1
Les conférences réunies dans ce petit volume ont
été
prononcées à l’aula de l’Université de Genève, dans le cadre des cour
2
acultés et ouverts au public. Le thème m’en avait
été
proposé par le professeur Éric Martin, recteur de l’Université, auque
3
ont je croyais connaître certaines tendances à ne
tenir
pour sérieux que les constats de crise sans issue, exprimés dans le j
4
partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant
été
le foyer de l’idée de « genre humain », ayant été aussi la condition
5
été le foyer de l’idée de « genre humain », ayant
été
aussi la condition instrumentale et nécessaire d’une véritable histoi
6
ne véritable histoire universelle — celle où nous
sommes
bel et bien engagés dans cette seconde moitié du xxe siècle, en sort
7
gée sans prudence ni plan d’ensemble, dont elle n’
est
plus propriétaire, mais dont elle garde encore certains secrets vitau
8
phénomène européen par ses effets, alors qu’on s’
est
toujours efforcé jusqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui s
9
usqu’ici de l’expliquer par certaines causes, qui
seraient
tantôt, selon les auteurs et selon les modes, géographiques ou climat
10
urope a découvert la terre entière, et personne n’
est
jamais venu la découvrir. 2. L’Europe a dominé sur tous les continen
11
tous les continents successivement, et n’a jamais
été
dominée jusqu’ici par une seule puissance d’outre-mer. 3. L’Europe a
12
pe a produit une civilisation que le monde entier
est
en train d’imiter, tandis que l’inverse ne s’est jamais produit. Le p
13
est en train d’imiter, tandis que l’inverse ne s’
est
jamais produit. Le phénomène unique au monde que dénotent ces constat
14
mettant une économie d’énergies fondamentales, ce
sont
là des atouts, mais qui sont loin d’inscrire dans notre sol l’histoir
15
es fondamentales, ce sont là des atouts, mais qui
sont
loin d’inscrire dans notre sol l’histoire mondiale qui sera la nôtre.
16
d’inscrire dans notre sol l’histoire mondiale qui
sera
la nôtre. On ne peut y lire un destin. Chaque géographe en tire d’ail
17
aris en 1816, reconnaît que l’Europe historique n’
est
pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa description de l’Eur
18
ription de l’Europe, dont Valéry me paraît bien s’
être
inspiré dans le passage fameux où il parle de l’Europe comme « d’une
19
un appendice occidental de l’Asie » mais qui n’en
serait
pas moins « la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de l
20
sède le moins de richesses territoriales… nous ne
sommes
riches que d’emprunts. Tel est néanmoins le pouvoir de l’esprit humai
21
riales… nous ne sommes riches que d’emprunts. Tel
est
néanmoins le pouvoir de l’esprit humain : cette région que la nature
22
la nature n’avait ornée que de forêts immenses, s’
est
peuplée de nations puissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s
23
immenses, s’est peuplée de nations puissantes, s’
est
couverte de cités magnifiques, s’est enrichie du butin des deux monde
24
uissantes, s’est couverte de cités magnifiques, s’
est
enrichie du butin des deux mondes ; cette étroite presqu’île, qui ne
25
re sur le globe que comme un appendice de l’Asie,
est
devenue la métropole du genre humain.3 Voilà donc l’importance de l
26
géographie et du climat minimisée, presque niée.
Serait
-ce alors à la démographie qu’il faudrait aller demander le secret de
27
ement de la Terre nous fait voir que l’humanité s’
est
concentrée depuis longtemps dans trois régions privilégiées à cet éga
28
xe siècle entre 500 et 600 millions d’habitants (
soit
ensemble à peu près 60 % de la population du globe, sur 15 % de sa su
29
rtes précisément et de l’expansion vers le monde,
était
bien moins peuplée que la Chine et que l’Inde, et ne subissait aucune
30
omprise ? Comment se fait-il que les Chinois, qui
étaient
pourtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en sont encore près
31
rtant le tiers de l’humanité vers 1850, et qui en
sont
encore près du quart aujourd’hui (ils n’en seront sans doute plus que
32
n sont encore près du quart aujourd’hui (ils n’en
seront
sans doute plus que moins du cinquième en l’an 2000, selon les démogr
33
leur chercher des causes spirituelles ? L’Europe
serait
-elle, par exemple, une création du christianisme, comme le soutient u
34
ansion colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a
été
, de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europ
35
prétention universelle du christianisme, et ce n’
est
pas définir l’Europe, puisque ce serait la définir par une vérité éte
36
sme, et ce n’est pas définir l’Europe, puisque ce
serait
la définir par une vérité éternelle, qu’elle n’a pas mérité d’incarne
37
’égalité, de liberté et de justice ont sans doute
été
décisifs dans l’aventure mondiale de l’Europe. Retenons donc, de cett
38
laisser sans réponse : pourquoi l’Europe a-t-elle
été
la seule ou la première partie du monde qui ait adopté cette religion
39
phénomène tel qu’il apparaît dans les faits. Ce n’
est
pas le déroulement logique d’une série de causes naturelles produisan
40
produisant des effets où elles s’épuisent : ce n’
est
pas le déroulement d’un plan, dont nul ne voit qui l’aurait calculé e
41
l ne voit qui l’aurait calculé et imposé. Et ce n’
est
pas l’incarnation de quelque idée platonicienne, ni la démonstration
42
un phénomène, individuel ou collectif, ne pouvait
être
bien saisi que dans son mouvement créateur, dans son archétype, dans
43
rmé en taureau, traduit l’Histoire : notre Europe
est
effectivement venue du Proche-Orient. Après la disparition presque to
44
es rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’Europe a
été
lentement repeuplée par des colons venus d’une part de l’Asie Mineure
45
ance du Nord, peut-être en Grande-Bretagne8. Elle
est
née à la civilisation par l’effet d’apports successifs intellectuels,
46
le plus proche de ce rivage phénicien d’où avait
été
enlevée l’héroïne éponyme, celle qui donna son nom au continent. On s
47
art, la plus grande importance symbolique. Europe
était
la fille d’Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cinq fils
48
ne au Caucase. Cadmus enfin, le plus fameux, s’en
fut
à Rhodes, puis en Thrace ; et comme il désespérait de retrouver sa sœ
49
Asie, il alla demander à l’oracle de Delphes : Où
est
Europe ? — « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt
50
? — « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythie.
Suis
plutôt une vache et pousse-la devant toi sans lui laisser de répit :
51
est aussi en renonçant à la trouver telle qu’elle
était
dans son souvenir que Cadmus entreprit de la construire. On voit comb
52
emps fabuleux, il semble difficile de savoir « où
est
l’Europe », si l’on entend seulement la ramener un beau jour toute fa
53
, et c’est ce que je nomme : Aventure. Mais elle
est
autre chose encore, si l’on en croit la seconde légende relative à se
54
s techniques et les rudiments de la science, tout
est
venu de l’est vers l’Europe, tout s’est lentement concentré dans cett
55
t les rudiments de la science, tout est venu de l’
est
vers l’Europe, tout s’est lentement concentré dans cette sorte d’impa
56
nce, tout est venu de l’est vers l’Europe, tout s’
est
lentement concentré dans cette sorte d’impasse au-delà de laquelle on
57
en Âge, sous Charlemagne, la péninsule européenne
est
donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions différen
58
alité — si on la compare aux cultures de l’Asie —
est
justement d’être un mélange dynamique d’éléments de provenances diver
59
compare aux cultures de l’Asie — est justement d’
être
un mélange dynamique d’éléments de provenances diverses et de tendanc
60
nsmutations les plus imprévues. Vraiment, le four
est
bien scellé. Car l’islam s’est dressé à l’Est, barrant les routes ver
61
Vraiment, le four est bien scellé. Car l’islam s’
est
dressé à l’Est, barrant les routes vers l’Orient. Les Européens se vo
62
our est bien scellé. Car l’islam s’est dressé à l’
Est
, barrant les routes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés de
63
missionnaire des croyants ? Les voies terrestres
sont
barrées. Restent les voies de l’Océan. C’est ici que l’aventure mondi
64
les de Colomb. La période des grandes découvertes
fut
une sorte d’explosion du composé Europe, macéré depuis près de mille
65
ccidental, au surplus rétrécies par les Turcs à l’
est
et par les Arabes au sud-ouest. Christophe Colomb n’est pas parti pou
66
’autres… Tout en lui, et d’abord son vrai nom qui
est
Colón, et son prénom Christophe, porteur du Christ — en vérité, porte
67
titres prestigieux de « vice-roi des Îles qui ont
été
découvertes dans les Indes » et de « Grand amiral de la mer Océane »,
68
iral de la mer Océane », il fallait que Jason eût
été
en Colchide à la poursuite d’une chimère dorée, que le continent de l
69
d’une chimère dorée, que le continent de l’Ouest
fût
lié plus qu’un autre aux mers, que son sol fût pauvre en métaux, que
70
st fût lié plus qu’un autre aux mers, que son sol
fût
pauvre en métaux, que l’islam occupât Byzance après Jérusalem, barran
71
fet la découverte par erreur des Amériques, et ce
fut
le début de l’expansion séculaire, économique, politique et religieus
72
rapide vers le sol. Mais ce retour du satellite n’
est
pas un échec ! D’innombrables connaissances ont été récoltées en rout
73
t pas un échec ! D’innombrables connaissances ont
été
récoltées en route, elles font désormais partie non seulement de la s
74
ier tour du monde, accompli par Magellan, puis ce
sont
la conquête de l’Amérique du Sud, le peuplement de l’Amérique du Nord
75
ivilisation. Mais les étages de la fusée porteuse
sont
retombés l’un après l’autre : c’étaient la conquête militaire, la pri
76
es continents découverts et régis par l’Europe se
sont
libérés de sa tutelle : l’Amérique du Nord la première, dès la fin du
77
té, l’idée même de genre humain — genus humanum —
sont
des créations de l’Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne.
78
e monde fait par elle, elle l’a perdu. Le monde s’
est
révolté contre elle au nom même des valeurs de liberté, de justice et
79
et pas plus grande, notons-le bien, qu’elle ne le
fut
au Moyen Âge. Elle reste le cœur d’un Occident né de ses œuvres, mais
80
urs forces renaissantes contre l’Occident divisé.
Serait
-ce la fin de l’Aventure occidentale, qui aurait donc consisté, dans l
81
de la beauté, préfigure l’idéal missionnaire qui
sera
, quinze à vingt siècles plus tard, celui de l’Église primitive, envoy
82
envoyant ses évangélistes jusqu’en Chine, vers l’
est
; et vers l’ouest, jusqu’en Islande et aux côtes atlantiques de l’Amé
83
assionnant vagabondage, cette longue errance, qui
est
aussi une longue « erreur », selon le sens latin du mot. Tout se pass
84
rybdes et les Scyllas des excès contraires, telle
est
la passion maîtresse d’Ulysse et ce sera, identiquement, la passion d
85
es, telle est la passion maîtresse d’Ulysse et ce
sera
, identiquement, la passion des grands créateurs de la culture occiden
86
créateurs de la culture occidentale. L’Occidental
est
l’homme qui va toujours plus loin, au-delà des conditions données par
87
. Il trouva le pays que Dieu lui réservait, et ce
fut
là le terme de son aventure, mais le début d’une autre histoire, dont
88
re, mais le début d’une autre histoire, dont nous
sommes
bien loin d’être quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs,
89
’une autre histoire, dont nous sommes bien loin d’
être
quittes. Christophe Colomb, le père des Découvreurs, croyait savoir o
90
et ce qu’il cherchait : il avait calculé qu’il y
serait
en trente jours. Mais tous ses calculs étaient faux, il trouva les An
91
l y serait en trente jours. Mais tous ses calculs
étaient
faux, il trouva les Antilles au lieu de Xipango ; et finalement c’est
92
nant l’islam et financer la dernière croisade, ne
furent
pas résolus par son expédition. Il trouva d’autres terres, d’autres î
93
ciens équilibres, oblige à repenser tout ce qu’on
tenait
pour acquis, et à chercher toujours plus loin, au prix de risques tou
94
utant de risques qu’on résout de problèmes, telle
est
, je crois, la vraie formule du Progrès, dans sa définition occidental
95
s sa définition occidentale. Et l’on voit qu’elle
est
ambiguë : qu’il suffise de citer, pour l’illustrer, l’ambiguïté de no
96
uoi ? Nous augmentons notre puissance, mais qu’en
est
-il de nos moyens de la maîtriser et de la faire servir au bonheur, à
97
iastole peut succéder au mouvement de systole qui
est
en train de s’achever sous nos yeux — l’indépendance de l’Algérie en
98
is vivre, car j’ai besoin de toi. 1. Hippocrate
est
le premier auteur, à notre connaissance, qui ait décrit l’Europe comm
99
date de la fin du ve siècle avant J.-C., et qui
fut
peut-être rédigé par l’un de ses disciples. Un demi-siècle plus tard,
100
rise de l’Esprit », Paris, 1924. 4. Ces chiffres
sont
nécessairement imprécis et ne peuvent indiquer que des ordres de gran
101
is XIV ». 6. La population de la Chine vers 1850
était
estimée à 400 millions, celle du globe à 1200 millions, donc la Chine
102
ers du genre humain. En admettant que les Chinois
sont
aujourd’hui 650 millions, la population totale du globe étant de 2800
103
d’hui 650 millions, la population totale du globe
étant
de 2800 millions, cela donne pour la Chine un peu moins d’un quart. E
104
de la matière. 8. Cf. André Varagnac, « Comment
est
née l’Europe ? », La Table ronde, n° 113, Paris, 1957, et L’Homme ava
105
ue de la légende de l’Enlèvement d’Europe vient d’
être
corroborée une fois de plus par le déchiffrement des inscriptions cré
106
n, 1957. 12. Les titres de Colomb (ou Colón) lui
furent
donnés dans une lettre écrite de Barcelone par Ferdinand et Isabelle
107
ifiques portugaises, italiennes et allemandes qui
sont
à la base de ses calculs, et sur le « fantastique édifice biblico-cos
108
ve relatée par les chroniques remonte à 870. Elle
est
le fait de Norvégiens fuyant la tyrannie d’un roi local, Harald aux c
109
’ils baptisent Vinland, « pays de la vigne » ; ce
sont
les côtes du Maine. Une pierre runique, découverte en 1898 dans le Mi
110
iècle. Et je vous ai laissés sur cette question :
serait
-ce la fin de l’Aventure ? Tout pronostic relatif à l’Europe doit se b
111
ion. Pour aujourd’hui, le premier point : quelles
sont
les chances permanentes de l’Europe, et quels sont les secrets du dyn
112
ont les chances permanentes de l’Europe, et quels
sont
les secrets du dynamisme unique dans l’histoire de l’humanité, qui a
113
venture mondiale ? Ces secrets de notre expansion
sont
-ils encore vivants et agissants ? Examinons pour commencer la situati
114
monde. Nous allons découvrir que cette situation
est
plus centrale que jamais, si bizarre que puisse paraître l’expression
115
e), contre l’illusion provinciale qui nous ferait
tenir
l’Europe pour le centre du monde. De tels avertissements relèvent san
116
te d’une saine morale, car la vanité collective n’
est
pas moins condamnable que l’orgueil individuel, et comme lui va (parf
117
trop grand nombre d’intellectuels occidentaux. Il
est
ridicule et condamnable de se croire le centre du monde quand on ne l
118
ble de se croire le centre du monde quand on ne l’
est
pas. Mais s’il se trouve qu’on l’est, il serait ridicule et condamnab
119
uand on ne l’est pas. Mais s’il se trouve qu’on l’
est
, il serait ridicule et condamnable de le nier au seul nom d’une très
120
ne l’est pas. Mais s’il se trouve qu’on l’est, il
serait
ridicule et condamnable de le nier au seul nom d’une très hypocrite h
121
r au seul nom d’une très hypocrite humilité — qui
serait
alors le masque d’un orgueil refoulé et transformé en masochisme, mau
122
des habitants et 2 % de la production du monde, n’
étant
guère occupée que par les océans, le continent antarctique, la Patago
123
mappemondes et cartes économiques, en attendant d’
être
photographiées par quelque satellite artificiel : l’Europe est bel et
124
hiées par quelque satellite artificiel : l’Europe
est
bel et bien le centre du monde humain, le lieu géométrique, le carref
125
. Que signifie ce fait, dont on voit bien qu’il n’
est
pas simplement physique, mais humain, et pas seulement géographique m
126
el ? Il suggère une correspondance qui ne saurait
être
accidentelle entre la position de l’Europe dans le monde et sa foncti
127
e et sa fonction particulière. Certes, l’Europe n’
est
pas devenue ce qu’elle est du seul fait de cette position au centre d
128
re. Certes, l’Europe n’est pas devenue ce qu’elle
est
du seul fait de cette position au centre des terres habitées et des v
129
es voies maritimes qui les relient, puisqu’elle s’
est
constituée en tant qu’Europe à une époque — disons le Moyen Âge — où
130
la distribution des hommes et de leur production
était
tout à fait différente de ce qu’elle est devenue de nos jours. Il sem
131
uction était tout à fait différente de ce qu’elle
est
devenue de nos jours. Il semble bien que ce soit, au contraire, à par
132
e est devenue de nos jours. Il semble bien que ce
soit
, au contraire, à partir de l’Europe et par l’action des Européens que
133
tion des Européens que l’hémisphère privilégié se
soit
constitué. Et je rejoins ici ma thèse initiale : c’est l’Europe qui a
134
Nations ou aux Nations unies : ces organisations
sont
nées du droit des peuples, qui fut créé par des Européens dès les xvi
135
organisations sont nées du droit des peuples, qui
fut
créé par des Européens dès les xvie et xviie siècles, on l’oublie t
136
e, la fonction mondiale de l’Europe. Et voilà qui
est
déterminant, pour qui suppute les chances futures de l’Occident et de
137
nt nous désirons voir comment ces alternances ont
été
liées aux données de la géographie mais surtout à l’action des hommes
138
ue l’Europe actuelle, amputée des plaines russes,
tiendrait
près de neuf fois dans l’Asie, et six fois dans l’Afrique. En revanch
139
s l’Afrique. En revanche, ce plus petit continent
est
le plus complexe de tous : le plus profondément découpé par les mers
140
altitude et des fleuves aisément traversables. Il
est
fait de presqu’îles et de compartiments, mais ni trop grands ni trop
141
rdez à la loupe cette photo d’une région qui peut
être
rhénane ou mosellane, luxembourgeoise, belge ou suisse : vous y disti
142
rope, vous n’en trouverez pas deux dont les plans
soient
superposables. S’ils se ressemblent, c’est par leur complication, ou
143
’est par leur complication, ou par leur manière d’
être
différents : première formule de l’unité paradoxale qui permettra de
144
es formes, de complexité des structures. L’Europe
est
née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout en l’
145
militaires, agricoles, commerciales, après avoir
été
souvent sacrées. Une vallée ou un socle rocheux, une embouchure, un c
146
ong des routes frayées par les pionniers : ils ne
sont
guère enracinés, ils sont en marche. Ces maisons boisées, espacées, b
147
les pionniers : ils ne sont guère enracinés, ils
sont
en marche. Ces maisons boisées, espacées, bordant une route, on dirai
148
lectuelles de principes et de doctrines — dont il
serait
toujours facile de dire qu’elles n’ont guère été mises en pratique, q
149
rait toujours facile de dire qu’elles n’ont guère
été
mises en pratique, qu’elles décrivent une Europe idéale, qu’on refuse
150
e Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui
est
celle des autres, de l’autre école ou de l’autre parti — mais à parti
151
à partir des réalités visibles et tangibles, qui
sont
le cadre de nos vies. Essayons de présenter l’Europe non point par sa
152
a place communale. Nos villes et nos villages ne
sont
pas nés autour de places préalablement dessinées, mais bien plutôt au
153
ent de notre civilisation. On sent bien que ce ne
sont
pas des masses informes, ni des masses militarisées — la populace ni
154
aire, la place centrale de nos villes et villages
est
rarement régulière, hors des périodes de relâchement civique, précisé
155
de ville, le municipio, le Rathaus, le Town-Hall)
soit
ou non bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’est en général
156
on bâtie sur la place — et il se trouve qu’elle l’
est
en général — c’est bien de là qu’elle tire son sens originel. Les par
157
, formant le Ring sur la place principale.) Il n’
est
pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la li
158
moderne de l’Europe ; et la presse, dès le début,
fut
étroitement liée à cet autre élément nécessaire de toute place digne
159
le peuple répond, et le chœur chante. Et ce chœur
est
formé de voix diverses mais unies par les lois de l’harmonie, du ryth
160
définit l’Europe, sa grandeur et son drame17. Il
serait
tentant, partant de là, de reconstituer toute la philosophie de la pe
161
mon sujet. Je signale simplement qu’elle pourrait
être
faite presque aussi bien en partant de l’école, autre bâtiment de la
162
t de l’école, autre bâtiment de la place. L’école
est
issue de l’Église, au Moyen Âge ; puis de la Réforme et des Ordres, à
163
hui ses instituteurs, qui dépendent de la mairie,
sont
souvent plus sensibles aux débats du café qu’aux objurgations de la c
164
nsion qui s’institue. Mais la fonction de l’école
est
demeurée la même : elle doit d’une part communiquer les connaissances
165
ion entre le particulier sous toutes ses formes —
fussent
-elles nationales — et l’universel dans toutes ses exigences — fussent
166
ales — et l’universel dans toutes ses exigences —
fussent
-elles représentées par la révolte d’un seul, d’un génie ou d’un saint
167
e, et non pas unitaire dans son principe comme le
furent
les grandes civilisations traditionnelles et statiques de l’Asie, et
168
de l’Amérique précolombienne, et comme veulent l’
être
les régimes totalitaires de notre temps. Civilisation à base d’antago
169
ntestation, dont la passion maîtresse paraît bien
être
la remise en question permanente des données naturelles et des relati
170
s la mesure où cet immense complexe de tensions n’
est
pas trop déprimé ou dévasté par les guerres, les dictatures et les na
171
urts-circuits ; dans la mesure où se développe ne
fût
-ce qu’une part du potentiel accumulé par ces tensions, on conçoit qu’
172
yer d’une expansion énergétique irrésistible. Tel
est
le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétair
173
s de diastole planétaire de notre civilisation. ⁂
Sommes
-nous au seuil d’une telle période ? Ou au contraire, l’état de santé
174
de ? Ou au contraire, l’état de santé de l’Europe
est
-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intellectu
175
pris réactionnaires ou progressistes — pourraient
être
fournis par une auscultation des organes principaux de la cité, c’est
176
lises d’abord, par ordre d’ancienneté. La plupart
sont
aux trois quarts vides dans nos villages, qui n’en possèdent pourtant
177
ule, le plus souvent, alors qu’en Amérique, elles
sont
pleines chaque dimanche, et on en trouve en général quatre ou cinq po
178
ne, de 2 à 3000 habitants. L’église, en Amérique,
est
restée, mieux que chez nous, le centre de la vie sociale d’un village
179
t aujourd’hui la pensée religieuse de l’Amérique,
sont
ceux de Jacques Maritain, de Paul Tillich et de Karl Barth, un França
180
ècle. Mais le mouvement général vers l’œcuménisme
est
sans doute le symptôme le plus frappant d’une renaissance spirituelle
181
ent le modèle d’un meilleur équilibre, si relatif
soit
-il, entre les exigences immédiates de l’instruction de techniciens, e
182
. Passons à la mairie, symbole de la commune, qui
est
le cadre concret du civisme. Elle a survécu, tant bien que mal, à plu
183
pays. On pouvait croire que l’ère technique, qui
est
celle des plans à grande échelle, allait lui porter le coup de grâce.
184
d’arrière-garde contre l’État, mais au contraire
sont
les pionniers d’un renouveau de l’autonomie municipale20. Quant au ma
185
e le centre de la place, on sait qu’il n’a jamais
été
plus prospère qu’aujourd’hui, et cela dans tous nos pays, qu’il s’agi
186
es. Quant à la presse enfin, et au café dont elle
est
née, je me bornerai à une constatation élémentaire. L’absence de tout
187
afés littéraires et politiques aux États-Unis, ne
sont
pas seulement déplorées par quelques voyageurs européens, vexés de ne
188
s secrets de l’Europe. L’Europe sans sa culture n’
est
qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses naturelles, et moins p
189
uiétude religieuse, par des formes de pensée d’où
sont
issues la science et la technique, et des arts florissants, et des in
190
appelle l’équation la plus célèbre du siècle, qui
est
celle d’Einstein : E = mc2 où E signifie l’énergie, m la masse, c la
191
rte entre tradition et innovation, que l’Europe s’
est
montrée capable d’intégrer un peu mieux que d’autres la technique. Ai
192
rieuses, et comme sur table rase. En Europe, elle
est
née dans un contexte serré de principes vénérés et de droits garantis
193
toujours joué à temps, et la conscience sociale a
été
lente à s’éveiller dans les élites responsables. La première révoluti
194
ent, la presse n’en parlait pas, et ses effets se
sont
étalés sur un siècle.) Mais en développant la technique par la scienc
195
ement rapproché la technique de sa vraie fin, qui
est
de libérer l’homme du travail servile, elle a pris conscience la prem
196
t le problème fondamental de notre temps. Or elle
est
seule à disposer, pour le résoudre, d’une expérience séculaire. Car l
197
nent de l’Europe et dans ce sens, notre Moyen Âge
est
aussi le leur. Mais nous avons chez nous, au centre de nos villes, le
198
rucción de las Indias, publiée à Séville en 1552,
est
le premier acte d’accusation contre le colonialisme, et fonde une lon
199
5), partant de bases d’ailleurs très différentes,
sont
considérés, avec Vitoria, comme les fondateurs du ius gentium occiden
200
s bandes dessinées, journal illustré de l’époque,
sont
l’œuvre d’Albert Dürer (1471-1528). Il les gravait, les tirait et les
201
des villes et des pouvoirs locaux, dont le siège
est
à La Haye, a organisé de nombreux congrès de maires et publié quelque
202
pe, plus nettement fédéraliste par sa doctrine, s’
est
fondé à Genève en 1951 et groupe environ 40 000 communes. Son siège e
203
1951 et groupe environ 40 000 communes. Son siège
est
à Paris, et ses principaux animateurs sont Français (MM. J. Chaban-De
204
n siège est à Paris, et ses principaux animateurs
sont
Français (MM. J. Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, et G. Deferre, mai
205
du CCE, de très nombreux jumelages de villes ont
été
réalisés, donnant lieu a des manifestations populaires de solidarité
206
, une Commission européenne des pouvoirs locaux a
été
constituée au Conseil de l’Europe, à Strasbourg.
207
ante pour remplir les fonctions nouvelles qui lui
sont
assignées désormais, dans le monde. Je voudrais vous montrer aujourd’
208
internes ou contre un péril extérieur. L’union n’
est
pas un but en soi, c’est le moyen d’un but qui est de survivre ou de
209
st pas un but en soi, c’est le moyen d’un but qui
est
de survivre ou de mieux vivre ; c’est même pratiquement un remède ; o
210
; or qui parle de remède parle de maladie. Quelle
est
alors la maladie qui affecte cette Europe dont les organes sont bons
211
maladie qui affecte cette Europe dont les organes
sont
bons ? Je la crois d’origine psychique. Dans l’ensemble, elle consist
212
onnelle et créatrice. En bref, cette maladie peut
être
désignée par le terme de nationalisme, qui est la prétention des État
213
t être désignée par le terme de nationalisme, qui
est
la prétention des États à la souveraineté absolue, dans laquelle ils
214
mal et sain de nos diversités. La volonté d’union
sera
le signe d’une santé renouvelée du corps européen, dans la mesure où
215
issait proliférer sans freins. La volonté d’union
sera
saine si elle tend à éliminer le virus du nationalisme et non pas à l
216
super-nation et doté d’un super-nationalisme. Je
tenais
à placer en exergue à mon exposé d’aujourd’hui ces définitions de l’u
217
expression foncièrement impropre —, voudrait s’en
tenir
à une alliance des États nationaux, gardant intactes leurs souveraine
218
etés. C’est la position minimaliste. L’autre, qui
est
en gros celle du Marché commun, voudrait unifier les nations sur la b
219
de la fédération, sortirait de mon propos, qui n’
est
pas politique, et du cadre de ces leçons. Il me paraît en revanche in
220
son île et les États-Unis tout récemment.) Car il
est
impossible de comprendre l’enjeu et les motifs des grands débats en c
221
proposées. L’idée d’unir ou de fédérer l’Europe n’
est
pas née d’hier. Elle remonte très précisément au début du xive siècl
222
récisément au début du xive siècle, si l’on s’en
tient
aux documents connus. Et il est très remarquable que ses motifs soien
223
e, si l’on s’en tient aux documents connus. Et il
est
très remarquable que ses motifs soient demeurés presque les mêmes au
224
connus. Et il est très remarquable que ses motifs
soient
demeurés presque les mêmes au cours des siècles. Ce qui est en passe
225
és presque les mêmes au cours des siècles. Ce qui
est
en passe de se réaliser sous nos yeux, d’une manière encore bien impa
226
nos yeux, d’une manière encore bien imparfaite il
est
vrai, c’est ce que préconisaient en vain, depuis exactement six siècl
227
nt indispensable pour éveiller le besoin d’union,
est
souvent invoqué au cours des âges — le rôle d’épouvantail étant tenu
228
invoqué au cours des âges — le rôle d’épouvantail
étant
tenu par les Turcs jusqu’au xviiie siècle, puis par les Russes et pa
229
é au cours des âges — le rôle d’épouvantail étant
tenu
par les Turcs jusqu’au xviiie siècle, puis par les Russes et par le
230
i-ont-la-bombe. Mais en fait, ce motif de la peur
est
accessoire, et se révèle d’ailleurs inopérant dans notre histoire. So
231
révèle d’ailleurs inopérant dans notre histoire.
Soit
contre les Turcs soit contre les Soviets, il sert de prétexte opportu
232
pérant dans notre histoire. Soit contre les Turcs
soit
contre les Soviets, il sert de prétexte opportun, il permet de dramat
233
aix, communauté spirituelle, prospérité, défense)
sont
, je le répète, tous présents à l’esprit de tous les promoteurs que je
234
que l’on observe au cours des siècles, et qu’il n’
est
pas sans intérêt de retracer. Je passerai donc rapidement en revue le
235
eux premiers datent des années 1306 et 1308. L’un
est
l’œuvre de Dante, c’est le De Monarchia, l’autre d’un conseiller de P
236
flit entre le pape et l’empereur. L’idée de Dante
est
simple : il préconise l’établissement d’une monarchie universelle, se
237
ant pas de pouvoir l’un sur l’autre. Chacun d’eux
serait
maître de son domaine, et chaque royaume ou ville retiendrait ses « l
238
ui intéressent tous les hommes », le genre humain
serait
gouverné par un seul monarque, et « orienté vers la paix par une seul
239
econnaissent pas de supérieurs au monde, et s’ils
sont
en conflit, devant qui doivent-ils plaider ? », Dubois répond : non p
240
erait de sanctions pénales : le pays récalcitrant
serait
cerné, isolé, et réduit par la faim ; quant aux trouble-paix individu
241
la faim ; quant aux trouble-paix individuels, ils
seraient
déportés : on les enverrait se battre contre les infidèles en Terre s
242
u contraire, comme l’écrit un commentateur : « Il
était
trop réaliste pour son époque, qui ne l’était guère. »24 Tel est le
243
Il était trop réaliste pour son époque, qui ne l’
était
guère. »24 Tel est le refrain qui saluera désormais toutes les propo
244
e pour son époque, qui ne l’était guère. »24 Tel
est
le refrain qui saluera désormais toutes les propositions de paix et d
245
es et leurs chefs découvrent enfin qu’il pourrait
être
plus réaliste de s’entraider que de s’entretuer, et que par suite, le
246
que par suite, les promoteurs de plans d’union ne
sont
pas tous, nécessairement, de doux rêveurs ou de dangereux imbéciles.)
247
ces chrétiens et au pape un Traité d’alliance qui
est
, en vérité, un plan de fédération25 : car il limite expressément les
248
ressiste et moderne, on le voit, qu’un projet qui
sera
proposé cinq-cents ans plus tard, exactement, sous le nom d’Europe de
249
son principe, et dont on peut craindre qu’elle ne
soit
guère plus facile à réaliser qu’une amicale des misanthropes. Refusé
250
iebrad n’eut aucune suite. Et pourtant, ce pape n’
était
autre que le grand Æneas Silvius Piccolomini, qui essayait vainement,
251
nait de tomber aux mains des Turcs — et qui avait
été
le premier à parler de l’Europe comme d’une patrie commune, dans sa m
252
notre patrie, dans notre propre maison, que nous
sommes
attaqués et tués. »26 Deux siècles passent, et la face de l’Europe a
253
ge — notamment, la guerre de Trente Ans. Le temps
est
venu de repenser les relations entre les nations, c’est-à-dire entre
254
ont contribuer à cet effort de mise en ordre, qui
est
la devise du xviie siècle. Tous les quatre expriment avec force la v
255
us. Ces quatre plans, dans l’ordre chronologique,
sont
: le Nouveau Cynée d’Émeric Crucé, moine parisien, 1623 ; le Grand de
256
t, respectivement. Le plus moderne sans nul doute
est
celui qui parut le premier et qui resta le moins connu : celui d’Émer
257
elui d’Émeric Crucé, dont on sait seulement qu’il
fut
un obscur « moine pédagogue » dans un collège de Paris27. Il se signa
258
« Seul un esprit borné, écrit-il, croit que tous
sont
tenus de vivre comme lui, et ne prise que ses [propres] coutumes, à l
259
ul un esprit borné, écrit-il, croit que tous sont
tenus
de vivre comme lui, et ne prise que ses [propres] coutumes, à la faço
260
que le duc de Sully feint d’attribuer à Henri IV,
est
moins original mais beaucoup plus célèbre : toujours cité, jamais lu,
261
e : toujours cité, jamais lu, et pour cause. Ce n’
est
en réalité, à l’origine, qu’un projet purement politique de pacte sup
262
contre la maison de Habsbourg ; mais ses éléments
sont
épars dans les milliers de pages des Mémoires des sages et royales oe
263
nne du pluriel — vous arrivâtes, vous dîtes, vous
fûtes
reçu… — et qui lui racontent ainsi sa propre vie. Le plan prévoit — a
264
ant la liberté du commerce. Son mérite historique
est
d’avoir attaché le prestige d’un grand roi à un beau titre, « le Gran
265
nd roi à un beau titre, « le Grand Dessein », qui
sera
repris et invoqué par d’innombrables partisans de l’union, de William
266
citons cette phrase mémorable : « La lumière doit
être
apportée aux autres peuples au nom de notre patrie européenne ; et c’
267
re nous ; car, nous autres Européens, nous devons
être
considérés comme des voyageurs embarqués sur un seul et même navire.
268
urs embarqués sur un seul et même navire. » (Ceci
fut
écrit, je le rappelle, il y a plus de trois-cents ans.) De l’Essay de
269
et agréables, et la connaissance du monde où ils
sont
nés », plutôt que le maniement des armes. Il demande un passeport eur
270
e que la salle des séances de la Diète européenne
soit
ronde, et non carrée, et percée d’autant de portes qu’il y aura de dé
271
eau : « Si le projet demeure sans exécution, ce n’
est
pas qu’il soit chimérique ; c’est que les hommes sont insensés, et qu
272
projet demeure sans exécution, ce n’est pas qu’il
soit
chimérique ; c’est que les hommes sont insensés, et que c’est une sor
273
pas qu’il soit chimérique ; c’est que les hommes
sont
insensés, et que c’est une sorte de folie que d’être sage au milieu d
274
t insensés, et que c’est une sorte de folie que d’
être
sage au milieu des fous. »32 Certains de ces plans devinrent célèbre
275
evinrent célèbres, comme celui de Sully, certains
furent
beaucoup lus, comme celui de Saint-Pierre, mais aucun n’entraîna la m
276
t Wieland croient l’Europe faite, parce qu’elle l’
est
dans leurs esprits et doit donc exister en raison — et passons à la R
277
e République universelle dont la commune de Paris
serait
le centre omnipotent. Curieuse réplique laïque de la monarchie univer
278
te, à la différence près que cette utopie devrait
être
imposée au genre humain, précise Cloots, par « la guerre ! la guerre
279
ce de l’Europe ». À cette croisade dont la devise
serait
« Les jacobins partout ! », répond le projet tout contraire d’un Angl
280
des grands travaux industriels — le canal de Suez
sera
fait par ses disciples — propose lui aussi dans son projet d’Organisa
281
e tous les gouvernements nationaux ». Saint-Simon
est
le véritable ancêtre du Marché commun, en ceci que, pour lui, l’union
282
ts solides ». Mais le siècle, une fois de plus, n’
est
pas assez réaliste pour comprendre un message aussi précis, un messag
283
ainte-Alliance des peuples » de Béranger. Mais ce
sont
les États-nations qui mangeront les marrons ainsi tirés du feu par le
284
Ces trois révolutions qui n’en font qu’une, ce n’
est
pas une révolution locale, c’est la révolution humaine… Après de long
285
— Les États-Unis d’Europe ! C’est trop fort. Hugo
est
fou. M. Molé. — Les États-Unis d’Europe ! Voilà une idée ! Quelle ext
286
us tôt, au congrès de la Paix réuni à Paris, il s’
était
écrié : Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vo
287
e, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces se
sont
fondues dans la France. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres
288
ées. Un jour viendra où les boulets et les bombes
seront
remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par l
289
éritable arbitrage d’un grand sénat souverain qui
sera
à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la diète es
290
souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement
est
à l’Angleterre, ce que la diète est à l’Allemagne, ce que l’assemblée
291
le parlement est à l’Angleterre, ce que la diète
est
à l’Allemagne, ce que l’assemblée législative est à la France !… Un j
292
est à l’Allemagne, ce que l’assemblée législative
est
à la France !… Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immense
293
il y aura une nation extraordinaire. Cette nation
sera
grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, r
294
e nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’
être
libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au re
295
nde, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle
sera
illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité
296
s Propos datés de 1912 : L’Europe, ce cimetière,
est
peuplée par des peuples qui chantent avant d’aller s’entretuer. Les F
297
mondiale, Paul Valéry pouvait écrire : Tout ne s’
est
pas perdu, mais tout s’est senti périr… Nous autres civilisations, no
298
it écrire : Tout ne s’est pas perdu, mais tout s’
est
senti périr… Nous autres civilisations, nous savons maintenant que no
299
es civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes
mortelles.41 L’Europe avait touché le fond, une première fois. C’es
300
les. Le temps des plans qui n’ont pas eu de suite
est
révolu. Désormais, tout s’enchaîne et s’entraîne : chaque pas nouveau
301
eurs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent
être
atteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dog
302
unique organisation fédérale. La paix européenne
est
la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une se
303
dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a
été
l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour orig
304
que j’ai cités. Rien de nouveau, sinon ceci, qui
est
décisif : nous n’avons plus affaire à des voix isolées, à vingt ou ce
305
e le dira jamais assez. Car le congrès de La Haye
est
la synthèse vivante des grands motifs traditionnels d’union représent
306
, au-delà des frontières et des nationalismes. Il
est
remarquable que le quatrième motif, presque toujours invoqué jusque-l
307
s invoqué jusque-là, celui de la défense commune,
soit
totalement absent des débats et du Manifeste final47. Tout est parti
308
e sortira qu’un échec, celui de la CED, en 1954. (
Soit
dit en passant : s’il était vrai que la peur de Staline et de l’impér
309
i de la CED, en 1954. (Soit dit en passant : s’il
était
vrai que la peur de Staline et de l’impérialisme communiste ait été,
310
ur de Staline et de l’impérialisme communiste ait
été
, comme on le répète, le vrai moteur de notre union, son fédérateur pa
311
, la première institution européenne acceptée eût
été
, eût dû être logiquement la CED : or c’est en fait la seule qui ait é
312
e institution européenne acceptée eût été, eût dû
être
logiquement la CED : or c’est en fait la seule qui ait été refusée.)
313
uement la CED : or c’est en fait la seule qui ait
été
refusée.) Voici donc ce qui s’est réalisé. La commission politique d
314
a seule qui ait été refusée.) Voici donc ce qui s’
est
réalisé. La commission politique de La Haye avait demandé l’institut
315
mois plus tard, le Conseil de l’Europe et la Cour
sont
créés. Puis l’Assemblée (seulement consultative, hélas) est inaugurée
316
Puis l’Assemblée (seulement consultative, hélas)
est
inaugurée à Strasbourg. La commission économique avait demandé la cré
317
adres. Demain, l’Europe des peuples ! Tout ceci s’
est
passé en une quinzaine d’années, durant lesquelles les militants de l
318
des progrès vers la fédération ! Cette impatience
est
nécessaire. C’est l’une des conditions vitales de l’action et de la v
319
on et de la volonté d’action. Une autre condition
est
de savoir où l’on va, donc de mesurer d’où l’on vient. J’ai tenté de
320
tions des plans européens qu’on trouvera plus bas
sont
toutes empruntées à cet ouvrage, auquel on pourra se reporter pour le
321
. 25. Le traité de Georges Podiebrad (1420-1471)
fut
écrit en latin, l’an 1463. Son texte est reproduit dans les mémoires
322
20-1471) fut écrit en latin, l’an 1463. Son texte
est
reproduit dans les mémoires de Philippe de Comines, où il est annoncé
323
t dans les mémoires de Philippe de Comines, où il
est
annoncé par ce titre français : Traité d’alliance et confédération en
324
condamner le projet de Podiebrad, qui d’ailleurs
est
anticlérical. 27. Émeric Crucé († 1648), Le Nouveau Cynée ou discour
325
sel en 1645 et la publia en 1666. La phrase citée
est
extraite de la « Praefatio ad Europeos ». 30. L’Essay towards the Pr
326
ay towards the Present and Future Peace of Europe
fut
composé de 1692 à 1694, pendant une interruption de la carrière de Wi
327
le W. Churchill fait entendre que l’Angleterre ne
sera
pas membre de l’Union qu’il propose : « … de ce travail urgent, la Fr
328
mpire britannique, la puissante Amérique, et j’en
suis
sûr, la Russie soviétique — car alors tout irait bien — doivent être
329
soviétique — car alors tout irait bien — doivent
être
amis et garants de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie
330
nière, Neuchâtel, 1948. Le congrès de l’Europe se
tint
du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence d’honneur (effective) de
331
’honneur (effective) de W. Churchill, le chairman
étant
Duncan Sandys. Les présidents et rapporteurs des trois commissions ét
332
s présidents et rapporteurs des trois commissions
étaient
, pour la politique Paul Ramadier, René Courtin et R. W. G. Mackay ; p
333
prix européens, etc. Bien d’autres instituts ont
été
créés depuis lors.
334
Les nouvelles chances de l’Europe Donc l’Europe
est
en train de s’unir, nous avons vu pour quelles raisons, à la fois séc
335
la fois séculaires et modernes. Trois écoles, il
est
vrai, s’opposent encore quand il s’agit d’en venir à l’union politiqu
336
à la hauteur de notre vocation universelle. S’il
est
vrai que la fonction crée l’organe, c’est de cette vocation elle-même
337
d’un groupe ou d’une culture, c’est cela qui les
tient
debout, c’est cela qui leur permet de transcender leurs données natur
338
nos États ont perdu leurs empires, que l’Europe s’
est
mise à s’unir. Les dates de la décolonisation successive du Proche-Or
339
de l’Inde, du Sud-Est asiatique, et de l’Afrique,
sont
les mêmes dates, exactement, que celles de nos premières étapes vers
340
d’eux-mêmes, idée au nom de laquelle les Alliés s’
étaient
battus, et avaient conclu les traités de 1919, et ceci devait amener
341
s guerres ont fait comprendre aux Européens qu’il
était
temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela devait amener,
342
réveil des projets d’union. Accessoirement, il ne
serait
pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens, national
343
i soutenaient depuis cinquante ans que l’Europe n’
était
riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, de leur p
344
nt les uns, de leur pillage, disaient les autres,
sont
en train de recevoir un démenti tel que l’histoire en offre peu d’exe
345
plus contagieuses, comme le nationalisme, ils se
sont
mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souverain
346
que de bienfaits. Mais ceci n’empêche pas qu’elle
soit
la seule qui ait su se rendre transportable et intégrable hors du con
347
et religieuses. Nous savons tous aussi comment s’
est
opérée sa diffusion mondiale dès la Renaissance, et par quels procédé
348
dès la Renaissance, et par quels procédés, qui ne
furent
pas tous chrétiens ! Animés par les ambitions les plus diverses : mis
349
imes et de cupidité, d’une aventure dont le bilan
est
encore très loin d’être fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera fin
350
une aventure dont le bilan est encore très loin d’
être
fait. Et rien ne prouve que ce bilan sera finalement négatif : c’est
351
loin d’être fait. Et rien ne prouve que ce bilan
sera
finalement négatif : c’est en somme celui du Progrès, selon les conce
352
cent l’Occident. Nulle autre civilisation n’avait
été
mondiale de cette manière. Là-dessus, l’historien Toynbee m’arrête :
353
mettre à l’abri de ce genre d’illusion. La Terre
est
connue désormais dans toutes ses dimensions physiques, nous ne pouvon
354
’erreurs de cette taille ; son histoire également
est
explorée dans toutes ses grandes lignes, et l’archéologie occidentale
355
sif de cette « européisation » de la planète ? Il
est
difficile d’en juger, puisque le retrait s’achève à peine. Mais tous
356
ibérées. Le retrait des Anglais de l’Inde n’a pas
été
suivi par le rejet du parlementarisme britannique, aussitôt adopté te
357
t bien plus anglaise, donc plus occidentale que n’
était
l’Inde colonisée. Elle a peut-être tort, mais c’est ainsi. En Afrique
358
rend plus le français dans ces pays parce qu’on y
est
obligé, mais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle est devenu
359
ais parce qu’on a besoin de cette langue, qu’elle
est
devenue un facteur de cohésion nationale, qu’elle constitue en outre
360
teurs civils et militaires s’en aillent, pour que
soit
décrétée l’adoption immédiate de mesures politiques et sociales, hygi
361
ième grand fait : nos idéaux et nos pratiques ont
été
diffusés en désordre, sans aucun plan, sans nulle sagesse régulatrice
362
ésulte deux séries de conséquences qui risquent d’
être
aussi fâcheuses pour nous, Européens, que pour les peuples du tiers-m
363
tiers-monde. Fâcheuses pour nous d’abord. Car il
est
évident que notre civilisation ne s’est rendue assimilable et transpo
364
d. Car il est évident que notre civilisation ne s’
est
rendue assimilable et transportable qu’au prix d’une périlleuse disjo
365
t pas les scrupules et la mauvaise conscience qui
étaient
le fait des élites européennes pendant les derniers temps de la colon
366
à court terme, il peut sembler que leurs chances
soient
meilleures que les nôtres. Le tiers-monde les accueille sans méfiance
367
ne assez bonne liste de nos vices, tels qu’ils se
sont
manifestés, du moins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il se
368
ins à partir des débuts de l’ère industrielle. Il
serait
trop facile de répondre à ceux qui nous tiennent ce langage : pourquo
369
Il serait trop facile de répondre à ceux qui nous
tiennent
ce langage : pourquoi n’avez-vous pas adopté nos vertus, dont la list
370
n’avez-vous pas adopté nos vertus, dont la liste
est
aussi facile à faire ? Et pourquoi nous imitez-vous, en général ? Pou
371
et pas du tout nos missionnaires ? Cette réponse
serait
trop facile, car nous sommes largement responsables des erreurs que c
372
ires ? Cette réponse serait trop facile, car nous
sommes
largement responsables des erreurs que commet le tiers-monde quand il
373
e commet le tiers-monde quand il nous juge. Ce ne
sont
pas nos meilleurs représentants, les plus conscients des vraies valeu
374
ct ni pour leurs cultures ni pour la nôtre. Telle
est
la situation concrète de l’Europe dans le monde actuel. Je la résume
375
esponsabilités mondiales. La question qui se pose
est
dès lors la suivante : l’Europe va-t-elle être évincée par ses produi
376
ose est dès lors la suivante : l’Europe va-t-elle
être
évincée par ses produits les plus vendables, par ses slogans les plus
377
itants ou exploiteurs, plus efficaces ? Va-t-elle
être
évincée du tiers-monde par ses vices, au détriment de ses valeurs aut
378
persuadé nos élites comme nos masses que l’Europe
est
une pauvre chose écrasée entre deux colosses. Cette conviction, ou ce
379
’Occident ; et nous autres, peuple du noyau, nous
serons
trop dégradés, trop avilis, pour savoir autrement que par une vague e
380
une vague et stupide tradition, ce que nous avons
été
.52 En 1847, Sainte-Beuve résume ainsi l’opinion de l’historien Adol
381
tre jeunesse, c’est l’Amérique… L’avenir du monde
est
là, entre ces deux grands mondes.53 Et vingt autres ainsi, y compri
382
rasée entre les deux colosses encore à venir. Ils
sont
là. Mesurons leur taille réelle. J’ai inventé un petit jeu graphique,
383
oite 22 carrés, et celui du milieu 43 carrés : il
est
donc à lui seul plus grand que les deux autres additionnés. Question
384
raphique les qualités humaines de l’Européen, qui
est
encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosophe et le meilleur art
385
ophe et le meilleur artiste — vous avouerez qu’il
est
au moins curieux que l’Europe se sente écrasée entre deux colosses pl
386
e en montant l’un sur l’autre et qui, au surplus,
sont
très loin d’additionner leurs forces contre nous : ils sont plutôt ri
387
loin d’additionner leurs forces contre nous : ils
sont
plutôt rivaux, et l’un est notre allié. Mais vous me direz que la pui
388
ces contre nous : ils sont plutôt rivaux, et l’un
est
notre allié. Mais vous me direz que la puissance réelle de l’Europe n
389
us me direz que la puissance réelle de l’Europe n’
est
pas à proportion de sa population ? C’est exact, en ce sens que, par
390
celle de l’Europe. Mais le rythme d’accroissement
est
beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et quant aux chiffr
391
a quantité. Pour la qualité, l’évaluation précise
est
évidemment plus malaisée. Voici cependant un exemple chiffré, et qui
392
: 855. Mais vous me direz encore : « Ces chiffres
sont
abstraits ! Je persiste à me sentir écrasé… » C’est vrai ! C’est que
393
n petit État de 5, de 10 ou de 50 millions, qui n’
est
plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’est pas
394
helle du monde nouveau. C’est que l’Europe unie n’
est
pas faite et qu’il faut donc absolument la faire, pour que notre capa
395
re conscience. L’Europe a tout ce qu’il faut pour
être
encore la première puissance de la Terre, non par ses dimensions mais
396
science de cette vocation assumée par ceux qui en
sont
les responsables — et d’autre part de la puissance d’autres cultures
397
’Europe en train de s’unir, et les États-Unis. Il
est
courant d’entendre dire que l’Occident est en pleine décadence morale
398
is. Il est courant d’entendre dire que l’Occident
est
en pleine décadence morale, et surtout qu’il n’a plus d’idéal à oppos
399
s d’entraîner le monde et de lui rendre un idéal,
sont
celles que représente le communisme russe. Je demande à voir — et je
400
e demande à voir — et je ne vois rien de neuf. Qu’
est
-ce au total que le communisme soviétique ? Un mélange de 50 % de trad
401
us ou moins fidèlement appliqué. Or le marxisme n’
est
tout de même pas d’invention russe. Ce n’est pas Popov qui l’a créé,
402
me n’est tout de même pas d’invention russe. Ce n’
est
pas Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui était Karl Marx
403
Popov qui l’a créé, mais c’est Karl Marx. Et qui
était
Karl Marx ? Un juif allemand, dont le père s’était fait protestant, e
404
tait Karl Marx ? Un juif allemand, dont le père s’
était
fait protestant, et qui écrivait en Angleterre des articles pour le N
405
ni de nombreux chapitres de Das Kapital 57.) Marx
est
l’un des produits les plus typiques des débats philosophiques, théolo
406
définissent l’esprit européen au xixe siècle. Ce
sont
donc des valeurs qui nous sont propres que les Russes nous renvoient
407
u xixe siècle. Ce sont donc des valeurs qui nous
sont
propres que les Russes nous renvoient aujourd’hui, fort simplifiées e
408
leurs, sous le nom de marxisme dialectique. Qu’en
serait
-il alors d’un autre successeur, hypothétique, reprenant de nos mains
409
a nôtre, foncièrement différente de la nôtre, qui
serait
mieux capable que nous d’exercer la fonction planétaire unifiante qui
410
us d’exercer la fonction planétaire unifiante qui
sera
désormais, dans l’ère technique, l’obligation première d’une civilisa
411
ans qu’elle fera mieux que l’Amérique — laquelle
est
, après tout, une création de l’Europe ! Le cycle se referme, nous ram
412
crimes d’un passé récent dont le tiers-monde nous
tient
pour responsables. Car cette faiblesse, je l’ai montré, ne traduit ri
413
duit rien qu’une division de nos forces — et nous
sommes
en bon train de les unir — mai non pas une absence de force potentiel
414
absence de force potentielle. Et ces crimes, qui
furent
ceux de nos nationalismes, du racisme, et dans une certaine mesure du
415
t que seules les techniques qu’elle a su inventer
sont
en mesure de les entretenir. L’Europe reste le cœur de tout système d
416
celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’Europe
est
inscrite dans des faits de ce genre : nos exportations représentent à
417
5 % au maximum de leur produit national. Le monde
est
vital pour l’Europe, il ne l’est guère pour les États-Unis, bien moin
418
tional. Le monde est vital pour l’Europe, il ne l’
est
guère pour les États-Unis, bien moins encore pour la Russie actuelle.
419
nt aux échanges culturels, voire spirituels, il m’
est
permis de vous en parler en praticien : tout désigne l’Europe pour le
420
et parfois surtout, différentes des nôtres : ce n’
est
point par hasard que l’Europe a créé l’ethnographie et l’archéologie,
421
apporte une aide puissante, mais les initiatives
sont
venues de l’Europe, et c’est vers elle, naturellement, que je vois se
422
s entre elles. Équilibrer les créations humaines
est
le second aspect de la vocation de l’Europe. Équilibrer technique et
423
s formes d’équilibre entre les extrêmes, que j’ai
été
amené à citer en touchant les domaines les plus divers de l’existence
424
au troisième verbe typique de notre vocation, qui
est
fédérer. Défendre et illustrer le fédéralisme, c’est peut-être la plu
425
st peut-être la plus grande tâche dont l’Occident
soit
responsable à l’égard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’E
426
et finalement des dictatures totalitaires qui en
sont
l’aboutissement logique dans notre siècle, c’est l’attitude et la pra
427
des droits « souverains » qu’aucun de nos pays n’
est
plus en mesure d’exercer à lui seul, dans le monde actuel. La vocatio
428
, dans cette génération, si l’Europe, d’où le mal
est
venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son aventure et fais
429
sant. Le nouvel idéal que réclame la jeunesse, il
est
là, dans l’Europe fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus de dou
430
dans l’Europe fédérée, modèle mondial. Le temps n’
est
plus de douter sans vergogne de nos valeurs occidentales. Au contrair
431
nos valeurs occidentales. Au contraire, le temps
est
venu de les prendre nous-mêmes au sérieux. Nous n’avons simplement pa
432
t, par un tardif et impuissant mea culpa. Nous ne
sommes
pas seuls en cause dans cette affaire. Nous sommes pour les autres un
433
ommes pas seuls en cause dans cette affaire. Nous
sommes
pour les autres un espoir, qu’il s’agit de ne pas frustrer. Et je con
434
pas frustrer. Et je conclus. L’avenir de l’Europe
est
gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mondia
435
t de l’esprit, agissant par nos mains. Le temps n’
est
plus pour nous de chercher anxieusement à deviner le cours prochain d
436
ain de notre histoire : c’est à la faire que nous
sommes
appelés. 49. En 1916, Lénine déclarait, dans L’Impérialisme, stade
437
isme, stade suprême du capitalisme, que la Russie
était
la deuxième puissance coloniale du monde par la superficie de son emp
438
té de première puissance coloniale du monde. Elle
sera
bientôt, aussi, quoique dans un autre sens, la seule et dernière. 50
439
ngrès que la Fondation européenne de la culture a
tenu
en avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et culture de l’Europe, n°
440
1953. — Georges Sorel disait en 1908 : « L’Europe
est
par excellence la terre des cataclysmes guerriers… Elle n’a pas de ch
441
te ans plus tard, J.-P. Sartre écrit : « L’Europe
est
foutue… Elle est en grand danger de crever… Elle fait eau de toutes p
442
J.-P. Sartre écrit : « L’Europe est foutue… Elle
est
en grand danger de crever… Elle fait eau de toutes parts… C’est la fi
443
deux grands peuples… chacun d’eux semble appelé à
tenir
un jour dans ses mains les destinées de la moitié du monde. »), cf. p
444
ffres de population donnés pour les USA et l’URSS
sont
de 179,5 et de 220 millions. 55. Cf. Léo Moulin, « La nationalité de
445
cation des esprits : « Ici, les esprits eux-mêmes
sont
tirés au cordeau… Ici mentir c’est protéger la société, dire la vérit
446
le New York Herald Tribune — de 1851 à 1861, ont
été
réédités en 1897 sous le titre The Eastern Question, et viennent de f
447
répondre à la violente attaque contre l’Europe qu’
est
la préface de J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damnés de la
448
’Europe unie. À les entendre, on croirait qu’elle
est
faite. La candidature anglaise au Marché commun les a subitement aler
449
mière étape d’une organisation mondiale dont elle
serait
à la fois le centre d’animation et l’organe d’équilibre. Je reviens e
450
» — comme disait Æneas Silvius au xve siècle. Qu’
est
-ce qu’on y écrit sur ce sujet ? Je trouve plusieurs dizaines d’ouvrag
451
contredit tout le reste. Il proclame que l’Europe
est
« foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « agon
452
Il proclame que l’Europe est « foutue », qu’elle
est
« en grand danger de crever », qu’elle « agonise », qu’elle « fait ea
453
», qu’elle « fait eau de toutes parts », qu’elle
est
« au plus bas », que « c’est la fin » et que nous voici tous « enchaî
454
us « enchaînés, humiliés, malades de peur ». Ce n’
est
pas un expert, esclave des faits, qui nous dit cela, mais un éloquent
455
nom du raisonnement suivant : tous les Européens
sont
complices du colonialisme criminel ; donc cette lecture leur fera hon
456
sant, « ils font l’histoire de l’homme », et nous
serons
ainsi du bon côté. Je n’invente pas : je cite et je condense cette di
457
des guerres. Ce nouveau plan de paix perpétuelle
est
fait pour éblouir par sa logique brutale certaine jeunesse dégoûtée d
458
tre la cite et il ajoute, impressionné : « Ce ton
est
neuf ». Moi, ce qui m’impressionne, ce n’est pas le ton, guère plus n
459
ton est neuf ». Moi, ce qui m’impressionne, ce n’
est
pas le ton, guère plus neuf que la propagande communiste depuis une q
460
nées, mais c’est le contenu de la phrase : tout y
est
faux. La colonisation par les Blancs n’a pas duré « des siècles » en
461
dixièmes du continent. Cette colonisation n’a pas
été
faite « au nom d’une prétendue aventure spirituelle » — nullement « p
462
pour d’autres raisons plus grossières, et qui ne
sont
pas toutes honteuses pour nous. La première et la plus importante éta
463
uses pour nous. La première et la plus importante
étant
tout simplement un état de fait que l’Europe n’avait pas créé, et qui
464
cles d’immobilité ou de continuelle décadence. Qu’
est
-ce que l’Europe a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui est
465
a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui
est
fort loin de représenter « la quasi-totalité de l’humanité », mais un
466
si l’état du pays : Le sol, extrêmement fertile,
est
couvert de forêts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture sont
467
ts. Malheureusement, l’industrie et l’agriculture
sont
étouffées par l’effrayant despotisme auquel le pays est soumis. Le ro
468
ouffées par l’effrayant despotisme auquel le pays
est
soumis. Le roi, qui est l’objet d’une espèce d’adoration, se signale
469
despotisme auquel le pays est soumis. Le roi, qui
est
l’objet d’une espèce d’adoration, se signale par d’horribles sacrific
470
’a pas 1 million d’habitants, dont 20 000 à peine
sont
libres. La France y a un établissement sur la côte. La colonisation
471
plus de 2 millions d’habitants, dont le président
est
reçu en grande pompe à l’Élysée en 1961. Je laisse à MM. Sartre et Fa
472
le royaume de Ghana et l’empire du Mali n’ont pas
été
détruits par les Arabes almoravides puis par les sultans marocains, m
473
aits et leur passion veut la mort du pécheur, qui
est
uniquement l’Européen, comme chacun sait. La vérité, selon les faits
474
onalisme et la fureur idéologique, ces peuples se
sont
mis à revendiquer les avantages de notre civilisation et la souverain
475
elles ont, l’une après l’autre, « décroché ». Qu’
est
-il advenu de l’Europe considérée dans son ensemble ? L’Europe est li
476
l’Europe considérée dans son ensemble ? L’Europe
est
littéralement la création du tiers-monde, écrit Fanon. Ses richesses
477
que : or, métaux, pétrole, caoutchouc. (Le paysan
serait
-il la création de sa terre et des richesses qu’elle contient ?) Sartr
478
mme qu’en fabriquant des esclaves ». (Eh quoi ! n’
était
-il pas humain avant le xvie siècle !) En quittant le tiers-monde, l’
479
n ? Les adversaires du colonialisme auraient donc
été
les avocats du suicide de l’Europe ? Mais au nom de quelles valeurs p
480
e aussitôt une prospérité stupéfiante. L’Europe n’
est
pas « finie », n’en déplaise à nos furieux, mais elle commence à pein
481
isme — d’ailleurs emprunté à l’Europe. Mais qu’en
est
-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut expliquer l’anac
482
re notre nation » voudrait-on lui répéter et ce n’
est
pas ma faute si cette phrase est de Michel Debré dans son Projet de p
483
répéter et ce n’est pas ma faute si cette phrase
est
de Michel Debré dans son Projet de pacte pour une union des États d’E
484
rder, Fichte, Bentham. À l’encontre de Hegel, qui
tenait
l’Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’Auguste Comte qui
485
onde, devant la crise morale de l’URSS, l’heure n’
est
pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sér
486
s devons offrir au monde et à nos fils, non, ce n’
est
pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance
487
x qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce
seront
ceux qui auront dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de
488
toire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe
était
finie, quand il s’agissait de la faire.