1
Préfacea Les essais qui composent ce volume ne
sont
pas d’un théologien ni d’un apologiste d’une dénomination quelconque,
2
tous ceux, chrétiens ou non, pour qui la religion
est
une réalité, ou du moins un problème permanent. Personnaliste en phil
3
e nos jours, le phénomène religieux au sens large
est
tenu pour suspect non seulement par les rationalistes et les athées,
4
s jours, le phénomène religieux au sens large est
tenu
pour suspect non seulement par les rationalistes et les athées, mais
5
ue qui domine le protestantisme, et qui se trouve
être
celle dont j’ai le plus appris. Il me faut bien avouer ce paradoxe, c
6
ppris. Il me faut bien avouer ce paradoxe, car il
est
au cœur de mon livre. Tout ce qu’il peut y avoir de solide dans le ca
7
assimilée. Éviter, dénoncer l’erreur systématique
est
vital pour celui qui enseigne, mais accepter les risques d’erreur ou
8
mais accepter les risques d’erreur ou d’hérésie n’
est
pas moins vital pour celui qui est entré dans la quête spirituelle, q
9
ou d’hérésie n’est pas moins vital pour celui qui
est
entré dans la quête spirituelle, qui doit inventer sa personne et qui
10
mirable, mais en songeant à ses disciples (dont j’
étais
lorsque j’écrivis plusieurs chapitres de ce livre), à ceux qui ne pen
11
i de circonscrire et d’imposer à tout jamais : là
est
la grâce, et pas ailleurs, et tout le reste est incroyance, ou même r
12
à est la grâce, et pas ailleurs, et tout le reste
est
incroyance, ou même révolte… Ce pathos luthéro-calviniste fait la for
13
e œcuménique. Point d’Église sans orthodoxie, qui
est
la connaissance rectifiée (recta cognitio Dei, selon Calvin) telle qu
14
s sacrements. Mais dans la vie de l’esprit, qui n’
est
pas collective, l’Esprit seul peut montrer la voie de l’appropriation
15
l’appropriation de la vérité. Or, il révèle qu’il
est
autant de voies que de personnes créées par lui. Je me dis parfois qu
16
s créées par lui. Je me dis parfois que ces voies
sont
toutes « hérétiques » aux yeux de la doctrine cohérente de l’Église,
17
me dis aussi que les découvertes de la science ne
sont
pas faites par ceux qui appliquent les règles, mais par celui qui ose
18
ra se glisser vers la vérité qui l’attend, et qui
était
réservée pour lui seul. Je ne crois pas à l’homme en général, der Me
19
mo latin, auquel a cru l’Europe classique, et qui
était
invariable, éternel, de telle manière qu’on pouvait spéculer sur ses
20
de la société — de laquelle le système trinitaire
est
inséparable — ni la conception de la « personne » qui suppose la trad
21
ue la vérité. Mais il ne peut que sa théologie ne
soit
liée, indissolublement, à une histoire de la pensée occidentale, à un
22
ans un avenir encore inexistant pour nous, et qui
seraient
absurdes aujourd’hui. Le fait que toutes nos langues sont transitoire
23
urdes aujourd’hui. Le fait que toutes nos langues
sont
transitoires, qu’elles évoluent et qu’elles passeront un jour ne saur
24
excuser nos sophismes ou nos étourderies. Mais ce
serait
une erreur dès maintenant que de lier l’absolu divin à nos formulatio
25
orrectif posé, il me faut ajouter que, quelle que
soit
l’évolution de ma pensée depuis vingt ans — certains des essais qu’on
26
e besoin de modifier ou de retrancher quoi que ce
soit
d’important dans mes textes anciens. Ce n’est pas sur tel point préci
27
ce soit d’important dans mes textes anciens. Ce n’
est
pas sur tel point précis que j’ai varié ; ce sont plutôt les perspect
28
’est pas sur tel point précis que j’ai varié ; ce
sont
plutôt les perspectives dans lesquelles mes anciennes conclusions peu
29
1. Une fausse nouvelle : « Dieu
est
mort »b Le thème de la mort de Dieu a constitué depuis la fin de l
30
ins que les circonstances rendaient influents, il
est
quotidiennement répété par leurs disciples et cité comme allant de so
31
s, qui devraient savoir que l’existence de Dieu n’
est
pas affectée par une polémique locale dans le temps et dans l’espace.
32
le temps et dans l’espace. Mais l’inconséquence n’
est
pas moindre dans le camp, d’ailleurs divisé, des agnostiques. Déjà l’
33
ne vois pas que ce thème, partout mentionné, ait
été
vraiment discuté, jusqu’ici. Du défi désespéré de Nietzsche, de l’aff
34
a-t-on jamais demandé à ceux qui disent que Dieu
est
mort, ce qu’ils entendent exactement par là ? De quel Dieu s’agit-il,
35
Exiger sur tout cela un peu d’honnête clarté, ce
serait
le moyen de faire entrevoir quelques difficultés inextricables, où ce
36
du type occidental. Gardons-nous d’admettre — ce
serait
leur faire injure — qu’ils aient voulu dire simplement : « Pour ce qu
37
scuterai pas l’inventeur de la phrase : Nietzsche
est
un cas suffisamment connu1. Et, d’ailleurs, il a partiellement dément
38
ant un jour ceci : « La réfutation de Dieu : ce n’
est
que le Dieu moral qui est réfuté. » (Œuvres posthumes.) Tout autre es
39
futation de Dieu : ce n’est que le Dieu moral qui
est
réfuté. » (Œuvres posthumes.) Tout autre est le cas de l’auteur conte
40
qui est réfuté. » (Œuvres posthumes.) Tout autre
est
le cas de l’auteur contemporain auquel l’ignorance générale fait remo
41
pprimerait la responsabilité de l’homme. Si telle
est
bien sa position, l’on en déduit nécessairement qu’aux yeux de Sartre
42
t qu’aux yeux de Sartre, la valeur morale suprême
est
la responsabilité, et que cette valeur morale est plus importante que
43
est la responsabilité, et que cette valeur morale
est
plus importante que tout, puisqu’en son nom l’on peut trancher une qu
44
rs la responsabilité de l’homme en pâtirait. Nous
sommes
donc en présence d’une morale fanatique, c’est-à-dire d’une morale pr
45
-ci fasse obstacle à la passion maîtresse dont on
est
animéc. « La vérité est peut-être triste », disait Renan. Il était lo
46
passion maîtresse dont on est animéc. « La vérité
est
peut-être triste », disait Renan. Il était loin de s’en réjouir, mais
47
a vérité est peut-être triste », disait Renan. Il
était
loin de s’en réjouir, mais pour autant, n’allait pas jusqu’à nier que
48
s jusqu’à nier que la vérité existât. La vérité n’
est
peut-être pas existentialiste. Dieu limite peut-être fortement la res
49
écrète que Dieu n’existe pas, et bien plus, qu’il
est
mort. D’où peut lui venir cette passion de la responsabilité ? D’une
50
is au sens de « capable de décider » (de ce qu’on
est
et sera) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventuri
51
ens de « capable de décider » (de ce qu’on est et
sera
) ; non pas au sens chargé de mission, mais à celui d’aventurier qui a
52
d’un homme, mais bien d’un dieu. Ce dernier trait
est
capital. On sent qu’il trahit un refus de la réalité donnée, la sienn
53
sition peu compliquées. Sartre annonçant que Dieu
est
mort nous dit seulement que l’homme doit refuser Dieu tel que Sartre
54
ons maintenant la crédibilité de la nouvelle. (Il
est
clair qu’elle ne peut être estimée sur le fait qu’une majorité la réc
55
ité de la nouvelle. (Il est clair qu’elle ne peut
être
estimée sur le fait qu’une majorité la récuse.) Hors du plan de la po
56
ajorité la récuse.) Hors du plan de la polémique,
soit
nietzschéenne, soit anticléricale, littéralement et logique, la phras
57
Hors du plan de la polémique, soit nietzschéenne,
soit
anticléricale, littéralement et logique, la phrase « Dieu est mort »
58
icale, littéralement et logique, la phrase « Dieu
est
mort » est un non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien — et da
59
éralement et logique, la phrase « Dieu est mort »
est
un non-sens. Car où bien « Dieu » ne signifie rien — et dans ce cas i
60
bien il signifie la Vie, l’Éternité, le Total, l’
Être
en soi, l’Inconnaissable, et, dans ce cas, dire qu’il est mort, revie
61
oi, l’Inconnaissable, et, dans ce cas, dire qu’il
est
mort, revient à faire du bruit avec la bouche. Car si Dieu l’Éternel
62
bruit avec la bouche. Car si Dieu l’Éternel avait
été
vivant, puis était mort, il n’eût jamais été Dieu l’Éternel, en sorte
63
che. Car si Dieu l’Éternel avait été vivant, puis
était
mort, il n’eût jamais été Dieu l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dir
64
vait été vivant, puis était mort, il n’eût jamais
été
Dieu l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dire que s’il est mort, c’est
65
l’Éternel, en sorte qu’il faudrait dire que s’il
est
mort, c’est qu’il n’a pas vécu : ce qui est absurde. Si Dieu l’Inconn
66
s’il est mort, c’est qu’il n’a pas vécu : ce qui
est
absurde. Si Dieu l’Inconnaissable était mort, cela reviendrait à dire
67
cu : ce qui est absurde. Si Dieu l’Inconnaissable
était
mort, cela reviendrait à dire que l’on sait tout ; ce qui est absurde
68
la reviendrait à dire que l’on sait tout ; ce qui
est
absurde. Si Dieu le Révélé était mort, après avoir vécu en tant que p
69
sait tout ; ce qui est absurde. Si Dieu le Révélé
était
mort, après avoir vécu en tant que personne, il se serait donc produi
70
ort, après avoir vécu en tant que personne, il se
serait
donc produit, à un certain moment précis, dans le temps et dans l’esp
71
mique sans précédent, « un événement concernant l’
être
», précise Jaspers. Comment croire que Nietzsche seul l’ait appris, q
72
ue Nietzsche seul l’ait appris, que Sartre en ait
été
spécialement informé ? Si l’on tient pour problématique la révélation
73
Sartre en ait été spécialement informé ? Si l’on
tient
pour problématique la révélation du Dieu vivant par l’Évangile, que d
74
inverse que nous apportent ces deux hommes ? Nous
sommes
en pleine absurdité. La crédibilité de la nouvelle est nulle. Reste
75
n pleine absurdité. La crédibilité de la nouvelle
est
nulle. Reste le fait que le Dieu du christianisme, du judaïsme et de
76
rdités que je viens d’énumérer. À vrai dire, ce n’
est
pas surprenant. C’est même aisément explicable. Un Dieu personnel est
77
C’est même aisément explicable. Un Dieu personnel
est
incroyable et absurde, en effet, dans une vue statistique du monde et
78
ascal. Et de même, l’énergie fondamentale ne peut
être
décelée et étudiée que dans le noyau de l’atome, dans ce cœur du réel
79
, dans ce cœur du réel physique. Si nos savants s’
étaient
bornés à considérer des paysages, des villes, la mer, le ciel, des au
80
s, l’énergie nucléaire non seulement n’eût jamais
été
visible ou sensible, mais encore elle fût demeurée inimaginable. De m
81
jamais été visible ou sensible, mais encore elle
fût
demeurée inimaginable. De même, il est absurde de « chercher Dieu dan
82
ncore elle fût demeurée inimaginable. De même, il
est
absurde de « chercher Dieu dans la nature » ou dans l’Histoire, ou en
83
politiques, économiques et sociales. Puisqu’il n’
est
sensible qu’au cœur, c’est-à-dire au plus intime d’une personne bien
84
ntime d’une personne bien réelle et distincte. Il
est
donc normal que le Dieu personnel reste l’Absurde, en dehors d’une re
85
me. 2. Car Dieu, même si quelqu’un croit qu’il n’
est
pas, reste en tout cas une réalité pour l’écrasante majorité des homm
86
t paru en français (« Une fausse nouvelle : “Dieu
est
mort” », Liberté de l’esprit, Paris, n° 41, juin-juillet 1953, p. 141
87
2. Sécularismef Le mot « sécularisme »
est
devenu courant dans les cercles chrétiens germaniques ou anglo-saxons
88
ne croit plus au « siècle des siècles »i. Quelle
est
la forme que doit revêtir l’évangélisation de notre époque ? Comment
89
lise, salut, vocation, foi, obéissance, adoration
sont
autant de mensonges, d’illusions, de niaiseries, ou de fuites devant
90
doctrines, que devons-nous dire et faire si nous
sommes
des chrétiens ? La question ainsi simplifiée paraît proprement écrasa
91
’y répondre. La situation du chrétien aujourd’hui
est
vraiment folle, si l’on songe que chacun de nous est contraint de viv
92
vraiment folle, si l’on songe que chacun de nous
est
contraint de vivre et de penser selon sa foi dans un monde où tout ni
93
pire encore : dans un monde où le christianisme n’
est
accepté ou au contraire ridiculisé que sous la forme de ses déviation
94
ionnelles, dans ses caricatures, bref, là où il n’
est
pas. En effet, certains l’acceptent comme une garantie de l’ordre bou
95
urgeois, et d’autres le ridiculisent comme s’il n’
était
qu’un système de morale et d’évasions plus ou moins hypocrites. C’est
96
te pour demander le bon usage de cette maladie qu’
est
le siècle, et dont nous sommes tous les victimes. Un siècle qui se
97
e de cette maladie qu’est le siècle, et dont nous
sommes
tous les victimes. Un siècle qui se limite à lui-même Commençons
98
chrétiens partent de l’idée banale que ce siècle
est
très spécialement mauvais, et qu’il est moins chrétien que d’autres,
99
ce siècle est très spécialement mauvais, et qu’il
est
moins chrétien que d’autres, mettons que ceux du Moyen Âge. En conséq
100
nt comme sacrés. Les chefs d’État démocratique ne
sont
plus des personnages rituellement isolés, costumés et consacrés comme
101
ituellement isolés, costumés et consacrés comme l’
étaient
les rois. La guerre n’est plus un jeu réglé, un drame solennel rappel
102
t consacrés comme l’étaient les rois. La guerre n’
est
plus un jeu réglé, un drame solennel rappelant les ordalies ou jugeme
103
la presque totalité des paraboles et comparaisons
est
tirée de l’agriculture (le semeur, le grain qui doit nourrir, le cep
104
catholiques, dont la religion reste sacrale, s’en
sont
inquiétés récemment. Des prêtres et des religieux français se sont de
105
cemment. Des prêtres et des religieux français se
sont
demandé si, dans ce décalage entre le cadre pastoral des évangiles et
106
ne et des machines, et déclarer que la vie rurale
est
seule conforme à l’ordre divin de la Création ? Ou au contraire, fall
107
onclure que c’est le langage de l’Église qui doit
être
modernisé ? Nous aurons à revenir à des dilemmes fort analogues, un p
108
ularisme, la désacralisation de l’existence, peut
être
un bien autant qu’un mal pour notre foi. Elle peut être un mal si ell
109
n bien autant qu’un mal pour notre foi. Elle peut
être
un mal si elle prive les hommes du sens du mystère, du sens des corre
110
elles et du sens de la vénération. Mais elle peut
être
un bien, aussi, dans la mesure où elle détruit l’équivoque entre la r
111
progrès dans le fait que les hommes d’aujourd’hui
sont
moins tentés de confondre le christianisme avec telle ou telle forme
112
. Et c’est ainsi que les révolutions modernes ont
été
amenées, comme par une loi sociologique, à recréer des symboles pseud
113
scendance, donc de Dieu dans sa royautéj. L’homme
est
devenu le seul but de l’homme, la vie le seul but de la vie, et le te
114
plans de la vie humaine, sans exception. Je m’en
tiendrai
à trois illustrations, l’une prise dans la philosophie, l’autre dans
115
iècle proclame à la suite de Nietzsche que « Dieu
est
mort ». Il semble bien que ce soit là le thème central (plus central
116
sche que « Dieu est mort ». Il semble bien que ce
soit
là le thème central (plus central même qu’ils ne voudraient l’avouer)
117
, — comme si pour eux, vraiment, la question ne s’
était
jamais posée, comme si l’ère du sérieux humain et de la pensée honnêt
118
a pensée honnête avait commencé avec Marx et ne s’
était
continuée que par Freud et M. John Deweyl. Toute la jeune philosophie
119
s cohérente qui se fonde aujourd’hui sur le dogme
est
celle de l’existentialisme parisien. « L’existentialisme, écrit le ch
120
’existentialisme, écrit le chef de cette école, n’
est
pas autre chose qu’un effort pour tirer toutes les conséquences d’une
121
ose étrange, je ne connais pas de philosophie qui
soit
plus proche du christianisme dans sa description de la condition huma
122
ption de la condition humaine. L’homme, dit-elle,
est
responsable de ce qu’il est. L’homme choisit m dans l’angoisse, parce
123
e. L’homme, dit-elle, est responsable de ce qu’il
est
. L’homme choisit m dans l’angoisse, parce que ses choix éthiques enga
124
toute l’humanité. L’homme, si Dieu n’existe pas,
est
entièrement délaissé, c’est-à-dire abandonné au risque total de son c
125
nné au risque total de son choix. L’homme enfin n’
est
pas ce qu’il se rêve, ni ce qu’il se sent, mais ce qu’il se fait n. T
126
é, d’un péché qui existait avant lui mais dont il
est
responsable pourtant, à chacun de ses actes. Je disais un jour au che
127
illusion ni mauvaise foi. Et je pense qu’il faut
être
content qu’il y ait parmi nous un mouvement existentialiste, et qu’il
128
e aussi franchement les vraies questions. Il faut
être
content que la croyance, ou plutôt l’incroyance fondamentale du siècl
129
cohérente. Il faut y voir un grand progrès, s’il
est
vrai que le progrès véritable réside dans la clarification des vrais
130
out dans l’attitude de l’homme. L’existentialisme
est
à cet égard un cas privilégié. En effet, il use d’une terminologie ch
131
ntière. C’est angoissant, en effet, car cet homme
est
responsable de ce qu’il décide et pourtant il ne peut décider qu’en v
132
réalité « indémontrable » aux yeux d’autrui, qui
est
sa foi. Mais voici la différence : si le chrétien choisit mal, à caus
133
ndis que si l’homme athée choisit mal, alors tout
est
faux, sans recours. « Nous sommes seuls, sans excuses », dit un exist
134
it mal, alors tout est faux, sans recours. « Nous
sommes
seuls, sans excuses », dit un existentialiste. Le chrétien lui aussi
135
existentialiste. Le chrétien lui aussi sait qu’il
est
sans excuses — mais non point sans pardon. Son angoisse a un sens : e
136
point sans pardon. Son angoisse a un sens : elle
est
dirigée vers Dieu et vers son ordre, comme un appel. Elle ne reste pa
137
pas béante sur le néant, mais sur le pardon. Elle
est
toute mêlée d’espérance et de confiance. Et c’est pourquoi je pense q
138
ste tout autrement que l’angoisse de l’athée, qui
est
une angoisse pure, trop pure et indéterminée pour être bien réelle, s
139
une angoisse pure, trop pure et indéterminée pour
être
bien réelle, si pure qu’elle se ramène pratiquement à une simple ince
140
ien vivre ». De même la responsabilité de l’athée
est
beaucoup moins réelle que celle du chrétien. Car le chrétien doit vra
141
e ses actes devant Dieu. Mais l’athée, devant qui
sera-t
-il responsable ? À qui doit-il rendre des comptes ? Au futur qui déci
142
pas ici et maintenant. Car alors, l’engagement n’
est
plus un acte mais la simple constatation d’un état de fait, d’une con
143
t, et qui ne mène à rien de défini ; la liberté n’
est
plus qu’un pari dans le vide ; et le délaissement se résout dans une
144
espèce d’indifférence vaguement inquiète, où tout
est
permis, où il n’y a pas de sanctions, mais pas non plus d’ordres donn
145
e athée que nous donne la philosophie séculariste
est
à la fois exacte et privée de sens. C’est un portrait où tout est jus
146
acte et privée de sens. C’est un portrait où tout
est
juste, dans le détail, mais l’impression d’ensemble est fausse, ou in
147
ste, dans le détail, mais l’impression d’ensemble
est
fausse, ou inexistante. Vous reconnaissez le nez, les yeux, la bouche
148
cultivées, sinon dans l’esprit des vrais savants,
est
une sécularisation de l’idée d’ordre divin de la création — de même q
149
e même que le destin que l’on invoque aujourd’hui
est
une sécularisation de la Providence. Dans les deux cas, le processus
150
ngement brusque et salutaire au niveau collectif,
est
une sécularisation de la notion chrétienne de conversion individuelle
151
endance. La politique des régimes totalitaires en
est
la conséquence directe et fatale. Les marxistes tout comme les fascis
152
sans nous faire d’illusions : l’État totalitaire
est
l’organisation normale de l’ici-bas, s’il n’y a pas d’au-delà. Si Die
153
’il n’y a pas d’au-delà. Si Dieu n’existe pas, où
est
la vérité ? Elle est dans l’idéal ou dans le système des plus forts.
154
là. Si Dieu n’existe pas, où est la vérité ? Elle
est
dans l’idéal ou dans le système des plus forts. Et bien entendu, tous
155
plus forts. Et bien entendu, tous les moyens leur
seront
permis pour prendre le pouvoir, puisque ce but est le plus haut que l
156
nt permis pour prendre le pouvoir, puisque ce but
est
le plus haut que les hommes puissent concevoir. Et une fois qu’ils se
157
les hommes puissent concevoir. Et une fois qu’ils
seront
au pouvoir, ils exigeront normalement l’obéissance absolue de tout l’
158
s s’il n’y a pas de Dieu, la révolte individuelle
est
une pure et simple sottise, qui mérite d’être corrigée par les moyens
159
elle est une pure et simple sottise, qui mérite d’
être
corrigée par les moyens que l’on sait. Il faut bien voir que la quest
160
bien voir que la question de l’État totalitaire n’
est
pas simplement politique. Dans le fond, c’est une question métaphysiq
161
e question métaphysique et religieuse. Le dilemme
est
très simple. Si Dieu n’existe pas, s’il n’y a pas de transcendance, s
162
as, s’il n’y a pas de transcendance, si l’ici-bas
est
toute la réalité de l’homme, alors les totalitaires ont raison. Ils o
163
ontre tous nos goûts et préjugés individuels. Ils
sont
les seuls à prendre vraiment au sérieux les conditions du siècle, s’i
164
e le répète, c’est un progrès. Car désormais tout
est
clair. Les confusions longuement entretenues entre les intérêts du si
165
cle et les prétextes pieux ont disparu. Si Dieu n’
est
pas, tout m’est permis, dit l’existentialiste. Si Dieu n’est pas, l’É
166
xtes pieux ont disparu. Si Dieu n’est pas, tout m’
est
permis, dit l’existentialiste. Si Dieu n’est pas, l’État est tout, di
167
ut m’est permis, dit l’existentialiste. Si Dieu n’
est
pas, l’État est tout, dit le totalitaire. Que vont répondre les chrét
168
dit l’existentialiste. Si Dieu n’est pas, l’État
est
tout, dit le totalitaire. Que vont répondre les chrétiens ? L’Égli
169
L’Église Ils vont répondre que ces prétentions
sont
abusives, parce que tout de même Dieu existe. Mais on leur demandera
170
n leur demandera de le démontrer. Et comme Dieu n’
est
pas démontrable, on leur demandera de donner au moins la preuve qu’il
171
abord, nos Églises et la plupart de leurs fidèles
sont
pratiquement des clubs de gens moraux plutôt que des assemblées de pé
172
morale que ces Églises et leurs fidèles défendent
est
celle de la bourgeoisie, ou au mieux celle de Kant. C’est une morale
173
Dieu, puisqu’ils ont la morale. Mais cette morale
est
celle du siècle, en fait, et je le répète : du xixe siècle bourgeois
174
xpliquent à leurs auditoires que le christianisme
est
le meilleur système de vie dans le siècle, celui qui peut empêcher le
175
handise de pacotille petite-bourgeoise. La pensée
est
sécularisée au dernier degré, mais le ton seul prétend rester pieux,
176
faire bien voir, pour se faire « accepter », mais
tiennent
à terminer leur discours par quelques allusions au « Tout-Puissant »
177
ils donnent cette « note religieuse », ce ne peut
être
qu’une fausse note, qu’on leur pardonne d’ailleurs bien volontiers, v
178
ibuent aussi à faire croire à beaucoup que Dieu n’
est
pas l’Unique Réalité, mais seulement un complément nécessaire, ou un
179
J’affirme pour ma part que la « note religieuse »
est
la plus horrible et insupportable dissonance qui ait jamais percé le
180
aible. Absurde parce que tout ce qu’elles croient
est
tenu pour illusion ou mauvaise foi par les systèmes qui triomphent da
181
e. Absurde parce que tout ce qu’elles croient est
tenu
pour illusion ou mauvaise foi par les systèmes qui triomphent dans le
182
rce qu’elles agissent comme si la transcendance n’
était
pas leur seule raison d’être, comme si elles n’y croyaient pas vraime
183
la transcendance n’était pas leur seule raison d’
être
, comme si elles n’y croyaient pas vraiment, comme si elles espéraient
184
chrétiennes au sécularisme Quand les questions
sont
sérieuses et totalesr, comme c’est le cas de la question séculariste,
185
pondre par des arguments, mais seulement avec son
être
, avec sa manière d’être, avec la puissance d’être qu’on manifeste der
186
, mais seulement avec son être, avec sa manière d’
être
, avec la puissance d’être qu’on manifeste derrière toute argumentatio
187
être, avec sa manière d’être, avec la puissance d’
être
qu’on manifeste derrière toute argumentation, et au-delà d’elle. Or l
188
ière toute argumentation, et au-delà d’elle. Or l’
être
même du christianisme est une tension entre la transcendance et l’imm
189
t au-delà d’elle. Or l’être même du christianisme
est
une tension entre la transcendance et l’immanence. C’est-à-dire qu’il
190
es, mais au nom de ce qui les transcende. Or nous
sommes
très loin de cela. Ce que l’on trouve en fait dans la plupart de nos
191
ière prêchée en termes sentencieux, et ce mélange
est
doublement inefficace, primo parce que nos contemporains répugnent à
192
fois la barrière franchie, on s’aperçoit que ce n’
était
pas la peine de venir dans une église pour entendre de telles platitu
193
e telles platitudes. Vous pensez peut-être que je
suis
bien dur. Mais nos contemporains le sont encore plus que moi, quand i
194
e que je suis bien dur. Mais nos contemporains le
sont
encore plus que moi, quand ils entrent en contact avec nos cultes. Je
195
es. Je voudrais pour ma part que tous les sermons
soient
introduits par la formule « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Espri
196
du Fils et du Saint-Esprit » et que cette formule
soit
prise au sérieux par le prédicateur à tel point que s’en trouve élimi
197
ue s’en trouve éliminé du sermon tout ce qui peut
être
dit au nom de n’importe quoi d’autre que la Trinité. Et je voudrais a
198
oudrais aussi que les vérités qu’on nous déclare,
soient
déclarées avec sérieux, ou avec joie, avec sobriété ou avec passion,
199
e voudrais que nos églises protestantes cessent d’
être
des lieux totalement séculiers par le décor, l’architecture et l’orne
200
le, que nous croyons au siècle des siècles ? J’en
suis
arrivé à penser que le témoignage d’un chrétien hors de l’église, c’e
201
-certitudes du siècle. Car là où la transcendance
est
niée, comme chez les totalitaires, il n’y a plus de doute permis quan
202
ouer responsable. Ne l’oublions pas : le chrétien
est
celui qui croit au transcendant, donc aussi celui qui doute des faux
203
celui qui doute des faux absolus de ce siècle. Il
est
celui qui doute au nom de sa foi. J’ai décrit rapidement quelques-uns
204
ation qui me semble extrêmement importanteu. Ce n’
est
point par hasard, ce n’est point par une coïncidence privée de sens q
205
ment importanteu. Ce n’est point par hasard, ce n’
est
point par une coïncidence privée de sens que les premiers mouvements
206
nt l’homme totalement à ce siècle et à l’ici-bas,
sont
apparus presque en même temps que la première possibilité concrète de
207
la limite de cette liberté enfin atteinte. : ce n’
est
rien d’autre que la liberté de nous détruire en une seconde. Ainsi se
208
re d’un grand saut collectif dans le néant. Ainsi
sommes
-nous entrés dans l’ère des risques et des choix décisifs, globaux, to
209
n cœur libre et confiant. Libre parce que nous ne
sommes
pas liés totalement, comme les incroyants, à la forme présente de ce
210
l doit sauter un de ces jours, le drame des temps
est
déjà joué, la vérité est déjà victorieuse au-delà des temps, par celu
211
ours, le drame des temps est déjà joué, la vérité
est
déjà victorieuse au-delà des temps, par celui qui a pu dire sur la cr
212
emps, par celui qui a pu dire sur la croix : Tout
est
accompli ! f. Édition réalisée sur la base du manuscrit conservé à
213
lieu) prononcée après la guerre. g. Cette phrase
est
traduite directement de l’édition américaine : « The word “secularism
214
dition américaine. i. Les deux dernières phrases
sont
traduites partiellement de l’édition américaine : « This “death of Go
215
from a Christianized world. » q. Ce paragraphe n’
est
pas repris dans l’édition américaine. r. « When a question is both s
216
ns l’édition américaine. s. La dernière phrase n’
est
pas reprise dans l’édition américaine. t. L’édition américaine tradu
217
genuine truth look ridiculous ». u. Cette phrase
est
absente du manuscrit et n’apparaît que sur l’édition américaine.
218
endre leurs pouvoirs spirituels, certains États s’
étant
laissé aller à les revendiquer injustement. Les docteurs de l’Église
219
me même, du moins à cette véhémence flambante qui
fut
toujours signe et symbole de l’Esprit. Un fils soumis de Rome, le gra
220
lisme) qu’ils croyaient pouvoir tolérer ; qu’il a
été
abattu finalement, dans ses formes déclarées et spectaculaires tout a
221
; et que son élévation brutale puis sa chute ont
été
pour toutes les Églises une épreuve de force, un challenge, une purif
222
e devant l’assaut de dictatures barbares : elle s’
est
reconnue impuissante à donner des buts de vie, des idéaux, une morale
223
d’une puissante et purifiée Église orthodoxe à l’
Est
. Mais dire que l’époque de la défensive est terminée pour elles, dans
224
e à l’Est. Mais dire que l’époque de la défensive
est
terminée pour elles, dans notre temps, c’est poser aux Églises chréti
225
es presque aussi grands que ceux qu’elles eussent
été
contraintes de subir en se rendant. (Dans ce « presque » est la diffé
226
ntes de subir en se rendant. (Dans ce « presque »
est
la différence entre honneur et honte, vie et mort.) Et que trouvent a
227
s, mais un vide doctrinal sans précédent. Ce vide
est
un appel, urgent et dramatique. Un appel à l’attaque, à l’offensive,
228
les sombres, avant la floraison du Moyen Âge, qui
fut
son œuvre. Il s’agit de restaurer le sens de la communauté vivante, q
229
ses réglementations, souvent utiles, mais qui ne
sont
jamais règles de vie. Je voudrais une sociologie chrétienne pour le s
230
t — musique, peinture, philosophie, littérature —
est
sortie des églises et des couvents. Hélas, elle en est bien sortie !
231
ortie des églises et des couvents. Hélas, elle en
est
bien sortie ! Il est temps que nous sortions à sa recherche pour la r
232
des couvents. Hélas, elle en est bien sortie ! Il
est
temps que nous sortions à sa recherche pour la ramener ! 3° Que l’Égl
233
ndement d’une morale spécifiquement chrétienne. «
Soyez
bien sages », nous disaient les prédicateurs depuis deux siècles. « S
234
disaient les prédicateurs depuis deux siècles. «
Soyez
fous ! », dit saint Paul aux Corinthiens. « Osez être l’invraisemblab
235
fous ! », dit saint Paul aux Corinthiens. « Osez
être
l’invraisemblable ! »3 dit Kierkegaard. Ce sont ces voix que les meil
236
z être l’invraisemblable ! »3 dit Kierkegaard. Ce
sont
ces voix que les meilleurs aujourd’hui, hors des Églises, me paraisse
237
s Américains, s’instaure sur notre planète, ce ne
sera
qu’au nom de ce qui transcende nos attachements nationaux, politiques
238
action chrétienne. Celle-ci se fera, comme elle s’
est
toujours faite, par des personnes et par des petits groupes ; par que
239
cation précise », et il ajoute : « toute vocation
est
sans précédent, et paraît donc ‟invraisemblable” à celui qui la reçoi
240
ar les grandes conférences œcuméniquesaa. Mais il
est
non moins remarquable qu’aucun de ces documents ne fasse allusion à l
241
asse allusion à l’ordre culturel de demain. Et il
est
cependant certain que si les Églises continuent à négliger cette ques
242
a jeunesse de presque tous les pays du monde aura
été
soumise à plusieurs années de service militaire et à une interruption
243
e en Europe après la Première Guerre mondiale. Ce
sera
, cette fois, beaucoup plus violent car la Deuxième Guerre mondiale a
244
logies beaucoup plus puissantes et dynamiques. Il
serait
romantique de supposer que la guerre actuelle a détruit toutes les ét
245
nouveaux noms. Les générations d’après-guerre ne
seront
pas nécessairement plus positives ou plus cyniques — tout en prétenda
246
positives ou plus cyniques — tout en prétendant l’
être
, à coup sûr. Mais sans aucun doute leur faim sera plus grande et leur
247
être, à coup sûr. Mais sans aucun doute leur faim
sera
plus grande et leur soif de réponses à leurs questions, de conseils,
248
domaine de la culture. Car l’époque bourgeoise a
été
une ère de division, d’absence de parenté et de commune mesure entre
249
umaines et sociales.ab Les années d’après-guerre
seront
probablement caractérisées par les traits suivants : des lacunes inte
250
s religieux et virulents. Mais si une Église veut
être
en mesure d’intervenir dans le développement de la culture, elle doit
251
ir dans le développement de la culture, elle doit
être
fondée sur une doctrine ferme, sur une théologie qui soit en même tem
252
dée sur une doctrine ferme, sur une théologie qui
soit
en même temps rigoureuse et vitale à l’intérieur de l’Église. Une Égl
253
térieur de l’Église. Une Église dont la théologie
est
vague n’a plus rien à dire dans le domaine de la culture. Une telle É
254
nisme. Mais, dans le domaine de la culture, il en
est
tout à fait autrement. Ici une Église ne peut adopter des idéologies
255
ogie. C’est ainsi que l’Église catholique romaine
fut
à la tête du mouvement philosophique du Moyen Âge, que les réformes d
256
an, ou Renoir, sans seulement se demander si cela
était
compatible avec sa foi. Car en fait la théologie avait cessé d’être v
257
ec sa foi. Car en fait la théologie avait cessé d’
être
vivante, précise et exigeante, et donc source d’inspiration. Le thomi
258
ne charpente et qu’il ne fixait aucune limite qui
soit
en même temps un stimulant et un guide. Premièrement, donc, si l’Égli
259
ière s’en trouvera appauvrie et désorientée. Elle
sera
coupée de ses racines. Car toute la culture occidentale est née de la
260
de ses racines. Car toute la culture occidentale
est
née de la théologie et de la liturgie chrétienne ; soit en se soumett
261
ée de la théologie et de la liturgie chrétienne ;
soit
en se soumettant au code chrétien, soit en se révoltant contre lui. (
262
étienne ; soit en se soumettant au code chrétien,
soit
en se révoltant contre lui. (Les grandes philosophies modernes, celle
263
ophies modernes, celles de Descartes et de Hegel,
sont
nées d’une controverse manifestement théologique à ses origines.) Et,
264
Les forces de création lui échappent. Tout ce qui
est
créé est alors créé en dehors de l’Église ou en opposition à elle et
265
s de création lui échappent. Tout ce qui est créé
est
alors créé en dehors de l’Église ou en opposition à elle et devient d
266
rer dans une conception chrétienne du monde. Ceci
est
particulièrement frappant dans les pays protestants où le souci de ra
267
forces de création intellectuelles parce qu’elle
est
attentive à préserver les droits et les devoirs de la critique théolo
268
e. Les Églises pourront agir et inspirer si elles
sont
fondées sur une doctrine ferme et complète. Elles auront autorité dan
269
a plus féconde dans le domaine culturel et social
est
celle de vocation (au sens calviniste et luthérien du mot, qui est pl
270
tion (au sens calviniste et luthérien du mot, qui
est
plus large que celui dans lequel l’entend Rome). L’Évangile nous appr
271
d Rome). L’Évangile nous apprend que chaque homme
est
susceptible de recevoir une vocation, un appel spécial qui le disting
272
uée à une nation ou même à une génération. Chaque
être
individuel ou collectif, pour lequel l’Église peut prier, est suscept
273
el ou collectif, pour lequel l’Église peut prier,
est
susceptible de recevoir une vocation. Maintenant les grandes maladies
274
une : elles nient la vocation personnelle (que ce
soient
les collectivismes nationalistes, de race ou de classe, ou les matéri
275
s, moraux ou bourgeois). De même l’individualisme
est
une déviation morbide du sens de la vocation car elle nie ses conséqu
276
itique que l’on puisse adresser à ce point de vue
est
la suivante : une idéologie qui nie la vocation personnelle ou un rég
277
uille l’homme de la liberté d’obéir à sa vocation
sont
incompatibles avec le christianisme. Par exemple, toutes les idéologi
278
réactionnaire, individualiste, antisociale. Elles
sont
, par conséquent, incompatibles avec l’ordre chrétien qui présuppose l
279
blir une homogénéité mécanique et rigide, qu’elle
soit
imposée d’en haut (État, tyran), ou d’en bas (égalitarisme poussé à l
280
nt comme dangereuse et scandaleuse. Ces doctrines
sont
par là incompatibles avec l’ordre chrétien, qui implique l’union et n
281
dans le Royaume de Dieu. Un ordre social ne peut
être
qualifié de chrétien à moins qu’il ne soit fondé sur le respect de la
282
e peut être qualifié de chrétien à moins qu’il ne
soit
fondé sur le respect de la vocation, et qu’il n’assure à chaque homme
283
, unique et inaliénable. Un ordre social chrétien
sera
ainsi œcuménique plutôt qu’unitarien. Il sera fédéral plutôt que cent
284
ien sera ainsi œcuménique plutôt qu’unitarien. Il
sera
fédéral plutôt que centralisé (dans les domaines culturels, religieux
285
les devoirs de l’État (l’organisme dont le devoir
est
d’assurer la liberté de l’individu au point de vue matériel). Les
286
ns. Il va sans dire que l’organisation de l’armée
est
telle qu’un capitaine aura toujours les moyens d’accomplir son devoir
287
nes bureaucratiques dans lesquelles les individus
sont
abstraitement dirigés selon les besoins de la machine et non selon le
288
mouvement des biens de la puissance matérielle y
est
fonction des hasards d’opérations de Bourse, par exemple, et non des
289
u la prospérité économique. Le devoir des Églises
est
de repenser toutes ces catégories et de les critiquer d’un point de v
290
nement d’une doctrine chrétienne de la vocation. (
Être
libre à l’abri de la nécessité, ne signifie pas que l’on prend pour b
291
bli, ou à la réforme du moment. Elles cesseront d’
être
traînées dans le sillage de mouvements entrepris par d’autres, avec d
292
d’autres, avec des motifs et pour des buts qui ne
sont
pas nécessairement chrétiens. Les conséquences culturelles Deux
293
pirituelle. La vocation d’un homme ou d’un groupe
est
à la fois distinction et intégration. Ces deux éléments devraient êtr
294
ction et intégration. Ces deux éléments devraient
être
conciliés et sauvegardés avec vigilance — l’élément d’universalisatio
295
nt d’universalisation et celui de distinction. Il
est
grandement souhaitable, par exemple, que des établissements d’enseign
296
lissements d’enseignement (collèges, universités)
soient
fondés sur une base confessionnelle clairement établie, à côté d’étab
297
t que tout l’enseignement, dans chaque matière, y
soit
dominé par la doctrine de l’Église en question, comme c’est le cas da
298
ps, pour sauvegarder le facteur universaliste, il
est
nécessaire que, dans les écoles confessionnelles, un enseignement suf
299
nement suffisamment poussé des autres confessions
soit
donné : la partie œcuménique. Car ce n’est qu’en apprenant à connaîtr
300
sions soit donné : la partie œcuménique. Car ce n’
est
qu’en apprenant à connaître les autres que nous en venons à nous conn
301
en venons à nous connaître nous-mêmes, comme ce n’
est
qu’en nous comprenant nous-mêmes que nous parvenons à connaître les a
302
enons à connaître les autres. L’attitude générale
serait
alors d’approfondir et d’intégrer le plus possible chaque vocation cu
303
sible chaque vocation culturelle du groupe (qu’il
soit
religieux ou national), le tout en vue de l’union (fédérale ou œcumén
304
à les comparer. Le deuxième problème à envisager
est
celui d’une collaboration plus étroite entre l’Église et l’Intelligen
305
ce plan tout reste à créer. Et quelque chose doit
être
créé si nous voulons éviter que la culture de demain se développe sel
306
human and social activities. » ac. Ce paragraphe
est
absent de l’édition américaine. ad. L’édition américaine ajoute : «
307
lorsqu’après une absente de plusieurs années, j’y
suis
rentré en 1946. Une grande alertness intellectuelle souvent alliée à
308
’équivalent de la plupart de ces traits, comme il
est
naturel, pouvait s’observer dans la pensée religieuse. Mais ce qui me
309
dans la pensée religieuse. Mais ce qui me surprit
fut
de constater chez cette dernière une conscience vive du problème de l
310
rganisée de formes politiques nouvelles : on s’en
tenait
au vieux régime des partis, ou à la solution totalitaire de type marx
311
e de type marxiste. La conscience communautaire a
été
réveillée dans les Églises d’Europe par la Résistance autant que par
312
par la Résistance autant que par la misère : elle
est
donc missionnaire autant que charitable, offensive autant que défensi
313
orthodoxe ou protestante de l’Évangile. Le but n’
est
pas, d’ailleurs, de se rapprocher des autres confessions, mais de ren
314
ace. De leur côté, plusieurs Églises luthériennes
sont
en train de faire un retour prononcé à leur liturgie originale, après
315
nts en théologie et de laïques influents, on n’en
est
plus à discuter la légitimité de la liturgie en soi — comme avant la
316
n et sa liturgie de Strasbourg, le Décalogue doit
être
récité après les promesses de grâce.) Notons que les jeunes barthiens
317
a liturgie (« du théâtre », disait-il un jour) ne
sont
pas les moins actifs dans ce domaine. En Suisse romande, le mouvement
318
Quelques « communautés » de femmes ou d’hommes ce
sont
créées à la campagne. J’en connais trois en Suisse et une en Bourgogn
319
e l’ancienne abbaye de Cluny. La vie liturgique y
tient
une place sans cesse croissante. Ce sont là des signes épars, et qu’o
320
gique y tient une place sans cesse croissante. Ce
sont
là des signes épars, et qu’on n’observe pour l’instant que dans des é
321
intes. Quelle importance doit-on leur attribuer ?
Sommes
-nous en présence des germes d’une véritable renaissance liturgique, o
322
confusion de morales contradictoires, car le fait
est
que dans une même journée il nous arrive de juger tantôt au nom de la
323
ourd’hui les standards d’évaluationaf — cessent d’
être
vraiment communs, deviennent eux-mêmes indéterminés. Les termes de li
324
i la guerre éclate dans un proche avenir, on peut
être
certain que tous les pays la feront au nom de la liberté, de la justi
325
à parler des langues différentes. Notre situation
est
pire : nous prononçons tous les mêmes mots, mais en leur donnant des
326
même, signe et gage de la communauté humaine, qui
est
atteint au cœur, et qui est en train de perdre ses fonctions primordi
327
mmunauté humaine, qui est atteint au cœur, et qui
est
en train de perdre ses fonctions primordiales de mise en ordre et de
328
le problème de la communauté et celui du langage
sont
étroitement liés. À l’anarchie moderne du vocabulaire, donc des jugem
329
anarchie sémantique que je viens de définir comme
étant
à la fois signe et cause de la dissolution communautaire dont nous so
330
ci pour deux raisons principales : 1. la liturgie
est
agie par le peuple, elle appelle sa participation, son adhésion manif
331
té : la situation de l’homme qui communie devrait
être
considérée comme le vrai fondement de toute sociologie chrétienne ; 2
332
t de toute sociologie chrétienne ; 2. la liturgie
est
un langage en phrases et gestes coordonnés ; elle garantit ainsi et d
333
observer que des termes tels que grâce ou liberté
sont
définis par les théologiens et les philosophes d’une manière analytiq
334
tandis que la liturgie en fait des réflexes de l’
être
entier. Prenons une autre comparaison : on sent toute la différence q
335
paix, justice, vérité, société, bien et mal, nous
est
donné dans notre civilisation occidentale par la Bible. Et la liturgi
336
se à leur étymologie spirituelle. Car la liturgie
est
composée principalement de citations des psaumes, des évangiles et de
337
vangiles et des épîtres5 ak. Bien entendu, ce qui
est
vrai de tant de mots isolés l’est aussi d’un grand nombre d’expressio
338
entendu, ce qui est vrai de tant de mots isolés l’
est
aussi d’un grand nombre d’expressions composées, de proverbes et dict
339
gique dans le monde d’aujourd’hui, où les Églises
sont
minoriséesam. Mais ce qui me paraît hors de doute, c’est l’importance
340
voit requis le premier. Il arrive que la réaction
soit
négative, et que le visiteur se sente repoussé, estranged, par ce qui
341
ais le sentiment de respect qui donne sa raison d’
être
à la cérémonie, le fait que tous sont tournés vers la croix de l’aute
342
sa raison d’être à la cérémonie, le fait que tous
sont
tournés vers la croix de l’autel, l’attente des actes successifs, tou
343
voir raison : il renvoie la balle, il ne veut pas
être
touché ; tandis que celui qui assiste à un culte est pris dans une si
344
touché ; tandis que celui qui assiste à un culte
est
pris dans une situation existentielle, où il se sent mis en question
345
estion d’une manière plus fondamentale. Même s’il
est
en état de refus intérieur, la suspension imposée à l’expression de c
346
turgique et la plupart les paroles prononcées lui
sont
intimement connues. Et parce qu’il est familier avec ce langage, il l
347
ncées lui sont intimement connues. Et parce qu’il
est
familier avec ce langage, il lui est plus facile de distinguer ce qu’
348
parce qu’il est familier avec ce langage, il lui
est
plus facile de distinguer ce qu’il y a de vraiment spécifique dans l’
349
nie orthodoxe, romaine, anglicane ou luthérienne,
sera
tenté d’attacher une importance excessive aux vêtements, à la musique
350
or. S’il s’y arrête, c’est lui qui à ce moment-là
sera
la victime du « matérialisme », du « sensualisme » et des formes « th
351
sprit seul importe à ceux qui s’y engagent. Et il
sera
tenté de rejeter tout espoir de fraternité avec une Église qu’il n’au
352
et concrètes vers les quatre autres confessions6.
Est
-il permis d’espérer d’autre part qu’en insistant pour que la messe so
353
er d’autre part qu’en insistant pour que la messe
soit
dite en langue vivante (comme elle l’était à l’origine) les jeunes pr
354
a messe soit dite en langue vivante (comme elle l’
était
à l’origine) les jeunes prêtres romains songent également à faciliter
355
t une liturgie complète et quand la messe romaine
sera
dite en français, je ne dis pas que l’union sera faite, mais je dis q
356
sera dite en français, je ne dis pas que l’union
sera
faite, mais je dis que le peuple des Églises verra mieux que ce n’est
357
is que le peuple des Églises verra mieux que ce n’
est
pas l’usage des cierges ou quelques vêtements brodés qui séparent les
358
paroles prononcées dans les diverses Églises ; il
sera
mis en mesureau d’évaluer beaucoup plus justement ce qui nous unit et
359
eaucoup plus justement ce qui nous unit et ce qui
est
encore irréductible. Ce ne sera sans doute qu’un premier pas vers la
360
ous unit et ce qui est encore irréductible. Ce ne
sera
sans doute qu’un premier pas vers la fédération souhaitée. Et s’il es
361
premier pas vers la fédération souhaitée. Et s’il
est
bien certain qu’il ne sera pas suffisant, sa nécessité ne m’en paraît
362
tion souhaitée. Et s’il est bien certain qu’il ne
sera
pas suffisant, sa nécessité ne m’en paraît pas moins claire. Pour
363
je me fais l’avocat d’un « retour » à quoi que ce
soit
. Constater que la liturgie répond à l’exigence communautaire de notre
364
(entre chrétiens d’abord) un langage commun, ce n’
est
pas en appeler au passé, mais au contraire à une création. L’erreur d
365
eût disparu, et surtout à l’époque des puritains,
fut
justement de s’imaginer qu’ils retrouveraient la « pureté et la simpl
366
en supprimant la liturgie : or l’Église primitive
était
liturgique, nous le savons aujourd’hui. Tous les retours au passé que
367
ans cette mesure mêmeav restent imaginaires. Ce n’
est
donc point parce que les tout premiers chrétiens avaient une liturgie
368
ourir sans raison. N’oublions pas que le gothique
était
moderne au Moyen Âge. Il nous faut un culte moderne. Il nous faut un
369
nérables » textes, une liturgie jeune. Or le fait
est
que l’évolution liturgique semble presque arrêtée depuis des siècles.
370
ue arrêtée depuis des siècles. La messe romaine a
été
subitement fixée après le concile de Trente, sur un type unique, et n
371
on des rites qui caractérisaient le Moyen Âge, se
sont
prolongées quelque temps dans les Églises issues de la Réformation, p
372
glises issues de la Réformation, puis là aussi se
sont
bientôt figées, ou n’ont plus varié que dans le sens d’un appauvrisse
373
au renouveau que je signalais en débutant. Et ce
sont
peut-être les Églises les plus appauvries, les plus nues, qui vont in
374
ble dans l’innovation. Le vrai problème du siècle
est
celui de la communauté. Il est lié à celui d’un langage commun. La li
375
problème du siècle est celui de la communauté. Il
est
lié à celui d’un langage commun. La liturgie peut contribuer à recrée
376
logiques que nos liturgies tirent des épîtres ont
été
tirées elles-mêmes par les rédacteurs des épîtres des premières litur
377
ax Thurian, 1946). On y remarque que le Décalogue
est
mis en vers français, et qu’il doit être chanté, ainsi d’ailleurs que
378
Décalogue est mis en vers français, et qu’il doit
être
chanté, ainsi d’ailleurs que la plupart des prières, le Credo et les
379
anguage », Christendom, New York, vol. XII, n° 3,
été
1947, p. 290-298. Notre édition est réalisée sur la base du tapuscrit
380
l. XII, n° 3, été 1947, p. 290-298. Notre édition
est
réalisée sur la base du tapuscrit conservé à la Bibliothèque publique
381
oix le mot « standard ». ah. Le verbe « dire » a
été
barré par l’auteur et remplacé par « penser ». ai. La version améric
382
ent liturgiques. » ak. Cette note de bas de page
est
dans le corps du texte dans l’édition américaine. al. Note illisible
383
e ». au. L’auteur a barré « enfin » (« enfin, il
sera
mis en mesure… »). av. L’auteur a barré « c’est-à-dire » pour le rem
384
re » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth,
est
un homme sans biographie. « Er steht und fallt mit seiner Mission »,
385
e puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût
été
qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui est
386
gue si l’Éternel n’avait parlé par lui. Voici qui
est
digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son
387
un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui
est
vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — peuple entre tous proph
388
stère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’
est
aussi de son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai
389
n peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui
est
vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moin
390
la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’
est
pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’
391
liser et la chiffrer, c’est-à-dire, telle qu’elle
fut
déterminée par des facteurs en partie mesurables (géographiques, écon
392
end une science de cet ordre sur le destin auquel
étaient
promises les infimes tribus nomades qui constituaient, aux origines,
393
supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas
été
« élu », eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui
394
truire et à conquérir… Ainsi les annales d’Israël
sont
celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne f
395
ance imprévue et humainement imprévisible, qui ne
fut
jamais immanente aux conditions médiocres des Hébreux. Ce que nous co
396
u — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne
furent
que les instruments. Mais les instruments indociles ! Ce qui est à eu
397
truments. Mais les instruments indociles ! Ce qui
est
à eux, dans ces annales, c’est ce qui les rabat à leur destin, ce son
398
annales, c’est ce qui les rabat à leur destin, ce
sont
leurs révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès d’incroyance.
399
leurs accès d’incroyance. Et toute leur grandeur
est
à Dieu, c’est-à-dire à la vocation qui les arrache, malgré eux, à ce
400
ut jusqu’à ce que Dieu l’élise. Désormais sa voie
est
fixée, mais ce n’est plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va
401
u l’élise. Désormais sa voie est fixée, mais ce n’
est
plus sa « propre » voie. Il vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est
402
duit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière),
est
transcendant et mystérieux comme Dieu, unique en son essence, comme D
403
courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’
est
en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. I
404
es douze tribus. Car un but invisible aux mortels
est
une menace et une angoisse, au moins autant qu’une promesse. Une mena
405
it quel futur. Et une angoisse contre laquelle il
est
fatal que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et
406
ette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir,
sont
symbolisés au concret par les statues des idoles étrangères — car c’e
407
de son alliance. La mesureax Dans l’Arche
sont
les Tables de la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qu
408
Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi
est
la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à la fois l’origine et
409
fois l’origine et la fin du peuple en tant qu’il
est
un « nouveau » peuple, élu par Dieu et « mis à part »8. C’est à elle
410
n seulement tout geste, mais toute pensée. Rien n’
est
plus neutre ou laissé au hasard, tout est « mesuré » et jugé dans la
411
Rien n’est plus neutre ou laissé au hasard, tout
est
« mesuré » et jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la
412
s se distingue de toutes les autres en ce qu’elle
est
une vocation adressée par un Dieu personnel, unique, éternel, transce
413
personnel, unique, éternel, transcendant. Elle n’
est
pas le produit normal d’une évolution historique fécondée et cristall
414
tallisée par l’intervention d’un grand chef. Elle
est
donc plus « totalitaire » que toute mesure humainement concevable, pu
415
e « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’elle
est
la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscienc
416
Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu
est
l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce
417
loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi
est
la conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de
418
science finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle
est
la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle
419
e le symbole de l’unité du peuple, mais son usage
est
interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivi
420
pendant les guerres civiles : c’est que la mesure
est
indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtre
421
viles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu
est
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller
422
mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi
est
sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et
423
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres
sont
là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs » viennent à trahi
424
connu, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent
est
un Dieu qui se nomme « jaloux », les Prophètes se lèvent contre eux e
425
où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’
est
pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d’obéissance, et imagination
426
tout ce qui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui
est
refus d’obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui
427
action ou pensée, si belle ou si féconde qu’elle
soit
, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple élu.
428
i belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse
être
consacrée au ministère sacerdotal du peuple élu. Idole, tout ce qui n
429
re sacerdotal du peuple élu. Idole, tout ce qui n’
est
pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Mais l
430
e » d’une législation divine, mais dont l’homme s’
est
emparé, et dont il fait sa chose, oubliant son Auteur. C’est alors qu
431
eur (Moïse), écrit-il dans sa Réponse à Appion, a
été
le seul dont les actions et les paroles ont été conformes. » Car il n
432
a été le seul dont les actions et les paroles ont
été
conformes. » Car il n’a pas seulement formulé des lois justes, complè
433
t très détaillées, mais il a veillé à ce qu’elles
fussent
connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable
434
i nous une admirable conformité, parce que rien n’
est
si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêm
435
les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’
être
élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; c
436
se dans le monde. Nos femmes et nos serviteurs en
sont
persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règles de
437
foisonnement et la diversité, et toute mesure ne
serait
à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui, la richesse est notre
438
qu’une occasion de dépassement… Oui, la richesse
est
notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret de l’expansion, mais
439
, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui
est
la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouve posé à toute
440
sation, et d’une manière très urgente à la nôtre,
est
assez clairement défini par la comparaison que l’on peut faire de not
441
e devient en effet la culture, dans un monde où n’
est
tolérée que « la seule chose nécessaire ? » L’homme qui a une vocati
442
hose nécessaire ? » L’homme qui a une vocation n’
est
pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’avenir religieu
443
s son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’il
était
tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une s
444
la justice à l’ancienne manière ne devait jamais
être
sacrifiée.12 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assim
445
évolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël
sera
pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de s
446
ra pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté
sera
la condition de sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui combl
447
reté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui
est
grand, c’est ce qui comble la mesure, et non pas ce qui la dépasse. C
448
ble la mesure, et non pas ce qui la dépasse. Ce n’
est
pas la richesse, mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-m
449
Ce n’est pas la richesse, mais la fidélité. Ce ne
sont
pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est
450
est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant
est
une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’es
451
a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? —
est
ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
452
tique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien
sera
grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans
453
ident chrétien sera grande dans la mesure où elle
sera
biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux t
454
dans la mesure où la synthèse des deux traditions
sera
dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands discours prophétiqu
455
on et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui
est
agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par
456
mage taillée, ni de représentation des choses qui
sont
en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans les eaux plus ba
457
ence purement technique : la sagesse de Salomon n’
est
pas une connaissance des « causes » mais bien des « signatures » natu
458
, fictions écrites, science, industrie, tout cela
est
sacrifié à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’une vocati
459
spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement
sont
les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’
460
res, l’on voit que la culture la plus pauvre, qui
fut
celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprême
461
e la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu,
fut
aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, no
462
us point étudier à inventer des choses nouvelles,
soit
dans les arts, ou dans le langage, au lieu que les autres peuples mér
463
ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont
été
parfaitement bien établies, puisqu’il n’y a que celles qui n’ont pas
464
a que celles qui n’ont pas cet avantage que l’on
soit
obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en
465
uts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
soit
Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, pourrions-no
466
ver très religieusement ? Et quelle conduite peut
être
plus juste, plus excellente et plus sainte, que celle dont ce souvera
467
que celle dont ce souverain Monarque de l’univers
est
l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être plus parfaite q
468
l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc
être
plus parfaite que la nôtre, et quels plus grands honneurs peut-on ren
469
ands honneurs peut-on rendre à Dieu, puisque nous
sommes
toujours préparés à nous acquitter du culte que nous lui devons ; que
470
ulte que nous lui devons ; que nos Sacrificateurs
sont
établis pour veiller sans cesse à ce qu’il ne se fasse rien qui y soi
471
ller sans cesse à ce qu’il ne se fasse rien qui y
soit
contraire, et que toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’u
472
ien qui y soit contraire, et que toutes choses ne
sont
pas mieux réglées le jour d’une fête solennelle, qu’elles le sont tou
473
églées le jour d’une fête solennelle, qu’elles le
sont
toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout était suspendu à la
474
toujours parmi nous ? Chute d’Israël Tout
était
suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue à la promesse messia
475
ute d’Israël Tout était suspendu à la Loi, qui
était
elle-même suspendue à la promesse messianique donnée par Dieu dès les
476
temps primitifs14. Mais cette promesse, enfin, s’
est
incarnée. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cet
477
ir. » (Héb. 10, 1), pour repousser le Christ, qui
était
« l’esprit » et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « a
478
et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi
est
« accomplie » comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’une
479
e » comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’
est
d’une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu —
480
uble manière : parce qu’elle a abouti — le Messie
est
venu — et parce qu’elle a perdu son sens en condamnant celui qu’elle
481
re, fondant ainsi un nouvel Israël. Bien plus, il
est
lui-même cette mesure, cette Alliance, et ce sont ceux qui adorent en
482
est lui-même cette mesure, cette Alliance, et ce
sont
ceux qui adorent encore l’ancienne Loi, « déclarée vieillie », qui so
483
encore l’ancienne Loi, « déclarée vieillie », qui
sont
maintenant les idolâtres. Voilà pourquoi le peuple juif, qui n’a pas
484
uvelle mesure, c’est-à-dire la Nouvelle Alliance,
est
aujourd’hui le peuple sans mesure, sans limites et sans foyer. Sans e
485
l, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s’
était
nourrie toute la tradition judaïque. C’est précisément ce sens de la
486
acent aujourd’hui de la détruire16. Il ne saurait
être
question de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments c
487
de « l’école du dimanche », tout jeune protestant
est
nourri aux sources mêmes du judaïsme préchrétien. C’est là sa Fable,
488
ne Samuel appelé trois fois par Jéhovah, — que ce
soit
histoire ou légende, ces personnages lui sont incomparablement plus f
489
ce soit histoire ou légende, ces personnages lui
sont
incomparablement plus familiers que les métamorphoses des dieux païen
490
Si bien qu’on a pu dire17 que l’Ancien Testament
était
la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a b
491
Le thème de la vocation et le thème du peuple élu
sont
de ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituell
492
éformé.ay Le simple fait que le calvinisme ait
été
dès le début une Église minoritaire, en butte à la persécution, ne su
493
ciale adoptées par les deux « nations »18. Ce qui
est
déterminant pour cette analogie, ce qui lui donne son seul sens accep
494
ux cas, la persécution et l’isolement minoritaire
sont
considérés comme « normaux » : ils expriment le destin spirituel, dan
495
un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’
est
« choisis » pour témoins, en tant que collectivité, peuple ou Église.
496
de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’
être
l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calvinistes, d
497
nt pas », au nom et par la charge du Seigneur qui
est
venu, et qui doit revenir. Telle est sans doute la racine authentique
498
Seigneur qui est venu, et qui doit revenir. Telle
est
sans doute la racine authentique du puritanisme qui apparaît dans le
499
iques. Mais Sombart lui répond que le capitalisme
est
plus ancien, et qu’il est d’origine judaïque19. Ce n’est pas ici le l
500
pond que le capitalisme est plus ancien, et qu’il
est
d’origine judaïque19. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre
501
s ancien, et qu’il est d’origine judaïque19. Ce n’
est
pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phé
502
es mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il
est
curieux de noter que le parallélisme peut être le mieux constaté dans
503
Il est curieux de noter que le parallélisme peut
être
le mieux constaté dans les déviations qualifiées par lesquelles le sp
504
ns leur race par des siècles d’attente du Messie,
sont
les plus susceptibles de déformer leur propre force.az De même, l’asc
505
x tentations du succès immédiat et contrôlable, s’
est
transformé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance a
506
taine, et transformant en tyrannie absurde ce qui
était
à l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à s
507
de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin
est
centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » ou de l’Égli
508
elle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui
était
le peuple élu, a trahi sa mission et s’est livré à son destin. Sa dis
509
qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s’
est
livré à son destin. Sa dispersion en est le châtiment. Serait-il donc
510
ion et s’est livré à son destin. Sa dispersion en
est
le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que
511
à son destin. Sa dispersion en est le châtiment.
Serait
-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la
512
sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit,
soit
qu’il rejette ses ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d
513
lui qui la trahit, soit qu’il rejette ses ordres,
soit
qu’il la prenne pour idole, refusant d’en reconnaître la vraie fin lo
514
la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ?
Est
-il rejeté à tout jamais ? Une vocation est-elle donc « amissible » ?
515
rnée ? Est-il rejeté à tout jamais ? Une vocation
est
-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable
516
est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme
serait
-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédesti
517
avant sa naissance et ses œuvres ? Ce problème n’
est
pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui just
518
doute ce texte illumine aussi profondément qu’il
est
possible le mystère dernier d’Israël. « Je demande maintenant : Dieu
519
ieu a-t-il rejeté son peuple ? Non certes, car je
suis
moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjami
520
he : mais les élus l’ont obtenu et les autres ont
été
endurcis » (v. 7). Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d
521
ite de la faute des enfants d’Israël que le salut
est
parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre émulation » (v. 11). E
522
p de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël
est
tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des païens so
523
urcissement jusqu’à ce que la totalité des païens
soit
entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël sera sauvé » (v. 25-26)
524
oit entrée (dans l’Église) ; et ainsi tout Israël
sera
sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocab
525
» (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu
sont
irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà une parole
526
l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc
est
verbum praeclarum ! Voilà une parole admirable, s’écrie Luther, à pro
527
». Ainsi la vocation, du moins cette vocation20 —
est
réellement inamissible, c’est-à-dire ne peut être perdue, même si cel
528
est réellement inamissible, c’est-à-dire ne peut
être
perdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses for
529
-à-dire ne peut être perdue, même si celui qui en
est
l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trou
530
peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils
seront
entrés dedans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur ré
531
à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs
tiendront
le premier lieu, comme étant les enfants aînés en la maison de Dieu.
532
is que les Juifs tiendront le premier lieu, comme
étant
les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II,
533
le respect religieux qu’on lui porte. Peut-être n’
est
-il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret d
534
ore pour l’antisémitisme des hitlériens, qui n’en
serait
en tout cas que le plus impur exemple. Il reste que la chrétienté non
535
r Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’
est
pas au nom d’intérêts passagers que nous avons à prendre position, ma
536
les thèses des politiques nationalistes. Le drame
est
bien plus vaste que ne peuvent le concevoir nos polémiques. Et son is
537
de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs
sont
ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc.
538
ux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs
sont
cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens
539
les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se
sont
emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le cr
540
8. Il faut bien voir que le « racisme » juif n’
est
justifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il
541
ue par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’
est
pas du tout biologique. Il ne le devient qu’accessoirement, à mesure
542
lles-mêmes. Mais sans doute ce glissement fatal s’
est
-il dessiné dès le début, à mesure que l’on codifiait les relations de
543
entils ». On sait à quel point cette codification
fut
poussée. L’historien juif Josèphe écrit dans sa Réponse à Appion (I,
544
’est-à-dire appartenant aux familles des prêtres)
était
tenu par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient
545
-dire appartenant aux familles des prêtres) était
tenu
par les sacrificateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient été
546
cateurs. « Et ils n’en épousaient point qui aient
été
captives, de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étran
547
et ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui
soit
plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » [Note de l’
548
n américaine supprime la fin de cette note : « Il
est
curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous d
549
igines : c’est que l’exercice des droits civiques
est
bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénis
550
rdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’
est
pas le seul motif de la législation raciste. » 9. Sur l’importance c
551
l à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je
suis
heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas s
552
mon livre. 10. La rédaction des livres mosaïques
est
attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prop
553
on école à des disciples des grands prophètes. Ce
serait
donc le prophétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la r
554
ue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette hypothèse
est
aujourd’hui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hé
555
peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes
seraient
alors ceux qui rappellent le peuple au culte du vrai Dieu — contre le
556
imples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste,
est
quelque chose de surprenant. L’image physique qui, dans les langues s
557
’image physique qui, dans les langues sémitiques,
est
encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op
558
as d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui
est
son centre, au-delà d’elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid am
559
er, 1934, p. 43. 16. Sitôt que la mesure cesse d’
être
transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’étant
560
, devient humaine, contingente et partielle, et n’
étant
plus totale, se veut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de
561
e de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il
serait
absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanatio
562
absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’
est
que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 17. Cf. Ram
563
lliance la postérité d’Abraham : vu que le propos
était
nommément et spécialement d’icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom
564
exte original de 1937, les deux dernières phrases
sont
ici traduites directement depuis l’édition américaine.
565
7. Théologie et littératureba 1. Il faut
tenir
la théologie chrétienne pour la mère de la pensée occidentale, de mêm
566
occidentale, de même que l’Église, par son culte,
est
la mère de presque tous nos arts. La musique est née dans le chœur de
567
est la mère de presque tous nos arts. La musique
est
née dans le chœur des églises et des chapelles de couvents. La peintu
568
elles de couvents. La peinture et la sculpture se
sont
constituées sur les autels, dans les nefs, et autour des architecture
569
tures sacrées. Nos premiers rythmes poétiques ont
été
propagés par le latin d’Église. Et ce n’est point que tous ces arts c
570
s ont été propagés par le latin d’Église. Et ce n’
est
point que tous ces arts classiques ne soient sortis de l’enceinte ecc
571
Et ce n’est point que tous ces arts classiques ne
soient
sortis de l’enceinte ecclésiastique dès le déclin du Moyen Âge, mais
572
iastique dès le déclin du Moyen Âge, mais il n’en
est
aucun dont l’esprit et l’histoire ne manifestent à chaque instant l’i
573
e nos disciplines de pensée et la théologie, pour
être
moins généralement reconnu, n’en est pas moins étroit ni moins fécond
574
logie, pour être moins généralement reconnu, n’en
est
pas moins étroit ni moins fécond à observer.bb 2. Depuis les temps o
575
erver.bb 2. Depuis les temps où la philosophie n’
était
que la servante de la théologie, ses efforts d’émancipation les plus
576
ccès, n’ont pu que confirmer une dépendance qui n’
est
certes plus de droit, mais n’en demeure pas moins de fait et de natur
577
élienne. De nos jours, le vocabulaire technique s’
est
transformé, les références aux dogmes ont disparu, l’appareil logique
578
rapports entre la théologie et la littérature ne
sont
pas aussi clairs, ni aussi facilement définissables et contrôlables.
579
ussi facilement définissables et contrôlables. Il
est
vrai que certaines influences directes, attestées par les écrivains e
580
paraît pas que le problème dans son ensemble ait
été
clairement posé ou étudié, ni par les docteurs de l’Église, ni par le
581
iproque dans laquelle théologiens et écrivains se
sont
installés pour la plupart, est-elle vraiment sans conséquence pour le
582
s et écrivains se sont installés pour la plupart,
est
-elle vraiment sans conséquence pour les uns et les autres, et pour l’
583
ns et les autres, et pour l’élite en général ? Il
est
clair que la théologie n’a pas besoin de la littérature et peut s’en
584
e critiquer le dogme chrétien dans l’Église, elle
est
en droit de laisser à d’autres le soin d’appliquer ses critères hors
585
’appliquer ses critères hors de l’Église. Mais il
est
beaucoup moins évident que la littérature puisse se passer impunément
586
uisse se passer impunément de la théologie. Et il
est
bien certain que lorsqu’elle s’en passe, les effets s’en font sentir
587
qu’elles envisagent, les valeurs morales qu’elles
tiennent
pour allant de soi, tout est devenu trop différent, et presque sans c
588
orales qu’elles tiennent pour allant de soi, tout
est
devenu trop différent, et presque sans commune mesure. À qui la faute
589
ns commune mesure. À qui la faute ? 4. Certes, je
suis
le premier à redouter que les théologiens se mettent à faire de la cr
590
et à faire oublier leur « spécialité ». Mon idée
serait
bien plutôt d’exiger des critiques littéraires un minimum de connaiss
591
se montrent cruellement dépourvus. Et de même, je
suis
le premier à protester contre ces citations d’auteurs à la mode — ou
592
ernes ont coutume « d’orner » leurs sermons. Ce n’
est
pas la littérature qui doit prêter secours à la Parole de Dieu, mais
593
e homme. Ceci dit, j’en reviens à mon propos, qui
était
de soulever une question, et de suggérer pour son étude quelques hypo
594
hypothèses de travail. 5. L’ignorance générale où
sont
les écrivains modernes des rudiments de la théologie a pour conséquen
595
de n’avoir point connu l’existence de traditions
soit
orthodoxes soit hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont à gra
596
t connu l’existence de traditions soit orthodoxes
soit
hérétiques, c’est le cas le plus fréquent, dont à grands frais ils re
597
montrer comment les troubadours, dont la doctrine
fut
reprise par les auteurs du Tristan, d’où sont issus presque tous nos
598
rine fut reprise par les auteurs du Tristan, d’où
sont
issus presque tous nos romans, étaient nourris de l’hérésie manichéen
599
Tristan, d’où sont issus presque tous nos romans,
étaient
nourris de l’hérésie manichéenne, et l’ont ainsi fait vivre jusqu’à n
600
bras au ciel, ou pointer le doigt du moraliste, n’
est
pas faire acte de charité à l’égard des efforts de l’avant-garde, d’a
601
ecours ? Va-t-on lui tourner le dos parce qu’elle
est
tapageuse, scandaleuse et d’une conduite peu régulière, la confirmant
602
confirmant ainsi dans sa persuasion que l’Église
est
bonne pour les petits bourgeois, n’a rien à dire aux esprits libres e
603
e leur donnait rien. Exemple : Kierkegaard. Il ne
fut
pas un théologien au sens strict, mais toute son œuvre manifeste une
604
s deux Amériques. Notons que si cette influence s’
est
montrée décisive dans beaucoup de conversions, elle n’a pas eu pour e
605
adhésion des convertis à une Église déterminée. N’
est
-ce point là le signe d’une incompatibilité inquiétante entre l’élite
606
traitent de sujets religieux. Ici encore, « ce ne
sont
pas ceux qui disent : Seigneur ! Seigneur !… mais ceux qui font la vo
607
ieux. Faire la volonté de Dieu, en écrivant, ce n’
est
pas simplement parler de Dieu et de sa volonté, ni même en parler ave
608
d’ouvrages religieux dont le style journalistique
est
incompatible avec aucune espèce de réalité spirituelle. L’auteur ne c
609
’est que toute œuvre littéraire, si profane qu’en
soit
le sujet, implique une théologie (fût-ce à l’insu de son auteur), et
610
fane qu’en soit le sujet, implique une théologie (
fût
-ce à l’insu de son auteur), et qu’elle l’exprime par les mouvements m
611
par son argumentation. Expliciter cette théologie
serait
rendre un service important aux auteurs non moins qu’au public. Ces
612
le texte paru en volume. bb. La dernière phrase
est
absente de l’édition américaine.
613
prit humain ». Je n’aurais pas répondu, s’il ne s’
était
agi d’une journée d’étude « œcuménique », groupant avec des artistes
614
doxes. Il m’a semblé que ce titre, dès lors qu’il
était
proposé par des chrétiens précisément, et non par de vagues humaniste
615
ur moi, cela sonne faux. L’art avec une majuscule
est
une de ces allégories officielles que nous avons héritées du xixe si
616
les discours d’inauguration. L’Art avec majuscule
est
quelque chose d’idéal, de distingué, qui est vaguement en rapport ave
617
cule est quelque chose d’idéal, de distingué, qui
est
vaguement en rapport avec l’Infini, qui ne sert à rien, qui est respe
618
en rapport avec l’Infini, qui ne sert à rien, qui
est
respectable, qui intéresse les femmes plus que les hommes, qui est l’
619
qui intéresse les femmes plus que les hommes, qui
est
l’affaire de certains spécialistes, qui permet de fuir pendant quelqu
620
emporains se font de la religion chrétienne. Ce n’
est
pas sérieux si l’on admet avec Talleyrand que « tout ce qui est exagé
621
x si l’on admet avec Talleyrand que « tout ce qui
est
exagéré manque de sérieux ». Aucun artiste sérieux ne dit qu’il fait
622
olicier soupçonneux. D’autre part, le mot « art »
est
un terme commode, qui désigne l’ensemble des activités artistiques et
623
agération romantique, ou d’un terme générique, il
est
évident que l’art, avec ou sans majuscule, ne peut pas avoir de missi
624
sur l’adjectif « créatrice », dans le titre qui m’
est
proposé. L’emploi du verbe « créer » en relation avec l’activité huma
625
rbe « créer » en relation avec l’activité humaine
est
, je crois, plutôt récent. Cette manière de parler de l’acte humain en
626
nce au Dieu créateur dans l’époque moderne. Je ne
suis
pas sûr du tout que l’homme soit capable de créer, au vrai sens de ce
627
e moderne. Je ne suis pas sûr du tout que l’homme
soit
capable de créer, au vrai sens de ce terme, c’est-à-dire de produire
628
n nomme couramment aujourd’hui une « création » n’
est
en réalité qu’un arrangement un peu différent d’éléments connus, selo
629
—, nous chercherons à savoir, aujourd’hui, quelle
est
la mission — s’ils en ont une — des hommes qui composent des livres,
630
jardins, des poèmes. Et surtout d’abord : quelle
est
la nature de leur activité, et quelles sont ses fins. Nature de l’a
631
quelle est la nature de leur activité, et quelles
sont
ses fins. Nature de l’activité artistique Toutes sortes de gens
632
d’un tableau, d’une statue. Les produits de l’art
sont
un luxe, et les autres produits sont des nécessités. Toute notre éduc
633
its de l’art sont un luxe, et les autres produits
sont
des nécessités. Toute notre éducation nous porte à croire cela, et s’
634
t sa fin en soi, et ne servirait donc à rien qu’à
être
contemplé — traduisons : honoré d’un coup d’œil en passant à la salle
635
part, ou de gratuité, d’inutilité, d’autre part,
sont
inconsistants, et absolument superficiels. Ils ne nous apprennent rie
636
de bois, sculpté ou peint d’une certaine manière,
sont
infiniment plus « utiles » que pour nous un rasoir électrique. Ces ob
637
» que pour nous un rasoir électrique. Ces objets
sont
tenus pour éminemment utiles, parce qu’ils détiennent une puissance,
638
e pour nous un rasoir électrique. Ces objets sont
tenus
pour éminemment utiles, parce qu’ils détiennent une puissance, une ve
639
une vertu exaltante ou terrifiante, un sens ; ils
sont
pris au sérieux par les peuples qui croient que le sens de la vie, la
640
e de la mort, l’angoisse devant le pouvoir sacré,
sont
des choses sérieuses, tandis que nous considérons comme sérieux, donc
641
vers quel but. Le fait que même en théorie, nous
tenons
l’œuvre d’art pour dépourvue d’utilité directe, ce fait prouve simple
642
ne espèce de préjugé. D’où l’on pourrait déduire,
soit
dit en passant, la vanité totale des tentatives actuelles pour vulgar
643
e critère d’utilité ou de manque d’utilité, comme
étant
trop relatif, mobile, et sujet à changer de signe selon l’état religi
644
autre produit de l’action humaine, l’œuvre d’art
est
un objet dont la raison d’être nécessaire et suffisante, est de signi
645
aine, l’œuvre d’art est un objet dont la raison d’
être
nécessaire et suffisante, est de signifier. Qu’elle consiste en une s
646
t dont la raison d’être nécessaire et suffisante,
est
de signifier. Qu’elle consiste en une structure de sons, de formes, o
647
prendre au piège, — et en même temps d’orienter l’
être
vers quelque chose qui transcende les sons et les formes, ou les mots
648
lés. C’est un piège, mais un piège orienté. Et il
est
vrai qu’une équation est un objet qui n’a d’autre fonction que de sig
649
un piège orienté. Et il est vrai qu’une équation
est
un objet qui n’a d’autre fonction que de signifier. Cependant sa stru
650
analysable, réductible à ses éléments qui peuvent
être
groupés d’autres manières — comme le prouve le signe égal — sans dest
651
al — sans destruction de signification ; ce qui n’
est
pas le cas de l’œuvre d’art. Mais si, cherchant quelle est la nature
652
e cas de l’œuvre d’art. Mais si, cherchant quelle
est
la nature de l’œuvre d’art, je la définis comme un piège à méditation
653
tion, on voit que la connaissance de cette nature
est
liée à celle de son but : un piège est fait pour prendre quelque chos
654
tte nature est liée à celle de son but : un piège
est
fait pour prendre quelque chose. Dans l’œuvre d’art, nature et but, e
655
ans l’œuvre d’art, nature et but, essence et fin,
sont
inséparables. Il s’agit d’une seule et même fonction, qui est de sign
656
bles. Il s’agit d’une seule et même fonction, qui
est
de signifier quelque chose par des moyens sensibles. But de l’acti
657
Celles-ci veulent, en effet, que le but de l’art
soit
la beauté, et que la fonction propre à l’artiste soit « de créer de l
658
la beauté, et que la fonction propre à l’artiste
soit
« de créer de la beauté », comme on dit. J’avouerai que je n’en suis
659
la beauté », comme on dit. J’avouerai que je n’en
suis
pas sûr. Et je vous proposerai, sur ce point, trois remarques, d’impo
660
d’importance très inégale d’ailleurs. La première
est
une simple constatation de fait, que je verse au débat sans juger. Le
661
. Les principaux artistes de notre époque, que ce
soit
Picasso ou Braque, Joyce ou Kafka, Stravinsky, T. S. Eliot ou André B
662
et refuseraient sans doute de dire que la beauté
est
le but de leurs ouvrages. Que ce soit beau ou laid, charmant ou atroc
663
ue la beauté est le but de leurs ouvrages. Que ce
soit
beau ou laid, charmant ou atroce pour les sens et l’esprit, peu leur
664
les sens et l’esprit, peu leur importe : leur but
est
d’exprimer, de décrire des réalités, à tout prix, et même au prix de
665
re à faire beau, ou flatteur. Ma seconde remarque
est
de nature beaucoup plus grave. Il me semble que la beauté n’est pas u
666
beaucoup plus grave. Il me semble que la beauté n’
est
pas une notion ni un terne biblique. La Bible nous parle de vérité, d
667
ou point de beauté. Elle ne nous dit pas que Dieu
est
beauté, nais que Dieu est amour. Le Christ ne dit pas non plus qu’il
668
e nous dit pas que Dieu est beauté, nais que Dieu
est
amour. Le Christ ne dit pas non plus qu’il est la beauté, mais qu’il
669
eu est amour. Le Christ ne dit pas non plus qu’il
est
la beauté, mais qu’il est le chemin, la vérité et la vie. Ce chemin n
670
dit pas non plus qu’il est la beauté, mais qu’il
est
le chemin, la vérité et la vie. Ce chemin n’est pas beau, mais rocail
671
l est le chemin, la vérité et la vie. Ce chemin n’
est
pas beau, mais rocailleux, et douloureux. Cette vérité n’est pas bell
672
u, mais rocailleux, et douloureux. Cette vérité n’
est
pas belle, mais libératrice. Cette vie ne s’épanouit pas en belles ha
673
une « lacune terrible » ? Lacune que l’idéal grec
serait
venu combler, en s’amalgamant à la tradition chrétienne — quitte à s’
674
traire se demander si notre notion de la beauté n’
est
pas sujette à de sérieuses révisions ? Enfin, ma troisième remarque,
675
variées, telles qu’un paysage ou un bâtiment, un
être
humain ou une œuvre d’art, un avion, un exploit sportif, un fruit, un
676
e qu’elle a d’hétéroclite, montre que la beauté n’
est
pas un caractère spécifique de l’œuvre d’art. N’importe quoi peut êtr
677
spécifique de l’œuvre d’art. N’importe quoi peut
être
décrit comme beau. C’est une qualification subjective, un terme commo
678
ague, une exclamation. Si je m’écrie qu’une œuvre
est
belle, il est facile de voir que cette « beauté » que je lui attribue
679
amation. Si je m’écrie qu’une œuvre est belle, il
est
facile de voir que cette « beauté » que je lui attribue se résout à l
680
e : comme c’est bien fait ! comme les proportions
sont
justes ! comme on se sent plus libre, ou plus fort d’avoir vu cela !
681
Faire l’économie du concept grec de beauté, ce n’
est
donc pas renier l’art. Constater que la Bible ne parle guère de beaut
682
tater que la Bible ne parle guère de beauté, ce n’
est
pas dire un seul instant que la Bible exclut l’art ; et de même, cons
683
é en soi et d’abord, ne signifie nullement qu’ils
sont
de mauvais artistes, bien au contraire, tout cela revient à dire que
684
au contraire, tout cela revient à dire que l’art
est
autre chose qu’une recherche de la beauté, et que celui qui fait une
685
que l’artiste arrive à signifier n’a nul besoin d’
être
connu par lui préalablement à l’œuvre. Il n’y a pas d’abord un certai
686
duction ou d’abstraction. Mais en réalité le sens
est
lié à chaque détail comme au tout de l’œuvre — si elle est bonne — et
687
chaque détail comme au tout de l’œuvre — si elle
est
bonne — et il n’existe vraiment qu’en elle. S’il avait pu être exprim
688
et il n’existe vraiment qu’en elle. S’il avait pu
être
exprimé par d’autres moyens, l’œuvre perdrait sa raison d’être. On qu
689
par d’autres moyens, l’œuvre perdrait sa raison d’
être
. On qualifiera donc de grande œuvre celle qui commande le plus impéri
690
ons et de peuples. L’expression courante : « j’ai
été
pris par cette œuvre » est tout à fait exacte et révélatrice, à cet é
691
sion courante : « j’ai été pris par cette œuvre »
est
tout à fait exacte et révélatrice, à cet égard. Mission de l’artis
692
, à cet égard. Mission de l’artiste Si tels
sont
bien la nature et le but de l’œuvre d’art, nous pouvons nous demander
693
e remplit bien sa mission 1. dans la mesure où il
est
bon artisan, et 2. dans la mesure où ses ouvrages signifient d’une ma
694
est Fargue ou Valéry qui a écrit : « Le bourgeois
est
celui qui croit qu’il y a au monde quelque chose de plus important qu
695
’une convention. » Citons encore Baudelaire : Il
est
évident que les rhétoriques et les prosodies ne sont pas des tyrannie
696
t évident que les rhétoriques et les prosodies ne
sont
pas des tyrannies inventées arbitrairement, mais une collection de rè
697
de règles réclamées par l’organisation même de l’
être
spirituel et jamais les prosodies et les rhétoriques n’ont empêché l’
698
ir qu’elles ont aidé l’éclosion de l’originalité,
serait
infiniment plus vrai. La sincérité n’a guère de sens en art. Elle n’
699
s’agit du métier de l’artiste, puisque ce métier
est
, par définition, artifices. Les modernes ont commis sur ce point une
700
xprimer quelque chose au moyen d’une œuvre d’art,
est
absolument incapable d’exprimer ce qu’il veut s’il n’a pas maîtrisé d
701
pas seulement dans les milieux chrétiens —, qu’il
est
impossible de « délivrer un message » (comme on le dit encore) tant q
702
essage » (comme on le dit encore) tant qu’on ne s’
est
pas rendu maître de ses moyens d’expression au point de pouvoir les a
703
lier que ce qu’on perçoit, dans l’œuvre d’art, ce
sont
d’abord les moyens — les mots, les couleurs ou les formes, les sons e
704
es du jeu et si on les applique avec soin, l’on n’
est
jamais sûr de gagner, — en d’autres termes : l’artiste n’est jamais s
705
sûr de gagner, — en d’autres termes : l’artiste n’
est
jamais sûr que le public perçoit vraiment ce qu’il a voulu dire — mai
706
’y a pas de drame, c’est que l’un des deux termes
est
fortement déficient, ou même absent. Dans ce cas, il n’y a donc pas d
707
sans art, justement. Ou encore : si les moyens ne
sont
pas mis en question (ou à la question) par une signification très exi
708
tre part, la signification que l’on veut exprimer
est
trop intense et impérieuse pour les moyens dont on dispose, on tomber
709
ème condition, la signification ou le message. Je
serai
bref sur ce point et me bornerai à quelques formules. Je pense qu’un
710
r davantage. Une seule remarque sur ce point : il
est
évident qu’une œuvre d’art classique, une œuvre de Bach, par exemple,
711
is eu et ne peut pas avoir un autre objet. Telles
étant
les deux conditions qu’un artiste doit remplir pour être égal à sa mi
712
s deux conditions qu’un artiste doit remplir pour
être
égal à sa mission, il devient clair que la critique, l’évaluation des
713
ar ces moyens. C’est dire que la critique devrait
être
à la fois technique d’une part, et d’autre part métaphysique ou éthiq
714
, mais aussi les théologiens. Ils diront que ce n’
est
pas leur affaire, qu’ils ont à s’occuper des dogmes de l’Église. J’en
715
que je ne dis pas que cette critique théologique
serait
nécessairement l’affaire des théologiens. Ils y sont souvent mal prép
716
t nécessairement l’affaire des théologiens. Ils y
sont
souvent mal préparés par une tournure d’esprit forcément didactique —
717
urnure d’esprit forcément didactique — la plupart
sont
chargés de quelque enseignement — et dans le cas particulier, il s’ag
718
la critique d’art — et tout artiste peu ou prou,
est
de ce nombre — fassent un effort pour dépasser le stade de totale inc
719
canon des arts, mais un thème de méditation, qui
serait
peut-être de nature à soutenir, et à mieux motiver les jugements qu’o
720
e dans ses œuvres certaines réalités, et 3. qu’il
est
inspiré. Je le répète, ces trois verbes sont absurdes, et méritent la
721
qu’il est inspiré. Je le répète, ces trois verbes
sont
absurdes, et méritent la plus juste sévérité de la part des théologie
722
. Si l’on a pu dire de l’artiste qu’il crée, ce n’
est
pas seulement par l’effet d’une surestimation prométhéenne ou lucifér
723
avec ce qu’il a compris du monde et avec ce qu’il
est
intérieurement, un ouvrage extérieur à lui-même, l’homme imite symbol
724
ue cet ouvrage humain ajoute au monde quoi que ce
soit
qui n’y était pas. L’homme ne peut que ré-arranger ce que Dieu a créé
725
e humain ajoute au monde quoi que ce soit qui n’y
était
pas. L’homme ne peut que ré-arranger ce que Dieu a créé ex nihilo. Ma
726
ment l’aime-t-il ? En quoi cet objet de Son amour
est
-il distinct de Lui, et de quelle autonomie jouit-il ? Ces questions e
727
œuvre d’art tend à signifier quelque chose qui ne
serait
pas perceptible autrement. Ne disons pas qu’il incarne une réalité, p
728
? Il se passe que l’expression peut voiler ce qui
est
exprimé, tout en le manifestant à nos sens. Car ce qui est exprimé n’
729
mé, tout en le manifestant à nos sens. Car ce qui
est
exprimé n’est pas séparable des moyens de l’expression, ou ne l’est q
730
manifestant à nos sens. Car ce qui est exprimé n’
est
pas séparable des moyens de l’expression, ou ne l’est que par abus. C
731
pas séparable des moyens de l’expression, ou ne l’
est
que par abus. Ce qui montre est, en même temps, ce qui cache. Le sens
732
pression, ou ne l’est que par abus. Ce qui montre
est
, en même temps, ce qui cache. Le sens d’un tableau, par exemple, n’es
733
e qui cache. Le sens d’un tableau, par exemple, n’
est
pas distinct des couleurs, des formes, des proportions, du style par
734
tion de son mystère. En troisième lieu, l’artiste
est
qualifié couramment d’inspiré. Les adversaires les plus déterminés du
735
é que l’impulsion primitive d’un ouvrage d’art ne
soit
un « don des dieux » — un seul vers, par exemple, ou la vision d’une
736
nt les opérations de la technique. L’inspiration,
soit
qu’elle agisse à chaque instant, soit qu’elle n’intervienne qu’au dép
737
nspiration, soit qu’elle agisse à chaque instant,
soit
qu’elle n’intervienne qu’au départ, et dans un seul instant, est un f
738
ntervienne qu’au départ, et dans un seul instant,
est
un fait d’expérience indéniable. Mais d’où vient-elle ? Ce que Paul V
739
y appelle « les dieux », sans se compromettre, ce
sera
pour certains le Saint-Esprit, et pour d’autres un message de l’incon
740
lus consciemment encore, le savant d’aujourd’hui.
Est
-ce que j’invente, se dit-il, ou bien est-ce que je découvre une réali
741
urd’hui. Est-ce que j’invente, se dit-il, ou bien
est
-ce que je découvre une réalité ? Est-ce que je projette dans le cosmo
742
-il, ou bien est-ce que je découvre une réalité ?
Est
-ce que je projette dans le cosmos les structures de mon esprit, ou bi
743
s le cosmos les structures de mon esprit, ou bien
est
-ce que j’épouse par l’esprit des structures objectives du réel ? Et l
744
ion vit dans ce doute jusqu’à l’angoisse parfois.
Est
-ce que je cède à quelque obscure détermination de mon désir, ou bien
745
elque obscure détermination de mon désir, ou bien
est
-ce que je réponds vraiment à un appel venu d’ailleurs ? D’où vient la
746
ent la voix ? Qui parle ? Moi, ou l’Autre ? Telle
est
la situation que crée dans l’homme l’intervention du Saint-Esprit. En
747
déficientes d’un point de la doctrine trinitaire.
Est
-il permis d’imaginer que les déviations ou les excès représentés par
748
lètent ces hérésies, ou peut-être en procèdent, —
fût
-ce à l’insu de ceux qui les représentent ? Et n’aurait-on pas là le p
749
itique théologique du développement des arts ? Il
est
certain que si c’était le cas, l’on pourrait enfin dépasser le stade
750
des tentatives dans ce sens vaudraient la peine d’
être
risquées — par des laïques en premier lieu. Fonction de l’art P
751
aquelle se fondent les pages qui précèdent. L’art
est
un exercice de tout l’être humain non point pour rivaliser avec Dieu,
752
es qui précèdent. L’art est un exercice de tout l’
être
humain non point pour rivaliser avec Dieu, mais pour mieux coïncider
753
Edited by Stanley Romaine Hopper). Notre édition
est
réalisée sur la base de deux tapuscrits et d’un manuscrit français co
754
idental du terme, sans un mariage à l’origine, il
est
clair que tous les problèmes de la famille sont pratiquement subordon
755
il est clair que tous les problèmes de la famille
sont
pratiquement subordonnés à ceux du couple. Tout ce qui touche aux rel
756
n couple fondant une famille. Cette éventualité n’
est
pas imaginaire : notre société actuelle est bien près de la réaliser.
757
ité n’est pas imaginaire : notre société actuelle
est
bien près de la réaliser. La crise du couple, qui existe à l’état lar
758
rchie, la distinction des classes, le capitalisme
étaient
tombés les uns après les autres en divers pays, sans entraîner de mod
759
profonde s’opère sans bruit. Ses conséquences ne
sont
pas faciles à prévoir. Je me bornerai dans cette étude à décrire quel
760
iquement négligeable. Aujourd’hui, la situation s’
est
retournée. Dans la majorité des cas, les facteurs collectifs que l’on
761
. (Notons que l’expression de « problème sexuel »
est
toute récente, elle n’apparaît que vers 1830.) Ce choix qu’on peut di
762
qu’on peut dire « libre » dans la mesure où il n’
est
plus prédéterminé ou limité par des règles collectives, ce choix indi
763
ande majorité des mariages modernes, en Occident,
est
une fièvre généralement légère, considérée comme infiniment intéressa
764
étérogènes mais concomitantes, dont la romance ne
serait
que l’une et peut-être la moindre. À ses yeux, toutes les considérati
765
ives, de communion intellectuelle ou spirituelle,
sont
devenues secondaires : ce qui prime tout, c’est la romance. S’ils s’a
766
ables importent pour peu ou pour rien. Le temps n’
est
plus, croit-on, des mariages de raison, de convention ou de convenanc
767
s de raison, de convention ou de convenance. Nous
sommes
libres, et cela signifie que nous épousons la femme ou l’homme que no
768
l, advienne que pourra. La seule chose importante
est
de s’assurer de l’authenticité du sentiment. S’il est vrai, il vaincr
769
de s’assurer de l’authenticité du sentiment. S’il
est
vrai, il vaincra tous les obstacles. Bien plus, il s’en nourrira, il
770
les. Bien plus, il s’en nourrira, il s’exaltera d’
être
combattu par les conventions (jugées stupides par définition, ou tyra
771
es stupides par définition, ou tyranniques) et ce
sera
pour lui une promesse de durée, s’il en faut une. Mais c’est ici, pré
772
mance peut et doit vaincre tous les obstacles, on
est
cependant bien forcé de reconnaître qu’il est une chose contre laquel
773
on est cependant bien forcé de reconnaître qu’il
est
une chose contre laquelle elle ne peut rien, et qui en retour peut to
774
le : c’est la durée. Or il se trouve que la durée
est
le sens même, la raison d’être du mariage, du point de vue de la fami
775
trouve que la durée est le sens même, la raison d’
être
du mariage, du point de vue de la famille et de la vie en société. On
776
même au nom duquel on le contracte encore. Telle
est
, à mon avis, la raison principale (je ne dis pas unique) du nombre de
777
des divorces et de sa constante croissance. Nous
sommes
en train d’essayer — et de rater — l’une des expériences les plus fol
778
ées une société civilisée : baser le mariage, qui
est
durée, sur la romance, qui est excitation passagère. De tous les moti
779
er le mariage, qui est durée, sur la romance, qui
est
excitation passagère. De tous les motifs de mariage que je résumais t
780
anière indirecte d’avouer que romance et durée ne
sont
pas compatibles. Au lieu de s’épuiser en vains efforts pour résoudre
781
départ les deux thèses suivantes : 1° La romance
est
par nature incompatible avec le mariage (même si elle l’a provoqué) c
782
vec le mariage (même si elle l’a provoqué) car il
est
de son essence de se nourrir d’obstacles, de retards, de séparation e
783
retards, de séparation et de rêve), tandis qu’il
est
de l’essence du mariage de réduire ou de supprimer quotidiennement mê
784
ariage pour les raisons précises au nom duquel il
fut
conclu. Éros et Agapè Il est clair qu’en parlant de « romance »
785
nom duquel il fut conclu. Éros et Agapè Il
est
clair qu’en parlant de « romance » je n’ai pas en vue l’amour en géné
786
en général, mais une certaine espèce d’amour qui
est
celle que cultive notre époque, et qu’elle prend trop souvent pour l’
787
ur faire voir à quel point ce pattern de relation
est
peu compatible avec le mariage, il convient d’en indiquer d’abord l’o
788
passion réciproque mais malheureuse. Cet obstacle
sera
d’abord le mari légitime (le roi Marc), et nous avons le fameux trian
789
deviendra la loi féodale chrétienne ; ou bien il
sera
symbolisé tout simplement par la séparation dans l’espace ; enfin il
790
leur amour, une épée nue, signe de chasteté. Quel
est
le rapport entre l’homme et la femme, dans cette passion ? C’est un r
791
C’est un rapport essentiellement imaginaire. Ce n’
est
pas une communication réelle d’être à être, mais au contraire une dou
792
aginaire. Ce n’est pas une communication réelle d’
être
à être, mais au contraire une double projection, une double fabulatio
793
e. Ce n’est pas une communication réelle d’être à
être
, mais au contraire une double projection, une double fabulation, une
794
aiserait. Il semble que la violence de la passion
soit
en raison directe de la solidité des obstacles, et non pas des qualit
795
n pas des qualités réelles des amants (lesquelles
sont
indiquées de la manière la plus vague et conventionnelle, dans le rom
796
vague et conventionnelle, dans le roman : Tristan
est
simplement « le plus fort », Iseut « la plus belle et blonde »). Si b
797
Iseut « la plus belle et blonde »). Si bien qu’on
est
en droit de dire que Tristan n’aime pas l’Iseut réelle, ni Iseut le T
798
t dans leur cœur, la brûlure elle-même, l’autre n’
étant
que prétexte à brûler. Enfin, il faut relever le caractère d’intoxica
799
Le goût d’aimer, ou mieux, de se sentir aimer, d’
être
in love, s’il s’est choisi des obstacles convenables, peut aller jusq
800
mieux, de se sentir aimer, d’être in love, s’il s’
est
choisi des obstacles convenables, peut aller jusqu’à faire préférer à
801
sur le cadavre de Tristan : l’obstacle suprême qu’
est
la mort a porté la passion à son climax. Cet amour lointain s’oppose
802
ans une construction quotidienne de la paix. L’un
est
désir, l’autre don et possession. L’un est passion (chose subie), l’a
803
. L’un est désir, l’autre don et possession. L’un
est
passion (chose subie), l’autre est action. L’amour-passion relève d’É
804
ssession. L’un est passion (chose subie), l’autre
est
action. L’amour-passion relève d’Éros, et l’amour-action d’Agapè 21.
805
ement. En termes de morale courante, Tristan peut
être
défini comme une glorification de l’adultère. Et l’on a vu que tous l
806
n a vu que tous les éléments de l’Éros passionnel
sont
propres à ruiner le mariage, ou au contraire à péricliter si le maria
807
maintenant de marquer que la romance parmi nous n’
est
que le sous-produit vulgarisé de la passion illustrée par Tristan. Co
808
lustrée par Tristan. Comme la passion, la romance
est
une intoxication qui fait dire à ses victimes complaisantes : « C’est
809
ont perdu leur solidité et finissent toujours par
être
vaincus ou tournés, en sorte que la romance au lieu de culminer dans
810
ans un happy ending. Comme la passion, la romance
est
une manière de sentir l’amour plutôt que de l’agir, d’être in love pl
811
manière de sentir l’amour plutôt que de l’agir, d’
être
in love plutôt que de love. Comme la passion donc, finalement, la rom
812
ve. Comme la passion donc, finalement, la romance
est
une forme narcissique de l’amour s’adressant à l’image de l’autre et
813
s’adressant à l’image de l’autre et non pas à son
être
concret, une projection de nostalgies intimes ou inconscientes et non
814
ntre passion et romance, c’est que cette dernière
est
par définition passagère, et cela tient à la débilité des obstacles d
815
te dernière est par définition passagère, et cela
tient
à la débilité des obstacles dont elle trouve encore à se nourrir. La
816
e fidélité jusqu’à la mort, fidélité à un rêve il
est
vrai, fidélité à ses propres désirs plutôt qu’à la personne qui était
817
à ses propres désirs plutôt qu’à la personne qui
était
le prétexte, mais conservant au moins ces deux traits importants de l
818
rendant la poursuite si excitante, voici qu’elle
est
devenue un être bien réel à mes côtés, et qui passe des heures, jour
819
rsuite si excitante, voici qu’elle est devenue un
être
bien réel à mes côtés, et qui passe des heures, jour et nuit, à chang
820
eaux mariages sans plus d’avenir. Cette situation
est
devenue la plus banale dans notre société. À tel point que nos contem
821
notre société. À tel point que nos contemporains
sont
convaincus que « la vie va ainsi », qu’elle l’a toujours été et le re
822
cus que « la vie va ainsi », qu’elle l’a toujours
été
et le restera toujours. Croyance doublement erronée, au regard de l’h
823
de l’historien des mœurs. Car primo, si « la vie
est
ainsi », c’est qu’à partir du xiie siècle, les Occidentaux ont adopt
824
ratures, aujourd’hui de nos films. Et secundo, il
est
fort peu probable que si « la vie est ainsi » elle le restera toujour
825
secundo, il est fort peu probable que si « la vie
est
ainsi » elle le restera toujours, car aucune société humaine ne saura
826
Au seuil de l’anarchie qui nous menace, il ne
serait
que trop facile d’énumérer les « remèdes » ou les correctifs aptes à
827
x vertus ancestrales ». Par malheur, ces conseils
seraient
vains. On ne « revient » jamais à rien, surtout dans le domaine des m
828
nes des vertus qu’affirmaient nos ancêtres, ce ne
serait
pas à la suite des conseils que quelques sages lui prodigueraient, ma
829
collectiviste. nazis, fascistes et stalinistes se
sont
accordés sur ce point : la famille, cette cellule sociale, ne doit pl
830
: la famille, cette cellule sociale, ne doit plus
être
exposée aux atteintes du plus antisocial des sentiments : la passion,
831
la procréation en général. La « science » sociale
était
chargée d’éliminer progressivement toute espèce de choix arbitraire,
832
t de certificats politiques. La Russie n’a jamais
été
si loin. Après avoir balayé sous Lénine toutes les lois relatives au
833
tives au mariage, au divorce, aux enfants, elle s’
est
bornée à recréer un code qui ressemble à s’y méprendre à celui des pa
834
on extrême des valeurs romanesques ou romantiques
est
en train de se révéler beaucoup plus dangereuse pour la romance que l
835
mme la vraie passion, a besoin pour s’enflammer d’
être
combattue, empêchée, et dans une certaine mesure officiellement répro
836
trop vite dans la réalité, où il s’enlise. « Ce n’
est
pas Amour, qui tourne à la réalité », écrivait au xiie siècle déjà u
837
galité politique, juridique et surtout économique
est
peut-être le facteur principal de cette évolution. Le seul fait que l
838
e à elle, oblige l’homme à la considérer comme un
être
réel et autonome, avec lequel il devra composer pratiquement, et dont
839
t dont il devra respecter les initiatives. Un tel
être
se prête assez mal à la projection nostalgique du rêve intime de l’am
840
ction nostalgique du rêve intime de l’amant. Ce n’
est
plus un objet de contemplation, mais un sujet agissant pour son compt
841
a double rêverie narcissique. Et dans ce dialogue
seront
réintroduites les considérations de milieu social, de ressources maté
842
mercialisation de la romance. Nous avons vu qu’il
est
de l’essence de la passion de s’exalter dans la révolte contre les do
843
is la passion perd son ressort intime lorsqu’elle
est
advertisée à chaque page des magazines et à chaque pas dans la rue. N
844
uchons aujourd’hui au point où la romance, loin d’
être
un état d’exception délicieusement intéressant même dans ses tourment
845
re une conduite conformiste. Le jeune homme qui n’
est
pas in love essaie de cacher cette particularité à ses camarades, se
846
ses camarades, se demande ce qui lui manque pour
être
comme tout-le-monde, c’est-à-dire comme les héros des films ou des sh
847
hème littéraire par excellence (la paix du couple
étant
au contraire « sans histoire », donc très difficile à décrire) a cont
848
a Rochefoucauld se demandait : « Combien d’hommes
seraient
amoureux s’ils n’avaient pas entendu parler d’amour ? » Nous pouvons
849
ce, ces créations artificielles de l’Occident, ne
sont
liées à la sexualité que d’une manière dialectique, paradoxale. Dévie
850
e d’une manière dialectique, paradoxale. Dévier n’
est
pas synonyme d’être in love, et la possession prématurée de l’être qu
851
lectique, paradoxale. Dévier n’est pas synonyme d’
être
in love, et la possession prématurée de l’être qu’on désire tue bien
852
d’être in love, et la possession prématurée de l’
être
qu’on désire tue bien souvent les possibilités de romance. « D’Amor m
853
t la chasteté, disait un troubadour : l’inverse n’
est
pas moins vrai. C’est pourquoi les périodes romantiques de la littéra
854
c les périodes puritaines. (Le roman victorien en
est
le meilleur exemple.) Or il semble que nous entrions dans une période
855
er le goût de la romance, au moment où celle-ci s’
est
répandue jusque dans les masses populaires, et met en cause la stabil
856
alliance des égaux Il faut s’y résoudre : tout
est
paradoxe de ce qui touche à la passion. Elle se nourrit des obstacles
857
ourir un homme pour l’image d’une femme dont il n’
est
pas sûr qu’il l’aimerait s’il devait partager son existence ; elle ap
858
l donc déplorer sa décadence ou s’en réjouir ? Il
serait
vain de répondre à cette question d’une manière unilatérale. Si, par
859
e dans les rapports entre l’homme et la femme, il
est
probable que nos descendants s’ennuieront. Ils éprouveront un manque
860
la place.) Tuer la romance, ou ce qu’il en reste,
sera
perdre autant que gagner. Seule une vie spirituelle intense serait ca
861
ant que gagner. Seule une vie spirituelle intense
serait
capable de combler l’absence du « tourment délicieux », et de rendre
862
bg S’attaquer à la romance au nom de la moralité
serait
une erreur, car elle fascine dans la mesure où elle constitue un inte
863
elle constitue un interdit, et meurt lorsqu’elle
est
universellement approuvée. Nous pourrions limiter ses qualités danger
864
en montrant simplement aux jeunes que, quelle que
soit
sa valeur, la romance ne peut être au fondement du mariage. Épouser q
865
ue, quelle que soit sa valeur, la romance ne peut
être
au fondement du mariage. Épouser quelqu’un « pour la vie » à cause d’
866
pour la vie » à cause d’une fièvre de deux mois n’
est
pas un acte de courage mais de stupidité. Nous ferions sans doute bie
867
stupidité. Nous ferions sans doute bien de ne pas
être
aussi sévères à l’égard des films et des romans qualifiés d’« indécen
868
e nous montrer un type de mariage moderne, qui ne
soit
plus basé uniquement sur « l’amour », le quiproquo de deux rêves, mai
869
nt les attitudes morales actuelles quant à ce qui
est
acceptable et ce qui ne l’est pas. L’apport de Freud réside dans le f
870
lles quant à ce qui est acceptable et ce qui ne l’
est
pas. L’apport de Freud réside dans le fait qu’il nous a permis de dis
871
t en prolongeant la soif de romance, même si elle
est
condamnée par les nouvelles réalités sociales. Ceux qui parlent de no
872
alités sociales. Ceux qui parlent de notre époque
seraient
utiles s’ils exprimaient des valeurs qui correspondent aux faits soci
873
a perte des illusions romantiques. Leur influence
serait
importante s’ils décrivaient des exemples de fidélité promise, de par
874
du jeu toujours changeant des sentiments. Car ce
sont
ces valeurs positives qui constituent le véritable style et l’excelle
875
1949. Edited by Ruth Nanda Anshen). Notre édition
est
réalisée sur la base du manuscrit conservé à la Bibliothèque publique
876
édaction du texte. bf. L’intertitre du manuscrit
est
« Réactions à prévoir ». bg. Depuis « Cela fait… » jusqu’à la fin du
877
Cela fait… » jusqu’à la fin du chapitre, le texte
est
directement traduit de l’édition américaine, en raison d’une page man
878
os, que l’opération les laisse indifférents : ils
sont
sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous do
879
xemple. Constatez, comme beaucoup l’ont fait (qui
sont
sans aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se r
880
venir dialectique », dont la dictature actuelle n’
est
qu’un stade nécessaire, mais provisoire. Vous voilà rejeté sur le pla
881
tte fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle
fut
inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui
882
qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui
était
proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur
883
et agir au niveau du réel ; que son but primitif
était
de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abo
884
e-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez
être
dans l’histoire, dans le réel : on vous invite maintenant à n’en pas
885
ici, un jugement d’allure politique. Mais ce qui
est
grave, c’est de voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au n
886
sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne
sera
juste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais d’exploiter l’équi
887
et qu’il faut donc transformer toutes choses, tel
est
, je crois, l’acte initial, mais aussi la passion constante du communi
888
dans sa forme, avec le mouvement du chrétien (qui
est
sa lutte contre le péché) les plus frappantes analogies ? Sur ce plan
889
ce plan seul, il m’apparaît qu’une confrontation
soit
possible. L’homme d’abord, ou le monde d’abord ? Le marxiste, t
890
reconnu que l’homme n’existe pas isolément, qu’il
est
un être « en relation », qu’il est lié à une société23. Mais encore,
891
que l’homme n’existe pas isolément, qu’il est un
être
« en relation », qu’il est lié à une société23. Mais encore, à l’inst
892
olément, qu’il est un être « en relation », qu’il
est
lié à une société23. Mais encore, à l’instar du chrétien, le marxiste
893
r le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle
est
divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle u
894
ême, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un
être
antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus
895
te de « cette aliénation de soi », qui selon Marx
serait
le fait de toutes les sociétés passées, y compris le communisme primi
896
reconnaissance d’une corruption fondamentale, qui
est
le péché originel. Il s’ensuit que pour le marxiste, aussi bien que p
897
Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés par le renouvellement de votre sens, afin que vous discer
898
nt de votre sens, afin que vous discerniez quelle
est
la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les de
899
discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui
est
bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’agit du même mot :
900
er ; et il s’agit de transformer en tant que l’on
est
proprement humain (c’est-à-dire en tant que l’on obéit à l’Esprit, po
901
x). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’attester
soit
la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles
902
volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, —
soit
la pensée, par une action26 qui ne peut être que révolutionnaire. Et
903
e, — soit la pensée, par une action26 qui ne peut
être
que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre
904
fait de cette opposition centrale qu’il importe d’
être
bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et les fi
905
a jamais assez que la doctrine originelle de Marx
est
avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très consciemm
906
avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle
est
, très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occiden
907
la volonté de la changer. En particulier, elle n’
est
« matérialiste », au sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalit
908
e dans la mesure où la mentalité de l’époque peut
être
qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le p
909
ste, au sens le plus contestable du terme. Quelle
était
, du point de vue religieux, la situation qui se présentait à Marx ? C
910
ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui
était
utile aux maîtres. La religion ne semblait plus gêner personne27. Ell
911
arx ne perd pas son temps à dénoncer l’erreur qui
est
à la base d’une pareille imposture : il la sait trop profondément enr
912
ait trop profondément enracinée dans l’homme pour
être
atteinte par une simple critique philosophique28. Or cette critique p
913
philosophique28. Or cette critique philosophique
est
la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il
914
l disposerait sur le plan de l’« esprit », car il
est
incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« esprit » qu’il veut sauver, m
915
esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’
est
pas l’« esprit » qu’il veut sauver, mais l’homme, que les spiritualis
916
guments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce
seront
d’une part la violence prolétarienne, d’autre part la « science » inf
917
disons : la culture, l’esprit, et l’âme si l’on y
tient
— il faut commencer par le nier. L’« esprit » du bourgeois spirituali
918
e nier. L’« esprit » du bourgeois spiritualiste n’
est
qu’une caricature, mais ses ravages sont déjà tels qu’on ne peut plus
919
ualiste n’est qu’une caricature, mais ses ravages
sont
déjà tels qu’on ne peut plus songer à rétablir la vérité par des moye
920
s matérialisme dialectique, pour indiquer qu’il n’
est
que provisoire, instrumental, qu’il doit servir au bout du compte la
921
quelle contient aussi l’« esprit » — bref qu’il n’
est
en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous
922
pas démontré déjà que la culture, par exemple, n’
est
qu’un « reflet » du processus économique ? On voit ainsi comment Marx
923
Marx lui-même se prend à son jeu polémique. Ce ne
fut
guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le d
924
e danger. « Marx et moi — écrit-il en 1890 — nous
sommes
peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté pl
925
l ne convenait sur les facteurs économiques. Nous
étions
forcés d’insister sur leur caractère fondamental, par opposition à no
926
En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’
était
le matérialisme polémique, promu par un glissement inévitable au rang
927
vulgaire, que Marx avait tout d’abord combattu29,
est
devenu, après lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui
928
’homme à croire que la cause de tous ses malheurs
est
dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut pas conscient, et pour
929
rs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en
fut
pas conscient, et pourtant il en est responsable, nous reviendrons pl
930
ui. (Il n’en fut pas conscient, et pourtant il en
est
responsable, nous reviendrons plus tard sur ce point.) Le peuple — et
931
qui prêchent que l’argent ne fait pas le bonheur,
sont
simplement des exploiteurs, qui ont l’argent et qui veulent le garder
932
ctrine de Marx ? Qu’importe, puisque le but final
est
la richesse, mère du bonheur. N’est-ce pas là ce que voulait Marx ? R
933
le but final est la richesse, mère du bonheur. N’
est
-ce pas là ce que voulait Marx ? Résumons : Marx n’a pas voulu le maté
934
idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce
serait
introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens
935
r la théorie d’une pratique30. Le christianisme n’
est
pas un programme ; ni, comme le disent certains primaires marxistes,
936
e. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait
été
pareillement perverti par les caricatures séculières de la révolution
937
a pour mission actuelle d’obéir à une Parole qui
est
Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Parole juge « le monde » qui l
938
31 constituent la révolution la plus radicale qui
soit
, disons mieux : la seule radicale. Et toutes les autres, dans notre O
939
cident troublé par un message qu’il méconnaît, ne
sont
que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succéd
940
« Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés… » Cela ne signifie pas, pour un chrétien, que « le monde
941
signifie pas, pour un chrétien, que « le monde »
soit
abandonné. Cela ne signifie pas qu’une fois opérée cette transformati
942
es lois d’un monde qu’il condamne ! Car alors, où
serait
son refus ? Et quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une
943
mé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile,
est
un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indi
944
l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il
est
orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Obéissant à la
945
sponsable à l’endroit du monde. Car si le monde s’
est
livré à l’injustice et au désordre, c’est par la faute de l’homme, qu
946
t au désordre, c’est par la faute de l’homme, qui
était
son roi, et qui a trahi. Et tout péché individuel répète et aggrave c
947
e, obligation d’agir pour racheter le mal commis,
sont
trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul.
948
de la « transformation » dont parle Paul. L’un n’
est
pas concevable, sérieusement, sans l’autre. « Toute droite connaissan
949
Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que
serait
une obéissance qui ne se manifesterait pas ? La transformation person
950
e l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’
est
faite, que par une action du chrétien : contre le monde dans sa forme
951
i devient transformateur du monde — ou sinon il n’
est
pas converti — mais encore toute transformation de la forme actuelle
952
formation de la forme actuelle des choses, qui ne
serait
pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chr
953
pas l’effet d’une conversion des hommes, ne doit
être
aux yeux du chrétien, qu’une réforme sans grande portée. Voilà qui pa
954
paraîtra plus scandaleux. Et cependant l’Évangile
est
formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait
955
eul gage du salut total ? Alors, va-t-on, si l’on
est
converti, laisser le monde aller son train, et les guerres se déchaîn
956
se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce
serait
prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, toutefois non pour l
957
ômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’
est
pas converti. J’agirai donc, toutefois non pour le monde, et non pour
958
formé. Si je n’avais pas cette reconnaissance, ce
serait
que j’ignore mon salut. Mais si je connais mon salut, je ne puis supp
959
adressent les chrétiens et les marxistes Telle
étant
donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui
960
hrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui
est
dans le monde, on comprendra que l’état d’esprit marxiste lui apparai
961
éviation grossière, dira-t-on ; mais pouvait-elle
être
évitée ? Marx n’avait-il pas dit qu’il fallait commencer par changer
962
mps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’
être
— il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des
963
ibles l’évangélisation — sa raison d’être — il se
fût
consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et des spectacles
964
r du pain et des spectacles à la foule. Mais Paul
était
apôtre et non pas dictateur. C’est pourquoi son message nous est enco
965
on pas dictateur. C’est pourquoi son message nous
est
encore prêché. Il annonçait aux hommes non pas la haine et le cynisme
966
mme changé. Trop beau tout cela ! Trop beau pour
être
vrai, dit le marxiste. (Chrétien, changé, je suis encore assez « viei
967
être vrai, dit le marxiste. (Chrétien, changé, je
suis
encore assez « vieil homme » pour le comprendre.) Sur quoi repose cet
968
fit-il à vous nourrir, personnellement, mais ce n’
est
pas cela qui supprime la misère, qui empêche la guerre, qui change le
969
stes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’
est
trouvé seul à protester contre le monde tel qu’il va. On dira : c’est
970
tout le malheur dont en vérité le péché de chacun
est
responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisante. Ce qui
971
le péché de chacun est responsable. L’observation
est
juste ; elle est insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le
972
n est responsable. L’observation est juste ; elle
est
insuffisante. Ce qui explique en dernier ressort le succès « religieu
973
la seule espérance véritable et certaine n’a plus
été
prêchée au monde avec une force d’attaque assez gênante et bouleversa
974
bouleversante. C’est que l’« esprit » qui devait
être
l’agent du changement total, perpétuel et seul réel, est devenu le ga
975
gent du changement total, perpétuel et seul réel,
est
devenu le gardien des conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès
976
es foules le considèrent comme tel. Les chrétiens
sont
bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le m
977
ccès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’
est
responsable du déclin des Églises dans le monde moderne. C’est pourqu
978
st pourquoi les reproches du marxiste au chrétien
sont
humainement bien plus valables que ceux du chrétien au marxiste. En g
979
Marx se trompe et réussit, c’est parce que Christ
est
mal prêché par ses disciples (que ce soit en paroles ou en actes). Si
980
e Christ est mal prêché par ses disciples (que ce
soit
en paroles ou en actes). Si les chrétiens gardaient une conscience pl
981
te ne vaut rien, alors que l’objection chrétienne
est
imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changem
982
et qui n’affecte en rien le cours des choses, je
suis
fondé à lui répondre : « Ton reproche s’adresse à mon hypocrisie, à m
983
non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther,
est
‟une chose inquiète”, on ne l’a pas impunément, et si on l’a, cela se
984
ent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’
être
pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage, quand
985
pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien
est
celui qui ne fait rien, tu prouves simplement que tu ignores tout du
986
ores tout du christianisme. » (Je répète que ce n’
est
pas sa faute, à ce marxiste, mais notre faute, et tout d’abord la mie
987
aliste actuelle, je ne passe pas à côté de ce qui
est
essentiel chez Marx. Je ne critique pas une erreur contingente. Je ne
988
as une erreur contingente. Je ne dis pas : vous n’
êtes
pas assez marxistes ! Je dis : dès le départ, dès l’origine doctrinal
989
intrinsèquement, et dans la mesure exacte où l’on
est
un marxiste convaincu, non point dans la mesure où l’on trahit le mar
990
véritable décision. Certains, frappés comme je le
suis
, par les ressemblances formelles indiscutables que présentent la volo
991
stinctions décisives. La pratique du communisme n’
est
justiciable, en soi, que d’une critique politique, économique, histor
992
sous le coup de la seule critique théologique, ce
sont
les buts derniers du communisme et les postulats qu’il suppose. Qu’on
993
postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’
être
un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition
994
le christianisme prépare un Royaume éternel, qui
sera
celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce
995
ui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux
sont
eschatologiques, en ce sens qu’ils rapportent leur accomplissement à
996
ela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien
est
au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatem
997
Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps,
est
éternel, et par là même peut être immédiatement présent dans notre cœ
998
elà de ce temps, est éternel, et par là même peut
être
immédiatement présent dans notre cœur37 alors que l’eschaton marxiste
999
la Révélation en Personne. Et du coup le Royaume
est
au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’
1000
coup le Royaume est au-dedans de lui. Cet homme n’
est
plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’aille
1001
lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il
est
l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-ba
1002
pensée la plus intime. Dès maintenant sa personne
est
recréée. Dès maintenant, elle entre en conflit avec le monde et ses f
1003
Présence actuelle. Il fait un pari dont l’objet n’
est
pas accessible aujourd’hui. Il mise son action immédiate sur un fait
1004
i. Il mise son action immédiate sur un fait qui n’
est
pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de commu
1005
ommunisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui
est
l’utopiste ; et c’est le chrétien qui est le réaliste. (J’entends bie
1006
ste qui est l’utopiste ; et c’est le chrétien qui
est
le réaliste. (J’entends bien : le chrétien véritable…) Le marxiste di
1007
de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
est
chrétien, il sait qu’il est membre d’un corps qui porte toutes les ma
1008
bien souverain. S’il est chrétien, il sait qu’il
est
membre d’un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors
1009
n corps qui porte toutes les marques du péché. Il
est
alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’u
1010
ut se développer38. Mais le marxiste, quelles que
soient
la souffrance et la colère qu’il éprouve devant les injustices présen
1011
tes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme
est
seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se ve
1012
seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit,
être
social — se verra fatalement neutralisé dans son effort par les gains
1013
t final. Car cet accomplissement, ou plénitude, n’
est
jamais qu’un futur théorique, — si passionnée que soit l’espérance du
1014
jamais qu’un futur théorique, — si passionnée que
soit
l’espérance du marxiste — et non pas une présence exigeante et totale
1015
omme en 1789 et en 1917), il faudrait que l’homme
soit
délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le m
1016
quement une volonté de changer tout ce qui peut l’
être
; mais aussi, cela suppose certains moyens d’action qui ne sauraient
1017
suppose certains moyens d’action qui ne sauraient
être
les mêmes dans les deux cas, si la fin seule justifie les moyens39. L
1018
présent, la loi d’amour et de justice, même s’il
était
commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait
1019
el abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’
est
pas futur, mais éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur de
1020
cifie le Christ et je m’oppose à son retour. Il n’
est
donc pas d’» opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens d
1021
Il n’est donc pas d’» opportunisme » chrétien qui
tienne
, et tous les moyens du chrétien doivent être aussi purs que sa fin. T
1022
ui tienne, et tous les moyens du chrétien doivent
être
aussi purs que sa fin. Tout autre est le cas du marxiste. N’ayant pas
1023
en doivent être aussi purs que sa fin. Tout autre
est
le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni e
1024
de marxistes s’en indigner, mais je doute qu’ils
soient
bien conséquents, et que leur indignation traduise la vraie volonté d
1025
, plutôt qu’un reste d’humanisme libéral. Le fait
est
que la grosse majorité des communistes suit Staline. D’où il résulte
1026
ison d’État », et jusqu’à la guerre s’il le faut,
sont
des moyens parfaitement acceptables en tant qu’ils servent le progrès
1027
s de salut présent ni éternel, puisque le salut n’
est
pas pour eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs desce
1028
liter en sa faveur : l’alternative où il se place
est
sans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’action que lui i
1029
s alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’
être
personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux servir
1030
formuler simplement : la fin dernière du chrétien
est
présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fi
1031
en est présente en chacun de ses actes, ou bien n’
est
pas ; tandis que la fin dernière du marxiste est un avenir absolument
1032
’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
est
un avenir absolument hétérogène aux actions qu’il peut faire aujourd’
1033
fini, et n’engage que certaines dispositions de l’
être
, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société sans class
1034
nsformation de l’homme importe seule, puisqu’elle
est
, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en vois
1035
j’entends bien que les sacrifices qu’ils font ne
sont
pas seulement « spirituels », entraînent des risques financiers, et m
1036
ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’hommes
seront
changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… » Je veux les c
1037
courent au plus pressé. Mais le marxiste aussi me
tenait
ce raisonnement, pour justifier une action tout inverse. Je pense qu’
1038
itualiste qui menace notre vie chrétienne, et qui
est
la cause certaine des succès du marxisme. Tant que les chrétiens ne c
1039
, me semble-t-il, une question de solidarité, qui
est
une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut appara
1040
s, ce que signifie la menace totalitaire, qu’elle
soit
fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de t
1041
s, au service de l’État déifié. Cette situation n’
est
pas sans rappeler celle de l’Empire romain au premier âge du christia
1042
lus haut. Toutefois, l’un des facteurs au moins s’
est
modifié notablement : les chrétiens ne forment plus des groupuscules
1043
alogue, et au devoir d’amour chrétien. Le conflit
est
inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-
1044
ous-mêmes à sauver, alors que nos erreurs passées
sont
pour une part, peut-être capitale, dans le malheur universel qui vien
1045
? Or toute attente passive, si courageuse qu’elle
soit
, devient dans le cas présent une complicité. L’État totalitaire ne sa
1046
n protestant, et je précise : un calviniste, doit
être
ici en mesure de répondre. De toutes les Églises chrétiennes, l’Églis
1047
utes les Églises chrétiennes, l’Église calviniste
est
en effet la plus antitotalitaire par essence. Je ne rappelle qu’en pa
1048
religion qui les précèdent : on sait assez que ce
fut
la lutte d’une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyal
1049
« totalitaire » contre des groupes, loyalistes il
est
vrai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il serait peut-être a
1050
rai, mais réfractaires à certaine mise au pas. Il
serait
peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la persécu
1051
nité spirituelle. Et les suites de cette création
sont
encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit totalitaire n’a tro
1052
tte des Églises contre l’emprise morale de l’État
fut
menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un calviniste… J
1053
ndre la portée de ce fait en l’opposant, comme il
serait
facile, à l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de Rome. L
1054
nisme, que nous voyons gagner toutes les Églises,
est
une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre
1055
strictement personnel, un « charisme » dont nous
sommes
responsables. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’État qui
1056
munauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
fût
-ce que pour cette seule raison — et j’en ai mentionné plusieurs autre
1057
e, le stalinisme : une guerre de religions qui ne
sont
pas les nôtres. Je prends ici parti contre une telle entreprise, pour
1058
es aspirations valables et généreuses du marxisme
sont
autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformée
1059
mises sous le boisseau par les chrétiens ». Cela
est
vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses f
1060
la est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui
est
monstrueuse dans ses formes actuelles, mais qui traduit encore, obscu
1061
en, vers une économie sauvée : le Royaume où Dieu
est
« tout en tous ». Si les Églises chrétiennes ont à souffrir demain pa
1062
tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en
sont
responsables, dans la mesure où elles cédèrent, jadis, aux tentations
1063
lières. Si la culture et si nos libertés civiques
sont
brimées, par le fait d’une doctrine et d’un État « matérialistes », i
1064
tat « matérialistes », il faut savoir que nous en
sommes
les responsables, dans la mesure où nous cultivons un esprit détaché
1065
tentation spiritualiste. 22. « Le communisme n’
est
pas pour nous un état qui doive être créé, un idéal… Nous appelons co
1066
communisme n’est pas pour nous un état qui doive
être
créé, un idéal… Nous appelons communisme le mouvement effectif qui su
1067
réalité présente. Les conditions de ce mouvement
sont
données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideologie). 23. « Nous
1068
tuation » (Marx, Deutsche Ideologie). 23. « Nous
sommes
tous membres les uns des autres » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n
1069
e même pour le chrétien, la foi sans les œuvres n’
est
pas la foi (Jacq., 2, 26). Et Luther même n’a jamais dit autre chose,
1070
faut en user, certes, mais elle ne suffit pas. «
Être
radical consiste à attaquer le mal dans la racine. Mais la racine, c’
1071
humains personnels, sans quoi le matérialisme ne
serait
pas « dialectique ». « La coïncidence de la modification des circonst
1072
é humaine, ou transformation personnelle, ne peut
être
rationnellement comprise que comme une activité révolutionnaire. » Ph
1073
0. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’
est
qu’une question perpétuelle, une autocritique si l’on veut, que l’Égl
1074
te d’humilité ; car toute parole humaine sur Dieu
est
nécessairement inadéquate en soi, et ne peut être qu’un renvoi à la R
1075
est nécessairement inadéquate en soi, et ne peut
être
qu’un renvoi à la Révélation seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doc
1076
seule parfaite, à Jésus-Christ. La « doctrine » n’
est
ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous l
1077
. Elle ne présente rien que l’on puisse comparer,
fût
-ce le plus superficiellement, à un programme théorique qu’il s’agirai
1078
établir un parallèle — sans doute dangereux — ce
serait
la Personne vivante de Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple
1079
dire ici : « tendre vers… » 32. Ma supposition n’
est
pas toute gratuite : elle s’est réalisée plus tard sous Constantin pa
1080
Ma supposition n’est pas toute gratuite : elle s’
est
réalisée plus tard sous Constantin par des moyens légaux, il est vrai
1081
us tard sous Constantin par des moyens légaux, il
est
vrai, mais avec les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’
1082
utes les révolutions de l’histoire de l’Occident,
sont
sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire.
1083
ties de la religion chrétienne. Toute autre cause
est
secondaire. » Et Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de t
1084
jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait
été
d’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tien
1085
ienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela
tient
à l’absence du christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires de d
1086
de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a
été
fondé par un chrétien, Kagawa. 34. Je ne dis pas « les conditions ph
1087
it observer que des facteurs très essentiels de l’
être
même peuvent varier selon les milieux et la nature des institutions.
1088
tendu « primordial » de propriété, peut très bien
être
anéanti chez l’homme par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l
1089
par un régime communiste.) Que reste-t-il dans l’
être
humain d’absolument irréductible à toute transformation sociale ? La
1090
te d’une de ces conditions conduit nécessairement
soit
à l’idéalisme, soit à son renversement matérialiste. Le stalinisme to
1091
itions conduit nécessairement soit à l’idéalisme,
soit
à son renversement matérialiste. Le stalinisme totalitaire résulte né
1092
re à frapper les regards et l’on ne dira pas : il
est
ici, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-de
1093
ds et l’on ne dira pas : il est ici, ou bien : il
est
là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc,
1094
en : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu
est
au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 38. Je parle ici, l’on m’ent
1095
Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit
être
un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous restons, tous tant
1096
n, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il
est
trop clair que nous restons, tous tant que nous sommes, bien en arriè
1097
t trop clair que nous restons, tous tant que nous
sommes
, bien en arrière de notre vocation. La plupart de nos trahisons vienn
1098
plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
est
le même homme qui contraignit la Chine, sous la menace des canons, à
1099
. 39. Je prends l’expression dans ce sens, qui n’
est
pas le sens jésuite courant : que la fin seule doit indiquer les moye
1100
la préparent. Et non pas justifier des moyens qui
seraient
en soi contraires à la justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée.
1101
des bourgeois, aux yeux desquels tout bolcheviste
est
un criminel en puissance. Les communistes représentent chez nous, en
1102
(prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle
soit
censée défendre l’URSS). 41. Je n’entends pas porter ici un jugement
1103
Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir
été
le pasteur Antoine de Chandieu, mais l’intervention personnelle de Ca
1104
glises se fédèrent par région. L’instance d’appel
est
« la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoire de la
1105
e : fondée sur la notion de vocation. 44. L’URSS
est
le seul État totalement totalitaire, disait récemment Victor Serge, é
1106
ui avait faimbk Pourquoi le besoin de chercher
est
-il si vital dans les monde occidental ? Concernant la recherche en gé
1107
de répondre : un homme qui cherche, c’est qu’il n’
est
pas satisfait de ce qu’il a. Mais cette réponse ne vaut que pour le c
1108
ournal. La recherche dont je voudrais vous parler
est
en réalité tout autre chose. C’est une passion. Et cela revient à dir
1109
e passion. Et cela revient à dire qu’elle ne peut
être
satisfaite par aucun résultat concret et limité. L’esprit de recherch
1110
L’esprit de recherche a pour caractère décisif d’
être
sans fin ni cesse, d’être indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il
1111
our caractère décisif d’être sans fin ni cesse, d’
être
indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il trouve, au lieu de l’apai
1112
tit. Par où l’on voit que l’esprit de recherche n’
est
pas un instinct animal, mais une passion spirituelle. Je ne saurais m
1113
ale et définitive. Elle voulait quelque chose qui
fût
au-delà de toute réponse partielle, précise, utile : au-delà de tout
1114
le monde et l’inconnu. Et c’est pourquoi sa faim
était
inextinguible. Seuls les très grands mystiques vont ainsi droit au bu
1115
que par l’intelligence mathématique, non par leur
être
tout entier. Et le reste des hommes s’arrête en chemin, plus ou moins
1116
formuler l’objet précis de leur recherche, qui n’
est
jamais ceci ou cela seulement, mais un mélange — conscient ou inconsc
1117
uer. Ce qu’ils ont en commun, du fait même qu’ils
sont
hommes et non pas simples animaux, c’est le besoin profond de dépasse
1118
ces — cet horizon dernier reste le même, quel que
soit
le nom qu’on lui donne ou qu’on se refuse à lui donner. Ayant ainsi t
1119
de la recherche occidentale. La civilisation qui
est
née en Europe a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore,
1120
urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle
est
encore, à notre époque, celle qu’on imite partout, même quand on la c
1121
u’on imite partout, même quand on la combat. Elle
est
donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare aux autres, pas
1122
’en distingue par deux grands traits généralement
tenus
pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une certaine incertit
1123
ne pense pas que cette inquiétude et ce désordre
soient
accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
1124
sources vives de notre civilisation, et qu’ils en
sont
inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
1125
iétude provient de notre foi, et nos incertitudes
sont
créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
1126
te, pas même un seul » et que pourtant il devrait
être
saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
1127
vrait être saint. Il sait que le péché consiste à
être
séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
1128
paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes
sont
pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la vérité et
1129
la sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse il
est
pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
1130
est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il
est
donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
1131
t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle
est
normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
1132
’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle
est
produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
1133
« vérités » qu’établissent les écoles successives
sont
relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
1134
es successives sont relatives et provisoires, ont
été
dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
1135
l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’
être
de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
1136
e, et que pourtant la raison d’être de la Science
est
de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse —
1137
e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il
est
soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
1138
ertitudes que l’on croyait acquises, d’autre part
est
le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
1139
dominer, alors que nous Européens, n’avons jamais
été
découverts par personne, notez-le bien. C’est une passion inquiète de
1140
ans cesse le pouvoir de l’homme sur la nature qui
est
à l’origine des expériences physiologiques, physiques et mécaniques,
1141
t surtout au xxe siècle, à la technique. Or quel
est
le but final de notre effort technique, considéré dans son ensemble ?
1142
tâché de faire voir que le génie de la recherche
est
le génie même de l’Europe. J’ajouterai une dernière remarque : le gén
1143
dernière remarque : le génie de la recherche pure
est
la condition même de la survie de l’Europe. C’est en effet la techniq
1144
turel et spirituel de notre civilisation. Rien ne
serait
donc plus faux ni plus dangereux pour nous que de maintenir des clois
1145
ns jamais que la culture pure, la recherche pure,
est
l’origine réelle de nos progrès techniques. Et là-dessus une petite h
1146
choses, les turbines, c’est sérieux, la culture n’
est
qu’un luxe, et que l’important était d’abord de lutter contre le comm
1147
, la culture n’est qu’un luxe, et que l’important
était
d’abord de lutter contre le communisme, qu’il confondait, je le crain
1148
sa puissance de la turbine, mais après tout ce n’
est
pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouv
1149
mathématicien. Il s’appelait Léonard Euler, et il
était
né à Bâle, entre France et Allemagne, dans une atmosphère très savant
1150
Océan, d’énormes capitaux s’amassent. 45. Je la
tiens
du grand écrivain russe exilé, Alexis Remizov. bk. Texte initialemen
1151
el aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il
sera
capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques d
1152
ues » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il
soit
encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c’est
1153
l’élan d’une volonté précise et combative. Elles
sont
un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute
1154
lan politique, provient sans doute du fait qu’ils
sont
des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcémen
1155
x. Mais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a
été
d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins
1156
plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’
était
-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné
1157
pu influencer le cours des événements. L’histoire
est
faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et p
1158
e autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle
soit
portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice.
1159
foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire
sont
ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plie
1160
connues ou supposées de leur époque. Leur action
fut
puissante dans la mesure exacte où elle fut l’expression directe de l
1161
ction fut puissante dans la mesure exacte où elle
fut
l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veut ag
1162
e exacte où elle fut l’expression directe de leur
être
. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il r
1163
que parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il
est
, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour com
1164
termes d’organisation pratique les principes qui
sont
impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout ce
1165
marquons tout de suite que ces divers conflits ne
sont
en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondamental
1166
uite que chacun de ces termes opposés deux à deux
est
également faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet.
1167
leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils
sont
inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne pe
1168
ment une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne
sera
jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit politiqu
1169
és. Pour résoudre l’opposition unité-division, il
serait
vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-c
1170
uver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne
sont
que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a n
1171
le et sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse
étant
la suivante : la théologie de l’œcuménisme implique une philosophie d
1172
une philosophie de la personne dont l’application
est
une politique du fédéralisme. Théologie du mouvement œcuménique
1173
stantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’
être
compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous intéres
1174
ts qui importent à notre entreprise. Le principal
est
celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi
1175
’union des chrétiens en Christ, cette foi pouvant
être
connotée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de
1176
par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’
est
pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la te
1177
trine positive de l’union au nom de laquelle doit
être
condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons ac
1178
té des membres d’un seul et même corps : quel que
soit
le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements b
1179
ités. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.)
Est
-il permis d’en appeler aussi au précédent des sept Églises d’Asie, po
1180
e, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole «
Soyez
un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’
1181
? Ou à la parole « Soyez un comme le Père et moi
sommes
un », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des p
1182
onsidère que la diversité des vocations divines n’
est
pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait,
1183
n deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit
être
au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à dém
1184
bres les plus fidèles. Toutefois, cette méthode n’
est
compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne
1185
lus de recours direct au chef de l’Église, lequel
est
au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle vill
1186
local. Certes, aucune Église ou secte n’a jamais
été
capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Sa
1187
Église ou secte n’a jamais nié que son chef réel
fût
au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était sur la terre, c’est-
1188
el fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il
était
sur la terre, c’est-à-dire à leur disposition. Plusieurs ont identifi
1189
vec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être
sera
opposée à l’ancienne, au lieu d’être seulement plus vraie, donc plus
1190
ra peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’
être
seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle sera déformée à reb
1191
seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle
sera
déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pas ici
1192
verselle. Elle sera déformée à rebours, au lieu d’
être
réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’organisation romaine
1193
s isolée et génératrice de schismes. Son attitude
est
donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union
1194
fférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’
est
pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « t
1195
Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit
être
un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être u
1196
n, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à
être
un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spi
1197
storiques susceptibles de faire image. L’individu
est
une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l
1198
lors le groupe expulse le « non-conformiste ». Ce
sont
ces expulsés de divers groupes qui fondent les premières thiases grec
1199
tion collective. La victoire de Rome sur la Grèce
est
la première victoire fatale de l’étatisme sur l’individualisme devenu
1200
Entre individualisme et dictature, l’opposition n’
est
pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession
1201
ère dont le vide s’oppose au plein : plus le vide
est
absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards même, l’étatisme
1202
au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel
est
puissant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le pr
1203
e prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’
est
plus qu’une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de n
1204
iste. De nouveau se recrée le vide social. Quelle
sera
la nouvelle société ? En ce point crucial de l’histoire — dans une si
1205
on des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’
est
-ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nous n
1206
sur quelque autre réalité collective. Leur lien n’
est
pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la dro
1207
n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’
est
assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas t
1208
iel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’
est
pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles
1209
l revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a
été
racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle.
1210
u la promesse de sa résurrection individuelle. Il
est
donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même f
1211
reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’
est
pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de s
1212
ie davantage de servir que de se distinguer. Il n’
est
pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’étai
1213
simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’
était
le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son
1214
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme
est
, lui aussi, à la fois autonome et en relation. Ainsi, le mot personne
1215
ens nouveau, et la réalité sociale qu’il désigne,
sont
bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créati
1216
lations concrètes avec ses semblables. La liberté
est
assurée par la possibilité constante de recourir directement à l’Éter
1217
nel, au-dessus de la communauté. Et la communauté
est
liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du
1218
e les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne
sont
plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le rend
1219
sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
est
aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’autrui. En retour, ce qu
1220
is d’autrui. En retour, ce qui unit la communauté
est
aussi ce qui l’oblige à respecter les vocations individuelles. La lib
1221
ci encore, insistons sur ce point : la personne n’
est
pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politi
1222
lottant et le soldat politique trop esclave. Elle
est
l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans
1223
lle est l’homme intégral, dont les deux autres ne
sont
que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équili
1224
uilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où
est
l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il
1225
n principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là
est
la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à dév
1226
où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi
est
la vraie communion. Il nous reste à développer maintenant les implica
1227
fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il
soit
désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne pe
1228
ique. Quant à la philosophie de la personne, elle
sera
normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise paradoxa
1229
isme helvétique : « Un pour tous, tous pour un »,
est
également valable sur ces trois plans. L’œcuménisme exclut l’orthodox
1230
ïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’
est
que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialism
1231
isme d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’
être
un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être
1232
s qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
être
un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme pa
1233
sonne peut se réaliser. Car les tâches civiques y
sont
à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté
1234
ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’
est
donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande vill
1235
dans un vaste État centralisé. D’autre part, on n’
est
pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans u
1236
son équivalent dans l’œcuménisme ecclésiastique —
est
exclue par le régime totalitaire, qui prétend faire coïncider les fro
1237
ivités sociales, spirituelles ou privées — ce qui
est
la définition même de l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménism
1238
uménisme, reconnaît que les diversités régionales
sont
la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les
1239
ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’
est
l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les frontières extéri
1240
ar « Églises » et par « régions ».bo Notre objet
était
d’établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et
1241
l’œcuménisme, le personnalisme et le fédéralisme
sont
les aspects divers d’une seule et même attitude spirituelle. Ils s’en
1242
oir le fédéralisme sans accepter l’œcuménisme, ce
serait
priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais ac
1243
ménisme sans vouloir également le fédéralisme, ce
serait
ne pas accepter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses cons
1244
es ses conséquences. Car la foi sans les œuvres n’
est
pas la foi.46 Le fédéralisme et le mouvement œcuméniquebp Et
1245
nant nous voici dans le drame de la lutte entre l’
Est
et l’Ouestbq. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble d
1246
’Ouestbq. Nous constatons que le conflit en cours
est
insoluble dans son plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement
1247
risme triomphe définitivement des démocraties, ce
sera
la mort d’une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera sur
1248
ne culture et d’une économie, sans doute, mais ce
sera
surtout la suppression de toute possibilité œcuménique, la subversion
1249
et individualistes triomphent, aucun problème ne
sera
résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les
1250
ailleurs que les deux termes de cette alternative
sont
également improbables, et que les destructions en cours et à venirbr
1251
, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où
sont
-elles ? Qui les prépare ?bs La seule espérance et aussi la seule pos
1252
talisme individualiste et au totalitarisme qui en
est
né. Mais qui peut aujourd’hui proposer cette réponse ?bt Avant même
1253
ns la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises
sont
fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne et crée pour ceux qui c
1254
hui les Églises, si cette foi seule demeure, elle
sera
suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut
1255
lise peut agir, raisons que nous allons énumérer,
sont
-elles moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espér
1256
romaines, — alors qu’il n’en existe aucune qui se
soit
développée en pays calvinistes, ou seulement influencés par des éléme
1257
des éléments calvinistes, même laïcisés, comme ce
fut
le cas de la France sous la Troisième République ? Comment expliquer
1258
stinction entre l’Église et l’État n’avait jamais
été
établie d’une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple,
1259
la séparation de l’Église et de l’État a toujours
été
réelle — même lorsqu’elle n’était pas strictement établie par la loi.
1260
l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’
était
pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocatio
1261
s devoirs de la vocation personnelle ont toujours
été
mis au-dessus des devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que
1262
vers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’
est
affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’
1263
est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y
est
pas traduite par l’éclosion d’une anti-religion totalitaire, mais par
1264
). Un contenu nouveau, calviniste ou luthérien, s’
est
introduit dans les cadres et les rites anciens, jugés utilisables. Or
1265
e qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvin s’
est
toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les div
1266
ndividualisme par groupes » dans ce dernier pays,
étant
prédéterminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé
1267
inée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il
fut
fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au
1268
-dire le premier plan d’une Europe confédérée. Il
serait
aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je
1269
t la philosophie de la personne qu’elle implique,
sont
les seules bases actuellement concevables pour un ordre nouveau du mo
1270
religion de l’homme » que certains nous proposent
est
une contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
1271
contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne
soit
la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que précis
1272
de l’œcuménisme et la philosophie de la personne
sont
les seules bases actuellement existantes, et sur lesquelles on puisse
1273
ant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme,
est
encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’éléments traditionne
1274
3. L’organisation du Conseil œcuménique se trouve
être
de fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les I
1275
les Internationales idéologiques et politiques se
sont
désintégrées au cours des deux dernières décades. (Les partis sociali
1276
tant dans les pays où les Soviets ne règnent pas,
sont
en voie de divergence et non de convergence, sur le plan internationa
1277
un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche
est
strictement limitée, rien ne subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui
1278
ans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique,
est
en train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesure
1279
hie de la personne et la politique du fédéralisme
sont
seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes
1280
exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique
est
donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires act
1281
incérité.) Le tableau que nous venons d’esquisser
est
ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrét
1282
nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’
être
, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de
1283
est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’
être
. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considératio
1284
, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’
est
jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait
1285
toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’
est
qu’une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais
1286
e. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’
étais
faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’actio
1287
bientôt que je n’étais faible que parce que je me
tenais
immobile, dans ma prudence. L’action risquée m’apporte les forces don
1288
orces dont je manquais. De toutes parts, un appel
est
ressenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des auteurs isolé
1289
onter maintenant. 46. Le paragraphe qui suit a
été
supprimé dans l’édition américaine : « Note. — On s’étonnera peut-êtr
1290
eprendre à sa charge. Et les peuples européens ne
sont
nullement prêts à se soulever pour rétablir ce qu’on nommait chez eux
1291
par là même déformés. À mon sens, le fédéralisme
est
la seule possibilité pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais i
1292
édition américaine. bo. Le paragraphe qui suit a
été
supprimé dans l’édition américaine : « Enfin nous ne devons pas hésit
1293
ps mortels, dans les deux camps. Le totalitarisme
est
un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste don
1294
imé les passages qui suivent : « Le rôle d’Hitler
est
de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe
1295
verte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill
est
de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il n
1296
pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît
être
de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe…
1297
e générale des chefs, des doctrines et des partis
est
un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, p
1298
les corps non moins que les âmes, mettons que ce
fut
assez pour justifier le scepticisme amer de nos élites à l’égard de l
1299
n avait trouvé son expression suprême. Et Kafka n’
était
plus que le Jean-Baptiste d’une sorte d’Évangile à rebours, « mauvais
1300
poser un sens positif à la vie, niée par Kafka, s’
est
attestée dans le soulèvement des écrivains unis aux paysans, des ouvr
1301
venir Quatre-vingt-quatre. Et soudain, celle de l’
Est
lui répond Quarante-huit. C’est quatre-vingt-quatre inversé. Jamais c
1302
t quatre-vingt-quatre inversé. Jamais chiffres ne
furent
plus chargés de symboles. Essayons de les interpréter. Tout ce qui c
1303
tres, les arts et la philosophie, sait qu’il faut
être
subversif ou pessimiste, ou les deux à la fois, sous peine de ne plus
1304
e ne plus compter. Inutile de citer des noms : ce
seraient
ceux, justement, que tout le monde connaît, la liste complète des mei
1305
et persuadé de la valeur des conventions ; mais n’
est
-ce pas lui qui ouvrit, en 1919, le grand courant du pessimisme europé
1306
qui nous rappelle d’abord que notre civilisation
est
mortelle comme les autres et prédit à la fin que nous allons vers la
1307
et fonctionnaire du premier rang ; mais sa phrase
est
plus subversive que tout ce qui passe pour tel dans les cafés, et sa
1308
tement il a choisi l’exil en soi. Tous les autres
sont
contre le siècle, d’une manière encore plus évidente, soit qu’ils att
1309
re le siècle, d’une manière encore plus évidente,
soit
qu’ils attaquent avec acharnement la morale dite bourgeoise ou les rè
1310
la morale dite bourgeoise ou les règles des arts,
soit
qu’ils opposent à l’anarchie flagrante des esprits quelque orthodoxie
1311
lque orthodoxie restaurée, justifiant elle aussi,
fût
-ce par son seul échec, la dissidence de la pensée dans le monde moder
1312
s influences dominantes sur nos élites créatrices
sont
celles de Nietzsche, de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il
1313
de Rimbaud, de Kierkegaard et de Dostoïevski. Il
est
remarquable que ce siècle n’ait retenu du précédent que les génies an
1314
la Morale athéiste. Tout ce qui compte en Europe
est
donc antibourgeois, j’entends bien dans le domaine de l’éthique et de
1315
s par ses ancêtres. Et c’est elle aujourd’hui qui
est
prise d’angoisse devant ce qu’ils dénonçaient en vain. C’est elle qui
1316
au vertige de l’histoire, s’imagine que son heure
est
passée, que le Prolétariat doit la déposséder, comme elle avait elle-
1317
itiers de leurs ennemis ! La bourgeoisie du xixe
fut
optimiste en dépit des souffrances affreuses des prolétaires industri
1318
t d’un sens fatal de l’Histoire, dont Big Brother
sera
l’aboutissement. J’ai tu jusqu’ici deux grands noms, qui dominent pou
1319
un zèle amer et quelque peu sadique. Ce succès n’
est
pas dû à la lecture de leurs œuvres ardues et complexes, mais à l’int
1320
emps », au double sens de l’expression. Que Freud
soit
dépassé dans son propre domaine, et surtout débordé par le retour en
1321
le retour en force de réalités religieuses qu’il
tenait
pour autant d’illusions ; que Marx se soit trompé dans toutes ses pré
1322
u’il tenait pour autant d’illusions ; que Marx se
soit
trompé dans toutes ses prévisions (sauf dans celle sur l’avenir du de
1323
ialectique, devenue sans prises sur les faits, en
est
réduite à restaurer des dogmes à coups de mensonges. Si les ouvriers
1324
coups de mensonges. Si les ouvriers de Czepel ne
sont
pas des « fascistes importés », la dialectique n’est plus qu’une « my
1325
pas des « fascistes importés », la dialectique n’
est
plus qu’une « mystification » comme eût dit Marx lui-même, et le « mo
1326
d’opposition redevient créateur. Et la question n’
est
plus de supputer le « sens inévitable » de l’Histoire, mais de la fai
1327
e rêve d’angoisse avec notre avenir historique, à
tenir
cette logique démente pour l’annonce d’une fatalité. A-t-il vraiment
1328
un faux réveil rêvé pendant un long cauchemar qui
serait
, en fin de compte, la vraie réalité ? On pourrait s’inquiéter si d’au
1329
dépendants d’ailleurs des récents événements de l’
Est
, ne venaient corroborer un optimisme neuf. Budapest a gagné sa partie
1330
agné sa partie — moralement. Admettons que cela n’
est
pas tout. Mais qu’en est-il de l’Occident ? Trois représentations vag
1331
nt. Admettons que cela n’est pas tout. Mais qu’en
est
-il de l’Occident ? Trois représentations vagues, mais obsédantes asso
1332
e liberté. Première illusion fataliste : « L’URSS
est
l’avenir ». L’URSS était le paradis de la classe ouvrière, les USA le
1333
usion fataliste : « L’URSS est l’avenir ». L’URSS
était
le paradis de la classe ouvrière, les USA le dernier bastion du capit
1334
paupérisation croissante des travailleurs. L’URSS
était
donc l’avenir, tandis que les USA se voyaient condamnés par le « mouv
1335
ndamnés par le « mouvement de l’histoire ». Telle
était
la religion des « progressistes ». Voyons les faits. Nul n’ignore que
1336
s les faits. Nul n’ignore que l’ouvrier américain
est
le plus riche du monde, l’ouvrier soviétique l’un des plus pauvres. C
1337
remise au travailleur des fruits de son travail,
serait
l’œuvre du communisme. Or l’examen des chiffres et des faits conduit
1338
uve dans la première. » « Il n’empêche que l’URSS
est
l’avenir ! », répéteront nos maniaques de l’Histoire. Drôle d’avenir,
1339
en vérifier les résultats, on voit que le progrès
est
à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’Est, et qu’une classe ou
1340
est à l’Ouest, le servage et la loi d’airain à l’
Est
, et qu’une classe ouvrière mieux informée qu’endoctrinée, si elle a à
1341
er que l’avenir, aux yeux de ces Hongrois, s’il n’
est
pas l’URSS n’est pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raiso
1342
aux yeux de ces Hongrois, s’il n’est pas l’URSS n’
est
pas non plus l’Europe… On devine, pour quelles raisons. Mais que vale
1343
elles ? Deuxième illusion fataliste : « L’Europe
est
condamnée ». L’Europe détrônée par deux guerres et ruinée par sa divi
1344
ns » — incapables d’ailleurs de prouver qu’ils le
sont
— se voyait promise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’Est
1345
ise par l’Histoire à des partages ignominieux : l’
Est
aux Russes, l’Ouest à l’Amérique, et le Centre neutralisé. Sa décaden
1346
e l’Europe, CECA, le Marché commun et Euratom. Il
serait
plus qu’étrange qu’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante e
1347
’on puisse l’arrêter là. L’Assemblée constituante
est
sa prochaine étape. Un Pouvoir fédéral devrait en résulter, car tout
1348
t en résulter, car tout l’appelle et sa nécessité
est
inscrite dans les faits, si elle ne l’est pas encore dans l’esprit de
1349
cessité est inscrite dans les faits, si elle ne l’
est
pas encore dans l’esprit des nationalistes attardés. Aucun de nos Éta
1350
que, ni commercer comme il l’entend. Aucun donc n’
est
indépendant. Mais ils peuvent l’être tous ensemble, et ils commencent
1351
Aucun donc n’est indépendant. Mais ils peuvent l’
être
tous ensemble, et ils commencent à le savoir. 330 millions d’habitant
1352
du rideau de fer, plus 100 millions récupérés à l’
Est
, feraient un ensemble supérieur aux Soviétiques et aux Américains add
1353
étie, qui deviendra vraie, celle de Proudhon, qui
fut
quarante-huitard : « Le xxe siècle ouvrira l’ère des fédérations, ou
1354
ra un purgatoire de mille ans. » Au fait, nous en
sommes
là, ce n’est plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce q
1355
de mille ans. » Au fait, nous en sommes là, ce n’
est
plus une hypothèse. L’Histoire dépend de nouveau de ce que nous en fe
1356
ique va dominer nos existences disciplinées. C’en
sera
fait de la liberté, et du droit d’hésiter, d’errer… Les savants, appr
1357
es jours. Qui ne l’a pas dit ? Curieusement, tout
est
faux dans ce langage ; tout n’est que manière de parler abusivement p
1358
ieusement, tout est faux dans ce langage ; tout n’
est
que manière de parler abusivement prise à la lettre, et donc fautive.
1359
s envahissent nos vies ? Si seulement ! Car elles
sont
très chères. Mais jamais une Talbot n’est entrée dans ma cour, sponta
1360
elles sont très chères. Mais jamais une Talbot n’
est
entrée dans ma cour, spontanément, dans l’intention de m’envahir. Et
1361
vous agace, vous vous décidez à répondre. Vous n’
êtes
donc pas l’esclave du téléphone, mais de votre seule curiosité. Le rè
1362
l’ordre exprès d’un président, d’un général. Ce n’
est
pas elle qui est dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroni
1363
un président, d’un général. Ce n’est pas elle qui
est
dangereuse, c’est l’homme. Et les cerveaux électroniques (par métapho
1364
aient eu le droit de maudire la technique, ce ne
sont
pas les bourgeois de ce siècle, ni leurs penseurs, mais bien les ouvr
1365
la tyrannie des rythmes mécaniques. Eux seuls se
sont
vus transformés en « compléments vivants d’un mécanisme mort », selon
1366
du sans pareil s’attache à ce mot synthétique. Qu’
est
-ce qu’un robot ? Ce n’est pas un homme automatique, comme des million
1367
ce mot synthétique. Qu’est-ce qu’un robot ? Ce n’
est
pas un homme automatique, comme des millions de personnes le croient
1368
r Karl Marx et Proudhon, que l’on n’écoutait pas,
tenait
à la semi-automatisation de la production industrielle. Tout retour e
1369
a production industrielle. Tout retour en arrière
étant
exclu, le remède devait être cherché dans l’automatisme total, libéra
1370
t retour en arrière étant exclu, le remède devait
être
cherché dans l’automatisme total, libérant l’ouvrier non seulement de
1371
qu’imposaient la machine et la chaîne. Le remède
était
donc le robot, dont l’application générale prit récemment le nom angl
1372
le prit récemment le nom anglais d’automation. Il
est
curieux que la pensée occidentale, découvrant le péril avec cent ans
1373
es servitudes mécaniques. Mais ses effets médiats
seront
plus étendus. Ils sont littéralement incalculables. L’usine sans ouvr
1374
Mais ses effets médiats seront plus étendus. Ils
sont
littéralement incalculables. L’usine sans ouvriers, produisant jour e
1375
ti communiste, ni même de la classe ouvrière, qui
sera
l’agent du dépassement concret des conflits institués par la techniqu
1376
ens. C’est le problème des moyens de culture, qui
seront
mis à contribution, sur une échelle brusquement agrandie. C’est, au-d
1377
s illusions, mais aussi de nos scepticismes. Ce n’
est
pas l’accroissement de nos biens, ni la solution de nos maux, car tou
1378
lution de nos maux, car toute solution concevable
serait
la fin de notre liberté. J’imagine au contraire le progrès véritable
1379
il y a trop à dire, et d’autres vont parler. Je n’
étais
pas venu pour conclure, mais pour ouvrir des portes. bu. Texte init
1380
es chrétiennes et que mon optimisme trouble comme
étant
par trop “séculier” : Si le monde s’organise dans la paix, si la pros
1381
flus ? L’inquiétude qui entretient leur besoin ne
sera-t
-elle pas apaisée ? Le salut, le pardon, la grâce et la prière d’inter
1382
eront-ils un sens pour des humains comblés ? » Il
serait
trop facile de répondre que les prouesses actuelles du progrès ne ser
1383
épondre que les prouesses actuelles du progrès ne
seront
jamais intégralement tenues. Car le fait est qu’elles ont plus de cha
1384
e seront jamais intégralement tenues. Car le fait
est
qu’elles ont plus de chances que jamais de l’être, en tout cas partie
1385
est qu’elles ont plus de chances que jamais de l’
être
, en tout cas partiellement. Et même si elles n’étaient pas tenues du
1386
enues du tout, la question de principe subsiste :
Est
-il vrai que l’inquiétude religieuse dépende de l’insatisfaction de no
1387
ience nos maux inévitables, mais aucun apaisant n’
est
préférable à la paix réelle ; enfin, comme le complément d’une défici
1388
progrès réussirait, où nos besoins terrestres se
tiendraient
pour comblés, ce n’est pas seulement cette religion-remède qui serait
1389
oins terrestres se tiendraient pour comblés, ce n’
est
pas seulement cette religion-remède qui serait menacée de s’éteindre
1390
ce n’est pas seulement cette religion-remède qui
serait
menacée de s’éteindre faute d’emploi, mais tout autant, ou plus encor
1391
même de l’homme. Car la fonction de la religion n’
est
pas de compenser nos maux ou de nous les faire oublier, mais d’orient
1392
de nous les faire oublier, mais d’orienter tout l’
être
vers la vérité, et d’affirmer une vérité qui nous transcende. Et la f
1393
e, qui se distingue en cela des autres religions,
est
d’amener l’homme à incarner la vérité : cette vérité transformant l’h
1394
sme aussi, et de toutes les doctrines du progrès,
sont
les suites plus ou moins directes ou légitimes que l’Occident, croyan
1395
jurgation, c’est une simple constatation, l’homme
est
ainsi : incapable d’être satisfait et de bien vivre quand ses besoins
1396
ple constatation, l’homme est ainsi : incapable d’
être
satisfait et de bien vivre quand ses besoins physiques sont seuls com
1397
fait et de bien vivre quand ses besoins physiques
sont
seuls comblés. (Sinon, les occupants de nos prisons modernes « vivrai
1398
ascal, bien avant Nietzsche. La nature de l’homme
est
de dépasser la Nature. D’où je conclus qu’une religion qui aurait à r
1399
n qui aurait à redouter la réussite du progrès ne
serait
en tout cas pas le christianisme véritable, et que l’homme qui se sen
1400
ement « apaisé » par cette réussite matérielle ne
serait
plus un homme véritable. On m’opposera sans doute les utopies de Geor
1401
e permanente se voit totalement évacué, l’homme n’
étant
plus qu’une sorte de bétail savant. Les utopies supposent, en somme,
1402
rvice de la propagande. Logiquement, le processus
est
impensable : si la technique triomphait de l’homme, elle s’annulerait
1403
e quant aux chances de l’homme contemporain. Il n’
est
plus, pour croire à ces fous, que quelques intellectuels naguère à la
1404
un avec l’Église primitive. Le danger véritable n’
est
pas là. Mais si nous admettons que le phénomène de la « mort de Dieu
1405
les races, un défi d’un tout autre ordre risque d’
être
lancé au christianisme : non pas celui de l’athéisme, ni celui de l’i
1406
euse, mais celui d’autres religions. Les cultures
sont
destinées à s’interpénétrer de plus en plus. Les anciennes religions
1407
jours plus exorbitante, voire intenable ? Quelles
sont
ses chances, à vues humaines, de relever un tel défi ? On ne saurait
1408
logie ou d’une civilisation, car le christianisme
est
essentiellement autre chose que tout cela. Un Karl Barth pourrait don
1409
t donc se borner à me répondre : le christianisme
étant
parole de Dieu aux hommes, son avenir ne dépend que de Dieu, et ne mé
1410
ise, pour me convaincre de manque de foi, si ce n’
est
de vaine curiosité frisant le blasphème. Mais s’il est vrai que le ch
1411
e vaine curiosité frisant le blasphème. Mais s’il
est
vrai que le christianisme est essentiellement différent, il est lié,
1412
lasphème. Mais s’il est vrai que le christianisme
est
essentiellement différent, il est lié, existentiellement, à des réali
1413
e christianisme est essentiellement différent, il
est
lié, existentiellement, à des réalités historiques et « mondaines » a
1414
de nuit de l’esprit. Le christianisme historique
est
aussi un parti, ou même un ensemble de partis, il est aussi une idéol
1415
aussi un parti, ou même un ensemble de partis, il
est
aussi une idéologie, et il est lié à une certaine civilisation qu’il
1416
mble de partis, il est aussi une idéologie, et il
est
lié à une certaine civilisation qu’il a certes transformé mais non sa
1417
istorique et sociologique, art dont on sait qu’il
est
loin de toute science rigoureuse, mais qui ne s’en distingue pas moin
1418
pas moins de la rêverie utopique. Car l’utopie n’
est
que la projection dans un avenir an-historique de nos désirs et de no
1419
comme un système sans avenir ». Le christianisme
est
un parti (ou plutôt un ensemble de partis tantôt rivaux tantôt coalis
1420
iffusion en Afrique et en Asie jusqu’ici, mais il
est
peu probable qu’un des trois ou quatre grands « partis », le catholiq
1421
iques, seuls le catholicisme et le protestantisme
seraient
en position d’y prétendre, sinon d’y réussir. Le catholicisme a pour
1422
ommuniste et les divers régimes totalitaires) ont
été
amenés, par la nature des choses, à copier plus ou moins expressément
1423
essions arrachées. Le protestantisme a pour lui d’
être
plus congénial aux développements présents de la culture scientifique
1424
a culture scientifique et technique49, et d’avoir
été
le père des régimes de démocratie tempérée qui règnent aujourd’hui su
1425
les seules monarchies demeurées stables en Europe
sont
les protestantes (Suède, Norvège, Danemark, Hollande et Grande-Bretag
1426
u sens strict. Si le sacralisme d’origine païenne
est
la tentation naturelle du catholicisme, le sécularisme moderne est la
1427
naturelle du catholicisme, le sécularisme moderne
est
la tentation naturelle du protestantisme, et nul ne peut nier qu’ils
1428
des deux confessions majeures. Cette convergence
est
-elle seulement souhaitable, ou pouvons-nous en déceler dans les faits
1429
te protestant et du sens universaliste catholique
serait
de nature à protéger les uns de l’individualisme anarchique, les autr
1430
que, les autres du collectivisme autoritaire, qui
sont
les déviations typiques du personnalisme chrétien, doctrine centrale
1431
uménique dans toutes les confessions. Tout cela s’
est
manifesté et prononcé au cours des trois ou quatre dernières décennie
1432
urcissant en fait les divisions. Le christianisme
est
aussi une idéologie dans la mesure où il reste lié à une culture déte
1433
proclamée dans le Temple juif. Le christianisme s’
est
répandu d’abord dans le Proche-Orient (Palestine et Liban, Asie Mineu
1434
case, Égypte et Éthiopie) puis en Europe, où il s’
est
organisé en calquant les structures de l’Empire romain d’Occident. Au
1435
13), ses tentatives d’expansion vers l’Orient ont
été
arrêtées en Inde sur la côte de Malabar, étouffées en Chine dès le xe
1436
rales, sociales, économiques et politiques qui en
furent
le contexte séculaire se voient aujourd’hui adoptées par l’ensemble d
1437
er des droits sociaux égaux pour tous, quelle que
soit
la caste ou la tribu, pour que cet homme accepte du même coup la conc
1438
vangélique de la société, la fraternité de tous «
soit
juifs, soit grecs, soit esclaves, soit libres », mais je constate (ap
1439
e la société, la fraternité de tous « soit juifs,
soit
grecs, soit esclaves, soit libres », mais je constate (après Henri de
1440
, la fraternité de tous « soit juifs, soit grecs,
soit
esclaves, soit libres », mais je constate (après Henri de Man et bien
1441
de tous « soit juifs, soit grecs, soit esclaves,
soit
libres », mais je constate (après Henri de Man et bien d’autres socio
1442
tiques) que le phénomène de la révolution sociale
est
impensable dansby les régions de l’Asie et de l’Afrique qui n’ont pas
1443
s régions de l’Asie et de l’Afrique qui n’ont pas
été
soumis à l’influence chrétienne52. Née de l’Europe christianisée, c’e
1444
s, et qui appellent donc une conception de la vie
soit
dérivée du christianisme, soit chrétienne : nouvel aspect de l’opport
1445
nception de la vie soit dérivée du christianisme,
soit
chrétienne : nouvel aspect de l’opportunité chrétienne. Cependant, si
1446
il ne s’en suit pas nécessairement que cet appel
sera
exaucé, ni que cette civilisation est la seule bonne. Elle peut être
1447
cet appel sera exaucé, ni que cette civilisation
est
la seule bonne. Elle peut être la plus efficace ou même la meilleure
1448
cette civilisation est la seule bonne. Elle peut
être
la plus efficace ou même la meilleure qui existe, sans être la meille
1449
us efficace ou même la meilleure qui existe, sans
être
la meilleure possible. Elle peut aussi révéler, au contact quotidien
1450
a formé la civilisation dont cette machine-outil
est
le produit se reconstitue autour d’elle. Sinon, elle risque de produi
1451
qui l’adoptent, si ces peuples comprennent quels
sont
les liens intimes, d’origine et de finalité, qui unissent la concepti
1452
é des chrétiens d’aujourd’hui, et dont la plupart
sont
très loin de soupçonner l’ampleur et l’urgence mondiale… Mais ceci n
1453
us par le progrès occidental, que ce progrès n’en
serait
pas un, et qu’il reste impensable hors d’une conception chrétienne du
1454
onception chrétienne du monde, d’autre part, il n’
est
pas moins nécessaire de montrer aux chrétiens que la vérité de leur r
1455
la Méditerranée quand la doctrine chrétienne s’y
est
formée, ainsi que des peuples nordiques qui, par la suite, adoptèrent
1456
hrétiens à leur sens que ceux auxquels l’Église s’
était
attachée et au nom desquels elle les condamnait. Ils contribuèrent ai
1457
rivent les chances mondiales du christianisme. Il
est
juste de remarquer ici que les théologiens et penseurs chrétiens occi
1458
e reste une part essentielle du christianisme, il
est
évident que ses symboles traditionnels, empruntés à la civilisation m
1459
runtés à la civilisation méditerranéenne, doivent
être
traduits, eux aussi, en termes de réalités correspondant aux autres c
1460
nts sacerdotaux des prêtres chrétiens se trouvent
être
ceux que portaient les prêtres du culte impérial romain, puis les roi
1461
de travail du xiie siècle européen. Mais ceci n’
est
encore qu’un signe secondaire. Plus sérieux est l’usage du pain et du
1462
n’est encore qu’un signe secondaire. Plus sérieux
est
l’usage du pain et du vin pour la communion. La vigne est une culture
1463
age du pain et du vin pour la communion. La vigne
est
une culture typique du bassin sémitico-gréco-romain de la Méditerrané
1464
tente d’indiquer ici certaines difficultés qui ne
sont
apparues qu’à l’orée de l’époque mondiale, et dont il faudra s’occupe
1465
nouvelle langue vivante universelle — l’anglaise
serait
alors la mieux placée — ou décider que la liturgie sera dite partout
1466
lors la mieux placée — ou décider que la liturgie
sera
dite partout dans la langue du pays, formule protestante ? Mais il es
1467
la langue du pays, formule protestante ? Mais il
est
clair que cette traduction linguistique en entraînera de proche en pr
1468
même sociales… Des remarques analogues pourraient
être
faites au sujet de plusieurs autres traits spécifiquement européens,
1469
christianisme au cours des âges, mais qui ne lui
sont
pas essentiels — comme la morale bourgeoise, voire victorienne — et q
1470
nt de gêner son expansion mondiale, son pouvoir d’
être
assimilé en tant que vérité pour tous les temps et pour toutes les ra
1471
grâce, de foi, de personne et surtout d’amour qui
sont
les fondements du christianisme et que les traditions orientales semb
1472
ort immense, véritablement planétaire, mais qui n’
est
pas sans précédent (voir l’œuvre des jésuites au xiie siècle en Chin
1473
ion du Christ. Plus susceptible que toute autre d’
être
traduite dans n’importe quel contexte culturel, seule soucieuses de d
1474
civilisation scientifique, la religion du Christ
est
aussi et surtout la seule qui ait pu résumer toute sa loi dans le com
1475
r de soi et du prochain, indissolubles — et telle
est
à mes yeux la seule règle concevable d’une société des hommes non seu
1476
ences (physique, chimie, médecine et physiologie)
sont
allés à des pays de majorité protestante, entre 1901 et 1960. L’indic
1477
ajorité protestante, entre 1901 et 1960. L’indice
est
même de 90 % pour la dernière période, 1941-1960. 50. Cf. supra, « L
1478
en Inde les mouvements sociaux et c’est là que s’
est
constitué le seul État communiste de la péninsule, le Kerala. Gandhi
1479
t beaucoup à l’évangéliste Kagawa. En Afrique, ce
sont
des leaders éduqués en Europe, et devenus chrétiens, qui prennent la
1480
ous l’identifiant 988. bw. Le manuscrit français
est
peu lisible, l’édition américaine donne ceci : « Christianity is a pa
1481
Le manuscrit indique « hors des régions » ce qui
est
manifestement l’inverse du propos de l’auteur. On a corrigé sur la ba