1 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Préambule
1 ent que je n’avais rien de mieux à faire. J’étais chômeur depuis trois mois. On m’offrait un abri quelque part, une maison vide
2 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Première partie. N’habitez pas les villes !
2 une, soit, dans mon cas particulier, l’amitié. Un chômeur intellectuel peut encore travailler — et c’est cela qui le différenci
3 t c’est cela qui le différencie profondément d’un chômeur industriel, par exemple —, mais il ne connaît plus de vrais loisirs.
4 est démoralisant. (Pour beaucoup de bourgeois, le chômeur est un être mystérieux et un peu effrayant, il joue le rôle d’un croq
5 r la réalité humaine et présente du chômage ? Les chômeurs eux-mêmes ? On n’étudie pas la misère, quand il ne s’agit plus de rie
6 suré se soucient peu de connaître la mentalité du chômeur , soit que, bourgeois, ils refusent de croire à la nécessité organique
7 le cas tout à fait particulier de l’intellectuel chômeur . Il semble que cet homme-là soit à peu près le seul qui ait à la fois
8 sité de « sauver les élites », et de secourir les chômeurs intellectuels dont on dirait parfois qu’ils paraissent plus spécialem
9 pour ce que je suis, c’est-à-dire un intellectuel chômeur , je devine chez mon homme un certain scepticisme : « Chômeur ? Allons
10 devine chez mon homme un certain scepticisme : «  Chômeur  ? Allons donc, cela s’appelait bohème de mon temps ! Et puis vous ête
11 “noble”, un bourgeois ne peut pas faire un “vrai” chômeur , il y a là quelque chose qui ne va pas. Enfin, au fait et au prendre,
12 et au prendre, qu’est-ce que cela signifie d’être chômeur quand on a pour métier de penser ? Peut-on s’arrêter de penser ? Ha h
13 y a qu’un cheveu. ⁂ Paradoxes. — Un intellectuel chômeur n’est pas un homme démoralisé par la privation de travail. Au contrai
14 des questions toutes nouvelles.   Un intellectuel chômeur n’est généralement pas « inscrit au chômage » et ne bénéficie pas du
15 imum de sécurité financière accordé par l’État au chômeur industriel. Autre désavantage : il ne peut pas accepter n’importe que
16 oxale, tantôt meilleure, tantôt pire que celle du chômeur normal — si j’ose dire — jamais tout à fait pareille, et pourtant voi
17 essayons de résumer les faits : 1. L’intellectuel chômeur est celui qui ne peut plus vivre de son travail, soit qu’il ait perdu
18 e de papier et d’encre. Il ne sera donc jamais un chômeur absolu, pensant toujours, ce qui est son métier. Mais peut-être, du f
19 ue de l’intellectuel. Par là même, l’intellectuel chômeur risque d’apparaître non pas comme un égal mais comme un inférieur aux
20 avais aucun, et que je n’étais qu’un écrivain, et chômeur par-dessus le marché, il s’écria : « Ah ! cher Monsieur, je vous envi
21 ns un tiroir. Cela signifie que j’ai cessé d’être chômeur . Le départ est fixé au 10. Il va falloir vendre la poule noire et les
3 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Deuxième partie. Pauvre province
22 ail font faillite l’une après l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore ga
23 en trouve de moins en moins. « Mais alors, et les chômeurs  ? On m’a dit qu’il y en a quatre-cents à A… ?… » La mère, vivement :
24  » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs , monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêt
25 ez donc, deux femmes seules ! — C’est que je suis chômeur moi-même, madame… » Elle sourit à son tour, l’air de dire : « Oh ! vo
26 s, et pourtant elles en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travaille
27 isait aussi : « En somme, vous n’êtes pas un vrai chômeur , puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me suis fait mo
28 son vrai travail est de penser. Mais je l’appelle chômeur , faute d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un ga
29 situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs  ! — Ah ! c’est vrai, je suis bien content, malgré tout. — Alors, vous
30 algré tout. — Alors, vous n’êtes donc pas un vrai chômeur  ? — Mais je ne tiens pas du tout à être un « vrai chômeur », je vous
31 ? — Mais je ne tiens pas du tout à être un « vrai chômeur  », je vous l’assure ! D’ailleurs j’ai déjà dit que cela me serait pra
32 viennent les revendications pratiques : aide aux chômeurs , pose de deux nouvelles boites aux lettres ; ouverture d’un chalet de
4 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — I. Journal (1935-1936)
33 communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’une Kameradschaft (compagnie de milici
34 l y avait en janvier 1933 plus de six millions de chômeurs , chiffre réduit à un million deux ans plus tard. « Mais ils font tous
35 aisait plus, me répond S…, combien aurait-elle de chômeurs  ? » Les journaux français sont pleins d’allusions ironiques au mot de
5 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — II. Conclusions
36 égner la paix sociale. Il y avait six millions de chômeurs en 1933, tandis qu’on manque de main-d’œuvre en 1938. La dignité de l