1 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Introduction
1 J’ai rouvert bien des livres sur la Suisse : ils tiennent tout un rayon de ma bibliothèque. Il m’a semblé que l’on avait tout d
2 ue les guides ignorent et que les cartes postales sont incapables de faire voir, la durée, la saveur d’une tradition, la mém
3 tits pays — et même les chartes et les parchemins sont auprès d’elles des documents de seconde main — c’est tout cela que Re
4 iplomatiques, et un Européen de vision large, qui fut un membre très actif de la Coopération intellectuelle, aux beaux temp
5 nold nous a montré comment ce petit pays avait pu tenir le rôle moral d’une grande nation. Mais dans le monde en mutation de
6 de cette seconde moitié du xxe siècle, la Suisse est -elle une survivance, ou bien le signe avant-coureur d’un avenir possi
7 , La Suisse, démocratie témoin, André Siegfried s’ est posé cette question. Mais il s’est gardé d’y répondre, ou plutôt il n
8 ré Siegfried s’est posé cette question. Mais il s’ est gardé d’y répondre, ou plutôt il n’y a répondu que par la bande, la b
9 e : « C’est une grande folie de croire qu’on peut être sage tout seul. » (La Rochefoucauld.) Maxime qui n’est pas aussi clai
10 age tout seul. » (La Rochefoucauld.) Maxime qui n’ est pas aussi claire qu’il y paraît à première vue. Siegfried nous montre
11 ajouterai : de savoir-faire, de tour de main, qui est d’abord un tour de pensée. Il nous fait voir un jeu d’institutions do
12 t voir un jeu d’institutions dont la complexité s’ est révélée pratique, en servant les diversités au lieu de prétendre à le
13 e prétendre à les réduire. Et je crois bien qu’il est le seul auteur non suisse qui soit allé si loin dans l’analyse des va
14 rois bien qu’il est le seul auteur non suisse qui soit allé si loin dans l’analyse des variétés de l’expérience fédérale san
15 qui en chérissent toutes les nuances. Sa prudence est d’ailleurs égale aux périls qu’il affronte à chaque pas, écoutez-le :
16  Je me garderai bien de dire que certains cantons sont moins authentiquement suisses que d’autres, mais peut-être pourrait-o
17 is peut-être pourrait-on suggérer que certains le sont davantage… » Personne n’a mieux marqué les différences entre le Suiss
18 inistration bien entendue, dont le seul but avoué est d’assurer aux hommes plus de bien-être et d’avantages sociaux. En som
19 eux et averti n’adresse d’autre critique, si c’en est une, que d’avoir résolu ses problèmes par des moyens valables pour el
20 Dans le monde où nous vivons, semble-t-il dire, n’ est -il pas imprudent d’être aussi sage ? Et c’est ici que nous retrouvons
21 ivons, semble-t-il dire, n’est-il pas imprudent d’ être aussi sage ? Et c’est ici que nous retrouvons la maxime de La Rochefo
22 crire ce livre, dans l’espoir de la réfuter. ⁂ Il est fou d’être sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à une sages
23 ivre, dans l’espoir de la réfuter. ⁂ Il est fou d’ être sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à une sagesse qu’on se
24 le. En d’autres termes : si l’Europe continuait d’ être folle à l’unanimité de ses nations, la fédération suisse serait perdu
25 l’unanimité de ses nations, la fédération suisse serait perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi serait perdue. Or je vois
26 serait perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi serait perdue. Or je vois qu’elle peut être sauvée d’une balkanisation sans
27 rope aussi serait perdue. Or je vois qu’elle peut être sauvée d’une balkanisation sans gloire si elle accepte de s’helvétise
28 se fédérer. On répète que la sagesse suisse, qui est le bon sens fédéraliste, n’est pas objet d’exportation, n’a pas de va
29 agesse suisse, qui est le bon sens fédéraliste, n’ est pas objet d’exportation, n’a pas de valeur universelle. C’est ce que
30 l’on admire leur solution. Certes le fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’est pas une structure abstraite et gé
31 e fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’ est pas une structure abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif à
32 pas une structure abstraite et géométrique, ce n’ est pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceu
33 incipes, et ceux-ci m’apparaissent susceptibles d’ être appliqués à l’échelle de l’Europe, mutatis mutandis bien entendu : c’
34 t pas bien la Suisse, je veux dire : si l’on s’en tient à ses clichés. Il faut donc expliquer la Suisse réelle, celle dont le
35 uer la Suisse réelle, celle dont le vrai secret n’ est pas le secret des banques mais la pratique fédéraliste. Il y a là cer
36 is celle aussi de l’avenir européen, car les deux sont inséparables : essayer de penser l’un, c’est interroger l’autre. Les
37 isamment compris à quel point leur régime, loin d’ être menacé par une fédération de l’Europe entière, y trouverait sa meille
38 quoi que l’on pense d’ailleurs sur ce sujet, qui est au centre de mon ouvrage, il n’est peut-être pas sans intérêt de conn
39 ce sujet, qui est au centre de mon ouvrage, il n’ est peut-être pas sans intérêt de connaître, au-delà des clichés, une his
40 critiques sérieux pourront me reprocher, les unes sont dues à un manque d’intérêt, les autres à un défaut de compétence. Je
41 intérêt, les autres à un défaut de compétence. Je suis homme et, je l’avoue sans remords excessif mais non plus sans quelque
2 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — Puissance du mythe
42 e Righi, Hugo se sent devenir statue : L’émotion est immense. C’est que la mémoire n’est pas moins occupée que le regard,
43  : L’émotion est immense. C’est que la mémoire n’ est pas moins occupée que le regard, c’est que la pensée n’est pas moins
44 oins occupée que le regard, c’est que la pensée n’ est pas moins occupée que la mémoire. Ce n’est pas seulement un segment d
45 nsée n’est pas moins occupée que la mémoire. Ce n’ est pas seulement un segment du globe qu’on a sous les yeux, c’est aussi
46 enseur y trouve un livre immense où chaque rocher est une lettre, où chaque lac est une phrase, où chaque village est un ac
47 se où chaque rocher est une lettre, où chaque lac est une phrase, où chaque village est un accent, et d’où sortent pêle-mêl
48 , où chaque lac est une phrase, où chaque village est un accent, et d’où sortent pêle-mêle comme une fumée deux-mille ans d
49 le comme une fumée deux-mille ans de souvenirs… J’ étais seul, je rêvais — qui n’eût rêvé ? — et les quatre géants de l’histoi
50 despotes, lui pâtre et libérateur. La rhétorique est belle, l’émotion vraie. Le point de vue ne pouvait être mieux choisi,
51 elle, l’émotion vraie. Le point de vue ne pouvait être mieux choisi, les perspectives dans l’espace et le temps mieux ouvert
52 leur. Une certaine tradition de l’histoire suisse est ici fixée pour un siècle : Guillaume Tell, pâtre libérateur, triompha
53 up de peinture éloquente, la légende helvétique s’ est imposée. Trois mains levées sous les étoiles, au Grütli, le 1er août
54 isse fédérale que nous connaissons aujourd’hui ne serait peut-être pas devenue réalité. La volonté, le goût et parfois la pass
55 t parfois la passion qu’ont les gens de ce pays d’ être Suisses sont des bienfaits que la connaissance exacte des antiquités
56 passion qu’ont les gens de ce pays d’être Suisses sont des bienfaits que la connaissance exacte des antiquités helvétiques d
57 helvétiques dans leur complexité réelle n’eût pas été capable de susciter. Il arrive que le mythe gouverne les faits d’hist
58 les décisions vitales. Mais aujourd’hui la Suisse est faite, ses structures fédérales sont bien articulées, il n’y a plus d
59 hui la Suisse est faite, ses structures fédérales sont bien articulées, il n’y a plus de danger à distinguer dans l’histoire
60 s l’avenir certaines conclusions politiques qu’il est tentant de dégager de notre expérience fédérale, au moment où l’Europ
3 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « L’histoire suisse commence avec Guillaume Tell »
61 lu. C’est l’aube des temps, tout ce qui précède n’ est que ténèbres. Le Suisse moyen oublie seulement que 1291, cela se sit
62 in du xiiie siècle, penchent vers leur déclin ou sont en crise. Tout cela, les Suisses d’aujourd’hui l’ont en commun avec l
63 és ou républiques qu’il énumère, mais la Suisse n’ est pas mentionnée : c’est un nom qui n’existe pas encore. Faudrait-il en
64 uplée, du territoire de la Suisse actuelle, et ce fut le nom des Helvètes. Ces Celtes, nous dit Jules César, surpassaient e
65 insi, en s’interdisant tout espoir de retour, ils seraient mieux préparés à braver les hasards à venir ; et ils ordonnent que ch
66 nt-ils fondé la première Suisse bien définie ? Il est curieux que leur nom ait donné lieu d’une part à la désignation « sub
67 s travers : l’honnêteté ou le sérieux des Suisses sont souvent qualifiés d’« helvétiques » comme leur lourdeur3. Tel personn
68 lvétie assujettie par les Romains, comme devait l’ être un peu plus tard la Rhétie alpestre — dont la population venait de l’
69 ans. L’hérédité helvète des Suisses d’aujourd’hui est donc diluée à l’extrême, les Alamans et les Burgondes s’étant établis
70 iluée à l’extrême, les Alamans et les Burgondes s’ étant établis en grand nombre, dès le début du ve siècle, sur les ruines e
71 ritage plus certain de l’époque helvéto-romaine s’ est transmis à la Suisse médiévale et régionale. Les pagi jouissaient che
72 vants une diversification d’une autre sorte : à l’ est s’implanteront des dialectes germaniques, à l’ouest un langage romani
73 re face aux raids des Hongrois, qui viennent de l’ est , et aux pirates arabes qui viennent du sud. Mais bientôt la dissoluti
74 le domaine de l’actuelle Suisse, les principales seront les Zähringen, les Lenzbourg, les Kybourg, les Savoie, les Neuchâtel,
75 eigneurs environnants et du clergé. Le duc Conrad est investi par l’empereur du titre de « recteur de Bourgogne ». Son peti
76 rt sans enfants en 1218. Jamais la Suisse n’avait été plus proche de s’unifier sous un pouvoir quasi royal. Faut-il dater d
77 t longtemps fidèles au souvenir de leurs ducs. Il est curieux de replacer dans ce contexte le fait que Berne est aujourd’hu
78 ux de replacer dans ce contexte le fait que Berne est aujourd’hui la « ville fédérale » de la Suisse. Quant à l’héritage im
79 e fois de plus — cette fois-ci pour longtemps — l’ est alémanisé et l’ouest latinisé, mais elle se terminera, avec le deuxiè
80 s de l’an mille, une famille dont le nom primitif serait Habicht commence à se manifester. Vers 1025, elle construit le châtea
81 héritages en voie de dispersion. Rodolphe Ier qui est né en 1218, l’année de l’extinction des Zähringen, se trouve ainsi le
82 rsque cette dynastie s’éteint elle aussi en 1263. Est -ce lui qui va fonder la Suisse ? Il ne s’en faudrait plus que de quel
83 forestières qui commandent les cols des Alpes, il serait enfin le maître et l’unificateur de l’ancien territoire des Helvètes.
84 Helvètes. Par l’astuce et la force alternées, il est en train d’y réussir. Il a mis le siège devant la résidence de l’évêq
85 issu d’une vieille famille de la Suisse orientale fut présenté à l’empereur et jugea spirituel de lui rappeler que des Habs
86 irituel de lui rappeler que des Habsbourg avaient été vassaux de ses ancêtres, pour certains fiefs, au xiie siècle. « Il f
87 blicaine survit à la fédération de monarchies qui fut le chef-d’œuvre des Habsbourg. ⁂ Les unités ou formations distinctes
88 istinctes dont on vient de rappeler la succession furent autant de « Suisses » avant la lettre, beaucoup plus vastes par leur
89 bourg : autant d’origines éligibles. Mais le fait est que les historiens de ce pays, traduisant le sentiment populaire auta
90 isse, aux yeux des citoyens qui s’en réclament, n’ est pas avant tout un « domaine », comme le fut le royaume des Capétiens,
91 nt, n’est pas avant tout un « domaine », comme le fut le royaume des Capétiens, mais un régime ou une formule d’association
92 régime ou une formule d’association. L’Helvétie n’ était guère qu’une unité de race et de géographie. Et le duché des Zähringe
93 ce et de géographie. Et le duché des Zähringen ne fut que l’unité territoriale imposée par une dynastie. Mais la Suisse s’e
94 oriale imposée par une dynastie. Mais la Suisse s’ est constituée comme un système d’unions jurées, garantissant des liberté
95 es, garantissant des libertés particulières. Ce n’ est pas l’ambition de créer une puissance collective et d’étendre ses bas
96 pleine de sens se réfère. ⁂ Le cadre de l’action est le Saint-Empire. Le lieu, une région très réduite, au sommet de cet a
97 partie méridionale de l’Empire. Les protagonistes sont l’empereur, les Habsbourg et les Waldstätten. La péripétie initiale e
98 bsbourg et les Waldstätten. La péripétie initiale est fournie par l’aménagement, dès le début du xiiie siècle, de la route
99 termes au xviiie siècle : Le passage du Gothard est une de ces créations étonnantes qui prouvent jusqu’à quel point les e
100 large et ordinairement en a douze ou quinze ; il est pavé dans la plus grande partie de sa longueur en quartiers de granit
101 de sa longueur en quartiers de granit, et semble être un ruban jeté négligemment sur les montagnes qu’il franchit. Arrêton
102 un torrent qu’enjambe le pont du Diable. Vers l’ est et vers l’ouest deux routes de col commencent la vallée du Rhin par l
103 elques vers disent avec simplicité ce sentiment d’ être au cœur de l’Europe qui ne manque pas de m’émouvoir chaque fois que j
104 de ce lieu où l’hiver Demeure au cœur des mois d’ été  : Ce lieu de glace, et de rocs noirs, et de cieux noirs, Où, dans le
105 ncontrent La Germanie et Rome.4 ⁂ En ce lieu se sont noués les destins de la Suisse, au xiiie siècle. Voyons les personna
106 rame. Frédéric II, dernier empereur Hohenstaufen, est aux prises avec Rome et le parti des papes, mais aussi avec les grand
107 des papes, mais aussi avec les grands vassaux qui sont en train de se tailler des souverainetés héréditaires aux dépens de l
108 possédant la terre en indivision. Ces communautés sont régies par des assemblées régulières groupant nobles, libres et serfs
109 te un intérêt particulier pour les souverains qui tiennent à garder libre de toute intervention des seigneurs locaux la route la
110 où les Habsbourg ont acquis quelques terres. Il est possible et même probable que ces petites communautés aient noué cert
111 en 1273, au moment de l’élection de Rodolphe. Il est certain que leurs libertés se voient garanties par l’Empire à proport
112 proche ennemi des privilèges impériaux, soudain, sont confondus en un seul homme. Ce court-circuit allume les feux sur la m
113 prit gaulois », the gallic wit. Mais les Helvètes étaient Gaulois. Cf. l’emploi du terme « Albion », le plus vieux nom de l’Ang
114 Épilogue de A. O. Barnabooth. 5. À cette époque, sont déjà « villes impériales » Soleure, Schaffhouse, Saint-Gall et Zurich
4 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « La Suisse est née de la révolte de pâtres libertaires contre le despote autrichien »
115 « La Suisse est née de la révolte de pâtres libertaires contre le despote autrichien6
116 ibertaires contre le despote autrichien6 » Quel est l’état social des Waldstätten, au moment du drame initial qui les opp
117 ominantes sociales. Les trois classes principales sont la noblesse, les libres et les serfs. La première domine en Uri, la s
118 s de la population de l’Obwald et du Nidwald. Que sont les libres ? Des propriétaires et paysans ne relevant pas des seigneu
119 et paysans ne relevant pas des seigneurs, et qui sont ou se disent socialement les égaux de la noblesse, laquelle se marie
120 t ailleurs en décadence et glissant au servage, s’ est maintenue d’une manière exceptionnelle dans ce petit coin de l’Empire
121 elui des libres. Dans l’ensemble, les Waldstätten sont donc l’une des populations les plus riches en privilèges de toutes ce
122 s Lenzbourg, et enfin les Habsbourg. Ces derniers sont notamment avoués impériaux du couvent d’Einsiedeln, près de Schwyz, e
123 es, tentent de gouverner le pays. Or, ces baillis sont presque tous choisis dans la classe des ministériaux, fonctionnaires
124 ministériaux, fonctionnaires du dynaste et qui ne sont souvent que des serfs récemment faits chevaliers. Tels sont les éléme
125 nt que des serfs récemment faits chevaliers. Tels sont les éléments du conflit décisif. Les Waldstätten respectent les Habsb
126 if. Les Waldstätten respectent les Habsbourg, qui sont en somme « du pays », sinon précisément des vallées alpestres. Mais i
127 ole très concret de leur mission commune : ils en sont la grand-garde pour l’Empire, contre les entreprises des féodaux. Et,
128 istériaux : c’est une question d’honneur, et ce n’ est pas du tout une réaction de « démocrates ». Un « libre » ne saurait ê
129 action de « démocrates ». Un « libre » ne saurait être jugé par un bailli fraîchement issu de la servitude, et qui au surplu
130 mte Rodolphe. Seul, ce second motif de résistance est expressément invoqué dans le pacte de 1291. Ce que les Waldstätten re
131 acte de 1291. Ce que les Waldstätten refusent, ce sont les juges « étrangers à leurs vallées ». Ce qu’ils défendent, ce sont
132 angers à leurs vallées ». Ce qu’ils défendent, ce sont leurs privilèges, plus denses ici qu’ailleurs, et qui équivalent à de
133 du mot. Revenons à nos trois protagonistes. Où en sont -ils en 1291 ? Certes, on ne peut accuser Rodolphe d’avoir abusé de se
134 odolphe d’avoir abusé de ses pouvoirs. Il n’a pas été un despote. Il a maintenu les libertés des Waldstätten, qui l’ont mêm
135 Styrie, la Carinthie, et leur centre de gravité n’ est plus l’Argovie proche, mais Vienne. S’il leur prenait envie de mêler
136 e ou une vingtaine d’années auparavant. Cet acte étant resté longtemps secret, il faut bien croire qu’il n’a pas résulté de
137 et ont fait rédiger le pacte en bon latin. Quels sont ces chefs ? Le pacte du 1er août 1291 ne porte aucune signature, auc
138 paysans libres et des grands propriétaires — ils étaient donc, socialement parlant, d’une classe supérieure à celle de la peti
139  : ces Erstfeld, à leurs débuts de simples serfs, étaient devenus en 1291 ce que nous appelons aujourd’hui des « nouveaux riche
140 ujourd’hui des « nouveaux riches ». Ces hommes ne sont en aucune manière des aventuriers, des révoltés, des révolutionnaires
141 illeurs, parmi les gens des Waldstätten, beaucoup étaient « sortis », avaient porté les armes au service des empereurs, fait en
142 n effet, les Habsbourg, à cette date, peuvent-ils être considérés comme « Autrichiens » ? Ils le sont encore moins, aux yeux
143 ls être considérés comme « Autrichiens » ? Ils le sont encore moins, aux yeux de leurs vassaux et des chefs des vallées alpe
144 des chefs des vallées alpestres, que Bonaparte ne sera Français aux yeux des Corses. Il n’y a pas, en cette fin du xiiie si
145 au pacte ainsi restituées dans leur réalité — qui est quasi le contraire de la légende et des images populaires — considéro
146 science de la Suisse, 1939, p. 191-193. 10. Ce n’ est guère que dans la seconde moitié du xive siècle que les villes de Be
147 ch en 1386. Mais à Sempach encore, l’armée du duc est composée de chevaliers des régions actuellement suisses.
5 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « Le pacte de 1291 a fondé la Suisse »
148 é la Suisse » À strictement parler, la Suisse n’ est un État que depuis 1848 (si l’on néglige l’éphémère République helvét
149 vallées originelles, et cependant elle n’a jamais été dissoute11 ! Aucune autre communauté n’y est jamais entrée, ne l’a ja
150 mais été dissoute11 ! Aucune autre communauté n’y est jamais entrée, ne l’a jamais signée, mais les alliances et ligues ult
151 gnée, mais les alliances et ligues ultérieures se sont formées à son image, dans son esprit, avec sa participation, et sans
152 elle. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’elle s’ est en quelque sorte évanouie dans le succès final de sa formule : la Sui
153 traités dans un état de paix et de tranquillité. Soit donc notoire à tous que les hommes de la vallée d’Uri, la commune de
154 x d’argent ou de quelque autre manière, ou qui ne serait indigène ou habitant de ces contrées. Si quelque discorde venait à s’
155 érés se déclareraient contre lui. En outre, il a été convenu que celui qui, frauduleusement et sans provocation, en tuerai
156 usement et sans provocation, en tuerait un autre, serait , au cas qu’on se saisît de lui, puni de mort selon son mérite ; et s’
157 les fauteurs et receleurs d’un tel criminel, ils seront bannis des vallées jusqu’à ce qu’ils aient été dûment rappelés par le
158 seront bannis des vallées jusqu’à ce qu’ils aient été dûment rappelés par les confédérés. Celui qui, de jour ou de nuit, au
159 ait posséder dans les vallées serviront, comme il est juste, à indemniser le lésé. En outre, personne ne doit prendre un ga
160 Et chacun doit obéir à son juge et indiquer, s’il est besoin, quel est dans le pays le juge à l’autorité duquel il est soum
161 éir à son juge et indiquer, s’il est besoin, quel est dans le pays le juge à l’autorité duquel il est soumis. Et si quelqu’
162 l est dans le pays le juge à l’autorité duquel il est soumis. Et si quelqu’un refusait obéissance au jugement, au point de
163 stance à l’un des confédérés, tous les confédérés seraient tenus de contraindre le contumace à donner satisfaction. En cas de gu
164 l’un des confédérés, tous les confédérés seraient tenus de contraindre le contumace à donner satisfaction. En cas de guerre o
165 er à perpétuité. En foi de quoi le présent acte a été dressé, à la requête des prénommés, et muni des sceaux des trois comm
166 Seigneur 1291, au commencement d’août. Le style est beau, de fière et franche allure, les mots calligraphiés et abrégés d
167 en latin, pour les peuples des trois vallées, eût été pour le moins problématique dans une situation de révolte. Il est cla
168 s problématique dans une situation de révolte. Il est clair qu’il s’agit d’autre chose que d’une conjuration de maquisards.
169 col du Gothard que l’esprit des communes urbaines est venu féconder leur civisme, tardivement certes, mais pour plus longte
170 e fin du xiiie siècle, le mouvement des communes est en déclin, comme tant d’autres élans profonds du Moyen Âge. On a pu é
171 onds du Moyen Âge. On a pu écrire que la Suisse «  est le seul monument qui ait survécu au combat pour l’idée communale, idé
172 itions fondamentales d’une authentique fédération sont réunies : diversité des communautés contiguës, volonté d’autonomie de
173 érieur au gouvernement de chaque groupe : il n’en est pas question dans le texte du pacte, et il n’en sera pas davantage qu
174 t pas question dans le texte du pacte, et il n’en sera pas davantage question au cours des cinq siècles suivants. Les Ligues
175 au cours des cinq siècles suivants. Les Ligues ne seront donc qu’une confédération, une « Suisse des patries » ou des États, j
176 Waldstätten n’ont pas d’autre unité que celle qui tient à leur mouvance directe de l’Empire (donc au Gothard), à leur commune
177 es « Ligues de la Haute-Allemagne », et ses chefs seront nommés dans les traités « ces Messieurs des Ligues ». Toutefois, dans
178 des confédérés, du nom de ceux d’entre eux qui se sont signalés par leur valeur guerrière à Morgarten13. Plus tard encore, l
179 jamais « adhéré » au pacte de 1291, et n’a jamais été requise de le signer pour devenir membre de la Confédération. Cette c
180 ur d’une fédération progressive. Le pacte de 1291 est demeuré longtemps secret. On s’y réfère lors du renouvellement — qui
181 ecret. On s’y réfère lors du renouvellement — qui est aussi la première proclamation — de l’alliance des Waldstâtten au len
182 lu ce document, vénéré par la Suisse moderne. Il est certain que les historiens, jusqu’à Gleser, ont ignoré son existence.
183 nce de la Suisse au serment légendaire qui aurait été juré sur la prairie du Grütli vers 1304 par trois (ou trente-trois) p
184 ée au débouché nord-ouest de la route du Gothard, est la première commune urbaine qui « entre en confédération », avec les
185 le pas pu signer le pacte ? C’est parce qu’elle n’ est encore qu’un fief Habsbourg, tandis que les Vallées relèvent de l’Emp
186 s nouveaux, autant de pactes ad hoc. Pourtant, il est frappant que l’on retrouve dans toutes ces alliances inégales les pri
187 ie de l’administration et de la justice. L’esprit est bien le même, parfois la lettre. Qu’on en juge par cette page d’un ch
188 ui bon lui semble, mais seulement à celui qui lui est allié de façon spéciale. Car chaque canton n’est pas allié avec tous
189 est allié de façon spéciale. Car chaque canton n’ est pas allié avec tous les autres. (Zurich, par exemple, était allié au
190 llié avec tous les autres. (Zurich, par exemple, était allié aux six cantons du centre d’une part, à Berne de l’autre ; Bern
191 ’ermitage, ou en un lieu nommé Kienholtz, et s’il est question d’un fait qui touche les Bernois, par exemple, ils avisent e
192 cours. Leur alliance porte notamment que ceux qui sont appelés au secours n’useront d’aucune fraude et tromperie, ni d’excus
193 ouvoir. Et comme il pourrait arriver qu’un canton soit assailli tellement à l’improviste que l’ennemi tiendrait tous les pas
194 it assailli tellement à l’improviste que l’ennemi tiendrait tous les passages, et par conséquent le canton n’aurait aucun moyen d
195 et ordonné par exprès qu’en tel cas, et lorsqu’il sera besoin d’avoir prompt secours, tous les cantons confédérés aideront d
196 érés aideront de toutes leurs forces, comme s’ils étaient nommément appelés… Ceux qui sont appelés au secours viennent à leurs
197 , comme s’ils étaient nommément appelés… Ceux qui sont appelés au secours viennent à leurs dépens sans aucun gage. Seule l’a
198 de ces derniers dans l’Oberland, que les Bernois sont en train de conquérir sur des seigneurs locaux. La confédération des
199 enant de Sempach, en 1393, les droits des membres sont égalisés. Dès 1412, les trois Waldstätten entreprennent la conquête d
200 on importante dans le pays. Les régions conquises sont décrétées « bailliages communs » et seront désormais gouvernées par c
201 onquises sont décrétées « bailliages communs » et seront désormais gouvernées par certains des cantons mais non par tous. C’es
202 situés en Suisse. En 1418, les cantons du centre sont rattachés « pour toujours » à l’Empire, cependant que le droit de gla
203 e le droit de glaive et de haute juridiction leur est conféré. À la fin du xve siècle, les éclatantes victoires sur Charl
204 issions nouvelles dans le lien confédéral, lequel est mis à rude épreuve par quatre guerres civiles entre catholiques et pr
205 savoyardes du Léman à l’ouest. Ces territoires ne seront jamais récupérés. La Franche-Comté, alliée des Suisses depuis deux si
206 -Comté, alliée des Suisses depuis deux siècles, n’ est pas défendue contre Louis XIV, et là encore, comme il en adviendra pl
207 mbre de pays associés ou sujets. Le cas de Genève est le plus scandaleux : cette ville ayant demandé d’adhérer aux Ligues,
208 s’allient contre elle avec le duc de Savoie, qui est finalement vaincu mais par la seule ténacité des Genevois, lors de la
209 . C’est malgré eux que la Suisse une et diverse s’ est constituée… à partir d’eux et de leur pacte fondamental ! La secousse
210 de ces trois États, principauté dont le souverain est le roi de Prusse, ne deviendra-t-il tout à fait « suisse » qu’après u
211 ution instaurant le régime républicain ; et ce ne sera qu’en 1848, année qui vit la grande mutation des Ligues en État fédér
212 ours plus large ; mais ses motifs et sa nécessité sont évidents dès que l’on admet qu’au contraire ces États ne se liguaient
213 différents ! Leur solidarité avait pour raison d’ être non la puissance collective, mais l’autonomie de chacun. D’où les cla
214 siècle : assistance automatique de tous si l’un est attaqué ; garantie du régime interne de chaque membre ; arbitrage obl
215 s spirituelles ou temporelles —, puisque le but n’ est pas de devenir uniformes, mais au contraire de demeurer chacun soi-mê
216 droits et des obligations. Il y a aussi — et ce n’ est guère moins paradoxal — une tendance toujours plus prononcée vers ce
217 toute alliance en tant que fédérale. Quelles que soient l’étendue d’un État, sa richesse, sa population et sa puissance milit
218 esse, sa population et sa puissance militaire, il est tenu pour l’égal en qualité de tout autre État dans l’alliance. Il en
219 , sa population et sa puissance militaire, il est tenu pour l’égal en qualité de tout autre État dans l’alliance. Il en résu
220 rester comme il veut, mais il y a des manières d’ être qui se révèlent à la longue incompatibles avec les conditions de tout
221 isses vers l’État que nous connaissons, tout ne s’ est pas opéré en vertu d’une impeccable dialectique interne, exemplaireme
222 lis, et rien ne porte à croire que ces baillis se soient montrés beaucoup moins durs que le Gessler de la légende de Tell — lé
223 le Gessler de la légende de Tell — légende qui s’ est formée d’ailleurs à l’époque même où les « Schwyzer » conquéraient le
224 ion de vingt-cinq États à la Constitution de 1848 fut préparée par une série de petites révolutions locales qui unifièrent
225 er à un ennemi commun. Mais l’histoire suisse qui est , après tout, celle de la seule fédération réussie jusqu’ici en Europe
226 égalisation des régimes et des droits, voilà qui est vrai, mais au départ on a pris les États tels qu’ils étaient. Point d
227 i, mais au départ on a pris les États tels qu’ils étaient . Point d’autres préalables à l’union que le respect des libertés et c
228 t des Ligues suisses, dès la fin du xive siècle, sont entièrement indépendants du destin des Habsbourg devenus Autrichiens,
229 in des Habsbourg devenus Autrichiens, et qui n’en seront pas moins alliés des Ligues à la veille des guerres de Bourgogne. Le
230 u renouvelées, chaque fois que l’autonomie locale est menacée par un plus grand, que ce soit un monarque, un État, ou même
231 omie locale est menacée par un plus grand, que ce soit un monarque, un État, ou même un frère confédéré. On cherche alors l’
232 e alors l’appui des voisins autonomes, — ceux qui sont disposés à vous aider sans nul désir de vous assimiler, et à charge d
233 passion de l’autonomie et des libertés politiques fut longtemps liée chez eux à la passion des armes, ou disons plus crûmen
234 tout traité d’une nature politique entre cantons sont interdits. » Le Pacte de 1291 était donc tombé en désuétude, puisque
235 entre cantons sont interdits. » Le Pacte de 1291 était donc tombé en désuétude, puisque nul n’a jugé nécessaire de relever q
236 puisque nul n’a jugé nécessaire de relever qu’il était incompatible avec la lettre de cet article 7. 12. Cf. Ernest Gagliar
237 e, livre II, chap. 1er. 13. Les hommes de Schwyz étant réputés pour leur brutalité dans les combats, leur nom sera d’abord u
238 és pour leur brutalité dans les combats, leur nom sera d’abord un sobriquet infligé aux alliés de ces « bêtes sauvages, plut
239 Simler se demande si la « louable Confédération » est un État, et il répond oui, en ce sens que ses parties sont unies par
240 tat, et il répond oui, en ce sens que ses parties sont unies par un sentiment commun ; non en ce sens qu’elles manquent d’in
241 « toute l’Europe » sur la réalité confédérale. Il est aussitôt traduit en allemand, en français, en hollandais, et connaît
6 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — Ce « petit peuple pacifique… »
242 Ce « petit peuple pacifique… » S’il est juste d’attribuer après coup la naissance de la Suisse à un pacte sec
243 es moines et pillèrent son trésor. Si bien qu’ils furent frappés deux fois d’excommunication collective et d’interdit, et enfi
244 de l’Empire. D’autre part, les trois Waldstätten étaient en conflit permanent avec leurs voisins immédiats, Lucerne et Zurich
245 e pour le compte des Habsbourg d’Argovie, l’enjeu étant le trafic du Gothard. À bout de patience et sûr de sa victoire, Léopo
246 nce. Tout d’un coup, sa tête et son arrière-garde sont clouées sur place par des avalanches de pierre et de troncs d’arbre.
247 s lourdes armures, mille-cinq-cents gentilshommes sont massacrés, tandis que l’infanterie prend la fuite. « Ce ne fut pas un
248 , tandis que l’infanterie prend la fuite. « Ce ne fut pas une bataille, mais comme une boucherie des gens du duc Léopold »,
249 nce des Waldstätten, révélée par ce coup d’éclat, est publiquement annoncée à Brunnen. Désormais, vassaux et clients des Ha
250 pays. (Car il faut préciser que l’armée du duc n’ était pas composée d’« Autrichiens », mais de seigneurs et de bourgeois des
251 péfiante de campagnes victorieuses. Les Habsbourg sont chassés du pays à la suite des batailles de Sempach et de Næfels, Cha
252 ation de Louis XI et du duc Sigismond d’Autriche, est battu à Grandson et à Morat, tué à Nancy. Enfin l’empereur Maximilien
253 impôts et reconnaissent les tribunaux impériaux, est vaincu lors des guerres de Souabe. Ayant ainsi rejeté (dès 1499) leur
254 succès de leurs ambitions. La puissance militaire est là, mais l’État fédéral n’existe pas. Les Suisses n’ont pas la politi
255 u Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ! Ici doit être notre cimetière ! » s’est écrié le landamman de Zoug bénissant l’avan
256 aint-Esprit ! Ici doit être notre cimetière ! » s’ est écrié le landamman de Zoug bénissant l’avant-garde à genoux ; puis il
257 ec François Ier un traité de paix perpétuelle qui sera respecté durant près de trois siècles. Les Suisses perdent Milan mais
258 idées de la guerre, de l’armée et de l’ennemi ne sont plus celles du xvie siècle. La guerre, en ces temps reculés, n’était
259 xvie siècle. La guerre, en ces temps reculés, n’ était pas encore l’explosion contrôlée et hautement organisée de la passion
260 autant ou plus que militaires, tels que peuvent l’ être les fascistes, les communistes ou les capitalistes, selon le régime d
261 pays où le hasard les a fait naître. La guerre n’ était encore au xvie siècle qu’un sport brutal mais noble et même presque
262 a tauromachie nous donne quelque idée. L’ennemi n’ était encore que l’adversaire désigné par les conventions d’un jeu complexe
263 l ou même dans l’équipe nationale d’un pays qui n’ est pas le leur, sont plus chers qu’un tableau de Picasso, qu’une créatio
264 équipe nationale d’un pays qui n’est pas le leur, sont plus chers qu’un tableau de Picasso, qu’une création de Stravinsky, e
265 ourgogne, moins d’un demi-siècle auparavant. Ce n’ est pas la puissance militaire, nous l’avons vu, qui a fait défaut aux gr
266 s l’ont d’abord subie, non sans rechigner. Car il est clair qu’elle va créer dans ce peuple guerrier une pénible dissociati
267 i qu’à la politique de compromis systématique qui sera désormais celle d’une Suisse neutre, correspond le phénomène compensa
268 compensatoire du service étranger. On voit qu’il serait bien insuffisant de l’expliquer par des raisons purement économiques,
269 isses — encore qu’il ait rapporté aux cantons des sommes telles qu’un de nos historiens admet qu’elles sont « incalculables au
270 mes telles qu’un de nos historiens admet qu’elles sont « incalculables au cours actuel de l’argent19 ». Il convient d’ajoute
271 paux. Pour autant, le service étranger ne saurait être assimilé à un commerce, à une espèce de traite du sang. Les troupes s
272 g. Les troupes suisses au « service de France » n’ étaient nullement des corps de mercenaires. La Diète avait signé avec le roi
273 ions ». Les cantons ou certaines familles suisses étaient autorisés à lever des troupes dans le cadre de ces traités, et ces tr
274 m de leur colonel. Les premiers souverains alliés furent les rois de France. Le régiment Pfyffer, recruté à Lucerne, sauva Cha
275 d’ailleurs celle du pape, jusqu’aujourd’hui. Ils furent donc les derniers à protéger Louis XVI contre l’émeute populaire, le
276 ons tragiques. On a vu que les Suisses de Milan s’ étaient retirés devant ceux de Louis XII, et de même, à la veille d’Ivry, en
277 aite honorable à ceux de leurs compatriotes qui s’ étaient engagés dans les rangs de la Ligue. Mais déjà en 1709, à Malplaquet,
278 d’une fantaisie exubérante — pas deux pareils ! —  sont humiliés par l’uniforme qui leur est imposé, livrée de valets. Ces an
279 pareils ! — sont humiliés par l’uniforme qui leur est imposé, livrée de valets. Ces anciens « libres » supportent mal la ré
280 fficiers nobles et troupiers. L’esprit d’aventure est frustré. La bravoure et l’exploit individuel sont portés au compte du
281 est frustré. La bravoure et l’exploit individuel sont portés au compte du « drapeau », qui est celui d’une nation étrangère
282 ividuel sont portés au compte du « drapeau », qui est celui d’une nation étrangère. Le butin personnel que les grands halle
283 hallebardiers faisaient porter par leur valet, n’ est plus qu’un vol. Le sport des armes est devenu routine sans gloire. Le
284 r valet, n’est plus qu’un vol. Le sport des armes est devenu routine sans gloire. Le coup de grâce sera donné par la Révolu
285 est devenu routine sans gloire. Le coup de grâce sera donné par la Révolution française. Car, désormais, ce n’est plus le d
286 par la Révolution française. Car, désormais, ce n’ est plus le déchaînement de l’instinct combatif qui sera le moteur de la
287 t plus le déchaînement de l’instinct combatif qui sera le moteur de la guerre, ni l’honneur sa seule justification morale. L
288 ’honneur sa seule justification morale. Le soldat sera censé combattre « pour la nation », et le « sentiment national », obl
289 « sentiment national », obligatoire et vertueux, sera sans cesse évoqué pour soutenir son moral. Que peuvent devenir les Su
290 6 novembre 1812. Treize mois plus tard, la Suisse est occupée par l’armée autrichienne du maréchal Bubna. Le régime imposé
291 du maréchal Bubna. Le régime imposé par Napoléon est abrogé, l’ancienne confédération restaurée. En 1815, les régiments su
292 rance reçoivent l’ordre de rentrer au pays. Et il est vrai que, dès 1816, les cantons s’empressent de signer de nouvelles c
293 it souverains, mais le noyau d’une armée fédérale est créé : chaque canton doit fournir des effectifs égaux à 2 % de sa pop
294 ns protestants. Un an plus tard, l’État fédératif est proclamé. La Constitution de 1848, dans ses articles militaires, comm
295 militaires, commence par déclarer : « Il ne peut être conclu de capitulations militaires » (art. 11). À cette exécution som
296 une armée fédérale dans le vrai sens du terme. Ce sera une force unifiée (condition d’efficacité) mais formée de contingents
297 espect de l’autonomie des États membres). Elle ne sera pas permanente, car on se méfie d’une caste militaire et l’on ne veut
298 at fédéral un pouvoir dont il puisse abuser. Elle sera donc une armée de milices, formée de tous les citoyens en état de por
299 du pays. Car il ne peut s’agir que de défense. Il est intéressant de remarquer qu’en se donnant une armée unifiée, garantis
300 a première fois, depuis Marignan, la neutralité n’ était plus pour elle une nécessité imposée par l’absence de cohésion des Ét
301 c’est à défendre la neutralité que l’armée allait être destinée ! Situation inverse de celle que nous avons vue résulter de
302 lus haut en parlant des guerres d’Italie. Elle ne sera plus la parade héroïque, la fête et l’aventure, le déchaînement des v
303 , mais, en contraste radical avec tout cela, elle sera d’abord une école : école de discipline, de service uniformisant, et
304 vice d’un État solidement fédéré, que les Suisses sont devenus ce que l’on croit à tort qu’ils ont toujours été : le peuple
305 enus ce que l’on croit à tort qu’ils ont toujours été  : le peuple pacifique par excellence. En fait, ils n’ont plus combat
306 par régiments entiers dans toute l’Europe, ils se sont mis à exporter des idées pacifiantes et humanitaires, des arbitres, d
307 uant aux hallebardiers de la Renaissance, ils ont été rassemblés au musée de Bâle : le Suisse moyen ne les y regarde pas sa
308 naissent plus les Suisses. 17. La même tactique sera utilisée par les Finlandais, en 1940, contre les colonnes de blindés
309 cèrent à porter tout autre titre de ceux qui leur furent décernés, avant et après ce haut fait. Un jour, dans la foule des cou
310 et s’approchant de lui : « Je sais, dit-il, vous êtes M. de Pfyffer. Mais songez que je ne suis pas seul ici, il y a des da
311 l, vous êtes M. de Pfyffer. Mais songez que je ne suis pas seul ici, il y a des dames… » 21. Un exemple : « D’après une éva
312 tome I, p. 415). En 1748, soixante mille Suisses sont en service à l’étranger, chiffre énorme pour l’époque. 22. Quant aux
313 is Lefort crée la flotte russe, l’Argovien Eberle est à la tête de la marine des États-Unis en 1923, etc. 23. Cette derniè
314 s en 1923, etc. 23. Cette dernière disposition n’ est pas sans évoquer l’ancienne tradition germanique, qui veut que l’homm
315 tradition germanique, qui veut que l’homme libre soit celui qui a le droit de porter l’épée.
7 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « Ce petit peuple égalitaire… »
316 la structure sociale n’a rien d’égalitaire. S’il est vrai que les trois classes participent à la Landsgemeinde, chacune ga
317 ueur faire remonter l’égalitarisme actuel, qui en est peut-être la dégradation inévitable au sein d’une société moins struc
318 et le feu à leurs châteaux, la dynastie virtuelle est écrasée. Toutes les têtes qui se sont élevées un peu trop haut, chez
319 ie virtuelle est écrasée. Toutes les têtes qui se sont élevées un peu trop haut, chez les confédérés, ont été bientôt abattu
320 levées un peu trop haut, chez les confédérés, ont été bientôt abattues : Waldmann, Zwingli, Schiner, Jenatsch, cent autres
321 ent autres moins fameux mais dont l’autorité n’en fut pas moins brutalement rabaissée, pour avoir été plus sensible dans le
322 n fut pas moins brutalement rabaissée, pour avoir été plus sensible dans leur petite communauté. Certes, Calvin a pu domine
323 nève — non sans provoquer des révoltes —, mais il était Français, chef d’Église en Europe, et Genève en ce temps n’était pas
324 chef d’Église en Europe, et Genève en ce temps n’ était pas encore suisse. Ainsi tout au long de notre histoire joue ce réfle
325 out au long de notre histoire joue ce réflexe qui est l’une des composantes essentielles d’une structure fédéraliste, et ce
326 aujourd’hui le suffrage universel.) Le phénomène est bien connu des ethnographes, qui l’étudient de préférence dans les îl
327 ies féodales avant le Pacte. Ces grandes familles sont toutes éteintes, sauf une, qui a compris, dès avant Morgarten, que la
328 ette époque subsistent encore parmi nous. Quelles sont alors les origines de la noblesse qui gouverna la plupart des cantons
329 as, « qu’il n’y a pas de noblesse en Suisse »… Il est vrai qu’en un certain sens il n’y a pas de noblesse « suisse », créée
330 portés par des familles actuellement suisses ont été conférés par des princes étrangers, surtout français, allemands et au
331 oin de là. Jusqu’au milieu du xive siècle24, ils étaient le nom d’une fonction, puis d’un fief. Sous les royautés absolues, il
332 uis d’un fief. Sous les royautés absolues, ils ne seront plus guère que des distinctions distribuées à la manière des croix et
333 oviennent du service étranger : c’est dire qu’ils furent donnés à des officiers déjà nobles, ou en tout cas, appartenant à des
334 marquant ainsi que l’aristocratie dont il s’agit est avant tout un patriciat, qu’elle est donc définie par le rôle effecti
335 nt il s’agit est avant tout un patriciat, qu’elle est donc définie par le rôle effectif qu’une famille a joué dans sa cité.
336 f qu’une famille a joué dans sa cité. Or, ce rôle fut aussi considérable en Suisse qu’ailleurs, quoique d’une manière souve
337 es pays voisins.) Ensuite, ce rôle de la noblesse fut très variable selon les cantons et les villes. Dans les Grisons, à Sc
338 elques familles dominent les vallées. Leurs chefs sont ceux de la commune, ils président aux assemblées et aux conseils, com
339 ets. Dans ces quatre républiques, le gouvernement est donc dès les débuts rigoureusement aristocratique, en ce sens qu’il e
340 s rigoureusement aristocratique, en ce sens qu’il est l’apanage de plus en plus héréditaire d’un petit nombre de familles,
341 etit nombre de familles, nobles ou non. Neuchâtel est un cas spécial, à cause des princes. Le château qui domine la petite
342 hâteau qui domine la petite ville en pierre jaune fut celui des rois de Bourgogne transjurane, au xe siècle, puis des comt
343 église collégiale. Les Orléans-Longueville qui en furent les souverains dès 1529, s’étant éteints en 1707, quinze prétendants
344 gueville qui en furent les souverains dès 1529, s’ étant éteints en 1707, quinze prétendants à la succession se présentent. Le
345 le Conseil d’État formait l’exécutif. Ses membres étaient choisis dans une vingtaine de familles presque toutes « reconnues » o
346 ime très particulier de monarchie républicaine ne fut renversé qu’en 1848. À Genève, Zurich et Bâle, anciennes villes libre
347 e façade. Casa Battista, Casa Max, Casa Antonio : était -ce entre gens de la famille qu’on donnait à chacune le prénom du cous
348 eur, car vous pouvez y entrer — celle de Battista est devenue un hôtel, celle de Max un musée d’art populaire grison — vous
349 lle de Max un musée d’art populaire grison — vous serez saisi par l’atmosphère à la fois fastueuse et rude des hautes salles
350 nt le centre de chaque étage et autour desquelles sont disposées les chambres. Escalier aux marches de granit noir. Panoplie
351 s des Salis au fronton de ces amples demeures qui tiennent toujours un peu de la maison forte paysanne, du palais Renaissance et
352 des Grisons. Chaque village de l’Engadine semble être né du groupe des grandes demeures portant les armes d’une même famill
353 urent la place principale : ainsi Zuoz et Samedan sont dominés par les Planta ; La Punt par les Albertini ; Scanfs par les P
354 — frère de Pompée qui assassina Jürg Jenatsch et fut assassiné lui-même — y a fait construire une vaste église baroque sur
355 ys d’une grande violence de mœurs. Et l’admirable est bien qu’il en soit né un style unique d’architecture, commun aux ferm
356 olence de mœurs. Et l’admirable est bien qu’il en soit né un style unique d’architecture, commun aux fermes et aux palais, q
357 isons à toits de fermes ornés de pignons baroques sont à coup sûr celles des comtes de Reding, dynastie de Landamman 28 de c
358 alité des familles dirigeantes du xviiie siècle, sont bien connus, tandis que les bienfaits du régime fédéral instauré par
359 régime fédéral instauré par les radicaux de 1848 sont indéniables. Faut-il penser que l’art et l’honnêteté civique, le goût
360 e à convertir l’autre à sa pratique car : 1° ce n’ est qu’une pratique, précisément, on n’en tire aucune théorie ; 2° le pri
361 e aucune théorie ; 2° le principe même des Ligues est l’autonomie de chacun. Les jacobins n’y ont rien compris : cette abse
362 que la Suisse en présente. Car dans ce pays, il n’ est pas une seule République qui ne se soit modifiée de manière à ne pouv
363 pays, il n’est pas une seule République qui ne se soit modifiée de manière à ne pouvoir être confondue avec aucune de celles
364 e qui ne se soit modifiée de manière à ne pouvoir être confondue avec aucune de celles du même genre29. » Gardons-nous donc
365 elon la formule de Lincoln. Mais la Landsgemeinde est une action sacrée, non moins qu’une pratique raisonnable tant que les
366 nous. Le refus de se laisser gouverner par autrui est sans doute à la base des Ligues. Nous avons vu qu’il signifiait la vo
367 sauvegarder les franchises impériales. Ce réflexe est antiégalitaire. Chacun veut rester comme il est, et c’est bien pour c
368 e est antiégalitaire. Chacun veut rester comme il est , et c’est bien pour cela qu’on entre en ligue. Mais voici le paradoxe
369 les conditions de tous, ruinant ainsi la raison d’ être de la Ligue. Or ce second réflexe joue dans un sens égalisant. Les de
370 arfois l’une, parfois l’autre prévaut, mais elles sont toujours là, simultanées. Pendant les guerres de Souabe et d’Italie,
371 atricienne, les inégalités politiques et sociales sont codifiées et respectées avec un sérieux unanime, qui peut sembler rid
372 par choix, veut conserver son titre de noblesse, est exclu sans retour du nombre des éligibles au Conseil souverain ». C’e
373 lorsqu’il écrivait : « Les Suisses s’offensent d’ être dits gentilshommes, et prouvent leur roture de race pour être jugés d
374 ntilshommes, et prouvent leur roture de race pour être jugés dignes des grands emplois. » De son côté, Ramond, traducteur de
375 n citoyen dont on craint l’ascendant. Il risque d’ être jugé sur l’heure avec toute la précipitation qui caractérise les juge
376 des plus riches hommes du canton, l’autre partie fut distribuée par têtes. Exemples curieusement révélateurs des diversi
377 esse (des Reding et des Attinghausen très souvent sont élus landamman, et même parfois de père en fils), tandis qu’à Bâle, l
378 s fortunes. C’est qu’à Zoug, à Schwyz, en Uri, on est propriétaire paysan, tandis qu’à Bâle on est bourgeois et commerçant.
379 , on est propriétaire paysan, tandis qu’à Bâle on est bourgeois et commerçant. Bâle, qui a chassé son prince-évêque à la Ré
380 nger32. Cette méfiance des bourgeois au pouvoir s’ est traduite dans la Constitution de la Suisse actuelle par un article ai
381 ements, ni titres, présents ou décorations. S’ils sont déjà en possession de pensions, de titres ou de décorations, ils devr
382 ctions. Toutefois les employés inférieurs peuvent être autorisés par le Conseil fédéral à recevoir leurs pensions. Si la cr
383 orte que le grade de colonel ; celui de général n’ étant décerné qu’en cas de guerre, et au seul commandant en chef de l’armée
384 « Oui, mon colonel commandant de corps ! » ce qui est d’un effet singulier. De même, jusqu’en 1955, nos chefs de mission di
385 Dans certains cantons, la réaction démocratique a été jusqu’à supprimer la particule nobiliaire dans les registres d’état c
386 evendication égalitaire — le devoir pour chacun d’ être comme tous — a remplacé l’ancien réflexe confédéral de la défense des
387 se des « libertés » traditionnelles, — du droit d’ être chacun à sa manière. Le péché, désormais, c’est de se distinguer. Ce
388 t bourgeoises, corporatives et militaires, — ce n’ est pas le produit d’une brusque subversion mais d’une longue évolution i
389 lon, tout à fait sui generis et que nos visiteurs tiennent pour « typiquement suisse », non sans quelque raison mais il convient
390 orme de nos troupes et des bâtiments fédéraux. Il est typique d’une certaine Suisse moderne, celle qu’un de mes instituteur
391 struction civique en ces termes : « En Suisse, on est tous égaux. C’est pas parce qu’il y en a qui s’amusent à mettre un de
392 : Uradel, familles féodales dont la qualité noble est attestée antérieurement à 1350, et Briefadel, familles anoblies par l
393 evets après cette date. 25. Le château de Blonay est resté propriété de la famille qui en porte le nom des origines (1175)
394 ion héréditaire des charges, etc., semblent avoir été encore plus scandaleuses dans certains petits cantons à Landsgemeinde
395 es qui les rattachaient aux souverains dont elles tenaient leurs titres et parfois leur fortune. 33. Mon instituteur eût cepend
396 commandant des Suisses au service de la France, n’ était pas noble, et il répondit que non. Interrogé ensuite si le colonel Pf
397 ue non. Interrogé ensuite si le colonel Pfyffer l’ était , il répliqua : « Les Pfyffer ne sont pas nobles ; ils descendent d’un
398 l Pfyffer l’était, il répliqua : « Les Pfyffer ne sont pas nobles ; ils descendent d’un simple tailleur, et encore n’était-c
399 ils descendent d’un simple tailleur, et encore n’ était -ce pas un bon tailleur. — Et le comte Michel de Gruyère ? » Le curé n
400 — Et le comte Michel de Gruyère ? » Le curé ne le tenait pas non plus pour noble, car « le comte était sans doute un grand sei
401 le tenait pas non plus pour noble, car « le comte était sans doute un grand seigneur dans le pays, mais si quelqu’un s’avisai
8 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « Un pays traditionnellement neutre »
402 n se pose : celle de leur ancienneté relative. Il est remarquable que la neutralité de notre pays n’ait trouvé son premier
403 historien qu’à la fin du siècle dernier34. Elle n’ est devenue qu’au xxe siècle la maxime intangible et absolue de la polit
404 ernationaux qui la définissent et la sanctionnent sont les traités de Vienne et de Paris, au lendemain de la chute de Napolé
405 is, au lendemain de la chute de Napoléon. Et ce n’ est guère « qu’au cours du xviie siècle que ce mot étranger de neutralit
406 u du bas latin et intelligible en tout pays, doit être entré dans l’usage des Suisses35. La neutralité suisse est donc un ph
407 dans l’usage des Suisses35. La neutralité suisse est donc un phénomène relativement récent en tant que doctrine, et qui ne
408 mer qu’ils aient plus qu’ailleurs prévalu. Ce qui est sûr, c’est que la pratique de l’arbitrage s’inscrit dans nos premiers
409 re. À cet égard, en théorie du moins, les Suisses sont demeurés fidèles au principe de la paix impériale, et certains veulen
410 rmes, leur mauvaise tête et leur audace brutale n’ étaient pas moins « traditionnelles » en ce temps-là, que ne le sont aujourd’
411 ins « traditionnelles » en ce temps-là, que ne le sont aujourd’hui leur prudence, leur goût du compromis, leur empressement
412 aignit au retrait. D’une part, le lien confédéral était trop lâche, d’autre part les alliances nouées avec l’empereur, le pap
413 atibilité. Le système devait se gripper. Marignan fut le signal d’alarme décisif. La neutralité militaire fut au début la r
414 signal d’alarme décisif. La neutralité militaire fut au début la résultante d’une impuissance congénitale des Ligues à sui
415 gressif des alliances séparées. L’épreuve majeure fut celle de la guerre de Trente Ans. Sollicitée par Gustave-Adolphe d’un
416 ch, sur le texte de l’Apocalypse : « Parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche » 
417 ’Apocalypse : « Parce que tu es tiède et que tu n’ es ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche » ; et malgré les pamph
418 ans le conflit européen.) Cette neutralité forcée était encore très loin d’être une doctrine. Certes, en 1689, des membres de
419 Cette neutralité forcée était encore très loin d’ être une doctrine. Certes, en 1689, des membres de la Diète pouvaient décr
420 peu logiques. « Vis-à-vis de moi votre neutralité est un mot vide de sens ! », déclarait Bonaparte aux délégués de la Diète
421 et son indépendance de toute influence étrangère sont dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière. On a be
422 Europe, désormais dominée par la Sainte-Alliance, tient au fait que la Suisse demeure inaccessible aux armées de l’Autriche c
423 aires proportionnelles aux populations : le temps était passé où les cantons pouvaient opposer à la France, à la Bourgogne ou
424 ion, évidemment trop remarquable pour n’avoir pas été délibérée ? Si l’on se reporte aux comptes rendus de la commission q
425 tralité suisse, garantie par le traité de Vienne, était invoquée par les Puissances pour contester à la Confédération le droi
426 r l’article 2 de la Constitution. « La neutralité est un moyen en vue d’un but ; elle est une mesure politique qui apparaît
427 La neutralité est un moyen en vue d’un but ; elle est une mesure politique qui apparaît comme bien adaptée à la défense de
428 a situation neutre. » 3° Toutefois, la neutralité est en effet si bien « adaptée à la défense de notre indépendance », à no
429 la neutralité suisse traditionnelle ? Elle avait été conçue d’une part comme pièce de l’équilibre européen, d’autre part c
430 (à l’époque de la SDN) ou de l’opposition entre l’ Est totalitaire et l’Ouest démocratique, à l’époque des Nations unies. La
431 a posé pour condition à son entrée dans la SDN d’ être dispensée de toute participation aux sanctions militaires que la Soci
432 aux sanctions militaires que la Société pourrait être amenée à décréter. Cette neutralité dite « différentielle » n’a pas r
433 lie fasciste, qui attaquait l’Éthiopie, la Suisse est revenue à une neutralité dite « intégrale ». Mais en 1945, par son re
434 xixe siècle et jusqu’à nous, le peuple suisse s’ est accoutumé à tenir pour vertu morale ce qui n’était à l’origine que ta
435 jusqu’à nous, le peuple suisse s’est accoutumé à tenir pour vertu morale ce qui n’était à l’origine que tactique imposée par
436 ’est accoutumé à tenir pour vertu morale ce qui n’ était à l’origine que tactique imposée par les faits. Dans l’ensemble, il d
437 tous ses voisins : par deux fois, Lot le juste a été épargné quand Sodome et Gomorrhe étaient punies. On a dit bien souven
438 t le juste a été épargné quand Sodome et Gomorrhe étaient punies. On a dit bien souvent, et c’est peut-être vrai, qu’en 1914 la
439 Romands surtout ne se privèrent pas, cette guerre était loin d’opposer deux conceptions de l’homme et de la société dont l’un
440 le combat douteux des nationalismes en délire. Il serait donc excessif d’affirmer qu’elle doit à sa neutralité de s’être tenue
441 d’une guerre qui ne la concernait pas, et qu’elle fut ainsi protégée d’une menace que personne ne brandissait contre elle.
442 e personne ne brandissait contre elle. Tout autre était la situation lorsque éclata la guerre de 1939. Hitler estimait sans n
443 oute, à l’instar de Napoléon, que la neutralité n’ était plus qu’« un mot vide de sens », et ce n’est pas elle qu’il respecta
444 n’était plus qu’« un mot vide de sens », et ce n’ est pas elle qu’il respecta et qui le retint un seul instant de nous enva
445 a neutralité pendant les deux guerres mondiales n’ est pas généralement acceptée par les Suisses, loin de là. Si l’on suggèr
446 la tendrait à prouver que le statut de neutralité est une diminution de notre souveraineté : il nous protège en somme contr
447 enne ? Je pense plutôt que l’esprit de neutralité est une espèce d’habitus acquis par notre peuple et par ses gouvernants d
9 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Première partie. Le paysage historique, ou comment se forme une fédération — « Il a fallu plus de six siècles pour fédérer les cantons suisses »
448 s pour fédérer les cantons suisses » L’argument est souvent invoqué par ceux qui estiment que notre continent n’est pas m
449 voqué par ceux qui estiment que notre continent n’ est pas mûr pour unir ses vingt-cinq nations. On déclare que la grande Eu
450 fédéralisme, loin de remonter à Guillaume Tell, n’ est devenue bien consciente parmi nous que vers la fin du xixe siècle et
451 armi nous que vers la fin du xixe siècle et ne s’ est vraiment déclarée qu’au premier tiers du xxe siècle. Il s’agit donc
452 u par l’opposition des petits coalisés. Si faible était le lien confédéral qu’il ne put empêcher les guerres civiles acharnée
453 resseur. L’un après l’autre, les États souverains furent soumis et pillés, deux d’entre eux annexés par la France, et tous uni
454 par la force. La volonté de rester soi-même, qui était la base de leurs alliances, faute d’avoir su trouver les moyens de sa
455 itutions communes ? Certes, les régimes cantonaux étaient pour la plupart oligarchiques, et les observateurs étrangers qui vena
456 e. On les entend dire, jusqu’à satiété, qu’ils se sont affranchis un jour, et qu’ils sont devenus libres. En vérité, derrièr
457 été, qu’ils se sont affranchis un jour, et qu’ils sont devenus libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plus
458 bres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commér
459 l’ancienne Suisse devait tomber parce que le ver était dans le fruit de la Liberté, ou pour toute autre cause morale. Ce ser
460 la Liberté, ou pour toute autre cause morale. Ce serait faire preuve de trop d’optimisme historique. Tous les régimes quels q
461 timisme historique. Tous les régimes quels qu’ils soient , bons ou médiocres, atroces ou excellents, finissent un jour, c’est-à
462 xceptionnelle du régime dit de l’ancienne Suisse, soit qu’on le compte en partant des premières Ligues, soit qu’on le limite
463 qu’on le compte en partant des premières Ligues, soit qu’on le limite à la période patricienne, ce qui nous donne encore au
464 ve pas nécessairement que les régimes des cantons étaient mauvais — il est d’autres raisons de les croire tels — mais à coup sû
465 que les régimes des cantons étaient mauvais — il est d’autres raisons de les croire tels — mais à coup sûr qu’ils n’ont pa
466 r en un seul corps les nations de notre continent sont bien placés pour nous répondre puisqu’ils devaient compter, recompter
467 ve, Neuchâtel, Mulhouse, les Grisons et même Vaud étaient reconnus comme confédérés par l’étranger, mais non par les cantons ca
468 e restait une entité vague ou douteuse, elle n’en était pas moins une idée exaltante. Rousseau fuyant la France absolutiste c
469 igner « Le Suisse Voltaire », bien que ses terres soient en France. Idée plus que réalité instituée, la Suisse d’alors est ass
470 dée plus que réalité instituée, la Suisse d’alors est assez comparable à notre Europe du xxe siècle. Elle joue le rôle d’u
471 uel ; et l’étranger ne saurait s’y tromper : elle est évidente à ses yeux, même si ses propres peuples préfèrent encore se
472 Convaincu dès 1802 que la République unitaire ne serait jamais un corps vivant, il déclarait en préambule à l’octroi d’une no
473 fait votre État fédératif’, vouloir la vaincre n’ est pas d’un homme sage. » Et il ajoutait : « Songez bien à l’importance
474 portance d’avoir des traits caractéristiques ; ce sont eux qui, en éloignant l’idée de ressemblance avec les autres États, é
475 e processus dialectique dont le temps de synthèse est la fédération, se déclencha durant ces mêmes années. Un parti d’homme
476 t encore « fédéraliste ». Ni l’un ni l’autre ne l’ était en vérité. Mais leur lutte aux succès alternés allait permettre peu à
477 e solutions non pas moyennes mais en tension, qui sont tout le secret du vrai fédéralisme. L’homme capital de cette période
478 de cette période où se forme la Suisse fédérale n’ est pas un Suisse : c’est un réfugié italien, le comte Pellegrino Rossi.
479 n, bon historien de la Suisse moderne parce qu’il fut bon observateur de l’Europe pendant l’entre-deux-guerres : Les canto
480 ransit et doté d’un réseau de routes excellentes, était parvenu, par la faute de ses institutions, à se priver complètement d
481 te de 1815, à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons étaient souverains, maîtres incontestés de leur politique économique. On comp
482 déclare dans un discours qui fait du bruit : Il est manifeste que la grande majorité de la nation se sépare de plus en pl
483 réfugié politique au début de la Restauration, il fut le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’ornement
484 le nota son collègue saint-gallois à Lucerne, il fut le rapporteur de la commission et l’un des principaux rédacteurs du p
485 aissant que « l’idée de la souveraineté cantonale est toujours l’idée dominante », il n’hésite pas à préconiser la concepti
486 ssi son siège dans nos cœurs. Le nom de Suisse en est à lui seul la preuve ; il est à lui seul un grand fait national. Qui
487 Le nom de Suisse en est à lui seul la preuve ; il est à lui seul un grand fait national. Qui sommes-nous hors de nos foyers
488 e ; il est à lui seul un grand fait national. Qui sommes -nous hors de nos foyers, quel nom invoquons-nous, de quel nom sommes-
489 nos foyers, quel nom invoquons-nous, de quel nom sommes -nous fiers, quelle histoire rappelons-nous, quel est le nom de notre
490 -nous fiers, quelle histoire rappelons-nous, quel est le nom de notre drapeau, de nos soldats, de leur loyauté, de leur bra
491 mieux dire, il les absorbe en lui-même. Seul, il est pour nous, dans notre langage, la véritable antithèse de l’étranger.
492 commune… Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est point étrangère ; le sentiment de la nationalité existe dans nos cœur
493 te anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est impossible de méconnaître, et cette espérance que, dans un nouveau Pa
494 ent dans la Constitution de 1848. En revanche, il est intéressant d’indiquer les causes principales de son échec : elles dé
495 t en négatif la formule d’équilibre dynamique qui est la marque d’authenticité d’un régime de fédération. À gauche, on accu
496 n brandon de discorde entre les confédérés. (Tels sont encore les trois reproches majeurs auxquels se heurtent de nos jours
497 n qu’onze autres au moins s’y rallient, le projet fut abandonné par la Diète, qui n’en continua pas moins à discuter de la
498 es du Sonderbund51. Cette ultime guerre civile ne fut pas très sanglante et ne réveilla point de haines inexpiables, politi
499 -midi, jusqu’au 8 avril. À cette date, son projet est achevé. — Le 15 mai, la Diète aborde l’examen du projet et le poursui
500 oût et le 2 septembre, le peuple de chaque canton est appelé à se prononcer. La participation au scrutin n’atteint pas 54 %
501 re, la Diète décrète que la Constitution fédérale est « solennellement acceptée et déclarée loi fondamentale de la Confédér
502 17 février au 16 novembre 1848, la Constitution a été mise en chantier, élaborée à huis clos, adoptée par la Diète, soumise
503 e et des États, solennellement proclamée, et elle est entrée en vigueur sans nulle mesure de transition. Conception, gestat
504 se donc qualifier de préparatoire à la fédération est celle de luttes menées par les partisans d’une Suisse unie, contre le
505 s dans le détail de ses formulations, celle qui s’ est développée au sujet de l’Europe dès le lendemain de la Seconde Guerre
506  celle qui va vers la Suisse unie, celle qui s’en tient aux cantons souverains — sont transposables terme à terme dans la con
507 ie, celle qui s’en tient aux cantons souverains — sont transposables terme à terme dans la conjoncture d’aujourd’hui et à l’
508 ère impraticable », car, à leurs yeux, les choses étant ce qu’elles sont, la réalité politique réside dans les cantons seuls5
509 , car, à leurs yeux, les choses étant ce qu’elles sont , la réalité politique réside dans les cantons seuls52. Il fallut le t
510 trer à la majorité que la « réalité politique » n’ était plus dans le canton de papa mais dans la Suisse fédérée. Commentant l
511 t l’histoire d’un pays exigu, divers et divisé, s’ est toujours révolté contre les exigences de la vie commune. Alors que le
512 érêts et ces préférences. La Constitution de 1848 est la charte de la transaction dont il est né.53 Il faut souligner, en
513 n de 1848 est la charte de la transaction dont il est né.53 Il faut souligner, en effet, que la Constitution de 1848 ne c
514 d’États souverains. La « transaction » intervenue est en réalité un optimum difficilement atteint entre les maxima contradi
515 a Confédération suisse. Article 3. — Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la con
516 s sont souverains en tant que leur souveraineté n’ est pas limitée par la constitution fédérale, et comme tels ils exercent
517 et comme tels ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
518 tout traité d’une nature politique entre cantons sont interdits. Article 8. — La Confédération a seule le droit de déclare
519 e commerce. Dès le premier article, le paradoxe est là, posé dans toute sa force et clairement affirmé comme principe et
520 rincipe et comme fin de la construction : l’union est faite d’autonomies expressément énumérées55. Non seulement on n’a pas
521 core, cette dernière se voit garantie ! Et quelle est la force garante ? Celle qui naît justement de la mise en commun d’un
522 ne partie des souverainetés réaffirmées ! Le tour est joué, non dans les mots et les concepts, mais dans les faits. Car, en
523 cepts, mais dans les faits. Car, en fait, l’union est réelle et les autonomies le sont aussi. L’union est forte dans la mes
524 en fait, l’union est réelle et les autonomies le sont aussi. L’union est forte dans la mesure où les autonomies y contribue
525 t réelle et les autonomies le sont aussi. L’union est forte dans la mesure où les autonomies y contribuent, et elles y cont
526 continent, dont personne n’oserait dire qu’elle n’ est pas souhaitable, se trouve bloqué de nos jours par un sophisme. Les p
527 nos États européens ont cessé depuis longtemps d’ être absolues, et ne sont plus garanties par personne : ni par une autorit
528 ont cessé depuis longtemps d’être absolues, et ne sont plus garanties par personne : ni par une autorité supérieure (que l’u
529 er) ni par les forces propres de chaque pays, qui seraient anéanties en quelques heures en cas de conflit avec l’un ou l’autre d
530 autonome des nations membres, pourrait fort bien être assurée par une solution « suisse » et fédérale. ⁂ Comment la solutio
531 s deux réalités antagonistes sans lesquelles il n’ est point de fédérations, l’union et les autonomies, ne sont pas supprimé
532 int de fédérations, l’union et les autonomies, ne sont pas supprimées, oblitérées ni mélangées, mais au contraire composées,
533 la femme se masculinise, bien au contraire. S’il est clair qu’il entraîne des concessions, celles-ci ne sauraient être exi
534 entraîne des concessions, celles-ci ne sauraient être exigées ni consenties aux dépens de la nature propre des époux, mais
535 ours renouvelées et toujours à nouveau composées, est la vie même d’un régime fédéral, le secret de son dynamisme équilibré
536 misme équilibré. Au sein de la Confédération, qui est à vrai dire une fédération et que l’on désigne en allemand par le bea
537 idgenossenschaft (communauté dans le serment), il est naturel et vital que les uns, à certains moments, se posent en champi
538  ; et selon les régions, ou les époques, l’accent est mis sur l’une ou l’autre. Au cours des premières décennies, l’élan do
539 tout le pays. Les institutions fédérales qui ont été si rapidement mises en place, entreprennent les centralisations admin
540 sivement, les postes, les douanes et les monnaies sont unifiées sans difficultés. Mais les cantons se refusent longtemps à l
541 des États membres s’amenuise. Le droit et l’armée sont largement unifiés ; la législation sur les chemins de fer devient féd
542 la législation sociale. Le référendum législatif est introduit. Le droit d’initiative en matière fédérale suivra dès 1891.
543 à faire respecter les clauses de neutralité, qui sont du ressort fédéral. Elles ont donc pour effet de renforcer encore la
544 nouvelle du fédéralisme comme doctrine. La chose était sans doute ancienne, le concept apparaît nouveau. Certaines pratiques
545 vation que certains taxent de révolutionnaire. Il est remarquable que dans l’ancienne Suisse le terme de fédéralisme n’ait
546 ienne Suisse le terme de fédéralisme n’ait jamais été employé. Autant que j’aie pu le vérifier, il n’apparaît qu’en 1822, i
547 rale, déclare qu’il s’agit de savoir si la Suisse est un peuple, un corps politique, ou si, « exagérant les maximes fédéral
548 n constituante, en 1848, l’adjectif « fédératif » est constamment employé dans le sens de l’unification du pays. Tout se pa
549 te à toute idée d’« État européen unique », qu’il tient d’ailleurs pour irréalisable. Le mot et le concept, quoique diverseme
550 qu’elle nomme « les ukases de Berne ». Mais ce n’ est guère qu’au xxe siècle (surtout dans les années 1920 à 1940) qu’appa
551 publiques, et cela dès les origines, encore qu’il soit demeuré longtemps tout empirique, et même, selon Richard Feller, « so
552 individualisme dont le collectivisme dictatorial est l’inévitable rançon. C’est ainsi que le fédéralisme, issu des traditi
553 oint le siècle en s’y définissant. Désormais il n’ est plus seulement résistance au géométrisme plat de centralisateurs sans
554 nants découvriront peut-être qu’au moment où il s’ est affirmé, au xxe siècle, face aux délires totalitaires, il était moin
555 au xxe siècle, face aux délires totalitaires, il était moins une survivance qu’une invention, il avait moins de passé que d’
556 Encore que la « terre de liberté » qu’il embrasse soit en fait celle du Pays de Vaud, assujetti par les oligarques de Berne 
557 d, assujetti par les oligarques de Berne ! « S’il est un lieu au monde d’où la liberté d’écrire paraisse bannie c’est bien
558 se de Rossi et l’Europe actuelle n’a pas besoin d’ être souligné : il s’impose avec une impressionnante rigueur, dès la phras
559 ins étendu de notre nationalité. » La nationalité est donc cantonale, non pas suisse, pour un réaliste de ce temps. Un autr
560 s’oppose à toute union suisse car « chaque canton est trop attaché à sa souveraineté et la regarde comme un bien trop préci
561 . « Le terme de confédération, que l’on maintint, fut une concession faite par la logique à la tradition », observe W. Rapp
562 t au vocabulaire politique de l’Europe. 55. Ce n’ est pas le cas dans la constitution des États-Unis d’Amérique, moins resp
10 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Deuxième partie. L’union, sauvegarde de la diversité ou comment fonctionne une fédération — 1. Les institutions et la vie politique
563 té commune. Rien d’étonnant si une telle pratique est mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisi
564 teurs. Un Français cultivé et qui se demande quel est le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trou
565 ine du gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme était une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
566 révolution, chap. I. Pour un Français, la cause est entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’e
567 perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’ être , en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à
568 ays du continent qui existaient en 1848 ou qui se sont formés plus tard, soit dans la seconde moitié du xixe siècle, comme
569 istaient en 1848 ou qui se sont formés plus tard, soit dans la seconde moitié du xixe siècle, comme l’Allemagne et l’Italie
570 é du xixe siècle, comme l’Allemagne et l’Italie, soit seulement au xxe siècle, comme les États de l’Est et les Balkans, on
571 fs et fiscaux, voire judiciaires. Bref, la Suisse est l’exemple unique et à bien des égards paradoxal d’une fédération réus
572 itaires. Nous avons vu comment cette fédération s’ est agencée comme d’un seul coup pendant l’année 1848, après des siècles
573 c’est-à-dire dans des conditions qui ne pouvaient être prévues pour la plupart à l’époque de sa mise en place. Nous sommes i
574 r la plupart à l’époque de sa mise en place. Nous sommes ici devant une expérience d’intérêt majeur pour l’Europe. Car l’Europ
575 r pour l’Europe. Car l’Europe qui tente de s’unir sera fédérale ou ne sera pas. Non que je tienne le fédéralisme pour une so
576 l’Europe qui tente de s’unir sera fédérale ou ne sera pas. Non que je tienne le fédéralisme pour une sorte de panacée effic
577 e s’unir sera fédérale ou ne sera pas. Non que je tienne le fédéralisme pour une sorte de panacée efficace en tout temps et en
578 nion, et aux formes nouvelles de civilisation qui sont en train de naître sous nos yeux. La commune : un petit État La
579 t État La fédération des États-Unis d’Amérique est née de l’union des États, comme celle de la Suisse de l’union des can
580 la Suisse de l’union des cantons, mais ceux-ci ne sont pas des créations abstraites délimitées au tire-ligne sur la carte et
581 sur le terrain par des procédés d’arpentage : ils sont nés de la lente agrégation de communes forestières et urbaines, et le
582 evoir un passeport suisse. « La naturalisation ne sera parfaite que lorsque le candidat aura été agréé par une commune et un
583 ion ne sera parfaite que lorsque le candidat aura été agréé par une commune et un canton ; c’est alors seulement qu’il sera
584 ommune et un canton ; c’est alors seulement qu’il sera un citoyen suisse. »56 La véritable cellule de base de la Suisse est
585 e. »56 La véritable cellule de base de la Suisse est donc la commune : c’est par elle que l’on entre dans la citoyenneté,
586 itoyenneté, et c’est par elle que la fédération s’ est constituée historiquement. Les cantons sont venus plus tard, le pouvo
587 tion s’est constituée historiquement. Les cantons sont venus plus tard, le pouvoir fédéral en dernier lieu. « En Suisse, la
588 fédéral en dernier lieu. « En Suisse, la commune est un petit État », déclarait récemment le conseiller fédéral Roger Bonv
589 comptes (parfois le budget) des municipalités. Il est curieux de noter que la garantie des autonomies communales n’est pas
590 noter que la garantie des autonomies communales n’ est pas prévue par la Constitution fédérale : on est tenté d’y voir la pr
591 ’est pas prévue par la Constitution fédérale : on est tenté d’y voir la preuve que cette autonomie va de soi, aux yeux des
592 rofesseur Adolf Gasser : Le principe fédéraliste est à la base non seulement des relations entre la Confédération et les c
593 C’est à ces origines que nos cantons doivent de n’ être jamais devenus des États bureaucratiques et centralisés, mais d’être
594 des États bureaucratiques et centralisés, mais d’ être restés jusqu’à nos jours des États populaires, fondés sur le droit et
595 , fondés sur le droit et dont la première mission est l’administration de la justice.58 Un autre auteur, le juriste F. Fl
596 donne les ordres du pouvoir central, la commune n’ est plus qu’un organe d’exécution et devient à son tour, comme l’observe
597 Suisse, au contraire, les droits de la commune ne sont limités que par la loi, jamais par les supérieurs administratifs. La
598 t le canton n’intervient qu’en appel. Ce régime s’ est révélé particulièrement efficace dans les époques de crise (guerre de
599 itiatives locales, appuyées par la population qui était à même de contrôler la besogne et d’en mesurer la portée par expérien
600 ignes, caves, troupeaux). En cas d’indigence, ils sont secourus par la « bourgeoisie » de leur lieu d’origine, même s’ils n’
601 arable à celui des doges à Venise. (Il ne pouvait être choisi que dans la classe des « familles aptes à régner ».) Le présid
602 fois appelé syndic ou maire, d’une de nos villes, est aujourd’hui un technicien du département qu’il dirige, et n’est plus
603 i un technicien du département qu’il dirige, et n’ est plus délégué au pouvoir par une seule classe régnante dans laquelle i
604 ir par une seule classe régnante dans laquelle il serait né, mais par un parti politique qu’il a choisi selon sa conviction (p
605 vue de son élection). La majesté de son pouvoir n’ est figurée que par les deux huissiers en grande cape aux couleurs de la
606 haleur et bonhomie. Mais il sait que les temps ne sont plus ce qu’ils étaient, il connaît bien ses statistiques d’état civil
607 Mais il sait que les temps ne sont plus ce qu’ils étaient , il connaît bien ses statistiques d’état civil et le mouvement de la
608 s catégories. La tendance générale, irréversible, est au déracinement sans cesse accéléré, au brassage communal et cantonal
609 oir d’assimilation. Faut-il croire qu’une commune est semblable à un corps ? Toutes ses cellules éliminées et remplacées pé
610 ’en garde pas moins son profil et ses rides. Ce n’ est pas tout. Les plus grandes communes de Suisse, telles que Zurich (un
611 telles que Zurich (un demi-million d’habitants), sont en train d’adopter une politique de résistance au gigantisme. Qu’un g
612 ains soutiennent que cette course aux subventions est un péril plus grave que l’urbanisation et le brassage des habitants p
613 les frais de certains services trop chers et n’en seraient que plus libres de vivre à leur manière. Des solutions de ce genre ne
614 ivre à leur manière. Des solutions de ce genre ne seraient -elles pas plus réellement fédéralistes que ne l’était, en somme, l’an
615 t-elles pas plus réellement fédéralistes que ne l’ était , en somme, l’ancien état de choses ? Les cantons et leur « souvera
616 a donc les communes, non les cantons. Ceux-ci se sont formés beaucoup plus tard, et de manières très diverses. Les uns ne f
617 us tard, et de manières très diverses. Les uns ne furent d’abord qu’une vallée des Alpes dont les propriétaires et paysans lib
618 tive, firent une commune : ainsi le Pacte de 1291 est -il conclu entre « les gens de la vallée d’Uri, la commune de la vallé
619 e la vallée inférieure d’Unterwald ». D’autres ne furent d’abord que des cités libres comme Berne, ou impériales comme Zurich,
620 ture et de commerce de Genève, Saint-Gall et Bâle furent d’abord des terres et des cités épiscopales, rattachées à l’Empire. C
621 tres. Et Neuchâtel enfin, principauté souveraine, fut un État dès le haut Moyen Âge, lentement élargi aux frontières actuel
622 n d’États égaux à l’État fédéral actuel. Mais que sont aujourd’hui les cantons, en droit public ? Ce sont les États souverai
623 ont aujourd’hui les cantons, en droit public ? Ce sont les États souverains « dans la mesure où leur souveraineté n’est pas
624 ouverains « dans la mesure où leur souveraineté n’ est pas limitée par la Constitution fédérale ; ils jouissent comme tels d
625 ls jouissent comme tels de tous les droits qui ne sont pas attribués au pouvoir fédéral » (art. 3 de la Constitution). L’exa
626 s communautés cantonales — leurs vraies patries — sont antérieures à la Confédération, qui a résulté de leurs alliances prog
627 nt, dans certains domaines strictement définis, n’ est donc à leurs yeux que la sauvegarde de leur mode d’existence propre e
628 ls. L’exécutif généralement nommé Conseil d’État, est un collège de cinq à onze membres, élu par le peuple. Chacun des magi
629 échelon fédéral. Le législatif, ou Grand Conseil, est élu par le peuple à la majorité absolue dans quelques cantons, ou sel
630 de la Landsgemeinde 60. Là le pouvoir législatif est exercé par l’ensemble de la population mâle et majeure, réunie en cer
631 des amendements. Quelques-uns de ces amendements, sont adoptés, d’autres — et justement, je le note, des amendements démagog
632 ote, des amendements démagogiques — repoussés. Je suis frappé de constater qu’on discute sur le mérite propre des mesures pr
633 rait en France, sur les incidences partisanes. Je suis frappé aussi de la facilité de parole des orateurs, qui s’expriment a
634 te se prête admirablement. L’auditoire, du reste, est difficile : il s’impatiente quand on hésite, il souligne sans bienvei
635 estement ces assises ont leur tradition et l’on n’ est pas disposé à y supporter les raseurs, car il faut que tout soit fini
636 é à y supporter les raseurs, car il faut que tout soit fini dans la journée (et puis le ciel, lourd de nuages, pourrait tomb
637  000 habitants qu’il contient, un quart seulement sont des paysans et plus de la moitié vivent de l’industrie. Avec moins d
638 considérations pratiques priment, et l’équilibre est respecté, d’un accord tacite, entre les intérêts plus ou moins diverg
639 elle ou telle localité. » Cette dernière remarque est importante. Elle nous fait entrevoir la condition des libertés civiqu
640 ieurs groupes ou communautés, dont les limites ne sont pas les mêmes. La formule du régime totalitaire, c’est la coïncidence
641 mentées des allégeances communales et cantonales, sont non seulement possibles, mais courantes. Car les frontières des langu
642 mais courantes. Car les frontières des langues ne sont pas celles des confessions ; celles des cantons ne sont pas celles de
643 as celles des confessions ; celles des cantons ne sont pas celles des régions économiques ; et celles des cultures ne sont m
644 s régions économiques ; et celles des cultures ne sont même pas celles de la Confédération, qu’elles débordent très largemen
645 e d’autres Suisses, le plus souvent le lieu où il est né, le cadre où se sont déroulées son enfance et sa jeunesse, la cité
646 plus souvent le lieu où il est né, le cadre où se sont déroulées son enfance et sa jeunesse, la cité dont il parle la langue
647 nces quotidiennes, et non pas sa constitution qui est l’objet véritable de son patriotisme. La Confédération, au contraire,
648 r aux exigences de la vie nationale. Mais il n’en sera pas pour autant porté à immoler sa petite patrie sur l’autel du grand
649 ite patrie sur l’autel du grand pays plus qu’on n’ est tenté de vendre un souvenir de famille pour pouvoir acheter un réfrig
650 r pouvoir acheter un réfrigérateur.62 Voilà qui est bel et bon en théorie et très conforme aux prescriptions de la saine
651 ces entre les États membres et le pouvoir central est le problème spécifique de la vie d’une fédération. Dans le cas de la
652 tion. Dans le cas de la Suisse, cette répartition est en principe réglée par la Constitution de 1848 et ses révisions succe
653 antons et de leur fédération. Car la fédération n’ est pas le Tout dont les cantons ne seraient que les subdivisions, ni le
654 fédération n’est pas le Tout dont les cantons ne seraient que les subdivisions, ni le Pouvoir auguste dont ils seraient les suj
655 les subdivisions, ni le Pouvoir auguste dont ils seraient les sujets. Conçue pour permettre aux cantons de réaliser en commun d
656 tâches qui dépassaient leurs forces isolées, elle est à leur service, et non pas eux au sien. N’ayant jamais été personnifi
657 r service, et non pas eux au sien. N’ayant jamais été personnifiée par un monarque, un dictateur, ou le chef d’un parti féd
658 À vrai dire, les cantons n’en ont pas d’autre. Il est frappant de constater que ces petits États, qu’aucune frontière visib
659 our soi, la Confédération pour tous » paraît bien être leur devise. Les partisans de l’Europe unie ont coutume de préconiser
660 adversaires estiment en revanche que cette union est impossible, parce que les peuples de l’Europe, affirment-ils, sont tr
661 parce que les peuples de l’Europe, affirment-ils, sont trop différents les uns des autres pour pouvoir accepter des institut
662 os les deux camps. Car en fait notre fédération s’ est constituée et fonctionne bien sans que les peuples de nos divers cant
663 me de s’aimer comme des frères en la foi ; et ils sont aussi différents les uns des autres que les Bourguignons des Rhénans,
664 is qu’importe ! Il suffit bien que tous les trois soient attachés aux mêmes institutions, aux mêmes règles communes arrangées
665 r, voire de malice). Tous les trois savent qu’ils sont Suisses, non pas à cause de quelque qualité commune, soit naturelle,
666 sses, non pas à cause de quelque qualité commune, soit naturelle, soit culturelle (langue, race, confession, caractère, etc.
667 cause de quelque qualité commune, soit naturelle, soit culturelle (langue, race, confession, caractère, etc.) qui justement
668 qui justement leur fait défaut, mais parce qu’ils sont placés dans le même ensemble que l’on a baptisé du nom de « Suisse »,
669 ons économiques et militaires une ligue d’États s’ est transformée en un État fédératif. Acte essentiellement politique, mai
670 français (plusieurs fois ministre depuis) et qui est membre du comité chargé d’élaborer un projet de Constitution européen
671 écutif. — Prenez donc notre formule suisse ! — Qu’ est -ce que c’est ? » J’explique alors en quelques phrases qu’il s’agit d’
672 es qu’il s’agit d’un collège de sept membres, qui est le chef de l’État, et qui représente grosso modo les cantons, les par
673 ntons, les partis et les langues. Chacun des Sept est un ministre et le demeure pendant l’année où il exerce la fonction ho
674 de loi et les présente au Parlement. Si un projet est rejeté, le Conseil ne démissionne pas : il reprend la question, consu
675 cœur m’a donné à penser. Nos institutions suisses sont mal connues à l’étranger, le fédéralisme y est ignoré ou décrié, bref
676 s sont mal connues à l’étranger, le fédéralisme y est ignoré ou décrié, bref, les Suisses font des montres et des fromages
677 la vie européenne. D’où je déduis qu’il pourrait être utile : 1° de décrire les deux rouages principaux de notre système fé
678 s autonomies locales et de l’union. Cet équilibre est illustré par le système bicaméral, que les législateurs de 1848 empru
679 gislatif et autorité suprême de la Confédération, est composée de deux Chambres : le Conseil national, représentant le peup
680 deux conseils ont des pouvoirs égaux. Leur accord est indispensable pour l’acceptation ou le rejet d’une loi. On croit reco
681 e des Députés. En réalité, le Conseil des États n’ est pas du tout l’équivalent de la Chambre Haute en France et en Italie,
682 des Lords. Il ne ressemble qu’au Sénat américain, étant comme ce dernier formé de représentants des membres de la fédération,
683 Grand Conseil qui les nomme. Le Conseil national est élu à raison d’un député par 28 000 habitants, chaque canton ou demi-
684 rtement et leur composition. Le Conseil des États est beaucoup plus « à droite » que le national quant à la distribution de
685 listes 1/20 seulement, alors que ces deux groupes sont de force égale au Conseil national). Il est extrêmement rare que l’on
686 upes sont de force égale au Conseil national). Il est extrêmement rare que l’on élise aux États un candidat qui n’a pas occ
687 de charge politique ou publique, alors que le cas est fréquent au national. Enfin, la moyenne d’âge des conseillers nationa
688 Enfin, la moyenne d’âge des conseillers nationaux est sensiblement inférieure à celle des membres du Conseil des États, ce
689 utions cantonales et l’adoption du budget fédéral sont également de leur compétence. Soulignons enfin que les membres de l’A
690 enfin que les membres de l’Assemblée fédérale ne sont jamais liés par les instructions que leur aurait données le corps pol
691 ique chargé de leur élection. Le mandat impératif est interdit au Conseil des États tout aussi bien qu’au national65. « L’a
692 riale et exécutive supérieure de la Confédération est exercée par un Conseil fédéral composé de sept membres », dit l’artic
693 binet de ministres et celles d’un chef de l’État, est sans doute l’institution la plus originale de la Suisse. Ses membres
694 ution la plus originale de la Suisse. Ses membres sont élus pour quatre ans par l’Assemblée et sont immédiatement rééligible
695 bres sont élus pour quatre ans par l’Assemblée et sont immédiatement rééligibles. Chacun d’entre eux dirige un ministère ou
696 ige un ministère ou département. L’un d’entre eux est élu chaque année président de la Confédération. Il ne peut exercer ce
697 cet office deux années de suite, et la coutume s’ est établie d’une rotation entre les sept conseillers : chacun devient pr
698 siège à Berne, et la plupart de ses départements sont logés dans le même bâtiment verdâtre qu’on nomme le Palais fédéral. C
699 itale, mais seulement de « ville fédérale ». Elle est en même temps le chef-lieu du canton auquel elle donne son nom. Ces d
700 quel elle donne son nom. Ces détails de protocole sont significatifs d’une certaine méfiance — fédéraliste autant que propre
701 res ronflants. Le président de la Confédération n’ est qu’un primus inter pares. À la vérité, le pouvoir en Suisse reste d’o
702 onseil fédéral en son entier (même si elles n’ont été prises qu’à la majorité des voix), et la Constitution ne définit que
703 ctivement les attributions du Conseil, lesquelles sont essentiellement administratives et exécutives. Le Conseil fédéral « p
704 et donne son préavis sur les propositions qui lui sont adressées par les conseils ou par les cantons » (art. 102, par. 4 de
705 prouver la gestion d’un Département, l’exécutif n’ est pas renversé pour autant. La Suisse ne connaît pas les crises ministé
706 e. Pratiquement donc, les conseillers fédéraux ne sont jamais renversés. Les Chambres les remplacent lorsqu’ils démissionnen
707 n’a compté que 63 ministres, dont un seul n’a pas été réélu bien qu’il fût candidat. Durée moyenne de leur carrière : onze
708 istres, dont un seul n’a pas été réélu bien qu’il fût candidat. Durée moyenne de leur carrière : onze ans. Et l’un d’eux es
709 oyenne de leur carrière : onze ans. Et l’un d’eux est demeuré en fonction pendant trente-deux ans. Dans tout autre pays de
710 uvernemental. Le danger existe en Suisse, mais il est en grande partie neutralisé par les droits des cantons et par le cont
711 le populaire (référendum). Au surplus, quelle que soit l’étendue de ses pouvoirs, le Conseil fédéral n’en demeure pas moins
712 nt de cabinet. Leur ministère, nommé Département, est administré par des fonctionnaires qu’ils se gardent de déplacer lorsq
713 ice matériel. La composition du Conseil fédéral n’ est pas moins originale que sa fonction. Elle est déterminée par quatre f
714 l n’est pas moins originale que sa fonction. Elle est déterminée par quatre facteurs principaux dont la coutume fédéraliste
715 Comme il n’y a que sept conseillers fédéraux, il est impossible de faire droit à tant d’exigences simultanées d’une manièr
716 le aux effectifs ou aux forces réelles. Les cotes sont donc mal taillées, mais la volonté de pondération reste évidente. C’e
717 Tessinois pour quatre ou cinq Alémaniques, ce qui est plus équitable, 75 % de la population parlant allemand. La Constituti
718 bles. Quant aux partis, très inégaux en force, il est arithmétiquement impossible de les satisfaire tous. Les radicaux, don
719 satisfaire tous. Les radicaux, dont les ancêtres furent les fondateurs de l’État fédéral, ont gardé très longtemps quatre rep
720 représentants au Conseil fédéral, bien qu’ils ne fussent guère plus nombreux aux Chambres que les socialistes, lesquels n’ont
721 avec deux radicaux et deux socialistes, l’équité est enfin rétablie.) Les conservateurs catholiques ont deux sièges, les a
722 et qui satisfait aux quatre exigences préalables est donc élu conseiller fédéral, et le Collège lui-même lui attribue ensu
723 ministérielle. Les chassés-croisés d’attributions sont rares. Cette longévité ministérielle est en contraste frappant avec l
724 butions sont rares. Cette longévité ministérielle est en contraste frappant avec la coutume des républiques voisines, où l’
725 s disponibles pour les postes les plus variés. Il est sans exemple qu’un conseiller fédéral démissionnaire ait été réélu pa
726 emple qu’un conseiller fédéral démissionnaire ait été réélu par la suite, et bien rare qu’il ait conservé un rôle actif dan
727 embres, ou pour le faire élire par le peuple, ont été repoussées comme d’instinct dès leur apparition. Elles visaient en ef
728 nistre les affaires fédérales ; et il ne doit pas être lié trop étroitement aux cantons, en tant qu’il exerce une fonction d
729 ont acquis quelque importance sur le plan fédéral sont au nombre de huit. La droite est formée par les conservateurs chrétie
730 le plan fédéral sont au nombre de huit. La droite est formée par les conservateurs chrétiens sociaux, puissants dans la Sui
731 une vingtaine d’années. Au reste, ces deux partis sont très inégaux par le nombre et la puissance. Les conservateurs chrétie
732 pas d’appuis équivalents chez les pasteurs — qui sont généralement plus à gauche — ni dans les masses protestantes, qui ne
733 gauche — ni dans les masses protestantes, qui ne sont pas organisées sur des bases confessionnelles. Si leur petit parti ga
734 intellectuel de ses journaux, et à l’appui qu’il est censé recevoir des banques privées. Le centre comprend le parti radic
735 xclusivement suisses allemands). Les radicaux ont été les plus nombreux aux Chambres durant près d’un siècle, de 1848 à 194
736 lui ménager plus d’un retour. Le parti agrarien s’ est formé aux dépens des radicaux, pour défendre les intérêts des agricul
737 iculteurs dans les cantons où le parti catholique est faible ou inexistant, comme Berne. Quant au parti des Indépendants, i
738 mmuniste), dissous par le gouvernement en 1940, a été autorisé à se reformer en 1945. Ses quelques députés aux Chambres son
739 former en 1945. Ses quelques députés aux Chambres sont élus par Genève et Vaud, et son influence, même dans ces cantons, ser
740 et Vaud, et son influence, même dans ces cantons, serait nulle si elle n’aboutissait parfois, à rapprocher les socialistes des
741 lques nuances près dans les États environnants, n’ était ce fait déterminant que l’idéologie politique des partis n’est plus g
742 éterminant que l’idéologie politique des partis n’ est plus guère aujourd’hui qu’une façade démodée, et que le vrai jeu parl
743 partis politiques — surtout au Conseil national — sont souvent en même temps les mandataires des principaux intérêts profess
744 ent à l’échelon national. Le cas des Indépendants est le plus clair : ils sont l’émanation politique des coopératives de la
745 . Le cas des Indépendants est le plus clair : ils sont l’émanation politique des coopératives de la Migros. Mais les liens e
746 éputés socialistes et l’Union syndicale suisse ne sont guère moins évidents : le parti socialiste est fort dans les cantons
747 e sont guère moins évidents : le parti socialiste est fort dans les cantons où les syndicats ouvriers ont leurs plus gros e
748 vriers ont leurs plus gros effectifs, même s’il n’ est guère possible de décider qui, du parti ou de l’Union, exerce sur l’a
749 e alémanique. Nombre d’observateurs étrangers ont été frappés par l’allure très particulière des débats aux Chambres fédéra
750 l d’administration. L’éloquence, à vrai dire, n’y est pas déchaînée, les interruptions rares et mal vues, la diction sans a
751 oir ce qui se passe à Berne et si le gouvernement sera renversé : nous avons vu qu’il ne peut jamais l’être. Les arguments t
752 a renversé : nous avons vu qu’il ne peut jamais l’ être . Les arguments techniques exposés ou réfutés avec une calme compétenc
753 des finances, ou de l’administration publique, ne sont pas de nature à soulever l’enthousiasme ou l’indignation. En revanche
754 les comptes rendus des sessions, voit bien que ce sont ses affaires personnelles qui sont en cause : son salaire, son assura
755 it bien que ce sont ses affaires personnelles qui sont en cause : son salaire, son assurance-vieillesse, le prix de la viand
756 d’instruction militaire, les impôts fédéraux. Il serait donc injuste d’affirmer que le Parlement manque de contact avec la po
757  », peut très bien signifier que le peuple suisse est satisfait de ses institutions et ne se pose plus de question de princ
758 rité, de sécurité, de dignité gouvernementale. Ce sont les crises, la peur et le scandale qui rendent les tribuns éloquents
759 stitutions saines et qui fonctionnent sans accroc sont normalement un peu ennuyeuses. Les Suisses savent bien qu’on ne fait
760 nce pour que le mécanisme joue. Cette tolérance n’ est pas seulement morale, ce « jeu » est prévu par les lois : ce sont les
761 tolérance n’est pas seulement morale, ce « jeu » est prévu par les lois : ce sont les droits d’initiative et surtout de ré
762 nt morale, ce « jeu » est prévu par les lois : ce sont les droits d’initiative et surtout de référendum qui le ménagent. Grâ
763  » (Siegfried). Rien de ce qui se passe à Berne n’ est donc irrémédiable. C’est au recours fréquent à ces droits populaires
764 ces droits populaires que le régime suisse doit d’ être qualifié de démocratie semi-directe. La Constitution prévoit que « le
765 t les arrêtés fédéraux de portée générale doivent être soumis à l’adoption ou au rejet du peuple lorsque la demande en est f
766 ption ou au rejet du peuple lorsque la demande en est faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons » (art. 89) ; et
767 conclus pour une durée de plus de quinze ans. Tel est le droit de référendum législatif, et l’on notera qu’il est facultati
768 it de référendum législatif, et l’on notera qu’il est facultatif. Un exemple assez récent pour être encore fréquemment évoq
769 u’il est facultatif. Un exemple assez récent pour être encore fréquemment évoqué fera comprendre le fonctionnement de ce rec
770 recueillir les 30 000 signatures nécessaires, qui seront vérifiées par la Chancellerie fédérale. Dans le cas envisagé, c’est l
771 vernement ? (Il ne peut dissoudre les Chambres ni être renversé par elles, rappelons-le.) Il reprend son projet, l’amende, r
772 e. Faut-il en conclure que la volonté populaire a été flouée ? Certains l’affirment, en invoquant d’autres exemples de lois
773 initiative législative et aussi constitutionnelle est garanti par tous les cantons. Au plan fédéral, le droit d’initiative
774 r 50 000 citoyens au moins. Jusqu’en 1962, 48 ont été soumises au vote populaire, 7 acceptées. L’assemblée, réagissant à ce
775 résenté de son côté 12 contre-projets, dont 8 ont été acceptés. La multiplication de ces retouches trahirait-elle un mécont
776 as de doute : dans son ensemble, le peuple suisse est l’un des moins révolutionnaires de l’Europe. Il ne croit pas aux cons
777 nomiques, en proportion à peu près égale. Mais il est probable que la tendance à introduire des droits économiques dans la
778 on finira par prévaloir. L’assurance-vieillesse a été votée en 1947 à une écrasante majorité (80 % des votants), en même te
779 t de l’évolution du civisme en Suisse semble bien être le désintérêt croissant du corps électoral à l’endroit de la chose pu
780 ou pour maintenir des valeurs essentielles. Ce n’ est plus nécessaire en Suisse, et l’on peut s’en féliciter. Les libertés
781 scutés. La seule crise à redouter dans l’immédiat est celle que menace de provoquer une prospérité matérielle « surchauffée
782 er une prospérité matérielle « surchauffée ». Il est donc naturel que les partis cessent de passionner l’électeur — ayant
783 r — ayant eux-mêmes cessé de se passionner67. Ils sont devenus les porte-voix d’intérêts et de groupes d’intérêts d’ailleurs
784 es et bien connus, — ou qui, du moins, pourraient être connus, et que l’électeur devrait connaître… Le vrai problème ne me p
785 ou de politiser le prix du lait. Le vrai problème est de faire comprendre aux électeurs les données de base de notre sociét
786 is dont on ne sait ni d’où ils viennent ni où ils sont censés nous mener. Rien qui éveille l’intérêt des élèves pour la vie
787 questions qui se posent, de la manière dont elles sont discutées et résolues, du rôle de l’opinion, des intérêts, de la pres
788 éniable, c’est moins à l’école qu’à l’armée qu’il est dû. L’empreinte commune la plus profonde que reçoivent les citoyens s
789 profonde que reçoivent les citoyens suisses leur est donnée par le service militaire. Chacun sait que l’armée suisse est u
790 service militaire. Chacun sait que l’armée suisse est une armée de milices : la Constitution interdit à la Confédération le
791 ’à un degré jamais atteint en Europe, cette armée est la chose du peuple, et qu’elle est populaire aux deux sens du terme.
792 e, cette armée est la chose du peuple, et qu’elle est populaire aux deux sens du terme. L’antimilitarisme n’existe guère qu
793 ’existe guère que chez des individus isolés, il n’ est pas le fait d’une classe ou d’un parti. Passer pour un bon soldat ou
794 rti. Passer pour un bon soldat ou un bon officier est « bien vu » dans toutes les couches de la population, et même chez la
795 iscutable de l’intégration de l’armée à la nation est fournie par ce simple fait : chaque soldat suisse entre les périodes
796 ues heures, tandis que les 600 000 autres peuvent être rassemblés et équipés en moins de trois jours. En 1948, le critique m
797 que l’on aurait tort de négliger, car ce colonel est aujourd’hui de beaucoup celui qui peut réunir le plus rapidement, en
798 ux armés.69 Les plans de l’état-major suisse ne sont en principe que défensifs, à cause de la neutralité. Ils sont organis
799 cipe que défensifs, à cause de la neutralité. Ils sont organisés en profondeur (chaque village, un hérisson) à cause de la s
800 sson) à cause de la structure fédéraliste. Et ils sont appuyés sur un « réduit national » dont le centre est le massif du Go
801 appuyés sur un « réduit national » dont le centre est le massif du Gothard, à cause de toute l’histoire des confédérés. Cet
802 caste militaire, toute mêlée à la vie du peuple, est devenue depuis 1848 l’agent principal de l’helvétisation du pays. Au
803 itoyen valide de passer par une école de recrues, soit qu’il reste soldat, soit qu’il devienne officier, prolonge et renouve
804 ar une école de recrues, soit qu’il reste soldat, soit qu’il devienne officier, prolonge et renouvelle le brassage des class
805 ur pour sa section ou sa compagnie, à laquelle il est tenu de faire chaque jour une brève causerie ou « théorie » qui ne po
806 our sa section ou sa compagnie, à laquelle il est tenu de faire chaque jour une brève causerie ou « théorie » qui ne porte p
807 encore un régiment, voire une division. D’autres tiennent à rester simples soldats : Karl Barth le fut un temps pendant la dern
808 tiennent à rester simples soldats : Karl Barth le fut un temps pendant la dernière guerre. Cette liaison intime et quasi in
809 e et quasi instinctive du militaire et du civique est peut-être, à mon sens, la raison principale du refus obstiné qu’oppos
810 e que la voient les jeunes Suisses d’aujourd’hui, est bien moins un moyen de défense du pays « qu’un mode de formation du c
811 contacts et de se mêler aux autres milieux… Elle est la société nationale de tous les Suisses du sexe masculin : l’armée e
812 le de tous les Suisses du sexe masculin : l’armée est la maison des hommes. » J’emprunte ces phrases au commentaire d’une é
813 si on leur accordait le droit de vote. Cette taxe est due par tous les hommes reconnus inaptes au service, ou par les offic
814 les-ci ne le désirent pas, dans leur majorité. Il est vrai qu’une coutume, germanique elle aussi, mais répandue dans toute
815 rs maris, surtout s’il s’agit de politique. Et il est vrai qu’à Genève, où elles ont depuis peu le droit de vote « au canto
816 génération admise aux mystères civiques n’y a pas été initiée. Elle faisait en classe des travaux de couture pendant que le
817 uction civique. On prétend aussi que notre peuple est si fréquemment consulté que les femmes, un dimanche sur six, devraien
818 oles. Pour que des arguments de ce genre puissent être proférés avec sérieux, il faut que des motifs inconscients paralysent
819 ques et agricoles comme la Suisse centrale. Et il est vrai que les cantons à démocratie directe ne sauraient plus où tenir
820 cantons à démocratie directe ne sauraient plus où tenir leur Landsgemeinde, si tout d’un coup les effectifs s’en trouvaient d
821 nts, pour établir en toute clarté que la Suisse n’ est pas une nation, au sens que le terme a pris pendant le xixe siècle,
822 pendant le xixe siècle, et qu’en conséquence il serait vain de chercher, dans son peuple ou sa littérature, les témoignages
823 lème des minorités ne se pose pas : chaque groupe étant simultanément minoritaire par rapport à l’ensemble des autres, et maj
824 et seulement politique, tous les auteurs suisses sont d’accord. Choisissons pour les représenter : un homme d’État, un géné
825 : Un peuple qui a la structure du nôtre, et qui est accoutumé à la démocratie fédérative, a, dans chacun de ses membres,
826 ses, soulignait sa nécessité : Si le fédéralisme est la sauvegarde du pays, l’unification serait sa perte. Laissons aux ca
827 éralisme est la sauvegarde du pays, l’unification serait sa perte. Laissons aux cantons leur particularisme, comme à nos régim
828 e voulons pas nous fondre dans le même moule ! Il serait aussi vain de vouloir unifier les Suisses que de tenter de niveler le
829 r de niveler leurs montagnes ! Si les différences sont ineffaçables, elles ne nuisent pas à la cohésion nationale. Genève a
830  ; toute la Suisse a son 1er août ! Et si l’armée est la seule éducation générale qu’un peuple, aussi divers que le nôtre,
831 , peut admettre, l’esprit du régiment de Genève n’ est cependant pas celui des régiments de Berne ou des Grisons, pas plus q
832 ui des régiments vaudois ou valaisans ; mais tous sont cependant unis sous le même drapeau. Près d’un siècle auparavant, Go
833 sité, « la véritable école de l’amitié » : Qu’il est donc réjouissant que tous les Suisses ne soient pas sortis du même mo
834 u’il est donc réjouissant que tous les Suisses ne soient pas sortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois, d
835 l’irréflexion de la jeunesse et de l’enfance, je tenais la beauté du pays pour un mérite historique et politique, en quelque
836 netés et de bourgeoisies, à travers lequel devait être tamisée la majorité de droit… je fus saisi du désir exalté de m’armer
837 quel devait être tamisée la majorité de droit… je fus saisi du désir exalté de m’armer au combat en tant qu’individu, parti
838 à agir. Tout cela, c’est l’idéal, ou plutôt ce l’ était . Politique, militaire, poético-civique, profondément sincère et agiss
839 ommes que l’on vient de citer ; émouvant comme le sont toujours la victoire d’un cœur franc sur un tyran et de la liberté su
840 oir oblitérer et niveler, cet idéal fédéraliste n’ est -il pas menacé d’anachronisme ? La pratique suisse a-t-elle encore un
841 usius, juriste rhénan qui vécut de 1557 à 1638, a été redécouverte par Otto Gierke vers la fin du xixe siècle, et rééditée
842 n 1963. Le régime de la pure démocratie directe n’ est donc plus en vigueur que pour 2,5 % des Suisses. 61. A. Siegfried,
843 44 députés, puisqu’il y a 22 cantons, dont trois sont divisés en demi-cantons n’élisant chacun qu’un seul représentant. 65
844 ons au Parlement, récapitule ainsi les thèmes qui furent discutés : « Promotions des nouvelles générations et renouvellement d
845 ques tentatives novatrices, dans ce sens, peuvent être signalées en Suisse romande. Les manuels d’histoire des cantons de Fr
11 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Deuxième partie. L’union, sauvegarde de la diversité ou comment fonctionne une fédération — 2. Les paradoxes de la vie économique
846 2.Les paradoxes de la vie économique Il est clair que l’économie est le facteur unifiant par excellence des socié
847 e la vie économique Il est clair que l’économie est le facteur unifiant par excellence des sociétés du xxe siècle. Comme
848 relations entre l’économie et le fédéralisme ont été dans l’ensemble bonnes — surtout pour notre économie — il se peut qu’
849 rement aux craintes présentes, que le fédéralisme est le régime politique qui correspond le mieux aux exigences futures… Po
850 vache et vit paisiblement. » (Victor Hugo.) Telle est la carte postale. Mais la réalité ? Près d’un quart du territoire su
851 , glaciers, névés, rochers et pentes trop raides, est totalement improductif. Les matières premières que possèdent d’autres
852 entaire d’une population très dense. Les rivières sont nombreuses mais torrentueuses, le Rhin n’est navigable qu’à partir du
853 res sont nombreuses mais torrentueuses, le Rhin n’ est navigable qu’à partir du moment où il quitte, à Bâle, le pays de ses
854 et visiblement que dans le reste de l’Europe, il est dû à la seule action fabricatrice d’hommes acharnés à faire flèche de
855 utre part, sur celles dont les frais de transport étaient minimes par rapport à la valeur intrinsèque : la soie, les métaux pré
856 ndamnait à la supériorité. » Le problème en effet était le suivant : Comment augmenter la valeur de ces produits coûteux et i
857 ortations indispensables ? La solution ne pouvait être recherchée que dans la qualité du processus de transformation. En d’a
858 tière première importée plus du travail. Et telle est , de nos jours encore, la principale source de richesses des Suisses.
859 iques et pharmaceutiques, dont le siège principal est aujourd’hui à Bâle. Enfin, les progrès de la chimie (grâce à l’énergi
860 ptées à la production de série. L’esprit suisse n’ est pas porté à la recherche des records quantitatifs, des effets de mass
861 tatifs : l’ingéniosité technique, l’invention. Ce fut dès lors à un aspect particulier de leurs traditions scientifiques qu
862 les et les découvertes de ces mathématiciens, qui sont également à la base du régime des assurances, par l’utilisation ratio
863 jamais assez que la supériorité technique suisse est à base de culture : le fameux Polytechnicum de Zurich, dont la réputa
864 ameux Polytechnicum de Zurich, dont la réputation est mondiale, plonge ses racines dans un terroir de haute science, qui ne
865 es relations entre la science pure et l’industrie sont devenues organiques. Les « bureaux d’étude » jouent un rôle essentiel
866 vrant des bulletins de marche quand les résultats sont bons. L’Université de Neuchâtel a son laboratoire de recherches horlo
867 « proportionnellement à sa population, la Suisse est le premier pays du monde pour les inventions… Depuis 1925, on y a com
868 es : la crémaillère et la fermeture-éclair qui en est l’application miniaturisée, le DDT, le café soluble… La proportion de
869 es et valaisannes devint une source d’énergie. Il serait curieux de décrire en détail le contraste entre les pays de houille n
870 de la propreté. Tout le monde sait que la Suisse est un pays propre, et même propret. Mais cette réputation, qui est de fr
871 opre, et même propret. Mais cette réputation, qui est de fraîche date, elle la doit en partie à son électrification : cuisi
872 ment à la distribution : 98 % des maisons suisses sont éclairées à l’électricité, plus de la moitié sont pourvues de cuisini
873 sont éclairées à l’électricité, plus de la moitié sont pourvues de cuisinières électriques, et de chauffe-eau à accumulation
874 alpestres, tels que celui de la Grande-Dixence, s’ est accélérée depuis la dernière guerre73 et a permis de doubler en moins
875 face dans un très proche avenir. Or, la Suisse s’ est laissé distancer dans ce domaine comme dans celui de l’électronique,
876 structures politiques ? L’entreprise ou le canton sont trop petits pour faire face au nouveau défi technologique. Premier ex
877 la main-d’œuvre. L’essor de l’industrie suisse s’ est produit durant la période même qui voyait se multiplier les mesures p
878 rope et aux États-Unis. La nécessité d’exporter s’ est accrue en même temps que les barrières douanières s’élevaient autour
879 celle de la Confédération. Or les cadres suisses sont insuffisants pour garder le contrôle exclusif de cet empire ; ils ris
880 hénomène. On sait qu’en 1964 l’économie suisse en était arrivée à devoir embaucher jusqu’à 800 000 travailleurs étrangers, so
881 embaucher jusqu’à 800 000 travailleurs étrangers, soit un étranger pour deux Suisses actifs. Il s’agit là d’un record qui a
882 . Il s’agit là d’un record qui a peu de chances d’ être égalé, des mesures sévères ayant été prises depuis lors pour enrayer
883 e chances d’être égalé, des mesures sévères ayant été prises depuis lors pour enrayer cette immigration délirante. (Imagine
884 refusent d’adhérer aux syndicats suisses (qui ne sont d’ailleurs pas sans méfiance à leur égard), et n’ont pas l’intention
885 -être même une sorte de remords ou d’anxiété : ne seraient -ils pas, dans leur statut précaire, la condition de notre prospérité 
886 à 1963, il a passé de 9 à 48 milliards de francs ( soit environ $1 960 par habitant) Composition des exportations et import
887 ,6 milliards Déficit 3,4 milliards D’où l’on est obligé de conclure que l’expansion de son économie conduit la Suisse
888 êmes : ils la trouvent aberrante — et peut-être l’ est -elle, en dépit des faits et des chiffres qui paraissent la légitimer
889 araissent la légitimer — mais ils sentent qu’il n’ est pas facile de dire pourquoi. Ils sont foncièrement convaincus que leu
890 tent qu’il n’est pas facile de dire pourquoi. Ils sont foncièrement convaincus que leur train de vie matérielle, leurs liber
891 e sentir et de penser, et leur régime fédéraliste sont par définition indissociables, et que le choix qu’on leur suggère n’a
892 nce. Nous avons vu aussi que l’industrie suisse n’ est pas, comme dans les grands pays voisins, une de ces créations tentacu
893 contraire, sa naissance et son développement ont été strictement conditionnés par la psychologie profonde du peuple suisse
894 ue dans son régime politique. L’un et l’autre ont été faits sur mesure, ou, mieux, il les a faits à sa mesure, du même mouv
895 soucieux de correction que d’élégance, le Suisse tient beaucoup plus que le Français ou l’Italien au confort matériel, aux o
896 autour de lui, essentiellement industrielle. Il est intéressant de relever aussi que la part de l’alimentation dans le bu
897 ibles, assuré quant aux risques immédiats. ⁂ S’il est vrai que le peuple suisse, dans son ensemble, est adapté à son économ
898 est vrai que le peuple suisse, dans son ensemble, est adapté à son économie, il doit en résulter un certain équilibre socia
899 onne la Suisse. Les inégalités de niveau de vie y sont moins marquées que dans les pays qui l’entourent. Le morcellement des
900 pays qui l’entourent. Le morcellement des terres est très poussé, la grande propriété inconnue. La misère n’est jamais mas
901 poussé, la grande propriété inconnue. La misère n’ est jamais massive : elle ne caractérise pas au premier coup d’œil, comme
902 s la croient inexistante. Les grandes fortunes ne sont guère plus voyantes. Le luxe ne s’étale pas en fêtes et en extravagan
903 isser-aller de grands pays tels que les USA. Ce n’ est pas entre les classes que l’on observe les plus grands contrastes, ma
904 lation, les régions pauvres et les régions riches sont demeurées relativement les unes aux autres ce qu’elles étaient en rég
905 rées relativement les unes aux autres ce qu’elles étaient en régime clos, mais le niveau général s’est élevé. On ne peut s’empê
906 étaient en régime clos, mais le niveau général s’ est élevé. On ne peut s’empêcher de penser que ce précédent pourrait valo
907 s syndicales. Le pluralisme qui les caractérise n’ est pas seulement professionnel, mais religieux, parfois politique, et en
908 adre cantonal de leur activité, dans lequel elles sont organisées en cartels. (Il existe aujourd’hui 24 de ces cartels canto
909 aux.) C’est au point que les syndicats romands se sont donné un secrétariat régional, qui se montre assez frondeur à l’égard
910 ur à l’égard du secrétariat central dont le siège est en Suisse alémanique. On se trouve donc en présence d’une double orga
911 es et par unions locales et cartels cantonaux. Il serait difficile, dans ces conditions, d’imaginer qu’une grève puisse s’éten
912 en associations professionnelles et cantonales, s’ est donné dès 1870 des organisations centrales, ou « associations faîtièr
913 êmes caractéristiques que les syndicats76 : elles sont et restent avant tout des associations de défense des intérêts économ
914 plus libéraux ou « fédéralistes » d’entre eux ne sont pas les derniers à revendiquer la « manne de l’État ». Les coopérativ
915 rairies en Valais, par le système des « bisses », est une activité collective, dépendant surtout des communes bourgeoises.
916 sition de leurs membres des machines dont l’achat serait trop onéreux pour l’exploitant, des caves communes, des services de v
917 Après quelques années, associé à la direction, il est envoyé à l’étranger pour fonder des succursales : New York, Barcelone
918 produits d’usage courant, mais sa marge de profit est réduite à 8 %. Il a ce trait de génie : intituler son entreprise Migr
919 intituler son entreprise Migros. Car tout Suisse est contre les gros, mais ne veut pas être un petit… Succès sans précéden
920 tout Suisse est contre les gros, mais ne veut pas être un petit… Succès sans précédent, scandale professionnel, mesures poli
921 coucheur de génie a dressé contre lui tout ce qui est organisé dans ce pays : socialistes et capitalistes, coopératistes de
922 nne école, petits détaillants et grossistes. Quel est le secret du prodigieux succès de ce condottiere du commerce ? Le Sui
923 : « Pour l’homme digne de ce nom, succès et échec sont comme sa main droite et sa main gauche : toutes deux sont à son servi
924 me sa main droite et sa main gauche : toutes deux sont à son service. » Quand on lui rappelait qu’en Suisse la considération
925 appelait qu’en Suisse la considération publique n’ est donnée qu’aux esprits pondérés, il répondait : « Cela aussi a ses ava
926 lvétique. » Et il écrivait un jour : « L’éphémère est notre destin, mais ce doit être un éphémère joyeux. Il n’y a pas de p
927 our : « L’éphémère est notre destin, mais ce doit être un éphémère joyeux. Il n’y a pas de plus grand pécheur sur la terre q
928 urent, la Suisse peut paraître américanisée, ce n’ est qu’à certaines apparences matérielles qu’elle le doit. En réalité, no
929 ces matérielles qu’elle le doit. En réalité, nous sommes en présence d’une société hiérarchisée par des traditions et professi
930 antagonismes entre les classes de producteurs ne sont pas d’ordre idéologique, en tout cas le sont moins qu’ailleurs en Eur
931 s ne sont pas d’ordre idéologique, en tout cas le sont moins qu’ailleurs en Europe. Les « grands principes » — Ordre ou Révo
932 ’ils ne semblent le croire eux-mêmes. Il pourrait être caractérisé par une tendance générale à préférer l’efficacité immédia
933 ant des institutions politiques. Certes, la lutte est serrée entre libéraux « fédéralistes » ou centralistes fédéraux. Cepe
934 ant, l’on ne trouvera guère de socialistes qui ne soient en même temps fédéralistes dans une certaine mesure, ou de grands ind
935 des postes et des chemins de fer (cette dernière étant l’une des rares exploitations de transports nationalisées qui ait été
936 exploitations de transports nationalisées qui ait été parfois bénéficiaires, de nos jours). Les forces motrices sont pour 7
937 bénéficiaires, de nos jours). Les forces motrices sont pour 70 % aux mains des corporations de droit public. L’État fédéral
938 banques privées avec l’étranger. La Radio suisse est une fédération de studios régionaux largement autonomes, mais le Cons
939 relève des PTT, donc de l’État. Ce régime mixte s’ est développé en Suisse sous la pression des nécessités pratiques de l’ép
940 olution vers l’étatisme, bien qu’au détriment, il est vrai, de certains progrès sociaux ou rationnels ; elle freine (parfoi
941 ur à s’adapter, qu’on peut reprocher aux Suisses, est une nécessité profonde de leur économie, si « dangereusement » liée,
942 étrangers, ou de rares intellectuels, suisses il est vrai, mais en marge des affaires sérieuses ? Et pourtant, la question
943 nourriture des porcs ». 73. Cette accélération s’ est produite en dépit de l’opposition de plusieurs communes montagnardes,
944 qu’on y construise des barrages. Ces communes se sont toutes laissé convaincre, finalement, par des arguments juridiques ou
945 ganisations « de faîte » (nationales) du patronat sont  : l’Union suisse du Commerce et de l’Industrie (ou Vorort), qui group
946 e ces organismes centraux. Le rôle du Vorort doit être souligné. Au sujet de « l’attribution au Vorort par de nombreux milie
947 e la boutade bien connue que le délégué du Vorort serait le huitième conseiller fédéral. On ne manquera pas de faire valoir à
948 ude que l’un des éléments de la force des groupes est la crainte qu’ils inspirent aux tiers, spécialement aux parlementaire
949 ement aux parlementaires. Une réputation de force est déjà un atout notable dans les négociations. » 76. L’Union suisse d
950 t 600 000 affiliés. L’Union des Arts et Métiers a été citée un peu plus haut. Les Coopératives de consommation : Union suis
951 oopératives et Fédération des coopérateurs Migros sont organisées sur un plan national, parfois régional, non cantonal. La p
952 onal, parfois régional, non cantonal. La première est liée aux milieux syndicalistes, la seconde au parti des Indépendants.
12 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Deuxième partie. L’union, sauvegarde de la diversité ou comment fonctionne une fédération — 3. Interaction de l’économique et du politique
953 end ? » C’est un raisonnement analogue que paraît tenir le Suisse moyen au sujet de la neutralité : « Elle nous a préservés j
954 lliance, qui avait reconnu notre neutralité comme étant « dans ses intérêts » autant que dans ceux de notre « indépendance de
955 les perspectives du régime proprement helvétique sont des plus sombres. Car c’est l’économie qui gagne à tous les coups, da
956 perts, prépare un avant-projet. 2° L’avant-projet est soumis pour consultation aux gouvernements des cantons d’une part, et
957 suscitées par son initiative. 3° Le projet de loi est soumis aux deux Chambres. En général, la partie est déjà jouée à ce s
958 t soumis aux deux Chambres. En général, la partie est déjà jouée à ce stade. En effet, le Conseil des États reflète fidèlem
959 plus de la moitié des membres du Conseil national sont en fait les porte-paroles des organisations professionnelles. Si les
960 cas — somme toute peu fréquent — où le référendum est demandé, la décision finale sera prise par le souverain, c’est-à-dire
961 où le référendum est demandé, la décision finale sera prise par le souverain, c’est-à-dire par la double majorité des voix
962 rité des voix populaires et des cantons. (Mais il est arrivé bien souvent, je l’ai dit, qu’un projet de loi rejeté par le p
963 as qu’on le dérange trop souvent — d’autant qu’on tient peu compte, parfois, de ses refus… D’où l’on conclut que les groupeme
964 de confessions et de classes, la vie politique s’ est vidée de toute idéologie. Les controverses et les options politiques
965 i le problème initial de ce chapitre : l’économie étant l’agent de l’unification des sociétés modernes, si elle prend le pas
966 es décidément bien difficile pour un peuple qui n’ est pas composé de spécialistes de l’économie et des finances. Et c’est l
967 haque Suisse à l’égard du monde extérieur. Or, il serait tout à fait illusoire d’espérer que cette dépendance n’affectera pas
968 d’indépendance d’une petite nation comme la nôtre est vide de sens dans le monde actuel ? Ou bien, n’est-ce pas plutôt le d
969 st vide de sens dans le monde actuel ? Ou bien, n’ est -ce pas plutôt le dilemme « indépendance ou dépendance » qui se trouve
970 dance, telle qu’on l’invoque dans les discours, n’ est qu’un mythe romantique. Nous savons bien que l’autarcie économique n’
971 onomique n’existe pas ; que l’autarcie culturelle est une idée de fou ; que la souveraineté absolue supposerait une arme ab
972 aineté absolue supposerait une arme absolue qu’on serait seul à posséder ; et que ces trois conditions n’étant pas réunies, l’
973 t seul à posséder ; et que ces trois conditions n’ étant pas réunies, l’indépendance politique n’est en fait qu’une manière de
974 s n’étant pas réunies, l’indépendance politique n’ est en fait qu’une manière de dire, une manière d’affirmer qu’on entend s
975 it des gens — ou des plus forts. Cette volonté de tenir sa place dans la société des nations équivaut à une sorte de devoir d
976 contraire, les relations d’interdépendance — qui sont le vrai nom des relations économiques entre nations. Le faux dilemme
977 ’examen du sens concret de ses deux termes. Qu’en est -il de l’autre dilemme qui se posait au plan national entre l’économis
978 nu des pouvoirs de l’État fédéral. Ce processus n’ est pas seulement inévitable : il est conforme, quoi qu’on pense, à un fé
979 Ce processus n’est pas seulement inévitable : il est conforme, quoi qu’on pense, à un fédéralisme bien compris. Car le féd
980 un fédéralisme bien compris. Car le fédéralisme n’ est pas seulement une formule juridique et constitutionnelle — donc par d
981 ne méthode d’organisation. Son principe dynamique est d’assurer un maximum d’autonomie locale, grâce à la mise en œuvre d’i
982 moyens (culturels, financiers ou physiques) elle est amenée à s’associer pour les poursuivre avec d’autres communautés. C
983 unautés. Chacune y trouve son compte si l’accord est bien fait, et aurait le plus grand tort de se plaindre qu’elle se ren
984 relier tant de petits États. Bien peu de communes seraient en mesure de se charger de la section d’autoroute qui traverse leur t
985 excèdent les moyens municipaux, et pourtant elles sont exigées par l’augmentation du trafic. Solution : les plans sont établ
986 ar l’augmentation du trafic. Solution : les plans sont établis par la Confédération, après consultations répétées des commun
987 péages : les frais de construction et d’entretien seront couverts par des augmentations du prix de l’essence (d’ailleurs moins
988 ou en Italie). L’industrie atomique en revanche, est en retard dans ce pays, pour les raisons que l’on indiquait plus haut
989 création de centrales nucléaires, mais leur coût serait trop élevé pour un canton et pour les industries privées ; et leur co
990 ours à des fournitures étrangères. L’État fédéral est donc intervenu à titre de coordinateur d’abord, puis de bailleur de f
991 antôt « les vieux réflexes fédéralistes ». Or, il est clair que dans ce cas, précisément, ces recettes font la preuve de le
992 ion des cantons qui a constitué l’État fédéral, n’ est pas né d’autre chose que de l’expansion des besoins et activités de c
993 e donc que le seul salut du fédéralisme intérieur soit dans l’extension du système au-delà du stade national, c’est-à-dire d
994 ne conception mythique de la souveraineté absolue serait le plus sûr moyen de perdre l’indépendance relative que nous gardons,
13 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Troisième partie. La morale quotidienne et le climat de culture ou comment on vit dans une fédération
995 ans mon souvenir. J’y reviens. (Le retour au pays est un des thèmes constants de notre littérature.) Les gros plans tout d’
996 du quai, qui vais-je reconnaître ? Et plus rien n’ est étrange ni beau, tout rejoint l’habituel indifférent, le rôle exact e
997 touchant tous et si bien clos. Le mystère suisse est là, sans aucun doute. À chacun de mes retours, je me promets d’y alle
998 aissent que trop, et sociétés solides si leur but est restreint. Une vague angoisse me saisit : tout est un peu trop près e
999 st restreint. Une vague angoisse me saisit : tout est un peu trop près et trop bien agencé. Comment bouger dans ce complexe
1000 mon pays ? Mais je m’avise que l’horlogerie, qui est l’art suisse par excellence, est un art des petits mouvements réglant
1001 ’horlogerie, qui est l’art suisse par excellence, est un art des petits mouvements réglant les grands. En Suisse, le moindr
1002 servent cependant qu’aux petits déplacements, qui sont des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce que ent
1003 e l’espoir, quand les portes du cœur, un instant, sont à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des roma
1004 nt à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des romantiques contraints par les dimensions mêmes de leur
1005 ue usage ignoré du commun. Presque toujours elles étaient vides. En troisième on retrouvait, comme j’ai dit, les gens bien, gra
1006 peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à être interrogé dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’inst
1007 ion. Tout se passait d’ailleurs sans angoisse. On était sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait si
1008 rs sans angoisse. On était sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait simplement « ne pas faire atten
1009 ectif — je me dis : C’est notre force, oui, et ce sera peut-être un jour, au dernier jour — car les plus belles histoires du
1010 nes et humaines, comme si le monde où nous vivons était fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conform
1011 rrection, la décence, et la sécurité des citoyens sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l
1012 s sont de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majorité une espè
1013 oie mes yeux, la confiance règne. Mais ce miracle est si bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour b
1014 in, l’anarchie et la guerre, la misère et la faim étant des exceptions, des accidents. Ainsi pensent, du climat tempéré dont
1015 En dépit du langage courant, c’est le normal qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doive
1016 courant, c’est le normal qui est exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand
1017 emment, comme si notre système de sécurité devait être à chaque instant vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé des m
1018 lui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y être pour sentir et pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un p
1019 ne pas donner à manger aux mouettes. » C’était l’ été des expériences de Bikini. Dans les « secondes » règne la gravité du
1020 industrie. L’authentique usager de cette classe n’ est pas curieux, comme les gens des troisièmes, des menus incidents du tr
1021 ns les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’ être là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suis
1022 nsieur en noir, au col rond, dur et haut, ce doit être un évêque anglican, somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi
1023 magazine. Je croyais autrefois que les premières étaient vides. C’était vrai, les enfants voient juste. Ces gens traversent le
1024 traversent et passent, et rien ne les touche. Ce sont aussi, et pour la même raison, des Transparents. (Avez-vous remarqué
1025 ez-vous remarqué que les trains qui vous croisent sont transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au
1026 s que j’écrivais ces pages (en 1946, je crois) ce sont les secondes qui ont triomphé : elles sont devenues les premières, ch
1027 is) ce sont les secondes qui ont triomphé : elles sont devenues les premières, chassant mes rêves, tandis que les troisièmes
1028 es, chassant mes rêves, tandis que les troisièmes étaient promues aux banquettes de cuir ou de reps. Il n’y a plus que deux cla
1029 éalité sociale. Non seulement parce que la misère est en principe éliminée, mais parce que les Suisses sont plus réellement
1030 en principe éliminée, mais parce que les Suisses sont plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres peuples, supp
1031 e qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’ est pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dan
1032 locales et leurs compartiments. La moyenne suisse est l’expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence
1033 e nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du co
1034 rse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de
1035 promis, l’attrait de la moyenne et son revers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts t
1036 vers qui est la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéralist
1037 uisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce sont des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’il
1038 enquête conduite par l’institut Gallup pendant l’ été de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont
1039 ix pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont « en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français. Alor
1040  : « D’une manière générale, diriez-vous que vous êtes très heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42 % répondent trè
1041 érés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’ est pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, ma
1042 la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a chan
1043 ’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il est « le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociau
1044 lace de l’habituel verset biblique : « Le travail fut sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion », dit-on80, et s
1045 Dire d’un homme qu’il a fait beaucoup de métiers est un éloge banal en Amérique (où versatile veut dire habile, doué de no
1046 aleur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes sont marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême
1047 . Lire, aller au théâtre, écouter des conférences est un devoir avant d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il
1048 re, écouter des conférences est un devoir avant d’ être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il faut se cultiver », com
1049 C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance est significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la man
1050 tilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il est en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leur su
1051 « C’est plus simple ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeo
1052 e ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de so
1053 u bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont
1054 surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont tant de chefs-
1055 omplètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’or est gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cel
1056 la question des critères moraux du Suisse moyen. Sont -ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que ce
1057 e siècle multiplie les questions de ce genre. Il est peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse
1058 qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse est une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse libérée des co
1059 lée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut être un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du
1060 se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en est -il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la
1061 age ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’ étaient pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité
1062 traire, pour l’épouser, la preuve qu’elle pouvait être mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse gaillarde, r
1063 pe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’ est vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rester conforme
1064 te assombrit la prédication pendant un siècle. Il est d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne
1065 quable que le Suisse moyen formé à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églis
1066 à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes
1067 qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles générations me parai
1068 déduire d’une part que les exigences de la chair étaient bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’effo
1069 en puissant pour que ses disciplines et jugements fussent acceptés aussi communément et sans plus de rébellion que de désaffect
1070 mariage en Suisse. La censure des publications n’ est officiellement exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeu
1071 ontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse est ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires subalternes et milit
1072 es subalternes et militarisés. Quels peuvent bien être leurs critères du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un
1073 épasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce sont les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont c
1074 ublic fédéral, et dont chaque employé des douanes est censé connaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.) Or, les critères
1075 c.) Or, les critères d’un tel office ne sauraient être , évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus
1076 approbations ; on les considère pour ce qu’elles sont  : résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’
1077 qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse étant suffisamment avertie pour excuser, voire pour « comprendre » ce genre
1078 progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel est le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la
1079 grands efforts pour traiter sa bru “comme si elle était l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que “ces mariages mixtes
1080 mbleraient donner raison à cette dame : la Suisse tient l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suè
1081 orce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’ est pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suis
1082 structurées ou les grands ensembles urbains. Ce n’ est pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèc
1083 ralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’il est bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surpri
1084 ience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils sont et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans
1085 eulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans doute pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un p
1086 econnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’ est pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux m
1087 éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’
1088 j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’il est réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve s
1089 lame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’ est pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas l
1090 péculation dans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un
1091 ans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie, est -ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre,
1092 est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les n
1093 ignent des contrats de « paix du travail ». (Il n’ est pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialectiques.
1094 qu’on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’ est pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente e
1095 ozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais été décelés par quelque sondage d’opinion sur les « attitudes culturelles
1096 l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce sont de tels hommes qui donnent à un pays son visage, bientôt « traditionn
1097 ut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce sont des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils
1098 précisément parce que ces forces et ces réalités étaient pour eux problèmes, contestation, conceptions idéales ou nostalgies.
1099 vanche, les hommes importants qu’on lui indiquera sont inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’a
1100 les compartiments. Si bien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
1101 ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, p
1102 ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’ être un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’instituer
1103 esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’instituer un Landamman de Suisse échoua
1104 t-être certains traits communs aux Suisses qui se sont illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à compose
1105 aître que leur identité native et naturelle. Ce n’ est pas se dissimuler, en vérité : simplement, le génie qui leur advient
1106 ient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius était un jeune Bernois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il dev
1107 les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’ était occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvr
1108  ») et des cours de philosophie dont l’ennui seul est resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’intr
1109 l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal furent écrites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sa
1110 ites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé la mort — 
1111 que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût été qu’un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
1112 , un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière fut aussi un grand homme invisible : refusant de succéder à Ranke dans la
1113 même conduite à Genève, comme par instinct, s’il est un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au cont
1114 t elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’ était la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pauv
1115 ays pauvre au départ et dont les seules richesses furent fabriquées par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de
1116 es par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idé
1117 un. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé furent presque tous, à des titres divers, hommes utiles au sens le plus nobl
1118 ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’ être utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvéti
1119 ine, Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski seraient impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
1120 tout souci d’application « morale », leur eussent été formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
1121 e, les grands noms qu’on citera dans ces pages ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse
1122 e plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome, fut achevé par des architectes venus de Suisse ; qu’un autre Suisse bâtit
1123 ine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
1124 e des sociétés humaines, dont le Contrat social n’ est qu’un fragment : Rousseau. « Vue générale du genre humain » : Jean de
1125 e l’inconscient collectif : C. G. Jung. Mais ce n’ est pas en grimpant sur nos Alpes comme Horace-Bénédict de Saussure que c
1126 ait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’ est pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’e
1127 oisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formu
1128 mme de culture en tant que tel, le stade national est sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand
1129 le plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre im
1130 détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle est donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but,
1131 le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule unité de culture, organiq
1132  ? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe est la seule unité de culture, organique et complète, à laquelle nous pui
1133 andes cultures nationales voisines. Pour que cela soit vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale 
1134 t l’addition constituerait la culture européenne, est une simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume a
1135 la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’ est pas et n’a jamais été une addition de cultures nationales. Elle est l
1136 re. La culture européenne n’est pas et n’a jamais été une addition de cultures nationales. Elle est l’œuvre de tous les Eur
1137 ais été une addition de cultures nationales. Elle est l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis trois-mill
1138 ence : il faut admettre au moins que la culture s’ était constituée avant eux ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’
1139 e multiplient au xve siècle : Guillaume Dufay en est l’illustration. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres avec
1140 nt l’école locale ou régionale dans laquelle il s’ est formé. D’où vient alors cette illusion d’optique, cette croyance si r
1141 ne pense qu’à la langue française. Or celle-ci n’ est nullement une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble
1142 française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle fut imposée par un décret de François Ier, daté de 1539. On parle encore
1143 and ne saurait définir une « culture nationale », étant la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit État
1144 saurait à elle seule définir une culture : elle n’ est guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-
1145 s éléments de la culture en général, si essentiel soit -il. Tous les autres : religion, philosophie, morale, beaux-arts, folk
1146 s, folklore, sciences, technique et architecture, sont largement ou complètement indépendants des langues modernes, et ne so
1147 lètement indépendants des langues modernes, et ne sont , de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
1148 notre continent. Or il se trouve que les Suisses sont préservés — ou devraient l’être mieux que les autres — de l’illusion
1149 e que les Suisses sont préservés — ou devraient l’ être mieux que les autres — de l’illusion des cultures nationales, du seul
1150 de la composition linguistique de leur État. Ils sont en mesure de savoir mieux que d’autres que la vie culturelle de leurs
1151 ibres du Moyen Âge et les trois cantons primitifs furent déclarés « immédiats à l’Empire », et c’était là franchise et garanti
1152 nations. La véritable unité de base de la culture étant de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
1153 t de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent al
1154 trouve ceci : 1° La culture, dans nos cantons, n’ est pas liée à l’État, et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État8
1155 s cantons, n’est pas liée à l’État, et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État87 ; 2° La culture vit chez nous dans
1156 moitié francophone du Valais —, qui n’ont jamais été unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
1157 iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des provinces françaises, sous plusieurs régimes ; 3° Nous som
1158 nces françaises, sous plusieurs régimes ; 3° Nous sommes de vieilles républiques fondées sur une large autonomie des communes 
1159 rge autonomie des communes ; 4° Le protestantisme est majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé une grande partie de n
1160 rticulier, mais cela revient au même ; 5° Nous ne sommes pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
1161 pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
1162 ieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui sont mondiales ; par sa langue, au domaine français ; par sa culture enfin
1163 nombre de combinaisons originales. On ne saurait être moins conforme aux devises des États totalitaires. On ne saurait être
1164 aux devises des États totalitaires. On ne saurait être plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, e
1165 dans l’une des grandes nations voisines. Et ce n’ est pas un éloge de la petitesse en soi, ni des petites dimensions matéri
1166 alisme les implique et permet de les composer. Il est vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, po
1167 ans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’ est pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouve
1168 sse romande (pour ne prendre que cet exemple, qui est le plus délicat, étant lié à la langue, laquelle ne pose pas de probl
1169 prendre que cet exemple, qui est le plus délicat, étant lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
1170 pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont été nos meilleurs Européens ; de Rousseau à Gonzague de Reynold, en passa
1171 a thèse, faut-il rappeler que ce grand écrivain s’ est formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
1172 u en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en fut pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. D’un
1173 mitations de son œuvre. D’un pays où le centre est partout Donc point de capitale, point de bourse des valeurs nation
1174 t douanière. Cette situation bizarre en apparence est très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a touj
1175 e la culture occidentale, car celle-ci a toujours été faite par des foyers locaux et non par des nations ; par des écoles f
1176 t les grands éditeurs humanistes, dont le premier est Frobenius. Zurich, avec les réformateurs Zwingli et Bullinger, auxque
1177 pédagogie de Pestalozzi et la peinture de Füssli sont nées dans le cercle de Bodmer. Bâle dans le même temps voit naître,
1178 ar Coppet, château de Necker où Germaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’est en ouest les grands courants du romant
1179 ermaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’ est en ouest les grands courants du romantisme et du libéralisme économiq
1180 on fervent disciple et jeune collègue de faculté, est marquée par cet enseignement. Plus discrets, des foyers de pensée co
1181 us discrets, des foyers de pensée confessionnelle sont entretenus à Lausanne (née à l’indépendance avec le siècle seulement)
1182 s la défaite du Sonderbund dont cette ville avait été la capitale) par des historiens et penseurs politiques conservateurs
1183 erne comme employé au Bureau général des Brevets, est nommé professeur à l’Université : c’est le temps où il met au point s
1184 aire, à Zurich encore, et depuis lors cette ville est restée le centre des tentatives d’avant-garde en Suisse : architectur
1185 iers vaudois de Ramuz et de ses amis, et Lausanne est restée le centre de ce qu’il y a de vie littéraire dans ce pays : caf
1186 u temps de la SDN, et la Genève des Nations unies est restée le centre de grandes organisations internationales, de rencont
1187 s ensembles européens. Comment sentir ce qui peut être suisse dans le rayonnement d’énergie spirituelle qu’elles émettent to
1188 ient dans ce que des Suisses ont produit, et quel est le rapport, s’il existe, entre leurs œuvres et ce pays. La peintur
1189 comment je l’ai découverte, au mois de mars 1940, étant alors mobilisé à Berne. C’était encore la « drôle de guerre » : la pl
1190 njures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’ est fendue !… Tu t’es creusé un trou en terre comme un cochon dans son fu
1191 plus largement que ta gueule n’est fendue !… Tu t’ es creusé un trou en terre comme un cochon dans son fumier !… O toi mon
1192 t à quitter la guerre il n’y faut plus songer, ce serait quitter du même pas la planète… Un vers du temps — d’un peu plus tard
1193 ans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle tient le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse
1194 nt d’autres, connus ou anonymes, dira-t-on que ce fut leur romantisme ? Mais non, le romantisme est littéraire, et ces homm
1195 ce fut leur romantisme ? Mais non, le romantisme est littéraire, et ces hommes ont le regard net, accoutumé à taxer le rée
1196 une dure exactitude : face au danger. Leur Suisse est au sommet de son élan vers la conquête et la richesse, au comble de s
1197 le de sa gloire et de son risque. Elle n’a jamais été moins neutre, moins confinée dans ses moyennes, ni moins en garde con
1198 garde contre les tentations de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle est t
1199 s de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays
1200 qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays « d’assurés ». Sérieuse et impétueuse com
1201 et impétueuse comme ceux qui savent que la vie n’ est pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle
1202 e, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rapporter du trois
1203 t et disent à leur manière que « de demain rien n’ est certain ». Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’est point la jeunesse
1204 st certain ». Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’ est point la jeunesse et l’amour, je ne sais quel printemps platonicien,
1205 ver sur la terre. » Le secret de la vie généreuse est la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont
1206 e à l’énergie dans la libre invention lyrique, ce sont là des secrets spirituels dont la plupart des artistes modernes parai
1207 tes modernes paraissent ignorer même l’existence, soit qu’ils rêvassent dans la couleur ou cernent brutalement des figures s
1208 nent brutalement des figures sans mystère. Manuel est un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitat
1209 n ; un homme qui prend les choses telles qu’elles sont , ni vulgaires, ni belles en soi, mais les compose avec une liberté pu
1210 n réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’ est pas une polémique, mais une acceptation des choses, à toutes fins uti
1211 ues de l’usage, et dominée par quelques Alpes qui sont des vagues à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non p
1212 çu. Mais je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’ est pas un « artiste » au sens moderne et bien suspect du terme. Un beau
1213 forme. Il écrira d’abord des jeux de carnaval qui sont en vérité bien plus que des satires « contre le pape et sa séquelle »
1214 ismes illustrés, tout comme sa Danse des Morts en était un. Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Scellé avec le poi
1215 un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’ est pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser c
1216 andeur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque, est d’avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos ac
1217 n sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus d
1218 la Renaissance ». Rappelons alors que ce guerrier fut bon époux, et bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un des plu
1219 ue cet artiste, l’un des plus grands de son pays, fut aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réformation. L’année
1220 rme dans sa charge de banneret. Le 20 avril, il n’ est plus. « Pareil au cierge qui se consume d’autant plus vite qu’il a mi
1221 peintre de genre fantastique, dont les « sujets » sont pris au rêve. Une sorte de violence, d’emportement, sauve de l’académ
1222 ositions traversées de grands gestes obliques. Il fut le premier surréaliste suisse. Léopold Robert, Neuchâtelois, peint d
1223 s, délicieux ou extravagants, dont le succès nous est revenu de Paris, de Londres ou de Munich, cela ne fait pas encore une
1224 cela ne fait pas encore une peinture suisse. Quel est le plus grand poète français ? « Hugo, hélas ! », répondait André Gid
1225 du Retour éternel.) Toute la carrière d’Hodler s’ est faite en Suisse, et il a peint la Suisse dans toutes ses dimensions,
1226 rofondément suisse par la langue et l’esprit, ait été le fils d’un Allemand fixé à l’étranger : jamais en effet il ne se se
1227 it d’affinités profondes avec l’Allemagne. »91 Il était né près de Berne (en 1875) d’une mère bâloise. Il y passa toute son e
1228 y passa toute son enfance et sa jeunesse, puis il fut l’un des fondateurs du Bauhaus et vécut en Allemagne longtemps. Reven
1229 fait de la guerre, les demandes de naturalisation étaient examinées beaucoup plus lentement que d’ordinaire. Lorsqu’en mai 1940
1230 ment que d’ordinaire. Lorsqu’en mai 1940 mon père fut convoqué à Berne pour donner une signature, son état de santé ne lui
1231 out dans les églises du pays. Alberto Giacometti est le fils de Giovanni. Il est né dans la haute maison de sa famille, au
1232 . Alberto Giacometti est le fils de Giovanni. Il est né dans la haute maison de sa famille, au milieu d’un très vieux vill
1233 roques, nous lûmes sur une maison voisine : « Ici est né Augusto Giacometti. » Un petit enfant, attaché à une longue corde,
1234 corde, comme une chèvre, jouait dans un pré. « Où est ta mère ? » Il court à une fenêtre, appelle, une tête paraît et nous
1235 On dirait des formations volcaniques ? — Oui, ils sont sortis d’une seule poussée, la dernière. » Son père le conduisait par
1236 — qu’il conduit d’ailleurs en souriant — ne peut être apprécié à sa juste valeur que dans la patrie de l’horlogerie et de l
1237 ants des écoles n’aiment pas ces bons élèves. Ils seraient sans doute fascinés par les « destructions » de Tinguely. Mais l’énor
1238 s cette œuvre immense, me dira-t-on : le Tessin n’ était à l’époque qu’un bailliage des trois Waldstätten. Oui, mais rien de p
1239 îné. Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, est né dans une vallée du Jura neuchâtelois occupée par les deux longs vi
1240 allée. Vers la fin du xixe siècle, la population est piétiste, austère, cultivée, et déjà socialiste. C’est de là que sont
1241 re, cultivée, et déjà socialiste. C’est de là que sont descendues, en 1848, vers Neuchâtel, les colonnes révolutionnaires qu
1242 ne revue, à Paris, vers 1932, je lui dis que nous étions compatriotes. « Oui, me répondit-il, mais mes ancêtres ont mis les vô
1243 t exact. Puritain révolutionnaire, Le Corbusier l’ est resté toute sa vie dans son style, ses idées et son comportement. Les
1244 eurs, aiment le moderne à partir du moment où ils sont sûrs que « ça tiendra ». Ils ont donc laissé leur compatriote travail
1245 erne à partir du moment où ils sont sûrs que « ça tiendra  ». Ils ont donc laissé leur compatriote travailler à Paris, puis dans
1246 orbusier ne veut plus entendre parler d’eux. Il s’ est fait citoyen français. Ses rares interviews le révèlent très amer : p
1247 nts modernes qu’on ne lui demanda pas de dessiner sont les œuvres de ses disciples, dans le monde entier. Il a construit en
1248 des centres culturels, mais toute cette capitale est inspirée par lui, à travers ses élèves, dont Niemeyer. Par son dépoui
1249 , sa volonté fonctionnelle, le style Le Corbusier est très conforme à l’idée synthétique que l’on se fait de l’esprit suiss
1250 orgé, — toute cette effervescence ornementale qui est l’éternel baroque populaire et qui est le contraire du fonctionnel pu
1251 entale qui est l’éternel baroque populaire et qui est le contraire du fonctionnel puritain. Seule, peut-être, l’église de R
1252 eusés dans le bloc nu à intervalles irréguliers n’ est pas sans me rappeler, de loin, le style original des grandes demeures
1253  style du Gothard ». J’ajoute que toute la Suisse est en train de se couvrir de grands ensembles aux blocs rectangulaires l
1254 ine musical. Cette lacune de plus d’un millénaire est presque sans exemple dans l’Europe du centre, délimitée par les école
1255 eur ajouter Rousseau ? Un air du Devin du Village est carillonné chaque soir au clocher de la cathédrale de Genève, comme u
1256 mateurs de nos petites villes, surtout vaudoises, sont capables d’exécuter passions, cantates, messes ou oratorios, et de le
1257 nse durant toute la saison d’hiver, s’ajoutent en été des festivals locaux ou régionaux chaque année plus nombreux, au prem
1258 scitant la « Siegfried Idylle » aux lieux où elle était née. Mais la création dans tout cela ? Le Festspiel (jeu de circonsta
1259 (jeu de circonstance pour une occasion populaire) est une forme de théâtre musical proprement suisse. Lorsqu’on me demanda
1260 ouper toute une population. » Avec mon projet, il était servi : Neuchâtel fournirait deux petits chœurs et une compagnie théâ
1261 out on fabriquerait les costumes. Le sujet devait être national, et s’exposer sur une scène sans décors ni rideau, de 35 m d
1262 s de Flue, héros et mystique du xve siècle qui s’ était retiré dans un ermitage des Alpes, où il avait jeûné pendant vingt an
1263 ssait toutes les ferveurs. (Six ans plus tard, il fut canonisé et l’on joua, en son honneur, au Vatican, l’oratorio tiré de
1264 dresser, et cette simplicité bonhomme et gaie. Il était né au Havre, d’une famille de commerçants originaire de Zurich. À vin
1265 ès quoi toute sa vie se passe à Paris. Mais ce ne fut pas Paris, ce fut la Suisse qui lui donna l’occasion de découvrir et
1266 ie se passe à Paris. Mais ce ne fut pas Paris, ce fut la Suisse qui lui donna l’occasion de découvrir et de manifester sa v
1267 . Il écrivit sa partition en neuf semaines, et ce fut un triomphe mondial. La matière en était biblique, mais très suisse e
1268 nes, et ce fut un triomphe mondial. La matière en était biblique, mais très suisse en cela que la Bible est notre véritable A
1269 t biblique, mais très suisse en cela que la Bible est notre véritable Antiquité, comme l’a bien vu Ramuz. Avec « La Belle d
1270 el par des fresques de Holbein, Nicolas de Flue est le seul sujet vraiment suisse dans son œuvre. On y trouve de petits c
1271 œuvre. On y trouve de petits chœurs célestes qui sont ce que l’on a écrit de plus alpestre, aérien et cristallin — le somme
1272 place, non pour des scènes à rideau, le théâtre a été longtemps en Suisse une liturgie, au sens propre du mot : action du p
1273 ée à Vevey depuis 1706. Ce spectacle en plein air est un prolongement agricole et vinicole des cortèges baroques, et des fl
1274 C’est un peu absurde et grandiose. Le scénario s’ est fixé au cours des âges, mais chaque auteur y ajoute ses variations, u
1275 ongs intervalles — si cette forme d’art populaire est épuisée, comme je le crains. Car la musique qui s’écrit aujourd’hui e
1276 on ignore en général qu’Adolphe Appia, Genevois, est l’auteur du grand livre intitulé La Musique et la Mise en scène 93 et
1277 éâtre du Monde de Calderón : cet auto sacramental est représenté chaque année sur le parvis et les vastes escaliers de l’ab
1278 cette conjonction n’a pas eu lieu. Notre théâtre est devenu ce qu’il est partout ailleurs en Occident : intellectuel et di
1279 ’a pas eu lieu. Notre théâtre est devenu ce qu’il est partout ailleurs en Occident : intellectuel et discuteur, s’adressant
1280 vent peu ou prou de ces influences-là. Max Frisch est au contraire un scientifique, nullement théologien, architecte de mét
1281 sie sociale de son peuple : voir Andorra et Je ne suis pas Stiller, pièce et roman d’une grande force critique, et non pas d
1282 nsité de création littéraire en Suisse : or je la tiens pour la plus forte de l’Europe. Le nombre des bons écrivains me paraî
1283 evues. Et elle bénéficie du fait que l’allemand n’ est pas une langue centralisée et réglée par décrets de l’État, comme en
1284 maine germanique parle un allemand à elle, et qui est « le bon » pour elle, sans éprouver le besoin qu’il soit aussi « le v
1285 le bon » pour elle, sans éprouver le besoin qu’il soit aussi « le vrai » une fois pour toutes et pour toutes les autres. L’é
1286 toutes les autres. L’écrivain suisse alémanique n’ est pas le cousin provincial de celui de Berlin ou de Vienne. L’école sui
1287 nce pendant une bonne partie du xviiie siècle ne fut nullement un phénomène bizarre comme l’eût été dans le domaine frança
1288 ne fut nullement un phénomène bizarre comme l’eût été dans le domaine français une école suisse centrée sur Genève ou Lausa
1289 is, quand il publie, doit écrire une langue qui n’ est pas son dialecte, mais qui est un « allemand écrit » (Schriftdeutsch)
1290 e une langue qui n’est pas son dialecte, mais qui est un « allemand écrit » (Schriftdeutsch). Cependant, il pense et il par
1291 e et il parle dans une langue quotidienne dont il est sûr, qui est celle des siens, qui est la sienne, et qu’il possède aut
1292 dans une langue quotidienne dont il est sûr, qui est celle des siens, qui est la sienne, et qu’il possède autant qu’il se
1293 nne dont il est sûr, qui est celle des siens, qui est la sienne, et qu’il possède autant qu’il se possède. Le cas du Suisse
1294 autant qu’il se possède. Le cas du Suisse romand est différent. Il écrit lui aussi dans une langue convenue, la langue de
1295 is faites à d’autres endroits) ni son accent (qui est dur et sec à Neuchâtel, aimable dans le pays de Vaud, plutôt vulgaire
1296 uais, enfin… tu comprends ? » On se quitte sans s’ être compris. Deux rêvasseries se sont traversées sans se voir. » J’ai tou
1297 e quitte sans s’être compris. Deux rêvasseries se sont traversées sans se voir. » J’ai toujours détesté la qualification d’é
1298 d’expression allemande. Mais pour vexante qu’elle soit , la discrimination n’est pas toujours injustifiée… De cette difficul
1299 is pour vexante qu’elle soit, la discrimination n’ est pas toujours injustifiée… De cette difficulté, non d’être mais de di
1300 toujours injustifiée… De cette difficulté, non d’ être mais de dire, C. F. Ramuz voulut tirer vertu. Son esthétique de la ru
1301 cessé de la blâmer : « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Loin d
1302 dirait qu’il décide de faire un style de ce qui n’ est qu’embarras de langage pour la plupart de ses compatriotes. Ce n’est
1303 langage pour la plupart de ses compatriotes. Ce n’ est pas au-delà de la plate correction scolaire, dans un usage plus libre
1304 thes primitifs, à la matière. « Je ne distingue l’ être qu’aux racines de l’élémentaire », écrit-il dans Six Cahiers, ou enco
1305 ue de l’effort contre la pente : Certains hommes tiennent pour un gain tout ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens
1306 out ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. J’ai la haine du confor
1307 une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon tandis que je suis à la mienne.97 On sent bien que tou
1308 me les choses qui sont à leur façon tandis que je suis à la mienne.97 On sent bien que tout cela est écrit contre une cert
1309 suis à la mienne.97 On sent bien que tout cela est écrit contre une certaine idée de l’esprit suisse : moralisant et con
1310 e la Suisse fédérale, officielle, et choisit de n’ être que vaudois ou rhodanien. Sollicité de s’exprimer sur ce pays pour un
1311 idus qui appartiennent politiquement à la Suisse) sont sans doute proprets, soigneux, consciencieux, mais c’est aussi qu’ils
1312 soigneux, consciencieux, mais c’est aussi qu’ils sont mesquins. Ils sont actifs, mais au-dedans de leur territoire, ils se
1313 cieux, mais c’est aussi qu’ils sont mesquins. Ils sont actifs, mais au-dedans de leur territoire, ils se replient sur eux-mê
1314 res par en haut, les « Suisses » (s’ils existent) seraient de braves gens qui ne s’occuperaient pas d’autrui, à seule fin d’évit
1315 d’éviter qu’autrui ne s’occupe d’eux… Nous qui en sommes , nous savons bien que nous ne sommes pas « Suisses », mais Neuchâtelo
1316 Nous qui en sommes, nous savons bien que nous ne sommes pas « Suisses », mais Neuchâtelois, comme vous, ou Vaudois, comme moi
1317 ces qui présentent quelque uniformité.98 Il eût été facile de lui répondre : si les Suisses n’existent pas, s’il n’y a qu
1318 e des Vaudois, des Bernois, des Uranais, qui donc est « mesquin », « soigneux et propret », en Suisse ? Qui donc est « pauv
1319  », « soigneux et propret », en Suisse ? Qui donc est « pauvre par en haut » ou incapable de s’exprimer ? Ramuz nomme « sui
1320 écis » de vin blanc, riant sous sa moustache, qui était très forte et noire et cachait son humour. Car Ramuz, antisuisse, est
1321 ire et cachait son humour. Car Ramuz, antisuisse, est plus suisse que nature dans sa philosophie et dans son art. À la dégr
1322 ion dans les arts et les sciences : Tout ce qui n’ est pas répétition dans la culture naît d’une graine ailée dans un terrai
1323 seulement les vraies richesses. Saint-Pétersbourg est née d’architectes tessinois, comme Prague de maîtres bavarois, et l’é
1324 emps que l’Histoire du Soldat. C’est que Genève s’ était « révélée » dès longtemps au contact d’un génie étranger lui aussi :
1325 ger lui aussi : celui de Calvin le Picard. Genève est bien moins un pays qu’un carrefour, un lieu de rencontre et un foyer
1326 énine. Mais Dostoïevski l’a détestée : « Tout ici est hideux, putréfié, hors de prix. » En 1868, il a fait inscrire à l’éta
1327 Genève, ruiné une fois de plus.) Cette rencontre est typique de cette ville, ou pendant ce temps Amiel dans l’ombre écriva
1328 de ses livres de chevet.) La littérature à Genève est en marge de la vie de la cité telle qu’on la voit du monde entier. Di
1329 l’idée convenue de l’austérité calviniste —, elle est liée à la nature humanisée, aux « campagnes » qui entourent la ville,
1330 re suisse », du moins d’une attitude d’esprit qui fut longtemps commune aux créateurs issus de nos divers cantons. La Nouve
1331 résente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y tient la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski ou un Kafka
1332 n Stendhal ou un Proust. Ces traits de discrétion sont protestants, peut-être ? Mais le goût de la mesure, de l’intériorité,
1333 t des communautés diverses qui s’y côtoient. Il n’ est pas sûr d’ailleurs que cette tradition suisse ait un avenir. J’en voi
1334 oubadour tardif, tué en combat singulier en 1397, est le seul poète romand dont la réputation ait passé nos limites avant l
1335 œuvres en prose de ces deux romanciers. Mais ce n’ est qu’à la fin du xixe siècle qu’elle voit paraître dans son sein un cr
1336 et de la conscience conformiste. « Je n’ai jamais été un poète suisse, ni un poète allemand, mais européen, international e
1337 de même, au critique hongrois Albert Gyergyai qui était venu le saluer comme « le chantre de sa nation », Spitteler, alors âg
1338 lors âgé de quatre-vingts ans, répondit : « Je ne suis pas le poète de la nation : chez nous, c’est encore et toujours Kelle
1339 z nous, c’est encore et toujours Keller. Je ne me suis jamais senti un Suisse foncièrement autochtone. Il suffit que je sois
1340 Suisse foncièrement autochtone. Il suffit que je sois poète ; chaque épithète rétrécirait ce fait et chaque étiquette m’est
1341 pithète rétrécirait ce fait et chaque étiquette m’ est odieuse. Hellène ou Helvète, populaire ou cosmique, romantique ou bie
1342 ès ma jeunesse j’ai choisi ma route et je ne m’en suis plus écarté ; et s’il y a, comme vous dites, un trait suisse en moi,
1343 s dites, un trait suisse en moi, c’est ce désir d’ être ailleurs, c’est cette soif inextinguible des grands espaces, d’une vi
1344 poètes novateurs d’autres pays environnants, ce n’ est pas faute d’un sens lyrique profond, dont témoignent Ramuz, Honegger
1345 ou en peinture. Faut-il penser que la cité suisse est trop bien ordonnée pour un poète ? Ou que l’auteur suisse se sent tro
1346  ? Mais les frontières, les marches, les passages sont toujours des lieux émouvants, et de cela la Suisse est riche. La poé
1347 oujours des lieux émouvants, et de cela la Suisse est riche. La poésie moderne n’a rien de grand chez nous, mais elle a pr
1348 e vieille famille originaire de la Bohême, et qui était établie depuis le xve siècle à San Murezzan (Saint-Moritz), pouvait
1349 guerres de Napoléon, suivi Murat à Naples, où il était resté après le retour des Bourbons, et avait terminé sa carrière comm
1350 is moine, administra l’évêché de Monaco, et enfin fut élu général de l’ordre des bénédictins, sous le nom de dom Romarino-M
1351 e nom de dom Romarino-Maria. Le cadet, Francesco, fut officier à Naples. À la chute du royaume des Deux-Siciles, il rejoign
1352 o, Alberto, Wladimiro, Alessandro Appolinare, qui sera le poète. Les prénoms qu’il porte ne sont pas ceux des Flugi, qui ne
1353 re, qui sera le poète. Les prénoms qu’il porte ne sont pas ceux des Flugi, qui ne reconnurent jamais ce bâtard. Il n’en eut
1354 famille. Quant aux critiques littéraires, ils se sont longtemps disputés pour savoir qui, d’Apollinaire ou de Cendrars, ava
1355 es Pâques à New York ou la Prose du Transsibérien sont à peu près contemporaines104, et les ressemblances sont troublantes.
1356 peu près contemporaines104, et les ressemblances sont troublantes. Ces deux poètes ont fait la guerre en France — tradition
1357 une communauté proche et concrète : il lui doit d’ être intelligible (d’autant plus qu’il est professeur) et responsable des
1358 lui doit d’être intelligible (d’autant plus qu’il est professeur) et responsable des conclusions morales que l’on pourrait
1359 » et voué à l’« extraordinaire », et que « la foi est une passion ». Le Vaudois accorde un peu plus que le Danois à la comm
1360 ait pas. » Et plus tard : « Quand tous les périls seraient dans la liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférer
1361 lée « Des Indes à la planète Mars » (1900), il ne fut pas seulement un précurseur de Freud dans l’exploration du rêve consi
1362 et Carl Gustav Jung Point de spéculation sur l’ Être en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu, en
1363 e plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici, soient deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et
1364 udisme ou du léninisme dans d’autres domaines. Il est nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-soci
1365 à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui est le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère modern
1366 et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas été moins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie.
1367 iècle de formalisme puritain et sentimental, ne s’ était élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En v
1368 de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’ est pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses
1369 ien que cela » qu’il a puisée dans saint Paul, il est le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Égl
1370 e dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui est vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se pa
1371 écouvre la valeur des rites et des symboles et il est tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa R
1372 pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung est rendu à la Sophia aeterna de la mythologie gnostique. Barth se veut s
1373 éminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu est le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réali
1374 -à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie,
1375 psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils sont l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, d
1376 âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils seraient un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux h
1377 rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’ était même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (
1378 ntégration ou de synthèse même très partielle n’a été entreprise jusqu’ici, que je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai
1379 x » : de Bodmer aux Burckhardt Jeter des ponts est une activité à laquelle leur pluralisme culturel et religieux destine
1380 peut-être et en tout cas incite les Suisses. S’il est vrai que la première confédération des Waldstätten est née du Gothard
1381 rai que la première confédération des Waldstätten est née du Gothard, ce col n’est devenu viable et carrossable qu’au momen
1382 tion des Waldstätten est née du Gothard, ce col n’ est devenu viable et carrossable qu’au moment où le pont du diable a perm
1383 relier le Midi au Nord du Saint-Empire. D’Italie sont montées les idées puis les arts, tandis que de la Germanie et des Lig
1384 e, ou, plus précisément, un mouvement de pensée d’ est en ouest se prononce. Si Rousseau a fécondé le préromantisme allemand
1385 ui paraît dévolue à nos cités. Helvetia mediatrix est le titre d’un petit ouvrage classique du comparatiste zurichois Fritz
1386 istorien de la Renaissance, je ne pense pas qu’il tienne de lui ce don de prévision de l’avenir européen dont tous deux ont fa
1387 s qu’il a vécus et qu’il avait prévus, Burckhardt est le type même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action,
1388 eux »… (Mais j’allais oublier de dire que « CJB » est aussi un conteur fascinant, un humoriste redoutable, et un grand chas
1389 ispositions aussi favorables aux sciences qu’il l’ est peu à la poésie pure ou à la pure métaphysique. C’est dans les scienc
1390 t dans les sciences humaines, bien entendu, qu’il sera le plus facile de vérifier cette hypothèse descriptive. En 1880, un j
1391 nevois se présente à un professeur de Leipzig. Il est candidat au doctorat. « Votre nom, monsieur ? — Saussure. — Êtes-vous
1392 u doctorat. « Votre nom, monsieur ? — Saussure. —  Êtes -vous parent du célèbre auteur du Mémoire sur les voyelles ? — C’est m
1393 aines telles qu’on les comprend aujourd’hui. On n’ est pas plus Genevois, au sens traditionnel et patricien du terme (qui se
1394 s son Mémoire décide de sa carrière. À 24 ans, il est professeur à l’École des hautes études à Paris. À 34 ans, il refuse u
1395 le des mathématiciens modernes et sa linguistique est fondée sur une science des signes (la sémiologie) qui est en train de
1396 ée sur une science des signes (la sémiologie) qui est en train de trouver ses applications dans l’électronique, non moins d
1397 La vie des cellules s’exprime en codes. Voilà qui est tout à fait copernicien : au début, il y a Saussure qui propose une m
1398 emble des sciences de l’homme. Je considère qu’il est à lui seul un moment capital de la pensée européenne.109 Dans un a
1399 u décentrement nécessaire, la personnalité, qui n’ est autre qu’une « coordination de l’individualité avec l’universel » ; «
1400 le situant dans une totalité cohérente »… … S’il est vrai que la coopération est la « réciprocité entre individus autonome
1401 é cohérente »… … S’il est vrai que la coopération est la « réciprocité entre individus autonomes », il faut reconnaître dan
1402 en Suisse : éduquer ou guérir, réformer, relier, être utile au plus haut sens du terme, connaître l’homme pour le rendre pl
1403 r le rendre plus libre et par là même plus apte à tenir son rôle dans la vie de sa communauté : « Je veux l’homme maître de l
1404 : « Je veux l’homme maître de lui-même afin qu’il soit mieux le serviteur de tous », écrivait Alexandre Vinet, et il est sig
1405 viteur de tous », écrivait Alexandre Vinet, et il est significatif que cette parole soit si souvent citée dans ce pays. À l
1406 re Vinet, et il est significatif que cette parole soit si souvent citée dans ce pays. À l’aube de l’histoire des sciences en
1407 où Paracelse avait séjourné et pratiqué son art, est restée la terre d’élection des guérisseurs hétérodoxes, mais on trouv
1408 eutes, explorateurs de toutes les dimensions de l’ être humain que la science des spécialistes néglige parfois. La médecine o
1409 e en ce pays, et la réputation de ses « patrons » est mondiale : sur trois-cent-quarante-deux diplômes de doctorat décernés
1410 médecine que compte la Suisse, près du tiers ont été conquis par des étudiants étrangers. Si l’on examinait la tradition d
1411 aluation de la productivité savante d’un pays ont été révolutionnés, depuis les environs de 1900. Si l’on garde en mémoire
1412 t parmi nous, hommes du milieu du xxe siècle, il est facile d’imaginer que la tradition des quelques-uns, qui faisaient pa
1413 ppartinrent jadis à tel petit pays, risque fort d’ être noyée dans un flot d’influences tout internationales. Que reste-t-il
1414 … … 6. Allemagne 0,71 Russie et URSS 0,03 Il est permis de lire dans ce tableau les avantages du petit pays en général
1415 que j’ai tenté de caractériser. Toute la question est de savoir si elle saura les renouveler ou en trouver l’équivalent fut
1416 llement accrues que la nature même du problème en est changée. Les universités Une partie décisive de l’avenir du pay
1417 ses universités, puisque les atouts de la Suisse sont presque exclusivement qualitatifs. Les Suisses peuvent se vanter de p
1418 ait encore plus vrai il y a cent ans, et que ce l’ est chaque jour un peu moins, car depuis 1848 la population a plus que do
1419 e relatif et vertus créatrices. Toute la question est donc d’assurer dès maintenant une relève des élites anciennes sur une
1420 s inscrits dans nos dix établissements supérieurs était à peine de 26 000 en 1962-1963, parmi lesquels 17 500 Suisses. La mêm
1421 une université et une école polytechnique ». II est remarquable que seule la seconde ait été créée. Cette allégeance à la
1422 e ». II est remarquable que seule la seconde ait été créée. Cette allégeance à la « petite patrie » ménage aux universités
1423 tonomie morale aussi large que possible. Elles ne sont pas soumises à une doctrine d’État, mais reflètent le genius loci et
1424 igieuses. Celles de Genève, Lausanne et Neuchâtel sont françaises et marquées par l’esprit protestant ; celle de Fribourg, c
1425 européenne. Il faut croire que le besoin ne s’en est pas fait sentir assez fortement pour surmonter les tendances particul
1426 tion par l’opinion publique des trois cantons. Il est caractéristique que la seule haute école qui dépende de l’État fédéra
1427 de de l’État fédéral, le Polytechnicum de Zurich, soit un institut de recherches et de préparation technique et professionne
1428 trine politique. Les avantages du régime cantonal sont évidents. Le nombre élevé des établissements supérieurs qui en a résu
1429 acune se veut complète et suffisante, aucune ne l’ est ou ne pourra le rester longtemps. Elles invoquent le fédéralisme à l’
1430 lorsque la dimension des tâches l’exige, qu’elles soient pédagogiques ou budgétaires. Le vrai fédéralisme ne veut pas que chac
1431 ranger des objets dont l’utilité même militaire n’ était pas démontrable (et ne le sera jamais, espérons-le). Tandis qu’il me
1432 même militaire n’était pas démontrable (et ne le sera jamais, espérons-le). Tandis qu’il me souvient d’une subvention de l’
1433 e l’Europe et des techniques nouvelles. Mais ce n’ est pas au seul niveau des hautes écoles qu’il faudrait essayer d’interve
1434 r », comme on le dit d’un fruit. « Tout Suisse est pédagogue » Le souci éducatif est diffus dans toute l’atmosphère s
1435  Tout Suisse est pédagogue » Le souci éducatif est diffus dans toute l’atmosphère suisse, famille, sociétés, syndicats,
1436 sociétés, syndicats, armée, écoles. « Tout Suisse est pédagogue », répètent les auteurs suisses. Et cela s’explique aisémen
1437 sé de vingt-cinq patries minuscules, la tolérance est une nécessité vitale. Mais s’il n’est pas question d’éliminer le vois
1438 a tolérance est une nécessité vitale. Mais s’il n’ est pas question d’éliminer le voisin qui diffère par la langue ou la foi
1439 ent à se procurer. Or le tour de main, le métier, est une affaire de tradition, de transmission de père en fils, de maître
1440 ère en fils, de maître d’atelier en apprenti : il est fait de mille conseils et d’exemples pratiques. Ces dispositions psyc
1441 ne de l’éducation et de la pédagogie. La première est celle qui régit l’enseignement primaire. Elle pourrait être caractéri
1442 qui régit l’enseignement primaire. Elle pourrait être caractérisée par les traits suivants : un égalitarisme à base de méfi
1443 nel. Certes, Calvin disait déjà : « La république est au collège. » Mais son collège était une école du chrétien, sa discip
1444  La république est au collège. » Mais son collège était une école du chrétien, sa discipline celle de la Vérité, à la fois tr
1445 fois transcendante et révélée. L’école primaire n’ est plus guère inspirée que par quelques principes de « bonne conduite ».
1446 lui, l’humanité s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. » Il est c
1447 u’elle beugle longuement tout en le suivant. » Il est certain qu’on ne m’a pas suivi, et donc probable que l’école primaire
1448 ue l’école primaire, en Suisse comme ailleurs, en est restée — dans son esprit sinon dans ses méthodes résolument progressi
1449 uel. » Hélas, en 1942, Edmond Gilliard (qui avait été l’éditeur de mon pamphlet dans ses « Petites Lettres de Lausanne ») n
1450 ue, qui se développe parallèlement à la première, est celle de l’école nouvelle. Elle se réclame de deux grands ancêtres su
1451  un développement harmonieux des facultés ». On s’ est gaussé de leurs expériences et de l’apparente anarchie qui régnait da
1452 abilité personnelle et sociale. Quels qu’aient pu être les excès de l’« école nouvelle » à ses débuts, ou les conséquences e
1453 à ses débuts, ou les conséquences extrêmes qui en furent parfois tirées par l’Amérique, il est incontestable que l’avant-garde
1454 s qui en furent parfois tirées par l’Amérique, il est incontestable que l’avant-garde pédagogique de Genève a contribué à a
1455 ues-Dalcroze, la gymnastique, les travaux manuels tiennent beaucoup plus de place dans les programmes suisses que ce n’est le ca
1456 lus de place dans les programmes suisses que ce n’ est le cas en France, mais les sports y sont moins envahissants qu’en Amé
1457 que ce n’est le cas en France, mais les sports y sont moins envahissants qu’en Amérique120. En général, l’élève suisse acqu
1458 e des petites démocraties modernes. Si variés que soient les types d’écoles primaires ou secondaires, partout adaptés aux circ
1459 nt le rôle d’une sorte de catéchisme laïque. Ce n’ est donc pas à un défaut de démocratisation de l’école primaire qu’il s’a
1460 Rhône. Au ive siècle, une communauté chrétienne est établie à Genève, Bâle est déjà le siège d’un évêché, de même que Mar
1461 communauté chrétienne est établie à Genève, Bâle est déjà le siège d’un évêché, de même que Martigny en Valais. Au ve siè
1462 Valais. Au ve siècle, ces territoires romanisés sont envahis par les Burgondes, Germains professant l’arianisme et qui ne
1463 Rome, mais un fond celtique plus ancien qui leur est congénital, et sur lequel ils appuieront leur effort d’évangélisation
1464 sation, en sorte que le christianisme, en Suisse, sera le dernier rejeton de la « civilisation de Iona », comme dirait Arnol
1465 nt que contre les Habsbourg. L’un des plus fameux est celui d’Einsieldeln, situé en plein cœur de la Suisse primitive, et d
1466 ovations religieuses de Zurich. L’esprit clérical était prononcé, et ses abus non moins criants qu’en Allemagne. La vie intel
1467 iants qu’en Allemagne. La vie intellectuelle ne s’ était éveillée que tardivement, au xve siècle, l’Université de Bâle, fondé
1468 nsi que la secte des Amis de Dieu, dont le centre était à Strasbourg, comptait beaucoup de disciples chez les Suisses : Nicol
1469 a définitivement à Genève qu’en 1540. Or Genève n’ est liée aux Suisses que par quelques traités de combourgeoisie. Elle ne
1470 des premières guerres civiles religieuses. Et ce sont les deux villes soumises à son influence, Zurich et Berne, qui prendr
1471 partage de la Suisse entre les deux confessions s’ est opéré dans ses grandes lignes. La proportion d’un peu plus de 2/5 de
1472 a Réforme124. Mais d’importantes modifications se sont manifestées dans la répartition géographique des deux principales con
1473 ard encore pratiquement, le droit d’établissement était refusé par les cantons aux Suisses d’une confession différente de cel
1474 ambitieux risquerait de troubler la paix, et l’on est prudent. On ne rayonne donc pas. On se respecte à distance et même on
1475 ier le fait déjà remarquable que le peuple suisse est acquis au respect effectif des consciences, il ne comprend plus les m
1476 de superstitions, tandis que le catholique moyen tient le protestant pour un demi-incrédule, prisonnier d’une morale ennuyeu
1477 deux exemples : À Zurich, en 1963, un référendum est organisé sur la reconnaissance par l’État de l’Église romaine. Les de
1478 l’Église romaine. Les deux tiers de la population sont protestants. Or ce sont les milieux dirigeants de cette majorité qui
1479 ux tiers de la population sont protestants. Or ce sont les milieux dirigeants de cette majorité qui ont recommandé d’accorde
1480 ccorder l’égalité de droits à la minorité. La loi est acceptée par 68 % des votants. À Glaris, une vaste église, depuis de
1481 s, une vaste église, depuis de nombreuses années, est commune aux deux cultes. Elle s’orne de deux tours jumelles, qui port
1482 tent chacune une horloge : c’est superflu et ce n’ est pas beau, mais il se peut que ce soit symbolique. La nef est totaleme
1483 rflu et ce n’est pas beau, mais il se peut que ce soit symbolique. La nef est totalement dépourvue d’ornements. L’autel cons
1484 u, mais il se peut que ce soit symbolique. La nef est totalement dépourvue d’ornements. L’autel consacré à Marie — en retra
1485 tel consacré à Marie — en retrait sur la gauche — est caché par la chaire : les protestants ne peuvent le voir pendant le s
1486 Dans ce chœur, un autel très sobre, qui pourrait être luthérien ou anglican aussi bien que romain. La froide nudité protest
1487 e inter-communion en esprit naîtra-t-elle ? C’eût été inconcevable avant Vatican II… Mais d’autres convergences, plus profo
1488 idèles romains, la libre lecture de la Bible leur est dorénavant recommandée, et la messe est de plus en plus commentée, ca
1489 ible leur est dorénavant recommandée, et la messe est de plus en plus commentée, car dite en langue moderne désormais. En r
1490 éveloppe chez les réformés. Les paroisses où il s’ est implanté voient aussitôt affluer la jeunesse, les couleurs et les ryt
1491 e de nuance proprement helvétique ? La question n’ est pas sans intérêt, car elle soulève celle des rapports entre le régime
1492 igion. Dans l’ensemble, le protestantisme suisse est resté beaucoup plus zwinglien que calviniste. Non point qu’on lise en
1493 réformateur de Zurich, ni même que ses doctrines soient enseignées. Mais il a proposé aux Suisses la forme de religion qui co
1494 d’entre eux. Calvin, dès son arrivée à Genève, s’ est heurté à des résistances populaires et ne les a pas toutes surmontées
1495 es formes liturgiques qu’il préconisait n’ont pas été adoptées. Sa rigueur doctrinale, toute latine, est restée étrangère à
1496 té adoptées. Sa rigueur doctrinale, toute latine, est restée étrangère à un peuple qui se méfie des positions tranchées, de
1497 (le choral luthérien et le psaume calviniste n’y sont entrés que plus tard), ce culte paraît à ses fidèles d’autant plus pu
1498 ulte paraît à ses fidèles d’autant plus pur qu’il est plus dépouillé. Les cérémonies pompeuses, les vêtements ecclésiastiqu
1499 stiques, les fêtes, les symboles, les hiérarchies sont taxés d’hypocrisie127. L’extrême appauvrissement des formes cultuelle
1500 tuelles, chez les protestants suisses, ne saurait être attribué à la seule influence de Zwingli. Il traduit d’une part une t
1501 s formes, et aussi une pudeur profonde. Le Suisse est plus naturellement porté qu’aucun autre Européen à traiter de « singe
1502 n à traiter de « singerie » toute expression tant soit peu spontanée de la ferveur religieuse, et toute dévotion publique lu
1503 oute dévotion publique lui paraît théâtrale. Ce n’ est pas que le sentiment, ni même le sentimentalisme, soit absent des cér
1504 pas que le sentiment, ni même le sentimentalisme, soit absent des cérémonies les plus dépouillées qu’il tolère : le mouvemen
1505 sobriété. L’organisation des Églises protestantes est calquée sur la structure fédéraliste du pays. Liées à l’État, ou libr
1506 que l’Église suisse comme telle n’existe guère, n’ est qu’une fédération assez lâche d’Églises cantonales, et pourrait diffi
1507 l’attitude des théoriciens du parti catholique n’ est pas seulement inspirée par le statut minoritaire de leur confession.
1508 rs de la Confédération moderne, les radicaux, ont été conduits par le souci d’éliminer le plus possible l’influence politiq
1509 ur la solidité du lien confédéral. Les Suisses ne sont pas anticléricaux, pour la raison que le cléricalisme a depuis longte
1510 en que l’État demeure officiellement laïque, ce n’ est jamais d’une manière agressive. L’action individuelle d’hommes politi
1511 ues chrétiens, sensible dans plus d’un domaine, n’ est pas entravée par l’opinion publique ou les partis, bien au contraire.
1512 es partis, bien au contraire. Et si la religion n’ est présente dans les discours officiels que sous l’espèce de clichés, el
1513 fficiels, rédigés par les Églises. Cette occasion est devenue prétexte à des « menus du Jeûne » fort abondants qu’annoncent
1514 s, Dieu merci, la religion des Suisses ne saurait être mesurée à ces manifestations extérieures. Plus morale que rituelle, e
1515 x, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’en sont pas moins inquiets. Réfléchissant aux motifs spécifiques de ce compor
1516 pécifiques de ce comportement paradoxal (mais qui est en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé
1517 quiétude du nanti, « spectateur de l’Histoire » ; est -ce que ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tra
1518 ctateur de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer, est -ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin
1519 és, des grands ensembles politiques en formation, est -ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent
1520 sister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin : est -ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de
1521 st-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’être ?
1522 ix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’ être  ? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une
1523 rix de nos vraies raisons d’être ? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les pl
1524 u Marché commun, s’interroger sur l’avenir suisse est devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puiss
1525 œuvre, d’un produit, d’une doctrine : « Voilà qui est bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du pre
1526 à qui est bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du premier pays du monde, et bien digne d’être app
1527 typique du premier pays du monde, et bien digne d’ être approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit en Suisse (romande
1528 lectuel français approuve en principe tout ce qui est français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit). L’intellectuel
1529 t français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit ). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les motifs sp
1530 e d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne sont pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses
1531 nquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens. Sont -ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-ils leurs privilège
1532 institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne sont -ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un
1533 ècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’ est noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non pas ple
1534 ous excusons. « S’excuser de quoi ? » Quiconque s’ est jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
1535 latrice de la manière dont le « complexe suisse » est prompt à se couler dans les tournures du langage théologique129 : Le
1536 eutralité suisse. Les Suisses, depuis 400 ans, ne sont en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considéran
1537 éjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce sont , par nature, des pharisiens de la politique, qui remercient Dieu de c
1538 la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et i
1539 ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et
1540 . La politique suisse vit de compromis. Le Suisse est un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repo
1541 ccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait être , à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience na
1542 ilité [à l’égard de notre patrie], mais ce devoir est celui d’un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccato
1543 um, homo sum, peccator sum. Péché et culpabilité sont des concepts théologiques130 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans
1544 application pertinente. La neutralité ne pourrait être péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle e
1545 x qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle est une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence de po
1546 l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’ est pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un
1547 ion et empêche même d’en trouver une, car si elle est un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le pé
1548 , vingt ans plus tôt, accusait ses compatriotes d’ être « spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire que la neut
1549 ère dont les Suisses s’examinent : mettons que ce soit de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cours de cet
1550 is les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils sont encore là, attendant qu’on les examine une fois passés nos examens de
1551 en qui venait admirer notre libre Helvétie et qui est un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle à longu
1552 ou de Livourne. On pensait que tous ces problèmes étaient moins difficiles chez vous, dans vos petits États fédérés. — Oui, dis
1553 Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’ est pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il e
1554 té n’est pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce
1555 ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est -ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriq
1556 s démontrer aux hommes qu’ils voient trop court n’ est pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des ho
1557 udrait leur montrer des horizons plus vastes, qui soient les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suis
1558 je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’ être de leur communauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’il faut tr
1559 gime possible d’un avenir humain de l’Europe ! Il est menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes b
1560 ire tentation et vraiment son péché virtuel — qui est la peur d’assumer sa vocation. 80. Cf. l’enquête Un jour en Suiss
1561 , 1964. 81. 300 000 Suisses vivent à l’étranger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant
1562 nger, soit 5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 82. Je pense à des ou
1563 pourtant les parents et trois des grands-parents étaient de Neuchâtel, je trouve 30 Neuchâtelois et 34 Européens surtout Franç
1564 théologique. C’était au xvie siècle et Genève n’ était pas suisse. L’État n’intervient aujourd’hui que par l’octroi de subve
1565 d. À la bataille de la Bicoque, les lansquenets s’ étaient dissimulés dans des tranchées, pendant que leur artillerie décimait l
1566 f pour tout ce qui parle français. 96. L’école n’ est pas seule responsable, bien sûr, mais c’est elle qui devrait réagir c
1567 lès et Pierre Girard, leur ami Jacques Chenevière est le représentant le plus parfait de cette école genevoise du sentiment
1568 ncier vaudois Bernard Barbey, alors que l’inverse est vrai pour le Valaisan Maurice Zermatten et pour C.-F. Landry, discipl
1569 proches de l’élémentaire. Avec Maurice Chappaz on est en poésie, en invention verbale, en fable épique, et non plus en intr
1570 eurs artisans du vers et de la prose soutenue. Ce sont aussi d’admirables adaptateurs-recréateurs du Shakespeare des Sonnets
1571 Keats, de Hölderlin ou de Robert Musil ; comme le fut avant eux des troubadours et de Pétrarque Charles-Albert Cingria, don
1572 , 1932, petit volume introuvable aujourd’hui, qui est une des réussites de la prose de Cendrars. 103. Cf. E. Droz, Les Anc
1573 fondateur du Bureau international de l’Éducation, est actuellement professeur à Genève et à la Sorbonne. 111. Georges Gusd
1574 fois vivre en Suisse, surtout à Bâle où il avait été appelé pour soigner Érasme, auquel il sauva la vie. Il y fut nommé pr
1575 pour soigner Érasme, auquel il sauva la vie. Il y fut nommé professeur à la faculté, contre l’avis des médecins officiels.
1576 de morale et de politique ; à son frère Jean, qui fut le maître d’Euler, l’invention du calcul exponentiel et des découvert
1577 e physique et de géographie ; à Jérôme enfin, qui fut président du Conseil d’État, d’importantes collections d’histoire nat
1578 00 appareils. En 1964, on s’aperçut que les devis seraient dépassés dans une mesure telle (près d’un milliard) qu’il fallut rédu
1579 ne enquête exigée par les Chambres. Des sanctions furent prises, affectant le haut commandement et quelques experts, mais non
1580 iérarchie des valeurs paraît aussi démodée que le seront demain les Mirages. Cependant le Conseil fédéral propose aux Chambres
1581 lix Bovet, écrivait : « Cet enfant m’inquiète, il est trop avancé, il se développe trop… Il faudra le mettre à l’école, dit
1582 ’hui ». S’engager dans le réel, écrivais-je, ce n’ est pas se soumettre à la tactique d’un parti, « ce n’est pas se mettre e
1583 pas se soumettre à la tactique d’un parti, « ce n’ est pas se mettre en location, … signer ici plutôt que là… c’est assumer
1584 . D’autres, plus tard — une guerre plus tard — se sont fait une gloire du terme, mais pris au sens, précisément, que je déno
1585 au sens, précisément, que je dénonçais. 119. Il est frappant de relire ce texte après « les événements » de 1968 ! Edmond
1586 stituant un secrétariat scolaire fédéral, qui eût été chargé de préparer une loi uniforme sur l’enseignement primaire. Cett
1587 primaire. Cette tentative centralisatrice n’a pas été renouvelée jusqu’ici. Elle le sera, normalement, avant peu d’années.
1588 satrice n’a pas été renouvelée jusqu’ici. Elle le sera , normalement, avant peu d’années. 122. Chez les anciens Germains, le
1589 ons 4 8 L’augmentation de 4,9 % des catholiques est due pour moitié à l’afflux des résidents étrangers. 125. En 1850, 9
1590 les Scandinaves, les Anglais et les Américains — sont aussi impressionnés par un Monseigneur romain que les farouches répub
1591 ad. de l’auteur.) 130. Nuançons : la culpabilité est aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de rem
14 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Quatrième partie. La Suisse, dans l’avenir européen
1592 r européen Le régime que l’on vient de décrire est , dans l’Histoire, l’un des derniers venus. Si l’on représente par une
1593 t objet de mon étude, ce petit corps politique, n’ est -il pas destiné à tomber rapidement en désuétude, dans un monde en ple
1594 forme de pensée certes courante encore, mais qui est elle-même anachronique : celle du propriétaire terrien, gérant d’un É
1595 État national. Or, nous avons vu que la Suisse n’ est pas d’abord un territoire mais une fonction. Son importance n’est pas
1596 un territoire mais une fonction. Son importance n’ est pas celle d’un domaine, mais d’une structure de relations. Elle ne se
1597 ent élaborée par les hommes qui ont fait ce pays, sera-t -elle applicable dans le monde de demain, et d’abord dans l’Europe uni
1598 de de demain, et d’abord dans l’Europe unie ? Tel est le point de perspective de tout mon livre. Je suis remonté aux origin
1599 est le point de perspective de tout mon livre. Je suis remonté aux origines de notre histoire, et j’ai suivi son labyrinthe,
1600 des « terribles simplificateurs ». Le labyrinthe était un raccourci ! Voilà qui me paraît typique de ce pays : pendant des s
1601 e de ce pays : pendant des siècles, on croit s’en tenir à l’ancien, on accepte de retarder sur l’évolution des voisins, mesur
1602 fil du réel. J’ai décrit des institutions qui me sont apparues à la fois anachroniques et futuristes, tout encombrées de su
1603 eaux de forces infiniment complexes. Enfin, je me suis interrogé sur la fonction de nos élites créatrices et sur la morale c
1604 out autre, mais préfigure peut-être le régime qui sera celui des peuples de ce continent, quand leurs nations ne seront plus
1605 s peuples de ce continent, quand leurs nations ne seront plus que des cantons, toutes distances et frontières abolies, ou peu
1606 peuples. Parler de monde uni, d’humanité, que ce soit pour ou contre l’Occident d’ailleurs, c’est parler un langage europée
1607 ire, et les plus grandes — en termes de naguère — sont petites au regard des empires neufs. Toute la question se ramène alor
1608 n les Européens vont choisir. Trois formules leur sont proposées, et sont en principe concevables. a) L’Europe des États (fa
1609 t choisir. Trois formules leur sont proposées, et sont en principe concevables. a) L’Europe des États (faussement dite des p
1610 es, c’est en retard sur les réalités (car les Six sont déjà bien au-delà), et c’est évidemment inadéquat aux exigences recon
1611 des nations dites « souveraines », mais qui ne le sont plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurait être q
1612 veau des discours, cette Europe minima ne saurait être qu’une forme de transition tactique vers une union plus sérieuse et c
1613 les diversités de l’Europe, voilà qui ne saurait être réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exemple de la Suisse d
1614 ouhaite. Et personne en Europe ne la propose : il est trop clair que cette formule totalitaire mais sans doctrine millénari
1615 n praticable. Unir 19 États à l’ouest (plus 6 à l’ est un jour ou l’autre) en un corps politique assez puissant pour sauvega
1616 cantons souverains. La différence des superficies était certes importante au temps des diligences. Tout a changé avec l’avion
1617 ale, alors qu’un député de Stockholm ou d’Athènes est à quelques heures de Strasbourg, et encore plus près de Bruxelles. Pr
1618 e Bruxelles. Pratiquement, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. E
1619 ent, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que n’ était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de cout
1620 petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’ est fédérée. Et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de
1621 e, de langue, de confession, voire de régimes, ne sont guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu
1622 ppantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’ étaient entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont-elles
1623 s cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont -elles pas d’une autre essence. Si l’on admet que l’anarchie des souve
1624 qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent être nivelées par décrets, on cherche en vain quelle solution a la moindre
1625 e la Suisse… On s’écrie aussitôt qu’il ne saurait être question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’échelle des glo
1626 riels, mais elle nous perdrait tous tant que nous sommes , dans l’espace d’une génération. Une Europe unitaire, c’est finis Hel
1627 devant le projet d’union de l’Europe La Suisse est née de l’Europe et en détient le secret. Formée du xive au xvie siè
1628 ’Empire d’Occident, l’union sans unification, qui est l’idée fédéraliste. Entre-temps les nations se constituent, se multip
1629 leur souveraineté par de glorieux massacres, qui sont le principal de l’histoire qu’elles enseignent à partir du xixe sièc
1630 ue132. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne serait nullement unifiée par un despote ou par une idéologie : elle devrait
1631 ar un despote ou par une idéologie : elle devrait être une Europe des cités, formée de très petits États « où tous les citoy
1632 préconise, et son module, en dernière analyse, n’ est rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
1633 urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «  soit à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans l
1634 istent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle o
1635 la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
1636 esure où elle ouvre des perspectives européennes, soit par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
1637 sprits de nos diverses nations se lient d’amitié, soit par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
1638 acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’ est pas seulement l’auteur de l’Esprit de conquête, pamphlet classique co
1639 e fédération européenne133 que signe — hélas ! il est trop tard — Napoléon. Et son fédéralisme préfigure le régime qui va t
1640 mpériale de l’union dans la diversité. Proudhon s’ est peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
1641 ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typographe) en écrivant son grand livre, Du Principe fédérat
1642 son grand livre, Du Principe fédératif ; mais il est bien certain qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, s’est insp
1643 n qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, s’ est inspiré directement de l’expérience suisse en rédigeant son Projet d’
1644 ments nationaux, et plus de 100 000 membres. Elle tient son premier congrès à Montreux, en septembre 1947, date que l’on peut
1645 s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion est donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
1646 et convoque aussitôt une grande conférence qui se tient à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’action du CE
1647 s d’outre-mer, etc. La première chaire européenne est créée en 1957 par l’Université de Lausanne. Une nouvelle conférence e
1648 culture, sur le thème « L’Europe et le Monde » se tient à Bâle en 1964, sous le haut patronage du Conseil fédéral. Ainsi l’id
1649 idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce sont quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
1650 reconnaître que nos autorités et notre presse ont été dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre peuple l’est sa
1651 le pour le moins réservées, et que notre peuple l’ est sans doute plus encore, s’agissant du projet européen. Le scepticisme
1652 et européen. Le scepticisme dominait, et comme on tient pour réaliste, en politique, les partis pris de la majorité et ses ro
1653 on appelait à l’époque la CECA : 1° que ce pool n’ était pas réalisable, et 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de
1654 ° que ce pool n’était pas réalisable, et 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports.
1655 yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE fut accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
1656 arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais été justifiée, — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la seco
1657 stifiée, — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est -il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par imp
1658 je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce sera néfaste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments sont invoqués p
1659 ste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments sont invoqués par les partisans de l’abstention. Je vais les résumer et y
1660 Confédération »136. Adhérer à l’union européenne serait contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
1661 evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en serait fait du rôle particulier qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent e
1662 d’Algérie, permettant les accords d’Évian). Il n’ est donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
1663 u monde actuel. Réponse : la neutralité suisse a été garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
1664 érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui est aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si la neu
1665 ccès au col du Saint-Gothard sous prétexte qu’ils étaient chargés de le garder. La neutralité suisse n’est pas un dogme. Elle n
1666 ient chargés de le garder. La neutralité suisse n’ est pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au servic
1667 ralité suisse n’est pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au service de notre indépendance ; elle n’e
1668 que mis au service de notre indépendance ; elle n’ est pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’ess
1669 nt politique » — pour rester neutres à tout prix, serait « illusoire »138. « La situation internationale actuelle, économique,
1670 réalité de notre neutralité. »139 Cette dernière est devenue en partie factice. La Suisse doit donc tendre à participer « 
1671 urons perdu le droit auquel beaucoup d’entre nous tiennent le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1
1672 indre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il est vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
1673 a guerre d’Algérie, l’existence d’une Europe unie serait peut-être capable de prévenir ces crises, et à coup sûr diminuerait t
1674 en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître est celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Sortie
1675 é. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’ est plus du tout celle que les Puissances garantirent en 1815, elle a per
1676 t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce serait vouloir rester neutre entre nos ennemis et nous-mêmes. Neutres entre
1677 uelles considérations philanthropiques pourraient être opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
1678 it à une union supranationale, le pouvoir fédéral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
1679 déral serait amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
1680 fiscal, pour ne citer que ces exemples, devraient être uniformisés selon des directives européennes. Ce serait contraire à l
1681 uniformisés selon des directives européennes. Ce serait contraire à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéra
1682 nes. Ce serait contraire à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer de nombre
1683 à celle d’un groupe de nations européennes. Elle tient à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’
1684 vantages, bancaires notamment, et son agriculture serait gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
1685 gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du Marché c
1686 ne serait donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
1687 Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’ est évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
1688 le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux sont connus. En mai 1963, par exemple, nos importations provenaient pour 6
1689 De nos exportations, 2/3 allaient à l’Europe. Il est vrai que durant ce mois-là notre balance commerciale restait déficita
1690 re avec l’Europe (de 447 millions) tandis qu’elle était bénéficitaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer
1691 ’ailleurs notre participation à l’AELE. La Suisse est si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
1692 se fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
1693 Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’ est pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
1694 strie et le commerce (dite Vorort). Réponse : Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
1695 Il est clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise en réal
1696 sse. Mais personne ne la préconise en réalité. Il est clair en revanche qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses diversit
1697 tendre en conserver les bénéfices pour nous seuls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’est pas vrai, d’ailleurs, que l
1698 euls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’ est pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos ca
1699 pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il est pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
1700 fflux des travailleurs étrangers en Suisse : ce n’ est pas le Marché commun qui les amène, c’est l’expansion de l’industrie
1701 uelle l’auteur de la déclaration que j’ai citée n’ est pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des peup
1702 r. S’il croit vraiment que le mélange des peuples est un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure qu’
1703 se, cause directe du « mal » en question, si c’en est un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
1704 out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas été créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’é
1705 En fait, cette « caractéristique nationale » n’en est plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
1706 fficile pour les habitants de nos grandes villes, soit définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
1707 etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’ est pas la Suisse de Morgarten, de Marignan, ou du xviiie siècle, ni mêm
1708 e prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’ est pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofrein
1709 xorbitant. Autofreinage du fédéralisme Tels étant les termes du débat que l’idée européenne suscite en Suisse, il faut
1710 ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’ être écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
1711 ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
1712 otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en prétext
1713 e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie — est que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
1714 diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il est dangereusement irréalisable de raisonner comme s’il était possible de
1715 ngereusement irréalisable de raisonner comme s’il était possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’ensemble
1716 ses, et comme État qui entend garder une raison d’ être . Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pa
1717 , et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe est en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
1718 Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en est largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redoutons de l’a
1719 éralisme ! Différent en ceci de la neutralité, il tient à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous
1720 la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme est peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
1721 s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y est que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui ennuie,
1722 mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’ est pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
1723 que les Européens peuvent attendre de nous, ce n’ est pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce que
1724 ration se refuse avec vigilance ; non parce qu’il est mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en tient scrupuleusement à l
1725 l est mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en tient scrupuleusement à l’empirisme qui, jusqu’ici, a présidé avec succès a
1726 s débats sur la politique générale risqueraient d’ être stériles… Le gouvernement demande à être jugé sur ses actes, non sur
1727 raient d’être stériles… Le gouvernement demande à être jugé sur ses actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à justi
1728 ur l’année ou les années à venir. Cette procédure serait de nature à affaiblir la situation du gouvernement aux yeux du Parlem
1729 rovidentia dei Helvetia regitur »141 Cet exemple est révélateur d’une situation étrangement contradictoire. J’ai tenté de
1730 ire. J’ai tenté de montrer pourquoi notre système est foncièrement hostile à ce que l’on nomme ailleurs la politique. Mais
1731 politique. Mais cette vertu fédéraliste se trouve être aujourd’hui le frein automatique à toute initiative capable de sauver
1732 es régimes totalitaires, tendant vers l’uniforme, sont dans cette mesure régressifs. En revanche, pour la complexité, la Sui
1733 à l’avenir de ses formules. 1. Le monde de demain sera de plus en plus réduit quant aux distances, et tissé de réseaux de re
1734 ux. Information audiovisuelle planétaire, pouvant être captée par tout individu muni d’un récepteur de poche. Bi ou trilingu
1735 tés culturelles de plus en plus, car elles seules seront perçues comme signes distinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ense
1736 tinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ensemble sera moins important que le poids spécifique d’un peuple. Les frontières d
1737 t les communautés à très forte densité culturelle seront alors les réalités les mieux définies et caractérisées, les plus prop
1738 nt. L’identité d’un peuple ou d’une communauté ne sera plus définie par des arpenteurs, des cordons douaniers et des décrets
1739 t civiques du petit pays sur la grande nation ont été formulés, depuis Rousseau, par tous les penseurs politiques suisses,
1740 ère imposant qui manque à celle des empires. Elle est davantage l’histoire de la liberté. » Le grand juriste Max Huber écri
1741 d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui est -il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Enfin
1742 ressemble pas. Enfin Max Frisch : Notre patrie est l’homme ; c’est à lui en premier lieu que doit aller notre fidélité ;
1743 ’excluent pas, voilà où réside le grand bonheur d’ être fils d’un petit pays. Dans le monde de demain, qui exigera un degré
1744 ase de toute fédération, ont de grandes chances d’ être confirmés, — et sans doute de s’étendre du plan moral, civique et pol
1745 efficace dans un milieu où les relais d’exécution sont nombreux et organiquement distribués. Aux stades encore primitifs de
1746 . L’un des thèmes favoris des sociologues actuels est l’étude des ensembles régionaux et des « métropoles » constituant les
1747 ’évaluer l’optimum de population d’une région qui serait capable de fonctionner d’une manière autonome, et l’on propose en Fra
1748 lui de notre population. Question : La Suisse ne sera-t -elle pas, d’ici à vingt ans, trop grande pour ses institutions fédéra
1749 nature trop vastes pour l’unité de base, doivent être construits en commun avec d’autres régions voisines. Seuls, ces résea
1750 x adaptée aux conditions du monde de demain, elle serait donc désignée plus que tout autre pour jouer le rôle d’initiatrice de
1751 jet, compatible par définition avec les raisons d’ être de l’État suisse (quitte à prévoir certains aménagements internes) se
1752 (quitte à prévoir certains aménagements internes) serait ensuite présenté aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest144. Il ser
1753 aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest144. Il serait présenté au nom de notre idéal et de notre usage du fédéralisme, mais
1754 s les intérêts de l’Europe entière ». Même s’il n’ était pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévitables : — d
1755 s que cette même situation pourrait à juste titre être invoquée comme faisant au pays qui en bénéficie une particulière obli
1756 venir en faveur du bien commun de l’Europe. Telle serait à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ai montré pour qu
1757 rer en temps utile — avant que les jeux européens soient faits —, elle choisira de se réserver. 2. Ce dernier terme évoque irr
1758 qu’elle symbolise un idéal presque trop beau pour être vrai aux yeux de l’immense majorité des masses modernes, en Europe et
1759 tés ont déjà dépassé cette fiction helvétique. Il est trop tard pour la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais été con
1760 ur la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais été conforme à autre chose qu’au rêve des Suisses, à la littérature roman
1761 deux visions d’un comportement suisse, dont l’une serait , dit-on, prématurée, tandis que l’autre est sûrement périmée, le « ma
1762 ne serait, dit-on, prématurée, tandis que l’autre est sûrement périmée, le « malaise suisse » demeure le seul avenir certai
1763 suisse » demeure le seul avenir certain. Mais il est de la nature d’un malaise de se terminer plus ou moins vite par un re
1764 arée, ou la mort. Je n’oublie pas que le discours est d’une logique plus exigeante que l’histoire réelle des hommes et des
1765 e réelle des hommes et des nations : ses dilemmes sont plus clairs, mais rarement résolus. Il n’en arrive pas moins que les
1766 venir ni son passé, que peut-on conseiller qui ne soit à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme un tranqu
1767 simplement trompeur comme un tranquillisant ? Il est certain que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il est probable
1768 n que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il est probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle
1769 era » un jour ou l’autre. Il est probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle puisse se faire sur d
1770 l’Europe à La Haye, et le temps où l’Europe unie sera sans doute un fait accompli, je propose mon dessein raisonnable d’un
1771 Les mêmes raisons qui veulent qu’une fédération soit gouvernée par un collège, et non par un seul homme, veulent que son c
1772 non par un seul homme, veulent que son centre ne soit pas une capitale, mais bien un District fédéral. La fédération europé
1773 n un District fédéral. La fédération européenne n’ étant pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
1774 tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait être , lui non plus, une création synthétique édifiée sur un terrain vague
1775 e dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit être situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défen
1776 l doit être situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès faci
1777 mais d’accès facile en temps de paix. Il ne peut être qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
1778 nt le siège du gouvernement suisse. Ces Autorités sont placées sous la protection de l’armée suisse : un million de mobilisa
1779 et son indépendance de toute influence étrangère sont reconnues solennellement, pour des motifs nouveaux plus forts que les
1780 motifs nouveaux plus forts que les anciens, comme étant « dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Premières réaction
1781 dépendance et ses caractéristiques nationales. Ce serait vouloir soumettre toute l’Europe à la Suisse. Allez donc en parler à
1782 e à la Suisse. Allez donc en parler à Berne, vous serez bien reçu ! etc. Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans
1783 eurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas, est à mi-chemin entre une initiative prise par la Suisse et une absence t
1784 tale de projet qui ferait de ce pays un musée. Il est modeste, sans excès. Je vois en revanche beaucoup de motifs d’angoiss
1785 « utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne sommes pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut-être sour
1786 este de l’Europe va peut-être sourire… Le sourire est inévitable. Et puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets da
1787 nir les citoyens d’une capitale de l’Europe. « Il était temps que ces petits Suisses nous offrent autre chose que leurs leçon
1788 vont peut-être un peu fort. Ils ne voulaient rien être dans l’Union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs
1789 des Vaches… Mais après tout, si notre capitale n’ est pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisir une autre, va
1790 On passe au vote : la Suisse sort bonne première, étant seconde sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein r
1791 éserver », à Berne. Il se peut que cette attitude soit la seule qui convienne à un petit pays, pluraliste, et neutre au surp
1792 voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne sont plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serait ni
1793 onaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serait ni réaliste ni défendable moralement. Et maintenant, en tant que cito
1794  ? Ma première impression, c’est que la Suisse n’ est plus à l’écart de l’Europe et participe sans arrière-pensées à ses de
1795 sent sans fusion ni mélange, les longueurs d’onde étant nettement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’est pas dans le
1796 ement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’ est pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov, co
1797 d’une grande conférence. Notre climat passe pour être apaisant. Dans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle fut jadi
1798 ans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle fut jadis terre d’Empire, je ne vois pas de motifs de craindre qu’il y ai
1799 s. D’ailleurs, ces étrangers cessent bientôt de l’ être , à mesure qu’ils découvrent, en quittant l’autoroute, le vrai pays — 
1800 e Soglio. La rade de Genève illuminée aux soirs d’ été . Les petits déjeuners sur un balcon d’hôtel, à Montreux, devant les A
1801 de bouillon Maggi et de cigares de Brissago, qui étaient ce que Joyce préférait en Suisse. Et cette façon de vous dire merci q
1802 entillesse qui étonne même les Américains, et qui est la preuve exquise d’une civilisation. Et puis au-delà des apparences
1803 s du monde dont je préfère me plaindre. La Suisse est le pays dont je souhaite le plus qu’il communique sa grâce très secrè
1804 Car la Suisse détient un mystère, ou plutôt elle est ce mystère. Il m’a fallu longtemps, beaucoup d’étude, d’éloignement,
1805 fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à son être profond, des origines à ses plus hautes fins. Ce rêve peut devenir vr
1806 s. Ce rêve peut devenir vrai demain, et il doit l’ être , mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui
1807 t devenir vrai demain, et il doit l’être, mais le sera-t -il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient mai
1808 gt-huit siècles d’Europe (Paris, 1961) : Reynold est largement cité dans le premier chapitre, tandis qu’une page de R. de
1809 lle précise : « Quant à la neutralité, son rôle a été nul dans la création de la Confédération. » 138. Fr. Wahlen, préside
1810 Suisse du 13 avril 1964. 142. L’exemple du CERN est le plus évident. Aucun des treize pays qui ont financé sa constructio
1811 ce, bien au contraire : sans le CERN, ses savants seraient frustrés d’une possibilité d’employer leurs talents ; et sa dépendanc
1812 u l’autre des grandes puissances « atomiques » en serait accrue d’une manière irrémédiable. 143. II en est une que je voudrai
1813 it accrue d’une manière irrémédiable. 143. II en est une que je voudrais au moins mentionner. L’Europe dépendait depuis de
1814 réent tant de substituts à ces produits qu’ils ne seront bientôt plus qu’un luxe. Ce que la chimie industrielle tirera de l’ai
15 1965, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Appendice. Bref historique de la légende de Tell
1815 te populaire qui libérera son canton. Mais ce qui est beaucoup moins connu, c’est l’histoire de cette légende. En voici les
1816 ommé Gessler, ni même d’un serment du Grütli. Tel est le fait initial, établi par l’ensemble des recherches modernes. Le p
1817 onique date de 1470-1472. Près de deux siècles se sont donc écoulés depuis les hauts faits qu’elle rapporte, et qu’aucune so
1818 celui de la pomme. Le Livre blanc et le poème se seraient -ils inspirés de traditions plus anciennes ? C’est ce qu’on a longtemp
1819 admis. On le sait aujourd’hui, ces traditions ne sont pas suisses, elles sont nordiques ; et elles ne remontent pas au xiii
1820 rd’hui, ces traditions ne sont pas suisses, elles sont nordiques ; et elles ne remontent pas au xiiie mais aux xe et xie
1821 famine aurait chassés de leur péninsule et qui se seraient établis au centre des Alpes. (Suicia = Suecia.) Mais reprenons notre
1822 ue que Tschudi semble avoir terminée vers 1570 ne fut cependant publiée qu’en 1734-1736 à Bâle. Son succès fut dès lors imm
1823 endant publiée qu’en 1734-1736 à Bâle. Son succès fut dès lors immense. Schiller compare Tschudi à Hérodote et à Homère. Go
1824 Hérodote et à Homère. Goethe estime que son livre est l’un de ceux dont la lecture pourrait suffire à l’éducation d’un honn
1825 a : « Il faut convenir que l’histoire de la pomme est bien suspecte… » Mais Voltaire a douté de tant de choses… Il ne fera
1826 es : condamnée par les autorités de Lucerne, elle est brûlée par le bourreau sur la grand-place d’Altdorf, chef-lieu d’Uri.
1827 fie » Tell et condamne la mémoire du pasteur, qui est mort entretemps. Il est curieux de rappeler ici que la première publi
1828 a mémoire du pasteur, qui est mort entretemps. Il est curieux de rappeler ici que la première publication du Pacte secret d
1829 us fort contre l’hagiographie de son maître. Ce n’ est toutefois qu’au siècle suivant qu’une école d’historiens plus rigoure
1830 rd, « à tous les partis ». (Rappelons que Tschudi fut d’abord un politicien fort habile, avant de se faire érudit et poète
1831 es, et n’y ont pas leur place ; les Habsbourg ont été de bons souverains et de grands mainteneurs de l’ordre dans l’Empire 
1832 ait pris naissance, ait pris force de vérité, ait été acceptée par tout un peuple, voilà ce qu’il s’agit désormais d’expliq
1833 encore M. Wehrli, le succès de la légende de Tell est plus significatif et plus réel qu’un fait historique accidentel. » Il
1834 ité profonde dont la nature et le sens méritent d’ être interprétés. Et pour cela, on mobilise ethnographie et linguistique14
1835 histoire des Ligues suisses sans Guillaume Tell n’ est plus une entreprise paradoxale : c’est un devoir élémentaire de probi
1836 élémentaire de probité intellectuelle, puisqu’il est attesté que Tell n’a joué aucun rôle vérifiable dans le complexe des
1837 e de 1291 et la première Confédération. Mais il n’ est pas moins objectif et pas moins vrai de constater que le mythe de Tel
1838 ns tenir compte du Tell de la légende, — celle-ci étant elle-même devenue un fait d’histoire en tant que réalité de la psyché
1839 n matériellement, qu’il ait tué ou non un bailli, est au fond sans grand intérêt : homologué ou contesté, cet exploit civiq
1840 il manque une seule pièce au jeu. En revanche, il est impossible de comprendre vraiment le peuple suisse si l’on omet ce fa
1841 ont composé un archétype national. Guillaume Tell est plus vrai qu’un drapeau, qui n’est qu’un signe, car il est le symbole
1842 Guillaume Tell est plus vrai qu’un drapeau, qui n’ est qu’un signe, car il est le symbole d’un peuple. (Et il est admirable,
1843 vrai qu’un drapeau, qui n’est qu’un signe, car il est le symbole d’un peuple. (Et il est admirable, unique peut-être, que c
1844 signe, car il est le symbole d’un peuple. (Et il est admirable, unique peut-être, que ce symbole local ait rapidement acqu
1845 de ce pays, comme l’écrivait Victor Hugo, mais ce sont les Suisses qui l’ont fait. Il est moins leur père que leur fils, moi
1846 Hugo, mais ce sont les Suisses qui l’ont fait. Il est moins leur père que leur fils, moins leur ancêtre que leur œuvre coll
1847 ue leur œuvre collective, mais c’est par là qu’il est le plus réel. On peut bien douter, en effet, que les Suisses modernes
1848 t bien douter, en effet, que les Suisses modernes soient vraiment fidèles aux notables du xiiie siècle féodal qui firent le P
1849 ; mais on ne saurait douter que la figure de Tell soit fidèle à leur idéal, puisque c’est eux qui l’ont imaginée. 146. Sou
1850 raphies sur les chroniqueurs et historiens qui se sont occupés de la Suisse, du Moyen Âge à la fin du xixe siècle. 147. Le
1851 äll, dans le Livre blanc), pris comme adjectif, a été interprété de vingt manières différentes, signifiant tantôt le simple
1852 ions un substantif : les trois conjurés du Grütli sont parfois nommés « les Trois Tells », etc.
16 1970, La Suisse ou l’histoire d’un peuple heureux. Préface 1970
1853 isant à gauche, ils m’ont fait observer qu’ils ne sont pas heureux et qu’ils dénient le droit de l’être à tout citoyen suiss
1854 sont pas heureux et qu’ils dénient le droit de l’ être à tout citoyen suisse qui ne serait pas un « veau », pour reprendre u
1855 t le droit de l’être à tout citoyen suisse qui ne serait pas un « veau », pour reprendre une célèbre épithète. Il faut donc qu
1856 aucoup croient. Il signifie seulement que le pays est en paix, qu’il est prospère, et surtout que son régime politique et s
1857 signifie seulement que le pays est en paix, qu’il est prospère, et surtout que son régime politique et social est approuvé
1858 re, et surtout que son régime politique et social est approuvé par une immense majorité des citoyens, cependant que la mino
1859 que la minorité contestataire se plaint surtout d’ être minoritaire ! (Je viens de l’entendre dire à la radio par un jeune ét
1860 roie mes oreilles.) Ces conditions de « bonheur » sont , de toute évidence, réunies par la Suisse et presque par elle seule s
1861 « pas très heureux », le reste c’est-à-dire 1 %, étant sans doute partagé entre indifférents endurcis et contestataires cons
1862 ataires conséquents. Un autre sens du mot heureux est illustré par la fameuse question de Napoléon quand on lui proposait u
1863 didat à quelque promotion civile ou militaire : «  Est -il heureux ? » La Suisse a eu de la chance lors des deux guerres mond
1864 s titres d’ouvrages récents où le mot « bonheur » est lié au nom suisse dans une intention trop visible de dérision, qui me
1865 ion du « réalisateur ». La Suisse, écrivait-elle, est « en somme quelque chose d’assez artificiel ». Et il est vrai que la
1866 n somme quelque chose d’assez artificiel ». Et il est vrai que la Suisse n’est pas hexagonale, l’hexagone étant comme on sa
1867 ssez artificiel ». Et il est vrai que la Suisse n’ est pas hexagonale, l’hexagone étant comme on sait la seule forme naturel
1868 ai que la Suisse n’est pas hexagonale, l’hexagone étant comme on sait la seule forme naturelle que puisse prendre une nation
1869 m. Mais je soupçonne que l’auteur de cette phrase tient pour « artificielle » toute communauté librement choisie par des peup
1870 ournaliste déclarait que l’objectif de l’émission était de « trouver une faille dans la stabilité suisse ». Était-ce par amou
1871 « trouver une faille dans la stabilité suisse ». Était -ce par amour de la Suisse, pour l’avertir d’un danger qu’elle courrai
1872 it sans le savoir ? Par goût de la vérité en soi, étant admis que la stabilité suisse ne saurait être à priori qu’une façade
1873 i, étant admis que la stabilité suisse ne saurait être à priori qu’une façade trompeuse ? Ou simplement parce que la mode pa
1874 auchiste » sans rien changer à rien de ce qu’elle est , son « bonheur » deviendrait aussitôt exemplaire ; le mettre en doute
1875 iendrait aussitôt exemplaire ; le mettre en doute serait une « déviation » (lire : un blasphème) aux yeux de l’intelligentsia
1876 nnaît peu la Suisse, et dans ce peu, presque tout est cliché. J’espérais faire comprendre outre-Jura que le fédéralisme n’e
1877 faire comprendre outre-Jura que le fédéralisme n’ est plus ce qu’en dit Littré (voir p. 107), que les frontières « naturell
1878 ), que les frontières « naturelles » d’un pays ne sont presque nulle part celles de sa langue, et que la Suisse ne résulte p
1879 ies soucieuses de rester telles. Ce faisant, je n’ étais pas sans quelque arrière-pensée, que l’on devine. C’est dans le regar
1880 eue, verte et blanche, nous avons su que la Terre était notre patrie. Et de sentir que nous pourrions désormais la quitter sa
1881 s et de ses nuages. Nous avons vu, aussi, qu’elle était divisée en continents et non pas en domaines nationaux distingués par
1882 t aux États-Unis que je l’ai découvert. À force d’ être vu comme un Européen par des gens qui ne se souciaient pas de ma nati
1883 ins j’ai vu l’Europe comme unité réelle, et je me suis dit que sur cette unité, on pouvait fonder une union. Mais j’ai pensé
1884 s si divers, à les en croire du moins, ne pouvait être imaginée que selon des formules fédérales. Ce qui me ramenait à la Su
1885 que j’y vivais, je ne l’avais pas bien vue. Je m’ étais borné à décrire sans pitié l’école primaire fabriquant des petits Sui
1886 ’injustice qui appartient à cette activité. Ce ne fut qu’un incident mineur. L’on était dans les années 1930. La menace des
1887 e activité. Ce ne fut qu’un incident mineur. L’on était dans les années 1930. La menace des régimes totalitaires et la recher
1888 voquer ces solutions fédéralistes telles qu’elles étaient vécues en Suisse mais sans doctrine. C’est en essayant d’expliquer le
1889 uant — que d’essayer simplement de le faire voir, serait mal vu. Sur quoi, la guerre de 1939 vint modifier profondément les co
1890 itique sur la Suisse. D’une part, nous avons tous été mis en demeure de jauger les régimes en conflit, et nous nous sommes
1891 re de jauger les régimes en conflit, et nous nous sommes retrouvés presque unanimes à leur préférer nos pratiques, dénuées de
1892 otre histoire. Parmi tous nos défauts, celui-là n’ est pas le pire mais il est sans doute le plus sot : ricaner à propos de
1893 s nos défauts, celui-là n’est pas le pire mais il est sans doute le plus sot : ricaner à propos de nos quelques vertus, cra
1894 ns l’espoir de faire partager ma conviction qu’il est beaucoup plus que la somme de ses médiocrités et de ses succès — qu’i
1895 somme de ses médiocrités et de ses succès — qu’il est beaucoup plus qu’un pays. ⁂ Cinq ou six ans après, que changer à ce l
1896 pages sur nos auteurs et nos artistes. Mais ce n’ était pas là mon sujet. Bien d’autres l’ont traité comme il le méritait et
1897 c presque rien modifié à ma troisième partie, qui est d’ailleurs la plus longue, et qui traite du climat culturel, sauf à r
1898 e cesse d’évoluer. 1. Interrogé sur les raisons d’ être d’une fédération au centre alpestre de l’Europe, un ordinateur eût pr
1899 onfédérations. Aujourd’hui le massif du Gothard n’ est qu’un pli de terrain entre mille, survolé en moins de cinq minutes pa
1900 ur temps » au double sens de l’expression. Ils ne sont plus adaptés à l’époque. Trop petits pour leurs prétentions à des sou
1901 non à tout ce qui pacifie, initie ou résout, ils sont trop grands et trop abstraits pour animer la vie civique des régions
1902 ns qu’ils ont unifiées. Ce qui les remplacera, ce sont d’une part la grande fédération continentale et ses agences spécialis
1903 ormule suisse. 3. Si les jours de l’État national sont comptés, la Suisse est le seul pays d’Europe qui ait lieu de s’en fél
1904 jours de l’État national sont comptés, la Suisse est le seul pays d’Europe qui ait lieu de s’en féliciter, et sans la moin
1905 t sans la moindre arrière-pensée. Car la Suisse n’ est pas née d’une volonté de puissance, comme tous les États unifiés par
1906 tre but que le maintien de leurs libertés. Loin d’ être menacée par la dissociation des cadres napoléoniens, elle peut trouve
1907 ses principes originels. Plus qu’un pays, si beau soit -il, et plus qu’un peuple, aussi « heureux » que je l’ai dit, le nom d
1908 hit, d’une société des hommes libres : moins elle sera limitée par des frontières, mieux elle accomplira sa vocation. Peut-ê
1909 res, mieux elle accomplira sa vocation. Peut-être est -ce le dernier moment de la décrire comme une entité politique, économ
1910 : L’écrivain neuchâtelois a pu constater qu’il n’ était pas un mauvais prophète en son pays. Son livre a été présenté et disc
1911 pas un mauvais prophète en son pays. Son livre a été présenté et discuté relativement vite et avec abondance, avec enthous
1912 ndance, avec enthousiasme. La Suisse alémanique s’ est montrée particulièrement chaleureuse. Deux jeunes journalistes sont a
1913 culièrement chaleureuse. Deux jeunes journalistes sont allés spontanément trouver M. Wahlen alors qu’il était encore en fonc
1914 allés spontanément trouver M. Wahlen alors qu’il était encore en fonction à la tête du DPF ; ils ont plaidé le retour à une
1915 et ne dira rien avant l’an 2000. Le problème n’en est pas moins posé à l’opinion publique. D’un examen attentif, lucide du
1916 que. D’un examen attentif, lucide du passé suisse est sortie une proposition constructive, peut-être la première depuis un
1917 ctive, peut-être la première depuis un siècle qui soit inspirée par une conception dynamique de la vie collective, qui conci
1918 ns et la préparation de l’avenir. Mais rien ne s’ est fait. J’ai reçu beaucoup de lettres et de visiteurs. On me demandait,
1919 n son tour. Le poteau indicateur cesserait vite d’ être utile s’il se mettait à faire le chemin lui-même. À vous de jouer ! »