1
J’ai rouvert bien des livres sur la Suisse : ils
tiennent
tout un rayon de ma bibliothèque. Il m’a semblé que l’on avait tout d
2
ue les guides ignorent et que les cartes postales
sont
incapables de faire voir, la durée, la saveur d’une tradition, la mém
3
tits pays — et même les chartes et les parchemins
sont
auprès d’elles des documents de seconde main — c’est tout cela que Re
4
iplomatiques, et un Européen de vision large, qui
fut
un membre très actif de la Coopération intellectuelle, aux beaux temp
5
nold nous a montré comment ce petit pays avait pu
tenir
le rôle moral d’une grande nation. Mais dans le monde en mutation de
6
de cette seconde moitié du xxe siècle, la Suisse
est
-elle une survivance, ou bien le signe avant-coureur d’un avenir possi
7
, La Suisse, démocratie témoin, André Siegfried s’
est
posé cette question. Mais il s’est gardé d’y répondre, ou plutôt il n
8
ré Siegfried s’est posé cette question. Mais il s’
est
gardé d’y répondre, ou plutôt il n’y a répondu que par la bande, la b
9
e : « C’est une grande folie de croire qu’on peut
être
sage tout seul. » (La Rochefoucauld.) Maxime qui n’est pas aussi clai
10
age tout seul. » (La Rochefoucauld.) Maxime qui n’
est
pas aussi claire qu’il y paraît à première vue. Siegfried nous montre
11
ajouterai : de savoir-faire, de tour de main, qui
est
d’abord un tour de pensée. Il nous fait voir un jeu d’institutions do
12
t voir un jeu d’institutions dont la complexité s’
est
révélée pratique, en servant les diversités au lieu de prétendre à le
13
e prétendre à les réduire. Et je crois bien qu’il
est
le seul auteur non suisse qui soit allé si loin dans l’analyse des va
14
rois bien qu’il est le seul auteur non suisse qui
soit
allé si loin dans l’analyse des variétés de l’expérience fédérale san
15
qui en chérissent toutes les nuances. Sa prudence
est
d’ailleurs égale aux périls qu’il affronte à chaque pas, écoutez-le :
16
Je me garderai bien de dire que certains cantons
sont
moins authentiquement suisses que d’autres, mais peut-être pourrait-o
17
is peut-être pourrait-on suggérer que certains le
sont
davantage… » Personne n’a mieux marqué les différences entre le Suiss
18
inistration bien entendue, dont le seul but avoué
est
d’assurer aux hommes plus de bien-être et d’avantages sociaux. En som
19
eux et averti n’adresse d’autre critique, si c’en
est
une, que d’avoir résolu ses problèmes par des moyens valables pour el
20
Dans le monde où nous vivons, semble-t-il dire, n’
est
-il pas imprudent d’être aussi sage ? Et c’est ici que nous retrouvons
21
ivons, semble-t-il dire, n’est-il pas imprudent d’
être
aussi sage ? Et c’est ici que nous retrouvons la maxime de La Rochefo
22
crire ce livre, dans l’espoir de la réfuter. ⁂ Il
est
fou d’être sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à une sages
23
ivre, dans l’espoir de la réfuter. ⁂ Il est fou d’
être
sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à une sagesse qu’on se
24
le. En d’autres termes : si l’Europe continuait d’
être
folle à l’unanimité de ses nations, la fédération suisse serait perdu
25
l’unanimité de ses nations, la fédération suisse
serait
perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi serait perdue. Or je vois
26
serait perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi
serait
perdue. Or je vois qu’elle peut être sauvée d’une balkanisation sans
27
rope aussi serait perdue. Or je vois qu’elle peut
être
sauvée d’une balkanisation sans gloire si elle accepte de s’helvétise
28
se fédérer. On répète que la sagesse suisse, qui
est
le bon sens fédéraliste, n’est pas objet d’exportation, n’a pas de va
29
agesse suisse, qui est le bon sens fédéraliste, n’
est
pas objet d’exportation, n’a pas de valeur universelle. C’est ce que
30
l’on admire leur solution. Certes le fédéralisme
est
le contraire d’un système. Ce n’est pas une structure abstraite et gé
31
e fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’
est
pas une structure abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif à
32
pas une structure abstraite et géométrique, ce n’
est
pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceu
33
incipes, et ceux-ci m’apparaissent susceptibles d’
être
appliqués à l’échelle de l’Europe, mutatis mutandis bien entendu : c’
34
t pas bien la Suisse, je veux dire : si l’on s’en
tient
à ses clichés. Il faut donc expliquer la Suisse réelle, celle dont le
35
uer la Suisse réelle, celle dont le vrai secret n’
est
pas le secret des banques mais la pratique fédéraliste. Il y a là cer
36
is celle aussi de l’avenir européen, car les deux
sont
inséparables : essayer de penser l’un, c’est interroger l’autre. Les
37
isamment compris à quel point leur régime, loin d’
être
menacé par une fédération de l’Europe entière, y trouverait sa meille
38
quoi que l’on pense d’ailleurs sur ce sujet, qui
est
au centre de mon ouvrage, il n’est peut-être pas sans intérêt de conn
39
ce sujet, qui est au centre de mon ouvrage, il n’
est
peut-être pas sans intérêt de connaître, au-delà des clichés, une his
40
critiques sérieux pourront me reprocher, les unes
sont
dues à un manque d’intérêt, les autres à un défaut de compétence. Je
41
intérêt, les autres à un défaut de compétence. Je
suis
homme et, je l’avoue sans remords excessif mais non plus sans quelque
42
e Righi, Hugo se sent devenir statue : L’émotion
est
immense. C’est que la mémoire n’est pas moins occupée que le regard,
43
: L’émotion est immense. C’est que la mémoire n’
est
pas moins occupée que le regard, c’est que la pensée n’est pas moins
44
oins occupée que le regard, c’est que la pensée n’
est
pas moins occupée que la mémoire. Ce n’est pas seulement un segment d
45
nsée n’est pas moins occupée que la mémoire. Ce n’
est
pas seulement un segment du globe qu’on a sous les yeux, c’est aussi
46
enseur y trouve un livre immense où chaque rocher
est
une lettre, où chaque lac est une phrase, où chaque village est un ac
47
se où chaque rocher est une lettre, où chaque lac
est
une phrase, où chaque village est un accent, et d’où sortent pêle-mêl
48
, où chaque lac est une phrase, où chaque village
est
un accent, et d’où sortent pêle-mêle comme une fumée deux-mille ans d
49
le comme une fumée deux-mille ans de souvenirs… J’
étais
seul, je rêvais — qui n’eût rêvé ? — et les quatre géants de l’histoi
50
despotes, lui pâtre et libérateur. La rhétorique
est
belle, l’émotion vraie. Le point de vue ne pouvait être mieux choisi,
51
elle, l’émotion vraie. Le point de vue ne pouvait
être
mieux choisi, les perspectives dans l’espace et le temps mieux ouvert
52
leur. Une certaine tradition de l’histoire suisse
est
ici fixée pour un siècle : Guillaume Tell, pâtre libérateur, triompha
53
up de peinture éloquente, la légende helvétique s’
est
imposée. Trois mains levées sous les étoiles, au Grütli, le 1er août
54
isse fédérale que nous connaissons aujourd’hui ne
serait
peut-être pas devenue réalité. La volonté, le goût et parfois la pass
55
t parfois la passion qu’ont les gens de ce pays d’
être
Suisses sont des bienfaits que la connaissance exacte des antiquités
56
passion qu’ont les gens de ce pays d’être Suisses
sont
des bienfaits que la connaissance exacte des antiquités helvétiques d
57
helvétiques dans leur complexité réelle n’eût pas
été
capable de susciter. Il arrive que le mythe gouverne les faits d’hist
58
les décisions vitales. Mais aujourd’hui la Suisse
est
faite, ses structures fédérales sont bien articulées, il n’y a plus d
59
hui la Suisse est faite, ses structures fédérales
sont
bien articulées, il n’y a plus de danger à distinguer dans l’histoire
60
s l’avenir certaines conclusions politiques qu’il
est
tentant de dégager de notre expérience fédérale, au moment où l’Europ
61
lu. C’est l’aube des temps, tout ce qui précède n’
est
que ténèbres. Le Suisse moyen oublie seulement que 1291, cela se sit
62
in du xiiie siècle, penchent vers leur déclin ou
sont
en crise. Tout cela, les Suisses d’aujourd’hui l’ont en commun avec l
63
és ou républiques qu’il énumère, mais la Suisse n’
est
pas mentionnée : c’est un nom qui n’existe pas encore. Faudrait-il en
64
uplée, du territoire de la Suisse actuelle, et ce
fut
le nom des Helvètes. Ces Celtes, nous dit Jules César, surpassaient e
65
insi, en s’interdisant tout espoir de retour, ils
seraient
mieux préparés à braver les hasards à venir ; et ils ordonnent que ch
66
nt-ils fondé la première Suisse bien définie ? Il
est
curieux que leur nom ait donné lieu d’une part à la désignation « sub
67
s travers : l’honnêteté ou le sérieux des Suisses
sont
souvent qualifiés d’« helvétiques » comme leur lourdeur3. Tel personn
68
lvétie assujettie par les Romains, comme devait l’
être
un peu plus tard la Rhétie alpestre — dont la population venait de l’
69
ans. L’hérédité helvète des Suisses d’aujourd’hui
est
donc diluée à l’extrême, les Alamans et les Burgondes s’étant établis
70
iluée à l’extrême, les Alamans et les Burgondes s’
étant
établis en grand nombre, dès le début du ve siècle, sur les ruines e
71
ritage plus certain de l’époque helvéto-romaine s’
est
transmis à la Suisse médiévale et régionale. Les pagi jouissaient che
72
vants une diversification d’une autre sorte : à l’
est
s’implanteront des dialectes germaniques, à l’ouest un langage romani
73
re face aux raids des Hongrois, qui viennent de l’
est
, et aux pirates arabes qui viennent du sud. Mais bientôt la dissoluti
74
le domaine de l’actuelle Suisse, les principales
seront
les Zähringen, les Lenzbourg, les Kybourg, les Savoie, les Neuchâtel,
75
eigneurs environnants et du clergé. Le duc Conrad
est
investi par l’empereur du titre de « recteur de Bourgogne ». Son peti
76
rt sans enfants en 1218. Jamais la Suisse n’avait
été
plus proche de s’unifier sous un pouvoir quasi royal. Faut-il dater d
77
t longtemps fidèles au souvenir de leurs ducs. Il
est
curieux de replacer dans ce contexte le fait que Berne est aujourd’hu
78
ux de replacer dans ce contexte le fait que Berne
est
aujourd’hui la « ville fédérale » de la Suisse. Quant à l’héritage im
79
e fois de plus — cette fois-ci pour longtemps — l’
est
alémanisé et l’ouest latinisé, mais elle se terminera, avec le deuxiè
80
s de l’an mille, une famille dont le nom primitif
serait
Habicht commence à se manifester. Vers 1025, elle construit le châtea
81
héritages en voie de dispersion. Rodolphe Ier qui
est
né en 1218, l’année de l’extinction des Zähringen, se trouve ainsi le
82
rsque cette dynastie s’éteint elle aussi en 1263.
Est
-ce lui qui va fonder la Suisse ? Il ne s’en faudrait plus que de quel
83
forestières qui commandent les cols des Alpes, il
serait
enfin le maître et l’unificateur de l’ancien territoire des Helvètes.
84
Helvètes. Par l’astuce et la force alternées, il
est
en train d’y réussir. Il a mis le siège devant la résidence de l’évêq
85
issu d’une vieille famille de la Suisse orientale
fut
présenté à l’empereur et jugea spirituel de lui rappeler que des Habs
86
irituel de lui rappeler que des Habsbourg avaient
été
vassaux de ses ancêtres, pour certains fiefs, au xiie siècle. « Il f
87
blicaine survit à la fédération de monarchies qui
fut
le chef-d’œuvre des Habsbourg. ⁂ Les unités ou formations distinctes
88
istinctes dont on vient de rappeler la succession
furent
autant de « Suisses » avant la lettre, beaucoup plus vastes par leur
89
bourg : autant d’origines éligibles. Mais le fait
est
que les historiens de ce pays, traduisant le sentiment populaire auta
90
isse, aux yeux des citoyens qui s’en réclament, n’
est
pas avant tout un « domaine », comme le fut le royaume des Capétiens,
91
nt, n’est pas avant tout un « domaine », comme le
fut
le royaume des Capétiens, mais un régime ou une formule d’association
92
régime ou une formule d’association. L’Helvétie n’
était
guère qu’une unité de race et de géographie. Et le duché des Zähringe
93
ce et de géographie. Et le duché des Zähringen ne
fut
que l’unité territoriale imposée par une dynastie. Mais la Suisse s’e
94
oriale imposée par une dynastie. Mais la Suisse s’
est
constituée comme un système d’unions jurées, garantissant des liberté
95
es, garantissant des libertés particulières. Ce n’
est
pas l’ambition de créer une puissance collective et d’étendre ses bas
96
pleine de sens se réfère. ⁂ Le cadre de l’action
est
le Saint-Empire. Le lieu, une région très réduite, au sommet de cet a
97
partie méridionale de l’Empire. Les protagonistes
sont
l’empereur, les Habsbourg et les Waldstätten. La péripétie initiale e
98
bsbourg et les Waldstätten. La péripétie initiale
est
fournie par l’aménagement, dès le début du xiiie siècle, de la route
99
termes au xviiie siècle : Le passage du Gothard
est
une de ces créations étonnantes qui prouvent jusqu’à quel point les e
100
large et ordinairement en a douze ou quinze ; il
est
pavé dans la plus grande partie de sa longueur en quartiers de granit
101
de sa longueur en quartiers de granit, et semble
être
un ruban jeté négligemment sur les montagnes qu’il franchit. Arrêton
102
un torrent qu’enjambe le pont du Diable. Vers l’
est
et vers l’ouest deux routes de col commencent la vallée du Rhin par l
103
elques vers disent avec simplicité ce sentiment d’
être
au cœur de l’Europe qui ne manque pas de m’émouvoir chaque fois que j
104
de ce lieu où l’hiver Demeure au cœur des mois d’
été
: Ce lieu de glace, et de rocs noirs, et de cieux noirs, Où, dans le
105
ncontrent La Germanie et Rome.4 ⁂ En ce lieu se
sont
noués les destins de la Suisse, au xiiie siècle. Voyons les personna
106
rame. Frédéric II, dernier empereur Hohenstaufen,
est
aux prises avec Rome et le parti des papes, mais aussi avec les grand
107
des papes, mais aussi avec les grands vassaux qui
sont
en train de se tailler des souverainetés héréditaires aux dépens de l
108
possédant la terre en indivision. Ces communautés
sont
régies par des assemblées régulières groupant nobles, libres et serfs
109
te un intérêt particulier pour les souverains qui
tiennent
à garder libre de toute intervention des seigneurs locaux la route la
110
où les Habsbourg ont acquis quelques terres. Il
est
possible et même probable que ces petites communautés aient noué cert
111
en 1273, au moment de l’élection de Rodolphe. Il
est
certain que leurs libertés se voient garanties par l’Empire à proport
112
proche ennemi des privilèges impériaux, soudain,
sont
confondus en un seul homme. Ce court-circuit allume les feux sur la m
113
prit gaulois », the gallic wit. Mais les Helvètes
étaient
Gaulois. Cf. l’emploi du terme « Albion », le plus vieux nom de l’Ang
114
Épilogue de A. O. Barnabooth. 5. À cette époque,
sont
déjà « villes impériales » Soleure, Schaffhouse, Saint-Gall et Zurich
115
« La Suisse
est
née de la révolte de pâtres libertaires contre le despote autrichien6
116
ibertaires contre le despote autrichien6 » Quel
est
l’état social des Waldstätten, au moment du drame initial qui les opp
117
ominantes sociales. Les trois classes principales
sont
la noblesse, les libres et les serfs. La première domine en Uri, la s
118
s de la population de l’Obwald et du Nidwald. Que
sont
les libres ? Des propriétaires et paysans ne relevant pas des seigneu
119
et paysans ne relevant pas des seigneurs, et qui
sont
ou se disent socialement les égaux de la noblesse, laquelle se marie
120
t ailleurs en décadence et glissant au servage, s’
est
maintenue d’une manière exceptionnelle dans ce petit coin de l’Empire
121
elui des libres. Dans l’ensemble, les Waldstätten
sont
donc l’une des populations les plus riches en privilèges de toutes ce
122
s Lenzbourg, et enfin les Habsbourg. Ces derniers
sont
notamment avoués impériaux du couvent d’Einsiedeln, près de Schwyz, e
123
es, tentent de gouverner le pays. Or, ces baillis
sont
presque tous choisis dans la classe des ministériaux, fonctionnaires
124
ministériaux, fonctionnaires du dynaste et qui ne
sont
souvent que des serfs récemment faits chevaliers. Tels sont les éléme
125
nt que des serfs récemment faits chevaliers. Tels
sont
les éléments du conflit décisif. Les Waldstätten respectent les Habsb
126
if. Les Waldstätten respectent les Habsbourg, qui
sont
en somme « du pays », sinon précisément des vallées alpestres. Mais i
127
ole très concret de leur mission commune : ils en
sont
la grand-garde pour l’Empire, contre les entreprises des féodaux. Et,
128
istériaux : c’est une question d’honneur, et ce n’
est
pas du tout une réaction de « démocrates ». Un « libre » ne saurait ê
129
action de « démocrates ». Un « libre » ne saurait
être
jugé par un bailli fraîchement issu de la servitude, et qui au surplu
130
mte Rodolphe. Seul, ce second motif de résistance
est
expressément invoqué dans le pacte de 1291. Ce que les Waldstätten re
131
acte de 1291. Ce que les Waldstätten refusent, ce
sont
les juges « étrangers à leurs vallées ». Ce qu’ils défendent, ce sont
132
angers à leurs vallées ». Ce qu’ils défendent, ce
sont
leurs privilèges, plus denses ici qu’ailleurs, et qui équivalent à de
133
du mot. Revenons à nos trois protagonistes. Où en
sont
-ils en 1291 ? Certes, on ne peut accuser Rodolphe d’avoir abusé de se
134
odolphe d’avoir abusé de ses pouvoirs. Il n’a pas
été
un despote. Il a maintenu les libertés des Waldstätten, qui l’ont mêm
135
Styrie, la Carinthie, et leur centre de gravité n’
est
plus l’Argovie proche, mais Vienne. S’il leur prenait envie de mêler
136
e ou une vingtaine d’années auparavant. Cet acte
étant
resté longtemps secret, il faut bien croire qu’il n’a pas résulté de
137
et ont fait rédiger le pacte en bon latin. Quels
sont
ces chefs ? Le pacte du 1er août 1291 ne porte aucune signature, auc
138
paysans libres et des grands propriétaires — ils
étaient
donc, socialement parlant, d’une classe supérieure à celle de la peti
139
: ces Erstfeld, à leurs débuts de simples serfs,
étaient
devenus en 1291 ce que nous appelons aujourd’hui des « nouveaux riche
140
ujourd’hui des « nouveaux riches ». Ces hommes ne
sont
en aucune manière des aventuriers, des révoltés, des révolutionnaires
141
illeurs, parmi les gens des Waldstätten, beaucoup
étaient
« sortis », avaient porté les armes au service des empereurs, fait en
142
n effet, les Habsbourg, à cette date, peuvent-ils
être
considérés comme « Autrichiens » ? Ils le sont encore moins, aux yeux
143
ls être considérés comme « Autrichiens » ? Ils le
sont
encore moins, aux yeux de leurs vassaux et des chefs des vallées alpe
144
des chefs des vallées alpestres, que Bonaparte ne
sera
Français aux yeux des Corses. Il n’y a pas, en cette fin du xiiie si
145
au pacte ainsi restituées dans leur réalité — qui
est
quasi le contraire de la légende et des images populaires — considéro
146
science de la Suisse, 1939, p. 191-193. 10. Ce n’
est
guère que dans la seconde moitié du xive siècle que les villes de Be
147
ch en 1386. Mais à Sempach encore, l’armée du duc
est
composée de chevaliers des régions actuellement suisses.
148
é la Suisse » À strictement parler, la Suisse n’
est
un État que depuis 1848 (si l’on néglige l’éphémère République helvét
149
vallées originelles, et cependant elle n’a jamais
été
dissoute11 ! Aucune autre communauté n’y est jamais entrée, ne l’a ja
150
mais été dissoute11 ! Aucune autre communauté n’y
est
jamais entrée, ne l’a jamais signée, mais les alliances et ligues ult
151
gnée, mais les alliances et ligues ultérieures se
sont
formées à son image, dans son esprit, avec sa participation, et sans
152
elle. Jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’elle s’
est
en quelque sorte évanouie dans le succès final de sa formule : la Sui
153
traités dans un état de paix et de tranquillité.
Soit
donc notoire à tous que les hommes de la vallée d’Uri, la commune de
154
x d’argent ou de quelque autre manière, ou qui ne
serait
indigène ou habitant de ces contrées. Si quelque discorde venait à s’
155
érés se déclareraient contre lui. En outre, il a
été
convenu que celui qui, frauduleusement et sans provocation, en tuerai
156
usement et sans provocation, en tuerait un autre,
serait
, au cas qu’on se saisît de lui, puni de mort selon son mérite ; et s’
157
les fauteurs et receleurs d’un tel criminel, ils
seront
bannis des vallées jusqu’à ce qu’ils aient été dûment rappelés par le
158
seront bannis des vallées jusqu’à ce qu’ils aient
été
dûment rappelés par les confédérés. Celui qui, de jour ou de nuit, au
159
ait posséder dans les vallées serviront, comme il
est
juste, à indemniser le lésé. En outre, personne ne doit prendre un ga
160
Et chacun doit obéir à son juge et indiquer, s’il
est
besoin, quel est dans le pays le juge à l’autorité duquel il est soum
161
éir à son juge et indiquer, s’il est besoin, quel
est
dans le pays le juge à l’autorité duquel il est soumis. Et si quelqu’
162
l est dans le pays le juge à l’autorité duquel il
est
soumis. Et si quelqu’un refusait obéissance au jugement, au point de
163
stance à l’un des confédérés, tous les confédérés
seraient
tenus de contraindre le contumace à donner satisfaction. En cas de gu
164
l’un des confédérés, tous les confédérés seraient
tenus
de contraindre le contumace à donner satisfaction. En cas de guerre o
165
er à perpétuité. En foi de quoi le présent acte a
été
dressé, à la requête des prénommés, et muni des sceaux des trois comm
166
Seigneur 1291, au commencement d’août. Le style
est
beau, de fière et franche allure, les mots calligraphiés et abrégés d
167
en latin, pour les peuples des trois vallées, eût
été
pour le moins problématique dans une situation de révolte. Il est cla
168
s problématique dans une situation de révolte. Il
est
clair qu’il s’agit d’autre chose que d’une conjuration de maquisards.
169
col du Gothard que l’esprit des communes urbaines
est
venu féconder leur civisme, tardivement certes, mais pour plus longte
170
e fin du xiiie siècle, le mouvement des communes
est
en déclin, comme tant d’autres élans profonds du Moyen Âge. On a pu é
171
onds du Moyen Âge. On a pu écrire que la Suisse «
est
le seul monument qui ait survécu au combat pour l’idée communale, idé
172
itions fondamentales d’une authentique fédération
sont
réunies : diversité des communautés contiguës, volonté d’autonomie de
173
érieur au gouvernement de chaque groupe : il n’en
est
pas question dans le texte du pacte, et il n’en sera pas davantage qu
174
t pas question dans le texte du pacte, et il n’en
sera
pas davantage question au cours des cinq siècles suivants. Les Ligues
175
au cours des cinq siècles suivants. Les Ligues ne
seront
donc qu’une confédération, une « Suisse des patries » ou des États, j
176
Waldstätten n’ont pas d’autre unité que celle qui
tient
à leur mouvance directe de l’Empire (donc au Gothard), à leur commune
177
es « Ligues de la Haute-Allemagne », et ses chefs
seront
nommés dans les traités « ces Messieurs des Ligues ». Toutefois, dans
178
des confédérés, du nom de ceux d’entre eux qui se
sont
signalés par leur valeur guerrière à Morgarten13. Plus tard encore, l
179
jamais « adhéré » au pacte de 1291, et n’a jamais
été
requise de le signer pour devenir membre de la Confédération. Cette c
180
ur d’une fédération progressive. Le pacte de 1291
est
demeuré longtemps secret. On s’y réfère lors du renouvellement — qui
181
ecret. On s’y réfère lors du renouvellement — qui
est
aussi la première proclamation — de l’alliance des Waldstâtten au len
182
lu ce document, vénéré par la Suisse moderne. Il
est
certain que les historiens, jusqu’à Gleser, ont ignoré son existence.
183
nce de la Suisse au serment légendaire qui aurait
été
juré sur la prairie du Grütli vers 1304 par trois (ou trente-trois) p
184
ée au débouché nord-ouest de la route du Gothard,
est
la première commune urbaine qui « entre en confédération », avec les
185
le pas pu signer le pacte ? C’est parce qu’elle n’
est
encore qu’un fief Habsbourg, tandis que les Vallées relèvent de l’Emp
186
s nouveaux, autant de pactes ad hoc. Pourtant, il
est
frappant que l’on retrouve dans toutes ces alliances inégales les pri
187
ie de l’administration et de la justice. L’esprit
est
bien le même, parfois la lettre. Qu’on en juge par cette page d’un ch
188
ui bon lui semble, mais seulement à celui qui lui
est
allié de façon spéciale. Car chaque canton n’est pas allié avec tous
189
est allié de façon spéciale. Car chaque canton n’
est
pas allié avec tous les autres. (Zurich, par exemple, était allié au
190
llié avec tous les autres. (Zurich, par exemple,
était
allié aux six cantons du centre d’une part, à Berne de l’autre ; Bern
191
’ermitage, ou en un lieu nommé Kienholtz, et s’il
est
question d’un fait qui touche les Bernois, par exemple, ils avisent e
192
cours. Leur alliance porte notamment que ceux qui
sont
appelés au secours n’useront d’aucune fraude et tromperie, ni d’excus
193
ouvoir. Et comme il pourrait arriver qu’un canton
soit
assailli tellement à l’improviste que l’ennemi tiendrait tous les pas
194
it assailli tellement à l’improviste que l’ennemi
tiendrait
tous les passages, et par conséquent le canton n’aurait aucun moyen d
195
et ordonné par exprès qu’en tel cas, et lorsqu’il
sera
besoin d’avoir prompt secours, tous les cantons confédérés aideront d
196
érés aideront de toutes leurs forces, comme s’ils
étaient
nommément appelés… Ceux qui sont appelés au secours viennent à leurs
197
, comme s’ils étaient nommément appelés… Ceux qui
sont
appelés au secours viennent à leurs dépens sans aucun gage. Seule l’a
198
de ces derniers dans l’Oberland, que les Bernois
sont
en train de conquérir sur des seigneurs locaux. La confédération des
199
enant de Sempach, en 1393, les droits des membres
sont
égalisés. Dès 1412, les trois Waldstätten entreprennent la conquête d
200
on importante dans le pays. Les régions conquises
sont
décrétées « bailliages communs » et seront désormais gouvernées par c
201
onquises sont décrétées « bailliages communs » et
seront
désormais gouvernées par certains des cantons mais non par tous. C’es
202
situés en Suisse. En 1418, les cantons du centre
sont
rattachés « pour toujours » à l’Empire, cependant que le droit de gla
203
e le droit de glaive et de haute juridiction leur
est
conféré. À la fin du xve siècle, les éclatantes victoires sur Charl
204
issions nouvelles dans le lien confédéral, lequel
est
mis à rude épreuve par quatre guerres civiles entre catholiques et pr
205
savoyardes du Léman à l’ouest. Ces territoires ne
seront
jamais récupérés. La Franche-Comté, alliée des Suisses depuis deux si
206
-Comté, alliée des Suisses depuis deux siècles, n’
est
pas défendue contre Louis XIV, et là encore, comme il en adviendra pl
207
mbre de pays associés ou sujets. Le cas de Genève
est
le plus scandaleux : cette ville ayant demandé d’adhérer aux Ligues,
208
s’allient contre elle avec le duc de Savoie, qui
est
finalement vaincu mais par la seule ténacité des Genevois, lors de la
209
. C’est malgré eux que la Suisse une et diverse s’
est
constituée… à partir d’eux et de leur pacte fondamental ! La secousse
210
de ces trois États, principauté dont le souverain
est
le roi de Prusse, ne deviendra-t-il tout à fait « suisse » qu’après u
211
ution instaurant le régime républicain ; et ce ne
sera
qu’en 1848, année qui vit la grande mutation des Ligues en État fédér
212
ours plus large ; mais ses motifs et sa nécessité
sont
évidents dès que l’on admet qu’au contraire ces États ne se liguaient
213
différents ! Leur solidarité avait pour raison d’
être
non la puissance collective, mais l’autonomie de chacun. D’où les cla
214
siècle : assistance automatique de tous si l’un
est
attaqué ; garantie du régime interne de chaque membre ; arbitrage obl
215
s spirituelles ou temporelles —, puisque le but n’
est
pas de devenir uniformes, mais au contraire de demeurer chacun soi-mê
216
droits et des obligations. Il y a aussi — et ce n’
est
guère moins paradoxal — une tendance toujours plus prononcée vers ce
217
toute alliance en tant que fédérale. Quelles que
soient
l’étendue d’un État, sa richesse, sa population et sa puissance milit
218
esse, sa population et sa puissance militaire, il
est
tenu pour l’égal en qualité de tout autre État dans l’alliance. Il en
219
, sa population et sa puissance militaire, il est
tenu
pour l’égal en qualité de tout autre État dans l’alliance. Il en résu
220
rester comme il veut, mais il y a des manières d’
être
qui se révèlent à la longue incompatibles avec les conditions de tout
221
isses vers l’État que nous connaissons, tout ne s’
est
pas opéré en vertu d’une impeccable dialectique interne, exemplaireme
222
lis, et rien ne porte à croire que ces baillis se
soient
montrés beaucoup moins durs que le Gessler de la légende de Tell — lé
223
le Gessler de la légende de Tell — légende qui s’
est
formée d’ailleurs à l’époque même où les « Schwyzer » conquéraient le
224
ion de vingt-cinq États à la Constitution de 1848
fut
préparée par une série de petites révolutions locales qui unifièrent
225
er à un ennemi commun. Mais l’histoire suisse qui
est
, après tout, celle de la seule fédération réussie jusqu’ici en Europe
226
égalisation des régimes et des droits, voilà qui
est
vrai, mais au départ on a pris les États tels qu’ils étaient. Point d
227
i, mais au départ on a pris les États tels qu’ils
étaient
. Point d’autres préalables à l’union que le respect des libertés et c
228
t des Ligues suisses, dès la fin du xive siècle,
sont
entièrement indépendants du destin des Habsbourg devenus Autrichiens,
229
in des Habsbourg devenus Autrichiens, et qui n’en
seront
pas moins alliés des Ligues à la veille des guerres de Bourgogne. Le
230
u renouvelées, chaque fois que l’autonomie locale
est
menacée par un plus grand, que ce soit un monarque, un État, ou même
231
omie locale est menacée par un plus grand, que ce
soit
un monarque, un État, ou même un frère confédéré. On cherche alors l’
232
e alors l’appui des voisins autonomes, — ceux qui
sont
disposés à vous aider sans nul désir de vous assimiler, et à charge d
233
passion de l’autonomie et des libertés politiques
fut
longtemps liée chez eux à la passion des armes, ou disons plus crûmen
234
tout traité d’une nature politique entre cantons
sont
interdits. » Le Pacte de 1291 était donc tombé en désuétude, puisque
235
entre cantons sont interdits. » Le Pacte de 1291
était
donc tombé en désuétude, puisque nul n’a jugé nécessaire de relever q
236
puisque nul n’a jugé nécessaire de relever qu’il
était
incompatible avec la lettre de cet article 7. 12. Cf. Ernest Gagliar
237
e, livre II, chap. 1er. 13. Les hommes de Schwyz
étant
réputés pour leur brutalité dans les combats, leur nom sera d’abord u
238
és pour leur brutalité dans les combats, leur nom
sera
d’abord un sobriquet infligé aux alliés de ces « bêtes sauvages, plut
239
Simler se demande si la « louable Confédération »
est
un État, et il répond oui, en ce sens que ses parties sont unies par
240
tat, et il répond oui, en ce sens que ses parties
sont
unies par un sentiment commun ; non en ce sens qu’elles manquent d’in
241
« toute l’Europe » sur la réalité confédérale. Il
est
aussitôt traduit en allemand, en français, en hollandais, et connaît
242
Ce « petit peuple pacifique… » S’il
est
juste d’attribuer après coup la naissance de la Suisse à un pacte sec
243
es moines et pillèrent son trésor. Si bien qu’ils
furent
frappés deux fois d’excommunication collective et d’interdit, et enfi
244
de l’Empire. D’autre part, les trois Waldstätten
étaient
en conflit permanent avec leurs voisins immédiats, Lucerne et Zurich
245
e pour le compte des Habsbourg d’Argovie, l’enjeu
étant
le trafic du Gothard. À bout de patience et sûr de sa victoire, Léopo
246
nce. Tout d’un coup, sa tête et son arrière-garde
sont
clouées sur place par des avalanches de pierre et de troncs d’arbre.
247
s lourdes armures, mille-cinq-cents gentilshommes
sont
massacrés, tandis que l’infanterie prend la fuite. « Ce ne fut pas un
248
, tandis que l’infanterie prend la fuite. « Ce ne
fut
pas une bataille, mais comme une boucherie des gens du duc Léopold »,
249
nce des Waldstätten, révélée par ce coup d’éclat,
est
publiquement annoncée à Brunnen. Désormais, vassaux et clients des Ha
250
pays. (Car il faut préciser que l’armée du duc n’
était
pas composée d’« Autrichiens », mais de seigneurs et de bourgeois des
251
péfiante de campagnes victorieuses. Les Habsbourg
sont
chassés du pays à la suite des batailles de Sempach et de Næfels, Cha
252
ation de Louis XI et du duc Sigismond d’Autriche,
est
battu à Grandson et à Morat, tué à Nancy. Enfin l’empereur Maximilien
253
impôts et reconnaissent les tribunaux impériaux,
est
vaincu lors des guerres de Souabe. Ayant ainsi rejeté (dès 1499) leur
254
succès de leurs ambitions. La puissance militaire
est
là, mais l’État fédéral n’existe pas. Les Suisses n’ont pas la politi
255
u Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ! Ici doit
être
notre cimetière ! » s’est écrié le landamman de Zoug bénissant l’avan
256
aint-Esprit ! Ici doit être notre cimetière ! » s’
est
écrié le landamman de Zoug bénissant l’avant-garde à genoux ; puis il
257
ec François Ier un traité de paix perpétuelle qui
sera
respecté durant près de trois siècles. Les Suisses perdent Milan mais
258
idées de la guerre, de l’armée et de l’ennemi ne
sont
plus celles du xvie siècle. La guerre, en ces temps reculés, n’était
259
xvie siècle. La guerre, en ces temps reculés, n’
était
pas encore l’explosion contrôlée et hautement organisée de la passion
260
autant ou plus que militaires, tels que peuvent l’
être
les fascistes, les communistes ou les capitalistes, selon le régime d
261
pays où le hasard les a fait naître. La guerre n’
était
encore au xvie siècle qu’un sport brutal mais noble et même presque
262
a tauromachie nous donne quelque idée. L’ennemi n’
était
encore que l’adversaire désigné par les conventions d’un jeu complexe
263
l ou même dans l’équipe nationale d’un pays qui n’
est
pas le leur, sont plus chers qu’un tableau de Picasso, qu’une créatio
264
équipe nationale d’un pays qui n’est pas le leur,
sont
plus chers qu’un tableau de Picasso, qu’une création de Stravinsky, e
265
ourgogne, moins d’un demi-siècle auparavant. Ce n’
est
pas la puissance militaire, nous l’avons vu, qui a fait défaut aux gr
266
s l’ont d’abord subie, non sans rechigner. Car il
est
clair qu’elle va créer dans ce peuple guerrier une pénible dissociati
267
i qu’à la politique de compromis systématique qui
sera
désormais celle d’une Suisse neutre, correspond le phénomène compensa
268
compensatoire du service étranger. On voit qu’il
serait
bien insuffisant de l’expliquer par des raisons purement économiques,
269
isses — encore qu’il ait rapporté aux cantons des
sommes
telles qu’un de nos historiens admet qu’elles sont « incalculables au
270
mes telles qu’un de nos historiens admet qu’elles
sont
« incalculables au cours actuel de l’argent19 ». Il convient d’ajoute
271
paux. Pour autant, le service étranger ne saurait
être
assimilé à un commerce, à une espèce de traite du sang. Les troupes s
272
g. Les troupes suisses au « service de France » n’
étaient
nullement des corps de mercenaires. La Diète avait signé avec le roi
273
ions ». Les cantons ou certaines familles suisses
étaient
autorisés à lever des troupes dans le cadre de ces traités, et ces tr
274
m de leur colonel. Les premiers souverains alliés
furent
les rois de France. Le régiment Pfyffer, recruté à Lucerne, sauva Cha
275
d’ailleurs celle du pape, jusqu’aujourd’hui. Ils
furent
donc les derniers à protéger Louis XVI contre l’émeute populaire, le
276
ons tragiques. On a vu que les Suisses de Milan s’
étaient
retirés devant ceux de Louis XII, et de même, à la veille d’Ivry, en
277
aite honorable à ceux de leurs compatriotes qui s’
étaient
engagés dans les rangs de la Ligue. Mais déjà en 1709, à Malplaquet,
278
d’une fantaisie exubérante — pas deux pareils ! —
sont
humiliés par l’uniforme qui leur est imposé, livrée de valets. Ces an
279
pareils ! — sont humiliés par l’uniforme qui leur
est
imposé, livrée de valets. Ces anciens « libres » supportent mal la ré
280
fficiers nobles et troupiers. L’esprit d’aventure
est
frustré. La bravoure et l’exploit individuel sont portés au compte du
281
est frustré. La bravoure et l’exploit individuel
sont
portés au compte du « drapeau », qui est celui d’une nation étrangère
282
ividuel sont portés au compte du « drapeau », qui
est
celui d’une nation étrangère. Le butin personnel que les grands halle
283
hallebardiers faisaient porter par leur valet, n’
est
plus qu’un vol. Le sport des armes est devenu routine sans gloire. Le
284
r valet, n’est plus qu’un vol. Le sport des armes
est
devenu routine sans gloire. Le coup de grâce sera donné par la Révolu
285
est devenu routine sans gloire. Le coup de grâce
sera
donné par la Révolution française. Car, désormais, ce n’est plus le d
286
par la Révolution française. Car, désormais, ce n’
est
plus le déchaînement de l’instinct combatif qui sera le moteur de la
287
t plus le déchaînement de l’instinct combatif qui
sera
le moteur de la guerre, ni l’honneur sa seule justification morale. L
288
’honneur sa seule justification morale. Le soldat
sera
censé combattre « pour la nation », et le « sentiment national », obl
289
« sentiment national », obligatoire et vertueux,
sera
sans cesse évoqué pour soutenir son moral. Que peuvent devenir les Su
290
6 novembre 1812. Treize mois plus tard, la Suisse
est
occupée par l’armée autrichienne du maréchal Bubna. Le régime imposé
291
du maréchal Bubna. Le régime imposé par Napoléon
est
abrogé, l’ancienne confédération restaurée. En 1815, les régiments su
292
rance reçoivent l’ordre de rentrer au pays. Et il
est
vrai que, dès 1816, les cantons s’empressent de signer de nouvelles c
293
it souverains, mais le noyau d’une armée fédérale
est
créé : chaque canton doit fournir des effectifs égaux à 2 % de sa pop
294
ns protestants. Un an plus tard, l’État fédératif
est
proclamé. La Constitution de 1848, dans ses articles militaires, comm
295
militaires, commence par déclarer : « Il ne peut
être
conclu de capitulations militaires » (art. 11). À cette exécution som
296
une armée fédérale dans le vrai sens du terme. Ce
sera
une force unifiée (condition d’efficacité) mais formée de contingents
297
espect de l’autonomie des États membres). Elle ne
sera
pas permanente, car on se méfie d’une caste militaire et l’on ne veut
298
at fédéral un pouvoir dont il puisse abuser. Elle
sera
donc une armée de milices, formée de tous les citoyens en état de por
299
du pays. Car il ne peut s’agir que de défense. Il
est
intéressant de remarquer qu’en se donnant une armée unifiée, garantis
300
a première fois, depuis Marignan, la neutralité n’
était
plus pour elle une nécessité imposée par l’absence de cohésion des Ét
301
c’est à défendre la neutralité que l’armée allait
être
destinée ! Situation inverse de celle que nous avons vue résulter de
302
lus haut en parlant des guerres d’Italie. Elle ne
sera
plus la parade héroïque, la fête et l’aventure, le déchaînement des v
303
, mais, en contraste radical avec tout cela, elle
sera
d’abord une école : école de discipline, de service uniformisant, et
304
vice d’un État solidement fédéré, que les Suisses
sont
devenus ce que l’on croit à tort qu’ils ont toujours été : le peuple
305
enus ce que l’on croit à tort qu’ils ont toujours
été
: le peuple pacifique par excellence. En fait, ils n’ont plus combat
306
par régiments entiers dans toute l’Europe, ils se
sont
mis à exporter des idées pacifiantes et humanitaires, des arbitres, d
307
uant aux hallebardiers de la Renaissance, ils ont
été
rassemblés au musée de Bâle : le Suisse moyen ne les y regarde pas sa
308
naissent plus les Suisses. 17. La même tactique
sera
utilisée par les Finlandais, en 1940, contre les colonnes de blindés
309
cèrent à porter tout autre titre de ceux qui leur
furent
décernés, avant et après ce haut fait. Un jour, dans la foule des cou
310
et s’approchant de lui : « Je sais, dit-il, vous
êtes
M. de Pfyffer. Mais songez que je ne suis pas seul ici, il y a des da
311
l, vous êtes M. de Pfyffer. Mais songez que je ne
suis
pas seul ici, il y a des dames… » 21. Un exemple : « D’après une éva
312
tome I, p. 415). En 1748, soixante mille Suisses
sont
en service à l’étranger, chiffre énorme pour l’époque. 22. Quant aux
313
is Lefort crée la flotte russe, l’Argovien Eberle
est
à la tête de la marine des États-Unis en 1923, etc. 23. Cette derniè
314
s en 1923, etc. 23. Cette dernière disposition n’
est
pas sans évoquer l’ancienne tradition germanique, qui veut que l’homm
315
tradition germanique, qui veut que l’homme libre
soit
celui qui a le droit de porter l’épée.
316
la structure sociale n’a rien d’égalitaire. S’il
est
vrai que les trois classes participent à la Landsgemeinde, chacune ga
317
ueur faire remonter l’égalitarisme actuel, qui en
est
peut-être la dégradation inévitable au sein d’une société moins struc
318
et le feu à leurs châteaux, la dynastie virtuelle
est
écrasée. Toutes les têtes qui se sont élevées un peu trop haut, chez
319
ie virtuelle est écrasée. Toutes les têtes qui se
sont
élevées un peu trop haut, chez les confédérés, ont été bientôt abattu
320
levées un peu trop haut, chez les confédérés, ont
été
bientôt abattues : Waldmann, Zwingli, Schiner, Jenatsch, cent autres
321
ent autres moins fameux mais dont l’autorité n’en
fut
pas moins brutalement rabaissée, pour avoir été plus sensible dans le
322
n fut pas moins brutalement rabaissée, pour avoir
été
plus sensible dans leur petite communauté. Certes, Calvin a pu domine
323
nève — non sans provoquer des révoltes —, mais il
était
Français, chef d’Église en Europe, et Genève en ce temps n’était pas
324
chef d’Église en Europe, et Genève en ce temps n’
était
pas encore suisse. Ainsi tout au long de notre histoire joue ce réfle
325
out au long de notre histoire joue ce réflexe qui
est
l’une des composantes essentielles d’une structure fédéraliste, et ce
326
aujourd’hui le suffrage universel.) Le phénomène
est
bien connu des ethnographes, qui l’étudient de préférence dans les îl
327
ies féodales avant le Pacte. Ces grandes familles
sont
toutes éteintes, sauf une, qui a compris, dès avant Morgarten, que la
328
ette époque subsistent encore parmi nous. Quelles
sont
alors les origines de la noblesse qui gouverna la plupart des cantons
329
as, « qu’il n’y a pas de noblesse en Suisse »… Il
est
vrai qu’en un certain sens il n’y a pas de noblesse « suisse », créée
330
portés par des familles actuellement suisses ont
été
conférés par des princes étrangers, surtout français, allemands et au
331
oin de là. Jusqu’au milieu du xive siècle24, ils
étaient
le nom d’une fonction, puis d’un fief. Sous les royautés absolues, il
332
uis d’un fief. Sous les royautés absolues, ils ne
seront
plus guère que des distinctions distribuées à la manière des croix et
333
oviennent du service étranger : c’est dire qu’ils
furent
donnés à des officiers déjà nobles, ou en tout cas, appartenant à des
334
marquant ainsi que l’aristocratie dont il s’agit
est
avant tout un patriciat, qu’elle est donc définie par le rôle effecti
335
nt il s’agit est avant tout un patriciat, qu’elle
est
donc définie par le rôle effectif qu’une famille a joué dans sa cité.
336
f qu’une famille a joué dans sa cité. Or, ce rôle
fut
aussi considérable en Suisse qu’ailleurs, quoique d’une manière souve
337
es pays voisins.) Ensuite, ce rôle de la noblesse
fut
très variable selon les cantons et les villes. Dans les Grisons, à Sc
338
elques familles dominent les vallées. Leurs chefs
sont
ceux de la commune, ils président aux assemblées et aux conseils, com
339
ets. Dans ces quatre républiques, le gouvernement
est
donc dès les débuts rigoureusement aristocratique, en ce sens qu’il e
340
s rigoureusement aristocratique, en ce sens qu’il
est
l’apanage de plus en plus héréditaire d’un petit nombre de familles,
341
etit nombre de familles, nobles ou non. Neuchâtel
est
un cas spécial, à cause des princes. Le château qui domine la petite
342
hâteau qui domine la petite ville en pierre jaune
fut
celui des rois de Bourgogne transjurane, au xe siècle, puis des comt
343
église collégiale. Les Orléans-Longueville qui en
furent
les souverains dès 1529, s’étant éteints en 1707, quinze prétendants
344
gueville qui en furent les souverains dès 1529, s’
étant
éteints en 1707, quinze prétendants à la succession se présentent. Le
345
le Conseil d’État formait l’exécutif. Ses membres
étaient
choisis dans une vingtaine de familles presque toutes « reconnues » o
346
ime très particulier de monarchie républicaine ne
fut
renversé qu’en 1848. À Genève, Zurich et Bâle, anciennes villes libre
347
e façade. Casa Battista, Casa Max, Casa Antonio :
était
-ce entre gens de la famille qu’on donnait à chacune le prénom du cous
348
eur, car vous pouvez y entrer — celle de Battista
est
devenue un hôtel, celle de Max un musée d’art populaire grison — vous
349
lle de Max un musée d’art populaire grison — vous
serez
saisi par l’atmosphère à la fois fastueuse et rude des hautes salles
350
nt le centre de chaque étage et autour desquelles
sont
disposées les chambres. Escalier aux marches de granit noir. Panoplie
351
s des Salis au fronton de ces amples demeures qui
tiennent
toujours un peu de la maison forte paysanne, du palais Renaissance et
352
des Grisons. Chaque village de l’Engadine semble
être
né du groupe des grandes demeures portant les armes d’une même famill
353
urent la place principale : ainsi Zuoz et Samedan
sont
dominés par les Planta ; La Punt par les Albertini ; Scanfs par les P
354
— frère de Pompée qui assassina Jürg Jenatsch et
fut
assassiné lui-même — y a fait construire une vaste église baroque sur
355
ys d’une grande violence de mœurs. Et l’admirable
est
bien qu’il en soit né un style unique d’architecture, commun aux ferm
356
olence de mœurs. Et l’admirable est bien qu’il en
soit
né un style unique d’architecture, commun aux fermes et aux palais, q
357
isons à toits de fermes ornés de pignons baroques
sont
à coup sûr celles des comtes de Reding, dynastie de Landamman 28 de c
358
alité des familles dirigeantes du xviiie siècle,
sont
bien connus, tandis que les bienfaits du régime fédéral instauré par
359
régime fédéral instauré par les radicaux de 1848
sont
indéniables. Faut-il penser que l’art et l’honnêteté civique, le goût
360
e à convertir l’autre à sa pratique car : 1° ce n’
est
qu’une pratique, précisément, on n’en tire aucune théorie ; 2° le pri
361
e aucune théorie ; 2° le principe même des Ligues
est
l’autonomie de chacun. Les jacobins n’y ont rien compris : cette abse
362
que la Suisse en présente. Car dans ce pays, il n’
est
pas une seule République qui ne se soit modifiée de manière à ne pouv
363
pays, il n’est pas une seule République qui ne se
soit
modifiée de manière à ne pouvoir être confondue avec aucune de celles
364
e qui ne se soit modifiée de manière à ne pouvoir
être
confondue avec aucune de celles du même genre29. » Gardons-nous donc
365
elon la formule de Lincoln. Mais la Landsgemeinde
est
une action sacrée, non moins qu’une pratique raisonnable tant que les
366
nous. Le refus de se laisser gouverner par autrui
est
sans doute à la base des Ligues. Nous avons vu qu’il signifiait la vo
367
sauvegarder les franchises impériales. Ce réflexe
est
antiégalitaire. Chacun veut rester comme il est, et c’est bien pour c
368
e est antiégalitaire. Chacun veut rester comme il
est
, et c’est bien pour cela qu’on entre en ligue. Mais voici le paradoxe
369
les conditions de tous, ruinant ainsi la raison d’
être
de la Ligue. Or ce second réflexe joue dans un sens égalisant. Les de
370
arfois l’une, parfois l’autre prévaut, mais elles
sont
toujours là, simultanées. Pendant les guerres de Souabe et d’Italie,
371
atricienne, les inégalités politiques et sociales
sont
codifiées et respectées avec un sérieux unanime, qui peut sembler rid
372
par choix, veut conserver son titre de noblesse,
est
exclu sans retour du nombre des éligibles au Conseil souverain ». C’e
373
lorsqu’il écrivait : « Les Suisses s’offensent d’
être
dits gentilshommes, et prouvent leur roture de race pour être jugés d
374
ntilshommes, et prouvent leur roture de race pour
être
jugés dignes des grands emplois. » De son côté, Ramond, traducteur de
375
n citoyen dont on craint l’ascendant. Il risque d’
être
jugé sur l’heure avec toute la précipitation qui caractérise les juge
376
des plus riches hommes du canton, l’autre partie
fut
distribuée par têtes. Exemples curieusement révélateurs des diversi
377
esse (des Reding et des Attinghausen très souvent
sont
élus landamman, et même parfois de père en fils), tandis qu’à Bâle, l
378
s fortunes. C’est qu’à Zoug, à Schwyz, en Uri, on
est
propriétaire paysan, tandis qu’à Bâle on est bourgeois et commerçant.
379
, on est propriétaire paysan, tandis qu’à Bâle on
est
bourgeois et commerçant. Bâle, qui a chassé son prince-évêque à la Ré
380
nger32. Cette méfiance des bourgeois au pouvoir s’
est
traduite dans la Constitution de la Suisse actuelle par un article ai
381
ements, ni titres, présents ou décorations. S’ils
sont
déjà en possession de pensions, de titres ou de décorations, ils devr
382
ctions. Toutefois les employés inférieurs peuvent
être
autorisés par le Conseil fédéral à recevoir leurs pensions. Si la cr
383
orte que le grade de colonel ; celui de général n’
étant
décerné qu’en cas de guerre, et au seul commandant en chef de l’armée
384
« Oui, mon colonel commandant de corps ! » ce qui
est
d’un effet singulier. De même, jusqu’en 1955, nos chefs de mission di
385
Dans certains cantons, la réaction démocratique a
été
jusqu’à supprimer la particule nobiliaire dans les registres d’état c
386
evendication égalitaire — le devoir pour chacun d’
être
comme tous — a remplacé l’ancien réflexe confédéral de la défense des
387
se des « libertés » traditionnelles, — du droit d’
être
chacun à sa manière. Le péché, désormais, c’est de se distinguer. Ce
388
t bourgeoises, corporatives et militaires, — ce n’
est
pas le produit d’une brusque subversion mais d’une longue évolution i
389
lon, tout à fait sui generis et que nos visiteurs
tiennent
pour « typiquement suisse », non sans quelque raison mais il convient
390
orme de nos troupes et des bâtiments fédéraux. Il
est
typique d’une certaine Suisse moderne, celle qu’un de mes instituteur
391
struction civique en ces termes : « En Suisse, on
est
tous égaux. C’est pas parce qu’il y en a qui s’amusent à mettre un de
392
: Uradel, familles féodales dont la qualité noble
est
attestée antérieurement à 1350, et Briefadel, familles anoblies par l
393
evets après cette date. 25. Le château de Blonay
est
resté propriété de la famille qui en porte le nom des origines (1175)
394
ion héréditaire des charges, etc., semblent avoir
été
encore plus scandaleuses dans certains petits cantons à Landsgemeinde
395
es qui les rattachaient aux souverains dont elles
tenaient
leurs titres et parfois leur fortune. 33. Mon instituteur eût cepend
396
commandant des Suisses au service de la France, n’
était
pas noble, et il répondit que non. Interrogé ensuite si le colonel Pf
397
ue non. Interrogé ensuite si le colonel Pfyffer l’
était
, il répliqua : « Les Pfyffer ne sont pas nobles ; ils descendent d’un
398
l Pfyffer l’était, il répliqua : « Les Pfyffer ne
sont
pas nobles ; ils descendent d’un simple tailleur, et encore n’était-c
399
ils descendent d’un simple tailleur, et encore n’
était
-ce pas un bon tailleur. — Et le comte Michel de Gruyère ? » Le curé n
400
— Et le comte Michel de Gruyère ? » Le curé ne le
tenait
pas non plus pour noble, car « le comte était sans doute un grand sei
401
le tenait pas non plus pour noble, car « le comte
était
sans doute un grand seigneur dans le pays, mais si quelqu’un s’avisai
402
n se pose : celle de leur ancienneté relative. Il
est
remarquable que la neutralité de notre pays n’ait trouvé son premier
403
historien qu’à la fin du siècle dernier34. Elle n’
est
devenue qu’au xxe siècle la maxime intangible et absolue de la polit
404
ernationaux qui la définissent et la sanctionnent
sont
les traités de Vienne et de Paris, au lendemain de la chute de Napolé
405
is, au lendemain de la chute de Napoléon. Et ce n’
est
guère « qu’au cours du xviie siècle que ce mot étranger de neutralit
406
u du bas latin et intelligible en tout pays, doit
être
entré dans l’usage des Suisses35. La neutralité suisse est donc un ph
407
dans l’usage des Suisses35. La neutralité suisse
est
donc un phénomène relativement récent en tant que doctrine, et qui ne
408
mer qu’ils aient plus qu’ailleurs prévalu. Ce qui
est
sûr, c’est que la pratique de l’arbitrage s’inscrit dans nos premiers
409
re. À cet égard, en théorie du moins, les Suisses
sont
demeurés fidèles au principe de la paix impériale, et certains veulen
410
rmes, leur mauvaise tête et leur audace brutale n’
étaient
pas moins « traditionnelles » en ce temps-là, que ne le sont aujourd’
411
ins « traditionnelles » en ce temps-là, que ne le
sont
aujourd’hui leur prudence, leur goût du compromis, leur empressement
412
aignit au retrait. D’une part, le lien confédéral
était
trop lâche, d’autre part les alliances nouées avec l’empereur, le pap
413
atibilité. Le système devait se gripper. Marignan
fut
le signal d’alarme décisif. La neutralité militaire fut au début la r
414
signal d’alarme décisif. La neutralité militaire
fut
au début la résultante d’une impuissance congénitale des Ligues à sui
415
gressif des alliances séparées. L’épreuve majeure
fut
celle de la guerre de Trente Ans. Sollicitée par Gustave-Adolphe d’un
416
ch, sur le texte de l’Apocalypse : « Parce que tu
es
tiède et que tu n’es ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche »
417
’Apocalypse : « Parce que tu es tiède et que tu n’
es
ni froid ni chaud, je te vomirai de ma bouche » ; et malgré les pamph
418
ans le conflit européen.) Cette neutralité forcée
était
encore très loin d’être une doctrine. Certes, en 1689, des membres de
419
Cette neutralité forcée était encore très loin d’
être
une doctrine. Certes, en 1689, des membres de la Diète pouvaient décr
420
peu logiques. « Vis-à-vis de moi votre neutralité
est
un mot vide de sens ! », déclarait Bonaparte aux délégués de la Diète
421
et son indépendance de toute influence étrangère
sont
dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière. On a be
422
Europe, désormais dominée par la Sainte-Alliance,
tient
au fait que la Suisse demeure inaccessible aux armées de l’Autriche c
423
aires proportionnelles aux populations : le temps
était
passé où les cantons pouvaient opposer à la France, à la Bourgogne ou
424
ion, évidemment trop remarquable pour n’avoir pas
été
délibérée ? Si l’on se reporte aux comptes rendus de la commission q
425
tralité suisse, garantie par le traité de Vienne,
était
invoquée par les Puissances pour contester à la Confédération le droi
426
r l’article 2 de la Constitution. « La neutralité
est
un moyen en vue d’un but ; elle est une mesure politique qui apparaît
427
La neutralité est un moyen en vue d’un but ; elle
est
une mesure politique qui apparaît comme bien adaptée à la défense de
428
a situation neutre. » 3° Toutefois, la neutralité
est
en effet si bien « adaptée à la défense de notre indépendance », à no
429
la neutralité suisse traditionnelle ? Elle avait
été
conçue d’une part comme pièce de l’équilibre européen, d’autre part c
430
(à l’époque de la SDN) ou de l’opposition entre l’
Est
totalitaire et l’Ouest démocratique, à l’époque des Nations unies. La
431
a posé pour condition à son entrée dans la SDN d’
être
dispensée de toute participation aux sanctions militaires que la Soci
432
aux sanctions militaires que la Société pourrait
être
amenée à décréter. Cette neutralité dite « différentielle » n’a pas r
433
lie fasciste, qui attaquait l’Éthiopie, la Suisse
est
revenue à une neutralité dite « intégrale ». Mais en 1945, par son re
434
xixe siècle et jusqu’à nous, le peuple suisse s’
est
accoutumé à tenir pour vertu morale ce qui n’était à l’origine que ta
435
jusqu’à nous, le peuple suisse s’est accoutumé à
tenir
pour vertu morale ce qui n’était à l’origine que tactique imposée par
436
’est accoutumé à tenir pour vertu morale ce qui n’
était
à l’origine que tactique imposée par les faits. Dans l’ensemble, il d
437
tous ses voisins : par deux fois, Lot le juste a
été
épargné quand Sodome et Gomorrhe étaient punies. On a dit bien souven
438
t le juste a été épargné quand Sodome et Gomorrhe
étaient
punies. On a dit bien souvent, et c’est peut-être vrai, qu’en 1914 la
439
Romands surtout ne se privèrent pas, cette guerre
était
loin d’opposer deux conceptions de l’homme et de la société dont l’un
440
le combat douteux des nationalismes en délire. Il
serait
donc excessif d’affirmer qu’elle doit à sa neutralité de s’être tenue
441
d’une guerre qui ne la concernait pas, et qu’elle
fut
ainsi protégée d’une menace que personne ne brandissait contre elle.
442
e personne ne brandissait contre elle. Tout autre
était
la situation lorsque éclata la guerre de 1939. Hitler estimait sans n
443
oute, à l’instar de Napoléon, que la neutralité n’
était
plus qu’« un mot vide de sens », et ce n’est pas elle qu’il respecta
444
n’était plus qu’« un mot vide de sens », et ce n’
est
pas elle qu’il respecta et qui le retint un seul instant de nous enva
445
a neutralité pendant les deux guerres mondiales n’
est
pas généralement acceptée par les Suisses, loin de là. Si l’on suggèr
446
la tendrait à prouver que le statut de neutralité
est
une diminution de notre souveraineté : il nous protège en somme contr
447
enne ? Je pense plutôt que l’esprit de neutralité
est
une espèce d’habitus acquis par notre peuple et par ses gouvernants d
448
s pour fédérer les cantons suisses » L’argument
est
souvent invoqué par ceux qui estiment que notre continent n’est pas m
449
voqué par ceux qui estiment que notre continent n’
est
pas mûr pour unir ses vingt-cinq nations. On déclare que la grande Eu
450
fédéralisme, loin de remonter à Guillaume Tell, n’
est
devenue bien consciente parmi nous que vers la fin du xixe siècle et
451
armi nous que vers la fin du xixe siècle et ne s’
est
vraiment déclarée qu’au premier tiers du xxe siècle. Il s’agit donc
452
u par l’opposition des petits coalisés. Si faible
était
le lien confédéral qu’il ne put empêcher les guerres civiles acharnée
453
resseur. L’un après l’autre, les États souverains
furent
soumis et pillés, deux d’entre eux annexés par la France, et tous uni
454
par la force. La volonté de rester soi-même, qui
était
la base de leurs alliances, faute d’avoir su trouver les moyens de sa
455
itutions communes ? Certes, les régimes cantonaux
étaient
pour la plupart oligarchiques, et les observateurs étrangers qui vena
456
e. On les entend dire, jusqu’à satiété, qu’ils se
sont
affranchis un jour, et qu’ils sont devenus libres. En vérité, derrièr
457
été, qu’ils se sont affranchis un jour, et qu’ils
sont
devenus libres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne sont plus
458
bres. En vérité, derrière leurs murailles, ils ne
sont
plus esclaves que de leurs lois et de leurs coutumes, de leurs commér
459
l’ancienne Suisse devait tomber parce que le ver
était
dans le fruit de la Liberté, ou pour toute autre cause morale. Ce ser
460
la Liberté, ou pour toute autre cause morale. Ce
serait
faire preuve de trop d’optimisme historique. Tous les régimes quels q
461
timisme historique. Tous les régimes quels qu’ils
soient
, bons ou médiocres, atroces ou excellents, finissent un jour, c’est-à
462
xceptionnelle du régime dit de l’ancienne Suisse,
soit
qu’on le compte en partant des premières Ligues, soit qu’on le limite
463
qu’on le compte en partant des premières Ligues,
soit
qu’on le limite à la période patricienne, ce qui nous donne encore au
464
ve pas nécessairement que les régimes des cantons
étaient
mauvais — il est d’autres raisons de les croire tels — mais à coup sû
465
que les régimes des cantons étaient mauvais — il
est
d’autres raisons de les croire tels — mais à coup sûr qu’ils n’ont pa
466
r en un seul corps les nations de notre continent
sont
bien placés pour nous répondre puisqu’ils devaient compter, recompter
467
ve, Neuchâtel, Mulhouse, les Grisons et même Vaud
étaient
reconnus comme confédérés par l’étranger, mais non par les cantons ca
468
e restait une entité vague ou douteuse, elle n’en
était
pas moins une idée exaltante. Rousseau fuyant la France absolutiste c
469
igner « Le Suisse Voltaire », bien que ses terres
soient
en France. Idée plus que réalité instituée, la Suisse d’alors est ass
470
dée plus que réalité instituée, la Suisse d’alors
est
assez comparable à notre Europe du xxe siècle. Elle joue le rôle d’u
471
uel ; et l’étranger ne saurait s’y tromper : elle
est
évidente à ses yeux, même si ses propres peuples préfèrent encore se
472
Convaincu dès 1802 que la République unitaire ne
serait
jamais un corps vivant, il déclarait en préambule à l’octroi d’une no
473
fait votre État fédératif’, vouloir la vaincre n’
est
pas d’un homme sage. » Et il ajoutait : « Songez bien à l’importance
474
portance d’avoir des traits caractéristiques ; ce
sont
eux qui, en éloignant l’idée de ressemblance avec les autres États, é
475
e processus dialectique dont le temps de synthèse
est
la fédération, se déclencha durant ces mêmes années. Un parti d’homme
476
t encore « fédéraliste ». Ni l’un ni l’autre ne l’
était
en vérité. Mais leur lutte aux succès alternés allait permettre peu à
477
e solutions non pas moyennes mais en tension, qui
sont
tout le secret du vrai fédéralisme. L’homme capital de cette période
478
de cette période où se forme la Suisse fédérale n’
est
pas un Suisse : c’est un réfugié italien, le comte Pellegrino Rossi.
479
n, bon historien de la Suisse moderne parce qu’il
fut
bon observateur de l’Europe pendant l’entre-deux-guerres : Les canto
480
ransit et doté d’un réseau de routes excellentes,
était
parvenu, par la faute de ses institutions, à se priver complètement d
481
te de 1815, à l’Europe d’aujourd’hui. Les cantons
étaient
souverains, maîtres incontestés de leur politique économique. On comp
482
déclare dans un discours qui fait du bruit : Il
est
manifeste que la grande majorité de la nation se sépare de plus en pl
483
réfugié politique au début de la Restauration, il
fut
le premier professeur catholique à l’Académie de Calvin et l’ornement
484
le nota son collègue saint-gallois à Lucerne, il
fut
le rapporteur de la commission et l’un des principaux rédacteurs du p
485
aissant que « l’idée de la souveraineté cantonale
est
toujours l’idée dominante », il n’hésite pas à préconiser la concepti
486
ssi son siège dans nos cœurs. Le nom de Suisse en
est
à lui seul la preuve ; il est à lui seul un grand fait national. Qui
487
Le nom de Suisse en est à lui seul la preuve ; il
est
à lui seul un grand fait national. Qui sommes-nous hors de nos foyers
488
e ; il est à lui seul un grand fait national. Qui
sommes
-nous hors de nos foyers, quel nom invoquons-nous, de quel nom sommes-
489
nos foyers, quel nom invoquons-nous, de quel nom
sommes
-nous fiers, quelle histoire rappelons-nous, quel est le nom de notre
490
-nous fiers, quelle histoire rappelons-nous, quel
est
le nom de notre drapeau, de nos soldats, de leur loyauté, de leur bra
491
mieux dire, il les absorbe en lui-même. Seul, il
est
pour nous, dans notre langage, la véritable antithèse de l’étranger.
492
commune… Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous
est
point étrangère ; le sentiment de la nationalité existe dans nos cœur
493
te anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il
est
impossible de méconnaître, et cette espérance que, dans un nouveau Pa
494
ent dans la Constitution de 1848. En revanche, il
est
intéressant d’indiquer les causes principales de son échec : elles dé
495
t en négatif la formule d’équilibre dynamique qui
est
la marque d’authenticité d’un régime de fédération. À gauche, on accu
496
n brandon de discorde entre les confédérés. (Tels
sont
encore les trois reproches majeurs auxquels se heurtent de nos jours
497
n qu’onze autres au moins s’y rallient, le projet
fut
abandonné par la Diète, qui n’en continua pas moins à discuter de la
498
es du Sonderbund51. Cette ultime guerre civile ne
fut
pas très sanglante et ne réveilla point de haines inexpiables, politi
499
-midi, jusqu’au 8 avril. À cette date, son projet
est
achevé. — Le 15 mai, la Diète aborde l’examen du projet et le poursui
500
oût et le 2 septembre, le peuple de chaque canton
est
appelé à se prononcer. La participation au scrutin n’atteint pas 54 %
501
re, la Diète décrète que la Constitution fédérale
est
« solennellement acceptée et déclarée loi fondamentale de la Confédér
502
17 février au 16 novembre 1848, la Constitution a
été
mise en chantier, élaborée à huis clos, adoptée par la Diète, soumise
503
e et des États, solennellement proclamée, et elle
est
entrée en vigueur sans nulle mesure de transition. Conception, gestat
504
se donc qualifier de préparatoire à la fédération
est
celle de luttes menées par les partisans d’une Suisse unie, contre le
505
s dans le détail de ses formulations, celle qui s’
est
développée au sujet de l’Europe dès le lendemain de la Seconde Guerre
506
celle qui va vers la Suisse unie, celle qui s’en
tient
aux cantons souverains — sont transposables terme à terme dans la con
507
ie, celle qui s’en tient aux cantons souverains —
sont
transposables terme à terme dans la conjoncture d’aujourd’hui et à l’
508
ère impraticable », car, à leurs yeux, les choses
étant
ce qu’elles sont, la réalité politique réside dans les cantons seuls5
509
, car, à leurs yeux, les choses étant ce qu’elles
sont
, la réalité politique réside dans les cantons seuls52. Il fallut le t
510
trer à la majorité que la « réalité politique » n’
était
plus dans le canton de papa mais dans la Suisse fédérée. Commentant l
511
t l’histoire d’un pays exigu, divers et divisé, s’
est
toujours révolté contre les exigences de la vie commune. Alors que le
512
érêts et ces préférences. La Constitution de 1848
est
la charte de la transaction dont il est né.53 Il faut souligner, en
513
n de 1848 est la charte de la transaction dont il
est
né.53 Il faut souligner, en effet, que la Constitution de 1848 ne c
514
d’États souverains. La « transaction » intervenue
est
en réalité un optimum difficilement atteint entre les maxima contradi
515
a Confédération suisse. Article 3. — Les cantons
sont
souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la con
516
s sont souverains en tant que leur souveraineté n’
est
pas limitée par la constitution fédérale, et comme tels ils exercent
517
et comme tels ils exercent tous les droits qui ne
sont
pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
518
tout traité d’une nature politique entre cantons
sont
interdits. Article 8. — La Confédération a seule le droit de déclare
519
e commerce. Dès le premier article, le paradoxe
est
là, posé dans toute sa force et clairement affirmé comme principe et
520
rincipe et comme fin de la construction : l’union
est
faite d’autonomies expressément énumérées55. Non seulement on n’a pas
521
core, cette dernière se voit garantie ! Et quelle
est
la force garante ? Celle qui naît justement de la mise en commun d’un
522
ne partie des souverainetés réaffirmées ! Le tour
est
joué, non dans les mots et les concepts, mais dans les faits. Car, en
523
cepts, mais dans les faits. Car, en fait, l’union
est
réelle et les autonomies le sont aussi. L’union est forte dans la mes
524
en fait, l’union est réelle et les autonomies le
sont
aussi. L’union est forte dans la mesure où les autonomies y contribue
525
t réelle et les autonomies le sont aussi. L’union
est
forte dans la mesure où les autonomies y contribuent, et elles y cont
526
continent, dont personne n’oserait dire qu’elle n’
est
pas souhaitable, se trouve bloqué de nos jours par un sophisme. Les p
527
nos États européens ont cessé depuis longtemps d’
être
absolues, et ne sont plus garanties par personne : ni par une autorit
528
ont cessé depuis longtemps d’être absolues, et ne
sont
plus garanties par personne : ni par une autorité supérieure (que l’u
529
er) ni par les forces propres de chaque pays, qui
seraient
anéanties en quelques heures en cas de conflit avec l’un ou l’autre d
530
autonome des nations membres, pourrait fort bien
être
assurée par une solution « suisse » et fédérale. ⁂ Comment la solutio
531
s deux réalités antagonistes sans lesquelles il n’
est
point de fédérations, l’union et les autonomies, ne sont pas supprimé
532
int de fédérations, l’union et les autonomies, ne
sont
pas supprimées, oblitérées ni mélangées, mais au contraire composées,
533
la femme se masculinise, bien au contraire. S’il
est
clair qu’il entraîne des concessions, celles-ci ne sauraient être exi
534
entraîne des concessions, celles-ci ne sauraient
être
exigées ni consenties aux dépens de la nature propre des époux, mais
535
ours renouvelées et toujours à nouveau composées,
est
la vie même d’un régime fédéral, le secret de son dynamisme équilibré
536
misme équilibré. Au sein de la Confédération, qui
est
à vrai dire une fédération et que l’on désigne en allemand par le bea
537
idgenossenschaft (communauté dans le serment), il
est
naturel et vital que les uns, à certains moments, se posent en champi
538
; et selon les régions, ou les époques, l’accent
est
mis sur l’une ou l’autre. Au cours des premières décennies, l’élan do
539
tout le pays. Les institutions fédérales qui ont
été
si rapidement mises en place, entreprennent les centralisations admin
540
sivement, les postes, les douanes et les monnaies
sont
unifiées sans difficultés. Mais les cantons se refusent longtemps à l
541
des États membres s’amenuise. Le droit et l’armée
sont
largement unifiés ; la législation sur les chemins de fer devient féd
542
la législation sociale. Le référendum législatif
est
introduit. Le droit d’initiative en matière fédérale suivra dès 1891.
543
à faire respecter les clauses de neutralité, qui
sont
du ressort fédéral. Elles ont donc pour effet de renforcer encore la
544
nouvelle du fédéralisme comme doctrine. La chose
était
sans doute ancienne, le concept apparaît nouveau. Certaines pratiques
545
vation que certains taxent de révolutionnaire. Il
est
remarquable que dans l’ancienne Suisse le terme de fédéralisme n’ait
546
ienne Suisse le terme de fédéralisme n’ait jamais
été
employé. Autant que j’aie pu le vérifier, il n’apparaît qu’en 1822, i
547
rale, déclare qu’il s’agit de savoir si la Suisse
est
un peuple, un corps politique, ou si, « exagérant les maximes fédéral
548
n constituante, en 1848, l’adjectif « fédératif »
est
constamment employé dans le sens de l’unification du pays. Tout se pa
549
te à toute idée d’« État européen unique », qu’il
tient
d’ailleurs pour irréalisable. Le mot et le concept, quoique diverseme
550
qu’elle nomme « les ukases de Berne ». Mais ce n’
est
guère qu’au xxe siècle (surtout dans les années 1920 à 1940) qu’appa
551
publiques, et cela dès les origines, encore qu’il
soit
demeuré longtemps tout empirique, et même, selon Richard Feller, « so
552
individualisme dont le collectivisme dictatorial
est
l’inévitable rançon. C’est ainsi que le fédéralisme, issu des traditi
553
oint le siècle en s’y définissant. Désormais il n’
est
plus seulement résistance au géométrisme plat de centralisateurs sans
554
nants découvriront peut-être qu’au moment où il s’
est
affirmé, au xxe siècle, face aux délires totalitaires, il était moin
555
au xxe siècle, face aux délires totalitaires, il
était
moins une survivance qu’une invention, il avait moins de passé que d’
556
Encore que la « terre de liberté » qu’il embrasse
soit
en fait celle du Pays de Vaud, assujetti par les oligarques de Berne
557
d, assujetti par les oligarques de Berne ! « S’il
est
un lieu au monde d’où la liberté d’écrire paraisse bannie c’est bien
558
se de Rossi et l’Europe actuelle n’a pas besoin d’
être
souligné : il s’impose avec une impressionnante rigueur, dès la phras
559
ins étendu de notre nationalité. » La nationalité
est
donc cantonale, non pas suisse, pour un réaliste de ce temps. Un autr
560
s’oppose à toute union suisse car « chaque canton
est
trop attaché à sa souveraineté et la regarde comme un bien trop préci
561
. « Le terme de confédération, que l’on maintint,
fut
une concession faite par la logique à la tradition », observe W. Rapp
562
t au vocabulaire politique de l’Europe. 55. Ce n’
est
pas le cas dans la constitution des États-Unis d’Amérique, moins resp
563
té commune. Rien d’étonnant si une telle pratique
est
mal connue ou mal comprise à l’extérieur, et notamment chez nos voisi
564
teurs. Un Français cultivé et qui se demande quel
est
le « vrai » sens du mot fédéralisme, recourt à son Littré, où il trou
565
ine du gouvernement fédératif. — « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
566
révolution, chap. I. Pour un Français, la cause
est
entendue : fédéraliste égale sauvage, ou traître. Pour un Suisse, c’e
567
perd la face. Essayons d’expliquer ce qui peut l’
être
, en cette affaire où le sens concret du bien public a beaucoup plus à
568
ays du continent qui existaient en 1848 ou qui se
sont
formés plus tard, soit dans la seconde moitié du xixe siècle, comme
569
istaient en 1848 ou qui se sont formés plus tard,
soit
dans la seconde moitié du xixe siècle, comme l’Allemagne et l’Italie
570
é du xixe siècle, comme l’Allemagne et l’Italie,
soit
seulement au xxe siècle, comme les États de l’Est et les Balkans, on
571
fs et fiscaux, voire judiciaires. Bref, la Suisse
est
l’exemple unique et à bien des égards paradoxal d’une fédération réus
572
itaires. Nous avons vu comment cette fédération s’
est
agencée comme d’un seul coup pendant l’année 1848, après des siècles
573
c’est-à-dire dans des conditions qui ne pouvaient
être
prévues pour la plupart à l’époque de sa mise en place. Nous sommes i
574
r la plupart à l’époque de sa mise en place. Nous
sommes
ici devant une expérience d’intérêt majeur pour l’Europe. Car l’Europ
575
r pour l’Europe. Car l’Europe qui tente de s’unir
sera
fédérale ou ne sera pas. Non que je tienne le fédéralisme pour une so
576
l’Europe qui tente de s’unir sera fédérale ou ne
sera
pas. Non que je tienne le fédéralisme pour une sorte de panacée effic
577
e s’unir sera fédérale ou ne sera pas. Non que je
tienne
le fédéralisme pour une sorte de panacée efficace en tout temps et en
578
nion, et aux formes nouvelles de civilisation qui
sont
en train de naître sous nos yeux. La commune : un petit État La
579
t État La fédération des États-Unis d’Amérique
est
née de l’union des États, comme celle de la Suisse de l’union des can
580
la Suisse de l’union des cantons, mais ceux-ci ne
sont
pas des créations abstraites délimitées au tire-ligne sur la carte et
581
sur le terrain par des procédés d’arpentage : ils
sont
nés de la lente agrégation de communes forestières et urbaines, et le
582
evoir un passeport suisse. « La naturalisation ne
sera
parfaite que lorsque le candidat aura été agréé par une commune et un
583
ion ne sera parfaite que lorsque le candidat aura
été
agréé par une commune et un canton ; c’est alors seulement qu’il sera
584
ommune et un canton ; c’est alors seulement qu’il
sera
un citoyen suisse. »56 La véritable cellule de base de la Suisse est
585
e. »56 La véritable cellule de base de la Suisse
est
donc la commune : c’est par elle que l’on entre dans la citoyenneté,
586
itoyenneté, et c’est par elle que la fédération s’
est
constituée historiquement. Les cantons sont venus plus tard, le pouvo
587
tion s’est constituée historiquement. Les cantons
sont
venus plus tard, le pouvoir fédéral en dernier lieu. « En Suisse, la
588
fédéral en dernier lieu. « En Suisse, la commune
est
un petit État », déclarait récemment le conseiller fédéral Roger Bonv
589
comptes (parfois le budget) des municipalités. Il
est
curieux de noter que la garantie des autonomies communales n’est pas
590
noter que la garantie des autonomies communales n’
est
pas prévue par la Constitution fédérale : on est tenté d’y voir la pr
591
’est pas prévue par la Constitution fédérale : on
est
tenté d’y voir la preuve que cette autonomie va de soi, aux yeux des
592
rofesseur Adolf Gasser : Le principe fédéraliste
est
à la base non seulement des relations entre la Confédération et les c
593
C’est à ces origines que nos cantons doivent de n’
être
jamais devenus des États bureaucratiques et centralisés, mais d’être
594
des États bureaucratiques et centralisés, mais d’
être
restés jusqu’à nos jours des États populaires, fondés sur le droit et
595
, fondés sur le droit et dont la première mission
est
l’administration de la justice.58 Un autre auteur, le juriste F. Fl
596
donne les ordres du pouvoir central, la commune n’
est
plus qu’un organe d’exécution et devient à son tour, comme l’observe
597
Suisse, au contraire, les droits de la commune ne
sont
limités que par la loi, jamais par les supérieurs administratifs. La
598
t le canton n’intervient qu’en appel. Ce régime s’
est
révélé particulièrement efficace dans les époques de crise (guerre de
599
itiatives locales, appuyées par la population qui
était
à même de contrôler la besogne et d’en mesurer la portée par expérien
600
ignes, caves, troupeaux). En cas d’indigence, ils
sont
secourus par la « bourgeoisie » de leur lieu d’origine, même s’ils n’
601
arable à celui des doges à Venise. (Il ne pouvait
être
choisi que dans la classe des « familles aptes à régner ».) Le présid
602
fois appelé syndic ou maire, d’une de nos villes,
est
aujourd’hui un technicien du département qu’il dirige, et n’est plus
603
i un technicien du département qu’il dirige, et n’
est
plus délégué au pouvoir par une seule classe régnante dans laquelle i
604
ir par une seule classe régnante dans laquelle il
serait
né, mais par un parti politique qu’il a choisi selon sa conviction (p
605
vue de son élection). La majesté de son pouvoir n’
est
figurée que par les deux huissiers en grande cape aux couleurs de la
606
haleur et bonhomie. Mais il sait que les temps ne
sont
plus ce qu’ils étaient, il connaît bien ses statistiques d’état civil
607
Mais il sait que les temps ne sont plus ce qu’ils
étaient
, il connaît bien ses statistiques d’état civil et le mouvement de la
608
s catégories. La tendance générale, irréversible,
est
au déracinement sans cesse accéléré, au brassage communal et cantonal
609
oir d’assimilation. Faut-il croire qu’une commune
est
semblable à un corps ? Toutes ses cellules éliminées et remplacées pé
610
’en garde pas moins son profil et ses rides. Ce n’
est
pas tout. Les plus grandes communes de Suisse, telles que Zurich (un
611
telles que Zurich (un demi-million d’habitants),
sont
en train d’adopter une politique de résistance au gigantisme. Qu’un g
612
ains soutiennent que cette course aux subventions
est
un péril plus grave que l’urbanisation et le brassage des habitants p
613
les frais de certains services trop chers et n’en
seraient
que plus libres de vivre à leur manière. Des solutions de ce genre ne
614
ivre à leur manière. Des solutions de ce genre ne
seraient
-elles pas plus réellement fédéralistes que ne l’était, en somme, l’an
615
t-elles pas plus réellement fédéralistes que ne l’
était
, en somme, l’ancien état de choses ? Les cantons et leur « souvera
616
a donc les communes, non les cantons. Ceux-ci se
sont
formés beaucoup plus tard, et de manières très diverses. Les uns ne f
617
us tard, et de manières très diverses. Les uns ne
furent
d’abord qu’une vallée des Alpes dont les propriétaires et paysans lib
618
tive, firent une commune : ainsi le Pacte de 1291
est
-il conclu entre « les gens de la vallée d’Uri, la commune de la vallé
619
e la vallée inférieure d’Unterwald ». D’autres ne
furent
d’abord que des cités libres comme Berne, ou impériales comme Zurich,
620
ture et de commerce de Genève, Saint-Gall et Bâle
furent
d’abord des terres et des cités épiscopales, rattachées à l’Empire. C
621
tres. Et Neuchâtel enfin, principauté souveraine,
fut
un État dès le haut Moyen Âge, lentement élargi aux frontières actuel
622
n d’États égaux à l’État fédéral actuel. Mais que
sont
aujourd’hui les cantons, en droit public ? Ce sont les États souverai
623
ont aujourd’hui les cantons, en droit public ? Ce
sont
les États souverains « dans la mesure où leur souveraineté n’est pas
624
ouverains « dans la mesure où leur souveraineté n’
est
pas limitée par la Constitution fédérale ; ils jouissent comme tels d
625
ls jouissent comme tels de tous les droits qui ne
sont
pas attribués au pouvoir fédéral » (art. 3 de la Constitution). L’exa
626
s communautés cantonales — leurs vraies patries —
sont
antérieures à la Confédération, qui a résulté de leurs alliances prog
627
nt, dans certains domaines strictement définis, n’
est
donc à leurs yeux que la sauvegarde de leur mode d’existence propre e
628
ls. L’exécutif généralement nommé Conseil d’État,
est
un collège de cinq à onze membres, élu par le peuple. Chacun des magi
629
échelon fédéral. Le législatif, ou Grand Conseil,
est
élu par le peuple à la majorité absolue dans quelques cantons, ou sel
630
de la Landsgemeinde 60. Là le pouvoir législatif
est
exercé par l’ensemble de la population mâle et majeure, réunie en cer
631
des amendements. Quelques-uns de ces amendements,
sont
adoptés, d’autres — et justement, je le note, des amendements démagog
632
ote, des amendements démagogiques — repoussés. Je
suis
frappé de constater qu’on discute sur le mérite propre des mesures pr
633
rait en France, sur les incidences partisanes. Je
suis
frappé aussi de la facilité de parole des orateurs, qui s’expriment a
634
te se prête admirablement. L’auditoire, du reste,
est
difficile : il s’impatiente quand on hésite, il souligne sans bienvei
635
estement ces assises ont leur tradition et l’on n’
est
pas disposé à y supporter les raseurs, car il faut que tout soit fini
636
é à y supporter les raseurs, car il faut que tout
soit
fini dans la journée (et puis le ciel, lourd de nuages, pourrait tomb
637
000 habitants qu’il contient, un quart seulement
sont
des paysans et plus de la moitié vivent de l’industrie. Avec moins d
638
considérations pratiques priment, et l’équilibre
est
respecté, d’un accord tacite, entre les intérêts plus ou moins diverg
639
elle ou telle localité. » Cette dernière remarque
est
importante. Elle nous fait entrevoir la condition des libertés civiqu
640
ieurs groupes ou communautés, dont les limites ne
sont
pas les mêmes. La formule du régime totalitaire, c’est la coïncidence
641
mentées des allégeances communales et cantonales,
sont
non seulement possibles, mais courantes. Car les frontières des langu
642
mais courantes. Car les frontières des langues ne
sont
pas celles des confessions ; celles des cantons ne sont pas celles de
643
as celles des confessions ; celles des cantons ne
sont
pas celles des régions économiques ; et celles des cultures ne sont m
644
s régions économiques ; et celles des cultures ne
sont
même pas celles de la Confédération, qu’elles débordent très largemen
645
e d’autres Suisses, le plus souvent le lieu où il
est
né, le cadre où se sont déroulées son enfance et sa jeunesse, la cité
646
plus souvent le lieu où il est né, le cadre où se
sont
déroulées son enfance et sa jeunesse, la cité dont il parle la langue
647
nces quotidiennes, et non pas sa constitution qui
est
l’objet véritable de son patriotisme. La Confédération, au contraire,
648
r aux exigences de la vie nationale. Mais il n’en
sera
pas pour autant porté à immoler sa petite patrie sur l’autel du grand
649
ite patrie sur l’autel du grand pays plus qu’on n’
est
tenté de vendre un souvenir de famille pour pouvoir acheter un réfrig
650
r pouvoir acheter un réfrigérateur.62 Voilà qui
est
bel et bon en théorie et très conforme aux prescriptions de la saine
651
ces entre les États membres et le pouvoir central
est
le problème spécifique de la vie d’une fédération. Dans le cas de la
652
tion. Dans le cas de la Suisse, cette répartition
est
en principe réglée par la Constitution de 1848 et ses révisions succe
653
antons et de leur fédération. Car la fédération n’
est
pas le Tout dont les cantons ne seraient que les subdivisions, ni le
654
fédération n’est pas le Tout dont les cantons ne
seraient
que les subdivisions, ni le Pouvoir auguste dont ils seraient les suj
655
les subdivisions, ni le Pouvoir auguste dont ils
seraient
les sujets. Conçue pour permettre aux cantons de réaliser en commun d
656
tâches qui dépassaient leurs forces isolées, elle
est
à leur service, et non pas eux au sien. N’ayant jamais été personnifi
657
r service, et non pas eux au sien. N’ayant jamais
été
personnifiée par un monarque, un dictateur, ou le chef d’un parti féd
658
À vrai dire, les cantons n’en ont pas d’autre. Il
est
frappant de constater que ces petits États, qu’aucune frontière visib
659
our soi, la Confédération pour tous » paraît bien
être
leur devise. Les partisans de l’Europe unie ont coutume de préconiser
660
adversaires estiment en revanche que cette union
est
impossible, parce que les peuples de l’Europe, affirment-ils, sont tr
661
parce que les peuples de l’Europe, affirment-ils,
sont
trop différents les uns des autres pour pouvoir accepter des institut
662
os les deux camps. Car en fait notre fédération s’
est
constituée et fonctionne bien sans que les peuples de nos divers cant
663
me de s’aimer comme des frères en la foi ; et ils
sont
aussi différents les uns des autres que les Bourguignons des Rhénans,
664
is qu’importe ! Il suffit bien que tous les trois
soient
attachés aux mêmes institutions, aux mêmes règles communes arrangées
665
r, voire de malice). Tous les trois savent qu’ils
sont
Suisses, non pas à cause de quelque qualité commune, soit naturelle,
666
sses, non pas à cause de quelque qualité commune,
soit
naturelle, soit culturelle (langue, race, confession, caractère, etc.
667
cause de quelque qualité commune, soit naturelle,
soit
culturelle (langue, race, confession, caractère, etc.) qui justement
668
qui justement leur fait défaut, mais parce qu’ils
sont
placés dans le même ensemble que l’on a baptisé du nom de « Suisse »,
669
ons économiques et militaires une ligue d’États s’
est
transformée en un État fédératif. Acte essentiellement politique, mai
670
français (plusieurs fois ministre depuis) et qui
est
membre du comité chargé d’élaborer un projet de Constitution européen
671
écutif. — Prenez donc notre formule suisse ! — Qu’
est
-ce que c’est ? » J’explique alors en quelques phrases qu’il s’agit d’
672
es qu’il s’agit d’un collège de sept membres, qui
est
le chef de l’État, et qui représente grosso modo les cantons, les par
673
ntons, les partis et les langues. Chacun des Sept
est
un ministre et le demeure pendant l’année où il exerce la fonction ho
674
de loi et les présente au Parlement. Si un projet
est
rejeté, le Conseil ne démissionne pas : il reprend la question, consu
675
cœur m’a donné à penser. Nos institutions suisses
sont
mal connues à l’étranger, le fédéralisme y est ignoré ou décrié, bref
676
s sont mal connues à l’étranger, le fédéralisme y
est
ignoré ou décrié, bref, les Suisses font des montres et des fromages
677
la vie européenne. D’où je déduis qu’il pourrait
être
utile : 1° de décrire les deux rouages principaux de notre système fé
678
s autonomies locales et de l’union. Cet équilibre
est
illustré par le système bicaméral, que les législateurs de 1848 empru
679
gislatif et autorité suprême de la Confédération,
est
composée de deux Chambres : le Conseil national, représentant le peup
680
deux conseils ont des pouvoirs égaux. Leur accord
est
indispensable pour l’acceptation ou le rejet d’une loi. On croit reco
681
e des Députés. En réalité, le Conseil des États n’
est
pas du tout l’équivalent de la Chambre Haute en France et en Italie,
682
des Lords. Il ne ressemble qu’au Sénat américain,
étant
comme ce dernier formé de représentants des membres de la fédération,
683
Grand Conseil qui les nomme. Le Conseil national
est
élu à raison d’un député par 28 000 habitants, chaque canton ou demi-
684
rtement et leur composition. Le Conseil des États
est
beaucoup plus « à droite » que le national quant à la distribution de
685
listes 1/20 seulement, alors que ces deux groupes
sont
de force égale au Conseil national). Il est extrêmement rare que l’on
686
upes sont de force égale au Conseil national). Il
est
extrêmement rare que l’on élise aux États un candidat qui n’a pas occ
687
de charge politique ou publique, alors que le cas
est
fréquent au national. Enfin, la moyenne d’âge des conseillers nationa
688
Enfin, la moyenne d’âge des conseillers nationaux
est
sensiblement inférieure à celle des membres du Conseil des États, ce
689
utions cantonales et l’adoption du budget fédéral
sont
également de leur compétence. Soulignons enfin que les membres de l’A
690
enfin que les membres de l’Assemblée fédérale ne
sont
jamais liés par les instructions que leur aurait données le corps pol
691
ique chargé de leur élection. Le mandat impératif
est
interdit au Conseil des États tout aussi bien qu’au national65. « L’a
692
riale et exécutive supérieure de la Confédération
est
exercée par un Conseil fédéral composé de sept membres », dit l’artic
693
binet de ministres et celles d’un chef de l’État,
est
sans doute l’institution la plus originale de la Suisse. Ses membres
694
ution la plus originale de la Suisse. Ses membres
sont
élus pour quatre ans par l’Assemblée et sont immédiatement rééligible
695
bres sont élus pour quatre ans par l’Assemblée et
sont
immédiatement rééligibles. Chacun d’entre eux dirige un ministère ou
696
ige un ministère ou département. L’un d’entre eux
est
élu chaque année président de la Confédération. Il ne peut exercer ce
697
cet office deux années de suite, et la coutume s’
est
établie d’une rotation entre les sept conseillers : chacun devient pr
698
siège à Berne, et la plupart de ses départements
sont
logés dans le même bâtiment verdâtre qu’on nomme le Palais fédéral. C
699
itale, mais seulement de « ville fédérale ». Elle
est
en même temps le chef-lieu du canton auquel elle donne son nom. Ces d
700
quel elle donne son nom. Ces détails de protocole
sont
significatifs d’une certaine méfiance — fédéraliste autant que propre
701
res ronflants. Le président de la Confédération n’
est
qu’un primus inter pares. À la vérité, le pouvoir en Suisse reste d’o
702
onseil fédéral en son entier (même si elles n’ont
été
prises qu’à la majorité des voix), et la Constitution ne définit que
703
ctivement les attributions du Conseil, lesquelles
sont
essentiellement administratives et exécutives. Le Conseil fédéral « p
704
et donne son préavis sur les propositions qui lui
sont
adressées par les conseils ou par les cantons » (art. 102, par. 4 de
705
prouver la gestion d’un Département, l’exécutif n’
est
pas renversé pour autant. La Suisse ne connaît pas les crises ministé
706
e. Pratiquement donc, les conseillers fédéraux ne
sont
jamais renversés. Les Chambres les remplacent lorsqu’ils démissionnen
707
n’a compté que 63 ministres, dont un seul n’a pas
été
réélu bien qu’il fût candidat. Durée moyenne de leur carrière : onze
708
istres, dont un seul n’a pas été réélu bien qu’il
fût
candidat. Durée moyenne de leur carrière : onze ans. Et l’un d’eux es
709
oyenne de leur carrière : onze ans. Et l’un d’eux
est
demeuré en fonction pendant trente-deux ans. Dans tout autre pays de
710
uvernemental. Le danger existe en Suisse, mais il
est
en grande partie neutralisé par les droits des cantons et par le cont
711
le populaire (référendum). Au surplus, quelle que
soit
l’étendue de ses pouvoirs, le Conseil fédéral n’en demeure pas moins
712
nt de cabinet. Leur ministère, nommé Département,
est
administré par des fonctionnaires qu’ils se gardent de déplacer lorsq
713
ice matériel. La composition du Conseil fédéral n’
est
pas moins originale que sa fonction. Elle est déterminée par quatre f
714
l n’est pas moins originale que sa fonction. Elle
est
déterminée par quatre facteurs principaux dont la coutume fédéraliste
715
Comme il n’y a que sept conseillers fédéraux, il
est
impossible de faire droit à tant d’exigences simultanées d’une manièr
716
le aux effectifs ou aux forces réelles. Les cotes
sont
donc mal taillées, mais la volonté de pondération reste évidente. C’e
717
Tessinois pour quatre ou cinq Alémaniques, ce qui
est
plus équitable, 75 % de la population parlant allemand. La Constituti
718
bles. Quant aux partis, très inégaux en force, il
est
arithmétiquement impossible de les satisfaire tous. Les radicaux, don
719
satisfaire tous. Les radicaux, dont les ancêtres
furent
les fondateurs de l’État fédéral, ont gardé très longtemps quatre rep
720
représentants au Conseil fédéral, bien qu’ils ne
fussent
guère plus nombreux aux Chambres que les socialistes, lesquels n’ont
721
avec deux radicaux et deux socialistes, l’équité
est
enfin rétablie.) Les conservateurs catholiques ont deux sièges, les a
722
et qui satisfait aux quatre exigences préalables
est
donc élu conseiller fédéral, et le Collège lui-même lui attribue ensu
723
ministérielle. Les chassés-croisés d’attributions
sont
rares. Cette longévité ministérielle est en contraste frappant avec l
724
butions sont rares. Cette longévité ministérielle
est
en contraste frappant avec la coutume des républiques voisines, où l’
725
s disponibles pour les postes les plus variés. Il
est
sans exemple qu’un conseiller fédéral démissionnaire ait été réélu pa
726
emple qu’un conseiller fédéral démissionnaire ait
été
réélu par la suite, et bien rare qu’il ait conservé un rôle actif dan
727
embres, ou pour le faire élire par le peuple, ont
été
repoussées comme d’instinct dès leur apparition. Elles visaient en ef
728
nistre les affaires fédérales ; et il ne doit pas
être
lié trop étroitement aux cantons, en tant qu’il exerce une fonction d
729
ont acquis quelque importance sur le plan fédéral
sont
au nombre de huit. La droite est formée par les conservateurs chrétie
730
le plan fédéral sont au nombre de huit. La droite
est
formée par les conservateurs chrétiens sociaux, puissants dans la Sui
731
une vingtaine d’années. Au reste, ces deux partis
sont
très inégaux par le nombre et la puissance. Les conservateurs chrétie
732
pas d’appuis équivalents chez les pasteurs — qui
sont
généralement plus à gauche — ni dans les masses protestantes, qui ne
733
gauche — ni dans les masses protestantes, qui ne
sont
pas organisées sur des bases confessionnelles. Si leur petit parti ga
734
intellectuel de ses journaux, et à l’appui qu’il
est
censé recevoir des banques privées. Le centre comprend le parti radic
735
xclusivement suisses allemands). Les radicaux ont
été
les plus nombreux aux Chambres durant près d’un siècle, de 1848 à 194
736
lui ménager plus d’un retour. Le parti agrarien s’
est
formé aux dépens des radicaux, pour défendre les intérêts des agricul
737
iculteurs dans les cantons où le parti catholique
est
faible ou inexistant, comme Berne. Quant au parti des Indépendants, i
738
mmuniste), dissous par le gouvernement en 1940, a
été
autorisé à se reformer en 1945. Ses quelques députés aux Chambres son
739
former en 1945. Ses quelques députés aux Chambres
sont
élus par Genève et Vaud, et son influence, même dans ces cantons, ser
740
et Vaud, et son influence, même dans ces cantons,
serait
nulle si elle n’aboutissait parfois, à rapprocher les socialistes des
741
lques nuances près dans les États environnants, n’
était
ce fait déterminant que l’idéologie politique des partis n’est plus g
742
éterminant que l’idéologie politique des partis n’
est
plus guère aujourd’hui qu’une façade démodée, et que le vrai jeu parl
743
partis politiques — surtout au Conseil national —
sont
souvent en même temps les mandataires des principaux intérêts profess
744
ent à l’échelon national. Le cas des Indépendants
est
le plus clair : ils sont l’émanation politique des coopératives de la
745
. Le cas des Indépendants est le plus clair : ils
sont
l’émanation politique des coopératives de la Migros. Mais les liens e
746
éputés socialistes et l’Union syndicale suisse ne
sont
guère moins évidents : le parti socialiste est fort dans les cantons
747
e sont guère moins évidents : le parti socialiste
est
fort dans les cantons où les syndicats ouvriers ont leurs plus gros e
748
vriers ont leurs plus gros effectifs, même s’il n’
est
guère possible de décider qui, du parti ou de l’Union, exerce sur l’a
749
e alémanique. Nombre d’observateurs étrangers ont
été
frappés par l’allure très particulière des débats aux Chambres fédéra
750
l d’administration. L’éloquence, à vrai dire, n’y
est
pas déchaînée, les interruptions rares et mal vues, la diction sans a
751
oir ce qui se passe à Berne et si le gouvernement
sera
renversé : nous avons vu qu’il ne peut jamais l’être. Les arguments t
752
a renversé : nous avons vu qu’il ne peut jamais l’
être
. Les arguments techniques exposés ou réfutés avec une calme compétenc
753
des finances, ou de l’administration publique, ne
sont
pas de nature à soulever l’enthousiasme ou l’indignation. En revanche
754
les comptes rendus des sessions, voit bien que ce
sont
ses affaires personnelles qui sont en cause : son salaire, son assura
755
it bien que ce sont ses affaires personnelles qui
sont
en cause : son salaire, son assurance-vieillesse, le prix de la viand
756
d’instruction militaire, les impôts fédéraux. Il
serait
donc injuste d’affirmer que le Parlement manque de contact avec la po
757
», peut très bien signifier que le peuple suisse
est
satisfait de ses institutions et ne se pose plus de question de princ
758
rité, de sécurité, de dignité gouvernementale. Ce
sont
les crises, la peur et le scandale qui rendent les tribuns éloquents
759
stitutions saines et qui fonctionnent sans accroc
sont
normalement un peu ennuyeuses. Les Suisses savent bien qu’on ne fait
760
nce pour que le mécanisme joue. Cette tolérance n’
est
pas seulement morale, ce « jeu » est prévu par les lois : ce sont les
761
tolérance n’est pas seulement morale, ce « jeu »
est
prévu par les lois : ce sont les droits d’initiative et surtout de ré
762
nt morale, ce « jeu » est prévu par les lois : ce
sont
les droits d’initiative et surtout de référendum qui le ménagent. Grâ
763
» (Siegfried). Rien de ce qui se passe à Berne n’
est
donc irrémédiable. C’est au recours fréquent à ces droits populaires
764
ces droits populaires que le régime suisse doit d’
être
qualifié de démocratie semi-directe. La Constitution prévoit que « le
765
t les arrêtés fédéraux de portée générale doivent
être
soumis à l’adoption ou au rejet du peuple lorsque la demande en est f
766
ption ou au rejet du peuple lorsque la demande en
est
faite par 30 000 citoyens actifs ou par huit cantons » (art. 89) ; et
767
conclus pour une durée de plus de quinze ans. Tel
est
le droit de référendum législatif, et l’on notera qu’il est facultati
768
it de référendum législatif, et l’on notera qu’il
est
facultatif. Un exemple assez récent pour être encore fréquemment évoq
769
u’il est facultatif. Un exemple assez récent pour
être
encore fréquemment évoqué fera comprendre le fonctionnement de ce rec
770
recueillir les 30 000 signatures nécessaires, qui
seront
vérifiées par la Chancellerie fédérale. Dans le cas envisagé, c’est l
771
vernement ? (Il ne peut dissoudre les Chambres ni
être
renversé par elles, rappelons-le.) Il reprend son projet, l’amende, r
772
e. Faut-il en conclure que la volonté populaire a
été
flouée ? Certains l’affirment, en invoquant d’autres exemples de lois
773
initiative législative et aussi constitutionnelle
est
garanti par tous les cantons. Au plan fédéral, le droit d’initiative
774
r 50 000 citoyens au moins. Jusqu’en 1962, 48 ont
été
soumises au vote populaire, 7 acceptées. L’assemblée, réagissant à ce
775
résenté de son côté 12 contre-projets, dont 8 ont
été
acceptés. La multiplication de ces retouches trahirait-elle un mécont
776
as de doute : dans son ensemble, le peuple suisse
est
l’un des moins révolutionnaires de l’Europe. Il ne croit pas aux cons
777
nomiques, en proportion à peu près égale. Mais il
est
probable que la tendance à introduire des droits économiques dans la
778
on finira par prévaloir. L’assurance-vieillesse a
été
votée en 1947 à une écrasante majorité (80 % des votants), en même te
779
t de l’évolution du civisme en Suisse semble bien
être
le désintérêt croissant du corps électoral à l’endroit de la chose pu
780
ou pour maintenir des valeurs essentielles. Ce n’
est
plus nécessaire en Suisse, et l’on peut s’en féliciter. Les libertés
781
scutés. La seule crise à redouter dans l’immédiat
est
celle que menace de provoquer une prospérité matérielle « surchauffée
782
er une prospérité matérielle « surchauffée ». Il
est
donc naturel que les partis cessent de passionner l’électeur — ayant
783
r — ayant eux-mêmes cessé de se passionner67. Ils
sont
devenus les porte-voix d’intérêts et de groupes d’intérêts d’ailleurs
784
es et bien connus, — ou qui, du moins, pourraient
être
connus, et que l’électeur devrait connaître… Le vrai problème ne me p
785
ou de politiser le prix du lait. Le vrai problème
est
de faire comprendre aux électeurs les données de base de notre sociét
786
is dont on ne sait ni d’où ils viennent ni où ils
sont
censés nous mener. Rien qui éveille l’intérêt des élèves pour la vie
787
questions qui se posent, de la manière dont elles
sont
discutées et résolues, du rôle de l’opinion, des intérêts, de la pres
788
éniable, c’est moins à l’école qu’à l’armée qu’il
est
dû. L’empreinte commune la plus profonde que reçoivent les citoyens s
789
profonde que reçoivent les citoyens suisses leur
est
donnée par le service militaire. Chacun sait que l’armée suisse est u
790
service militaire. Chacun sait que l’armée suisse
est
une armée de milices : la Constitution interdit à la Confédération le
791
’à un degré jamais atteint en Europe, cette armée
est
la chose du peuple, et qu’elle est populaire aux deux sens du terme.
792
e, cette armée est la chose du peuple, et qu’elle
est
populaire aux deux sens du terme. L’antimilitarisme n’existe guère qu
793
’existe guère que chez des individus isolés, il n’
est
pas le fait d’une classe ou d’un parti. Passer pour un bon soldat ou
794
rti. Passer pour un bon soldat ou un bon officier
est
« bien vu » dans toutes les couches de la population, et même chez la
795
iscutable de l’intégration de l’armée à la nation
est
fournie par ce simple fait : chaque soldat suisse entre les périodes
796
ues heures, tandis que les 600 000 autres peuvent
être
rassemblés et équipés en moins de trois jours. En 1948, le critique m
797
que l’on aurait tort de négliger, car ce colonel
est
aujourd’hui de beaucoup celui qui peut réunir le plus rapidement, en
798
ux armés.69 Les plans de l’état-major suisse ne
sont
en principe que défensifs, à cause de la neutralité. Ils sont organis
799
cipe que défensifs, à cause de la neutralité. Ils
sont
organisés en profondeur (chaque village, un hérisson) à cause de la s
800
sson) à cause de la structure fédéraliste. Et ils
sont
appuyés sur un « réduit national » dont le centre est le massif du Go
801
appuyés sur un « réduit national » dont le centre
est
le massif du Gothard, à cause de toute l’histoire des confédérés. Cet
802
caste militaire, toute mêlée à la vie du peuple,
est
devenue depuis 1848 l’agent principal de l’helvétisation du pays. Au
803
itoyen valide de passer par une école de recrues,
soit
qu’il reste soldat, soit qu’il devienne officier, prolonge et renouve
804
ar une école de recrues, soit qu’il reste soldat,
soit
qu’il devienne officier, prolonge et renouvelle le brassage des class
805
ur pour sa section ou sa compagnie, à laquelle il
est
tenu de faire chaque jour une brève causerie ou « théorie » qui ne po
806
our sa section ou sa compagnie, à laquelle il est
tenu
de faire chaque jour une brève causerie ou « théorie » qui ne porte p
807
encore un régiment, voire une division. D’autres
tiennent
à rester simples soldats : Karl Barth le fut un temps pendant la dern
808
tiennent à rester simples soldats : Karl Barth le
fut
un temps pendant la dernière guerre. Cette liaison intime et quasi in
809
e et quasi instinctive du militaire et du civique
est
peut-être, à mon sens, la raison principale du refus obstiné qu’oppos
810
e que la voient les jeunes Suisses d’aujourd’hui,
est
bien moins un moyen de défense du pays « qu’un mode de formation du c
811
contacts et de se mêler aux autres milieux… Elle
est
la société nationale de tous les Suisses du sexe masculin : l’armée e
812
le de tous les Suisses du sexe masculin : l’armée
est
la maison des hommes. » J’emprunte ces phrases au commentaire d’une é
813
si on leur accordait le droit de vote. Cette taxe
est
due par tous les hommes reconnus inaptes au service, ou par les offic
814
les-ci ne le désirent pas, dans leur majorité. Il
est
vrai qu’une coutume, germanique elle aussi, mais répandue dans toute
815
rs maris, surtout s’il s’agit de politique. Et il
est
vrai qu’à Genève, où elles ont depuis peu le droit de vote « au canto
816
génération admise aux mystères civiques n’y a pas
été
initiée. Elle faisait en classe des travaux de couture pendant que le
817
uction civique. On prétend aussi que notre peuple
est
si fréquemment consulté que les femmes, un dimanche sur six, devraien
818
oles. Pour que des arguments de ce genre puissent
être
proférés avec sérieux, il faut que des motifs inconscients paralysent
819
ques et agricoles comme la Suisse centrale. Et il
est
vrai que les cantons à démocratie directe ne sauraient plus où tenir
820
cantons à démocratie directe ne sauraient plus où
tenir
leur Landsgemeinde, si tout d’un coup les effectifs s’en trouvaient d
821
nts, pour établir en toute clarté que la Suisse n’
est
pas une nation, au sens que le terme a pris pendant le xixe siècle,
822
pendant le xixe siècle, et qu’en conséquence il
serait
vain de chercher, dans son peuple ou sa littérature, les témoignages
823
lème des minorités ne se pose pas : chaque groupe
étant
simultanément minoritaire par rapport à l’ensemble des autres, et maj
824
et seulement politique, tous les auteurs suisses
sont
d’accord. Choisissons pour les représenter : un homme d’État, un géné
825
: Un peuple qui a la structure du nôtre, et qui
est
accoutumé à la démocratie fédérative, a, dans chacun de ses membres,
826
ses, soulignait sa nécessité : Si le fédéralisme
est
la sauvegarde du pays, l’unification serait sa perte. Laissons aux ca
827
éralisme est la sauvegarde du pays, l’unification
serait
sa perte. Laissons aux cantons leur particularisme, comme à nos régim
828
e voulons pas nous fondre dans le même moule ! Il
serait
aussi vain de vouloir unifier les Suisses que de tenter de niveler le
829
r de niveler leurs montagnes ! Si les différences
sont
ineffaçables, elles ne nuisent pas à la cohésion nationale. Genève a
830
; toute la Suisse a son 1er août ! Et si l’armée
est
la seule éducation générale qu’un peuple, aussi divers que le nôtre,
831
, peut admettre, l’esprit du régiment de Genève n’
est
cependant pas celui des régiments de Berne ou des Grisons, pas plus q
832
ui des régiments vaudois ou valaisans ; mais tous
sont
cependant unis sous le même drapeau. Près d’un siècle auparavant, Go
833
sité, « la véritable école de l’amitié » : Qu’il
est
donc réjouissant que tous les Suisses ne soient pas sortis du même mo
834
u’il est donc réjouissant que tous les Suisses ne
soient
pas sortis du même moule, qu’il y ait des Zurichois et des Bernois, d
835
l’irréflexion de la jeunesse et de l’enfance, je
tenais
la beauté du pays pour un mérite historique et politique, en quelque
836
netés et de bourgeoisies, à travers lequel devait
être
tamisée la majorité de droit… je fus saisi du désir exalté de m’armer
837
quel devait être tamisée la majorité de droit… je
fus
saisi du désir exalté de m’armer au combat en tant qu’individu, parti
838
à agir. Tout cela, c’est l’idéal, ou plutôt ce l’
était
. Politique, militaire, poético-civique, profondément sincère et agiss
839
ommes que l’on vient de citer ; émouvant comme le
sont
toujours la victoire d’un cœur franc sur un tyran et de la liberté su
840
oir oblitérer et niveler, cet idéal fédéraliste n’
est
-il pas menacé d’anachronisme ? La pratique suisse a-t-elle encore un
841
usius, juriste rhénan qui vécut de 1557 à 1638, a
été
redécouverte par Otto Gierke vers la fin du xixe siècle, et rééditée
842
n 1963. Le régime de la pure démocratie directe n’
est
donc plus en vigueur que pour 2,5 % des Suisses. 61. A. Siegfried,
843
44 députés, puisqu’il y a 22 cantons, dont trois
sont
divisés en demi-cantons n’élisant chacun qu’un seul représentant. 65
844
ons au Parlement, récapitule ainsi les thèmes qui
furent
discutés : « Promotions des nouvelles générations et renouvellement d
845
ques tentatives novatrices, dans ce sens, peuvent
être
signalées en Suisse romande. Les manuels d’histoire des cantons de Fr
846
2.Les paradoxes de la vie économique Il
est
clair que l’économie est le facteur unifiant par excellence des socié
847
e la vie économique Il est clair que l’économie
est
le facteur unifiant par excellence des sociétés du xxe siècle. Comme
848
relations entre l’économie et le fédéralisme ont
été
dans l’ensemble bonnes — surtout pour notre économie — il se peut qu’
849
rement aux craintes présentes, que le fédéralisme
est
le régime politique qui correspond le mieux aux exigences futures… Po
850
vache et vit paisiblement. » (Victor Hugo.) Telle
est
la carte postale. Mais la réalité ? Près d’un quart du territoire su
851
, glaciers, névés, rochers et pentes trop raides,
est
totalement improductif. Les matières premières que possèdent d’autres
852
entaire d’une population très dense. Les rivières
sont
nombreuses mais torrentueuses, le Rhin n’est navigable qu’à partir du
853
res sont nombreuses mais torrentueuses, le Rhin n’
est
navigable qu’à partir du moment où il quitte, à Bâle, le pays de ses
854
et visiblement que dans le reste de l’Europe, il
est
dû à la seule action fabricatrice d’hommes acharnés à faire flèche de
855
utre part, sur celles dont les frais de transport
étaient
minimes par rapport à la valeur intrinsèque : la soie, les métaux pré
856
ndamnait à la supériorité. » Le problème en effet
était
le suivant : Comment augmenter la valeur de ces produits coûteux et i
857
ortations indispensables ? La solution ne pouvait
être
recherchée que dans la qualité du processus de transformation. En d’a
858
tière première importée plus du travail. Et telle
est
, de nos jours encore, la principale source de richesses des Suisses.
859
iques et pharmaceutiques, dont le siège principal
est
aujourd’hui à Bâle. Enfin, les progrès de la chimie (grâce à l’énergi
860
ptées à la production de série. L’esprit suisse n’
est
pas porté à la recherche des records quantitatifs, des effets de mass
861
tatifs : l’ingéniosité technique, l’invention. Ce
fut
dès lors à un aspect particulier de leurs traditions scientifiques qu
862
les et les découvertes de ces mathématiciens, qui
sont
également à la base du régime des assurances, par l’utilisation ratio
863
jamais assez que la supériorité technique suisse
est
à base de culture : le fameux Polytechnicum de Zurich, dont la réputa
864
ameux Polytechnicum de Zurich, dont la réputation
est
mondiale, plonge ses racines dans un terroir de haute science, qui ne
865
es relations entre la science pure et l’industrie
sont
devenues organiques. Les « bureaux d’étude » jouent un rôle essentiel
866
vrant des bulletins de marche quand les résultats
sont
bons. L’Université de Neuchâtel a son laboratoire de recherches horlo
867
« proportionnellement à sa population, la Suisse
est
le premier pays du monde pour les inventions… Depuis 1925, on y a com
868
es : la crémaillère et la fermeture-éclair qui en
est
l’application miniaturisée, le DDT, le café soluble… La proportion de
869
es et valaisannes devint une source d’énergie. Il
serait
curieux de décrire en détail le contraste entre les pays de houille n
870
de la propreté. Tout le monde sait que la Suisse
est
un pays propre, et même propret. Mais cette réputation, qui est de fr
871
opre, et même propret. Mais cette réputation, qui
est
de fraîche date, elle la doit en partie à son électrification : cuisi
872
ment à la distribution : 98 % des maisons suisses
sont
éclairées à l’électricité, plus de la moitié sont pourvues de cuisini
873
sont éclairées à l’électricité, plus de la moitié
sont
pourvues de cuisinières électriques, et de chauffe-eau à accumulation
874
alpestres, tels que celui de la Grande-Dixence, s’
est
accélérée depuis la dernière guerre73 et a permis de doubler en moins
875
face dans un très proche avenir. Or, la Suisse s’
est
laissé distancer dans ce domaine comme dans celui de l’électronique,
876
structures politiques ? L’entreprise ou le canton
sont
trop petits pour faire face au nouveau défi technologique. Premier ex
877
la main-d’œuvre. L’essor de l’industrie suisse s’
est
produit durant la période même qui voyait se multiplier les mesures p
878
rope et aux États-Unis. La nécessité d’exporter s’
est
accrue en même temps que les barrières douanières s’élevaient autour
879
celle de la Confédération. Or les cadres suisses
sont
insuffisants pour garder le contrôle exclusif de cet empire ; ils ris
880
hénomène. On sait qu’en 1964 l’économie suisse en
était
arrivée à devoir embaucher jusqu’à 800 000 travailleurs étrangers, so
881
embaucher jusqu’à 800 000 travailleurs étrangers,
soit
un étranger pour deux Suisses actifs. Il s’agit là d’un record qui a
882
. Il s’agit là d’un record qui a peu de chances d’
être
égalé, des mesures sévères ayant été prises depuis lors pour enrayer
883
e chances d’être égalé, des mesures sévères ayant
été
prises depuis lors pour enrayer cette immigration délirante. (Imagine
884
refusent d’adhérer aux syndicats suisses (qui ne
sont
d’ailleurs pas sans méfiance à leur égard), et n’ont pas l’intention
885
-être même une sorte de remords ou d’anxiété : ne
seraient
-ils pas, dans leur statut précaire, la condition de notre prospérité
886
à 1963, il a passé de 9 à 48 milliards de francs (
soit
environ $1 960 par habitant) Composition des exportations et import
887
,6 milliards Déficit 3,4 milliards D’où l’on
est
obligé de conclure que l’expansion de son économie conduit la Suisse
888
êmes : ils la trouvent aberrante — et peut-être l’
est
-elle, en dépit des faits et des chiffres qui paraissent la légitimer
889
araissent la légitimer — mais ils sentent qu’il n’
est
pas facile de dire pourquoi. Ils sont foncièrement convaincus que leu
890
tent qu’il n’est pas facile de dire pourquoi. Ils
sont
foncièrement convaincus que leur train de vie matérielle, leurs liber
891
e sentir et de penser, et leur régime fédéraliste
sont
par définition indissociables, et que le choix qu’on leur suggère n’a
892
nce. Nous avons vu aussi que l’industrie suisse n’
est
pas, comme dans les grands pays voisins, une de ces créations tentacu
893
contraire, sa naissance et son développement ont
été
strictement conditionnés par la psychologie profonde du peuple suisse
894
ue dans son régime politique. L’un et l’autre ont
été
faits sur mesure, ou, mieux, il les a faits à sa mesure, du même mouv
895
soucieux de correction que d’élégance, le Suisse
tient
beaucoup plus que le Français ou l’Italien au confort matériel, aux o
896
autour de lui, essentiellement industrielle. Il
est
intéressant de relever aussi que la part de l’alimentation dans le bu
897
ibles, assuré quant aux risques immédiats. ⁂ S’il
est
vrai que le peuple suisse, dans son ensemble, est adapté à son économ
898
est vrai que le peuple suisse, dans son ensemble,
est
adapté à son économie, il doit en résulter un certain équilibre socia
899
onne la Suisse. Les inégalités de niveau de vie y
sont
moins marquées que dans les pays qui l’entourent. Le morcellement des
900
pays qui l’entourent. Le morcellement des terres
est
très poussé, la grande propriété inconnue. La misère n’est jamais mas
901
poussé, la grande propriété inconnue. La misère n’
est
jamais massive : elle ne caractérise pas au premier coup d’œil, comme
902
s la croient inexistante. Les grandes fortunes ne
sont
guère plus voyantes. Le luxe ne s’étale pas en fêtes et en extravagan
903
isser-aller de grands pays tels que les USA. Ce n’
est
pas entre les classes que l’on observe les plus grands contrastes, ma
904
lation, les régions pauvres et les régions riches
sont
demeurées relativement les unes aux autres ce qu’elles étaient en rég
905
rées relativement les unes aux autres ce qu’elles
étaient
en régime clos, mais le niveau général s’est élevé. On ne peut s’empê
906
étaient en régime clos, mais le niveau général s’
est
élevé. On ne peut s’empêcher de penser que ce précédent pourrait valo
907
s syndicales. Le pluralisme qui les caractérise n’
est
pas seulement professionnel, mais religieux, parfois politique, et en
908
adre cantonal de leur activité, dans lequel elles
sont
organisées en cartels. (Il existe aujourd’hui 24 de ces cartels canto
909
aux.) C’est au point que les syndicats romands se
sont
donné un secrétariat régional, qui se montre assez frondeur à l’égard
910
ur à l’égard du secrétariat central dont le siège
est
en Suisse alémanique. On se trouve donc en présence d’une double orga
911
es et par unions locales et cartels cantonaux. Il
serait
difficile, dans ces conditions, d’imaginer qu’une grève puisse s’éten
912
en associations professionnelles et cantonales, s’
est
donné dès 1870 des organisations centrales, ou « associations faîtièr
913
êmes caractéristiques que les syndicats76 : elles
sont
et restent avant tout des associations de défense des intérêts économ
914
plus libéraux ou « fédéralistes » d’entre eux ne
sont
pas les derniers à revendiquer la « manne de l’État ». Les coopérativ
915
rairies en Valais, par le système des « bisses »,
est
une activité collective, dépendant surtout des communes bourgeoises.
916
sition de leurs membres des machines dont l’achat
serait
trop onéreux pour l’exploitant, des caves communes, des services de v
917
Après quelques années, associé à la direction, il
est
envoyé à l’étranger pour fonder des succursales : New York, Barcelone
918
produits d’usage courant, mais sa marge de profit
est
réduite à 8 %. Il a ce trait de génie : intituler son entreprise Migr
919
intituler son entreprise Migros. Car tout Suisse
est
contre les gros, mais ne veut pas être un petit… Succès sans précéden
920
tout Suisse est contre les gros, mais ne veut pas
être
un petit… Succès sans précédent, scandale professionnel, mesures poli
921
coucheur de génie a dressé contre lui tout ce qui
est
organisé dans ce pays : socialistes et capitalistes, coopératistes de
922
nne école, petits détaillants et grossistes. Quel
est
le secret du prodigieux succès de ce condottiere du commerce ? Le Sui
923
: « Pour l’homme digne de ce nom, succès et échec
sont
comme sa main droite et sa main gauche : toutes deux sont à son servi
924
me sa main droite et sa main gauche : toutes deux
sont
à son service. » Quand on lui rappelait qu’en Suisse la considération
925
appelait qu’en Suisse la considération publique n’
est
donnée qu’aux esprits pondérés, il répondait : « Cela aussi a ses ava
926
lvétique. » Et il écrivait un jour : « L’éphémère
est
notre destin, mais ce doit être un éphémère joyeux. Il n’y a pas de p
927
our : « L’éphémère est notre destin, mais ce doit
être
un éphémère joyeux. Il n’y a pas de plus grand pécheur sur la terre q
928
urent, la Suisse peut paraître américanisée, ce n’
est
qu’à certaines apparences matérielles qu’elle le doit. En réalité, no
929
ces matérielles qu’elle le doit. En réalité, nous
sommes
en présence d’une société hiérarchisée par des traditions et professi
930
antagonismes entre les classes de producteurs ne
sont
pas d’ordre idéologique, en tout cas le sont moins qu’ailleurs en Eur
931
s ne sont pas d’ordre idéologique, en tout cas le
sont
moins qu’ailleurs en Europe. Les « grands principes » — Ordre ou Révo
932
’ils ne semblent le croire eux-mêmes. Il pourrait
être
caractérisé par une tendance générale à préférer l’efficacité immédia
933
ant des institutions politiques. Certes, la lutte
est
serrée entre libéraux « fédéralistes » ou centralistes fédéraux. Cepe
934
ant, l’on ne trouvera guère de socialistes qui ne
soient
en même temps fédéralistes dans une certaine mesure, ou de grands ind
935
des postes et des chemins de fer (cette dernière
étant
l’une des rares exploitations de transports nationalisées qui ait été
936
exploitations de transports nationalisées qui ait
été
parfois bénéficiaires, de nos jours). Les forces motrices sont pour 7
937
bénéficiaires, de nos jours). Les forces motrices
sont
pour 70 % aux mains des corporations de droit public. L’État fédéral
938
banques privées avec l’étranger. La Radio suisse
est
une fédération de studios régionaux largement autonomes, mais le Cons
939
relève des PTT, donc de l’État. Ce régime mixte s’
est
développé en Suisse sous la pression des nécessités pratiques de l’ép
940
olution vers l’étatisme, bien qu’au détriment, il
est
vrai, de certains progrès sociaux ou rationnels ; elle freine (parfoi
941
ur à s’adapter, qu’on peut reprocher aux Suisses,
est
une nécessité profonde de leur économie, si « dangereusement » liée,
942
étrangers, ou de rares intellectuels, suisses il
est
vrai, mais en marge des affaires sérieuses ? Et pourtant, la question
943
nourriture des porcs ». 73. Cette accélération s’
est
produite en dépit de l’opposition de plusieurs communes montagnardes,
944
qu’on y construise des barrages. Ces communes se
sont
toutes laissé convaincre, finalement, par des arguments juridiques ou
945
ganisations « de faîte » (nationales) du patronat
sont
: l’Union suisse du Commerce et de l’Industrie (ou Vorort), qui group
946
e ces organismes centraux. Le rôle du Vorort doit
être
souligné. Au sujet de « l’attribution au Vorort par de nombreux milie
947
e la boutade bien connue que le délégué du Vorort
serait
le huitième conseiller fédéral. On ne manquera pas de faire valoir à
948
ude que l’un des éléments de la force des groupes
est
la crainte qu’ils inspirent aux tiers, spécialement aux parlementaire
949
ement aux parlementaires. Une réputation de force
est
déjà un atout notable dans les négociations. » 76. L’Union suisse d
950
t 600 000 affiliés. L’Union des Arts et Métiers a
été
citée un peu plus haut. Les Coopératives de consommation : Union suis
951
oopératives et Fédération des coopérateurs Migros
sont
organisées sur un plan national, parfois régional, non cantonal. La p
952
onal, parfois régional, non cantonal. La première
est
liée aux milieux syndicalistes, la seconde au parti des Indépendants.
953
end ? » C’est un raisonnement analogue que paraît
tenir
le Suisse moyen au sujet de la neutralité : « Elle nous a préservés j
954
lliance, qui avait reconnu notre neutralité comme
étant
« dans ses intérêts » autant que dans ceux de notre « indépendance de
955
les perspectives du régime proprement helvétique
sont
des plus sombres. Car c’est l’économie qui gagne à tous les coups, da
956
perts, prépare un avant-projet. 2° L’avant-projet
est
soumis pour consultation aux gouvernements des cantons d’une part, et
957
suscitées par son initiative. 3° Le projet de loi
est
soumis aux deux Chambres. En général, la partie est déjà jouée à ce s
958
t soumis aux deux Chambres. En général, la partie
est
déjà jouée à ce stade. En effet, le Conseil des États reflète fidèlem
959
plus de la moitié des membres du Conseil national
sont
en fait les porte-paroles des organisations professionnelles. Si les
960
cas — somme toute peu fréquent — où le référendum
est
demandé, la décision finale sera prise par le souverain, c’est-à-dire
961
où le référendum est demandé, la décision finale
sera
prise par le souverain, c’est-à-dire par la double majorité des voix
962
rité des voix populaires et des cantons. (Mais il
est
arrivé bien souvent, je l’ai dit, qu’un projet de loi rejeté par le p
963
as qu’on le dérange trop souvent — d’autant qu’on
tient
peu compte, parfois, de ses refus… D’où l’on conclut que les groupeme
964
de confessions et de classes, la vie politique s’
est
vidée de toute idéologie. Les controverses et les options politiques
965
i le problème initial de ce chapitre : l’économie
étant
l’agent de l’unification des sociétés modernes, si elle prend le pas
966
es décidément bien difficile pour un peuple qui n’
est
pas composé de spécialistes de l’économie et des finances. Et c’est l
967
haque Suisse à l’égard du monde extérieur. Or, il
serait
tout à fait illusoire d’espérer que cette dépendance n’affectera pas
968
d’indépendance d’une petite nation comme la nôtre
est
vide de sens dans le monde actuel ? Ou bien, n’est-ce pas plutôt le d
969
st vide de sens dans le monde actuel ? Ou bien, n’
est
-ce pas plutôt le dilemme « indépendance ou dépendance » qui se trouve
970
dance, telle qu’on l’invoque dans les discours, n’
est
qu’un mythe romantique. Nous savons bien que l’autarcie économique n’
971
onomique n’existe pas ; que l’autarcie culturelle
est
une idée de fou ; que la souveraineté absolue supposerait une arme ab
972
aineté absolue supposerait une arme absolue qu’on
serait
seul à posséder ; et que ces trois conditions n’étant pas réunies, l’
973
t seul à posséder ; et que ces trois conditions n’
étant
pas réunies, l’indépendance politique n’est en fait qu’une manière de
974
s n’étant pas réunies, l’indépendance politique n’
est
en fait qu’une manière de dire, une manière d’affirmer qu’on entend s
975
it des gens — ou des plus forts. Cette volonté de
tenir
sa place dans la société des nations équivaut à une sorte de devoir d
976
contraire, les relations d’interdépendance — qui
sont
le vrai nom des relations économiques entre nations. Le faux dilemme
977
’examen du sens concret de ses deux termes. Qu’en
est
-il de l’autre dilemme qui se posait au plan national entre l’économis
978
nu des pouvoirs de l’État fédéral. Ce processus n’
est
pas seulement inévitable : il est conforme, quoi qu’on pense, à un fé
979
Ce processus n’est pas seulement inévitable : il
est
conforme, quoi qu’on pense, à un fédéralisme bien compris. Car le féd
980
un fédéralisme bien compris. Car le fédéralisme n’
est
pas seulement une formule juridique et constitutionnelle — donc par d
981
ne méthode d’organisation. Son principe dynamique
est
d’assurer un maximum d’autonomie locale, grâce à la mise en œuvre d’i
982
moyens (culturels, financiers ou physiques) elle
est
amenée à s’associer pour les poursuivre avec d’autres communautés. C
983
unautés. Chacune y trouve son compte si l’accord
est
bien fait, et aurait le plus grand tort de se plaindre qu’elle se ren
984
relier tant de petits États. Bien peu de communes
seraient
en mesure de se charger de la section d’autoroute qui traverse leur t
985
excèdent les moyens municipaux, et pourtant elles
sont
exigées par l’augmentation du trafic. Solution : les plans sont établ
986
ar l’augmentation du trafic. Solution : les plans
sont
établis par la Confédération, après consultations répétées des commun
987
péages : les frais de construction et d’entretien
seront
couverts par des augmentations du prix de l’essence (d’ailleurs moins
988
ou en Italie). L’industrie atomique en revanche,
est
en retard dans ce pays, pour les raisons que l’on indiquait plus haut
989
création de centrales nucléaires, mais leur coût
serait
trop élevé pour un canton et pour les industries privées ; et leur co
990
ours à des fournitures étrangères. L’État fédéral
est
donc intervenu à titre de coordinateur d’abord, puis de bailleur de f
991
antôt « les vieux réflexes fédéralistes ». Or, il
est
clair que dans ce cas, précisément, ces recettes font la preuve de le
992
ion des cantons qui a constitué l’État fédéral, n’
est
pas né d’autre chose que de l’expansion des besoins et activités de c
993
e donc que le seul salut du fédéralisme intérieur
soit
dans l’extension du système au-delà du stade national, c’est-à-dire d
994
ne conception mythique de la souveraineté absolue
serait
le plus sûr moyen de perdre l’indépendance relative que nous gardons,
995
ans mon souvenir. J’y reviens. (Le retour au pays
est
un des thèmes constants de notre littérature.) Les gros plans tout d’
996
du quai, qui vais-je reconnaître ? Et plus rien n’
est
étrange ni beau, tout rejoint l’habituel indifférent, le rôle exact e
997
touchant tous et si bien clos. Le mystère suisse
est
là, sans aucun doute. À chacun de mes retours, je me promets d’y alle
998
aissent que trop, et sociétés solides si leur but
est
restreint. Une vague angoisse me saisit : tout est un peu trop près e
999
st restreint. Une vague angoisse me saisit : tout
est
un peu trop près et trop bien agencé. Comment bouger dans ce complexe
1000
mon pays ? Mais je m’avise que l’horlogerie, qui
est
l’art suisse par excellence, est un art des petits mouvements réglant
1001
’horlogerie, qui est l’art suisse par excellence,
est
un art des petits mouvements réglant les grands. En Suisse, le moindr
1002
servent cependant qu’aux petits déplacements, qui
sont
des voyages concentrés et plus émouvants que les vrais, parce que ent
1003
e l’espoir, quand les portes du cœur, un instant,
sont
à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse est la patrie des roma
1004
nt à la fois ouvertes et fermées. Ainsi la Suisse
est
la patrie des romantiques contraints par les dimensions mêmes de leur
1005
ue usage ignoré du commun. Presque toujours elles
étaient
vides. En troisième on retrouvait, comme j’ai dit, les gens bien, gra
1006
peints en faux bois jaune clair. On s’attendait à
être
interrogé dans les trois langues nationales. À mi-chemin entre l’inst
1007
ion. Tout se passait d’ailleurs sans angoisse. On
était
sûr de son affaire, on était parfaitement « en règle », il fallait si
1008
rs sans angoisse. On était sûr de son affaire, on
était
parfaitement « en règle », il fallait simplement « ne pas faire atten
1009
ectif — je me dis : C’est notre force, oui, et ce
sera
peut-être un jour, au dernier jour — car les plus belles histoires du
1010
nes et humaines, comme si le monde où nous vivons
était
fait à notre mesure, comme si l’humanité où nous plongeons se conform
1011
rrection, la décence, et la sécurité des citoyens
sont
de purs et simples miracles ; que le monde est une jungle atomique, l
1012
s sont de purs et simples miracles ; que le monde
est
une jungle atomique, l’humanité dans sa très grande majorité une espè
1013
oie mes yeux, la confiance règne. Mais ce miracle
est
si bien déguisé en exacte banalité que les Suisses le prennent pour b
1014
in, l’anarchie et la guerre, la misère et la faim
étant
des exceptions, des accidents. Ainsi pensent, du climat tempéré dont
1015
En dépit du langage courant, c’est le normal qui
est
exceptionnel. Ce sont les cas d’ordre, de paix et de raison qui doive
1016
courant, c’est le normal qui est exceptionnel. Ce
sont
les cas d’ordre, de paix et de raison qui doivent nous étonner quand
1017
emment, comme si notre système de sécurité devait
être
à chaque instant vérifié, mis au point, méticuleusement nettoyé des m
1018
lui qui renonce à comprendre… Ah ! mais il faut y
être
pour sentir et pour réagir comme je le dis. Dès que je m’éloigne un p
1019
ne pas donner à manger aux mouettes. » C’était l’
été
des expériences de Bikini. Dans les « secondes » règne la gravité du
1020
industrie. L’authentique usager de cette classe n’
est
pas curieux, comme les gens des troisièmes, des menus incidents du tr
1021
ns les troisièmes : ils ont l’air trop contents d’
être
là, on les refoule. J’ai cru remarquer à ce propos que le peuple suis
1022
nsieur en noir, au col rond, dur et haut, ce doit
être
un évêque anglican, somnole. En face de lui, la beauté même, « ô toi
1023
magazine. Je croyais autrefois que les premières
étaient
vides. C’était vrai, les enfants voient juste. Ces gens traversent le
1024
traversent et passent, et rien ne les touche. Ce
sont
aussi, et pour la même raison, des Transparents. (Avez-vous remarqué
1025
ez-vous remarqué que les trains qui vous croisent
sont
transparents s’ils vont très vite ? On ne cesse de voir le paysage au
1026
s que j’écrivais ces pages (en 1946, je crois) ce
sont
les secondes qui ont triomphé : elles sont devenues les premières, ch
1027
is) ce sont les secondes qui ont triomphé : elles
sont
devenues les premières, chassant mes rêves, tandis que les troisièmes
1028
es, chassant mes rêves, tandis que les troisièmes
étaient
promues aux banquettes de cuir ou de reps. Il n’y a plus que deux cla
1029
éalité sociale. Non seulement parce que la misère
est
en principe éliminée, mais parce que les Suisses sont plus réellement
1030
en principe éliminée, mais parce que les Suisses
sont
plus réellement moyens que « l’homme moyen » des autres peuples, supp
1031
e qui semble les nier ? Réponse : cette moyenne n’
est
pas née de la fusion des diversités, encore moins de leur mélange dan
1032
locales et leurs compartiments. La moyenne suisse
est
l’expression d’un contentement presque unanime, d’une longue absence
1033
e nation « une et diverse ». Il faut voir qu’elle
est
une parce qu’elle est diverse. Le goût du juste milieu, le sens du co
1034
rse ». Il faut voir qu’elle est une parce qu’elle
est
diverse. Le goût du juste milieu, le sens du compromis, l’attrait de
1035
promis, l’attrait de la moyenne et son revers qui
est
la peur de différer, le conformisme, sont les vertus et les défauts t
1036
vers qui est la peur de différer, le conformisme,
sont
les vertus et les défauts typiques qu’appelle la tolérance fédéralist
1037
uisables de la comparaison des niveaux de vie. Ce
sont
des réalistes sans cynisme. Ils acceptent leur condition, parce qu’il
1038
enquête conduite par l’institut Gallup pendant l’
été
de 1963, dans six pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils sont
1039
ix pays d’Europe et aux États-Unis, montre qu’ils
sont
« en tête des gens heureux », comme l’écrit un journal français. Alor
1040
: « D’une manière générale, diriez-vous que vous
êtes
très heureux, plutôt heureux, pas très heureux ? » 42 % répondent trè
1041
érés ou ceux que la question laisse froids.) Ce n’
est
pas que tout soit parfait dans la meilleure des Suisses possibles, ma
1042
la question laisse froids.) Ce n’est pas que tout
soit
parfait dans la meilleure des Suisses possibles, mais le monde a chan
1043
’est le goût du travail dont on a pu écrire qu’il
est
« le mode existentiel des Suisses », la base de leurs rapports sociau
1044
lace de l’habituel verset biblique : « Le travail
fut
sa vie. » C’est aussi « leur seul mode de promotion », dit-on80, et s
1045
Dire d’un homme qu’il a fait beaucoup de métiers
est
un éloge banal en Amérique (où versatile veut dire habile, doué de no
1046
aleur morale du personnage. Les loisirs eux-mêmes
sont
marqués par l’esprit d’efficacité qui fait du Suisse un type extrême
1047
. Lire, aller au théâtre, écouter des conférences
est
un devoir avant d’être un plaisir : devoir envers soi-même, car « il
1048
re, écouter des conférences est un devoir avant d’
être
un plaisir : devoir envers soi-même, car « il faut se cultiver », com
1049
C’est « Culture et loisirs » en France, la nuance
est
significative. Quant au goût de la simplicité, affiché jusqu’à la man
1050
tilitaire, et même bien avant la Réforme, mais il
est
en symbiose avec elles, et s’en nourrit autant qu’il explique leur su
1051
« C’est plus simple ainsi », « Rassurez-vous, ce
sera
très simple » sont des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeo
1052
e ainsi », « Rassurez-vous, ce sera très simple »
sont
des mots de passe de la vie quotidienne du bourgeois et surtout de so
1053
u bourgeois et surtout de son épouse. Tout ce qui
est
compliqué est vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont
1054
surtout de son épouse. Tout ce qui est compliqué
est
vaguement immoral : l’art baroque en particulier, dont tant de chefs-
1055
omplètement dépaysée dans ces sanctuaires où l’or
est
gaspillé sur des stucs boursouflés et qui manquent de sérieux… Et cel
1056
la question des critères moraux du Suisse moyen.
Sont
-ils encore ceux de sa religion, ou déjà ceux de l’utilitarisme que ce
1057
e siècle multiplie les questions de ce genre. Il
est
peut-être encore plus difficile d’y répondre dans le cas de la Suisse
1058
qu’au seul désir de gagner davantage. La paresse
est
une déficience, et non le signe éventuel d’une sagesse libérée des co
1059
lée Un jour en Suisse : « Estimez-vous qu’on peut
être
un bon Suisse et se lever à 9 heures ? » À l’origine du devoir et du
1060
se lève tôt, mais il se réveille tard. Mais qu’en
est
-il d’autres domaines critiques de l’existence morale en Occident : la
1061
age ? Les anciens Suisses, au temps des Ligues, n’
étaient
pas moins connus pour la licence de leurs mœurs que pour l’austérité
1062
traire, pour l’épouser, la preuve qu’elle pouvait
être
mère), cent témoignages concordants décrivent une Suisse gaillarde, r
1063
pe, pendant le xixe siècle, la notion de péché s’
est
vue assimilée avant tout à celle de luxure, ou, pour rester conforme
1064
te assombrit la prédication pendant un siècle. Il
est
d’autant plus remarquable que le Suisse moyen formé à cette école ne
1065
quable que le Suisse moyen formé à cette école ne
soit
pas devenu le révolté qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églis
1066
à cette école ne soit pas devenu le révolté qu’on
serait
tenté d’imaginer, et que les Églises soient aujourd’hui plus vivantes
1067
qu’on serait tenté d’imaginer, et que les Églises
soient
aujourd’hui plus vivantes qu’hier. Les nouvelles générations me parai
1068
déduire d’une part que les exigences de la chair
étaient
bien fortes en ce pays pour que la religion dût consacrer tant d’effo
1069
en puissant pour que ses disciplines et jugements
fussent
acceptés aussi communément et sans plus de rébellion que de désaffect
1070
mariage en Suisse. La censure des publications n’
est
officiellement exercée qu’aux frontières du pays. La pudeur de la jeu
1071
ontières du pays. La pudeur de la jeunesse suisse
est
ainsi protégée par les douaniers, fonctionnaires subalternes et milit
1072
es subalternes et militarisés. Quels peuvent bien
être
leurs critères du moral et de l’immoral ? Je n’en ai découvert qu’un
1073
épasse. Ce qui dépasse aux yeux de la censure, ce
sont
les œuvres mises à l’index par le ministère public fédéral, et dont c
1074
ublic fédéral, et dont chaque employé des douanes
est
censé connaître la liste (Sade, Henry Miller, etc.) Or, les critères
1075
c.) Or, les critères d’un tel office ne sauraient
être
, évidemment, que ceux de la banalité morale la plus plate et la plus
1076
approbations ; on les considère pour ce qu’elles
sont
: résidus de préjugés sociaux ou religieux qui n’ont plus beaucoup d’
1077
qui n’ont plus beaucoup d’importance, la jeunesse
étant
suffisamment avertie pour excuser, voire pour « comprendre » ce genre
1078
progrès… » Quant aux conceptions du mariage, quel
est
le sens général de leur évolution ? Autrefois, on se mariait dans la
1079
grands efforts pour traiter sa bru “comme si elle
était
l’une des nôtres”, tout en sachant fort bien que “ces mariages mixtes
1080
mbleraient donner raison à cette dame : la Suisse
tient
l’un des premiers rangs (derrière les États-Unis, le Danemark, la Suè
1081
orce s’explique surtout par d’autres causes. Il n’
est
pas le signe d’un quelconque « relâchement moral » (comparé à la Suis
1082
structurées ou les grands ensembles urbains. Ce n’
est
pas l’anarchie des mœurs qui menace la Suisse, c’est plutôt une espèc
1083
ralement assumé. Le niveau de vie, une fois qu’il
est
bien assuré, c’est la vie elle-même qui devient le danger, ses surpri
1084
ience quotidienne, montre les Suisses tels qu’ils
sont
et se veulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne seront sans
1085
eulent. Ceux qui refuseront de s’y reconnaître ne
seront
sans doute pas les derniers à y reconnaître leurs voisins. C’est un p
1086
econnaître leurs voisins. C’est un portrait, ce n’
est
pas un éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen est sérieux m
1087
éloge, ni une critique. Dire que le Suisse moyen
est
sérieux mais heureux (j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’
1088
j’ajoute qu’il rit beaucoup et facilement), qu’il
est
réaliste sans cynisme, qu’il accepte sa condition comme il approuve s
1089
lame son niveau de vie neuf fois sur dix, qu’il n’
est
pas révolutionnaire mais résolument réformiste, et qu’il n’aime pas l
1090
péculation dans aucun ordre, enfin que le travail
est
sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un
1091
ans aucun ordre, enfin que le travail est sa vie,
est
-ce le vanter ou le dénigrer ? Il est clair que c’est l’un et l’autre,
1092
est sa vie, est-ce le vanter ou le dénigrer ? Il
est
clair que c’est l’un et l’autre, selon le signe dont on affecte les n
1093
ignent des contrats de « paix du travail ». (Il n’
est
pas interdit de se former des jugements plus nuancés ou dialectiques.
1094
qu’on pense de ce portrait du Suisse moyen, ce n’
est
pas encore un portrait de la Suisse. L’enquête la plus intelligente e
1095
ozart, un Descartes, un Kipling n’auraient jamais
été
décelés par quelque sondage d’opinion sur les « attitudes culturelles
1096
l’Autrichien, du Français ou de l’Anglais, et ce
sont
de tels hommes qui donnent à un pays son visage, bientôt « traditionn
1097
ut-il dire précisément parce qu’il en vit ? Et ce
sont
des hommes d’exception qui les révèlent dans leurs œuvres, même s’ils
1098
précisément parce que ces forces et ces réalités
étaient
pour eux problèmes, contestation, conceptions idéales ou nostalgies.
1099
vanche, les hommes importants qu’on lui indiquera
sont
inconnus hors du canton. La Suisse résulte, l’ai-je assez dit, de l’a
1100
les compartiments. Si bien que l’homme de poids y
sera
surtout local. Il sera le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus
1101
ien que l’homme de poids y sera surtout local. Il
sera
le grand homme d’une vallée, d’une cité, plus rarement d’un canton, p
1102
ui ferait mine de dépasser la mesure commune et d’
être
un chef. Un Führer suisse est impensable, et même l’essai d’instituer
1103
esure commune et d’être un chef. Un Führer suisse
est
impensable, et même l’essai d’instituer un Landamman de Suisse échoua
1104
t-être certains traits communs aux Suisses qui se
sont
illustrés dans les domaines les plus divers. Sans prétendre à compose
1105
aître que leur identité native et naturelle. Ce n’
est
pas se dissimuler, en vérité : simplement, le génie qui leur advient
1106
ient prend les couleurs du milieu. Albert Bitzius
était
un jeune Bernois, épris de littérature et d’idées libertaires. Il dev
1107
les familles l’ont lu, en Suisse alémanique. Il s’
était
occupé sa vie durant de l’administration locale, du secours des pauvr
1108
») et des cours de philosophie dont l’ennui seul
est
resté mémorable ont camouflé le passage parmi nous du génie de l’intr
1109
l’introspection. Dix-sept-mille pages de Journal
furent
écrites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour être acceptée sa
1110
ites dans l’ombre d’une carrière assez terne pour
être
acceptée sans histoires. « En épousant Genève, j’ai épousé la mort —
1111
que « Paris en eût fait un dieu ». Mais ce n’eût
été
qu’un dieu de salons, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
1112
, un dieu causeur. Jacob Burckhardt à sa manière
fut
aussi un grand homme invisible : refusant de succéder à Ranke dans la
1113
même conduite à Genève, comme par instinct, s’il
est
un instinct patricien. (L’intellectuel du xxe siècle cherche au cont
1114
t elle qui se voit dorénavant « admise », comme l’
était
la conduite inverse au dernier siècle.) Se rendre utile. — Pays pauv
1115
ays pauvre au départ et dont les seules richesses
furent
fabriquées par un travail humain bien concerté, la Suisse est née de
1116
es par un travail humain bien concerté, la Suisse
est
née de la coopération. Un pour tous, tous pour un, c’est moins un idé
1117
un. Et c’est pourquoi les Suisses qui ont excellé
furent
presque tous, à des titres divers, hommes utiles au sens le plus nobl
1118
ques, éducatifs ou spirituels, comme si le fait d’
être
utiles excusait leurs grands dons aux yeux de leur conscience helvéti
1119
ine, Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski
seraient
impensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâ
1120
tout souci d’application « morale », leur eussent
été
formellement refusés par nos coutumes les plus invétérées. En revanch
1121
e, les grands noms qu’on citera dans ces pages ne
seraient
guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que la Suisse
1122
e plus grand dôme du monde, Saint-Pierre de Rome,
fut
achevé par des architectes venus de Suisse ; qu’un autre Suisse bâtit
1123
ine, Karl Barth. Son canton — ou l’Europe. Et il
est
vrai que nos meilleurs esprits, hors de l’étroit compartiment natal,
1124
e des sociétés humaines, dont le Contrat social n’
est
qu’un fragment : Rousseau. « Vue générale du genre humain » : Jean de
1125
e l’inconscient collectif : C. G. Jung. Mais ce n’
est
pas en grimpant sur nos Alpes comme Horace-Bénédict de Saussure que c
1126
ait le principal de leur carrière en Suisse, ce n’
est
pas la Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans le monde ; c’e
1127
oisins ou de l’Amérique, que leur réputation nous
est
revenue, comme importée. « Son canton — ou l’Europe », c’est la formu
1128
mme de culture en tant que tel, le stade national
est
sauté. Cas unique, dans l’Europe moderne. J’ose y voir le plus grand
1129
le plus grand privilège des Suisses : quelle que
soit
leur petite patrie locale, s’ils la dépassent c’est pour rejoindre im
1130
détachant sur un fond d’unité essentielle. Quelle
est
donc, pour nous autres Suisses, l’unité de base, d’origine et de but,
1131
le tire ses nourritures élémentaires ? Ce ne peut
être
que l’Europe entière. L’Europe est la seule unité de culture, organiq
1132
? Ce ne peut être que l’Europe entière. L’Europe
est
la seule unité de culture, organique et complète, à laquelle nous pui
1133
andes cultures nationales voisines. Pour que cela
soit
vrai, il faudrait tout d’abord que le concept de « culture nationale
1134
t l’addition constituerait la culture européenne,
est
une simple illusion d’optique scolaire. Elle se dissipe comme brume a
1135
la lumière de l’Histoire. La culture européenne n’
est
pas et n’a jamais été une addition de cultures nationales. Elle est l
1136
re. La culture européenne n’est pas et n’a jamais
été
une addition de cultures nationales. Elle est l’œuvre de tous les Eur
1137
ais été une addition de cultures nationales. Elle
est
l’œuvre de tous les Européens qui ont pensé et créé depuis trois-mill
1138
ence : il faut admettre au moins que la culture s’
était
constituée avant eux ! Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’
1139
e multiplient au xve siècle : Guillaume Dufay en
est
l’illustration. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres avec
1140
nt l’école locale ou régionale dans laquelle il s’
est
formé. D’où vient alors cette illusion d’optique, cette croyance si r
1141
ne pense qu’à la langue française. Or celle-ci n’
est
nullement une propriété de la nation française actuelle, à l’ensemble
1142
française actuelle, à l’ensemble de laquelle elle
fut
imposée par un décret de François Ier, daté de 1539. On parle encore
1143
and ne saurait définir une « culture nationale »,
étant
la langue maternelle de populations qui vivent dans sept ou huit État
1144
saurait à elle seule définir une culture : elle n’
est
guère qu’un des éléments de la culture en général, si essentiel soit-
1145
s éléments de la culture en général, si essentiel
soit
-il. Tous les autres : religion, philosophie, morale, beaux-arts, folk
1146
s, folklore, sciences, technique et architecture,
sont
largement ou complètement indépendants des langues modernes, et ne so
1147
lètement indépendants des langues modernes, et ne
sont
, de toute évidence, pas réductibles à des cadres nationaux. « Qu’as-t
1148
notre continent. Or il se trouve que les Suisses
sont
préservés — ou devraient l’être mieux que les autres — de l’illusion
1149
e que les Suisses sont préservés — ou devraient l’
être
mieux que les autres — de l’illusion des cultures nationales, du seul
1150
de la composition linguistique de leur État. Ils
sont
en mesure de savoir mieux que d’autres que la vie culturelle de leurs
1151
ibres du Moyen Âge et les trois cantons primitifs
furent
déclarés « immédiats à l’Empire », et c’était là franchise et garanti
1152
nations. La véritable unité de base de la culture
étant
de la sorte identifiée, la question qui se pose est de savoir comment
1153
t de la sorte identifiée, la question qui se pose
est
de savoir comment certaines cités ou certaines régions parviennent al
1154
trouve ceci : 1° La culture, dans nos cantons, n’
est
pas liée à l’État, et n’a jamais été un moyen de puissance de l’État8
1155
s cantons, n’est pas liée à l’État, et n’a jamais
été
un moyen de puissance de l’État87 ; 2° La culture vit chez nous dans
1156
moitié francophone du Valais —, qui n’ont jamais
été
unifiés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce fut le cas des
1157
iés, uniformisés par un pouvoir central, comme ce
fut
le cas des provinces françaises, sous plusieurs régimes ; 3° Nous som
1158
nces françaises, sous plusieurs régimes ; 3° Nous
sommes
de vieilles républiques fondées sur une large autonomie des communes
1159
rge autonomie des communes ; 4° Le protestantisme
est
majoritaire en Suisse romande ; il a déterminé une grande partie de n
1160
rticulier, mais cela revient au même ; 5° Nous ne
sommes
pas seulement voisins du monde germanique : nous sommes en osmose ave
1161
pas seulement voisins du monde germanique : nous
sommes
en osmose avec lui, bien davantage que beaucoup d’entre nous n’en ont
1162
ieuse, à la Réforme ou à l’Église catholique, qui
sont
mondiales ; par sa langue, au domaine français ; par sa culture enfin
1163
nombre de combinaisons originales. On ne saurait
être
moins conforme aux devises des États totalitaires. On ne saurait être
1164
aux devises des États totalitaires. On ne saurait
être
plus libre de se choisir, j’entends de se faire homme à sa manière, e
1165
dans l’une des grandes nations voisines. Et ce n’
est
pas un éloge de la petitesse en soi, ni des petites dimensions matéri
1166
alisme les implique et permet de les composer. Il
est
vrai que ce régime peut conduire moralement à la médiocrité dorée, po
1167
ans doute, la sécurité avant tout. Ce phénomène n’
est
pas particulier à la Suisse, mais peut-être les Suisses moyens trouve
1168
sse romande (pour ne prendre que cet exemple, qui
est
le plus délicat, étant lié à la langue, laquelle ne pose pas de probl
1169
prendre que cet exemple, qui est le plus délicat,
étant
lié à la langue, laquelle ne pose pas de problèmes pour le savant, l’
1170
pour le savant, l’architecte ou le musicien) ont
été
nos meilleurs Européens ; de Rousseau à Gonzague de Reynold, en passa
1171
a thèse, faut-il rappeler que ce grand écrivain s’
est
formé à l’école de Paris, mais aussi à l’école de Cézanne, puis des r
1172
u en tant qu’artiste, comme il arrive ; elle n’en
fut
pas moins responsable de certaines limitations de son œuvre. D’un
1173
mitations de son œuvre. D’un pays où le centre
est
partout Donc point de capitale, point de bourse des valeurs nation
1174
t douanière. Cette situation bizarre en apparence
est
très conforme au génie de la culture occidentale, car celle-ci a touj
1175
e la culture occidentale, car celle-ci a toujours
été
faite par des foyers locaux et non par des nations ; par des écoles f
1176
t les grands éditeurs humanistes, dont le premier
est
Frobenius. Zurich, avec les réformateurs Zwingli et Bullinger, auxque
1177
pédagogie de Pestalozzi et la peinture de Füssli
sont
nées dans le cercle de Bodmer. Bâle dans le même temps voit naître,
1178
ar Coppet, château de Necker où Germaine de Staël
tient
sa cour, que vont passer d’est en ouest les grands courants du romant
1179
ermaine de Staël tient sa cour, que vont passer d’
est
en ouest les grands courants du romantisme et du libéralisme économiq
1180
on fervent disciple et jeune collègue de faculté,
est
marquée par cet enseignement. Plus discrets, des foyers de pensée co
1181
us discrets, des foyers de pensée confessionnelle
sont
entretenus à Lausanne (née à l’indépendance avec le siècle seulement)
1182
s la défaite du Sonderbund dont cette ville avait
été
la capitale) par des historiens et penseurs politiques conservateurs
1183
erne comme employé au Bureau général des Brevets,
est
nommé professeur à l’Université : c’est le temps où il met au point s
1184
aire, à Zurich encore, et depuis lors cette ville
est
restée le centre des tentatives d’avant-garde en Suisse : architectur
1185
iers vaudois de Ramuz et de ses amis, et Lausanne
est
restée le centre de ce qu’il y a de vie littéraire dans ce pays : caf
1186
u temps de la SDN, et la Genève des Nations unies
est
restée le centre de grandes organisations internationales, de rencont
1187
s ensembles européens. Comment sentir ce qui peut
être
suisse dans le rayonnement d’énergie spirituelle qu’elles émettent to
1188
ient dans ce que des Suisses ont produit, et quel
est
le rapport, s’il existe, entre leurs œuvres et ce pays. La peintur
1189
comment je l’ai découverte, au mois de mars 1940,
étant
alors mobilisé à Berne. C’était encore la « drôle de guerre » : la pl
1190
njures : « Tu mens plus largement que ta gueule n’
est
fendue !… Tu t’es creusé un trou en terre comme un cochon dans son fu
1191
plus largement que ta gueule n’est fendue !… Tu t’
es
creusé un trou en terre comme un cochon dans son fumier !… O toi mon
1192
t à quitter la guerre il n’y faut plus songer, ce
serait
quitter du même pas la planète… Un vers du temps — d’un peu plus tard
1193
ans toute son œuvre, au cœur de son lyrisme, elle
tient
le lieu de la passion d’amour, et c’est elle qu’il invite à la danse
1194
nt d’autres, connus ou anonymes, dira-t-on que ce
fut
leur romantisme ? Mais non, le romantisme est littéraire, et ces homm
1195
ce fut leur romantisme ? Mais non, le romantisme
est
littéraire, et ces hommes ont le regard net, accoutumé à taxer le rée
1196
une dure exactitude : face au danger. Leur Suisse
est
au sommet de son élan vers la conquête et la richesse, au comble de s
1197
le de sa gloire et de son risque. Elle n’a jamais
été
moins neutre, moins confinée dans ses moyennes, ni moins en garde con
1198
garde contre les tentations de la grandeur. Elle
est
sérieuse parce qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle est t
1199
s de la grandeur. Elle est sérieuse parce qu’elle
est
menacée et menaçante ; parce qu’elle est tout le contraire d’un pays
1200
qu’elle est menacée et menaçante ; parce qu’elle
est
tout le contraire d’un pays « d’assurés ». Sérieuse et impétueuse com
1201
et impétueuse comme ceux qui savent que la vie n’
est
pas le but de la vie, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle
1202
e, qu’elle ne mérite pas de majuscule, et qu’elle
est
quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rapporter du trois
1203
t et disent à leur manière que « de demain rien n’
est
certain ». Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’est point la jeunesse
1204
st certain ». Mais ce qu’ils sentent menacé, ce n’
est
point la jeunesse et l’amour, je ne sais quel printemps platonicien,
1205
ver sur la terre. » Le secret de la vie généreuse
est
la conscience de sa brève vanité. Dix-huit siècles de chrétienté ont
1206
e à l’énergie dans la libre invention lyrique, ce
sont
là des secrets spirituels dont la plupart des artistes modernes parai
1207
tes modernes paraissent ignorer même l’existence,
soit
qu’ils rêvassent dans la couleur ou cernent brutalement des figures s
1208
nent brutalement des figures sans mystère. Manuel
est
un nerveux, mais de ferme écriture : un imaginatif, mais sans excitat
1209
n ; un homme qui prend les choses telles qu’elles
sont
, ni vulgaires, ni belles en soi, mais les compose avec une liberté pu
1210
n réalisme ne fait pas d’histoires, parce qu’il n’
est
pas une polémique, mais une acceptation des choses, à toutes fins uti
1211
ues de l’usage, et dominée par quelques Alpes qui
sont
des vagues à peine figées dans leur élan. Une Suisse réelle, et non p
1212
çu. Mais je m’attarde à ces tableaux, et Manuel n’
est
pas un « artiste » au sens moderne et bien suspect du terme. Un beau
1213
forme. Il écrira d’abord des jeux de carnaval qui
sont
en vérité bien plus que des satires « contre le pape et sa séquelle »
1214
ismes illustrés, tout comme sa Danse des Morts en
était
un. Le premier jeu se termine sur ce vers : Amen. Scellé avec le poi
1215
un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’
est
pas un éloge, il s’en faut, c’est plutôt une manière de lui refuser c
1216
andeur d’un Manuel, et de plusieurs à son époque,
est
d’avoir su conduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos ac
1217
n sens. Si l’art n’y suffit pas, c’est que le mal
est
profond : d’où la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus d
1218
la Renaissance ». Rappelons alors que ce guerrier
fut
bon époux, et bon père de six enfants ; que cet artiste, l’un des plu
1219
ue cet artiste, l’un des plus grands de son pays,
fut
aussi le plus raisonnable parmi les chefs de la Réformation. L’année
1220
rme dans sa charge de banneret. Le 20 avril, il n’
est
plus. « Pareil au cierge qui se consume d’autant plus vite qu’il a mi
1221
peintre de genre fantastique, dont les « sujets »
sont
pris au rêve. Une sorte de violence, d’emportement, sauve de l’académ
1222
ositions traversées de grands gestes obliques. Il
fut
le premier surréaliste suisse. Léopold Robert, Neuchâtelois, peint d
1223
s, délicieux ou extravagants, dont le succès nous
est
revenu de Paris, de Londres ou de Munich, cela ne fait pas encore une
1224
cela ne fait pas encore une peinture suisse. Quel
est
le plus grand poète français ? « Hugo, hélas ! », répondait André Gid
1225
du Retour éternel.) Toute la carrière d’Hodler s’
est
faite en Suisse, et il a peint la Suisse dans toutes ses dimensions,
1226
rofondément suisse par la langue et l’esprit, ait
été
le fils d’un Allemand fixé à l’étranger : jamais en effet il ne se se
1227
it d’affinités profondes avec l’Allemagne. »91 Il
était
né près de Berne (en 1875) d’une mère bâloise. Il y passa toute son e
1228
y passa toute son enfance et sa jeunesse, puis il
fut
l’un des fondateurs du Bauhaus et vécut en Allemagne longtemps. Reven
1229
fait de la guerre, les demandes de naturalisation
étaient
examinées beaucoup plus lentement que d’ordinaire. Lorsqu’en mai 1940
1230
ment que d’ordinaire. Lorsqu’en mai 1940 mon père
fut
convoqué à Berne pour donner une signature, son état de santé ne lui
1231
out dans les églises du pays. Alberto Giacometti
est
le fils de Giovanni. Il est né dans la haute maison de sa famille, au
1232
. Alberto Giacometti est le fils de Giovanni. Il
est
né dans la haute maison de sa famille, au milieu d’un très vieux vill
1233
roques, nous lûmes sur une maison voisine : « Ici
est
né Augusto Giacometti. » Un petit enfant, attaché à une longue corde,
1234
corde, comme une chèvre, jouait dans un pré. « Où
est
ta mère ? » Il court à une fenêtre, appelle, une tête paraît et nous
1235
On dirait des formations volcaniques ? — Oui, ils
sont
sortis d’une seule poussée, la dernière. » Son père le conduisait par
1236
— qu’il conduit d’ailleurs en souriant — ne peut
être
apprécié à sa juste valeur que dans la patrie de l’horlogerie et de l
1237
ants des écoles n’aiment pas ces bons élèves. Ils
seraient
sans doute fascinés par les « destructions » de Tinguely. Mais l’énor
1238
s cette œuvre immense, me dira-t-on : le Tessin n’
était
à l’époque qu’un bailliage des trois Waldstätten. Oui, mais rien de p
1239
îné. Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier,
est
né dans une vallée du Jura neuchâtelois occupée par les deux longs vi
1240
allée. Vers la fin du xixe siècle, la population
est
piétiste, austère, cultivée, et déjà socialiste. C’est de là que sont
1241
re, cultivée, et déjà socialiste. C’est de là que
sont
descendues, en 1848, vers Neuchâtel, les colonnes révolutionnaires qu
1242
ne revue, à Paris, vers 1932, je lui dis que nous
étions
compatriotes. « Oui, me répondit-il, mais mes ancêtres ont mis les vô
1243
t exact. Puritain révolutionnaire, Le Corbusier l’
est
resté toute sa vie dans son style, ses idées et son comportement. Les
1244
eurs, aiment le moderne à partir du moment où ils
sont
sûrs que « ça tiendra ». Ils ont donc laissé leur compatriote travail
1245
erne à partir du moment où ils sont sûrs que « ça
tiendra
». Ils ont donc laissé leur compatriote travailler à Paris, puis dans
1246
orbusier ne veut plus entendre parler d’eux. Il s’
est
fait citoyen français. Ses rares interviews le révèlent très amer : p
1247
nts modernes qu’on ne lui demanda pas de dessiner
sont
les œuvres de ses disciples, dans le monde entier. Il a construit en
1248
des centres culturels, mais toute cette capitale
est
inspirée par lui, à travers ses élèves, dont Niemeyer. Par son dépoui
1249
, sa volonté fonctionnelle, le style Le Corbusier
est
très conforme à l’idée synthétique que l’on se fait de l’esprit suiss
1250
orgé, — toute cette effervescence ornementale qui
est
l’éternel baroque populaire et qui est le contraire du fonctionnel pu
1251
entale qui est l’éternel baroque populaire et qui
est
le contraire du fonctionnel puritain. Seule, peut-être, l’église de R
1252
eusés dans le bloc nu à intervalles irréguliers n’
est
pas sans me rappeler, de loin, le style original des grandes demeures
1253
style du Gothard ». J’ajoute que toute la Suisse
est
en train de se couvrir de grands ensembles aux blocs rectangulaires l
1254
ine musical. Cette lacune de plus d’un millénaire
est
presque sans exemple dans l’Europe du centre, délimitée par les école
1255
eur ajouter Rousseau ? Un air du Devin du Village
est
carillonné chaque soir au clocher de la cathédrale de Genève, comme u
1256
mateurs de nos petites villes, surtout vaudoises,
sont
capables d’exécuter passions, cantates, messes ou oratorios, et de le
1257
nse durant toute la saison d’hiver, s’ajoutent en
été
des festivals locaux ou régionaux chaque année plus nombreux, au prem
1258
scitant la « Siegfried Idylle » aux lieux où elle
était
née. Mais la création dans tout cela ? Le Festspiel (jeu de circonsta
1259
(jeu de circonstance pour une occasion populaire)
est
une forme de théâtre musical proprement suisse. Lorsqu’on me demanda
1260
ouper toute une population. » Avec mon projet, il
était
servi : Neuchâtel fournirait deux petits chœurs et une compagnie théâ
1261
out on fabriquerait les costumes. Le sujet devait
être
national, et s’exposer sur une scène sans décors ni rideau, de 35 m d
1262
s de Flue, héros et mystique du xve siècle qui s’
était
retiré dans un ermitage des Alpes, où il avait jeûné pendant vingt an
1263
ssait toutes les ferveurs. (Six ans plus tard, il
fut
canonisé et l’on joua, en son honneur, au Vatican, l’oratorio tiré de
1264
dresser, et cette simplicité bonhomme et gaie. Il
était
né au Havre, d’une famille de commerçants originaire de Zurich. À vin
1265
ès quoi toute sa vie se passe à Paris. Mais ce ne
fut
pas Paris, ce fut la Suisse qui lui donna l’occasion de découvrir et
1266
ie se passe à Paris. Mais ce ne fut pas Paris, ce
fut
la Suisse qui lui donna l’occasion de découvrir et de manifester sa v
1267
. Il écrivit sa partition en neuf semaines, et ce
fut
un triomphe mondial. La matière en était biblique, mais très suisse e
1268
nes, et ce fut un triomphe mondial. La matière en
était
biblique, mais très suisse en cela que la Bible est notre véritable A
1269
t biblique, mais très suisse en cela que la Bible
est
notre véritable Antiquité, comme l’a bien vu Ramuz. Avec « La Belle d
1270
el par des fresques de Holbein, Nicolas de Flue
est
le seul sujet vraiment suisse dans son œuvre. On y trouve de petits c
1271
œuvre. On y trouve de petits chœurs célestes qui
sont
ce que l’on a écrit de plus alpestre, aérien et cristallin — le somme
1272
place, non pour des scènes à rideau, le théâtre a
été
longtemps en Suisse une liturgie, au sens propre du mot : action du p
1273
ée à Vevey depuis 1706. Ce spectacle en plein air
est
un prolongement agricole et vinicole des cortèges baroques, et des fl
1274
C’est un peu absurde et grandiose. Le scénario s’
est
fixé au cours des âges, mais chaque auteur y ajoute ses variations, u
1275
ongs intervalles — si cette forme d’art populaire
est
épuisée, comme je le crains. Car la musique qui s’écrit aujourd’hui e
1276
on ignore en général qu’Adolphe Appia, Genevois,
est
l’auteur du grand livre intitulé La Musique et la Mise en scène 93 et
1277
éâtre du Monde de Calderón : cet auto sacramental
est
représenté chaque année sur le parvis et les vastes escaliers de l’ab
1278
cette conjonction n’a pas eu lieu. Notre théâtre
est
devenu ce qu’il est partout ailleurs en Occident : intellectuel et di
1279
’a pas eu lieu. Notre théâtre est devenu ce qu’il
est
partout ailleurs en Occident : intellectuel et discuteur, s’adressant
1280
vent peu ou prou de ces influences-là. Max Frisch
est
au contraire un scientifique, nullement théologien, architecte de mét
1281
sie sociale de son peuple : voir Andorra et Je ne
suis
pas Stiller, pièce et roman d’une grande force critique, et non pas d
1282
nsité de création littéraire en Suisse : or je la
tiens
pour la plus forte de l’Europe. Le nombre des bons écrivains me paraî
1283
evues. Et elle bénéficie du fait que l’allemand n’
est
pas une langue centralisée et réglée par décrets de l’État, comme en
1284
maine germanique parle un allemand à elle, et qui
est
« le bon » pour elle, sans éprouver le besoin qu’il soit aussi « le v
1285
le bon » pour elle, sans éprouver le besoin qu’il
soit
aussi « le vrai » une fois pour toutes et pour toutes les autres. L’é
1286
toutes les autres. L’écrivain suisse alémanique n’
est
pas le cousin provincial de celui de Berlin ou de Vienne. L’école sui
1287
nce pendant une bonne partie du xviiie siècle ne
fut
nullement un phénomène bizarre comme l’eût été dans le domaine frança
1288
ne fut nullement un phénomène bizarre comme l’eût
été
dans le domaine français une école suisse centrée sur Genève ou Lausa
1289
is, quand il publie, doit écrire une langue qui n’
est
pas son dialecte, mais qui est un « allemand écrit » (Schriftdeutsch)
1290
e une langue qui n’est pas son dialecte, mais qui
est
un « allemand écrit » (Schriftdeutsch). Cependant, il pense et il par
1291
e et il parle dans une langue quotidienne dont il
est
sûr, qui est celle des siens, qui est la sienne, et qu’il possède aut
1292
dans une langue quotidienne dont il est sûr, qui
est
celle des siens, qui est la sienne, et qu’il possède autant qu’il se
1293
nne dont il est sûr, qui est celle des siens, qui
est
la sienne, et qu’il possède autant qu’il se possède. Le cas du Suisse
1294
autant qu’il se possède. Le cas du Suisse romand
est
différent. Il écrit lui aussi dans une langue convenue, la langue de
1295
is faites à d’autres endroits) ni son accent (qui
est
dur et sec à Neuchâtel, aimable dans le pays de Vaud, plutôt vulgaire
1296
uais, enfin… tu comprends ? » On se quitte sans s’
être
compris. Deux rêvasseries se sont traversées sans se voir. » J’ai tou
1297
e quitte sans s’être compris. Deux rêvasseries se
sont
traversées sans se voir. » J’ai toujours détesté la qualification d’é
1298
d’expression allemande. Mais pour vexante qu’elle
soit
, la discrimination n’est pas toujours injustifiée… De cette difficul
1299
is pour vexante qu’elle soit, la discrimination n’
est
pas toujours injustifiée… De cette difficulté, non d’être mais de di
1300
toujours injustifiée… De cette difficulté, non d’
être
mais de dire, C. F. Ramuz voulut tirer vertu. Son esthétique de la ru
1301
cessé de la blâmer : « Car le phénomène de l’art
est
un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Loin d
1302
dirait qu’il décide de faire un style de ce qui n’
est
qu’embarras de langage pour la plupart de ses compatriotes. Ce n’est
1303
langage pour la plupart de ses compatriotes. Ce n’
est
pas au-delà de la plate correction scolaire, dans un usage plus libre
1304
thes primitifs, à la matière. « Je ne distingue l’
être
qu’aux racines de l’élémentaire », écrit-il dans Six Cahiers, ou enco
1305
ue de l’effort contre la pente : Certains hommes
tiennent
pour un gain tout ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne tiens
1306
out ce qui leur rapporte une facilité ; moi je ne
tiens
pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. J’ai la haine du confor
1307
une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui
sont
à leur façon tandis que je suis à la mienne.97 On sent bien que tou
1308
me les choses qui sont à leur façon tandis que je
suis
à la mienne.97 On sent bien que tout cela est écrit contre une cert
1309
suis à la mienne.97 On sent bien que tout cela
est
écrit contre une certaine idée de l’esprit suisse : moralisant et con
1310
e la Suisse fédérale, officielle, et choisit de n’
être
que vaudois ou rhodanien. Sollicité de s’exprimer sur ce pays pour un
1311
idus qui appartiennent politiquement à la Suisse)
sont
sans doute proprets, soigneux, consciencieux, mais c’est aussi qu’ils
1312
soigneux, consciencieux, mais c’est aussi qu’ils
sont
mesquins. Ils sont actifs, mais au-dedans de leur territoire, ils se
1313
cieux, mais c’est aussi qu’ils sont mesquins. Ils
sont
actifs, mais au-dedans de leur territoire, ils se replient sur eux-mê
1314
res par en haut, les « Suisses » (s’ils existent)
seraient
de braves gens qui ne s’occuperaient pas d’autrui, à seule fin d’évit
1315
d’éviter qu’autrui ne s’occupe d’eux… Nous qui en
sommes
, nous savons bien que nous ne sommes pas « Suisses », mais Neuchâtelo
1316
Nous qui en sommes, nous savons bien que nous ne
sommes
pas « Suisses », mais Neuchâtelois, comme vous, ou Vaudois, comme moi
1317
ces qui présentent quelque uniformité.98 Il eût
été
facile de lui répondre : si les Suisses n’existent pas, s’il n’y a qu
1318
e des Vaudois, des Bernois, des Uranais, qui donc
est
« mesquin », « soigneux et propret », en Suisse ? Qui donc est « pauv
1319
», « soigneux et propret », en Suisse ? Qui donc
est
« pauvre par en haut » ou incapable de s’exprimer ? Ramuz nomme « sui
1320
écis » de vin blanc, riant sous sa moustache, qui
était
très forte et noire et cachait son humour. Car Ramuz, antisuisse, est
1321
ire et cachait son humour. Car Ramuz, antisuisse,
est
plus suisse que nature dans sa philosophie et dans son art. À la dégr
1322
ion dans les arts et les sciences : Tout ce qui n’
est
pas répétition dans la culture naît d’une graine ailée dans un terrai
1323
seulement les vraies richesses. Saint-Pétersbourg
est
née d’architectes tessinois, comme Prague de maîtres bavarois, et l’é
1324
emps que l’Histoire du Soldat. C’est que Genève s’
était
« révélée » dès longtemps au contact d’un génie étranger lui aussi :
1325
ger lui aussi : celui de Calvin le Picard. Genève
est
bien moins un pays qu’un carrefour, un lieu de rencontre et un foyer
1326
énine. Mais Dostoïevski l’a détestée : « Tout ici
est
hideux, putréfié, hors de prix. » En 1868, il a fait inscrire à l’éta
1327
Genève, ruiné une fois de plus.) Cette rencontre
est
typique de cette ville, ou pendant ce temps Amiel dans l’ombre écriva
1328
de ses livres de chevet.) La littérature à Genève
est
en marge de la vie de la cité telle qu’on la voit du monde entier. Di
1329
l’idée convenue de l’austérité calviniste —, elle
est
liée à la nature humanisée, aux « campagnes » qui entourent la ville,
1330
re suisse », du moins d’une attitude d’esprit qui
fut
longtemps commune aux créateurs issus de nos divers cantons. La Nouve
1331
résente, mélancolique, maternelle ou menaçante, y
tient
la place de l’inquiétude métaphysique chez un Dostoïevski ou un Kafka
1332
n Stendhal ou un Proust. Ces traits de discrétion
sont
protestants, peut-être ? Mais le goût de la mesure, de l’intériorité,
1333
t des communautés diverses qui s’y côtoient. Il n’
est
pas sûr d’ailleurs que cette tradition suisse ait un avenir. J’en voi
1334
oubadour tardif, tué en combat singulier en 1397,
est
le seul poète romand dont la réputation ait passé nos limites avant l
1335
œuvres en prose de ces deux romanciers. Mais ce n’
est
qu’à la fin du xixe siècle qu’elle voit paraître dans son sein un cr
1336
et de la conscience conformiste. « Je n’ai jamais
été
un poète suisse, ni un poète allemand, mais européen, international e
1337
de même, au critique hongrois Albert Gyergyai qui
était
venu le saluer comme « le chantre de sa nation », Spitteler, alors âg
1338
lors âgé de quatre-vingts ans, répondit : « Je ne
suis
pas le poète de la nation : chez nous, c’est encore et toujours Kelle
1339
z nous, c’est encore et toujours Keller. Je ne me
suis
jamais senti un Suisse foncièrement autochtone. Il suffit que je sois
1340
Suisse foncièrement autochtone. Il suffit que je
sois
poète ; chaque épithète rétrécirait ce fait et chaque étiquette m’est
1341
pithète rétrécirait ce fait et chaque étiquette m’
est
odieuse. Hellène ou Helvète, populaire ou cosmique, romantique ou bie
1342
ès ma jeunesse j’ai choisi ma route et je ne m’en
suis
plus écarté ; et s’il y a, comme vous dites, un trait suisse en moi,
1343
s dites, un trait suisse en moi, c’est ce désir d’
être
ailleurs, c’est cette soif inextinguible des grands espaces, d’une vi
1344
poètes novateurs d’autres pays environnants, ce n’
est
pas faute d’un sens lyrique profond, dont témoignent Ramuz, Honegger
1345
ou en peinture. Faut-il penser que la cité suisse
est
trop bien ordonnée pour un poète ? Ou que l’auteur suisse se sent tro
1346
? Mais les frontières, les marches, les passages
sont
toujours des lieux émouvants, et de cela la Suisse est riche. La poé
1347
oujours des lieux émouvants, et de cela la Suisse
est
riche. La poésie moderne n’a rien de grand chez nous, mais elle a pr
1348
e vieille famille originaire de la Bohême, et qui
était
établie depuis le xve siècle à San Murezzan (Saint-Moritz), pouvait
1349
guerres de Napoléon, suivi Murat à Naples, où il
était
resté après le retour des Bourbons, et avait terminé sa carrière comm
1350
is moine, administra l’évêché de Monaco, et enfin
fut
élu général de l’ordre des bénédictins, sous le nom de dom Romarino-M
1351
e nom de dom Romarino-Maria. Le cadet, Francesco,
fut
officier à Naples. À la chute du royaume des Deux-Siciles, il rejoign
1352
o, Alberto, Wladimiro, Alessandro Appolinare, qui
sera
le poète. Les prénoms qu’il porte ne sont pas ceux des Flugi, qui ne
1353
re, qui sera le poète. Les prénoms qu’il porte ne
sont
pas ceux des Flugi, qui ne reconnurent jamais ce bâtard. Il n’en eut
1354
famille. Quant aux critiques littéraires, ils se
sont
longtemps disputés pour savoir qui, d’Apollinaire ou de Cendrars, ava
1355
es Pâques à New York ou la Prose du Transsibérien
sont
à peu près contemporaines104, et les ressemblances sont troublantes.
1356
peu près contemporaines104, et les ressemblances
sont
troublantes. Ces deux poètes ont fait la guerre en France — tradition
1357
une communauté proche et concrète : il lui doit d’
être
intelligible (d’autant plus qu’il est professeur) et responsable des
1358
lui doit d’être intelligible (d’autant plus qu’il
est
professeur) et responsable des conclusions morales que l’on pourrait
1359
» et voué à l’« extraordinaire », et que « la foi
est
une passion ». Le Vaudois accorde un peu plus que le Danois à la comm
1360
ait pas. » Et plus tard : « Quand tous les périls
seraient
dans la liberté, toute la tranquillité dans la servitude, je préférer
1361
lée « Des Indes à la planète Mars » (1900), il ne
fut
pas seulement un précurseur de Freud dans l’exploration du rêve consi
1362
et Carl Gustav Jung Point de spéculation sur l’
Être
en soi, mais seulement sur les relations entre Dieu et l’individu, en
1363
e plus grand psychologue de ce siècle, jusqu’ici,
soient
deux Suisses : Karl Barth et C. G. Jung. En eux la Suisse excelle et
1364
udisme ou du léninisme dans d’autres domaines. Il
est
nommé professeur en Allemagne. Devant les prétentions nationales-soci
1365
à Bâle, il édifie une Dogmatique de l’Église qui
est
le monument théologique le plus hardi et dur d’arêtes de l’ère modern
1366
et dur d’arêtes de l’ère moderne. On n’avait pas
été
moins conformiste depuis Luther dans la réinvention de l’orthodoxie.
1367
iècle de formalisme puritain et sentimental, ne s’
était
élevée dans les Églises en retraite devant le « monde moderne ». En v
1368
de l’Église initiée par le pape Jean XXIII. Ce n’
est
pas le moindre paradoxe de sa carrière, pleine de surprises pour ses
1369
ien que cela » qu’il a puisée dans saint Paul, il
est
le seul théologien depuis Calvin qui ait influencé l’ensemble des Égl
1370
e dogmatique. Alors que Barth veut définir ce qui
est
vrai « en Dieu » selon la Parole de Dieu, Jung recherche ce qui se pa
1371
écouvre la valeur des rites et des symboles et il
est
tout le contraire d’un iconoclaste — mais quand il déclare, dans sa R
1372
pas lieu de s’en réjouir : car l’hommage de Jung
est
rendu à la Sophia aeterna de la mythologie gnostique. Barth se veut s
1373
éminin des mystiques hérétiques. Pour Barth, Dieu
est
le vis-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu est une réali
1374
-à-vis de l’homme, le Tout Autre. Pour Jung, Dieu
est
une réalité psychique. Le théologien n’a que faire de la psychologie,
1375
psychologue n’a que faire des dogmes, sauf s’ils
sont
l’expression cristallisée d’un mythe, d’une situation archétypique, d
1376
âme, — et c’est précisément dans la mesure où ils
seraient
un mythe fixé que Barth les rejetterait. Le dialogue entre ces deux h
1377
rejetterait. Le dialogue entre ces deux hommes n’
était
même pas concevable, et de fait il n’a pas eu lieu. Leurs disciples (
1378
ntégration ou de synthèse même très partielle n’a
été
entreprise jusqu’ici, que je sache. (Un jour, peut-être, j’essaierai
1379
x » : de Bodmer aux Burckhardt Jeter des ponts
est
une activité à laquelle leur pluralisme culturel et religieux destine
1380
peut-être et en tout cas incite les Suisses. S’il
est
vrai que la première confédération des Waldstätten est née du Gothard
1381
rai que la première confédération des Waldstätten
est
née du Gothard, ce col n’est devenu viable et carrossable qu’au momen
1382
tion des Waldstätten est née du Gothard, ce col n’
est
devenu viable et carrossable qu’au moment où le pont du diable a perm
1383
relier le Midi au Nord du Saint-Empire. D’Italie
sont
montées les idées puis les arts, tandis que de la Germanie et des Lig
1384
e, ou, plus précisément, un mouvement de pensée d’
est
en ouest se prononce. Si Rousseau a fécondé le préromantisme allemand
1385
ui paraît dévolue à nos cités. Helvetia mediatrix
est
le titre d’un petit ouvrage classique du comparatiste zurichois Fritz
1386
istorien de la Renaissance, je ne pense pas qu’il
tienne
de lui ce don de prévision de l’avenir européen dont tous deux ont fa
1387
s qu’il a vécus et qu’il avait prévus, Burckhardt
est
le type même de l’écrivain qui ne peut séparer la pensée de l’action,
1388
eux »… (Mais j’allais oublier de dire que « CJB »
est
aussi un conteur fascinant, un humoriste redoutable, et un grand chas
1389
ispositions aussi favorables aux sciences qu’il l’
est
peu à la poésie pure ou à la pure métaphysique. C’est dans les scienc
1390
t dans les sciences humaines, bien entendu, qu’il
sera
le plus facile de vérifier cette hypothèse descriptive. En 1880, un j
1391
nevois se présente à un professeur de Leipzig. Il
est
candidat au doctorat. « Votre nom, monsieur ? — Saussure. — Êtes-vous
1392
u doctorat. « Votre nom, monsieur ? — Saussure. —
Êtes
-vous parent du célèbre auteur du Mémoire sur les voyelles ? — C’est m
1393
aines telles qu’on les comprend aujourd’hui. On n’
est
pas plus Genevois, au sens traditionnel et patricien du terme (qui se
1394
s son Mémoire décide de sa carrière. À 24 ans, il
est
professeur à l’École des hautes études à Paris. À 34 ans, il refuse u
1395
le des mathématiciens modernes et sa linguistique
est
fondée sur une science des signes (la sémiologie) qui est en train de
1396
ée sur une science des signes (la sémiologie) qui
est
en train de trouver ses applications dans l’électronique, non moins d
1397
La vie des cellules s’exprime en codes. Voilà qui
est
tout à fait copernicien : au début, il y a Saussure qui propose une m
1398
emble des sciences de l’homme. Je considère qu’il
est
à lui seul un moment capital de la pensée européenne.109 Dans un a
1399
u décentrement nécessaire, la personnalité, qui n’
est
autre qu’une « coordination de l’individualité avec l’universel » ; «
1400
le situant dans une totalité cohérente »… … S’il
est
vrai que la coopération est la « réciprocité entre individus autonome
1401
é cohérente »… … S’il est vrai que la coopération
est
la « réciprocité entre individus autonomes », il faut reconnaître dan
1402
en Suisse : éduquer ou guérir, réformer, relier,
être
utile au plus haut sens du terme, connaître l’homme pour le rendre pl
1403
r le rendre plus libre et par là même plus apte à
tenir
son rôle dans la vie de sa communauté : « Je veux l’homme maître de l
1404
: « Je veux l’homme maître de lui-même afin qu’il
soit
mieux le serviteur de tous », écrivait Alexandre Vinet, et il est sig
1405
viteur de tous », écrivait Alexandre Vinet, et il
est
significatif que cette parole soit si souvent citée dans ce pays. À l
1406
re Vinet, et il est significatif que cette parole
soit
si souvent citée dans ce pays. À l’aube de l’histoire des sciences en
1407
où Paracelse avait séjourné et pratiqué son art,
est
restée la terre d’élection des guérisseurs hétérodoxes, mais on trouv
1408
eutes, explorateurs de toutes les dimensions de l’
être
humain que la science des spécialistes néglige parfois. La médecine o
1409
e en ce pays, et la réputation de ses « patrons »
est
mondiale : sur trois-cent-quarante-deux diplômes de doctorat décernés
1410
médecine que compte la Suisse, près du tiers ont
été
conquis par des étudiants étrangers. Si l’on examinait la tradition d
1411
aluation de la productivité savante d’un pays ont
été
révolutionnés, depuis les environs de 1900. Si l’on garde en mémoire
1412
t parmi nous, hommes du milieu du xxe siècle, il
est
facile d’imaginer que la tradition des quelques-uns, qui faisaient pa
1413
ppartinrent jadis à tel petit pays, risque fort d’
être
noyée dans un flot d’influences tout internationales. Que reste-t-il
1414
… … 6. Allemagne 0,71 Russie et URSS 0,03 Il
est
permis de lire dans ce tableau les avantages du petit pays en général
1415
que j’ai tenté de caractériser. Toute la question
est
de savoir si elle saura les renouveler ou en trouver l’équivalent fut
1416
llement accrues que la nature même du problème en
est
changée. Les universités Une partie décisive de l’avenir du pay
1417
ses universités, puisque les atouts de la Suisse
sont
presque exclusivement qualitatifs. Les Suisses peuvent se vanter de p
1418
ait encore plus vrai il y a cent ans, et que ce l’
est
chaque jour un peu moins, car depuis 1848 la population a plus que do
1419
e relatif et vertus créatrices. Toute la question
est
donc d’assurer dès maintenant une relève des élites anciennes sur une
1420
s inscrits dans nos dix établissements supérieurs
était
à peine de 26 000 en 1962-1963, parmi lesquels 17 500 Suisses. La mêm
1421
une université et une école polytechnique ». II
est
remarquable que seule la seconde ait été créée. Cette allégeance à la
1422
e ». II est remarquable que seule la seconde ait
été
créée. Cette allégeance à la « petite patrie » ménage aux universités
1423
tonomie morale aussi large que possible. Elles ne
sont
pas soumises à une doctrine d’État, mais reflètent le genius loci et
1424
igieuses. Celles de Genève, Lausanne et Neuchâtel
sont
françaises et marquées par l’esprit protestant ; celle de Fribourg, c
1425
européenne. Il faut croire que le besoin ne s’en
est
pas fait sentir assez fortement pour surmonter les tendances particul
1426
tion par l’opinion publique des trois cantons. Il
est
caractéristique que la seule haute école qui dépende de l’État fédéra
1427
de de l’État fédéral, le Polytechnicum de Zurich,
soit
un institut de recherches et de préparation technique et professionne
1428
trine politique. Les avantages du régime cantonal
sont
évidents. Le nombre élevé des établissements supérieurs qui en a résu
1429
acune se veut complète et suffisante, aucune ne l’
est
ou ne pourra le rester longtemps. Elles invoquent le fédéralisme à l’
1430
lorsque la dimension des tâches l’exige, qu’elles
soient
pédagogiques ou budgétaires. Le vrai fédéralisme ne veut pas que chac
1431
ranger des objets dont l’utilité même militaire n’
était
pas démontrable (et ne le sera jamais, espérons-le). Tandis qu’il me
1432
même militaire n’était pas démontrable (et ne le
sera
jamais, espérons-le). Tandis qu’il me souvient d’une subvention de l’
1433
e l’Europe et des techniques nouvelles. Mais ce n’
est
pas au seul niveau des hautes écoles qu’il faudrait essayer d’interve
1434
r », comme on le dit d’un fruit. « Tout Suisse
est
pédagogue » Le souci éducatif est diffus dans toute l’atmosphère s
1435
Tout Suisse est pédagogue » Le souci éducatif
est
diffus dans toute l’atmosphère suisse, famille, sociétés, syndicats,
1436
sociétés, syndicats, armée, écoles. « Tout Suisse
est
pédagogue », répètent les auteurs suisses. Et cela s’explique aisémen
1437
sé de vingt-cinq patries minuscules, la tolérance
est
une nécessité vitale. Mais s’il n’est pas question d’éliminer le vois
1438
a tolérance est une nécessité vitale. Mais s’il n’
est
pas question d’éliminer le voisin qui diffère par la langue ou la foi
1439
ent à se procurer. Or le tour de main, le métier,
est
une affaire de tradition, de transmission de père en fils, de maître
1440
ère en fils, de maître d’atelier en apprenti : il
est
fait de mille conseils et d’exemples pratiques. Ces dispositions psyc
1441
ne de l’éducation et de la pédagogie. La première
est
celle qui régit l’enseignement primaire. Elle pourrait être caractéri
1442
qui régit l’enseignement primaire. Elle pourrait
être
caractérisée par les traits suivants : un égalitarisme à base de méfi
1443
nel. Certes, Calvin disait déjà : « La république
est
au collège. » Mais son collège était une école du chrétien, sa discip
1444
La république est au collège. » Mais son collège
était
une école du chrétien, sa discipline celle de la Vérité, à la fois tr
1445
fois transcendante et révélée. L’école primaire n’
est
plus guère inspirée que par quelques principes de « bonne conduite ».
1446
lui, l’humanité s’avachirait totalement. Mais il
est
dans l’ordre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. » Il est c
1447
u’elle beugle longuement tout en le suivant. » Il
est
certain qu’on ne m’a pas suivi, et donc probable que l’école primaire
1448
ue l’école primaire, en Suisse comme ailleurs, en
est
restée — dans son esprit sinon dans ses méthodes résolument progressi
1449
uel. » Hélas, en 1942, Edmond Gilliard (qui avait
été
l’éditeur de mon pamphlet dans ses « Petites Lettres de Lausanne ») n
1450
ue, qui se développe parallèlement à la première,
est
celle de l’école nouvelle. Elle se réclame de deux grands ancêtres su
1451
un développement harmonieux des facultés ». On s’
est
gaussé de leurs expériences et de l’apparente anarchie qui régnait da
1452
abilité personnelle et sociale. Quels qu’aient pu
être
les excès de l’« école nouvelle » à ses débuts, ou les conséquences e
1453
à ses débuts, ou les conséquences extrêmes qui en
furent
parfois tirées par l’Amérique, il est incontestable que l’avant-garde
1454
s qui en furent parfois tirées par l’Amérique, il
est
incontestable que l’avant-garde pédagogique de Genève a contribué à a
1455
ues-Dalcroze, la gymnastique, les travaux manuels
tiennent
beaucoup plus de place dans les programmes suisses que ce n’est le ca
1456
lus de place dans les programmes suisses que ce n’
est
le cas en France, mais les sports y sont moins envahissants qu’en Amé
1457
que ce n’est le cas en France, mais les sports y
sont
moins envahissants qu’en Amérique120. En général, l’élève suisse acqu
1458
e des petites démocraties modernes. Si variés que
soient
les types d’écoles primaires ou secondaires, partout adaptés aux circ
1459
nt le rôle d’une sorte de catéchisme laïque. Ce n’
est
donc pas à un défaut de démocratisation de l’école primaire qu’il s’a
1460
Rhône. Au ive siècle, une communauté chrétienne
est
établie à Genève, Bâle est déjà le siège d’un évêché, de même que Mar
1461
communauté chrétienne est établie à Genève, Bâle
est
déjà le siège d’un évêché, de même que Martigny en Valais. Au ve siè
1462
Valais. Au ve siècle, ces territoires romanisés
sont
envahis par les Burgondes, Germains professant l’arianisme et qui ne
1463
Rome, mais un fond celtique plus ancien qui leur
est
congénital, et sur lequel ils appuieront leur effort d’évangélisation
1464
sation, en sorte que le christianisme, en Suisse,
sera
le dernier rejeton de la « civilisation de Iona », comme dirait Arnol
1465
nt que contre les Habsbourg. L’un des plus fameux
est
celui d’Einsieldeln, situé en plein cœur de la Suisse primitive, et d
1466
ovations religieuses de Zurich. L’esprit clérical
était
prononcé, et ses abus non moins criants qu’en Allemagne. La vie intel
1467
iants qu’en Allemagne. La vie intellectuelle ne s’
était
éveillée que tardivement, au xve siècle, l’Université de Bâle, fondé
1468
nsi que la secte des Amis de Dieu, dont le centre
était
à Strasbourg, comptait beaucoup de disciples chez les Suisses : Nicol
1469
a définitivement à Genève qu’en 1540. Or Genève n’
est
liée aux Suisses que par quelques traités de combourgeoisie. Elle ne
1470
des premières guerres civiles religieuses. Et ce
sont
les deux villes soumises à son influence, Zurich et Berne, qui prendr
1471
partage de la Suisse entre les deux confessions s’
est
opéré dans ses grandes lignes. La proportion d’un peu plus de 2/5 de
1472
a Réforme124. Mais d’importantes modifications se
sont
manifestées dans la répartition géographique des deux principales con
1473
ard encore pratiquement, le droit d’établissement
était
refusé par les cantons aux Suisses d’une confession différente de cel
1474
ambitieux risquerait de troubler la paix, et l’on
est
prudent. On ne rayonne donc pas. On se respecte à distance et même on
1475
ier le fait déjà remarquable que le peuple suisse
est
acquis au respect effectif des consciences, il ne comprend plus les m
1476
de superstitions, tandis que le catholique moyen
tient
le protestant pour un demi-incrédule, prisonnier d’une morale ennuyeu
1477
deux exemples : À Zurich, en 1963, un référendum
est
organisé sur la reconnaissance par l’État de l’Église romaine. Les de
1478
l’Église romaine. Les deux tiers de la population
sont
protestants. Or ce sont les milieux dirigeants de cette majorité qui
1479
ux tiers de la population sont protestants. Or ce
sont
les milieux dirigeants de cette majorité qui ont recommandé d’accorde
1480
ccorder l’égalité de droits à la minorité. La loi
est
acceptée par 68 % des votants. À Glaris, une vaste église, depuis de
1481
s, une vaste église, depuis de nombreuses années,
est
commune aux deux cultes. Elle s’orne de deux tours jumelles, qui port
1482
tent chacune une horloge : c’est superflu et ce n’
est
pas beau, mais il se peut que ce soit symbolique. La nef est totaleme
1483
rflu et ce n’est pas beau, mais il se peut que ce
soit
symbolique. La nef est totalement dépourvue d’ornements. L’autel cons
1484
u, mais il se peut que ce soit symbolique. La nef
est
totalement dépourvue d’ornements. L’autel consacré à Marie — en retra
1485
tel consacré à Marie — en retrait sur la gauche —
est
caché par la chaire : les protestants ne peuvent le voir pendant le s
1486
Dans ce chœur, un autel très sobre, qui pourrait
être
luthérien ou anglican aussi bien que romain. La froide nudité protest
1487
e inter-communion en esprit naîtra-t-elle ? C’eût
été
inconcevable avant Vatican II… Mais d’autres convergences, plus profo
1488
idèles romains, la libre lecture de la Bible leur
est
dorénavant recommandée, et la messe est de plus en plus commentée, ca
1489
ible leur est dorénavant recommandée, et la messe
est
de plus en plus commentée, car dite en langue moderne désormais. En r
1490
éveloppe chez les réformés. Les paroisses où il s’
est
implanté voient aussitôt affluer la jeunesse, les couleurs et les ryt
1491
e de nuance proprement helvétique ? La question n’
est
pas sans intérêt, car elle soulève celle des rapports entre le régime
1492
igion. Dans l’ensemble, le protestantisme suisse
est
resté beaucoup plus zwinglien que calviniste. Non point qu’on lise en
1493
réformateur de Zurich, ni même que ses doctrines
soient
enseignées. Mais il a proposé aux Suisses la forme de religion qui co
1494
d’entre eux. Calvin, dès son arrivée à Genève, s’
est
heurté à des résistances populaires et ne les a pas toutes surmontées
1495
es formes liturgiques qu’il préconisait n’ont pas
été
adoptées. Sa rigueur doctrinale, toute latine, est restée étrangère à
1496
té adoptées. Sa rigueur doctrinale, toute latine,
est
restée étrangère à un peuple qui se méfie des positions tranchées, de
1497
(le choral luthérien et le psaume calviniste n’y
sont
entrés que plus tard), ce culte paraît à ses fidèles d’autant plus pu
1498
ulte paraît à ses fidèles d’autant plus pur qu’il
est
plus dépouillé. Les cérémonies pompeuses, les vêtements ecclésiastiqu
1499
stiques, les fêtes, les symboles, les hiérarchies
sont
taxés d’hypocrisie127. L’extrême appauvrissement des formes cultuelle
1500
tuelles, chez les protestants suisses, ne saurait
être
attribué à la seule influence de Zwingli. Il traduit d’une part une t
1501
s formes, et aussi une pudeur profonde. Le Suisse
est
plus naturellement porté qu’aucun autre Européen à traiter de « singe
1502
n à traiter de « singerie » toute expression tant
soit
peu spontanée de la ferveur religieuse, et toute dévotion publique lu
1503
oute dévotion publique lui paraît théâtrale. Ce n’
est
pas que le sentiment, ni même le sentimentalisme, soit absent des cér
1504
pas que le sentiment, ni même le sentimentalisme,
soit
absent des cérémonies les plus dépouillées qu’il tolère : le mouvemen
1505
sobriété. L’organisation des Églises protestantes
est
calquée sur la structure fédéraliste du pays. Liées à l’État, ou libr
1506
que l’Église suisse comme telle n’existe guère, n’
est
qu’une fédération assez lâche d’Églises cantonales, et pourrait diffi
1507
l’attitude des théoriciens du parti catholique n’
est
pas seulement inspirée par le statut minoritaire de leur confession.
1508
rs de la Confédération moderne, les radicaux, ont
été
conduits par le souci d’éliminer le plus possible l’influence politiq
1509
ur la solidité du lien confédéral. Les Suisses ne
sont
pas anticléricaux, pour la raison que le cléricalisme a depuis longte
1510
en que l’État demeure officiellement laïque, ce n’
est
jamais d’une manière agressive. L’action individuelle d’hommes politi
1511
ues chrétiens, sensible dans plus d’un domaine, n’
est
pas entravée par l’opinion publique ou les partis, bien au contraire.
1512
es partis, bien au contraire. Et si la religion n’
est
présente dans les discours officiels que sous l’espèce de clichés, el
1513
fficiels, rédigés par les Églises. Cette occasion
est
devenue prétexte à des « menus du Jeûne » fort abondants qu’annoncent
1514
s, Dieu merci, la religion des Suisses ne saurait
être
mesurée à ces manifestations extérieures. Plus morale que rituelle, e
1515
x, selon les sondages d’opinion, les Suisses n’en
sont
pas moins inquiets. Réfléchissant aux motifs spécifiques de ce compor
1516
pécifiques de ce comportement paradoxal (mais qui
est
en somme celui des riches et de l’Occident en général), il m’a semblé
1517
quiétude du nanti, « spectateur de l’Histoire » ;
est
-ce que ça va durer, est-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tra
1518
ctateur de l’Histoire » ; est-ce que ça va durer,
est
-ce qu’on va nous laisser longtemps encore tranquilles dans notre coin
1519
és, des grands ensembles politiques en formation,
est
-ce que nos libertés, et la Suisse elle-même, en tant qu’État, gardent
1520
sister ? Inquiétude spirituelle et morale enfin :
est
-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas été gagnées au prix de
1521
st-ce que tant de paix et de prospérité n’ont pas
été
gagnées au prix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’être ?
1522
ix de notre âme ? Au prix de nos vraies raisons d’
être
? L’autocritique est devenue, au cours des dernières décennies, l’une
1523
rix de nos vraies raisons d’être ? L’autocritique
est
devenue, au cours des dernières décennies, l’une des tendances les pl
1524
u Marché commun, s’interroger sur l’avenir suisse
est
devenu notre sport national, et je ne vois pas d’autre pays qui puiss
1525
œuvre, d’un produit, d’une doctrine : « Voilà qui
est
bien français ! » on entend : Voilà qui est excellent, typique du pre
1526
à qui est bien français ! » on entend : Voilà qui
est
excellent, typique du premier pays du monde, et bien digne d’être app
1527
typique du premier pays du monde, et bien digne d’
être
approuvé par tous ses citoyens. Mais quand on dit en Suisse (romande
1528
lectuel français approuve en principe tout ce qui
est
français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il soit). L’intellectuel
1529
t français, sauf le régime au pouvoir (quel qu’il
soit
). L’intellectuel suisse, c’est à peu près le contraire. Les motifs sp
1530
e d’Alain : Le Citoyen contre les Pouvoirs. Ce ne
sont
pas les Pouvoirs que le Suisse inquiet met en cause, mais plutôt ses
1531
nquiet met en cause, mais plutôt ses concitoyens.
Sont
-ils à la hauteur de leurs institutions ? Méritent-ils leurs privilège
1532
institutions ? Méritent-ils leurs privilèges ? Ne
sont
-ils pas en train de s’enliser dans un épais matérialisme, et dans un
1533
ècle : une sorte de complexe de culpabilité. Il s’
est
noué pendant la Première Guerre mondiale. « Neutres, mais non pas ple
1534
ous excusons. « S’excuser de quoi ? » Quiconque s’
est
jamais trouvé au chevet d’un malade sait ce que je veux dire. Un homm
1535
latrice de la manière dont le « complexe suisse »
est
prompt à se couler dans les tournures du langage théologique129 : Le
1536
eutralité suisse. Les Suisses, depuis 400 ans, ne
sont
en réalité que les hôtes et les spectateurs de l’Histoire. Considéran
1537
éjouissent de leur liberté et de leur sagesse. Ce
sont
, par nature, des pharisiens de la politique, qui remercient Dieu de c
1538
la politique, qui remercient Dieu de ce qu’ils ne
sont
pas comme les autres. Le Suisse est assis dans sa petite maison, et i
1539
ce qu’ils ne sont pas comme les autres. Le Suisse
est
assis dans sa petite maison, et il regarde par sa petite fenêtre, et
1540
. La politique suisse vit de compromis. Le Suisse
est
un bourgeois qui place au premier rang de ses préoccupations son repo
1541
ccupations son repos et sa sécurité. Tel pourrait
être
, à peu près, le péché propre des Suisses. C’est dans la conscience na
1542
ilité [à l’égard de notre patrie], mais ce devoir
est
celui d’un accusé et d’un coupable. Helveticus sum, homo sum, peccato
1543
um, homo sum, peccator sum. Péché et culpabilité
sont
des concepts théologiques130 dont je ne vois pas qu’ils trouvent dans
1544
application pertinente. La neutralité ne pourrait
être
péché que chez ceux qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle e
1545
x qui s’en font une vertu, mais pas en soi. Elle
est
une mesure politique — expédient rendu nécessaire par l’absence de po
1546
l’on doit discuter —, mais la traiter de péché n’
est
pas une solution et empêche même d’en trouver une, car si elle est un
1547
ion et empêche même d’en trouver une, car si elle
est
un péché, il faut le révoquer, ou si elle nous fait tomber dans le pé
1548
, vingt ans plus tôt, accusait ses compatriotes d’
être
« spectateurs de l’Histoire » ! S’il s’avère au contraire que la neut
1549
ère dont les Suisses s’examinent : mettons que ce
soit
de l’autocritique au second degré. Les exemples cités au cours de cet
1550
is les vrais problèmes se posent, ou plutôt : ils
sont
encore là, attendant qu’on les examine une fois passés nos examens de
1551
en qui venait admirer notre libre Helvétie et qui
est
un peu déconcerté… Eh bien, lisez nos quotidiens : on y parle à longu
1552
ou de Livourne. On pensait que tous ces problèmes
étaient
moins difficiles chez vous, dans vos petits États fédérés. — Oui, dis
1553
Le Marché commun nous menace. Notre neutralité n’
est
pas toujours comprise. Notre fédéralisme est compromis, et ce qu’il e
1554
té n’est pas toujours comprise. Notre fédéralisme
est
compromis, et ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises. Est-ce
1555
ce qu’il en reste freine l’élan des entreprises.
Est
-ce qu’il y aura une place pour nous dans le monde qui vient ? Satiriq
1556
s démontrer aux hommes qu’ils voient trop court n’
est
pas le meilleur moyen de les libérer. Il faudrait leur montrer des ho
1557
udrait leur montrer des horizons plus vastes, qui
soient
les leurs. Mieux vaudrait donc, me semble-t-il, proposer que les Suis
1558
je ne la vois pas ailleurs que dans les raisons d’
être
de leur communauté peu croyable mais vraie — ce miracle qu’il faut tr
1559
gime possible d’un avenir humain de l’Europe ! Il
est
menacé, nous dit-on ? Rien de tel pour tirer un homme de ses doutes b
1560
ire tentation et vraiment son péché virtuel — qui
est
la peur d’assumer sa vocation. 80. Cf. l’enquête Un jour en Suiss
1561
, 1964. 81. 300 000 Suisses vivent à l’étranger,
soit
5 % de la population. Cette proportion est décroissante : 10 % avant
1562
nger, soit 5 % de la population. Cette proportion
est
décroissante : 10 % avant 1914, 7,5 % en 1945. 82. Je pense à des ou
1563
pourtant les parents et trois des grands-parents
étaient
de Neuchâtel, je trouve 30 Neuchâtelois et 34 Européens surtout Franç
1564
théologique. C’était au xvie siècle et Genève n’
était
pas suisse. L’État n’intervient aujourd’hui que par l’octroi de subve
1565
d. À la bataille de la Bicoque, les lansquenets s’
étaient
dissimulés dans des tranchées, pendant que leur artillerie décimait l
1566
f pour tout ce qui parle français. 96. L’école n’
est
pas seule responsable, bien sûr, mais c’est elle qui devrait réagir c
1567
lès et Pierre Girard, leur ami Jacques Chenevière
est
le représentant le plus parfait de cette école genevoise du sentiment
1568
ncier vaudois Bernard Barbey, alors que l’inverse
est
vrai pour le Valaisan Maurice Zermatten et pour C.-F. Landry, discipl
1569
proches de l’élémentaire. Avec Maurice Chappaz on
est
en poésie, en invention verbale, en fable épique, et non plus en intr
1570
eurs artisans du vers et de la prose soutenue. Ce
sont
aussi d’admirables adaptateurs-recréateurs du Shakespeare des Sonnets
1571
Keats, de Hölderlin ou de Robert Musil ; comme le
fut
avant eux des troubadours et de Pétrarque Charles-Albert Cingria, don
1572
, 1932, petit volume introuvable aujourd’hui, qui
est
une des réussites de la prose de Cendrars. 103. Cf. E. Droz, Les Anc
1573
fondateur du Bureau international de l’Éducation,
est
actuellement professeur à Genève et à la Sorbonne. 111. Georges Gusd
1574
fois vivre en Suisse, surtout à Bâle où il avait
été
appelé pour soigner Érasme, auquel il sauva la vie. Il y fut nommé pr
1575
pour soigner Érasme, auquel il sauva la vie. Il y
fut
nommé professeur à la faculté, contre l’avis des médecins officiels.
1576
de morale et de politique ; à son frère Jean, qui
fut
le maître d’Euler, l’invention du calcul exponentiel et des découvert
1577
e physique et de géographie ; à Jérôme enfin, qui
fut
président du Conseil d’État, d’importantes collections d’histoire nat
1578
00 appareils. En 1964, on s’aperçut que les devis
seraient
dépassés dans une mesure telle (près d’un milliard) qu’il fallut rédu
1579
ne enquête exigée par les Chambres. Des sanctions
furent
prises, affectant le haut commandement et quelques experts, mais non
1580
iérarchie des valeurs paraît aussi démodée que le
seront
demain les Mirages. Cependant le Conseil fédéral propose aux Chambres
1581
lix Bovet, écrivait : « Cet enfant m’inquiète, il
est
trop avancé, il se développe trop… Il faudra le mettre à l’école, dit
1582
’hui ». S’engager dans le réel, écrivais-je, ce n’
est
pas se soumettre à la tactique d’un parti, « ce n’est pas se mettre e
1583
pas se soumettre à la tactique d’un parti, « ce n’
est
pas se mettre en location, … signer ici plutôt que là… c’est assumer
1584
. D’autres, plus tard — une guerre plus tard — se
sont
fait une gloire du terme, mais pris au sens, précisément, que je déno
1585
au sens, précisément, que je dénonçais. 119. Il
est
frappant de relire ce texte après « les événements » de 1968 ! Edmond
1586
stituant un secrétariat scolaire fédéral, qui eût
été
chargé de préparer une loi uniforme sur l’enseignement primaire. Cett
1587
primaire. Cette tentative centralisatrice n’a pas
été
renouvelée jusqu’ici. Elle le sera, normalement, avant peu d’années.
1588
satrice n’a pas été renouvelée jusqu’ici. Elle le
sera
, normalement, avant peu d’années. 122. Chez les anciens Germains, le
1589
ons 4 8 L’augmentation de 4,9 % des catholiques
est
due pour moitié à l’afflux des résidents étrangers. 125. En 1850, 9
1590
les Scandinaves, les Anglais et les Américains —
sont
aussi impressionnés par un Monseigneur romain que les farouches répub
1591
ad. de l’auteur.) 130. Nuançons : la culpabilité
est
aussi un état ou une conduite psychologiques. L’Évangile parle de rem
1592
r européen Le régime que l’on vient de décrire
est
, dans l’Histoire, l’un des derniers venus. Si l’on représente par une
1593
t objet de mon étude, ce petit corps politique, n’
est
-il pas destiné à tomber rapidement en désuétude, dans un monde en ple
1594
forme de pensée certes courante encore, mais qui
est
elle-même anachronique : celle du propriétaire terrien, gérant d’un É
1595
État national. Or, nous avons vu que la Suisse n’
est
pas d’abord un territoire mais une fonction. Son importance n’est pas
1596
un territoire mais une fonction. Son importance n’
est
pas celle d’un domaine, mais d’une structure de relations. Elle ne se
1597
ent élaborée par les hommes qui ont fait ce pays,
sera-t
-elle applicable dans le monde de demain, et d’abord dans l’Europe uni
1598
de de demain, et d’abord dans l’Europe unie ? Tel
est
le point de perspective de tout mon livre. Je suis remonté aux origin
1599
est le point de perspective de tout mon livre. Je
suis
remonté aux origines de notre histoire, et j’ai suivi son labyrinthe,
1600
des « terribles simplificateurs ». Le labyrinthe
était
un raccourci ! Voilà qui me paraît typique de ce pays : pendant des s
1601
e de ce pays : pendant des siècles, on croit s’en
tenir
à l’ancien, on accepte de retarder sur l’évolution des voisins, mesur
1602
fil du réel. J’ai décrit des institutions qui me
sont
apparues à la fois anachroniques et futuristes, tout encombrées de su
1603
eaux de forces infiniment complexes. Enfin, je me
suis
interrogé sur la fonction de nos élites créatrices et sur la morale c
1604
out autre, mais préfigure peut-être le régime qui
sera
celui des peuples de ce continent, quand leurs nations ne seront plus
1605
s peuples de ce continent, quand leurs nations ne
seront
plus que des cantons, toutes distances et frontières abolies, ou peu
1606
peuples. Parler de monde uni, d’humanité, que ce
soit
pour ou contre l’Occident d’ailleurs, c’est parler un langage europée
1607
ire, et les plus grandes — en termes de naguère —
sont
petites au regard des empires neufs. Toute la question se ramène alor
1608
n les Européens vont choisir. Trois formules leur
sont
proposées, et sont en principe concevables. a) L’Europe des États (fa
1609
t choisir. Trois formules leur sont proposées, et
sont
en principe concevables. a) L’Europe des États (faussement dite des p
1610
es, c’est en retard sur les réalités (car les Six
sont
déjà bien au-delà), et c’est évidemment inadéquat aux exigences recon
1611
des nations dites « souveraines », mais qui ne le
sont
plus qu’au niveau des discours, cette Europe minima ne saurait être q
1612
veau des discours, cette Europe minima ne saurait
être
qu’une forme de transition tactique vers une union plus sérieuse et c
1613
les diversités de l’Europe, voilà qui ne saurait
être
réalisé que par l’union de type fédéraliste. L’exemple de la Suisse d
1614
ouhaite. Et personne en Europe ne la propose : il
est
trop clair que cette formule totalitaire mais sans doctrine millénari
1615
n praticable. Unir 19 États à l’ouest (plus 6 à l’
est
un jour ou l’autre) en un corps politique assez puissant pour sauvega
1616
cantons souverains. La différence des superficies
était
certes importante au temps des diligences. Tout a changé avec l’avion
1617
ale, alors qu’un député de Stockholm ou d’Athènes
est
à quelques heures de Strasbourg, et encore plus près de Bruxelles. Pr
1618
e Bruxelles. Pratiquement, l’Europe d’aujourd’hui
est
plus petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. E
1619
ent, l’Europe d’aujourd’hui est plus petite que n’
était
la Suisse à l’époque où elle s’est fédérée. Et les disparités de cout
1620
petite que n’était la Suisse à l’époque où elle s’
est
fédérée. Et les disparités de coutumes ou de richesse, de langue, de
1621
e, de langue, de confession, voire de régimes, ne
sont
guère plus marquées ou plus frappantes entre les États de l’Europe qu
1622
ppantes entre les États de l’Europe qu’elles ne l’
étaient
entre les cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne sont-elles
1623
s cantons suisses avant 1848 ; à tout le moins ne
sont
-elles pas d’une autre essence. Si l’on admet que l’anarchie des souve
1624
qu’en revanche les diversités réelles ne peuvent
être
nivelées par décrets, on cherche en vain quelle solution a la moindre
1625
e la Suisse… On s’écrie aussitôt qu’il ne saurait
être
question d’imiter ce modèle, ridiculement réduit, à l’échelle des glo
1626
riels, mais elle nous perdrait tous tant que nous
sommes
, dans l’espace d’une génération. Une Europe unitaire, c’est finis Hel
1627
devant le projet d’union de l’Europe La Suisse
est
née de l’Europe et en détient le secret. Formée du xive au xvie siè
1628
’Empire d’Occident, l’union sans unification, qui
est
l’idée fédéraliste. Entre-temps les nations se constituent, se multip
1629
leur souveraineté par de glorieux massacres, qui
sont
le principal de l’histoire qu’elles enseignent à partir du xixe sièc
1630
ue132. L’Europe unie qu’il appelle de ses vœux ne
serait
nullement unifiée par un despote ou par une idéologie : elle devrait
1631
ar un despote ou par une idéologie : elle devrait
être
une Europe des cités, formée de très petits États « où tous les citoy
1632
préconise, et son module, en dernière analyse, n’
est
rien d’autre que la cité de Genève ! Un peu plus tard, le Schaffhouso
1633
urs divisions persistent, l’avenir appartiendra «
soit
à la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans l
1634
istent, l’avenir appartiendra « soit à la Russie,
soit
à l’Amérique ». Germaine de Staël est suisse dans la mesure où elle o
1635
la Russie, soit à l’Amérique ». Germaine de Staël
est
suisse dans la mesure où elle ouvre des perspectives européennes, soi
1636
esure où elle ouvre des perspectives européennes,
soit
par son action personnelle à Coppet, où les meilleurs esprits de nos
1637
sprits de nos diverses nations se lient d’amitié,
soit
par des livres comme De l’Allemagne, qui rétablissent la circulation
1638
acobins et le Premier Empire. Benjamin Constant n’
est
pas seulement l’auteur de l’Esprit de conquête, pamphlet classique co
1639
e fédération européenne133 que signe — hélas ! il
est
trop tard — Napoléon. Et son fédéralisme préfigure le régime qui va t
1640
mpériale de l’union dans la diversité. Proudhon s’
est
peut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il fut un temps typo
1641
ut-être souvenu de son passage à Neuchâtel (où il
fut
un temps typographe) en écrivant son grand livre, Du Principe fédérat
1642
son grand livre, Du Principe fédératif ; mais il
est
bien certain qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, s’est insp
1643
n qu’un de ses contemporains, J. C. Bluntschli, s’
est
inspiré directement de l’expérience suisse en rédigeant son Projet d’
1644
ments nationaux, et plus de 100 000 membres. Elle
tient
son premier congrès à Montreux, en septembre 1947, date que l’on peut
1645
s la création du Conseil de l’Europe. L’impulsion
est
donnée, l’opinion se réveille, les hommes d’État le sentent, et le re
1646
et convoque aussitôt une grande conférence qui se
tient
à Lausanne en décembre 1949. De cette conférence et de l’action du CE
1647
s d’outre-mer, etc. La première chaire européenne
est
créée en 1957 par l’Université de Lausanne. Une nouvelle conférence e
1648
culture, sur le thème « L’Europe et le Monde » se
tient
à Bâle en 1964, sous le haut patronage du Conseil fédéral. Ainsi l’id
1649
idéale, réputée « microcosme de l’Europe », et ce
sont
quelques Suisses entreprenants qui l’ont permis. Qu’a fait, pendant c
1650
reconnaître que nos autorités et notre presse ont
été
dans l’ensemble pour le moins réservées, et que notre peuple l’est sa
1651
le pour le moins réservées, et que notre peuple l’
est
sans doute plus encore, s’agissant du projet européen. Le scepticisme
1652
et européen. Le scepticisme dominait, et comme on
tient
pour réaliste, en politique, les partis pris de la majorité et ses ro
1653
on appelait à l’époque la CECA : 1° que ce pool n’
était
pas réalisable, et 2° qu’il serait néfaste pour la Suisse, à cause de
1654
° que ce pool n’était pas réalisable, et 2° qu’il
serait
néfaste pour la Suisse, à cause de ses incidences sur nos transports.
1655
yeux du reste de l’Europe. Notre entrée à l’OECE
fut
accueillie avec méfiance par la presse moyenne de la Suisse allemande
1656
arrivée tardive au Conseil de l’Europe n’a jamais
été
justifiée, — comme disaient mes instituteurs. Qu’en est-il de la seco
1657
stifiée, — comme disaient mes instituteurs. Qu’en
est
-il de la seconde objection que je citais : « Si cela se fait, par imp
1658
je citais : « Si cela se fait, par impossible, ce
sera
néfaste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments sont invoqués p
1659
ste pour la Suisse » ? Quatre groupes d’arguments
sont
invoqués par les partisans de l’abstention. Je vais les résumer et y
1660
Confédération »136. Adhérer à l’union européenne
serait
contraire à cette neutralité. La Suisse recevrait des ordres d’un pou
1661
evrait des ordres d’un pouvoir extérieur, et c’en
serait
fait du rôle particulier qu’elle se réserve d’invoquer plus souvent e
1662
d’Algérie, permettant les accords d’Évian). Il n’
est
donc pas question que la Suisse prenne la moindre initiative visant à
1663
u monde actuel. Réponse : la neutralité suisse a
été
garantie « dans les intérêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union
1664
érêts de l’Europe entière ». Or c’est l’union qui
est
aujourd’hui dans l’intérêt de tous les peuples de l’Europe. Si la neu
1665
ccès au col du Saint-Gothard sous prétexte qu’ils
étaient
chargés de le garder. La neutralité suisse n’est pas un dogme. Elle n
1666
ient chargés de le garder. La neutralité suisse n’
est
pas un dogme. Elle n’a jamais été qu’un moyen politique mis au servic
1667
ralité suisse n’est pas un dogme. Elle n’a jamais
été
qu’un moyen politique mis au service de notre indépendance ; elle n’e
1668
que mis au service de notre indépendance ; elle n’
est
pas affirmée par la Constitution ; « elle ne fait pas partie de l’ess
1669
nt politique » — pour rester neutres à tout prix,
serait
« illusoire »138. « La situation internationale actuelle, économique,
1670
réalité de notre neutralité. »139 Cette dernière
est
devenue en partie factice. La Suisse doit donc tendre à participer «
1671
urons perdu le droit auquel beaucoup d’entre nous
tiennent
le plus : le droit de nous plaindre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1
1672
indre. À quoi l’on pourrait ajouter : 1° que s’il
est
vrai que notre neutralité a permis les interventions de la Croix-Roug
1673
a guerre d’Algérie, l’existence d’une Europe unie
serait
peut-être capable de prévenir ces crises, et à coup sûr diminuerait t
1674
en s’absolutisant jusqu’à devenir tabou — traître
est
celui qui ose la discuter — a changé de nature et de finalité. Sortie
1675
é. Sortie de l’Histoire, en quelque sorte, elle n’
est
plus du tout celle que les Puissances garantirent en 1815, elle a per
1676
t rester neutre entre l’Europe et ses ennemis, ce
serait
vouloir rester neutre entre nos ennemis et nous-mêmes. Neutres entre
1677
uelles considérations philanthropiques pourraient
être
opposées sincèrement à cette thèse de simple bon sens. Arguments con
1678
it à une union supranationale, le pouvoir fédéral
serait
amené à promulguer des décisions qui sont actuellement du ressort des
1679
déral serait amené à promulguer des décisions qui
sont
actuellement du ressort des cantons. Le droit d’établissement, la lég
1680
fiscal, pour ne citer que ces exemples, devraient
être
uniformisés selon des directives européennes. Ce serait contraire à l
1681
uniformisés selon des directives européennes. Ce
serait
contraire à la Constitution, et ce serait même la fin de notre fédéra
1682
nes. Ce serait contraire à la Constitution, et ce
serait
même la fin de notre fédéralisme, n’hésitent pas à déclarer de nombre
1683
à celle d’un groupe de nations européennes. Elle
tient
à garder libres ses échanges avec le monde au-delà de l’Europe. En s’
1684
vantages, bancaires notamment, et son agriculture
serait
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne serait donc pas pay
1685
gravement menacée. L’adhésion au Marché commun ne
serait
donc pas payante. Réponse : La Suisse est située au cœur du Marché c
1686
ne serait donc pas payante. Réponse : La Suisse
est
située au cœur du Marché commun. Ce n’est évidemment pas avec le rest
1687
Suisse est située au cœur du Marché commun. Ce n’
est
évidemment pas avec le reste du monde (sans cesse invoqué par les abs
1688
le plus, mais avec les Six. Les chiffres globaux
sont
connus. En mai 1963, par exemple, nos importations provenaient pour 6
1689
De nos exportations, 2/3 allaient à l’Europe. Il
est
vrai que durant ce mois-là notre balance commerciale restait déficita
1690
re avec l’Europe (de 447 millions) tandis qu’elle
était
bénéficitaire (de 51 millions) avec l’outre-mer. Mais il faut avouer
1691
’ailleurs notre participation à l’AELE. La Suisse
est
si peu indépendante de l’Europe que l’immigration de main-d’œuvre eur
1692
se fara da se et saura bien se défendre ? Nous ne
sommes
plus au défilé de Morgarten. Ce n’est pas avec des longues piques, de
1693
Nous ne sommes plus au défilé de Morgarten. Ce n’
est
pas avec des longues piques, des crampons de fer aux pieds et une rés
1694
strie et le commerce (dite Vorort). Réponse : Il
est
clair qu’une Europe « une et indivisible » serait une catastrophe pou
1695
Il est clair qu’une Europe « une et indivisible »
serait
une catastrophe pour la Suisse. Mais personne ne la préconise en réal
1696
sse. Mais personne ne la préconise en réalité. Il
est
clair en revanche qu’une Europe fédérée, respectueuse de ses diversit
1697
tendre en conserver les bénéfices pour nous seuls
serait
le plus sûr moyen de les perdre. Il n’est pas vrai, d’ailleurs, que l
1698
euls serait le plus sûr moyen de les perdre. Il n’
est
pas vrai, d’ailleurs, que l’union de l’Europe menace d’effacer nos ca
1699
pas effacé nos caractéristiques cantonales. Et il
est
pour le moins bizarre qu’un porte-parole des industriels suisses accu
1700
fflux des travailleurs étrangers en Suisse : ce n’
est
pas le Marché commun qui les amène, c’est l’expansion de l’industrie
1701
uelle l’auteur de la déclaration que j’ai citée n’
est
pas tout à fait étranger. S’il croit vraiment que le mélange des peup
1702
r. S’il croit vraiment que le mélange des peuples
est
un danger majeur pour son pays, il n’a pas le droit d’en conclure qu’
1703
se, cause directe du « mal » en question, si c’en
est
un. Mais il y a plus. Les traits typiques de ce pays ont changé avec
1704
out par l’effet de la technique, laquelle n’a pas
été
créée par le mouvement d’union européenne. De nos jours encore, à l’é
1705
En fait, cette « caractéristique nationale » n’en
est
plus une depuis longtemps. Vers 1900 déjà, les Suisses vivant de l’ag
1706
fficile pour les habitants de nos grandes villes,
soit
définitivement interrompu pour ceux de la Mégalopolis qui menace de c
1707
etour à la misère naturelle du pays ?) Bref, ce n’
est
pas la Suisse de Morgarten, de Marignan, ou du xviiie siècle, ni mêm
1708
e prétexte d’une indépendance dont notre peuple n’
est
pas disposé plus qu’un autre à payer le prix exorbitant. Autofrein
1709
xorbitant. Autofreinage du fédéralisme Tels
étant
les termes du débat que l’idée européenne suscite en Suisse, il faut
1710
ls savent qu’ils n’ont aucune espèce de chances d’
être
écoutés s’ils proposent de renoncer à la neutralité : c’est devenu, d
1711
ieux ainsi. Mais notre peuple comprend mal ce qui
est
en jeu. Je ne suis d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent
1712
otre peuple comprend mal ce qui est en jeu. Je ne
suis
d’accord, pour ma part, ni avec ceux qui refusent l’Europe en prétext
1713
e neutralité. Mon idéal très clair — mon utopie —
est
que la Suisse adhère un jour à une union européenne de type expressém
1714
diversités et nos intérêts bien compris, et qu’il
est
dangereusement irréalisable de raisonner comme s’il était possible de
1715
ngereusement irréalisable de raisonner comme s’il
était
possible de dissocier durablement notre salut de celui de l’ensemble
1716
ses, et comme État qui entend garder une raison d’
être
. Il s’agit de savoir et de dire ce que nous avons à donner, et non pa
1717
, et non pas seulement à sauver ; ce que l’Europe
est
en droit d’attendre d’une Suisse qui fait partie de sa communauté et
1718
Suisse qui fait partie de sa communauté et qui en
est
largement bénéficiaire, et pas seulement ce que nous redoutons de l’a
1719
éralisme ! Différent en ceci de la neutralité, il
tient
à l’essence même de notre État. C’est notre création majeure. Il nous
1720
la préconise pas, qui le fera ? Notre fédéralisme
est
peu connu, ou très mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y es
1721
s mal connu hors de Suisse ; notre neutralité n’y
est
que trop connue. Pourquoi parler toujours de cette vertu qui ennuie,
1722
mondiale ? Pourquoi cette timidité ? L’histoire n’
est
pas faite par des gens qui défendent leur position, mais bien par ceu
1723
que les Européens peuvent attendre de nous, ce n’
est
pas l’exposé lassant des raisons de notre réserve devant tout ce que
1724
ration se refuse avec vigilance ; non parce qu’il
est
mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en tient scrupuleusement à l
1725
l est mauvais, mais au contraire parce qu’il s’en
tient
scrupuleusement à l’empirisme qui, jusqu’ici, a présidé avec succès a
1726
s débats sur la politique générale risqueraient d’
être
stériles… Le gouvernement demande à être jugé sur ses actes, non sur
1727
raient d’être stériles… Le gouvernement demande à
être
jugé sur ses actes, non sur ses intentions. » (Ce qui revient à justi
1728
ur l’année ou les années à venir. Cette procédure
serait
de nature à affaiblir la situation du gouvernement aux yeux du Parlem
1729
rovidentia dei Helvetia regitur »141 Cet exemple
est
révélateur d’une situation étrangement contradictoire. J’ai tenté de
1730
ire. J’ai tenté de montrer pourquoi notre système
est
foncièrement hostile à ce que l’on nomme ailleurs la politique. Mais
1731
politique. Mais cette vertu fédéraliste se trouve
être
aujourd’hui le frein automatique à toute initiative capable de sauver
1732
es régimes totalitaires, tendant vers l’uniforme,
sont
dans cette mesure régressifs. En revanche, pour la complexité, la Sui
1733
à l’avenir de ses formules. 1. Le monde de demain
sera
de plus en plus réduit quant aux distances, et tissé de réseaux de re
1734
ux. Information audiovisuelle planétaire, pouvant
être
captée par tout individu muni d’un récepteur de poche. Bi ou trilingu
1735
tés culturelles de plus en plus, car elles seules
seront
perçues comme signes distinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ense
1736
tinctifs. Ou encore : le poids brut de l’ensemble
sera
moins important que le poids spécifique d’un peuple. Les frontières d
1737
t les communautés à très forte densité culturelle
seront
alors les réalités les mieux définies et caractérisées, les plus prop
1738
nt. L’identité d’un peuple ou d’une communauté ne
sera
plus définie par des arpenteurs, des cordons douaniers et des décrets
1739
t civiques du petit pays sur la grande nation ont
été
formulés, depuis Rousseau, par tous les penseurs politiques suisses,
1740
ère imposant qui manque à celle des empires. Elle
est
davantage l’histoire de la liberté. » Le grand juriste Max Huber écri
1741
d’un empire, il s’alimente à l’univers. Ainsi lui
est
-il rendu plus facile d’admettre ce qui ne lui ressemble pas. Enfin
1742
ressemble pas. Enfin Max Frisch : Notre patrie
est
l’homme ; c’est à lui en premier lieu que doit aller notre fidélité ;
1743
’excluent pas, voilà où réside le grand bonheur d’
être
fils d’un petit pays. Dans le monde de demain, qui exigera un degré
1744
ase de toute fédération, ont de grandes chances d’
être
confirmés, — et sans doute de s’étendre du plan moral, civique et pol
1745
efficace dans un milieu où les relais d’exécution
sont
nombreux et organiquement distribués. Aux stades encore primitifs de
1746
. L’un des thèmes favoris des sociologues actuels
est
l’étude des ensembles régionaux et des « métropoles » constituant les
1747
’évaluer l’optimum de population d’une région qui
serait
capable de fonctionner d’une manière autonome, et l’on propose en Fra
1748
lui de notre population. Question : La Suisse ne
sera-t
-elle pas, d’ici à vingt ans, trop grande pour ses institutions fédéra
1749
nature trop vastes pour l’unité de base, doivent
être
construits en commun avec d’autres régions voisines. Seuls, ces résea
1750
x adaptée aux conditions du monde de demain, elle
serait
donc désignée plus que tout autre pour jouer le rôle d’initiatrice de
1751
jet, compatible par définition avec les raisons d’
être
de l’État suisse (quitte à prévoir certains aménagements internes) se
1752
(quitte à prévoir certains aménagements internes)
serait
ensuite présenté aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest144. Il ser
1753
aux dix-neuf États de l’Europe de l’Ouest144. Il
serait
présenté au nom de notre idéal et de notre usage du fédéralisme, mais
1754
s les intérêts de l’Europe entière ». Même s’il n’
était
pas accepté en fin de compte, il aurait pour effets inévitables : — d
1755
s que cette même situation pourrait à juste titre
être
invoquée comme faisant au pays qui en bénéficie une particulière obli
1756
venir en faveur du bien commun de l’Europe. Telle
serait
à mes yeux la mission positive de la Suisse. Mais j’ai montré pour qu
1757
rer en temps utile — avant que les jeux européens
soient
faits —, elle choisira de se réserver. 2. Ce dernier terme évoque irr
1758
qu’elle symbolise un idéal presque trop beau pour
être
vrai aux yeux de l’immense majorité des masses modernes, en Europe et
1759
tés ont déjà dépassé cette fiction helvétique. Il
est
trop tard pour la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais été con
1760
ur la reconstituer, à supposer qu’elle ait jamais
été
conforme à autre chose qu’au rêve des Suisses, à la littérature roman
1761
deux visions d’un comportement suisse, dont l’une
serait
, dit-on, prématurée, tandis que l’autre est sûrement périmée, le « ma
1762
ne serait, dit-on, prématurée, tandis que l’autre
est
sûrement périmée, le « malaise suisse » demeure le seul avenir certai
1763
suisse » demeure le seul avenir certain. Mais il
est
de la nature d’un malaise de se terminer plus ou moins vite par un re
1764
arée, ou la mort. Je n’oublie pas que le discours
est
d’une logique plus exigeante que l’histoire réelle des hommes et des
1765
e réelle des hommes et des nations : ses dilemmes
sont
plus clairs, mais rarement résolus. Il n’en arrive pas moins que les
1766
venir ni son passé, que peut-on conseiller qui ne
soit
à la fois prématuré et périmé, ou simplement trompeur comme un tranqu
1767
simplement trompeur comme un tranquillisant ? Il
est
certain que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il est probable
1768
n que l’Europe « se fera » un jour ou l’autre. Il
est
probable qu’elle sera faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle
1769
era » un jour ou l’autre. Il est probable qu’elle
sera
faite d’ici 1980. Et l’on n’imagine pas qu’elle puisse se faire sur d
1770
l’Europe à La Haye, et le temps où l’Europe unie
sera
sans doute un fait accompli, je propose mon dessein raisonnable d’un
1771
Les mêmes raisons qui veulent qu’une fédération
soit
gouvernée par un collège, et non par un seul homme, veulent que son c
1772
non par un seul homme, veulent que son centre ne
soit
pas une capitale, mais bien un District fédéral. La fédération europé
1773
n un District fédéral. La fédération européenne n’
étant
pas une création sur table rase, mais l’aboutissement d’un très long
1774
tés que l’on sait, le District fédéral ne saurait
être
, lui non plus, une création synthétique édifiée sur un terrain vague
1775
e dans l’Europe de 1980. Le District fédéral doit
être
situé au centre du continent. Il doit être facile à fermer et à défen
1776
l doit être situé au centre du continent. Il doit
être
facile à fermer et à défendre en temps de troubles, mais d’accès faci
1777
mais d’accès facile en temps de paix. Il ne peut
être
qu’un petit pays, cependant très diversifié et si possible de traditi
1778
nt le siège du gouvernement suisse. Ces Autorités
sont
placées sous la protection de l’armée suisse : un million de mobilisa
1779
et son indépendance de toute influence étrangère
sont
reconnues solennellement, pour des motifs nouveaux plus forts que les
1780
motifs nouveaux plus forts que les anciens, comme
étant
« dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Premières réaction
1781
dépendance et ses caractéristiques nationales. Ce
serait
vouloir soumettre toute l’Europe à la Suisse. Allez donc en parler à
1782
e à la Suisse. Allez donc en parler à Berne, vous
serez
bien reçu ! etc. Je ne vois rien de consistant ni de raisonnable dans
1783
eurs deux à deux. Mon dessein, ne l’oublions pas,
est
à mi-chemin entre une initiative prise par la Suisse et une absence t
1784
tale de projet qui ferait de ce pays un musée. Il
est
modeste, sans excès. Je vois en revanche beaucoup de motifs d’angoiss
1785
« utopie » que c’est bien joli, mais que nous ne
sommes
pas faits pour le rôle, et que le reste de l’Europe va peut-être sour
1786
este de l’Europe va peut-être sourire… Le sourire
est
inévitable. Et puis viendra la réflexion, la décision. Je me mets da
1787
nir les citoyens d’une capitale de l’Europe. « Il
était
temps que ces petits Suisses nous offrent autre chose que leurs leçon
1788
vont peut-être un peu fort. Ils ne voulaient rien
être
dans l’Union, les voilà qui se proposent comme pays-capitale ! Leurs
1789
des Vaches… Mais après tout, si notre capitale n’
est
pas retenue, au bout du compte, plutôt que d’en choisir une autre, va
1790
On passe au vote : la Suisse sort bonne première,
étant
seconde sur chaque bulletin. Je ne m’attends pas à voir mon dessein r
1791
éserver », à Berne. Il se peut que cette attitude
soit
la seule qui convienne à un petit pays, pluraliste, et neutre au surp
1792
voisins. Les risques de guerre qui subsistent ne
sont
plus nationaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne serait ni
1793
onaux, mais mondiaux : rêver de s’y soustraire ne
serait
ni réaliste ni défendable moralement. Et maintenant, en tant que cito
1794
? Ma première impression, c’est que la Suisse n’
est
plus à l’écart de l’Europe et participe sans arrière-pensées à ses de
1795
sent sans fusion ni mélange, les longueurs d’onde
étant
nettement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’est pas dans le
1796
ement distinctes. Et s’il y a contamination, ce n’
est
pas dans le sens qu’un vieux Genevois pouvait redouter. « Molotov, co
1797
d’une grande conférence. Notre climat passe pour
être
apaisant. Dans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle fut jadi
1798
ans une Suisse devenue terre d’Europe, comme elle
fut
jadis terre d’Empire, je ne vois pas de motifs de craindre qu’il y ai
1799
s. D’ailleurs, ces étrangers cessent bientôt de l’
être
, à mesure qu’ils découvrent, en quittant l’autoroute, le vrai pays —
1800
e Soglio. La rade de Genève illuminée aux soirs d’
été
. Les petits déjeuners sur un balcon d’hôtel, à Montreux, devant les A
1801
de bouillon Maggi et de cigares de Brissago, qui
étaient
ce que Joyce préférait en Suisse. Et cette façon de vous dire merci q
1802
entillesse qui étonne même les Américains, et qui
est
la preuve exquise d’une civilisation. Et puis au-delà des apparences
1803
s du monde dont je préfère me plaindre. La Suisse
est
le pays dont je souhaite le plus qu’il communique sa grâce très secrè
1804
Car la Suisse détient un mystère, ou plutôt elle
est
ce mystère. Il m’a fallu longtemps, beaucoup d’étude, d’éloignement,
1805
fondrait alors en elle sa destinée, fidèle à son
être
profond, des origines à ses plus hautes fins. Ce rêve peut devenir vr
1806
s. Ce rêve peut devenir vrai demain, et il doit l’
être
, mais le sera-t-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui
1807
t devenir vrai demain, et il doit l’être, mais le
sera-t
-il jamais si nous restons muets ? Malgré tout ce qui nous retient mai
1808
gt-huit siècles d’Europe (Paris, 1961) : Reynold
est
largement cité dans le premier chapitre, tandis qu’une page de R. de
1809
lle précise : « Quant à la neutralité, son rôle a
été
nul dans la création de la Confédération. » 138. Fr. Wahlen, préside
1810
Suisse du 13 avril 1964. 142. L’exemple du CERN
est
le plus évident. Aucun des treize pays qui ont financé sa constructio
1811
ce, bien au contraire : sans le CERN, ses savants
seraient
frustrés d’une possibilité d’employer leurs talents ; et sa dépendanc
1812
u l’autre des grandes puissances « atomiques » en
serait
accrue d’une manière irrémédiable. 143. II en est une que je voudrai
1813
it accrue d’une manière irrémédiable. 143. II en
est
une que je voudrais au moins mentionner. L’Europe dépendait depuis de
1814
réent tant de substituts à ces produits qu’ils ne
seront
bientôt plus qu’un luxe. Ce que la chimie industrielle tirera de l’ai
1815
te populaire qui libérera son canton. Mais ce qui
est
beaucoup moins connu, c’est l’histoire de cette légende. En voici les
1816
ommé Gessler, ni même d’un serment du Grütli. Tel
est
le fait initial, établi par l’ensemble des recherches modernes. Le p
1817
onique date de 1470-1472. Près de deux siècles se
sont
donc écoulés depuis les hauts faits qu’elle rapporte, et qu’aucune so
1818
celui de la pomme. Le Livre blanc et le poème se
seraient
-ils inspirés de traditions plus anciennes ? C’est ce qu’on a longtemp
1819
admis. On le sait aujourd’hui, ces traditions ne
sont
pas suisses, elles sont nordiques ; et elles ne remontent pas au xiii
1820
rd’hui, ces traditions ne sont pas suisses, elles
sont
nordiques ; et elles ne remontent pas au xiiie mais aux xe et xie
1821
famine aurait chassés de leur péninsule et qui se
seraient
établis au centre des Alpes. (Suicia = Suecia.) Mais reprenons notre
1822
ue que Tschudi semble avoir terminée vers 1570 ne
fut
cependant publiée qu’en 1734-1736 à Bâle. Son succès fut dès lors imm
1823
endant publiée qu’en 1734-1736 à Bâle. Son succès
fut
dès lors immense. Schiller compare Tschudi à Hérodote et à Homère. Go
1824
Hérodote et à Homère. Goethe estime que son livre
est
l’un de ceux dont la lecture pourrait suffire à l’éducation d’un honn
1825
a : « Il faut convenir que l’histoire de la pomme
est
bien suspecte… » Mais Voltaire a douté de tant de choses… Il ne fera
1826
es : condamnée par les autorités de Lucerne, elle
est
brûlée par le bourreau sur la grand-place d’Altdorf, chef-lieu d’Uri.
1827
fie » Tell et condamne la mémoire du pasteur, qui
est
mort entretemps. Il est curieux de rappeler ici que la première publi
1828
a mémoire du pasteur, qui est mort entretemps. Il
est
curieux de rappeler ici que la première publication du Pacte secret d
1829
us fort contre l’hagiographie de son maître. Ce n’
est
toutefois qu’au siècle suivant qu’une école d’historiens plus rigoure
1830
rd, « à tous les partis ». (Rappelons que Tschudi
fut
d’abord un politicien fort habile, avant de se faire érudit et poète
1831
es, et n’y ont pas leur place ; les Habsbourg ont
été
de bons souverains et de grands mainteneurs de l’ordre dans l’Empire
1832
ait pris naissance, ait pris force de vérité, ait
été
acceptée par tout un peuple, voilà ce qu’il s’agit désormais d’expliq
1833
encore M. Wehrli, le succès de la légende de Tell
est
plus significatif et plus réel qu’un fait historique accidentel. » Il
1834
ité profonde dont la nature et le sens méritent d’
être
interprétés. Et pour cela, on mobilise ethnographie et linguistique14
1835
histoire des Ligues suisses sans Guillaume Tell n’
est
plus une entreprise paradoxale : c’est un devoir élémentaire de probi
1836
élémentaire de probité intellectuelle, puisqu’il
est
attesté que Tell n’a joué aucun rôle vérifiable dans le complexe des
1837
e de 1291 et la première Confédération. Mais il n’
est
pas moins objectif et pas moins vrai de constater que le mythe de Tel
1838
ns tenir compte du Tell de la légende, — celle-ci
étant
elle-même devenue un fait d’histoire en tant que réalité de la psyché
1839
n matériellement, qu’il ait tué ou non un bailli,
est
au fond sans grand intérêt : homologué ou contesté, cet exploit civiq
1840
il manque une seule pièce au jeu. En revanche, il
est
impossible de comprendre vraiment le peuple suisse si l’on omet ce fa
1841
ont composé un archétype national. Guillaume Tell
est
plus vrai qu’un drapeau, qui n’est qu’un signe, car il est le symbole
1842
Guillaume Tell est plus vrai qu’un drapeau, qui n’
est
qu’un signe, car il est le symbole d’un peuple. (Et il est admirable,
1843
vrai qu’un drapeau, qui n’est qu’un signe, car il
est
le symbole d’un peuple. (Et il est admirable, unique peut-être, que c
1844
signe, car il est le symbole d’un peuple. (Et il
est
admirable, unique peut-être, que ce symbole local ait rapidement acqu
1845
de ce pays, comme l’écrivait Victor Hugo, mais ce
sont
les Suisses qui l’ont fait. Il est moins leur père que leur fils, moi
1846
Hugo, mais ce sont les Suisses qui l’ont fait. Il
est
moins leur père que leur fils, moins leur ancêtre que leur œuvre coll
1847
ue leur œuvre collective, mais c’est par là qu’il
est
le plus réel. On peut bien douter, en effet, que les Suisses modernes
1848
t bien douter, en effet, que les Suisses modernes
soient
vraiment fidèles aux notables du xiiie siècle féodal qui firent le P
1849
; mais on ne saurait douter que la figure de Tell
soit
fidèle à leur idéal, puisque c’est eux qui l’ont imaginée. 146. Sou
1850
raphies sur les chroniqueurs et historiens qui se
sont
occupés de la Suisse, du Moyen Âge à la fin du xixe siècle. 147. Le
1851
äll, dans le Livre blanc), pris comme adjectif, a
été
interprété de vingt manières différentes, signifiant tantôt le simple
1852
ions un substantif : les trois conjurés du Grütli
sont
parfois nommés « les Trois Tells », etc.
1853
isant à gauche, ils m’ont fait observer qu’ils ne
sont
pas heureux et qu’ils dénient le droit de l’être à tout citoyen suiss
1854
sont pas heureux et qu’ils dénient le droit de l’
être
à tout citoyen suisse qui ne serait pas un « veau », pour reprendre u
1855
t le droit de l’être à tout citoyen suisse qui ne
serait
pas un « veau », pour reprendre une célèbre épithète. Il faut donc qu
1856
aucoup croient. Il signifie seulement que le pays
est
en paix, qu’il est prospère, et surtout que son régime politique et s
1857
signifie seulement que le pays est en paix, qu’il
est
prospère, et surtout que son régime politique et social est approuvé
1858
re, et surtout que son régime politique et social
est
approuvé par une immense majorité des citoyens, cependant que la mino
1859
que la minorité contestataire se plaint surtout d’
être
minoritaire ! (Je viens de l’entendre dire à la radio par un jeune ét
1860
roie mes oreilles.) Ces conditions de « bonheur »
sont
, de toute évidence, réunies par la Suisse et presque par elle seule s
1861
« pas très heureux », le reste c’est-à-dire 1 %,
étant
sans doute partagé entre indifférents endurcis et contestataires cons
1862
ataires conséquents. Un autre sens du mot heureux
est
illustré par la fameuse question de Napoléon quand on lui proposait u
1863
didat à quelque promotion civile ou militaire : «
Est
-il heureux ? » La Suisse a eu de la chance lors des deux guerres mond
1864
s titres d’ouvrages récents où le mot « bonheur »
est
lié au nom suisse dans une intention trop visible de dérision, qui me
1865
ion du « réalisateur ». La Suisse, écrivait-elle,
est
« en somme quelque chose d’assez artificiel ». Et il est vrai que la
1866
n somme quelque chose d’assez artificiel ». Et il
est
vrai que la Suisse n’est pas hexagonale, l’hexagone étant comme on sa
1867
ssez artificiel ». Et il est vrai que la Suisse n’
est
pas hexagonale, l’hexagone étant comme on sait la seule forme naturel
1868
ai que la Suisse n’est pas hexagonale, l’hexagone
étant
comme on sait la seule forme naturelle que puisse prendre une nation
1869
m. Mais je soupçonne que l’auteur de cette phrase
tient
pour « artificielle » toute communauté librement choisie par des peup
1870
ournaliste déclarait que l’objectif de l’émission
était
de « trouver une faille dans la stabilité suisse ». Était-ce par amou
1871
« trouver une faille dans la stabilité suisse ».
Était
-ce par amour de la Suisse, pour l’avertir d’un danger qu’elle courrai
1872
it sans le savoir ? Par goût de la vérité en soi,
étant
admis que la stabilité suisse ne saurait être à priori qu’une façade
1873
i, étant admis que la stabilité suisse ne saurait
être
à priori qu’une façade trompeuse ? Ou simplement parce que la mode pa
1874
auchiste » sans rien changer à rien de ce qu’elle
est
, son « bonheur » deviendrait aussitôt exemplaire ; le mettre en doute
1875
iendrait aussitôt exemplaire ; le mettre en doute
serait
une « déviation » (lire : un blasphème) aux yeux de l’intelligentsia
1876
nnaît peu la Suisse, et dans ce peu, presque tout
est
cliché. J’espérais faire comprendre outre-Jura que le fédéralisme n’e
1877
faire comprendre outre-Jura que le fédéralisme n’
est
plus ce qu’en dit Littré (voir p. 107), que les frontières « naturell
1878
), que les frontières « naturelles » d’un pays ne
sont
presque nulle part celles de sa langue, et que la Suisse ne résulte p
1879
ies soucieuses de rester telles. Ce faisant, je n’
étais
pas sans quelque arrière-pensée, que l’on devine. C’est dans le regar
1880
eue, verte et blanche, nous avons su que la Terre
était
notre patrie. Et de sentir que nous pourrions désormais la quitter sa
1881
s et de ses nuages. Nous avons vu, aussi, qu’elle
était
divisée en continents et non pas en domaines nationaux distingués par
1882
t aux États-Unis que je l’ai découvert. À force d’
être
vu comme un Européen par des gens qui ne se souciaient pas de ma nati
1883
ins j’ai vu l’Europe comme unité réelle, et je me
suis
dit que sur cette unité, on pouvait fonder une union. Mais j’ai pensé
1884
s si divers, à les en croire du moins, ne pouvait
être
imaginée que selon des formules fédérales. Ce qui me ramenait à la Su
1885
que j’y vivais, je ne l’avais pas bien vue. Je m’
étais
borné à décrire sans pitié l’école primaire fabriquant des petits Sui
1886
’injustice qui appartient à cette activité. Ce ne
fut
qu’un incident mineur. L’on était dans les années 1930. La menace des
1887
e activité. Ce ne fut qu’un incident mineur. L’on
était
dans les années 1930. La menace des régimes totalitaires et la recher
1888
voquer ces solutions fédéralistes telles qu’elles
étaient
vécues en Suisse mais sans doctrine. C’est en essayant d’expliquer le
1889
uant — que d’essayer simplement de le faire voir,
serait
mal vu. Sur quoi, la guerre de 1939 vint modifier profondément les co
1890
itique sur la Suisse. D’une part, nous avons tous
été
mis en demeure de jauger les régimes en conflit, et nous nous sommes
1891
re de jauger les régimes en conflit, et nous nous
sommes
retrouvés presque unanimes à leur préférer nos pratiques, dénuées de
1892
otre histoire. Parmi tous nos défauts, celui-là n’
est
pas le pire mais il est sans doute le plus sot : ricaner à propos de
1893
s nos défauts, celui-là n’est pas le pire mais il
est
sans doute le plus sot : ricaner à propos de nos quelques vertus, cra
1894
ns l’espoir de faire partager ma conviction qu’il
est
beaucoup plus que la somme de ses médiocrités et de ses succès — qu’i
1895
somme de ses médiocrités et de ses succès — qu’il
est
beaucoup plus qu’un pays. ⁂ Cinq ou six ans après, que changer à ce l
1896
pages sur nos auteurs et nos artistes. Mais ce n’
était
pas là mon sujet. Bien d’autres l’ont traité comme il le méritait et
1897
c presque rien modifié à ma troisième partie, qui
est
d’ailleurs la plus longue, et qui traite du climat culturel, sauf à r
1898
e cesse d’évoluer. 1. Interrogé sur les raisons d’
être
d’une fédération au centre alpestre de l’Europe, un ordinateur eût pr
1899
onfédérations. Aujourd’hui le massif du Gothard n’
est
qu’un pli de terrain entre mille, survolé en moins de cinq minutes pa
1900
ur temps » au double sens de l’expression. Ils ne
sont
plus adaptés à l’époque. Trop petits pour leurs prétentions à des sou
1901
non à tout ce qui pacifie, initie ou résout, ils
sont
trop grands et trop abstraits pour animer la vie civique des régions
1902
ns qu’ils ont unifiées. Ce qui les remplacera, ce
sont
d’une part la grande fédération continentale et ses agences spécialis
1903
ormule suisse. 3. Si les jours de l’État national
sont
comptés, la Suisse est le seul pays d’Europe qui ait lieu de s’en fél
1904
jours de l’État national sont comptés, la Suisse
est
le seul pays d’Europe qui ait lieu de s’en féliciter, et sans la moin
1905
t sans la moindre arrière-pensée. Car la Suisse n’
est
pas née d’une volonté de puissance, comme tous les États unifiés par
1906
tre but que le maintien de leurs libertés. Loin d’
être
menacée par la dissociation des cadres napoléoniens, elle peut trouve
1907
ses principes originels. Plus qu’un pays, si beau
soit
-il, et plus qu’un peuple, aussi « heureux » que je l’ai dit, le nom d
1908
hit, d’une société des hommes libres : moins elle
sera
limitée par des frontières, mieux elle accomplira sa vocation. Peut-ê
1909
res, mieux elle accomplira sa vocation. Peut-être
est
-ce le dernier moment de la décrire comme une entité politique, économ
1910
: L’écrivain neuchâtelois a pu constater qu’il n’
était
pas un mauvais prophète en son pays. Son livre a été présenté et disc
1911
pas un mauvais prophète en son pays. Son livre a
été
présenté et discuté relativement vite et avec abondance, avec enthous
1912
ndance, avec enthousiasme. La Suisse alémanique s’
est
montrée particulièrement chaleureuse. Deux jeunes journalistes sont a
1913
culièrement chaleureuse. Deux jeunes journalistes
sont
allés spontanément trouver M. Wahlen alors qu’il était encore en fonc
1914
allés spontanément trouver M. Wahlen alors qu’il
était
encore en fonction à la tête du DPF ; ils ont plaidé le retour à une
1915
et ne dira rien avant l’an 2000. Le problème n’en
est
pas moins posé à l’opinion publique. D’un examen attentif, lucide du
1916
que. D’un examen attentif, lucide du passé suisse
est
sortie une proposition constructive, peut-être la première depuis un
1917
ctive, peut-être la première depuis un siècle qui
soit
inspirée par une conception dynamique de la vie collective, qui conci
1918
ns et la préparation de l’avenir. Mais rien ne s’
est
fait. J’ai reçu beaucoup de lettres et de visiteurs. On me demandait,
1919
n son tour. Le poteau indicateur cesserait vite d’
être
utile s’il se mettait à faire le chemin lui-même. À vous de jouer ! »