimité morale et
de
résister aux altérations qui menacent du dedans leur conscience. Rel
7713
tte formule qu’on retrouve par ailleurs dans plus
d’
un essai de cette époque : « L’importance pour chacun n’est pas de sav
7714
qu’on retrouve par ailleurs dans plus d’un essai
de
cette époque : « L’importance pour chacun n’est pas de savoir ce que
7715
tte époque : « L’importance pour chacun n’est pas
de
savoir ce que fera l’univers, mais de savoir ce qu’il fera, lui. » Vo
7716
n n’est pas de savoir ce que fera l’univers, mais
de
savoir ce qu’il fera, lui. » Voilà qui marque la limite existentielle
7717
, lui. » Voilà qui marque la limite existentielle
de
la valeur des prévisions qu’on vient de citer. Au reste, qu’il s’agis
7718
Au reste, qu’il s’agisse des Cassandres modernes (
de
Thomas Hobbes à Orwell, en passant par Swift, Butler, Spengler et Hux
7719
ler, Spengler et Huxley) ou des grands Utopistes (
de
Bacon à notre science-fiction, en passant par Thomas Moore, Campanell
7720
gerac, Jules Verne et H. G. Wells) la notion même
de
prévision doit être sérieusement revue. Karl Jaspers, dans un des ouv
7721
Jaspers, dans un des ouvrages les plus marquants
de
l’entre-deux-guerres, La Situation spirituelle de notre époque (paru
7722
de l’entre-deux-guerres, La Situation spirituelle
de
notre époque (paru en 1931), a senti cette nécessité, devant le décha
7723
échaînement des prophètes du néant, annonciateurs
de
l’hitlérisme. Avant de proclamer que tout est perdu, rétablissons les
7724
que tout est perdu, rétablissons les proportions
de
notre drame dans la relativité de l’Histoire humaine : … Comparés au
7725
les proportions de notre drame dans la relativité
de
l’Histoire humaine : … Comparés aux milliards d’années sur lesquelle
7726
de l’Histoire humaine : … Comparés aux milliards
d’
années sur lesquelles s’étend l’histoire de la terre, les six-mille an
7727
liards d’années sur lesquelles s’étend l’histoire
de
la terre, les six-mille ans de la tradition humaine sont comme les pr
7728
s’étend l’histoire de la terre, les six-mille ans
de
la tradition humaine sont comme les premières secondes d’une nouvelle
7729
adition humaine sont comme les premières secondes
d’
une nouvelle période de transformation de la planète. Comparée aux mil
7730
mme les premières secondes d’une nouvelle période
de
transformation de la planète. Comparée aux milliers d’années qui se s
7731
secondes d’une nouvelle période de transformation
de
la planète. Comparée aux milliers d’années qui se sont écoulées, d’ap
7732
ansformation de la planète. Comparée aux milliers
d’
années qui se sont écoulées, d’après les découvertes paléontologiques,
7733
découvertes paléontologiques, depuis l’apparition
de
l’homme, la période historique est comme une première ébauche des pos
7734
s à l’homme, depuis que, ayant surmonté l’inertie
d’
une pure répétition, il s’est mis en mouvement. Six-mille ans, il est
7735
. Le souvenir nous donne évidemment la conscience
de
notre vieillesse, nous avons l’impression — aujourd’hui comme il y a
7736
ourd’hui comme il y a deux-mille ans — que la fin
de
l’histoire est proche : il semble que les meilleures époques sont déj
7737
sont déjà révolues. Mais à considérer l’histoire
de
la terre, nous prenons conscience de ce que notre entreprise est enco
7738
r l’histoire de la terre, nous prenons conscience
de
ce que notre entreprise est encore très limitée et de ce que notre si
7739
e que notre entreprise est encore très limitée et
de
ce que notre situation n’est que celle d’un premier commencement ; to
7740
itée et de ce que notre situation n’est que celle
d’
un premier commencement ; tout se trouve encore en avant de nous ; la
7741
idité des découvertes techniques qui se succèdent
de
décade en décade paraît en fournir une preuve infaillible. Mais nous
7742
ut entière est autre chose qu’un épisode passager
de
l’histoire de la terre ; l’homme pourrait disparaître et son histoire
7743
autre chose qu’un épisode passager de l’histoire
de
la terre ; l’homme pourrait disparaître et son histoire faire place à
7744
toire faire place à une pure évolution géologique
de
durée indéterminée. Tout est possible, devant nous : l’épuisement de
7745
e. Tout est possible, devant nous : l’épuisement
de
nos ressources énergétiques, le refroidissement mortel de la Terre, o
7746
essources énergétiques, le refroidissement mortel
de
la Terre, ou air contraire la domination par la technique du mécanism
7747
a technique du mécanisme terrestre et la conquête
de
l’espace cosmique, offrant à l’homme de nouvelles conditions de vie ;
7748
conquête de l’espace cosmique, offrant à l’homme
de
nouvelles conditions de vie ; la fin de la culture, ou au contraire l
7749
smique, offrant à l’homme de nouvelles conditions
de
vie ; la fin de la culture, ou au contraire le début d’une ère de dév
7750
à l’homme de nouvelles conditions de vie ; la fin
de
la culture, ou au contraire le début d’une ère de développement inint
7751
; la fin de la culture, ou au contraire le début
d’
une ère de développement ininterrompu. Certes, nous sommes frappés par
7752
de la culture, ou au contraire le début d’une ère
de
développement ininterrompu. Certes, nous sommes frappés par les signe
7753
loi obscure qui détermine inexorablement le cours
de
l’histoire humaine tout entière ? Ne consommons-nous pas lentement un
7754
qui nous a été léguée par le passé ? La décadence
de
l’art, de la poésie, de la philosophie n’est-elle pas le symptôme d’u
7755
été léguée par le passé ? La décadence de l’art,
de
la poésie, de la philosophie n’est-elle pas le symptôme d’un proche é
7756
r le passé ? La décadence de l’art, de la poésie,
de
la philosophie n’est-elle pas le symptôme d’un proche épuisement de c
7757
sie, de la philosophie n’est-elle pas le symptôme
d’
un proche épuisement de cette substance ? La dispersion et l’affaireme
7758
n’est-elle pas le symptôme d’un proche épuisement
de
cette substance ? La dispersion et l’affairement qui caractérisent le
7759
ion et l’affairement qui caractérisent les hommes
d’
aujourd’hui, leur comportement social, la façon mécanique dont ils s’a
7760
social, la façon mécanique dont ils s’acquittent
de
leurs tâches professionnelles, leur manque de conviction dans l’activ
7761
ent de leurs tâches professionnelles, leur manque
de
conviction dans l’activité politique, le caractère superficiel de leu
7762
ns l’activité politique, le caractère superficiel
de
leurs distractions, tout cela n’est-il pas une preuve de ce que cette
7763
s distractions, tout cela n’est-il pas une preuve
de
ce que cette substance est déjà presque consommée ? Sans doute savons
7764
? Sans doute savons-nous encore quel est l’enjeu
de
la perte que nous éprouvons au moment même où nous la subissons. Mais
7765
rons même plus, car ils seront devenus incapables
de
le comprendre. De pareilles questions et toutes les réponses qu’on pe
7766
r ils seront devenus incapables de le comprendre.
De
pareilles questions et toutes les réponses qu’on peut y faire ne nous
7767
nos doctrines militantes, peut être une démission
de
l’esprit mais peut être aussi, et doit être, une décision existentiel
7768
n existentielle : … Cette prévision descriptive
de
la totalité, qui se sépare de la volonté agissante, devient une dérob
7769
évision descriptive de la totalité, qui se sépare
de
la volonté agissante, devient une dérobade devant l’action authentiqu
7770
authentique qui commence avec l’action intérieure
de
l’individu. Nous nous laissons éblouir par le « théâtre de l’histoire
7771
vidu. Nous nous laissons éblouir par le « théâtre
de
l’histoire du monde » et par les théories qui défendent la nécessité
7772
grès doit conduire à une société sans classe — ou
de
la morphologie de la culture, qui en fait un processus soumis à des l
7773
à une société sans classe — ou de la morphologie
de
la culture, qui en fait un processus soumis à des lois — ou de la phi
7774
, qui en fait un processus soumis à des lois — ou
de
la philosophie dogmatique, qui y voit l’extension progressive et la r
7775
y voit l’extension progressive et la réalisation
d’
une vérité absolue et définitive… … Plus le terme sur lequel porte la
7776
ne voit pas le cours des événements sous la forme
d’
un déroulement inéluctable, mais seulement sous forme de possibilité e
7777
monde actuel. Éd. Stock, Paris. 267. Le Déclin
de
l’Occident, I, p. 114. Trad. française, Gallimard, Paris. 268. Ibid
7778
e page. 269. Paul Valéry : Variété I. « La crise
de
l’esprit » (deux lettres datées de 1919), Gallimard, Paris, 1924. 27
7779
I. « La crise de l’esprit » (deux lettres datées
de
1919), Gallimard, Paris, 1924. 270. C. J. Burckhardt, Hugo von Hofma
7780
traires, chapitre sur « L’Européanisation », daté
de
1906. 273. Cf. Le Sentiment tragique de la vie, 1912. 274. Hilaire
7781
», daté de 1906. 273. Cf. Le Sentiment tragique
de
la vie, 1912. 274. Hilaire Belloc : The Crisis of our Civilization.
7782
re sont tous sévères, mais on a pu remarquer que,
de
Spengler à Maritain, une évolution se dessine vers un possible espoir
7783
rsonnaliste qui, dès 1933, lançait le mot d’ordre
de
« l’engagement », c’est-à-dire, à ce moment-là, du refus de la démiss
7784
agement », c’est-à-dire, à ce moment-là, du refus
de
la démission de l’esprit devant les lois réputées « fatales » de notr
7785
-à-dire, à ce moment-là, du refus de la démission
de
l’esprit devant les lois réputées « fatales » de notre décadence.) Le
7786
de l’esprit devant les lois réputées « fatales »
de
notre décadence.) Les nombreux « retours à l’orthodoxie » qui animent
7787
qui nient nos fatalités, sont dans ce sens autant
de
signes d’une vitalité neuve, d’un renouvellement des tensions qui ont
7788
nos fatalités, sont dans ce sens autant de signes
d’
une vitalité neuve, d’un renouvellement des tensions qui ont fait, dep
7789
ns ce sens autant de signes d’une vitalité neuve,
d’
un renouvellement des tensions qui ont fait, depuis les origines, le d
7790
s qui ont fait, depuis les origines, le dynamisme
de
notre culture. Mais ils ne se réfèrent à l’Europe que comme au cadre
7791
se réfèrent à l’Europe que comme au cadre naturel
de
leur action. Qu’en est-il de l’Europe elle-même, considérée comme uni
7792
mme au cadre naturel de leur action. Qu’en est-il
de
l’Europe elle-même, considérée comme unité, et face au Monde du xxe
7793
sa vocation mondiale ? A-t-elle encore conscience
d’
elle-même ? Le seul fait qu’Ortega et Benda posent ces questions — l’u
7794
uestions — l’un à la veille, l’autre au lendemain
de
la Deuxième Guerre — ne serait-il pas le signe avant-coureur d’une re
7795
Guerre — ne serait-il pas le signe avant-coureur
d’
une renaissance ? José Ortega y Gasset (1883-1955), dans son livre le
7796
estion qui hante l’époque : On a tellement parlé
de
la décadence européenne, que beaucoup ont fini par la prendre pour un
7797
bien que, sincèrement, ils ne se souviennent pas
d’
en avoir été convaincus résolument, à aucune date déterminée. … Le spe
7798
n décadence, et, par conséquent, ne s’occupe plus
de
commander, chaque nation, même la plus minuscule, bondit, gesticule,
7799
ou se redresse et s’étire pour se donner des airs
de
grande personne, qui conduit elle-même son propre destin. Delà, ce vi
7800
son propre destin. Delà, ce vibrionique panorama
de
« nationalismes » que l’on nous offre de tous côtés… Il est vraiment
7801
panorama de « nationalismes » que l’on nous offre
de
tous côtés… Il est vraiment comique de contempler telle ou telle peti
7802
nous offre de tous côtés… Il est vraiment comique
de
contempler telle ou telle petite république qui, de son petit coin pe
7803
contempler telle ou telle petite république qui,
de
son petit coin perdu, se hausse sur la pointe des pieds, tance l’Euro
7804
l’Europe, et déclare que les Européens n’ont plus
de
rôle à jouer dans l’histoire universelle. Qu’en résulte-t-il ? L’Euro
7805
’en résulte-t-il ? L’Europe avait créé un système
de
normes dont les siècles ont montré l’efficacité et la fertilité. Ces
7806
normes ne sont pas les meilleures — il s’en faut
de
beaucoup, certes — mais elles sont, sans aucun doute, définitives tan
7807
’autres. Aujourd’hui les peuples-masse ont résolu
de
tenir pour caduc ce système de normes qu’est la civilisation. Mais co
7808
s-masse ont résolu de tenir pour caduc ce système
de
normes qu’est la civilisation. Mais comme ils sont incapables d’en cr
7809
t la civilisation. Mais comme ils sont incapables
d’
en créer un autre, ils ne savent que faire, et pour passer le temps, i
7810
ui survient lorsque dans le monde quelqu’un cesse
de
commander ; les autres, en se révoltant, se trouvent sans avoir rien
7811
trouvent sans avoir rien à faire, sans programme
de
vie. Le Gitan s’en vint à confesse. Mais le curé, prudemment, commenç
7812
r lui demander s’il connaissait les commandements
de
Dieu. À quoi le Gitan répondit : « Voilà, mon père, j’allais me mettr
7813
plus cours ; aussitôt hommes et peuples profitent
de
l’occasion pour vivre sans impératifs. Car les impératifs européens e
7814
ui est généralement vacance, fainéantise, vacuité
de
la vie, désolation. Il importerait peu que l’Europe cessât de command
7815
ésolation. Il importerait peu que l’Europe cessât
de
commander, s’il y avait quelqu’un qui fût capable de la remplacer. Ma
7816
commander, s’il y avait quelqu’un qui fût capable
de
la remplacer. Mais nous ne voyons pas même l’ombre d’un remplaçant. N
7817
a remplacer. Mais nous ne voyons pas même l’ombre
d’
un remplaçant. New York et Moscou ne sont rien de nouveau par rapport
7818
lui-même s’habitue à ne pas commander, il suffira
d’
une génération et demie pour que l’ancien continent, et avec lui le mo
7819
ale. Seule l’illusion du pouvoir et la discipline
de
responsabilité qu’elle inspire peuvent maintenir tendues les âmes d’O
7820
u’elle inspire peuvent maintenir tendues les âmes
d’
Occident. La science, l’art, la technique et tout le reste vivent de l
7821
ence, l’art, la technique et tout le reste vivent
de
l’atmosphère tonique que crée la conscience du commandement. Si celle
7822
éen deviendra définitivement quotidien. Incapable
de
tout effort créateur et gratuit, il retombera dans le passé, dans l’h
7823
éature vulgaire, formaliste, vide comme les Grecs
de
la décadence et ceux de l’histoire byzantine. Telles seraient les ra
7824
ste, vide comme les Grecs de la décadence et ceux
de
l’histoire byzantine. Telles seraient les raisons de notre décadence
7825
’histoire byzantine. Telles seraient les raisons
de
notre décadence. Mais voici les formules de notre renaissance : … Le
7826
isons de notre décadence. Mais voici les formules
de
notre renaissance : … Les Européens ne savent pas vivre s’ils ne son
7827
désagrège. Nous avons aujourd’hui un commencement
de
désagrégation sous nos yeux. Les cercles qui, jusqu’à nos jours, se s
7828
n passé qui l’emprisonne et l’alourdit. Avec plus
de
liberté vitale que jamais, nous sentons tous que l’air est irrespirab
7829
lus purement dynamique exige la permanence active
de
cette pluralité qui a toujours été la vie de l’Occident. Tout le mond
7830
tive de cette pluralité qui a toujours été la vie
de
l’Occident. Tout le monde perçoit l’urgence d’un nouveau principe de
7831
ie de l’Occident. Tout le monde perçoit l’urgence
d’
un nouveau principe de vie. Mais — comme il arrive toujours en de semb
7832
le monde perçoit l’urgence d’un nouveau principe
de
vie. Mais — comme il arrive toujours en de semblables crises — quelqu
7833
incipe de vie. Mais — comme il arrive toujours en
de
semblables crises — quelques-uns essaient de sauver l’instant présent
7834
s en de semblables crises — quelques-uns essaient
de
sauver l’instant présent par une intensification extrême et artificie
7835
t par une intensification extrême et artificielle
de
ce principe qui, précisément, est depuis longtemps caduc. Tel est le
7836
ment, est depuis longtemps caduc. Tel est le sens
de
l’irruption des « nationalismes » de ces dernières années. Et je ne c
7837
est le sens de l’irruption des « nationalismes »
de
ces dernières années. Et je ne cesse de le redire : il en a toujours
7838
alismes » de ces dernières années. Et je ne cesse
de
le redire : il en a toujours été ainsi. C’est la dernière flamme qui
7839
rnier soupir qui est le plus profond. À la veille
de
disparaître, les frontières deviennent plus sensibles que jamais — le
7840
es nationalismes sont des impasses ; qu’on essaie
de
les projeter vers le futur et l’on ressentira le contrecoup. Ils n’of
7841
e, un prétexte qui s’offre pour éluder le pouvoir
d’
invention, le devoir de grandes entreprises. D’ailleurs, la simplicité
7842
fre pour éluder le pouvoir d’invention, le devoir
de
grandes entreprises. D’ailleurs, la simplicité des moyens avec lesque
7843
exalte, révèlent amplement qu’il est le contraire
d’
une création historique. Seule, la décision de construire une grande n
7844
ire d’une création historique. Seule, la décision
de
construire une grande nation avec le groupe des peuples continentaux
7845
oupe des peuples continentaux relèverait le pouls
de
l’Europe. Celle-ci recommencerait à croire en elle-même et automatiqu
7846
en elle-même et automatiquement à exiger beaucoup
d’
elle, à se discipliner. La dialectique romantique de Spengler conclua
7847
lle, à se discipliner. La dialectique romantique
de
Spengler concluait à la décadence inévitable. Ortega, concluant à l’u
7848
ne fait pas autre chose quand il accuse l’Europe
d’
inconscience : c’est pour la réveiller qu’il la fustige : L’Europe n’
7849
a fustige : L’Europe n’a pas connu la conscience
d’
une unité politique. Du point de vue politique la volonté de l’Europe
7850
é politique. Du point de vue politique la volonté
de
l’Europe aura été exclusivement nationaliste. Elle aura consisté dans
7851
sisté dans un double travail qui fut, d’une part,
de
former des nations et, d’autre part, de les rendre indépendantes les
7852
une part, de former des nations et, d’autre part,
de
les rendre indépendantes les unes des autres. Le mouvement commence a
7853
e qu’ils opposèrent les « gentes » à ces éléments
d’
internationalisme qu’étaient l’Empire romain et l’Église, en ce qu’ils
7854
et l’Église, en ce qu’ils incarnèrent la négation
de
l’« Imperium » et de l’« Ecclesia ». Il prend corps lors de la disloc
7855
’ils incarnèrent la négation de l’« Imperium » et
de
l’« Ecclesia ». Il prend corps lors de la dislocation de l’unité créé
7856
Ecclesia ». Il prend corps lors de la dislocation
de
l’unité créée par Charlemagne, avec le partage de Verdun. Quelques ho
7857
de l’unité créée par Charlemagne, avec le partage
de
Verdun. Quelques hommes — des clercs nourris dans la religion de l’Em
7858
ques hommes — des clercs nourris dans la religion
de
l’Empire romain — pleurent ce partage, mais la majorité s’en réjouit.
7859
uit. Elle se réjouit, dans chacun des trois lots,
de
penser qu’elle pourra désormais réaliser une destinée indépendante. À
7860
indépendante. À partir de ce moment, la tendance
de
l’Europe vers des groupes séparés n’ira qu’en se précisant. Comme il
7861
ntions universalistes des Hohenstaufen, plus tard
de
Charles-Quint, ne font que précipiter la volonté de sécession de la F
7862
Charles-Quint, ne font que précipiter la volonté
de
sécession de la France, de l’Autriche, des cités italiennes, des cant
7863
t, ne font que précipiter la volonté de sécession
de
la France, de l’Autriche, des cités italiennes, des cantons suisses,
7864
précipiter la volonté de sécession de la France,
de
l’Autriche, des cités italiennes, des cantons suisses, des Flandres.
7865
iennes, des cantons suisses, des Flandres. Celles
de
la papauté produisent le même effet sur les diverses parties de la ch
7866
produisent le même effet sur les diverses parties
de
la chrétienté. Toutes se signent dans ce cri de l’une d’elles : « Nou
7867
s de la chrétienté. Toutes se signent dans ce cri
de
l’une d’elles : « Nous sommes d’abord vénitiens, ensuite chrétiens… »
7868
hrétienté. Toutes se signent dans ce cri de l’une
d’
elles : « Nous sommes d’abord vénitiens, ensuite chrétiens… » Enfin, a
7869
ples (particulièrement l’Allemagne !), la volonté
de
l’Europe d’être désunie et de former des nations indépendantes les un
7870
ulièrement l’Allemagne !), la volonté de l’Europe
d’
être désunie et de former des nations indépendantes les unes des autre
7871
agne !), la volonté de l’Europe d’être désunie et
de
former des nations indépendantes les unes des autres atteint son apog
7872
atteint son apogée. Elle se traduit par une furie
de
séparations : la Belgique d’avec la Hollande, la Suède d’avec la Norv
7873
lande, la Suède d’avec la Norvège. Elle s’incarne
d’
une façon saisissante dans Bismarck qui, contre-pied exact de Napoléon
7874
saisissante dans Bismarck qui, contre-pied exact
de
Napoléon, entend, par ses conquêtes, faire sa nation à lui, repousse
7875
e sa nation à lui, repousse résolument toute idée
d’
Europe, où il ne voit qu’idéalisme stupide. En conséquence logique de
7876
voit qu’idéalisme stupide. En conséquence logique
de
son œuvre, du Niémen jusqu’à l’Atlantique s’établit un régime où chaq
7877
régime où chaque État s’enferme dans une religion
de
lui-même, dans un mépris des autres — « l’égoïsme sacré » — tels qu’o
7878
l’égoïsme sacré » — tels qu’on n’en avait pas vu
de
semblables, cependant que de nouvelles doctrines philosophiques, accl
7879
on n’en avait pas vu de semblables, cependant que
de
nouvelles doctrines philosophiques, acclamées par toutes les nations
7880
. Le xxe siècle qui verra peut-être la formation
de
l’Europe, s’ouvre dans le triomphe violent de l’anti-Europe… Le fait
7881
ion de l’Europe, s’ouvre dans le triomphe violent
de
l’anti-Europe… Le fait que l’Europe n’a jamais constitué une unité po
7882
cet autre fait : on n’a jamais écrit une histoire
de
l’Europe. Les livres qui portent ce titre, sauf peut-être — et encore
7883
nne a composé dans sa captivité pendant la guerre
de
1914, nous exposent l’histoire des différentes parties de l’Europe, d
7884
nous exposent l’histoire des différentes parties
de
l’Europe, de leurs développements respectifs, surtout de leurs opposi
7885
t l’histoire des différentes parties de l’Europe,
de
leurs développements respectifs, surtout de leurs oppositions, non ce
7886
rope, de leurs développements respectifs, surtout
de
leurs oppositions, non celle d’un être historique qui leur serait tra
7887
spectifs, surtout de leurs oppositions, non celle
d’
un être historique qui leur serait transcendant. J’ai parfois reproché
7888
scendant. J’ai parfois reproché à des professeurs
d’
histoire que je savais acquis à l’idée d’une unification européenne de
7889
fesseurs d’histoire que je savais acquis à l’idée
d’
une unification européenne de ne point faire à leurs élèves quelques l
7890
vais acquis à l’idée d’une unification européenne
de
ne point faire à leurs élèves quelques leçons sur l’Europe, envisagée
7891
politique indivise. Ils m’opposaient la nécessité
d’
observer les programmes… L’Europe n’a pas connu davantage la conscienc
7892
s… L’Europe n’a pas connu davantage la conscience
d’
une unité spirituelle. Ici encore, il faut bien distinguer entre le fa
7893
moins façonnées par l’Église et justifiant le mot
de
Stendhal : « L’Europe moderne est née du christianisme. » Accordons à
7894
anisme. » Accordons à notre historien qu’au début
de
l’Europe cette communauté de civilisation ait existé. Allons même plu
7895
istorien qu’au début de l’Europe cette communauté
de
civilisation ait existé. Allons même plus loin et reconnaissons que p
7896
s nationaux n’exista point. Il ne venait à l’idée
d’
aucun étudiant parisien au xiie siècle de s’étonner d’avoir pour dire
7897
l’idée d’aucun étudiant parisien au xiie siècle
de
s’étonner d’avoir pour directeur l’Allemand Albert le Grand ou l’Ital
7898
un étudiant parisien au xiie siècle de s’étonner
d’
avoir pour directeur l’Allemand Albert le Grand ou l’Italien Thomas d’
7899
d Albert le Grand ou l’Italien Thomas d’Aquin, ni
d’
aucun bachelier viennois de trouver mauvais de confier la formation de
7900
ien Thomas d’Aquin, ni d’aucun bachelier viennois
de
trouver mauvais de confier la formation de son esprit au Français Jea
7901
ni d’aucun bachelier viennois de trouver mauvais
de
confier la formation de son esprit au Français Jean Gerson ; encore a
7902
ennois de trouver mauvais de confier la formation
de
son esprit au Français Jean Gerson ; encore au xviiie siècle, pendan
7903
isaient nos livres, adoptaient nos modes. Le fait
d’
une certaine communauté spirituelle européenne a donc existé, mais la
7904
elle européenne a donc existé, mais la conscience
de
ce fait, de son opposition aux particularismes nationaux, n’existait
7905
nne a donc existé, mais la conscience de ce fait,
de
son opposition aux particularismes nationaux, n’existait pas. Ce qui,
7906
s leurs oppositions. C’est la volonté des savants
de
parler désormais leur langue nationale et non plus le latin, qui les
7907
sait par-dessus leurs nations ; celle des peuples
de
nationaliser la prière, la prédication ; celle des littérateurs de ne
7908
a prière, la prédication ; celle des littérateurs
de
nettement dégager leur idiome de ce qu’il pouvait avoir de non nation
7909
des littérateurs de nettement dégager leur idiome
de
ce qu’il pouvait avoir de non national… Nous allons pourtant voir app
7910
ent dégager leur idiome de ce qu’il pouvait avoir
de
non national… Nous allons pourtant voir apparaître dans ce passé une
7911
ssé une époque qui a vraiment connu la conscience
d’
un esprit européen, c’est la fin du xviiie siècle, avec ces hommes qu
7912
qu’« il se forme en Europe une république immense
d’
esprits cultivés », dont le type a été le prince de Ligne et dont on p
7913
etzsche, Romain Rolland, André Gide. Ai-je besoin
de
dire si ce mouvement a été violemment enrayé par le xixe siècle au n
7914
par un Maurras jetant l’infamie, dans la personne
de
Romain Rolland, sur tout ce qui sert l’esprit européen. Ce nationalis
7915
, encore une fois, verra peut-être la réalisation
de
l’Europe, débute par l’affirmation la plus farouche et la plus consci
7916
s farouche et la plus consciente qu’on vit jamais
de
l’anti-Europe… Aujourd’hui, l’idée de nation semble avoir terminé sa
7917
vit jamais de l’anti-Europe… Aujourd’hui, l’idée
de
nation semble avoir terminé sa carrière, être devenue malfaisante aux
7918
e, être devenue malfaisante aux Européens, l’idée
d’
Europe apparaît. Mais ne nous berçons pas d’illusions ; n’allons pas c
7919
’idée d’Europe apparaît. Mais ne nous berçons pas
d’
illusions ; n’allons pas croire que cette idée va triompher naturellem
7920
ner une forte opposition, une résistance nourrie,
de
très sérieux obstacles.275 Ces obstacles nationalistes, le poète au
7921
es dépasser, par une prise de conscience nouvelle
de
nos grandeurs spirituelles : Nul doute que le concept d’« Europe »,
7922
randeurs spirituelles : Nul doute que le concept
d’
« Europe », comme bien d’autres hautes conceptions d’ensemble, ne soit
7923
Europe », comme bien d’autres hautes conceptions
d’
ensemble, ne soit devenu problématique, — nul doute non plus que notre
7924
ute non plus que notre survie spirituelle dépende
de
sa restauration. On ne le trouvera jamais au terme d’un processus d’a
7925
a restauration. On ne le trouvera jamais au terme
d’
un processus d’abstraction, ni en retranchant — ou en ajoutant — quelq
7926
On ne le trouvera jamais au terme d’un processus
d’
abstraction, ni en retranchant — ou en ajoutant — quelque chose au con
7927
chant — ou en ajoutant — quelque chose au concept
de
nation, et moins encore par des évocations sentimentales. Vers ce gra
7928
on. Car c’est dans les plus hautes manifestations
de
chaque nation qu’on le découvre, et d’autant plus clairement que s’y
7929
festations de chaque nation qu’on le découvre, et
d’
autant plus clairement que s’y exprime d’une manière plus pure et plus
7930
uvre, et d’autant plus clairement que s’y exprime
d’
une manière plus pure et plus nette ce que la nation possède en propre
7931
rand phénomène devient européen : ainsi en fut-il
de
Jules César et de Napoléon, de Pétrarque et de Kant, de la musique al
7932
ient européen : ainsi en fut-il de Jules César et
de
Napoléon, de Pétrarque et de Kant, de la musique allemande de Bach à
7933
: ainsi en fut-il de Jules César et de Napoléon,
de
Pétrarque et de Kant, de la musique allemande de Bach à Beethoven, de
7934
il de Jules César et de Napoléon, de Pétrarque et
de
Kant, de la musique allemande de Bach à Beethoven, de la peinture fra
7935
es César et de Napoléon, de Pétrarque et de Kant,
de
la musique allemande de Bach à Beethoven, de la peinture française d’
7936
de Pétrarque et de Kant, de la musique allemande
de
Bach à Beethoven, de la peinture française d’Ingres à Cézanne. Là où
7937
ant, de la musique allemande de Bach à Beethoven,
de
la peinture française d’Ingres à Cézanne. Là où une grande pensée est
7938
nde de Bach à Beethoven, de la peinture française
d’
Ingres à Cézanne. Là où une grande pensée est conçue, là est l’Europe.
7939
uir dans l’universel. Aujourd’hui, comme au temps
d’
Anaximandre, toute philosophie est européenne. Toute grande idée polit
7940
connaissance féconde du passé est européenne. (Et
de
quoi aurions-nous davantage besoin, que d’une vision profonde, totale
7941
e. (Et de quoi aurions-nous davantage besoin, que
d’
une vision profonde, totalement renouvelée et purifiée, de la non-Euro
7942
sion profonde, totalement renouvelée et purifiée,
de
la non-Europe !) Notre époque est une époque de rétablissement, — bie
7943
, de la non-Europe !) Notre époque est une époque
de
rétablissement, — bien que jamais l’expression de la faiblesse n’ait
7944
de rétablissement, — bien que jamais l’expression
de
la faiblesse n’ait été si impudique, la volonté de désintégration si
7945
e la faiblesse n’ait été si impudique, la volonté
de
désintégration si débridée. Derrière le remue-ménage des prophètes de
7946
débridée. Derrière le remue-ménage des prophètes
de
la décadence et des bacchantes du chaos, des chauvinistes et des cosm
7947
chauvinistes et des cosmopolites, des adorateurs
de
l’instant et des adorateurs de l’apparence, sur le grand arrière-fond
7948
es, des adorateurs de l’instant et des adorateurs
de
l’apparence, sur le grand arrière-fond sérieux des choses européennes
7949
es nations, s’unir dans une grande pensée : celle
de
la restauration créatrice.276 Il appartenait à Martin Heidegger de
7950
créatrice.276 Il appartenait à Martin Heidegger
de
ramasser sous sa forme la plus dense, celle de l’interrogation en soi
7951
er de ramasser sous sa forme la plus dense, celle
de
l’interrogation en soi — qui me paraît la formule de sa philosophie —
7952
l’interrogation en soi — qui me paraît la formule
de
sa philosophie —, le problème de l’être même du « crépuscule occident
7953
araît la formule de sa philosophie —, le problème
de
l’être même du « crépuscule occidental » : Anaximandre aurait vécu d
7954
répuscule occidental » : Anaximandre aurait vécu
de
la fin du viie au milieu du vie siècle avant J.-C. dans l’île de Sa
7955
Samos, et sa sentence passe pour la plus ancienne
de
la pensée occidentale. La voici, selon le texte communément accepté :
7956
iné en 1873 et intitulé La Philosophie à l’époque
de
la tragédie grecque. Du fond d’un éloignement chronologique et histor
7957
sophie à l’époque de la tragédie grecque. Du fond
d’
un éloignement chronologique et historique de deux millénaires et demi
7958
fond d’un éloignement chronologique et historique
de
deux millénaires et demi, la sentence d’Anaximandre a-t-elle encore q
7959
storique de deux millénaires et demi, la sentence
d’
Anaximandre a-t-elle encore quelque chose à nous dire ? Par quelle aut
7960
a plus ancienne ? L’antiquité par elle-même n’est
d’
aucun poids. Au surplus, si la sentence est la plus ancienne de celles
7961
. Au surplus, si la sentence est la plus ancienne
de
celles qui nous ont été transmises, nous n’en ignorons pas moins si e
7962
le est à sa manière la sentence la plus primitive
de
la pensée occidentale. Nous ne pouvons le supposer que pour autant qu
7963
pposer que pour autant que nous pensons l’essence
de
l’Occident à partir de cela même dont parle la sentence primitive. Ma
7964
cela même dont parle la sentence primitive. Mais
de
quel droit ce qui vient en premier lieu nous parlerait-il, à nous aut
7965
sommes sans doute les plus tardifs des tard-venus
de
la philosophie ? Sommes-nous les tard-venus d’une Histoire qui parvie
7966
us de la philosophie ? Sommes-nous les tard-venus
d’
une Histoire qui parvient aujourd’hui à sa fin, qui met un terme à tou
7967
Ou bien l’éloignement chronologique et historique
de
la sentence cache-t-il une proximité historique de l’informulé, qui p
7968
e la sentence cache-t-il une proximité historique
de
l’informulé, qui parlerait à ce qui vient ? Sommes-nous donc à la vei
7969
ait à ce qui vient ? Sommes-nous donc à la veille
de
la transformation la plus inouïe de toute la Terre et du temps de l’H
7970
c à la veille de la transformation la plus inouïe
de
toute la Terre et du temps de l’Histoire ? Sommes-nous devant le crép
7971
tion la plus inouïe de toute la Terre et du temps
de
l’Histoire ? Sommes-nous devant le crépuscule d’une nuit qui prépare
7972
de l’Histoire ? Sommes-nous devant le crépuscule
d’
une nuit qui prépare une autre aube ? Surgissons-nous précisément pour
7973
rs ce qui est Européen, le lieu des commencements
de
l’Histoire à venir ? Sommes-nous déjà, nous les hommes d’aujourd’hui,
7974
toire à venir ? Sommes-nous déjà, nous les hommes
d’
aujourd’hui, occidentaux dans un sens qui se révélera d’abord à la fav
7975
dans un sens qui se révélera d’abord à la faveur
de
notre entrée dans la nuit universelle ? […] Sommes-nous vraiment les
7976
s-nous pas en même temps les précurseurs du matin
d’
une autre ère du monde, qui aurait laissé derrière elle nos représenta
7977
aissé derrière elle nos représentations actuelles
de
l’Histoire ? Nietzsche, de la philosophie duquel Spengler a déduit, p
7978
résentations actuelles de l’Histoire ? Nietzsche,
de
la philosophie duquel Spengler a déduit, par une grossière incompréhe
7979
grossière incompréhension, sa doctrine historique
de
la décadence de l’Occident, écrivait en 1880 dans Le Voyageur et son
7980
réhension, sa doctrine historique de la décadence
de
l’Occident, écrivait en 1880 dans Le Voyageur et son Ombre : « C’est
7981
s Le Voyageur et son Ombre : « C’est un haut état
de
l’humanité que celui dans lequel l’Europe des peuples n’est qu’un plu
7982
’Europe des peuples n’est qu’un plus sombre passé
d’
oubli, mais où l’Europe vit encore par trente livres très anciens, et
7983
ait peut-être été le premier à voir dans la crise
de
l’Europe la condition d’une renaissance. Laissons-le donc conclure ce
7984
ier à voir dans la crise de l’Europe la condition
d’
une renaissance. Laissons-le donc conclure ce chapitre : Est-il aussi
7985
la crise bienfaisante qui permettrait à l’Europe
d’
être véritablement l’Europe ? L’évidente décadence des nations europée
7986
ropéen, Conférence des Rencontres internationales
de
Genève 1946, Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1957. 276. H. von
7987
ncontres internationales de Genève 1946, Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1957. 276. H. von Hofmannsthal : article d
7988
l, 1957. 276. H. von Hofmannsthal : article daté
de
1925, in Gesammelte Werke, Prosa IV, S. Fischer Verlag, 1955. 277. M
7989
Septième PartieL’Ère des fédérations
De
l’Unité de culture à l’union politique Le Grand Dessein de Sully es
7990
Septième PartieL’Ère des fédérations De l’Unité
de
culture à l’union politique Le Grand Dessein de Sully est un projet
7991
de culture à l’union politique Le Grand Dessein
de
Sully est un projet posthume. L’abbé de Saint-Pierre ne fut pas écout
7992
naux tirent leur doctrine (même s’ils l’ignorent)
d’
une atmosphère intellectuelle que les auteurs qu’on va citer ont large
7993
citer ont largement contribué à définir. Laissons
de
côté l’ordre chronologique — qui perd son importance dans une période
7994
presque simultanément — pour cette partie finale
de
notre ouvrage. Le choix des textes sera fonction d’un plan dont voici
7995
notre ouvrage. Le choix des textes sera fonction
d’
un plan dont voici le très simple argument : L’Europe contestée par le
7996
son salut cherche d’abord à remonter aux sources
d’
où dérivent ses valeurs constituantes et spécifiques ; pour mieux voir
7997
ons, et par suite elle retrouve à la fois le sens
de
sa fonction mondiale et le sens de son unité très singulière, qui est
7998
a fois le sens de sa fonction mondiale et le sens
de
son unité très singulière, qui est unité dans la diversité ; il lui r
7999
diversité ; il lui reste à tirer les conséquences
de
cette reprise de conscience… 1.Les sources vives On ne va pas re
8000
i reste à tirer les conséquences de cette reprise
de
conscience… 1.Les sources vives On ne va pas refaire l’inventair
8001
e l’inventaire bien connu des sources historiques
de
l’Occident : l’Antiquité proche-orientale, Athènes, Rome et Jérusalem
8002
era simplement quelques textes-témoins des prises
de
conscience renouvelées de nos diverses origines, au stade présent de
8003
xtes-témoins des prises de conscience renouvelées
de
nos diverses origines, au stade présent de notre évolution. À chaque
8004
velées de nos diverses origines, au stade présent
de
notre évolution. À chaque époque de son histoire, l’Europe s’est en e
8005
stade présent de notre évolution. À chaque époque
de
son histoire, l’Europe s’est en effet redéfinie par ce qu’elle choisi
8006
it ou refusait — dans ses Antiquités diverses. Et
de
nos jours, il semble bien que le choix proposé dès 1922 par Paul Valé
8007
nte sur la plupart des écrits ultérieurs traitant
de
l’Europe. Voici donc sa fameuse définition des trois sources de toute
8008
oici donc sa fameuse définition des trois sources
de
toute culture qui, selon lui, mérite d’être nommée « européenne ». J
8009
s sources de toute culture qui, selon lui, mérite
d’
être nommée « européenne ». Je considérerai comme européens tous les
8010
nfluences que je vais dire. La première est celle
de
Rome. Partout où l’Empire romain a dominé, et partout où sa puissance
8011
entir ; et même partout où l’Empire a été l’objet
de
crainte, d’admiration et d’envie ; partout où le poids du glaive roma
8012
ême partout où l’Empire a été l’objet de crainte,
d’
admiration et d’envie ; partout où le poids du glaive romain s’est fai
8013
’Empire a été l’objet de crainte, d’admiration et
d’
envie ; partout où le poids du glaive romain s’est fait sentir, partou
8014
itutions et des lois, où l’appareil et la dignité
de
la magistrature ont été reconnus, copiés, parfois même bizarrement si
8015
s même bizarrement singés, — là est quelque chose
d’
européen. Rome est le modèle éternel de la puissance organisée et stab
8016
lque chose d’européen. Rome est le modèle éternel
de
la puissance organisée et stable. Vint ensuite le christianisme : À
8017
le. Vint ensuite le christianisme : À la parole
de
saint Pierre, quoique l’une des très rares religions qui fussent mal
8018
i fussent mal vues à Rome, le christianisme, issu
de
la nation juive, s’étend aux gentils de toute race ; il leur confère
8019
sme, issu de la nation juive, s’étend aux gentils
de
toute race ; il leur confère par le baptême la dignité nouvelle de ch
8020
l leur confère par le baptême la dignité nouvelle
de
chrétien comme Rome conférait à ses ennemis de la veille la cité roma
8021
le de chrétien comme Rome conférait à ses ennemis
de
la veille la cité romaine. Il s’étend peu à peu dans le lit de la pui
8022
la cité romaine. Il s’étend peu à peu dans le lit
de
la puissance latine, il épouse les formes de l’empire. Il en adopte m
8023
lit de la puissance latine, il épouse les formes
de
l’empire. Il en adopte même les divisions administratives (Civitas au
8024
yen romain et même magistrat, il peut être évêque
de
la religion nouvelle. Le même Gaulois, qui est préfet impérial, écrit
8025
lois, qui est préfet impérial, écrit en pur latin
de
belles hymnes à la gloire du fils de Dieu qui est né juif et sujet d’
8026
en pur latin de belles hymnes à la gloire du fils
de
Dieu qui est né juif et sujet d’Hérode. Voici déjà un Européen presqu
8027
a gloire du fils de Dieu qui est né juif et sujet
d’
Hérode. Voici déjà un Européen presque achevé. Un droit commun, un die
8028
tienne vise et atteint progressivement le profond
de
la conscience. … Le christianisme propose à l’esprit les problèmes le
8029
portants et même les plus féconds. Qu’il s’agisse
de
la valeur des témoignages, de la critique des textes, des sources et
8030
nds. Qu’il s’agisse de la valeur des témoignages,
de
la critique des textes, des sources et des garanties de la connaissan
8031
critique des textes, des sources et des garanties
de
la connaissance ; qu’il s’agisse de la distinction de la raison ou de
8032
des garanties de la connaissance ; qu’il s’agisse
de
la distinction de la raison ou de la foi, de l’opposition qui se décl
8033
a connaissance ; qu’il s’agisse de la distinction
de
la raison ou de la foi, de l’opposition qui se déclare entre elles, d
8034
qu’il s’agisse de la distinction de la raison ou
de
la foi, de l’opposition qui se déclare entre elles, de l’antagonisme
8035
isse de la distinction de la raison ou de la foi,
de
l’opposition qui se déclare entre elles, de l’antagonisme entre la fo
8036
foi, de l’opposition qui se déclare entre elles,
de
l’antagonisme entre la foi et les actes et les œuvres ; qu’il s’agiss
8037
a foi et les actes et les œuvres ; qu’il s’agisse
de
la liberté, de la servitude, de la grâce ; qu’il s’agisse des pouvoir
8038
tes et les œuvres ; qu’il s’agisse de la liberté,
de
la servitude, de la grâce ; qu’il s’agisse des pouvoirs spirituel et
8039
; qu’il s’agisse de la liberté, de la servitude,
de
la grâce ; qu’il s’agisse des pouvoirs spirituel et matériel et de le
8040
il s’agisse des pouvoirs spirituel et matériel et
de
leur mutuel conflit, de l’égalité des hommes, des conditions des femm
8041
spirituel et matériel et de leur mutuel conflit,
de
l’égalité des hommes, des conditions des femmes, que sais-je encore ?
8042
éduque, excite, fait agir et réagir des millions
d’
esprits pendant une suite de siècles. Mais il manque encore quelque c
8043
t réagir des millions d’esprits pendant une suite
de
siècles. Mais il manque encore quelque chose à la figure de l’Europé
8044
Mais il manque encore quelque chose à la figure
de
l’Européen : Ce que nous devons à la Grèce est peut-être ce qui nous
8045
i nous a distingués le plus profondément du reste
de
l’humanité. Nous lui devons la discipline de l’Esprit, l’exemple extr
8046
este de l’humanité. Nous lui devons la discipline
de
l’Esprit, l’exemple extraordinaire de la perfection dans tous les ord
8047
discipline de l’Esprit, l’exemple extraordinaire
de
la perfection dans tous les ordres. Nous lui devons une méthode de pe
8048
dans tous les ordres. Nous lui devons une méthode
de
penser qui tend à rapporter toutes choses à l’homme, à l’homme comple
8049
omplet ; l’homme se devient à soi-même le système
de
références auquel toutes choses doivent enfin pouvoir s’appliquer. Il
8050
iquer. Il doit donc développer toutes les parties
de
son être et les maintenir dans une harmonie aussi claire, et même aus
8051
son esprit. Quant à l’esprit même, il se défendra
de
ses excès, de ses rêveries, de sa production vague et purement imagin
8052
ant à l’esprit même, il se défendra de ses excès,
de
ses rêveries, de sa production vague et purement imaginaire, par une
8053
me, il se défendra de ses excès, de ses rêveries,
de
sa production vague et purement imaginaire, par une critique et une a
8054
naire, par une critique et une analyse minutieuse
de
ses jugements, par une division rationnelle de ses fonctions, par la
8055
se de ses jugements, par une division rationnelle
de
ses fonctions, par la régulation des formes. … Telles m’apparaissent
8056
ut habiter dans sa plénitude. Partout où les noms
de
César, de Gaius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïs
8057
dans sa plénitude. Partout où les noms de César,
de
Gaius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïse et de sa
8058
lénitude. Partout où les noms de César, de Gaius,
de
Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïse et de saint Paul,
8059
tout où les noms de César, de Gaius, de Trajan et
de
Virgile, partout où les noms de Moïse et de saint Paul, partout où le
8060
ius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms
de
Moïse et de saint Paul, partout où les noms d’Aristote, de Platon et
8061
an et de Virgile, partout où les noms de Moïse et
de
saint Paul, partout où les noms d’Aristote, de Platon et d’Euclide on
8062
ms de Moïse et de saint Paul, partout où les noms
d’
Aristote, de Platon et d’Euclide ont eu une signification et une autor
8063
et de saint Paul, partout où les noms d’Aristote,
de
Platon et d’Euclide ont eu une signification et une autorité simultan
8064
aul, partout où les noms d’Aristote, de Platon et
d’
Euclide ont eu une signification et une autorité simultanées, là est l
8065
e biblique. Les pays protestants se nourrissaient
de
la lecture d’un Ancien Testament dont les héros, les guerres et les m
8066
s pays protestants se nourrissaient de la lecture
d’
un Ancien Testament dont les héros, les guerres et les miracles, étaie
8067
ntré dans le Génie du christianisme que le secret
de
la grande littérature européenne réside dans la synthèse de la tradit
8068
de littérature européenne réside dans la synthèse
de
la tradition grecque et de la tradition biblique. Au xxe siècle, ce
8069
éside dans la synthèse de la tradition grecque et
de
la tradition biblique. Au xxe siècle, cependant, les Européens pren
8070
cle, cependant, les Européens prennent conscience
de
plusieurs aspects « nouveaux » de leur héritage sémite. Rappelons d’a
8071
nent conscience de plusieurs aspects « nouveaux »
de
leur héritage sémite. Rappelons d’abord les thèses de Victor Bérard,
8072
eur héritage sémite. Rappelons d’abord les thèses
de
Victor Bérard, qui fait remonter aux mythes et à l’histoire des Phéni
8073
décèle une parenté formelle entre les Chroniques
de
l’Ancien Testament et Les Travaux et les Jours d’Hésiode. Ainsi la so
8074
de l’Ancien Testament et Les Travaux et les Jours
d’
Hésiode. Ainsi la source biblique rejaillit parmi nous mêlée à la sour
8075
urce hellénique la plus ancienne et la plus vive.
D’
une manière plus précise, l’Européen d’aujourd’hui découvre que certai
8076
plus vive. D’une manière plus précise, l’Européen
d’
aujourd’hui découvre que certaines de ses attitudes les plus typiques,
8077
, l’Européen d’aujourd’hui découvre que certaines
de
ses attitudes les plus typiques, qu’on avait coutume de rapporter à d
8078
attitudes les plus typiques, qu’on avait coutume
de
rapporter à des origines romaines ou grecques, relèvent plutôt de la
8079
es origines romaines ou grecques, relèvent plutôt
de
la source hébraïque. Ainsi, les jacobins croyaient trouver dans Rome
8080
cobins croyaient trouver dans Rome les prototypes
de
l’esprit révolutionnaire. Mais, nous dit André Siegfried : Notre con
8081
pirituelle, et non plus seulement intellectuelle,
de
l’homme… c’est à la tradition juive, magnifiquement épanouie dans l’É
8082
ans l’Évangile, que nous la devons. Les prophètes
d’
Israël, ces démagogues fulgurants et divins, ont déposé dans notre esp
8083
posé dans notre esprit cette soif révolutionnaire
de
la justice qui distingue socialement l’Occident. Et de même, ajoute
8084
dent. Et de même, ajoute Siegfried, ce n’est pas
de
la tradition gréco-latine que les révolutions d’aujourd’hui portent l
8085
de la tradition gréco-latine que les révolutions
d’
aujourd’hui portent la marque : La passion marxiste se rattache plutô
8086
sion marxiste se rattache plutôt au vieux ferment
d’
Israël, à la fois destructeur et chargé d’un espoir indestructiblement
8087
ferment d’Israël, à la fois destructeur et chargé
d’
un espoir indestructiblement tourné vers l’avenir. Mais voici dans un
8088
tout autre domaine un aspect non moins surprenant
de
l’héritage hébraïque des Européens, un aspect que les siècles précéde
8089
tu de leurs scientismes antireligieux : l’origine
de
la science moderne serait bien moins grecque que biblique. C’est Karl
8090
Il n’y a rien, pour elle, qui ne vaille la peine
d’
être connu ; elle paraît se disperser dans l’infini. Mais quel que soi
8091
e une extension universelle avec la concentration
de
toute connaissance dans le cosmos des sciences. Elle ne souffre aucun
8092
aucun voile ; elle ne permet pas la tranquillité
d’
opinions faites une fois pour toutes. Sa critique impitoyable révèle d
8093
e. Elle éclaire ses méthodes, reconnaît les modes
de
son savoir, le sens et les limites de ses connaissances. Une telle sc
8094
t les modes de son savoir, le sens et les limites
de
ses connaissances. Une telle science dépasse de loin les amorces qu’i
8095
s de ses connaissances. Une telle science dépasse
de
loin les amorces qu’il y eut en Chine, aux Indes, et aussi dans la Gr
8096
ulement une introduction et un moyen pédagogique.
D’
où vient la science moderne, quelles impulsions l’ont engendrée ? Elle
8097
n essence. C’est, pourquoi tout ce qui est mérite
d’
être connu, en tant que parcelle de la création. Mais il n’est pas rar
8098
qui est mérite d’être connu, en tant que parcelle
de
la création. Mais il n’est pas rare qu’une connaissance nouvelle vien
8099
dans la conception du monde et dans la conscience
de
l’être des Grecs — la science en tant que construction logique fait é
8100
ique fait éclater la logique. La cohérence fermée
de
la connaissance se trouve sacrifiée en faveur d’une recherche infinie
8101
rifiée en faveur d’une recherche infinie, la paix
de
la certitude systématique en faveur d’une mise en question qui ne ces
8102
mise en question qui ne cesse jamais. La logique
de
la science s’ouvre à l’irrationnel et pénètre en lui tout en s’y soum
8103
n lui tout en s’y soumettant. C’est l’interaction
d’
hypothèses conçues et d’expériences faites qui permet d’aller de l’ava
8104
tant. C’est l’interaction d’hypothèses conçues et
d’
expériences faites qui permet d’aller de l’avant, dans une lutte conti
8105
thèses conçues et d’expériences faites qui permet
d’
aller de l’avant, dans une lutte continue pour atteindre la réalité. M
8106
onçues et d’expériences faites qui permet d’aller
de
l’avant, dans une lutte continue pour atteindre la réalité. Mais enco
8107
e ce combat contre l’apparence pour la découverte
de
l’être, une autre impulsion est agissante ici. Dieu ayant créé le mon
8108
ici. Dieu ayant créé le monde paraît responsable
de
ce qu’il est. La connaissance devient une attaque contre Dieu. Mais,
8109
part, une telle connaissance répond à l’exigence
de
Dieu qui veut une véracité absolue. Ainsi se développe, à la source d
8110
véracité absolue. Ainsi se développe, à la source
de
la science, le besoin d’interroger Dieu contre Dieu. Cette impulsion,
8111
e développe, à la source de la science, le besoin
d’
interroger Dieu contre Dieu. Cette impulsion, partie du livre de Job,
8112
ieu contre Dieu. Cette impulsion, partie du livre
de
Job, traverse toute la pensée européenne. C’est cette accusation pass
8113
qui, liée à l’amour pour tout ce qui est création
de
Dieu, a donné naissance à la science européenne — cette science qui,
8114
ertes archéologiques comme celle des « manuscrits
de
la mer Morte » — et c’est un fait patent qu’elle demeure par la Bible
8115
résente et agissante des trois, dans des millions
de
vies intimes. Quant à la source grecque, qui ne peut irriguer que les
8116
ne peut irriguer que les couches intellectuelles
de
nos pays, elle apparaît décidément en crue, aux dépens de la source r
8117
, aux dépens de la source romaine. La renaissance
de
notre intérêt pour les choses grecques se traduit au xxe siècle par
8118
tiques (qu’on peut lire depuis peu même en livres
de
poche) ; vogue des mythes (du complexe d’Œdipe chez Freud jusqu’aux U
8119
livres de poche) ; vogue des mythes (du complexe
d’
Œdipe chez Freud jusqu’aux Ulysses de Joyce ou de Kazantzakis, au Prom
8120
d’Œdipe chez Freud jusqu’aux Ulysses de Joyce ou
de
Kazantzakis, au Prométhée de Spitteler, au Thésée de Gide, aux Orphée
8121
Cocteau, etc.) ; reprise des thèmes et des titres
de
la tragédie grecque par la plupart de nos dramaturges, poètes et comp
8122
sme et les mystères… Un des meilleurs hellénistes
de
ce temps, le Pr Bruno Snell, de Hambourg, pose ainsi le problème de l
8123
leurs hellénistes de ce temps, le Pr Bruno Snell,
de
Hambourg, pose ainsi le problème de la vitalité de la source grecque
8124
Bruno Snell, de Hambourg, pose ainsi le problème
de
la vitalité de la source grecque dans notre temps : L’homme — celui
8125
e Hambourg, pose ainsi le problème de la vitalité
de
la source grecque dans notre temps : L’homme — celui de l’Occident d
8126
ource grecque dans notre temps : L’homme — celui
de
l’Occident du moins — travaille avec conscience et volonté pour son a
8127
rsque nous éprouvons les nombreuses insuffisances
de
la culture européenne moderne, nous nous demandons d’autant plus inst
8128
a culture européenne moderne, nous nous demandons
d’
autant plus instamment : que fut donc cette culture aux temps des orig
8129
tion historique déterminée, doit et peut attendre
de
l’hellénisme : Vers le milieu du xxe siècle, après la Première Gue
8130
mit à réfléchir sur ce qui valait encore la peine
d’
être sauvé en Europe, certains doutes se manifestèrent chez nous : les
8131
se manifestèrent chez nous : les formes anciennes
de
l’humanisme n’avaient-elles pas fait leur temps ? L’humanisme d’un Ér
8132
n’avaient-elles pas fait leur temps ? L’humanisme
d’
un Érasme, semblait-il, n’était plus qu’une affaire d’érudits, celui d
8133
Érasme, semblait-il, n’était plus qu’une affaire
d’
érudits, celui de l’époque de Goethe était trop lié à l’esthétique. C’
8134
-il, n’était plus qu’une affaire d’érudits, celui
de
l’époque de Goethe était trop lié à l’esthétique. C’était d’un nouvel
8135
plus qu’une affaire d’érudits, celui de l’époque
de
Goethe était trop lié à l’esthétique. C’était d’un nouvel humanisme q
8136
de Goethe était trop lié à l’esthétique. C’était
d’
un nouvel humanisme que l’on avait besoin, embrassant le tout de l’hom
8137
manisme que l’on avait besoin, embrassant le tout
de
l’homme, non seulement la pensée et le sentiment, mais l’action. Cet
8138
éthique et politique plaçait au centre la notion
de
Paideia, de culture, et remontait, en fait, à ce qui fut l’origine de
8139
politique plaçait au centre la notion de Paideia,
de
culture, et remontait, en fait, à ce qui fut l’origine de l’humanisme
8140
re, et remontait, en fait, à ce qui fut l’origine
de
l’humanisme isocratique et cicéronien. Toutefois, il n’entendait pas
8141
quité dans son ensemble et surtout à cet antipode
d’
Isocrate que fut Platon : lequel, précisément, n’attribuait pas une di
8142
à l’homme et à sa culture, et prenait pour mesure
de
toutes choses non pas l’homme, mais Dieu […] Que les dieux soient la
8143
mme, mais Dieu […] Que les dieux soient la mesure
de
toutes choses, signifie pour les Grecs que le monde est un cosmos et
8144
te « Nature », les Grecs ne se sont pas contentés
d’
y croire : ils ont cherché à la comprendre, et plus ils s’y appliquaie
8145
vie direction, sens et consistance. Le fondement
de
la culture de l’Europe, c’est la découverte par les Grecs de la maniè
8146
, sens et consistance. Le fondement de la culture
de
l’Europe, c’est la découverte par les Grecs de la manière dont cet Or
8147
re de l’Europe, c’est la découverte par les Grecs
de
la manière dont cet Ordre se manifeste à notre connaissance comme Loi
8148
notre activité comme Droit. Croire à l’existence
de
la Vérité, de la Beauté et du Droit, même quand leurs manifestations
8149
é comme Droit. Croire à l’existence de la Vérité,
de
la Beauté et du Droit, même quand leurs manifestations n’apparaissent
8150
es réponses que celle des dieux modérateurs. Deux
de
ses mythes fascinent l’Européen moderne, selon qu’il croit y reconnaî
8151
derne, selon qu’il croit y reconnaître sa passion
de
l’aventure technique ou de la navigation politique : Prométhée l’orgu
8152
reconnaître sa passion de l’aventure technique ou
de
la navigation politique : Prométhée l’orgueilleux et le rusé Ulysse.
8153
ours un mythe fondamental qui préside à la genèse
d’
une civilisation. Ce mythe, pour celle qui nous occupe, n’est pas diff
8154
n’est pas difficile à découvrir : c’est le mythe
de
Prométhée… Le mythe de Prométhée, c’est la préfiguration de l’esprit
8155
découvrir : c’est le mythe de Prométhée… Le mythe
de
Prométhée, c’est la préfiguration de l’esprit de l’Occident. C’est l’
8156
ée… Le mythe de Prométhée, c’est la préfiguration
de
l’esprit de l’Occident. C’est l’esprit de révolte contre les interdit
8157
de Prométhée, c’est la préfiguration de l’esprit
de
l’Occident. C’est l’esprit de révolte contre les interdits des dieux
8158
uration de l’esprit de l’Occident. C’est l’esprit
de
révolte contre les interdits des dieux jaloux, qui symbolisent les cr
8159
ts des dieux jaloux, qui symbolisent les craintes
de
l’humanité primitive en présence des forces aveugles de la nature qui
8160
umanité primitive en présence des forces aveugles
de
la nature qui la dominent et qui l’effrayent. C’est l’esprit de curio
8161
ui la dominent et qui l’effrayent. C’est l’esprit
de
curiosité et d’aventure qui pousse Ulysse vers des horizons inconnus,
8162
t qui l’effrayent. C’est l’esprit de curiosité et
d’
aventure qui pousse Ulysse vers des horizons inconnus, lui fait affron
8163
horizons inconnus, lui fait affronter les périls
de
la mer, les ruses de Poséidon, et surmonter les dangers qui l’assaill
8164
ui fait affronter les périls de la mer, les ruses
de
Poséidon, et surmonter les dangers qui l’assaillent à force d’intelli
8165
et surmonter les dangers qui l’assaillent à force
d’
intelligence et de courage. C’est le culte du travail et de l’effort q
8166
angers qui l’assaillent à force d’intelligence et
de
courage. C’est le culte du travail et de l’effort qui incite Hercule
8167
gence et de courage. C’est le culte du travail et
de
l’effort qui incite Hercule à purger la terre de ses tyrans, de ses b
8168
de l’effort qui incite Hercule à purger la terre
de
ses tyrans, de ses brigands et de ses monstres, à dompter les fleuves
8169
i incite Hercule à purger la terre de ses tyrans,
de
ses brigands et de ses monstres, à dompter les fleuves, à assainir le
8170
purger la terre de ses tyrans, de ses brigands et
de
ses monstres, à dompter les fleuves, à assainir les vallées, à percer
8171
pacifier et à civiliser la nature. C’est la soif
de
connaître qui précipite Pline l’Ancien sur le Vésuve en éruption, qui
8172
cet esprit que célèbre Lucrèce en faisant l’éloge
d’
Épicure : « Alors que l’humanité traînait sur la terre une vie abjecte
8173
r la terre une vie abjecte, écrasée sous le poids
d’
une religion dont le visage terrifiant menaçait les mortels du haut de
8174
elle, en libérant les humains des vaines terreurs
de
l’Achéron et du Tartare. » Aux yeux de l’un des hommes auxquels l’un
8175
. » Aux yeux de l’un des hommes auxquels l’union
de
l’Europe devra le plus, le comte Richard Coudenhove-Kalergi, c’est Ul
8176
: Ulysse est au vrai sens du terme le prototype
de
l’Européen, en même temps que le héros du premier roman d’aventures d
8177
péen, en même temps que le héros du premier roman
d’
aventures de l’Occident. Il apparaît dans sa pleine stature, à la fois
8178
e temps que le héros du premier roman d’aventures
de
l’Occident. Il apparaît dans sa pleine stature, à la fois éternelle e
8179
ternelle et moderne, quand on le compare au héros
de
l’Iliade. Achille, l’idole de l’Antiquité, le premier modèle d’Alexan
8180
le compare au héros de l’Iliade. Achille, l’idole
de
l’Antiquité, le premier modèle d’Alexandre le Grand, fut le Siegfried
8181
chille, l’idole de l’Antiquité, le premier modèle
d’
Alexandre le Grand, fut le Siegfried des Grecs, héros juvénile, fort e
8182
ecs, héros juvénile, fort et courageux, sans trop
d’
esprit, qui se précipite dans la lutte pour y périr bientôt et entrer
8183
l ne cherche pas la lutte, mais il gagne. Le sort
de
ses compagnons lui importe autant que le sien. Malgré ses aventures a
8184
ent, mais supporte un dur destin avec la patience
de
Job. Revêtu d’un costume moderne, Ulysse apparaît aussitôt comme un a
8185
rte un dur destin avec la patience de Job. Revêtu
d’
un costume moderne, Ulysse apparaît aussitôt comme un authentique Euro
8186
ès bien nous le représenter sous la figure trapue
d’
un Churchill, avec son grand front. Il est vraisemblable que Churchill
8187
e astuce et la même audace qui permirent à Ulysse
de
se sauver avec ses compagnons de la caverne de Polyphème. Tous les de
8188
rmirent à Ulysse de se sauver avec ses compagnons
de
la caverne de Polyphème. Tous les deux sont d’abord des marins. Ulyss
8189
se de se sauver avec ses compagnons de la caverne
de
Polyphème. Tous les deux sont d’abord des marins. Ulysse n’est pas se
8190
st pas seulement un guerrier, comme ses camarades
de
l’Iliade, mais un héros de la mer. Sa lutte principale, tout au long
8191
r, comme ses camarades de l’Iliade, mais un héros
de
la mer. Sa lutte principale, tout au long de l’Odyssée, n’est pas dir
8192
éros de la mer. Sa lutte principale, tout au long
de
l’Odyssée, n’est pas dirigée contre les hommes mais contre les élémen
8193
et les vagues. En cela aussi, il est un prototype
de
l’Européen, qui conquit l’hégémonie mondiale parce qu’il avait appris
8194
l’accomplissement majeur réside dans le triomphe
de
la technique sur la nature. Véritable Européen, enfin, par la rencont
8195
fin, par la rencontre en lui, le Grec, des traits
de
caractères nationaux les plus divers, français, anglais, allemand, it
8196
çais, anglais, allemand, italien… S’il renaissait
de
nos jours, il pourrait être le fils de n’importe laquelle de ces nati
8197
renaissait de nos jours, il pourrait être le fils
de
n’importe laquelle de ces nations. Et il pourrait aussi se distinguer
8198
s, il pourrait être le fils de n’importe laquelle
de
ces nations. Et il pourrait aussi se distinguer dans n’importe quelle
8199
porte quelle profession : comme ingénieur ou chef
d’
équipe, comme propriétaire terrien ou officier, comme diplomate ou par
8200
e diplomate ou parlementaire. Sa grandeur procède
de
sa plénitude dans les trois dimensions du corps, de la volonté et de
8201
sa plénitude dans les trois dimensions du corps,
de
la volonté et de l’esprit. C’est pourquoi il est le précurseur des mo
8202
s les trois dimensions du corps, de la volonté et
de
l’esprit. C’est pourquoi il est le précurseur des modèles de l’humani
8203
. C’est pourquoi il est le précurseur des modèles
de
l’humanité à venir : du chevalier médiéval et du gentleman de notre é
8204
é à venir : du chevalier médiéval et du gentleman
de
notre époque. Son port royal contredit le proverbe à bon marché qui d
8205
tempête le jette sans aucun vêtement sur la grève
de
l’île d’Alcinoüs, le roi lui-même et sa fille Nausicaa l’accueillent
8206
i-même et sa fille Nausicaa l’accueillent en hôte
d’
honneur, sans savoir qui il est : ils ont senti qu’ils avaient à faire
8207
à un seigneur, à un héros, mais aussi à un homme
d’
esprit délié et élevé. On n’imagine pas le vieux Ménélas composant des
8208
s on voit très bien le vieil Ulysse, dans son nid
d’
aigle d’Ithaque, écrivant ses mémoires, Poésie et Vérité. Cette Odyssé
8209
t très bien le vieil Ulysse, dans son nid d’aigle
d’
Ithaque, écrivant ses mémoires, Poésie et Vérité. Cette Odyssée primit
8210
bien être celle qui a survécu aux siècles et qui,
de
nos jours, passionne encore la jeunesse européenne, par sa fraîcheur
8211
ire et insolite, mais qui a porté au plus profond
de
beaucoup de nos meilleurs esprits, la voix de Simone Weil (1909-1943)
8212
ond de beaucoup de nos meilleurs esprits, la voix
de
Simone Weil (1909-1943), qui fut, pour peu de temps, l’âme la plus na
8213
l’âme la plus naturellement grecque et chrétienne
de
notre temps. Jugeant, et avec quelle intransigeance, du seul point de
8214
avec quelle intransigeance, du seul point de vue
de
la spiritualité et de l’amour divin, elle écarte de la vraie traditio
8215
eance, du seul point de vue de la spiritualité et
de
l’amour divin, elle écarte de la vraie tradition européenne tout ce q
8216
la spiritualité et de l’amour divin, elle écarte
de
la vraie tradition européenne tout ce qui n’est pas grec ou évangéliq
8217
rec, comme l’Iliade en est la première ; l’esprit
de
la Grèce s’y laisse voir non seulement en ce qu’il y est ordonné de r
8218
isse voir non seulement en ce qu’il y est ordonné
de
rechercher à l’exclusion de tout autre bien « le royaume et la justic
8219
e qu’il y est ordonné de rechercher à l’exclusion
de
tout autre bien « le royaume et la justice de notre Père céleste », m
8220
ion de tout autre bien « le royaume et la justice
de
notre Père céleste », mais aussi en ce que la misère humaine y est ex
8221
un être divin en même temps qu’humain. Les récits
de
la Passion montrent qu’un esprit divin, uni à la chair, est altéré pa
8222
devant la souffrance et la mort, se sent au fond
de
la détresse, séparé des hommes et de Dieu. Le sentiment de la misère
8223
sent au fond de la détresse, séparé des hommes et
de
Dieu. Le sentiment de la misère humaine leur donne cet accent de simp
8224
resse, séparé des hommes et de Dieu. Le sentiment
de
la misère humaine leur donne cet accent de simplicité qui est la marq
8225
timent de la misère humaine leur donne cet accent
de
simplicité qui est la marque du génie grec, et qui fait tout le prix
8226
la marque du génie grec, et qui fait tout le prix
de
la tragédie attique et de l’Iliade. … Rien n’est plus rare qu’une jus
8227
t qui fait tout le prix de la tragédie attique et
de
l’Iliade. … Rien n’est plus rare qu’une juste expression du malheur ;
8228
lheur ; en le peignant, on feint presque toujours
de
croire tantôt que la déchéance est une vocation innée du malheureux,
8229
r la marque, sans qu’il change toutes les pensées
d’
une manière qui n’appartient qu’à lui. Les Grecs, le plus souvent, eur
8230
lui. Les Grecs, le plus souvent, eurent la force
d’
âme qui permet de ne pas se mentir ; ils en furent récompensés et sure
8231
le plus souvent, eurent la force d’âme qui permet
de
ne pas se mentir ; ils en furent récompensés et surent atteindre en t
8232
urent atteindre en toute chose le plus haut degré
de
lucidité, de pureté et de simplicité… Les Romains et les Hébreux se s
8233
re en toute chose le plus haut degré de lucidité,
de
pureté et de simplicité… Les Romains et les Hébreux se sont crus les
8234
hose le plus haut degré de lucidité, de pureté et
de
simplicité… Les Romains et les Hébreux se sont crus les uns et les au
8235
la maîtresse du monde, les seconds par la faveur
de
leur Dieu et dans la mesure exacte où ils lui obéissaient. Les Romain
8236
dies. Ils remplaçaient les tragédies par les jeux
de
gladiateurs. Les Hébreux voyaient dans le malheur le signe du péché e
8237
le signe du péché et par suite un motif légitime
de
mépris. Ils regardaient leurs ennemis vaincus comme étant en horreur
8238
par la découverte des lettres grecques, le génie
de
la Grèce n’a pas ressuscité au cours de vingt siècles. Il en apparaît
8239
, dans l’École des Femmes, dans Phèdre. Mais rien
de
ce qu’ont produit les peuples d’Europe ne vaut le premier poème connu
8240
hèdre. Mais rien de ce qu’ont produit les peuples
d’
Europe ne vaut le premier poème connu qui soit apparu chez l’un d’eux.
8241
le premier poème connu qui soit apparu chez l’un
d’
eux. Ils retrouveront peut-être le génie épique quand ils sauront ne r
8242
l’avait mieux comprise que les jacobins ne firent
de
la Rome de Brutus. Rome a donc mauvaise presse dans l’intelligentsia
8243
religion en l’adoptant » : Les Romains, poignée
d’
aventuriers réunis par le besoin…, les Romains ne pouvaient rien tolér
8244
lérer qui fût riche en contenu spirituel. L’amour
de
Dieu est un feu dangereux dont le contact pouvait être funeste à leur
8245
ouvait être funeste à leur misérable divinisation
de
l’esclavage. Aussi ont-ils impitoyablement détruit la vie spirituelle
8246
uthentiques. … Ils ont exterminé tous les druides
de
Gaule ; anéanti les cultes égyptiens ; noyé dans le sang et déshonoré
8247
es égyptiens ; noyé dans le sang et déshonoré par
d’
ingénieuses calomnies l’adoration de Dionysos. On sait ce qu’ils ont f
8248
déshonoré par d’ingénieuses calomnies l’adoration
de
Dionysos. On sait ce qu’ils ont fait des chrétiens au début… L’inspir
8249
ien adore Dieu avec un cœur disposé comme le cœur
d’
un païen de Rome dans l’hommage rendu à l’empereur, ce chrétien aussi
8250
ieu avec un cœur disposé comme le cœur d’un païen
de
Rome dans l’hommage rendu à l’empereur, ce chrétien aussi est idolâtr
8251
e la culture hellénique et le néant. Leur faculté
d’
imagination visant uniquement au pratique — ils possédaient un droit s
8252
, mais ils n’avaient pas une seule légende divine
d’
origine proprement romaine — est un trait qu’on ne rencontre nulle par
8253
le gigantesque qui, pour beaucoup, domine le type
de
l’économie, de la magistrature et de la vie antique et qui a rabaissé
8254
qui, pour beaucoup, domine le type de l’économie,
de
la magistrature et de la vie antique et qui a rabaissé en tout cas co
8255
mine le type de l’économie, de la magistrature et
de
la vie antique et qui a rabaissé en tout cas considérablement la vale
8256
, qui enseigna d’abord à l’Antiquité la splendeur
de
l’argent — entre les mains d’hommes d’affaires à l’esprit fort et pui
8257
iquité la splendeur de l’argent — entre les mains
d’
hommes d’affaires à l’esprit fort et puissamment doués. Autrement, ni
8258
splendeur de l’argent — entre les mains d’hommes
d’
affaires à l’esprit fort et puissamment doués. Autrement, ni César ni
8259
ne seraient intelligibles. Chaque Grec a un trait
de
Don Quichotte, chaque Romain un de Sancho Panca, toutes leurs autres
8260
rec a un trait de Don Quichotte, chaque Romain un
de
Sancho Panca, toutes leurs autres qualités disparaissent sous celles-
8261
ique des derniers temps, mais aussi le haut idéal
de
Virgile, l’un des pères spirituels de l’Europe : Même ceux qui possè
8262
haut idéal de Virgile, l’un des pères spirituels
de
l’Europe : Même ceux qui possèdent aussi peu que moi leur latin ne s
8263
n pouvait attendre que Virgile imaginât comme fin
de
l’Histoire, et que c’était une digne fin. Pensera-t-on vraiment qu’il
8264
. Dans la mesure où nous héritons la civilisation
de
l’Europe, nous sommes encore tous citoyens de l’Empire romain, et le
8265
ion de l’Europe, nous sommes encore tous citoyens
de
l’Empire romain, et le temps n’a pas encore donné tort à Virgile lors
8266
es, des proconsuls et des gouverneurs, des hommes
d’
affaires et des spéculateurs, des démagogues et des généraux. C’était
8267
nte assigne à Virgile dans la vie future, ce rôle
de
guide et de maître jusqu’à la barrière qu’il n’était pas autorisé à f
8268
à Virgile dans la vie future, ce rôle de guide et
de
maître jusqu’à la barrière qu’il n’était pas autorisé à franchir, et
8269
t pas autorisé à franchir, et n’était pas capable
de
franchir, définit exactement la relation entre Virgile et le monde ch
8270
le et le monde chrétien. Nous voyons que le monde
de
Virgile, comparé à celui d’Homère, est une approximation du monde chr
8271
s voyons que le monde de Virgile, comparé à celui
d’
Homère, est une approximation du monde chrétien par le choix, l’ordre
8272
e chrétien par le choix, l’ordre et les relations
de
ses valeurs. Ceci n’implique aucune comparaison entre Homère comme po
8273
out simplement nous en sachions plus sur le monde
de
Virgile et le comprenions mieux ; et qu’ainsi nous voyions plus clair
8274
in selon Virgile, est dû à l’esprit philosophique
de
Virgile lui-même. Car, au sens où un poète est un philosophe (par opp
8275
ande œuvre), Virgile est le plus grand philosophe
de
la Rome ancienne. Ce n’est donc pas simplement que la civilisation en
8276
che de celle du christianisme que la civilisation
d’
Homère ; nous sommes en droit de dire que Virgile, parmi les poètes cl
8277
e la civilisation d’Homère ; nous sommes en droit
de
dire que Virgile, parmi les poètes classiques et les prosateurs latin
8278
es prosateurs latins, est proche du christianisme
d’
une manière unique. Il est une formule que j’ai tenté d’éviter mais qu
8279
manière unique. Il est une formule que j’ai tenté
d’
éviter mais que je me sens contraint d’utiliser ici : anima naturalite
8280
j’ai tenté d’éviter mais que je me sens contraint
d’
utiliser ici : anima naturaliter Christiana. Est-elle applicable à Vir
8281
na. Est-elle applicable à Virgile ? C’est matière
de
choix personnel. Mais j’incline à penser que Virgile manque de très p
8282
onnel. Mais j’incline à penser que Virgile manque
de
très peu la marque : et c’est pourquoi, je disais tout à l’heure que
8283
tir la valeur affective que garde en nous l’image
de
la Pax Romana : Fontaine de la présente histoire européenne, telle e
8284
arde en nous l’image de la Pax Romana : Fontaine
de
la présente histoire européenne, telle est la place du Capitole, conç
8285
se par lui à la Ville. On ne la comprend bien que
de
nuit, quand Marc Aurèle chevauche solitaire dans la lumière atténuée,
8286
es. Très peu de l’or des anciens temps, des temps
de
la paix impériale, reste attaché à l’armure de l’empereur ; mais, sel
8287
ps de la paix impériale, reste attaché à l’armure
de
l’empereur ; mais, selon la tradition du peuple romain, cet or s’accr
8288
s’accroît et lorsqu’il recouvrira toute la statue
de
l’empereur qui consuma sa vie dans les camps, les expéditions, et sur
8289
ans les camps, les expéditions, et sur les champs
de
bataille, la paix régnera : ainsi l’Europe a trouvé sa figure dans l’
8290
bénissant la Ville et le Monde. Mais gardons-nous
de
fuir dans les rêves de peuples souffrants, ce ne serait pas conforme
8291
e Monde. Mais gardons-nous de fuir dans les rêves
de
peuples souffrants, ce ne serait pas conforme à l’esprit de Marc Aurè
8292
souffrants, ce ne serait pas conforme à l’esprit
de
Marc Aurèle ! « Celui qui a vu ce qui existe aujourd’hui a contemplé
8293
ui qui a vu ce qui existe aujourd’hui a contemplé
d’
un seul regard ce qui fut de tout temps et sera de toute éternité. » L
8294
jourd’hui a contemplé d’un seul regard ce qui fut
de
tout temps et sera de toute éternité. » Le présent contient toute l’h
8295
d’un seul regard ce qui fut de tout temps et sera
de
toute éternité. » Le présent contient toute l’histoire du monde. Et s
8296
Et si l’Europe existe en nous, dans la plénitude
de
ses diversités contradictoires et de sa mission infinie, l’Europe est
8297
la plénitude de ses diversités contradictoires et
de
sa mission infinie, l’Europe est là dès maintenant, comme un destin ;
8298
si cette figure ne s’instaure pas dans l’intimité
de
notre être, dans la vie de notre vie et le cœur de notre cœur, comme
8299
re pas dans l’intimité de notre être, dans la vie
de
notre vie et le cœur de notre cœur, comme dit Hamlet à Horatio, alors
8300
e notre être, dans la vie de notre vie et le cœur
de
notre cœur, comme dit Hamlet à Horatio, alors l’Europe n’existe plus,
8301
p de bataille abandonné aux puissances techniques
de
l’inhumain.288 La source germanique n’est même pas mentionnée par V
8302
même pas mentionnée par Valéry, dans son discours
de
1922. Ce Français d’origine génoise n’avait conscience que de ses hér
8303
ar Valéry, dans son discours de 1922. Ce Français
d’
origine génoise n’avait conscience que de ses héritages méditerranéens
8304
Français d’origine génoise n’avait conscience que
de
ses héritages méditerranéens. Un peu plus tard, la notion même de « G
8305
méditerranéens. Un peu plus tard, la notion même
de
« Germanentum » se trouvera obscurcie et refoulée sous l’effet des do
8306
arbares et chimériques du national-socialisme, et
de
la réaction d’horreur universelle à la découverte des crimes que ces
8307
ériques du national-socialisme, et de la réaction
d’
horreur universelle à la découverte des crimes que ces doctrines préte
8308
rdiques autant que les Latines gardent un réflexe
d’
hostilité à l’endroit du Saint-Empire. Serait-ce, pour les unes, parce
8309
« romain », pour les autres, parce qu’il était «
de
nation germanique » ? C’est plutôt que la notion même de Saint-Empire
8310
on germanique » ? C’est plutôt que la notion même
de
Saint-Empire n’est plus comprise. (Elle ne l’a d’ailleurs jamais été
8311
l’apport germanique ? C’est un historien suisse,
de
vieille souche fribourgeoise, écrivant en français et vivant aux lisi
8312
ique : Gonzague de Reynold. L’un des huit volumes
de
son œuvre maîtresse, La Formation de l’Europe, est consacré aux Germa
8313
huit volumes de son œuvre maîtresse, La Formation
de
l’Europe, est consacré aux Germains, des origines jusqu’aux Carolingi
8314
décrit largement cette « fusion du Barbaricum et
de
la Romania, sous les auspices de l’Église », dont on peut soutenir (c
8315
du Barbaricum et de la Romania, sous les auspices
de
l’Église », dont on peut soutenir (comme on peut le faire aussi de l’
8316
nt on peut soutenir (comme on peut le faire aussi
de
l’entreprise de Charlemagne) qu’elle a véritablement fait l’Europe. R
8317
nir (comme on peut le faire aussi de l’entreprise
de
Charlemagne) qu’elle a véritablement fait l’Europe. Résumons, d’après
8318
d’après lui, les deux principales « découvertes »
de
l’historiographie du xxe siècle européen concernant l’héritage germa
8319
uropéen concernant l’héritage germanique : 1° Fin
de
la légende des « Grandes invasions » ruinant l’Empire : … Sans les d
8320
Empire : … Sans les divisions, sans la faiblesse
de
l’empire, il n’y aurait pas eu de péril germanique. Les Germains ne f
8321
ns la faiblesse de l’empire, il n’y aurait pas eu
de
péril germanique. Les Germains ne furent jamais assez nombreux pour l
8322
t jamais assez nombreux pour le conquérir. Parler
d’
invasions germaniques et même de grandes invasions, est une sottise.
8323
conquérir. Parler d’invasions germaniques et même
de
grandes invasions, est une sottise. Il y a les Germains de l’extérie
8324
invasions, est une sottise. Il y a les Germains
de
l’extérieur, et ceux qui se trouvent à l’intérieur de l’Empire : les
8325
ntre les premiers, prendront le haut commandement
de
l’armée, deviendront l’Empire : … À la fin, la question sera de savo
8326
iendront l’Empire : … À la fin, la question sera
de
savoir quel sera le peuple germain capable d’assumer la succession du
8327
era de savoir quel sera le peuple germain capable
d’
assumer la succession du peuple romain et de restaurer l’imperium.289
8328
pable d’assumer la succession du peuple romain et
de
restaurer l’imperium.289 Ce peuple sera celui des Francs, d’où est
8329
l’imperium.289 Ce peuple sera celui des Francs,
d’
où est issu Charlemagne, « Père de l’Europe »290. La première tentativ
8330
de l’Europe »290. La première tentative concrète
de
fédération européenne au xxe siècle, celle des Six, sera baptisée no
8331
s en tribu, tribus réunies en peuple ; assemblées
d’
hommes libres et de guerriers : le Volksthing, qui survit en Suisse da
8332
réunies en peuple ; assemblées d’hommes libres et
de
guerriers : le Volksthing, qui survit en Suisse dans les Landsgemeind
8333
dans les Landsgemeinden des cantons montagnards.
De
là un droit qui, entre les deux extrêmes du jus romanum : l’individu,
8334
rtisseurs qui empêchent l’individu, terme faible,
d’
être absorbé par l’État, terme fort. Le principe du droit germanique e
8335
rincipe du droit germanique est, en effet, l’idée
d’
association. Genossenschaftsrecht, dit le grand juriste Gierke. … Lors
8336
le, devenu chrétien, l’empereur descendit du rang
de
dieu au rang de représentant de Dieu. Constantin se montra humble vis
8337
ien, l’empereur descendit du rang de dieu au rang
de
représentant de Dieu. Constantin se montra humble vis-à-vis de l’Égli
8338
descendit du rang de dieu au rang de représentant
de
Dieu. Constantin se montra humble vis-à-vis de l’Église, mais ses suc
8339
a dans l’empereur tout-puissant. Avec le triomphe
de
la doctrine trinitaire, cette conception ne fut plus possible. « L’em
8340
t plus possible. « L’empereur n’est pas au-dessus
de
l’Église mais dans l’Église », rappela durement saint Ambroise à Théo
8341
aint Ambroise à Théodore le pénitent. Le disciple
de
saint Ambroise fut saint Augustin… Faire correspondre à un empereur c
8342
hrétien fut l’un des buts que se proposa l’auteur
de
La Cité de Dieu, ce bréviaire de Charlemagne. Dans cet ouvrage qui eu
8343
l’un des buts que se proposa l’auteur de La Cité
de
Dieu, ce bréviaire de Charlemagne. Dans cet ouvrage qui eut, durant d
8344
proposa l’auteur de La Cité de Dieu, ce bréviaire
de
Charlemagne. Dans cet ouvrage qui eut, durant des siècles, autant d’i
8345
s cet ouvrage qui eut, durant des siècles, autant
d’
influence que, bien des siècles plus tard, le Contrat social ou le Cap
8346
u’elle protège et qu’elle suit. L’idéal politique
de
saint Augustin, c’est la societas civitatum, l’association des cités
8347
La diversité devient alors la condition première
de
l’unité. C’est le fédéralisme dont on est en droit de dire qu’il est
8348
’unité. C’est le fédéralisme dont on est en droit
de
dire qu’il est la conception chrétienne de la vie politique et social
8349
droit de dire qu’il est la conception chrétienne
de
la vie politique et sociale, l’ordre qui assure à tous la tranquillit
8350
ociale, l’ordre qui assure à tous la tranquillité
de
la paix. Avec cette dernière citation, c’est l’héritage chrétien qui
8351
age chrétien qui est invoqué. Deux grandes écoles
d’
historiens de la culture s’opposent, sur ce sujet, non sans violence,
8352
qui est invoqué. Deux grandes écoles d’historiens
de
la culture s’opposent, sur ce sujet, non sans violence, durant la pér
8353
sujet, non sans violence, durant la période dite
de
l’entre-deux-guerres (1919-1939). L’une, optimiste par programme, con
8354
ar programme, continue la tradition des Lumières,
de
la science et de la technique prométhéennes, et tient l’Europe pour u
8355
tinue la tradition des Lumières, de la science et
de
la technique prométhéennes, et tient l’Europe pour une création de la
8356
rométhéennes, et tient l’Europe pour une création
de
la Renaissance. L’autre, pessimiste par position plus que par nature,
8357
a seule Europe digne du nom. Europe de l’Homme et
de
l’avenir contre Europe de la chrétienté et du passé ? Il s’agit bien
8358
m. Europe de l’Homme et de l’avenir contre Europe
de
la chrétienté et du passé ? Il s’agit bien plutôt d’une polémique ent
8359
la chrétienté et du passé ? Il s’agit bien plutôt
d’
une polémique entre les militants de deux partis qui ont en commun le
8360
t bien plutôt d’une polémique entre les militants
de
deux partis qui ont en commun le même souci de sauver l’Europe dans l
8361
ts de deux partis qui ont en commun le même souci
de
sauver l’Europe dans le présent, — cette Europe menacée de l’extérieu
8362
l’Europe dans le présent, — cette Europe menacée
de
l’extérieur par la montée d’empires « quantitatifs », et menacée de l
8363
cette Europe menacée de l’extérieur par la montée
d’
empires « quantitatifs », et menacée de l’intérieur par ses divisions
8364
la montée d’empires « quantitatifs », et menacée
de
l’intérieur par ses divisions séculaires. Mais à quels saints se voue
8365
? ou à quels savants ? Laissons à l’un des doyens
de
l’historiographie européenne, Christopher Dawson, le soin de définir
8366
iographie européenne, Christopher Dawson, le soin
de
définir les erreurs symétriques auxquelles s’exposent les deux écoles
8367
fréquemment tendance à se servir du présent comme
d’
un modèle parfait permettant de juger le passé, et à considérer toute
8368
r du présent comme d’un modèle parfait permettant
de
juger le passé, et à considérer toute l’histoire comme un processus i
8369
ctuel des choses serait la phase dernière. Le cas
d’
un écrivain comme Wells justifie dans une certaine mesure cette interp
8370
mesure cette interprétation. Son but est en effet
de
fournir à l’homme moderne un arrière-plan historique et de quoi se fo
8371
r à l’homme moderne un arrière-plan historique et
de
quoi se former une conception du monde. Mais, même à son point de per
8372
r une conception du monde. Mais, même à son point
de
perfection, cette façon d’écrire l’histoire est fondamentalement cont
8373
Mais, même à son point de perfection, cette façon
d’
écrire l’histoire est fondamentalement contraire à l’esprit de l’histo
8374
istoire est fondamentalement contraire à l’esprit
de
l’histoire, puisqu’elle implique la subordination du passé au présent
8375
’opposé, un autre danger qui consiste à se servir
de
l’histoire comme d’une arme contre l’époque moderne, soit par suite d
8376
nger qui consiste à se servir de l’histoire comme
d’
une arme contre l’époque moderne, soit par suite d’une idéalisation ro
8377
’une arme contre l’époque moderne, soit par suite
d’
une idéalisation romantique du passé, soit au profit d’une propagande
8378
idéalisation romantique du passé, soit au profit
d’
une propagande religieuse ou patriotique. Le second cas est assurément
8379
iévale pour elle-même, et non plus comme un moyen
d’
atteindre quelque autre but. L’historien propagandiste, au contraire,
8380
’historien propagandiste, au contraire, s’inspire
de
motifs d’un ordre tout à fait étranger à l’histoire et tend inconscie
8381
propagandiste, au contraire, s’inspire de motifs
d’
un ordre tout à fait étranger à l’histoire et tend inconsciemment à la
8382
renaissance romantique en a exalté « les siècles
de
foi » et qu’elle a présenté la civilisation de cette période comme l’
8383
es de foi » et qu’elle a présenté la civilisation
de
cette période comme l’expression sociale de l’idéal chrétien… Au dern
8384
ation de cette période comme l’expression sociale
de
l’idéal chrétien… Au dernier siècle et au début du présent, ils ont c
8385
présent, ils ont certainement été enclins à faire
de
l’histoire une branche de l’apologétique, et à idéaliser la culture m
8386
ent été enclins à faire de l’histoire une branche
de
l’apologétique, et à idéaliser la culture médiévale pour exalter leur
8387
ter leur idéal religieux. En réalité, cette façon
d’
écrire l’histoire manque son but, puisque aussitôt que le lecteur se m
8388
son but, puisque aussitôt que le lecteur se méfie
de
l’impartialité de l’historien, il doute de la vérité de tout ce que c
8389
ussitôt que le lecteur se méfie de l’impartialité
de
l’historien, il doute de la vérité de tout ce que celui-ci lui présen
8390
méfie de l’impartialité de l’historien, il doute
de
la vérité de tout ce que celui-ci lui présente.291 Certes, Christop
8391
mpartialité de l’historien, il doute de la vérité
de
tout ce que celui-ci lui présente.291 Certes, Christopher Dawson ne
8392
1 Certes, Christopher Dawson ne se contente pas
de
renvoyer dos à dos les deux écoles. Il a décrit mieux que personne l’
8393
a décrit mieux que personne l’influence décisive
de
l’Église sur la formation d’une première synthèse européenne pendant
8394
l’influence décisive de l’Église sur la formation
d’
une première synthèse européenne pendant l’âge sombre qui sépare le dé
8395
opéenne pendant l’âge sombre qui sépare le déclin
de
l’Empire romain et l’aurore de « l’unité médiévale » (ve au xie siè
8396
i sépare le déclin de l’Empire romain et l’aurore
de
« l’unité médiévale » (ve au xie siècle). Il ne croit pas que l’hum
8397
t seuls. Mais il ne décrète pas non plus, qu’hors
d’
un « retour » à la philosophie de saint Thomas ou à la chrétienté de G
8398
on plus, qu’hors d’un « retour » à la philosophie
de
saint Thomas ou à la chrétienté de Grégoire le Grand, il n’y aura plu
8399
la philosophie de saint Thomas ou à la chrétienté
de
Grégoire le Grand, il n’y aura plus d’Europe viable ni d’unité europé
8400
chrétienté de Grégoire le Grand, il n’y aura plus
d’
Europe viable ni d’unité européenne praticable : À la fin du Moyen Âg
8401
ire le Grand, il n’y aura plus d’Europe viable ni
d’
unité européenne praticable : À la fin du Moyen Âge, l’Europe se déto
8402
le : À la fin du Moyen Âge, l’Europe se détourne
de
l’Orient et commence à regarder du côté de l’Ouest, vers l’Atlantique
8403
dura donc point, car elle avait pour base l’union
de
l’Église et des peuples du Nord, avec, en plus, un levain d’influence
8404
et des peuples du Nord, avec, en plus, un levain
d’
influence orientale. Sa mort ne signifia pas néanmoins la fin de l’uni
8405
ientale. Sa mort ne signifia pas néanmoins la fin
de
l’unité européenne. Au contraire, la culture des pays de l’Ouest devi
8406
ité européenne. Au contraire, la culture des pays
de
l’Ouest devint plus autonome, plus indépendante et plus occidentale q
8407
cidentale qu’elle ne l’avait jamais été. La perte
de
l’unité spirituelle n’entraîna pas le partage de l’Occident entre deu
8408
de l’unité spirituelle n’entraîna pas le partage
de
l’Occident entre deux types de civilisation irréductibles l’un à l’au
8409
îna pas le partage de l’Occident entre deux types
de
civilisation irréductibles l’un à l’autre et hostiles, comme elle l’e
8410
désunion religieuse, l’Europe conserva son unité
de
culture, mais celle-ci eut désormais pour base une tradition intellec
8411
tine remplaça la liturgie latine en tant que lien
d’
unité intellectuelle ; l’érudit et le gentilhomme, en tant que représe
8412
udit et le gentilhomme, en tant que représentants
de
la culture occidentale, remplacèrent le moine et le chevalier. À quat
8413
cèrent le moine et le chevalier. À quatre siècles
de
catholicisme nordique et d’influence orientale succédèrent quatre siè
8414
ier. À quatre siècles de catholicisme nordique et
d’
influence orientale succédèrent quatre siècles d’humanisme et d’autono
8415
d’influence orientale succédèrent quatre siècles
d’
humanisme et d’autonomie occidentale. Aujourd’hui l’Europe est menacée
8416
ientale succédèrent quatre siècles d’humanisme et
d’
autonomie occidentale. Aujourd’hui l’Europe est menacée de voir s’effo
8417
mie occidentale. Aujourd’hui l’Europe est menacée
de
voir s’effondrer la culture séculière et aristocratique qui servit de
8418
la culture séculière et aristocratique qui servit
de
base à la seconde phase de son unité. Nous ressentons une fois de plu
8419
stocratique qui servit de base à la seconde phase
de
son unité. Nous ressentons une fois de plus le besoin d’une unité spi
8420
unité. Nous ressentons une fois de plus le besoin
d’
une unité spirituelle, ou tout au moins morale ; nous comprenons qu’un
8421
; nous ne pouvons nous satisfaire plus longtemps
d’
une civilisation aristocratique qui trouve son unité dans un monde ext
8422
perficiel, sans tenir compte des besoins profonds
de
la nature spirituelle de l’homme. Et en même temps nous n’avons plus
8423
pte des besoins profonds de la nature spirituelle
de
l’homme. Et en même temps nous n’avons plus la même foi en la supério
8424
n’avons plus la même foi en la supériorité innée
de
la civilisation occidentale et en son droit à dominer le monde. Nous
8425
sujettes, et nous ressentons à la fois le besoin
de
nous protéger contre les forces insurgées du monde oriental et d’entr
8426
contre les forces insurgées du monde oriental et
d’
entrer en contact plus étroit avec ses traditions spirituelles. Commen
8427
faire ces besoins, ou même s’il nous est possible
de
les satisfaire, nous ne pouvons à l’heure présente que le conjecturer
8428
eure présente que le conjecturer. Mais il est bon
de
ne pas oublier que l’unité de notre civilisation ne repose pas entièr
8429
er. Mais il est bon de ne pas oublier que l’unité
de
notre civilisation ne repose pas entièrement sur la culture laïque et
8430
plus profondes, et il nous faut remonter au-delà
de
l’humanisme et des triomphes superficiels de la civilisation moderne,
8431
delà de l’humanisme et des triomphes superficiels
de
la civilisation moderne, si nous tenons à découvrir les forces social
8432
u Moyen Âge, trop souvent décrit comme une époque
de
foi universelle et d’harmonie profonde des esprits, dont la Réforme s
8433
ent décrit comme une époque de foi universelle et
d’
harmonie profonde des esprits, dont la Réforme serait venue briser tra
8434
l’unité ». Cette utopie à rebours, qui fut celle
de
Novalis dans La Chrétienté ou l’Europe, est devenue lieu commun pour
8435
, est devenue lieu commun pour l’école catholique
de
la première moitié du siècle. Personne ne l’a mieux réfutée que l’his
8436
Heer, lui-même catholique convaincu : On ne cesse
de
parler de la christianisation et de la déchristianisation de l’Europe
8437
même catholique convaincu : On ne cesse de parler
de
la christianisation et de la déchristianisation de l’Europe. Combien
8438
: On ne cesse de parler de la christianisation et
de
la déchristianisation de l’Europe. Combien ces termes erronés trahiss
8439
e la christianisation et de la déchristianisation
de
l’Europe. Combien ces termes erronés trahissent-ils une fausse positi
8440
un jour avait été chrétienne, et puis avait cessé
de
l’être ! C’est là pure légende. Les faits et les archives de l’Histoi
8441
C’est là pure légende. Les faits et les archives
de
l’Histoire démontrent surabondamment que les choses se sont passées t
8442
rent l’unité, la cohérence interne et même intime
de
l’histoire européenne, à laquelle appartiennent Augustin, Luther et V
8443
es empereurs médiévaux et les rois « par la grâce
de
Dieu » de France et d’Espagne, dans l’évolution commune d’un phénomèn
8444
rs médiévaux et les rois « par la grâce de Dieu »
de
France et d’Espagne, dans l’évolution commune d’un phénomène historiq
8445
et les rois « par la grâce de Dieu » de France et
d’
Espagne, dans l’évolution commune d’un phénomène historique, dans l’al
8446
de France et d’Espagne, dans l’évolution commune
d’
un phénomène historique, dans l’allégeance à l’Europe. … Au début du x
8447
u du xiie siècle. la Vita Heriberti — biographie
d’
un évêque othonien de Cologne — nous conte l’histoire de ce pauvre qui
8448
Vita Heriberti — biographie d’un évêque othonien
de
Cologne — nous conte l’histoire de ce pauvre qui court les rues de la
8449
vêque othonien de Cologne — nous conte l’histoire
de
ce pauvre qui court les rues de la Sainte Cologne, de la cité de la C
8450
conte l’histoire de ce pauvre qui court les rues
de
la Sainte Cologne, de la cité de la Cathédrale et des plus prestigieu
8451
e pauvre qui court les rues de la Sainte Cologne,
de
la cité de la Cathédrale et des plus prestigieuses fondations religie
8452
i court les rues de la Sainte Cologne, de la cité
de
la Cathédrale et des plus prestigieuses fondations religieuses, mais
8453
es, mais ne trouve pas un seul prêtre qui accepte
de
baptiser son fils nouveau-né sans exiger une somme que l’homme ne peu
8454
ut payer. Cinquante ans plus tard, la bourgeoisie
de
Cologne s’adresse au pape Innocent II pour le supplier de diviser en
8455
ne s’adresse au pape Innocent II pour le supplier
de
diviser en deux paroisses la communauté unique de 60.000 âmes qu’un s
8456
de diviser en deux paroisses la communauté unique
de
60.000 âmes qu’un seul prêtre administre, faute de moyens suffisants
8457
enir d’autres gardiens des âmes. Le commun peuple
d’
Europe, jusqu’à l’époque de Jeanne d’Arc et même bien plus tard, ne co
8458
âmes. Le commun peuple d’Europe, jusqu’à l’époque
de
Jeanne d’Arc et même bien plus tard, ne connaît dans ses larges masse
8459
s tard, ne connaît dans ses larges masses ni cure
d’
âme individuelle, ni enseignement de la foi, ni institutions paroissia
8460
asses ni cure d’âme individuelle, ni enseignement
de
la foi, ni institutions paroissiales au sens actuel. Ainsi, jusque bi
8461
transmise, à quoi s’ajoute la prédication muette
de
l’architecture romane et des fresques d’églises. La lecture de la Bib
8462
n muette de l’architecture romane et des fresques
d’
églises. La lecture de la Bible est interdite aux fidèles dès le synod
8463
ture romane et des fresques d’églises. La lecture
de
la Bible est interdite aux fidèles dès le synode de Toulouse en 1229,
8464
la Bible est interdite aux fidèles dès le synode
de
Toulouse en 1229, rappelle F. Heer. La Bible en langue vulgaire est m
8465
par Paul IV en 1559. « Charles-Quint sur son lit
de
mort doit solliciter de l’Inquisition la permission de lire l’Évangil
8466
Charles-Quint sur son lit de mort doit solliciter
de
l’Inquisition la permission de lire l’Évangile en français (il n’exis
8467
rt doit solliciter de l’Inquisition la permission
de
lire l’Évangile en français (il n’existe pas de traduction espagnole)
8468
n de lire l’Évangile en français (il n’existe pas
de
traduction espagnole). » Pendant ce temps, le monachisme est entré en
8469
en Allemagne ; des laïques, non le pape, tentent
de
réformer l’Église au concile de Bâle, mais en vain… Friedrich Heer co
8470
le pape, tentent de réformer l’Église au concile
de
Bâle, mais en vain… Friedrich Heer conclut : Toujours et encore, dan
8471
riedrich Heer conclut : Toujours et encore, dans
de
nombreuses publications sur l’Europe et le christianisme, revient ce
8472
ut que la sécularisation et la déchristianisation
de
l’Occident aient commencé au xvie siècle avec la Renaissance, l’Huma
8473
ue voulait dégager Friedrich Heer — si la légende
d’
un Moyen Âge à la Novalis a vécu, si ce passé était fort loin d’être a
8474
à la Novalis a vécu, si ce passé était fort loin
d’
être aussi chrétien qu’on l’a dit, ce qui l’a suivi et ce qui va suivr
8475
— soit positifs, soit négatifs — qui n’ont cessé
d’
exister entre les grandes confessions et conceptions du monde qui s’op
8476
iie et xiiie « appartiennent » au christianisme
de
leur époque, tout comme le catholicisme post-tridentin, du xvie au x
8477
siècle, reste intimement relié au protestantisme
de
ces époques, tant par ses réalisations positives que par ses échecs.
8478
u ixe au xixe siècle, possède un certain nombre
d’
éléments unitifs fondamentaux. La liturgie profane intériorisée des po
8479
llemand est aussi peu concevable sans la liturgie
de
l’Église, que l’idéalisme allemand sans la théologie chrétienne, ou e
8480
ans Thomas d’Aquin, Hegel sans Eusèbe de Césarée.
De
800 à 1815, tous les traités de paix en Europe sont conclus in nomine
8481
usèbe de Césarée. De 800 à 1815, tous les traités
de
paix en Europe sont conclus in nomine sanctæ et individuæ Trinitatis.
8482
ue des chancelleries). Notre tâche est maintenant
de
montrer comment cette unité millénaire s’est développée en contrastes
8483
ues multipliés, à une richesse et à une plénitude
de
possibilités terribles et grandes, qui s’offrent aujourd’hui aux rega
8484
ards du Monde comme constituant l’héritage vivant
de
l’Europe.293 Source grecque et source chrétienne sont restées de no
8485
Source grecque et source chrétienne sont restées
de
nos jours les deux plus vives. Simone Weil essayait de les confondre.
8486
s jours les deux plus vives. Simone Weil essayait
de
les confondre. Un grand humaniste libéral, Salvador de Madariaga, pré
8487
reprend et rénove un thème classique, le dialogue
de
Socrate et de Jésus-Christ. La primauté de l’esprit et de la volonté
8488
ove un thème classique, le dialogue de Socrate et
de
Jésus-Christ. La primauté de l’esprit et de la volonté, et l’étroite
8489
logue de Socrate et de Jésus-Christ. La primauté
de
l’esprit et de la volonté, et l’étroite parenté entre ces deux facult
8490
e et de Jésus-Christ. La primauté de l’esprit et
de
la volonté, et l’étroite parenté entre ces deux facultés dans la psyc
8491
la tradition chrétienne. Socrate domine l’esprit
de
l’Europe, le Christ, sa volonté. Il est vain de se demander si ces de
8492
t de l’Europe, le Christ, sa volonté. Il est vain
de
se demander si ces deux traditions sont la cause ou l’effet du caract
8493
naturellement, de sorte que, au cours des siècles
de
vie européenne, Socrate est devenu chrétien et le Christ est devenu s
8494
ocratique, un esprit ouvert aux faits, au service
de
la logique et loyal envers la vérité, mais libre et résistant envers
8495
stant envers toute doctrine ou conclusion imposée
d’
avance. L’esprit socratique est fier à l’égard des autres esprits, mai
8496
vis-à-vis des faits. C’est sur cette double vertu
de
l’esprit socratique en Europe qu’est fondée la liberté de pensée… En
8497
rit socratique en Europe qu’est fondée la liberté
de
pensée… En profondeur, l’histoire intérieure de l’Europe doit être co
8498
é de pensée… En profondeur, l’histoire intérieure
de
l’Europe doit être comprise comme un effort pour atteindre ce style s
8499
teindre ce style socratique dans le développement
de
son esprit, malgré tous les obstacles inhérents aux stades précédents
8500
ition — celle du Christ. Le trait caractéristique
de
la chrétienté réside en ceci : en mourant sur la Croix pour tous les
8501
personne ne peut mettre en doute. En choisissant
de
boire volontairement la ciguë, plutôt que de renier sa doctrine, Socr
8502
sant de boire volontairement la ciguë, plutôt que
de
renier sa doctrine, Socrate a délivré l’esprit humain du mensonge ; e
8503
élivré l’esprit humain du mensonge ; en acceptant
de
mourir sur la croix, pour expier les péchés de tous les hommes, le Ch
8504
nt de mourir sur la croix, pour expier les péchés
de
tous les hommes, le Christ a libéré définitivement la volonté de l’Eu
8505
mes, le Christ a libéré définitivement la volonté
de
l’Europe de toute inhumanité. Bien entendu, les mensonges et l’inhuma
8506
st a libéré définitivement la volonté de l’Europe
de
toute inhumanité. Bien entendu, les mensonges et l’inhumanité ont con
8507
e doit la vie, mais seulement comme des négations
de
son être foncier. L’individualisme européen n’est pas né sur le Golgo
8508
qui restent aveugles devant l’origine chrétienne
de
leur foi, renvoyons-les à cet Espagnol qui, à la question : quelle es
8509
côté de cette tradition puissante qui a renforcé
de
son esprit notre individualisme actif, le christianisme a apporté à l
8510
’Europe un système surnaturel qui ne tolérait pas
de
rivaux. Dans la mesure où le christianisme a détruit ou écarté les cr
8511
tendance socratique vers la liberté et la clarté
de
l’esprit. Bientôt, cependant, l’apport de l’Ancien Testament venu d’A
8512
clarté de l’esprit. Bientôt, cependant, l’apport
de
l’Ancien Testament venu d’Asie Mineure et même un certain « folklore
8513
t, cependant, l’apport de l’Ancien Testament venu
d’
Asie Mineure et même un certain « folklore » local et païen, qui vint
8514
en, qui vint s’ajouter au cours des temps, firent
de
la tradition chrétienne un danger pour la tradition socratique. Ce fu
8515
r pour la tradition socratique. Ce fut la période
de
lutte entre la science et l’Église, l’ère de l’Inquisition, de Giorda
8516
iode de lutte entre la science et l’Église, l’ère
de
l’Inquisition, de Giordano Bruno et de Galilée, pendant laquelle Desc
8517
e la science et l’Église, l’ère de l’Inquisition,
de
Giordano Bruno et de Galilée, pendant laquelle Descartes devait surve
8518
ise, l’ère de l’Inquisition, de Giordano Bruno et
de
Galilée, pendant laquelle Descartes devait surveiller ses propos et m
8519
surveiller ses propos et même conserver certains
de
ses manuscrits. Les erreurs ne furent d’ailleurs pas toutes du même c
8520
côté. Lorsque, au xixe siècle, un certain nombre
d’
inventions spectaculaires (la vapeur, le gaz, l’électricité, le téléph
8521
èrent en croyance ; la « science » menaçait alors
d’
envahir le domaine de la religion en tenant aussi peu compte de la réa
8522
a « science » menaçait alors d’envahir le domaine
de
la religion en tenant aussi peu compte de la réalité foncière des cho
8523
domaine de la religion en tenant aussi peu compte
de
la réalité foncière des choses que la religion l’avait fait auparavan
8524
fait auparavant lorsqu’elle avait envahi le champ
de
la science. Cet épisode se termina grâce à une compréhension plus cla
8525
grâce à une compréhension plus claire des limites
de
la connaissance. Peu à peu, les deux domaines furent mieux délimités
8526
s. La tradition socratique ne viola plus le seuil
de
la révélation ; la tradition chrétienne accepta pour les choses de la
8527
; la tradition chrétienne accepta pour les choses
de
la nature les méthodes et les principes de la tradition socratique. L
8528
choses de la nature les méthodes et les principes
de
la tradition socratique. La tradition socratique a fortement agi sur
8529
cratique a fortement agi sur le côté intellectuel
de
l’Église et a contribué à doter la religion chrétienne d’un système c
8530
ise et a contribué à doter la religion chrétienne
d’
un système clair et solide de pensée, sous l’impulsion de saint Thomas
8531
religion chrétienne d’un système clair et solide
de
pensée, sous l’impulsion de saint Thomas d’Aquin. Cela revint à europ
8532
stème clair et solide de pensée, sous l’impulsion
de
saint Thomas d’Aquin. Cela revint à européaniser une religion provena
8533
Cela revint à européaniser une religion provenant
d’
Asie Mineure. Dès lors, la religion non seulement dominera le cœur des
8534
ondant son système intellectuel sur les principes
de
Socrate. À son tour, le christianisme pose des limites humaines à la
8535
se des limites humaines à la neutralité inhumaine
de
la recherche socratique. Instruisons-nous, bien entendu, par tous les
8536
s n’oublions jamais que nous n’avons pas le droit
de
faire d’un être humain un simple outil, sans son consentement. Les en
8537
ons jamais que nous n’avons pas le droit de faire
d’
un être humain un simple outil, sans son consentement. Les enquêtes fa
8538
onsentement. Les enquêtes faites par les médecins
de
Goering sur des prisonniers des camps de concentration pour découvrir
8539
médecins de Goering sur des prisonniers des camps
de
concentration pour découvrir la limite de la résistance humaine étaie
8540
s camps de concentration pour découvrir la limite
de
la résistance humaine étaient socratiques, mais n’étaient pas chrétie
8541
us les Européens du xxe siècle ? Depuis un tiers
de
siècle, l’Europe intellectuelle — précédant l’Europe politique, donc
8542
e, donc la presse, qui fait l’opinion — n’a cessé
de
s’interroger sur ses vrais buts, sur ceux qu’elle peut et doit donner
8543
raient au monde et à l’humanité, si l’Europe tout
d’
un coup venait à disparaître, engloutie par une catastrophe dont les c
8544
’elles traduisent fidèlement ce que l’Europe veut
d’
elle-même par ses meilleurs esprits. (Quant aux répétitions inévitable
8545
leurs esprits. (Quant aux répétitions inévitables
de
certains thèmes — celui de la liberté ou celui du refus — observons q
8546
épétitions inévitables de certains thèmes — celui
de
la liberté ou celui du refus — observons que leur fréquence est signi
8547
es différencient ne le sont pas moins.) Fondateur
de
la phénoménologie, maître de Heidegger et de la plupart des philosoph
8548
teur de la phénoménologie, maître de Heidegger et
de
la plupart des philosophes qui comptent aujourd’hui, Edmund Husserl (
8549
, pour l’esprit ? » Et il répond : c’est l’esprit
de
la Philosophie, née de la Grèce : « La forme spirituelle de l’Europe
8550
il répond : c’est l’esprit de la Philosophie, née
de
la Grèce : « La forme spirituelle de l’Europe », qu’est-ce à dire ?
8551
sophie, née de la Grèce : « La forme spirituelle
de
l’Europe », qu’est-ce à dire ? C’est l’idée philosophique immanente à
8552
C’est l’idée philosophique immanente à l’histoire
de
l’Europe, ou ce qui revient au même, sa téléologie immanente, qui se
8553
logie immanente, qui se manifeste par l’irruption
d’
une époque nouvelle de l’humanité, l’époque de l’humanité qui désormai
8554
e manifeste par l’irruption d’une époque nouvelle
de
l’humanité, l’époque de l’humanité qui désormais entend vivre et peut
8555
ion d’une époque nouvelle de l’humanité, l’époque
de
l’humanité qui désormais entend vivre et peut vivre en configurant li
8556
rement son existence, sa vie historique, à l’aide
d’
idées rationnelles et pour des tâches infinies […] L’Europe de l’espri
8557
onnelles et pour des tâches infinies […] L’Europe
de
l’esprit a son lieu de naissance. Et j’entends moins par là un lieu g
8558
ches infinies […] L’Europe de l’esprit a son lieu
de
naissance. Et j’entends moins par là un lieu géographique situé dans
8559
ion ou dans certains individus et groupes humains
de
cette nation. C’est l’antique nation grecque des viie et vie siècle
8560
C. En son sein se manifeste une attitude nouvelle
de
l’individu face au monde environnant. Et à la faveur de cette disposi
8561
ndividu face au monde environnant. Et à la faveur
de
cette disposition s’accomplit la percée d’une nouvelle formation spir
8562
faveur de cette disposition s’accomplit la percée
d’
une nouvelle formation spirituelle, qui se développe rapidement en une
8563
ituelle, qui se développe rapidement en une forme
de
culture cohérente et systématique : les Grecs la nommèrent philosophi
8564
cs la nommèrent philosophie… Dans cette irruption
de
la philosophie, entraînant avec elle toutes les sciences, je vois, si
8565
adoxal que cela paraisse, le phénomène primordial
de
l’Europe de l’esprit. On objectera tout de suite que la philosophie,
8566
ela paraisse, le phénomène primordial de l’Europe
de
l’esprit. On objectera tout de suite que la philosophie, la science d
8567
la science des Grecs, n’est rien qui les désigne
d’
une manière spécifique ni qui soit apparu pour la première fois dans l
8568
avec eux. Eux-mêmes n’ont-ils pas parlé des sages
de
l’Égypte, de Babylone, etc., et n’ont-ils pas reçu leurs enseignement
8569
-mêmes n’ont-ils pas parlé des sages de l’Égypte,
de
Babylone, etc., et n’ont-ils pas reçu leurs enseignements ? Nous poss
8570
eignements ? Nous possédons aujourd’hui une masse
de
travaux sur les philosophies indiennes et chinoises, qui mettent ces
8571
e des configurations historiques variées relevant
d’
une seule et même conception de la culture. Naturellement, tout élémen
8572
s variées relevant d’une seule et même conception
de
la culture. Naturellement, tout élément commun ne fait pas défaut. Ce
8573
r sur les différences tout à fait essentielles et
de
principe. Ce n’est en effet que chez les Grecs que nous trouvons cet
8574
des vérités universelles plutôt que des recettes
d’
action : Ce sont des hommes dont l’effort se porte sur la theoria et
8575
dont l’effort se porte sur la theoria et sur rien
d’
autre qu’elle, et qui ne cherchent pas individuellement mais ensemble
8576
e et les uns pour les autres, dans une communauté
de
travail interpersonnelle dont la croissance et le constant perfection
8577
t et que les résultats acquis par des générations
de
chercheurs se suivent, conduisent enfin à la volonté d’assumer une tâ
8578
rcheurs se suivent, conduisent enfin à la volonté
d’
assumer une tâche infinie et générale. L’attitude théorique prend chez
8579
chez les Grecs son origine historique. La « crise
de
l’existence européenne » dont on parle tant et qui se manifeste par d
8580
enne » dont on parle tant et qui se manifeste par
de
nombreux symptômes de dévitalisation n’est pas un sombre destin, ni u
8581
ant et qui se manifeste par de nombreux symptômes
de
dévitalisation n’est pas un sombre destin, ni une impénétrable fatali
8582
ompréhensible si on la replace sur l’arrière-plan
de
la téléologie de l’histoire européenne, philosophiquement interprétab
8583
on la replace sur l’arrière-plan de la téléologie
de
l’histoire européenne, philosophiquement interprétable. La condition
8584
ne, philosophiquement interprétable. La condition
d’
une telle compréhension étant d’ailleurs de saisir d’abord le phénomèn
8585
dition d’une telle compréhension étant d’ailleurs
de
saisir d’abord le phénomène « Europe » dans le noyau central de son e
8586
ord le phénomène « Europe » dans le noyau central
de
son existence. Pour concevoir tout ce que la « crise » actuelle à d’i
8587
our concevoir tout ce que la « crise » actuelle à
d’
inessentiel, il s’agirait d’élaborer le concept d’Europe en tant que t
8588
« crise » actuelle à d’inessentiel, il s’agirait
d’
élaborer le concept d’Europe en tant que téléologie historique de buts
8589
d’inessentiel, il s’agirait d’élaborer le concept
d’
Europe en tant que téléologie historique de buts rationnels infinis. I
8590
oncept d’Europe en tant que téléologie historique
de
buts rationnels infinis. Il s’agit de montrer comment le « monde » eu
8591
historique de buts rationnels infinis. Il s’agit
de
montrer comment le « monde » européen est né d’idées rationnelles, c’
8592
t de montrer comment le « monde » européen est né
d’
idées rationnelles, c’est-à-dire de l’esprit de la philosophie. La « c
8593
uropéen est né d’idées rationnelles, c’est-à-dire
de
l’esprit de la philosophie. La « crise » alors pourrait être claireme
8594
né d’idées rationnelles, c’est-à-dire de l’esprit
de
la philosophie. La « crise » alors pourrait être clairement interprét
8595
le naturalisme et dans l’objectivisme. … La crise
de
l’existence européenne n’a que deux issues possibles : ou la décadenc
8596
e n’a que deux issues possibles : ou la décadence
de
l’Europe devenant étrangère à son propre sens rationnel de la vie, la
8597
pe devenant étrangère à son propre sens rationnel
de
la vie, la chute dans la haine contre l’esprit et la barbarie ; ou la
8598
ontre l’esprit et la barbarie ; ou la renaissance
de
l’Europe dans l’esprit de la philosophie, surmontant définitivement l
8599
rie ; ou la renaissance de l’Europe dans l’esprit
de
la philosophie, surmontant définitivement le naturalisme par l’héroïs
8600
tant définitivement le naturalisme par l’héroïsme
de
la raison. Le plus grand péril de l’Europe réside dans la fatigue. Si
8601
par l’héroïsme de la raison. Le plus grand péril
de
l’Europe réside dans la fatigue. Si nous combattons ce danger des dan
8602
pas devant les tâches infinies, alors, du bûcher
de
l’incroyance, du feu couvant de la désespérance en la mission humaine
8603
alors, du bûcher de l’incroyance, du feu couvant
de
la désespérance en la mission humaine de l’Occident, des cendres de l
8604
couvant de la désespérance en la mission humaine
de
l’Occident, des cendres de la grande fatigue, renaîtra le phénix d’un
8605
en la mission humaine de l’Occident, des cendres
de
la grande fatigue, renaîtra le phénix d’une intériorité et d’une spir
8606
cendres de la grande fatigue, renaîtra le phénix
d’
une intériorité et d’une spiritualité nouvelles, gages d’un grand et l
8607
fatigue, renaîtra le phénix d’une intériorité et
d’
une spiritualité nouvelles, gages d’un grand et lointain avenir de l’h
8608
ntériorité et d’une spiritualité nouvelles, gages
d’
un grand et lointain avenir de l’humanité. Car l’esprit seul est immor
8609
té nouvelles, gages d’un grand et lointain avenir
de
l’humanité. Car l’esprit seul est immortel.295 Un autre « bon Europ
8610
Européen », qui fut longtemps le père autoritaire
de
la pensée des libéraux, Benedetto Croce (1866-1952), tient que l’hist
8611
ire européenne se confond avec celle des concepts
de
liberté et d’humanité : Parce que c’est là le seul idéal qui ait la
8612
se confond avec celle des concepts de liberté et
d’
humanité : Parce que c’est là le seul idéal qui ait la solidité qu’eu
8613
: qu’elle a l’éternité… Elle demeure dans nombre
de
nobles intelligences de toutes les parties du monde, qui dispersées e
8614
Elle demeure dans nombre de nobles intelligences
de
toutes les parties du monde, qui dispersées et isolées, réduites à un
8615
, qui dispersées et isolées, réduites à une sorte
d’
aristocratique, mais petite « respublica literaria », lui restent malg
8616
a », lui restent malgré tout fidèles, l’entourent
d’
un respect plus grand et l’accompagnent d’un plus ardent amour qu’au t
8617
tourent d’un respect plus grand et l’accompagnent
d’
un plus ardent amour qu’au temps où il n’y avait personne pour l’offen
8618
trise, au temps où le vulgaire se pressait autour
d’
elle en acclamant son nom et par là même en le contaminant d’une vulga
8619
cclamant son nom et par là même en le contaminant
d’
une vulgarité dont il s’est maintenant dégagé. Non seulement la libert
8620
ement elle existe, et résiste dans l’organisation
de
beaucoup des plus grands États, dans les institutions et dans les usa
8621
s la pensée, qui sollicitent maintenant les âmes,
d’
une trêve et d’une réduction des armements, d’une paix et d’une allian
8622
i sollicitent maintenant les âmes, d’une trêve et
d’
une réduction des armements, d’une paix et d’une alliance entre les Ét
8623
es, d’une trêve et d’une réduction des armements,
d’
une paix et d’une alliance entre les États de l’Europe, d’une concorde
8624
e et d’une réduction des armements, d’une paix et
d’
une alliance entre les États de l’Europe, d’une concorde d’intentions
8625
ix et d’une alliance entre les États de l’Europe,
d’
une concorde d’intentions et d’efforts entre les peuples de la même Eu
8626
iance entre les États de l’Europe, d’une concorde
d’
intentions et d’efforts entre les peuples de la même Europe, pour sauv
8627
États de l’Europe, d’une concorde d’intentions et
d’
efforts entre les peuples de la même Europe, pour sauver dans le monde
8628
corde d’intentions et d’efforts entre les peuples
de
la même Europe, pour sauver dans le monde et pour le bien du monde, s
8629
et politique, du moins leur séculaire suprématie
de
créateurs et de promoteurs de civilisation, les aptitudes qu’ils ont
8630
u moins leur séculaire suprématie de créateurs et
de
promoteurs de civilisation, les aptitudes qu’ils ont acquises pour ce
8631
éculaire suprématie de créateurs et de promoteurs
de
civilisation, les aptitudes qu’ils ont acquises pour cette œuvre ince
8632
pas perdu et dissipé et qui même gagne du terrain
d’
année en année et convertisse à lui les esprits qui y répugnaient ou q
8633
déreront peut-être comme la réduction à l’absurde
de
tous les nationalismes — si elle a aigri certains rapports entre les
8634
entre les États à cause de l’inique et sot traité
de
paix qui l’a close, a du moins établi une conscience commune des peup
8635
s maintenant l’on assiste dans toutes les parties
de
l’Europe à la germination d’une nouvelle conscience, d’une nouvelle n
8636
s toutes les parties de l’Europe à la germination
d’
une nouvelle conscience, d’une nouvelle nationalité (parce que, comme
8637
urope à la germination d’une nouvelle conscience,
d’
une nouvelle nationalité (parce que, comme nous l’avons vu déjà, les n
8638
e sont pas des données naturelles, mais des états
de
conscience et des formations historiques). Et de la même manière dont
8639
de conscience et des formations historiques). Et
de
la même manière dont, voici soixante-dix ans, un Napolitain de l’anti
8640
nière dont, voici soixante-dix ans, un Napolitain
de
l’antique royaume de Naples et un Piémontais du royaume subalpin se f
8641
xante-dix ans, un Napolitain de l’antique royaume
de
Naples et un Piémontais du royaume subalpin se firent Italiens sans r
8642
Italiens et tous les autres se hausseront au rang
d’
Européens, tourneront leurs pensées vers l’Europe et sentiront leurs c
8643
rand libéral lui aussi, elle est « l’essence même
de
la vie ». Elle ne serait pas une forme décisive de l’existence si ell
8644
e la vie ». Elle ne serait pas une forme décisive
de
l’existence si elle n’était pas liée à cette autre valeur qu’a toujou
8645
nt à la qualité ; elle comprend la valeur suprême
de
l’inutile… Pour nous, Européens, la vie est un processus créateur qui
8646
us créateur qui se poursuit avec chaque pulsation
de
chaque individu, grâce à sa liberté de décider quelle combinaison d’é
8647
pulsation de chaque individu, grâce à sa liberté
de
décider quelle combinaison d’événements possibles il choisit… Par sa
8648
grâce à sa liberté de décider quelle combinaison
d’
événements possibles il choisit… Par sa libre décision, l’individu con
8649
ions. La première, c’est que, lorsqu’il est libre
de
choisir, chacun choisira ce qu’il y a de mieux, de sorte que, dans l’
8650
st libre de choisir, chacun choisira ce qu’il y a
de
mieux, de sorte que, dans l’ensemble, grâce à l’intégration de tous c
8651
sorte que, dans l’ensemble, grâce à l’intégration
de
tous ces choix heureux, le niveau mondial s’élèvera. Cette affirmatio
8652
ceci présuppose un principe général : l’existence
d’
un critère de perfection acceptable pour tous. D’où provient cette pré
8653
se un principe général : l’existence d’un critère
de
perfection acceptable pour tous. D’où provient cette présupposition ?
8654
d’un critère de perfection acceptable pour tous.
D’
où provient cette présupposition ? De l’intuition de « l’esprit humain
8655
e pour tous. D’où provient cette présupposition ?
De
l’intuition de « l’esprit humain » dans lequel sont intégrées toutes
8656
où provient cette présupposition ? De l’intuition
de
« l’esprit humain » dans lequel sont intégrées toutes les facultés hu
8657
humaines dans ce qu’elles ont de plus puissant et
de
meilleur. Nous pouvons imaginer cet « esprit humain » comme une sphèr
8658
n ; en mathématiques, Newton et Leibniz, et ainsi
de
suite. Nous admettons instinctivement que chaque individu, à l’intéri
8659
dimensions pitoyables et menues, mais susceptible
de
croître. Les degrés que nous observons dans cette croissance et dans
8660
s en la qualité. La qualité est aussi inséparable
de
l’individualisme que la liberté. Moyennant le processus créateur de l
8661
e que la liberté. Moyennant le processus créateur
de
liberté, l’individu produit la qualité, par une accumulation de diver
8662
individu produit la qualité, par une accumulation
de
diversités. La diversité, la qualité, la distinction, sont dès lors l
8663
distinction, sont dès lors les aspects essentiels
de
la vie européenne. Elles expliquent l’abondance, la variété et la ric
8664
nt l’abondance, la variété et la richesse humaine
de
nombreux types d’Européens, depuis les Irlandais jusqu’aux Grecs et d
8665
variété et la richesse humaine de nombreux types
d’
Européens, depuis les Irlandais jusqu’aux Grecs et des Portugais aux F
8666
Portugais aux Finnois. Il est exact que certains
de
ces mots sont parfois devenus mesquins et superficiels ; à la fin du
8667
perficiels ; à la fin du xviiie siècle, un homme
de
qualité n’était souvent qu’un benêt, et au xxe siècle, un homme de d
8668
souvent qu’un benêt, et au xxe siècle, un homme
de
distinction n’est souvent qu’un parasite sans grâce. Mais, malgré ces
8669
te sans grâce. Mais, malgré ces torsions frivoles
de
leur sens primitif, la distinction et la qualité restent néanmoins le
8670
stent néanmoins les caractéristiques essentielles
de
la vie européenne. Cela est surtout vrai pour la qualité, car la qual
8671
a qualité est pour nous Européens, l’essence même
de
la vie. Toute vie est qualitative et c’est pourquoi en Europe, nous d
8672
angers qui menacent notre vie, les deux antipodes
de
la qualité : la quantité et l’égalité. Notre répugnance pour ces deux
8673
dans mon verre »… La qualité, la variété, le coin
de
terre, la vigne, le cru, la saison, autant de concepts qui poussent c
8674
oin de terre, la vigne, le cru, la saison, autant
de
concepts qui poussent comme des champignons de choix à l’ombre du goû
8675
nt de concepts qui poussent comme des champignons
de
choix à l’ombre du goût, autant de formes de la vie européenne qui éc
8676
es champignons de choix à l’ombre du goût, autant
de
formes de la vie européenne qui échapperont toujours au cadre trop ri
8677
nons de choix à l’ombre du goût, autant de formes
de
la vie européenne qui échapperont toujours au cadre trop rigide des s
8678
sation. Elles demeurent elles-mêmes et n’essaient
de
s’améliorer que comme telles. Elles sont à la fois les fleurs et les
8679
Elles sont à la fois les fleurs et les jardiniers
de
la forme. La forme est une autre manifestation spécifique de l’esprit
8680
. La forme est une autre manifestation spécifique
de
l’esprit européen. Rien ne serait plus erroné que de qualifier la for
8681
l’esprit européen. Rien ne serait plus erroné que
de
qualifier la forme de superficielle. Quoique d’apparence extérieure,
8682
n ne serait plus erroné que de qualifier la forme
de
superficielle. Quoique d’apparence extérieure, elle surgit en réalité
8683
e de qualifier la forme de superficielle. Quoique
d’
apparence extérieure, elle surgit en réalité des profondeurs des objet
8684
ondeurs des objets qu’elle façonne et fait partie
de
leur substance même. Le potier sait cela d’instinct. La civilisation,
8685
artie de leur substance même. Le potier sait cela
d’
instinct. La civilisation, en particulier, est une question de forme…
8686
La civilisation, en particulier, est une question
de
forme… Souvent, une décision qui serait opportune et que la morale ne
8687
as prise par l’Européen, parce qu’elle manquerait
de
forme. Le refus d’accorder la première place à l’opportunité, démontr
8688
péen, parce qu’elle manquerait de forme. Le refus
d’
accorder la première place à l’opportunité, démontre le caractère non
8689
opportunité, démontre le caractère non utilitaire
de
l’esprit européen. L’utilitarisme est le signe d’une maturité insuffi
8690
de l’esprit européen. L’utilitarisme est le signe
d’
une maturité insuffisante. C’est le symptôme clé d’une culture restée
8691
’une maturité insuffisante. C’est le symptôme clé
d’
une culture restée en arrêt. Car, lorsque nous exécutons un acte utile
8692
parce qu’il sert un troisième but utile, et ainsi
de
suite. Mais, quelle serait l’utilité de tout cela, si, à la fin de ce
8693
et ainsi de suite. Mais, quelle serait l’utilité
de
tout cela, si, à la fin de cette chaîne d’utilité ne brillait pas l’é
8694
uelle serait l’utilité de tout cela, si, à la fin
de
cette chaîne d’utilité ne brillait pas l’étoile glorieuse de l’inutil
8695
tilité de tout cela, si, à la fin de cette chaîne
d’
utilité ne brillait pas l’étoile glorieuse de l’inutile ? Les hommes d
8696
aîne d’utilité ne brillait pas l’étoile glorieuse
de
l’inutile ? Les hommes demeurent esclaves aussi longtemps qu’ils se l
8697
sque leurs actes quotidiens et utiles s’inspirent
d’
un esprit de haute inutilité qui donne à la vie son vrai sens, sa poés
8698
ctes quotidiens et utiles s’inspirent d’un esprit
de
haute inutilité qui donne à la vie son vrai sens, sa poésie, son côté
8699
eur éternelle.297 Et voilà pour la qualité, but
d’
une culture, mais qu’en est-il de sa puissance ? Elle dépend, en Europ
8700
la qualité, but d’une culture, mais qu’en est-il
de
sa puissance ? Elle dépend, en Europe, d’un heureux équilibre de l’es
8701
est-il de sa puissance ? Elle dépend, en Europe,
d’
un heureux équilibre de l’esprit et de la volonté : Lorsqu’on vient d
8702
? Elle dépend, en Europe, d’un heureux équilibre
de
l’esprit et de la volonté : Lorsqu’on vient de l’Ouest, on est encli
8703
en Europe, d’un heureux équilibre de l’esprit et
de
la volonté : Lorsqu’on vient de l’Ouest, on est enclin à considérer
8704
ce sur la volonté, la caractéristique essentielle
de
l’Europe est un équilibre entre la volonté et l’esprit. C’est cet heu
8705
prit et la volonté, qui est probablement la cause
de
cette intuition que nous avons de l’unité des Européens. Tout cela es
8706
lement la cause de cette intuition que nous avons
de
l’unité des Européens. Tout cela est évidemment très relatif et très
8707
e et ne doit pas être compris comme si ce mélange
d’
esprit et de volonté était un don dénié aux personnes nées dans tout a
8708
pas être compris comme si ce mélange d’esprit et
de
volonté était un don dénié aux personnes nées dans tout autre Contine
8709
caractérise les actions et les œuvres des hommes
d’
Europe est précisément ce développement harmonieux de l’esprit et de l
8710
urope est précisément ce développement harmonieux
de
l’esprit et de la volonté. L’esprit et la volonté sont les facultés l
8711
sément ce développement harmonieux de l’esprit et
de
la volonté. L’esprit et la volonté sont les facultés les plus individ
8712
olonté sont les facultés les plus individualisées
de
l’homme… Notre continent est sans conteste le plus individualiste de
8713
ontinent est sans conteste le plus individualiste
de
tous. En Asie, l’individu commence tout juste à compter ; en Amérique
8714
au moule sont plus loin de l’esprit européen que
de
celui de n’importe quel autre continent. En Europe, l’individu est ro
8715
sont plus loin de l’esprit européen que de celui
de
n’importe quel autre continent. En Europe, l’individu est roi… Ceci e
8716
individu est roi… Ceci explique la qualité active
de
l’esprit européen. Il ne se borne pas à observer l’objet, mais va dro
8717
et en prend possession — il s’en saisit. L’esprit
de
l’Européen est « acquisitif ». Pour lui, le savoir est un moyen de pr
8718
« acquisitif ». Pour lui, le savoir est un moyen
de
prendre possession de la nature ; attitude qui s’insère entre celle d
8719
lui, le savoir est un moyen de prendre possession
de
la nature ; attitude qui s’insère entre celle de l’Américain pour qui
8720
de la nature ; attitude qui s’insère entre celle
de
l’Américain pour qui le savoir est un outil pour l’action, et celle d
8721
ui le savoir est un outil pour l’action, et celle
de
l’Hindou, pour qui il est un moyen pour se libérer de lui-même. C’est
8722
’Hindou, pour qui il est un moyen pour se libérer
de
lui-même. C’est donc peut-être en Europe que l’esprit et la volonté s
8723
à un tel degré qu’ils sont même inséparables l’un
de
l’autre. Ceci détermine le rythme particulier de toute la vie europée
8724
de l’autre. Ceci détermine le rythme particulier
de
toute la vie européenne, dans laquelle la volonté l’emportant sur l’e
8725
’emportant sur l’esprit, va droit au but au cours
d’
une première phase opiniâtre, délibérée et ultraindividualiste, suivie
8726
iniâtre, délibérée et ultraindividualiste, suivie
d’
une seconde phase où l’esprit l’emportant sur la volonté, essaie de me
8727
se où l’esprit l’emportant sur la volonté, essaie
de
mettre de l’ordre dans ce chaos initial ; tandis qu’enfin une troisiè
8728
prit l’emportant sur la volonté, essaie de mettre
de
l’ordre dans ce chaos initial ; tandis qu’enfin une troisième phase,
8729
rythme à trois temps est caractéristique du genre
de
vie européen, dans le domaine scientifique aussi bien que politique,
8730
scientifique aussi bien que politique, dans celui
de
l’évolution juridique comme dans celui de l’expansion mondiale.298
8731
s celui de l’évolution juridique comme dans celui
de
l’expansion mondiale.298 « Pour construire le schéma de ce qui appa
8732
ansion mondiale.298 « Pour construire le schéma
de
ce qui appartient en propre à l’Europe », Karl Jaspers a choisi trois
8733
liberté et l’histoire, il nous dit quelque chose
de
neuf : c’est que l’une ne serait pas concevable sans l’autre : Le co
8734
serait pas concevable sans l’autre : Le contenu
de
la liberté se révèle par deux phénomènes européens fondamentaux. Ce s
8735
la vie tendue entre deux pôles : Pour toute prise
de
position, l’Europe a elle-même développé la position inverse. Elle ne
8736
ne possède peut-être en propre que cette capacité
d’
être toute chose. C’est ce qui la rend apte non seulement à concevoir
8737
encore à se l’assimiler et à en faire un élément
de
sa propre essence. L’Europe connaît la majesté des vastes structures
8738
dans la négation nihiliste. Elle favorise l’idée
d’
autorité, dans sa portée chrétienne et universelle, comme aussi celle
8739
rtée chrétienne et universelle, comme aussi celle
de
libre recherche. Elle édifie les grands systèmes de la philosophie, e
8740
libre recherche. Elle édifie les grands systèmes
de
la philosophie, et elle les laisse abattre par des prophètes proclama
8741
proclamant la vérité. Elle vit avec la conscience
de
la totalité politique, et en même temps, de ce qu’il y a de plus inti
8742
ience de la totalité politique, et en même temps,
de
ce qu’il y a de plus intime dans le domaine personnel et privé. Cette
8743
et privé. Cette réalité foncièrement dialectique
de
l’Europe s’enracine dans ses traditions les plus reculées : la Bible,
8744
itions les plus reculées : la Bible, ce fondement
de
la vie européenne, cache déjà en elle, d’une façon unique, la tension
8745
ndement de la vie européenne, cache déjà en elle,
d’
une façon unique, la tension entre les pôles. Elle est le livre sacré
8746
permit à toutes les possibilités contradictoires
de
s’épanouir avec sa bénédiction. Puis on trouve à la base de l’Europe
8747
uir avec sa bénédiction. Puis on trouve à la base
de
l’Europe la grande antithèse de l’antiquité et du christianisme ; tou
8748
trouve à la base de l’Europe la grande antithèse
de
l’antiquité et du christianisme ; tous deux se combattent et s’unisse
8749
sont européennes aussi, les oppositions fécondes
de
l’Église et de l’État, des nations et de l’Empire, des nations romane
8750
es aussi, les oppositions fécondes de l’Église et
de
l’État, des nations et de l’Empire, des nations romanes et germanique
8751
fécondes de l’Église et de l’État, des nations et
de
l’Empire, des nations romanes et germaniques, du catholicisme et du p
8752
ermaniques, du catholicisme et du protestantisme,
de
la théologie et de la philosophie, — aujourd’hui de la Russie et de l
8753
olicisme et du protestantisme, de la théologie et
de
la philosophie, — aujourd’hui de la Russie et de l’Amérique. L’Europe
8754
la théologie et de la philosophie, — aujourd’hui
de
la Russie et de l’Amérique. L’Europe lie ce qu’en même temps elle opp
8755
de la philosophie, — aujourd’hui de la Russie et
de
l’Amérique. L’Europe lie ce qu’en même temps elle oppose à l’extrême
8756
aise, soit en s’installant dans un ordre oublieux
de
ses limites, soit en se portant à des extrémités qui excluent tout or
8757
de ses possibilités et qu’à travers le changement
de
situations, puisant à sa source, elle déploie sans cesse à nouveau, i
8758
ne sommes jamais sûrs du vrai dans sa totalité et
de
façon définitive. Notre liberté reste relative à autre chose, elle n’
8759
Subjectivement, comme individu, il a l’expérience
de
l’origine de son être : je ne suis pas libre par moi-même ; quand je
8760
t, comme individu, il a l’expérience de l’origine
de
son être : je ne suis pas libre par moi-même ; quand je me sais vraim
8761
nigmatique qui correspond à l’expérience possible
d’
être pour soi-même un don. L’existence que nous pouvons être n’est rée
8762
qui nous fait être. Lorsque l’existence s’assure
d’
elle-même, elle s’assure du même coup de la transcendance. Mais object
8763
s’assure d’elle-même, elle s’assure du même coup
de
la transcendance. Mais objectivement, on peut dire de la liberté ce q
8764
a transcendance. Mais objectivement, on peut dire
de
la liberté ce qui suit : la liberté a besoin de la liberté de tous le
8765
e de la liberté ce qui suit : la liberté a besoin
de
la liberté de tous les autres ; c’est pourquoi la liberté politique n
8766
é ce qui suit : la liberté a besoin de la liberté
de
tous les autres ; c’est pourquoi la liberté politique ne saurait se r
8767
té politique ne saurait se réaliser sous la forme
d’
une stabilité sûre des institutions. La liberté a besoin de l’achèveme
8768
bilité sûre des institutions. La liberté a besoin
de
l’achèvement du vrai ; mais la vérité est multiple et, sous toutes se
8769
uvement ; la connaissance scientifique échoue sur
d’
insurmontables antinomies et reste limitée au fini, aux apparences. To
8770
é à l’échec. Mais l’échec lui-même, pris dans une
de
ces tensions entre pôles opposés propres à l’Europe, y est devenu sym
8771
qu’elle exista en Grèce, connaît la signification
de
l’échec même et le désir de l’échec authentique ; et la croix chrétie
8772
naît la signification de l’échec même et le désir
de
l’échec authentique ; et la croix chrétienne, qui permet de vaincre l
8773
authentique ; et la croix chrétienne, qui permet
de
vaincre la conscience tragique ou de l’éviter dès le début, donne sa
8774
, qui permet de vaincre la conscience tragique ou
de
l’éviter dès le début, donne sa signification à la vie dans une récon
8775
dans une réconciliation transcendante. La liberté
de
l’Européen tend aux limites extrêmes, elle cherche la profondeur des
8776
citée, à travers le nihilisme vers une conscience
de
soi fondée ; il vit dans l’angoisse qui est l’aiguillon de sa bonne f
8777
ndée ; il vit dans l’angoisse qui est l’aiguillon
de
sa bonne foi. Dans la liberté s’enracinent deux autres phénomènes eur
8778
deux autres phénomènes européens : la conscience
de
l’histoire et la volonté de science. Ce n’est qu’en Occident que même
8779
péens : la conscience de l’histoire et la volonté
de
science. Ce n’est qu’en Occident que même dans la conscience individu
8780
res. Liberté sociale, liberté religieuse, liberté
de
la personnalité se conditionnent l’une l’autre. Mais comme la liberté
8781
ne, l’histoire est indispensable pour la conquête
de
la liberté. Ainsi le besoin de liberté produit l’histoire. Notre hist
8782
e pour la conquête de la liberté. Ainsi le besoin
de
liberté produit l’histoire. Notre histoire n’est pas faite de simple
8783
roduit l’histoire. Notre histoire n’est pas faite
de
simple changement, de la chute et du rétablissement d’une idée éterne
8784
re histoire n’est pas faite de simple changement,
de
la chute et du rétablissement d’une idée éternelle ; elle ne raconte
8785
mple changement, de la chute et du rétablissement
d’
une idée éternelle ; elle ne raconte pas comment se réalise une situat
8786
e ne raconte pas comment se réalise une situation
d’
ensemble conçue comme définitive, mais une succession significative de
8787
mme définitive, mais une succession significative
de
faits dérivant les uns des autres, succession qui devient consciente
8788
uns des autres, succession qui devient consciente
d’
elle-même en tant que lutte pour la liberté. L’histoire, dans ce sens,
8789
sente, comme partout dans le monde, sous l’aspect
d’
un effort pour faire passer de force le malheur d’une forme dans une a
8790
onde, sous l’aspect d’un effort pour faire passer
de
force le malheur d’une forme dans une autre. La douleur devient le be
8791
d’un effort pour faire passer de force le malheur
d’
une forme dans une autre. La douleur devient le berceau de l’homme qui
8792
rme dans une autre. La douleur devient le berceau
de
l’homme qui veut l’histoire. Seul l’homme qui s’expose intérieurement
8793
pas aveuglément détruire, s’il ne se contente pas
d’
attendre « que ce soit passé » pour vivre ensuite comme si rien ne s’é
8794
ète. … C’est en Occident seulement que l’exigence
de
la liberté a mené l’histoire en tant que recherche de la liberté poli
8795
a liberté a mené l’histoire en tant que recherche
de
la liberté politique.299 Quant à la science, nous l’avons vu, Jaspe
8796
ns vu, Jaspers lui donne pour origines le respect
de
la vérité et le sens critique « impitoyable », valeurs chrétiennes. O
8797
st le défi aux ordres sacrés, plus que le respect
de
la création divine ou le désir de servir l’homme en le libérant de la
8798
que le respect de la création divine ou le désir
de
servir l’homme en le libérant de la Nature, qui semble, aux yeux de l
8799
vine ou le désir de servir l’homme en le libérant
de
la Nature, qui semble, aux yeux de l’Asie traditionnelle, avoir produ
8800
it notre technique. On peut juger qu’il s’agit là
d’
une illusion, mais elle s’explique : elle était même inévitable. Il y
8801
que : elle était même inévitable. Il y a, au cœur
de
la civilisation européenne, un refus du destin qui paraît un défi à c
8802
pés. Il y a des sociétés qui, à travers les aléas
de
leur histoire, ont cherché à perpétuer un statu quo, sans tenter des
8803
millénaire reposant sur l’ordre du monde, modèle
de
l’ordre social, offrit pendant des siècles l’image d’un semblable imm
8804
’ordre social, offrit pendant des siècles l’image
d’
un semblable immobilisme. Il y a des civilisations caractérisées par u
8805
sion mystique fondée sur le détachement des biens
de
ce monde, l’illusion de l’individualité, l’effort pour échapper par l
8806
le détachement des biens de ce monde, l’illusion
de
l’individualité, l’effort pour échapper par le nirvana à la roue des
8807
s le grand Tout : telles furent les civilisations
de
l’Inde. Ce qui caractérise la civilisation occidentale, c’est qu’elle
8808
menaçaient. Elle les a relevés et s’est efforcée
de
les surmonter.300 Et pourtant, la technique européenne n’est pas né
8809
t pourtant, la technique européenne n’est pas née
d’
un élan prométhéen. Après tout, Prométhée est un mythe grec, et ce n’e
8810
ous vient la technique. Platon : Entre l’exercice
d’
une profession mécanique et le devoir des citoyens, il y a incompatibi
8811
ravail manuel : Jésus charpentier, Paul fabricant
de
tentes, « confréries de liberté », guildes et corporations du Moyen Â
8812
arpentier, Paul fabricant de tentes, « confréries
de
liberté », guildes et corporations du Moyen Âge, cathédrales… Et voic
8813
n’est plus considérée comme une pure spéculation
de
l’esprit, à la façon des Anciens, ni comme un simple divertissement d
8814
on des Anciens, ni comme un simple divertissement
d’
homme de loisir ainsi qu’elle le sera pour les mondains. On lui demand
8815
nciens, ni comme un simple divertissement d’homme
de
loisir ainsi qu’elle le sera pour les mondains. On lui demande d’être
8816
qu’elle le sera pour les mondains. On lui demande
d’
être utile et pratique, de promouvoir les arts mécaniques, en vue de s
8817
ondains. On lui demande d’être utile et pratique,
de
promouvoir les arts mécaniques, en vue de soulager la peine des homme
8818
niques, en vue de soulager la peine des hommes et
d’
améliorer leur condition. Les grands savants de la Renaissance, Léonar
8819
et d’améliorer leur condition. Les grands savants
de
la Renaissance, Léonard de Vinci, Tartaglia, Agricola, Galilée sont d
8820
s Discours admirables. Leone Alberti fait l’éloge
de
la Technique qui transforme, pour notre commodité, le visage de la te
8821
e qui transforme, pour notre commodité, le visage
de
la terre. Jérôme Cardan, au grand scandale d’un humaniste tel que Sca
8822
age de la terre. Jérôme Cardan, au grand scandale
d’
un humaniste tel que Scaliger, classe Archimède, en raison de ses inve
8823
ison de ses inventions mécaniques, bien au-dessus
d’
Aristote, dont le chancelier Bacon souhaiterait voir brûler tous les l
8824
les livres, « parce que Aristote a été incapable
de
produire des œuvres qui servissent au bien-être de l’homme ». « Ce n’
8825
e produire des œuvres qui servissent au bien-être
de
l’homme ». « Ce n’est proprement valoir rien que de n’être utile à pe
8826
l’homme ». « Ce n’est proprement valoir rien que
de
n’être utile à personne », proclame Descartes. À « cette philosophie
8827
ive qu’on enseigne dans les écoles », le Discours
de
la Méthode oppose « une pratique, par laquelle, connaissant la force
8828
aquelle, connaissant la force et l’action du feu,
de
l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qu
8829
onnaissant la force et l’action du feu, de l’eau,
de
l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous env
8830
feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et
de
tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que n
8831
inctement que nous connaissons les divers métiers
de
nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les us
8832
et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs
de
la nature ». C’est l’idée du Chancelier Bacon : on commande à la natu
8833
nature en obéissant à ses lois. Il ne suffit plus
de
connaître le monde ; il convient de le changer.301 On a reconnu dan
8834
e suffit plus de connaître le monde ; il convient
de
le changer.301 On a reconnu dans cette dernière phrase la « Deuxièm
8835
rnière phrase la « Deuxième thèse sur Feuerbach »
de
Karl Marx. Or le marxisme est postérieur au grand essor de la techniq
8836
arx. Or le marxisme est postérieur au grand essor
de
la technique européenne, et ne lui a rien apporté. En revanche, on co
8837
stes et par les héritiers mystiques du vieux rêve
de
l’alchimie : parfaire la Création de Dieu et coopérer à sa rédemption
8838
u vieux rêve de l’alchimie : parfaire la Création
de
Dieu et coopérer à sa rédemption. Mais d’où viennent encore un coup c
8839
réation de Dieu et coopérer à sa rédemption. Mais
d’
où viennent encore un coup ces passions pratiquement conjuguées de la
8840
core un coup ces passions pratiquement conjuguées
de
la liberté, de la technique, et du défi aux ordres consacrés par l’us
8841
s passions pratiquement conjuguées de la liberté,
de
la technique, et du défi aux ordres consacrés par l’usage, non par la
8842
noncé à Lausanne lors de la Conférence européenne
de
la culture (1949), Carlo Schmid ramène toutes nos valeurs à ce refus
8843
mid ramène toutes nos valeurs à ce refus créateur
de
l’Europe : le refus de la fatalité : Mais qu’est-ce donc ce qui cara
8844
aleurs à ce refus créateur de l’Europe : le refus
de
la fatalité : Mais qu’est-ce donc ce qui caractérise l’Europe ? Quel
8845
ise l’Europe ? Quelle question, quelle complexité
de
réponses possibles ! Et cependant il existe certaines données qui nou
8846
t il existe certaines données qui nous permettent
de
pressentir de quel côté à peu près nous devrions chercher pour distin
8847
rtaines données qui nous permettent de pressentir
de
quel côté à peu près nous devrions chercher pour distinguer, ne fût-c
8848
hercher pour distinguer, ne fût-ce que les ombres
de
cette réalité que l’esclavage de Platon, enchaîné dans la Grotte, voi
8849
e que les ombres de cette réalité que l’esclavage
de
Platon, enchaîné dans la Grotte, voit remuer sur les parois. Il me se
8850
voir Prométhée qui, ayant formé l’homme du limon
de
la terre, déroba le feu du ciel pour animer sa créature et qui, par c
8851
fatalité. En effet, lutter contre tout ce qui n’a
d’
autre dignité que celle qu’accorde la matérialité, se refuser à n’être
8852
’accorde la matérialité, se refuser à n’être rien
d’
autre qu’un élément passif et déterminé de l’ordre de la Création — ce
8853
re rien d’autre qu’un élément passif et déterminé
de
l’ordre de la Création — ceci me semble la vertu primordiale qui a fa
8854
utre qu’un élément passif et déterminé de l’ordre
de
la Création — ceci me semble la vertu primordiale qui a fait d’une pr
8855
— ceci me semble la vertu primordiale qui a fait
d’
une presqu’île de l’Asie, l’Europe. Dante, l’Européen, le fait dire à
8856
la vertu primordiale qui a fait d’une presqu’île
de
l’Asie, l’Europe. Dante, l’Européen, le fait dire à Ulysse qui voulai
8857
ir del mondo esperto malgré l’interdiction sévère
de
dépasser le détroit de Gibraltar : O frati… Considerate la vostra se
8858
lgré l’interdiction sévère de dépasser le détroit
de
Gibraltar : O frati… Considerate la vostra semenza : fatti non foste
8859
conoscenza. Ceci est-il autre chose que le refus
d’
être rien d’autre qu’une particule de la nature, une créature acceptan
8860
Ceci est-il autre chose que le refus d’être rien
d’
autre qu’une particule de la nature, une créature acceptant le Paradis
8861
que le refus d’être rien d’autre qu’une particule
de
la nature, une créature acceptant le Paradis de la Fatalité ? Et cet
8862
e de la nature, une créature acceptant le Paradis
de
la Fatalité ? Et cet Ulysse du Dante, n’est-il pas le frère de Promét
8863
ateur, et non pas en vertu d’une délégation, mais
de
son plein droit ? De ceci, comme du besoin de subir sciemment le poid
8864
vertu d’une délégation, mais de son plein droit ?
De
ceci, comme du besoin de subir sciemment le poids de l’Histoire pour,
8865
ais de son plein droit ? De ceci, comme du besoin
de
subir sciemment le poids de l’Histoire pour, à chaque moment, secouer
8866
ceci, comme du besoin de subir sciemment le poids
de
l’Histoire pour, à chaque moment, secouer le joug du passé qu’elle a
8867
moment, secouer le joug du passé qu’elle a créé,
de
ce besoin de baser ses actions sur un perpétuel présent que, malgré s
8868
uer le joug du passé qu’elle a créé, de ce besoin
de
baser ses actions sur un perpétuel présent que, malgré sa connaissanc
8869
un perpétuel présent que, malgré sa connaissance
de
la relation des causes et des effets, il veut toujours charger de spo
8870
es causes et des effets, il veut toujours charger
de
spontanéité, l’homme d’Europe a tiré son bonheur et presque tous ses
8871
il veut toujours charger de spontanéité, l’homme
d’
Europe a tiré son bonheur et presque tous ses malheurs. Dans les momen
8872
sque tous ses malheurs. Dans les moments fortunés
de
son histoire, il sut user de la mesure. Nous appelons ces moments heu
8873
les moments fortunés de son histoire, il sut user
de
la mesure. Nous appelons ces moments heureux les époques classiques.
8874
ureux les époques classiques. Prométhée est aussi
d’
une façon mystérieuse Antée, fils de Neptune et de la Terre, qui pour
8875
hée est aussi d’une façon mystérieuse Antée, fils
de
Neptune et de la Terre, qui pour se régénérer et redoubler ses forces
8876
d’une façon mystérieuse Antée, fils de Neptune et
de
la Terre, qui pour se régénérer et redoubler ses forces recherche la
8877
rces recherche la Terre, la Nature — mais l’Homme
d’
Europe ne s’abandonne pas à la Nature : il ne l’accepte dans tout son
8878
ée et dénombrée, et là, il n’y a pas en substance
de
différence entre Thalès et Anaxagore, la « decompositio » et « recomp
8879
naxagore, la « decompositio » et « recompositio »
de
Descartes et la nature « reproduite » au sens littéral du mot par Cla
8880
ues et qui pourtant ne font que recomposer la vie
de
l’âme humaine décomposée par l’esprit humain. (D’ailleurs, les romant
8881
ment l’Européen, en isolant la conscience humaine
de
ses rapports avec ce qui est en dehors du Moi, a permis à l’homme, no
8882
is à l’homme, noyé dans la collectivité et le jeu
de
ses contingences, de devenir un individu. Or la dignité de l’individu
8883
ns la collectivité et le jeu de ses contingences,
de
devenir un individu. Or la dignité de l’individu consiste justement e
8884
ntingences, de devenir un individu. Or la dignité
de
l’individu consiste justement en ce qu’il n’est plus permis à l’homme
8885
justement en ce qu’il n’est plus permis à l’homme
de
justifier ses actes par ce qui n’est que nature, histoire, société. I
8886
société. Il doit se justifier devant le tribunal
de
sa conscience et de la raison (qui, partout où elle se réfère à l’évi
8887
justifier devant le tribunal de sa conscience et
de
la raison (qui, partout où elle se réfère à l’évidence, n’est autre c
8888
ndons à la société qu’elle respecte les décisions
de
notre conscience à nous, nous sommes obligés de respecter la dignité
8889
s de notre conscience à nous, nous sommes obligés
de
respecter la dignité de la conscience de tout autre être humain. Voic
8890
nous, nous sommes obligés de respecter la dignité
de
la conscience de tout autre être humain. Voici l’une des raisons qui
8891
obligés de respecter la dignité de la conscience
de
tout autre être humain. Voici l’une des raisons qui nous ont contrain
8892
aie en elle-même et pour elle-même et non du fait
d’
être approuvées par les doctrines de la tradition ou par l’âme collect
8893
t non du fait d’être approuvées par les doctrines
de
la tradition ou par l’âme collective. C’est ici que l’essor miraculeu
8894
’âme collective. C’est ici que l’essor miraculeux
de
la pensée et de la science européennes — toutes les deux sorties du L
8895
C’est ici que l’essor miraculeux de la pensée et
de
la science européennes — toutes les deux sorties du Logos geomotretos
8896
es — toutes les deux sorties du Logos geomotretos
de
Platon — plonge l’une de ses racines les plus profondes. Et nous auri
8897
ies du Logos geomotretos de Platon — plonge l’une
de
ses racines les plus profondes. Et nous aurions passé sous silence un
8898
ons passé sous silence une des plus pures gloires
de
l’Europe si, dans cet ordre d’idées, nous avions oublié de nommer la
8899
plus pures gloires de l’Europe si, dans cet ordre
d’
idées, nous avions oublié de nommer la musique. N’oublions pas non plu
8900
pe si, dans cet ordre d’idées, nous avions oublié
de
nommer la musique. N’oublions pas non plus que c’est bien l’homme d’E
8901
e. N’oublions pas non plus que c’est bien l’homme
d’
Europe qui n’a pas voulu que l’existence matérielle et politique de l’
8902
pas voulu que l’existence matérielle et politique
de
l’homme ne soit que fonction des circonstances, et que c’est lui qui,
8903
rs marché droit sur tout ce qui entrave la marche
de
l’homme vers un avenir de plus en plus riche en liberté spirituelle,
8904
nt qui a fait germer partout sur terre la volonté
de
ne pas accepter la tyrannie des circonstances et du passé, la volonté
8905
yrannie des circonstances et du passé, la volonté
de
modifier les facteurs décisifs de notre existence temporelle jusque d
8906
ssé, la volonté de modifier les facteurs décisifs
de
notre existence temporelle jusque dans leur substance, afin de permet
8907
dans leur substance, afin de permettre à l’homme
de
sortir de l’aliénation dans laquelle la brutalité d’un mécanisme écon
8908
substance, afin de permettre à l’homme de sortir
de
l’aliénation dans laquelle la brutalité d’un mécanisme économique et
8909
sortir de l’aliénation dans laquelle la brutalité
d’
un mécanisme économique et social a fait sombrer sa liberté de dispose
8910
me économique et social a fait sombrer sa liberté
de
disposer de lui-même. C’est en Europe que l’homme a refusé de tenir p
8911
e et social a fait sombrer sa liberté de disposer
de
lui-même. C’est en Europe que l’homme a refusé de tenir pour une loi
8912
de lui-même. C’est en Europe que l’homme a refusé
de
tenir pour une loi fatale la stabilité de l’ordre social, et c’est ic
8913
refusé de tenir pour une loi fatale la stabilité
de
l’ordre social, et c’est ici qu’à chaque époque, le tiers État de l’é
8914
l, et c’est ici qu’à chaque époque, le tiers État
de
l’époque a élevé les barricades de la liberté, de l’égalité et de la
8915
le tiers État de l’époque a élevé les barricades
de
la liberté, de l’égalité et de la justice. Néanmoins, cette liberté,
8916
de l’époque a élevé les barricades de la liberté,
de
l’égalité et de la justice. Néanmoins, cette liberté, cette égalité,
8917
evé les barricades de la liberté, de l’égalité et
de
la justice. Néanmoins, cette liberté, cette égalité, cette justice se
8918
tte justice se sont toujours réclamées des vertus
de
l’origine. En somme, ce que les peuples et les classes ont recherché
8919
us reconnaissons chez Socrate, dans la république
de
Cicéron, dans le agi et pati fortia de Tite Live, dans le pax et just
8920
république de Cicéron, dans le agi et pati fortia
de
Tite Live, dans le pax et justicia de saint Augustin, et dans la « De
8921
pati fortia de Tite Live, dans le pax et justicia
de
saint Augustin, et dans la « Declaration of Rights » de l’État de Vir
8922
nt Augustin, et dans la « Declaration of Rights »
de
l’État de Virginie — don précieux par lequel le Nouveau Monde a rendu
8923
ait pu lui prêter. Trois ans avant la conférence
de
Lausanne, les premières Rencontres internationales de Genève (septemb
8924
ausanne, les premières Rencontres internationales
de
Genève (septembre 1946), avaient posé d’une manière mémorable, devant
8925
tionales de Genève (septembre 1946), avaient posé
d’
une manière mémorable, devant le grand public intellectuel du continen
8926
and public intellectuel du continent, le problème
de
« l’Esprit européen » dans le monde bouleversé de l’après-guerre. On
8927
de « l’Esprit européen » dans le monde bouleversé
de
l’après-guerre. On a pu lire plus haut des extraits de discours prono
8928
après-guerre. On a pu lire plus haut des extraits
de
discours prononcés à cette occasion par Julien Benda et par Karl Jasp
8929
haient à définir la conscience que l’Europe prend
d’
elle-même et les valeurs de sa culture. Quant à Denis de Rougemont, il
8930
nce que l’Europe prend d’elle-même et les valeurs
de
sa culture. Quant à Denis de Rougemont, il tentait d’évaluer les chan
8931
a culture. Quant à Denis de Rougemont, il tentait
d’
évaluer les chances du génie spécifique de l’Europe, on le comparant a
8932
tentait d’évaluer les chances du génie spécifique
de
l’Europe, on le comparant avec les idéaux des grands empires mondiaux
8933
et la foi au progrès… Avant cette guerre, le nom
d’
Europe évoquait un foyer intense dont le rayonnement s’élargissait sur
8934
e nous semblait donc plus grande qu’elle n’était.
D’
où l’effet de choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’a
8935
it donc plus grande qu’elle n’était. D’où l’effet
de
choc que produisit dans nos esprits, au lendemain de l’autre guerre,
8936
choc que produisit dans nos esprits, au lendemain
de
l’autre guerre, la phrase fameuse de Valéry sur l’Europe « petit cap
8937
au lendemain de l’autre guerre, la phrase fameuse
de
Valéry sur l’Europe « petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue
8938
« petit cap de l’Asie ». Aujourd’hui l’Europe vue
d’
Amérique, et j’imagine aussi vue de Russie, paraît plus petite que nat
8939
i l’Europe vue d’Amérique, et j’imagine aussi vue
de
Russie, paraît plus petite que nature : physiquement resserrée entre
8940
s dont les ombres immenses s’affrontent au-dessus
d’
elle, rongée et ruinée sur ses bords, moralement refermée sur elle-mêm
8941
plus. Nous voyons l’Europe comme vidée, au profit
de
ces deux empires, de certaines ambitions, de certains rêves et de cer
8942
urope comme vidée, au profit de ces deux empires,
de
certaines ambitions, de certains rêves et de certaines croyances appa
8943
ofit de ces deux empires, de certaines ambitions,
de
certains rêves et de certaines croyances apparus sur son sol, et qui
8944
res, de certaines ambitions, de certains rêves et
de
certaines croyances apparus sur son sol, et qui semblaient parfois dé
8945
des grandes découvertes, par ses armes et son art
de
la guerre mis au service tantôt de la rapacité de telle nation ou de
8946
mes et son art de la guerre mis au service tantôt
de
la rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagi
8947
de la guerre mis au service tantôt de la rapacité
de
telle nation ou de tel prince, tantôt d’idéaux contagieux ; enfin par
8948
service tantôt de la rapacité de telle nation ou
de
tel prince, tantôt d’idéaux contagieux ; enfin par ses machines et pa
8949
rapacité de telle nation ou de tel prince, tantôt
d’
idéaux contagieux ; enfin par ses machines et par ses capitaux. Mais v
8950
armes, le grand commerce et jusqu’à la curiosité
de
la planète ! Tout cela dans l’espace de trente ans, et sans retour po
8951
curiosité de la planète ! Tout cela dans l’espace
de
trente ans, et sans retour possible, à vues humaines. Que nous reste-
8952
-t-il donc en propre ? Un monopole unique : celui
de
la culture au sens le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure
8953
le plus large du terme, c’est-à-dire : une mesure
de
l’homme, un principe de critique permanente, un certain équilibre hum
8954
c’est-à-dire : une mesure de l’homme, un principe
de
critique permanente, un certain équilibre humain résultant de tension
8955
permanente, un certain équilibre humain résultant
de
tensions innombrables. Cela, on nous le laisse encore, et à vrai dire
8956
c’est aussi le plus difficile à maintenir en état
d’
efficacité. À l’origine de la religion, de la culture et de la morale
8957
ile à maintenir en état d’efficacité. À l’origine
de
la religion, de la culture et de la morale européennes, il y a l’idée
8958
en état d’efficacité. À l’origine de la religion,
de
la culture et de la morale européennes, il y a l’idée de la contradic
8959
ité. À l’origine de la religion, de la culture et
de
la morale européennes, il y a l’idée de la contradiction, du déchirem
8960
ulture et de la morale européennes, il y a l’idée
de
la contradiction, du déchirement fécond, du conflit créateur. Il y a
8961
ment fécond, du conflit créateur. Il y a ce signe
de
contradiction par excellence qui est la croix. Au contraire, à l’orig
8962
’origine des deux empires nouveaux, il y a l’idée
de
l’unification de l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, e
8963
empires nouveaux, il y a l’idée de l’unification
de
l’homme lui-même, de l’élimination des antithèses, et du triomphe de
8964
y a l’idée de l’unification de l’homme lui-même,
de
l’élimination des antithèses, et du triomphe de l’organisation bien h
8965
, de l’élimination des antithèses, et du triomphe
de
l’organisation bien huilée, sans histoire, et sans drame. Il s’ensuit
8966
e qui atteint, dramatiquement, le plus haut point
de
conscience et de signification : le saint, le mystique, le martyr. Ta
8967
amatiquement, le plus haut point de conscience et
de
signification : le saint, le mystique, le martyr. Tandis que le héros
8968
plus haut exemple ; pour eux, c’est l’exemplaire
de
série… Pour nous, la vie résulte d’un conflit permanent, et son but n
8969
l’exemplaire de série… Pour nous, la vie résulte
d’
un conflit permanent, et son but n’est pas le bonheur, mais la conscie
8970
eur, mais la conscience plus aiguë, la découverte
d’
un sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fû
8971
a conscience plus aiguë, la découverte d’un sens,
d’
une signification, fût-ce dans le malheur de la passion, fût-ce dans l
8972
sens, d’une signification, fût-ce dans le malheur
de
la passion, fût-ce dans l’échec. Ils visent à l’inconscience heureuse
8973
e quel prix. Ils veulent la vie, nous des raisons
de
vivre, même mortelles. Voilà pourquoi l’Européen typique sera tantôt
8974
naît donc la valeur essentielle des antagonismes,
de
l’opposition créatrice, tandis que l’Américain et le Russe soviétique
8975
cain et le Russe soviétique considère l’existence
de
l’opposition comme l’indice d’un mauvais fonctionnement, qu’il faut é
8976
sidère l’existence de l’opposition comme l’indice
d’
un mauvais fonctionnement, qu’il faut éliminer doucement ou brutalemen
8977
ndront par la publicité, le cinéma, la production
de
série, et les autres par des moyens un peu moins souples, comme on sa
8978
ont de plus en plus. Ainsi donc, la confrontation
de
l’Europe et de ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occiden
8979
plus. Ainsi donc, la confrontation de l’Europe et
de
ces deux filles parfois ingrates du plus grand Occident nous suggère
8980
s du plus grand Occident nous suggère une formule
de
l’homme typiquement européen : c’est l’homme de la contradiction, l’h
8981
e de l’homme typiquement européen : c’est l’homme
de
la contradiction, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons
8982
ar l’homme européen en tant que tel n’accepte pas
d’
être réduit à l’un ou à l’autre de ces termes. Mais il entend les assu
8983
liférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet
de
concentrer sur l’homme lui-même, créateur ou victime de ces tensions,
8984
centrer sur l’homme lui-même, créateur ou victime
de
ces tensions, l’effort principal de l’esprit. Européenne sera donc, t
8985
ur ou victime de ces tensions, l’effort principal
de
l’esprit. Européenne sera donc, typiquement, la volonté de rapporter
8986
it. Européenne sera donc, typiquement, la volonté
de
rapporter à l’homme, de mesurer à l’homme toutes les institutions. Ce
8987
, typiquement, la volonté de rapporter à l’homme,
de
mesurer à l’homme toutes les institutions. Cet homme de la contradict
8988
urer à l’homme toutes les institutions. Cet homme
de
la contradiction (s’il la domine en création) c’est celui que j’appel
8989
sonne. Et ces institutions à sa mesure, à hauteur
d’
homme, traduisant dans la vie de la culture, comme dans les structures
8990
mesure, à hauteur d’homme, traduisant dans la vie
de
la culture, comme dans les structures politiques, les mêmes tensions
8991
t grand. Il y ramasse et porte au plus haut point
de
tension dramatique plusieurs des thèmes illustrés dans ce chapitre, q
8992
lusion. À l’heure actuelle, que sont les valeurs
de
l’Occident ? Nous en avons assez vu pour savoir que ce n’est certaine
8993
. La première valeur européenne, c’est la volonté
de
conscience. La seconde, c’est la volonté de découverte… La force occi
8994
lonté de conscience. La seconde, c’est la volonté
de
découverte… La force occidentale, c’est l’acceptation de l’inconnu. I
8995
uverte… La force occidentale, c’est l’acceptation
de
l’inconnu. Il y a un humanisme possible, mais il faut bien nous dire,
8996
e vouloir. Ne nous y méprenons pas : les volontés
de
conscience et de découverte, comme valeurs fondamentales, appartienne
8997
s y méprenons pas : les volontés de conscience et
de
découverte, comme valeurs fondamentales, appartiennent à l’Europe et
8998
et à l’Europe seule. Vous les avez vues à l’œuvre
d’
une façon quotidienne dans le domaine des sciences. Les formes de l’es
8999
tidienne dans le domaine des sciences. Les formes
de
l’esprit le définissent, à l’heure actuelle, par leur point de départ
9000
e définissent, à l’heure actuelle, par leur point
de
départ et la nature de leur recherche. Colomb savait mieux d’où il pa
9001
e actuelle, par leur point de départ et la nature
de
leur recherche. Colomb savait mieux d’où il partait qu’où il irait. E
9002
la nature de leur recherche. Colomb savait mieux
d’
où il partait qu’où il irait. Et nous ne pouvons fonder une attitude h
9003
pas où il va, et sur l’humanisme parce qu’il sait
d’
où il part et où est sa volonté… … Nous sommes au point crucial où la
9004
tout grand héritier ignore ou dilapide les objets
de
son héritage, et n’hérite vraiment que l’intelligence et la force. L’
9005
u christianisme heureux, c’est Pascal. L’héritage
de
l’Europe, c’est l’humanisme tragique. … Nous avons fait un certain no
9006
sme tragique. … Nous avons fait un certain nombre
d’
images qui valent qu’on en parle, non seulement dans les arts, mais da
9007
lement dans les arts, mais dans l’immense domaine
de
ce que l’homme tire de lui-même pour s’accuser, se nier, se grandir o
9008
ais dans l’immense domaine de ce que l’homme tire
de
lui-même pour s’accuser, se nier, se grandir ou tenter de s’éterniser
9009
ême pour s’accuser, se nier, se grandir ou tenter
de
s’éterniser. Des plus hautes solitudes, même celle en Dieu, nous avon
9010
brandt, est-ce que ce sont seulement des rapports
de
volumes et de couleurs, ou aussi des hommes jetés en pâture à leur fa
9011
que ce sont seulement des rapports de volumes et
de
couleurs, ou aussi des hommes jetés en pâture à leur faculté divine,
9012
etés en pâture à leur faculté divine, au bénéfice
de
tous ceux qui en seront dignes ? La justice de la Bible, la vieille l
9013
ce de tous ceux qui en seront dignes ? La justice
de
la Bible, la vieille liberté des cités, qui les a imposées au monde ?
9014
est seule à le chercher. En face de l’inconnu et
de
la torture pas encore oubliée. Bien entendu, de siècle en siècle, un
9015
t de la torture pas encore oubliée. Bien entendu,
de
siècle en siècle, un même destin de mort courbe à jamais les hommes ;
9016
Bien entendu, de siècle en siècle, un même destin
de
mort courbe à jamais les hommes ; mais de siècle en siècle aussi, en
9017
destin de mort courbe à jamais les hommes ; mais
de
siècle en siècle aussi, en ce lieu qui s’appelle l’Europe — et en ce
9018
ertes au lieu d’en faire des secrets, pour tenter
de
fonder en qualité victorieuse de la mort le monde éphémère, pour comp
9019
ets, pour tenter de fonder en qualité victorieuse
de
la mort le monde éphémère, pour comprendre que l’homme ne naît pas de
9020
éphémère, pour comprendre que l’homme ne naît pas
de
sa propre affirmation, mais de la mise en question de l’univers. Comm
9021
’homme ne naît pas de sa propre affirmation, mais
de
la mise en question de l’univers. Comme de l’Angleterre de la bataill
9022
a propre affirmation, mais de la mise en question
de
l’univers. Comme de l’Angleterre de la bataille de Londres, disons :
9023
, mais de la mise en question de l’univers. Comme
de
l’Angleterre de la bataille de Londres, disons : « Si ceci doit mouri
9024
e en question de l’univers. Comme de l’Angleterre
de
la bataille de Londres, disons : « Si ceci doit mourir, puissent tout
9025
e l’univers. Comme de l’Angleterre de la bataille
de
Londres, disons : « Si ceci doit mourir, puissent toutes les cultures
9026
contemporaine avec stupéfaction ; et que l’Europe
de
la prise de Rome, l’Europe de Nicopolis, l’Europe de la chute de Byza
9027
e avec stupéfaction ; et que l’Europe de la prise
de
Rome, l’Europe de Nicopolis, l’Europe de la chute de Byzance, ne leur
9028
la prise de Rome, l’Europe de Nicopolis, l’Europe
de
la chute de Byzance, ne leur sembleront peut-être qu’un remous miséra
9029
Rome, l’Europe de Nicopolis, l’Europe de la chute
de
Byzance, ne leur sembleront peut-être qu’un remous misérable à côté d
9030
menaçantes qui commencent à s’étendre sur lui : «
De
vous comme du reste, nous nous servirons, une fois de plus, pour tire
9031
s servirons, une fois de plus, pour tirer l’homme
de
l’argile. »303 3.L’Europe et le Monde Pour nous connaître mie
9032
se soustraire à ce risque, mais il faut se garder
de
le sous-estimer : aux premiers pas de toute enquête sur les jugements
9033
t se garder de le sous-estimer : aux premiers pas
de
toute enquête sur les jugements que le Monde porte sur nous, c’est to
9034
tout d’abord la haine que nous rencontrerons, et
d’
aveuglantes raisons de douter de nous-mêmes. Le grand historien compar
9035
que nous rencontrerons, et d’aveuglantes raisons
de
douter de nous-mêmes. Le grand historien comparatiste, Arnold Toynbee
9036
rencontrerons, et d’aveuglantes raisons de douter
de
nous-mêmes. Le grand historien comparatiste, Arnold Toynbee, a tenté
9037
qui désire s’attaquer à ce problème doit essayer
de
sortir, pour un instant, de sa peau d’Occidental et considérer la lut
9038
problème doit essayer de sortir, pour un instant,
de
sa peau d’Occidental et considérer la lutte entre le monde et l’Occid
9039
it essayer de sortir, pour un instant, de sa peau
d’
Occidental et considérer la lutte entre le monde et l’Occident avec le
9040
identaux, lesquels constituent la grande majorité
de
l’humanité. Les peuples non occidentaux peuvent différer par la race,
9041
s en 1941, 1915, 1812, 1709 et 1610 ; les peuples
d’
Asie et d’Afrique rappelleront que, depuis le xve siècle, les Occiden
9042
1915, 1812, 1709 et 1610 ; les peuples d’Asie et
d’
Afrique rappelleront que, depuis le xve siècle, les Occidentaux, qu’i
9043
tralie, en Nouvelle-Zélande, dans le sud et l’est
de
l’Afrique. Les Africains rappelleront qu’ils furent réduits en esclav
9044
qu’ils furent réduits en esclavage et transportés
de
l’autre côté de l’Atlantique pour servir les Européens qui avaient co
9045
duits en esclavage et transportés de l’autre côté
de
l’Atlantique pour servir les Européens qui avaient colonisé les Améri
9046
Amériques, et qu’entre leurs mains, ils devinrent
de
simples instruments, chargés de leur procurer les richesses dont ils
9047
ns, ils devinrent de simples instruments, chargés
de
leur procurer les richesses dont ils avaient soif. En Amérique du Nor
9048
envahisseurs européens et à leurs esclaves venus
d’
Afrique. La plupart des Occidentaux d’aujourd’hui seront surpris, choq
9049
laves venus d’Afrique. La plupart des Occidentaux
d’
aujourd’hui seront surpris, choqués et peinés par ce réquisitoire… Vo
9050
ce réquisitoire… Voici donc notre Europe sommée
de
confesser devant le monde une culpabilité sans précédent dans l’histo
9051
de une culpabilité sans précédent dans l’histoire
de
l’humanité. Toynbee va-t-il relever le défi ? Loin de là, il donne ra
9052
certainement justifié, du moins pour une période
de
quatre siècles et demi, période qui s’achève en 1945. Jusqu’à cette d
9053
ôles, c’est que nous entamons un nouveau chapitre
de
cette histoire, chapitre qui ne commence qu’après la fin de la Second
9054
istoire, chapitre qui ne commence qu’après la fin
de
la Seconde Guerre mondiale. L’inquiétude et la colère que provoquèren
9055
identaux, c’est une expérience toute nouvelle que
de
subir de la part du monde ce que le monde a subi, depuis des siècles,
9056
, la tyrannie et leurs souffrances ? Toynbee taxe
d’
orgueil cette objection : Nous Occidentaux, parce qu’humains, avons t
9057
sure avec tout ce qui a précédé. Pour nous guérir
de
cette illusion occidentale qui est la nôtre, il suffit de jeter un re
9058
illusion occidentale qui est la nôtre, il suffit
de
jeter un regard en arrière sur ce qu’accomplirent les Grecs et les Ro
9059
lirent, au profit du monde gréco-romain, une tête
de
pont sur l’océan Atlantique, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hu
9060
e de pont sur l’océan Atlantique, à l’emplacement
de
ce qui est aujourd’hui l’Espagne du Sud et le Portugal. Le grec « pop
9061
el fut rédigé le Nouveau Testament, au Ier siècle
de
notre ère, était parlé et compris de Travancore à Marseille. À la mêm
9062
u Ier siècle de notre ère, était parlé et compris
de
Travancore à Marseille. À la même époque, la Grande-Bretagne était an
9063
rmées romaines, tandis que l’art grec, au service
d’
une religion hindoue — le bouddhisme — accomplissait une conquête paci
9064
— accomplissait une conquête pacifique en partant
de
l’Afghanistan et en se dirigeant au nord-est, pour atteindre éventuel
9065
n temps, sur le monde antique aussi largement que
de
nos jours la culture occidentale. À une époque où la civilisation ind
9066
vanter, comme nous pouvons le faire aujourd’hui,
d’
avoir atteint et pénétré par le rayonnement de leur culture toutes les
9067
ui, d’avoir atteint et pénétré par le rayonnement
de
leur culture toutes les civilisations de la planète, dont ils avaient
9068
onnement de leur culture toutes les civilisations
de
la planète, dont ils avaient d’ailleurs calculé avec précision la for
9069
écision la forme et les dimensions. Cette emprise
de
la culture grecque, à partir du ive siècle avant Jésus-Christ, fut p
9070
monde un choc aussi considérable que la rencontre
de
notre civilisation occidentale moderne, depuis le xve siècle de notr
9071
sation occidentale moderne, depuis le xve siècle
de
notre ère. Et la nature humaine n’ayant guère changé depuis cette épo
9072
t guère changé depuis cette époque, il n’y a rien
d’
étonnant à ce que l’assaut d’une civilisation étrangère provoque aujou
9073
poque, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’assaut
d’
une civilisation étrangère provoque aujourd’hui les mêmes réactions ps
9074
ue aujourd’hui les mêmes réactions psychologiques
de
défense qu’au temps des Grecs et des Romains… Naturellement, je ne ve
9075
peut faire pour nous l’oracle gréco-romain c’est
de
nous révéler, parmi beaucoup d’autres, un des dénouements possibles d
9076
i beaucoup d’autres, un des dénouements possibles
de
notre drame personnel. Dans notre cas, il se peut très bien que les c
9077
tâtonnons dans l’obscurité et devons nous garder
de
croire que nous pourrons tracer l’itinéraire à suivre. Tout de même c
9078
cer l’itinéraire à suivre. Tout de même ce serait
de
la folie de ne pas tenir compte de la lueur qui s’offre à nous, car l
9079
aire à suivre. Tout de même ce serait de la folie
de
ne pas tenir compte de la lueur qui s’offre à nous, car la lumière pr
9080
même ce serait de la folie de ne pas tenir compte
de
la lueur qui s’offre à nous, car la lumière projetée sur notre avenir
9081
r le miroir du passé gréco-romain est en tout cas
de
celles qui peuvent le mieux éclairer ce qui pour nous reste encore da
9082
ique Stephen Spender, nous rappeler que les torts
de
l’Europe, bien réels, ne lui ôtent pourtant ni le droit ni le devoir
9083
s, ne lui ôtent pourtant ni le droit ni le devoir
d’
affirmer sa fonction culturelle dans le monde : De bien des manières,
9084
’affirmer sa fonction culturelle dans le monde :
De
bien des manières, nous autres Occidentaux, nous nous sommes rendus m
9085
ux, nous nous sommes rendus moralement incapables
de
riposter à nos adversaires. En partie parce que nous sommes coupables
9086
saires. En partie parce que nous sommes coupables
d’
avoir recouru dans le passé à des méthodes brutales, mais en partie au
9087
parce que nous avons réellement atteint un niveau
de
civilisation qui nous porte à éviter la franchise brutale. Culpabilit
9088
éviter la franchise brutale. Culpabilité, respect
d’
autrui et conscience de notre histoire concourent ainsi à nous désarme
9089
tale. Culpabilité, respect d’autrui et conscience
de
notre histoire concourent ainsi à nous désarmer. Ce goût de l’autocri
9090
istoire concourent ainsi à nous désarmer. Ce goût
de
l’autocritique ne tirerait pas à conséquence si nous étions certains
9091
ire par les jeunes Œdipes, nous courons le danger
de
sacrifier notre passé et notre présent à un avenir plus tyrannique et
9092
e propre histoire. Au stade où nous voici, pleins
de
remords quant à notre passé colonialiste, et conscients de tant d’ins
9093
s quant à notre passé colonialiste, et conscients
de
tant d’insuffisances actuelles, — la question que nous devons nous po
9094
à notre passé colonialiste, et conscients de tant
d’
insuffisances actuelles, — la question que nous devons nous poser est
9095
la question que nous devons nous poser est moins
de
savoir si nous sommes meilleurs que les autres, que de savoir si les
9096
voir si nous sommes meilleurs que les autres, que
de
savoir si les autres ne sont pas pires que nous. Car s’ils sont pires
9097
ous. Car s’ils sont pires, notre devoir est alors
de
vivre pour nos valeurs et de les affirmer. … Il n’est certes pas faci
9098
tre devoir est alors de vivre pour nos valeurs et
de
les affirmer. … Il n’est certes pas facile de reconnaître ses torts e
9099
et de les affirmer. … Il n’est certes pas facile
de
reconnaître ses torts et de rester malgré tout conscient du fait que,
9100
est certes pas facile de reconnaître ses torts et
de
rester malgré tout conscient du fait que, par comparaison, l’on est e
9101
également, l’Europe ne pourra faire autrement que
d’
appliquer ce procédé assez compliqué de comparaison et de mesure. Il e
9102
rement que d’appliquer ce procédé assez compliqué
de
comparaison et de mesure. Il est évident que nous ne pouvons plus éta
9103
quer ce procédé assez compliqué de comparaison et
de
mesure. Il est évident que nous ne pouvons plus établir notre supério
9104
pouvons plus établir notre supériorité en arguant
de
notre peau blanche ou de notre glorieux passé, des cathédrales gothiq
9105
e supériorité en arguant de notre peau blanche ou
de
notre glorieux passé, des cathédrales gothiques ou de la peinture de
9106
otre glorieux passé, des cathédrales gothiques ou
de
la peinture de la Renaissance. Nous ne pouvons que nous demander si d
9107
assé, des cathédrales gothiques ou de la peinture
de
la Renaissance. Nous ne pouvons que nous demander si de tous ces fact
9108
Renaissance. Nous ne pouvons que nous demander si
de
tous ces facteurs, et de beaucoup d’autres encore, ne continue pas de
9109
ons que nous demander si de tous ces facteurs, et
de
beaucoup d’autres encore, ne continue pas de résulter un potentiel qu
9110
, et de beaucoup d’autres encore, ne continue pas
de
résulter un potentiel qui légitime notre réalité présente ; si, privé
9111
l qui légitime notre réalité présente ; si, privé
de
ces traditions européennes que nous nous devons de gérer, le monde ne
9112
e ces traditions européennes que nous nous devons
de
gérer, le monde ne serait pas dans un état pire encore ; et si, en vi
9113
oui à toutes ces questions… Je crois à la mission
de
la culture européenne, et j’ai foi dans son aptitude à contribuer à l
9114
les plus difficiles, y compris ceux qui dépassent
de
loin les limites du champ culturel proprement dit. J’y crois, parce q
9115
ns hautement développé des traditions ; parce que
de
tous temps elle s’est efforcée d’assurer une relation étroite entre c
9116
ons ; parce que de tous temps elle s’est efforcée
d’
assurer une relation étroite entre ce que j’appellerais la « constante
9117
lement mouvantes ; parce que même ses révolutions
de
style les plus étonnantes n’ont jamais cessé d’exprimer les valeurs t
9118
s de style les plus étonnantes n’ont jamais cessé
d’
exprimer les valeurs traditionnelles, tout en s’adaptant aux changemen
9119
et elle y a, jusqu’ici, toujours réussi. La somme
de
son passé — alors même que les contemporains ne s’en rendent pas touj
9120
ompte — restera sans cesse calculée dans la somme
de
son présent. Au plan politique, l’Europe a peut-être failli, mais au
9121
ommercial populaire, le plus grand succès mondial
de
tous les temps, et, ne serait-ce que pour cette raison, elle justifie
9122
actuelle avec celle qui régnait avant l’invention
de
la bombe atomique et l’on admettra qu’il n’a pas fallu moins d’un mir
9123
omique et l’on admettra qu’il n’a pas fallu moins
d’
un miracle du génie européen pour que les ponts entre le passé et le p
9124
présent ne soient pas coupés, et continuent même
d’
être fréquentés. On ne doit pas se lasser de le répéter : notre vieill
9125
même d’être fréquentés. On ne doit pas se lasser
de
le répéter : notre vieille Europe est la seule partie du monde où nul
9126
artie du monde où nul fossé ne sépare aujourd’hui
d’
hier. Cette vérité éclate avec le plus de force dans l’œuvre des deux
9127
ourd’hui d’hier. Cette vérité éclate avec le plus
de
force dans l’œuvre des deux écrivains (que les Soviétiques considèren
9128
et Marcel Proust. Ce sont deux exemples typiques
de
ce que l’Europe est capable de donner au monde. Ils sont tous les deu
9129
exemples typiques de ce que l’Europe est capable
de
donner au monde. Ils sont tous les deux modernes, dans le plein sens
9130
nditions présentes. Le titre même du chef-d’œuvre
de
Joyce exprime ce sens profond des traditions : Ulysse. Et chaque fois
9131
ons : Ulysse. Et chaque fois qu’un Picasso avance
d’
un pas dans la vie moderne, il avance en même temps d’un pas dans le p
9132
pas dans la vie moderne, il avance en même temps
d’
un pas dans le passé européen… Hors d’Europe, le fossé entre le présen
9133
même temps d’un pas dans le passé européen… Hors
d’
Europe, le fossé entre le présent et le passé se creuse de plus en plu
9134
s en plus. Conséquence directe, presque toujours,
d’
une politique totalitaire dont les chefs avides de pouvoir savent très
9135
d’une politique totalitaire dont les chefs avides
de
pouvoir savent très bien pourquoi ils interdisent à leurs « sujets »
9136
bien pourquoi ils interdisent à leurs « sujets »
de
se raccrocher à un passé quelconque. Parfois aussi, la rupture résult
9137
ssé quelconque. Parfois aussi, la rupture résulte
d’
un choc entre l’Est et l’industrialisation importée de l’Ouest. En Eur
9138
choc entre l’Est et l’industrialisation importée
de
l’Ouest. En Europe, l’industrialisation est apparue et s’est développ
9139
Asie, où tel un corps étranger elle a été imposée
de
l’extérieur, son apparition a provoqué de profonds remous. Remous qui
9140
imposée de l’extérieur, son apparition a provoqué
de
profonds remous. Remous qui dans le domaine culturel se traduisent pa
9141
le domaine culturel se traduisent par une rupture
d’
autant plus brutale avec toutes les traditions : tel ou tel produit d’
9142
e avec toutes les traditions : tel ou tel produit
d’
un « art prolétarien moderne » dans la Chine d’aujourd’hui n’a plus ri
9143
it d’un « art prolétarien moderne » dans la Chine
d’
aujourd’hui n’a plus rien de commun avec ce que nous connaissons de la
9144
derne » dans la Chine d’aujourd’hui n’a plus rien
de
commun avec ce que nous connaissons de la peinture chinoise. Non seul
9145
plus rien de commun avec ce que nous connaissons
de
la peinture chinoise. Non seulement les révolutions asiatiques s’opèr
9146
bérément à la tradition. Que nous soyons capables
de
constater ces faits et d’en tirer des conclusions (et même, à mon avi
9147
ue nous soyons capables de constater ces faits et
d’
en tirer des conclusions (et même, à mon avis, des conclusions encoura
9148
rageantes), voilà qui fournit la meilleure preuve
de
ce que l’Europe et sa culture ont le droit de vivre. Peut-être ce « t
9149
uve de ce que l’Europe et sa culture ont le droit
de
vivre. Peut-être ce « traditionalisme révolutionnaire » de l’Europe,
9150
Peut-être ce « traditionalisme révolutionnaire »
de
l’Europe, comme tant de mouvements avant lui, gagnera-t-il d’autres p
9151
arties du monde, Russie comprise. Pour ce qui est
de
l’Amérique, l’évolution va déjà dans ce sens. Car l’Amérique se souvi
9152
va déjà dans ce sens. Car l’Amérique se souvient
de
façon beaucoup plus vivante de ses origines européennes, et s’« europ
9153
érique se souvient de façon beaucoup plus vivante
de
ses origines européennes, et s’« européanise » beaucoup plus en profo
9154
ue l’Europe ne s’« américanisera » jamais à coups
de
millions de bouteilles de Coca-Cola. L’Europe doit vivre et continuer
9155
ne s’« américanisera » jamais à coups de millions
de
bouteilles de Coca-Cola. L’Europe doit vivre et continuer de vivre. M
9156
nisera » jamais à coups de millions de bouteilles
de
Coca-Cola. L’Europe doit vivre et continuer de vivre. Mais elle ne le
9157
es de Coca-Cola. L’Europe doit vivre et continuer
de
vivre. Mais elle ne le pourra que sur la base d’une autoaffirmation c
9158
de vivre. Mais elle ne le pourra que sur la base
d’
une autoaffirmation culturelle.305 Au-delà, ou en deçà de la morale,
9159
écouvrir. Ce sont eux qui ont permis à l’humanité
de
prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même d
9160
qui ont permis à l’humanité de prendre conscience
de
son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de « genre humain » son
9161
manité de prendre conscience de son unité. L’idée
d’
universalité, l’idée même de « genre humain » sont des créations de l’
9162
de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même
de
« genre humain » sont des créations de l’Europe chrétienne et technic
9163
’idée même de « genre humain » sont des créations
de
l’Europe chrétienne et technicienne. 2° Les prophètes de la décadence
9164
rope chrétienne et technicienne. 2° Les prophètes
de
la décadence de l’Europe, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient t
9165
et technicienne. 2° Les prophètes de la décadence
de
l’Europe, Spengler, Valéry et Toynbee, se fondaient tous sur le précé
9166
ry et Toynbee, se fondaient tous sur le précédent
de
la chute de Rome, du monde gréco-romain. Cet exemple est-il valable p
9167
e, se fondaient tous sur le précédent de la chute
de
Rome, du monde gréco-romain. Cet exemple est-il valable pour nous ? L
9168
ok suffirait aujourd’hui pour les mettre à l’abri
de
ce genre d’illusion. Der Erdenkreis ist mir genug bekannt, dit Faust,
9169
aujourd’hui pour les mettre à l’abri de ce genre
d’
illusion. Der Erdenkreis ist mir genug bekannt, dit Faust, le grand Eu
9170
e grand Européen moderne. 4° Toutes les créations
de
l’Europe (l’Église et la philosophie, les sciences et la technique, l
9171
les sont seules à l’avoir fait. 5° On ne voit pas
de
candidats sérieux à la Relève de notre civilisation devenue mondiale.
9172
° On ne voit pas de candidats sérieux à la Relève
de
notre civilisation devenue mondiale. On ne voit pas qui saurait mieux
9173
pas qui saurait mieux qu’elle prescrire les modes
d’
emploi de ses créations, et trouver les remèdes aux maladies dont elle
9174
aurait mieux qu’elle prescrire les modes d’emploi
de
ses créations, et trouver les remèdes aux maladies dont elle a répand
9175
et l’a bien dit, dans un ouvrage intitulé Le Rapt
de
l’Europe, méditation sur le sort d’une culture « dépossédée » de ses
9176
itulé Le Rapt de l’Europe, méditation sur le sort
d’
une culture « dépossédée » de ses conquêtes par ce monde même qu’elle
9177
ditation sur le sort d’une culture « dépossédée »
de
ses conquêtes par ce monde même qu’elle a suscité. Voici la donnée du
9178
opéen (au sens géographique) et le cadre mondial (
d’
origine européenne) s’est agrandi au point qu’en marge des vieilles na
9179
agrandi au point qu’en marge des vieilles nations
d’
Europe se sont constituées des puissances politiques qui vont se retou
9180
t bouleverser littéralement le paysage historique
de
l’Europe. Par sa fécondité même, son objectivité rationnelle, la vert
9181
, son objectivité rationnelle, la vertu expansive
de
la plupart de ses créations, l’histoire universelle de l’Occident va
9182
plupart de ses créations, l’histoire universelle
de
l’Occident va se retourner contre l’histoire concrète de l’Europe géo
9183
cident va se retourner contre l’histoire concrète
de
l’Europe géographique. C’est une espèce de renversement gigantesque o
9184
ncrète de l’Europe géographique. C’est une espèce
de
renversement gigantesque où les idées, les habitudes, les styles prop
9185
Sophocle mettait les mots suivants dans la bouche
d’
Œdipe, victime suprême de la fatalité : De toutes les souffrances, les
9186
suivants dans la bouche d’Œdipe, victime suprême
de
la fatalité : De toutes les souffrances, les plus douloureuses sont c
9187
bouche d’Œdipe, victime suprême de la fatalité :
De
toutes les souffrances, les plus douloureuses sont celles dont nous s
9188
rectement, la plupart de ses malheurs. Son esprit
d’
aventure, son élan de jeunesse, son incapacité de renoncement ont fait
9189
de ses malheurs. Son esprit d’aventure, son élan
de
jeunesse, son incapacité de renoncement ont fait sa perte. Plutôt sa
9190
d’aventure, son élan de jeunesse, son incapacité
de
renoncement ont fait sa perte. Plutôt sa « crise » que sa « perte »,
9191
l’histoire universelle est comme une grande salle
d’
hôpital comptant vingt-et-un lits. La plupart des occupants sont déjà
9192
ours du malade sont comptés. Il s’agit, en effet,
d’
un être sujet à la mort, à quoi le mène un épuisement de ses forces or
9193
tre sujet à la mort, à quoi le mène un épuisement
de
ses forces organiques contre lequel la politique n’est qu’une médecin
9194
cine impuissante. Tout ce qu’on peut faire, c’est
de
compter les jours restants de vie, savoir les mettre à profit, n’en p
9195
n peut faire, c’est de compter les jours restants
de
vie, savoir les mettre à profit, n’en point accélérer le cours et acc
9196
ique entre 100 et 300 après J.-C., par conséquent
de
Trajan et Marc-Aurèle à Septime-Sévère, époque, après tout, assez séd
9197
ire » que lui attribue Splengler, ne peut manquer
de
tenter l’esprit fébrile de nos contemporains comme une promesse de re
9198
ngler, ne peut manquer de tenter l’esprit fébrile
de
nos contemporains comme une promesse de repos. La vérité est que la
9199
t fébrile de nos contemporains comme une promesse
de
repos. La vérité est que la situation de l’Europe prête à la fois à
9200
omesse de repos. La vérité est que la situation
de
l’Europe prête à la fois à plus d’optimisme et de pessimisme que ne l
9201
e la situation de l’Europe prête à la fois à plus
d’
optimisme et de pessimisme que ne l’imaginent ces historiens. À plus d
9202
de l’Europe prête à la fois à plus d’optimisme et
de
pessimisme que ne l’imaginent ces historiens. À plus d’optimisme à lo
9203
simisme que ne l’imaginent ces historiens. À plus
d’
optimisme à long terme en ce qui concerne la signification positive de
9204
erme en ce qui concerne la signification positive
de
la culture européenne ; à plus de pessimisme en ce qui concerne le pr
9205
cation positive de la culture européenne ; à plus
de
pessimisme en ce qui concerne le présent. Pour ce qui est de la scien
9206
me en ce qui concerne le présent. Pour ce qui est
de
la science, de la technique, de la vitalité et de la volonté d’organi
9207
ncerne le présent. Pour ce qui est de la science,
de
la technique, de la vitalité et de la volonté d’organisation, le mond
9208
. Pour ce qui est de la science, de la technique,
de
la vitalité et de la volonté d’organisation, le monde occidental est
9209
de la science, de la technique, de la vitalité et
de
la volonté d’organisation, le monde occidental est beaucoup moins en
9210
de la technique, de la vitalité et de la volonté
d’
organisation, le monde occidental est beaucoup moins en décadence que
9211
ar son énorme fécondité, le déchaînement spontané
de
conséquences qu’elle suppose, sa vertu inouïe d’expansion, peut faire
9212
de conséquences qu’elle suppose, sa vertu inouïe
d’
expansion, peut faire passer, et à bref délai, quelques mauvais moment
9213
é naissance. Diez del Corral reprend le précédent
de
la décadence hellénistique, invoqué par Toynbee, mais il y trouve des
9214
r Toynbee, mais il y trouve des raisons nouvelles
de
croire en l’avenir européen ; L’Hellade, elle aussi, devint pays hel
9215
, politiques, économiques, spirituels, etc. Fruit
de
l’hellénisme après son expansion, le monde hellénistique reflua sur l
9216
un nouveau facteur historique, fragment désormais
d’
une vaste constellation qui élargissait et multipliait les problèmes d
9217
tion qui élargissait et multipliait les problèmes
de
la « polis » grecque. Mais, dans la perspective où nous le voyons mai
9218
r du temps qui grinçait si fort pour les oreilles
d’
un Démosthène, à peine s’il est perceptible pour l’historien qui, s’ef
9219
est perceptible pour l’historien qui, s’efforçant
de
découvrir les grands enchaînements de l’histoire, voit, sous les évén
9220
s’efforçant de découvrir les grands enchaînements
de
l’histoire, voit, sous les événements, les lignes directrices de la p
9221
voit, sous les événements, les lignes directrices
de
la philosophie, l’art, la science, la technique de la Grèce se prolon
9222
e la philosophie, l’art, la science, la technique
de
la Grèce se prolonger en substance dans l’époque hellénistique. Les l
9223
e hellénistique. Les lignes directrices analogues
de
la culture européenne semblent montrer plus de vigueur encore tandis
9224
es de la culture européenne semblent montrer plus
de
vigueur encore tandis que cette culture s’universalise, et rien ne la
9225
mmodation aux idéologies européennes, leur défaut
de
véritable résistance. L’empreinte européenne sur eux est plus profond
9226
elle du monde grec sur l’Orient ; elle s’insinue,
d’
une façon ou d’une autre, et d’aventure par de pauvres succédanés, jus
9227
rec sur l’Orient ; elle s’insinue, d’une façon ou
d’
une autre, et d’aventure par de pauvres succédanés, jusqu’au tréfonds
9228
; elle s’insinue, d’une façon ou d’une autre, et
d’
aventure par de pauvres succédanés, jusqu’au tréfonds religieux, leque
9229
ue, d’une façon ou d’une autre, et d’aventure par
de
pauvres succédanés, jusqu’au tréfonds religieux, lequel fut la ligne
9230
jusqu’au tréfonds religieux, lequel fut la ligne
de
défense et de contre-attaque de l’Asie contre la Grèce. En prolongean
9231
onds religieux, lequel fut la ligne de défense et
de
contre-attaque de l’Asie contre la Grèce. En prolongeant les lignes e
9232
quel fut la ligne de défense et de contre-attaque
de
l’Asie contre la Grèce. En prolongeant les lignes et les problèmes de
9233
Grèce. En prolongeant les lignes et les problèmes
de
la culture européenne dans leur projection universelle, on pourrait e
9234
n universelle, on pourrait estimer qu’il y a plus
d’
intérêt à étudier leurs modalités nouvelles, du fait même de cette pro
9235
à étudier leurs modalités nouvelles, du fait même
de
cette projection, leurs infléchissements dans le nouveau milieu où il
9236
on nouvelle, oublier les grandeurs passées, tirer
de
ses propres entrailles un renouveau de vitalité, unifier ses forces d
9237
ées, tirer de ses propres entrailles un renouveau
de
vitalité, unifier ses forces dispersées jusqu’ici dans le fractionnem
9238
des récents, jeunes et gigantesques protagonistes
de
l’histoire présente. Au reste, le problème de l’avenir des Européens
9239
es de l’histoire présente. Au reste, le problème
de
l’avenir des Européens et de leur civilisation « dépossédée » n’est p
9240
u reste, le problème de l’avenir des Européens et
de
leur civilisation « dépossédée » n’est plus séparable, en fait, de ce
9241
ion « dépossédée » n’est plus séparable, en fait,
de
celui de l’avenir du reste des hommes : Le problème du rapt n’intére
9242
ossédée » n’est plus séparable, en fait, de celui
de
l’avenir du reste des hommes : Le problème du rapt n’intéresse pas s
9243
aussi le spoliateur. Celui-ci aura beau se saisir
de
l’objet, il n’en sera pas moins toujours en état de déficience. Il va
9244
l’objet, il n’en sera pas moins toujours en état
de
déficience. Il va agencer sa vie selon des formes venues du dehors, q
9245
et étouffer sa vitalité… Il y a quelques dizaines
d’
années encore, on croyait la civilisation européenne monopole exclusif
9246
yait la civilisation européenne monopole exclusif
de
l’Europe. Tout au plus admettait-on que certaines modalités extérieur
9247
ieures et purement techniques étaient à la portée
de
l’imitation étrangère. Mais « leur point d’origine, écrivait Ranke, c
9248
ortée de l’imitation étrangère. Mais « leur point
d’
origine, écrivait Ranke, c’est-à-dire non seulement le fondement histo
9249
t. La technique n’appartient pas au seul épiderme
de
la culture européenne ; elle s’est nourrie du suc intime, des aspirat
9250
urrie du suc intime, des aspirations spirituelles
de
cette dernière et a pris une telle ampleur qu’elle englobe, condition
9251
lobe, conditionne et entraîne tout. Véhicule aisé
d’
exportation, elle porte avec elle, même si c’est sous une forme larvée
9252
élans, les valeurs et les idéaux les plus divers
de
la vie européenne. Sans doute, ne peut-elle pas les porter tous, ni p
9253
ous, ni peut-être les plus essentiels… La mission
de
l’Europe n’est pas achevée, loin de là, même si, sur certains points,
9254
traeuropéens, mais elle a aussi fourni les hommes
de
science, nés dans ses vieilles villes moyenâgeuses, formés dans ses v
9255
s dans ses vieilles universités, toujours en tête
de
la connaissance, auteurs des grandes, des prodigieuses découvertes ré
9256
ndes, des prodigieuses découvertes réalisées hors
d’
Europe. Nous n’en voulons, pour exemple, que la physique nucléaire, do
9257
té réalisées ailleurs. Nulle part notre phénomène
de
rapt n’offre de traits mieux discernables. Mais ce phénomène est si
9258
leurs. Nulle part notre phénomène de rapt n’offre
de
traits mieux discernables. Mais ce phénomène est si neuf et si souda
9259
elles conséquences il entraînera à la longue sous
de
nouveaux cieux. L’expropriation a porté, dans une très large mesure,
9260
able. L’activité intellectuelle est quelque chose
de
si délicat, est conditionnée par de si multiples facteurs qu’on peut
9261
quelque chose de si délicat, est conditionnée par
de
si multiples facteurs qu’on peut se demander si, sous une apparente c
9262
nières années sur le vieux Continent. La mission
de
l’Europe n’est-elle pas, désormais, de repenser pour l’Homme le bon u
9263
La mission de l’Europe n’est-elle pas, désormais,
de
repenser pour l’Homme le bon usage de ses conquêtes ? D’autre part,
9264
désormais, de repenser pour l’Homme le bon usage
de
ses conquêtes ? D’autre part, après une avance aussi décisive que ce
9265
n réajustement des gains s’impose, centrés autour
d’
une plus vaste poussée d’humanisme intégral. Et qui, mieux que l’Europ
9266
s’impose, centrés autour d’une plus vaste poussée
d’
humanisme intégral. Et qui, mieux que l’Europe, peut faire face à ce g
9267
nd problème actuel ? Elle, et elle seule, dispose
d’
un point de vue assez ample et assez pondéré pour englober les différe
9268
assez pondéré pour englober les différents ordres
de
vie, si diversement développés dans l’expansion du monde contemporain
9269
n du monde contemporain. Elle seule est en mesure
de
redonner actualité et efficacité au vieux trésor impérissable de l’hu
9270
ualité et efficacité au vieux trésor impérissable
de
l’humanisme antique et chrétien. Ses devoirs envers l’avenir ont pu s
9271
ponsable du destin historique, non plus seulement
d’
elle-même et d’une planète qui lui était soumise, mais d’une planète q
9272
tin historique, non plus seulement d’elle-même et
d’
une planète qui lui était soumise, mais d’une planète qui a atteint sa
9273
même et d’une planète qui lui était soumise, mais
d’
une planète qui a atteint sa majorité et conquis son indépendance et,
9274
rgie et des forces issues du patrimoine paternel,
de
l’usage duquel le « pater familias » est toujours solidaire.306 Sur
9275
toujours solidaire.306 Sur la mission mondiale
de
l’Europe, interrogeons maintenant deux grands aînés qui eurent le dro
9276
maintenant deux grands aînés qui eurent le droit
de
parler du Monde : peu d’hommes l’auront aussi passionnément interrogé
9277
înés qui eurent le droit de parler du Monde : peu
d’
hommes l’auront aussi passionnément interrogé leur vie durant, dans to
9278
rrogé leur vie durant, dans toutes les dimensions
de
sa réalité, physiques, traditionnelles et spirituelles, que Keyserlin
9279
erling (1880-1946), rendu célèbre par son Journal
de
voyage d’un Philosophe (qui décrit l’Inde, entre autres, à coup d’int
9280
80-1946), rendu célèbre par son Journal de voyage
d’
un Philosophe (qui décrit l’Inde, entre autres, à coup d’intuitions fu
9281
ilosophe (qui décrit l’Inde, entre autres, à coup
d’
intuitions fulgurantes), n’en vint à l’« analyse spectrale » de l’Euro
9282
fulgurantes), n’en vint à l’« analyse spectrale »
de
l’Europe qu’au terme d’un périple planétaire. Il n’en est que plus fr
9283
à l’« analyse spectrale » de l’Europe qu’au terme
d’
un périple planétaire. Il n’en est que plus frappant de constater que
9284
périple planétaire. Il n’en est que plus frappant
de
constater que c’est à l’Europe finalement — cette Europe si souvent m
9285
tte Europe si souvent méprisée par les spirituels
de
l’Orient, tandis que leurs masses envient son régime matériel — que K
9286
ime matériel — que Keyserling attribue la mission
de
sauver l’Esprit : Il s’agit de tirer de chaque peuple le meilleur, e
9287
tribue la mission de sauver l’Esprit : Il s’agit
de
tirer de chaque peuple le meilleur, et rien que cela, de ce dont il e
9288
mission de sauver l’Esprit : Il s’agit de tirer
de
chaque peuple le meilleur, et rien que cela, de ce dont il est capabl
9289
r de chaque peuple le meilleur, et rien que cela,
de
ce dont il est capable. Et ce, non plus pour s’élever soi-même à l’ex
9290
soi-même à l’exclusion des autres, mais au profit
d’
un organisme supérieur ; non pas aux dépens des autres, mais pour le b
9291
non pas aux dépens des autres, mais pour le bien
de
tous. … Bornons-nous donc à montrer dans quel sens l’Europe, en tant
9292
sens l’Europe, en tant qu’ensemble, doit changer
d’
orientation et en quoi elle doit voir sa tâche véritable pour continue
9293
elle doit voir sa tâche véritable pour continuer
d’
être un facteur positif dans le développement de l’humanité. Sa suprém
9294
r d’être un facteur positif dans le développement
de
l’humanité. Sa suprématie matérielle est évidemment finie. Elle est d
9295
bientôt fin. Peut-être même le centre industriel
de
notre planète se transportera-t-il en Asie. L’invention est difficile
9296
ion est difficile, mais le singe même est capable
d’
imitation. Bientôt toute notre capacité technique sera le bien commun
9297
oute notre capacité technique sera le bien commun
de
l’humanité entière. Bientôt nous, Européens, si nous nous vantons de
9298
re. Bientôt nous, Européens, si nous nous vantons
de
nos conquêtes scientifiques, nous serons regardés comme le serait Cor
9299
assiques. Ainsi notre prestige, le plus important
de
tous les facteurs de puissance, est périmé. Mais surtout les conquête
9300
prestige, le plus important de tous les facteurs
de
puissance, est périmé. Mais surtout les conquêtes sociales des derniè
9301
érielle. Dans ces circonstances, le simple esprit
de
conservation oblige l’Europe à se concentrer sur ce qu’elle peut fair
9302
’Europe à se concentrer sur ce qu’elle peut faire
de
mieux, sur ce que personne ne peut lui ravir. C’est-à-dire sur sa spi
9303
té. … Nous ne serions pas les porteurs qualifiés
de
la spiritualité intellectuelle sur terre, nous ne serions pas les mai
9304
ectuelle sur terre, nous ne serions pas les mains
de
Dieu, si chez nous l’accent significatif ne reposait pas exclusivemen
9305
l’esprit. La forme grecque est encore à la racine
de
l’art de l’Extrême-Orient, et l’Éthos juif est à la racine de tout Ét
9306
La forme grecque est encore à la racine de l’art
de
l’Extrême-Orient, et l’Éthos juif est à la racine de tout Éthos qui s
9307
l’Extrême-Orient, et l’Éthos juif est à la racine
de
tout Éthos qui s’affirme dans le monde. Toute science est d’origine e
9308
os qui s’affirme dans le monde. Toute science est
d’
origine européenne. Mais pour ce qui est du christianisme, sa force ex
9309
e, sa force expansive et active vient précisément
de
ce qu’il incarne la compréhension tournée vers le pratique. Il y a en
9310
profondes ; mais en elles ne vit pas le principe
de
l’Esprit dominateur de la Terre. En lui-même, l’esprit est terrestrem
9311
les ne vit pas le principe de l’Esprit dominateur
de
la Terre. En lui-même, l’esprit est terrestrement impuissant ; même l
9312
n Europe, l’esprit est essentiellement dominateur
de
la terre. Grâce à lui l’Européen peut avoir sur terre une action hist
9313
une action historique. Il représente une synthèse
d’
esprit, d’âme et de corps, grâce à laquelle, en vertu de la loi de cor
9314
historique. Il représente une synthèse d’esprit,
d’
âme et de corps, grâce à laquelle, en vertu de la loi de correspondanc
9315
ue. Il représente une synthèse d’esprit, d’âme et
de
corps, grâce à laquelle, en vertu de la loi de correspondance du sens
9316
et de corps, grâce à laquelle, en vertu de la loi
de
correspondance du sens et de l’expression, l’esprit suprême peut agir
9317
, en vertu de la loi de correspondance du sens et
de
l’expression, l’esprit suprême peut agir terrestrement. Le fait que l
9318
e vue extérieur, ne fut pas l’expression primaire
de
l’esprit européen, mais sa conséquence dans le domaine des applicatio
9319
tions pratiques, tout comme des fortunes naissent
d’
inventions faites dans un intérêt purement intellectuel par un savant
9320
étranger au monde. Or, aujourd’hui, l’importance
de
l’Europe repose plus que jamais sur sa spiritualité intellectuelle. C
9321
c’est la seule chose qui maintenant soit capable
d’
être développée à un degré inouï. … La raison principale pour laquelle
9322
incipale pour laquelle l’Europe a, dans cet ordre
d’
idées, les plus grandes perspectives d’avenir vient de ce que l’esprit
9323
cet ordre d’idées, les plus grandes perspectives
d’
avenir vient de ce que l’esprit ne peut régner que là où tout l’accent
9324
De même que le Christ proclama la valeur infinie
de
l’âme humaine et enseigna qu’aucun gain temporel ne compense le domma
9325
toute éthique a son sens dans la libre résolution
de
l’individu, de même que toute originalité créatrice a sa racine dans
9326
atrice a sa racine dans l’individu et qu’il n’y a
d’
autre compréhension que celle qui est personnelle, — de même la souver
9327
le qui est personnelle, — de même la souveraineté
de
l’esprit sur la terre est liée à ce que l’accent significatif repose
9328
et son entrée à elle seule, s’opère sans solution
de
continuité. La science et la technique sont les enfants authentiques
9329
nce et la technique sont les enfants authentiques
de
son esprit : par conséquent, leur réception ne détermine aucune révol
9330
pourra plus, en Europe, renier l’esprit au profit
de
la matière. L’Europe a psychologiquement le pas sur tout le reste du
9331
le pas sur tout le reste du monde.307 Dans l’un
de
ses derniers écrits — une préface à la traduction française du Rapt d
9332
s — une préface à la traduction française du Rapt
de
l’Europe de Diez del Corral308 —, André Siegfried résume, avec son se
9333
grands ensembles, les données du problème crucial
de
notre temps : celui que pose la diffusion mondiale d’une technique sé
9334
otre temps : celui que pose la diffusion mondiale
d’
une technique séparée de l’esprit qui l’a créée. Siegfried enregistre
9335
ose la diffusion mondiale d’une technique séparée
de
l’esprit qui l’a créée. Siegfried enregistre d’abord la victoire « se
9336
toire « sensationnelle, presque invraisemblable »
de
l’influence civilisatrice de l’Europe : Le monde est en train de pre
9337
ue invraisemblable » de l’influence civilisatrice
de
l’Europe : Le monde est en train de prendre à notre Europe ses armes
9338
, pense-t-il, jusqu’à son esprit. Ces instruments
de
puissance, l’Europe se les est laissé ravir ; bien plus, elle les a l
9339
t peut-être le génie des civilisations créatrices
de
travailler pour d’autres qu’elles-mêmes. Du point de vue de son influ
9340
ler pour d’autres qu’elles-mêmes. Du point de vue
de
son influence civilisatrice, la victoire de l’Europe est extraordinai
9341
e vue de son influence civilisatrice, la victoire
de
l’Europe est extraordinaire, sensationnelle, presque invraisemblable,
9342
nte non seulement sa technique, mais ses manières
de
vivre et jusqu’à ses façons de se vêtir. Mais c’est au prix de son an
9343
mais ses manières de vivre et jusqu’à ses façons
de
se vêtir. Mais c’est au prix de son ancienne hégémonie, qui lui échap
9344
nne hégémonie, qui lui échappe, au prix peut-être
de
son intégrité spirituelle, que compromettent de subtiles et dangereus
9345
e de son intégrité spirituelle, que compromettent
de
subtiles et dangereuses contre-pénétrations. Une ère de toute-puissan
9346
tiles et dangereuses contre-pénétrations. Une ère
de
toute-puissance depuis le xvie siècle, de haute et unique culture de
9347
ne ère de toute-puissance depuis le xvie siècle,
de
haute et unique culture depuis le vie siècle avant Jésus-Christ, est
9348
ssistons. L’enjeu en sera demain l’existence même
de
notre continent. Nous mesurons la différence qui sépare la civilisati
9349
différence qui sépare la civilisation européenne
de
la civilisation occidentale, la seconde issue de la première, mais la
9350
de la civilisation occidentale, la seconde issue
de
la première, mais la transformant, la trahissant peut-être en la débo
9351
n. Il se pourrait que, dès aujourd’hui, le centre
de
gravité de l’Occident ne soit plus en Europe, et ceci nous invite à a
9352
urrait que, dès aujourd’hui, le centre de gravité
de
l’Occident ne soit plus en Europe, et ceci nous invite à analyser les
9353
té et ce que nous avions cru être l’intangibilité
de
notre puissance. Il suffisait à nos yeux que l’Europe existât, irrési
9354
s ce qu’elle était, où résidait le secret ressort
de
son incomparable hégémonie. Le secret de cette hégémonie, aux temps
9355
ressort de son incomparable hégémonie. Le secret
de
cette hégémonie, aux temps modernes, semble bien avoir résidé dans la
9356
ésidé dans la puissance industrielle et technique
de
notre continent. Mais le secret de cette puissance industrielle, où s
9357
e et technique de notre continent. Mais le secret
de
cette puissance industrielle, où se cache-t-il ? La source initiale
9358
ecque, car celle-ci avait discerné déjà l’essence
de
nos méthodes scientifiques modernes ; mais elle ne s’en était servie
9359
la contemplation, pour la recherche désintéressée
de
la connaissance (qu’on se rappelle les réserves de Platon sur la tech
9360
e la connaissance (qu’on se rappelle les réserves
de
Platon sur la technique, les excuses d’Archimède d’avoir utilisé sa s
9361
réserves de Platon sur la technique, les excuses
d’
Archimède d’avoir utilisé sa science pour des fins pratiques !). Les r
9362
Platon sur la technique, les excuses d’Archimède
d’
avoir utilisé sa science pour des fins pratiques !). Les réalisations
9363
que par une mise au point des méthodes anciennes
de
pensée. Le centre de gravité de la civilisation s’était déplacé vers
9364
point des méthodes anciennes de pensée. Le centre
de
gravité de la civilisation s’était déplacé vers les contrées du Nord
9365
éthodes anciennes de pensée. Le centre de gravité
de
la civilisation s’était déplacé vers les contrées du Nord où il faisa
9366
symboliquement, en 1764, avec la machine à vapeur
de
Watt, n’eût pu produire toutes ses immenses conséquences si ces « maî
9367
penser » que sont Descartes, l’ancêtre véritable
de
la rationalisation, Bacon, le père de l’induction, n’avaient mis au p
9368
e véritable de la rationalisation, Bacon, le père
de
l’induction, n’avaient mis au point l’instrument de raisonnement inte
9369
l’induction, n’avaient mis au point l’instrument
de
raisonnement intellectuel sans lequel la technique mécanique n’eût pa
9370
ue n’eût pas connu son étonnante fécondité. C’est
de
là qu’est issue, au xixe siècle, l’irrésistible hégémonie de l’Europ
9371
issue, au xixe siècle, l’irrésistible hégémonie
de
l’Europe. Jusqu’alors, l’Asie pouvait en somme opposer à l’Occident d
9372
nt cent-cinquante ans, l’Europe allait bénéficier
d’
une avance industrielle telle que toute concurrence se manifesterait c
9373
voilà les deux dates qui encadrent cette période
de
l’histoire pendant laquelle l’Europe a indiscutablement dominé le mon
9374
t un optimum, car, alors qu’elle bénéficiait déjà
de
tous les avantages de la machine, elle continuait à alimenter sa forc
9375
rs qu’elle bénéficiait déjà de tous les avantages
de
la machine, elle continuait à alimenter sa force du dynamisme qu’elle
9376
à alimenter sa force du dynamisme qu’elle tenait
de
sa double conception de la connaissance et de l’individu. Il était ce
9377
dynamisme qu’elle tenait de sa double conception
de
la connaissance et de l’individu. Il était cependant impossible que c
9378
ait de sa double conception de la connaissance et
de
l’individu. Il était cependant impossible que ce monopole extraordina
9379
urs, car sa technique pouvait lui être empruntée,
d’
autant plus qu’elle ne se faisait pas faute de la distribuer libéralem
9380
ibéralement. Cependant, loin de porter au crédit
de
l’Europe ce qu’elle lui a donné (mais en le conquérant !), le « tiers
9381
: Révolte d’abord simplement technique, affaire
d’
ingénieurs et d’outillage, à laquelle l’Europe prêtait négligemment et
9382
ord simplement technique, affaire d’ingénieurs et
d’
outillage, à laquelle l’Europe prêtait négligemment et imprudemment so
9383
sous l’égide du marxisme, la résonance passionnée
d’
un dynamisme tourné contre l’Occident. Doctrine étonnante de puissance
9384
isme tourné contre l’Occident. Doctrine étonnante
de
puissance infuse, le marxisme se mue en instrument de revanche contre
9385
uissance infuse, le marxisme se mue en instrument
de
revanche contre nous. Tel que pratiqué en Russie, puis en Asie, il ap
9386
ioccidentale que réclamation sociale ou programme
d’
industrialisation. Dans cette atmosphère nouvelle, l’acquisition d’un
9387
on. Dans cette atmosphère nouvelle, l’acquisition
d’
un appareil mécanique, acclamé comme libérateur, se charge de passion
9388
il mécanique, acclamé comme libérateur, se charge
de
passion et c’est en termes mystiques qu’on salue le tracteur ou la ce
9389
jourd’hui l’accueil le plus convaincu. Quel sujet
de
réflexion pour le philosophe, pour un Bossuet du xixe siècle : la le
9390
r un Bossuet du xixe siècle : la leçon technique
de
l’Europe, transmise à l’Asie non par ses initiateurs, mais par l’entr
9391
sie non par ses initiateurs, mais par l’entremise
d’
une Russie à peine européenne, disciple sans doute mais disciple révol
9392
péenne, disciple sans doute mais disciple révolté
de
l’Europe ! Mais que fera le « tiers-monde » de nos techniques, s’il
9393
é de l’Europe ! Mais que fera le « tiers-monde »
de
nos techniques, s’il ignore les secrets de leur origine et de leur vr
9394
onde » de nos techniques, s’il ignore les secrets
de
leur origine et de leur vraie fin, la liberté de la personne ? Ici s
9395
iques, s’il ignore les secrets de leur origine et
de
leur vraie fin, la liberté de la personne ? Ici se pose une question
9396
de leur origine et de leur vraie fin, la liberté
de
la personne ? Ici se pose une question fondamentale, celle de savoir
9397
e ? Ici se pose une question fondamentale, celle
de
savoir dans quelle mesure la civilisation européenne, transmise en ta
9398
le fût, ne s’était alimentée à la source profonde
d’
une pensée créatrice, en possession de toutes les ressources du raison
9399
ce profonde d’une pensée créatrice, en possession
de
toutes les ressources du raisonnement logique. La charnière de l’espr
9400
ressources du raisonnement logique. La charnière
de
l’esprit logique et de son application pratique, ne nous y trompons p
9401
ment logique. La charnière de l’esprit logique et
de
son application pratique, ne nous y trompons pas, c’est chose jusqu’i
9402
la véritable supériorité occidentale, la pratique
de
l’Europe est efficace parce qu’elle se nourrit d’esprit. L’esprit sou
9403
de l’Europe est efficace parce qu’elle se nourrit
d’
esprit. L’esprit souffle où il veut, c’est sa nature, mais il lui faut
9404
en effet, le praticien ne trouve pas en soi-même
de
quoi se renouveler et l’industrie s’étiole si elle croit tout devoir
9405
recettes qui y sont attachées, lui emprunte-t-il
de
ce fait son esprit créateur ? Les dons intellectuels de l’Asie sont i
9406
fait son esprit créateur ? Les dons intellectuels
de
l’Asie sont incontestables ; mais il y a une atmosphère, essentiellem
9407
il y a une atmosphère, essentiellement créatrice,
de
l’Europe, dont on peut se demander si elle est effectivement transpor
9408
est effectivement transportable. La revendication
d’
un domaine où règne la liberté de l’esprit est typiquement européenne,
9409
La revendication d’un domaine où règne la liberté
de
l’esprit est typiquement européenne, et si nous y renoncions, nous ne
9410
lus nous-mêmes. Mais elle n’est nullement le fait
de
ces pays qui, sous l’égide Marx, se sont récemment engagés à fond dan
9411
urs conceptions totalitaires ne se contentent pas
de
méconnaître, elles condamnent intégralement tout dualisme susceptible
9412
ondamnent intégralement tout dualisme susceptible
de
ménager quelque jardin secret où la pensée puisse fleurir selon ses p
9413
s seulement le travailleur, agent presque anonyme
d’
une collectivité qui l’absorbe. Or l’individu seul est créateur, et il
9414
l’esprit que par la technique. Telle est la leçon
de
deux-mille ans d’histoire ayant abouti à ce nouveau miracle qu’est l’
9415
a technique. Telle est la leçon de deux-mille ans
d’
histoire ayant abouti à ce nouveau miracle qu’est l’étonnante marée te
9416
i déferle sur le monde. En indiquant le principe
d’
un « programme pour l’Europe » assumant les contradictions inéluctable
9417
propre action, Siegfried rejoint les conclusions
de
Keyserling : À la vérité, il y a dans l’Europe une destinée contradi
9418
e contradictoire, due au caractère contradictoire
de
son génie. Pour renouveler le monde, il fallait que l’esprit européen
9419
ue l’esprit européen eût sa source dans un esprit
de
liberté critique, générateur de créations sans cesse renouvelées parc
9420
ce dans un esprit de liberté critique, générateur
de
créations sans cesse renouvelées parce que sans cesse discutées : la
9421
es unes avec les autres, reflète cette atmosphère
de
liberté créatrice. Mais c’est aussi de cette division invétérée que l
9422
atmosphère de liberté créatrice. Mais c’est aussi
de
cette division invétérée que l’Europe finit par pâtir, du fait de ses
9423
n invétérée que l’Europe finit par pâtir, du fait
de
ses guerres fratricides dans lesquelles elle s’épuise. Et cependant,
9424
le-même et surtout conserverait-elle la puissance
de
rénovation qui a marqué d’un trait de feu son passage dans l’histoire
9425
rait-elle la puissance de rénovation qui a marqué
d’
un trait de feu son passage dans l’histoire ? De ce fait commence sous
9426
a puissance de rénovation qui a marqué d’un trait
de
feu son passage dans l’histoire ? De ce fait commence sous nos yeux u
9427
é d’un trait de feu son passage dans l’histoire ?
De
ce fait commence sous nos yeux une période nouvelle de l’évolution hu
9428
fait commence sous nos yeux une période nouvelle
de
l’évolution humaine, faisant suite à la période gréco-romaine-europée
9429
e ne remplaçant pas celle-ci dans ce qu’elle a eu
d’
ailé, de spirituel, de divinement libre dans le rayonnement de son esp
9430
plaçant pas celle-ci dans ce qu’elle a eu d’ailé,
de
spirituel, de divinement libre dans le rayonnement de son esprit. L’â
9431
lle-ci dans ce qu’elle a eu d’ailé, de spirituel,
de
divinement libre dans le rayonnement de son esprit. L’âge qui vient,
9432
pirituel, de divinement libre dans le rayonnement
de
son esprit. L’âge qui vient, d’inspiration surtout technique, mesuran
9433
ns le rayonnement de son esprit. L’âge qui vient,
d’
inspiration surtout technique, mesurant la supériorité de l’homme moin
9434
ration surtout technique, mesurant la supériorité
de
l’homme moins par la pensée que par le niveau de vie, repose sur une
9435
. On pourrait, dans ce contraste, trouver la base
d’
un programme pour l’Europe d’aujourd’hui et de demain. Encore faudrait
9436
ste, trouver la base d’un programme pour l’Europe
d’
aujourd’hui et de demain. Encore faudrait-il qu’elle conserve un corps
9437
ase d’un programme pour l’Europe d’aujourd’hui et
de
demain. Encore faudrait-il qu’elle conserve un corps, susceptible de
9438
audrait-il qu’elle conserve un corps, susceptible
de
servir de support à ce qui lui reste d’âme. 4.L’Unité dans la div
9439
qu’elle conserve un corps, susceptible de servir
de
support à ce qui lui reste d’âme. 4.L’Unité dans la diversité Fon
9440
sceptible de servir de support à ce qui lui reste
d’
âme. 4.L’Unité dans la diversité Fondement de l’Union fédérale
9441
d’âme. 4.L’Unité dans la diversité Fondement
de
l’Union fédérale Si telle est bien la vocation particulière de l’E
9442
ale Si telle est bien la vocation particulière
de
l’Europe dans le Monde réveillé par nos œuvres, deux conclusions géné
9443
ons générales en résultent : 1° l’union politique
de
nos peuples est désormais la condition non seulement de leur survie m
9444
peuples est désormais la condition non seulement
de
leur survie mais du juste exercice de leur fonction mondiale ; 2° cet
9445
n seulement de leur survie mais du juste exercice
de
leur fonction mondiale ; 2° cette union doit prendre la forme que dic
9446
res historiques et vivantes du complexe organisme
de
notre culture : donc une forme fédéraliste. L’union politique suppos
9447
fédéraliste. L’union politique suppose une prise
de
« conscience européenne commune », disait Christopher Dawson dès 1932
9448
du xviiie et du xixe siècle, quand le prestige
de
la civilisation européenne était tel qu’elle semblait n’avoir point d
9449
ropéenne était tel qu’elle semblait n’avoir point
de
rivales et qu’elle s’identifiait à la civilisation en général, il éta
9450
vilisation en général, il était sans doute facile
de
perdre de vue cette unité ; mais il n’en va plus du tout de même aujo
9451
en général, il était sans doute facile de perdre
de
vue cette unité ; mais il n’en va plus du tout de même aujourd’hui, o
9452
lus du tout de même aujourd’hui, où l’on conteste
de
tous côtés l’hégémonie de l’Europe ; où il devient impossible de cons
9453
d’hui, où l’on conteste de tous côtés l’hégémonie
de
l’Europe ; où il devient impossible de considérer plus longtemps la R
9454
’hégémonie de l’Europe ; où il devient impossible
de
considérer plus longtemps la Russie et l’Amérique comme des colonies
9455
gtemps la Russie et l’Amérique comme des colonies
de
culture européenne, puisqu’elles commencent à rivaliser avec l’Europe
9456
tions qui leur sont propres, où enfin les peuples
de
l’Orient font valoir à nouveau les droits de la civilisation oriental
9457
ples de l’Orient font valoir à nouveau les droits
de
la civilisation orientale et où nous-mêmes nous perdons notre confian
9458
nous perdons notre confiance dans la supériorité
de
nos traditions. Personne, malheureusement, n’a la charge de plaider
9459
itions. Personne, malheureusement, n’a la charge
de
plaider la cause de l’Europe. Chaque nation, du fait qu’elle existe,
9460
alheureusement, n’a la charge de plaider la cause
de
l’Europe. Chaque nation, du fait qu’elle existe, se crée tout un ense
9461
du fait qu’elle existe, se crée tout un ensemble
d’
intérêts auxquels est lié le soin de sa défense ; la cause de l’intern
9462
t un ensemble d’intérêts auxquels est lié le soin
de
sa défense ; la cause de l’internationalisme a, elle aussi, ses champ
9463
auxquels est lié le soin de sa défense ; la cause
de
l’internationalisme a, elle aussi, ses champions dans les forces du l
9464
dans les forces du libéralisme, du socialisme et
de
la finance internationale ; il n’est pas jusqu’aux civilisations orie
9465
ilisations orientales qui n’aient pris conscience
d’
elles-mêmes en empruntant au nationalisme occidental ses formes et en
9466
mes et en développant, à leur tour, sur le modèle
de
la propagande occidentale, une propagande nationaliste ; mais personn
9467
ongé à nommer l’Europe une nation. Aussi la cause
de
l’Europe est-elle d’avance perdue, par défaut. Si pourtant notre civi
9468
e une nation. Aussi la cause de l’Europe est-elle
d’
avance perdue, par défaut. Si pourtant notre civilisation doit survivr
9469
ce européenne commune et qu’elle acquière le sens
de
son unité historique et organique. On n’a pas à craindre de porter ai
9470
té historique et organique. On n’a pas à craindre
de
porter ainsi préjudice à la cause de la paix internationale ou d’accr
9471
s à craindre de porter ainsi préjudice à la cause
de
la paix internationale ou d’accroître l’hostilité entre l’Europe et l
9472
préjudice à la cause de la paix internationale ou
d’
accroître l’hostilité entre l’Europe et les sociétés non européennes.
9473
étés non européennes. L’Oriental qui nous en veut
de
notre arrogante prétention à affirmer que notre civilisation est la s
9474
qui compte, regardera celle-ci, sans aucun doute,
d’
un œil beaucoup plus sympathique lorsqu’il apercevra le tout spirituel
9475
éhension mutuelle309. Quant à l’unité culturelle
de
base, sur laquelle devra s’édifier notre fédération, il s’agit de la
9476
uelle devra s’édifier notre fédération, il s’agit
de
la retrouver et de la restituer, en deçà et au-delà des « nations » c
9477
er notre fédération, il s’agit de la retrouver et
de
la restituer, en deçà et au-delà des « nations » constituées au cours
9478
es : … Seulement, avant qu’il nous soit possible
de
donner à la culture européenne la place qui lui revient dans la socié
9479
ce qui lui revient dans la société internationale
de
l’avenir, il faut nous défaire des fausses représentations du passé q
9480
du dernier siècle et recouvrer le sens historique
de
la tradition européenne ; il nous faut récrire notre histoire du poin
9481
européen et nous donner, pour comprendre l’unité
de
notre civilisation commune, autant de peine que nous en avons pris po
9482
dre l’unité de notre civilisation commune, autant
de
peine que nous en avons pris pour étudier nos individualités national
9483
énéralement admise est dû avant tout à ce qu’on a
d’
ordinaire écrit l’histoire moderne du point de vue nationaliste. Quelq
9484
isme, et leurs histoires sont souvent des manuels
de
propagande nationaliste. Cette tendance est manifeste tant chez les h
9485
ilosophes, qui tenaient l’idéalisation hégélienne
de
l’État pour la suprême expression de l’idée universelle, que chez des
9486
n hégélienne de l’État pour la suprême expression
de
l’idée universelle, que chez des écrivains comme Treitschke et Froude
9487
reitschke et Froude, qui furent les représentants
d’
un nationalisme purement politique. Au cours du xixe siècle, la consc
9488
conscience populaire en a été imprégnée, et c’est
de
là qu’est issue la conception que l’homme moyen se fait de l’histoire
9489
est issue la conception que l’homme moyen se fait
de
l’histoire. Celle-ci a filtré de l’Université à l’école primaire et d
9490
me moyen se fait de l’histoire. Celle-ci a filtré
de
l’Université à l’école primaire et du penseur au journaliste et au ro
9491
ncier. Il en résulte que chaque nation se réclame
d’
une unité et d’une indépendance de culture qu’elle ne possède point et
9492
sulte que chaque nation se réclame d’une unité et
d’
une indépendance de culture qu’elle ne possède point et que chacune co
9493
tion se réclame d’une unité et d’une indépendance
de
culture qu’elle ne possède point et que chacune considère son lot de
9494
ne possède point et que chacune considère son lot
de
tradition européenne comme son œuvre propre et originale, sans tenir
9495
elle a miné et vicié toute la vie internationale
de
l’Europe moderne, elle a trouvé sa revanche dans la guerre européenne
9496
la guerre européenne, qui a provoqué dans la vie
de
l’Europe un schisme beaucoup plus profond que toutes les guerres pass
9497
dans les folles rivalités nationales qui menacent
de
ruiner l’économie de l’Europe entière. … Le mal du nationalisme ne ré
9498
ités nationales qui menacent de ruiner l’économie
de
l’Europe entière. … Le mal du nationalisme ne réside ni dans sa fidél
9499
aux traditions du passé, ni dans sa revendication
de
l’unité nationale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mai
9500
nité nationale et du droit des peuples à disposer
d’
eux-mêmes, mais bien plutôt dans le fait qu’il identifie cette unité à
9501
ans le fait qu’il identifie cette unité à l’unité
de
culture, laquelle dépasse les nations. Les vrais fondements de notre
9502
aquelle dépasse les nations. Les vrais fondements
de
notre culture sont non pas l’État national, mais l’unité européenne.3
9503
te thèse que se sont attachés les historiographes
de
l’Europe considérée comme unité de culture. C’est pourquoi la plupart
9504
istoriographes de l’Europe considérée comme unité
de
culture. C’est pourquoi la plupart — de Dawson à Heer en passant par
9505
mme unité de culture. C’est pourquoi la plupart —
de
Dawson à Heer en passant par Halphen, Marc Bloch, Reynold, Denys Hay
9506
her — ont centré leurs travaux sur la « formation
de
l’Europe », c’est-à-dire sur les périodes pré-nationales de notre his
9507
e », c’est-à-dire sur les périodes pré-nationales
de
notre histoire. Le plus récent d’entre eux, Henri Brugmans, résume en
9508
, des entités immuables : elle n’est pas la somme
de
leurs histoires nationales juxtaposées. C’est l’Europe, au contraire,
9509
e nationalisme fut international, et les conflits
de
l’impérialisme moderne démontrent une convergence européenne des appé
9510
ctivité européenne et son destin forment la toile
de
fond de notre histoire. … Civilisation incomparablement dynamique, l’
9511
européenne et son destin forment la toile de fond
de
notre histoire. … Civilisation incomparablement dynamique, l’Europe r
9512
grandes autorités traditionnelles. Les variations
de
son histoire ne s’expliquent que par un fonds commun.311 Il est fra
9513
ent que par un fonds commun.311 Il est frappant
de
constater que l’unanimité des auteurs qui ont contribué au xxe siècl
9514
contribué au xxe siècle à la prise de conscience
de
notre unité de culture, la conçoivent comme unité dans la diversité.
9515
e siècle à la prise de conscience de notre unité
de
culture, la conçoivent comme unité dans la diversité. Mais qu’entende
9516
meuse diversité ? S’agirait-il d’abord et surtout
de
la multiplicité de nos nations actuelles, comme on le croit trop faci
9517
’agirait-il d’abord et surtout de la multiplicité
de
nos nations actuelles, comme on le croit trop facilement ? Non, la di
9518
ractère progressif, nous ne pouvons nous empêcher
de
dresser l’oreille. Cet homme sait ce qu’il dit… La liberté et le plur
9519
constituent toutes les deux l’essence permanente
de
l’Europe. Le découpage de l’Europe moderne en nations n’exprime pas
9520
x l’essence permanente de l’Europe. Le découpage
de
l’Europe moderne en nations n’exprime pas cette « essence permanente
9521
écondes, mais au contraire, explique le sentiment
de
paralysie et de décadence qui a régné sur la première moitié de notre
9522
contraire, explique le sentiment de paralysie et
de
décadence qui a régné sur la première moitié de notre siècle312 : La
9523
t de décadence qui a régné sur la première moitié
de
notre siècle312 : La seule chose qui apparaisse (et sans grande préc
9524
sion) lorsqu’on veut définir l’actuelle décadence
de
l’Europe, c’est l’ensemble des difficultés économiques devant lesquel
9525
. Mais quand on veut préciser un peu le caractère
de
ces difficultés, on remarque qu’aucune d’elles n’affecte sérieusement
9526
ractère de ces difficultés, on remarque qu’aucune
d’
elles n’affecte sérieusement le pouvoir de création de richesse, et qu
9527
’aucune d’elles n’affecte sérieusement le pouvoir
de
création de richesse, et que l’ancien continent est passé par des cri
9528
les n’affecte sérieusement le pouvoir de création
de
richesse, et que l’ancien continent est passé par des crises de ce ge
9529
t que l’ancien continent est passé par des crises
de
ce genre beaucoup plus graves. Est-ce que, par hasard, l’Allemand ou
9530
glais ne se sentiraient plus capables aujourd’hui
de
produire plus et mieux que jamais ? Pas du tout. Et il importe beauco
9531
Et il importe beaucoup de définir l’état d’esprit
de
cet Allemand ou de cet Anglais dans cette dimension de l’économique.
9532
oup de définir l’état d’esprit de cet Allemand ou
de
cet Anglais dans cette dimension de l’économique. Car le fait véritab
9533
t Allemand ou de cet Anglais dans cette dimension
de
l’économique. Car le fait véritablement curieux est précisément que l
9534
blement curieux est précisément que la dépression
de
leurs âmes ne provient pas de ce qu’ils se sentent peu capables, mais
9535
t que la dépression de leurs âmes ne provient pas
de
ce qu’ils se sentent peu capables, mais au contraire de ce que, senta
9536
t à certaines barrières fatales qui les empêchent
de
réaliser ce qu’ils pourraient fort bien faire. Ces frontières fatales
9537
ourraient fort bien faire. Ces frontières fatales
de
l’économie actuelle allemande, anglaise, française, sont les frontièr
9538
nomiques qui se posent, mais dans ce que la forme
de
vie publique où doivent se mouvoir les capacités économiques, n’est p
9539
sur l’âme continentale ressemble beaucoup à celui
de
l’oiseau à grandes ailes qui, en battant l’air, se blesse contre les
9540
, en battant l’air, se blesse contre les barreaux
de
sa cage. La meilleure preuve en est que cette combinaison se répète d
9541
s se sent aujourd’hui à l’étroit dans les limites
de
sa nation, sent sa nationalité comme une limitation absolue… Si l’on
9542
périence purement imaginaire — à vivre uniquement
de
ce que nous sommes, en tant que « nationaux », et que, par un artific
9543
errifié. Il verrait qu’il ne lui est pas possible
de
vivre avec ce maigre recours purement national, mais que les quatre c
9544
purement national, mais que les quatre cinquièmes
de
son avoir intime sont des biens de la communauté européenne. On ne vo
9545
tre cinquièmes de son avoir intime sont des biens
de
la communauté européenne. On ne voit guère quelle autre chose d’impor
9546
é européenne. On ne voit guère quelle autre chose
d’
importance nous pourrions bien faire, nous qui existons de ce côté de
9547
ance nous pourrions bien faire, nous qui existons
de
ce côté de la planète, si ce n’est de réaliser la promesse que, depui
9548
ourrions bien faire, nous qui existons de ce côté
de
la planète, si ce n’est de réaliser la promesse que, depuis quatre si
9549
ui existons de ce côté de la planète, si ce n’est
de
réaliser la promesse que, depuis quatre siècles, signifie le mot Euro
9550
ppose le préjugé des vieilles « nations », l’idée
de
nation en tant que passé. On va voir de nos jours si les Européens so
9551
», l’idée de nation en tant que passé. On va voir
de
nos jours si les Européens sont eux aussi les enfants de la femme de
9552
jours si les Européens sont eux aussi les enfants
de
la femme de Loth et s’ils s’obstinent à faire de l’Histoire en regard
9553
Européens sont eux aussi les enfants de la femme
de
Loth et s’ils s’obstinent à faire de l’Histoire en regardant derrière
9554
de la femme de Loth et s’ils s’obstinent à faire
de
l’Histoire en regardant derrière eux. Quant à lui, Ortega croit que
9555
eux. Quant à lui, Ortega croit que la nécessité
de
l’union politique est inscrite dans nos réalités présentes : L’unit
9556
inscrite dans nos réalités présentes : L’unité
de
l’Europe n’est pas une fantaisie. Elle est la réalité même ; et ce qu
9557
s, ne soit pas près de créer l’appareil politique
d’
un État, pour donner une forme à l’exercice du pouvoir public européen
9558
storique qui m’a appris à reconnaître que l’unité
de
l’Europe comme société n’est pas un idéal mais un fait de très ancien
9559
ope comme société n’est pas un idéal mais un fait
de
très ancienne quotidienneté. Et lorsqu’on a vu cela, la probabilité d
9560
idienneté. Et lorsqu’on a vu cela, la probabilité
d’
un État général européen s’impose mécaniquement. Quant à l’occasion qu
9561
n terme, elle peut être Dieu sait quoi ! la natte
d’
un Chinois émergeant de derrière les Ourals ou bien la secousse du gra
9562
Dieu sait quoi ! la natte d’un Chinois émergeant
de
derrière les Ourals ou bien la secousse du grand magma islamique.313
9563
que l’union est inscrite dans la logique profonde
de
l’Europe : L’Europe se constitue parce que ce qu’il y a de commun ch
9564
e : L’Europe se constitue parce que ce qu’il y a
de
commun chez tous les Européens prend de plus en plus d’importance par
9565
mun chez tous les Européens prend de plus en plus
d’
importance par rapport à ce qui les sépare, en face d’une humanité non
9566
onc, une « Europe » vivante se forme comme membre
de
l’œcuménicité humaine. Chez tous les esprits dirigeants elle existe d
9567
cet inconscient qui décide, en dernière instance,
de
la position par rapport au monde extérieur — commence à agir dans la
9568
caractère allemand pouvait être considérée comme
d’
une importance primaire. Aujourd’hui c’est la conscience de la différe
9569
ortance primaire. Aujourd’hui c’est la conscience
de
la différence par rapport au caractère russe et surtout au caractère
9570
asiatique qui prédomine. […] Ainsi les habitants
de
l’Europe prennent de plus en plus conscience qu’il y a en Europe, au-
9571
es cultures, une nouvelle réalité vivante : celle
de
l’Européen. En conséquence, le Français, l’Allemand, etc., deviennent
9572
Français, l’Allemand, etc., deviennent différents
de
ce qu’ils étaient autrefois : c’est que leurs relations avec le tout
9573
s avec le tout se sont modifiées. L’instauration
d’
une « supranationalité » européenne (le terme apparaît ici pour la pre
9574
ne doit cependant pas entraîner l’uniformisation
de
nos peuples. D’une part, face aux autres cultures, nos oppositions in
9575
enne, elles feront place à un sentiment plus fort
de
complémentarité dans la diversité des styles : L’Européen, et avec l
9576
écessité naturelle. Il se constitue comme produit
de
différenciation spécifique au sein de l’humanité sentie intérieuremen
9577
n plus prédominer chez les Européens le sentiment
de
ce qui les unit sur ce qui les sépare. Or, si notre voyage spirituel
9578
ation. C’est pourquoi il ne saurait être question
d’
une unification effaçant les différences, si on aspire à un avenir mei
9579
rences, si on aspire à un avenir meilleur. Exiger
de
l’Europe qu’elle s’unifie comme l’Amérique ou la Russie, c’est la méc
9580
oir sa ruine. Si tout va bien, une nouvelle unité
d’
ordre supérieur se constituera au-dessus des nations, lesquelles subsi
9581
e, avec leur ancienne vigueur… … La glorification
de
sa propre nation au détriment des autres, qui jusqu’à présent allait
9582
Grillparzer, lorsqu’il déclarait que « le chemin
de
l’humanité, en passant par la nationalité, mène à la bestialité ». Le
9583
Certes, Keyserling ne sous-estime pas les dangers
d’
un « supranationalisme virulent », mais il y voit cependant un progrès
9584
e le fut jamais ; ce serait l’équivalent européen
de
l’américanisme messianique. Il va sans dire que l’Européen, lui non p
9585
peut devenir supérieur à n’importe quel habitant
de
l’ancienne Europe, parce qu’il est d’envergure plus vaste. Toute supé
9586
el habitant de l’ancienne Europe, parce qu’il est
d’
envergure plus vaste. Toute supériorité repose sur l’intégration en un
9587
supériorité repose sur l’intégration en une unité
d’
ordre supérieur des éléments qui, dans leur plan, s’excluaient mutuell
9588
observions plus haut que les diversités fécondes
de
l’Europe existent sur un plan plus profond et plus organique que celu
9589
que celui du fait national. Paul Valéry, tentant
de
définir l’Europe, ne mentionne même pas la nation au nombre des diver
9590
. Au point de vue physique, c’est un chef-d’œuvre
de
tempérament et de rapprochement des conditions favorables à l’homme.
9591
physique, c’est un chef-d’œuvre de tempérament et
de
rapprochement des conditions favorables à l’homme. Et l’homme y est d
9592
l’homme y est devenu l’Européen. Vous m’excuserez
de
donner à ces mots d’Europe et d’Européen une signification un peu plu
9593
l’Européen. Vous m’excuserez de donner à ces mots
d’
Europe et d’Européen une signification un peu plus que géographique, e
9594
Vous m’excuserez de donner à ces mots d’Europe et
d’
Européen une signification un peu plus que géographique, et un peu plu
9595
onctionnelle. Je dirai presque, ma pensée abusant
de
mon langage, qu’une Europe est une espèce de système formé d’une cert
9596
sant de mon langage, qu’une Europe est une espèce
de
système formé d’une certaine diversité humaine et d’une localité part
9597
ge, qu’une Europe est une espèce de système formé
d’
une certaine diversité humaine et d’une localité particulièrement favo
9598
système formé d’une certaine diversité humaine et
d’
une localité particulièrement favorable ; façonnée enfin par une histo
9599
singulièrement mouvementée et vivante. Le produit
de
cette conjoncture de circonstances est un Européen. Valéry, écrivant
9600
entée et vivante. Le produit de cette conjoncture
de
circonstances est un Européen. Valéry, écrivant en 1922, dans une Fr
9601
nnoncer le dépassement des nations et l’avènement
d’
une fédération démocratique, lorsqu’on écrivait en Allemagne : c’est c
9602
e fut publié qu’en 1946. Approfondissant le thème
de
l’unité dans la diversité, Jünger imagine qu’une future Constitution
9603
des deux principes maintenus en tension : l’unité
d’
organisation devrait régner sur l’économie, la technique, le commerce,
9604
oteur, l’avion, la radio et l’énergie jaillissant
de
l’atome le signifient aujourd’hui sur d’autres plans et dans d’autres
9605
e serait devenu trop étroit. Au libre déploiement
de
nos moyens s’opposent les frontières et les structures nationales et
9606
des biens. Ceci vaut surtout pour l’Europe, riche
d’
un antique héritage et qui porte en multiples fragments le fardeau de
9607
ge et qui porte en multiples fragments le fardeau
de
l’Histoire vécue et soufferte. On comprend alors que ce soit ici, en
9608
itesse héritée. … Il s’agit, dans cette fondation
de
l’Europe, de conférer une unité géopolitique à un espace divisé par l
9609
e. … Il s’agit, dans cette fondation de l’Europe,
de
conférer une unité géopolitique à un espace divisé par l’évolution hi
9610
ce divisé par l’évolution historique. … Le besoin
d’
espace sera satisfait par l’union des peuples ; et il n’est pas de sol
9611
tisfait par l’union des peuples ; et il n’est pas
de
solution plus juste. Les formes de vie commune dans la maison nouvell
9612
t il n’est pas de solution plus juste. Les formes
de
vie commune dans la maison nouvelle seront instaurées par la Constitu
9613
itution. Entrer ici dans les détails n’aurait pas
de
sens. Mais il est deux principes supérieurs qui doivent s’exprimer da
9614
les deux tendances qui se partagent la démocratie
de
notre temps, celle de l’État libéral et celle de l’État autoritaire.
9615
se partagent la démocratie de notre temps, celle
de
l’État libéral et celle de l’État autoritaire. Les deux sont valables
9616
de notre temps, celle de l’État libéral et celle
de
l’État autoritaire. Les deux sont valables et motivées, et pourtant l
9617
otalement livrée au libre arbitre. Il s’agit donc
de
distinguer les niveaux auxquels chacune d’elles est le mieux adaptée.
9618
t donc de distinguer les niveaux auxquels chacune
d’
elles est le mieux adaptée. Les formes autoritaires de l’ordre étatiqu
9619
les est le mieux adaptée. Les formes autoritaires
de
l’ordre étatique sont adéquates là où les hommes et les choses sont t
9620
e plus profonde est à l’œuvre… Doit être organisé
d’
une manière uniforme tout ce qui relève de la technique, de l’industri
9621
rganisé d’une manière uniforme tout ce qui relève
de
la technique, de l’industrie, de l’économie, des transports, du comme
9622
ière uniforme tout ce qui relève de la technique,
de
l’industrie, de l’économie, des transports, du commerce, des mesures,
9623
ut ce qui relève de la technique, de l’industrie,
de
l’économie, des transports, du commerce, des mesures, et de la défens
9624
mie, des transports, du commerce, des mesures, et
de
la défense… La liberté au contraire doit régner dans le multiple et l
9625
et leur religion. Là, il ne saurait y avoir trop
de
couleurs sur la palette. La Constitution européenne doit donc disting
9626
r avec art, comme cadre et tableau, ce qui relève
de
la civilisation et ce qui relève de la culture, pour mieux les réunir
9627
ce qui relève de la civilisation et ce qui relève
de
la culture, pour mieux les réunir au bénéfice de l’homme. Elle doit c
9628
de la culture, pour mieux les réunir au bénéfice
de
l’homme. Elle doit créer un espace politique unifié en tenant compte
9629
mplique également que soient délimités le domaine
de
la technique et celui de la vie organique. L’État symbole suprême de
9630
ent délimités le domaine de la technique et celui
de
la vie organique. L’État symbole suprême de la technique, jette son f
9631
celui de la vie organique. L’État symbole suprême
de
la technique, jette son filet sur les peuples, mais ils vivent en lib
9632
a protection. L’Histoire ensuite interviendra, et
de
nouveaux contenus apparaîtront… Dans ce cadre, grands et petits peupl
9633
grands et petits peuples s’épanouiront avec plus
de
vigueur qu’auparavant. À mesure que la concurrence des nations s’étei
9634
ais (destinés à la radio allemande) sur « L’Unité
de
la culture européenne ». Les rapports entre la culture et la politiqu
9635
t clairement définis316 : La structure politique
d’
une nation affecte sa culture, et inversement. Mais nos divers pays au
9636
alors qu’ils ont trop peu de contacts sur le plan
de
la culture. Or, le fait de confondre culture et politique peut mener
9637
e contacts sur le plan de la culture. Or, le fait
de
confondre culture et politique peut mener dans deux directions différ
9638
toutes les cultures avoisinantes. Une des erreurs
de
l’Allemagne hitlérienne a été précisément de poser en principe que to
9639
eurs de l’Allemagne hitlérienne a été précisément
de
poser en principe que toute culture autre que la sienne était ou déca
9640
était ou décadente ou barbare. Finissons-en avec
de
telles prétentions ! L’autre aboutissement possible d’une confusion d
9641
lles prétentions ! L’autre aboutissement possible
d’
une confusion de la politique et de la culture, c’est l’idéal d’un Éta
9642
! L’autre aboutissement possible d’une confusion
de
la politique et de la culture, c’est l’idéal d’un État mondial dans l
9643
ement possible d’une confusion de la politique et
de
la culture, c’est l’idéal d’un État mondial dans lequel, pour finir,
9644
n de la politique et de la culture, c’est l’idéal
d’
un État mondial dans lequel, pour finir, il n’y aurait plus qu’une seu
9645
re uniforme. Je ne critique pas tel ou tel projet
d’
organisation mondiale. Ces projets relèvent du domaine de l’organisati
9646
isation mondiale. Ces projets relèvent du domaine
de
l’organisation, de l’ingéniosité organisatrice. Et certes, il faut un
9647
es projets relèvent du domaine de l’organisation,
de
l’ingéniosité organisatrice. Et certes, il faut une organisation, et
9648
a pas vous plaindre si vous constatez qu’un gland
de
chêne a produit un chêne au lieu de produire un orme. Or, une structu
9649
hommes ; et partiellement croissance liée à celle
de
la culture d’une nation donnée et se nourrissant d’elle — et dans cet
9650
rtiellement croissance liée à celle de la culture
d’
une nation donnée et se nourrissant d’elle — et dans cette mesure elle
9651
la culture d’une nation donnée et se nourrissant
d’
elle — et dans cette mesure elle est différente de la structure politi
9652
d’elle — et dans cette mesure elle est différente
de
la structure politique d’autres nations. Il importe d’être bien clair
9653
structure politique d’autres nations. Il importe
d’
être bien clair sur le sens que nous donnons à ce mot de « culture »,
9654
bien clair sur le sens que nous donnons à ce mot
de
« culture », de manière à faire clairement ressortir la distinction e
9655
tion entre, d’une part, l’organisation matérielle
de
l’Europe, et, d’autre part, cet organisme spirituel propre qu’est l’E
9656
ent ne sera plus l’Europe, mais une foule amorphe
d’
êtres humains parlant différentes langues. Ajoutons que ces êtres huma
9657
ues. Ajoutons que ces êtres humains n’auront plus
de
raison valable de parler des langues différentes, parce qu’ils n’auro
9658
ces êtres humains n’auront plus de raison valable
de
parler des langues différentes, parce qu’ils n’auront plus rien à dir
9659
oir une culture « européenne » si les divers pays
d’
Europe sont isolés les uns des autres ; j’ajouterai à présent qu’il ne
9660
opéenne si ces divers pays sont ramenés à un état
d’
uniformité. Nous avons besoin de diversité dans l’unité ; non pas dans
9661
ramenés à un état d’uniformité. Nous avons besoin
de
diversité dans l’unité ; non pas dans l’unité d’organisation mais dan
9662
de diversité dans l’unité ; non pas dans l’unité
d’
organisation mais dans l’unité de nature. T. S. Eliot met en garde co
9663
pas dans l’unité d’organisation mais dans l’unité
de
nature. T. S. Eliot met en garde contre toute planification européen
9664
ne qui ne respecterait pas la nature particulière
de
notre unité culturelle317 : Le monde occidental tient son unité prop
9665
317 : Le monde occidental tient son unité propre
de
son patrimoine culturel, du christianisme et des anciennes civilisati
9666
, du christianisme et des anciennes civilisations
de
la Grèce, de Rome et d’Israël, dont deux millénaires de chrétienté no
9667
nisme et des anciennes civilisations de la Grèce,
de
Rome et d’Israël, dont deux millénaires de chrétienté nous ont tous f
9668
s anciennes civilisations de la Grèce, de Rome et
d’
Israël, dont deux millénaires de chrétienté nous ont tous faits les hé
9669
Grèce, de Rome et d’Israël, dont deux millénaires
de
chrétienté nous ont tous faits les héritiers… C’est cette unité défin
9670
placer ce que nous donne cette unité fondamentale
de
culture. Si nous dissipons ou si nous aliénons ce commun patrimoine c
9671
esprits les plus ingénieux, ne pourra nous tirer
d’
affaire ou nous rapprocher les uns des autres. Cette unité culturelle,
9672
traire une pluralité des allégeances. Il est faux
de
penser que le seul devoir de l’individu serait son devoir envers l’Ét
9673
geances. Il est faux de penser que le seul devoir
de
l’individu serait son devoir envers l’État ; et il est exorbitant de
9674
t son devoir envers l’État ; et il est exorbitant
de
considérer comme le devoir suprême de l’individu celui qui le lierait
9675
exorbitant de considérer comme le devoir suprême
de
l’individu celui qui le lierait à quelque super-État. Quant à cette
9676
ierait à quelque super-État. Quant à cette unité
de
culture toute nourrie de nos diversités, T. S. Eliot en donne un exem
9677
at. Quant à cette unité de culture toute nourrie
de
nos diversités, T. S. Eliot en donne un exemple d’autant plus frappan
9678
e nos diversités, T. S. Eliot en donne un exemple
d’
autant plus frappant qu’il est emprunté au domaine de la poésie, que l
9679
utant plus frappant qu’il est emprunté au domaine
de
la poésie, que le romantisme nous faisait considérer comme le plus «
9680
nal » et le plus fermé aux échanges318 : L’unité
de
la culture européenne est un sujet très vaste, en vérité, et nul ne d
9681
iculière qu’il possède… Je suis poète et critique
de
la poésie. Je tenterai de montrer ce que cette profession peut avoir
9682
suis poète et critique de la poésie. Je tenterai
de
montrer ce que cette profession peut avoir à faire avec mon sujet et
9683
expérience me conduit. On a souvent soutenu que,
de
toutes les langues de l’Europe moderne, c’est l’anglais qui offre le
9684
. On a souvent soutenu que, de toutes les langues
de
l’Europe moderne, c’est l’anglais qui offre le plus de richesses à qu
9685
Europe moderne, c’est l’anglais qui offre le plus
de
richesses à qui veut écrire de la poésie. Je le crois pour ma part. E
9686
qui offre le plus de richesses à qui veut écrire
de
la poésie. Je le crois pour ma part. Et j’en vois la raison dans la v
9687
conquête normande. Survient alors une succession
d’
influences françaises, vérifiables grâce aux mots adoptés à différente
9688
… Enfin, moins facile à détecter, mais à mon sens
d’
une importance considérable, il y a l’élément celtique. Mais je ne pen
9689
bord, à propos de la poésie, aux Rythmes. Chacune
de
ces langues a apporté sa musique propre, et la richesse poétique de l
9690
pporté sa musique propre, et la richesse poétique
de
l’anglais consiste surtout dans la variété de ses éléments métriques.
9691
que de l’anglais consiste surtout dans la variété
de
ses éléments métriques. Voici le rythme des premiers vers saxons, le
9692
franco-normand, le rythme gallois, et l’influence
de
générations d’étude de la poésie latine et grecque. Aujourd’hui encor
9693
le rythme gallois, et l’influence de générations
d’
étude de la poésie latine et grecque. Aujourd’hui encore, l’anglais di
9694
me gallois, et l’influence de générations d’étude
de
la poésie latine et grecque. Aujourd’hui encore, l’anglais dispose de
9695
et grecque. Aujourd’hui encore, l’anglais dispose
de
possibilités permanentes de se rafraîchir à ces sources : sans même p
9696
re, l’anglais dispose de possibilités permanentes
de
se rafraîchir à ces sources : sans même parler du vocabulaire, les po
9697
péennes. La possibilité, pour chaque littérature,
de
se renouveler, d’accéder à une nouvelle étape créatrice, et de découv
9698
ilité, pour chaque littérature, de se renouveler,
d’
accéder à une nouvelle étape créatrice, et de découvrir de nouveaux us
9699
ler, d’accéder à une nouvelle étape créatrice, et
de
découvrir de nouveaux usages des mots, dépend de deux choses : premiè
9700
r à une nouvelle étape créatrice, et de découvrir
de
nouveaux usages des mots, dépend de deux choses : premièrement, de sa
9701
de découvrir de nouveaux usages des mots, dépend
de
deux choses : premièrement, de sa faculté d’assimiler des influences
9702
s des mots, dépend de deux choses : premièrement,
de
sa faculté d’assimiler des influences étrangères, secondement, de sa
9703
pend de deux choses : premièrement, de sa faculté
d’
assimiler des influences étrangères, secondement, de sa faculté de rev
9704
assimiler des influences étrangères, secondement,
de
sa faculté de revenir à ses sources et de s’en instruire. Quant à la
9705
influences étrangères, secondement, de sa faculté
de
revenir à ses sources et de s’en instruire. Quant à la première condi
9706
dement, de sa faculté de revenir à ses sources et
de
s’en instruire. Quant à la première condition : lorsque les diverses
9707
première condition : lorsque les diverses nations
de
l’Europe sont coupées les unes des autres et que les poètes ne lisent
9708
unes des autres et que les poètes ne lisent plus
d’
autre littérature que celle de leur propre langue, la poésie dépérit n
9709
ètes ne lisent plus d’autre littérature que celle
de
leur propre langue, la poésie dépérit nécessairement dans chaque pays
9710
s qui lui soient propres et qui remontent du fond
de
son histoire ; mais d’une importance au moins égale m’apparaissent le
9711
s et qui remontent du fond de son histoire ; mais
d’
une importance au moins égale m’apparaissent les sources auxquelles no
9712
xquelles nous puisons en commun, les littératures
de
Rome, de la Grèce et d’Israël. Ce que j’ai dit de la poésie me paraît
9713
nous puisons en commun, les littératures de Rome,
de
la Grèce et d’Israël. Ce que j’ai dit de la poésie me paraît aussi vr
9714
commun, les littératures de Rome, de la Grèce et
d’
Israël. Ce que j’ai dit de la poésie me paraît aussi vrai des autres a
9715
de Rome, de la Grèce et d’Israël. Ce que j’ai dit
de
la poésie me paraît aussi vrai des autres arts… Dans la pratique de c
9716
raît aussi vrai des autres arts… Dans la pratique
de
chacun d’eux nous découvrons les trois mêmes éléments : la tradition
9717
vrai des autres arts… Dans la pratique de chacun
d’
eux nous découvrons les trois mêmes éléments : la tradition locale, la
9718
ion européenne commune, et l’influence réciproque
de
l’art d’un pays sur celui d’un autre. Nul n’a mieux illustré ces éch
9719
éenne commune, et l’influence réciproque de l’art
d’
un pays sur celui d’un autre. Nul n’a mieux illustré ces échanges d’i
9720
influence réciproque de l’art d’un pays sur celui
d’
un autre. Nul n’a mieux illustré ces échanges d’influences au sein de
9721
d’un autre. Nul n’a mieux illustré ces échanges
d’
influences au sein de l’unité foncière de la littérature européenne qu
9722
échanges d’influences au sein de l’unité foncière
de
la littérature européenne que celui qui fut le plus grand « comparati
9723
que celui qui fut le plus grand « comparatiste »
de
la littérature de notre temps : Ernst Robert Curtius. Dans l’introduc
9724
le plus grand « comparatiste » de la littérature
de
notre temps : Ernst Robert Curtius. Dans l’introduction de son dernie
9725
temps : Ernst Robert Curtius. Dans l’introduction
de
son dernier ouvrage il insiste sur l’impossibilité d’interpréter aucu
9726
on dernier ouvrage il insiste sur l’impossibilité
d’
interpréter aucune de nos « littératures nationales » en l’isolant art
9727
insiste sur l’impossibilité d’interpréter aucune
de
nos « littératures nationales » en l’isolant artificiellement des aut
9728
terme géographique » (comme Metternich le disait
de
l’Italie) si elle n’est pas perçue comme une entité historique. C’est
9729
orique. C’est ce que l’histoire à l’ancienne mode
de
nos manuels ne peut nous montrer : pour elle, l’histoire générale de
9730
eut nous montrer : pour elle, l’histoire générale
de
l’Europe n’existe pas ; c’est simplement une coexistence d’histoires
9731
e n’existe pas ; c’est simplement une coexistence
d’
histoires sans liens, de peuples et d’États… « L’européanisation du ta
9732
implement une coexistence d’histoires sans liens,
de
peuples et d’États… « L’européanisation du tableau historique », qu’i
9733
coexistence d’histoires sans liens, de peuples et
d’
États… « L’européanisation du tableau historique », qu’il nous faut en
9734
ulture européenne. Elle embrasse donc une période
de
vingt-six siècles (d’Homère à Goethe)… Elle constitue une « unité int
9735
e embrasse donc une période de vingt-six siècles (
d’
Homère à Goethe)… Elle constitue une « unité intelligible », qui s’éva
9736
emporel » qui est une caractéristique essentielle
de
la littérature, signifie que la littérature du passé peut toujours êt
9737
Euripide dans l’Iphigénie de Racine et dans celle
de
Goethe. Ou, de nos jours, les Mille et Une Nuits et Calderon dans Hof
9738
’Iphigénie de Racine et dans celle de Goethe. Ou,
de
nos jours, les Mille et Une Nuits et Calderon dans Hofmannsthal, l’Od
9739
pe, Sémiramis, Faust, Don Juan. La dernière œuvre
d’
André Gide, et la plus mûre, fut un Thésée 319. C’est également de so
9740
la plus mûre, fut un Thésée 319. C’est également
de
son expérience d’écrivain que partait Jean-Paul Sartre, lorsqu’il déf
9741
un Thésée 319. C’est également de son expérience
d’
écrivain que partait Jean-Paul Sartre, lorsqu’il définissait, en 19493
9742
lorsqu’il définissait, en 1949320, les conditions
d’
une défense de nos diversités culturelles : il les voyait, lui aussi,
9743
voyait, lui aussi, dans une intégration à l’unité
de
la culture européenne : Peut-on défendre la culture française en tan
9744
implement : non. … Avons-nous donc un autre moyen
de
sauver les éléments essentiels de cette culture ? Oui. Mais à la cond
9745
un autre moyen de sauver les éléments essentiels
de
cette culture ? Oui. Mais à la condition de reprendre le problème d’u
9746
Oui. Mais à la condition de reprendre le problème
d’
une façon entièrement différente et de comprendre qu’aujourd’hui il ne
9747
le problème d’une façon entièrement différente et
de
comprendre qu’aujourd’hui il ne peut plus être question d’une culture
9748
ndre qu’aujourd’hui il ne peut plus être question
d’
une culture française, pas plus que d’une culture hollandaise ou suiss
9749
re question d’une culture française, pas plus que
d’
une culture hollandaise ou suisse ou allemande. Si nous voulons que la
9750
e reste, il faut qu’elle soit intégrée aux cadres
d’
une grande culture européenne. Et il ajoutait, passant comme malgré l
9751
vernements, aux associations ou aux particuliers,
d’
inaugurer une politique culturelle ; bien sûr, on peut multiplier les
9752
rnationaux. Tout cela a été tenté avant la guerre
de
1939. Aujourd’hui ces réalisations, qui ne manquent pas d’intérêt, se
9753
Aujourd’hui ces réalisations, qui ne manquent pas
d’
intérêt, seraient inefficaces parce que nous aurions alors une superst
9754
aucune unité des infrastructures. Il s’agit donc
de
concevoir — et c’est ici que je m’arrêterai, parce que je souhaite év
9755
nité culturelle européenne comme la seule capable
de
sauver, dans son sein, les cultures de chaque pays en ce qu’elles ont
9756
le capable de sauver, dans son sein, les cultures
de
chaque pays en ce qu’elles ont de valable. C’est en visant à une unit
9757
n, les cultures de chaque pays en ce qu’elles ont
de
valable. C’est en visant à une unité de culture européenne que nous s
9758
elles ont de valable. C’est en visant à une unité
de
culture européenne que nous sauverons la culture française ; mais cet
9759
sauverons la culture française ; mais cette unité
de
culture n’aura aucun sens et ne sera faite que de mots, si elle ne se
9760
de culture n’aura aucun sens et ne sera faite que
de
mots, si elle ne se place pas dans le cadre d’un effort beaucoup plus
9761
ue de mots, si elle ne se place pas dans le cadre
d’
un effort beaucoup plus profond pour réaliser une unité économique et
9762
d pour réaliser une unité économique et politique
de
l’Europe. Au thème de l’unité dans la diversité, Arthur Koestler lie
9763
té économique et politique de l’Europe. Au thème
de
l’unité dans la diversité, Arthur Koestler lie étroitement celui de l
9764
diversité, Arthur Koestler lie étroitement celui
de
la continuité dans le changement321 qui est sa traduction dans le tem
9765
ce dont nulle autre région ou culture ne fournit
d’
exemples, hors des deux millénaires et demi d’histoire européenne. L’a
9766
nit d’exemples, hors des deux millénaires et demi
d’
histoire européenne. L’art égyptien, représente peut-être le plus haut
9767
en, représente peut-être le plus haut degré connu
de
continuité pendant 2.000 ans ou plus, mais il se produisit dans une c
9768
tout, a modifié l’environnement naturel et social
de
l’homo sapiens d’une manière si radicale qu’on dirait qu’une espèce n
9769
environnement naturel et social de l’homo sapiens
d’
une manière si radicale qu’on dirait qu’une espèce nouvelle s’est étab
9770
ne identité continue et bien distincte, une sorte
de
personnalité historique. Continuité dans le changement, unité dans la
9771
té, semblent bien être (comme les quatre éléments
d’
Aristote : la terre et l’air, l’eau et le feu) les constituants d’une
9772
terre et l’air, l’eau et le feu) les constituants
d’
une culture vivante, et plus spécifiquement, d’une culture européenne.
9773
ts d’une culture vivante, et plus spécifiquement,
d’
une culture européenne. La continuité sans changement caractérise quel
9774
érise quelques-unes des plus hautes civilisations
de
l’Asie ; le changement mais sans conscience profonde d’une continuité
9775
sie ; le changement mais sans conscience profonde
d’
une continuité enracinée dans le passé, caractérise les nations de pio
9776
enracinée dans le passé, caractérise les nations
de
pionniers des continents américain et australien. Mais les humanistes
9777
australien. Mais les humanistes révolutionnaires
de
la Renaissance et les têtes chaudes de la Réformation puisèrent leurs
9778
tionnaires de la Renaissance et les têtes chaudes
de
la Réformation puisèrent leurs inspirations modernes dans les vieux t
9779
ion française emprunta ses symboles et les titres
de
ses fonctions d’État aux institutions républicaines de Rome, et les e
9780
runta ses symboles et les titres de ses fonctions
d’
État aux institutions républicaines de Rome, et les enseignements de M
9781
s fonctions d’État aux institutions républicaines
de
Rome, et les enseignements de Marx lui-même ont leurs archétypes et l
9782
tions républicaines de Rome, et les enseignements
de
Marx lui-même ont leurs archétypes et leurs racines dans le pathos de
9783
pes et leurs racines dans le pathos des Prophètes
de
l’Ancien Testament, dans les éléments platoniciens de la philosophie
9784
’Ancien Testament, dans les éléments platoniciens
de
la philosophie de Hegel, et dans les acrobaties dialectiques de l’Éco
9785
dans les éléments platoniciens de la philosophie
de
Hegel, et dans les acrobaties dialectiques de l’École aristotélicienn
9786
hie de Hegel, et dans les acrobaties dialectiques
de
l’École aristotélicienne. Il y a toujours quelque chose de nouveau so
9787
s c’est la nouveauté organique des jeunes pousses
d’
un vieil arbre, nourries par les sucs de ses racines souterraines. Res
9788
s pousses d’un vieil arbre, nourries par les sucs
de
ses racines souterraines. Reste l’autre polarité : l’unité dans la di
9789
la diversité. Que l’Europe évolue vers des formes
d’
union plus étroite et d’intégration plus poussée, nul n’en peut plus d
9790
pe évolue vers des formes d’union plus étroite et
d’
intégration plus poussée, nul n’en peut plus douter ; mais le temps es
9791
er ; mais le temps est une dimension qu’il s’agit
de
prendre au sérieux, et le rythme de cette évolution est de nature à n
9792
qu’il s’agit de prendre au sérieux, et le rythme
de
cette évolution est de nature à nous inquiéter sérieusement. Il ne m’
9793
e au sérieux, et le rythme de cette évolution est
de
nature à nous inquiéter sérieusement. Il ne m’a fallu que trois heure
9794
alogues visant à nous unir, rappelle plutôt celle
d’
un char à bœufs grec peinant dans la boue de la Thessalie. Reconnaisso
9795
celle d’un char à bœufs grec peinant dans la boue
de
la Thessalie. Reconnaissons ici, et dans la fragmentation persistante
9796
aissons ici, et dans la fragmentation persistante
de
l’Europe, le plus grand anachronisme du xxe siècle322. Condensant e
9797
siècle322. Condensant et clarifiant les apports
de
ses aînés, anticipant sur ceux de ses cadets, l’animateur de la Revu
9798
ant les apports de ses aînés, anticipant sur ceux
de
ses cadets, l’animateur de la Revue de Genève , Robert de Traz (1884
9799
s, anticipant sur ceux de ses cadets, l’animateur
de
la Revue de Genève , Robert de Traz (1884-1951) appelait l’Europe, d
9800
sur ceux de ses cadets, l’animateur de la Revue
de
Genève , Robert de Traz (1884-1951) appelait l’Europe, dès 1929, à re
9801
1) appelait l’Europe, dès 1929, à relever le défi
de
l’Histoire en s’unissant : Héritiers magnifiquement privilégiés, les
9802
Héritiers magnifiquement privilégiés, les hommes
d’
Occident n’ont aucun motif de déserter leur propre cause. Qu’ils se ra
9803
vilégiés, les hommes d’Occident n’ont aucun motif
de
déserter leur propre cause. Qu’ils se rapprochent donc pour mieux en
9804
er. Qu’ils fassent, avec sang-froid, l’inventaire
de
leur patrimoine commun. La civilisation européenne est le produit d’u
9805
commun. La civilisation européenne est le produit
d’
une collaboration séculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport d
9806
éculaire et l’on ne saurait en supprimer l’apport
d’
aucun peuple sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie d’invent
9807
sans la défigurer et l’affaiblir. Or notre génie
d’
invention est intact. Nos méthodes critiques doivent à leurs principes
9808
éthodes critiques doivent à leurs principes mêmes
de
pouvoir toujours s’adapter aux circonstances imprévues. Une égale pas
9809
er aux circonstances imprévues. Une égale passion
de
l’effort nous anime encore, de l’effort qui conquiert, qui utilise, e
9810
Une égale passion de l’effort nous anime encore,
de
l’effort qui conquiert, qui utilise, et surtout qui transfigure. Car
9811
possibilité réside peut-être dans notre capacité
de
renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité de résurrection. À fo
9812
e renouvellement. Je dirai mieux : notre capacité
de
résurrection. À force d’imagination et de courage, nos rêves ne se pe
9813
i mieux : notre capacité de résurrection. À force
d’
imagination et de courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase
9814
apacité de résurrection. À force d’imagination et
de
courage, nos rêves ne se perdent pas dans une extase somnolente : ils
9815
olente : ils sont actifs. Est-ce rêver encore que
de
conseiller à l’Europe, pour se redresser, pour imposer silence à ses
9816
edresser, pour imposer silence à ses détracteurs,
de
se reconnaître une mission nouvelle ? En affirmant son unité conquise
9817
es dangers du dedans, elle aurait conclu un pacte
d’
alliance entre ses fils : ce pacte elle le proposerait ensuite à l’uni
9818
tur, elle les désarmerait en harmonisant non plus
de
petits États que divisent quelques collines, mais des continents que
9819
éans séparent. Elle prendrait la tête des nations
de
la terre parce qu’elle serait seule à leur fournir des principes d’or
9820
qu’elle serait seule à leur fournir des principes
d’
ordre rationnel, un programme d’actions conjuguées, en un mot les dire
9821
nir des principes d’ordre rationnel, un programme
d’
actions conjuguées, en un mot les directives du commandement.323 Ces
9822
rs mots répercutent l’écho des pages prophétiques
d’
Ortega, citées plus haut. Ils s’adressent aux Européens pour leur rapp
9823
er une vocation plus difficile que le dénigrement
de
soi-même : celle de faire l’Europe parce qu’il faut faire le Monde, e
9824
difficile que le dénigrement de soi-même : celle
de
faire l’Europe parce qu’il faut faire le Monde, et parce que l’Europe
9825
ation. 278. Dans une conférence à l’Université
de
Zurich, nov. 1922. Cf. Variété I, Gallimard, Paris, 1924. 279. Dans
9826
tons, résumant les développements du chapitre III
de
ce livre, est extrait d’une conférence de Karl Jaspers recueillie dan
9827
ppements du chapitre III de ce livre, est extrait
d’
une conférence de Karl Jaspers recueillie dans l’Esprit européen, Édit
9828
tre III de ce livre, est extrait d’une conférence
de
Karl Jaspers recueillie dans l’Esprit européen, Éditions de la Baconn
9829
spers recueillie dans l’Esprit européen, Éditions
de
la Baconnière, 1947, p. 303-304. 280. Die Entdeckung des Geistes, C
9830
à 42 (chapitre intitulé : « L’Iliade ou le poème
de
la force »). 285. L’Enracinement, Gallimard, Paris, 1949. 286. Le
9831
inement, Gallimard, Paris, 1949. 286. Le Déclin
de
l’Occident, trad. Tazerout, coll. « Bibliothèque des idées », Gallima
9832
pa als Lebensform, Hegner, 1957. 289. Formation
de
l’Europe, t. VII, 340, Plon, Paris, 1937. 290. Cette expression que
9833
l’on en croit O. Forst de Battaglia et son Traité
de
généalogie, Lausanne, 1945, on peut évaluer à 20 millions le nombre d
9834
t évaluer à 20 millions le nombre des descendants
de
Charlemagne actuellement en vie ! 291. The Making of Europe, 1932.
9835
ng of Europe, 1932. Nous citons d’après l’édition
de
Meridian Books, New York, 1958, p. 16-17. 292. Id. ibid., p. 243-44
9836
ag, Einsiedeln. 294. S. de Madariaga : L’Esprit
de
l’Europe, Mouvement européen, Bruxelles, 1952. 295. E. Husserl : Die
9837
, tome VI des Œuvres complètes, sous la direction
de
H. L. van Breda, Martinus Nijhoff, La Haye, 1954. 296. Benedetto Cro
9838
anç. Librairie Plon, Paris, 1960. 297. L’Esprit
de
l’Europe, édité par le Mouvement européen, Bruxelles, 1952, chapitre
9839
ibid., p. 433. 302. L’Esprit européen, Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1949, p. 148-156. 303. Conférence prononcé
9840
1946, et publiée dans le recueil des Conférences
de
l’Unesco, Éditions de la revue Fontaine, Paris, 1947. 304. Extraits
9841
le recueil des Conférences de l’Unesco, Éditions
de
la revue Fontaine, Paris, 1947. 304. Extraits de The World and the W
9842
de la revue Fontaine, Paris, 1947. 304. Extraits
de
The World and the West, Oxford University Press, 1953. 305. Extraits
9843
st, Oxford University Press, 1953. 305. Extraits
d’
une conférence donnée à Vienne en 1956, parue dans le Bulletin du Cent
9844
t Épilogue, trad. française par M. Pomès. Le Rapt
de
l’Europe, Stock, Paris, 1960. 307. Spektrum Europas, 19. 308. Publ
9845
Books, New York. 310. Ibid. 311. Les Origines
de
la civilisation européenne, 1958, I. 312. Rappelons qu’Ortega écriva
9846
Francke Verlag, Berne 1948. 320. Dans un article
de
la revue Politique étrangère, dont les extraits furent présentés à la
9847
raits furent présentés à la Conférence européenne
de
la culture, Lausanne, 1949. 321. Cf. plus haut la citation de Stephe
9848
, Lausanne, 1949. 321. Cf. plus haut la citation
de
Stephen Spender. 322. Extrait d’une conférence à Vienne, mars 1958,
9849
aut la citation de Stephen Spender. 322. Extrait
d’
une conférence à Vienne, mars 1958, Texte allemand dans Forum, Vienne,
9850
anglais communiqué par l’auteur. 323. L’Esprit
de
Genève, Grasset, Paris 1929, p. 259-260.
9851
Appendice Manifestes pour l’union européenne (
de
1922 à 1960) Parmi les centaines de textes de toute nature, manifes
9852
européenne (de 1922 à 1960) Parmi les centaines
de
textes de toute nature, manifestes de mouvements, déclarations de con
9853
(de 1922 à 1960) Parmi les centaines de textes
de
toute nature, manifestes de mouvements, déclarations de congrès, réso
9854
s centaines de textes de toute nature, manifestes
de
mouvements, déclarations de congrès, résolutions de parlements, disco
9855
te nature, manifestes de mouvements, déclarations
de
congrès, résolutions de parlements, discours d’hommes d’État, préambu
9856
mouvements, déclarations de congrès, résolutions
de
parlements, discours d’hommes d’État, préambules aux traités et conve
9857
s de congrès, résolutions de parlements, discours
d’
hommes d’État, préambules aux traités et conventions, qui balisent le
9858
traités et conventions, qui balisent le parcours
de
l’Idée européenne depuis un tiers de siècle, ceux que l’on va citer o
9859
le parcours de l’Idée européenne depuis un tiers
de
siècle, ceux que l’on va citer ont marqué des étapes, à divers titres
9860
e Richard Coudenhove-Kalergi lançait, par la voie
de
la presse allemande et autrichienne, un premier appel à créer la « Pa
9861
ts : Européens ! Européennes ! L’heure du destin
de
l’Europe a sonné ! Dans les usines de toute l’Europe, on forge chaque
9862
e du destin de l’Europe a sonné ! Dans les usines
de
toute l’Europe, on forge chaque jour des armes destinées au massacre
9863
e jour des armes destinées au massacre des hommes
de
l’Europe, — dans les laboratoires européens, on prépare des poisons d
9864
inés à l’anéantissement des femmes et des enfants
de
l’Europe. Avec une inconcevable légèreté, l’Europe joue ses destinées
9865
ées, avec un inconcevable aveuglement elle refuse
de
voir ce qui vient, avec une inconcevable passivité elle se laisse pou
9866
t réside dans la Paneurope, dans le rassemblement
de
tous les États démocratiques du continent en un groupement politique
9867
es dans ses affaires. … Sans une garantie durable
de
la paix en Europe, toute union douanière européenne reste impossible.
9868
emps que chaque État vit dans la peur continuelle
de
ses voisins, il doit s’assurer de sa subsistance autonome en temps de
9869
eur continuelle de ses voisins, il doit s’assurer
de
sa subsistance autonome en temps de guerre, comme une place assiégée.
9870
oit s’assurer de sa subsistance autonome en temps
de
guerre, comme une place assiégée. Il lui faut pour cela des industrie
9871
et des cordons douaniers. Seule, la substitution
de
l’arbitrage obligatoire au risque de guerre pourrait ouvrir la voie à
9872
he politique, économique et culturelle ? L’avenir
de
l’Europe dépend de la réponse qui sera donnée à cette question. Il es
9873
mique et culturelle ? L’avenir de l’Europe dépend
de
la réponse qui sera donnée à cette question. Il est donc entre les ma
9874
États démocratiques, nous sommes co-responsables
de
la politique de nos gouvernements. Nous n’avons pas le droit de nous
9875
ques, nous sommes co-responsables de la politique
de
nos gouvernements. Nous n’avons pas le droit de nous borner à la crit
9876
e de nos gouvernements. Nous n’avons pas le droit
de
nous borner à la critique, nous avons le devoir de contribuer à l’éla
9877
e nous borner à la critique, nous avons le devoir
de
contribuer à l’élaboration de nos destins politiques. Si les peuples
9878
ous avons le devoir de contribuer à l’élaboration
de
nos destins politiques. Si les peuples de l’Europe le veulent, la Pan
9879
oration de nos destins politiques. Si les peuples
de
l’Europe le veulent, la Paneurope se réalisera : Il leur suffit, pour
9880
neurope se réalisera : Il leur suffit, pour cela,
de
refuser leurs voix à tous les candidats et partis dont le programme e
9881
gramme est antieuropéen. Il ne faut pas se lasser
de
répéter cette vérité simple : une Europe divisée conduit à la guerre,
9882
grès qui se réunit à Vienne en 1927. Les effigies
de
Sully, Comenius, l’abbé de Saint-Pierre, Kant, Mazzini, Hugo et Nietz
9883
ministre des Affaires étrangères, décida en 1928
de
soumettre à la Société des Nations un projet de Confédération europée
9884
8 de soumettre à la Société des Nations un projet
de
Confédération européenne. Devenu président du Conseil en 1929, et par
9885
ce, il prononça le 5 septembre devant l’assemblée
de
la Société des Nations à Genève, un discours retentissant, appelant l
9886
e, un discours retentissant, appelant les peuples
de
l’Europe à nouer une « sorte de lien fédéral » : Je me suis associé
9887
elant les peuples de l’Europe à nouer une « sorte
de
lien fédéral » : Je me suis associé pendant ces dernières années à u
9888
en faveur d’une idée qu’on a bien voulu qualifier
de
généreuse, peut-être pour se dispenser de la qualifier d’imprudente.
9889
alifier de généreuse, peut-être pour se dispenser
de
la qualifier d’imprudente. Cette idée, qui est née il y a bien des an
9890
euse, peut-être pour se dispenser de la qualifier
d’
imprudente. Cette idée, qui est née il y a bien des années, qui a hant
9891
qui leur a valu ce qu’on peut appeler des succès
d’
estime, cette idée a progressé dans les esprits par sa valeur propre.
9892
i sont géographiquement groupés comme les peuples
d’
Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral […]. C’est ce lien q
9893
e les peuples d’Europe, il doit exister une sorte
de
lien fédéral […]. C’est ce lien que je voudrais m’efforcer d’établir.
9894
ral […]. C’est ce lien que je voudrais m’efforcer
d’
établir. Évidemment, l’association agira surtout dans le domaine écono
9895
, le lien fédéral, sans toucher à la souveraineté
d’
aucune des nations qui pourraient faire partie d’une telle association
9896
d’aucune des nations qui pourraient faire partie
d’
une telle association, peut être bienfaisant. Il fut décidé peu après
9897
é par la France. Le Mémorandum sur l’organisation
d’
un régime d’union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 et présent
9898
nce. Le Mémorandum sur l’organisation d’un régime
d’
union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 et présenté à la Socié
9899
et présenté à la Société des Nations en septembre
de
la même année, fut rédigé par Alexis Léger, le plus proche collaborat
9900
gé par Alexis Léger, le plus proche collaborateur
de
Briand. (On sait qu’Alexis Léger est aussi le grand poète qui signe S
9901
t-John Perse.) En voici deux brefs extraits tirés
de
l’introduction et de la conclusion : … Nul ne doute aujourd’hui que
9902
ci deux brefs extraits tirés de l’introduction et
de
la conclusion : … Nul ne doute aujourd’hui que le manque de cohésion
9903
usion : … Nul ne doute aujourd’hui que le manque
de
cohésion dans le groupement des forces matérielles et morales de l’Eu
9904
s le groupement des forces matérielles et morales
de
l’Europe ne constitue, pratiquement, le plus sérieux obstacle au déve
9905
rieux obstacle au développement et à l’efficacité
de
toutes institutions politiques ou juridiques sur quoi tendent à se fo
9906
uoi tendent à se fonder les premières entreprises
d’
une organisation universelle de la paix. Cette dispersion de forces ne
9907
mières entreprises d’une organisation universelle
de
la paix. Cette dispersion de forces ne limite pas moins gravement, en
9908
nisation universelle de la paix. Cette dispersion
de
forces ne limite pas moins gravement, en Europe, les possibilités d’é
9909
pas moins gravement, en Europe, les possibilités
d’
élargissement du marché économique, les tentatives d’intensification e
9910
largissement du marché économique, les tentatives
d’
intensification et d’amélioration de la production industrielle, et pa
9911
é économique, les tentatives d’intensification et
d’
amélioration de la production industrielle, et par là même toutes gara
9912
es tentatives d’intensification et d’amélioration
de
la production industrielle, et par là même toutes garanties contre le
9913
s garanties contre les crises du travail, sources
d’
instabilité politique aussi bien que sociale. Or, le danger d’un tel m
9914
é politique aussi bien que sociale. Or, le danger
d’
un tel morcellement se trouve encore accru du fait de l’étendue des fr
9915
n tel morcellement se trouve encore accru du fait
de
l’étendue des frontières nouvelles (plus de 20.000 kilomètres de barr
9916
fait de l’étendue des frontières nouvelles (plus
de
20.000 kilomètres de barrières douanières) que les Traités de paix on
9917
s frontières nouvelles (plus de 20.000 kilomètres
de
barrières douanières) que les Traités de paix ont dû créer pour faire
9918
lomètres de barrières douanières) que les Traités
de
paix ont dû créer pour faire droit, en Europe, aux aspirations nation
9919
pe, aux aspirations nationales… C’est sur le plan
de
la souveraineté absolue et de l’entière indépendance politique que do
9920
… C’est sur le plan de la souveraineté absolue et
de
l’entière indépendance politique que doit être réalisée l’entente ent
9921
te entre Nations européennes. […] Avec les droits
de
souveraineté, n’est-ce pas le génie même de chaque nation qui peut tr
9922
roits de souveraineté, n’est-ce pas le génie même
de
chaque nation qui peut trouver à s’affirmer encore plus consciemment,
9923
particulière à l’œuvre collective, sous un régime
d’
Union fédérale pleinement compatible avec le respect des traditions et
9924
lus propice ni plus pressante pour l’inauguration
d’
une œuvre constructive en Europe. Le règlement des principaux problème
9925
ière guerre aura bientôt libéré l’Europe nouvelle
de
ce qui grevait le plus lourdement sa psychologie, autant que son écon
9926
ve, où l’Europe attentive peut disposer elle-même
de
son propre destin. S’unir pour vivre et prospérer : telle est la stri
9927
devant laquelle se trouvent désormais les Nations
d’
Europe. Il semble que le sentiment des peuples se soit déjà clairement
9928
lairement manifesté à ce sujet. Aux gouvernements
d’
assumer aujourd’hui leurs responsabilités, sous peine d’abandonner au
9929
mer aujourd’hui leurs responsabilités, sous peine
d’
abandonner au risque d’initiatives particulières et d’entreprises déso
9930
esponsabilités, sous peine d’abandonner au risque
d’
initiatives particulières et d’entreprises désordonnées le groupement
9931
andonner au risque d’initiatives particulières et
d’
entreprises désordonnées le groupement de forces matérielles et morale
9932
ières et d’entreprises désordonnées le groupement
de
forces matérielles et morales dont il leur appartient de garder la ma
9933
es matérielles et morales dont il leur appartient
de
garder la maîtrise collective, au bénéfice de la communauté européenn
9934
ent de garder la maîtrise collective, au bénéfice
de
la communauté européenne autant que de l’humanité. La proposition fr
9935
u bénéfice de la communauté européenne autant que
de
l’humanité. La proposition française n’eut pas de suites concrètes :
9936
e l’humanité. La proposition française n’eut pas
de
suites concrètes : d’une part, tout en préconisant une conférence des
9937
e part, la Grande-Bretagne affirmait une attitude
d’
isolation, cependant qu’Hitler remportait son premier grand succès éle
9938
mme raisonnables, échouait devant le déchaînement
de
souverainetés devenues folles. La guerre de 1939 était dès lors fatal
9939
ement de souverainetés devenues folles. La guerre
de
1939 était dès lors fatale. On n’a pas oublié qu’Hitler prétendait lu
9940
ne dans le camp fédéraliste. Et c’est précisément
de
la Résistance que ressurgit l’idée d’union. Dès 1942, un groupe de pr
9941
précisément de la Résistance que ressurgit l’idée
d’
union. Dès 1942, un groupe de prisonniers politiques concentrés dans l
9942
que ressurgit l’idée d’union. Dès 1942, un groupe
de
prisonniers politiques concentrés dans l’Île de Ventotene fait circul
9943
in, réunis en grand secret à Genève, au printemps
de
1944, les représentants des mouvements de résistance de neuf pays met
9944
intemps de 1944, les représentants des mouvements
de
résistance de neuf pays mettent au point la déclaration suivante :
9945
4, les représentants des mouvements de résistance
de
neuf pays mettent au point la déclaration suivante : Projet de décl
9946
ttent au point la déclaration suivante : Projet
de
déclaration des Résistances européennes (extrait)324 Quelques milita
9947
s (extrait)324 Quelques militants des mouvements
de
résistance du Danemark, de France, d’Italie, de Norvège, des Pays-Bas
9948
litants des mouvements de résistance du Danemark,
de
France, d’Italie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Tchécoslov
9949
mouvements de résistance du Danemark, de France,
d’
Italie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de
9950
s de résistance du Danemark, de France, d’Italie,
de
Norvège, des Pays-Bas, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslav
9951
k, de France, d’Italie, de Norvège, des Pays-Bas,
de
Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie, et le représentant d’u
9952
, d’Italie, de Norvège, des Pays-Bas, de Pologne,
de
Tchécoslovaquie et de Yougoslavie, et le représentant d’un groupe de
9953
, des Pays-Bas, de Pologne, de Tchécoslovaquie et
de
Yougoslavie, et le représentant d’un groupe de militants antinazis en
9954
coslovaquie et de Yougoslavie, et le représentant
d’
un groupe de militants antinazis en Allemagne, se sont réunis dans une
9955
et de Yougoslavie, et le représentant d’un groupe
de
militants antinazis en Allemagne, se sont réunis dans une ville d’Eur
9956
nazis en Allemagne, se sont réunis dans une ville
d’
Europe les 31 mars, 29 avril, 20 mai, 6 et 7 juillet. Ils ont élaboré
9957
20 mai, 6 et 7 juillet. Ils ont élaboré le projet
de
déclaration ci-dessous qu’ils ont soumis à la discussion et à l’appro
9958
ils ont soumis à la discussion et à l’approbation
de
leurs mouvements respectifs et de l’ensemble des mouvements de résist
9959
à l’approbation de leurs mouvements respectifs et
de
l’ensemble des mouvements de résistance européens… La résistance à l’
9960
ements respectifs et de l’ensemble des mouvements
de
résistance européens… La résistance à l’oppression nazie qui unit les
9961
istance à l’oppression nazie qui unit les peuples
d’
Europe dans un même combat a créé entre eux une solidarité et une comm
9962
a créé entre eux une solidarité et une communauté
de
but et d’intérêts qui prennent toute leur signification et toute leur
9963
re eux une solidarité et une communauté de but et
d’
intérêts qui prennent toute leur signification et toute leur portée da
9964
rtée dans le fait que les délégués des mouvements
de
résistance européens se sont réunis pour rédiger la présente déclarat
9965
tion. … Souscrivant aux déclarations essentielles
de
la Charte de l’Atlantique, ils affirment que la vie des peuples qu’il
9966
rivant aux déclarations essentielles de la Charte
de
l’Atlantique, ils affirment que la vie des peuples qu’ils représenten
9967
’ils représentent doit être fondée sur le respect
de
la personne, la sécurité, la justice sociale, l’utilisation intégrale
9968
ctivité tout entière et l’épanouissement autonome
de
la vie nationale. Ces buts ne peuvent être atteints que si les divers
9969
tteints que si les divers pays du monde acceptent
de
dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant
9970
vers pays du monde acceptent de dépasser le dogme
de
la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique orga
9971
anisation fédérale. La paix européenne est la clé
de
voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule généra
9972
fédérale. La paix européenne est la clé de voûte
de
la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’E
9973
oûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace
d’
une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mond
9974
’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre
de
deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence
9975
nt tout pour origine l’existence sur ce continent
de
trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par
9976
continent de trente États souverains. Il importe
de
remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre
9977
orte de remédier à cette anarchie par la création
d’
une Union fédérale entre les peuples européens. Seule une Union fédéra
9978
utres peuples. Seule une Union fédérale permettra
de
résoudre les problèmes des tracés de frontières dans les zones de pop
9979
le permettra de résoudre les problèmes des tracés
de
frontières dans les zones de population mixte, qui cesseront ainsi d’
9980
problèmes des tracés de frontières dans les zones
de
population mixte, qui cesseront ainsi d’être l’objet des folles convo
9981
es zones de population mixte, qui cesseront ainsi
d’
être l’objet des folles convoitises nationalistes et deviendront de si
9982
s folles convoitises nationalistes et deviendront
de
simples questions de délimitation territoriale, de pure compétence ad
9983
nationalistes et deviendront de simples questions
de
délimitation territoriale, de pure compétence administrative. Seule u
9984
e simples questions de délimitation territoriale,
de
pure compétence administrative. Seule une Union fédérale permettra la
9985
ra la solution logique et naturelle des problèmes
de
l’accès à la mer des pays situés à l’intérieur du continent, de l’uti
9986
a mer des pays situés à l’intérieur du continent,
de
l’utilisation rationnelle des fleuves qui traversent plusieurs États,
9987
ent plusieurs États, du contrôle des détroits et,
d’
une manière générale, de la plupart des problèmes qui ont troublé les
9988
contrôle des détroits et, d’une manière générale,
de
la plupart des problèmes qui ont troublé les relations internationale
9989
exercer une juridiction directe dans les limites
de
ses attributions. 2. Une armée placée sous les ordres de ce gouvernem
9990
attributions. 2. Une armée placée sous les ordres
de
ce gouvernement et excluant toute autre armée nationale. 3. Un tribun
9991
toutes les questions relatives à l’interprétation
de
la Constitution fédérale et tranchera les différends éventuels entre
9992
ntre les États et la fédération. … Les mouvements
de
résistance soussignés s’engagent à considérer leurs problèmes nationa
9993
oblème européen dans son ensemble et ils décident
de
constituer dès à présent un bureau permanent chargé de coordonner leu
9994
nstituer dès à présent un bureau permanent chargé
de
coordonner leurs efforts pour la libération de leurs pays, pour l’org
9995
gé de coordonner leurs efforts pour la libération
de
leurs pays, pour l’organisation de l’Union fédérale des peuples europ
9996
la libération de leurs pays, pour l’organisation
de
l’Union fédérale des peuples européens et pour l’instauration de la p
9997
rale des peuples européens et pour l’instauration
de
la paix et de la justice dans le monde. Les mouvements fédéralistes
9998
es européens et pour l’instauration de la paix et
de
la justice dans le monde. Les mouvements fédéralistes qui se constit
9999
congrès européen après la guerre, sont animés par
de
jeunes chefs issus de la Résistance : Spinelli, Kogon, Brugmans, Fren
10000
la guerre, sont animés par de jeunes chefs issus
de
la Résistance : Spinelli, Kogon, Brugmans, Frenay. En même temps, que
10001
ême temps, quelques hommes politiques qui ont été
de
ceux qu’Hitler a emprisonnés ou exilés, ou de ceux qui ont conduit la
10002
été de ceux qu’Hitler a emprisonnés ou exilés, ou
de
ceux qui ont conduit la lutte contre les totalitaires, se prononcent
10003
prononcent en faveur d’une « union plus étroite »
de
nos peuples. Les militants travaillent, écrivent et organisent ; les
10004
Zurich, le 16 septembre 1946, propose « une sorte
d’
États-Unis d’Europe325 : Ce noble continent est le foyer des grandes
10005
tinent est le foyer des grandes races ancestrales
de
l’Occident. Il est la source de la foi et de l’éthique chrétienne. Il
10006
races ancestrales de l’Occident. Il est la source
de
la foi et de l’éthique chrétienne. Il est le berceau de la civilisati
10007
ales de l’Occident. Il est la source de la foi et
de
l’éthique chrétienne. Il est le berceau de la civilisation occidental
10008
foi et de l’éthique chrétienne. Il est le berceau
de
la civilisation occidentale. Et pourtant, c’est de l’Europe que sont
10009
e la civilisation occidentale. Et pourtant, c’est
de
l’Europe que sont issues toutes les terribles querelles nationalistes
10010
es nationalistes qui, par deux fois dans le temps
de
nos vies, sont venues briser la paix et obscurcir l’avenir de toute l
10011
sont venues briser la paix et obscurcir l’avenir
de
toute l’humanité. Quel est donc le sort misérable auquel l’Europe se
10012
ts États ont certes réussi à se relever, mais sur
de
vastes territoires des masses tremblantes d’êtres humains tourmentés
10013
sur de vastes territoires des masses tremblantes
d’
êtres humains tourmentés et angoissés, affamés, rongés de soucis et se
10014
humains tourmentés et angoissés, affamés, rongés
de
soucis et se sentant perdus ouvrent des yeux agrandis sur les ruines
10015
t perdus ouvrent des yeux agrandis sur les ruines
de
leurs villes et de leurs foyers, et scrutent le sombre horizon, cherc
10016
s yeux agrandis sur les ruines de leurs villes et
de
leurs foyers, et scrutent le sombre horizon, cherchant d’où vont veni
10017
foyers, et scrutent le sombre horizon, cherchant
d’
où vont venir les nouveaux périls, la tyrannie ou la terreur. Parmi le
10018
ie ou la terreur. Parmi les vainqueurs, une Babel
de
voix confuses ; parmi les vaincus le morne silence du désespoir. N’ét
10019
is désormais que la ruine et la mise en esclavage
de
l’Europe scelleraient aussi leur propre destin, les temps sombres du
10020
erait comme par miracle toute la scène, et ferait
de
l’Europe, en peu d’années, une terre aussi libre et heureuse que cell
10021
cle toute la scène, et ferait de l’Europe, en peu
d’
années, une terre aussi libre et heureuse que celle de la Suisse d’auj
10022
nées, une terre aussi libre et heureuse que celle
de
la Suisse d’aujourd’hui. Quel est ce remède souverain ? C’est de refo
10023
re aussi libre et heureuse que celle de la Suisse
d’
aujourd’hui. Quel est ce remède souverain ? C’est de reformer la famil
10024
aujourd’hui. Quel est ce remède souverain ? C’est
de
reformer la famille européenne, dans toute la mesure où nous le pouvo
10025
ans toute la mesure où nous le pouvons encore, et
de
l’assurer d’une structure à l’abri de laquelle elle puisse vivre en p
10026
mesure où nous le pouvons encore, et de l’assurer
d’
une structure à l’abri de laquelle elle puisse vivre en paix et en séc
10027
encore, et de l’assurer d’une structure à l’abri
de
laquelle elle puisse vivre en paix et en sécurité. Nous devons constr
10028
et en sécurité. Nous devons construire une sorte
d’
États-Unis d’Europe. Ainsi seulement, des centaines de millions de tra
10029
ats-Unis d’Europe. Ainsi seulement, des centaines
de
millions de travailleurs seront capables de retrouver les simples joi
10030
urope. Ainsi seulement, des centaines de millions
de
travailleurs seront capables de retrouver les simples joies et les es
10031
aines de millions de travailleurs seront capables
de
retrouver les simples joies et les espoirs qui rendent la vie digne d
10032
les joies et les espoirs qui rendent la vie digne
d’
être vécue. De la conjonction d’une vingtaine de « mouvements fédéral
10033
s espoirs qui rendent la vie digne d’être vécue.
De
la conjonction d’une vingtaine de « mouvements fédéralistes », de que
10034
ent la vie digne d’être vécue. De la conjonction
d’
une vingtaine de « mouvements fédéralistes », de quelques grands homme
10035
d’être vécue. De la conjonction d’une vingtaine
de
« mouvements fédéralistes », de quelques grands hommes politiques, et
10036
n d’une vingtaine de « mouvements fédéralistes »,
de
quelques grands hommes politiques, et de plusieurs centaines de déput
10037
istes », de quelques grands hommes politiques, et
de
plusieurs centaines de députés, dirigeants syndicalistes, intellectue
10038
ands hommes politiques, et de plusieurs centaines
de
députés, dirigeants syndicalistes, intellectuels et économistes, conj
10039
, le Polonais Joseph Retinger, résulte le Congrès
de
l’Europe, qui se réunit à La Haye le 7 mai 1948. Le document que nous
10040
nace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée
de
barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient
10041
e, encombrée de barrières qui empêchent ses biens
de
circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désuni
10042
éger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun
de
nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
10043
s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse
de
son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
10044
à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun
de
nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
10045
oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut
d’
une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
10046
n à l’unification forcée, soit par l’intervention
d’
un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. L’heu
10047
tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation
d’
un parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une action qui so
10048
surpation d’un parti du dedans. L’heure est venue
d’
entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble,
10049
le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples
d’
outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
10050
on politique et le plus vaste ensemble économique
de
notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
10051
u monde n’aura connu un si puissant rassemblement
d’
hommes libres. Jamais la guerre, la peur et la misère n’auront été mis
10052
grand péril et cette grande espérance la vocation
de
l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leu
10053
ation de l’Europe se définit clairement. Elle est
d’
unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité,
10054
ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui
de
la diversité, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles
10055
ns les conditions du xxe siècle, qui sont celles
de
la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie
10056
herche, la voie des libertés organisées. Elle est
de
ranimer ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’illustrati
10057
rtés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs
d’
invention pour la défense et pour l’illustration des droits et des dev
10058
et pour l’illustration des droits et des devoirs
de
la personne humaine, dont malgré toute ses infidélités, l’Europe deme
10059
eux du monde le grand témoin. La conquête suprême
de
l’Europe s’appelle la dignité de l’homme et sa vraie force est dans l
10060
conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité
de
l’homme et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final
10061
force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final
de
notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, mais aussi pour
10062
éfice à tous les hommes, que nous voulons l’union
de
notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de
10063
Sur cette union l’Europe joue son destin et celui
de
la paix du monde. Soit donc notoire à tous que nous, Européens, rasse
10064
assemblés pour donner une voix à tous les peuples
de
ce continent, déclarons solennellement notre commune volonté dans les
10065
des droits de l’homme, garantissant les libertés
de
pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une
10066
de l’homme, garantissant les libertés de pensée,
de
réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition
10067
arantissant les libertés de pensée, de réunion et
d’
expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition politique. 3°
10068
nion et d’expression, ainsi que le libre exercice
d’
une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable
10069
ne opposition politique. 3° Nous voulons une Cour
de
justice capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour que soit r
10070
ique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable
d’
appliquer les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte.
10071
ropéenne, où soient représentées les forces vives
de
toutes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement d’ap
10072
s vives de toutes nos nations. 5° Et nous prenons
de
bonne foi l’engagement d’appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers
10073
ons. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement
d’
appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos pa
10074
nous prenons de bonne foi l’engagement d’appuyer
de
tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos partis, dans
10075
t les gouvernements qui travaillent à cette œuvre
de
salut public, suprême chance de la paix et gage d’un grand avenir, po
10076
ent à cette œuvre de salut public, suprême chance
de
la paix et gage d’un grand avenir, pour cette génération et celles qu
10077
e salut public, suprême chance de la paix et gage
d’
un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. Du
10078
génération et celles qui la suivront. Du congrès
de
La Haye naît le Mouvement européen, dont l’action immédiate aboutit,
10079
à la création du Conseil de l’Europe. Le congrès
de
La Haye, dans sa Résolution politique, avait proclamé : « L’heure est
10080
t proclamé : « L’heure est venue pour les nations
de
l’Europe de transférer certains de leurs droits souverains pour les e
10081
« L’heure est venue pour les nations de l’Europe
de
transférer certains de leurs droits souverains pour les exercer désor
10082
ur les nations de l’Europe de transférer certains
de
leurs droits souverains pour les exercer désormais en commun. » En fa
10083
e à ce vœu, se trouva réaliser plutôt les projets
d’
Aristide Briand. La conférence des délégués nationaux, le comité polit
10084
le tribunal européen préconisés par le Mémorandum
de
1930 trouvent en effet leur réalisation dans l’Assemblée consultative
10085
, le secrétariat et la Cour des droits de l’homme
de
Strasbourg. Aussi n’est-il pas question de « lien fédéral » ni de « t
10086
’homme de Strasbourg. Aussi n’est-il pas question
de
« lien fédéral » ni de « transfert de souveraineté », mais seulement
10087
ussi n’est-il pas question de « lien fédéral » ni
de
« transfert de souveraineté », mais seulement « d’union plus étroite
10088
as question de « lien fédéral » ni de « transfert
de
souveraineté », mais seulement « d’union plus étroite » dans l’articl
10089
e « transfert de souveraineté », mais seulement «
d’
union plus étroite » dans l’article 1er du Statut du Conseil de l’Euro
10090
rticle 1er (a) Le but du Conseil de l’Europe est
de
réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder
10091
étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et
de
promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commu
10092
les principes qui sont leur patrimoine commun et
de
favoriser leur progrès économique et social. (b) Ce but sera poursuiv
10093
es organes du Conseil, par l’examen des questions
d’
intérêt commun, par la conclusion d’accords et par l’adoption d’une ac
10094
des questions d’intérêt commun, par la conclusion
d’
accords et par l’adoption d’une action commune dans les domaines écono
10095
un, par la conclusion d’accords et par l’adoption
d’
une action commune dans les domaines économique, social, culturel, sci
10096
ions relatives à la défense nationale ne sont pas
de
la compétence du Conseil de l’Europe. En revanche, trois ans plus ta
10097
ui répond, dès son préambule, aux vœux du congrès
de
La Haye, en parlant d’une « fusion des intérêts essentiels » et « d’i
10098
mbule, aux vœux du congrès de La Haye, en parlant
d’
une « fusion des intérêts essentiels » et « d’institutions communes ca
10099
ant d’une « fusion des intérêts essentiels » et «
d’
institutions communes capables d’orienter un destin désormais partagé
10100
ssentiels » et « d’institutions communes capables
d’
orienter un destin désormais partagé ». Les six parties contractantes
10101
lisations concrètes créant d’abord une solidarité
de
fait, et par l’établissement de bases communes de développement écono
10102
rd une solidarité de fait, et par l’établissement
de
bases communes de développement économique ; Soucieux de concourir p
10103
de fait, et par l’établissement de bases communes
de
développement économique ; Soucieux de concourir par l’expansion de
10104
communes de développement économique ; Soucieux
de
concourir par l’expansion de leurs productions fondamentales au relèv
10105
onomique ; Soucieux de concourir par l’expansion
de
leurs productions fondamentales au relèvement du niveau de la vie et
10106
productions fondamentales au relèvement du niveau
de
la vie et au progrès des œuvres de paix ; Résolus à substituer aux r
10107
ment du niveau de la vie et au progrès des œuvres
de
paix ; Résolus à substituer aux rivalités séculaires une fusion de l
10108
à substituer aux rivalités séculaires une fusion
de
leurs intérêts essentiels, à fonder par l’instauration d’une communau
10109
intérêts essentiels, à fonder par l’instauration
d’
une communauté économique les premières assises d’une communauté plus
10110
d’une communauté économique les premières assises
d’
une communauté plus large et plus profonde entre des peuples longtemps
10111
ar des divisions sanglantes, et à jeter les bases
d’
institutions capables d’orienter un destin désormais partagé ; Ont dé
10112
tes, et à jeter les bases d’institutions capables
d’
orienter un destin désormais partagé ; Ont décidé de créer une Commun
10113
rienter un destin désormais partagé ; Ont décidé
de
créer une Communauté européenne du charbon et de l’acier… Et l’artic
10114
igné à Rome le 25 mars 1957) revient à la formule
de
l’union « plus étroite » : mais ce comparatif prend cette fois-ci un
10115
end cette fois-ci un sens concret, puisqu’on part
d’
une union existante réalisée par la CECA. Les chefs des États membres
10116
ne action commune le progrès économique et social
de
leur pays en éliminant les barrières qui divisent l’Europe… Soucieux
10117
ant les barrières qui divisent l’Europe… Soucieux
de
renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement
10118
divisent l’Europe… Soucieux de renforcer l’unité
de
leurs économies et d’en assurer le développement harmonieux en réduis
10119
ucieux de renforcer l’unité de leurs économies et
d’
en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les
10120
gions et le retard des moins favorisées. Désireux
de
contribuer, grâce à une politique commerciale commune, à la suppressi
10121
instituant la CECA. Quant aux aspects politiques
de
l’union, les porte-paroles des gouvernements ne les évoquent encore q
10122
des gouvernements ne les évoquent encore qu’avec
d’
infinies précautions. Ainsi le général de Gaulle, dans son discours du
10123
il que les nations qui s’associent ne cessent pas
d’
être elles-mêmes et que la voie suivie soit celle d’une coopération or
10124
être elles-mêmes et que la voie suivie soit celle
d’
une coopération organisée des États, en attendant d’en venir, peut-êtr
10125
une coopération organisée des États, en attendant
d’
en venir, peut-être, à une imposante Confédération. Cette attente, ce
10126
essés », répètent les hommes d’État aux pionniers
de
la fédération. Pour le malheur de l’Europe et du monde, ils le répète
10127
t aux pionniers de la fédération. Pour le malheur
de
l’Europe et du monde, ils le répètent depuis six siècles et demi — ex
10128
ècles et demi — exactement depuis 1306. Le projet
de
Pierre Dubois était « prématuré », comme le furent ceux de Podiebrad
10129
Dubois était « prématuré », comme le furent ceux
de
Podiebrad et de Crucé, de Sully et de Comenius, de William Penn et de
10130
prématuré », comme le furent ceux de Podiebrad et
de
Crucé, de Sully et de Comenius, de William Penn et de l’abbé de Saint
10131
», comme le furent ceux de Podiebrad et de Crucé,
de
Sully et de Comenius, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre, d
10132
furent ceux de Podiebrad et de Crucé, de Sully et
de
Comenius, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre, de Kant, de S
10133
e Podiebrad et de Crucé, de Sully et de Comenius,
de
William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre, de Kant, de Saint-Simon, d
10134
rucé, de Sully et de Comenius, de William Penn et
de
l’abbé de Saint-Pierre, de Kant, de Saint-Simon, de Mazzini, de Coude
10135
us, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre,
de
Kant, de Saint-Simon, de Mazzini, de Coudenhove et de Briand, enfin d
10136
lliam Penn et de l’abbé de Saint-Pierre, de Kant,
de
Saint-Simon, de Mazzini, de Coudenhove et de Briand, enfin du congrès
10137
l’abbé de Saint-Pierre, de Kant, de Saint-Simon,
de
Mazzini, de Coudenhove et de Briand, enfin du congrès de La Haye. Les
10138
aint-Pierre, de Kant, de Saint-Simon, de Mazzini,
de
Coudenhove et de Briand, enfin du congrès de La Haye. Les conditions
10139
ant, de Saint-Simon, de Mazzini, de Coudenhove et
de
Briand, enfin du congrès de La Haye. Les conditions de « maturité » d
10140
ini, de Coudenhove et de Briand, enfin du congrès
de
La Haye. Les conditions de « maturité » de la fédération politique n’
10141
iand, enfin du congrès de La Haye. Les conditions
de
« maturité » de la fédération politique n’ayant pas été définies, ce
10142
ongrès de La Haye. Les conditions de « maturité »
de
la fédération politique n’ayant pas été définies, ce jeu peut continu
10143
eu peut continuer aussi longtemps que les ennemis
de
l’Europe lui en laisseront le loisir, pas davantage. 324. Texte com
10144
ement commenté, dans L’Europe de Demain, Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1945. 325. Cf. le discours de Briand, supr
10145
aconnière, Neuchâtel, 1945. 325. Cf. le discours
de
Briand, supra : « une sorte de lien fédéral ». La gaucherie de ces fo
10146
5. Cf. le discours de Briand, supra : « une sorte
de
lien fédéral ». La gaucherie de ces formules traduit bien l’hésitatio
10147
pra : « une sorte de lien fédéral ». La gaucherie
de
ces formules traduit bien l’hésitation de la pensée politique. 326.
10148
ucherie de ces formules traduit bien l’hésitation
de
la pensée politique. 326. Texte recueilli dans l’Europe en Jeu, par
10149
ns l’Europe en Jeu, par D. de Rougemont, Éditions
de
la Baconnière, Neuchâtel, 1948.