1 1962, Les Chances de l’Europe. Avertissement
1 dans ce petit volume ont été prononcées à l’aula de l’Université de Genève, dans le cadre des cours de studium generale d
2 olume ont été prononcées à l’aula de l’Université de Genève, dans le cadre des cours de studium generale destinés aux étud
3 e l’Université de Genève, dans le cadre des cours de studium generale destinés aux étudiants de toutes les facultés et ouv
4 cours de studium generale destinés aux étudiants de toutes les facultés et ouverts au public. Le thème m’en avait été pro
5 té proposé par le professeur Éric Martin, recteur de l’Université, auquel je dis ici ma gratitude. En m’invitant à occuper
6 n m’invitant à occuper, les quatre jeudis du mois de mai cette chaire comparable à plus d’un égard au « siège périlleux »
7 dis du mois de mai cette chaire comparable à plus d’ un égard au « siège périlleux » dont parlent les romans bretons, il me
8 t les romans bretons, il me proposait une épreuve d’ une séduisante difficulté. Présenter en quelques quarts d’heure l’aven
9 duisante difficulté. Présenter en quelques quarts d’ heure l’aventure millénaire des Européens, c’était en soi courir une «
10 courir une « aventure ». Bien plus, il s’agissait de répondre à la question que le titre posait d’une manière implicite, e
11 ait de répondre à la question que le titre posait d’ une manière implicite, et de risquer un pronostic sur l’avenir prochai
12 n que le titre posait d’une manière implicite, et de risquer un pronostic sur l’avenir prochain de l’Europe, devant un pub
13 et de risquer un pronostic sur l’avenir prochain de l’Europe, devant un public jeune dont je croyais connaître certaines
14 endances à ne tenir pour sérieux que les constats de crise sans issue, exprimés dans le jargon à la mode de naguère. Je me
15 ise sans issue, exprimés dans le jargon à la mode de naguère. Je me trompais sur ce dernier point. La patience et la sympa
16 que je dédie ces quatre brefs essais sur l’espoir de l’Europe. D. de R.
17 quatre brefs essais sur l’espoir de l’Europe. D. de R.
2 1962, Les Chances de l’Europe. I. L’aventure mondiale des Européens
18 mondiale des Européens Je voudrais vous parler de l’Europe non pas comme d’une cause à défendre ou d’une patrie plus va
19 Je voudrais vous parler de l’Europe non pas comme d’ une cause à défendre ou d’une patrie plus vaste à glorifier, mais comm
20 l’Europe non pas comme d’une cause à défendre ou d’ une patrie plus vaste à glorifier, mais comme d’une aventure décisive
21 u d’une patrie plus vaste à glorifier, mais comme d’ une aventure décisive pour l’humanité tout entière. Je voudrais vous p
22 l’humanité tout entière. Je voudrais vous parler de l’Europe comme de cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », a
23 ntière. Je voudrais vous parler de l’Europe comme de cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer
24 monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumental
25 a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumentale et néces
26 té aussi la condition instrumentale et nécessaire d’ une véritable histoire universelle — celle où nous sommes bel et bien
27 e moitié du xxe siècle, en sorte que les chances de l’Europe dans l’avenir se confondent pratiquement, désormais, avec ce
28 e confondent pratiquement, désormais, avec celles de la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence n
29 nt, désormais, avec celles de la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont
30 œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ ensemble, dont elle n’est plus propriétaire, mais dont elle garde enco
31 core certains secrets vitaux. Je n’aurai pas trop de quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette définition de
32 ur établir cette thèse centrale, cette définition de l’Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à d
33 ets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon les aute
34 ais été dominée jusqu’ici par une seule puissance d’ outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation que le monde entier
35 le en partant des données physiques et naturelles de notre petit continent, comme le veut une pensée héritée d’un xixe si
36 petit continent, comme le veut une pensée héritée d’ un xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans le savoir, plus ma
37 s pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a de spécifique. Certes, le découpage profond des côtes, propice à la navi
38 par montagnes et fleuves, favorisant la formation de communautés bien distinctes et solidement enracinées, le climat tempé
39 dans le centre du moins, permettant une économie d’ énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’in
40 ntales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’ inscrire dans notre sol l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On ne p
41 ndis qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides d’ un extrême à l’autre stimulent les esprits et les arrachent à l’insouc
42 i « semble avoir tout fait pour hâter les progrès de la civilisation »2. Plus réaliste, la Géographie universelle de Mante
43 tion »2. Plus réaliste, la Géographie universelle de Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe his
44 , reconnaît que l’Europe historique n’est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont V
45 sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans le passage f
46 s’être inspiré dans le passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendic
47 le passage fameux où il parle de l’Europe comme «  d’ une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’As
48 ameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie » mais qu
49 pe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’ un appendice occidental de l’Asie » mais qui n’en serait pas moins « l
50 cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie » mais qui n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’un
51 s qui n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
52 partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ». Voici le passage : En sort
53 vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’ un vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la natur
54 corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
55 aujourd’hui. Petit continent qui possède le moins de richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
56 ichesses territoriales… nous ne sommes riches que d’ emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette régi
57 ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette région que la nature n’avait ornée que de for
58 in : cette région que la nature n’avait ornée que de forêts immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
59 avait ornée que de forêts immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
60 est peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
61 qui ne figure sur le globe que comme un appendice de l’Asie, est devenue la métropole du genre humain.3 Voilà donc l’imp
62 opole du genre humain.3 Voilà donc l’importance de la géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à
63 mographie qu’il faudrait aller demander le secret de l’expansion européenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de p
64 opéenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la Terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée
65 oup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la Terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée depuis longte
66 chacune au xxe siècle entre 500 et 600 millions d’ habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe, su
67 llions d’habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe, sur 15 % de sa superficie solide)4. Mais l’Eu
68 peu près 60 % de la population du globe, sur 15 % de sa superficie solide)4. Mais l’Europe de la Renaissance, celle des gr
69 nce, celle des grandes découvertes précisément et de l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et q
70 pays les plus prospères et entreprenants. Ainsi, de 1328 à 1700, selon Charles Morazé5, la France compte à peu près le mê
71 razé5, la France compte à peu près le même nombre d’ habitants, c’est-à-dire au plus dix millions. Le grand essor démograph
72 u plus dix millions. Le grand essor démographique de nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que
73 ment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule de l’Asie, à peu près comparable en étendue à l’Europe de l’Ouest, mais
74 r du monde et dominait sur la plupart des nations de l’époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui éta
75 il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui
76 les démographes — qui prédisent donc le contraire de ce que l’Occident redoute)6, comment se fait-il que les Chinois n’aie
77 ticipé à l’histoire du monde que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’absorber leurs conquérants, Huns ou Mongol
78 que par leur faculté de se laisser conquérir, et d’ absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques et
79 t naturelles ne pouvant rendre compte des destins de l’Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’Europ
80 nisme, comme le soutient une très nombreuse école d’ excellents historiens catholiques contemporains ? Cela se discute. Hip
81 si Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà d’ une Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne co
82 naire des chrétiens, durant le premier millénaire de notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes le
83 en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte de Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évê
84 bar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évêchés nestoriens dans la Chine du ixe siècle, sous la dyn
85 n colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été, de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au
86 par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’ incarner, sur laquelle elle n’a pas de « copyright »… Reste le fait qu
87 pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas de « copyright »… Reste le fait que le christianisme a très puissamment
88 nt contribué à la synthèse européenne. Notre idée de la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche7
89 s principes politiques en dérivent. Or notre idée de la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont s
90 ent. Or notre idée de la science et nos principes d’ égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’a
91 re idée de la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mon
92 science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Eur
93 sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phé
94 s l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe, le christiani
95 ligion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non d’ elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme
96 re nous oblige à constater : la fonction mondiale de l’Europe. Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît d
97 ns les faits. Ce n’est pas le déroulement logique d’ une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuise
98 . Ce n’est pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’es
99 où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement d’ un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est
100 calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’un esprit hégélien
101 e quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’ un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, a
102 ation d’un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’est au con
103 e attitude constante devant la vie. L’explication d’ un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était
104 étype, dans son mythe. Or, ce mouvement créateur de l’Europe, je le trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de
105 trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la m
106 t déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’ Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure
107 ue l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, tran
108 ndaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’ une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taurea
109 ne nous restent plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des col
110 nt plus que les peintures rupestres de Lascaux et d’ Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’un
111 ntement repeuplée par des colons venus d’une part de l’Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et e
112 agne8. Elle est née à la civilisation par l’effet d’ apports successifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mé
113 créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une
114 les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et de là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Er
115 ues nomment Ereb, très probable étymologie du nom d’ Europe9. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le plus
116 dra du pays le plus proche de ce rivage phénicien d’ où avait été enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au con
117 ent. On sait cela, mais on connaît moins la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laque
118 s la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus gr
119 rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’ Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus grande importance
120 ande importance symbolique. Europe était la fille d’ Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à
121 oi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une dir
122 onna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une direction différente. Et
123 que d’autres découvraient les rives du Continent, de l’Espagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes
124 Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il
125 ver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? — « 
126 aternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? — « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pyt
127 ne vache et pousse-la devant toi sans lui laisser de répit : là où elle tombera d’épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Ca
128 oi sans lui laisser de répit : là où elle tombera d’ épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes10. Fable amb
129 outes les choses divines, ménageant notre liberté d’ interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est
130 ines, ménageant notre liberté d’interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’im
131 en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géogr
132 elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On voit combien, dès ces temps fabuleux, il semble dif
133 bien, dès ces temps fabuleux, il semble difficile de savoir « où est l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un be
134 a seconde légende relative à ses origines : celle de Japhet. Selon la Genèse commentée par les Pères de l’Église primitive
135 , l’Afrique mais aussi l’esclavage, pour le punir d’ avoir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères
136 ivresse sans songer comme ses frères à le couvrir d’ un manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe
137 ; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse d’ une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate et les
138 c’est le mot-clé. Retraçons maintenant les étapes de cette expansion planétaire. Vues dans le raccourci des siècles, elles
139 courci des siècles, elles évoquent les mouvements de systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de dur
140 cles, elles évoquent les mouvements de systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mo
141 évoquent les mouvements de systole et de diastole d’ un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : co
142 diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : concentration des valeurs religieuses et c
143 et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule d’ Occident. Nous avons vu que les populations, les religions, les procéd
144 ligions, les procédés techniques et les rudiments de la science, tout est venu de l’est vers l’Europe, tout s’est lentemen
145 , tout s’est lentement concentré dans cette sorte d’ impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une pre
146 ment concentré dans cette sorte d’impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une première culture orig
147 culture originale se constitue en Grèce. L’Empire de Rome la diffuse et la transforme. À l’individualisme qui régnait dans
148 it dans les cités grecques, il substitue le culte de l’État et des grandes institutions centralisées, et il étend leur aut
149 rité sur toute l’Europe de l’Ouest. Dans le cadre de cet empire se trouvent inclus des Celtes, des Germains et des Slaves,
150 aves, des « barbares » toujours plus nombreux, et de traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intég
151 nombreux, et de traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’
152 gressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi,
153 par la Méditerranée : le christianisme. À la fin de l’Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsul
154 la péninsule européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nord
155 européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nordiques, contin
156 stes et magiques. Et c’est l’Église qui va tenter d’ opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent o
157 ise qui va tenter d’opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe e
158 erre ouverte. L’Europe et sa culture résulteront de cette fusion jamais achevée, toujours instable, et dont la grande ori
159 rande originalité — si on la compare aux cultures de l’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’éléments de prov
160 la compare aux cultures de l’Asie — est justement d’ être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de ten
161 ’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’ éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pend
162 justement d’être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le
163 e dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge et ses luttes me
164 tation se poursuit en vase clos : dans une espèce de creuset d’alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprév
165 oursuit en vase clos : dans une espèce de creuset d’ alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprévues. Vraime
166 tes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés de toutes communications régulières avec les civilisations de l’Inde et
167 communications régulières avec les civilisations de l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Ru
168 ns régulières avec les civilisations de l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou Jea
169 ades, et ils ont échoué. Comment forcer le verrou de l’islam ? Comment apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes d
170 apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à c
171 onne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querelles
172 omment réaliser les ambitions impériales héritées de Rome, les rêveries enfiévrées des savants cosmographes, la vocation m
173 voies terrestres sont barrées. Restent les voies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son dépa
174 ies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petit
175 e mondiale de l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des
176 in de Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des grandes découvertes fut une sorte d’explosion
177 La période des grandes découvertes fut une sorte d’ explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans les
178 i pour trouver l’Inde fabuleuse, aux cités pavées d’ or, disait-on, et pour en ramener les trésors avec lesquels son roi co
179 et délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambition
180 em. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de sc
181 un arrière-plan de foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique
182 ieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête
183 malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul cou
184 s, d’ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
185 s impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulyss
186 e que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’origine, et fondateu
187 de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’ origine, et fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d
188 rétien, probablement juif d’origine, et fondateur d’ empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui
189 hristophe, porteur du Christ — en vérité, porteur de l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fo
190 n lui me semble illustrer les traits fondamentaux de notre Europe, légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne
191 a fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur de trésors, le missionnaire et le croisé. Pour qu’apparût l’aventurier f
192 iévreux qui allait revêtir les titres prestigieux de « vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « 
193 Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Co
194 découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursu
195 lait que Jason eût été en Colchide à la poursuite d’ une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autr
196 a poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en
197 occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route de l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’or non pour eux-mêm
198 e l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’ or non pour eux-mêmes mais pour payer une dernière croisade utopique.
199 nière croisade utopique. Derrière l’audace inouïe de Colomb, nous retrouvons ainsi le jeu complexe, le conflit perpétuel,
200 u complexe, le conflit perpétuel, souvent fécond, de toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusa
201 , souvent fécond, de toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusalem, la magie celte, l’inquiétud
202 erte par erreur des Amériques, et ce fut le début de l’expansion séculaire, économique, politique et religieuse, d’un peti
203 n séculaire, économique, politique et religieuse, d’ un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de
204 que et religieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui
205 gieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conq
206 ’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes
207 ur à tour, toutes les autres. L’aventure mondiale de l’Europe se déroule à partir de Colomb sur un rythme assez comparable
208 de Colomb sur un rythme assez comparable à celui d’ une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération crois
209 hme assez comparable à celui d’une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération croissante, mise à feu d’é
210 rt très lent, accélération croissante, mise à feu d’ étages successifs, mise sur orbite, et après quelques tours de la Terr
211 cessifs, mise sur orbite, et après quelques tours de la Terre, retombée rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’
212 Mais ce retour du satellite n’est pas un échec ! D’ innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font déso
213 route, elles font désormais partie non seulement de la science mais de la conscience du genre humain, agrandies et modifi
214 désormais partie non seulement de la science mais de la conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais. Ces é
215 . Ces étages mis à feu successivement, ces étapes de la conquête de l’espace terrestre par les Européens, vous les connais
216 s à feu successivement, ces étapes de la conquête de l’espace terrestre par les Européens, vous les connaissez : c’est d’a
217 , accompli par Magellan, puis ce sont la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte
218 t la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte des côtes africaines, la soumission
219 puis des Indes au xviiie siècle, la colonisation de l’Indonésie par les Portugais et les Hollandais, de l’immense Sibérie
220 l’Indonésie par les Portugais et les Hollandais, de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à l
221 de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à la civilisation européenne au milieu du xixe sièc
222 au milieu du xixe siècle, enfin la colonisation de l’Afrique noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xx
223 e noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xxe siècle, on peut dire que l’Europe a placé sur orbite sa ci
224 placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages de la fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’étaient la con
225 r économique ou politique, enfin la colonisation. De siècle en siècle, les continents découverts et régis par l’Europe se
226 découverts et régis par l’Europe se sont libérés de sa tutelle : l’Amérique du Nord la première, dès la fin du xviiie si
227 ud-Est asiatique et le Proche-Orient au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, puis presque toute l’Afrique vers 1960.
228 es uns des autres. Elle avait permis à l’humanité de prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même d
229 e avait permis à l’humanité de prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus
230 manité de prendre conscience de son unité. L’idée d’ universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des c
231 de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe chrétie
232 genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on
233 — sont des créations de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fa
234 s’est révolté contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect
235 é contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes
236 au nom même des valeurs de liberté, de justice et d’ égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes
237 de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes, qu’elle avait elle-même formulées
238 ici réduite à elle-même, ramenée dans les limites de son cap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le
239 u’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’ un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputen
240 au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent la primauté — l
241 s que l’Afrique, l’Asie et le monde arabe tentent de grouper leurs forces renaissantes contre l’Occident divisé. Serait-ce
242 santes contre l’Occident divisé. Serait-ce la fin de l’Aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l’ensemble et
243 eurs, c’est-à-dire contre l’Occident ? Avant même d’ essayer de répondre à cette question, d’une si brûlante actualité, ess
244 t-à-dire contre l’Occident ? Avant même d’essayer de répondre à cette question, d’une si brûlante actualité, essayons de r
245 vant même d’essayer de répondre à cette question, d’ une si brûlante actualité, essayons de résumer les caractères constant
246 e question, d’une si brûlante actualité, essayons de résumer les caractères constants du phénomène européen tel que nous v
247 nstants du phénomène européen tel que nous venons d’ en retracer le cours, et de l’esprit qui a soutenu pendant des siècles
248 en tel que nous venons d’en retracer le cours, et de l’esprit qui a soutenu pendant des siècles l’étonnant dynamisme occid
249 ynamisme occidental. Il me semble qu’un des héros de la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la passion qui ani
250 me cette aventure sans précédent : je veux parler de l’Ulysse homérique, du personnage central de l’Odyssée. Son départ po
251 rler de l’Ulysse homérique, du personnage central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville
252 e central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver l’honne
253 he-Orient, afin de sauver l’honneur occidental et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’
254 neur occidental et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, qu
255 et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt si
256 qui sera, quinze à vingt siècles plus tard, celui de l’Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’
257 ’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amérique13. La victoire militaire des Grecs sur les Troyens préfigu
258 autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « poème de la force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plu
259 ues, c’est la suite, c’est l’aventure personnelle d’ Ulysse : l’Odyssée, cet interminable voyage vers la sagesse originelle
260 elon le sens latin du mot. Tout se passe, au long de l’épopée, comme si Ulysse, le courageux et le rusé, préférait secrète
261 ait secrètement le voyage à son but, les épreuves de la route à l’arrivée heureuse, et les risques sans cesse renouvelés a
262 a, identiquement, la passion des grands créateurs de la culture occidentale. L’Occidental est l’homme qui va toujours plus
263 à des traditions fixées par les ancêtres, au-delà de lui-même enfin, — à l’aventure ! Transcendant son destin, et même ses
264 ue son Dieu, sa vérité la plus intime, lui disait de marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et
265 ays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bi
266 ce fut là le terme de son aventure, mais le début d’ une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christo
267 d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’ être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savo
268 tint, car les deux grands problèmes qu’il tentait de résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et financer la der
269 r mesuré les conséquences lointaines, indéfinies, de découvertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, — 
270 vertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, — sans que nul pût prévoir comment… Dans cette imprévision,
271 risque assumé, je vois la parabole la plus exacte de l’aventure occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident
272 ture occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant 
273 e, sur tous les plans. Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologist
274 Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologistes contemporains — ave
275 ient avec précision, ils se trompent sur les buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils
276 buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tout im
277 nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tout imprévus, compromet les anciens équilibres,
278 ques toujours plus grands. Chercher plus loin, et de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est
279 . Chercher plus loin, et de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie form
280 de la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa
281 Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous
282 l suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous allons toujours plus vite, mais vers quo
283 ous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la jus
284 notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sag
285 ais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sagesse ? Préférer la
286 , à la sagesse ? Préférer la poursuite passionnée de vérités partielles, advienne que pourra, — préférer le risque créateu
287 férer le risque créateur à la méditation prudente d’ une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par
288 dente d’une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du mon
289 du monde, s’oppose le plus radicalement au génie de l’Orient métaphysique. ⁂ Pour tenter de prévoir maintenant les suite
290 au génie de l’Orient métaphysique. ⁂ Pour tenter de prévoir maintenant les suites de l’aventure européenne et si un autre
291 . ⁂ Pour tenter de prévoir maintenant les suites de l’aventure européenne et si un autre mouvement de diastole peut succé
292 de l’aventure européenne et si un autre mouvement de diastole peut succéder au mouvement de systole qui est en train de s’
293 mouvement de diastole peut succéder au mouvement de systole qui est en train de s’achever sous nos yeux — l’indépendance
294 train de s’achever sous nos yeux — l’indépendance de l’Algérie en marquant peut-être le terme — nous aurons à considérer s
295 s aurons à considérer successivement trois ordres de réalités : — les données géopolitiques de l’Europe dans le monde d’au
296 ordres de réalités : — les données géopolitiques de l’Europe dans le monde d’aujourd’hui, transformé par elle-même ; — le
297 s données géopolitiques de l’Europe dans le monde d’ aujourd’hui, transformé par elle-même ; — les forces vitales dont l’Eu
298 it, et les secrets qu’elle reste seule à détenir, d’ une civilisation bientôt universelle ; et enfin : — la fonction qu’ell
299 u’elle doit encore remplir en dépit des prophètes de sa décadence, dans un monde qui lui en veut surtout de lui avoir révé
300 décadence, dans un monde qui lui en veut surtout de lui avoir révélé sa misère, mais que parfois je crois entendre murmur
301 ort : défends-toi, tu dois vivre, car j’ai besoin de toi. 1. Hippocrate est le premier auteur, à notre connaissance, qui
302 airs, des eaux et des lieux, chapitre V, qui date de la fin du ve siècle avant J.-C., et qui fut peut-être rédigé par l’u
303 avant J.-C., et qui fut peut-être rédigé par l’un de ses disciples. Un demi-siècle plus tard, Aristote reprend ce parallèl
304 ibère), a laissé une description des pays connus, de la péninsule Ibérique aux pays de l’Asie au-delà du Taurus. Il insist
305 es pays connus, de la péninsule Ibérique aux pays de l’Asie au-delà du Taurus. Il insiste sur la variété des conditions de
306 Taurus. Il insiste sur la variété des conditions de vie favorisant des échanges féconds entre les peuples de l’Europe. 3
307 favorisant des échanges féconds entre les peuples de l’Europe. 3. Géographie universelle, par E. Mantelle et Malte-Brun,
308 telle et Malte-Brun, Paris, 1816. Le passage cité de Paul Valéry se trouve dans Variété I. « La Crise de l’Esprit », Paris
309 Paul Valéry se trouve dans Variété I. « La Crise de l’Esprit », Paris, 1924. 4. Ces chiffres sont nécessairement impréci
310 nt imprécis et ne peuvent indiquer que des ordres de grandeur. Les estimations de la population actuelle de la Chine varie
311 iquer que des ordres de grandeur. Les estimations de la population actuelle de la Chine varient entre 480 et 750 millions,
312 andeur. Les estimations de la population actuelle de la Chine varient entre 480 et 750 millions, selon la tendance politiq
313 Yougoslavie incluses) compte environ 335 millions d’ habitants, les pays satellites de l’URSS 95 millions. Selon qu’on ajou
314 ron 335 millions d’habitants, les pays satellites de l’URSS 95 millions. Selon qu’on ajoute ou non à ce total la Russie qu
315 oute ou non à ce total la Russie qu’on appelait «  d’ Europe » (jusqu’à l’Oural et à la mer Caspienne) on obtient des chiffr
316 ient des chiffres supérieurs ou inférieurs à ceux de la Chine. À la population de l’Inde (400 millions en 1959) il convien
317 ou inférieurs à ceux de la Chine. À la population de l’Inde (400 millions en 1959) il convient d’ajouter celle du Pakistan
318 tion de l’Inde (400 millions en 1959) il convient d’ ajouter celle du Pakistan, ce qui donne un total d’environ 500 million
319 ’ajouter celle du Pakistan, ce qui donne un total d’ environ 500 millions. 5. Charles Morazé, Essai sur l’Occident, Paris,
320 , Armand Colin, 1950, p. 76 : « La grande enquête de 1328 attribue à la France le même chiffre de population que celui pro
321 uête de 1328 attribue à la France le même chiffre de population que celui proposé par Vauban… à la fin du règne de Louis X
322 n que celui proposé par Vauban… à la fin du règne de Louis XIV ». 6. La population de la Chine vers 1850 était estimée à
323 la fin du règne de Louis XIV ». 6. La population de la Chine vers 1850 était estimée à 400 millions, celle du globe à 120
324 650 millions, la population totale du globe étant de 2800 millions, cela donne pour la Chine un peu moins d’un quart. Esti
325 0 millions, cela donne pour la Chine un peu moins d’ un quart. Estimations pour l’an 2000 : Chine 1100 millions, Monde 5600
326 traduction française par Jeanne Hersch, Éditions de Minuit, Paris, 1949. Voir aussi mon Aventure occidentale de l’homme
327 Paris, 1949. Voir aussi mon Aventure occidentale de l’homme , Albin Michel, Paris, 1957, chap. VII, l’Exploration de la m
328 bin Michel, Paris, 1957, chap. VII, l’Exploration de la matière. 8. Cf. André Varagnac, « Comment est née l’Europe ? », L
329 ableau p. 374. Voir aussi les ouvrages classiques de V. Gordon Childe, notamment L’Aube de la civilisation européenne, tra
330 classiques de V. Gordon Childe, notamment L’Aube de la civilisation européenne, traduction française Payot, Paris, 1949.
331 rançaise Payot, Paris, 1949. 9. Sur l’étymologie d’ Europe, cf. mes Vingt-huit siècles d’Europe , Payot, Paris, 1961, p. 
332 ’étymologie d’Europe, cf. mes Vingt-huit siècles d’ Europe , Payot, Paris, 1961, p. 28 à 33. La vérité historique de la lé
333 ot, Paris, 1961, p. 28 à 33. La vérité historique de la légende de l’Enlèvement d’Europe vient d’être corroborée une fois
334 1, p. 28 à 33. La vérité historique de la légende de l’Enlèvement d’Europe vient d’être corroborée une fois de plus par le
335 a vérité historique de la légende de l’Enlèvement d’ Europe vient d’être corroborée une fois de plus par le déchiffrement d
336 ique de la légende de l’Enlèvement d’Europe vient d’ être corroborée une fois de plus par le déchiffrement des inscriptions
337 par des savants anglais et américains : il s’agit d’ un langage phénicien écrit en caractères grecs. 10. Sur la légende de
338 en écrit en caractères grecs. 10. Sur la légende de Cadmus, voir Robert Graves, The Greek Myths, 2 vol., Penguin Books, L
339 ens en Béotie, cf. Victor Bérard, La Résurrection d’ Homère, p. 190 et 191, Paris, 1930. 11. Genèse, 9, 20 à 27, et tout l
340 Steiner Verlag, Wiesbaden, 1957. 12. Les titres de Colomb (ou Colón) lui furent donnés dans une lettre écrite de Barcelo
341 u Colón) lui furent donnés dans une lettre écrite de Barcelone par Ferdinand et Isabelle le 30 mars 1493 : « Don Cristóbal
342 en triomphateur. Sur les origines du Grand amiral de la mer Océane, sur les recherches scientifiques portugaises, italienn
343 ises, italiennes et allemandes qui sont à la base de ses calculs, et sur le « fantastique édifice biblico-cosmographique »
344 ar les chroniques remonte à 870. Elle est le fait de Norvégiens fuyant la tyrannie d’un roi local, Harald aux cheveux blon
345 Elle est le fait de Norvégiens fuyant la tyrannie d’ un roi local, Harald aux cheveux blonds. De l’Islande, les Vikings von
346 rannie d’un roi local, Harald aux cheveux blonds. De l’Islande, les Vikings vont explorer et coloniser le Groenland, où Er
347 d, où Erik le Rouge règne à la fin du xe siècle. De là, ils découvrent le Labrador, puis la Nouvelle-Écosse, enfin le Nor
348 des États-Unis, qu’ils baptisent Vinland, « pays de la vigne » ; ce sont les côtes du Maine. Une pierre runique, découver
349 des Suédois et des Norvégiens chargés par la cour de Norvège « de retrouver et de ramener au christianisme les colons du G
350 t des Norvégiens chargés par la cour de Norvège «  de retrouver et de ramener au christianisme les colons du Groenland qui
351 chargés par la cour de Norvège « de retrouver et de ramener au christianisme les colons du Groenland qui avaient disparu 
352 qui avaient disparu ». (Rapport du Musée national de Washington, cité par Paul Herrmann, L’Homme à la découverte du monde,
3 1962, Les Chances de l’Europe. II. Secret du dynamisme européen
353 l’aventure inouïe des habitants du cap occidental de l’Asie, étendant leur puissance sur tous les continents successivemen
354 puissance sur tous les continents successivement, de la Renaissance jusqu’aux deux guerres mondiales, et ce reflux qui sou
355 ai laissés sur cette question : serait-ce la fin de l’Aventure ? Tout pronostic relatif à l’Europe doit se baser, à mon a
356 l’Europe doit se baser, à mon avis, sur l’examen de nos trois facteurs déterminants pour les chances d’avenir du sujet :
357 nos trois facteurs déterminants pour les chances d’ avenir du sujet : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin
358 ir du sujet : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin sa fonction dans le monde ou vocation. Vitalité, volont
359 mier point : quelles sont les chances permanentes de l’Europe, et quels sont les secrets du dynamisme unique dans l’histoi
360 t les secrets du dynamisme unique dans l’histoire de l’humanité, qui a permis jusqu’ici notre aventure mondiale ? Ces secr
361 s jusqu’ici notre aventure mondiale ? Ces secrets de notre expansion sont-ils encore vivants et agissants ? Examinons pour
362 aminons pour commencer la situation géoéconomique de notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde. Nous
363 omique de notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde. Nous allons découvrir que cette situation est p
364 n nous a beaucoup mis en garde, depuis les débuts de ce siècle (et récemment encore, Toynbee), contre l’illusion provincia
365 us ferait tenir l’Europe pour le centre du monde. De tels avertissements relèvent sans doute d’une saine morale, car la va
366 monde. De tels avertissements relèvent sans doute d’ une saine morale, car la vanité collective n’est pas moins condamnable
367 orale compte fort peu dans l’histoire, on le sait de reste. Essayons de bien voir les réalités, sans céder au complexe d’a
368 eu dans l’histoire, on le sait de reste. Essayons de bien voir les réalités, sans céder au complexe d’autodénigrement qui
369 de bien voir les réalités, sans céder au complexe d’ autodénigrement qui tourmente, aujourd’hui encore, un trop grand nombr
370 urmente, aujourd’hui encore, un trop grand nombre d’ intellectuels occidentaux. Il est ridicule et condamnable de se croire
371 tuels occidentaux. Il est ridicule et condamnable de se croire le centre du monde quand on ne l’est pas. Mais s’il se trou
372 ve qu’on l’est, il serait ridicule et condamnable de le nier au seul nom d’une très hypocrite humilité — qui serait alors
373 it ridicule et condamnable de le nier au seul nom d’ une très hypocrite humilité — qui serait alors le masque d’un orgueil
374 s hypocrite humilité — qui serait alors le masque d’ un orgueil refoulé et transformé en masochisme, mauvaise attitude scie
375 fique. Voyons donc les faits mesurables. À la fin de la dernière guerre, en 1944 et 1945, des géographes et des économiste
376 géographes et des économistes attachés aux armées de l’air américaine et anglaise ont publié quelques travaux restés presq
377 aient d’ailleurs, en les modernisant, les travaux de géographes anglais et allemands, publiés dès 1906 et en 1930.) Voici
378 nds, publiés dès 1906 et en 1930.) Voici le point de départ de ces études14. Parmi l’infinité des hémisphères qu’on peut t
379 és dès 1906 et en 1930.) Voici le point de départ de ces études14. Parmi l’infinité des hémisphères qu’on peut tracer sur
380 seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De l
381 la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié q
382 elle et le 98 % de la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L
383  % de la production totale du monde. De là le nom d’ hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L’autre moitié
384 ée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 % de la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le
385 r voici le fait qui me frappe : c’est que le pôle de cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes, selon le
386 cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes, selon les auteurs américains, plus près de Londres, selon les
387 hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes , selon les auteurs américains, plus près de Londres, selon les auteur
388 us près de Londres, selon les auteurs anglais, ou de Berlin selon les Allemands, mais en tout cas sur notre continent. Ain
389 nds, mais en tout cas sur notre continent. Ainsi, d’ un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’av
390 tre continent. Ainsi, d’un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le
391 continent. Ainsi, d’un point choisi au zénith de Nantes , assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le regard
392 antes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’ un télescope le regard embrasse tout l’hémisphère privilégié, on pourr
393 égié, on pourrait observer pratiquement les 19/20 de l’humanité, tandis que du point de vue correspondant aux antipodes, o
394 ue correspondant aux antipodes, on ne verrait que de l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuv
395 s déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de no
396 e. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil, ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément vér
397 t mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil, ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément vérifiable et dont les d
398 dépend ni de notre orgueil, ni de notre humilité d’ Européens, un fait aisément vérifiable et dont les données objectives
399 s mappemondes et cartes économiques, en attendant d’ être photographiées par quelque satellite artificiel : l’Europe est be
400 ométrique, le carrefour naturel des grandes voies de communications maritimes et surtout aériennes qui ont permis au genre
401 surtout aériennes qui ont permis au genre humain de vérifier son unité concrète, et d’en prendre une conscience utile, op
402 u genre humain de vérifier son unité concrète, et d’ en prendre une conscience utile, opérative. Que signifie ce fait, dont
403 ui ne saurait être accidentelle entre la position de l’Europe dans le monde et sa fonction particulière. Certes, l’Europe
404 ope n’est pas devenue ce qu’elle est du seul fait de cette position au centre des terres habitées et des voies maritimes q
405 s le Moyen Âge — où la distribution des hommes et de leur production était tout à fait différente de ce qu’elle est devenu
406 t de leur production était tout à fait différente de ce qu’elle est devenue de nos jours. Il semble bien que ce soit, au c
407 tout à fait différente de ce qu’elle est devenue de nos jours. Il semble bien que ce soit, au contraire, à partir de l’Eu
408 vers son unité, en créant tout d’abord le réseau de ses échanges et de ses foyers de production, puis les premières insti
409 créant tout d’abord le réseau de ses échanges et de ses foyers de production, puis les premières institutions mondiales.
410 ’abord le réseau de ses échanges et de ses foyers de production, puis les premières institutions mondiales. Jamais les Afr
411 , et n’ont en fait conçu, rien qui ressemble même de loin à la Société des Nations ou aux Nations unies : ces organisation
412  sauvages », avec Francisco de Vitoria15. Au cœur de l’hémisphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique,
413 irement, comme en graphique, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances
414 déterminant, pour qui suppute les chances futures de l’Occident et de l’esprit européen. J’ai décrit à grands traits, dans
415 qui suppute les chances futures de l’Occident et de l’esprit européen. J’ai décrit à grands traits, dans ma première leço
416 ds traits, dans ma première leçon, les mouvements de systole et de diastole rythmant l’histoire mondiale de l’Europe. Si m
417 s ma première leçon, les mouvements de systole et de diastole rythmant l’histoire mondiale de l’Europe. Si maintenant nous
418 stole et de diastole rythmant l’histoire mondiale de l’Europe. Si maintenant nous désirons voir comment ces alternances on
419 comment ces alternances ont été liées aux données de la géographie mais surtout à l’action des hommes qui ont fait l’Europ
420 l’observatoire céleste et descendons, par degrés d’ amplitude décroissante, de la vision spatiale des grands ensembles à c
421 descendons, par degrés d’amplitude décroissante, de la vision spatiale des grands ensembles à celle des relations humaine
422 relations humaines au ras du sol. Première étape de 200 000 à 100 000 m d’altitude : la comparaison des continents vus da
423 ras du sol. Première étape de 200 000 à 100 000 m d’ altitude : la comparaison des continents vus dans leur ensemble (par l
424 une mappemonde indiquant les reliefs) nous permet de constater que l’Europe actuelle, amputée des plaines russes, tiendrai
425 che, ce plus petit continent est le plus complexe de tous : le plus profondément découpé par les mers et le plus richement
426 plus richement cloisonné par des plis montagneux de moyenne altitude et des fleuves aisément traversables. Il est fait de
427 et des fleuves aisément traversables. Il est fait de presqu’îles et de compartiments, mais ni trop grands ni trop étanches
428 ément traversables. Il est fait de presqu’îles et de compartiments, mais ni trop grands ni trop étanches : point de plaine
429 nts, mais ni trop grands ni trop étanches : point de plaines infinies, de chaînes infranchissables, de rivières tumultueus
430 nds ni trop étanches : point de plaines infinies, de chaînes infranchissables, de rivières tumultueuses coupées de catarac
431 de plaines infinies, de chaînes infranchissables, de rivières tumultueuses coupées de cataractes : compartiments tout à la
432 nfranchissables, de rivières tumultueuses coupées de cataractes : compartiments tout à la fois individualisés et communica
433 ois individualisés et communicants. En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (700
434 les ports les plus nombreux, le plus riche réseau de voies d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et
435 les plus nombreux, le plus riche réseau de voies d’ eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villag
436 d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul
437 s et canaux), la plus grande densité de villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul continent qui
438 us égal : c’est le seul continent qui n’ait point de déserts. Continuons notre descente vers les terres du centre du monde
439 u centre du monde : comparez les photos aériennes d’ aires à peu près égales, mettons d’une dizaine de kilomètres de côté,
440 otos aériennes d’aires à peu près égales, mettons d’ une dizaine de kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-
441 d’aires à peu près égales, mettons d’une dizaine de kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-dessus du Midd
442 près égales, mettons d’une dizaine de kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-dessus du Middle West ou du
443 aine de kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-dessus du Middle West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Ara
444 de 3000 m au-dessus du Middle West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de
445 essus du Middle West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et v
446 le West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et vous saurez im
447 Brésil, de la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et vous saurez immédiatement q
448 Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et vous saurez immédiatement quelle photo correspond à l’Eu
449 ravaillé, modelé, décoré, exploité par les œuvres de l’homme. Plaines conquises sur la mer, fleuves aux méandres simplifié
450 ni des campagnes. Regardez à la loupe cette photo d’ une région qui peut être rhénane ou mosellane, luxembourgeoise, belge
451 êts et des champs quadrillés — partout les traces de l’homme et du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Ancien
452 art aussi concentrées. Anciens villages et villes d’ Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
453 c’est par leur complication, ou par leur manière d’ être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
454 leur manière d’être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Unité non point
455 mière formule de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Unité non point faite d’uniformité, mais au contrai
456 mettra de définir l’Europe. Unité non point faite d’ uniformité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des
457 formité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses
458 s, de complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisa
459 s structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins milit
460 sage : tous ces accidents naturels peuvent servir de prétexte à une concentration qui deviendra communauté humaine, villag
461 aine, village ou ville, au-delà du stade originel de la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les village
462 rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé d’ en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
463 les clairières, ou s’égrènent le long de la berge d’ un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
464 ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
465 haut des airs, nous nous posons enfin sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voic
466 in sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine d’ une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œi
467 l de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autou
468 place, banale et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
469 le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
470 Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’ erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
471 r sans trop d’erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service religieux, une séance au conseil munic
472 gieux, une séance au conseil municipal, une heure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
473 ipal, une heure de classe, les discussions autour d’ une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
474 ure de classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
475 les discussions autour d’une table de bistrot ou d’ un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
476 ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
477 strot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
478 c’est-à-dire la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
479 n publique, l’échange des opinions individuelles ( de préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
480 il — toute une vitalité librement ordonnée, faite de tensions multiples, entrecroisées. Esquissons maintenant ce portrait
481 entrecroisées. Esquissons maintenant ce portrait de l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé n
482 intenant ce portrait de l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé non point à partir de définiti
483 rait composé non point à partir de définitions et d’ analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait
484 rtir de définitions et d’analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu
485 ons et d’analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guè
486 et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique, qu’elles décrivent u
487 u’elles décrivent une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre
488 refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibl
489 re, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibles et tangibles, qui
490 réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre de nos vies. Essayons de présenter l’Europe non point par sa philosophie
491 angibles, qui sont le cadre de nos vies. Essayons de présenter l’Europe non point par sa philosophie mais bien par sa morp
492 l se peut qu’elle donne quelques idées fécondes à de jeunes sociologues qui la pousseraient plus loin, et qu’elle suggère
493 plus loin, et qu’elle suggère une méthode inédite d’ enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le film,
494 u’elle suggère une méthode inédite d’enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le film, et permettant b
495 c la réalité des autres continents. Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes e
496 Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autou
497 préalablement dessinées, mais bien plutôt autour d’ une citadelle, d’un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c
498 ssinées, mais bien plutôt autour d’une citadelle, d’ un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la créa
499 que ; toutefois, c’est bien la création organique de la Place dans les faubourgs — fori burgus, lieux hors du bourg origin
500 s Européens à la réalité communautaire, fondement de notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses inform
501 s mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que de la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour d’un cercle
502 trie, alignent des façades bureaucratiques autour d’ un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout
503 açades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou d’ un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire, la pla
504 ur d’un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire, la place centrale de nos villes e
505 des parades. Tout au contraire, la place centrale de nos villes et villages est rarement régulière, hors des périodes de r
506 illages est rarement régulière, hors des périodes de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
507 de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’ étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, r
508 précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, répugne autant à l’angle
509 noria ou le Forum romain lui-même, ancêtre commun de nos places, Plätze, plazas, praças, piazze, ou Pleins selon le pays.
510 l se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien de là qu’elle tire son sens originel. Les partis qui décident de la comp
511 e tire son sens originel. Les partis qui décident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’
512 artis qui décident de la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
513 se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Ombr
514 Ombre et soleil changeant avec les heures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marc
515 ngeant avec les heures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et car
516 eures ; côté de l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et carrefour principal
517 onaux et des courants lointains : c’est cette vie de la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, carac
518 vie des conseils et parlements, caractéristiques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très préci
519 ques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des
520 t le Ring sur la place principale.) Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
521 on, sur le libre jeu des partis et sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion
522 sur la liberté de l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion, et l’opposition notamment, se man
523 se manifestent par la presse, dans l’ère moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
524 t étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
525 rit bien souvent, et se lit. C’est dans les cafés de Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui créeront les fa
526 sées dans l’Europe entière, en dépit des censures de l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
527 itoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul, de 1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
528 ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition de faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
529 énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’ études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
530 hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
531 a place, la présence du kiosque à journaux, point d’ insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché16. Face à
532 présence du kiosque à journaux, point d’insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché16. Face à l’hôtel de v
533 ée et non plus temple), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les
534 le), représentent l’autre pôle de la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les partis, les ambitio
535 répond, et le chœur chante. Et ce chœur est formé de voix diverses mais unies par les lois de l’harmonie, du rythme et de
536 st formé de voix diverses mais unies par les lois de l’harmonie, du rythme et de la prosodie. Chaque voix s’affirme à sa m
537 is unies par les lois de l’harmonie, du rythme et de la prosodie. Chaque voix s’affirme à sa manière, librement et passion
538 ndeur et son drame17. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
539 t son drame17. Il serait tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’i
540 rtant de là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé
541 toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé — engagé dans la communauté…
542 la communauté… Mais cette démonstration sortirait de mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait être faite presque
543 pourrait être faite presque aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, a
544 aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Ré
545 le, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renai
546 ’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui ses institute
547 ance. Aujourd’hui ses instituteurs, qui dépendent de la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux obju
548 sensibles aux débats du café qu’aux objurgations de la chaire. Voici donc une nouvelle tension qui s’institue. Mais la fo
549 nouvelle tension qui s’institue. Mais la fonction de l’école est demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les c
550 u nom des principes qu’elle enseigne… La fonction de l’école dans la cité se résume donc par les deux termes d’initiation
551 e dans la cité se résume donc par les deux termes d’ initiation et d’initiative, qui marquent les deux pôles de notre éduca
552 e résume donc par les deux termes d’initiation et d’ initiative, qui marquent les deux pôles de notre éducation. (L’Orient
553 tion et d’initiative, qui marquent les deux pôles de notre éducation. (L’Orient et les cultures traditionnelles n’ont guèr
554 itionnelles n’ont guère connu, jusqu’à nos jours, d’ autre forme d’éducation qu’initiatique18.) Quant au marché, qui occupe
555 ont guère connu, jusqu’à nos jours, d’autre forme d’ éducation qu’initiatique18.) Quant au marché, qui occupe le centre de
556 iatique18.) Quant au marché, qui occupe le centre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoin
557 au marché, qui occupe le centre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et
558 entre de la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration v
559 contre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et
560 de la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symboliq
561 le, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de tout
562 temps figuration vivante de la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie e
563 e la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie européenne jusqu’à nos jours. (Même après que le por
564 me racine qu’exporter et importer — ait pris plus d’ importance pour le commerce que le marché citadin-rural). Ici se noue
565 du consommateur, des droits acquis et des règles d’ arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditions locales et
566 la pulsation originelle des énergies formatrices de l’Europe. Nous avons retrouvé à l’intérieur de chacun des domaines re
567 ’éducatif et l’économique — des couples analogues de tensions créatrices, de contradictions nécessaires dont chaque terme
568 e — des couples analogues de tensions créatrices, de contradictions nécessaires dont chaque terme apparaît à la fois antin
569 ons elles-mêmes, mais aussi entre la commune (née de leur composition locale) et la région, puis entre la région et la nat
570 ences — fussent-elles représentées par la révolte d’ un seul, d’un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses
571 sent-elles représentées par la révolte d’un seul, d’ un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses principes
572 résentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou d’ un saint contre toute une cité, au nom de ses principes indiscutés. ⁂
573 randes civilisations traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’êtr
574 traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régimes totali
575 et comme veulent l’être les régimes totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours
576 totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’ antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discus
577 notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de conte
578 s, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de contestation, dont la passion maîtresse paraît bien
579 ujours renouvelés ; civilisation de discussion et de contestation, dont la passion maîtresse paraît bien être la remise en
580 et des relations humaines, du destin, et du sens de la vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’autor
581 ruire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou d’ une doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, r
582 sulte guerres, révolutions, massacres, explosions d’ anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente e
583 lutions, massacres, explosions d’anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente et polémique que n’e
584 nte et polémique que n’en relatent les chroniques d’ aucune autre région du monde. Quand les antagonismes se composent en u
585 alors paraissent les créations les plus typiques de la culture européenne, non seulement dans les arts, mais dans la soci
586 té. On les dirait formées sur le modèle du chœur, de l’harmonie, des tons complémentaires, voire de la dissonance calculée
587 r, de l’harmonie, des tons complémentaires, voire de la dissonance calculée et dirigée vers une « résolution » future. Ain
588 et dirigée vers une « résolution » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bi-caméral, d
589 s une « résolution » future. Ainsi de la commune, de la fédération, du parlement et du régime bi-caméral, des syndicats et
590 améral, des syndicats et des coopératives ; ainsi de l’éducation elle-même, nous l’avons vu ; et finalement, de l’idée du
591 ation elle-même, nous l’avons vu ; et finalement, de l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tensions
592 u progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tensions n’est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dicta
593 on conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer d’ une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme
594 t le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil d’u
595 e européen et des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil d’une telle période ? Ou a
596 ire de notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil d’ une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-i
597 uil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne pa
598 telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de n
599 aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intellectuels ? Plus sérieusement, la technique triomphante ne va
600 russe ou américain ? Je suggère que les éléments d’ une réponse motivée à cette question — trop souvent et trop facilement
601 urnis par une auscultation des organes principaux de la cité, c’est-à-dire des institutions traditionnelles que concrétise
602 ou comparatives. Les églises d’abord, par ordre d’ ancienneté. La plupart sont aux trois quarts vides dans nos villages,
603 l quatre ou cinq pour une commune rurale moyenne, de 2 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée, mieux que chez
604 rique, est restée, mieux que chez nous, le centre de la vie sociale d’un village. Elle y joue un grand rôle politique et c
605 mieux que chez nous, le centre de la vie sociale d’ un village. Elle y joue un grand rôle politique et civique. Mais c’est
606 ue. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur d’ une doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su mainteni
607 t-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine et d’ une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et
608 eurs et leurs prêtres s’inspirent de plus en plus de nos théologiens. Les trois noms qui dominent aujourd’hui la pensée re
609 oms qui dominent aujourd’hui la pensée religieuse de l’Amérique, sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl
610 hui la pensée religieuse de l’Amérique, sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl Barth, un Français, un A
611 use de l’Amérique, sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl Barth, un Français, un Allemand et un Suisse,
612 sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl Barth, un Français, un Allemand et un Suisse, trois noms qui se
613 dent en Europe avec une renaissance incontestable de la vitalité intellectuelle des églises. Autre signe, purement extérie
614 à construire des églises en faux gothique et même d’ énormes cathédrales copiées sur les modèles combinés des basiliques de
615 s copiées sur les modèles combinés des basiliques de notre Moyen Âge, tandis que dans toute l’Europe, on construit des égl
616 erre et en ciment armé, décorées par des peintres d’ avant-garde : elles intègrent toutes les conquêtes de l’ère technique
617 vant-garde : elles intègrent toutes les conquêtes de l’ère technique et n’en servent pas moins leur but traditionnel, beau
618 nisme est sans doute le symptôme le plus frappant d’ une renaissance spirituelle des églises. Qu’il s’agisse du Conseil œcu
619 é par Jean XXIII ; qu’il s’agisse des conventions d’ inter-communion passées entre luthériens, anglicans, vieux-catholiques
620 us assistons dans cette génération à un phénomène de convergence chrétienne qui renverse le cours suivi par l’histoire rel
621 cours suivi par l’histoire religieuse depuis plus d’ un millénaire. Le développement de la liturgie chez les protestants, d
622 use depuis plus d’un millénaire. Le développement de la liturgie chez les protestants, des études bibliques chez les catho
623 onfessions non seulement les unes des autres mais de leur source d’inspiration commune. L’ampleur mondiale de ce phénomène
624 seulement les unes des autres mais de leur source d’ inspiration commune. L’ampleur mondiale de ce phénomène, initié en Eur
625 source d’inspiration commune. L’ampleur mondiale de ce phénomène, initié en Europe, témoigne d’une vitalité nouvelle de l
626 diale de ce phénomène, initié en Europe, témoigne d’ une vitalité nouvelle de l’Église en tant que force historique. Prenon
627 nitié en Europe, témoigne d’une vitalité nouvelle de l’Église en tant que force historique. Prenons ensuite l’école, l’ens
628 ’observe qu’en Amérique, on redécouvre les vertus de la culture générale et des humanités, et d’une pédagogie plus ferme,
629 ertus de la culture générale et des humanités, et d’ une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’
630 ritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle d’ un meilleur équilibre, si relatif soit-il, entre les exigences immédia
631 i relatif soit-il, entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens, et la stratégie à long terme de la form
632 , entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens, et la stratégie à long terme de la formation des esprits
633 tion de techniciens, et la stratégie à long terme de la formation des esprits. L’URSS elle-même, qui avait tout sacrifié p
634 les, et se rapproche, dans cette mesure du moins, de nos formules européennes19. Passons à la mairie, symbole de la commun
635 mules européennes19. Passons à la mairie, symbole de la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant
636 ivisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus d’ un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
637 a survécu, tant bien que mal, à plus d’un siècle d’ empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
638 t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
639 l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
640 et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
641 plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
642 râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
643 industriels et une répartition plus décentralisée de la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
644 plus centralisées, comme la France, le mouvement de restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
645 tement. Au plan européen, le Conseil des communes d’ Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
646 puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat d’ arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
647 ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’ un renouveau de l’autonomie municipale20. Quant au marché, qui occupe
648 is au contraire sont les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale20. Quant au marché, qui occupe le centre de la
649 nicipale20. Quant au marché, qui occupe le centre de la place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui,
650 pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou de l’économie des pays neutres. Quant à la presse enfin, et au café dont
651 ornerai à une constatation élémentaire. L’absence de toute presse libre en URSS, et l’inexistence des cafés littéraires et
652 déplorées par quelques voyageurs européens, vexés de ne pas retrouver leurs plus chères habitudes d’intellectuels frondeur
653 s de ne pas retrouver leurs plus chères habitudes d’ intellectuels frondeurs. La prospérité d’une presse libre et le presti
654 abitudes d’intellectuels frondeurs. La prospérité d’ une presse libre et le prestige des cafés littéraires dans nos grandes
655 dans nos grandes villes, ces deux faits, inégaux d’ importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes non
656 ux faits, inégaux d’importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes non trompeurs de la vitalité d’une c
657 de notre Europe, restent des signes non trompeurs de la vitalité d’une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capab
658 , restent des signes non trompeurs de la vitalité d’ une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique,
659 ure moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du ter
660 à l’existence sociale, capable de critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l
661 Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa
662 apport de l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez p
663 rine et une inquiétude religieuse, par des formes de pensée d’où sont issues la science et la technique, et des arts flori
664 e inquiétude religieuse, par des formes de pensée d’ où sont issues la science et la technique, et des arts florissants, et
665 s florissants, et des institutions, et des formes d’ existence sociale, et une puissance économique sans précédent, c’est c
666 équation la plus célèbre du siècle, qui est celle d’ Einstein : E = mc2 où E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
667 où E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse de la lumière. Je la transpose terme à terme en désignant naturellement
668 ien — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là d’ une démonstration, faussement mathématique, mais seulement d’une illus
669 stration, faussement mathématique, mais seulement d’ une illustration…). C’est grâce à cette densité remarquable d’institut
670 ration…). C’est grâce à cette densité remarquable d’ institutions pluralistes en tension, et à cette lutte toujours ouverte
671 et innovation, que l’Europe s’est montrée capable d’ intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique
672 e. En Europe, elle est née dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes
673 ée dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales
674 s vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou
675 de coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendication
676 es et paysannes, de chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son éla
677 canes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son élan et l’ont contrainte p
678 pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin de porcelaine ou le bulldozer dans un verger. Certes, les freins et les
679 ment créé le décor sale et sans âme des faubourgs de nos capitales, elle a créé le prolétariat, elle a soumis toute une cl
680 éé le prolétariat, elle a soumis toute une classe d’ hommes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comm
681 mmes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’un mécanisme
682 vrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’ un mécanisme mort », et l’obligeant à travailler quinze heures par jou
683 r, dans des conditions inhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette première explosion de la tec
684 nhumaines du point de vue de l’hygiène autant que de la morale. Cette première explosion de la technique a fait beaucoup p
685 autant que de la morale. Cette première explosion de la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explo
686 re explosion de la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explosions nucléaires qui nous épouvantent
687 sant son emploi par les lois sociales, en passant de l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’
688 ociales, en passant de l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’
689 fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de
690 s, à l’époque blanche et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe
691 che et propre de l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement
692 e l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vrai
693 l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a p
694 t rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la premièr
695 spirituels qu’une technique et une science, nées de ses œuvres, posent désormais à tous les hommes. Elle a formulé, la pr
696 a première par ses meilleurs esprits, le problème de l’équilibre indispensable entre la tradition et l’innovation, et c’es
697 et l’innovation, et c’est le problème fondamental de notre temps. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’une ex
698 . Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’ une expérience séculaire. Car l’Afrique noire, l’Asie, le monde arabe
699 e une tempête. À l’inverse, l’Amérique n’a pas eu de Moyen Âge : l’homme s’y trouve donc moins lesté de passé, et plus fac
700 e Moyen Âge : l’homme s’y trouve donc moins lesté de passé, et plus facilement entraîné par les courants superficiels. Cer
701 ssi le leur. Mais nous avons chez nous, au centre de nos villes, les témoins quotidiens et familiers de notre passé, ruine
702 e nos villes, les témoins quotidiens et familiers de notre passé, ruines romaines, ruelles et cathédrales, palais classiqu
703 n révolutionnaire à tous risques, un certain sens de l’identité dans le changement, voilà peut-être le secret dernier que
704 son métabolisme, a toutes les raisons objectives de se porter beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souvent il ne le pen
705 lles tâches mondiales que lui impose la diffusion de sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin,
706 impose la diffusion de sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accident
707 Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accidents de sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la p
708 enir ces affreux accidents de sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la place du village, un der
709 qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdité de l’histoire en même temps que la notion d’un sacré national et non chr
710 surdité de l’histoire en même temps que la notion d’ un sacré national et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nô
711 A en 1944 et H. Taylor en 1945, pour les services de l’Armée de l’air britannique, envisagent le problème du point de vue
712 t H. Taylor en 1945, pour les services de l’Armée de l’air britannique, envisagent le problème du point de vue des communi
713 unications aériennes. On trouvera une bonne carte de l’hémisphère privilégié dans l’ouvrage de Parker van Zandt, Strategy
714 e carte de l’hémisphère privilégié dans l’ouvrage de Parker van Zandt, Strategy of an Air Age, The Brookings Institution,
715 stitution, Washington, D.C., 1944. 15. Bartolomé de las Casas, évangéliste des Indiens, défend leur cause devant le Roi e
716 diens, défend leur cause devant le Roi et le fils de Colomb, dès 1519. Sa Brevissima relación de la destrucción de las Ind
717 fils de Colomb, dès 1519. Sa Brevissima relación de la destrucción de las Indias, publiée à Séville en 1552, est le premi
718 ès 1519. Sa Brevissima relación de la destrucción de las Indias, publiée à Séville en 1552, est le premier acte d’accusati
719 s, publiée à Séville en 1552, est le premier acte d’ accusation contre le colonialisme, et fonde une longue tradition, jusq
720 . Le célèbre moine Francisco de Vitoria, dans son De Indis, 1532, établit le droit des Indiens à la possession de leur ter
721 532, établit le droit des Indiens à la possession de leur territoire, et n’accorde aux Espagnols que le droit de voyager a
722 rritoire, et n’accorde aux Espagnols que le droit de voyager aux Indes pour y aller convertir les païens. Un autre moine e
723 viniste libéral Hugo Grotius (1583-1645), partant de bases d’ailleurs très différentes, sont considérés, avec Vitoria, com
724 Les premières bandes dessinées, journal illustré de l’époque, sont l’œuvre d’Albert Dürer (1471-1528). Il les gravait, le
725 inées, journal illustré de l’époque, sont l’œuvre d’ Albert Dürer (1471-1528). Il les gravait, les tirait et les sous-titra
726 marché et dans les tavernes. 17. En Inde, point de cérémonies communautaires, en dehors des grandes processions. Mais de
727 ehors des grandes processions. Mais des centaines de milliers de petits temples, où devant une idole de proportions réduit
728 andes processions. Mais des centaines de milliers de petits temples, où devant une idole de proportions réduites, une seul
729 e milliers de petits temples, où devant une idole de proportions réduites, une seule femme, un seul homme, prie debout. 1
730 ie debout. 18. Cf. mon essai intitulé « La règle d’ or, ou principe de l’éducation européenne », Bulletin du Centre europ
731 . mon essai intitulé « La règle d’or, ou principe de l’éducation européenne », Bulletin du Centre européen de la culture
732 la culture , n° 3, 1960-1961, p. 1-11. Substance d’ une conférence donnée à la Faculté des Lettres, chaire de pédagogie, d
733 onférence donnée à la Faculté des Lettres, chaire de pédagogie, de l’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de d
734 ée à la Faculté des Lettres, chaire de pédagogie, de l’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de développements
735 des Lettres, chaire de pédagogie, de l’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de développements sur ce point cap
736 ’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de développements sur ce point capital, à l’étude mentionnée dans la not
737 olas de Witt, et qui décrivaient le point extrême de la spécialisation atteint vers 1950-1955. Depuis lors, l’Institut d’é
738 n atteint vers 1950-1955. Depuis lors, l’Institut d’ études soviétiques de Harvard a pu suivre et faire connaître les progr
739 955. Depuis lors, l’Institut d’études soviétiques de Harvard a pu suivre et faire connaître les progrès de l’évolution rus
740 arvard a pu suivre et faire connaître les progrès de l’évolution russe vers le rétablissement des études générales. Voir a
741 n’t, Random House, New York, 1961, étude comparée de l’enseignement primaire et secondaire aux USA et en URSS. 20. L’Uni
742 s locaux, dont le siège est à La Haye, a organisé de nombreux congrès de maires et publié quelques ouvrages importants sur
743 ège est à La Haye, a organisé de nombreux congrès de maires et publié quelques ouvrages importants sur l’état des problème
744 fédérale), La Haye, 1955. Le Conseil des communes d’ Europe, plus nettement fédéraliste par sa doctrine, s’est fondé à Genè
745 ateurs sont Français (MM. J. Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, et G. Deferre, maire de Marseille, notamment). Il publie un
746 n-Delmas, maire de Bordeaux, et G. Deferre, maire de Marseille, notamment). Il publie une revue intitulée Communes d’Europ
747 otamment). Il publie une revue intitulée Communes d’ Europe. Sous les auspices du CCE, de très nombreux jumelages de villes
748 ulée Communes d’Europe. Sous les auspices du CCE, de très nombreux jumelages de villes ont été réalisés, donnant lieu a de
749 s les auspices du CCE, de très nombreux jumelages de villes ont été réalisés, donnant lieu a des manifestations populaires
750 sés, donnant lieu a des manifestations populaires de solidarité européenne. Enfin, une Commission européenne des pouvoirs
4 1962, Les Chances de l’Europe. III. L’Europe s’unit
751 III. L’Europe s’unit Les organes vitaux de notre société, pris un à un, me paraissent donc en assez bon état. Re
752 oir si le sujet Europe possède encore une volonté de vivre suffisante pour remplir les fonctions nouvelles qui lui sont as
753 voudrais vous montrer aujourd’hui que la volonté de vivre de l’Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarqu
754 vous montrer aujourd’hui que la volonté de vivre de l’Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarquez que ce
755 ivre de l’Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarquez que cette thèse ne va pas de soi. Il peut sembler q
756 mbler qu’il y ait contradiction entre mon constat de santé, et le besoin d’union. En effet, si tout va bien, pourquoi s’un
757 adiction entre mon constat de santé, et le besoin d’ union. En effet, si tout va bien, pourquoi s’unir ? Les peuples n’épro
758 r ? Les peuples n’éprouvent ce besoin qu’en temps de crise, pour réagir contre des maux internes ou contre un péril extéri
759 . L’union n’est pas un but en soi, c’est le moyen d’ un but qui est de survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement
760 as un but en soi, c’est le moyen d’un but qui est de survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement un remède ; or q
761 i, c’est le moyen d’un but qui est de survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement un remède ; or qui parle de rem
762 c’est même pratiquement un remède ; or qui parle de remède parle de maladie. Quelle est alors la maladie qui affecte cett
763 iquement un remède ; or qui parle de remède parle de maladie. Quelle est alors la maladie qui affecte cette Europe dont le
764 e Europe dont les organes sont bons ? Je la crois d’ origine psychique. Dans l’ensemble, elle consiste a transformer nos vi
765 inissent par s’attaquer même à cette base commune de nos diversités : l’unité de notre culture traditionnelle et créatrice
766 à cette base commune de nos diversités : l’unité de notre culture traditionnelle et créatrice. En bref, cette maladie peu
767 ef, cette maladie peut être désignée par le terme de nationalisme, qui est la prétention des États à la souveraineté absol
768 lli périr à deux reprises dans la première moitié de notre siècle. Et c’est aussi ce mal, disséminé par nous sur plusieurs
769 colonisés, qui cause les fièvres et les poussées de haine contre l’Europe que subissent depuis quelques années tant de pa
770 bissent depuis quelques années tant de pays neufs de l’Afrique, du monde arabe et de l’Asie. La volonté d’union qui, si el
771 ant de pays neufs de l’Afrique, du monde arabe et de l’Asie. La volonté d’union qui, si elle se vérifie, fournirait à mon
772 ’Afrique, du monde arabe et de l’Asie. La volonté d’ union qui, si elle se vérifie, fournirait à mon sens la preuve d’une n
773 elle se vérifie, fournirait à mon sens la preuve d’ une nouvelle volonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de su
774 irait à mon sens la preuve d’une nouvelle volonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de surmonter nos divisions n
775 on sens la preuve d’une nouvelle volonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de surmonter nos divisions nationalis
776 lonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de surmonter nos divisions nationalistes et de libérer par là même le je
777 lonté de surmonter nos divisions nationalistes et de libérer par là même le jeu normal et sain de nos diversités. La volon
778 s et de libérer par là même le jeu normal et sain de nos diversités. La volonté d’union sera le signe d’une santé renouvel
779 jeu normal et sain de nos diversités. La volonté d’ union sera le signe d’une santé renouvelée du corps européen, dans la
780 nos diversités. La volonté d’union sera le signe d’ une santé renouvelée du corps européen, dans la mesure où elle prendra
781 européen, dans la mesure où elle prendra pour but de fédérer nos différences et non pas de les effacer ni d’uniformiser la
782 ra pour but de fédérer nos différences et non pas de les effacer ni d’uniformiser la vie du continent — car à cela, la tec
783 érer nos différences et non pas de les effacer ni d’ uniformiser la vie du continent — car à cela, la technique suffirait b
784 on la laissait proliférer sans freins. La volonté d’ union sera saine si elle tend à éliminer le virus du nationalisme et n
785 du nationalisme et non pas à lui ouvrir un champ d’ action plus vaste, aux dimensions du continent transformé en super-nat
786 s du continent transformé en super-nation et doté d’ un super-nationalisme. Je tenais à placer en exergue à mon exposé d’au
787 lisme. Je tenais à placer en exergue à mon exposé d’ aujourd’hui ces définitions de l’union, situant ainsi d’emblée ma posi
788 xergue à mon exposé d’aujourd’hui ces définitions de l’union, situant ainsi d’emblée ma position par rapport aux débats ac
789 commun, voudrait unifier les nations sur la base d’ une totale intégration économique. C’est la position maximaliste. La p
790 crois que la seule union conforme au génie propre de l’Europe, à son passé, à ses réalités, comme à sa vocation présente,
791 ues des trois écoles : celle des alliances, celle de l’intégration et celle de la fédération, sortirait de mon propos, qui
792 le des alliances, celle de l’intégration et celle de la fédération, sortirait de mon propos, qui n’est pas politique, et d
793 ’intégration et celle de la fédération, sortirait de mon propos, qui n’est pas politique, et du cadre de ces leçons. Il me
794 mon propos, qui n’est pas politique, et du cadre de ces leçons. Il me paraît en revanche indispensable de remonter aux or
795 es leçons. Il me paraît en revanche indispensable de remonter aux origines de ces tendances de notre esprit, et de recherc
796 n revanche indispensable de remonter aux origines de ces tendances de notre esprit, et de rechercher d’où procède la discu
797 ensable de remonter aux origines de ces tendances de notre esprit, et de rechercher d’où procède la discussion sur l’union
798 aux origines de ces tendances de notre esprit, et de rechercher d’où procède la discussion sur l’union de l’Europe qui bat
799 e ces tendances de notre esprit, et de rechercher d’ où procède la discussion sur l’union de l’Europe qui bat son plein dep
800 rechercher d’où procède la discussion sur l’union de l’Europe qui bat son plein depuis quelques années dans la presse et d
801 t dans les congrès du continent. (Elle vient même de gagner l’Angleterre sur son île et les États-Unis tout récemment.) Ca
802 États-Unis tout récemment.) Car il est impossible de comprendre l’enjeu et les motifs des grands débats en cours, sans les
803 , sans les replacer tout d’abord dans le contexte de notre histoire. Ils apparaissent au terme provisoire d’une longue évo
804 re histoire. Ils apparaissent au terme provisoire d’ une longue évolution, qui a formé la pensée, la sensibilité et les réf
805 é et les réflexes des Européens, et qui détermine de la sorte leurs résistances instinctives ou leur adhésion enthousiaste
806 iaste aux différentes solutions proposées. L’idée d’ unir ou de fédérer l’Europe n’est pas née d’hier. Elle remonte très pr
807 différentes solutions proposées. L’idée d’unir ou de fédérer l’Europe n’est pas née d’hier. Elle remonte très précisément
808 ’idée d’unir ou de fédérer l’Europe n’est pas née d’ hier. Elle remonte très précisément au début du xive siècle, si l’on
809 s mêmes au cours des siècles. Ce qui est en passe de se réaliser sous nos yeux, d’une manière encore bien imparfaite il es
810 Ce qui est en passe de se réaliser sous nos yeux, d’ une manière encore bien imparfaite il est vrai, c’est ce que préconisa
811 t six siècles et demi, des poètes visionnaires et de grands philosophes et quelques fortes têtes politiques, de Dante à Vi
812 philosophes et quelques fortes têtes politiques, de Dante à Victor Hugo en passant par Goethe, de Sully à Churchill en pa
813 es, de Dante à Victor Hugo en passant par Goethe, de Sully à Churchill en passant par Montesquieu, Rousseau et Saint-Simon
814 sant par Montesquieu, Rousseau et Saint-Simon, et de Leibniz à Nietzsche en passant par Kant. Pour tous ces hommes, et pou
815 ntés dans un ouvrage récent —  Vingt-huit siècles d’ Europe 21 —, les motifs impérieux de l’union européenne se ramènent e
816 huit siècles d’Europe 21 —, les motifs impérieux de l’union européenne se ramènent en dernière analyse à quelques thèmes
817 poques et les écoles, l’un ou l’autre prenne plus d’ importance. Voici donc ces motifs constants. La paix d’abord, qu’il s’
818 s motifs constants. La paix d’abord, qu’il s’agit d’ assurer entre nos peuples, déchirés par des guerres intérieures à l’Eu
819 erres intérieures à l’Europe et cela par le moyen d’ une instance d’arbitrage supérieure aux Nations et aux Princes, et rép
820 es à l’Europe et cela par le moyen d’une instance d’ arbitrage supérieure aux Nations et aux Princes, et réprimant toute am
821 tions et aux Princes, et réprimant toute ambition d’ hégémonie. Ce motif domine tous les autres au Moyen Âge. Ensuite, la c
822 devient dominant après la Réforme et tout au long de l’ère absolutiste, ère de la formation des États souverains, du xvie
823 Réforme et tout au long de l’ère absolutiste, ère de la formation des États souverains, du xvie au xviiie siècle. Enfin,
824 chelle du continent, non des États. Motif typique de l’ère moderne, de Saint-Simon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché
825 t, non des États. Motif typique de l’ère moderne, de Saint-Simon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché commun de nos jour
826 mon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché commun de nos jours. Le thème de la menace étrangère, ou de la défense commune,
827 00, jusqu’au Marché commun de nos jours. Le thème de la menace étrangère, ou de la défense commune, que tant d’auteurs mod
828 de nos jours. Le thème de la menace étrangère, ou de la défense commune, que tant d’auteurs modernes estiment indispensabl
829 ace étrangère, ou de la défense commune, que tant d’ auteurs modernes estiment indispensable pour éveiller le besoin d’unio
830 es estiment indispensable pour éveiller le besoin d’ union, est souvent invoqué au cours des âges — le rôle d’épouvantail é
831 , est souvent invoqué au cours des âges — le rôle d’ épouvantail étant tenu par les Turcs jusqu’au xviiie siècle, puis par
832 x-Grands-qui-ont-la-bombe. Mais en fait, ce motif de la peur est accessoire, et se révèle d’ailleurs inopérant dans notre
833 contre les Turcs soit contre les Soviets, il sert de prétexte opportun, il permet de dramatiser la thèse positive que l’on
834 Soviets, il sert de prétexte opportun, il permet de dramatiser la thèse positive que l’on défend, c’est-à-dire la paix, l
835 rituelle ou la prospérité. C’est surtout un moyen de propagande auprès des princes, plus tard de l’opinion publique. D’une
836 moyen de propagande auprès des princes, plus tard de l’opinion publique. D’une manière générale, on veut l’union pour surm
837 rès des princes, plus tard de l’opinion publique. D’ une manière générale, on veut l’union pour surmonter l’anarchie perman
838 bitions — qu’ils baptisent droits. Quant au motif de l’impérialisme — « Partons ensemble à la conquête du monde ! » — je n
839 ans aucun plan ou plaidoyer, à la seule exception de ceux des jacobins. Il a certes inspiré Napoléon, puis Hitler, dans le
840 s leurs brèves tentatives avortées — une douzaine d’ années chacun — pour unifier l’Europe par la force. Mais les prophètes
841 ope par la force. Mais les prophètes et partisans de l’union fédérale de l’Europe ont toujours soutenu que cette union aur
842 is les prophètes et partisans de l’union fédérale de l’Europe ont toujours soutenu que cette union aurait pour effet, nota
843 enu que cette union aurait pour effet, notamment, d’ écarter toute tentation impérialiste ou même colonialiste. Les quatre
844 nse) sont, je le répète, tous présents à l’esprit de tous les promoteurs que je vais nommer, mais inégalement importants s
845 , mais inégalement importants selon les époques : d’ où l’évolution des motifs que l’on observe au cours des siècles, et qu
846 ours des siècles, et qu’il n’est pas sans intérêt de retracer. Je passerai donc rapidement en revue les grands noms qui ja
847 jalonnent cette évolution et les principaux plans d’ union qui en illustrent les étapes. Les deux premiers datent des année
848 datent des années 1306 et 1308. L’un est l’œuvre de Dante, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller de Philippe le
849 1306 et 1308. L’un est l’œuvre de Dante, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller de Philippe le Bel, Pierre Dubois.
850 l’œuvre de Dante, c’est le De Monarchia, l’autre d’ un conseiller de Philippe le Bel, Pierre Dubois. Tous les deux réagiss
851 e, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller de Philippe le Bel, Pierre Dubois. Tous les deux réagissent à l’anarchie
852 ns le conflit entre le pape et l’empereur. L’idée de Dante est simple : il préconise l’établissement d’une monarchie unive
853 e Dante est simple : il préconise l’établissement d’ une monarchie universelle, seule capable, en bonne logique, d’arbitrer
854 hie universelle, seule capable, en bonne logique, d’ arbitrer les litiges survenus entre princes « indépendants et égaux »,
855 inces « indépendants et égaux », donc n’ayant pas de pouvoir l’un sur l’autre. Chacun d’eux serait maître de son domaine,
856 c n’ayant pas de pouvoir l’un sur l’autre. Chacun d’ eux serait maître de son domaine, et chaque royaume ou ville retiendra
857 voir l’un sur l’autre. Chacun d’eux serait maître de son domaine, et chaque royaume ou ville retiendrait ses « lois différ
858 exaltant un but inaccessible mais qui ne cessera de hanter les esprits pendant des siècles, s’oppose l’empirisme sans ver
859 t des siècles, s’oppose l’empirisme sans vergogne de l’avocat normand, Pierre Dubois. À la question concrète qu’il pose en
860  Si les cités et les princes ne reconnaissent pas de supérieurs au monde, et s’ils sont en conflit, devant qui doivent-ils
861 ais bien devant un tribunal européen. Ce tribunal d’ arbitrage, formé de trois prélats et de trois laïques « prudents et ex
862 tribunal européen. Ce tribunal d’arbitrage, formé de trois prélats et de trois laïques « prudents et experts », disposerai
863 e tribunal d’arbitrage, formé de trois prélats et de trois laïques « prudents et experts », disposerait de sanctions pénal
864 rois laïques « prudents et experts », disposerait de sanctions pénales : le pays récalcitrant serait cerné, isolé, et rédu
865 e les infidèles en Terre sainte — comme une sorte de Légion étrangère — plutôt que de les laisser mettre à feu et à sang l
866  comme une sorte de Légion étrangère — plutôt que de les laisser mettre à feu et à sang la « République chrétienne », liso
867 blique chrétienne », lisons européenne23. Inutile de dire que ce plan ne rencontra guère plus d’écho que l’utopie de Dante
868 utile de dire que ce plan ne rencontra guère plus d’ écho que l’utopie de Dante. Non qu’il manquât de réalisme, au contrair
869 plan ne rencontra guère plus d’écho que l’utopie de Dante. Non qu’il manquât de réalisme, au contraire, comme l’écrit un
870 s d’écho que l’utopie de Dante. Non qu’il manquât de réalisme, au contraire, comme l’écrit un commentateur : « Il était tr
871 ain qui saluera désormais toutes les propositions de paix et d’union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace de la bombe
872 uera désormais toutes les propositions de paix et d’ union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace de la bombe atomique po
873 d’union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace de la bombe atomique pour que les peuples et leurs chefs découvrent enfi
874 écouvrent enfin qu’il pourrait être plus réaliste de s’entraider que de s’entretuer, et que par suite, les promoteurs de p
875 il pourrait être plus réaliste de s’entraider que de s’entretuer, et que par suite, les promoteurs de plans d’union ne son
876 de s’entretuer, et que par suite, les promoteurs de plans d’union ne sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de
877 retuer, et que par suite, les promoteurs de plans d’ union ne sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de dangereu
878 e plans d’union ne sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.) L’idée de Pierre Dubois deva
879 sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.) L’idée de Pierre Dubois devait pourtant survivr
880 e doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.) L’idée de Pierre Dubois devait pourtant survivre. Cent-cinquante ans plus tard,
881 ropose aux princes chrétiens et au pape un Traité d’ alliance qui est, en vérité, un plan de fédération25 : car il limite e
882 un Traité d’alliance qui est, en vérité, un plan de fédération25 : car il limite expressément les souverainetés tout en g
883 l’autonomie des États membres. Il porte création d’ une assemblée — qui siégerait d’abord à Bâle —, d’une cour de justice,
884 d’une assemblée — qui siégerait d’abord à Bâle —, d’ une cour de justice, d’une procédure d’arbitrage international, d’une
885 blée — qui siégerait d’abord à Bâle —, d’une cour de justice, d’une procédure d’arbitrage international, d’une force armée
886 iégerait d’abord à Bâle —, d’une cour de justice, d’ une procédure d’arbitrage international, d’une force armée commune et
887 à Bâle —, d’une cour de justice, d’une procédure d’ arbitrage international, d’une force armée commune et d’un budget comm
888 stice, d’une procédure d’arbitrage international, d’ une force armée commune et d’un budget commun. Tout cela, beaucoup plu
889 trage international, d’une force armée commune et d’ un budget commun. Tout cela, beaucoup plus progressiste et moderne, on
890 cinq-cents ans plus tard, exactement, sous le nom d’ Europe des patries, et qui nous ramènerait à une Europe des États souv
891 de France Louis XI et par le pape Pie II, le plan de Podiebrad n’eut aucune suite. Et pourtant, ce pape n’était autre que
892 mini, qui essayait vainement, dans le même temps, d’ organiser une nouvelle croisade — Byzance venait de tomber aux mains d
893 des Turcs — et qui avait été le premier à parler de l’Europe comme d’une patrie commune, dans sa mémorable lettre à Mahom
894 i avait été le premier à parler de l’Europe comme d’ une patrie commune, dans sa mémorable lettre à Mahomet II : « Maintena
895 és et tués. »26 Deux siècles passent, et la face de l’Europe a changé : les grandes découvertes, la Réforme et la formati
896 oqué un vaste remue-ménage — notamment, la guerre de Trente Ans. Le temps est venu de repenser les relations entre les nat
897 ons, c’est-à-dire entre les princes. Quatre plans de grande envergure vont contribuer à cet effort de mise en ordre, qui e
898 de grande envergure vont contribuer à cet effort de mise en ordre, qui est la devise du xviie siècle. Tous les quatre ex
899 quatre expriment avec force la vocation fédérale de l’Europe, et la sourde angoisse de l’époque devant les prétentions ab
900 ation fédérale de l’Europe, et la sourde angoisse de l’époque devant les prétentions absolutistes des États. Tous les quat
901 s absolutistes des États. Tous les quatre émanent d’ esprits profondément religieux, et donc « œcuméniques » au sens qu’a p
902 t donc « œcuméniques » au sens qu’a pris ce terme de nos jours, impliquant le rapprochement des confessions chrétiennes. C
903 essions chrétiennes. C’est donc, en plus du motif de la paix, celui de la communauté spirituelle qui les inspire au premie
904 s. C’est donc, en plus du motif de la paix, celui de la communauté spirituelle qui les inspire au premier chef. Tous les q
905 chef. Tous les quatre, enfin, ont passé inaperçus de leurs contemporains, mais ils survivent dans la mémoire humaine aux t
906 s la mémoire humaine aux traités « fédéralistes » de l’époque, rapidement effacés par l’histoire. Ils n’ont cessé d’agir s
907 apidement effacés par l’histoire. Ils n’ont cessé d’ agir sur l’imagination des créateurs d’institutions européennes, jusqu
908 ’ont cessé d’agir sur l’imagination des créateurs d’ institutions européennes, jusqu’à nous. Ces quatre plans, dans l’ordre
909 ic Crucé, moine parisien, 1623 ; le Grand dessein de Sully, ministre huguenot d’Henri IV, 1638 ; le Réveil universel d’Amo
910 23 ; le Grand dessein de Sully, ministre huguenot d’ Henri IV, 1638 ; le Réveil universel d’Amos Comenius, évêque morave, 1
911 e huguenot d’Henri IV, 1638 ; le Réveil universel d’ Amos Comenius, évêque morave, 1645 ; et l’Essai sur la paix présente e
912 1645 ; et l’Essai sur la paix présente et future de l’Europe, de William Penn, quaker anglais et fondateur d’État en Amér
913 Essai sur la paix présente et future de l’Europe, de William Penn, quaker anglais et fondateur d’État en Amérique, 1692. S
914 ope, de William Penn, quaker anglais et fondateur d’ État en Amérique, 1692. S’y ajoutera, au début du xviiie siècle, un c
915 du xviiie siècle, un cinquième plan : le Projet de paix perpétuelle, du trop fameux abbé de Saint-Pierre, 1712. À franc
916 re, ces plans n’améliorent pas sensiblement celui de Podiebrad, bien qu’ils en redécouvrent en partie ou en complètent sur
917 r l’examen des faits : tous proposent un Tribunal d’ arbitrage supérieur aux États — nous dirions supranational ; une Assem
918 ut le premier et qui resta le moins connu : celui d’ Émeric Crucé, dont on sait seulement qu’il fut un obscur « moine pédag
919 fut un obscur « moine pédagogue » dans un collège de Paris27. Il se signale entre autres par trois propositions fort étonn
920 s, car toutes les religions tendent à la même fin d’ adoration et leurs cérémonies se valent donc. « Seul un esprit borné,
921 esprit borné, écrit-il, croit que tous sont tenus de vivre comme lui, et ne prise que ses [propres] coutumes, à la façon d
922 t ne prise que ses [propres] coutumes, à la façon de ces niais d’Athènes, qui estimaient la Lune de leur pays meilleure qu
923 e ses [propres] coutumes, à la façon de ces niais d’ Athènes, qui estimaient la Lune de leur pays meilleure que celle des a
924 on de ces niais d’Athènes, qui estimaient la Lune de leur pays meilleure que celle des autres » ; et 3° remplacer la forma
925 les industries artisanales, et développer un plan de grands travaux européens : canaux joignant « les deux mers », aménage
926 ne et suppression des douanes et péages. Ce plan, d’ une étonnante richesse, n’eut pas de suite. Mais Leibniz, bon Européen
927 ges. Ce plan, d’une étonnante richesse, n’eut pas de suite. Mais Leibniz, bon Européen et œcuméniste lui aussi, le dira et
928 rvira… Le Grand Dessein que le duc de Sully feint d’ attribuer à Henri IV, est moins original mais beaucoup plus célèbre :
929 ité, à l’origine, qu’un projet purement politique de pacte supranational des princes protestants et catholiques contre la
930 inces protestants et catholiques contre la maison de Habsbourg ; mais ses éléments sont épars dans les milliers de pages d
931  ; mais ses éléments sont épars dans les milliers de pages des Mémoires des sages et royales oeconomies 28, rédigés bien a
932 la liberté du commerce. Son mérite historique est d’ avoir attaché le prestige d’un grand roi à un beau titre, « le Grand D
933 mérite historique est d’avoir attaché le prestige d’ un grand roi à un beau titre, « le Grand Dessein », qui sera repris et
934 e Grand Dessein », qui sera repris et invoqué par d’ innombrables partisans de l’union, de William Penn et de l’abbé de Sai
935 ra repris et invoqué par d’innombrables partisans de l’union, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchi
936 invoqué par d’innombrables partisans de l’union, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchill. Du Révei
937 mbrables partisans de l’union, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchill. Du Réveil universel de Come
938 int-Pierre jusqu’à Churchill. Du Réveil universel de Comenius29, fondateur de la pédagogie moderne, précurseur visionnaire
939 ill. Du Réveil universel de Comenius29, fondateur de la pédagogie moderne, précurseur visionnaire du mouvement œcuménique
940 précurseur visionnaire du mouvement œcuménique et de la fédération mondiale, retenons le projet grandiose d’un triple trib
941 fédération mondiale, retenons le projet grandiose d’ un triple tribunal supérieur aux États : celui des lettrés, ou « Conse
942 rieur aux États : celui des lettrés, ou « Conseil de la lumière », celui des ecclésiastiques ou « Consistoire », et celui
943 oire », et celui des hommes politiques, ou « Cour de justice ». Et citons cette phrase mémorable : « La lumière doit être
944 e. » (Ceci fut écrit, je le rappelle, il y a plus de trois-cents ans.) De l’Essay de William Penn30, fondateur, gouverneur
945 je le rappelle, il y a plus de trois-cents ans.) De l’Essay de William Penn30, fondateur, gouverneur et presque roi de la
946 fisme intransigeant, le sens pratique et le souci de l’économie. Il propose lui aussi, comme Crucé, que l’on enseigne à la
947 gne à la jeunesse « la mécanique, la connaissance de la nature, la culture des arts utiles et agréables, et la connaissanc
948 européen. Et il suggère que la salle des séances de la Diète européenne soit ronde, et non carrée, et percée d’autant de
949 e européenne soit ronde, et non carrée, et percée d’ autant de portes qu’il y aura de délégations, cela pour éviter les dis
950 nne soit ronde, et non carrée, et percée d’autant de portes qu’il y aura de délégations, cela pour éviter les discussions
951 carrée, et percée d’autant de portes qu’il y aura de délégations, cela pour éviter les discussions de préséances… Et enfi
952 de délégations, cela pour éviter les discussions de préséances… Et enfin, du Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Sai
953 s discussions de préséances… Et enfin, du Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre31, surtout célèbre pour le
954 séances… Et enfin, du Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre31, surtout célèbre pour les railleries qu’il p
955 n six volumes médiocrement écrits pas grand-chose de neuf, sinon la proposition de commencer l’union de l’Europe par un co
956 its pas grand-chose de neuf, sinon la proposition de commencer l’union de l’Europe par un congrès réuni à La Haye — ce qui
957 e neuf, sinon la proposition de commencer l’union de l’Europe par un congrès réuni à La Haye — ce qui se fera effectivemen
958 tivement 236 ans plus tard — retenons ce jugement de Rousseau : « Si le projet demeure sans exécution, ce n’est pas qu’il
959 les hommes sont insensés, et que c’est une sorte de folie que d’être sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans
960 ont insensés, et que c’est une sorte de folie que d’ être sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans devinrent cél
961 que d’être sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans devinrent célèbres, comme celui de Sully, certains furent b
962 ains de ces plans devinrent célèbres, comme celui de Sully, certains furent beaucoup lus, comme celui de Saint-Pierre, mai
963 Sully, certains furent beaucoup lus, comme celui de Saint-Pierre, mais aucun n’entraîna la moindre suite pratique. Tourno
964 ison — et passons à la Révolution française. L’un de ses orateurs d’extrême gauche, Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur
965 s à la Révolution française. L’un de ses orateurs d’ extrême gauche, Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur la tribune de la
966 Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur la tribune de la Convention, un projet de République universelle dont la commune de
967 n 1792 sur la tribune de la Convention, un projet de République universelle dont la commune de Paris serait le centre omni
968 projet de République universelle dont la commune de Paris serait le centre omnipotent. Curieuse réplique laïque de la mon
969 it le centre omnipotent. Curieuse réplique laïque de la monarchie universelle de Dante, à la différence près que cette uto
970 ieuse réplique laïque de la monarchie universelle de Dante, à la différence près que cette utopie devrait être imposée au
971 précise Cloots, par « la guerre ! la guerre ! cri de tous les patriotes répandus sur la surface de l’Europe ». À cette cro
972 cri de tous les patriotes répandus sur la surface de l’Europe ». À cette croisade dont la devise serait « Les jacobins par
973 bins partout ! », répond le projet tout contraire d’ un Anglais, d’ailleurs décrété citoyen français par la même Convention
974 lèbre économiste Jeremy Bentham : c’est un projet de paix perpétuelle33. Il demande d’une part une Europe neutre, armée et
975 t une Europe neutre, armée et unie, sur le modèle de la « Ligue helvétique », d’autre part l’abandon par la France et la G
976 art l’abandon par la France et la Grande-Bretagne de toutes leurs coûteuses « dépendances d’outre-mer », ainsi que l’on no
977 -Bretagne de toutes leurs coûteuses « dépendances d’ outre-mer », ainsi que l’on nommait alors les colonies. Ce plan, faut-
978 isme et des grands travaux industriels — le canal de Suez sera fait par ses disciples — propose lui aussi dans son projet
979 ses disciples — propose lui aussi dans son projet d’ Organisation de la société européenne 34, la fusion des intérêts franc
980 propose lui aussi dans son projet d’Organisation de la société européenne 34, la fusion des intérêts franco-anglais et la
981 fusion des intérêts franco-anglais et la création d’ un parlement européen élu par les élites professionnelles et « placé a
982 les élites professionnelles et « placé au-dessus de tous les gouvernements nationaux ». Saint-Simon est le véritable ancê
983 ommun, en ceci que, pour lui, l’union doit naître de la « force coactive » des institutions économiques, force qui « conce
984 ur comprendre un message aussi précis, un message d’ ingénieur politique. L’âge industriel, inauguré par l’espérance libert
985 quête napoléonienne. À l’idéal du Saint-Empire et de la Sainte-Alliance des rois de Metternich, il substitue l’idée de la
986 du Saint-Empire et de la Sainte-Alliance des rois de Metternich, il substitue l’idée de la « Sainte-Alliance des peuples »
987 iance des rois de Metternich, il substitue l’idée de la « Sainte-Alliance des peuples » de Béranger. Mais ce sont les État
988 itue l’idée de la « Sainte-Alliance des peuples » de Béranger. Mais ce sont les États-nations qui mangeront les marrons ai
989 r, Heine, Lamartine et Mickiewicz, tous partisans d’ États-Unis d’Europe basés sur la volonté des peuples, chantés par les
990 exploités par les politiciens aux courtes ruses. D’ innombrables congrès européens remplissent le xixe siècle. Ils n’abou
991 s nous y retrouvons, pendant vingt ans, environné d’ un long tonnerre d’acclamations, Victor Hugo, ce poète qu’il faut salu
992 , pendant vingt ans, environné d’un long tonnerre d’ acclamations, Victor Hugo, ce poète qu’il faut saluer comme le plus gr
993 ète qu’il faut saluer comme le plus grand lyrique de l’idéal d’union européenne. Voici d’abord un extrait du discours qu’i
994 aut saluer comme le plus grand lyrique de l’idéal d’ union européenne. Voici d’abord un extrait du discours qu’il prononce
995 du monde a fait trois révolutions comme les dieux d’ Homère faisaient trois pas. Ces trois révolutions qui n’en font qu’une
996 lution locale, c’est la révolution humaine… Après de longues épreuves, cette révolution a enfanté en France la république…
997 même du continent monarchique la première assise de cet immense édifice de l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Un
998 rchique la première assise de cet immense édifice de l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Unis d’Europe ! M. de Mon
999 nationalistes, il se rappelait l’histoire réelle de sa nation. Deux ans plus tôt, au congrès de la Paix réuni à Paris, il
1000 éelle de sa nation. Deux ans plus tôt, au congrès de la Paix réuni à Paris, il s’était écrié : Un jour viendra où vous Fr
1001 jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvra
1002 universel des peuples, par le véritable arbitrage d’ un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à
1003 que, les États-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs pro
1004 eur…36 En 1868, paraissait la grande prédiction de Proudhon : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’human
1005 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. »37 Un an plus tôt, Hugo avait écrit : Au xxe siècle, il
1006 tte nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’ être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale a
1007 re, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
1008 u reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’ une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appeller
1009 uoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation de l’Europe.38 Hugo, hélas, avançait de cent ans sur l’histoire. Car l
1010 formation de l’Europe.38 Hugo, hélas, avançait de cent ans sur l’histoire. Car le xixe siècle, en fait, vit au contrai
1011 Vers la fin du siècle, tous les bons observateurs de cette évolution, Jacob Burckhardt, mais aussi Dostoïevski, Ernest Ren
1012 rédisent le pire. Nietzsche écrit dans la Volonté de Puissance : « Un peu d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état
1013 che écrit dans la Volonté de Puissance : « Un peu d’ air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état de l’Europe dure plus lo
1014 u d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état de l’Europe dure plus longtemps ! Y a-t-il une pensée quelconque derrièr
1015 il une pensée quelconque derrière ce nationalisme de bêtes à cornes ? À présent que tout s’oriente vers de plus larges int
1016 vers de plus larges intérêts communs, à quoi rime d’ exciter ces égoïsmes galeux ? » Il croyait pouvoir constater que « che
1017 r que « chez tous les esprits étendus et profonds de ce siècle, l’œuvre commune de l’âme consiste à préparer et à anticipe
1018 étendus et profonds de ce siècle, l’œuvre commune de l’âme consiste à préparer et à anticiper cette nouvelle synthèse : l’
1019 ette nouvelle synthèse : l’Europe une, l’Européen de l’avenir »39. Mais en même temps, il dénonçait la « paralysie de la v
1020 . Mais en même temps, il dénonçait la « paralysie de la volonté », maladie dont l’Europe risquait de mourir, et dont seule
1021 e de la volonté », maladie dont l’Europe risquait de mourir, et dont seule la Russie lui paraissait rester indemne, attend
1022 ttendant son heure… Enfin, Georges Sorel, dans un de ses Propos datés de 1912 : L’Europe, ce cimetière, est peuplée par d
1023 Enfin, Georges Sorel, dans un de ses Propos datés de 1912 : L’Europe, ce cimetière, est peuplée par des peuples qui chant
1024 e, est peuplée par des peuples qui chantent avant d’ aller s’entretuer. Les Français et les Allemands chanteront bientôt.40
1025 Car cette fois-ci, il y en eut une ! Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Paul Valéry pouvait écrire : Tout ne s’
1026 pe avait touché le fond, une première fois. C’est de ce moment-là que date la renaissance des plans d’union — la Paneurope
1027 de ce moment-là que date la renaissance des plans d’ union — la Paneurope du comte Coudenhove-Kalergi puis d’Aristide Brian
1028 n — la Paneurope du comte Coudenhove-Kalergi puis d’ Aristide Briand et d’Alexis Léger, entre 1923 et 193242. Et c’est au l
1029 omte Coudenhove-Kalergi puis d’Aristide Briand et d’ Alexis Léger, entre 1923 et 193242. Et c’est au lendemain de la Deuxiè
1030 éger, entre 1923 et 193242. Et c’est au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale que s’organise une action politique, écon
1031 lités immédiates une attente frustrée depuis plus de six siècles. Le temps des plans qui n’ont pas eu de suite est révolu.
1032 six siècles. Le temps des plans qui n’ont pas eu de suite est révolu. Désormais, tout s’enchaîne et s’entraîne : chaque p
1033 la de Genève, et à quatre reprises, des militants de la Résistance de neuf pays européens. Ils élaborent une déclaration c
1034 à quatre reprises, des militants de la Résistance de neuf pays européens. Ils élaborent une déclaration commune, constatan
1035 s buts moraux, sociaux, économiques et politiques d’ une union de leurs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent être a
1036 x, sociaux, économiques et politiques d’une union de leurs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent être atteints que
1037 tteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant
1038 vers pays du monde acceptent de dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique orga
1039 anisation fédérale. La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule généra
1040 fédérale. La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’E
1041 oûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’ une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mond
1042 ’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence
1043 nt tout pour origine l’existence sur ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par
1044 continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre
1045 orte de remédier à cette anarchie par la création d’ une Union fédérale entre les peuples européens.43 Vous avez reconnu,
1046 ffaire à des voix isolées, à vingt ou cent années de distance l’une de l’autre, parlant dans le désert et pour l’avenir, m
1047 isolées, à vingt ou cent années de distance l’une de l’autre, parlant dans le désert et pour l’avenir, mais à des groupes
1048 ns le désert et pour l’avenir, mais à des groupes de militants en plein combat ; et non plus à des vœux, mais à des volont
1049 . Il en naît, dans tous nos pays, un foisonnement de petits groupes, associations, mouvements et ligues fédéralistes. Leur
1050 rassemblés à Montreux à l’automne 194744 décident de convoquer pour le printemps suivant, des états généraux de l’Europe.
1051 uer pour le printemps suivant, des états généraux de l’Europe. Churchill vient de faire à Zurich son célèbre discours appe
1052 On lui offrira la présidence. Et c’est ainsi que de la conjonction d’une vingtaine de mouvements fédéralistes ou unionist
1053 présidence. Et c’est ainsi que de la conjonction d’ une vingtaine de mouvements fédéralistes ou unionistes, de quelques gr
1054 c’est ainsi que de la conjonction d’une vingtaine de mouvements fédéralistes ou unionistes, de quelques grands hommes poli
1055 ngtaine de mouvements fédéralistes ou unionistes, de quelques grands hommes politiques, et de plus de 800 députés, dirigea
1056 de quelques grands hommes politiques, et de plus de 800 députés, dirigeants syndicalistes, intellectuels et économistes —
1057 e Polonais Joseph Retinger46 — résulte le Congrès de l’Europe, qui se réunit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti
1058 grès de l’Europe, qui se réunit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti de là, on ne le dira jamais assez. Car le co
1059 nit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti de là, on ne le dira jamais assez. Car le congrès de La Haye est la synt
1060 de là, on ne le dira jamais assez. Car le congrès de La Haye est la synthèse vivante des grands motifs traditionnels d’uni
1061 synthèse vivante des grands motifs traditionnels d’ union représentés en fait par ses trois commissions : la politique, l’
1062 pirituelle, par le rassemblement des forces vives de la culture, au-delà des frontières et des nationalismes. Il est remar
1063 motif, presque toujours invoqué jusque-là, celui de la défense commune, soit totalement absent des débats et du Manifeste
1064 es débats et du Manifeste final47. Tout est parti de La Haye, je le répète car, de chacun des trois motifs retenus et rass
1065 l47. Tout est parti de La Haye, je le répète car, de chacun des trois motifs retenus et rassemblés par le Congrès, donc de
1066 motifs retenus et rassemblés par le Congrès, donc de chacune des commissions qui le composent, vont sortir, en quelques an
1067 sortir, en quelques années, trois grandes lignées d’ institutions aujourd’hui solidement établies, donc trois succès, — tan
1068 tablies, donc trois succès, — tandis que du motif de la défense, non retenu à La Haye, ne sortira qu’un échec, celui de la
1069 n retenu à La Haye, ne sortira qu’un échec, celui de la CED, en 1954. (Soit dit en passant : s’il était vrai que la peur d
1070 Soit dit en passant : s’il était vrai que la peur de Staline et de l’impérialisme communiste ait été, comme on le répète,
1071 ssant : s’il était vrai que la peur de Staline et de l’impérialisme communiste ait été, comme on le répète, le vrai moteur
1072 niste ait été, comme on le répète, le vrai moteur de notre union, son fédérateur par l’angoisse, la première institution e
1073 nc ce qui s’est réalisé. La commission politique de La Haye avait demandé l’institution d’un Conseil de l’Europe, doté d’
1074 politique de La Haye avait demandé l’institution d’ un Conseil de l’Europe, doté d’une Cour des droits de l’Homme et d’une
1075 andé l’institution d’un Conseil de l’Europe, doté d’ une Cour des droits de l’Homme et d’une Assemblée européenne. Neuf moi
1076 n Conseil de l’Europe, doté d’une Cour des droits de l’Homme et d’une Assemblée européenne. Neuf mois plus tard, le Consei
1077 ’Europe, doté d’une Cour des droits de l’Homme et d’ une Assemblée européenne. Neuf mois plus tard, le Conseil de l’Europe
1078 a commission économique avait demandé la création d’ institutions communes, permettant la fusion des intérêts essentiels de
1079 nes, permettant la fusion des intérêts essentiels de nos nations : production industrielle, législation sociale, tarifs do
1080 t accepter la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier, ou CECA, à laquelle viendront s’ajouter, dès 1957, l’Euratom
1081 on culturelle, enfin, avait demandé l’institution d’ un Centre européen de la culture. Et celui-ci se crée à Genève, dès 19
1082 , dès 1949, tandis qu’on voit depuis une douzaine d’ années se multiplier autour de lui, bien souvent grâce à lui, parfois
1083 si le veut le pluralisme européen, vrai fondement de notre unité — plus d’une centaine d’instituts, associations, maisons
1084 me européen, vrai fondement de notre unité — plus d’ une centaine d’instituts, associations, maisons de l’Europe et fondati
1085 ai fondement de notre unité — plus d’une centaine d’ instituts, associations, maisons de l’Europe et fondations48, qui se p
1086 d’une centaine d’instituts, associations, maisons de l’Europe et fondations48, qui se proposent tous et toutes de réveille
1087 et fondations48, qui se proposent tous et toutes de réveiller et d’entretenir le sentiment de notre commune appartenance
1088 , qui se proposent tous et toutes de réveiller et d’ entretenir le sentiment de notre commune appartenance à l’aventure spi
1089 toutes de réveiller et d’entretenir le sentiment de notre commune appartenance à l’aventure spirituelle de l’Europe. Le m
1090 tre commune appartenance à l’aventure spirituelle de l’Europe. Le mouvement vers l’union paraît irréversible au plan écono
1091 eu son couronnement politique, dans quelque forme d’ association, d’intégration ou de fédération. Enfin, grâce aux efforts
1092 ment politique, dans quelque forme d’association, d’ intégration ou de fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés d’un
1093 ans quelque forme d’association, d’intégration ou de fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés d’une trentaine d’Ins
1094 e fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés d’ une trentaine d’Instituts universitaires d’études européennes et de va
1095 fin, grâce aux efforts multipliés d’une trentaine d’ Instituts universitaires d’études européennes et de vastes groupements
1096 ipliés d’une trentaine d’Instituts universitaires d’ études européennes et de vastes groupements éducatifs, tels que l’Asso
1097 ’Instituts universitaires d’études européennes et de vastes groupements éducatifs, tels que l’Association européenne des e
1098 l’école primaire et secondaire, dans une dizaine de nos pays, le sens de l’union s’enracine dans les nouvelles génération
1099 secondaire, dans une dizaine de nos pays, le sens de l’union s’enracine dans les nouvelles générations. Progrès décisif !
1100 f ! Car c’est ainsi seulement que la construction de l’Europe peut trouver son assise populaire ; c’est ainsi seulement qu
1101 ue pourra s’opérer la transmutation indispensable de la volonté militante de quelques groupes en consentement raisonné du
1102 ansmutation indispensable de la volonté militante de quelques groupes en consentement raisonné du grand nombre. Aujourd’hu
1103 peuples ! Tout ceci s’est passé en une quinzaine d’ années, durant lesquelles les militants de l’Europe unie n’ont cessé d
1104 inzaine d’années, durant lesquelles les militants de l’Europe unie n’ont cessé de se plaindre de l’indifférence qui répond
1105 uelles les militants de l’Europe unie n’ont cessé de se plaindre de l’indifférence qui répondait à leurs appels, et de la
1106 tants de l’Europe unie n’ont cessé de se plaindre de l’indifférence qui répondait à leurs appels, et de la lenteur scandal
1107 e l’indifférence qui répondait à leurs appels, et de la lenteur scandaleuse des progrès vers la fédération ! Cette impatie
1108 st nécessaire. C’est l’une des conditions vitales de l’action et de la volonté d’action. Une autre condition est de savoir
1109 C’est l’une des conditions vitales de l’action et de la volonté d’action. Une autre condition est de savoir où l’on va, do
1110 s conditions vitales de l’action et de la volonté d’ action. Une autre condition est de savoir où l’on va, donc de mesurer
1111 t de la volonté d’action. Une autre condition est de savoir où l’on va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de vou
1112 ne autre condition est de savoir où l’on va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de vous rappeler, par mon survol
1113 ndition est de savoir où l’on va, donc de mesurer d’ où l’on vient. J’ai tenté de vous rappeler, par mon survol rapide de s
1114 n va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de vous rappeler, par mon survol rapide de six siècles et demi de frustr
1115 ’ai tenté de vous rappeler, par mon survol rapide de six siècles et demi de frustration, les origines lointaines et les mo
1116 ler, par mon survol rapide de six siècles et demi de frustration, les origines lointaines et les motifs constants du mouve
1117 vers l’unité finale du genre humain, dans le sens de la vraie vocation de l’Europe. 21. Les citations des plans européen
1118 u genre humain, dans le sens de la vraie vocation de l’Europe. 21. Les citations des plans européens qu’on trouvera plus
1119 pourra se reporter pour le contexte. 22. Dante, De Monarchia, écrit en 1308, en latin, cité d’après la traduction frança
1120 8, en latin, cité d’après la traduction française de B. Landry, Alcan, Paris, 1933. 23. Pierre Dubois, De recuperatione T
1121 . Landry, Alcan, Paris, 1933. 23. Pierre Dubois, De recuperatione Terra Sancte, composé en 1306, et adressé sous forme de
1122 ous forme de lettre circulaire à tous les princes de la chrétienté. 24. Christian L. Lange, Histoire de l’internationalis
1123 la chrétienté. 24. Christian L. Lange, Histoire de l’internationalisme, Christiania, 1919, tome I, chapitre IV. 25. Le
1124 tiania, 1919, tome I, chapitre IV. 25. Le traité de Georges Podiebrad (1420-1471) fut écrit en latin, l’an 1463. Son text
1125 n 1463. Son texte est reproduit dans les mémoires de Philippe de Comines, où il est annoncé par ce titre français : Traité
1126 où il est annoncé par ce titre français : Traité d’ alliance et confédération entre le roy Louis IX, Georges roy de Bohême
1127 confédération entre le roy Louis IX, Georges roy de Bohême et la seigneurie de Venise, pour résister au Turc. 26. Æneas
1128 Louis IX, Georges roy de Bohême et la seigneurie de Venise, pour résister au Turc. 26. Æneas Silvius Piccolomini (1405-1
1129 Turc. 26. Æneas Silvius Piccolomini (1405-1464), De Constantinopolitana clade ac bello contra Turcos congregando. Podiebr
1130 t les Princes oblige Pie II à condamner le projet de Podiebrad, qui d’ailleurs est anticlérical. 27. Émeric Crucé († 1648
1131 eric Crucé († 1648), Le Nouveau Cynée ou discours d’ État représentant les occasions et moyens d’établir une paix générale
1132 cours d’État représentant les occasions et moyens d’ établir une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde.
1133 monde. Publié à Paris, en 1623. 28. Les Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully (leur titre complet compte une di
1134 c de Sully (leur titre complet compte une dizaine de lignes) n’ont paru qu’en 1662, quoique leur achèvement remonte à 1638
1135 public, en 1745. 29. Amos Comenius (nom latinisé de Komenski), 1592-1670, écrivit sa Panegersia ou Réveil universel en 16
1136 t la publia en 1666. La phrase citée est extraite de la « Praefatio ad Europeos ». 30. L’Essay towards the Present and Fu
1137 he Present and Future Peace of Europe fut composé de 1692 à 1694, pendant une interruption de la carrière de William Penn
1138 composé de 1692 à 1694, pendant une interruption de la carrière de William Penn comme gouverneur. 31. Le Projet pour ren
1139 2 à 1694, pendant une interruption de la carrière de William Penn comme gouverneur. 31. Le Projet pour rendre la Paix per
1140 Cologne en 1712, puis à Utrecht en 1713, sans nom d’ auteur. En 1729, l’abbé de Saint-Pierre en compose un Abrégé qu’il sig
1141 qu’il signe cette fois. 32. L’Extrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, ci
1142 ois. 32. L’Extrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève paru
1143 xtrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève parut à Amsterdam
1144 abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève parut à Amsterdam en 1761. 33. C’est dans les Principles of i
1145 inés en 1789, publiés en 1843, bien après la mort de l’auteur, que Jeremy Bentham inclut A Plan for an Universal and Perpe
1146 an for an Universal and Perpetual Peace, traitant de la question européenne. 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisati
1147 a question européenne. 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisation de la société européenne ou de la nécessité de rass
1148 . 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisation de la société européenne ou de la nécessité de rassembler les peuples de
1149 De la réorganisation de la société européenne ou de la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps p
1150 ation de la société européenne ou de la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique, en con
1151 enne ou de la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indép
1152 tons) sur le même thème. 40. Jean Variot, Propos de Georges Sorel, Paris, 1935. 41. Paul Valéry, Variété I, La Crise de
1153 aris, 1935. 41. Paul Valéry, Variété I, La Crise de l’esprit (écrit en 1919), Paris, 1924. 42. Le comte Richard Coudenho
1154 convaincu par le jeune Autrichien, décide en 1928 de soumettre à la SDN un projet de confédération européenne. Et c’est à
1155 n, décide en 1928 de soumettre à la SDN un projet de confédération européenne. Et c’est à Alexis Léger, son plus proche co
1156 fie la rédaction du Mémorandum sur l’organisation d’ un régime d’union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 (republié
1157 tion du Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’ union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 (republié par les Cahi
1158 e, daté du 1er mai 1930 (republié par les Cahiers de la Pléiade, numéro d’Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme d’Alexis
1159 0 (republié par les Cahiers de la Pléiade, numéro d’ Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme d’Alexis Léger — Paris, 1950).
1160 numéro d’Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme d’ Alexis Léger — Paris, 1950). 43. Voir le texte complet de cette décla
1161 Léger — Paris, 1950). 43. Voir le texte complet de cette déclaration des Résistances dans L’Europe de demain, La Baconni
1162 e cette déclaration des Résistances dans L’Europe de demain, La Baconnière, Neuchâtel, 1945 ; qui donne un récit détaillé
1163 nne un récit détaillé des rencontres clandestines de Genève. 44. Les documents du congrès de Montreux, 27-31 août 1947, o
1164 destines de Genève. 44. Les documents du congrès de Montreux, 27-31 août 1947, organisé par Henri Brugmans, Raymond Silva
1165 u en un volume, Rapport du premier congrès annuel de l’union européenne des fédéralistes, Genève, 1947, hors commerce. 45
1166 fait entendre que l’Angleterre ne sera pas membre de l’Union qu’il propose : « … de ce travail urgent, la France et l’Alle
1167 ne sera pas membre de l’Union qu’il propose : « … de ce travail urgent, la France et l’Allemagne doivent prendre la direct
1168 rs tout irait bien — doivent être amis et garants de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie ». (Cf. « Généalogi
1169 re, n° 6, 1960-1961, p. 81.) 46. Sur la carrière de J. H. Retinger, voir Hommage à un grand Européen, J. H. Retinger , p
1170 emont, La Baconnière, Neuchâtel, 1948. Le congrès de l’Europe se tint du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence d’honne
1171 tint du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence d’ honneur (effective) de W. Churchill, le chairman étant Duncan Sandys.
1172 La Haye, sous la présidence d’honneur (effective) de W. Churchill, le chairman étant Duncan Sandys. Les présidents et rapp
1173 Institutions culturelles européennes, inventaire de leurs activités dressé pour la « Fondation européenne de la culture »
1174 s activités dressé pour la « Fondation européenne de la culture », Genève, 1959 (ronéotypé, 100 exemplaires). On y trouver
1175 é, 100 exemplaires). On y trouvera la description de 60 organismes gouvernementaux et privés, Instituts universitaires d’e
1176 uvernementaux et privés, Instituts universitaires d’ enseignement et de recherches, ou de relations internationales, fondat
1177 rivés, Instituts universitaires d’enseignement et de recherches, ou de relations internationales, fondations, jurys de pri
1178 niversitaires d’enseignement et de recherches, ou de relations internationales, fondations, jurys de prix européens, etc.
1179 u de relations internationales, fondations, jurys de prix européens, etc. Bien d’autres instituts ont été créés depuis lor
5 1962, Les Chances de l’Europe. IV. Les nouvelles chances de l’Europe
1180 IV. Les nouvelles chances de l’Europe Donc l’Europe est en train de s’unir, nous avons vu pour q
1181 s, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit d’ en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de
1182 d il s’agit d’en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la f
1183 n politique. Celle de l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouv
1184 es États, celle de l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouvelle doit forcer leur accord : c’e
1185 accord : c’est la nécessité matérielle et morale de répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim, par sa pe
1186 sa peur et même par sa haine. C’est la nécessité de nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. S’il es
1187 st la nécessité de nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. S’il est vrai que la fonction crée l’orga
1188 ’il est vrai que la fonction crée l’organe, c’est de cette vocation elle-même que doit venir l’impulsion décisive, qui nou
1189 ui nous oblige à rassembler les forces dispersées de nos nations, de manière à réaliser, pour la première fois dans l’hist
1190 ère fois dans l’histoire, la « capacité globale » de notre continent. La vocation d’un homme, d’un groupe ou d’une culture
1191 apacité globale » de notre continent. La vocation d’ un homme, d’un groupe ou d’une culture, c’est cela qui les tient debou
1192 ale » de notre continent. La vocation d’un homme, d’ un groupe ou d’une culture, c’est cela qui les tient debout, c’est cel
1193 continent. La vocation d’un homme, d’un groupe ou d’ une culture, c’est cela qui les tient debout, c’est cela qui leur perm
1194 qui les tient debout, c’est cela qui leur permet de transcender leurs données naturelles et natives — leur horoscope ; c’
1195 ires, que l’Europe s’est mise à s’unir. Les dates de la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est
1196 de la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates,
1197 roche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premiè
1198 que, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962, et tout porte à prévoi
1199 nnées, l’un par l’indépendance des derniers îlots de colonies subsistants, et l’autre par la mise en place d’institutions
1200 nies subsistants, et l’autre par la mise en place d’ institutions politiques communes. Coïncidence très remarquable, et qui
1201 . Coïncidence très remarquable, et qui mériterait de susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s
1202 e susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entr
1203 e vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entre les deux phénomènes, ou si plutôt, comme je le cr
1204 e je le crois, ils ne résultent pas tous les deux d’ une seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès l
1205 isme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples de Rousseau, puis Herder, Bentham et Fichte avaient dénoncé l’expansion
1206 noncé l’expansion coloniale comme un péché mortel de l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps eu
1207 solution du corps européen en nations rivales. Et de fait, la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir d
1208 la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir des débouchés outre-mer — un espace vital, dira Hitler — a j
1209 Mais ces mêmes guerres ont déclenché deux séries de réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatr
1210 es guerres ont déclenché deux séries de réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la
1211  : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au
1212 e la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’ eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’étaient battus, et ava
1213 s s’étaient battus, et avaient conclu les traités de 1919, et ceci devait amener les colonies à réclamer leur émancipation
1214 t fait comprendre aux Européens qu’il était temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener, nous l’a
1215 it amener, nous l’avons vu, le réveil des projets d’ union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que
1216 on. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, nationalistes ou marxistes,
1217 puis cinquante ans que l’Europe n’était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disai
1218 de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disaient les autres, sont en train de recevoir un démen
1219 cevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’ exemples. Car en effet, s’ils avaient eu raison, le retrait colonial e
1220 raison, le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seuleme
1221 le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seulement avec
1222 re union, mais avec une prospérité sans précédent de l’ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie n’avait connu cro
1223 il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions d’ outre-mer. Décolonisation, union, prospérité — simultanées. Ce premier
1224 tanées. Ce premier fait, définissant les rapports de l’Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme sui
1225 ue, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale d’ États rivaux, pour criminelle qu’on veuille la juger, a réveillé en fa
1226 rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes de nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’ég
1227 nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelq
1228 , l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationali
1229 euples et des races — mais aussi de quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont
1230 isme, ils se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart
1231 vantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart créés par nous. Quant aux nations coloni
1232 t créés par nous. Quant aux nations colonialistes de l’Europe, presque ruinées à deux reprises par le délire nationaliste,
1233 eux reprises par le délire nationaliste, obligées de refaire leur bilan, cédant à la pression d’une opinion mondiale formé
1234 igées de refaire leur bilan, cédant à la pression d’ une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1235 ’une opinion mondiale formée par leurs principes, d’ une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1236 uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et de leur intérêt mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Unis
1237 aussi par les États-Unis, qui les sauvaient alors de la faillite —, elles ont l’une après l’autre « décroché ». Mais dans
1238 raisons, elles ont compris ce qu’elles refusaient de comprendre depuis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de le
1239 uis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de leur union. Elles ont perdu le monde et retrouvé l’Europe. Mais voici
1240 qui domine notre situation : le retrait politique de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par
1241 ue de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par le tiers-monde. Je le disais d’entrée de jeu 
1242 re civilisation par le tiers-monde. Je le disais d’ entrée de jeu : l’Europe a fait le monde, et cela non seulement parce
1243 sation par le tiers-monde. Je le disais d’entrée de jeu : l’Europe a fait le monde, et cela non seulement parce qu’elle a
1244 , est tenue pour responsable, à tort ou à raison, d’ autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle so
1245 ue pour responsable, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seu
1246 able, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su s
1247 ndre transportable et intégrable hors du contexte de ses origines raciales, politiques et religieuses. Nous savons tous au
1248 s Européens, en désordre, et sans le moindre plan d’ ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur tous les continents des
1249 bitués depuis des siècles aux plus cruels régimes d’ oppression autochtone. C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui da
1250 que l’injustice, dans l’immense processus chargé d’ humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d
1251 ce, dans l’immense processus chargé d’humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure
1252 argé d’humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très l
1253 té et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fa
1254 ité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’ une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien n
1255 d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’ être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’
1256 nt. Nulle autre civilisation n’avait été mondiale de cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête : Alexandre le
1257 Cook suffirait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre d’illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses di
1258 ait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre d’ illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses dimensions phy
1259 dimensions physiques, nous ne pouvons plus faire d’ erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans tou
1260 s physiques, nous ne pouvons plus faire d’erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans toutes ses gr
1261 e occidentale ressuscite inlassablement bien plus de traditions oubliées par leurs peuples que nos armées et nos missions
1262 s détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effac
1263 ne va-t-il pas entraîner l’effacement progressif de cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger,
1264 ’effacement progressif de cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève
1265  européisation » de la planète ? Il est difficile d’ en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous les signes vé
1266 indiquent une tendance prononcée vers l’expansion de notre culture dans les colonies libérées. Le retrait des Anglais de l
1267 res culturelles françaises, qui disait en janvier de cette année : Au Cambodge, toute la jeunesse parle le français, alor
1268 français, alors que dans la génération des hommes de quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite
1269 ion des hommes de quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite sait notre langue… On n’apprend plu
1270 rce qu’on y est obligé, mais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, q
1271 n de cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’accès aisé
1272 on nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’ accès aisé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleu
1273 lent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate de mesures politiques et sociales, hygiéniques, urbanistes, techniques,
1274 industrielles, tout simplement copiées sur celles de l’Occident. Bien plus, ces administrateurs ne sont partis qu’en vertu
1275 e sagesse régulatrice. Il en résulte deux séries de conséquences qui risquent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens
1276 résulte deux séries de conséquences qui risquent d’ être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tie
1277 st rendue assimilable et transportable qu’au prix d’ une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses va
1278 x d’une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses valeurs fondamentales. Le monde accepte nos machin
1279 es. Le monde accepte nos machines et quelques-uns de nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, philosophique et
1280 leur intégration, bon an mal an, dans le complexe de nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les v
1281 on an mal an, dans le complexe de nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
1282 ns. Il faut l’admettre : les versions simplifiées de la civilisation occidentale se prêtent mieux à l’exportation que la v
1283 t mieux à l’exportation que la version originale. D’ où l’avantage incontestable des Américains, et surtout des Soviétiques
1284 ins, et surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’une manière rapide et
1285 es, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire d’ occidentaliser — d’une manière rapide et massive, les colonies récemme
1286 t de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’ une manière rapide et massive, les colonies récemment libérées. Ces no
1287 des élites européennes pendant les derniers temps de la colonisation et le respect des cultures indigènes n’a jamais arrêt
1288 ôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : «
1289 ccueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme 
1290 le découvrent. Mais aussitôt, ils nous accablent de reproches. Je vous citerai, à ce propos, un professeur indien enseign
1291 nseignant à Oxford, le Dr Raghavan Iyer qui, lors d’ un tout récent congrès européen, entendait se faire l’écho des ressent
1292 ents du tiers-monde à l’égard de notre culture et de sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés imit
1293 ident, ce professeur rendait l’Europe responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en
1294 responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les co
1295 nt, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou discréditées de l’e
1296 lait « les conceptions partielles ou discréditées de l’esprit européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici 
1297 ssianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration de la puissance militaire et politique, une bureaucratie qu’on ne pourra
1298 tinisme culturel.50 C’est une assez bonne liste de nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débu
1299 se sont manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous
1300 buts de l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous p
1301 nes, que nous envoyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivali
1302 voyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivalités, des assista
1303 chose du milieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des
1304 l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des agitateurs politiques, des commerçants incultes et nos plus
1305 ni pour la nôtre. Telle est la situation concrète de l’Europe dans le monde actuel. Je la résume : la décolonisation, loin
1306 sans précédent ; le monde entier se met à l’école de notre civilisation ; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là, e
1307 aute, car nous n’avons jamais conçu une politique de civilisation répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos
1308 répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos responsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lors l
1309 ses slogans les plus démagogiques, au seul profit de leurs exploitants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évi
1310 els et moraux ? ⁂ Un certain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre51, semble avoir persuadé nos
1311 ain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre51, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses q
1312 ine de Russie le baron Grimm, gazetier littéraire de Paris, à l’aube de la Révolution : Deux empires se partageront [le m
1313 ron Grimm, gazetier littéraire de Paris, à l’aube de la Révolution : Deux empires se partageront [le monde] : la Russie d
1314 du côté de l’Orient, et l’Amérique, devenue libre de nos jours, du côté de l’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, n
1315 52 En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’historien Adolphe Thiers : Il n’y a plus que deux peuples. La Russ
1316 l’ascension des deux grands, qui date exactement de la fin de la dernière guerre, au plan mondial. L’Europe se sentait éc
1317 on des deux grands, qui date exactement de la fin de la dernière guerre, au plan mondial. L’Europe se sentait écrasée entr
1318 it jeu graphique, très simple. Prenez une feuille de papier quadrillé. Dessinez trois rectangles verticaux posés côte à cô
1319 à côte, ayant chacun pour base dix carrés. Celui de gauche a 18 carrés de hauteur, celui de droite 22 carrés, et celui du
1320 pour base dix carrés. Celui de gauche a 18 carrés de hauteur, celui de droite 22 carrés, et celui du milieu 43 carrés : il
1321 és. Celui de gauche a 18 carrés de hauteur, celui de droite 22 carrés, et celui du milieu 43 carrés : il est donc à lui se
1322 s deux Grands. Chaque carré représente un million d’ habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer compte 330 millions ; l
1323 million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer compte 330 millions ; les sept États européens actuellement soumi
1324 ette quantité démographique les qualités humaines de l’Européen, qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosoph
1325 un sur l’autre et qui, au surplus, sont très loin d’ additionner leurs forces contre nous : ils sont plutôt rivaux, et l’un
1326 allié. Mais vous me direz que la puissance réelle de l’Europe n’est pas à proportion de sa population ? C’est exact, en ce
1327 issance réelle de l’Europe n’est pas à proportion de sa population ? C’est exact, en ce sens que, par tête d’habitant, la
1328 opulation ? C’est exact, en ce sens que, par tête d’ habitant, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. M
1329 nt, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en
1330 dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme d’ accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et
1331 ’Europe occupe le premier rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait
1332 pe le premier rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits d
1333 rang pour la production de l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les
1334 uille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les États-Unis tenant le deuxième rang et l’URSS le troisième.
1335 un exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculé
1336 aît pas dénué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences, d
1337 ué de toute signification : production de savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences, de 1901 — da
1338 ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences, de 1901 — date de la création du Prix — à 1961 : Russie et démocraties p
1339 e en prix Nobel pour les sciences, de 1901 — date de la création du Prix — à 1961 : Russie et démocraties populaires : 9 l
1340 est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen d’ une nation de 335 millions, voire de 430 millions (en comptant les sat
1341 ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation de 335 millions, voire de 430 millions (en comptant les satellites europ
1342 re le citoyen d’une nation de 335 millions, voire de 430 millions (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais s
1343 30 millions (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou de
1344 s européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’ un petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échell
1345 ’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouve
1346 , mais seulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’
1347 ulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l
1348 qu’il faut pour être encore la première puissance de la Terre, non par ses dimensions mais par son potentiel démographique
1349 hique, économique et culturel. Cependant, le sort d’ une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chances
1350 e sort d’une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chances. Il dépend tout autant de sa vocation acti
1351 sation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chances. Il dépend tout autant de sa vocation active — j’entends de l
1352 cette espèce-là de chances. Il dépend tout autant de sa vocation active — j’entends de la prise de conscience de cette voc
1353 end tout autant de sa vocation active — j’entends de la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont
1354 tion active — j’entends de la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’a
1355 ux qui en sont les responsables — et d’autre part de la puissance d’autres cultures ou civilisations, qui prétendent à sa
1356 endrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie de l’élite intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeur
1357 e intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que l
1358 e bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que le représentent l’Europe en train de s
1359 rain de s’unir, et les États-Unis. Il est courant d’ entendre dire que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtou
1360 leine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus d’ idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communisme. À c
1361 aits, une fois de plus : la prospérité économique de l’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’at
1362 llectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même de loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non u
1363 : on nous dit que les valeurs nouvelles, capables d’ entraîner le monde et de lui rendre un idéal, sont celles que représen
1364 leurs nouvelles, capables d’entraîner le monde et de lui rendre un idéal, sont celles que représente le communisme russe.
1365 sme russe. Je demande à voir — et je ne vois rien de neuf. Qu’est-ce au total que le communisme soviétique ? Un mélange de
1366 u total que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de traditions proprement russes et même tsaristes, comme le rôle
1367 que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de traditions proprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la p
1368 roprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la police et des fonctionnaires, le passeport intérieur, la censure o
1369 intérieur, la censure omniprésente, ou l’habitude de récrire l’histoire chaque fois qu’il s’agit de justifier la politique
1370 de de récrire l’histoire chaque fois qu’il s’agit de justifier la politique du souverain ou du parti au pouvoir56 ; à quoi
1371 t appliqué. Or le marxisme n’est tout de même pas d’ invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx
1372 bune. (Ces articles, réunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres de Das Kapital 57.) Marx est l’un des produits les
1373 éunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres de Das Kapital 57.) Marx est l’un des produits les plus typiques des déb
1374 simplifiées et appauvries d’ailleurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’un autre successeur, hy
1375 om de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’ un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce q
1376 rs d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilis
1377 ins débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilisation » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas
1378 as. Je ne vois pas une seule culture indépendante de la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capab
1379 indépendante de la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction pla
1380 te de la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’ exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, dans l’èr
1381 mais, dans l’ère technique, l’obligation première d’ une civilisation. Un regard sur le globe nous fait voir au contraire q
1382 une phrase, voici ce que je constate : le Sud-Est de l’Asie jalouse la Chine et voudrait secrètement l’imiter ; mais la Ch
1383 Amérique — laquelle est, après tout, une création de l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe. Où trouver,
1384 tion en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes d’ un passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car
1385 , je l’ai montré, ne traduit rien qu’une division de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mai non pas un
1386 ision de nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mai non pas une absence de force potentielle. Et ces crime
1387 n bon train de les unir — mai non pas une absence de force potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalisme
1388 force potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalismes, du racisme, et dans une certaine mesure du colonia
1389 dans une certaine mesure du colonialisme, exigent de nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur et masochiste, tellement
1390 plus facile que l’action. Les vertus et les vices de l’Europe, son passé et son expérience la rendent doublement responsab
1391 responsable — au sens actif du mot, cette fois — d’ assumer face au monde une vocation dont personne ne saurait la relever
1392 nul autre régime ne me paraît posséder les moyens de se charger, si elle s’y dérobe. Cette vocation, comme j’aime à dire,
1393 vement, je vais résumer du même coup la substance de mes quatre leçons. Animer les échanges mondiaux, tout d’abord. Pour
1394 changes mondiaux, tout d’abord. Pour les échanges de biens matériels cela va de soi, puisque l’Europe les a créés, institu
1395 s techniques qu’elle a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mon
1396 mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la
1397 ntretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’ échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la place qu’elle o
1398 ment à cause de la place qu’elle occupe au centre de l’hémisphère privilégié (dont je vous parlais dans ma deuxième leçon)
1399 international représente en valeur plus du double de celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocatio
1400 e celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
1401 de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : nos exportations r
1402 mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : nos exportations représentent à peu près 40 % de notre com
1403 e : nos exportations représentent à peu près 40 % de notre commerce et nos importations atteignent le même taux, cependant
1404 pendent du reste du monde que pour 5 % au maximum de leur produit national. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’est
1405 nges culturels, voire spirituels, il m’est permis de vous en parler en praticien : tout désigne l’Europe pour les mettre e
1406 d. Tout, et d’abord nos traditions, non seulement de curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même, et parfois
1407 d nos traditions, non seulement de curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même, et parfois surtout, différent
1408 aide puissante, mais les initiatives sont venues de l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner l
1409 pe qu’elles conçoivent la nécessité et les moyens de dialoguer, non seulement avec nous, mais entre elles. Équilibrer les
1410 ibrer les créations humaines est le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemp
1411 ions humaines est le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemple. C’est en Al
1412 s ont obligées lentement à s’intégrer aux rythmes de la vie. Adaptation très lente dans l’ensemble, mais non moins dramati
1413 re les machines à tisser, puis contre les chaînes de production en Amérique, et récemment contre l’automation à Coventry :
1414 achines, sans se douter qu’elles peuvent détruire de proche en proche ses traditions les plus valables et ses équilibres p
1415 bles et ses équilibres psychiques, par les champs de force invisibles qu’elles transportent, à la manière du Cheval de Tro
1416 les qu’elles transportent, à la manière du Cheval de Troie. Et faut-il rappeler tant d’autres formes d’équilibre entre les
1417 e Troie. Et faut-il rappeler tant d’autres formes d’ équilibre entre les extrêmes, que j’ai été amené à citer en touchant l
1418 à citer en touchant les domaines les plus divers de l’existence européenne : équilibre entre autorité et liberté, entre h
1419  ; entre tons purs ou voix distinctes et harmonie d’ ensemble dans les arts ; entre innovation et continuité dans la cité ;
1420 enregistrée et méditée, qui composent la sagesse d’ Ulysse, prototype de l’Européen. Et ceci nous conduit naturellement au
1421 tée, qui composent la sagesse d’Ulysse, prototype de l’Européen. Et ceci nous conduit naturellement au troisième verbe typ
1422 conduit naturellement au troisième verbe typique de notre vocation, qui est fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme
1423 t soit responsable à l’égard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’Europe qui a répandu dans le monde entier le vi
1424 itiques visiblement indéfendables du point de vue de leurs propres intérêts, mais qu’ils imposent pour le prestige 58. Sou
1425 Sous prétexte de se libérer des dernières traces de notre impérialisme, ils copient trop souvent ses tares les plus visib
1426 es tares les plus visibles. L’Europe se doit donc de produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel,
1427 plus visibles. L’Europe se doit donc de produire, d’ attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xi
1428 L’Europe se doit donc de produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. O
1429 produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or l’antidote du nationalis
1430 mise en commun des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde act
1431 rains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure d’ exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, auj
1432 cer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc d’offrir au monde nouve
1433 de l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc d’ offrir au monde nouveau l’exemple réussi d’une grande fédération. Dans
1434 t donc d’offrir au monde nouveau l’exemple réussi d’ une grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai révélée entre la f
1435 Dans la coïncidence que j’ai révélée entre la fin de notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l
1436 la fin de notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute
1437 l, les débuts de notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute une grande leçon pour le tiers-mond
1438 , mais aussi et peut-être d’abord pour l’ensemble de l’Occident — l’Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’un Oc
1439  l’Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’ un Occident qui devra bien se réconcilier avec lui-même… Nous pourrons
1440 ns voir cela, dans cette génération, si l’Europe, d’ où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son ave
1441 rope fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le te
1442 dial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps est venu de les pren
1443 au sérieux. Nous n’avons simplement pas le droit de répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique
1444 oit de répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique plus qu’on ne le croit tournées vers l’Occiden
1445 us sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. Et je conclus. L’avenir de l’Europe est gagé sur de
1446 ’agit de ne pas frustrer. Et je conclus. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée dés
1447 Et je conclus. L’avenir de l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondiale. Il me pa
1448 urope est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’ une portée désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur une fonct
1449 onction universelle, qui s’enracine dans le passé de notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que t
1450 de notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié
1451 de l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié du xxe siècle. Cette vocation fera notre force
1452 intenant, si nous prenons résolument l’initiative d’ une politique mondiale de civilisation. Les vraies chances de l’Europe
1453 résolument l’initiative d’une politique mondiale de civilisation. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une j
1454 ique mondiale de civilisation. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres fe
1455 . Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’ une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’es
1456 e l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit, agissant par nos
1457 vision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit, agissant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de ch
1458 sant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire :
1459 chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés. 49. En 1
1460 me puissance coloniale du monde par la superficie de son empire, et il énumérait ses possessions : Azerbaïdjan, Arménie, G
1461 principes généraux. Ainsi la Russie des héritiers de Lénine a passé au rang incontesté de première puissance coloniale du
1462 es héritiers de Lénine a passé au rang incontesté de première puissance coloniale du monde. Elle sera bientôt, aussi, quoi
1463 documents du congrès que la Fondation européenne de la culture a tenu en avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et cultur
1464 avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et culture de l’Europe, n° 7. 51. Cf. La Décadence de l’Occident, par Oswald Speng
1465 culture de l’Europe, n° 7. 51. Cf. La Décadence de l’Occident, par Oswald Spengler, traduction, Gallimard, Paris, et Le
1466 la terre des cataclysmes guerriers… Elle n’a pas de chance… Malheureuse Europe ! Pourquoi lui cacher ce qui l’attend ? Av
1467 rchie. » Et en 1912 : « Rien n’améliorera le sort de l’Europe… l’Europe, ce cimetière… ». Cinquante ans plus tard, J.-P. S
1468 : « L’Europe est foutue… Elle est en grand danger de crever… Elle fait eau de toutes parts… C’est la fin. » (Voir en appen
1469 endice : « Sartre contre l’Europe ».) 52. Lettre de Melchior Grimm à Catherine II, écrite en 1790, l’année où Grimm quitt
1470 e où Grimm quitte Paris pour se mettre au service de la Russie. 53. Sainte-Beuve, Cahiers, note de 1847. On trouvera dan
1471 e de la Russie. 53. Sainte-Beuve, Cahiers, note de 1847. On trouvera dans mes Vingt-huit siècles d’Europe des prophéti
1472 de 1847. On trouvera dans mes Vingt-huit siècles d’ Europe des prophéties analogues de Jean de Müller en 1797, de Napoléo
1473 t-huit siècles d’Europe des prophéties analogues de Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l
1474 s prophéties analogues de Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« A
1475 de Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà de la Vistule t
1476 en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà de la Vistule tombe un rideau… »),
1477 te-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà de la Vistule tombe un rideau… »), de Carlo Cattaneo en 1848, de E. von
1478 823 (« Au-delà de la Vistule tombe un rideau… »), de Carlo Cattaneo en 1848, de E. von Lasaulx en 1856, de Henry Adams en
1479 e tombe un rideau… »), de Carlo Cattaneo en 1848, de E. von Lasaulx en 1856, de Henry Adams en 1900, et surtout de Tocquev
1480 arlo Cattaneo en 1848, de E. von Lasaulx en 1856, de Henry Adams en 1900, et surtout de Tocqueville dès 1856. (« Il y a au
1481 saulx en 1856, de Henry Adams en 1900, et surtout de Tocqueville dès 1856. (« Il y a aujourd’hui sur la terre deux grands
1482 ourd’hui sur la terre deux grands peuples… chacun d’ eux semble appelé à tenir un jour dans ses mains les destinées de la m
1483 pelé à tenir un jour dans ses mains les destinées de la moitié du monde. »), cf. p. 268 à 276 de l’op. cit. 54. Les chif
1484 inées de la moitié du monde. »), cf. p. 268 à 276 de l’op. cit. 54. Les chiffres de population pour l’Europe de l’Ouest
1485 cf. p. 268 à 276 de l’op. cit. 54. Les chiffres de population pour l’Europe de l’Ouest varient de plusieurs millions sel
1486 es de population pour l’Europe de l’Ouest varient de plusieurs millions selon les sources. Si l’on se réfère à un ouvrage
1487  ; en 1955 : 295,17 ; en 1958 : 302,16. Le rythme d’ accroissement s’accélérant, nous aurions (même selon les données de ce
1488 ’accélérant, nous aurions (même selon les données de cet ouvrage, en général inférieures à la réalité, et qui se révèlent
1489 rop prudentes dans la prévision) un total de plus de 313 millions en 1962. J’y ajoute la Yougoslavie, 17 millions. Cela fa
1490 niers recensements accomplis en 1961, comme celui de la France, on estimera ces chiffres trop faibles de quelques millions
1491 la France, on estimera ces chiffres trop faibles de quelques millions. Quant à l’Europe de l’Est (les sept pays satellite
1492 ant à l’Europe de l’Est (les sept pays satellites de l’URSS), on évalue leur population globale actuelle à 95 millions. Le
1493 ale actuelle à 95 millions. Les derniers chiffres de population donnés pour les USA et l’URSS sont de 179,5 et de 220 mill
1494 de population donnés pour les USA et l’URSS sont de 179,5 et de 220 millions. 55. Cf. Léo Moulin, « La nationalité des p
1495 on donnés pour les USA et l’URSS sont de 179,5 et de 220 millions. 55. Cf. Léo Moulin, « La nationalité des prix Nobel de
1496 . Cf. Léo Moulin, « La nationalité des prix Nobel de science de 1901 à 1960, essai d’analyse sociologique », Cahiers inter
1497 oulin, « La nationalité des prix Nobel de science de 1901 à 1960, essai d’analyse sociologique », Cahiers internationaux d
1498 é des prix Nobel de science de 1901 à 1960, essai d’ analyse sociologique », Cahiers internationaux de sociologie, PUF, 196
1499 d’analyse sociologique », Cahiers internationaux de sociologie, PUF, 1961. 56. Voir là-dessus les fameux mémoires du mar
1500 43 : La Russie en 1839, qui donnent une abondance d’ exemples très précis de mesures policières tsaristes identiques aux me
1501 qui donnent une abondance d’exemples très précis de mesures policières tsaristes identiques aux mesures staliniennes, de
1502 es tsaristes identiques aux mesures staliniennes, de délires bureaucratiques, de falsifications de l’histoire, et en génér
1503 mesures staliniennes, de délires bureaucratiques, de falsifications de l’histoire, et en général de domestication des espr
1504 es, de délires bureaucratiques, de falsifications de l’histoire, et en général de domestication des esprits : « Ici, les e
1505 s, de falsifications de l’histoire, et en général de domestication des esprits : « Ici, les esprits eux-mêmes sont tirés a
1506 k — plus tard devenu le New York Herald Tribune — de 1851 à 1861, ont été réédités en 1897 sous le titre The Eastern Quest
1507 he Eastern Question, et viennent de faire l’objet de plusieurs études critiques aux États-Unis. 58. Dans Le Dialogue des
1508 ultures récemment publié par le CEC aux Éditions de la Baconnière, on trouvera de bons exemples de ces processus, tant po
1509 le CEC aux Éditions de la Baconnière, on trouvera de bons exemples de ces processus, tant politiques qu’économiques, cités
1510 ns de la Baconnière, on trouvera de bons exemples de ces processus, tant politiques qu’économiques, cités et commentés not
6 1962, Les Chances de l’Europe. Appendice : Sartre contre l’Europe
1511 s mes conférences, l’hebdomadaire Arts me demanda de répondre à la violente attaque contre l’Europe qu’est la préface de J
1512 iolente attaque contre l’Europe qu’est la préface de J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre. Cet ar
1513 Europe qu’est la préface de J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre. Cet article illustre un des poi
1514 J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre. Cet article illustre un des points que je n’ai pu toucher q
1515 res, milieux universitaires et milieux dirigeants de Washington : ils découvrent l’Europe unie. À les entendre, on croirai
1516 ment alertés. Le Marché commun, c’est la création de Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant un peu. Or le Marché commun f
1517 agne, après l’avoir traité par le mépris, supplie d’ y entrer. Donc c’est Jean Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’E
1518 uste. Donc il faut voir l’Europe comme il l’a vue d’ avance : première étape d’une organisation mondiale dont elle serait à
1519 Europe comme il l’a vue d’avance : première étape d’ une organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’anima
1520 ion mondiale dont elle serait à la fois le centre d’ animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patri
1521 erait à la fois le centre d’animation et l’organe d’ équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas
1522 écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ ouvrages publiés en deux mois, dans toutes nos langues, sur l’intégrat
1523 mois, dans toutes nos langues, sur l’intégration de l’Europe et sur les relations nouvelles à établir entre une Europe un
1524 r entre une Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’ idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif.
1525 Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d
1526 et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’ un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’accroissemen
1527 ins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’ un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et
1528 imisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’ accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos re
1529 un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en I
1530 tif. Les taux d’accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage a
1531 talie, le chômage a disparu, en dépit des progrès de l’automation. Une confiance nouvelle, née des promesses du Marché com
1532 e nouvelle, née des promesses du Marché commun et de ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles,
1533 u Marché commun et de ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles, sans plus tenir compte des fro
1534 frontières. L’OCDE annonce une expansion globale de 50 % pour l’ensemble atlantique d’ici dix ans… L’Amérique avait donc
1535 ope est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle « fait eau de toutes parts »,
1536 ue nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela,
1537 e, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas d’ un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet q
1538 it pas d’un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préfa
1539 elconque examen des évidences, mais de la lecture d’ un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface et il exhor
1540 pousse à la révolution ; or la révolution guérit de tous les maux par la violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs et
1541 leurs fauteurs et qu’elle permet à leurs victimes de libérer. Joignons donc le FLN, les Angolais et autres Balubas qui « m
1542 ropéens ». Car, ce faisant, « ils font l’histoire de l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je ci
1543 Europe » en nous faisant tous passer dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci n’auront qu’à nous assassiner « pour devenir hom
1544 u pire, ils n’auront plus personne sur qui tirer. D’ où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour
1545 qui tirer. D’où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour éblouir par sa logique brutale certain
1546 par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée de nos « valeurs » et qui exige à grands cris son lavage de cerveau. « 
1547 « valeurs » et qui exige à grands cris son lavage de cerveau. « Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spir
1548 re spirituelle l’Europe étouffe la quasi-totalité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le
1549 ité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite et i
1550 e la propagande communiste depuis une quarantaine d’ années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colon
1551 s une quarantaine d’années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas d
1552 mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans —  de 1882 à nos jours pour les neuf dixièmes du continent. Cette colonisat
1553 la plus importante étant tout simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la co
1554 Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme M. Fanon le répète, la rendit possible, voire
1555 endit possible, voire inévitable : je veux parler de l’état d’arriération économique, sociale et politique des régions qui
1556 ible, voire inévitable : je veux parler de l’état d’ arriération économique, sociale et politique des régions qui devinrent
1557 nnent sous nos yeux leur essor, après des siècles d’ immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « éto
1558 eux leur essor, après des siècles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le t
1559 est fort loin de représenter « la quasi-totalité de l’humanité », mais un tiers au plus, durant la période considérée.) L
1560 u plus, durant la période considérée.) La culture de l’Inde ? L’Europe l’a sauvée. L’industrie africaine ? Elle l’a fondée
1561 ustrie africaine ? Elle l’a fondée. La démocratie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine che
1562 tie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine chez les cannibales ? Vous voulez rire, et vous n
1563 non, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles d’oppression ». Avant de leur laisser faire l’his
1564 rrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles d’ oppression ». Avant de leur laisser faire l’histoire, on leur conseill
1565 eur laisser faire l’histoire, on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de
1566 on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne
1567 ons celle de l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne : le Dahomey. Les premiers contacts du
1568 ent à 1729, lorsque le roi Agadja et son régiment de femmes, ayant battu les Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’empare
1569 s Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et institu
1570 r l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et instituent une nouvelle
1571 l faut lire tout cela dans l’Histoire des peuples de l’Afrique noire que publie Robert Cornevin.) Les successeurs d’Agadja
1572 oire que publie Robert Cornevin.) Les successeurs d’ Agadja s’enrichissent par le commerce des esclaves, dont ils se fourni
1573 ériodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire de Grégoire décrit ainsi l’état du pays : Le sol, extrêmement fertile,
1574 pays : Le sol, extrêmement fertile, est couvert de forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont étouffées
1575 uquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet d’ une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains.
1576 est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce d’ adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains. Il a une arm
1577 l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par d’ horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a
1578 ar d’horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine
1579 une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’ habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a un établisse
1580 a un établissement sur la côte. La colonisation de cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la créatio
1581 a côte. La colonisation de cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’une république souver
1582 de 1892. Elle se termine en 1960 par la création d’ une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habi
1583 une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à
1584 souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’ habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 19
1585 en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le soin de démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compt
1586 laisse à démontrer dialectiquement que le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almor
1587 tard et pendant soixante-dix ans, que les restes de ces États préalablement envahis et soumis par les Touaregs et par les
1588 n feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas de faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’E
1589 La vérité, selon les faits et dans la perspective de l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré ses crimes, a réveillé
1590 s peuples du tiers-monde dans le très bref espace de deux générations. Il leur a présenté des possibilités de développemen
1591 générations. Il leur a présenté des possibilités de développement telles qu’ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leu
1592 rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes de nos valeurs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité de la perso
1593 urs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité de la personne et le droit à l’éducation), mais aussi de nos folies les
1594 a personne et le droit à l’éducation), mais aussi de nos folies les plus contagieuses, le nationalisme et la fureur idéolo
1595 s peuples se sont mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux natio
1596 vantages de notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur v
1597 é de leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées
1598 alistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées à deux reprises par leur délire nationali
1599 x reprises par leur délire nationaliste, obligées de refaite leur bilan, cédant à la triple pression d’une option mondiale
1600 e refaite leur bilan, cédant à la triple pression d’ une option mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1601 d’une option mondiale formée par leurs principes, d’ une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1602 uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et de leurs intérêts mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Un
1603 s aussi par les États-Unis, qui les sauvent alors de la faillite — elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’est-i
1604 ne après l’autre, « décroché ». Qu’est-il advenu de l’Europe considérée dans son ensemble ? L’Europe est littéralement l
1605 écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol
1606 s ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pé
1607 ole, caoutchouc. (Le paysan serait-il la création de sa terre et des richesses qu’elle contient ?) Sartre renchérit : c’es
1608 tiers-monde, l’Europe aurait donc signé son arrêt de mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du col
1609 aurait donc signé son arrêt de mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient don
1610 nialisme auraient donc été les avocats du suicide de l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie mê
1611 e quelles valeurs plus chères que leur vie même ? De leurs valeurs européennes « pourries », ou de quelles autres ? Laisso
1612 e ? De leurs valeurs européennes « pourries », ou de quelles autres ? Laissons là ces divagations. Revenons aux faits. Les
1613 ent que les nations européennes, à peine libérées de la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Eur
1614 opéennes, à peine libérées de la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de
1615 ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que
1616 ir l’Europe et la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résulté
1617 d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anachronis
1618 éter et ce n’est pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte pour une union des États d’Euro
1619 cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de pacte pour une union des États d’Europe, publié en 1950 chez Nagel. S
1620 , Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À l’encontre de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’
1621 de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège ef
1622 l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’ Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal
1623 ontre notre expansion inévitable. Ils n’ont sauvé de la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos pratiques. L’
1624 oir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir de se vautrer dans son masochisme, ou simplement pour embêter de Gaulle,
1625 urtant présidé non sans grandeur à la liquidation d’ un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’un mea culpa traduisa
1626 tionaliste du tiers-monde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les pre
1627 vant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
1628 ’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’en tirer les conséquences prat
1629 urs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’ en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’Eur
1630 urope qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit de frustrer la jeunesse soviétique, et les autres, au moment où elles se
1631 conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nation
1632 lliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — p
1633 reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’u
1634 si de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ceux qui p
1635 te — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’ une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoir
1636 de fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, q
1637 dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de la faire.