1 1965, Fédéralisme culturel (1965). I. « Toute culture est création de diversité »
1 I. « Toute culture est création de diversité » J’aime beaucoup les anniversaires. Ils nous invitent à
2 ires. Ils nous invitent à déclarer des sentiments d’ amitié trop souvent tacites, qui vont sans dire mais qui vont tellemen
3 Et ils invitent aussi à des retours sur le passé de ceux que l’on fête, à des prises de conscience renouvelées de ce qu’i
4 sur le passé de ceux que l’on fête, à des prises de conscience renouvelées de ce qu’ils ont été et de ce que l’on attend
5 l’on fête, à des prises de conscience renouvelées de ce qu’ils ont été et de ce que l’on attend d’eux. L’anniversaire qui
6 de conscience renouvelées de ce qu’ils ont été et de ce que l’on attend d’eux. L’anniversaire qui nous réunit aujourd’hui
7 ées de ce qu’ils ont été et de ce que l’on attend d’ eux. L’anniversaire qui nous réunit aujourd’hui me touche d’autant plu
8 nniversaire qui nous réunit aujourd’hui me touche d’ autant plus personnellement qu’il m’offre l’occasion — et l’honneur, a
9 on — et l’honneur, auquel je suis très sensible — de vous entretenir d’un sujet qui depuis bien des années m’a beaucoup oc
10 auquel je suis très sensible — de vous entretenir d’ un sujet qui depuis bien des années m’a beaucoup occupé, dans tous les
11 es années m’a beaucoup occupé, dans tous les sens de l’expression, qui peut sembler par ses prolongements européens voire
12 uropéens voire mondiaux, m’avoir beaucoup éloigné de mes sources neuchâteloises, et qui au contraire m’y ramène, non seule
13 donc saisir cette heureuse occasion pour essayer de vous dire et de vous faire sentir comment je crois voir converger le
14 te heureuse occasion pour essayer de vous dire et de vous faire sentir comment je crois voir converger le rôle d’un instit
15 re sentir comment je crois voir converger le rôle d’ un institut régional tel que celui que nous célébrons, et les efforts
16 tel que celui que nous célébrons, et les efforts de ceux qui ont entrepris d’élargir la formule fédéraliste aux dimension
17 lébrons, et les efforts de ceux qui ont entrepris d’ élargir la formule fédéraliste aux dimensions de l’Europe entière. Nou
18 s d’élargir la formule fédéraliste aux dimensions de l’Europe entière. Nous vivons à l’heure de l’Europe, de son union sou
19 nsions de l’Europe entière. Nous vivons à l’heure de l’Europe, de son union souhaitée par tous et commencée par quelques-u
20 urope entière. Nous vivons à l’heure de l’Europe, de son union souhaitée par tous et commencée par quelques-uns. Mais beau
21 ques-uns. Mais beaucoup craignent que cette union de l’Europe ne soit acquise qu’au prix d’une uniformisation de nos cultu
22 ette union de l’Europe ne soit acquise qu’au prix d’ une uniformisation de nos cultures diverses et de nos originalités rég
23 e ne soit acquise qu’au prix d’une uniformisation de nos cultures diverses et de nos originalités régionales ou locales. I
24 d’une uniformisation de nos cultures diverses et de nos originalités régionales ou locales. Ils redoutent, comme le profe
25 ns de recevoir — et je le cite — « la grande pâte d’ une Europe une et indivisible, une Europe jacobine, saint-simonienne,
26 angoisse le professeur Röpke ne correspond à rien de réel en Europe. À supposer que le Marché commun ait jamais eu cette i
27 délibérée qu’on lui prête vraiment sans justice, d’ « écraser toutes nos particularités spirituelles et morales », on ne v
28 larités spirituelles et morales », on ne voit pas de quels moyens il disposerait pour arriver à ces fins criminelles, qui
29 es, qui étaient plutôt si je ne me trompe, celles d’ un Staline, ou d’un Hitler, avec lesquels rien n’autorise à confondre
30 lutôt si je ne me trompe, celles d’un Staline, ou d’ un Hitler, avec lesquels rien n’autorise à confondre des hommes tels q
31 e à confondre des hommes tels que Robert Schuman, De Gasperi, Adenauer, ni même le général de Gaulle. Il me paraît tout à
32 é proposée par personne, par aucun des promoteurs de l’union de nos pays, mais encore n’aurait pas la moindre chance de se
33 par personne, par aucun des promoteurs de l’union de nos pays, mais encore n’aurait pas la moindre chance de se réaliser j
34 pays, mais encore n’aurait pas la moindre chance de se réaliser jamais sur l’initiative d’Européens sains d’esprit, et pa
35 dre chance de se réaliser jamais sur l’initiative d’ Européens sains d’esprit, et par le libre consentement nos peuples. Éc
36 éaliser jamais sur l’initiative d’Européens sains d’ esprit, et par le libre consentement nos peuples. Écartons ce fantôme
37 ons ce fantôme lugubre. Restent deux possibilités de réaliser notre union : l’une c’est l’Europe des États, l’autre c’est
38 st l’Europe fédérée. L’Europe des États (vrai nom de « l’Europe des patries »), ce serait pratiquement un système d’allian
39 des patries »), ce serait pratiquement un système d’ alliances entre les grands pays qui se disent encore absolument souver
40 notoirement insuffisant pour assurer notre unité d’ action à l’échelle mondiale, aboutirait au surplus a une Europe dominé
41 randes pour assurer encore la vitalité culturelle de leurs régions : ce sont elles que l’on peut accuser, à bon droit, d’a
42 ce sont elles que l’on peut accuser, à bon droit, d’ avoir délibérément uniformisé les « particularités politiques, spiritu
43 s, unifiées et privées plus ou moins complètement de leurs anciennes autonomies. En revanche, la formule fédéraliste a pou
44 e fédéraliste a pour fin et pour règle principale de préserver les particularités, les autonomies politiques ou culturelle
45 tés, les autonomies politiques ou culturelles, et de les préserver par le moyen d’une union à la fois forte et limitée, j’
46 ou culturelles, et de les préserver par le moyen d’ une union à la fois forte et limitée, j’entends : plus forte que la so
47 e et limitée, j’entends : plus forte que la somme de ses parties, mais strictement limitée par le contrat librement conclu
48 s membres. Ainsi la Suisse a préservé l’autonomie de ses vingt-deux cantons, qui étaient et sont encore, selon la Constitu
49 s pour créer une force commune, après des siècles de dissensions et de guerres civiles. Ils ont été sauvés par leur union,
50 orce commune, après des siècles de dissensions et de guerres civiles. Ils ont été sauvés par leur union, et non pas unifor
51 s États européens, qui se trouvent être au nombre de vingt-cinq, comme nos cantons et demi-cantons, cette forme d’union fé
52 q, comme nos cantons et demi-cantons, cette forme d’ union fédérale, forte mais limitée, me paraît la seule praticable dans
53 fédéralisme, en Europe, me paraît liée à la cause de la culture. Car la culture européenne a dépendu pendant des siècles d
54 culture européenne a dépendu pendant des siècles de l’existence et de la vitalité d’un certain nombre de foyers locaux de
55 e a dépendu pendant des siècles de l’existence et de la vitalité d’un certain nombre de foyers locaux de création — qu’il
56 dant des siècles de l’existence et de la vitalité d’ un certain nombre de foyers locaux de création — qu’il s’agisse de pet
57 l’existence et de la vitalité d’un certain nombre de foyers locaux de création — qu’il s’agisse de petites cités comme cel
58 la vitalité d’un certain nombre de foyers locaux de création — qu’il s’agisse de petites cités comme celles qui ont fait
59 bre de foyers locaux de création — qu’il s’agisse de petites cités comme celles qui ont fait la Renaissance, ou de villes
60 ités comme celles qui ont fait la Renaissance, ou de villes comme Paris, Vienne, Milan ou Göttingen, considérées en tant q
61 lan ou Göttingen, considérées en tant que centres d’ art et de recherches scientifiques ; de régions comme l’Ombrie, les Fl
62 ttingen, considérées en tant que centres d’art et de recherches scientifiques ; de régions comme l’Ombrie, les Flandres, l
63 ue centres d’art et de recherches scientifiques ; de régions comme l’Ombrie, les Flandres, la Provence ; de très petits Ét
64 gions comme l’Ombrie, les Flandres, la Provence ; de très petits États comme Venise, ou Mantoue, Genève ou Weimar ; ou enc
65 onomes, comme elles l’étaient toutes aux origines de notre culture commune, Padoue, Bologne, la Sorbonne, Oxford, Coimbra
66 bra ou Cracovie. Or s’il est vrai que la vitalité de notre culture dépend de celle de ces foyers locaux de création, on ne
67 est vrai que la vitalité de notre culture dépend de celle de ces foyers locaux de création, on ne peut la maintenir aujou
68 que la vitalité de notre culture dépend de celle de ces foyers locaux de création, on ne peut la maintenir aujourd’hui qu
69 otre culture dépend de celle de ces foyers locaux de création, on ne peut la maintenir aujourd’hui qu’en mettant ces foyer
70 d’hui qu’en mettant ces foyers au double bénéfice de l’autonomie politique et de la liberté des échanges ; je voudrais dir
71 rs au double bénéfice de l’autonomie politique et de la liberté des échanges ; je voudrais dire : en rendant ces foyers « 
72 rs « immédiats à l’Europe »: donc en les libérant de l’emprise de l’État national. C’est cela précisément que revendiquent
73 s à l’Europe »: donc en les libérant de l’emprise de l’État national. C’est cela précisément que revendiquent les fédérali
74 isée souffre au xxe siècle du double désavantage d’ être à la fois trop petite et trop grande, la formule fédérale offrira
75 vers pays, dans l’Europe unie, le double avantage de participer à un grand ensemble tout en conservant les bénéfices socia
76 ront immédiatement revalorisées ; et alors le jeu de leurs échanges et de leurs affinités réciproques pourra de nouveau s’
77 valorisées ; et alors le jeu de leurs échanges et de leurs affinités réciproques pourra de nouveau s’exercer librement san
78 France une tendance très marquée vers la création de « métropoles régionales », prenant pour foyer une grande ville ou un
79 mme Aix-Marseille-Étang de Berre), et s’efforçant de retrouver une autonomie à la fois économique, administrative et cultu
80 vu, au cours des quinze dernières années, le Val d’ Aoste, la Sardaigne et la Sicile obtenir des statuts d’autonomie parti
81 te, la Sardaigne et la Sicile obtenir des statuts d’ autonomie partielle. Ceci me paraît important du point de vue de la cu
82 rtielle. Ceci me paraît important du point de vue de la culture en Europe. Car toute culture est création de diversité, de
83 culture en Europe. Car toute culture est création de diversité, de différences de niveau, toute culture est lutte permanen
84 ope. Car toute culture est création de diversité, de différences de niveau, toute culture est lutte permanente contre ce q
85 culture est création de diversité, de différences de niveau, toute culture est lutte permanente contre ce que les physicie
86 e contre ce que les physiciens ont baptisé la loi de l’entropie, loi de l’égalisation croissante des différences de potent
87 physiciens ont baptisé la loi de l’entropie, loi de l’égalisation croissante des différences de potentiel, de la dégradat
88 , loi de l’égalisation croissante des différences de potentiel, de la dégradation croissante et irréversible des énergies
89 lisation croissante des différences de potentiel, de la dégradation croissante et irréversible des énergies les plus haute
90 en simple chaleur, qui est la forme la plus basse de l’énergie, et qui entraîne ainsi le cosmos tout entier vers « la mort
91 tout entier vers « la mort tiède », vers un état d’ indifférence générale annonciateur de la fin. Toute culture digne de c
92 vers un état d’indifférence générale annonciateur de la fin. Toute culture digne de ce nom est une victoire sur l’entropie
93 érale annonciateur de la fin. Toute culture digne de ce nom est une victoire sur l’entropie, sur l’uniformité des goûts et
94 ure consiste à maintenir ou à recréer des centres d’ énergie plus élevée que la moyenne, plus éclairante, plus rayonnante.
95 nos mœurs et coutumes ont reçu un puissant appui de la technique. Si vous songez que dans nos grands pays — et pas seulem
96 rique — chaque soir, dix millions, vingt millions d’ hommes, de femmes et d’enfants subissent à la même heure le même spect
97 aque soir, dix millions, vingt millions d’hommes, de femmes et d’enfants subissent à la même heure le même spectacle, les
98 x millions, vingt millions d’hommes, de femmes et d’ enfants subissent à la même heure le même spectacle, les mêmes émotion
99 multanéité sans précédent des émotions provoquées de l’extérieur vous donnera une petite idée des forces de malaxage moral
100 extérieur vous donnera une petite idée des forces de malaxage moral et affectif qui sont à l’œuvre dans notre société occi
101 es moyens que la technique moderne met au service de la culture des masses : TV, radio et cinéma, voyages à bon marché, li
102 TV, radio et cinéma, voyages à bon marché, livres de poche vendus par millions ; je m’en réjouis, bien au contraire, pour
103 ’en réjouis, bien au contraire, pour les millions de jeunes gens qui trouvent ainsi l’occasion d’accéder à la culture. Mai
104 ions de jeunes gens qui trouvent ainsi l’occasion d’ accéder à la culture. Mais d’autre part, je ne puis pas oublier qu’il
105 je ne puis pas oublier qu’il s’agit là seulement de moyens de diffusion, répandant au hasard les produits culturels les p
106 s pas oublier qu’il s’agit là seulement de moyens de diffusion, répandant au hasard les produits culturels les plus hétéro
107 uits culturels les plus hétéroclites — et non pas de culture graduellement enseignée et assimilée, moins encore de culture
108 raduellement enseignée et assimilée, moins encore de culture créatrice. Cette culture de masse peut devenir un danger dans
109 moins encore de culture créatrice. Cette culture de masse peut devenir un danger dans la mesure où elle habituera des cen
110 er dans la mesure où elle habituera des centaines de millions d’Européens à gober passivement les mêmes nourritures, sans
111 esure où elle habituera des centaines de millions d’ Européens à gober passivement les mêmes nourritures, sans rapports (ou
112 indifférenciée, uniformisante, il me paraît vital d’ opposer une demande toujours plus exigeante et sélective, toujours plu
113 ixe siècle, et que la propagande dans les années de triomphes totalitaires : elle joue le même rôle que l’État français i
114 le joue le même rôle que l’État français imposant de Paris les mêmes slogans nationalistes à toutes les provinces, voire a
115 u’a produit ce système : le titre du livre fameux d’ un sociologue contemporain, J.-F. Gravier, le résume d’une manière fra
116 sociologue contemporain, J.-F. Gravier, le résume d’ une manière frappante : Paris et le désert français. Les régions, jadi
117 s créatrices, sont devenues la province, synonyme de l’ennui et de la médiocrité sans espoir. Il faut donc, plus que jamai
118 sont devenues la province, synonyme de l’ennui et de la médiocrité sans espoir. Il faut donc, plus que jamais, ranimer les
119 Il faut donc, plus que jamais, ranimer les foyers de la culture régionale et locale. Il faut que chaque cité vivante redev
120 e cité vivante redevienne comme jadis la capitale d’ une région bien typique, bien intégrée — peu importe ses dimensions, o
121 u mieux vaut qu’elles ne soient pas trop vastes — d’ une région qui possède, comme le dit Valéry dans un beau vers : « Cett
122 r, et devant les promesses mais aussi les dangers de la culture de masse, il importe plus que jamais de maintenir ou de cr
123 es promesses mais aussi les dangers de la culture de masse, il importe plus que jamais de maintenir ou de créer des foyers
124 e la culture de masse, il importe plus que jamais de maintenir ou de créer des foyers régionaux de culture vécue, assimilé
125 masse, il importe plus que jamais de maintenir ou de créer des foyers régionaux de culture vécue, assimilée par une commun
126 ais de maintenir ou de créer des foyers régionaux de culture vécue, assimilée par une communauté bien liée et consciente d
127 imilée par une communauté bien liée et consciente de ses valeurs. C’est dire le rôle vital qui incombe aujourd’hui à des i
2 1965, Fédéralisme culturel (1965). II. « Devenons nous-mêmes ! »
128 nos divers pays, courent un risque majeur : celui de se refermer sur eux-mêmes, d’adopter une attitude défensive et craint
129 sque majeur : celui de se refermer sur eux-mêmes, d’ adopter une attitude défensive et craintive, voire réactionnaire, de l
130 tude défensive et craintive, voire réactionnaire, de livrer un combat d’arrière-garde contre le siècle — et cela, au nom d
131 aintive, voire réactionnaire, de livrer un combat d’ arrière-garde contre le siècle — et cela, au nom de certaines devises
132 prenant trop à la lettre, on en fait les devises d’ une certaine facilité ou paresse d’esprit, d’un certain conservatisme
133 it les devises d’une certaine facilité ou paresse d’ esprit, d’un certain conservatisme qui risque bien de ne rien conserve
134 ises d’une certaine facilité ou paresse d’esprit, d’ un certain conservatisme qui risque bien de ne rien conserver de valab
135 sprit, d’un certain conservatisme qui risque bien de ne rien conserver de valable. Il me paraît utile, pour nous tous — ca
136 onservatisme qui risque bien de ne rien conserver de valable. Il me paraît utile, pour nous tous — car nous sommes tous fé
137 je pense, tout au moins à l’échelle du canton et de la Suisse — de rester bien conscients de cette tentation permanente d
138 au moins à l’échelle du canton et de la Suisse — de rester bien conscients de cette tentation permanente du régionalisme
139 anton et de la Suisse — de rester bien conscients de cette tentation permanente du régionalisme contre laquelle, je m’empr
140 te du régionalisme contre laquelle, je m’empresse de le dire, l’Institut neuchâtelois me paraît avoir fort bien résisté, d
141 sté, dès ses débuts. Prenons d’abord l’expression de l’enracinement local, des racines que tout individu serait censé plon
142 l incolore ou subversif, dévirilisé, pauvre jouet de toutes les idéologies. C’est Maurice Barrès, comme on sait, qui a fa
143 rice Barrès, comme on sait, qui a fait la fortune de ce terme. Barrès écrivait en un temps où les nationalismes se faisaie
144 le commençait à manifester son pouvoir inquiétant de transformer les paysans attachés à la glèbe en ouvriers citadins et n
145 a glèbe en ouvriers citadins et nomades, déplacés d’ une usine ou d’une ville à l’autre par la loi de l’offre et de la dema
146 iers citadins et nomades, déplacés d’une usine ou d’ une ville à l’autre par la loi de l’offre et de la demande. Toute une
147 s d’une usine ou d’une ville à l’autre par la loi de l’offre et de la demande. Toute une littérature s’est développée auto
148 ou d’une ville à l’autre par la loi de l’offre et de la demande. Toute une littérature s’est développée autour de cette no
149 ttérature s’est développée autour de cette notion de racines, d’enracinement, et contre les « déracinés », titre du plus f
150 est développée autour de cette notion de racines, d’ enracinement, et contre les « déracinés », titre du plus fameux roman
151 tre les « déracinés », titre du plus fameux roman de Barrès. Je reviendrai sur ce qu’il y a de vrai dans cette image. Pour
152 x roman de Barrès. Je reviendrai sur ce qu’il y a de vrai dans cette image. Pour l’instant, je voudrais signaler ses dange
153 vrai que la culture au sens actuel dérive son nom de l’agriculture, c’est-à-dire de la culture des produits de la terre, i
154 uel dérive son nom de l’agriculture, c’est-à-dire de la culture des produits de la terre, il n’en est pas moins vrai que s
155 iculture, c’est-à-dire de la culture des produits de la terre, il n’en est pas moins vrai que son progrès consiste à dépas
156 e son progrès consiste à dépasser ce stade humain de la fixation d’un clan dans une clairière, conquête de l’âge néolithiq
157 onsiste à dépasser ce stade humain de la fixation d’ un clan dans une clairière, conquête de l’âge néolithique. Un excellen
158 a fixation d’un clan dans une clairière, conquête de l’âge néolithique. Un excellent essayiste contemporain, le Roumain de
159 . Un excellent essayiste contemporain, le Roumain de Paris Cioran, prétend que les voies de la civilisation conduisent les
160 le Roumain de Paris Cioran, prétend que les voies de la civilisation conduisent les Européens « de l’agriculture au parado
161 ies de la civilisation conduisent les Européens «  de l’agriculture au paradoxe ». Sans aller jusqu’au paradoxe, je crois q
162 er jusqu’au paradoxe, je crois qu’il est loisible d’ affirmer que nous ne tenons pas nos valeurs culturelles de la terre, d
163 er que nous ne tenons pas nos valeurs culturelles de la terre, du terroir natal, mais plutôt de la circulation d’idées, vo
164 relles de la terre, du terroir natal, mais plutôt de la circulation d’idées, voire de modes nées dans des esprits ou dans
165 , du terroir natal, mais plutôt de la circulation d’ idées, voire de modes nées dans des esprits ou dans des cours « étrang
166 tal, mais plutôt de la circulation d’idées, voire de modes nées dans des esprits ou dans des cours « étrangers », le plus
167 angers », le plus souvent très loin de notre lieu de naissance. Le christianisme par exemple, ou l’humanisme, ou les scien
168 humanisme, ou les sciences, ou les styles majeurs de nos arts, ne sont pas des produits tirés de notre sol par le moyen de
169 jeurs de nos arts, ne sont pas des produits tirés de notre sol par le moyen de racines imaginaires ou symboliques. Ils nou
170 pas des produits tirés de notre sol par le moyen de racines imaginaires ou symboliques. Ils nous sont venus de loin, port
171 boliques. Ils nous sont venus de loin, portés par de grands vents qui ont fait le tour du continent, et parfois de la terr
172 nts qui ont fait le tour du continent, et parfois de la terre entière. L’homme est un animal, et non pas un légume ! Il es
173 oyageur sur la terre », qui est à la fois le lieu de son exil et sa patrie partout où il ira, comme disait le pape Urbain
174 oisade. Et d’ailleurs, même si l’on admet l’image de l’enracinement, en tant qu’image, on fera bien de ne jamais oublier q
175 de l’enracinement, en tant qu’image, on fera bien de ne jamais oublier que le légume qui a la plus grosse racine, qui est
176 t comme des graines ailées, voyageant sur la face de la terre. Et certes il faut qu’une graine se pose quelque part pour y
177 es idées, des concepts, des valeurs, des procédés de l’art, germer et fleurir subitement dans les petites cités républicai
178 t dans les petites cités républicaines ou ducales de l’Italie du xve siècle, et donner lieu à la Renaissance. Idées nomad
179 ades, trouvant leur lieu privilégié au croisement de divers courants, dans un milieu qui les attend, qui les accueille. Se
180 qui les accueille. Serait-ce à cause de la nature de son sol et de son terroir ? Non, c’est à cause d’une certaine soif la
181 lle. Serait-ce à cause de la nature de son sol et de son terroir ? Non, c’est à cause d’une certaine soif latente, d’une c
182 de son sol et de son terroir ? Non, c’est à cause d’ une certaine soif latente, d’une certaine clientèle en puissance, et d
183 ? Non, c’est à cause d’une certaine soif latente, d’ une certaine clientèle en puissance, et d’une attitude collective créé
184 atente, d’une certaine clientèle en puissance, et d’ une attitude collective créée peut-être par un prince ou par des maîtr
185 ions. On évoquera ici le génie du lieu. La région de Sienne, dira-t-on, est un paysage qui porte à peindre. Mais si l’une
186 e qui porte à peindre. Mais si l’une des couleurs de la palette porte en effet le nom de terre de Sienne, c’est bien moins
187 des couleurs de la palette porte en effet le nom de terre de Sienne, c’est bien moins à la terre du pays qu’elle le doit
188 eurs de la palette porte en effet le nom de terre de Sienne, c’est bien moins à la terre du pays qu’elle le doit — on trou
189 lustré cette petite ville, et qui ne sont pas nés d’ un paysage, mais de la rencontre de maîtres errants, d’influences byza
190 ville, et qui ne sont pas nés d’un paysage, mais de la rencontre de maîtres errants, d’influences byzantines orientales,
191 e sont pas nés d’un paysage, mais de la rencontre de maîtres errants, d’influences byzantines orientales, et d’une ville a
192 paysage, mais de la rencontre de maîtres errants, d’ influences byzantines orientales, et d’une ville aristocratique, puis
193 s errants, d’influences byzantines orientales, et d’ une ville aristocratique, puis commerçante, qui passait des commandes
194 s commandes et qui exigeait beaucoup. Les maîtres de l’école de Sienne, de Duccio aux Lorenzetti en passant par Simone Mar
195 et qui exigeait beaucoup. Les maîtres de l’école de Sienne, de Duccio aux Lorenzetti en passant par Simone Martini, n’ont
196 geait beaucoup. Les maîtres de l’école de Sienne, de Duccio aux Lorenzetti en passant par Simone Martini, n’ont jamais pen
197 ion européenne, puis mondiale, des grandes écoles d’ architecture, de peinture, de musique et de littérature, du style roma
198 puis mondiale, des grandes écoles d’architecture, de peinture, de musique et de littérature, du style roman au baroque, et
199 , des grandes écoles d’architecture, de peinture, de musique et de littérature, du style roman au baroque, et de là aux ab
200 écoles d’architecture, de peinture, de musique et de littérature, du style roman au baroque, et de là aux abstraits, rédui
201 et de littérature, du style roman au baroque, et de là aux abstraits, réduit à fort peu de choses ou presque à rien le rô
202 la création artistique. Et si l’on me cite le cas d’ Aix-en-Provence, qui a la réputation d’offrir aux peintres un « génie
203 ite le cas d’Aix-en-Provence, qui a la réputation d’ offrir aux peintres un « génie du lieu » favorable, j’observerai qu’Ai
204 pendant que les nombreux peintres qui vivent près d’ Aix de nos jours y sont attirés par le souvenir de Cézanne, et par le
205 t que les nombreux peintres qui vivent près d’Aix de nos jours y sont attirés par le souvenir de Cézanne, et par le climat
206 d’Aix de nos jours y sont attirés par le souvenir de Cézanne, et par le climat. Et puis, la peinture hollandaise doit plus
207 t aux dissidents calvinistes, dans le cas typique de Rembrandt. Ce n’est pas dans la terre, dans les racines, ni dans les
208 raphiques, qu’il faut chercher les justifications d’ une culture régionale, ni même ses véritables origines. Des analyses d
209 le, ni même ses véritables origines. Des analyses de ce type, faciles à multiplier, auraient vite fait de nous montrer que
210 ce type, faciles à multiplier, auraient vite fait de nous montrer que les foyers d’art et de pensée qui ont illustré notre
211 auraient vite fait de nous montrer que les foyers d’ art et de pensée qui ont illustré notre culture européenne sont tous n
212 vite fait de nous montrer que les foyers d’art et de pensée qui ont illustré notre culture européenne sont tous nés aux po
213 notre culture européenne sont tous nés aux points d’ intersection de grands courants européens et de conditions locales, d’
214 uropéenne sont tous nés aux points d’intersection de grands courants européens et de conditions locales, d’ordre social, c
215 ts d’intersection de grands courants européens et de conditions locales, d’ordre social, créées et entretenues par certain
216 ands courants européens et de conditions locales, d’ ordre social, créées et entretenues par certains groupes humains. Le c
217 monde. Or ce sont bel et bien ces grands courants d’ idées qui ont nourri la vie culturelle de nos régions, dans la mesure
218 courants d’idées qui ont nourri la vie culturelle de nos régions, dans la mesure où ces régions ont su fixer ces courants
219 ines époques. Qu’en est-il, dans ces conditions, de l’expression devenue courante : Rester soi-même ? La question qui se
220 qu’elle est difficile à résoudre : à quel moment de l’histoire serions-nous devenus « nous-mêmes » une fois pour toutes ?
221 tes. Alors, où faut-il s’arrêter avec l’intention de nous y tenir ? Aux nobles troubadours de Grandson et de Neuchâtel ? À
222 ntention de nous y tenir ? Aux nobles troubadours de Grandson et de Neuchâtel ? À Guillaume Tell, qui est très probablemen
223 s y tenir ? Aux nobles troubadours de Grandson et de Neuchâtel ? À Guillaume Tell, qui est très probablement un personnage
224 un personnage mythique, et qui n’est sûrement pas de nos ancêtres ? À la chronique apocryphe dite des Chanoines ? Au grand
225 erwald, qu’on ne lit plus, merveilleux traducteur de la Bible, et que Newton qualifiait de vir omnium christianissimus, ho
226 traducteur de la Bible, et que Newton qualifiait de vir omnium christianissimus, homme le plus chrétien de tous ? À Léopo
227 r omnium christianissimus, homme le plus chrétien de tous ? À Léopold Robert ? À Alexis-Marie Piaget ? À Philippe Godet ?
228 dans la vie et pour son œuvre avec la seule idée de « rester soi-même »… ne deviendrait rien, en principe. Car à partir d
229 s ? 25 ans ? 60 ans ? On loue parfois un écrivain de rester fidèle à sa ligne : encore faut-il qu’à un certain moment il s
230 rs suffisant ? N’a-t-il pas le droit et le devoir d’ aller plus loin ? Et de corriger ses erreurs, d’intégrer d’autres véri
231 pas le droit et le devoir d’aller plus loin ? Et de corriger ses erreurs, d’intégrer d’autres vérités, de mûrir, de deven
232 r d’aller plus loin ? Et de corriger ses erreurs, d’ intégrer d’autres vérités, de mûrir, de devenir chaque jour, un peu mo
233 orriger ses erreurs, d’intégrer d’autres vérités, de mûrir, de devenir chaque jour, un peu moins mal, ce qu’il peut être ?
234 s erreurs, d’intégrer d’autres vérités, de mûrir, de devenir chaque jour, un peu moins mal, ce qu’il peut être ? S’il ne b
235 l se répète, qu’il est « fini ». Ainsi en va-t-il d’ une culture — nationale, régionale, cantonale ou locale. Des hommes en
236 aractères spécifiques, sans même courir le risque de les renouveler, on réduit rapidement la culture au folklore, l’Écosse
237 — c’est refuser son geste créateur. Le vrai moyen de lui rester fidèle, c’est de la prolonger et non de la singer. Elle a
238 éateur. Le vrai moyen de lui rester fidèle, c’est de la prolonger et non de la singer. Elle a été créée ? Il faut créer pl
239 e lui rester fidèle, c’est de la prolonger et non de la singer. Elle a été créée ? Il faut créer plus loin. La vraie quest
240 loin. La vraie question qui se pose aux créateurs de la culture et de ses moyens, ce n’est donc pas de rester nous-mêmes,
241 estion qui se pose aux créateurs de la culture et de ses moyens, ce n’est donc pas de rester nous-mêmes, mais bien de deve
242 de la culture et de ses moyens, ce n’est donc pas de rester nous-mêmes, mais bien de devenir nous-mêmes, selon la grande f
243 ce n’est donc pas de rester nous-mêmes, mais bien de devenir nous-mêmes, selon la grande formule d’origine grecque, et si
244 en de devenir nous-mêmes, selon la grande formule d’ origine grecque, et si goethéenne, de Nietzsche : Werde, was du bist !
245 ande formule d’origine grecque, et si goethéenne, de Nietzsche : Werde, was du bist ! Deviens ce que tu es. Avec quoi nous
246 -mêmes ! Et à l’image des racines, j’oppose celle de l’implantation, qui est une action délibérée de l’homme, et non pas u
247 e de l’implantation, qui est une action délibérée de l’homme, et non pas un destin subi. On peut s’implanter n’importe où,
248 faut-il s’implanter quelque part, dans le concert d’ une communauté, d’abord très limitée, puis élargie à des allégeances m
249 ultiples. C’est ainsi que pour devenir un citoyen de la Confédération, il faut d’abord devenir un citoyen d’une commune et
250 Confédération, il faut d’abord devenir un citoyen d’ une commune et c’est un trait fondamental de notre État fédéraliste. É
251 toyen d’une commune et c’est un trait fondamental de notre État fédéraliste. Étant citoyen d’une commune après une bonne d
252 damental de notre État fédéraliste. Étant citoyen d’ une commune après une bonne douzaine d’années de séjour on l’est du mê
253 nt citoyen d’une commune après une bonne douzaine d’ années de séjour on l’est du même coup d’un canton, c’est-à-dire d’un
254 n d’une commune après une bonne douzaine d’années de séjour on l’est du même coup d’un canton, c’est-à-dire d’un État souv
255 douzaine d’années de séjour on l’est du même coup d’ un canton, c’est-à-dire d’un État souverain, membre de la Confédératio
256 r on l’est du même coup d’un canton, c’est-à-dire d’ un État souverain, membre de la Confédération. Alors seulement, on reç
257 canton, c’est-à-dire d’un État souverain, membre de la Confédération. Alors seulement, on reçoit un passeport suisse. Sur
258 ement, on reçoit un passeport suisse. Sur le plan de la culture, cet exemple précis me paraît plein d’enseignement. Celui
259 de la culture, cet exemple précis me paraît plein d’ enseignement. Celui qui veut participer de la culture européenne doit
260 t plein d’enseignement. Celui qui veut participer de la culture européenne doit s’intégrer d’abord à une communauté, qui a
261 mis cette culture et qui lui donne ses conditions de réalité, de création, de signification. Le but final de la culture es
262 lture et qui lui donne ses conditions de réalité, de création, de signification. Le but final de la culture est, en effet,
263 lui donne ses conditions de réalité, de création, de signification. Le but final de la culture est, en effet, de donner un
264 lité, de création, de signification. Le but final de la culture est, en effet, de donner un sens à la vie, plus de sens à
265 cation. Le but final de la culture est, en effet, de donner un sens à la vie, plus de sens à la vie de plus d’hommes, et d
266 e est, en effet, de donner un sens à la vie, plus de sens à la vie de plus d’hommes, et d’abord de chacun de nous, et ce s
267 r un sens à la vie, plus de sens à la vie de plus d’ hommes, et d’abord de chacun de nous, et ce sens ne peut être abstrait
268 lus de sens à la vie de plus d’hommes, et d’abord de chacun de nous, et ce sens ne peut être abstrait. De même que l’on ne
269 s à la vie de plus d’hommes, et d’abord de chacun de nous, et ce sens ne peut être abstrait. De même que l’on ne peut deve
270 un Suisse en général, mais seulement si l’on est d’ une commune, de même on ne saurait être un bon Européen, un bon partic
271 saurait être un bon Européen, un bon participant de cette unité grandiose dans la richesse de ses diversités qu’est la cu
272 icipant de cette unité grandiose dans la richesse de ses diversités qu’est la culture européenne, si l’on n’est pas d’abor
273 la culture européenne, si l’on n’est pas d’abord de quelque part. Tout de même qu’il faut produire quelque chose de concr
274 t. Tout de même qu’il faut produire quelque chose de concret, de vendable et de bien défini si l’on veut tenir sa place su
275 ême qu’il faut produire quelque chose de concret, de vendable et de bien défini si l’on veut tenir sa place sur le marché.
276 produire quelque chose de concret, de vendable et de bien défini si l’on veut tenir sa place sur le marché. Tout de même q
277 veut devenir une personne et pas un simple numéro d’ état civil, interchangeable. C’est au sein de la personne, au plus int
278 ble. C’est au sein de la personne, au plus intime de l’être de chaque individu qu’inquiète une vocation — il l’entrevoit,
279 au sein de la personne, au plus intime de l’être de chaque individu qu’inquiète une vocation — il l’entrevoit, il la rech
280 u l’invente comme à tâtons — c’est au plus secret de chacun que se noue l’acte créateur, que se dévoile peu à peu le sens
281 l’acte créateur, que se dévoile peu à peu le sens d’ une vie, et que l’on touche par instants l’universel. C’est le particu
282 conversation avec Ramuz sur les mérites comparés de la concentration sur un seul lieu, et de la circulation mondiale des
283 comparés de la concentration sur un seul lieu, et de la circulation mondiale des influences, je lui ai cité une phrase de
284 ondiale des influences, je lui ai cité une phrase de Spinoza qui a scellé notre accord profond — et je la trouve, non sans
285 on, reproduite dans ses Cahiers. C’est une phrase de l’Éthique — une des grandes phrases qui définissent le génie occident
286 s phrases qui définissent le génie occidental : «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
287 t plus nous connaissons les choses particulières, d’ autant plus nous connaissons Dieu. » Avec cela, je pourrais dire que t
288 u le ton, rapprochons-nous des humbles conditions de notre action, mais sans perdre de vue ses fins dernières. L’originali
289 bles conditions de notre action, mais sans perdre de vue ses fins dernières. L’originalité d’une existence culturelle loca
290 s perdre de vue ses fins dernières. L’originalité d’ une existence culturelle locale n’est pas un but en soi, et ne saurait
291 tre une préoccupation première. On ne peut exiger de chaque petite cité des œuvres comparables à celles des plus grandes —
292 Barcelone, Oxford, Leyde ou Prague. L’originalité d’ une culture ne vient pas seulement des grandes œuvres, celles qui font
293 plus encore à la densité culturelle, aux facultés d’ accueil et de curiosité et d’assimilation d’une communauté. Avant les
294 la densité culturelle, aux facultés d’accueil et de curiosité et d’assimilation d’une communauté. Avant les œuvres qui se
295 urelle, aux facultés d’accueil et de curiosité et d’ assimilation d’une communauté. Avant les œuvres qui se vendent, ce qui
296 ultés d’accueil et de curiosité et d’assimilation d’ une communauté. Avant les œuvres qui se vendent, ce qui importe, c’est
297 les œuvres qui se vendent, ce qui importe, c’est de communiquer aux hommes d’une cité, d’une région, d’une vallée, d’un c
298 , ce qui importe, c’est de communiquer aux hommes d’ une cité, d’une région, d’une vallée, d’un canton, un certain sens de
299 orte, c’est de communiquer aux hommes d’une cité, d’ une région, d’une vallée, d’un canton, un certain sens de la vie. Plus
300 communiquer aux hommes d’une cité, d’une région, d’ une vallée, d’un canton, un certain sens de la vie. Plus de sens pour
301 ux hommes d’une cité, d’une région, d’une vallée, d’ un canton, un certain sens de la vie. Plus de sens pour un plus grand
302 égion, d’une vallée, d’un canton, un certain sens de la vie. Plus de sens pour un plus grand nombre, qu’il s’agit d’intégr
303 lée, d’un canton, un certain sens de la vie. Plus de sens pour un plus grand nombre, qu’il s’agit d’intégrer dans un group
304 s de sens pour un plus grand nombre, qu’il s’agit d’ intégrer dans un groupe en croissance, de faire participer à l’esprit
305 l s’agit d’intégrer dans un groupe en croissance, de faire participer à l’esprit de ce groupe, de naturaliser culturelleme
306 upe en croissance, de faire participer à l’esprit de ce groupe, de naturaliser culturellement. Et Neuchâtel, comme toute l
307 nce, de faire participer à l’esprit de ce groupe, de naturaliser culturellement. Et Neuchâtel, comme toute la Suisse, vous
308 que nos cités suisses se distinguent si nettement de tant de villes ayant un nombre comparable d’habitants, dans l’un ou l
309 ment de tant de villes ayant un nombre comparable d’ habitants, dans l’un ou l’autre des pays qui nous entourent. Nous avon
310 cela, nous possédons cette densité exceptionnelle de lecteurs, de chercheurs, d’inquiets, d’originaux, d’individus entrepr
311 ssédons cette densité exceptionnelle de lecteurs, de chercheurs, d’inquiets, d’originaux, d’individus entreprenants en tou
312 ensité exceptionnelle de lecteurs, de chercheurs, d’ inquiets, d’originaux, d’individus entreprenants en tous domaines, et
313 tionnelle de lecteurs, de chercheurs, d’inquiets, d’ originaux, d’individus entreprenants en tous domaines, et souvent à to
314 lecteurs, de chercheurs, d’inquiets, d’originaux, d’ individus entreprenants en tous domaines, et souvent à tous risques, f
315 us risques, fût-ce au risque majeur qui est celui d’ être désintéressé. Ce sont les conditions de base d’une vraie culture.
316 celui d’être désintéressé. Ce sont les conditions de base d’une vraie culture. Que faut-il pour les réaliser ? Il faut des
317 être désintéressé. Ce sont les conditions de base d’ une vraie culture. Que faut-il pour les réaliser ? Il faut des maîtres
318 res comme ceux dont j’ai pu suivre à l’Université de Neuchâtel l’enseignement direct (car nous étions très peu nombreux) :
319 elle pléiade, assurément ! Il faut savoir attirer de tels maîtres, et les retenir ! Il faut pour cela un milieu qui répond
320 nce aux innovations, voire aux excès, aux erreurs de ceux qui créent et qui ne se contentent pas de protester, ou de décla
321 rs de ceux qui créent et qui ne se contentent pas de protester, ou de déclarer qu’ils se libèrent… d’on ne sait quoi. Il f
322 éent et qui ne se contentent pas de protester, ou de déclarer qu’ils se libèrent… d’on ne sait quoi. Il faut enfin, pour l
323 de protester, ou de déclarer qu’ils se libèrent… d’ on ne sait quoi. Il faut enfin, pour les artistes, des commandes. Je c
324 es, des commandes. Je crois à la valeur créatrice de la commande très précise, j’en ai fait l’expérience et je la dois mêm
325 xpérience et je la dois même au premier président de cet Institut, le professeur et colonel Claude DuPasquier. Il n’a pas
326 pectacle neuchâtelois pour l’Exposition nationale de 1939, celle qui fut interrompue par la guerre. Mon ami Arthur Honegge
327 ur ma demande, en écrivit la musique et le succès de la pièce lui appartient. Mais votre président avait pris un grand ris
328 otre président avait pris un grand risque : celui de créer, sans aucune garantie, une occasion de création. Point de vie c
329 elui de créer, sans aucune garantie, une occasion de création. Point de vie culturelle sans risque assumé : c’est la leçon
330 aucune garantie, une occasion de création. Point de vie culturelle sans risque assumé : c’est la leçon que je retiens de
331 ans risque assumé : c’est la leçon que je retiens de ces débuts de l’Institut. On peut bâtir ou agrandir une ville qui, s
332 umé : c’est la leçon que je retiens de ces débuts de l’Institut. On peut bâtir ou agrandir une ville qui, selon les meill
333 les meilleurs calculs, « rapportera », au mépris de la beauté. Mais la ville qui aura gagné en fin de compte, comme les p
334 a gagné en fin de compte, comme les petites cités de la Renaissance, c’est la ville qui aura su se rendre bien plus et bie