1
dans ce petit volume ont été prononcées à l’aula
de
l’Université de Genève, dans le cadre des cours de studium generale d
2
olume ont été prononcées à l’aula de l’Université
de
Genève, dans le cadre des cours de studium generale destinés aux étud
3
e l’Université de Genève, dans le cadre des cours
de
studium generale destinés aux étudiants de toutes les facultés et ouv
4
cours de studium generale destinés aux étudiants
de
toutes les facultés et ouverts au public. Le thème m’en avait été pro
5
té proposé par le professeur Éric Martin, recteur
de
l’Université, auquel je dis ici ma gratitude. En m’invitant à occuper
6
n m’invitant à occuper, les quatre jeudis du mois
de
mai cette chaire comparable à plus d’un égard au « siège périlleux »
7
dis du mois de mai cette chaire comparable à plus
d’
un égard au « siège périlleux » dont parlent les romans bretons, il me
8
t les romans bretons, il me proposait une épreuve
d’
une séduisante difficulté. Présenter en quelques quarts d’heure l’aven
9
duisante difficulté. Présenter en quelques quarts
d’
heure l’aventure millénaire des Européens, c’était en soi courir une «
10
courir une « aventure ». Bien plus, il s’agissait
de
répondre à la question que le titre posait d’une manière implicite, e
11
ait de répondre à la question que le titre posait
d’
une manière implicite, et de risquer un pronostic sur l’avenir prochai
12
n que le titre posait d’une manière implicite, et
de
risquer un pronostic sur l’avenir prochain de l’Europe, devant un pub
13
et de risquer un pronostic sur l’avenir prochain
de
l’Europe, devant un public jeune dont je croyais connaître certaines
14
endances à ne tenir pour sérieux que les constats
de
crise sans issue, exprimés dans le jargon à la mode de naguère. Je me
15
ise sans issue, exprimés dans le jargon à la mode
de
naguère. Je me trompais sur ce dernier point. La patience et la sympa
16
que je dédie ces quatre brefs essais sur l’espoir
de
l’Europe. D. de R.
17
quatre brefs essais sur l’espoir de l’Europe. D.
de
R.
18
mondiale des Européens Je voudrais vous parler
de
l’Europe non pas comme d’une cause à défendre ou d’une patrie plus va
19
Je voudrais vous parler de l’Europe non pas comme
d’
une cause à défendre ou d’une patrie plus vaste à glorifier, mais comm
20
l’Europe non pas comme d’une cause à défendre ou
d’
une patrie plus vaste à glorifier, mais comme d’une aventure décisive
21
u d’une patrie plus vaste à glorifier, mais comme
d’
une aventure décisive pour l’humanité tout entière. Je voudrais vous p
22
l’humanité tout entière. Je voudrais vous parler
de
l’Europe comme de cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », a
23
ntière. Je voudrais vous parler de l’Europe comme
de
cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer
24
monde qui a fait « le Monde », ayant été le foyer
de
l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition instrumental
25
a fait « le Monde », ayant été le foyer de l’idée
de
« genre humain », ayant été aussi la condition instrumentale et néces
26
té aussi la condition instrumentale et nécessaire
d’
une véritable histoire universelle — celle où nous sommes bel et bien
27
e moitié du xxe siècle, en sorte que les chances
de
l’Europe dans l’avenir se confondent pratiquement, désormais, avec ce
28
e confondent pratiquement, désormais, avec celles
de
la civilisation née de ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence n
29
nt, désormais, avec celles de la civilisation née
de
ses œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan d’ensemble, dont
30
œuvres, qu’elle a propagée sans prudence ni plan
d’
ensemble, dont elle n’est plus propriétaire, mais dont elle garde enco
31
core certains secrets vitaux. Je n’aurai pas trop
de
quatre leçons pour établir cette thèse centrale, cette définition de
32
ur établir cette thèse centrale, cette définition
de
l’Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à d
33
ets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici
de
l’expliquer par certaines causes, qui seraient tantôt, selon les aute
34
ais été dominée jusqu’ici par une seule puissance
d’
outre-mer. 3. L’Europe a produit une civilisation que le monde entier
35
le en partant des données physiques et naturelles
de
notre petit continent, comme le veut une pensée héritée d’un xixe si
36
petit continent, comme le veut une pensée héritée
d’
un xixe siècle scientiste et dans l’ensemble, sans le savoir, plus ma
37
s pour rendre compte du phénomène dans ce qu’il a
de
spécifique. Certes, le découpage profond des côtes, propice à la navi
38
par montagnes et fleuves, favorisant la formation
de
communautés bien distinctes et solidement enracinées, le climat tempé
39
dans le centre du moins, permettant une économie
d’
énergies fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin d’in
40
ntales, ce sont là des atouts, mais qui sont loin
d’
inscrire dans notre sol l’histoire mondiale qui sera la nôtre. On ne p
41
ndis qu’en Europe, dit-il, « les passages rapides
d’
un extrême à l’autre stimulent les esprits et les arrachent à l’insouc
42
i « semble avoir tout fait pour hâter les progrès
de
la civilisation »2. Plus réaliste, la Géographie universelle de Mante
43
tion »2. Plus réaliste, la Géographie universelle
de
Mantelle et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’Europe his
44
, reconnaît que l’Europe historique n’est pas née
de
sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Europe, dont V
45
sa géographie. Je me plais à citer sa description
de
l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans le passage f
46
s’être inspiré dans le passage fameux où il parle
de
l’Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendic
47
le passage fameux où il parle de l’Europe comme «
d’
une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’As
48
ameux où il parle de l’Europe comme « d’une sorte
de
cap du vieux continent, d’un appendice occidental de l’Asie » mais qu
49
pe comme « d’une sorte de cap du vieux continent,
d’
un appendice occidental de l’Asie » mais qui n’en serait pas moins « l
50
cap du vieux continent, d’un appendice occidental
de
l’Asie » mais qui n’en serait pas moins « la partie précieuse de l’un
51
s qui n’en serait pas moins « la partie précieuse
de
l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste cor
52
partie précieuse de l’univers terrestre, la perle
de
la sphère, le cerveau d’un vaste corps ». Voici le passage : En sort
53
vers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau
d’
un vaste corps ». Voici le passage : En sortant des mains de la natur
54
corps ». Voici le passage : En sortant des mains
de
la nature, notre partie du monde n’avait reçu aucun titre à cette glo
55
aujourd’hui. Petit continent qui possède le moins
de
richesses territoriales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel es
56
ichesses territoriales… nous ne sommes riches que
d’
emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette régi
57
ches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir
de
l’esprit humain : cette région que la nature n’avait ornée que de for
58
in : cette région que la nature n’avait ornée que
de
forêts immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
59
avait ornée que de forêts immenses, s’est peuplée
de
nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’est enrich
60
est peuplée de nations puissantes, s’est couverte
de
cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux mondes ; cette ét
61
qui ne figure sur le globe que comme un appendice
de
l’Asie, est devenue la métropole du genre humain.3 Voilà donc l’imp
62
opole du genre humain.3 Voilà donc l’importance
de
la géographie et du climat minimisée, presque niée. Serait-ce alors à
63
mographie qu’il faudrait aller demander le secret
de
l’expansion européenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités de p
64
opéenne ? Un coup d’œil sur la carte des densités
de
peuplement de la Terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée
65
oup d’œil sur la carte des densités de peuplement
de
la Terre nous fait voir que l’humanité s’est concentrée depuis longte
66
chacune au xxe siècle entre 500 et 600 millions
d’
habitants (soit ensemble à peu près 60 % de la population du globe, su
67
llions d’habitants (soit ensemble à peu près 60 %
de
la population du globe, sur 15 % de sa superficie solide)4. Mais l’Eu
68
peu près 60 % de la population du globe, sur 15 %
de
sa superficie solide)4. Mais l’Europe de la Renaissance, celle des gr
69
nce, celle des grandes découvertes précisément et
de
l’expansion vers le monde, était bien moins peuplée que la Chine et q
70
pays les plus prospères et entreprenants. Ainsi,
de
1328 à 1700, selon Charles Morazé5, la France compte à peu près le mê
71
razé5, la France compte à peu près le même nombre
d’
habitants, c’est-à-dire au plus dix millions. Le grand essor démograph
72
u plus dix millions. Le grand essor démographique
de
nos nations ne date que du xixe siècle. Comment se fait-il alors que
73
ment se fait-il alors que l’Inde, autre péninsule
de
l’Asie, à peu près comparable en étendue à l’Europe de l’Ouest, mais
74
r du monde et dominait sur la plupart des nations
de
l’époque, Inde comprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui éta
75
il que les Chinois, qui étaient pourtant le tiers
de
l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près du quart aujourd’hui
76
les démographes — qui prédisent donc le contraire
de
ce que l’Occident redoute)6, comment se fait-il que les Chinois n’aie
77
ticipé à l’histoire du monde que par leur faculté
de
se laisser conquérir, et d’absorber leurs conquérants, Huns ou Mongol
78
que par leur faculté de se laisser conquérir, et
d’
absorber leurs conquérants, Huns ou Mongols ? Les causes physiques et
79
t naturelles ne pouvant rendre compte des destins
de
l’Europe, faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’Europ
80
nisme, comme le soutient une très nombreuse école
d’
excellents historiens catholiques contemporains ? Cela se discute. Hip
81
si Hérodote, Platon et Aristote nous parlent déjà
d’
une Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne co
82
naire des chrétiens, durant le premier millénaire
de
notre ère, obéit à l’ordre du Christ : Allez et évangélisez toutes le
83
en Afrique du Nord, en Inde du Sud — sur la côte
de
Malabar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus de soixante évê
84
bar — et jusqu’en Extrême-Orient — on compte plus
de
soixante évêchés nestoriens dans la Chine du ixe siècle, sous la dyn
85
n colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a été,
de
toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au
86
par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité
d’
incarner, sur laquelle elle n’a pas de « copyright »… Reste le fait qu
87
pas mérité d’incarner, sur laquelle elle n’a pas
de
« copyright »… Reste le fait que le christianisme a très puissamment
88
nt contribué à la synthèse européenne. Notre idée
de
la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commentant Nietzsche7
89
s principes politiques en dérivent. Or notre idée
de
la science et nos principes d’égalité, de liberté et de justice ont s
90
ent. Or notre idée de la science et nos principes
d’
égalité, de liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’a
91
re idée de la science et nos principes d’égalité,
de
liberté et de justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mon
92
science et nos principes d’égalité, de liberté et
de
justice ont sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’Eur
93
sans doute été décisifs dans l’aventure mondiale
de
l’Europe. Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phé
94
s l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc,
de
cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe, le christiani
95
ligion, venue d’ailleurs, du Proche-Orient et non
d’
elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme
96
re nous oblige à constater : la fonction mondiale
de
l’Europe. Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît d
97
ns les faits. Ce n’est pas le déroulement logique
d’
une série de causes naturelles produisant des effets où elles s’épuise
98
. Ce n’est pas le déroulement logique d’une série
de
causes naturelles produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’es
99
où elles s’épuisent : ce n’est pas le déroulement
d’
un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’est
100
calculé et imposé. Et ce n’est pas l’incarnation
de
quelque idée platonicienne, ni la démonstration d’un esprit hégélien
101
e quelque idée platonicienne, ni la démonstration
d’
un esprit hégélien marchant au pas rythmé de la dialectique — thèse, a
102
ation d’un esprit hégélien marchant au pas rythmé
de
la dialectique — thèse, antithèse, une, deux, une, deux. C’est au con
103
e attitude constante devant la vie. L’explication
d’
un phénomène par ses causes a dominé notre xixe siècle, mais c’était
104
étype, dans son mythe. Or, ce mouvement créateur
de
l’Europe, je le trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de
105
trouve d’abord et déjà dans la légende originelle
de
l’Enlèvement d’Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la m
106
t déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement
d’
Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure
107
ue l’Europe légendaire prend son départ. Le mythe
de
l’enlèvement d’une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, tran
108
ndaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement
d’
une princesse de Tyr par le grand dieu des Grecs, transformé en taurea
109
ne nous restent plus que les peintures rupestres
de
Lascaux et d’Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des col
110
nt plus que les peintures rupestres de Lascaux et
d’
Altamira, l’Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’un
111
ntement repeuplée par des colons venus d’une part
de
l’Asie Mineure le long du Vardar et du Danube, jusqu’en Rhénanie et e
112
agne8. Elle est née à la civilisation par l’effet
d’
apports successifs intellectuels, techniques et religieux, créés en Mé
113
créés en Mésopotamie, en Égypte et en Phénicie et
de
là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une
114
les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce, et
de
là, sur les terres du Couchant, que les langues sémitiques nomment Er
115
ues nomment Ereb, très probable étymologie du nom
d’
Europe9. Plus tard, sa religion dominante lui viendra du pays le plus
116
dra du pays le plus proche de ce rivage phénicien
d’
où avait été enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au con
117
ent. On sait cela, mais on connaît moins la suite
de
ce rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’Europe, à laque
118
s la suite de ce rapt créateur, la suite du mythe
de
l’enlèvement d’Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus gr
119
rapt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement
d’
Europe, à laquelle j’attache, pour ma part, la plus grande importance
120
ande importance symbolique. Europe était la fille
d’
Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils de partir à
121
oi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils
de
partir à la quête de leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une dir
122
onna l’ordre à ses cinq fils de partir à la quête
de
leur sœur enlevée. Chacun fit voile dans une direction différente. Et
123
que d’autres découvraient les rives du Continent,
de
l’Espagne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en fut à Rhodes
124
Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait
de
retrouver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles de l’Asie, il
125
ver sa sœur pour la ramener aux rives maternelles
de
l’Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe ? — «
126
aternelles de l’Asie, il alla demander à l’oracle
de
Delphes : Où est Europe ? — « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pyt
127
ne vache et pousse-la devant toi sans lui laisser
de
répit : là où elle tombera d’épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Ca
128
oi sans lui laisser de répit : là où elle tombera
d’
épuisement, bâtis une ville ! » Ainsi Cadmus fonda Thèbes10. Fable amb
129
outes les choses divines, ménageant notre liberté
d’
interprétation et de décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est
130
ines, ménageant notre liberté d’interprétation et
de
décision… Voici ce que l’on peut en tirer : c’est en poursuivant l’im
131
en tirer : c’est en poursuivant l’image mythique
de
l’Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géogr
132
elle était dans son souvenir que Cadmus entreprit
de
la construire. On voit combien, dès ces temps fabuleux, il semble dif
133
bien, dès ces temps fabuleux, il semble difficile
de
savoir « où est l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un be
134
a seconde légende relative à ses origines : celle
de
Japhet. Selon la Genèse commentée par les Pères de l’Église primitive
135
, l’Afrique mais aussi l’esclavage, pour le punir
d’
avoir surpris son père en pleine ivresse sans songer comme ses frères
136
ivresse sans songer comme ses frères à le couvrir
d’
un manteau ; à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’Europe
137
; à Japhet, l’Europe et les armes, et la promesse
d’
une expansion indéfinie : dilatatio, latitudo, selon la Vulgate et les
138
c’est le mot-clé. Retraçons maintenant les étapes
de
cette expansion planétaire. Vues dans le raccourci des siècles, elles
139
courci des siècles, elles évoquent les mouvements
de
systole et de diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de dur
140
cles, elles évoquent les mouvements de systole et
de
diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mo
141
évoquent les mouvements de systole et de diastole
d’
un cœur humain, quoique fort inégales de durée. Premier mouvement : co
142
diastole d’un cœur humain, quoique fort inégales
de
durée. Premier mouvement : concentration des valeurs religieuses et c
143
et culturelles du Proche-Orient dans la péninsule
d’
Occident. Nous avons vu que les populations, les religions, les procéd
144
ligions, les procédés techniques et les rudiments
de
la science, tout est venu de l’est vers l’Europe, tout s’est lentemen
145
, tout s’est lentement concentré dans cette sorte
d’
impasse au-delà de laquelle on croyait que le monde finissait. Une pre
146
ment concentré dans cette sorte d’impasse au-delà
de
laquelle on croyait que le monde finissait. Une première culture orig
147
culture originale se constitue en Grèce. L’Empire
de
Rome la diffuse et la transforme. À l’individualisme qui régnait dans
148
it dans les cités grecques, il substitue le culte
de
l’État et des grandes institutions centralisées, et il étend leur aut
149
rité sur toute l’Europe de l’Ouest. Dans le cadre
de
cet empire se trouvent inclus des Celtes, des Germains et des Slaves,
150
aves, des « barbares » toujours plus nombreux, et
de
traditions très opposées à celles de Rome, mais progressivement intég
151
nombreux, et de traditions très opposées à celles
de
Rome, mais progressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre de l’
152
gressivement intégrés. Enfin, c’est dans le cadre
de
l’empire que se répand très rapidement une religion qui, elle aussi,
153
par la Méditerranée : le christianisme. À la fin
de
l’Empire, aux débuts du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsul
154
la péninsule européenne est donc devenue le lieu
de
rencontre de sept ou huit traditions différentes : orientales et nord
155
européenne est donc devenue le lieu de rencontre
de
sept ou huit traditions différentes : orientales et nordiques, contin
156
stes et magiques. Et c’est l’Église qui va tenter
d’
opérer la synthèse improbable de toutes ces forces en conflit latent o
157
ise qui va tenter d’opérer la synthèse improbable
de
toutes ces forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’Europe e
158
erre ouverte. L’Europe et sa culture résulteront
de
cette fusion jamais achevée, toujours instable, et dont la grande ori
159
rande originalité — si on la compare aux cultures
de
l’Asie — est justement d’être un mélange dynamique d’éléments de prov
160
la compare aux cultures de l’Asie — est justement
d’
être un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de ten
161
’Asie — est justement d’être un mélange dynamique
d’
éléments de provenances diverses et de tendances contradictoires. Pend
162
justement d’être un mélange dynamique d’éléments
de
provenances diverses et de tendances contradictoires. Pendant tout le
163
e dynamique d’éléments de provenances diverses et
de
tendances contradictoires. Pendant tout le Moyen Âge et ses luttes me
164
tation se poursuit en vase clos : dans une espèce
de
creuset d’alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprév
165
oursuit en vase clos : dans une espèce de creuset
d’
alchimiste, où s’opèrent les transmutations les plus imprévues. Vraime
166
tes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés
de
toutes communications régulières avec les civilisations de l’Inde et
167
communications régulières avec les civilisations
de
l’Inde et de la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Ru
168
ns régulières avec les civilisations de l’Inde et
de
la Chine, dont quelques rares voyageurs — Marco Polo, Rubrukis ou Jea
169
ades, et ils ont échoué. Comment forcer le verrou
de
l’islam ? Comment apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes d
170
apporter la Bonne Nouvelle aux peuplades païennes
de
l’Asie et de l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à c
171
onne Nouvelle aux peuplades païennes de l’Asie et
de
l’Afrique ? Comment échapper à ces guerres sans fin, à ces querelles
172
omment réaliser les ambitions impériales héritées
de
Rome, les rêveries enfiévrées des savants cosmographes, la vocation m
173
voies terrestres sont barrées. Restent les voies
de
l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’Europe prend son dépa
174
ies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale
de
l’Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petit
175
e mondiale de l’Europe prend son départ, au matin
de
Palos de Moguer, sur les petites caravelles de Colomb. La période des
176
in de Palos de Moguer, sur les petites caravelles
de
Colomb. La période des grandes découvertes fut une sorte d’explosion
177
La période des grandes découvertes fut une sorte
d’
explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille ans dans les
178
i pour trouver l’Inde fabuleuse, aux cités pavées
d’
or, disait-on, et pour en ramener les trésors avec lesquels son roi co
179
et délivrer Jérusalem. C’est tout un arrière-plan
de
foi religieuse, de chances et de malchances géographiques, d’ambition
180
em. C’est tout un arrière-plan de foi religieuse,
de
chances et de malchances géographiques, d’ambitions impériales, de sc
181
un arrière-plan de foi religieuse, de chances et
de
malchances géographiques, d’ambitions impériales, de science mythique
182
ieuse, de chances et de malchances géographiques,
d’
ambitions impériales, de science mythique et de nostalgie de la quête
183
malchances géographiques, d’ambitions impériales,
de
science mythique et de nostalgie de la quête que résume d’un seul cou
184
s, d’ambitions impériales, de science mythique et
de
nostalgie de la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
185
s impériales, de science mythique et de nostalgie
de
la quête que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire de cet Ulyss
186
e que résume d’un seul coup l’aventure exemplaire
de
cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif d’origine, et fondateu
187
de cet Ulysse au cœur chrétien, probablement juif
d’
origine, et fondateur d’empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d
188
rétien, probablement juif d’origine, et fondateur
d’
empire — mais pour d’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui
189
hristophe, porteur du Christ — en vérité, porteur
de
l’histoire du monde ! — tout en lui me semble illustrer les traits fo
190
n lui me semble illustrer les traits fondamentaux
de
notre Europe, légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne
191
a fois : l’homme du mythe, le marin, le chercheur
de
trésors, le missionnaire et le croisé. Pour qu’apparût l’aventurier f
192
iévreux qui allait revêtir les titres prestigieux
de
« vice-roi des Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et de «
193
Îles qui ont été découvertes dans les Indes » et
de
« Grand amiral de la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Co
194
découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral
de
la mer Océane », il fallait que Jason eût été en Colchide à la poursu
195
lait que Jason eût été en Colchide à la poursuite
d’
une chimère dorée, que le continent de l’Ouest fût lié plus qu’un autr
196
a poursuite d’une chimère dorée, que le continent
de
l’Ouest fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en
197
occupât Byzance après Jérusalem, barrant la route
de
l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin d’or non pour eux-mêm
198
e l’Asie, que les rois catholiques eussent besoin
d’
or non pour eux-mêmes mais pour payer une dernière croisade utopique.
199
nière croisade utopique. Derrière l’audace inouïe
de
Colomb, nous retrouvons ainsi le jeu complexe, le conflit perpétuel,
200
u complexe, le conflit perpétuel, souvent fécond,
de
toutes les forces créatrices de l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusa
201
, souvent fécond, de toutes les forces créatrices
de
l’Occident : la Grèce, Rome et Jérusalem, la magie celte, l’inquiétud
202
erte par erreur des Amériques, et ce fut le début
de
l’expansion séculaire, économique, politique et religieuse, d’un peti
203
n séculaire, économique, politique et religieuse,
d’
un petit cap de l’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins de
204
que et religieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé
de
mers et de Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui
205
gieuse, d’un petit cap de l’Asie rongé de mers et
de
Turcs, qui occupe moins de 5 % des terres du globe et qui allait conq
206
’Asie rongé de mers et de Turcs, qui occupe moins
de
5 % des terres du globe et qui allait conquérir, tour à tour, toutes
207
ur à tour, toutes les autres. L’aventure mondiale
de
l’Europe se déroule à partir de Colomb sur un rythme assez comparable
208
de Colomb sur un rythme assez comparable à celui
d’
une fusée porteuse de satellite : départ très lent, accélération crois
209
hme assez comparable à celui d’une fusée porteuse
de
satellite : départ très lent, accélération croissante, mise à feu d’é
210
rt très lent, accélération croissante, mise à feu
d’
étages successifs, mise sur orbite, et après quelques tours de la Terr
211
cessifs, mise sur orbite, et après quelques tours
de
la Terre, retombée rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’
212
Mais ce retour du satellite n’est pas un échec !
D’
innombrables connaissances ont été récoltées en route, elles font déso
213
route, elles font désormais partie non seulement
de
la science mais de la conscience du genre humain, agrandies et modifi
214
désormais partie non seulement de la science mais
de
la conscience du genre humain, agrandies et modifiées à jamais. Ces é
215
. Ces étages mis à feu successivement, ces étapes
de
la conquête de l’espace terrestre par les Européens, vous les connais
216
s à feu successivement, ces étapes de la conquête
de
l’espace terrestre par les Européens, vous les connaissez : c’est d’a
217
, accompli par Magellan, puis ce sont la conquête
de
l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord, la découverte
218
t la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement
de
l’Amérique du Nord, la découverte des côtes africaines, la soumission
219
puis des Indes au xviiie siècle, la colonisation
de
l’Indonésie par les Portugais et les Hollandais, de l’immense Sibérie
220
l’Indonésie par les Portugais et les Hollandais,
de
l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture de l’Extrême-Orient à l
221
de l’immense Sibérie par les Russes, l’ouverture
de
l’Extrême-Orient à la civilisation européenne au milieu du xixe sièc
222
au milieu du xixe siècle, enfin la colonisation
de
l’Afrique noire à partir des années 1880 à 1900. Au début de notre xx
223
e noire à partir des années 1880 à 1900. Au début
de
notre xxe siècle, on peut dire que l’Europe a placé sur orbite sa ci
224
placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages
de
la fusée porteuse sont retombés l’un après l’autre : c’étaient la con
225
r économique ou politique, enfin la colonisation.
De
siècle en siècle, les continents découverts et régis par l’Europe se
226
découverts et régis par l’Europe se sont libérés
de
sa tutelle : l’Amérique du Nord la première, dès la fin du xviiie si
227
ud-Est asiatique et le Proche-Orient au lendemain
de
la Deuxième Guerre mondiale, puis presque toute l’Afrique vers 1960.
228
es uns des autres. Elle avait permis à l’humanité
de
prendre conscience de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même d
229
e avait permis à l’humanité de prendre conscience
de
son unité. L’idée d’universalité, l’idée même de genre humain — genus
230
manité de prendre conscience de son unité. L’idée
d’
universalité, l’idée même de genre humain — genus humanum — sont des c
231
de son unité. L’idée d’universalité, l’idée même
de
genre humain — genus humanum — sont des créations de l’Europe chrétie
232
genre humain — genus humanum — sont des créations
de
l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on
233
— sont des créations de l’Europe chrétienne, puis
de
l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fa
234
s’est révolté contre elle au nom même des valeurs
de
liberté, de justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect
235
é contre elle au nom même des valeurs de liberté,
de
justice et d’égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes
236
au nom même des valeurs de liberté, de justice et
d’
égalité pour tous les peuples, et de respect pour toutes les personnes
237
de justice et d’égalité pour tous les peuples, et
de
respect pour toutes les personnes, qu’elle avait elle-même formulées
238
ici réduite à elle-même, ramenée dans les limites
de
son cap asiatique, et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le
239
u’elle ne le fut au Moyen Âge. Elle reste le cœur
d’
un Occident né de ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputen
240
au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né
de
ses œuvres, mais où deux grands empires lui disputent la primauté — l
241
s que l’Afrique, l’Asie et le monde arabe tentent
de
grouper leurs forces renaissantes contre l’Occident divisé. Serait-ce
242
santes contre l’Occident divisé. Serait-ce la fin
de
l’Aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l’ensemble et
243
eurs, c’est-à-dire contre l’Occident ? Avant même
d’
essayer de répondre à cette question, d’une si brûlante actualité, ess
244
t-à-dire contre l’Occident ? Avant même d’essayer
de
répondre à cette question, d’une si brûlante actualité, essayons de r
245
vant même d’essayer de répondre à cette question,
d’
une si brûlante actualité, essayons de résumer les caractères constant
246
e question, d’une si brûlante actualité, essayons
de
résumer les caractères constants du phénomène européen tel que nous v
247
nstants du phénomène européen tel que nous venons
d’
en retracer le cours, et de l’esprit qui a soutenu pendant des siècles
248
en tel que nous venons d’en retracer le cours, et
de
l’esprit qui a soutenu pendant des siècles l’étonnant dynamisme occid
249
ynamisme occidental. Il me semble qu’un des héros
de
la plus ancienne poésie grecque symbolise au mieux la passion qui ani
250
me cette aventure sans précédent : je veux parler
de
l’Ulysse homérique, du personnage central de l’Odyssée. Son départ po
251
rler de l’Ulysse homérique, du personnage central
de
l’Odyssée. Son départ pour une sorte de croisade contre Troie, ville
252
e central de l’Odyssée. Son départ pour une sorte
de
croisade contre Troie, ville du Proche-Orient, afin de sauver l’honne
253
he-Orient, afin de sauver l’honneur occidental et
de
reconquérir Hélène, symbole de la vertu et de la beauté, préfigure l’
254
neur occidental et de reconquérir Hélène, symbole
de
la vertu et de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, qu
255
et de reconquérir Hélène, symbole de la vertu et
de
la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui sera, quinze à vingt si
256
qui sera, quinze à vingt siècles plus tard, celui
de
l’Église primitive, envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’
257
’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques
de
l’Amérique13. La victoire militaire des Grecs sur les Troyens préfigu
258
autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « poème
de
la force » comme l’a bien nommé Simone Weil. Mais ce qu’il y a de plu
259
ues, c’est la suite, c’est l’aventure personnelle
d’
Ulysse : l’Odyssée, cet interminable voyage vers la sagesse originelle
260
elon le sens latin du mot. Tout se passe, au long
de
l’épopée, comme si Ulysse, le courageux et le rusé, préférait secrète
261
ait secrètement le voyage à son but, les épreuves
de
la route à l’arrivée heureuse, et les risques sans cesse renouvelés a
262
a, identiquement, la passion des grands créateurs
de
la culture occidentale. L’Occidental est l’homme qui va toujours plus
263
à des traditions fixées par les ancêtres, au-delà
de
lui-même enfin, — à l’aventure ! Transcendant son destin, et même ses
264
ue son Dieu, sa vérité la plus intime, lui disait
de
marcher vers l’inconnu. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et
265
ays que Dieu lui réservait, et ce fut là le terme
de
son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont nous sommes bi
266
ce fut là le terme de son aventure, mais le début
d’
une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’être quittes. Christo
267
d’une autre histoire, dont nous sommes bien loin
d’
être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savo
268
tint, car les deux grands problèmes qu’il tentait
de
résoudre : atteindre l’Inde en contournant l’islam et financer la der
269
r mesuré les conséquences lointaines, indéfinies,
de
découvertes matérielles qui changeraient la conscience de l’homme, —
270
vertes matérielles qui changeraient la conscience
de
l’homme, — sans que nul pût prévoir comment… Dans cette imprévision,
271
risque assumé, je vois la parabole la plus exacte
de
l’aventure occidentale, sur tous les plans. Les savants de l’Occident
272
ture occidentale, sur tous les plans. Les savants
de
l’Occident, de Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant
273
e, sur tous les plans. Les savants de l’Occident,
de
Kepler à Einstein, de Léonard — avec son homme volant — aux biologist
274
Les savants de l’Occident, de Kepler à Einstein,
de
Léonard — avec son homme volant — aux biologistes contemporains — ave
275
ient avec précision, ils se trompent sur les buts
de
leurs voyages, ou sur le nom et la nature de leur objet. Et ce qu’ils
276
buts de leurs voyages, ou sur le nom et la nature
de
leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose de nouveaux problèmes, tout im
277
nature de leur objet. Et ce qu’ils trouvent pose
de
nouveaux problèmes, tout imprévus, compromet les anciens équilibres,
278
ques toujours plus grands. Chercher plus loin, et
de
la sorte créer autant de risques qu’on résout de problèmes, telle est
279
. Chercher plus loin, et de la sorte créer autant
de
risques qu’on résout de problèmes, telle est, je crois, la vraie form
280
de la sorte créer autant de risques qu’on résout
de
problèmes, telle est, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa
281
Et l’on voit qu’elle est ambiguë : qu’il suffise
de
citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de notre essor technique : nous
282
l suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté
de
notre essor technique : nous allons toujours plus vite, mais vers quo
283
ous augmentons notre puissance, mais qu’en est-il
de
nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la jus
284
notre puissance, mais qu’en est-il de nos moyens
de
la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à la justice, à la sag
285
ais qu’en est-il de nos moyens de la maîtriser et
de
la faire servir au bonheur, à la justice, à la sagesse ? Préférer la
286
, à la sagesse ? Préférer la poursuite passionnée
de
vérités partielles, advienne que pourra, — préférer le risque créateu
287
férer le risque créateur à la méditation prudente
d’
une sagesse immuable, c’est tout le génie de l’Occident, et c’est par
288
dente d’une sagesse immuable, c’est tout le génie
de
l’Occident, et c’est par là que l’Occident, aventureuse moitié du mon
289
du monde, s’oppose le plus radicalement au génie
de
l’Orient métaphysique. ⁂ Pour tenter de prévoir maintenant les suite
290
au génie de l’Orient métaphysique. ⁂ Pour tenter
de
prévoir maintenant les suites de l’aventure européenne et si un autre
291
. ⁂ Pour tenter de prévoir maintenant les suites
de
l’aventure européenne et si un autre mouvement de diastole peut succé
292
de l’aventure européenne et si un autre mouvement
de
diastole peut succéder au mouvement de systole qui est en train de s’
293
mouvement de diastole peut succéder au mouvement
de
systole qui est en train de s’achever sous nos yeux — l’indépendance
294
train de s’achever sous nos yeux — l’indépendance
de
l’Algérie en marquant peut-être le terme — nous aurons à considérer s
295
s aurons à considérer successivement trois ordres
de
réalités : — les données géopolitiques de l’Europe dans le monde d’au
296
ordres de réalités : — les données géopolitiques
de
l’Europe dans le monde d’aujourd’hui, transformé par elle-même ; — le
297
s données géopolitiques de l’Europe dans le monde
d’
aujourd’hui, transformé par elle-même ; — les forces vitales dont l’Eu
298
it, et les secrets qu’elle reste seule à détenir,
d’
une civilisation bientôt universelle ; et enfin : — la fonction qu’ell
299
u’elle doit encore remplir en dépit des prophètes
de
sa décadence, dans un monde qui lui en veut surtout de lui avoir révé
300
décadence, dans un monde qui lui en veut surtout
de
lui avoir révélé sa misère, mais que parfois je crois entendre murmur
301
ort : défends-toi, tu dois vivre, car j’ai besoin
de
toi. 1. Hippocrate est le premier auteur, à notre connaissance, qui
302
airs, des eaux et des lieux, chapitre V, qui date
de
la fin du ve siècle avant J.-C., et qui fut peut-être rédigé par l’u
303
avant J.-C., et qui fut peut-être rédigé par l’un
de
ses disciples. Un demi-siècle plus tard, Aristote reprend ce parallèl
304
ibère), a laissé une description des pays connus,
de
la péninsule Ibérique aux pays de l’Asie au-delà du Taurus. Il insist
305
es pays connus, de la péninsule Ibérique aux pays
de
l’Asie au-delà du Taurus. Il insiste sur la variété des conditions de
306
Taurus. Il insiste sur la variété des conditions
de
vie favorisant des échanges féconds entre les peuples de l’Europe. 3
307
favorisant des échanges féconds entre les peuples
de
l’Europe. 3. Géographie universelle, par E. Mantelle et Malte-Brun,
308
telle et Malte-Brun, Paris, 1816. Le passage cité
de
Paul Valéry se trouve dans Variété I. « La Crise de l’Esprit », Paris
309
Paul Valéry se trouve dans Variété I. « La Crise
de
l’Esprit », Paris, 1924. 4. Ces chiffres sont nécessairement impréci
310
nt imprécis et ne peuvent indiquer que des ordres
de
grandeur. Les estimations de la population actuelle de la Chine varie
311
iquer que des ordres de grandeur. Les estimations
de
la population actuelle de la Chine varient entre 480 et 750 millions,
312
andeur. Les estimations de la population actuelle
de
la Chine varient entre 480 et 750 millions, selon la tendance politiq
313
Yougoslavie incluses) compte environ 335 millions
d’
habitants, les pays satellites de l’URSS 95 millions. Selon qu’on ajou
314
ron 335 millions d’habitants, les pays satellites
de
l’URSS 95 millions. Selon qu’on ajoute ou non à ce total la Russie qu
315
oute ou non à ce total la Russie qu’on appelait «
d’
Europe » (jusqu’à l’Oural et à la mer Caspienne) on obtient des chiffr
316
ient des chiffres supérieurs ou inférieurs à ceux
de
la Chine. À la population de l’Inde (400 millions en 1959) il convien
317
ou inférieurs à ceux de la Chine. À la population
de
l’Inde (400 millions en 1959) il convient d’ajouter celle du Pakistan
318
tion de l’Inde (400 millions en 1959) il convient
d’
ajouter celle du Pakistan, ce qui donne un total d’environ 500 million
319
’ajouter celle du Pakistan, ce qui donne un total
d’
environ 500 millions. 5. Charles Morazé, Essai sur l’Occident, Paris,
320
, Armand Colin, 1950, p. 76 : « La grande enquête
de
1328 attribue à la France le même chiffre de population que celui pro
321
uête de 1328 attribue à la France le même chiffre
de
population que celui proposé par Vauban… à la fin du règne de Louis X
322
n que celui proposé par Vauban… à la fin du règne
de
Louis XIV ». 6. La population de la Chine vers 1850 était estimée à
323
la fin du règne de Louis XIV ». 6. La population
de
la Chine vers 1850 était estimée à 400 millions, celle du globe à 120
324
650 millions, la population totale du globe étant
de
2800 millions, cela donne pour la Chine un peu moins d’un quart. Esti
325
0 millions, cela donne pour la Chine un peu moins
d’
un quart. Estimations pour l’an 2000 : Chine 1100 millions, Monde 5600
326
traduction française par Jeanne Hersch, Éditions
de
Minuit, Paris, 1949. Voir aussi mon Aventure occidentale de l’homme
327
Paris, 1949. Voir aussi mon Aventure occidentale
de
l’homme , Albin Michel, Paris, 1957, chap. VII, l’Exploration de la m
328
bin Michel, Paris, 1957, chap. VII, l’Exploration
de
la matière. 8. Cf. André Varagnac, « Comment est née l’Europe ? », L
329
ableau p. 374. Voir aussi les ouvrages classiques
de
V. Gordon Childe, notamment L’Aube de la civilisation européenne, tra
330
classiques de V. Gordon Childe, notamment L’Aube
de
la civilisation européenne, traduction française Payot, Paris, 1949.
331
rançaise Payot, Paris, 1949. 9. Sur l’étymologie
d’
Europe, cf. mes Vingt-huit siècles d’Europe , Payot, Paris, 1961, p.
332
’étymologie d’Europe, cf. mes Vingt-huit siècles
d’
Europe , Payot, Paris, 1961, p. 28 à 33. La vérité historique de la lé
333
ot, Paris, 1961, p. 28 à 33. La vérité historique
de
la légende de l’Enlèvement d’Europe vient d’être corroborée une fois
334
1, p. 28 à 33. La vérité historique de la légende
de
l’Enlèvement d’Europe vient d’être corroborée une fois de plus par le
335
a vérité historique de la légende de l’Enlèvement
d’
Europe vient d’être corroborée une fois de plus par le déchiffrement d
336
ique de la légende de l’Enlèvement d’Europe vient
d’
être corroborée une fois de plus par le déchiffrement des inscriptions
337
par des savants anglais et américains : il s’agit
d’
un langage phénicien écrit en caractères grecs. 10. Sur la légende de
338
en écrit en caractères grecs. 10. Sur la légende
de
Cadmus, voir Robert Graves, The Greek Myths, 2 vol., Penguin Books, L
339
ens en Béotie, cf. Victor Bérard, La Résurrection
d’
Homère, p. 190 et 191, Paris, 1930. 11. Genèse, 9, 20 à 27, et tout l
340
Steiner Verlag, Wiesbaden, 1957. 12. Les titres
de
Colomb (ou Colón) lui furent donnés dans une lettre écrite de Barcelo
341
u Colón) lui furent donnés dans une lettre écrite
de
Barcelone par Ferdinand et Isabelle le 30 mars 1493 : « Don Cristóbal
342
en triomphateur. Sur les origines du Grand amiral
de
la mer Océane, sur les recherches scientifiques portugaises, italienn
343
ises, italiennes et allemandes qui sont à la base
de
ses calculs, et sur le « fantastique édifice biblico-cosmographique »
344
ar les chroniques remonte à 870. Elle est le fait
de
Norvégiens fuyant la tyrannie d’un roi local, Harald aux cheveux blon
345
Elle est le fait de Norvégiens fuyant la tyrannie
d’
un roi local, Harald aux cheveux blonds. De l’Islande, les Vikings von
346
rannie d’un roi local, Harald aux cheveux blonds.
De
l’Islande, les Vikings vont explorer et coloniser le Groenland, où Er
347
d, où Erik le Rouge règne à la fin du xe siècle.
De
là, ils découvrent le Labrador, puis la Nouvelle-Écosse, enfin le Nor
348
des États-Unis, qu’ils baptisent Vinland, « pays
de
la vigne » ; ce sont les côtes du Maine. Une pierre runique, découver
349
des Suédois et des Norvégiens chargés par la cour
de
Norvège « de retrouver et de ramener au christianisme les colons du G
350
t des Norvégiens chargés par la cour de Norvège «
de
retrouver et de ramener au christianisme les colons du Groenland qui
351
chargés par la cour de Norvège « de retrouver et
de
ramener au christianisme les colons du Groenland qui avaient disparu
352
qui avaient disparu ». (Rapport du Musée national
de
Washington, cité par Paul Herrmann, L’Homme à la découverte du monde,
353
l’aventure inouïe des habitants du cap occidental
de
l’Asie, étendant leur puissance sur tous les continents successivemen
354
puissance sur tous les continents successivement,
de
la Renaissance jusqu’aux deux guerres mondiales, et ce reflux qui sou
355
ai laissés sur cette question : serait-ce la fin
de
l’Aventure ? Tout pronostic relatif à l’Europe doit se baser, à mon a
356
l’Europe doit se baser, à mon avis, sur l’examen
de
nos trois facteurs déterminants pour les chances d’avenir du sujet :
357
nos trois facteurs déterminants pour les chances
d’
avenir du sujet : sa vitalité intrinsèque, sa volonté de vivre, enfin
358
ir du sujet : sa vitalité intrinsèque, sa volonté
de
vivre, enfin sa fonction dans le monde ou vocation. Vitalité, volont
359
mier point : quelles sont les chances permanentes
de
l’Europe, et quels sont les secrets du dynamisme unique dans l’histoi
360
t les secrets du dynamisme unique dans l’histoire
de
l’humanité, qui a permis jusqu’ici notre aventure mondiale ? Ces secr
361
s jusqu’ici notre aventure mondiale ? Ces secrets
de
notre expansion sont-ils encore vivants et agissants ? Examinons pour
362
aminons pour commencer la situation géoéconomique
de
notre petit continent, au point présent de l’évolution du monde. Nous
363
omique de notre petit continent, au point présent
de
l’évolution du monde. Nous allons découvrir que cette situation est p
364
n nous a beaucoup mis en garde, depuis les débuts
de
ce siècle (et récemment encore, Toynbee), contre l’illusion provincia
365
us ferait tenir l’Europe pour le centre du monde.
De
tels avertissements relèvent sans doute d’une saine morale, car la va
366
monde. De tels avertissements relèvent sans doute
d’
une saine morale, car la vanité collective n’est pas moins condamnable
367
orale compte fort peu dans l’histoire, on le sait
de
reste. Essayons de bien voir les réalités, sans céder au complexe d’a
368
eu dans l’histoire, on le sait de reste. Essayons
de
bien voir les réalités, sans céder au complexe d’autodénigrement qui
369
de bien voir les réalités, sans céder au complexe
d’
autodénigrement qui tourmente, aujourd’hui encore, un trop grand nombr
370
urmente, aujourd’hui encore, un trop grand nombre
d’
intellectuels occidentaux. Il est ridicule et condamnable de se croire
371
tuels occidentaux. Il est ridicule et condamnable
de
se croire le centre du monde quand on ne l’est pas. Mais s’il se trou
372
ve qu’on l’est, il serait ridicule et condamnable
de
le nier au seul nom d’une très hypocrite humilité — qui serait alors
373
it ridicule et condamnable de le nier au seul nom
d’
une très hypocrite humilité — qui serait alors le masque d’un orgueil
374
s hypocrite humilité — qui serait alors le masque
d’
un orgueil refoulé et transformé en masochisme, mauvaise attitude scie
375
fique. Voyons donc les faits mesurables. À la fin
de
la dernière guerre, en 1944 et 1945, des géographes et des économiste
376
géographes et des économistes attachés aux armées
de
l’air américaine et anglaise ont publié quelques travaux restés presq
377
aient d’ailleurs, en les modernisant, les travaux
de
géographes anglais et allemands, publiés dès 1906 et en 1930.) Voici
378
nds, publiés dès 1906 et en 1930.) Voici le point
de
départ de ces études14. Parmi l’infinité des hémisphères qu’on peut t
379
és dès 1906 et en 1930.) Voici le point de départ
de
ces études14. Parmi l’infinité des hémisphères qu’on peut tracer sur
380
seul ! — qui se trouve contenir à la fois le 94 %
de
l’humanité actuelle et le 98 % de la production totale du monde. De l
381
la fois le 94 % de l’humanité actuelle et le 98 %
de
la production totale du monde. De là le nom d’hémisphère privilégié q
382
elle et le 98 % de la production totale du monde.
De
là le nom d’hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L
383
% de la production totale du monde. De là le nom
d’
hémisphère privilégié que lui ont donné les géographes. L’autre moitié
384
ée, ne contient donc que 6 % des habitants et 2 %
de
la production du monde, n’étant guère occupée que par les océans, le
385
r voici le fait qui me frappe : c’est que le pôle
de
cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de Nantes, selon le
386
cet hémisphère tombe en Europe, exactement au sud
de
Nantes, selon les auteurs américains, plus près de Londres, selon les
387
hémisphère tombe en Europe, exactement au sud de
Nantes
, selon les auteurs américains, plus près de Londres, selon les auteur
388
us près de Londres, selon les auteurs anglais, ou
de
Berlin selon les Allemands, mais en tout cas sur notre continent. Ain
389
nds, mais en tout cas sur notre continent. Ainsi,
d’
un point choisi au zénith de Nantes, assez loin de la Terre pour qu’av
390
tre continent. Ainsi, d’un point choisi au zénith
de
Nantes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le
391
continent. Ainsi, d’un point choisi au zénith de
Nantes
, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide d’un télescope le regard
392
antes, assez loin de la Terre pour qu’avec l’aide
d’
un télescope le regard embrasse tout l’hémisphère privilégié, on pourr
393
égié, on pourrait observer pratiquement les 19/20
de
l’humanité, tandis que du point de vue correspondant aux antipodes, o
394
ue correspondant aux antipodes, on ne verrait que
de
l’eau et des déserts, et seulement sur les bords, des traces de l’œuv
395
s déserts, et seulement sur les bords, des traces
de
l’œuvre humaine. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni de no
396
e. Voici donc un fait mesurable qui ne dépend ni
de
notre orgueil, ni de notre humilité d’Européens, un fait aisément vér
397
t mesurable qui ne dépend ni de notre orgueil, ni
de
notre humilité d’Européens, un fait aisément vérifiable et dont les d
398
dépend ni de notre orgueil, ni de notre humilité
d’
Européens, un fait aisément vérifiable et dont les données objectives
399
s mappemondes et cartes économiques, en attendant
d’
être photographiées par quelque satellite artificiel : l’Europe est be
400
ométrique, le carrefour naturel des grandes voies
de
communications maritimes et surtout aériennes qui ont permis au genre
401
surtout aériennes qui ont permis au genre humain
de
vérifier son unité concrète, et d’en prendre une conscience utile, op
402
u genre humain de vérifier son unité concrète, et
d’
en prendre une conscience utile, opérative. Que signifie ce fait, dont
403
ui ne saurait être accidentelle entre la position
de
l’Europe dans le monde et sa fonction particulière. Certes, l’Europe
404
ope n’est pas devenue ce qu’elle est du seul fait
de
cette position au centre des terres habitées et des voies maritimes q
405
s le Moyen Âge — où la distribution des hommes et
de
leur production était tout à fait différente de ce qu’elle est devenu
406
t de leur production était tout à fait différente
de
ce qu’elle est devenue de nos jours. Il semble bien que ce soit, au c
407
tout à fait différente de ce qu’elle est devenue
de
nos jours. Il semble bien que ce soit, au contraire, à partir de l’Eu
408
vers son unité, en créant tout d’abord le réseau
de
ses échanges et de ses foyers de production, puis les premières insti
409
créant tout d’abord le réseau de ses échanges et
de
ses foyers de production, puis les premières institutions mondiales.
410
’abord le réseau de ses échanges et de ses foyers
de
production, puis les premières institutions mondiales. Jamais les Afr
411
, et n’ont en fait conçu, rien qui ressemble même
de
loin à la Société des Nations ou aux Nations unies : ces organisation
412
sauvages », avec Francisco de Vitoria15. Au cœur
de
l’hémisphère privilégié apparaît donc clairement, comme en graphique,
413
irement, comme en graphique, la fonction mondiale
de
l’Europe. Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances
414
déterminant, pour qui suppute les chances futures
de
l’Occident et de l’esprit européen. J’ai décrit à grands traits, dans
415
qui suppute les chances futures de l’Occident et
de
l’esprit européen. J’ai décrit à grands traits, dans ma première leço
416
ds traits, dans ma première leçon, les mouvements
de
systole et de diastole rythmant l’histoire mondiale de l’Europe. Si m
417
s ma première leçon, les mouvements de systole et
de
diastole rythmant l’histoire mondiale de l’Europe. Si maintenant nous
418
stole et de diastole rythmant l’histoire mondiale
de
l’Europe. Si maintenant nous désirons voir comment ces alternances on
419
comment ces alternances ont été liées aux données
de
la géographie mais surtout à l’action des hommes qui ont fait l’Europ
420
l’observatoire céleste et descendons, par degrés
d’
amplitude décroissante, de la vision spatiale des grands ensembles à c
421
descendons, par degrés d’amplitude décroissante,
de
la vision spatiale des grands ensembles à celle des relations humaine
422
relations humaines au ras du sol. Première étape
de
200 000 à 100 000 m d’altitude : la comparaison des continents vus da
423
ras du sol. Première étape de 200 000 à 100 000 m
d’
altitude : la comparaison des continents vus dans leur ensemble (par l
424
une mappemonde indiquant les reliefs) nous permet
de
constater que l’Europe actuelle, amputée des plaines russes, tiendrai
425
che, ce plus petit continent est le plus complexe
de
tous : le plus profondément découpé par les mers et le plus richement
426
plus richement cloisonné par des plis montagneux
de
moyenne altitude et des fleuves aisément traversables. Il est fait de
427
et des fleuves aisément traversables. Il est fait
de
presqu’îles et de compartiments, mais ni trop grands ni trop étanches
428
ément traversables. Il est fait de presqu’îles et
de
compartiments, mais ni trop grands ni trop étanches : point de plaine
429
nts, mais ni trop grands ni trop étanches : point
de
plaines infinies, de chaînes infranchissables, de rivières tumultueus
430
nds ni trop étanches : point de plaines infinies,
de
chaînes infranchissables, de rivières tumultueuses coupées de catarac
431
de plaines infinies, de chaînes infranchissables,
de
rivières tumultueuses coupées de cataractes : compartiments tout à la
432
nfranchissables, de rivières tumultueuses coupées
de
cataractes : compartiments tout à la fois individualisés et communica
433
ois individualisés et communicants. En proportion
de
sa surface, n’oublions pas que l’Europe a les plus longues côtes (700
434
les ports les plus nombreux, le plus riche réseau
de
voies d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et
435
les plus nombreux, le plus riche réseau de voies
d’
eau (fleuves et canaux), la plus grande densité de villes et de villag
436
d’eau (fleuves et canaux), la plus grande densité
de
villes et de villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul
437
s et canaux), la plus grande densité de villes et
de
villages, et le peuplement le plus égal : c’est le seul continent qui
438
us égal : c’est le seul continent qui n’ait point
de
déserts. Continuons notre descente vers les terres du centre du monde
439
u centre du monde : comparez les photos aériennes
d’
aires à peu près égales, mettons d’une dizaine de kilomètres de côté,
440
otos aériennes d’aires à peu près égales, mettons
d’
une dizaine de kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-
441
d’aires à peu près égales, mettons d’une dizaine
de
kilomètres de côté, prises à une altitude de 3000 m au-dessus du Midd
442
près égales, mettons d’une dizaine de kilomètres
de
côté, prises à une altitude de 3000 m au-dessus du Middle West ou du
443
aine de kilomètres de côté, prises à une altitude
de
3000 m au-dessus du Middle West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Ara
444
de 3000 m au-dessus du Middle West ou du Brésil,
de
la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de
445
essus du Middle West ou du Brésil, de la Chine ou
de
l’Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et v
446
le West ou du Brésil, de la Chine ou de l’Arabie,
de
l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et vous saurez im
447
Brésil, de la Chine ou de l’Arabie, de l’Inde ou
de
l’Afrique noire, et enfin de l’Europe. Et vous saurez immédiatement q
448
Arabie, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin
de
l’Europe. Et vous saurez immédiatement quelle photo correspond à l’Eu
449
ravaillé, modelé, décoré, exploité par les œuvres
de
l’homme. Plaines conquises sur la mer, fleuves aux méandres simplifié
450
ni des campagnes. Regardez à la loupe cette photo
d’
une région qui peut être rhénane ou mosellane, luxembourgeoise, belge
451
êts et des champs quadrillés — partout les traces
de
l’homme et du travail humain, et nulle part aussi concentrées. Ancien
452
art aussi concentrées. Anciens villages et villes
d’
Europe, vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposabl
453
c’est par leur complication, ou par leur manière
d’
être différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra
454
leur manière d’être différents : première formule
de
l’unité paradoxale qui permettra de définir l’Europe. Unité non point
455
mière formule de l’unité paradoxale qui permettra
de
définir l’Europe. Unité non point faite d’uniformité, mais au contrai
456
mettra de définir l’Europe. Unité non point faite
d’
uniformité, mais au contraire de variété des formes, de complexité des
457
formité, mais au contraire de variété des formes,
de
complexité des structures. L’Europe est née de la multiplicité de ses
458
s, de complexité des structures. L’Europe est née
de
la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’utilisa
459
s structures. L’Europe est née de la multiplicité
de
ses communes, épousant la nature tout en l’utilisant à des fins milit
460
sage : tous ces accidents naturels peuvent servir
de
prétexte à une concentration qui deviendra communauté humaine, villag
461
aine, village ou ville, au-delà du stade originel
de
la défense, du Burg central et des remparts. En Amérique, les village
462
rrêtés un soir, à l’étape, et qui auraient décidé
d’
en rester là. En Asie, les maisons s’assemblent en essaims. En Afrique
463
les clairières, ou s’égrènent le long de la berge
d’
un fleuve. L’Europe seule présente un réseau de communautés bien ancré
464
ge d’un fleuve. L’Europe seule présente un réseau
de
communautés bien ancrées, bien nettement individuelles et pourtant ri
465
haut des airs, nous nous posons enfin sur le sol
de
l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voic
466
in sur le sol de l’Europe, dans la rumeur humaine
d’
une place de petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œi
467
l de l’Europe, dans la rumeur humaine d’une place
de
petite ville. Et voici que tout se résume en un coup d’œil. Car autou
468
place, banale et donc typique, un savant débarqué
de
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les struct
469
le et donc typique, un savant débarqué de Mars ou
de
Vénus pourrait reconstituer sans trop d’erreurs les structures essent
470
Mars ou de Vénus pourrait reconstituer sans trop
d’
erreurs les structures essentielles de notre civilisation. Un service
471
r sans trop d’erreurs les structures essentielles
de
notre civilisation. Un service religieux, une séance au conseil munic
472
gieux, une séance au conseil municipal, une heure
de
classe, les discussions autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
473
ipal, une heure de classe, les discussions autour
d’
une table de bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de tr
474
ure de classe, les discussions autour d’une table
de
bistrot ou d’un étalage de marché lui permettraient de trouver quelqu
475
les discussions autour d’une table de bistrot ou
d’
un étalage de marché lui permettraient de trouver quelques-uns des sec
476
ons autour d’une table de bistrot ou d’un étalage
de
marché lui permettraient de trouver quelques-uns des secrets (pour no
477
strot ou d’un étalage de marché lui permettraient
de
trouver quelques-uns des secrets (pour nous trop évidents) du dynamis
478
c’est-à-dire la communauté spirituelle, le règne
de
la loi, le respect général et tacite des institutions, l’éducation pu
479
n publique, l’échange des opinions individuelles (
de
préférence contradictoires et subversives) et l’échange des produits
480
il — toute une vitalité librement ordonnée, faite
de
tensions multiples, entrecroisées. Esquissons maintenant ce portrait
481
entrecroisées. Esquissons maintenant ce portrait
de
l’Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé n
482
intenant ce portrait de l’Europe telle que chacun
de
nous peut la voir, ce portrait composé non point à partir de définiti
483
rait composé non point à partir de définitions et
d’
analyses intellectuelles de principes et de doctrines — dont il serait
484
rtir de définitions et d’analyses intellectuelles
de
principes et de doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu
485
ons et d’analyses intellectuelles de principes et
de
doctrines — dont il serait toujours facile de dire qu’elles n’ont guè
486
et de doctrines — dont il serait toujours facile
de
dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique, qu’elles décrivent u
487
u’elles décrivent une Europe idéale, qu’on refuse
de
reconnaître, qui est celle des autres, de l’autre école ou de l’autre
488
refuse de reconnaître, qui est celle des autres,
de
l’autre école ou de l’autre parti — mais à partir des réalités visibl
489
re, qui est celle des autres, de l’autre école ou
de
l’autre parti — mais à partir des réalités visibles et tangibles, qui
490
réalités visibles et tangibles, qui sont le cadre
de
nos vies. Essayons de présenter l’Europe non point par sa philosophie
491
angibles, qui sont le cadre de nos vies. Essayons
de
présenter l’Europe non point par sa philosophie mais bien par sa morp
492
l se peut qu’elle donne quelques idées fécondes à
de
jeunes sociologues qui la pousseraient plus loin, et qu’elle suggère
493
plus loin, et qu’elle suggère une méthode inédite
d’
enseignement de notre vie civique, basée sur la photo et sur le film,
494
u’elle suggère une méthode inédite d’enseignement
de
notre vie civique, basée sur la photo et sur le film, et permettant b
495
c la réalité des autres continents. Essayons donc
de
reconstruire l’Europe en partant de la place communale. Nos villes e
496
Essayons donc de reconstruire l’Europe en partant
de
la place communale. Nos villes et nos villages ne sont pas nés autou
497
préalablement dessinées, mais bien plutôt autour
d’
une citadelle, d’un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c
498
ssinées, mais bien plutôt autour d’une citadelle,
d’
un Burg, défendant un lieu stratégique ; toutefois, c’est bien la créa
499
que ; toutefois, c’est bien la création organique
de
la Place dans les faubourgs — fori burgus, lieux hors du bourg origin
500
s Européens à la réalité communautaire, fondement
de
notre civilisation. On sent bien que ce ne sont pas des masses inform
501
s mesurés par l’usage. Les dictatures ne font que
de
la géométrie, alignent des façades bureaucratiques autour d’un cercle
502
trie, alignent des façades bureaucratiques autour
d’
un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout
503
açades bureaucratiques autour d’un cercle vide ou
d’
un quadrilatère évoquant de lourdes parades. Tout au contraire, la pla
504
ur d’un cercle vide ou d’un quadrilatère évoquant
de
lourdes parades. Tout au contraire, la place centrale de nos villes e
505
des parades. Tout au contraire, la place centrale
de
nos villes et villages est rarement régulière, hors des périodes de r
506
illages est rarement régulière, hors des périodes
de
relâchement civique, précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
507
de relâchement civique, précisément, c’est-à-dire
d’
étatisme au cordeau, de tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, r
508
précisément, c’est-à-dire d’étatisme au cordeau,
de
tyrannie. Le square anglais, malgré son nom, répugne autant à l’angle
509
noria ou le Forum romain lui-même, ancêtre commun
de
nos places, Plätze, plazas, praças, piazze, ou Pleins selon le pays.
510
l se trouve qu’elle l’est en général — c’est bien
de
là qu’elle tire son sens originel. Les partis qui décident de la comp
511
e tire son sens originel. Les partis qui décident
de
la composition des conseils de la cité se forment tout d’abord sur l’
512
artis qui décident de la composition des conseils
de
la cité se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum de la Rome
513
se forment tout d’abord sur l’agora, sur le forum
de
la Rome républicaine, puis sur la place des communes médiévales. Ombr
514
Ombre et soleil changeant avec les heures ; côté
de
l’église et côté de l’école, côté de la mairie et côté du café ; marc
515
ngeant avec les heures ; côté de l’église et côté
de
l’école, côté de la mairie et côté du café ; marché au centre, et car
516
eures ; côté de l’église et côté de l’école, côté
de
la mairie et côté du café ; marché au centre, et carrefour principal
517
onaux et des courants lointains : c’est cette vie
de
la place qui se traduit dans la vie des conseils et parlements, carac
518
vie des conseils et parlements, caractéristiques
de
l’Europe. (La dernière image qui subsiste de cette origine très préci
519
ques de l’Europe. (La dernière image qui subsiste
de
cette origine très précise des parlements, c’est la Landsgemeinde des
520
t le Ring sur la place principale.) Il n’est pas
de
démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre dis
521
on, sur le libre jeu des partis et sur la liberté
de
l’opposition, majorité possible de demain… Or les partis et l’opinion
522
sur la liberté de l’opposition, majorité possible
de
demain… Or les partis et l’opinion, et l’opposition notamment, se man
523
se manifestent par la presse, dans l’ère moderne
de
l’Europe ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet aut
524
t étroitement liée à cet autre élément nécessaire
de
toute place digne du nom : le café. C’est là qu’elle se parle d’abord
525
rit bien souvent, et se lit. C’est dans les cafés
de
Hollande que se réunissent les réfugiés huguenots qui créeront les fa
526
sées dans l’Europe entière, en dépit des censures
de
l’absolutisme, et qui préparent le siècle des Lumières et la Révoluti
527
itoriaux du journal que Daniel Defoe rédige seul,
de
1704 à 1713. Et c’est encore dans les cafés que le Spectator d’Addiso
528
ectator d’Addison, un peu plus tard, a l’ambition
de
faire pénétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
529
énétrer la philosophie, enfin sortie des cabinets
d’
études et de l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence d
530
hilosophie, enfin sortie des cabinets d’études et
de
l’école. N’oublions donc pas, sur la place, la présence du kiosque à
531
a place, la présence du kiosque à journaux, point
d’
insertion de la rumeur du monde, entre le café et le marché16. Face à
532
présence du kiosque à journaux, point d’insertion
de
la rumeur du monde, entre le café et le marché16. Face à l’hôtel de v
533
ée et non plus temple), représentent l’autre pôle
de
la cité : celui de l’unanimité fondamentale qui doit transcender les
534
le), représentent l’autre pôle de la cité : celui
de
l’unanimité fondamentale qui doit transcender les partis, les ambitio
535
répond, et le chœur chante. Et ce chœur est formé
de
voix diverses mais unies par les lois de l’harmonie, du rythme et de
536
st formé de voix diverses mais unies par les lois
de
l’harmonie, du rythme et de la prosodie. Chaque voix s’affirme à sa m
537
is unies par les lois de l’harmonie, du rythme et
de
la prosodie. Chaque voix s’affirme à sa manière, librement et passion
538
ndeur et son drame17. Il serait tentant, partant
de
là, de reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
539
t son drame17. Il serait tentant, partant de là,
de
reconstituer toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire de l’i
540
rtant de là, de reconstituer toute la philosophie
de
la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois autonome et engagé
541
toute la philosophie de la personne, c’est-à-dire
de
l’individu à la fois autonome et engagé — engagé dans la communauté…
542
la communauté… Mais cette démonstration sortirait
de
mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait être faite presque
543
pourrait être faite presque aussi bien en partant
de
l’école, autre bâtiment de la place. L’école est issue de l’Église, a
544
aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment
de
la place. L’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Ré
545
le, autre bâtiment de la place. L’école est issue
de
l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à la Renai
546
’école est issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis
de
la Réforme et des Ordres, à la Renaissance. Aujourd’hui ses institute
547
ance. Aujourd’hui ses instituteurs, qui dépendent
de
la mairie, sont souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux obju
548
sensibles aux débats du café qu’aux objurgations
de
la chaire. Voici donc une nouvelle tension qui s’institue. Mais la fo
549
nouvelle tension qui s’institue. Mais la fonction
de
l’école est demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les c
550
u nom des principes qu’elle enseigne… La fonction
de
l’école dans la cité se résume donc par les deux termes d’initiation
551
e dans la cité se résume donc par les deux termes
d’
initiation et d’initiative, qui marquent les deux pôles de notre éduca
552
e résume donc par les deux termes d’initiation et
d’
initiative, qui marquent les deux pôles de notre éducation. (L’Orient
553
tion et d’initiative, qui marquent les deux pôles
de
notre éducation. (L’Orient et les cultures traditionnelles n’ont guèr
554
itionnelles n’ont guère connu, jusqu’à nos jours,
d’
autre forme d’éducation qu’initiatique18.) Quant au marché, qui occupe
555
ont guère connu, jusqu’à nos jours, d’autre forme
d’
éducation qu’initiatique18.) Quant au marché, qui occupe le centre de
556
iatique18.) Quant au marché, qui occupe le centre
de
la place, lieu de rencontre des produits de la campagne et des besoin
557
au marché, qui occupe le centre de la place, lieu
de
rencontre des produits de la campagne et des besoins de la ville, et
558
entre de la place, lieu de rencontre des produits
de
la campagne et des besoins de la ville, et en même temps figuration v
559
contre des produits de la campagne et des besoins
de
la ville, et en même temps figuration vivante de la loi de l’offre et
560
de la ville, et en même temps figuration vivante
de
la loi de l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symboliq
561
le, et en même temps figuration vivante de la loi
de
l’offre et de la demande, il a fourni la désinence symbolique de tout
562
temps figuration vivante de la loi de l’offre et
de
la demande, il a fourni la désinence symbolique de toute l’économie e
563
e la demande, il a fourni la désinence symbolique
de
toute l’économie européenne jusqu’à nos jours. (Même après que le por
564
me racine qu’exporter et importer — ait pris plus
d’
importance pour le commerce que le marché citadin-rural). Ici se noue
565
du consommateur, des droits acquis et des règles
d’
arbitrage, des initiatives et des coutumes, des conditions locales et
566
la pulsation originelle des énergies formatrices
de
l’Europe. Nous avons retrouvé à l’intérieur de chacun des domaines re
567
’éducatif et l’économique — des couples analogues
de
tensions créatrices, de contradictions nécessaires dont chaque terme
568
e — des couples analogues de tensions créatrices,
de
contradictions nécessaires dont chaque terme apparaît à la fois antin
569
ons elles-mêmes, mais aussi entre la commune (née
de
leur composition locale) et la région, puis entre la région et la nat
570
ences — fussent-elles représentées par la révolte
d’
un seul, d’un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses
571
sent-elles représentées par la révolte d’un seul,
d’
un génie ou d’un saint contre toute une cité, au nom de ses principes
572
résentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou
d’
un saint contre toute une cité, au nom de ses principes indiscutés. ⁂
573
randes civilisations traditionnelles et statiques
de
l’Asie, et aussi de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’êtr
574
traditionnelles et statiques de l’Asie, et aussi
de
l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’être les régimes totali
575
et comme veulent l’être les régimes totalitaires
de
notre temps. Civilisation à base d’antagonismes, de conflits toujours
576
totalitaires de notre temps. Civilisation à base
d’
antagonismes, de conflits toujours renouvelés ; civilisation de discus
577
notre temps. Civilisation à base d’antagonismes,
de
conflits toujours renouvelés ; civilisation de discussion et de conte
578
s, de conflits toujours renouvelés ; civilisation
de
discussion et de contestation, dont la passion maîtresse paraît bien
579
ujours renouvelés ; civilisation de discussion et
de
contestation, dont la passion maîtresse paraît bien être la remise en
580
et des relations humaines, du destin, et du sens
de
la vie. Quand l’une des réalités antagonistes — la liberté ou l’autor
581
ruire l’autre au nom d’un ordre simplificateur ou
d’
une doctrine prétendument totale et unitaire, il en résulte guerres, r
582
sulte guerres, révolutions, massacres, explosions
d’
anarchie suivies de dictatures — une histoire plus intense, violente e
583
lutions, massacres, explosions d’anarchie suivies
de
dictatures — une histoire plus intense, violente et polémique que n’e
584
nte et polémique que n’en relatent les chroniques
d’
aucune autre région du monde. Quand les antagonismes se composent en u
585
alors paraissent les créations les plus typiques
de
la culture européenne, non seulement dans les arts, mais dans la soci
586
té. On les dirait formées sur le modèle du chœur,
de
l’harmonie, des tons complémentaires, voire de la dissonance calculée
587
r, de l’harmonie, des tons complémentaires, voire
de
la dissonance calculée et dirigée vers une « résolution » future. Ain
588
et dirigée vers une « résolution » future. Ainsi
de
la commune, de la fédération, du parlement et du régime bi-caméral, d
589
s une « résolution » future. Ainsi de la commune,
de
la fédération, du parlement et du régime bi-caméral, des syndicats et
590
améral, des syndicats et des coopératives ; ainsi
de
l’éducation elle-même, nous l’avons vu ; et finalement, de l’idée du
591
ation elle-même, nous l’avons vu ; et finalement,
de
l’idée du progrès. Dans la mesure où cet immense complexe de tensions
592
u progrès. Dans la mesure où cet immense complexe
de
tensions n’est pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dicta
593
on conçoit qu’il fonctionne alors comme le foyer
d’
une expansion énergétique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme
594
t le secret du dynamisme européen et des périodes
de
diastole planétaire de notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil d’u
595
e européen et des périodes de diastole planétaire
de
notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil d’une telle période ? Ou a
596
ire de notre civilisation. ⁂ Sommes-nous au seuil
d’
une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe est-i
597
uil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état
de
santé de l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne pa
598
telle période ? Ou au contraire, l’état de santé
de
l’Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de n
599
aussi mauvais que le proclament une bonne partie
de
nos intellectuels ? Plus sérieusement, la technique triomphante ne va
600
russe ou américain ? Je suggère que les éléments
d’
une réponse motivée à cette question — trop souvent et trop facilement
601
urnis par une auscultation des organes principaux
de
la cité, c’est-à-dire des institutions traditionnelles que concrétise
602
ou comparatives. Les églises d’abord, par ordre
d’
ancienneté. La plupart sont aux trois quarts vides dans nos villages,
603
l quatre ou cinq pour une commune rurale moyenne,
de
2 à 3000 habitants. L’église, en Amérique, est restée, mieux que chez
604
rique, est restée, mieux que chez nous, le centre
de
la vie sociale d’un village. Elle y joue un grand rôle politique et c
605
mieux que chez nous, le centre de la vie sociale
d’
un village. Elle y joue un grand rôle politique et civique. Mais c’est
606
ue. Mais c’est peut-être aux dépens de la rigueur
d’
une doctrine et d’une vie spirituelle que l’Europe a mieux su mainteni
607
t-être aux dépens de la rigueur d’une doctrine et
d’
une vie spirituelle que l’Europe a mieux su maintenir face à l’État et
608
eurs et leurs prêtres s’inspirent de plus en plus
de
nos théologiens. Les trois noms qui dominent aujourd’hui la pensée re
609
oms qui dominent aujourd’hui la pensée religieuse
de
l’Amérique, sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl
610
hui la pensée religieuse de l’Amérique, sont ceux
de
Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl Barth, un Français, un A
611
use de l’Amérique, sont ceux de Jacques Maritain,
de
Paul Tillich et de Karl Barth, un Français, un Allemand et un Suisse,
612
sont ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et
de
Karl Barth, un Français, un Allemand et un Suisse, trois noms qui se
613
dent en Europe avec une renaissance incontestable
de
la vitalité intellectuelle des églises. Autre signe, purement extérie
614
à construire des églises en faux gothique et même
d’
énormes cathédrales copiées sur les modèles combinés des basiliques de
615
s copiées sur les modèles combinés des basiliques
de
notre Moyen Âge, tandis que dans toute l’Europe, on construit des égl
616
erre et en ciment armé, décorées par des peintres
d’
avant-garde : elles intègrent toutes les conquêtes de l’ère technique
617
vant-garde : elles intègrent toutes les conquêtes
de
l’ère technique et n’en servent pas moins leur but traditionnel, beau
618
nisme est sans doute le symptôme le plus frappant
d’
une renaissance spirituelle des églises. Qu’il s’agisse du Conseil œcu
619
é par Jean XXIII ; qu’il s’agisse des conventions
d’
inter-communion passées entre luthériens, anglicans, vieux-catholiques
620
us assistons dans cette génération à un phénomène
de
convergence chrétienne qui renverse le cours suivi par l’histoire rel
621
cours suivi par l’histoire religieuse depuis plus
d’
un millénaire. Le développement de la liturgie chez les protestants, d
622
use depuis plus d’un millénaire. Le développement
de
la liturgie chez les protestants, des études bibliques chez les catho
623
onfessions non seulement les unes des autres mais
de
leur source d’inspiration commune. L’ampleur mondiale de ce phénomène
624
seulement les unes des autres mais de leur source
d’
inspiration commune. L’ampleur mondiale de ce phénomène, initié en Eur
625
source d’inspiration commune. L’ampleur mondiale
de
ce phénomène, initié en Europe, témoigne d’une vitalité nouvelle de l
626
diale de ce phénomène, initié en Europe, témoigne
d’
une vitalité nouvelle de l’Église en tant que force historique. Prenon
627
nitié en Europe, témoigne d’une vitalité nouvelle
de
l’Église en tant que force historique. Prenons ensuite l’école, l’ens
628
’observe qu’en Amérique, on redécouvre les vertus
de
la culture générale et des humanités, et d’une pédagogie plus ferme,
629
ertus de la culture générale et des humanités, et
d’
une pédagogie plus ferme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’
630
ritaire, si bien que l’Europe redevient le modèle
d’
un meilleur équilibre, si relatif soit-il, entre les exigences immédia
631
i relatif soit-il, entre les exigences immédiates
de
l’instruction de techniciens, et la stratégie à long terme de la form
632
, entre les exigences immédiates de l’instruction
de
techniciens, et la stratégie à long terme de la formation des esprits
633
tion de techniciens, et la stratégie à long terme
de
la formation des esprits. L’URSS elle-même, qui avait tout sacrifié p
634
les, et se rapproche, dans cette mesure du moins,
de
nos formules européennes19. Passons à la mairie, symbole de la commun
635
mules européennes19. Passons à la mairie, symbole
de
la commune, qui est le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant
636
ivisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plus
d’
un siècle d’empiètements de l’État et de centralisation systématique d
637
a survécu, tant bien que mal, à plus d’un siècle
d’
empiètements de l’État et de centralisation systématique dans l’ensemb
638
t bien que mal, à plus d’un siècle d’empiètements
de
l’État et de centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays.
639
l, à plus d’un siècle d’empiètements de l’État et
de
centralisation systématique dans l’ensemble de nos pays. On pouvait c
640
et de centralisation systématique dans l’ensemble
de
nos pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui est celle des pl
641
plans à grande échelle, allait lui porter le coup
de
grâce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé de l’économie tech
642
râce. Bien au contraire. Le bon usage et la santé
de
l’économie technicienne, selon ses meilleurs spécialistes, veulent à
643
industriels et une répartition plus décentralisée
de
la production, poussant à la mise en valeur, par l’intermédiaire des
644
plus centralisées, comme la France, le mouvement
de
restauration des compétences communales se prononce chaque année plus
645
tement. Au plan européen, le Conseil des communes
d’
Europe, l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la d
646
puis la dernière guerre, ne livrent pas un combat
d’
arrière-garde contre l’État, mais au contraire sont les pionniers d’un
647
ntre l’État, mais au contraire sont les pionniers
d’
un renouveau de l’autonomie municipale20. Quant au marché, qui occupe
648
is au contraire sont les pionniers d’un renouveau
de
l’autonomie municipale20. Quant au marché, qui occupe le centre de la
649
nicipale20. Quant au marché, qui occupe le centre
de
la place, on sait qu’il n’a jamais été plus prospère qu’aujourd’hui,
650
pays, qu’il s’agisse du Marché commun des Six, ou
de
l’économie des pays neutres. Quant à la presse enfin, et au café dont
651
ornerai à une constatation élémentaire. L’absence
de
toute presse libre en URSS, et l’inexistence des cafés littéraires et
652
déplorées par quelques voyageurs européens, vexés
de
ne pas retrouver leurs plus chères habitudes d’intellectuels frondeur
653
s de ne pas retrouver leurs plus chères habitudes
d’
intellectuels frondeurs. La prospérité d’une presse libre et le presti
654
abitudes d’intellectuels frondeurs. La prospérité
d’
une presse libre et le prestige des cafés littéraires dans nos grandes
655
dans nos grandes villes, ces deux faits, inégaux
d’
importance mais très typiques de notre Europe, restent des signes non
656
ux faits, inégaux d’importance mais très typiques
de
notre Europe, restent des signes non trompeurs de la vitalité d’une c
657
de notre Europe, restent des signes non trompeurs
de
la vitalité d’une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capab
658
, restent des signes non trompeurs de la vitalité
d’
une culture moderne, mêlée à l’existence sociale, capable de critique,
659
ure moderne, mêlée à l’existence sociale, capable
de
critique, donc de renouvellement. Or la culture, au sens large du ter
660
à l’existence sociale, capable de critique, donc
de
renouvellement. Or la culture, au sens large du terme : l’apport de l
661
Or la culture, au sens large du terme : l’apport
de
l’homme à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’Europe sans sa
662
apport de l’homme à la nature, résume les secrets
de
l’Europe. L’Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez p
663
rine et une inquiétude religieuse, par des formes
de
pensée d’où sont issues la science et la technique, et des arts flori
664
e inquiétude religieuse, par des formes de pensée
d’
où sont issues la science et la technique, et des arts florissants, et
665
s florissants, et des institutions, et des formes
d’
existence sociale, et une puissance économique sans précédent, c’est c
666
équation la plus célèbre du siècle, qui est celle
d’
Einstein : E = mc2 où E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
667
où E signifie l’énergie, m la masse, c la vitesse
de
la lumière. Je la transpose terme à terme en désignant naturellement
668
ien — on ne sait jamais… — qu’il ne s’agit pas là
d’
une démonstration, faussement mathématique, mais seulement d’une illus
669
stration, faussement mathématique, mais seulement
d’
une illustration…). C’est grâce à cette densité remarquable d’institut
670
ration…). C’est grâce à cette densité remarquable
d’
institutions pluralistes en tension, et à cette lutte toujours ouverte
671
et innovation, que l’Europe s’est montrée capable
d’
intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ailleurs, en Amérique
672
e. En Europe, elle est née dans un contexte serré
de
principes vénérés et de droits garantis, dans un fouillis de coutumes
673
ée dans un contexte serré de principes vénérés et
de
droits garantis, dans un fouillis de coutumes séculaires, artisanales
674
s vénérés et de droits garantis, dans un fouillis
de
coutumes séculaires, artisanales et paysannes, de chicanes légales ou
675
de coutumes séculaires, artisanales et paysannes,
de
chicanes légales ou fiscales, de fronde populaire et de revendication
676
es et paysannes, de chicanes légales ou fiscales,
de
fronde populaire et de revendications, qui l’ont freinée dans son éla
677
canes légales ou fiscales, de fronde populaire et
de
revendications, qui l’ont freinée dans son élan et l’ont contrainte p
678
pas se comporter comme l’éléphant dans le magasin
de
porcelaine ou le bulldozer dans un verger. Certes, les freins et les
679
ment créé le décor sale et sans âme des faubourgs
de
nos capitales, elle a créé le prolétariat, elle a soumis toute une cl
680
éé le prolétariat, elle a soumis toute une classe
d’
hommes à la machine encore très imparfaite, faisant de l’ouvrier, comm
681
mmes à la machine encore très imparfaite, faisant
de
l’ouvrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant d’un mécanisme
682
vrier, comme l’a dit Marx, « le complément vivant
d’
un mécanisme mort », et l’obligeant à travailler quinze heures par jou
683
r, dans des conditions inhumaines du point de vue
de
l’hygiène autant que de la morale. Cette première explosion de la tec
684
nhumaines du point de vue de l’hygiène autant que
de
la morale. Cette première explosion de la technique a fait beaucoup p
685
autant que de la morale. Cette première explosion
de
la technique a fait beaucoup plus de mal à notre espèce que les explo
686
re explosion de la technique a fait beaucoup plus
de
mal à notre espèce que les explosions nucléaires qui nous épouvantent
687
sant son emploi par les lois sociales, en passant
de
l’époque noire du charbon, de la mine et des fabriques enfumées, à l’
688
ociales, en passant de l’époque noire du charbon,
de
la mine et des fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre de l’
689
fabriques enfumées, à l’époque blanche et propre
de
l’électricité, de l’aviation, et de l’usine transparente entourée de
690
s, à l’époque blanche et propre de l’électricité,
de
l’aviation, et de l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe
691
che et propre de l’électricité, de l’aviation, et
de
l’usine transparente entourée de verdure, l’Europe n’a pas seulement
692
e l’aviation, et de l’usine transparente entourée
de
verdure, l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vrai
693
l’Europe n’a pas seulement rapproché la technique
de
sa vraie fin, qui est de libérer l’homme du travail servile, elle a p
694
t rapproché la technique de sa vraie fin, qui est
de
libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la premièr
695
spirituels qu’une technique et une science, nées
de
ses œuvres, posent désormais à tous les hommes. Elle a formulé, la pr
696
a première par ses meilleurs esprits, le problème
de
l’équilibre indispensable entre la tradition et l’innovation, et c’es
697
et l’innovation, et c’est le problème fondamental
de
notre temps. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre, d’une ex
698
. Or elle est seule à disposer, pour le résoudre,
d’
une expérience séculaire. Car l’Afrique noire, l’Asie, le monde arabe
699
e une tempête. À l’inverse, l’Amérique n’a pas eu
de
Moyen Âge : l’homme s’y trouve donc moins lesté de passé, et plus fac
700
e Moyen Âge : l’homme s’y trouve donc moins lesté
de
passé, et plus facilement entraîné par les courants superficiels. Cer
701
ssi le leur. Mais nous avons chez nous, au centre
de
nos villes, les témoins quotidiens et familiers de notre passé, ruine
702
e nos villes, les témoins quotidiens et familiers
de
notre passé, ruines romaines, ruelles et cathédrales, palais classiqu
703
n révolutionnaire à tous risques, un certain sens
de
l’identité dans le changement, voilà peut-être le secret dernier que
704
son métabolisme, a toutes les raisons objectives
de
se porter beaucoup mieux qu’on ne le dit, et que souvent il ne le pen
705
lles tâches mondiales que lui impose la diffusion
de
sa propre civilisation et de ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin,
706
impose la diffusion de sa propre civilisation et
de
ses propres idéaux ? Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accident
707
Saura-t-il, enfin, prévenir ces affreux accidents
de
sa santé mentale et de son existence physique que symbolise, sur la p
708
enir ces affreux accidents de sa santé mentale et
de
son existence physique que symbolise, sur la place du village, un der
709
qui réintroduit dans le tableau toute l’absurdité
de
l’histoire en même temps que la notion d’un sacré national et non chr
710
surdité de l’histoire en même temps que la notion
d’
un sacré national et non chrétien, dans beaucoup de pays voisins du nô
711
A en 1944 et H. Taylor en 1945, pour les services
de
l’Armée de l’air britannique, envisagent le problème du point de vue
712
t H. Taylor en 1945, pour les services de l’Armée
de
l’air britannique, envisagent le problème du point de vue des communi
713
unications aériennes. On trouvera une bonne carte
de
l’hémisphère privilégié dans l’ouvrage de Parker van Zandt, Strategy
714
e carte de l’hémisphère privilégié dans l’ouvrage
de
Parker van Zandt, Strategy of an Air Age, The Brookings Institution,
715
stitution, Washington, D.C., 1944. 15. Bartolomé
de
las Casas, évangéliste des Indiens, défend leur cause devant le Roi e
716
diens, défend leur cause devant le Roi et le fils
de
Colomb, dès 1519. Sa Brevissima relación de la destrucción de las Ind
717
fils de Colomb, dès 1519. Sa Brevissima relación
de
la destrucción de las Indias, publiée à Séville en 1552, est le premi
718
ès 1519. Sa Brevissima relación de la destrucción
de
las Indias, publiée à Séville en 1552, est le premier acte d’accusati
719
s, publiée à Séville en 1552, est le premier acte
d’
accusation contre le colonialisme, et fonde une longue tradition, jusq
720
. Le célèbre moine Francisco de Vitoria, dans son
De
Indis, 1532, établit le droit des Indiens à la possession de leur ter
721
532, établit le droit des Indiens à la possession
de
leur territoire, et n’accorde aux Espagnols que le droit de voyager a
722
rritoire, et n’accorde aux Espagnols que le droit
de
voyager aux Indes pour y aller convertir les païens. Un autre moine e
723
viniste libéral Hugo Grotius (1583-1645), partant
de
bases d’ailleurs très différentes, sont considérés, avec Vitoria, com
724
Les premières bandes dessinées, journal illustré
de
l’époque, sont l’œuvre d’Albert Dürer (1471-1528). Il les gravait, le
725
inées, journal illustré de l’époque, sont l’œuvre
d’
Albert Dürer (1471-1528). Il les gravait, les tirait et les sous-titra
726
marché et dans les tavernes. 17. En Inde, point
de
cérémonies communautaires, en dehors des grandes processions. Mais de
727
ehors des grandes processions. Mais des centaines
de
milliers de petits temples, où devant une idole de proportions réduit
728
andes processions. Mais des centaines de milliers
de
petits temples, où devant une idole de proportions réduites, une seul
729
e milliers de petits temples, où devant une idole
de
proportions réduites, une seule femme, un seul homme, prie debout. 1
730
ie debout. 18. Cf. mon essai intitulé « La règle
d’
or, ou principe de l’éducation européenne », Bulletin du Centre europ
731
. mon essai intitulé « La règle d’or, ou principe
de
l’éducation européenne », Bulletin du Centre européen de la culture
732
la culture , n° 3, 1960-1961, p. 1-11. Substance
d’
une conférence donnée à la Faculté des Lettres, chaire de pédagogie, d
733
onférence donnée à la Faculté des Lettres, chaire
de
pédagogie, de l’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de d
734
ée à la Faculté des Lettres, chaire de pédagogie,
de
l’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus de développements
735
des Lettres, chaire de pédagogie, de l’Université
de
Genève. 19. Je renvoie, pour plus de développements sur ce point cap
736
’Université de Genève. 19. Je renvoie, pour plus
de
développements sur ce point capital, à l’étude mentionnée dans la not
737
olas de Witt, et qui décrivaient le point extrême
de
la spécialisation atteint vers 1950-1955. Depuis lors, l’Institut d’é
738
n atteint vers 1950-1955. Depuis lors, l’Institut
d’
études soviétiques de Harvard a pu suivre et faire connaître les progr
739
955. Depuis lors, l’Institut d’études soviétiques
de
Harvard a pu suivre et faire connaître les progrès de l’évolution rus
740
arvard a pu suivre et faire connaître les progrès
de
l’évolution russe vers le rétablissement des études générales. Voir a
741
n’t, Random House, New York, 1961, étude comparée
de
l’enseignement primaire et secondaire aux USA et en URSS. 20. L’Uni
742
s locaux, dont le siège est à La Haye, a organisé
de
nombreux congrès de maires et publié quelques ouvrages importants sur
743
ège est à La Haye, a organisé de nombreux congrès
de
maires et publié quelques ouvrages importants sur l’état des problème
744
fédérale), La Haye, 1955. Le Conseil des communes
d’
Europe, plus nettement fédéraliste par sa doctrine, s’est fondé à Genè
745
ateurs sont Français (MM. J. Chaban-Delmas, maire
de
Bordeaux, et G. Deferre, maire de Marseille, notamment). Il publie un
746
n-Delmas, maire de Bordeaux, et G. Deferre, maire
de
Marseille, notamment). Il publie une revue intitulée Communes d’Europ
747
otamment). Il publie une revue intitulée Communes
d’
Europe. Sous les auspices du CCE, de très nombreux jumelages de villes
748
ulée Communes d’Europe. Sous les auspices du CCE,
de
très nombreux jumelages de villes ont été réalisés, donnant lieu a de
749
s les auspices du CCE, de très nombreux jumelages
de
villes ont été réalisés, donnant lieu a des manifestations populaires
750
sés, donnant lieu a des manifestations populaires
de
solidarité européenne. Enfin, une Commission européenne des pouvoirs
751
III. L’Europe s’unit Les organes vitaux
de
notre société, pris un à un, me paraissent donc en assez bon état. Re
752
oir si le sujet Europe possède encore une volonté
de
vivre suffisante pour remplir les fonctions nouvelles qui lui sont as
753
voudrais vous montrer aujourd’hui que la volonté
de
vivre de l’Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarqu
754
vous montrer aujourd’hui que la volonté de vivre
de
l’Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarquez que ce
755
ivre de l’Europe signifie, pratiquement : volonté
de
s’unir. Remarquez que cette thèse ne va pas de soi. Il peut sembler q
756
mbler qu’il y ait contradiction entre mon constat
de
santé, et le besoin d’union. En effet, si tout va bien, pourquoi s’un
757
adiction entre mon constat de santé, et le besoin
d’
union. En effet, si tout va bien, pourquoi s’unir ? Les peuples n’épro
758
r ? Les peuples n’éprouvent ce besoin qu’en temps
de
crise, pour réagir contre des maux internes ou contre un péril extéri
759
. L’union n’est pas un but en soi, c’est le moyen
d’
un but qui est de survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement
760
as un but en soi, c’est le moyen d’un but qui est
de
survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement un remède ; or q
761
i, c’est le moyen d’un but qui est de survivre ou
de
mieux vivre ; c’est même pratiquement un remède ; or qui parle de rem
762
c’est même pratiquement un remède ; or qui parle
de
remède parle de maladie. Quelle est alors la maladie qui affecte cett
763
iquement un remède ; or qui parle de remède parle
de
maladie. Quelle est alors la maladie qui affecte cette Europe dont le
764
e Europe dont les organes sont bons ? Je la crois
d’
origine psychique. Dans l’ensemble, elle consiste a transformer nos vi
765
inissent par s’attaquer même à cette base commune
de
nos diversités : l’unité de notre culture traditionnelle et créatrice
766
à cette base commune de nos diversités : l’unité
de
notre culture traditionnelle et créatrice. En bref, cette maladie peu
767
ef, cette maladie peut être désignée par le terme
de
nationalisme, qui est la prétention des États à la souveraineté absol
768
lli périr à deux reprises dans la première moitié
de
notre siècle. Et c’est aussi ce mal, disséminé par nous sur plusieurs
769
colonisés, qui cause les fièvres et les poussées
de
haine contre l’Europe que subissent depuis quelques années tant de pa
770
bissent depuis quelques années tant de pays neufs
de
l’Afrique, du monde arabe et de l’Asie. La volonté d’union qui, si el
771
ant de pays neufs de l’Afrique, du monde arabe et
de
l’Asie. La volonté d’union qui, si elle se vérifie, fournirait à mon
772
’Afrique, du monde arabe et de l’Asie. La volonté
d’
union qui, si elle se vérifie, fournirait à mon sens la preuve d’une n
773
elle se vérifie, fournirait à mon sens la preuve
d’
une nouvelle volonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de su
774
irait à mon sens la preuve d’une nouvelle volonté
de
vivre de l’Europe, c’est donc la volonté de surmonter nos divisions n
775
on sens la preuve d’une nouvelle volonté de vivre
de
l’Europe, c’est donc la volonté de surmonter nos divisions nationalis
776
lonté de vivre de l’Europe, c’est donc la volonté
de
surmonter nos divisions nationalistes et de libérer par là même le je
777
lonté de surmonter nos divisions nationalistes et
de
libérer par là même le jeu normal et sain de nos diversités. La volon
778
s et de libérer par là même le jeu normal et sain
de
nos diversités. La volonté d’union sera le signe d’une santé renouvel
779
jeu normal et sain de nos diversités. La volonté
d’
union sera le signe d’une santé renouvelée du corps européen, dans la
780
nos diversités. La volonté d’union sera le signe
d’
une santé renouvelée du corps européen, dans la mesure où elle prendra
781
européen, dans la mesure où elle prendra pour but
de
fédérer nos différences et non pas de les effacer ni d’uniformiser la
782
ra pour but de fédérer nos différences et non pas
de
les effacer ni d’uniformiser la vie du continent — car à cela, la tec
783
érer nos différences et non pas de les effacer ni
d’
uniformiser la vie du continent — car à cela, la technique suffirait b
784
on la laissait proliférer sans freins. La volonté
d’
union sera saine si elle tend à éliminer le virus du nationalisme et n
785
du nationalisme et non pas à lui ouvrir un champ
d’
action plus vaste, aux dimensions du continent transformé en super-nat
786
s du continent transformé en super-nation et doté
d’
un super-nationalisme. Je tenais à placer en exergue à mon exposé d’au
787
lisme. Je tenais à placer en exergue à mon exposé
d’
aujourd’hui ces définitions de l’union, situant ainsi d’emblée ma posi
788
xergue à mon exposé d’aujourd’hui ces définitions
de
l’union, situant ainsi d’emblée ma position par rapport aux débats ac
789
commun, voudrait unifier les nations sur la base
d’
une totale intégration économique. C’est la position maximaliste. La p
790
crois que la seule union conforme au génie propre
de
l’Europe, à son passé, à ses réalités, comme à sa vocation présente,
791
ues des trois écoles : celle des alliances, celle
de
l’intégration et celle de la fédération, sortirait de mon propos, qui
792
le des alliances, celle de l’intégration et celle
de
la fédération, sortirait de mon propos, qui n’est pas politique, et d
793
’intégration et celle de la fédération, sortirait
de
mon propos, qui n’est pas politique, et du cadre de ces leçons. Il me
794
mon propos, qui n’est pas politique, et du cadre
de
ces leçons. Il me paraît en revanche indispensable de remonter aux or
795
es leçons. Il me paraît en revanche indispensable
de
remonter aux origines de ces tendances de notre esprit, et de recherc
796
n revanche indispensable de remonter aux origines
de
ces tendances de notre esprit, et de rechercher d’où procède la discu
797
ensable de remonter aux origines de ces tendances
de
notre esprit, et de rechercher d’où procède la discussion sur l’union
798
aux origines de ces tendances de notre esprit, et
de
rechercher d’où procède la discussion sur l’union de l’Europe qui bat
799
e ces tendances de notre esprit, et de rechercher
d’
où procède la discussion sur l’union de l’Europe qui bat son plein dep
800
rechercher d’où procède la discussion sur l’union
de
l’Europe qui bat son plein depuis quelques années dans la presse et d
801
t dans les congrès du continent. (Elle vient même
de
gagner l’Angleterre sur son île et les États-Unis tout récemment.) Ca
802
États-Unis tout récemment.) Car il est impossible
de
comprendre l’enjeu et les motifs des grands débats en cours, sans les
803
, sans les replacer tout d’abord dans le contexte
de
notre histoire. Ils apparaissent au terme provisoire d’une longue évo
804
re histoire. Ils apparaissent au terme provisoire
d’
une longue évolution, qui a formé la pensée, la sensibilité et les réf
805
é et les réflexes des Européens, et qui détermine
de
la sorte leurs résistances instinctives ou leur adhésion enthousiaste
806
iaste aux différentes solutions proposées. L’idée
d’
unir ou de fédérer l’Europe n’est pas née d’hier. Elle remonte très pr
807
différentes solutions proposées. L’idée d’unir ou
de
fédérer l’Europe n’est pas née d’hier. Elle remonte très précisément
808
’idée d’unir ou de fédérer l’Europe n’est pas née
d’
hier. Elle remonte très précisément au début du xive siècle, si l’on
809
s mêmes au cours des siècles. Ce qui est en passe
de
se réaliser sous nos yeux, d’une manière encore bien imparfaite il es
810
Ce qui est en passe de se réaliser sous nos yeux,
d’
une manière encore bien imparfaite il est vrai, c’est ce que préconisa
811
t six siècles et demi, des poètes visionnaires et
de
grands philosophes et quelques fortes têtes politiques, de Dante à Vi
812
philosophes et quelques fortes têtes politiques,
de
Dante à Victor Hugo en passant par Goethe, de Sully à Churchill en pa
813
es, de Dante à Victor Hugo en passant par Goethe,
de
Sully à Churchill en passant par Montesquieu, Rousseau et Saint-Simon
814
sant par Montesquieu, Rousseau et Saint-Simon, et
de
Leibniz à Nietzsche en passant par Kant. Pour tous ces hommes, et pou
815
ntés dans un ouvrage récent — Vingt-huit siècles
d’
Europe 21 —, les motifs impérieux de l’union européenne se ramènent e
816
huit siècles d’Europe 21 —, les motifs impérieux
de
l’union européenne se ramènent en dernière analyse à quelques thèmes
817
poques et les écoles, l’un ou l’autre prenne plus
d’
importance. Voici donc ces motifs constants. La paix d’abord, qu’il s’
818
s motifs constants. La paix d’abord, qu’il s’agit
d’
assurer entre nos peuples, déchirés par des guerres intérieures à l’Eu
819
erres intérieures à l’Europe et cela par le moyen
d’
une instance d’arbitrage supérieure aux Nations et aux Princes, et rép
820
es à l’Europe et cela par le moyen d’une instance
d’
arbitrage supérieure aux Nations et aux Princes, et réprimant toute am
821
tions et aux Princes, et réprimant toute ambition
d’
hégémonie. Ce motif domine tous les autres au Moyen Âge. Ensuite, la c
822
devient dominant après la Réforme et tout au long
de
l’ère absolutiste, ère de la formation des États souverains, du xvie
823
Réforme et tout au long de l’ère absolutiste, ère
de
la formation des États souverains, du xvie au xviiie siècle. Enfin,
824
chelle du continent, non des États. Motif typique
de
l’ère moderne, de Saint-Simon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché
825
t, non des États. Motif typique de l’ère moderne,
de
Saint-Simon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché commun de nos jour
826
mon et Bentham, vers 1800, jusqu’au Marché commun
de
nos jours. Le thème de la menace étrangère, ou de la défense commune,
827
00, jusqu’au Marché commun de nos jours. Le thème
de
la menace étrangère, ou de la défense commune, que tant d’auteurs mod
828
de nos jours. Le thème de la menace étrangère, ou
de
la défense commune, que tant d’auteurs modernes estiment indispensabl
829
ace étrangère, ou de la défense commune, que tant
d’
auteurs modernes estiment indispensable pour éveiller le besoin d’unio
830
es estiment indispensable pour éveiller le besoin
d’
union, est souvent invoqué au cours des âges — le rôle d’épouvantail é
831
, est souvent invoqué au cours des âges — le rôle
d’
épouvantail étant tenu par les Turcs jusqu’au xviiie siècle, puis par
832
x-Grands-qui-ont-la-bombe. Mais en fait, ce motif
de
la peur est accessoire, et se révèle d’ailleurs inopérant dans notre
833
contre les Turcs soit contre les Soviets, il sert
de
prétexte opportun, il permet de dramatiser la thèse positive que l’on
834
Soviets, il sert de prétexte opportun, il permet
de
dramatiser la thèse positive que l’on défend, c’est-à-dire la paix, l
835
rituelle ou la prospérité. C’est surtout un moyen
de
propagande auprès des princes, plus tard de l’opinion publique. D’une
836
moyen de propagande auprès des princes, plus tard
de
l’opinion publique. D’une manière générale, on veut l’union pour surm
837
rès des princes, plus tard de l’opinion publique.
D’
une manière générale, on veut l’union pour surmonter l’anarchie perman
838
bitions — qu’ils baptisent droits. Quant au motif
de
l’impérialisme — « Partons ensemble à la conquête du monde ! » — je n
839
ans aucun plan ou plaidoyer, à la seule exception
de
ceux des jacobins. Il a certes inspiré Napoléon, puis Hitler, dans le
840
s leurs brèves tentatives avortées — une douzaine
d’
années chacun — pour unifier l’Europe par la force. Mais les prophètes
841
ope par la force. Mais les prophètes et partisans
de
l’union fédérale de l’Europe ont toujours soutenu que cette union aur
842
is les prophètes et partisans de l’union fédérale
de
l’Europe ont toujours soutenu que cette union aurait pour effet, nota
843
enu que cette union aurait pour effet, notamment,
d’
écarter toute tentation impérialiste ou même colonialiste. Les quatre
844
nse) sont, je le répète, tous présents à l’esprit
de
tous les promoteurs que je vais nommer, mais inégalement importants s
845
, mais inégalement importants selon les époques :
d’
où l’évolution des motifs que l’on observe au cours des siècles, et qu
846
ours des siècles, et qu’il n’est pas sans intérêt
de
retracer. Je passerai donc rapidement en revue les grands noms qui ja
847
jalonnent cette évolution et les principaux plans
d’
union qui en illustrent les étapes. Les deux premiers datent des année
848
datent des années 1306 et 1308. L’un est l’œuvre
de
Dante, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller de Philippe le
849
1306 et 1308. L’un est l’œuvre de Dante, c’est le
De
Monarchia, l’autre d’un conseiller de Philippe le Bel, Pierre Dubois.
850
l’œuvre de Dante, c’est le De Monarchia, l’autre
d’
un conseiller de Philippe le Bel, Pierre Dubois. Tous les deux réagiss
851
e, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller
de
Philippe le Bel, Pierre Dubois. Tous les deux réagissent à l’anarchie
852
ns le conflit entre le pape et l’empereur. L’idée
de
Dante est simple : il préconise l’établissement d’une monarchie unive
853
e Dante est simple : il préconise l’établissement
d’
une monarchie universelle, seule capable, en bonne logique, d’arbitrer
854
hie universelle, seule capable, en bonne logique,
d’
arbitrer les litiges survenus entre princes « indépendants et égaux »,
855
inces « indépendants et égaux », donc n’ayant pas
de
pouvoir l’un sur l’autre. Chacun d’eux serait maître de son domaine,
856
c n’ayant pas de pouvoir l’un sur l’autre. Chacun
d’
eux serait maître de son domaine, et chaque royaume ou ville retiendra
857
voir l’un sur l’autre. Chacun d’eux serait maître
de
son domaine, et chaque royaume ou ville retiendrait ses « lois différ
858
exaltant un but inaccessible mais qui ne cessera
de
hanter les esprits pendant des siècles, s’oppose l’empirisme sans ver
859
t des siècles, s’oppose l’empirisme sans vergogne
de
l’avocat normand, Pierre Dubois. À la question concrète qu’il pose en
860
Si les cités et les princes ne reconnaissent pas
de
supérieurs au monde, et s’ils sont en conflit, devant qui doivent-ils
861
ais bien devant un tribunal européen. Ce tribunal
d’
arbitrage, formé de trois prélats et de trois laïques « prudents et ex
862
tribunal européen. Ce tribunal d’arbitrage, formé
de
trois prélats et de trois laïques « prudents et experts », disposerai
863
e tribunal d’arbitrage, formé de trois prélats et
de
trois laïques « prudents et experts », disposerait de sanctions pénal
864
rois laïques « prudents et experts », disposerait
de
sanctions pénales : le pays récalcitrant serait cerné, isolé, et rédu
865
e les infidèles en Terre sainte — comme une sorte
de
Légion étrangère — plutôt que de les laisser mettre à feu et à sang l
866
comme une sorte de Légion étrangère — plutôt que
de
les laisser mettre à feu et à sang la « République chrétienne », liso
867
blique chrétienne », lisons européenne23. Inutile
de
dire que ce plan ne rencontra guère plus d’écho que l’utopie de Dante
868
utile de dire que ce plan ne rencontra guère plus
d’
écho que l’utopie de Dante. Non qu’il manquât de réalisme, au contrair
869
plan ne rencontra guère plus d’écho que l’utopie
de
Dante. Non qu’il manquât de réalisme, au contraire, comme l’écrit un
870
s d’écho que l’utopie de Dante. Non qu’il manquât
de
réalisme, au contraire, comme l’écrit un commentateur : « Il était tr
871
ain qui saluera désormais toutes les propositions
de
paix et d’union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace de la bombe
872
uera désormais toutes les propositions de paix et
d’
union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace de la bombe atomique po
873
d’union, jusqu’à nos jours. (Il faudra la menace
de
la bombe atomique pour que les peuples et leurs chefs découvrent enfi
874
écouvrent enfin qu’il pourrait être plus réaliste
de
s’entraider que de s’entretuer, et que par suite, les promoteurs de p
875
il pourrait être plus réaliste de s’entraider que
de
s’entretuer, et que par suite, les promoteurs de plans d’union ne son
876
de s’entretuer, et que par suite, les promoteurs
de
plans d’union ne sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de
877
retuer, et que par suite, les promoteurs de plans
d’
union ne sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de dangereu
878
e plans d’union ne sont pas tous, nécessairement,
de
doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.) L’idée de Pierre Dubois deva
879
sont pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou
de
dangereux imbéciles.) L’idée de Pierre Dubois devait pourtant survivr
880
e doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.) L’idée
de
Pierre Dubois devait pourtant survivre. Cent-cinquante ans plus tard,
881
ropose aux princes chrétiens et au pape un Traité
d’
alliance qui est, en vérité, un plan de fédération25 : car il limite e
882
un Traité d’alliance qui est, en vérité, un plan
de
fédération25 : car il limite expressément les souverainetés tout en g
883
l’autonomie des États membres. Il porte création
d’
une assemblée — qui siégerait d’abord à Bâle —, d’une cour de justice,
884
d’une assemblée — qui siégerait d’abord à Bâle —,
d’
une cour de justice, d’une procédure d’arbitrage international, d’une
885
blée — qui siégerait d’abord à Bâle —, d’une cour
de
justice, d’une procédure d’arbitrage international, d’une force armée
886
iégerait d’abord à Bâle —, d’une cour de justice,
d’
une procédure d’arbitrage international, d’une force armée commune et
887
à Bâle —, d’une cour de justice, d’une procédure
d’
arbitrage international, d’une force armée commune et d’un budget comm
888
stice, d’une procédure d’arbitrage international,
d’
une force armée commune et d’un budget commun. Tout cela, beaucoup plu
889
trage international, d’une force armée commune et
d’
un budget commun. Tout cela, beaucoup plus progressiste et moderne, on
890
cinq-cents ans plus tard, exactement, sous le nom
d’
Europe des patries, et qui nous ramènerait à une Europe des États souv
891
de France Louis XI et par le pape Pie II, le plan
de
Podiebrad n’eut aucune suite. Et pourtant, ce pape n’était autre que
892
mini, qui essayait vainement, dans le même temps,
d’
organiser une nouvelle croisade — Byzance venait de tomber aux mains d
893
des Turcs — et qui avait été le premier à parler
de
l’Europe comme d’une patrie commune, dans sa mémorable lettre à Mahom
894
i avait été le premier à parler de l’Europe comme
d’
une patrie commune, dans sa mémorable lettre à Mahomet II : « Maintena
895
és et tués. »26 Deux siècles passent, et la face
de
l’Europe a changé : les grandes découvertes, la Réforme et la formati
896
oqué un vaste remue-ménage — notamment, la guerre
de
Trente Ans. Le temps est venu de repenser les relations entre les nat
897
ons, c’est-à-dire entre les princes. Quatre plans
de
grande envergure vont contribuer à cet effort de mise en ordre, qui e
898
de grande envergure vont contribuer à cet effort
de
mise en ordre, qui est la devise du xviie siècle. Tous les quatre ex
899
quatre expriment avec force la vocation fédérale
de
l’Europe, et la sourde angoisse de l’époque devant les prétentions ab
900
ation fédérale de l’Europe, et la sourde angoisse
de
l’époque devant les prétentions absolutistes des États. Tous les quat
901
s absolutistes des États. Tous les quatre émanent
d’
esprits profondément religieux, et donc « œcuméniques » au sens qu’a p
902
t donc « œcuméniques » au sens qu’a pris ce terme
de
nos jours, impliquant le rapprochement des confessions chrétiennes. C
903
essions chrétiennes. C’est donc, en plus du motif
de
la paix, celui de la communauté spirituelle qui les inspire au premie
904
s. C’est donc, en plus du motif de la paix, celui
de
la communauté spirituelle qui les inspire au premier chef. Tous les q
905
chef. Tous les quatre, enfin, ont passé inaperçus
de
leurs contemporains, mais ils survivent dans la mémoire humaine aux t
906
s la mémoire humaine aux traités « fédéralistes »
de
l’époque, rapidement effacés par l’histoire. Ils n’ont cessé d’agir s
907
apidement effacés par l’histoire. Ils n’ont cessé
d’
agir sur l’imagination des créateurs d’institutions européennes, jusqu
908
’ont cessé d’agir sur l’imagination des créateurs
d’
institutions européennes, jusqu’à nous. Ces quatre plans, dans l’ordre
909
ic Crucé, moine parisien, 1623 ; le Grand dessein
de
Sully, ministre huguenot d’Henri IV, 1638 ; le Réveil universel d’Amo
910
23 ; le Grand dessein de Sully, ministre huguenot
d’
Henri IV, 1638 ; le Réveil universel d’Amos Comenius, évêque morave, 1
911
e huguenot d’Henri IV, 1638 ; le Réveil universel
d’
Amos Comenius, évêque morave, 1645 ; et l’Essai sur la paix présente e
912
1645 ; et l’Essai sur la paix présente et future
de
l’Europe, de William Penn, quaker anglais et fondateur d’État en Amér
913
Essai sur la paix présente et future de l’Europe,
de
William Penn, quaker anglais et fondateur d’État en Amérique, 1692. S
914
ope, de William Penn, quaker anglais et fondateur
d’
État en Amérique, 1692. S’y ajoutera, au début du xviiie siècle, un c
915
du xviiie siècle, un cinquième plan : le Projet
de
paix perpétuelle, du trop fameux abbé de Saint-Pierre, 1712. À franc
916
re, ces plans n’améliorent pas sensiblement celui
de
Podiebrad, bien qu’ils en redécouvrent en partie ou en complètent sur
917
r l’examen des faits : tous proposent un Tribunal
d’
arbitrage supérieur aux États — nous dirions supranational ; une Assem
918
ut le premier et qui resta le moins connu : celui
d’
Émeric Crucé, dont on sait seulement qu’il fut un obscur « moine pédag
919
fut un obscur « moine pédagogue » dans un collège
de
Paris27. Il se signale entre autres par trois propositions fort étonn
920
s, car toutes les religions tendent à la même fin
d’
adoration et leurs cérémonies se valent donc. « Seul un esprit borné,
921
esprit borné, écrit-il, croit que tous sont tenus
de
vivre comme lui, et ne prise que ses [propres] coutumes, à la façon d
922
t ne prise que ses [propres] coutumes, à la façon
de
ces niais d’Athènes, qui estimaient la Lune de leur pays meilleure qu
923
e ses [propres] coutumes, à la façon de ces niais
d’
Athènes, qui estimaient la Lune de leur pays meilleure que celle des a
924
on de ces niais d’Athènes, qui estimaient la Lune
de
leur pays meilleure que celle des autres » ; et 3° remplacer la forma
925
les industries artisanales, et développer un plan
de
grands travaux européens : canaux joignant « les deux mers », aménage
926
ne et suppression des douanes et péages. Ce plan,
d’
une étonnante richesse, n’eut pas de suite. Mais Leibniz, bon Européen
927
ges. Ce plan, d’une étonnante richesse, n’eut pas
de
suite. Mais Leibniz, bon Européen et œcuméniste lui aussi, le dira et
928
rvira… Le Grand Dessein que le duc de Sully feint
d’
attribuer à Henri IV, est moins original mais beaucoup plus célèbre :
929
ité, à l’origine, qu’un projet purement politique
de
pacte supranational des princes protestants et catholiques contre la
930
inces protestants et catholiques contre la maison
de
Habsbourg ; mais ses éléments sont épars dans les milliers de pages d
931
; mais ses éléments sont épars dans les milliers
de
pages des Mémoires des sages et royales oeconomies 28, rédigés bien a
932
la liberté du commerce. Son mérite historique est
d’
avoir attaché le prestige d’un grand roi à un beau titre, « le Grand D
933
mérite historique est d’avoir attaché le prestige
d’
un grand roi à un beau titre, « le Grand Dessein », qui sera repris et
934
e Grand Dessein », qui sera repris et invoqué par
d’
innombrables partisans de l’union, de William Penn et de l’abbé de Sai
935
ra repris et invoqué par d’innombrables partisans
de
l’union, de William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchi
936
invoqué par d’innombrables partisans de l’union,
de
William Penn et de l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchill. Du Révei
937
mbrables partisans de l’union, de William Penn et
de
l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Churchill. Du Réveil universel de Come
938
int-Pierre jusqu’à Churchill. Du Réveil universel
de
Comenius29, fondateur de la pédagogie moderne, précurseur visionnaire
939
ill. Du Réveil universel de Comenius29, fondateur
de
la pédagogie moderne, précurseur visionnaire du mouvement œcuménique
940
précurseur visionnaire du mouvement œcuménique et
de
la fédération mondiale, retenons le projet grandiose d’un triple trib
941
fédération mondiale, retenons le projet grandiose
d’
un triple tribunal supérieur aux États : celui des lettrés, ou « Conse
942
rieur aux États : celui des lettrés, ou « Conseil
de
la lumière », celui des ecclésiastiques ou « Consistoire », et celui
943
oire », et celui des hommes politiques, ou « Cour
de
justice ». Et citons cette phrase mémorable : « La lumière doit être
944
e. » (Ceci fut écrit, je le rappelle, il y a plus
de
trois-cents ans.) De l’Essay de William Penn30, fondateur, gouverneur
945
je le rappelle, il y a plus de trois-cents ans.)
De
l’Essay de William Penn30, fondateur, gouverneur et presque roi de la
946
fisme intransigeant, le sens pratique et le souci
de
l’économie. Il propose lui aussi, comme Crucé, que l’on enseigne à la
947
gne à la jeunesse « la mécanique, la connaissance
de
la nature, la culture des arts utiles et agréables, et la connaissanc
948
européen. Et il suggère que la salle des séances
de
la Diète européenne soit ronde, et non carrée, et percée d’autant de
949
e européenne soit ronde, et non carrée, et percée
d’
autant de portes qu’il y aura de délégations, cela pour éviter les dis
950
nne soit ronde, et non carrée, et percée d’autant
de
portes qu’il y aura de délégations, cela pour éviter les discussions
951
carrée, et percée d’autant de portes qu’il y aura
de
délégations, cela pour éviter les discussions de préséances… Et enfi
952
de délégations, cela pour éviter les discussions
de
préséances… Et enfin, du Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Sai
953
s discussions de préséances… Et enfin, du Projet
de
paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre31, surtout célèbre pour le
954
séances… Et enfin, du Projet de paix perpétuelle
de
l’abbé de Saint-Pierre31, surtout célèbre pour les railleries qu’il p
955
n six volumes médiocrement écrits pas grand-chose
de
neuf, sinon la proposition de commencer l’union de l’Europe par un co
956
its pas grand-chose de neuf, sinon la proposition
de
commencer l’union de l’Europe par un congrès réuni à La Haye — ce qui
957
e neuf, sinon la proposition de commencer l’union
de
l’Europe par un congrès réuni à La Haye — ce qui se fera effectivemen
958
tivement 236 ans plus tard — retenons ce jugement
de
Rousseau : « Si le projet demeure sans exécution, ce n’est pas qu’il
959
les hommes sont insensés, et que c’est une sorte
de
folie que d’être sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans
960
ont insensés, et que c’est une sorte de folie que
d’
être sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans devinrent cél
961
que d’être sage au milieu des fous. »32 Certains
de
ces plans devinrent célèbres, comme celui de Sully, certains furent b
962
ains de ces plans devinrent célèbres, comme celui
de
Sully, certains furent beaucoup lus, comme celui de Saint-Pierre, mai
963
Sully, certains furent beaucoup lus, comme celui
de
Saint-Pierre, mais aucun n’entraîna la moindre suite pratique. Tourno
964
ison — et passons à la Révolution française. L’un
de
ses orateurs d’extrême gauche, Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur
965
s à la Révolution française. L’un de ses orateurs
d’
extrême gauche, Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur la tribune de la
966
Anacharsis Cloots, dépose en 1792 sur la tribune
de
la Convention, un projet de République universelle dont la commune de
967
n 1792 sur la tribune de la Convention, un projet
de
République universelle dont la commune de Paris serait le centre omni
968
projet de République universelle dont la commune
de
Paris serait le centre omnipotent. Curieuse réplique laïque de la mon
969
it le centre omnipotent. Curieuse réplique laïque
de
la monarchie universelle de Dante, à la différence près que cette uto
970
ieuse réplique laïque de la monarchie universelle
de
Dante, à la différence près que cette utopie devrait être imposée au
971
précise Cloots, par « la guerre ! la guerre ! cri
de
tous les patriotes répandus sur la surface de l’Europe ». À cette cro
972
cri de tous les patriotes répandus sur la surface
de
l’Europe ». À cette croisade dont la devise serait « Les jacobins par
973
bins partout ! », répond le projet tout contraire
d’
un Anglais, d’ailleurs décrété citoyen français par la même Convention
974
lèbre économiste Jeremy Bentham : c’est un projet
de
paix perpétuelle33. Il demande d’une part une Europe neutre, armée et
975
t une Europe neutre, armée et unie, sur le modèle
de
la « Ligue helvétique », d’autre part l’abandon par la France et la G
976
art l’abandon par la France et la Grande-Bretagne
de
toutes leurs coûteuses « dépendances d’outre-mer », ainsi que l’on no
977
-Bretagne de toutes leurs coûteuses « dépendances
d’
outre-mer », ainsi que l’on nommait alors les colonies. Ce plan, faut-
978
isme et des grands travaux industriels — le canal
de
Suez sera fait par ses disciples — propose lui aussi dans son projet
979
ses disciples — propose lui aussi dans son projet
d’
Organisation de la société européenne 34, la fusion des intérêts franc
980
propose lui aussi dans son projet d’Organisation
de
la société européenne 34, la fusion des intérêts franco-anglais et la
981
fusion des intérêts franco-anglais et la création
d’
un parlement européen élu par les élites professionnelles et « placé a
982
les élites professionnelles et « placé au-dessus
de
tous les gouvernements nationaux ». Saint-Simon est le véritable ancê
983
ommun, en ceci que, pour lui, l’union doit naître
de
la « force coactive » des institutions économiques, force qui « conce
984
ur comprendre un message aussi précis, un message
d’
ingénieur politique. L’âge industriel, inauguré par l’espérance libert
985
quête napoléonienne. À l’idéal du Saint-Empire et
de
la Sainte-Alliance des rois de Metternich, il substitue l’idée de la
986
du Saint-Empire et de la Sainte-Alliance des rois
de
Metternich, il substitue l’idée de la « Sainte-Alliance des peuples »
987
iance des rois de Metternich, il substitue l’idée
de
la « Sainte-Alliance des peuples » de Béranger. Mais ce sont les État
988
itue l’idée de la « Sainte-Alliance des peuples »
de
Béranger. Mais ce sont les États-nations qui mangeront les marrons ai
989
r, Heine, Lamartine et Mickiewicz, tous partisans
d’
États-Unis d’Europe basés sur la volonté des peuples, chantés par les
990
exploités par les politiciens aux courtes ruses.
D’
innombrables congrès européens remplissent le xixe siècle. Ils n’abou
991
s nous y retrouvons, pendant vingt ans, environné
d’
un long tonnerre d’acclamations, Victor Hugo, ce poète qu’il faut salu
992
, pendant vingt ans, environné d’un long tonnerre
d’
acclamations, Victor Hugo, ce poète qu’il faut saluer comme le plus gr
993
ète qu’il faut saluer comme le plus grand lyrique
de
l’idéal d’union européenne. Voici d’abord un extrait du discours qu’i
994
aut saluer comme le plus grand lyrique de l’idéal
d’
union européenne. Voici d’abord un extrait du discours qu’il prononce
995
du monde a fait trois révolutions comme les dieux
d’
Homère faisaient trois pas. Ces trois révolutions qui n’en font qu’une
996
lution locale, c’est la révolution humaine… Après
de
longues épreuves, cette révolution a enfanté en France la république…
997
même du continent monarchique la première assise
de
cet immense édifice de l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Un
998
rchique la première assise de cet immense édifice
de
l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Unis d’Europe ! M. de Mon
999
nationalistes, il se rappelait l’histoire réelle
de
sa nation. Deux ans plus tôt, au congrès de la Paix réuni à Paris, il
1000
éelle de sa nation. Deux ans plus tôt, au congrès
de
la Paix réuni à Paris, il s’était écrié : Un jour viendra où vous Fr
1001
jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs
de
bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvra
1002
universel des peuples, par le véritable arbitrage
d’
un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à
1003
que, les États-Unis d’Europe, placés en face l’un
de
l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs pro
1004
eur…36 En 1868, paraissait la grande prédiction
de
Proudhon : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou l’human
1005
rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire
de
mille ans. »37 Un an plus tôt, Hugo avait écrit : Au xxe siècle, il
1006
tte nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas
d’
être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale a
1007
re, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste
de
l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. […] Cette nation
1008
u reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce
d’
une aînée. […] Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appeller
1009
uoi assiste le xixe siècle, c’est à la formation
de
l’Europe.38 Hugo, hélas, avançait de cent ans sur l’histoire. Car l
1010
formation de l’Europe.38 Hugo, hélas, avançait
de
cent ans sur l’histoire. Car le xixe siècle, en fait, vit au contrai
1011
Vers la fin du siècle, tous les bons observateurs
de
cette évolution, Jacob Burckhardt, mais aussi Dostoïevski, Ernest Ren
1012
rédisent le pire. Nietzsche écrit dans la Volonté
de
Puissance : « Un peu d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état
1013
che écrit dans la Volonté de Puissance : « Un peu
d’
air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état de l’Europe dure plus lo
1014
u d’air pur ! Il ne faut pas que cet absurde état
de
l’Europe dure plus longtemps ! Y a-t-il une pensée quelconque derrièr
1015
il une pensée quelconque derrière ce nationalisme
de
bêtes à cornes ? À présent que tout s’oriente vers de plus larges int
1016
vers de plus larges intérêts communs, à quoi rime
d’
exciter ces égoïsmes galeux ? » Il croyait pouvoir constater que « che
1017
r que « chez tous les esprits étendus et profonds
de
ce siècle, l’œuvre commune de l’âme consiste à préparer et à anticipe
1018
étendus et profonds de ce siècle, l’œuvre commune
de
l’âme consiste à préparer et à anticiper cette nouvelle synthèse : l’
1019
ette nouvelle synthèse : l’Europe une, l’Européen
de
l’avenir »39. Mais en même temps, il dénonçait la « paralysie de la v
1020
. Mais en même temps, il dénonçait la « paralysie
de
la volonté », maladie dont l’Europe risquait de mourir, et dont seule
1021
e de la volonté », maladie dont l’Europe risquait
de
mourir, et dont seule la Russie lui paraissait rester indemne, attend
1022
ttendant son heure… Enfin, Georges Sorel, dans un
de
ses Propos datés de 1912 : L’Europe, ce cimetière, est peuplée par d
1023
Enfin, Georges Sorel, dans un de ses Propos datés
de
1912 : L’Europe, ce cimetière, est peuplée par des peuples qui chant
1024
e, est peuplée par des peuples qui chantent avant
d’
aller s’entretuer. Les Français et les Allemands chanteront bientôt.40
1025
Car cette fois-ci, il y en eut une ! Au lendemain
de
la Première Guerre mondiale, Paul Valéry pouvait écrire : Tout ne s’
1026
pe avait touché le fond, une première fois. C’est
de
ce moment-là que date la renaissance des plans d’union — la Paneurope
1027
de ce moment-là que date la renaissance des plans
d’
union — la Paneurope du comte Coudenhove-Kalergi puis d’Aristide Brian
1028
n — la Paneurope du comte Coudenhove-Kalergi puis
d’
Aristide Briand et d’Alexis Léger, entre 1923 et 193242. Et c’est au l
1029
omte Coudenhove-Kalergi puis d’Aristide Briand et
d’
Alexis Léger, entre 1923 et 193242. Et c’est au lendemain de la Deuxiè
1030
éger, entre 1923 et 193242. Et c’est au lendemain
de
la Deuxième Guerre mondiale que s’organise une action politique, écon
1031
lités immédiates une attente frustrée depuis plus
de
six siècles. Le temps des plans qui n’ont pas eu de suite est révolu.
1032
six siècles. Le temps des plans qui n’ont pas eu
de
suite est révolu. Désormais, tout s’enchaîne et s’entraîne : chaque p
1033
la de Genève, et à quatre reprises, des militants
de
la Résistance de neuf pays européens. Ils élaborent une déclaration c
1034
à quatre reprises, des militants de la Résistance
de
neuf pays européens. Ils élaborent une déclaration commune, constatan
1035
s buts moraux, sociaux, économiques et politiques
d’
une union de leurs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent être a
1036
x, sociaux, économiques et politiques d’une union
de
leurs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent être atteints que
1037
tteints que si les divers pays du monde acceptent
de
dépasser le dogme de la souveraineté absolue des États en s’intégrant
1038
vers pays du monde acceptent de dépasser le dogme
de
la souveraineté absolue des États en s’intégrant dans une unique orga
1039
anisation fédérale. La paix européenne est la clé
de
voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule généra
1040
fédérale. La paix européenne est la clé de voûte
de
la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’E
1041
oûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace
d’
une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mond
1042
’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre
de
deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence
1043
nt tout pour origine l’existence sur ce continent
de
trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par
1044
continent de trente États souverains. Il importe
de
remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre
1045
orte de remédier à cette anarchie par la création
d’
une Union fédérale entre les peuples européens.43 Vous avez reconnu,
1046
ffaire à des voix isolées, à vingt ou cent années
de
distance l’une de l’autre, parlant dans le désert et pour l’avenir, m
1047
isolées, à vingt ou cent années de distance l’une
de
l’autre, parlant dans le désert et pour l’avenir, mais à des groupes
1048
ns le désert et pour l’avenir, mais à des groupes
de
militants en plein combat ; et non plus à des vœux, mais à des volont
1049
. Il en naît, dans tous nos pays, un foisonnement
de
petits groupes, associations, mouvements et ligues fédéralistes. Leur
1050
rassemblés à Montreux à l’automne 194744 décident
de
convoquer pour le printemps suivant, des états généraux de l’Europe.
1051
uer pour le printemps suivant, des états généraux
de
l’Europe. Churchill vient de faire à Zurich son célèbre discours appe
1052
On lui offrira la présidence. Et c’est ainsi que
de
la conjonction d’une vingtaine de mouvements fédéralistes ou unionist
1053
présidence. Et c’est ainsi que de la conjonction
d’
une vingtaine de mouvements fédéralistes ou unionistes, de quelques gr
1054
c’est ainsi que de la conjonction d’une vingtaine
de
mouvements fédéralistes ou unionistes, de quelques grands hommes poli
1055
ngtaine de mouvements fédéralistes ou unionistes,
de
quelques grands hommes politiques, et de plus de 800 députés, dirigea
1056
de quelques grands hommes politiques, et de plus
de
800 députés, dirigeants syndicalistes, intellectuels et économistes —
1057
e Polonais Joseph Retinger46 — résulte le Congrès
de
l’Europe, qui se réunit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti
1058
grès de l’Europe, qui se réunit à La Haye au mois
de
mai 1948. Tout est parti de là, on ne le dira jamais assez. Car le co
1059
nit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti
de
là, on ne le dira jamais assez. Car le congrès de La Haye est la synt
1060
de là, on ne le dira jamais assez. Car le congrès
de
La Haye est la synthèse vivante des grands motifs traditionnels d’uni
1061
synthèse vivante des grands motifs traditionnels
d’
union représentés en fait par ses trois commissions : la politique, l’
1062
pirituelle, par le rassemblement des forces vives
de
la culture, au-delà des frontières et des nationalismes. Il est remar
1063
motif, presque toujours invoqué jusque-là, celui
de
la défense commune, soit totalement absent des débats et du Manifeste
1064
es débats et du Manifeste final47. Tout est parti
de
La Haye, je le répète car, de chacun des trois motifs retenus et rass
1065
l47. Tout est parti de La Haye, je le répète car,
de
chacun des trois motifs retenus et rassemblés par le Congrès, donc de
1066
motifs retenus et rassemblés par le Congrès, donc
de
chacune des commissions qui le composent, vont sortir, en quelques an
1067
sortir, en quelques années, trois grandes lignées
d’
institutions aujourd’hui solidement établies, donc trois succès, — tan
1068
tablies, donc trois succès, — tandis que du motif
de
la défense, non retenu à La Haye, ne sortira qu’un échec, celui de la
1069
n retenu à La Haye, ne sortira qu’un échec, celui
de
la CED, en 1954. (Soit dit en passant : s’il était vrai que la peur d
1070
Soit dit en passant : s’il était vrai que la peur
de
Staline et de l’impérialisme communiste ait été, comme on le répète,
1071
ssant : s’il était vrai que la peur de Staline et
de
l’impérialisme communiste ait été, comme on le répète, le vrai moteur
1072
niste ait été, comme on le répète, le vrai moteur
de
notre union, son fédérateur par l’angoisse, la première institution e
1073
nc ce qui s’est réalisé. La commission politique
de
La Haye avait demandé l’institution d’un Conseil de l’Europe, doté d’
1074
politique de La Haye avait demandé l’institution
d’
un Conseil de l’Europe, doté d’une Cour des droits de l’Homme et d’une
1075
andé l’institution d’un Conseil de l’Europe, doté
d’
une Cour des droits de l’Homme et d’une Assemblée européenne. Neuf moi
1076
n Conseil de l’Europe, doté d’une Cour des droits
de
l’Homme et d’une Assemblée européenne. Neuf mois plus tard, le Consei
1077
’Europe, doté d’une Cour des droits de l’Homme et
d’
une Assemblée européenne. Neuf mois plus tard, le Conseil de l’Europe
1078
a commission économique avait demandé la création
d’
institutions communes, permettant la fusion des intérêts essentiels de
1079
nes, permettant la fusion des intérêts essentiels
de
nos nations : production industrielle, législation sociale, tarifs do
1080
t accepter la Communauté européenne du Charbon et
de
l’Acier, ou CECA, à laquelle viendront s’ajouter, dès 1957, l’Euratom
1081
on culturelle, enfin, avait demandé l’institution
d’
un Centre européen de la culture. Et celui-ci se crée à Genève, dès 19
1082
, dès 1949, tandis qu’on voit depuis une douzaine
d’
années se multiplier autour de lui, bien souvent grâce à lui, parfois
1083
si le veut le pluralisme européen, vrai fondement
de
notre unité — plus d’une centaine d’instituts, associations, maisons
1084
me européen, vrai fondement de notre unité — plus
d’
une centaine d’instituts, associations, maisons de l’Europe et fondati
1085
ai fondement de notre unité — plus d’une centaine
d’
instituts, associations, maisons de l’Europe et fondations48, qui se p
1086
d’une centaine d’instituts, associations, maisons
de
l’Europe et fondations48, qui se proposent tous et toutes de réveille
1087
et fondations48, qui se proposent tous et toutes
de
réveiller et d’entretenir le sentiment de notre commune appartenance
1088
, qui se proposent tous et toutes de réveiller et
d’
entretenir le sentiment de notre commune appartenance à l’aventure spi
1089
toutes de réveiller et d’entretenir le sentiment
de
notre commune appartenance à l’aventure spirituelle de l’Europe. Le m
1090
tre commune appartenance à l’aventure spirituelle
de
l’Europe. Le mouvement vers l’union paraît irréversible au plan écono
1091
eu son couronnement politique, dans quelque forme
d’
association, d’intégration ou de fédération. Enfin, grâce aux efforts
1092
ment politique, dans quelque forme d’association,
d’
intégration ou de fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés d’un
1093
ans quelque forme d’association, d’intégration ou
de
fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés d’une trentaine d’Ins
1094
e fédération. Enfin, grâce aux efforts multipliés
d’
une trentaine d’Instituts universitaires d’études européennes et de va
1095
fin, grâce aux efforts multipliés d’une trentaine
d’
Instituts universitaires d’études européennes et de vastes groupements
1096
ipliés d’une trentaine d’Instituts universitaires
d’
études européennes et de vastes groupements éducatifs, tels que l’Asso
1097
’Instituts universitaires d’études européennes et
de
vastes groupements éducatifs, tels que l’Association européenne des e
1098
l’école primaire et secondaire, dans une dizaine
de
nos pays, le sens de l’union s’enracine dans les nouvelles génération
1099
secondaire, dans une dizaine de nos pays, le sens
de
l’union s’enracine dans les nouvelles générations. Progrès décisif !
1100
f ! Car c’est ainsi seulement que la construction
de
l’Europe peut trouver son assise populaire ; c’est ainsi seulement qu
1101
ue pourra s’opérer la transmutation indispensable
de
la volonté militante de quelques groupes en consentement raisonné du
1102
ansmutation indispensable de la volonté militante
de
quelques groupes en consentement raisonné du grand nombre. Aujourd’hu
1103
peuples ! Tout ceci s’est passé en une quinzaine
d’
années, durant lesquelles les militants de l’Europe unie n’ont cessé d
1104
inzaine d’années, durant lesquelles les militants
de
l’Europe unie n’ont cessé de se plaindre de l’indifférence qui répond
1105
uelles les militants de l’Europe unie n’ont cessé
de
se plaindre de l’indifférence qui répondait à leurs appels, et de la
1106
tants de l’Europe unie n’ont cessé de se plaindre
de
l’indifférence qui répondait à leurs appels, et de la lenteur scandal
1107
e l’indifférence qui répondait à leurs appels, et
de
la lenteur scandaleuse des progrès vers la fédération ! Cette impatie
1108
st nécessaire. C’est l’une des conditions vitales
de
l’action et de la volonté d’action. Une autre condition est de savoir
1109
C’est l’une des conditions vitales de l’action et
de
la volonté d’action. Une autre condition est de savoir où l’on va, do
1110
s conditions vitales de l’action et de la volonté
d’
action. Une autre condition est de savoir où l’on va, donc de mesurer
1111
t de la volonté d’action. Une autre condition est
de
savoir où l’on va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de vou
1112
ne autre condition est de savoir où l’on va, donc
de
mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de vous rappeler, par mon survol
1113
ndition est de savoir où l’on va, donc de mesurer
d’
où l’on vient. J’ai tenté de vous rappeler, par mon survol rapide de s
1114
n va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté
de
vous rappeler, par mon survol rapide de six siècles et demi de frustr
1115
’ai tenté de vous rappeler, par mon survol rapide
de
six siècles et demi de frustration, les origines lointaines et les mo
1116
ler, par mon survol rapide de six siècles et demi
de
frustration, les origines lointaines et les motifs constants du mouve
1117
vers l’unité finale du genre humain, dans le sens
de
la vraie vocation de l’Europe. 21. Les citations des plans européen
1118
u genre humain, dans le sens de la vraie vocation
de
l’Europe. 21. Les citations des plans européens qu’on trouvera plus
1119
pourra se reporter pour le contexte. 22. Dante,
De
Monarchia, écrit en 1308, en latin, cité d’après la traduction frança
1120
8, en latin, cité d’après la traduction française
de
B. Landry, Alcan, Paris, 1933. 23. Pierre Dubois, De recuperatione T
1121
. Landry, Alcan, Paris, 1933. 23. Pierre Dubois,
De
recuperatione Terra Sancte, composé en 1306, et adressé sous forme de
1122
ous forme de lettre circulaire à tous les princes
de
la chrétienté. 24. Christian L. Lange, Histoire de l’internationalis
1123
la chrétienté. 24. Christian L. Lange, Histoire
de
l’internationalisme, Christiania, 1919, tome I, chapitre IV. 25. Le
1124
tiania, 1919, tome I, chapitre IV. 25. Le traité
de
Georges Podiebrad (1420-1471) fut écrit en latin, l’an 1463. Son text
1125
n 1463. Son texte est reproduit dans les mémoires
de
Philippe de Comines, où il est annoncé par ce titre français : Traité
1126
où il est annoncé par ce titre français : Traité
d’
alliance et confédération entre le roy Louis IX, Georges roy de Bohême
1127
confédération entre le roy Louis IX, Georges roy
de
Bohême et la seigneurie de Venise, pour résister au Turc. 26. Æneas
1128
Louis IX, Georges roy de Bohême et la seigneurie
de
Venise, pour résister au Turc. 26. Æneas Silvius Piccolomini (1405-1
1129
Turc. 26. Æneas Silvius Piccolomini (1405-1464),
De
Constantinopolitana clade ac bello contra Turcos congregando. Podiebr
1130
t les Princes oblige Pie II à condamner le projet
de
Podiebrad, qui d’ailleurs est anticlérical. 27. Émeric Crucé († 1648
1131
eric Crucé († 1648), Le Nouveau Cynée ou discours
d’
État représentant les occasions et moyens d’établir une paix générale
1132
cours d’État représentant les occasions et moyens
d’
établir une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde.
1133
monde. Publié à Paris, en 1623. 28. Les Mémoires
de
Maximilien de Béthune, duc de Sully (leur titre complet compte une di
1134
c de Sully (leur titre complet compte une dizaine
de
lignes) n’ont paru qu’en 1662, quoique leur achèvement remonte à 1638
1135
public, en 1745. 29. Amos Comenius (nom latinisé
de
Komenski), 1592-1670, écrivit sa Panegersia ou Réveil universel en 16
1136
t la publia en 1666. La phrase citée est extraite
de
la « Praefatio ad Europeos ». 30. L’Essay towards the Present and Fu
1137
he Present and Future Peace of Europe fut composé
de
1692 à 1694, pendant une interruption de la carrière de William Penn
1138
composé de 1692 à 1694, pendant une interruption
de
la carrière de William Penn comme gouverneur. 31. Le Projet pour ren
1139
2 à 1694, pendant une interruption de la carrière
de
William Penn comme gouverneur. 31. Le Projet pour rendre la Paix per
1140
Cologne en 1712, puis à Utrecht en 1713, sans nom
d’
auteur. En 1729, l’abbé de Saint-Pierre en compose un Abrégé qu’il sig
1141
qu’il signe cette fois. 32. L’Extrait du Projet
de
paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, ci
1142
ois. 32. L’Extrait du Projet de paix perpétuelle
de
M. l’abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève paru
1143
xtrait du Projet de paix perpétuelle de M. l’abbé
de
Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève parut à Amsterdam
1144
abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau, citoyen
de
Genève parut à Amsterdam en 1761. 33. C’est dans les Principles of i
1145
inés en 1789, publiés en 1843, bien après la mort
de
l’auteur, que Jeremy Bentham inclut A Plan for an Universal and Perpe
1146
an for an Universal and Perpetual Peace, traitant
de
la question européenne. 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisati
1147
a question européenne. 34. Henri de Saint-Simon,
De
la réorganisation de la société européenne ou de la nécessité de rass
1148
. 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisation
de
la société européenne ou de la nécessité de rassembler les peuples de
1149
De la réorganisation de la société européenne ou
de
la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps p
1150
ation de la société européenne ou de la nécessité
de
rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique, en con
1151
enne ou de la nécessité de rassembler les peuples
de
l’Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indép
1152
tons) sur le même thème. 40. Jean Variot, Propos
de
Georges Sorel, Paris, 1935. 41. Paul Valéry, Variété I, La Crise de
1153
aris, 1935. 41. Paul Valéry, Variété I, La Crise
de
l’esprit (écrit en 1919), Paris, 1924. 42. Le comte Richard Coudenho
1154
convaincu par le jeune Autrichien, décide en 1928
de
soumettre à la SDN un projet de confédération européenne. Et c’est à
1155
n, décide en 1928 de soumettre à la SDN un projet
de
confédération européenne. Et c’est à Alexis Léger, son plus proche co
1156
fie la rédaction du Mémorandum sur l’organisation
d’
un régime d’union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 (republié
1157
tion du Mémorandum sur l’organisation d’un régime
d’
union fédérale européenne, daté du 1er mai 1930 (republié par les Cahi
1158
e, daté du 1er mai 1930 (republié par les Cahiers
de
la Pléiade, numéro d’Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme d’Alexis
1159
0 (republié par les Cahiers de la Pléiade, numéro
d’
Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme d’Alexis Léger — Paris, 1950).
1160
numéro d’Hommage à Saint-John Perse — pseudonyme
d’
Alexis Léger — Paris, 1950). 43. Voir le texte complet de cette décla
1161
Léger — Paris, 1950). 43. Voir le texte complet
de
cette déclaration des Résistances dans L’Europe de demain, La Baconni
1162
e cette déclaration des Résistances dans L’Europe
de
demain, La Baconnière, Neuchâtel, 1945 ; qui donne un récit détaillé
1163
nne un récit détaillé des rencontres clandestines
de
Genève. 44. Les documents du congrès de Montreux, 27-31 août 1947, o
1164
destines de Genève. 44. Les documents du congrès
de
Montreux, 27-31 août 1947, organisé par Henri Brugmans, Raymond Silva
1165
u en un volume, Rapport du premier congrès annuel
de
l’union européenne des fédéralistes, Genève, 1947, hors commerce. 45
1166
fait entendre que l’Angleterre ne sera pas membre
de
l’Union qu’il propose : « … de ce travail urgent, la France et l’Alle
1167
ne sera pas membre de l’Union qu’il propose : « …
de
ce travail urgent, la France et l’Allemagne doivent prendre la direct
1168
rs tout irait bien — doivent être amis et garants
de
la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie ». (Cf. « Généalogi
1169
re, n° 6, 1960-1961, p. 81.) 46. Sur la carrière
de
J. H. Retinger, voir Hommage à un grand Européen, J. H. Retinger , p
1170
emont, La Baconnière, Neuchâtel, 1948. Le congrès
de
l’Europe se tint du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence d’honne
1171
tint du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence
d’
honneur (effective) de W. Churchill, le chairman étant Duncan Sandys.
1172
La Haye, sous la présidence d’honneur (effective)
de
W. Churchill, le chairman étant Duncan Sandys. Les présidents et rapp
1173
Institutions culturelles européennes, inventaire
de
leurs activités dressé pour la « Fondation européenne de la culture »
1174
s activités dressé pour la « Fondation européenne
de
la culture », Genève, 1959 (ronéotypé, 100 exemplaires). On y trouver
1175
é, 100 exemplaires). On y trouvera la description
de
60 organismes gouvernementaux et privés, Instituts universitaires d’e
1176
uvernementaux et privés, Instituts universitaires
d’
enseignement et de recherches, ou de relations internationales, fondat
1177
rivés, Instituts universitaires d’enseignement et
de
recherches, ou de relations internationales, fondations, jurys de pri
1178
niversitaires d’enseignement et de recherches, ou
de
relations internationales, fondations, jurys de prix européens, etc.
1179
u de relations internationales, fondations, jurys
de
prix européens, etc. Bien d’autres instituts ont été créés depuis lor
1180
IV. Les nouvelles chances
de
l’Europe Donc l’Europe est en train de s’unir, nous avons vu pour q
1181
s, il est vrai, s’opposent encore quand il s’agit
d’
en venir à l’union politique. Celle de l’alliance des États, celle de
1182
d il s’agit d’en venir à l’union politique. Celle
de
l’alliance des États, celle de l’intégration totale, et celle de la f
1183
n politique. Celle de l’alliance des États, celle
de
l’intégration totale, et celle de la fédération. Mais une raison nouv
1184
es États, celle de l’intégration totale, et celle
de
la fédération. Mais une raison nouvelle doit forcer leur accord : c’e
1185
accord : c’est la nécessité matérielle et morale
de
répondre aux appels que le monde nous adresse, par sa faim, par sa pe
1186
sa peur et même par sa haine. C’est la nécessité
de
nous porter enfin à la hauteur de notre vocation universelle. S’il es
1187
st la nécessité de nous porter enfin à la hauteur
de
notre vocation universelle. S’il est vrai que la fonction crée l’orga
1188
’il est vrai que la fonction crée l’organe, c’est
de
cette vocation elle-même que doit venir l’impulsion décisive, qui nou
1189
ui nous oblige à rassembler les forces dispersées
de
nos nations, de manière à réaliser, pour la première fois dans l’hist
1190
ère fois dans l’histoire, la « capacité globale »
de
notre continent. La vocation d’un homme, d’un groupe ou d’une culture
1191
apacité globale » de notre continent. La vocation
d’
un homme, d’un groupe ou d’une culture, c’est cela qui les tient debou
1192
ale » de notre continent. La vocation d’un homme,
d’
un groupe ou d’une culture, c’est cela qui les tient debout, c’est cel
1193
continent. La vocation d’un homme, d’un groupe ou
d’
une culture, c’est cela qui les tient debout, c’est cela qui leur perm
1194
qui les tient debout, c’est cela qui leur permet
de
transcender leurs données naturelles et natives — leur horoscope ; c’
1195
ires, que l’Europe s’est mise à s’unir. Les dates
de
la décolonisation successive du Proche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est
1196
de la décolonisation successive du Proche-Orient,
de
l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique, sont les mêmes dates,
1197
roche-Orient, de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et
de
l’Afrique, sont les mêmes dates, exactement, que celles de nos premiè
1198
que, sont les mêmes dates, exactement, que celles
de
nos premières étapes vers l’union 1945 à 1962, et tout porte à prévoi
1199
nnées, l’un par l’indépendance des derniers îlots
de
colonies subsistants, et l’autre par la mise en place d’institutions
1200
nies subsistants, et l’autre par la mise en place
d’
institutions politiques communes. Coïncidence très remarquable, et qui
1201
. Coïncidence très remarquable, et qui mériterait
de
susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu de vérifier d’abord s
1202
e susciter des études sérieuses. Il y aurait lieu
de
vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux de cause à effet entr
1203
e vérifier d’abord s’il existe des liens latéraux
de
cause à effet entre les deux phénomènes, ou si plutôt, comme je le cr
1204
e je le crois, ils ne résultent pas tous les deux
d’
une seule et même évolution dialectique : celle du nationalisme. Dès l
1205
isme. Dès la fin du xviiie siècle, les disciples
de
Rousseau, puis Herder, Bentham et Fichte avaient dénoncé l’expansion
1206
noncé l’expansion coloniale comme un péché mortel
de
l’Europe, en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps eu
1207
solution du corps européen en nations rivales. Et
de
fait, la nécessité alléguée par les États colonialistes de s’ouvrir d
1208
la nécessité alléguée par les États colonialistes
de
s’ouvrir des débouchés outre-mer — un espace vital, dira Hitler — a j
1209
Mais ces mêmes guerres ont déclenché deux séries
de
réactions de sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatr
1210
es guerres ont déclenché deux séries de réactions
de
sens contraire : d’une part, elles ont répandu aux quatre coins de la
1211
: d’une part, elles ont répandu aux quatre coins
de
la terre l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, idée au
1212
e la terre l’idée du droit des peuples à disposer
d’
eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’étaient battus, et ava
1213
s s’étaient battus, et avaient conclu les traités
de
1919, et ceci devait amener les colonies à réclamer leur émancipation
1214
t fait comprendre aux Européens qu’il était temps
de
juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener, nous l’a
1215
it amener, nous l’avons vu, le réveil des projets
d’
union. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt de souligner que
1216
on. Accessoirement, il ne serait pas sans intérêt
de
souligner que les défaitistes européens, nationalistes ou marxistes,
1217
puis cinquante ans que l’Europe n’était riche que
de
l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur pillage, disai
1218
de l’exploitation des colonies, disaient les uns,
de
leur pillage, disaient les autres, sont en train de recevoir un démen
1219
cevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu
d’
exemples. Car en effet, s’ils avaient eu raison, le retrait colonial e
1220
raison, le retrait colonial eût signifié l’arrêt
de
mort de notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seuleme
1221
le retrait colonial eût signifié l’arrêt de mort
de
notre économie. Or ce retrait se trouve coïncider non seulement avec
1222
re union, mais avec une prospérité sans précédent
de
l’ensemble du continent. Jamais notre cap de l’Asie n’avait connu cro
1223
il a renoncé, bon gré, mal gré, à ses possessions
d’
outre-mer. Décolonisation, union, prospérité — simultanées. Ce premier
1224
tanées. Ce premier fait, définissant les rapports
de
l’Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme sui
1225
ue, en résumé, comme suit : L’expansion coloniale
d’
États rivaux, pour criminelle qu’on veuille la juger, a réveillé en fa
1226
rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes
de
nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité de la personne, l’ég
1227
nos plus vraies valeurs — la liberté, la dignité
de
la personne, l’égalité des peuples et des races — mais aussi de quelq
1228
, l’égalité des peuples et des races — mais aussi
de
quelques-unes de nos folies les plus contagieuses, comme le nationali
1229
euples et des races — mais aussi de quelques-unes
de
nos folies les plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se sont
1230
isme, ils se sont mis à revendiquer les avantages
de
notre civilisation et la souveraineté de leurs États, pour la plupart
1231
vantages de notre civilisation et la souveraineté
de
leurs États, pour la plupart créés par nous. Quant aux nations coloni
1232
t créés par nous. Quant aux nations colonialistes
de
l’Europe, presque ruinées à deux reprises par le délire nationaliste,
1233
eux reprises par le délire nationaliste, obligées
de
refaire leur bilan, cédant à la pression d’une opinion mondiale formé
1234
igées de refaire leur bilan, cédant à la pression
d’
une opinion mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1235
’une opinion mondiale formée par leurs principes,
d’
une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1236
uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et
de
leur intérêt mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Unis
1237
aussi par les États-Unis, qui les sauvaient alors
de
la faillite —, elles ont l’une après l’autre « décroché ». Mais dans
1238
raisons, elles ont compris ce qu’elles refusaient
de
comprendre depuis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité de le
1239
uis près de six-cent-cinquante ans : la nécessité
de
leur union. Elles ont perdu le monde et retrouvé l’Europe. Mais voici
1240
qui domine notre situation : le retrait politique
de
l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par
1241
ue de l’Europe coïncide avec l’adoption accélérée
de
notre civilisation par le tiers-monde. Je le disais d’entrée de jeu
1242
re civilisation par le tiers-monde. Je le disais
d’
entrée de jeu : l’Europe a fait le monde, et cela non seulement parce
1243
sation par le tiers-monde. Je le disais d’entrée
de
jeu : l’Europe a fait le monde, et cela non seulement parce qu’elle a
1244
, est tenue pour responsable, à tort ou à raison,
d’
autant de méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle so
1245
ue pour responsable, à tort ou à raison, d’autant
de
méfaits que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seu
1246
able, à tort ou à raison, d’autant de méfaits que
de
bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle soit la seule qui ait su s
1247
ndre transportable et intégrable hors du contexte
de
ses origines raciales, politiques et religieuses. Nous savons tous au
1248
s Européens, en désordre, et sans le moindre plan
d’
ensemble, du xvie au xixe siècle fondent sur tous les continents des
1249
bitués depuis des siècles aux plus cruels régimes
d’
oppression autochtone. C’est tout cela que l’on confond aujourd’hui da
1250
que l’injustice, dans l’immense processus chargé
d’
humanité et de charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d
1251
ce, dans l’immense processus chargé d’humanité et
de
charité héroïque autant que de crimes et de cupidité, d’une aventure
1252
argé d’humanité et de charité héroïque autant que
de
crimes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très l
1253
té et de charité héroïque autant que de crimes et
de
cupidité, d’une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fa
1254
ité héroïque autant que de crimes et de cupidité,
d’
une aventure dont le bilan est encore très loin d’être fait. Et rien n
1255
d’une aventure dont le bilan est encore très loin
d’
être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’
1256
nt. Nulle autre civilisation n’avait été mondiale
de
cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête : Alexandre le
1257
Cook suffirait aujourd’hui à les mettre à l’abri
de
ce genre d’illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses di
1258
ait aujourd’hui à les mettre à l’abri de ce genre
d’
illusion. La Terre est connue désormais dans toutes ses dimensions phy
1259
dimensions physiques, nous ne pouvons plus faire
d’
erreurs de cette taille ; son histoire également est explorée dans tou
1260
s physiques, nous ne pouvons plus faire d’erreurs
de
cette taille ; son histoire également est explorée dans toutes ses gr
1261
e occidentale ressuscite inlassablement bien plus
de
traditions oubliées par leurs peuples que nos armées et nos missions
1262
s détruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait
de
l’Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effac
1263
ne va-t-il pas entraîner l’effacement progressif
de
cette « européisation » de la planète ? Il est difficile d’en juger,
1264
’effacement progressif de cette « européisation »
de
la planète ? Il est difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève
1265
européisation » de la planète ? Il est difficile
d’
en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous les signes vé
1266
indiquent une tendance prononcée vers l’expansion
de
notre culture dans les colonies libérées. Le retrait des Anglais de l
1267
res culturelles françaises, qui disait en janvier
de
cette année : Au Cambodge, toute la jeunesse parle le français, alor
1268
français, alors que dans la génération des hommes
de
quarante à cinquante ans, celle de l’époque coloniale, seule l’élite
1269
ion des hommes de quarante à cinquante ans, celle
de
l’époque coloniale, seule l’élite sait notre langue… On n’apprend plu
1270
rce qu’on y est obligé, mais parce qu’on a besoin
de
cette langue, qu’elle est devenue un facteur de cohésion nationale, q
1271
n de cette langue, qu’elle est devenue un facteur
de
cohésion nationale, qu’elle constitue en outre un moyen d’accès aisé
1272
on nationale, qu’elle constitue en outre un moyen
d’
accès aisé à la vie internationale… L’intérêt paraît ici, comme ailleu
1273
lent, pour que soit décrétée l’adoption immédiate
de
mesures politiques et sociales, hygiéniques, urbanistes, techniques,
1274
industrielles, tout simplement copiées sur celles
de
l’Occident. Bien plus, ces administrateurs ne sont partis qu’en vertu
1275
e sagesse régulatrice. Il en résulte deux séries
de
conséquences qui risquent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens
1276
résulte deux séries de conséquences qui risquent
d’
être aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tie
1277
st rendue assimilable et transportable qu’au prix
d’
une périlleuse disjonction entre ses produits de tous ordres et ses va
1278
x d’une périlleuse disjonction entre ses produits
de
tous ordres et ses valeurs fondamentales. Le monde accepte nos machin
1279
es. Le monde accepte nos machines et quelques-uns
de
nos slogans, mais non pas l’arrière-plan religieux, philosophique et
1280
leur intégration, bon an mal an, dans le complexe
de
nos coutumes et de nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les v
1281
on an mal an, dans le complexe de nos coutumes et
de
nos équilibres humains. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
1282
ns. Il faut l’admettre : les versions simplifiées
de
la civilisation occidentale se prêtent mieux à l’exportation que la v
1283
t mieux à l’exportation que la version originale.
D’
où l’avantage incontestable des Américains, et surtout des Soviétiques
1284
ins, et surtout des Soviétiques, lorsqu’il s’agit
de
moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser — d’une manière rapide et
1285
es, lorsqu’il s’agit de moderniser — c’est-à-dire
d’
occidentaliser — d’une manière rapide et massive, les colonies récemme
1286
t de moderniser — c’est-à-dire d’occidentaliser —
d’
une manière rapide et massive, les colonies récemment libérées. Ces no
1287
des élites européennes pendant les derniers temps
de
la colonisation et le respect des cultures indigènes n’a jamais arrêt
1288
ôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance
de
principe. Il ne dit pas de leurs dons, comme il le dit des nôtres : «
1289
ccueille sans méfiance de principe. Il ne dit pas
de
leurs dons, comme il le dit des nôtres : « C’est du néo-colonialisme
1290
le découvrent. Mais aussitôt, ils nous accablent
de
reproches. Je vous citerai, à ce propos, un professeur indien enseign
1291
nseignant à Oxford, le Dr Raghavan Iyer qui, lors
d’
un tout récent congrès européen, entendait se faire l’écho des ressent
1292
ents du tiers-monde à l’égard de notre culture et
de
sa diffusion désordonnée. Rappelant que les pays sous-développés imit
1293
ident, ce professeur rendait l’Europe responsable
de
tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence, en Asie et en
1294
responsable de tous les maux qui en résultent, et
de
la reviviscence, en Asie et en Afrique, de ce qu’il appelait « les co
1295
nt, et de la reviviscence, en Asie et en Afrique,
de
ce qu’il appelait « les conceptions partielles ou discréditées de l’e
1296
lait « les conceptions partielles ou discréditées
de
l’esprit européen ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici
1297
ssianique, un libéralisme à la Hayek, l’adoration
de
la puissance militaire et politique, une bureaucratie qu’on ne pourra
1298
tinisme culturel.50 C’est une assez bonne liste
de
nos vices, tels qu’ils se sont manifestés, du moins à partir des débu
1299
se sont manifestés, du moins à partir des débuts
de
l’ère industrielle. Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous
1300
buts de l’ère industrielle. Il serait trop facile
de
répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquoi n’avez-vous p
1301
nes, que nous envoyons outre-mer, mais des agents
de
nos États et de nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivali
1302
voyons outre-mer, mais des agents de nos États et
de
nos firmes, qui transportent là-bas toutes nos rivalités, des assista
1303
chose du milieu où ils vont agir, et moins encore
de
ce que l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des
1304
l’Europe peut signifier dans son ensemble et vue
de
loin, des agitateurs politiques, des commerçants incultes et nos plus
1305
ni pour la nôtre. Telle est la situation concrète
de
l’Europe dans le monde actuel. Je la résume : la décolonisation, loin
1306
sans précédent ; le monde entier se met à l’école
de
notre civilisation ; mais il n’en tire pas le meilleur, loin de là, e
1307
aute, car nous n’avons jamais conçu une politique
de
civilisation répondant à l’ampleur des exigences du siècle et de nos
1308
répondant à l’ampleur des exigences du siècle et
de
nos responsabilités mondiales. La question qui se pose est dès lors l
1309
ses slogans les plus démagogiques, au seul profit
de
leurs exploitants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle être évi
1310
els et moraux ? ⁂ Un certain défaitisme européen,
de
Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre51, semble avoir persuadé nos
1311
ain défaitisme européen, de Spengler à Toynbee et
de
Sorel à Sartre51, semble avoir persuadé nos élites comme nos masses q
1312
ine de Russie le baron Grimm, gazetier littéraire
de
Paris, à l’aube de la Révolution : Deux empires se partageront [le m
1313
ron Grimm, gazetier littéraire de Paris, à l’aube
de
la Révolution : Deux empires se partageront [le monde] : la Russie d
1314
du côté de l’Orient, et l’Amérique, devenue libre
de
nos jours, du côté de l’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, n
1315
52 En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion
de
l’historien Adolphe Thiers : Il n’y a plus que deux peuples. La Russ
1316
l’ascension des deux grands, qui date exactement
de
la fin de la dernière guerre, au plan mondial. L’Europe se sentait éc
1317
on des deux grands, qui date exactement de la fin
de
la dernière guerre, au plan mondial. L’Europe se sentait écrasée entr
1318
it jeu graphique, très simple. Prenez une feuille
de
papier quadrillé. Dessinez trois rectangles verticaux posés côte à cô
1319
à côte, ayant chacun pour base dix carrés. Celui
de
gauche a 18 carrés de hauteur, celui de droite 22 carrés, et celui du
1320
pour base dix carrés. Celui de gauche a 18 carrés
de
hauteur, celui de droite 22 carrés, et celui du milieu 43 carrés : il
1321
és. Celui de gauche a 18 carrés de hauteur, celui
de
droite 22 carrés, et celui du milieu 43 carrés : il est donc à lui se
1322
s deux Grands. Chaque carré représente un million
d’
habitants. L’Europe à l’ouest du rideau de fer compte 330 millions ; l
1323
million d’habitants. L’Europe à l’ouest du rideau
de
fer compte 330 millions ; les sept États européens actuellement soumi
1324
ette quantité démographique les qualités humaines
de
l’Européen, qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosoph
1325
un sur l’autre et qui, au surplus, sont très loin
d’
additionner leurs forces contre nous : ils sont plutôt rivaux, et l’un
1326
allié. Mais vous me direz que la puissance réelle
de
l’Europe n’est pas à proportion de sa population ? C’est exact, en ce
1327
issance réelle de l’Europe n’est pas à proportion
de
sa population ? C’est exact, en ce sens que, par tête d’habitant, la
1328
opulation ? C’est exact, en ce sens que, par tête
d’
habitant, la production américaine dépasse encore celle de l’Europe. M
1329
nt, la production américaine dépasse encore celle
de
l’Europe. Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en
1330
dépasse encore celle de l’Europe. Mais le rythme
d’
accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et
1331
’Europe occupe le premier rang pour la production
de
l’acier, de la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait
1332
pe le premier rang pour la production de l’acier,
de
la fonte, de la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits d
1333
rang pour la production de l’acier, de la fonte,
de
la houille, du ciment, du beurre et du lait — produits de base — les
1334
uille, du ciment, du beurre et du lait — produits
de
base — les États-Unis tenant le deuxième rang et l’URSS le troisième.
1335
un exemple chiffré, et qui ne me paraît pas dénué
de
toute signification : production de savants de premier ordre, calculé
1336
aît pas dénué de toute signification : production
de
savants de premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences, d
1337
ué de toute signification : production de savants
de
premier ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences, de 1901 — da
1338
ordre, calculée en prix Nobel pour les sciences,
de
1901 — date de la création du Prix — à 1961 : Russie et démocraties p
1339
e en prix Nobel pour les sciences, de 1901 — date
de
la création du Prix — à 1961 : Russie et démocraties populaires : 9 l
1340
est que vous ne vous sentez pas encore le citoyen
d’
une nation de 335 millions, voire de 430 millions (en comptant les sat
1341
ne vous sentez pas encore le citoyen d’une nation
de
335 millions, voire de 430 millions (en comptant les satellites europ
1342
re le citoyen d’une nation de 335 millions, voire
de
430 millions (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais s
1343
30 millions (en comptant les satellites européens
de
l’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou de
1344
s européens de l’URSS), mais seulement le citoyen
d’
un petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échell
1345
’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État
de
5, de 10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouve
1346
, mais seulement le citoyen d’un petit État de 5,
de
10 ou de 50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’
1347
ulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou
de
50 millions, qui n’est plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l
1348
qu’il faut pour être encore la première puissance
de
la Terre, non par ses dimensions mais par son potentiel démographique
1349
hique, économique et culturel. Cependant, le sort
d’
une civilisation ne dépend pas seulement de cette espèce-là de chances
1350
e sort d’une civilisation ne dépend pas seulement
de
cette espèce-là de chances. Il dépend tout autant de sa vocation acti
1351
sation ne dépend pas seulement de cette espèce-là
de
chances. Il dépend tout autant de sa vocation active — j’entends de l
1352
cette espèce-là de chances. Il dépend tout autant
de
sa vocation active — j’entends de la prise de conscience de cette voc
1353
end tout autant de sa vocation active — j’entends
de
la prise de conscience de cette vocation assumée par ceux qui en sont
1354
tion active — j’entends de la prise de conscience
de
cette vocation assumée par ceux qui en sont les responsables — et d’a
1355
ux qui en sont les responsables — et d’autre part
de
la puissance d’autres cultures ou civilisations, qui prétendent à sa
1356
endrai rien en vous rappelant qu’une bonne partie
de
l’élite intellectuelle occidentale désespère bruyamment de nos valeur
1357
e intellectuelle occidentale désespère bruyamment
de
nos valeurs et dénie toute espèce de vocation à l’Occident, tel que l
1358
e bruyamment de nos valeurs et dénie toute espèce
de
vocation à l’Occident, tel que le représentent l’Europe en train de s
1359
rain de s’unir, et les États-Unis. Il est courant
d’
entendre dire que l’Occident est en pleine décadence morale, et surtou
1360
leine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus
d’
idéal à opposer aux valeurs neuves et conquérantes du communisme. À c
1361
aits, une fois de plus : la prospérité économique
de
l’Occident et sa vitalité intellectuelle, que rien ne dépasse et n’at
1362
llectuelle, que rien ne dépasse et n’atteint même
de
loin, ni en Orient, ni en Afrique, indiquent une renaissance et non u
1363
: on nous dit que les valeurs nouvelles, capables
d’
entraîner le monde et de lui rendre un idéal, sont celles que représen
1364
leurs nouvelles, capables d’entraîner le monde et
de
lui rendre un idéal, sont celles que représente le communisme russe.
1365
sme russe. Je demande à voir — et je ne vois rien
de
neuf. Qu’est-ce au total que le communisme soviétique ? Un mélange de
1366
u total que le communisme soviétique ? Un mélange
de
50 % de traditions proprement russes et même tsaristes, comme le rôle
1367
que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 %
de
traditions proprement russes et même tsaristes, comme le rôle de la p
1368
roprement russes et même tsaristes, comme le rôle
de
la police et des fonctionnaires, le passeport intérieur, la censure o
1369
intérieur, la censure omniprésente, ou l’habitude
de
récrire l’histoire chaque fois qu’il s’agit de justifier la politique
1370
de de récrire l’histoire chaque fois qu’il s’agit
de
justifier la politique du souverain ou du parti au pouvoir56 ; à quoi
1371
t appliqué. Or le marxisme n’est tout de même pas
d’
invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx
1372
bune. (Ces articles, réunis plus tard, ont fourni
de
nombreux chapitres de Das Kapital 57.) Marx est l’un des produits les
1373
éunis plus tard, ont fourni de nombreux chapitres
de
Das Kapital 57.) Marx est l’un des produits les plus typiques des déb
1374
simplifiées et appauvries d’ailleurs, sous le nom
de
marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors d’un autre successeur, hy
1375
om de marxisme dialectique. Qu’en serait-il alors
d’
un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains débiles ce q
1376
rs d’un autre successeur, hypothétique, reprenant
de
nos mains débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau de la civilis
1377
ins débiles ce qu’on appelait jadis « le flambeau
de
la civilisation » ? Là encore, je ne le distingue pas. Je ne vois pas
1378
as. Je ne vois pas une seule culture indépendante
de
la nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui serait mieux capab
1379
indépendante de la nôtre, foncièrement différente
de
la nôtre, qui serait mieux capable que nous d’exercer la fonction pla
1380
te de la nôtre, qui serait mieux capable que nous
d’
exercer la fonction planétaire unifiante qui sera désormais, dans l’èr
1381
mais, dans l’ère technique, l’obligation première
d’
une civilisation. Un regard sur le globe nous fait voir au contraire q
1382
une phrase, voici ce que je constate : le Sud-Est
de
l’Asie jalouse la Chine et voudrait secrètement l’imiter ; mais la Ch
1383
Amérique — laquelle est, après tout, une création
de
l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe. Où trouver,
1384
tion en prétextant notre faiblesse, ou ces crimes
d’
un passé récent dont le tiers-monde nous tient pour responsables. Car
1385
, je l’ai montré, ne traduit rien qu’une division
de
nos forces — et nous sommes en bon train de les unir — mai non pas un
1386
ision de nos forces — et nous sommes en bon train
de
les unir — mai non pas une absence de force potentielle. Et ces crime
1387
n bon train de les unir — mai non pas une absence
de
force potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux de nos nationalisme
1388
force potentielle. Et ces crimes, qui furent ceux
de
nos nationalismes, du racisme, et dans une certaine mesure du colonia
1389
dans une certaine mesure du colonialisme, exigent
de
nous bien autre chose qu’un mea culpa rageur et masochiste, tellement
1390
plus facile que l’action. Les vertus et les vices
de
l’Europe, son passé et son expérience la rendent doublement responsab
1391
responsable — au sens actif du mot, cette fois —
d’
assumer face au monde une vocation dont personne ne saurait la relever
1392
nul autre régime ne me paraît posséder les moyens
de
se charger, si elle s’y dérobe. Cette vocation, comme j’aime à dire,
1393
vement, je vais résumer du même coup la substance
de
mes quatre leçons. Animer les échanges mondiaux, tout d’abord. Pour
1394
changes mondiaux, tout d’abord. Pour les échanges
de
biens matériels cela va de soi, puisque l’Europe les a créés, institu
1395
s techniques qu’elle a su inventer sont en mesure
de
les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d’échanges mon
1396
mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur
de
tout système d’échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la
1397
ntretenir. L’Europe reste le cœur de tout système
d’
échanges mondiaux et cela, non seulement à cause de la place qu’elle o
1398
ment à cause de la place qu’elle occupe au centre
de
l’hémisphère privilégié (dont je vous parlais dans ma deuxième leçon)
1399
international représente en valeur plus du double
de
celui des États-Unis, et près de dix fois celui de l’URSS. La vocatio
1400
e celui des États-Unis, et près de dix fois celui
de
l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
1401
de dix fois celui de l’URSS. La vocation mondiale
de
l’Europe est inscrite dans des faits de ce genre : nos exportations r
1402
mondiale de l’Europe est inscrite dans des faits
de
ce genre : nos exportations représentent à peu près 40 % de notre com
1403
e : nos exportations représentent à peu près 40 %
de
notre commerce et nos importations atteignent le même taux, cependant
1404
pendent du reste du monde que pour 5 % au maximum
de
leur produit national. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’est
1405
nges culturels, voire spirituels, il m’est permis
de
vous en parler en praticien : tout désigne l’Europe pour les mettre e
1406
d. Tout, et d’abord nos traditions, non seulement
de
curiosité mais de respect des valeurs spirituelles, même, et parfois
1407
d nos traditions, non seulement de curiosité mais
de
respect des valeurs spirituelles, même, et parfois surtout, différent
1408
aide puissante, mais les initiatives sont venues
de
l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner l
1409
pe qu’elles conçoivent la nécessité et les moyens
de
dialoguer, non seulement avec nous, mais entre elles. Équilibrer les
1410
ibrer les créations humaines est le second aspect
de
la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemp
1411
ions humaines est le second aspect de la vocation
de
l’Europe. Équilibrer technique et tradition, par exemple. C’est en Al
1412
s ont obligées lentement à s’intégrer aux rythmes
de
la vie. Adaptation très lente dans l’ensemble, mais non moins dramati
1413
re les machines à tisser, puis contre les chaînes
de
production en Amérique, et récemment contre l’automation à Coventry :
1414
achines, sans se douter qu’elles peuvent détruire
de
proche en proche ses traditions les plus valables et ses équilibres p
1415
bles et ses équilibres psychiques, par les champs
de
force invisibles qu’elles transportent, à la manière du Cheval de Tro
1416
les qu’elles transportent, à la manière du Cheval
de
Troie. Et faut-il rappeler tant d’autres formes d’équilibre entre les
1417
e Troie. Et faut-il rappeler tant d’autres formes
d’
équilibre entre les extrêmes, que j’ai été amené à citer en touchant l
1418
à citer en touchant les domaines les plus divers
de
l’existence européenne : équilibre entre autorité et liberté, entre h
1419
; entre tons purs ou voix distinctes et harmonie
d’
ensemble dans les arts ; entre innovation et continuité dans la cité ;
1420
enregistrée et méditée, qui composent la sagesse
d’
Ulysse, prototype de l’Européen. Et ceci nous conduit naturellement au
1421
tée, qui composent la sagesse d’Ulysse, prototype
de
l’Européen. Et ceci nous conduit naturellement au troisième verbe typ
1422
conduit naturellement au troisième verbe typique
de
notre vocation, qui est fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme
1423
t soit responsable à l’égard du tiers-monde comme
de
lui-même. Car c’est l’Europe qui a répandu dans le monde entier le vi
1424
itiques visiblement indéfendables du point de vue
de
leurs propres intérêts, mais qu’ils imposent pour le prestige 58. Sou
1425
Sous prétexte de se libérer des dernières traces
de
notre impérialisme, ils copient trop souvent ses tares les plus visib
1426
es tares les plus visibles. L’Europe se doit donc
de
produire, d’attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel,
1427
plus visibles. L’Europe se doit donc de produire,
d’
attester et de diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xi
1428
L’Europe se doit donc de produire, d’attester et
de
diffuser les anticorps de ce virus mortel, hérité du xixe siècle. O
1429
produire, d’attester et de diffuser les anticorps
de
ce virus mortel, hérité du xixe siècle. Or l’antidote du nationalis
1430
mise en commun des droits « souverains » qu’aucun
de
nos pays n’est plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde act
1431
rains » qu’aucun de nos pays n’est plus en mesure
d’
exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’Europe, auj
1432
cer à lui seul, dans le monde actuel. La vocation
de
l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc d’offrir au monde nouve
1433
de l’Europe, aujourd’hui pour demain, c’est donc
d’
offrir au monde nouveau l’exemple réussi d’une grande fédération. Dans
1434
t donc d’offrir au monde nouveau l’exemple réussi
d’
une grande fédération. Dans la coïncidence que j’ai révélée entre la f
1435
Dans la coïncidence que j’ai révélée entre la fin
de
notre impérialisme colonial, les débuts de notre union fédérale, et l
1436
la fin de notre impérialisme colonial, les débuts
de
notre union fédérale, et l’essor de notre économie, il y a sans doute
1437
l, les débuts de notre union fédérale, et l’essor
de
notre économie, il y a sans doute une grande leçon pour le tiers-mond
1438
, mais aussi et peut-être d’abord pour l’ensemble
de
l’Occident — l’Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble d’un Oc
1439
l’Amérique et Russie comprises — pour l’ensemble
d’
un Occident qui devra bien se réconcilier avec lui-même… Nous pourrons
1440
ns voir cela, dans cette génération, si l’Europe,
d’
où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son ave
1441
rope fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus
de
douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contraire, le te
1442
dial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne
de
nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps est venu de les pren
1443
au sérieux. Nous n’avons simplement pas le droit
de
répondre à l’attente des jeunes nations et de la jeunesse soviétique
1444
oit de répondre à l’attente des jeunes nations et
de
la jeunesse soviétique plus qu’on ne le croit tournées vers l’Occiden
1445
us sommes pour les autres un espoir, qu’il s’agit
de
ne pas frustrer. Et je conclus. L’avenir de l’Europe est gagé sur de
1446
’agit de ne pas frustrer. Et je conclus. L’avenir
de
l’Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée dés
1447
Et je conclus. L’avenir de l’Europe est gagé sur
de
grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondiale. Il me pa
1448
urope est gagé sur de grands faits géoéconomiques
d’
une portée désormais mondiale. Il me paraît ensuite gagé sur une fonct
1449
onction universelle, qui s’enracine dans le passé
de
notre culture, dans les données constitutives de l’Occident, et que t
1450
de notre culture, dans les données constitutives
de
l’Occident, et que tout appelle dans le monde de cette seconde moitié
1451
de l’Occident, et que tout appelle dans le monde
de
cette seconde moitié du xxe siècle. Cette vocation fera notre force
1452
intenant, si nous prenons résolument l’initiative
d’
une politique mondiale de civilisation. Les vraies chances de l’Europe
1453
résolument l’initiative d’une politique mondiale
de
civilisation. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas d’une j
1454
ique mondiale de civilisation. Les vraies chances
de
l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres fe
1455
. Les vraies chances de l’Europe ne dépendent pas
d’
une juste prévision de ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’es
1456
e l’Europe ne dépendent pas d’une juste prévision
de
ce que d’autres feront. Elles dépendent de l’esprit, agissant par nos
1457
vision de ce que d’autres feront. Elles dépendent
de
l’esprit, agissant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous de ch
1458
sant par nos mains. Le temps n’est plus pour nous
de
chercher anxieusement à deviner le cours prochain de notre histoire :
1459
chercher anxieusement à deviner le cours prochain
de
notre histoire : c’est à la faire que nous sommes appelés. 49. En 1
1460
me puissance coloniale du monde par la superficie
de
son empire, et il énumérait ses possessions : Azerbaïdjan, Arménie, G
1461
principes généraux. Ainsi la Russie des héritiers
de
Lénine a passé au rang incontesté de première puissance coloniale du
1462
es héritiers de Lénine a passé au rang incontesté
de
première puissance coloniale du monde. Elle sera bientôt, aussi, quoi
1463
documents du congrès que la Fondation européenne
de
la culture a tenu en avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et cultur
1464
avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et culture
de
l’Europe, n° 7. 51. Cf. La Décadence de l’Occident, par Oswald Speng
1465
culture de l’Europe, n° 7. 51. Cf. La Décadence
de
l’Occident, par Oswald Spengler, traduction, Gallimard, Paris, et Le
1466
la terre des cataclysmes guerriers… Elle n’a pas
de
chance… Malheureuse Europe ! Pourquoi lui cacher ce qui l’attend ? Av
1467
rchie. » Et en 1912 : « Rien n’améliorera le sort
de
l’Europe… l’Europe, ce cimetière… ». Cinquante ans plus tard, J.-P. S
1468
: « L’Europe est foutue… Elle est en grand danger
de
crever… Elle fait eau de toutes parts… C’est la fin. » (Voir en appen
1469
endice : « Sartre contre l’Europe ».) 52. Lettre
de
Melchior Grimm à Catherine II, écrite en 1790, l’année où Grimm quitt
1470
e où Grimm quitte Paris pour se mettre au service
de
la Russie. 53. Sainte-Beuve, Cahiers, note de 1847. On trouvera dan
1471
e de la Russie. 53. Sainte-Beuve, Cahiers, note
de
1847. On trouvera dans mes Vingt-huit siècles d’Europe des prophéti
1472
de 1847. On trouvera dans mes Vingt-huit siècles
d’
Europe des prophéties analogues de Jean de Müller en 1797, de Napoléo
1473
t-huit siècles d’Europe des prophéties analogues
de
Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l
1474
s prophéties analogues de Jean de Müller en 1797,
de
Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« A
1475
de Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mémorial
de
Sainte-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà de la Vistule t
1476
en 1797, de Napoléon (Mémorial de Sainte-Hélène),
de
l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà de la Vistule tombe un rideau… »),
1477
te-Hélène), de l’abbé de Pradt en 1823 (« Au-delà
de
la Vistule tombe un rideau… »), de Carlo Cattaneo en 1848, de E. von
1478
823 (« Au-delà de la Vistule tombe un rideau… »),
de
Carlo Cattaneo en 1848, de E. von Lasaulx en 1856, de Henry Adams en
1479
e tombe un rideau… »), de Carlo Cattaneo en 1848,
de
E. von Lasaulx en 1856, de Henry Adams en 1900, et surtout de Tocquev
1480
arlo Cattaneo en 1848, de E. von Lasaulx en 1856,
de
Henry Adams en 1900, et surtout de Tocqueville dès 1856. (« Il y a au
1481
saulx en 1856, de Henry Adams en 1900, et surtout
de
Tocqueville dès 1856. (« Il y a aujourd’hui sur la terre deux grands
1482
ourd’hui sur la terre deux grands peuples… chacun
d’
eux semble appelé à tenir un jour dans ses mains les destinées de la m
1483
pelé à tenir un jour dans ses mains les destinées
de
la moitié du monde. »), cf. p. 268 à 276 de l’op. cit. 54. Les chif
1484
inées de la moitié du monde. »), cf. p. 268 à 276
de
l’op. cit. 54. Les chiffres de population pour l’Europe de l’Ouest
1485
cf. p. 268 à 276 de l’op. cit. 54. Les chiffres
de
population pour l’Europe de l’Ouest varient de plusieurs millions sel
1486
es de population pour l’Europe de l’Ouest varient
de
plusieurs millions selon les sources. Si l’on se réfère à un ouvrage
1487
; en 1955 : 295,17 ; en 1958 : 302,16. Le rythme
d’
accroissement s’accélérant, nous aurions (même selon les données de ce
1488
’accélérant, nous aurions (même selon les données
de
cet ouvrage, en général inférieures à la réalité, et qui se révèlent
1489
rop prudentes dans la prévision) un total de plus
de
313 millions en 1962. J’y ajoute la Yougoslavie, 17 millions. Cela fa
1490
niers recensements accomplis en 1961, comme celui
de
la France, on estimera ces chiffres trop faibles de quelques millions
1491
la France, on estimera ces chiffres trop faibles
de
quelques millions. Quant à l’Europe de l’Est (les sept pays satellite
1492
ant à l’Europe de l’Est (les sept pays satellites
de
l’URSS), on évalue leur population globale actuelle à 95 millions. Le
1493
ale actuelle à 95 millions. Les derniers chiffres
de
population donnés pour les USA et l’URSS sont de 179,5 et de 220 mill
1494
de population donnés pour les USA et l’URSS sont
de
179,5 et de 220 millions. 55. Cf. Léo Moulin, « La nationalité des p
1495
on donnés pour les USA et l’URSS sont de 179,5 et
de
220 millions. 55. Cf. Léo Moulin, « La nationalité des prix Nobel de
1496
. Cf. Léo Moulin, « La nationalité des prix Nobel
de
science de 1901 à 1960, essai d’analyse sociologique », Cahiers inter
1497
oulin, « La nationalité des prix Nobel de science
de
1901 à 1960, essai d’analyse sociologique », Cahiers internationaux d
1498
é des prix Nobel de science de 1901 à 1960, essai
d’
analyse sociologique », Cahiers internationaux de sociologie, PUF, 196
1499
d’analyse sociologique », Cahiers internationaux
de
sociologie, PUF, 1961. 56. Voir là-dessus les fameux mémoires du mar
1500
43 : La Russie en 1839, qui donnent une abondance
d’
exemples très précis de mesures policières tsaristes identiques aux me
1501
qui donnent une abondance d’exemples très précis
de
mesures policières tsaristes identiques aux mesures staliniennes, de
1502
es tsaristes identiques aux mesures staliniennes,
de
délires bureaucratiques, de falsifications de l’histoire, et en génér
1503
mesures staliniennes, de délires bureaucratiques,
de
falsifications de l’histoire, et en général de domestication des espr
1504
es, de délires bureaucratiques, de falsifications
de
l’histoire, et en général de domestication des esprits : « Ici, les e
1505
s, de falsifications de l’histoire, et en général
de
domestication des esprits : « Ici, les esprits eux-mêmes sont tirés a
1506
k — plus tard devenu le New York Herald Tribune —
de
1851 à 1861, ont été réédités en 1897 sous le titre The Eastern Quest
1507
he Eastern Question, et viennent de faire l’objet
de
plusieurs études critiques aux États-Unis. 58. Dans Le Dialogue des
1508
ultures récemment publié par le CEC aux Éditions
de
la Baconnière, on trouvera de bons exemples de ces processus, tant po
1509
le CEC aux Éditions de la Baconnière, on trouvera
de
bons exemples de ces processus, tant politiques qu’économiques, cités
1510
ns de la Baconnière, on trouvera de bons exemples
de
ces processus, tant politiques qu’économiques, cités et commentés not
1511
s mes conférences, l’hebdomadaire Arts me demanda
de
répondre à la violente attaque contre l’Europe qu’est la préface de J
1512
iolente attaque contre l’Europe qu’est la préface
de
J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre. Cet ar
1513
Europe qu’est la préface de J.-P. Sartre au livre
de
Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre. Cet article illustre un des poi
1514
J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés
de
la Terre. Cet article illustre un des points que je n’ai pu toucher q
1515
res, milieux universitaires et milieux dirigeants
de
Washington : ils découvrent l’Europe unie. À les entendre, on croirai
1516
ment alertés. Le Marché commun, c’est la création
de
Jean Monnet, pensent-ils en simplifiant un peu. Or le Marché commun f
1517
agne, après l’avoir traité par le mépris, supplie
d’
y entrer. Donc c’est Jean Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’E
1518
uste. Donc il faut voir l’Europe comme il l’a vue
d’
avance : première étape d’une organisation mondiale dont elle serait à
1519
Europe comme il l’a vue d’avance : première étape
d’
une organisation mondiale dont elle serait à la fois le centre d’anima
1520
ion mondiale dont elle serait à la fois le centre
d’
animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe, « notre patri
1521
erait à la fois le centre d’animation et l’organe
d’
équilibre. Je reviens en Europe, « notre patrie » — comme disait Æneas
1522
écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines
d’
ouvrages publiés en deux mois, dans toutes nos langues, sur l’intégrat
1523
mois, dans toutes nos langues, sur l’intégration
de
l’Europe et sur les relations nouvelles à établir entre une Europe un
1524
r entre une Europe unie et le tiers-monde. Pleins
d’
idées et de chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif.
1525
Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et
de
chiffres, d’un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d
1526
et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres,
d’
un optimisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux d’accroissemen
1527
ins d’idées et de chiffres, d’un optimisme sobre,
d’
un réalisme constructif. Les taux d’accroissement de la production et
1528
imisme sobre, d’un réalisme constructif. Les taux
d’
accroissement de la production et de l’exportation battent tous nos re
1529
un réalisme constructif. Les taux d’accroissement
de
la production et de l’exportation battent tous nos records. Sauf en I
1530
tif. Les taux d’accroissement de la production et
de
l’exportation battent tous nos records. Sauf en Italie, le chômage a
1531
talie, le chômage a disparu, en dépit des progrès
de
l’automation. Une confiance nouvelle, née des promesses du Marché com
1532
e nouvelle, née des promesses du Marché commun et
de
ses premiers succès, permet de multiplier les ententes industrielles,
1533
u Marché commun et de ses premiers succès, permet
de
multiplier les ententes industrielles, sans plus tenir compte des fro
1534
frontières. L’OCDE annonce une expansion globale
de
50 % pour l’ensemble atlantique d’ici dix ans… L’Amérique avait donc
1535
ope est « foutue », qu’elle est « en grand danger
de
crever », qu’elle « agonise », qu’elle « fait eau de toutes parts »,
1536
ue nous voici tous « enchaînés, humiliés, malades
de
peur ». Ce n’est pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela,
1537
e, Jean-Paul Sartre ; et sa fureur ne jaillit pas
d’
un quelconque examen des évidences, mais de la lecture d’un pamphlet q
1538
it pas d’un quelconque examen des évidences, mais
de
la lecture d’un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préfa
1539
elconque examen des évidences, mais de la lecture
d’
un pamphlet qui l’a mis dans tous ses états. Il le préface et il exhor
1540
pousse à la révolution ; or la révolution guérit
de
tous les maux par la violence qu’elle fait subir à leurs fauteurs et
1541
leurs fauteurs et qu’elle permet à leurs victimes
de
libérer. Joignons donc le FLN, les Angolais et autres Balubas qui « m
1542
ropéens ». Car, ce faisant, « ils font l’histoire
de
l’homme », et nous serons ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je ci
1543
Europe » en nous faisant tous passer dans le camp
de
ses ennemis. Ceux-ci n’auront qu’à nous assassiner « pour devenir hom
1544
u pire, ils n’auront plus personne sur qui tirer.
D’
où fin des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle est fait pour
1545
qui tirer. D’où fin des guerres. Ce nouveau plan
de
paix perpétuelle est fait pour éblouir par sa logique brutale certain
1546
par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée
de
nos « valeurs » et qui exige à grands cris son lavage de cerveau. «
1547
« valeurs » et qui exige à grands cris son lavage
de
cerveau. « Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spir
1548
re spirituelle l’Europe étouffe la quasi-totalité
de
l’humanité. » Cette phrase résume la thèse de l’auteur du volume, le
1549
ité de l’humanité. » Cette phrase résume la thèse
de
l’auteur du volume, le Martiniquais Frantz Fanon. Sartre la cite et i
1550
e la propagande communiste depuis une quarantaine
d’
années, mais c’est le contenu de la phrase : tout y est faux. La colon
1551
s une quarantaine d’années, mais c’est le contenu
de
la phrase : tout y est faux. La colonisation par les Blancs n’a pas d
1552
mais environ, et en moyenne, quatre-vingts ans —
de
1882 à nos jours pour les neuf dixièmes du continent. Cette colonisat
1553
la plus importante étant tout simplement un état
de
fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la co
1554
Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter
de
la colonisation, comme M. Fanon le répète, la rendit possible, voire
1555
endit possible, voire inévitable : je veux parler
de
l’état d’arriération économique, sociale et politique des régions qui
1556
ible, voire inévitable : je veux parler de l’état
d’
arriération économique, sociale et politique des régions qui devinrent
1557
nnent sous nos yeux leur essor, après des siècles
d’
immobilité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « éto
1558
eux leur essor, après des siècles d’immobilité ou
de
continuelle décadence. Qu’est-ce que l’Europe a « étouffé » dans le t
1559
est fort loin de représenter « la quasi-totalité
de
l’humanité », mais un tiers au plus, durant la période considérée.) L
1560
u plus, durant la période considérée.) La culture
de
l’Inde ? L’Europe l’a sauvée. L’industrie africaine ? Elle l’a fondée
1561
ustrie africaine ? Elle l’a fondée. La démocratie
de
l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect de la personne humaine che
1562
tie de l’Arabie saoudite ou du Yémen ? Le respect
de
la personne humaine chez les cannibales ? Vous voulez rire, et vous n
1563
non, et J.-P. Sartre derrière lui, ont grand tort
de
crier aux « siècles d’oppression ». Avant de leur laisser faire l’his
1564
rrière lui, ont grand tort de crier aux « siècles
d’
oppression ». Avant de leur laisser faire l’histoire, on leur conseill
1565
eur laisser faire l’histoire, on leur conseillera
de
l’apprendre. Voyons celle de l’une des nations récemment libérées de
1566
on leur conseillera de l’apprendre. Voyons celle
de
l’une des nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne
1567
ons celle de l’une des nations récemment libérées
de
« l’exploitation » européenne : le Dahomey. Les premiers contacts du
1568
ent à 1729, lorsque le roi Agadja et son régiment
de
femmes, ayant battu les Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’empare
1569
s Popos aidés par l’Anglais Testefole, s’emparent
de
Ouidah, port de mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et institu
1570
r l’Anglais Testefole, s’emparent de Ouidah, port
de
mer. Ils massacrent tout ce qui s’y trouve et instituent une nouvelle
1571
l faut lire tout cela dans l’Histoire des peuples
de
l’Afrique noire que publie Robert Cornevin.) Les successeurs d’Agadja
1572
oire que publie Robert Cornevin.) Les successeurs
d’
Agadja s’enrichissent par le commerce des esclaves, dont ils se fourni
1573
ériodiquement les Popos. En 1884, le dictionnaire
de
Grégoire décrit ainsi l’état du pays : Le sol, extrêmement fertile,
1574
pays : Le sol, extrêmement fertile, est couvert
de
forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont étouffées
1575
uquel le pays est soumis. Le roi, qui est l’objet
d’
une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains.
1576
est soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce
d’
adoration, se signale par d’horribles sacrifices humains. Il a une arm
1577
l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par
d’
horribles sacrifices humains. Il a une armée de femmes. Le Dahomey n’a
1578
ar d’horribles sacrifices humains. Il a une armée
de
femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine
1579
une armée de femmes. Le Dahomey n’a pas 1 million
d’
habitants, dont 20 000 à peine sont libres. La France y a un établisse
1580
a un établissement sur la côte. La colonisation
de
cet heureux pays date de 1892. Elle se termine en 1960 par la créatio
1581
a côte. La colonisation de cet heureux pays date
de
1892. Elle se termine en 1960 par la création d’une république souver
1582
de 1892. Elle se termine en 1960 par la création
d’
une république souveraine et démocratique de plus de 2 millions d’habi
1583
une république souveraine et démocratique de plus
de
2 millions d’habitants, dont le président est reçu en grande pompe à
1584
souveraine et démocratique de plus de 2 millions
d’
habitants, dont le président est reçu en grande pompe à l’Élysée en 19
1585
en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fanon le soin
de
démontrer que cet exemple n’infirme en rien leurs thèses, ou ne compt
1586
laisse à démontrer dialectiquement que le royaume
de
Ghana et l’empire du Mali n’ont pas été détruits par les Arabes almor
1587
tard et pendant soixante-dix ans, que les restes
de
ces États préalablement envahis et soumis par les Touaregs et par les
1588
n feront rien, car la passion ne s’embarrasse pas
de
faits et leur passion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’E
1589
La vérité, selon les faits et dans la perspective
de
l’histoire, c’est que le colonialisme, malgré ses crimes, a réveillé
1590
s peuples du tiers-monde dans le très bref espace
de
deux générations. Il leur a présenté des possibilités de développemen
1591
générations. Il leur a présenté des possibilités
de
développement telles qu’ils ont découvert qu’ils étouffaient dans leu
1592
rs régimes traditionnels. Au nom de quelques-unes
de
nos valeurs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité de la perso
1593
urs (telles que l’égalité, la liberté, la dignité
de
la personne et le droit à l’éducation), mais aussi de nos folies les
1594
a personne et le droit à l’éducation), mais aussi
de
nos folies les plus contagieuses, le nationalisme et la fureur idéolo
1595
s peuples se sont mis à revendiquer les avantages
de
notre civilisation et la souveraineté de leurs États. Quant aux natio
1596
vantages de notre civilisation et la souveraineté
de
leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’Europe — sept sur v
1597
é de leurs États. Quant aux nations colonialistes
de
l’Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées
1598
alistes de l’Europe — sept sur vingt-six à la fin
de
la guerre — presque ruinées à deux reprises par leur délire nationali
1599
x reprises par leur délire nationaliste, obligées
de
refaite leur bilan, cédant à la triple pression d’une option mondiale
1600
e refaite leur bilan, cédant à la triple pression
d’
une option mondiale formée par leurs principes, d’une classe nouvelle
1601
d’une option mondiale formée par leurs principes,
d’
une classe nouvelle éduquée par leurs soins dans les pays colonisés, e
1602
uquée par leurs soins dans les pays colonisés, et
de
leurs intérêts mieux compris — un peu poussées aussi par les États-Un
1603
s aussi par les États-Unis, qui les sauvent alors
de
la faillite — elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’est-i
1604
ne après l’autre, « décroché ». Qu’est-il advenu
de
l’Europe considérée dans son ensemble ? L’Europe est littéralement l
1605
écrit Fanon. Ses richesses ne proviendraient que
de
ses vols, c’est-à-dire de son exploitation du sol africain et du sol
1606
s ne proviendraient que de ses vols, c’est-à-dire
de
son exploitation du sol africain et du sol asiatique : or, métaux, pé
1607
ole, caoutchouc. (Le paysan serait-il la création
de
sa terre et des richesses qu’elle contient ?) Sartre renchérit : c’es
1608
tiers-monde, l’Europe aurait donc signé son arrêt
de
mort économique et de rapide déshumanisation ? Les adversaires du col
1609
aurait donc signé son arrêt de mort économique et
de
rapide déshumanisation ? Les adversaires du colonialisme auraient don
1610
nialisme auraient donc été les avocats du suicide
de
l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie mê
1611
e quelles valeurs plus chères que leur vie même ?
De
leurs valeurs européennes « pourries », ou de quelles autres ? Laisso
1612
e ? De leurs valeurs européennes « pourries », ou
de
quelles autres ? Laissons là ces divagations. Revenons aux faits. Les
1613
ent que les nations européennes, à peine libérées
de
la charge écrasante de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Eur
1614
opéennes, à peine libérées de la charge écrasante
de
leurs colonies, ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité de
1615
ont commencé à découvrir l’Europe et la nécessité
de
son union. Et que, de leur union naissante — le Marché commun n’a que
1616
ir l’Europe et la nécessité de son union. Et que,
de
leur union naissante — le Marché commun n’a que deux ans — a résulté
1617
d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en est-il
de
Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anachronis
1618
éter et ce n’est pas ma faute si cette phrase est
de
Michel Debré dans son Projet de pacte pour une union des États d’Euro
1619
cette phrase est de Michel Debré dans son Projet
de
pacte pour une union des États d’Europe, publié en 1950 chez Nagel. S
1620
, Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À l’encontre
de
Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’
1621
de Hegel, qui tenait l’Europe pour « la vraie fin
de
l’histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège ef
1622
l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et
d’
Auguste Comte qui voyait en elle « le privilège effectif du principal
1623
ontre notre expansion inévitable. Ils n’ont sauvé
de
la sorte que nos principes, compromis ou trahis par nos pratiques. L’
1624
oir. Pourquoi crier encore, sinon pour le plaisir
de
se vautrer dans son masochisme, ou simplement pour embêter de Gaulle,
1625
urtant présidé non sans grandeur à la liquidation
d’
un empire colonial ? Nous avons mieux à faire qu’un mea culpa traduisa
1626
tionaliste du tiers-monde, devant la crise morale
de
l’URSS, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les pre
1627
vant la crise morale de l’URSS, l’heure n’est pas
de
cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
1628
’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais
de
les prendre nous-mêmes au sérieux et d’en tirer les conséquences prat
1629
urs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
d’
en tirer les conséquences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’Eur
1630
urope qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit
de
frustrer la jeunesse soviétique, et les autres, au moment où elles se
1631
conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance
de
nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nation
1632
lliance de nos reniements, mais un exemple réussi
de
dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — p
1633
reniements, mais un exemple réussi de dépassement
de
l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’u
1634
si de dépassement de l’ère nationaliste — et donc
de
l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ceux qui p
1635
te — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen
d’
une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoir
1636
de fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux
de
l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, q
1637
dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait
de
la faire.