1 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Préface
1 t ou tard viendra lui fermer le bec au nom de ses devoirs d’État, convaincu que la cité a pour but la personne, paradoxe d’une
2 ésistance, dans les pays de l’Axe autant que dans notre camp. Et de là sortiront les chefs de file des futurs mouvements fédé
2 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — I. Le sentiment de l’Europe centrale
3 neux des vacances, traînée d’espoirs délivrés qui nous frôle, éveille chez ceux qui restent un sentiment confus d’exil et de
4 és de l’Europe sentimentale. Pourquoi faut-il que notre langue les traduise, en vertu d’une convention qu’il serait temps de
5 guments sanglants. Et s’il est des domaines où de nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économie de nuances vaines et
6 système philosophique. Ainsi se dessineraient, si nous étendions l’analyse, deux « natures » fondamentalement divergentes, d
7 du sentiment Une rumeur lointaine et continue, nous l’entendons seulement lorsqu’elle cesse, ou bien lorsqu’elle grandit
8 orsqu’elle grandit soudain. Ainsi de la rumeur en nous du sang qui court ; ainsi de la respiration. Il n’y a sensation que d
9 e du discontinu. Il n’y a sentiment que de ce qui nous quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchi
10 Il n’y a sentiment que de ce qui nous quitte, ou nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressu
11 u nous surprend, ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvon
12 ou bien encore au fond de l’être nous déchire et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvons invariablement
13 et nous ressuscite. À la naissance du sentiment, nous trouvons invariablement une contradiction interne, une séparation, qu
14 st pas du tout le contraire du rationalisme (mais nous vivons sur des distinctions de manuels). Il est même étonnant de cons
15 quelle défense d’un Occident latin dont justement nous récusons l’idéal d’orgueilleuse et stérilisante perfection. L’intelli
16 lenteur, — encore un paradis perdu ! C’était bien notre dernier luxe, notre dernière gravité. C’était encore vivre sa vie. Ma
17 paradis perdu ! C’était bien notre dernier luxe, notre dernière gravité. C’était encore vivre sa vie. Mais ils s’achètent de
18 ressentent absurde. Rien désormais ne pourra plus nous rendre le silence et la lenteur des choses. Derniers refuges, vastes
19 e des états d’âme.   L’Europe du sentiment, c’est notre Europe des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons
20 t notre Europe des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons encore comme le souvenir d’un soir d’adolescenc
21 ope des adieux. Elle ne vit plus qu’en nous déjà, nous la portons encore comme le souvenir d’un soir d’adolescence sur la pr
22 it du souvenir, brève nuit d’août et souvenirs de nos enfances. Ce soir des Signes où des renards sortirent à la lisière de
23 souvenir. Et bientôt paraîtra l’aube dure. Alors nous entrerons dans cette joie sauvage du Grand Jour, où nous irons avec c
24 trerons dans cette joie sauvage du Grand Jour, où nous irons avec ce qu’il restera de bonté dans notre cœur, plus inutile qu
25 où nous irons avec ce qu’il restera de bonté dans notre cœur, plus inutile que jamais, dominatrice et bafouée. Chevreuse, 19
3 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — II. Châteaux en Prusse
26 é écumer sous la masse du soleil. Une lisière qui nous accompagnait vira largement, nous fit front, et il n’y eut plus qu’un
27 Une lisière qui nous accompagnait vira largement, nous fit front, et il n’y eut plus qu’une piste de terre entre les sapins
28 noirs, la rumeur du rivage et du soleil derrière nous décroissant, tumulte d’un matin d’été. Maintenant une odeur fine de b
29 : cent fenêtres dans une façade de grès Louis XV. Nous la longeons, nous montons une rampe pavée qui s’engage sous un porche
30 ns une façade de grès Louis XV. Nous la longeons, nous montons une rampe pavée qui s’engage sous un porche couvert aux colon
31 rophes de Novalis, des mélodies de Bach. Après le Notre Père, chacun s’en va, sérieux, de son côté. Le reste de la matinée se
32 pourpres. Les chevaux ruisselants s’échappent de nos bras, et nous les poursuivons, le long des grèves, dans les blés. Mid
33 s chevaux ruisselants s’échappent de nos bras, et nous les poursuivons, le long des grèves, dans les blés. Midi. Au haut de
34 t consacré à l’inspection des terres. Chaque jour nous partons en break à deux chevaux, pour l’un des onze villages du burgr
35 et parfois hors des pistes, à travers la forêt —, nous gagnons la maison de l’inspecteur. On la distingue de loin, seule bât
36 érer un « Bock » mal encorné. Le fusil déposé sur nos genoux, par habitude, ce sera pour tirer un chat qui rôde autour de l
37 e forêts maigres et de pâturages, à perte de vue. Nous sommes, pour trois jours, les hôtes d’une immense demeure en briques
38 ceux de Waldburg qui ne boivent que du lait ». Et nous servent du thé bouillant où nagent des morceaux de glace. À ces détai
39 ement des bœufs ne s’apaise pas sous le soleil et nous entoure d’une rumeur animale tenace comme toutes ces odeurs de la ter
40 ouffle le vent marin ; et des cigognes filent sur nos têtes, tirant leurs pattes roses. À l’horizon toujours passent des vo
41 ue l’on exige des jeunes Prussiens, ferait hurler nos pédagogues. Mais elle s’unit à un régime de responsabilités concrètes
42 ommes, des animaux et des éléments naturels. Pour nous , nous développons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous dé
43 des animaux et des éléments naturels. Pour nous, nous développons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous développ
44 ppons un sens plutôt fictif de la responsabilité. Nous développons au vrai un hamlétisme. Notre préparation à l’autonomie de
45 sabilité. Nous développons au vrai un hamlétisme. Notre préparation à l’autonomie de l’individu demeure théorique, et son app
46 retardée, contrecarrée, découragée sournoisement. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un
47 carrée, découragée sournoisement. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un organe de l’aut
48 ment. Nous créons par nos préceptes, et par toute notre ambiance éducatrice, un organe de l’autonomie qui ne trouve nulle par
49 ercer : d’où les conflits purement « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà de nos adolescences. Jeux des enfants prussi
50 t « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà de nos adolescences. Jeux des enfants prussiens : s’asseoir à six ou sept su
51 ticulations, en sorte qu’il ne peut se coucher et doit dormir appuyé aux arbres. Pour le capturer, les indigènes scient à mo
52 donne aux plaisirs mondains l’aspect absurde que nous leur connaissons, cette superstition ne leur est nullement nécessaire
53 unkers… J’entends les gens de villes : « Ça ne doit pas être bien drôle à la longue ! » Avec cela que vos plaisirs vous a
54 donnent sa raison d’être au labeur des journées. Nous voici délivrés de la grande bourgeoisie, de ces gens qui croient devo
55 de la grande bourgeoisie, de ces gens qui croient devoir , ou se devoir. De ces gens grossièrement distingués qui ne vous ont p
56 ourgeoisie, de ces gens qui croient devoir, ou se devoir . De ces gens grossièrement distingués qui ne vous ont pas vu, qui dét
57 eau riche, en regard de cette seule classe qui ne doit rien à l’opinion.   Non, je ne peux rien voir dans cette « féodalité 
58 cette « féodalité » qui soit plus répugnant pour notre humanité que tant de systèmes prônés par les partisans du progrès, — 
4 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — III. Une « tasse de thé » au palais c…
59 e figuration pour une satire à grand spectacle de notre civilisation finissante ! (Vous souriez ? Vous mourrez avec elle.) Ce
60 esse Adélaïde en soie d’aurore, voici l’heure que nous attendions. Les escaliers s’abaissent dans le silence nouveau, nous e
61 es escaliers s’abaissent dans le silence nouveau, nous entendons nos pas jusqu’aux jardins tendus en tapisserie entre les ar
62 abaissent dans le silence nouveau, nous entendons nos pas jusqu’aux jardins tendus en tapisserie entre les arcades d’un pér
63 ans fin dans le frisson désespéré de l’aube, — et nous , au bord du péristyle arrêtés, au bord de la nuit qui nous possède en
64 bord du péristyle arrêtés, au bord de la nuit qui nous possède encore, nous assistons au miracle hostile. Elle se tait. Alor
65 êtés, au bord de la nuit qui nous possède encore, nous assistons au miracle hostile. Elle se tait. Alors je me tourne vers c
66 e encore vacillante, le vide absurde où s’en vont nos plaisirs et d’où remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage d
67 absurde où s’en vont nos plaisirs et d’où remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage décontenancé, et jusque dans le
68 que moi. Le jour qui déjà me saisit va-t-il ainsi nous séparer ? Ce corps de femme défend encore sa nuit, si nu pourtant dan
69 ends par une certaine qualité de déception, qu’il nous propose. La joie du jour, hélas, la plus forte… Vienne, 1928. 5. C
5 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — IV. Voyage en Hongrie
70 et ses façades exubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de
71 , au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et ces musiques, deux visages amis me sourie
72 saient de décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tout y a son écho le plus pur. Le voyage trompe
73 qui, mais qu’êtes-vous venu chercher jusque chez nous  ? » On me demandera donc toujours des passeports ? Dussè-je les inven
74 . Barnabooth, vous êtes, m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à deveni
75 êtes, m’écrié-je, mes frères ! Nous traînons tous notre sabot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vi
76 abot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vivre. Mais combien votre sort, ô grands empêtrés ! me para
77 de troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons notre Hongrie, ou tout au moins ce qu’il en reste. Su
78 s. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons notre Hongrie, ou tout au moins ce qu’il en reste. Sur quoi l’on m’entraîna
79 es ruelles qui sentent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions, un soir étouffant, vous m’avez montré en passant des murs
80 hète Gül Baba. Puis, comme le soleil se couchait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe.
81 hait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais dès le lendemain, m’échappant du progr
82 brûlant, je savais bien que j’obéissais à ce que nos psychologues appellent une conduite magique. Or il est délicieux de r
83 urées —elle n’a rien d’étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que je trouve ce raisonnement fin,
84 microscopique. (Il a tellement l’air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependa
85 que les voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclairée. Murs chaulés, et d
86 ce cette fumée, les yeux à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle
87 ’attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amples branches r
88 de ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : le froid paralyse la mâchoire. Les magnats en tax
89 s, ô pathétique dissonance, tangible absurdité de notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif inférieur.
90 tangible absurdité de notre époque, beaucoup ont louer des taxis démodés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés,
91 réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reç
92 s de « la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’est pas vous, m
93  « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de notre patrie ? » — Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qui allez demander r
94 Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le wilsonisme schématique qui traça les frontières actuelles, d
95 e violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà. Nous allons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontre
96 s allons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son larg
97 ons aux bains, car c’est dans la piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son large front
98 ur son large front, belle carrure ruisselante, il nous sourit, dans l’eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensem
99 ourit, dans l’eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux m
100 jaunes basses, ville sans ombre, sans arbres, et nous montons vers la maison du poète, sur un coteau. Trois chambres boisée
101 nts ne l’emportent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est
102 t immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est aussi poète, et très belle), nous inscr
103 nka Babits (elle est aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des ph
104 est aussi poète, et très belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai
105 que poursuivre est une sorte d’enivrant péché. —  Nous aurions une maison dans ce désert aux formes tendres et déjà familièr
106 familières, et le passage des trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque soir plus infime, à cause de l’éloig
107 oici la nuit des faubourgs de Pest, au-dessous de nous . Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils
108 D’ailleurs ces Égyptiens venaient des Indes, qui nous apportèrent le tarot et la roulotte, dont descendent le bridge et la
109 oderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme égyptien du peuple errant qui lui donna sa musique national
110 tionale8. Les signes parlent, et certains sages : nous entrons dans une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la pla
111 n se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu’à Debrecen je viens admirer. On aime
112 sique seule s’en souvient. Trésor si pur qu’on ne doit même pas savoir qu’on le possède… Tout près d’ici, peut-être, mais in
113 res baissés, à l’abri de la lune. Le contrôleur a jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube m’éveille dans les faubourg
114 comme un pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai voir l’objet pour la première fois — ou bien était-ce un être ? In
115 somnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraintes que subissent
116 t absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes. Imaginer ce qui se produirait, si par quelque Décret l’on éle
117  pas encore »… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme
118 nes de voyage ? Cela va paraître improbable. On a voir sur moi que je le cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable…
119 pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’un seul instant —  nos rêves sont instantanés — que tu es parti ; et maintenant tu joues ce
6 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — V. Le balcon sur l’eau
120 n sur l’eau Tu es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume est proche. Une haute m
121 es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds l’eau vivante. La brume est proche. Une haute muraille derrière
122 La brume est proche. Une haute muraille derrière nous ferme le monde. Tu ne trembles pas, tu t’appuies. Nos reflets ondulen
123 ferme le monde. Tu ne trembles pas, tu t’appuies. Nos reflets ondulent très peu, gris sur le blanc doucement luisant de la
124 dresse, et se retient… Et l’air chargé d’attente. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à la r
125 nte. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à la rencontre de ce qui est voilé. Retiens ton sou
126 écoute encore plus purement… Solennité autour de nous  : il y a une grande lenteur. C’est l’avenir ou l’éternité qui ouvre l
127 eçue quelque part en nous-mêmes, dans la brume où nous sommes perdus avec ce clapotis d’une eau étrangement vivante et qui r
128 eau étrangement vivante et qui rêve ; et rien que nos yeux qui brillent dans l’étendue où nos deux formes confondent leur o
129 rien que nos yeux qui brillent dans l’étendue où nos deux formes confondent leur ombre et leur songe… Odeur de l’eau, — po
7 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — VI. La tour de Hölderlin
130 ccupant assez longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces ma
131 z longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’
132 à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous ont voulu tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouva
133 de. L’amour s’éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Mme Gontard11, déchirement à peine sensible dans
134 s, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaître ces portraits ? — (et comme je considère un ravissant médai
135 d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’
136 t, nous fait comprendre, dans le temps même qu’il nous entrouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait la terre… Mais que cette
8 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — VII. Petit journal de Souabe
137 C’est une jolie fille potelée, qui rit, — et qui doit savoir se défendre à l’occasion, mais comme elles font, pas trop tôt.
138 s, à cette heure qui serait celle de rentrer chez nous s’asseoir auprès d’un feu… — Mais non. 7 mai 1929 « J’ai mes br
139 ts, ces symétries minérales qu’on instruisit dans nos esprits et qui nous laissent comme perclus au milieu des métamorphose
140 inérales qu’on instruisit dans nos esprits et qui nous laissent comme perclus au milieu des métamorphoses. Il s’agit que l’e
141 que ce médecin parle avec mystère des objets que nous touchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous est invisible. To
142 us touchons, — ce mystique avec naturel de ce qui nous est invisible. Tous deux orientent la réflexion vers le sens et vers
143 concret. N’est-ce point ce genre de démarche que notre « culture » a le plus méprisé ? N’est-ce point à cause de ce mépris q
144 ecret de l’humain ? Car voici bien le monde qu’on nous a fait. Tout encombré d’idées sans corps, de corps stupides — de nihi
145 bstraites ont au contraire le pouvoir de rendre à nos sens leur efficacité et leur étonnement. Je regarde les feuilles de m
146 gnification. (L’état de l’âme et du corps où tout nous apparaît en relations concrètes.) 31 mai 1929 Personne n’a fabr
147 traduis cette page Sur la mort. Mes funérailles devront se dérouler dans le cadre de Jésus-Sirach, 38, versets 16-24. Qu’on m
148 ris soin de moi au moment de ma mort et tôt après devront être largement dédommagés. Nul ne sait si je ne flotterai pas encore
149 pas », dis-je, mentant. Une grosse averse d’orage nous a fait fuir sous la tonnelle du vestiaire. « N’est-ce pas, les França
150 ême temps. — « Ne regardez donc pas mes mains, je dois faire le ménage ces jours, la peau devient toute sèche et je n’ai mêm
151 t. Presque les mêmes mots !). Doux malentendu qui nous rapproche sous la forme d’une carte postale et d’une réminiscence lit
152 raire. Ses deux sœurs sont venues la chercher, et nous sommes rentrés sous le même parapluie, jusqu’à leur petite maison cou
153 nitié », ne saurait laisser aucun doute, fussions- nous même privés de certains témoignages oraux ou de quelques textes irréf
154 re à cette « Germanie aimée13 » ? Ah ! les livres nous avaient bien trompés. Pas trace ici de « merveilleux ». Tout ce qui,
155 ainte. — Des Werthers aux yeux secs, voilà ce que nous sommes. 14 juin 1929 Je suis assis en face du magazine que lit
156 e soir. Je ne sais pas ce qu’il y a, sinon que je dois retenir violemment une espèce de joie qui attrape la fièvre dans mon
157 dit-il (et l’on sent qu’il pense : maintenant que nous avons clos cette journée par une récréation bien méritée), nous voulo
158 s cette journée par une récréation bien méritée), nous voulons aller dormir. Ainsi, dormez bien, faites de doux rêves, — il
159 doux, hein !… » Tout cela est très juste ; la vie doit être ainsi : parfaitement compréhensible et d’une vulgarité toute nat
160 s yeux clos. L’arbre, en sa nuit vivante, rêve de nous . Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire !
161 bre, en sa nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut c
162 en sa nuit vivante, rêve de nous. Plus tard, nous nous sommes regardés sans fin. (Ah ! comment dire ! Vraiment ce fut cette
163 t une branche et la Lune éclairait à longs traits nos visages. Je reconnus la jeune fille tzigane, ma Rose noire de Tannenb
164 it doucement, au sein du silence et du regard. Et nous sommes demeurés des heures au-delà de ce que l’on ignore d’un être, d
165 aient sans mesure tout ce que l’anxiété de la vie nous dérobe : la nudité, la plénitude et la violence infiniment comblée. O
166 musical. Ainsi coula cette nuit sans partage, et nos mains ne s’étaient pas touchées, lorsque au point du jour je vis pâli
167 ndant une promenade d’après dîner avec mes hôtes, nous parlions de prémonitions, et je venais de raconter comment parfois j’
168 recevoir le lendemain. Le soir montait autour de nous , des fenêtres s’allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Rein
169 ntait autour de nous, des fenêtres s’allumaient à nos pieds dans le bourg, et le père Reinecke refusait de croire à mes his
170 i à leur manière, et très éloignés, qui composent notre imagerie quotidienne du vaste monde. J’étais seul et tranquille, à ma
171 e, résultat selon lui de l’excellente cuisine que nous sert la Gnädige. Je n’aurais plus l’air citadin. Allons bon, félicito
172 point de cela que l’homme des villes a besoin de nos jours ? On parle toujours de son appétit du plaisir. C’est un cliché
173 sang, amplifie le rythme des marées qui baignent nos membres. J’ai connu peu de joies plus hautes que celle-ci : se promen
174 ns le mouvement. Et c’est par là qu’ils parlent à notre âme et la retiennent, la captivent. Fin juillet 1929 Vraiment l
175 ra une douzaine encore jusqu’à Stuttgart, où l’on doit arriver vers huit heures. J’ai d’abord essayé de me confiner dans cet
176 des populations qu’il traverse. À chaque station nous débarquons un peu moins de paysans et de paniers ventrus, embarquons
177 encore en regardant devant moi. J’ai honte. Comme nous sommes peu capables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeu
178 oi. J’ai honte. Comme nous sommes peu capables de nous libérer de barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions
179 de barrières sociales ou de pudeurs qu’en pensée nous tenions pour nulles. Si j’étais vraiment libre, j’aurais fait place a
180 faire des courses en ville, probablement ; elle a prendre le train des ouvriers, — et c’est à elle que va ma sympathie 
181 re interrogation des visages devant l’atrocité de notre vie sociale ! Je baisse les yeux sur mon livre. Et la foule menaçante
9 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Sur l’automne 1932, ou la naissance du personnalisme
182 . Je suis chargé d’un service d’éditions que j’ai d’abord mettre sur pied. Je sais maintenant ce que signifient une « r
183 plus huit minutes à pied de la voûte d’entrée de notre bloc à la gare locale, à travers des terrains vagues : journées asser
184 et la représentation du monde chez l’enfant. (Il nous initiait aussi à la psychanalyse et nous introduisait dans des maison
185 ant. (Il nous initiait aussi à la psychanalyse et nous introduisait dans des maisons de santé pour y interroger paranoïaques
186 les informant. Et le produit de cette interaction devait être d’une part l’œuvre écrite, un style d’abord, seul instrument qui
187 ument qui pût capter un éventuel « message » pour notre époque ; d’autre part la métamorphose d’un individu empirique, d’un m
188 e, la seconde actuelle. Je rentre de Francfort où nous avons tenu un congrès des jeunesses européennes. J’y suis allé avec d
189 ages d’un wagon de troisième classe. À Francfort, nous étions logés dans une auberge de jeunesse. Philippe Lamour présidait,
190 n uniforme de chef du Front noir, et plus près de nos idées, Harro Schulze-Boysen, chef du groupe « Gegner » (les Adversair
191 arité de l’époque « tardive » et « décadente » où nous vivions. J’écrivais sur ma table improvisée (un rayon de placard sur
192 lacard sur deux valises) ces lignes : …les temps nous pressent de toutes parts au choix, jusque dans nos admirations, nous
193 us pressent de toutes parts au choix, jusque dans nos admirations, nous pressent d’affecter toute chose, même spirituelle,
194 utes parts au choix, jusque dans nos admirations, nous pressent d’affecter toute chose, même spirituelle, d’une sorte de coe
195 des cadres d’une logique statique et cartésienne nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notr
196 gions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence… C’est dire que nous demandons aux œuvres q
197 t notre seul critère de cohérence… C’est dire que nous demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’une certaine forc
198 nce… C’est dire que nous demandons aux œuvres que nous aimons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mo
199 ons de témoigner d’une certaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porte pers Rimbaud, nous détourne de Goethe. M
200 ertaine force de révolte. Notre premier mouvement nous porte pers Rimbaud, nous détourne de Goethe. Mais prenons garde de to
201 Notre premier mouvement nous porte pers Rimbaud, nous détourne de Goethe. Mais prenons garde de tomber dans un conformisme
202 ales héritées des temps révolus. Prenons garde de nous laisser convaincre par les seuls éclats d’un fanatisme à vrai dire sp
203 ndre, que l’imprécation de Rimbaud ; et tous deux nous contraignent aux tâches immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisation
204 s immédiates, c’est-à-dire : à l’actualisation de notre réalité. « Il faut être absolument moderne. » Dès mes premiers pas d
205 scule :   « ni individualistes ni collectivistes, nous sommes personnalistes ! »   À 15 ans, militant socialiste-révolutionn
206 évolutionnaire. Et en même temps la définition de notre humanisme, s’il est bien cette volonté de vivre « humainement » que d
207 de vivre « humainement » que dans le monde entier nous voyons se dresser contre la stérilisante convention capitaliste, cont
208 ennes à la fois. Car s’il faut une morale simple, nous ne saurions admettre que celle qui dirait : « Faites ce que vous pens
209 alité de telles remarques constitue précisément à nos yeux leur intérêt humain ? Dans leur simplicité, elles suffiront long
210 , a révélé cette unité fondamentale que créent en nous non pas des maîtres ni des noms, mais la consternante misère d’une ép
211 ri, dénaturé, inverti, saboté. La Révolution pour nous n’est pas la haine ; et ce n’est pas détruire. C’est le salut de l’ho
212 solution » concrète chez les meilleurs esprits de notre génération, ceux de l’Ordre nouveau (Arnaud Dandieu, Robert Aron), ce
213 aussi pressante et planétaire. Rien ne peut plus nous détourner de la solidarité du péril. Et les problèmes exquis où s’att
214 que je décrirai comme les Prêtres de l’Insoluble, nous n’avons plus le droit d’y prêter une libérale complaisance. Laisse do
215 ire quelque chose, et comment et pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simple, est toujours évident dès que
216 uelque chose, et comment et pourquoi. Ce que nous devons faire est toujours assez simple, est toujours évident dès que nous po
217 ujours assez simple, est toujours évident dès que nous possédons le courage de le voir et de l’assumer. Un acte de présence
218 e, une présence enfin qui soit un acte : car pour nous désormais la Révolution vit, si nous vivons. Autour de nous tout craq
219 e : car pour nous désormais la Révolution vit, si nous vivons. Autour de nous tout craque et nous appelle. Sur les tenants d
220 mais la Révolution vit, si nous vivons. Autour de nous tout craque et nous appelle. Sur les tenants d’un ordre délabré, le S
221 it, si nous vivons. Autour de nous tout craque et nous appelle. Sur les tenants d’un ordre délabré, le Souci tend son aile m
222 Souci tend son aile mortifère, — la Frau Sorge de notre Goethe. De tout cela nous ne sommes plus, n’appartenant plus à la mor
223 re, — la Frau Sorge de notre Goethe. De tout cela nous ne sommes plus, n’appartenant plus à la mort, mais au combat de ce qu
224 cette mort. La neurasthénie broie les villes, où nous sommes peut-être seuls à connaître la force et la présence. Nous conn
225 t-être seuls à connaître la force et la présence. Nous connaissons la vérité. Qu’elle soit tombée du ciel ou qu’elle éclate
226 bée du ciel ou qu’elle éclate dans les choses, on nous demande seulement l’acte de la saisir dans son impérieuse évidence et
227 pour préciser les conditions auxquelles la vérité devrait d’être acceptable ? Sans doute ; mais n’allez pas beaucoup plus loin.
228 séances nocturnes, présidées par Arnaud Dandieu. Nous discutons thèses doctrinales et tactique, et préparons des manifestat
229 me actif ». Quant à l’attitude que veut signifier notre titre et qui nous est commune à tous les cinq, rien ne la définit mie
230 l’attitude que veut signifier notre titre et qui nous est commune à tous les cinq, rien ne la définit mieux que ces lignes
231 rbin : Que signifie être-là ? (…) Par existence, nous ne pouvons essentiellement entendre que décision concrète, décision d
232 s possibles, qui dans cette décision vérifie pour nous sa réalité et sa réalisation. Elle n’est pas une hypostase ni une fix
233 avec des frères, mais seul préoccupé de tirer de nos recherches et de nos certitudes nouvelles des conséquences politiques
234 s seul préoccupé de tirer de nos recherches et de nos certitudes nouvelles des conséquences politiques et sociales, et ceci
235 . Dans cette cacophonie de refus de la société où nous vivions (l’hitlérisme montant et la guerre jetaient déjà leurs ombres
236 ai d’analyser dans les Conclusions que voici : Nous sommes une génération comblée. Comblée de chances de grandeur, et com
237 s’agit, ni même de conflits d’intérêts. Mais pour nous , entrés dans la vie sous le coup d’une menace de faillite planétaire,
238 — l’imposer. Ce n’est plus pour quelque idéal que nous avons à lutter maintenant, mais pour que les hommes vivent et demeure
239 ugles, mais pas si sourds qu’ils ne s’irritent de nos cris. Il est vrai que certains, au lendemain de la guerre, ont trop s
240 e de tout le mal ? Telles sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ; ne pou
241 ? Telles sont les composantes de notre situation. Nous sommes là : n’y pouvant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de
242 ant plus tenir longtemps ; ne pouvant accepter de nous battre pour un « ordre » et des « idéaux » criminels. Il y a la guerr
243 x » criminels. Il y a la guerre proche. La ferons- nous  ? pour qui ? Il y a la misère présente : pour quoi la supporterons-no
244 a la misère présente : pour quoi la supporterons- nous  ? La révolution, ce n’est plus un état d’esprit, ni un refus des tâch
245 terme, et aussi à son sens de misère qui appelle. Nous ne sommes pas des « bourgeois-dégoûtés » ou des « prolétaires-avides-
246 audrait qu’elle le paie du prix de l’âme même. On nous donne à choisir entre un régime bourgeois odieux, raté, dont beaucoup
247  et d’autre part une espérance, une utopie, qu’il nous est impossible d’accepter de « bon cœur », parce que nous n’y voyons
248 impossible d’accepter de « bon cœur », parce que nous n’y voyons qu’une réalisation épurée, tyrannique et privée de toute r
249 de cela justement que, dans le désordre régnant, nous détestons de toute la force de notre être : la primauté du matériel.
250 rdre régnant, nous détestons de toute la force de notre être : la primauté du matériel. Comment penser — si penser est insépa
251 ux ? Ni à gauche, ni à droite, il n’y a rien pour nous . Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’autre, dont la réal
252 i à gauche, ni à droite, il n’y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’autre, dont la réalité éc
253 auche, ni à droite, il n’y a rien pour nous. Nous nous plaçons à l’origine de quelque chose d’autre, dont la réalité échappe
254 les révolutionnaires non marxistes. Mais comment nous laisser convaincre par une réussite matérielle, temporaire, et d’aill
255 eurs discutable ? C’est l’homme qui se révolte en nous contre le marxiste. Vous n’y ferez rien. Et nous ne trahirons pas l’h
256 nous contre le marxiste. Vous n’y ferez rien. Et nous ne trahirons pas l’homme tel qu’il est, sous prétexte qu’il faut se h
257 hâter, et qu’en Russie c’est en train de marcher. Nous jouerons tout sur une révolution vraie. Les catastrophes sont proches
258 révolution vraie. Les catastrophes sont proches. Nous ne sommes plus les seuls à le dire. Beaucoup de capitalistes l’ont si
259 en sous-main des terrains d’entente avec l’URSS. Nous ne pensons pas que la guerre soit, comme l’écrit Henri Lefebvre, la s
260 onflit d’intérêts ? Et d’intérêts qui ne sont pas les nôtres , qui ne sont pas les intérêts réels d’un être aux prises avec la cond
261 pour le mensonge d’hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et condamne tou
262 d’hier, ni pour celui de demain nous ne verserons notre sang. Il y a une vérité qui domine et condamne tout cela. Entre le co
263 atries personnalistes. Mais où sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois : 1° La seule révolution qui nous impor
264 ’en indiquerai trois : 1° La seule révolution qui nous importe concerne l’homme, exprime ses données élémentaires : elle n’e
265 ojection du conflit de la personne. Les marxistes nous accusent de mêler des notions « morales » — ainsi désignent-ils la no
266 si « ces faits sont les faits » comme on voudrait nous le faire croire. Une révolution n’agit pas dans le vide, mais contre
267 l’acte toute efficacité créatrice et par là même doit être dénoncée comme antirévolutionnaire. Le matérialisme, c’est l’opi
268 de la statistique. Mais les marxistes répugnent à nous suivre sur ce terrain. Suivons-les donc sur le leur. Ils opposent à n
269 ain. Suivons-les donc sur le leur. Ils opposent à nos « rêveries » l’action. Qu’appellent-ils l’action ? Est-ce un opportun
270 écrit Nizan. Voilà bien la suprême « évasion » de nos intellectuels, même marxistes. Abdication de la pensée entre les main
271 llions de membres, sévèrement contrôlées. « Mais, nous dit-on, les constructions d’un Lénine n’étaient pas songes, elles s’a
272 es s’appuyaient sur le mouvement de l’histoire. » Nous avons affaire ici à un véritable mysticisme de la réussite, à un fata
273 mment analysés. Les faits, demain, parleront pour nous . L’Ordre nouveau , Esprit , travaillent dans la ligne des forces ré
274 ne vois pas qu’ils connaissent l’homme mieux que nous . Je ne les vois pas plus forts. Je vois bien l’accumulation de leurs
275 ccumulation de leurs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres , mais nous en avons davantage. Ils jouent sur une révolte des hommes
276 urs griefs, — dont beaucoup sont les nôtres, mais nous en avons davantage. Ils jouent sur une révolte des hommes contre le c
277 la fois des bourgeois, et de la vérité humaine de nos doctrines antibourgeoises. Mais ils ne donnent pas de pain. Ceux qui
278 ent que du pain, finalement, n’en donnent jamais. Nous avons en commun avec eux certains mots d’ordre immédiats : lutte cont
279 auxquelles se maintient le désordre établi. Mais nous allons plus loin dans la critique de ce désordre jusqu’à ce point où
280 te-matérialiste. Non, ce n’est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son intégrité. Sauver l’homm
281 térialiste. Non, ce n’est pas une classe que nous devons sauver, c’est l’homme menacé dans son intégrité. Sauver l’homme, ce n
282 rises, des nations, les intérêts (?) du monde. On nous demande : que signifie « sauver le monde » ? Rien. Au sens fort du mo
283 de la révolution nouvelle. Ici, je ne dirai plus nous , mais je. À la question « Prenez-vous au sérieux vos idées, y croyez-
284 mble. Loin de moi la pensée que par des arguments nous pourrons triompher d’autre chose que d’arguments. À l’effort admirabl
285 nt la grandeur des luttes élémentaires, n’aurions- nous à répondre qu’un dogmatique « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendro
286 ue « Tu te trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est g
287 e trompes » ? Les hommes n’entendront de nous que notre volonté de sacrifice, de pauvreté. C’est dangereux, c’est grave de pe
288 de penser juste. La vérité ne peut exister parmi nous que sous la forme d’une accusation personnelle. Il faut savoir entend
289 enu tout de suite sonner chez moi pour savoir qui devait être de l’affaire. Il y eut pendant sa visite une panne d’électricité
290 pendant sa visite une panne d’électricité, et il dut profiter de la lueur des réverbères de la rue Saint-Placide pour écri
291 in Front unique » (Europe du 15 janvier 1933), il nous traite de « sergents recruteurs » et de « fascistes », et dénonce « u
292 m’indigner de ce mensonge en service commandé. Je devais en voir d’autres par la suite, n’émanant pas souvent d’aussi pures co
293 ération intellectuelle s’est noué. Dès maintenant nos choix publiés engagent ce que nous allons « faire » de toute nécessit
294 Dès maintenant nos choix publiés engagent ce que nous allons « faire » de toute nécessité intime et déclarée, le temps venu
295 oute nécessité intime et déclarée, le temps venu. Nos destins individuels sont signés, eux aussi, dans ce Cahier — qui put
296 ssion vraie (quoique égarée) qui le faisait alors nous traiter de fascistes, et pas seulement la discipline aveugle d’un par
297 se tenant un peu en retrait — et il va subitement nous manquer pour toujours. Mais plus encore que nos personnes et les anci
298 nous manquer pour toujours. Mais plus encore que nos personnes et les anciens jeunes militants de nos groupes devenus dépu
299 nos personnes et les anciens jeunes militants de nos groupes devenus députés ou ministres, ce sont toutes nos idées maître
300 upes devenus députés ou ministres, ce sont toutes nos idées maîtresses qui vont dominer l’aile marchante du Mouvement europ
301 eux qui affectaient de mépriser l’inefficacité de nos doctrines « utopiques », ceux qui n’avaient pas assez de sarcasmes po
302 arcasmes pour l’âme et les « belles âmes » qu’ils nous attribuaient, ceux qui enfin se voulaient (et sans doute se croyaient
303 ls disposés « dans le sens de l’Histoire », quand nous tentions de l’orienter. Qu’ont-ils donc obtenu pour ce Prolétariat qu
304 s en vous-même et vous pensez pourtant si près de nous , vous luttez avec nous… » Il se peut que mon évocation rapide des cir
305 pensez pourtant si près de nous, vous luttez avec nous … » Il se peut que mon évocation rapide des circonstances de l’automne
306 omne 1932 réponde à la question de Silone. Ce qui nous réunit, c’est une angoisse commune devant l’aliénation croissante de
307 isme. Le jeune Marx — dont on parle beaucoup dans nos groupes — avait repris de Hegel ce terme d’aliénation, que j’interprè
308 r de la notion de personne. Arnaud Dandieu et moi nous étions partagé la rédaction d’un long essai sur L’Acte comme point d
309 long essai sur L’Acte comme point de départ et nous le défendîmes devant le groupe de Koyré, Gurvitch, J. Wahl, etc., qui
310 publiait alors les Recherches philosophiques, où notre texte parut. Ma « Définition de la Personne », écrite à cette époque
311 époque et publiée un peu plus tard dans Esprit , devait faire l’objet de deux débats d’un autre groupe de philosophes réunis
312 é je me mariai, et au retour d’un bref voyage qui nous avait conduits à Port-Cros chez les Paulhan, je reçus coup sur coup u
313 fin de l’été 1933. Une petite compagnie d’édition devait lui survivre pour exploiter le fonds précieux des auteurs qu’elle ava
314 cceptable. Mais dans l’argumentation par laquelle nous jugions plaisant et utile d’étayer nos thèses personnalistes, les néo
315 laquelle nous jugions plaisant et utile d’étayer nos thèses personnalistes, les néothomistes plus (ou moins ?) Blondel et
316 expérience de Service civil était destinée, dans notre esprit, à démontrer la possibilité pratique d’une « suppression de la
317 ougemont en tête de son article de Demain, que si nous combattons le communisme, ce n’est pas par peur ou par volonté prééta
318 ment « noyés parmi les autres témoignages » comme devait s’en plaindre Nizan, mais proportionnellement avantagés, d’autant que
319 e ?) 23. Le succès du communisme serait-il « de nous rendre la vie de caserne acceptable » ? (R. de Pury, dans Hic et Nun
320 .) 24. J’ai sous les yeux une page ronéotée qui doit dater de 1936. Il s’agit d’un « Programme présenté au mouvement perso
321 ticles 9 à 13 : « ix. — À l’étatisme totalitaire, nous opposons le fédéralisme politique et économique, seul régime capable
322 les producteurs associés et responsables. xii. —  Nous réclamons l’institution d’un minimum vital assuré gratuitement à tous
323 les membres de la fédération. xiii. — L’État ne doit pas être au-dessus des personnes, mais à leur service ; il doit être
324 au-dessus des personnes, mais à leur service ; il doit être fort dans son domaine limité. «  Voir aussi le n° 15 de L’Ordre
325 is qu’existe cette revue, depuis que se développe notre mouvement, beaucoup ont perçu avec quelque clarté, et d’un regard neu
10 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Préambule
326 i couvre l’avant du bateau, et de l’eau gicle sur nos visages glacés. « Tire le gramophone entre tes jambes, là, sous ton i
327 le, que le cuir ne soit pas mouillé. (C’est qu’on nous l’a prêté, il faut le soigner…) Nous sortons du port, et tout de suit
328 (C’est qu’on nous l’a prêté, il faut le soigner…) Nous sortons du port, et tout de suite la mer est forte. Un éclair sur l’e
329 air sur l’eau verte, un gros coup de vent : voilà nos compagnons de voyage, le médecin de l’île et trois représentants de c
330 ns la cabine de la cale par une espèce de trappe. Nous restons seuls sur le pont, ma femme et moi, à entasser nos valises ta
331 ns seuls sur le pont, ma femme et moi, à entasser nos valises tant bien que mal à l’abri. Un autre éclair siffle et claque
332 t venue brusquement avec l’aube. Depuis une heure nous battions la semelle sur les quais déserts de ce port fantomatique, sa
333 puis s’apaise non moins subitement à l’instant où nous touchons l’île. La colère du détroit nous a salués ! J’accepte cet au
334 tant où nous touchons l’île. La colère du détroit nous a salués ! J’accepte cet augure à double sens, certifiant la présence
335 age basse, quelques pins, deux ou trois baraques. Nous traînons nos valises le long d’un appontement interminable jusqu’à l’
336 lques pins, deux ou trois baraques. Nous traînons nos valises le long d’un appontement interminable jusqu’à l’autocar où no
337 ’un appontement interminable jusqu’à l’autocar où notre petit groupe de voyageurs transis s’installe rapidement. Après quoi l
338 de partout. Un incroyable cliquetis de vitres va nous accompagner pendant deux heures et demie, — car l’horaire n’en prévoi
339 trente-huit kilomètres de l’île dans sa longueur. Nous traversons de longs villages blancs et bleus aux maisons basses, des
340 otone. Je crois que je me suis endormi un moment. Nous approchons du dernier village. L’île devient très étroite. Par endroi
341 asses qui ondulent à peine, en demi-cercle devant nous , marquant la fin des terres vers l’ouest. Sur la dernière lande, la d
342 ernière lande, la dernière maison luit doucement. Nous voyons de loin sa façade blanchie, où les volets d’un bleu pâle sembl
343 terre, la mer, le ciel, et le feu de la lumière. Nous vivrons bien ! ⁂ Je revois, je revis si bien cette traversée, cette t
344 ais je sens bien qu’il me faut expliquer pourquoi nous venions dans cette île à la saison où il convient plutôt de la quitte
11 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Première partie. N’habitez pas les villes !
345 cela dont on ne peut pas se délivrer à temps, et devrait être défini franchement comme ce qui est incommode ou impropre, et do
346 ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on fera
347 tion est d’ailleurs excellente pour l’instant. Il nous reste encore de quoi vivre pendant six semaines environ, si du moins
348 i vivre pendant six semaines environ, si du moins nos calculs sont justes : 900 francs, un bon toit, et le temps de voir ve
349 oute écrire d’un trait, parce que j’y parlerai de notre affaire, avec nos mots, dans notre liberté. Après quoi, je pourrai tr
350 it, parce que j’y parlerai de notre affaire, avec nos mots, dans notre liberté. Après quoi, je pourrai travailler. Aujourd’
351 ’y parlerai de notre affaire, avec nos mots, dans notre liberté. Après quoi, je pourrai travailler. Aujourd’hui c’est le jour
352 tit. Laissons donc de côté ce petit travail qui a valoir les palmes à son auteur. Le second bouquin, c’est l’œuvre d’un
353 u tout au moins à son instigation. Enfin, et cela nous sera des plus utiles, une minutieuse description de la faune et de la
354 avec les gens. — Le village se termine au bout de notre jardin. Passé la porte, on enfile une petite rue toute blanche qui co
355 i. Elle corrige la mauvaise humeur que m’a donnée notre épicière. Car il faut bien, hélas, commencer par l’épicière, quand on
356 ut l’hiver ? C’est plutôt en été qu’on vient chez nous , me fait-elle prudemment observer. — Je le sais bien, madame Aujard,
357 ce pays… Je l’ai laissée en plein mystère. Elle a en parler longuement avec les clients qui attendaient en silence, le
358 à verser sans délai la somme de 67 fr. 25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le
359 c’est d’aller réfléchir le long des plages. Quand nous sortons de notre enclos, nous avons trois promenades au choix : elles
360 fléchir le long des plages. Quand nous sortons de notre enclos, nous avons trois promenades au choix : elles conduisent toute
361 g des plages. Quand nous sortons de notre enclos, nous avons trois promenades au choix : elles conduisent toutes les trois,
362 nt toutes les trois, en dix minutes, à une plage. Notre village est en effet situé sur une pointe avancée de l’île, et la qua
363 marais, à peu près impraticable en cette saison. Nous suivons des sentiers bordés de tamaris jusqu’aux dunes. Elles ne sont
364 ur embrasser du regard une bonne partie de l’île, notre village, les marais et deux ou trois clochers lointains, noirs et bla
365 ère n’a plus cette intensité blanche et bleue qui nous avait comme étourdis à l’arrivée. Des faisceaux de rayons divisés par
366 il n’arrive rien ? « On ne meurt pas de faim dans nos pays », dit-on, et je crois bien que je l’ai dit quelquefois. Mais il
367 absolument. C’est peut-être à cause du bonheur de notre vie. Trouver son rythme naturel, et les moyens de s’y réduire, voilà
368 s la racine de tout l’idéalisme dont les modernes doivent se guérir, s’ils veulent enfin devenir « actuels » ? Est-ce que ce n’
369 a racine de cet esprit d’abstraction égoïste dont nous souffrons tous ? Enfin, n’est-il point trop facile de trouver son ryt
370 urquoi les hommes vivent-ils sur des îles ? Quand nous sortons pour une promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de
371 es ? Quand nous sortons pour une promenade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, la mer partout à dix mi
372 menade et que nous mesurons toute l’étroitesse de notre domaine, la mer partout à dix minutes et ces marécages hostiles, nous
373 partout à dix minutes et ces marécages hostiles, nous souffrons de ne pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pay
374 nous souffrons de ne pouvoir prolonger en pensée notre marche jusqu’au pays voisin. Cette liberté insulaire est une liberté
375 liberté insulaire est une liberté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène tout physiquement à nos limites.
376 erté négative. Elle nous met à l’abri du monde et nous ramène tout physiquement à nos limites. Mais l’homme est ainsi fait q
377 ’abri du monde et nous ramène tout physiquement à nos limites. Mais l’homme est ainsi fait qu’il désire sans cesse se risqu
378 je travaille vraiment en écrivant, cela met entre nous une barrière sentimentale, une gêne constamment sensible. Et je n’ai
379 e), qui est une vieille amie des propriétaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a demandé av
380 étaires de notre maison, est venue plusieurs fois nous voir. Hier, elle m’a demandé avec toutes sortes de précautions oratoi
381 ns ses souvenirs, trop souvent racontés. (« Quand nous étions devant Tamatave, en 1886… ») Il s’occupe maintenant à fabrique
382 nde moderne n’a rien en eux. Ils sont indemnes de nos fièvres. Ils ne connaîtront pas nos douloureuses confusions, nos inad
383 t indemnes de nos fièvres. Ils ne connaîtront pas nos douloureuses confusions, nos inadaptations, nos désirs discordants. I
384 s ne connaîtront pas nos douloureuses confusions, nos inadaptations, nos désirs discordants. Ils se sont fait un entourage
385 s nos douloureuses confusions, nos inadaptations, nos désirs discordants. Ils se sont fait un entourage à la mesure de leur
386 eulement paraissent les absurdités sur lesquelles nous vivons depuis des siècles, dans un accord peut-être excessivement tac
387 nouveau, mais nouvellement intéressant. Et quand nous sommes en confiance, si j’essaie d’amener l’entretien sur leurs lectu
388 dans un siècle ou deux, se demandera-t-on comment nous avons pu rester si parfaitement aveugles ? Ou bien est-ce ma gêne qui
389 nt fait ses preuves. 5 décembre 1933 Une de nos joies, c’est de pouvoir enfin mettre au gramophone, et avec l’aiguill
390 rne, — sans voisins pour taper à la paroi ou pour nous faire des scènes, conventionnelles mais épuisantes, sur le palier. No
391 conventionnelles mais épuisantes, sur le palier. Nous n’avons qu’une dizaine de disques : Bach, Mozart, Stravinsky, Honegge
392 lleurs que chez le marchand. C’est l’événement de notre solitude. Et certainement c’était ici, dans ce désert, qu’il convenai
393 musique de foule et de la lande désolée autour de nous  ! Proximité de l’océan. Clameur des masses contre le ciel fatal, et l
394 1933 Il fait très froid depuis quelques jours. Nous n’avons pour chauffer la grande chambre du rez-de-chaussée qu’un peti
395 es fenêtres ferment très mal — comme partout — et nous sentons l’air froid qui souffle jusqu’au milieu de la chambre. Chaque
396 sque tous laids de visage et très épais de corps. Nous étions assis derrière eux. Au fond, sur deux armoires basses, siégeai
397 Poucet, qui remporte un gros succès. En sortant, nous passons devant la salle du curé, qui donne aussi ce soir une séance d
398 z de pétrole sujet à des pannes mystérieuses, qui nous menace sans cesse d’explosion. (Deux petites pompes, à droite et à ga
399 n renvoie 100 par le courrier de ce matin. « Vous devez être bien content, me dit la factrice pendant que je signe le mandat,
400 et sérieuse. « Eh bien, Messieurs et chers amis, nous allons procéder, selon votre coutume, à l’élection du bureau, puisque
401 fois qu’il vient à A… mais certainement qu’il va nous intéresser, et je lui donne la parole. » M. Palut sourit cordialement
402 que le roi payât les ouvriers. L’Ancien Testament nous montre que le système de propriété chez les juifs est presque communi
403 re chrétien, c’est aimer son prochain comme Jésus nous aime. Si tous les hommes étaient chrétiens, il n’y aurait plus d’expl
404 e : il y avait pourtant bien des auditeurs qui ne devaient pas être d’accord ? « Ben quoi, fait-il convaincu, c’est la vérité ce
405 mme ça… » Je vais me présenter au conférencier et nous sortons ensemble. Dans la rue noire, un homme nous rejoint : c’est ce
406 ous sortons ensemble. Dans la rue noire, un homme nous rejoint : c’est celui qui a présidé la réunion. Il veut encore remerc
407  » et promet de lui envoyer un Nouveau Testament. Nous faisons les cent pas sur la place. M. Palut sait que je suis écrivain
408 le pour vous, ce que je leur ai dit ce soir, j’ai vous ennuyer, hein ? » Je le rassure vivement. Ce n’est pas moi qui l
409 qui ils sont d’accord. Il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque de propagande forcenée, et je vous assure qu’un c
410 ilieu de cette population bigote ou indifférente. Nous prenons rendez-vous pour un dimanche prochain, au chef-lieu, après so
411 trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon
412 t de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon comp
413 mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied
414 enais pas large. Comme la mère Renaud était venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause du phénomèn
415 e la mère Renaud était venue nous voir la veille, nous ne cherchâmes pas plus loin la cause du phénomène. Il est vrai qu’on
416 beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypothèse à ce point injurieus
417 ble une hypothèse à ce point injurieuse. Pourtant nous n’en trouvions pas d’autre. Or, peu de jours auparavant, un petit hér
418 it très vite, il avait l’air malade. Le lendemain nous le trouvions mort. Et je l’avais oublié là, sans sépulture, caché sou
419 ise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois l
420 ien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être utiles. On devrait y trouver des renseignements concrets, des re
421 un symbole. Les livres devraient être utiles. On devrait y trouver des renseignements concrets, des recettes exactes, des expl
422 les choses de rien. Au lieu de cela, les modernes nous servent des états d’âme improbables ou excessifs, des inquiétudes don
423 que faire, ou des doctrines dont ils négligent de nous dire s’ils les ont essayées sur le vif, dans le détail de la vie quot
424 le vif, dans le détail de la vie quotidienne. Ils nous donnent très rarement des réponses, ou alors par malchance ce sont ju
425 ionnelle, mais que veulent-ils qu’on en fasse ? — Nous avons tout à apprendre de Goethe. Non seulement des révélations du se
426 néma. Il n’y aurait là rien d’étonnant si l’on ne nous rebattait les oreilles de phrases sur la volonté et la mission du peu
427 : il est très difficile d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pa
428 d’aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide (n
429 ent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide (nous égale les intellectuels bourgeois). Il est très difficile
430 i peut-être ne voudraient pas même de notre aide ( nous égale les intellectuels bourgeois). Il est très difficile d’aimer ces
431 ïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’appeler cette h
432 un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d’appeler cette haine amour du peup
433 l a raison » ne signifie pas pour eux : « Donc je dois régler ma conduite sur ce qu’il dit », mais simplement : « étant donn
434 u peuple il y a belle lurette qu’il sait ce qu’on doit penser des gens instruits. La plupart sont des égoïstes, des orgueill
435 hommes cultivés, au lieu de s’efforcer, comme ils devraient , de combattre activement cette erreur, en tirent au contraire leur co
436 ux port de cette vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le dépa
437 vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus
438 le ville, la plus proche de notre île, et où nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Ro
439 s en attendant le départ de l’autobus pour Royan. Nous sommes attablés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoi
440 ournal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première tentative d’autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez
441 e ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai trav
442 nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne serai pas payé avant un
443 t à venir, j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journ
444 lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’e
445 n décidé à renouveler ma tentative, dans un mois. Nous sommes partis ce matin à 5 heures, par l’autobus, ou « hustubuse » co
446 is qu’elle est morte. L’autobus brinquebalant, où nous étions seuls au départ, rappelait les plus inconfortables légendes :
447 lait les plus inconfortables légendes : où allait nous conduire ce personnage muet, enfermé dans la cabine du petit tracteur
448 uet, enfermé dans la cabine du petit tracteur qui nous remorquait ? Non, le voyage des contes et des rêves où l’on passe tou
449 tranquille et obstinée de ceux auprès desquels il devrait exercer sa mission. Ils ne veulent pas même l’écouter, et toute sa ra
450 le faire. Et de plus, il est seul à croire qu’il doit le faire. J’imagine qu’il doit apparaître, aux yeux des habitants de
451 eul à croire qu’il doit le faire. J’imagine qu’il doit apparaître, aux yeux des habitants de cette petite ville comme une es
452 a signification complexe du chômage intellectuel. Nos conversations de ces jours derniers avec nos amis, et les précisions
453 uel. Nos conversations de ces jours derniers avec nos amis, et les précisions que j’ai dû fournir à des personnes curieuses
454 erniers avec nos amis, et les précisions que j’ai fournir à des personnes curieuses de mon état, m’ont amené à me poser
455 cet habitus bourgeois qui, hélas, est encore chez nous la marque de l’intellectuel. Par là même, l’intellectuel chômeur risq
456 rs 1662.) Que dire alors du sort fait à celui qui doit se montrer aux hommes tel qu’il est ? S’entendre répéter que l’homme
457 de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épreuve décisive est ce
458 seuls humains que le métier ou notre rang social nous met en mesure d’approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subi
459 que l’on subit du contact de voisins que rien en nous , que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au
460 ontact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’un désordre so
461 géographique… 21 janvier 1934 (dans l’île) Nous sommes rentrés hier soir dans cette maison glaciale et humide. Il n’y
462 qui ne cesse pas de siffler autour de la maison. Nous avons trouvé des noix et bu un verre de vin, à la lueur d’une bougie.
463 verre de vin, à la lueur d’une bougie. Heureux de nous retrouver chez nous, dans notre campement au bout du monde. Confort p
464 ueur d’une bougie. Heureux de nous retrouver chez nous , dans notre campement au bout du monde. Confort profond dans cet inco
465 bougie. Heureux de nous retrouver chez nous, dans notre campement au bout du monde. Confort profond dans cet inconfort matéri
466 ouvert de tous côtés… Une seule vertu peut alors nous sauver de cette tentation du désespoir et c’est l’humilité. Si je ne
467 e lis dans le Journal de Kierkegaard : « La lande doit favoriser le développement de pensées puissantes. Ici tout est sans v
468 vaille ces bouts de champ grands comme ma chambre doit passer une partie de la journée à marcher de l’un à l’autre. Disposit
469 ourgeois et leurs journalistes. Ce n’est pas dans notre île, d’ailleurs, que j’ai pu constater cette contagion ! Les deux jou
470 e bonheur, pour oser bouleverser la petite vie de notre île. À noter et à souligner : Seules les guerres de religion ont tiré
471 a venir un beau jour, de Paris, faire la loi dans notre village ? 19 février 1934 Les gens : récit d’une journée paysa
472 t pas anéantir physiquement toute la bourgeoisie ( nous ne sommes pas en Russie). Et tant qu’il y aura des bourgeois, il y au
473 fonction de chaque « personne ». C’est l’État qui devrait donner à chacun de ses membres le minimum qu’il mérite. Mais comment
474 t d’une lecture très douteuse pour ceux mêmes qui devraient les exercer ! Il faudrait donc, dans la pratique, se contenter d’appr
475 n peut imaginer de moins déraisonnable, cela peut nous donner une bonne idée du maximum d’absurdité que représente l’anarchi
476 me rappelle un bout de conversation que j’aurais noter plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Royan voulait
477 la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous q
478 ire part de vos lumières, et sans vous, où irions- nous donc, nous qui ne croyons plus aux curés ! — Comptez, Monsieur, lui d
479 vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons plus aux curés ! — Comptez, Monsieur, lui dis-je, qu’u
480 s milliardaires ou des saints. Croyez-moi, ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous aurez
481 ce que nous vous donnons, c’est justement ce qui nous manque, et quand vous aurez compris cela, vous cesserez, je le crains
482 us les villages voisins. Du haut de la colline où nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de maréc
483 peut contenir une centaine d’auditeurs. L’orateur doit se tenir debout au milieu d’eux, de manière à pouvoir, tout en parlan
484 ; vérité de la fable qui donne une forme grande à nos obscurs et grands désirs informulés. En finissant je craignis un mome
485 haut de forme ? Il a l’air d’un brave type comme nous autres. Rêverie des jeunes cultivateurs.) Et quand j’ai terminé ma ca
486 s ». 17 mars 1934 L’instituteur vendéen. —  Nous étions assis dans sa cuisine avec sa femme et ses deux enfants. C’est
487 le ; prudent. Il se plaint de son isolement. « On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons pas que lire. Le travail
488 solement. « On nous laisse seuls, sans direction. Nous ne savons pas que lire. Le travail est dur, ici. Il faut lutter contr
489 rents, contre la concurrence de l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture i
490 e l’école libre qui nous a pris les deux tiers de nos élèves. On aurait besoin de nourriture intellectuelle pour se souteni
491 cette centralisation : qu’est-ce qu’ils savent de notre situation, à Paris ? Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire un mo
492 a langue française telle qu’on l’écrit à Paris de nos jours (car c’est faux sous tout autre rapport, pour tout autre pays,
493 pour tout autre pays, pour toute autre époque de nos lettres) je pense que ce n’est pas par hasard que tous les grands art
494 éjà, sans une seule heure d’interruption. Et cela doit durer deux jours encore, puisqu’une nouvelle période de trois jours e
495 et à travers le toit fragile, jour et nuit. Quand nous sortons pour aller voir la côte bouleversée, il nous faut marcher pli
496 s sortons pour aller voir la côte bouleversée, il nous faut marcher pliés en avant, et nous rentrons étourdis. Depuis plusie
497 leversée, il nous faut marcher pliés en avant, et nous rentrons étourdis. Depuis plusieurs jours, le bateau n’a pas pu abord
498 est sur le prix de ce travail, payé d’avance, que nous avons vécu depuis janvier, je crois que j’avais omis de le noter jusq
499 jeunie, des fleurs partout, la grande lumière sur nos murs blanchis. J’ai travaillé au jardin, tous ces jours. Labouré et d
500 avril 1934 La solitude est une jeunesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions déjà, c’est vrai, quand
501 nesse. Elle nous apprend cette chose nouvelle que nous savions déjà, c’est vrai, quand nous étions adolescents, chose nouvel
502 nouvelle que nous savions déjà, c’est vrai, quand nous étions adolescents, chose nouvelle au goût de souvenir, que trop de t
503 rendez-vous d’indifférence avaient repoussée dans nos lombes ; cette chose toujours neuve et nouvelle qu’est l’attente d’on
504 aussi pour gagner ma mort, je le sais bien. Toute notre attente imagine l’avenir, et l’imagine nécessairement sur fond de mor
505 aussi l’âge le plus familier avec la mort.) Ainsi nos gestes se prolongent : leur grandeur est dans l’attente qu’ils trahis
506 écrit cela, je me le rappelle, peu de temps après notre arrivée, en haut d’une page que je retrouve dans une pile de notes. L
507 ule au bout du jardin. Elle y est pourtant depuis notre arrivée, héritée du propriétaire. Nous l’avons nourrie sans espoir pe
508 nt depuis notre arrivée, héritée du propriétaire. Nous l’avons nourrie sans espoir pendant des mois, la croyant trop vieille
509 te. Il y a probablement une fatalité interne dans notre culture : elle s’enchante, se critique, se légitime elle-même. Elle a
510 est pas Descartes qui eût écrit ce Journal ! Mais nous , nous chercherons le salut de la pensée ailleurs que dans la fuite de
511 s Descartes qui eût écrit ce Journal ! Mais nous, nous chercherons le salut de la pensée ailleurs que dans la fuite devant c
512 s’agit de maintenir par un constant effort entre nos belles séries de pensées et la diversité désordonnée des êtres et des
513 diversité désordonnée des êtres et des choses, où nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis. » Et je ne suis guère, si je n’e
514 et d’os eût porté la déroute en son système. Mais nous , serons-nous assez forts pour penser les yeux bien ouverts ? 16 av
515 orté la déroute en son système. Mais nous, serons- nous assez forts pour penser les yeux bien ouverts ? 16 avril 1934 J
516 mières roses au soleil, le long des murs du chai. Nous déjeunons sous les tilleuls. Il y a un grand bonheur dans la lumière
517 ssion et des limites de Goethe. Et c’est là qu’il nous faut reprendre, avec une patience obstinée malgré tant de grossières
518 cation de ce petit coin de conscience humaine qui nous est accessible en Occident. Le romantisme s’évapore de nos vies. L’es
519 ccessible en Occident. Le romantisme s’évapore de nos vies. L’esprit pur a cessé de nous séduire : nous posons nos regards
520 me s’évapore de nos vies. L’esprit pur a cessé de nous séduire : nous posons nos regards à hauteur d’homme. Et nous voyons u
521 nos vies. L’esprit pur a cessé de nous séduire : nous posons nos regards à hauteur d’homme. Et nous voyons un monde neuf où
522 ’esprit pur a cessé de nous séduire : nous posons nos regards à hauteur d’homme. Et nous voyons un monde neuf où la pensée
523 e : nous posons nos regards à hauteur d’homme. Et nous voyons un monde neuf où la pensée avait perdu, depuis un siècle, la c
524 coutume de chercher ses résistances. Or ce monde nous apparaît démesurément agrandi, hors de nos prises intellectuelles. No
525 monde nous apparaît démesurément agrandi, hors de nos prises intellectuelles. Nous ne savons plus comment parler à nos vois
526 ment agrandi, hors de nos prises intellectuelles. Nous ne savons plus comment parler à nos voisins, nos échanges sont lourds
527 llectuelles. Nous ne savons plus comment parler à nos voisins, nos échanges sont lourds et naïfs, incertains et souvent abs
528 Nous ne savons plus comment parler à nos voisins, nos échanges sont lourds et naïfs, incertains et souvent absurdes, les ma
529 nt absurdes, les matériaux informes et bruts pour nos mains déshabituées. Notre langage n’émeut plus ces objets, qui n’en r
530 ux informes et bruts pour nos mains déshabituées. Notre langage n’émeut plus ces objets, qui n’en renvoient pas même l’écho.
531 s ces objets, qui n’en renvoient pas même l’écho. Nous sommes là, petits individus, devant ce qu’on nomme les « masses », ex
532 mme les « masses », exprimant par cette métaphore notre impuissance à former ce réel. Notre complication, notre perfectionnem
533 tte métaphore notre impuissance à former ce réel. Notre complication, notre perfectionnement nous ont si bien séparés de cela
534 impuissance à former ce réel. Notre complication, notre perfectionnement nous ont si bien séparés de cela qu’il nous semble p
535 réel. Notre complication, notre perfectionnement nous ont si bien séparés de cela qu’il nous semble parfois qu’il n’est plu
536 tionnement nous ont si bien séparés de cela qu’il nous semble parfois qu’il n’est plus qu’une alternative de manœuvre : nous
537 qu’il n’est plus qu’une alternative de manœuvre : nous laisser prendre par la foule, dont le torrent arrondira nos angles, n
538 r prendre par la foule, dont le torrent arrondira nos angles, nous simplifier dans le cadre grossier des disciplines partis
539 r la foule, dont le torrent arrondira nos angles, nous simplifier dans le cadre grossier des disciplines partisanes, ou bien
540 a vu le premier. Et c’est pourquoi je pense qu’il nous est bon de reprendre aujourd’hui son problème, là où il l’a porté, et
541 où il l’a porté, et dans ses termes. ⁂ La pensée doit conduire l’action ; mais sans agir, elle n’est pas vraie pensée. L’in
542 ut en se maintenant dans leur plan, c’est définir notre problème actuel. Notre pensée nous donne des modèles d’ordre que la s
543 s leur plan, c’est définir notre problème actuel. Notre pensée nous donne des modèles d’ordre que la société toute défaite qu
544 c’est définir notre problème actuel. Notre pensée nous donne des modèles d’ordre que la société toute défaite qui est la nôt
545 s d’ordre que la société toute défaite qui est la nôtre ne paraît plus capable de subir. Il y a, ou tout au moins il peut y a
546 au moins il peut y avoir beaucoup plus d’ordre en nous que dans le monde. Le vertige est à l’extérieur. Et lorsque éclate le
547 à l’extérieur. Et lorsque éclate le conflit entre notre moi et le monde c’est au monde que nous donnons tort. Nous le mettons
548 it entre notre moi et le monde c’est au monde que nous donnons tort. Nous le mettons en question, nous démasquons son arbitr
549 et le monde c’est au monde que nous donnons tort. Nous le mettons en question, nous démasquons son arbitraire, nous refusons
550 e nous donnons tort. Nous le mettons en question, nous démasquons son arbitraire, nous refusons les règles de son jeu, et la
551 tons en question, nous démasquons son arbitraire, nous refusons les règles de son jeu, et la plupart de ses établissements n
552 et la plupart de ses établissements ne sont pour nous que signes du désordre. C’est à son anarchie, non à la nôtre, que nou
553 ignes du désordre. C’est à son anarchie, non à la nôtre , que nous déclarons cette guerre que l’on appelle révolution. Ainsi n
554 sordre. C’est à son anarchie, non à la nôtre, que nous déclarons cette guerre que l’on appelle révolution. Ainsi notre révol
555 s cette guerre que l’on appelle révolution. Ainsi notre révolte même assure nos relations avec le monde. La tension se produi
556 pelle révolution. Ainsi notre révolte même assure nos relations avec le monde. La tension se produit de nouveau entre les p
557 gne : elle pointe sa flèche contre la société34. Nous ne pouvons nous réaliser que dans le corps à corps avec le monde et c
558 e sa flèche contre la société34. Nous ne pouvons nous réaliser que dans le corps à corps avec le monde et c’est toujours le
559 e passe comme si le but final était bien moins de nous réaliser que d’informer un monde neuf, qui enfin nous paraisse accept
560 réaliser que d’informer un monde neuf, qui enfin nous paraisse acceptable. Les « leçons » que nous tirons aujourd’hui du sp
561 nfin nous paraisse acceptable. Les « leçons » que nous tirons aujourd’hui du spectacle des gens, de l’examen de leurs coutum
562 eurs raisons, ces leçons ne sont plus destinées à notre seul usage interne : elles prennent l’allure de revendications contre
563 e ce simple changement de signe dont l’importance nous est encore incalculable, je voudrais indiquer maintenant l’un des pre
564 ens de la parfaire en l’enseignant. Ce que Goethe doit au monde, c’est de devenir Goethe. Il doit montrer l’exemple d’un ind
565 Goethe doit au monde, c’est de devenir Goethe. Il doit montrer l’exemple d’un individu qui a su tirer du monde où il est né
566 ait vis-à-vis d’un « sujet ». Mais, tout inverse, notre effort contre le monde vise à l’affirmation d’un ordre externe, d’une
567 ne, d’une communauté vivante. Les témoignages que nous devons porter en faveur de cet ordre à créer ne pourront plus revêtir
568 ’une communauté vivante. Les témoignages que nous devons porter en faveur de cet ordre à créer ne pourront plus revêtir la for
569 eraient plus parfaites, c’est-à-dire détachées de nos contingences présentes. Faites pour durer, elles resteraient des « ut
570 esteraient des « utopies ». Les seuls modèles que nous puissions prétendre offrir, ce sont les preuves de notre engagement d
571 uissions prétendre offrir, ce sont les preuves de notre engagement dans la réalité vulgaire du monde actuel. Si nous devons q
572 ment dans la réalité vulgaire du monde actuel. Si nous devons quelque chose à ce monde, c’est notre volonté de le changer, d
573 dans la réalité vulgaire du monde actuel. Si nous devons quelque chose à ce monde, c’est notre volonté de le changer, de le co
574 l. Si nous devons quelque chose à ce monde, c’est notre volonté de le changer, de le connaître afin de le changer, de le conn
575 e afin de le changer, de le connaître en tant que notre action peut modifier le sort de ses victimes, dont nous sommes. Je vo
576 ction peut modifier le sort de ses victimes, dont nous sommes. Je vois alors une littérature de transition dont l’ambition n
577 esprit se découvre d’autres tâches. Goethe encore doit choisir ses sujets et le cadre de ses pensées dans un certain ordre «
578 i peut agrandir et clarifier l’univers intérieur. Nous , c’est le monde informe, impersonnel, hétéroclite et quotidien qu’il
579 orme, impersonnel, hétéroclite et quotidien qu’il nous faudrait clarifier et « reprendre ». Mais où le prendre sinon au plus
580 prendre sinon au plus près, et tout d’abord dans nos contacts humains les plus banals ! Nous serons d’autant plus assurés
581 abord dans nos contacts humains les plus banals ! Nous serons d’autant plus assurés de le toucher utilement que nous aurons
582 d’autant plus assurés de le toucher utilement que nous aurons moins calculé le mode et le lieu des contacts. D’où je vois na
583 de rencontres, une sorte de perpétuel journal de nos relations avec le monde, empruntant toutes les formes qu’on voudra, r
584 le vrai progrès de l’esprit, c’est l’ouverture de notre vie aux « influx de vigueur et de tendresse réelle », notre réponse d
585 aux « influx de vigueur et de tendresse réelle », notre réponse d’homme à toute la création, longtemps trompée dans son « att
586 l’homme n’est pas fait pour durer : la vie étale nous ennuie, c’est ce qui naît et ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit,
587 ous ennuie, c’est ce qui naît et ce qui meurt qui nous émeut. Cette nuit, avant d’aller me coucher, j’ai été voir encore au
588 me coucher, j’ai été voir encore au poulailler. ( Nous attendions depuis deux jours l’éclosion des œufs.) Il me semble qu’il
589 e vais chercher une bougie, je réveille ma femme. Nous essayons de soulever par les ailes la poule, qui fait un caquet déchi
590 Armés de treilles à long manche, les jambes nues, nous courons sur les roches tapissées d’algues sombres dont le crépitement
591 pissées d’algues sombres dont le crépitement sous nos pas fait fuir et choir de tous côtés de petits crabes. Des ruisseaux,
592 s impétueuses parcourent ce territoire compliqué. Nous les suivons, dans l’eau jusqu’aux genoux, les jambes caressées de cou
593 s rougeâtres et doucement mouvantes. C’est là que nous commençons la pêche. Il faut se planter au centre du bassin, et fouil
594 la ceinture et qui se remplit de tressaillements. Nous ne gardons que les plus belles crevettes, dites « bouquets », grosses
595 rose sombre, aux longues antennes grenat. Un jour nous avons pris une seiche énorme, de celles que les gens de l’île mangent
596 retirer dans son trou. Quand la marée remonte et nous chasse peu à peu vers la plage, nous nous attardons encore à chercher
597 e remonte et nous chasse peu à peu vers la plage, nous nous attardons encore à chercher dans les flaques d’eau tiédie ou sou
598 onte et nous chasse peu à peu vers la plage, nous nous attardons encore à chercher dans les flaques d’eau tiédie ou sous les
599 es huîtres sur les murs des écluses à poisson. Il nous a fallu trois belles heures pour rapporter de quoi déjeuner, des coup
600  » des créatures, songeant au passage où l’Apôtre nous fait entendre ce soupir de toute la création vers la révélation des «
601 là la dernière trace de la conscience cosmique en nous , de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est
602 conscience cosmique en nous, de la conscience de notre royauté nécessaire et réparatrice. Il est probable que le tigre en tr
603 igne de l’homme que ces vertus de carnassiers que nous partageons, d’ailleurs maladroitement, avec le tigre et le requin. J’
604 , avec le tigre et le requin. J’allais conclure : nos rapports avec la nature ne sont guère plus satisfaisants que nos rapp
605 ec la nature ne sont guère plus satisfaisants que nos rapports avec les hommes. Mais attention : Si l’homme n’est que natur
606 lus en plus évident. 22 mai 1934 « C’est en notre vie seule que la nature vit » (Coleridge). « Car nous sommes là pour
607 vie seule que la nature vit » (Coleridge). « Car nous sommes là pour deviner les choses dans leurs natures particulières, a
608 ses dans leurs natures particulières, alors elles nous en sont reconnaissantes » (C. F. Ramuz). « D’autant plus nous connais
609 reconnaissantes » (C. F. Ramuz). « D’autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons
610 nnaissons les choses particulières, d’autant plus nous connaissons Dieu » (Spinoza). « Tout l’univers s’adresse à l’homme da
611 iner que cet effort de la nature pour pénétrer en nous n’est pas sans une mystérieuse signification ? » (Benjamin Constant).
612 à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or nous savons que jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souff
613 eurs de l’enfantement… Car c’est en espérance que nous sommes sauvés » (Romains 8, 20-24). Fin mai 1934 Nous mangeons
614 s sauvés » (Romains 8, 20-24). Fin mai 1934 Nous mangeons les premiers légumes du jardin : salades et radis. Pour les
615 nt que quelques feuilles. Mais avec le produit de nos pêches, les bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pour
616 s bons de pain, le reste du tonneau de vin blanc, nous pourrions subsister sans argent pendant quelques semaines encore. Il
617 une traduction et de la correction d’un manuscrit nous a fait vivre jusqu’en avril. Pendant ce temps, j’ai pu écrire quelque
618 l faut vivre assez longtemps loin de Paris, comme nous vivons ici, pour arriver à distinguer : eux ne s’en doutent pas, ils
619 s ou moins spirituelle de, etc. Parlons plutôt de nos bains, les premiers vrais bains de la saison, à la Grande-Conche. Une
620 ans une pierre. Merveilleuse piste de bicyclette. Nous nous sommes procuré deux vieux clous tout rouillés. Ils supportent tr
621 ne pierre. Merveilleuse piste de bicyclette. Nous nous sommes procuré deux vieux clous tout rouillés. Ils supportent très bi
622 Le jardin à sept heures du matin. Chaque jour, nous le découvrons ! Touffu, feuillu et odorant, plein de giroflées multic
623 grandissent d’un pouce au moins pendant la nuit. Nous allumons une première cigarette pour enfumer les pucerons des rosiers
624 bruits des champs. 10 juin 1934 Depuis que nous parcourons cette pointe de l’île à bicyclette, de la Grande-Conche, à
625 pins à l’est et au Fier, qui termine les marais, nous découvrons que notre domaine est bien étroit… Cela n’a plus la grande
626 Fier, qui termine les marais, nous découvrons que notre domaine est bien étroit… Cela n’a plus la grandeur romantique de la d
627 cultivateurs, au travail sur leurs petits champs, nous crient quand nous passons : — Alors, on se promène ? 14 juin 1934
628 ravail sur leurs petits champs, nous crient quand nous passons : — Alors, on se promène ? 14 juin 1934 Il vient de m’a
629 t. Hier soir, j’avais fait une dernière revue de nos possibilités de subsister pendant les semaines qui viennent. Articles
630 ur contre « le sort » depuis sept à huit mois que nous sommes dans l’île. Je n’étais pas fier. Ce matin, nous avons décidé d
631 sommes dans l’île. Je n’étais pas fier. Ce matin, nous avons décidé de réagir. Quand une auto risque de rater le tournant, e
632 ndé à Mellouin d’apporter un nouveau tonnelet. Et nous allions nous mettre à table pour manger le canard des grandes occasio
633 n d’apporter un nouveau tonnelet. Et nous allions nous mettre à table pour manger le canard des grandes occasions, quand la
634 se payait ma tête. Ensuite, j’ai calculé que cela nous permettait de passer l’été ici, sans inquiétude. Ou encore, de le pas
635 tends qu’on sort, et le gérant vient me chercher. Notre affaire réglée, il croit devoir s’excuser de m’avoir fait passer à cô
636 vient me chercher. Notre affaire réglée, il croit devoir s’excuser de m’avoir fait passer à côté tout à l’heure. « Vous savez,
637 s sont tout fiers de venir à la banque. Ici, on a faire cette salle d’attente… » Autant que j’en puis juger d’après les
638 fférent et cordial qui a fini par s’établir entre nous  ; et il ne reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles.
639 tablir entre nous ; et il ne reste que l’ennui de nos conversations toujours pareilles. Grande différence entre eux et moi 
640 e à réfléchir un moment sur « ce que c’est que de nous  » ; la mère Renaud, par exemple, qui s’est fait opérer en mai, d’un c
641 e genre de métier. Ce n’est pas la « classe » qui nous sépare ici, mais la profession, les préoccupations professionnelles,
642 934 La sécheresse a été la plus forte : malgré nos arrosages, les salades et les choux sont brûlés, la terre se craquell
643 plus que quelques roses aux pétales fatigués. Et nous , nous n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dan
644 que quelques roses aux pétales fatigués. Et nous, nous n’avons plus la même patience, depuis qu’il y a de l’argent dans un t
645 n. Voici un an bientôt que j’ai quitté Paris pour notre « Maison du berger ». Voici un an que je dors bien, que je travaille
646 les questions réelles sont celles que l’existence nous pose, et non point celles que nous posions pour éviter de répondre au
647 ue l’existence nous pose, et non point celles que nous posions pour éviter de répondre au présent. À lire les romans d’aujou
648 mais. Le grain de la terre ; et aussi le grain de nos idées, de notre vie, plus facile à décrire avec les mots de notre lan
649 de la terre ; et aussi le grain de nos idées, de notre vie, plus facile à décrire avec les mots de notre langue. Il ne se pa
650 notre vie, plus facile à décrire avec les mots de notre langue. Il ne se passe pas grand-chose dans ces pages, mais ce peu m’
12 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Deuxième partie. Pauvre province
651 les romaines sous un ciel doux. Au nord, derrière notre maison, c’est le rocher, la montagne brûlée. La maison : une ancienne
652 ur le versant nord d’un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que le versant sud, avec ses restanques
653 d’oliviers, ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine.
654 sible, massée au pied des rochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup
655 ochers, en retrait sur notre gauche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris
656 relles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan d’arrangement actuel de cha
657 endeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer
658 La traduction d’un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériel
659 araît un peu moins chère dans ce pays-ci que dans notre île. Mais les gens sont encore plus pauvres, si possible. Les petites
660 trevois déjà ce qu’ils appellent ici se nourrir : nos voisins n’ont sur leur table, quand on va les voir à midi, que des ch
661 s privilégiés, cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource
662 égère nuance de supériorité sociale chez Simard.) Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’un mineur retraité, dont la f
663 ce de supériorité sociale chez Simard.) Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’un mineur retraité, dont la femme fait d
664 — car je gagne à peu près 1000 francs par mois — nous avons engagé la mère Calixte pour donner un coup de main le matin et
665 Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite ci
666 e espoir vague et profond. Or, tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école primaire entre autres, ridiculise et
667 est pourquoi leurs pensées guident et soutiennent notre marche. Et c’est Kierkegaard qui a écrit : « …la marche verticale, si
668 rd qui a écrit : « …la marche verticale, signe de notre verticalité infinie ou du sublime de notre spiritualité ». 10 octo
669 gne de notre verticalité infinie ou du sublime de notre spiritualité ». 10 octobre 1934 (Suite et fin.) — Deux classes
670 résent. Elle met en question tout un monde qui ne nous laisse plus de choix qu’entre un rationalisme « libéral » et stérilis
671 et toujours vertes ; on ne les mange pas.) Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous po
672 e ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillades ». C’est leur gros raisin
673 sion d’« œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes allés hier au soir. Des hauteurs, on voyait la plaine rose e
674 la colline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’un grand micocoulier. Bi
675 lline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’un grand micocoulier. Bientôt
676 me en noir. C’est la propriétaire, Mme Turc. Elle nous fait entrer. Pour la vente du raisin, il faut attendre sa fille qui v
677 champs, où elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de ferme, mais la fermière nous reçoit comme
678 ommes dans une cuisine de ferme, mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un peu mieux, avec une politesse
679 engagé de chômeurs, monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvriers honnêtes. Pensez donc, deux femmes seules
680 même chose. » Elle a sans doute entendu parler de nous . Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une forte
681 rte femme, environ 35 ans, un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la
682 emps de lire beaucoup ? — Oh ! on le prend. Comme nous ne voyons jamais personne… » 16 octobre 1934 Complexité des « 
683 tion de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « ko
684 ontre le monde, contre soi-même… Et pourtant il a sentir que j’avais de l’amitié pour lui. Il me parlait de ses lecture
685 e ces esthètes fortunés qui, dit-on, encombraient notre littérature aux environs de 1900. Et puis, faut-il chercher si loin ?
686 jours… Reprenons cela. « Moins d’idées ! Méfions- nous de l’intellectualisme ! » Est-ce qu’il y a vraiment lieu de se plaind
687 stration, dirait Freud. Allons, allons, reprenons- nous  ! Pour moi, je suis bien décidé, dorénavant, à maintenir le droit imp
688 s l’heure des mauvaises nostalgies ? Qui pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas t
689 pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourquoi,
690 du genre journal intime ? Depuis six semaines que nous sommes à A…, me suis-je assez intéressé aux autres qui m’entourent ?
691 lles sur les gens. — Je vais chez les Calixte. On nous a dit que la mère est malade. Je trouve à la cuisine sa fille et une
692 re aussi. Elle me dit qu’elle a été assez mal. On devait lui retirer son linge toutes les deux heures. Quand elle sortait sa m
693 e une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à
694 grand tort de croire que rien au monde dépend de nous . Ceci vaut pour les femmes, qui sont la part la plus civilisée de la
695 i relevé quelques chiffres dans un ouvrage sur A… à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite36. En 1570, le mûrier,
696 impossible. Le camouflage de l’honnête appareil a coûter fort cher, mais au moins on a de la laideur pour son argent. M
697 novembre 1934 Leur langage. — La mère Calixte devait faire notre lessive la semaine prochaine. Elle vient s’excuser : « Qu
698 Leur langage. — La mère Calixte devait faire notre lessive la semaine prochaine. Elle vient s’excuser : « Qui sait, mada
699 t, résume un drame, qui est celui du langage dans notre société présente. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous
700 langage dans notre société présente. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres intellectuels, éveillent dan
701 société présente. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres intellectuels, éveillent dans l’esprit populair
702 e. Les mots que nous disons ou que nous écrivons, nous autres intellectuels, éveillent dans l’esprit populaire des harmoniqu
703 llent dans l’esprit populaire des harmoniques que nous ne savons plus prévoir. Littéralement, les mots n’ont plus le même se
704 ns. Mais il est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effarantes. Travail, lib
705 est clair que le sens des termes dont nous usons doit subir des métamorphoses non moins effarantes. Travail, liberté ou uni
706 ion, richesse et pauvreté, tous ces vocables dont nous pensions qu’ils exprimaient les lieux communs, sur quoi repose, tacit
707 ple les mêmes espoirs, les mêmes dégoûts que chez nous . Leur résonance sentimentale est différente, et c’est pourquoi leur s
708 d’autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard, pour ne pas dire dans le vide (il vaudrait mieux q
709 oit le vide, dans bien des cas), quels que soient nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre a
710 s efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plus gran
711 la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plus grande rigueur ent
712 « le public ». Cette vie spirituelle et ce public nous posent des exigences dont il faut admirer qu’elles soient aussi exact
713 gme de sa vie. C’est émouvant… Mais la plupart de nos contemporains, est-ce qu’ils ne disent pas plutôt : « Fichez-moi la p
714 . Le conducteur est seul. Il me prend volontiers. Nous causons. C’est un commerçant de Lyon, la cinquantaine, assez bavard.
715 aieté de la vie de garçon, reprise par nécessité… Nous arrivons sur la place de mon village. « Je vous dépose ici ? Où voule
716 ha ! Ça me rappelle une bien bonne histoire, vous devriez lire ça, Clochemerle que ça s’appelle, je ne sais plus le nom du type
717 ont l’air d’être, ou mieux pour ce qu’ils croient devoir se donner l’air d’être ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’ét
718 tant. Mais pour une causerie sur un sujet neutre, nous en avons toujours dans les quarante à cinquante. Et une fois qu’ils s
719 lques retraités qui « travaillent le mazet » dans nos parages, un ou deux cultivateurs, les trois instituteurs. Le pasteur
720 es instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on s’est
721 e, et cela rend les échanges bien pauvres…) Quand nous nous sommes levés pour sortir, le facteur ronflait, le front sur un d
722 cela rend les échanges bien pauvres…) Quand nous nous sommes levés pour sortir, le facteur ronflait, le front sur un dossie
723 es d’odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où l’on domine un am
724 mine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds, des Cévennes grises au nord jusqu’à l’horizon des collines ver
725 paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre Église, pratiquement ? — C’est
726 e la place à traverser. — ? — Oui, vous savez que nos temples du Midi sont construits en général sur la place du village. E
727 lève et résume le débat : « En somme, dit-il, si nous ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous sommes trop o
728 En somme, dit-il, si nous ne croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous sommes trop orgueilleux ? » En général, on
729 e croyons pas en Dieu, nous autres, ce serait que nous sommes trop orgueilleux ? » En général, on peut dire que les communis
730 contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or, ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arriv
731 es vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adresse. C’est un comique profond, lugubre et déprimant que celui du
732 courant lyrique de l’époque qui donnait un sens à nos gestes et comme une apparence de but aux nostalgies élémentaires. Tou
733 ins de le dire ; mais eux… 22 décembre 1934 Nous ne sortons plus guère qu’à la tombée de la nuit, pour la descente quo
734 uotidienne au village. Emmitouflés et silencieux, nous devons ressembler à cette « chouette de Minerve » — la conscience — d
735 ienne au village. Emmitouflés et silencieux, nous devons ressembler à cette « chouette de Minerve » — la conscience — dont Heg
736 met à voler qu’au crépuscule. Et peut-être sommes- nous la seule conscience de cette bourgade léthargique, si vraiment la con
737 e souvenir que tout est infiniment plus perdu que nous ne pouvons l’imaginer dans nos instants de lucidité extrême ; que rie
738 nt plus perdu que nous ne pouvons l’imaginer dans nos instants de lucidité extrême ; que rien n’a de sens en soi, dans le m
739 néant, et que c’est à cause de cela, et non pour nous masquer ce désespoir total, mais pour nous le révéler en nous montran
740 n pour nous masquer ce désespoir total, mais pour nous le révéler en nous montrant sa fin, que Dieu est né, mort, ressuscité
741 ce désespoir total, mais pour nous le révéler en nous montrant sa fin, que Dieu est né, mort, ressuscité. Palavas-les-Fl
742 r au hasard vers le sud, de « tout lâcher » comme nous disions à 18 ans, me paraît soudain tellement pauvre et banale, au re
743 arriérés, quoi. Ils n’ont pas l’instruction comme nous autres. » Arriérés, illettrés. Je n’en suis plus au temps où j’approu
744 c’est démentir les lois les plus fondamentales de notre science la plus élémentaire et la plus sûre, l’arithmétique. Mais qui
745 ins individus « ont la veine » dans ces loteries, notre image scientifique (physico-mathématique) du monde est fausse. Il est
746 t impossible de concevoir la vérité simultanée de notre science et de la « veine » individuelle. C’est l’un ou l’autre ; ou m
747 gieux le plus obtus s’opposent infiniment moins à notre image scientifique du monde que cette petite phrase si courante : il
748 e petite phrase si courante : il a la veine. Mais notre jacobin ne croit à la Raison et à la Science, mère du Progrès, que da
749 que je ne fiche rien. Mais ce qui trouble un peu notre voisin, c’est qu’à deux reprises déjà, s’étant couché fort tard, il a
750 que mon travail c’était d’écrire des livres. Il a trouver l’excuse assez faible. Je n’ai pas la tête d’un écrivain, et
751 urs un écrivain, est-ce qu’on en a jamais vu ? Ça doit habiter Paris. Il faudra que je lui glisse un de ces jours que j’écri
752 une situation bien définie dans le corps social.) Nous sommes méprisés dans la mesure où nous sommes intellectuels, et accep
753 s social.) Nous sommes méprisés dans la mesure où nous sommes intellectuels, et acceptés — ou utilisés — dans la mesure où n
754 ls, et acceptés — ou utilisés — dans la mesure où nous réussissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défenseurs
755 u utilisés — dans la mesure où nous réussissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défenseurs du prolétariat.
756 e sur l’espèce de mauvaise humeur singulière dont nous souffrons ici, ma femme et moi, et qui déjà nous a fait quitter l’île
757 nous souffrons ici, ma femme et moi, et qui déjà nous a fait quitter l’île. Problème des gens : le plus commun et le plus e
758 encombrant. Voici comment il me paraît se poser. Nous serions parfaitement contents de notre sort, loin des villes, pour to
759 t se poser. Nous serions parfaitement contents de notre sort, loin des villes, pour tout ce qui est de notre vie privée, de n
760 re sort, loin des villes, pour tout ce qui est de notre vie privée, de nos travaux et de notre confort. Mais du seul fait que
761 les, pour tout ce qui est de notre vie privée, de nos travaux et de notre confort. Mais du seul fait que ma condition n’est
762 qui est de notre vie privée, de nos travaux et de notre confort. Mais du seul fait que ma condition n’est pas socialement cla
763 lassée, la « distance » normale entre les gens et nous se trouve tantôt supprimée, tantôt exagérée. Nous ne bénéficions plus
764 nous se trouve tantôt supprimée, tantôt exagérée. Nous ne bénéficions plus de la protection des conventions. Tantôt mêlés de
765 tantôt moralement exclus de la communauté locale, nous assistons non sans une gêne croissante, au développement furieux de n
766 une gêne croissante, au développement furieux de notre esprit critique. Il y a des jours où tout, oui vraiment tout, les rue
767 les gens, les PTT, les magasins et les journaux, nous irrite ou excite notre ironie. Si l’on nous écoutait, il faudrait ref
768 s magasins et les journaux, nous irrite ou excite notre ironie. Si l’on nous écoutait, il faudrait refaire ce petit monde de
769 naux, nous irrite ou excite notre ironie. Si l’on nous écoutait, il faudrait refaire ce petit monde de fond en comble ! La l
770 onditions de leur existence n’admettent guère. 2. Nous ne sommes ici que de passage. Au fond, nous n’avons rien à faire à A…
771 e. 2. Nous ne sommes ici que de passage. Au fond, nous n’avons rien à faire à A…, ni rien à faire pour ces gens-là, ni eux p
772 A…, ni rien à faire pour ces gens-là, ni eux pour nous . Leur présence, leur proximité matérielle n’exige pas de nous des act
773 résence, leur proximité matérielle n’exige pas de nous des actes ou des échanges réels, ou même les refuse. Alors ils ne son
774 , ou même les refuse. Alors ils ne sont plus pour nous que des « voisins inévitables », selon le mot de Keyserling, et non p
775 érence auxquels sont condamnés la plupart d’entre nous . Le secret de ma mauvaise humeur, c’est qu’il n’y a plus de communaut
776 mes sont frères de par leur commune origine, cela nous conduit tout au plus à élargir à toute la terre le champ des querelle
777 une. Et c’est cela finalement qu’appellent toutes nos petites récriminations. C’est ce qui leur donne raison bien au-delà d
778 on bien au-delà d’elles-mêmes, tout autrement que nous l’imaginions. L’irritation chronique que je ressens au contact des « 
779 ne obscure protestation contre la vie défaite que nous vivons. Or, il ne s’agit pas d’étouffer cette protestation, mais au c
780 res révolutions — hors de la fin dernière qu’elle nous désigne et qu’elle appelle. Toutes les nostalgies de l’Europe, tous l
781 t, toute la misère des millions d’isolés qui font nos foules et qui saluent les dictateurs, tout cela en vérité n’est qu’un
782 copain : « Pour moi, c’est un fasciste ! » Toutes nos confusions politiques résumées dans cette petite phrase ! Je me dis :
783 l est tourné du côté de la plaine. Signe qu’il va nous arriver quelque chose par là ? Du côté de Marseille… Et soudain je me
784 oudain je me suis souvenu de la conférence que je dois donner à Marseille dans quinze jours. Je ne voulais pas la préparer a
785 s, mais n’est-ce pas une étrangeté plus aiguë que nous révèle cette foi toute quotidienne aux « signes », cette activité cré
786 l’exception vécue, reconnue, c’est cela même qui nous fait découvrir notre commune condition. Car, en effet, la condition c
787 reconnue, c’est cela même qui nous fait découvrir notre commune condition. Car, en effet, la condition commune, c’est de se s
788 n tant qu’il s’oppose au réel, lequel est fait de nos monades superstitieuses ? Accorder libre cours à nos superstitions, q
789 monades superstitieuses ? Accorder libre cours à nos superstitions, qui du point de vue psychologique sont notre vraie réa
790 rstitions, qui du point de vue psychologique sont notre vraie réalité, ce serait jeter la société dans l’anarchie la plus san
791 ans l’anarchie la plus sanglante. La politique ne doit jamais partir de la réalité irrationnelle de l’homme : d’ailleurs ell
792 en le plus précieux !) Au contraire, la politique doit aller à l’encontre de la réalité individuelle, et c’est pour elle la
793 nant à plusieurs reprises que la politique idéale devrait partir de la personne. Elle doit tenir compte de la personne, et fina
794 itique idéale devrait partir de la personne. Elle doit tenir compte de la personne, et finalement favoriser son développemen
795 expansion, de combattre en définitive le réel que nous incarnons. Toute politique est normative, mais seulement de l’extérie
796 e formuler. Premier principe : l’équilibre social doit être quelque chose de mouvant. Tout équilibre stable et sclérosé prod
797 excessif du général dans la vie réelle. Telle est notre situation — celle du monde bourgeois capitaliste, mais aussi celle de
798 res, d’une manière encore plus frappante. Certes, nos institutions n’ont guère changé depuis un siècle, et c’est pourquoi l
799 uilibre social, pour rester sain, mouvant, tendu, doit être orienté constamment par un léger excès de la composante « person
800 léger excès de la composante « personnelle ». Il doit en permanence se déplacer au profit des personnes. (Au profit des irr
801 rofit de la politique et des doctrines d’État qui doivent justement la combattre, le désordre s’installe et grandit. Dans notre
802 ombattre, le désordre s’installe et grandit. Dans notre cas, l’État devient totalitaire. « Là où l’homme veut être total, l’É
803 ême manière aux lois et aux pouvoirs qu’il aurait combattre. (Volonté et Pouvoir des masses, fatalités économiques, évo
804 cauchemar qu’elles affectent, — dont les affecte notre démission. Et c’est ainsi d’un refoulement, puis d’un transfert fatal
805 si d’un refoulement, puis d’un transfert fatal de nos superstitions les plus valables, que naissent par exemple la menace f
806 ameuses « lois » économiques ou sociologiques que nous pensons avoir récemment « découvertes » ne sont, au sens freudien du
807 au sens freudien du terme, que les phantasmes de notre peur de vivre. On les ramènerait aisément à ce « complexe de castrati
808 une situation matérielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée.
809 es uns contre les autres. Et qui ou quoi pourrait nous en guérir ? — Commençons par nous avouer. Passons outre à nos vieille
810 u quoi pourrait nous en guérir ? — Commençons par nous avouer. Passons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début de la c
811 r ? — Commençons par nous avouer. Passons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début de la cure. Ensuite il faudra essay
812 de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hi
813 e réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’a
814 préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôl
815 e, touche à son terme dans le cœur d’un homme. Je dois à ces rencontres d’avoir pressenti quelquefois — assez pour en garder
816 ante — ce qu’il y a d’inhumain dans la plupart de nos habiletés littéraires, et au contraire ce qu’il y a d’humain dans cer
817 aïves — ce qu’il y a d’inutile dans la plupart de nos précautions oratoires, logiques ou mondaines, et ce qu’il y a au cont
818 t sans l’avoir jamais vu. Il n’est pas arrêté par nos tabous critiques. Il va tout droit à ce qui le concerne, et c’était j
819 mps. Ce ne sont pas des abstractions qui achètent nos livres. Ce qu’il s’agit de retrouver, c’est le contact avec l’homme q
820 arfois dramatique, c’est bien la seule qui puisse nous rendre peu à peu le sens de la responsabilité de l’écrivain. Pour l’a
821 abilité de l’écrivain. Pour l’avoir négligée dans nos villes, au milieu des feuilletonistes et des snobs, nous en sommes ar
822 lles, au milieu des feuilletonistes et des snobs, nous en sommes arrivés à parler dans le vide, à ne parler qu’à ces lecteur
823 livres pour remplir les rayons d’un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de
824 de publicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normau
825 ournalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’une vocation d’expression
826 rgés d’une vocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciaux exploitant leur spécialité pour arriver à
827 our arriver à un succès sur le marché. Combien de nos romanciers devraient être classés dans la catégorie des femmes à barb
828 n succès sur le marché. Combien de nos romanciers devraient être classés dans la catégorie des femmes à barbe et des veaux à deux
829 à deux têtes qu’on montre aux foires. On dit que nous avons trahi l’esprit : mais l’esprit n’a pas besoin de nous. Il vit s
830 trahi l’esprit : mais l’esprit n’a pas besoin de nous . Il vit sans nous. Nous le retrouverons intact. C’est le lecteur que
831 mais l’esprit n’a pas besoin de nous. Il vit sans nous . Nous le retrouverons intact. C’est le lecteur que nous avons trahi,
832 ’esprit n’a pas besoin de nous. Il vit sans nous. Nous le retrouverons intact. C’est le lecteur que nous avons trahi, c’est
833 Nous le retrouverons intact. C’est le lecteur que nous avons trahi, c’est avec lui que nous devons retrouver un contact qui
834 lecteur que nous avons trahi, c’est avec lui que nous devons retrouver un contact qui nous renverra, plus sûrement que tout
835 eur que nous avons trahi, c’est avec lui que nous devons retrouver un contact qui nous renverra, plus sûrement que toutes les
836 avec lui que nous devons retrouver un contact qui nous renverra, plus sûrement que toutes les diatribes, au respect des vale
837 nthousiasmes aux soins que réclame la vieillesse. Notre opinion publique, à en croire les journaux, est actuellement dominée
838 et ce culte du jeune guerrier à quoi certains de nos voisins sacrifient davantage que leur vie : leur dignité de personnes
839 n effet, malgré elle, d’une certaine vitalité qui doit paraître un peu suspecte à cette population de retraités, d’« exclus 
840 at de simplicité envers l’argent. C’est parce que nous avons perdu cette simplicité envers l’argent, parce que nous en avons
841 perdu cette simplicité envers l’argent, parce que nous en avons fait une valeur sentimentale, que nous sommes pris dans nos
842 e nous en avons fait une valeur sentimentale, que nous sommes pris dans nos calculs. Il faut apprendre cette simplicité : l’
843 ne valeur sentimentale, que nous sommes pris dans nos calculs. Il faut apprendre cette simplicité : l’imprévoyance, l’accep
844 ent que par la joie, et la joie ne vaut rien dans nos calculs. Il faut beaucoup d’argent (jamais assez) à celui qui n’a pas
845 llé par les signes visibles du pain et du vin, je dois croire identiquement que c’est là le centre vivant de toute réalité r
846 e vivant de toute réalité réelle sur la terre. Je dois croire qu’à cet événement central doivent se rapporter toutes nos pen
847 terre. Je dois croire qu’à cet événement central doivent se rapporter toutes nos pensées, toutes nos actions, tous nos système
848 cet événement central doivent se rapporter toutes nos pensées, toutes nos actions, tous nos systèmes… Une politique, une ét
849 l doivent se rapporter toutes nos pensées, toutes nos actions, tous nos systèmes… Une politique, une éthique, une idée qui
850 rter toutes nos pensées, toutes nos actions, tous nos systèmes… Une politique, une éthique, une idée qui ne peuvent être ra
851 grands soulèvements de l’instinct vers la clarté, notre raison les repousse au lieu de les transfigurer. En présence de tout
852 15 avril 1935 La sieste de la Marquise. —  Nous espérions pouvoir dormir de nouveau, après la grande semaine des chat
853 battus dans la remise qui est juste au-dessous de notre chambre, et dans la cour, et sur toutes les terrasses. Avec des cris
854 a nature ! Littérateurs, allez-y voir de près ! «  Nous savons, en effet, que jusqu’à ce jour, la création tout entière gémit
855 enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit ; nous aussi nous soupirons
856 nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit ; nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédem
857 , qui avons les prémices de l’Esprit ; nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de no
858 -mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. » (Romains 8, 2
859 mption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. » (Romains 8, 22-24.) Parler de la Nature comme le fir
860 re a su percevoir. C’est la nature qui cherche en nous ce que notre délire allait lui demander : les prémices d’une nouvelle
861 evoir. C’est la nature qui cherche en nous ce que notre délire allait lui demander : les prémices d’une nouvelle création, et
862 u’ils ont fait imprimer en lettres grasses : Tout notre programme municipal tient en un seul mot : nous sommes antifascistes 
863 notre programme municipal tient en un seul mot : nous sommes antifascistes ! Après quoi viennent les revendications pratiqu
864 pale. Si c’est cela l’antifascisme, les fascistes doivent être de drôles de gens. 25 avril 1935 Communisme. — Dans la pe
865 sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous allons vous passer à tabaque, toute la bande ! — Oh ! dit
866 bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous allons vous passer à tabaque, toute la bande ! — Oh ! dit l’homme, si
867 me, si vous y arrivez, c’est bien votre droit ! —  Notre droit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’un air malin.) —
868 ien votre droit ! — Notre droit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’un air malin.) — On sait bien, dit le communis
869 tre droit ! — Notre droit ? Peuchère, c’est notre devoir  ! (Il glousse d’un air malin.) — On sait bien, dit le communiste, que
870 ! — Les gros ! mon bon. Mais c’est donc vous, qui nous pressez toute notre argent, depuis quatre ans que vous l’avez, le pou
871 bon. Mais c’est donc vous, qui nous pressez toute notre argent, depuis quatre ans que vous l’avez, le pouvoir ! » L’autre se
872 ver à ne s’en indigner plus que dans la mesure où notre action réparatrice a besoin d’un élan passionné qui la soutienne ? En
873 assionné qui la soutienne ? En agissant davantage notre « idéal », sans doute laisserions-nous moins de loisirs à notre facul
874 davantage notre « idéal », sans doute laisserions- nous moins de loisirs à notre faculté judicatoire pour exercer ses compara
875 », sans doute laisserions-nous moins de loisirs à notre faculté judicatoire pour exercer ses comparaisons trop exactes entre
876 ctes entre cet idéal et les réalités stupides qui nous blessent. S’engager au lieu de s’indigner : voilà bien le principe de
877 oi ! rien n’est moins sûr que cette permanence de nos maux. Non que je croie à un « Progrès » réel possible. Mais je crois
878 e. Mais je crois à une décadence certaine dès que nous relâchons notre effort vers un mieux. Or, ma faiblesse veut que cet e
879 s à une décadence certaine dès que nous relâchons notre effort vers un mieux. Or, ma faiblesse veut que cet effort se traduis
880 ile. Elle n’a qu’un argument très puissant contre nous  : sur qui et sur quoi tablez-vous, nous dit-elle, sur quelle classe,
881 nt contre nous : sur qui et sur quoi tablez-vous, nous dit-elle, sur quelle classe, sur quels intérêts ? — Nous comptons sur
882 t-elle, sur quelle classe, sur quels intérêts ? —  Nous comptons sur l’effort des hommes les plus humains. C’est peu, dites-v
883 et qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous apprenons son existence en même temps que l’imminence de sa mort — et
884 ’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la gran
885 que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes- nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pensions-nous, tout leur
886 entrés dans la grande cuisine qui était, pensions- nous , tout leur logis — nous avions cru comprendre que les autres pièces é
887 isine qui était, pensions-nous, tout leur logis — nous avions cru comprendre que les autres pièces étaient vides ou ne serva
888 e servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence, à côté. Hier matin, la mère Calixte
889 fois par jour, le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on pa
890 nus discuter dans la remise qui est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés.
891 dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 7 mai 1935 « Alors, madame Calixt
892 y a eu du bruit toute la nuit. Vers deux heures, nous nous réveillons. Une âcre fumée remplit la chambre, des lueurs d’ince
893 eu du bruit toute la nuit. Vers deux heures, nous nous réveillons. Une âcre fumée remplit la chambre, des lueurs d’incendie
894 l’apprend ce matin. Le ménage Simard est furieux. Nous n’avons pas du tout fait ce qu’il fallait. Je me récrie : « Mais comm
895 t que je vous explique. Une visite de deuil, chez nous , ça doit se faire dans la cuisine. Aussi, je lui ai dit, à Fernane, i
896 vous explique. Une visite de deuil, chez nous, ça doit se faire dans la cuisine. Aussi, je lui ai dit, à Fernane, il aurait
897 isine. Aussi, je lui ai dit, à Fernane, il aurait venir chez vous pour dire qu’il ne voulait pas qu’on lave. Je le lui
898 crivant ici que leurs charmes ont cessé d’opérer. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’exploration normal — metto
899 d d’un bâtiment considérable, à trois étages, qui devait servir de communs, de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, un
900 monte jamais là-haut, ni maréchaussée ni gabelle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l
901 i gabelle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de temps à autre arraisonner
902 se répand dans la jeunesse. Fonder une colonie ne devrait pas avoir pour but la colonie, mais la vie plus normale et plus fécon
903 n peut en déduire facilement les deux formules de notre renaissance : mettre les villes au vert, urbaniser tout le reste du p
904 ince deviendra vivable. La révolution sera faite. Nous reviendrons pour faire quelque chose en commun avec tous ces hommes,
905 uéridons et les dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 35. Descartes, Spinoza, Hegel. 36. L’équiva
906 s dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 35. Descartes, Spinoza, Hegel. 36. L’équivalent de l’ouvr
907 roire à un rapprochement absurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, où un sentiment obscure de latinité a survécu. E
13 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Troisième partie. L’été parisien
908 plus dur et agressif, tendu, nerveux, discontinu… Nos valises empilées dans un taxi, nous filons vers la porte d’Italie.
909 x, discontinu… Nos valises empilées dans un taxi, nous filons vers la porte d’Italie. 5 juillet 1935 Porte de Choisy.
910 population de couples aux balcons. (Je distingue nos fenêtres obscures.) Ville aérienne, où la hauteur des murs n’évoque p
911 e, pour tant de mauvaises raisons plus fortes que nous tous. — Et alors, dira-t-on : « Faire la révolution ! », ce substitut
912 l’on s’avisait de le diriger contre la politique, notre superstition. « J’entends crier de toutes parts au mauvais citoyen. L
913 du réel, et qui commencent à s’en douter. Gardons- nous de les décourager ! 21 juillet 1935 Je traversais hier soir le
914 sensuelle et sensible (ou sensorielle pendant que nous y sommes) est l’expression architecturale et mécanique de l’état de f
915 signes, une de ces dernières preuves concrètes de notre vocation spirituelle. Cet ennui qui envahit le monde moderne possède
916 religieuse infinie. C’est parce qu’il existe que nous savons encore que l’homme est né pour autre chose que ce bonheur 44.
14 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Intermède
917 ver de plus normal. À Madagascar, quand une femme doit accoucher, elle s’isole dans une case, parfois avec une aide, cependa
918 fauteuil trop bas, et qui se nomme Otto Abetz. Il nous a beaucoup lus, semble-t-il, dans Esprit et L’Ordre nouveau , et j
919 ance. — Vous avez écrit des choses très dures sur notre régime, commence-t-il. — En effet. — Vous ne le connaissez pas. — Je
920 f et véridique, et surtout, si vous voulez servir notre cause, j’entends la cause commune de la jeunesse européenne, comme vo
921 riviez il y a quelques années, c’est pour vous un devoir absolu d’aller voir et juger sur place la tentative nationale-sociali
922 t meilleur que je ne l’avais cru, je me ferais un devoir de le dire et publier ; mais qu’en revanche, s’il se révélait aussi m
15 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — Avertissement
923 inverse de la fonction de la presse. Qu’attendons- nous des journalistes publics, des grands reporters ? Une espèce de stylis
924 traduit la réalité de l’époque qui prend fin sous nos yeux, il se peut que le journal privé soit la forme de transition qui
16 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — I. Journal (1935-1936)
925 r de certains rudiments de toute compréhension de notre temps. Mais encore, ce serait peu que le voir de ses yeux. Il faudrai
926 uves : on s’imagine que tout, êtres et choses, va nous montrer des marques de la révolution. Et certes, en ce petit matin de
927 propaganda48  ? demande-t-il d’un air menaçant. —  Nous ne connaissons pas ce genre de littérature en France. — Traduisez-moi
928 ais un second douanier s’est approché, attiré par nos éclats de voix. Il coupe court : Nie mehr Krieg. Erledigt ! (Plus jam
929 t pas émigré essaient de louer un ou deux étages. Nous avons visité de beaux appartements, au mobilier trop luxueusement 190
930 mais ils sont réservés aux juifs, comme j’aurais le voir par cette indication : für n. a. (pour non aryens) que portai
931 aryens) que portaient les annonces du journal. On nous reçoit et l’on nous renvoie avec un sérieux méfiant et résigné, presq
932 t les annonces du journal. On nous reçoit et l’on nous renvoie avec un sérieux méfiant et résigné, presque sans nous regarde
933 avec un sérieux méfiant et résigné, presque sans nous regarder. À la fin de l’après-midi, nous trouvons enfin un propriétai
934 que sans nous regarder. À la fin de l’après-midi, nous trouvons enfin un propriétaire aryen. C’est une vieille dame aimable
935 s ménages et trois célibataires. Cuisine commune. Nous aurons le rez-de-chaussée : trois pièces immenses et sombres, un hall
936 escalier.   Premier échange. — Trois jours après notre arrivée, j’ai pris contact avec le Séminaire de langues romanes où je
937 re.) Dans la bibliothèque, un seul étudiant. Il a penser que j’étais le nouveau professeur. Je l’aborde et il se lève b
938 La Révolution nécessaire, d’Aron et Dandieu. — Je dois faire, me dit-il, une causerie sur le mouvement personnaliste, ce soi
939 a France, me semble-t-il, mais c’est injuste pour nous . Vous avez vos problèmes et nous les nôtres49. 5 novembre 1935
940 est injuste pour nous. Vous avez vos problèmes et nous les nôtres49. 5 novembre 1935 Séance d’ouverture du semestre d’
941 5 Séance d’ouverture du semestre d’hiver, pour notre séminaire. Le Dr N… professeur ordinaire, me reçoit dans son bureau a
942 aturellement, les non aryens… (Geste de barrage.) Nous pénétrons dans la grande salle. Ils sont en effet une quarantaine au
943 le bras d’un geste timide : « Et en l’honneur de nos études romanes, Sieg heil ! » Un court silence, puis il se reprend :
944 bitude du geste par lequel tout discours officiel doit réglementairement se terminer. 6 novembre 1935 Les premiers jou
945 rminer. 6 novembre 1935 Les premiers jours, nous courions aux fenêtres chaque fois que la rue retentissait de chants.
946  une phrase, puis un silence pendant quatre pas — nous est devenu familier. Le défilé fait partie de l’atmosphère allemande
947 n traitement comme « don volontaire » au WHW. Mon devoir est donc fait, si devoir il y a. Et au surplus, je tiens essentiellem
948 volontaire » au WHW. Mon devoir est donc fait, si devoir il y a. Et au surplus, je tiens essentiellement à ce qu’un passant su
949 gwort » : La lutte contre la faim et le froid est notre guerre. Est-ce une déclaration pacifiste ? Ou bien ne peut-on enthous
950 les répète entre les dents : il est question de «  notre force » et de drapeaux qu’il faut teindre dans le sang des juifs.
951 citoyen, tandis que le second ne parle que de ses devoirs . Je ne vois pas de raisons théoriques de préférer l’un de ces système
952 La paix sociale a été obtenue par la fixation des devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable. — En s
953 peu les épaules, fait oui de la tête. Demain, il doit partir pour un Schulungslager (camp d’éducation sociale). Ça ne l’enc
954 semaines plus tard. — Ce camp ? — Eh bien voilà : nous étions dans une grande maison, logeant deux par deux dans des chambre
955 end à se connaître en partageant la même chambre. Nous suivions des cours de politique et d’économie. Nous chantions ensembl
956 us suivions des cours de politique et d’économie. Nous chantions ensemble. On nous interrogeait. La plupart des soirées libr
957 itique et d’économie. Nous chantions ensemble. On nous interrogeait. La plupart des soirées libres, nous les passions en com
958 nous interrogeait. La plupart des soirées libres, nous les passions en commun à l’auberge du village… Je le sens tout rajeun
959 en l’hitlérisme est de gauche. Dans les deux cas, nos droites se trompent ; mais nos gauches, dans le second cas.   Les ét
960 Dans les deux cas, nos droites se trompent ; mais nos gauches, dans le second cas.   Les étudiants. — Dans la plupart des
961 s livres français, à cause du régime des devises. Notre culture perd du terrain dans des proportions inquiétantes. Et la cult
962 munisme affiché par l’auteur, et conclut que « ce doit être une erreur, de la part de ce poète ». Même réaction à propos de
963 il. Le professeur ne leur inspire plus ce respect au titre et même à l’âge, qui était naguère si frappant en Allemagne.
964 s en Allemagne où l’on se croyait tout permis, et nous pensons avec un doux ricanement à cette époque wilhelminienne où un «
965 ns la nation. Et les partis bourgeois, sans qu’il nous en ait coûté beaucoup d’efforts, ont tourné en bouillie comme un pudd
966 é en bouillie comme un pudding raté. Pourtant, il nous semble parfois que l’épuration n’a pas été poussée aussi loin de ce c
967 cache encore l’opinion des « gens bien ». Ce qui nous choque en particulier, c’est l’attitude réticente des universitaires.
968 Pour eux et leur caste, c’était le bon temps ! Il doit être pénible de “s’abaisser” de l’état de demi-dieu académique à celu
969 5.   Un communiste. — Dans sa petite cuisine, où nous sommes attablés, depuis deux heures il me raconte ses bagarres avec l
970 tions et émeutes. Vous ne savez pas ce que c’est. Nous en avons eu assez chez nous. Maintenant nous voulons du travail et no
971 vez pas ce que c’est. Nous en avons eu assez chez nous . Maintenant nous voulons du travail et notre tasse de café au lait le
972 est. Nous en avons eu assez chez nous. Maintenant nous voulons du travail et notre tasse de café au lait le matin. Qu’on nou
973 chez nous. Maintenant nous voulons du travail et notre tasse de café au lait le matin. Qu’on nous donne ça, Hitler ou un aut
974 il et notre tasse de café au lait le matin. Qu’on nous donne ça, Hitler ou un autre, ça suffira. La politique n’intéresse pa
975 il a gagné. C’était presque le même programme que le nôtre  ! Mais il a été plus malin, il a rassuré les bourgeois en n’attaquant
976 e ce grand industriel qu’il a invité ce soir avec nous , et qui posait naguère au social-démocrate. Nous parlons politique, s
977 nous, et qui posait naguère au social-démocrate. Nous parlons politique, sujet banni chez les bourgeois de l’opposition. No
978 , sujet banni chez les bourgeois de l’opposition. Notre hôte discute brièvement et poliment mes objections (portant surtout s
979 stion de l’Anschluss. (Tout le monde ici répète : nous n’en voulons pas, ce serait une opération économiquement désastreuse,
980 serait une opération économiquement désastreuse, nous avons déjà assez de catholiques, seul le Führer y pense, etc.) « L’An
981 seul le Führer y pense, etc.) « L’Anschluss ? dit notre hôte. Cela se fera si vite que personne n’aura le temps de bouger. Au
982 tout sera terminé. N’ayez pas peur pour la paix, nous savons calculer, et tout est calculé dans cette affaire. » Dans la ch
983 t “Führerin” d’un groupe de jeunes filles qu’elle doit commander deux fois par semaine : gymnastique et culture politique. D
984 ., vous me comprenez. Vous imaginez qu’avec cela, nous ne la voyons plus guère. Et comment voulez-vous que les parents garde
985 ent leur autorité ? Le Parti passe avant tout. Si nous voulions empêcher notre fils, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il e
986 Parti passe avant tout. Si nous voulions empêcher notre fils, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il est un peu malade, par ex
987 tir un soir qu’il est un peu malade, par exemple, nous risquerions une mauvaise histoire avec les autorités du Parti. Nous n
988 ne mauvaise histoire avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des mi
989 ités du Parti. Nous ne sommes que des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des militaires. » Plainte vingt fois ent
990 eune Führerin à une jeune fille du même âge, chez nous  ! Mais l’initiative qu’on exige, c’est celle qui sert l’État et qui e
991 des faits et gestes de Mlle Darrieux, la star. On nous affirme aussi qu’il est prêt à se faire tuer pour assurer la liberté
992 l faut aller à la boutique suivante. C’est ce que nous faisons. Les magasins sont magnifiques à voir. Perfection des vitrine
993 itrines, des installations matérielles. Tout cela doit entraîner de gros frais généraux, d’où les prix de détail fort élevés
994 entaires chez les Allemands. Les propriétaires de notre maison sont ruinés. Ils n’ont plus d’autre argent liquide que celui q
995 emagne et de sa richesse réelle.   Propagande. —  Nous oublions trop souvent que la propagande hitlérienne flatte un des goû
996 , etc. Ils vous expliquent surtout quels sont les devoirs très rationnels (à leurs yeux tout au moins) qu’exige d’eux le nouvel
997 vec un pédantisme pathétique… N’allons pas faire, nous , une religion de la Liberté ! Ce serait le signe que nous en perdons
998 e religion de la Liberté ! Ce serait le signe que nous en perdons le goût et l’usage naturel, spontané. Vertige de la relat
999 e erreur, me dit-il, c’est exactement ce que j’ai payer pour vous, d’après le compteur ! — Mais notre contrat prévoyait
1000 dû payer pour vous, d’après le compteur ! — Mais notre contrat prévoyait l’éclairage et le gaz compris ? — Possible, mais c’
1001 grette pour vous, cher monsieur, mais vous auriez le prévoir dès le début. Je m’en tiens à notre contrat. (J’ai pris la
1002 uriez dû le prévoir dès le début. Je m’en tiens à notre contrat. (J’ai pris la pose de Poincaré.) — Dans ces conditions, je n
1003 illes. 3 janvier 1936 « Nie mehr Krieg ! ». Nous avons transigé. Morale : Un Français né juriste et malin aurait essay
1004 es fumantes du temple57 et prient : « Ô Dieu, qui nous a faits libres et forts, reste avec nous, Amen ! » C’est la prière au
1005 ieu, qui nous a faits libres et forts, reste avec nous , Amen ! » C’est la prière au dieu de la tribu. Quant au Livre qui dit
1006 uant au Livre qui dit : « Aimez vos ennemis », on nous explique que c’est une lettre morte (toter Buchstabe), et qui ne peut
1007 ttre morte (toter Buchstabe), et qui ne peut plus nous aider ». En effet. Tout cela précise opportunément le sens des déclar
1008 maison pour bavarder. Lui. — Quoi de neuf depuis notre dernière rencontre ? Moi. — Quelques observations, en flânant dans v
1009 i. — Ce n’est là, tout simplement, qu’un goût que nous avons. Cela n’a rien à voir avec la guerre, la guerre contre un pays
1010 urs voisins. Moi. — Bon. Admettons. C’est là que nous en étions restés. Je vous avais dit pour conclure : Souhaitons que vo
1011 Krieg. « La lutte contre la faim et le froid est notre guerre. » Je sais bien ce que vous entendez par là : « Les autres peu
1012 autres peuples en sont encore à la guerre armée, nous , nous luttons pour édifier un monde sans misère : voilà notre guerre 
1013 s peuples en sont encore à la guerre armée, nous, nous luttons pour édifier un monde sans misère : voilà notre guerre ! » Ma
1014 luttons pour édifier un monde sans misère : voilà notre guerre ! » Mais pourquoi faut-il que votre paix soit encore une guerr
1015 cilement : c’est le Führer qui l’a introduit dans nos habitudes de langage, avec sa fameuse autobiographie. Mais peu import
1016 iographie. Mais peu importe. La vérité, c’est que nous avons une conception héroïque de la vie. Tout dépend de cela. Moi. —
1017 héroïque de la vie. Tout dépend de cela. Moi. —  Nous y voilà. Je ne vais pas combattre votre conception du monde dans la m
1018  » des coureurs cyclistes, par exemple. Seulement nous avons deux conceptions radicalement opposées de l’héroïsme. Vous mett
1019 n générale et stérile qui caractérise ces années. Nous avons à construire un ordre. Cela me paraît bien plus urgent que d’al
1020 x aussi. Lui. — Bien sûr. Mais n’oubliez pas que nous avons fait notre révolution, nous. Nous avons un autre problème à rés
1021  Bien sûr. Mais n’oubliez pas que nous avons fait notre révolution, nous. Nous avons un autre problème à résoudre maintenant.
1022 oubliez pas que nous avons fait notre révolution, nous . Nous avons un autre problème à résoudre maintenant. Le spirituel est
1023 z pas que nous avons fait notre révolution, nous. Nous avons un autre problème à résoudre maintenant. Le spirituel est réglé
1024 st réglé… officiellement du moins. Mais qu’allons- nous faire de notre énergie physique ? Et c’est plus grave encore. Voyez-v
1025 ciellement du moins. Mais qu’allons-nous faire de notre énergie physique ? Et c’est plus grave encore. Voyez-vous, nous ne po
1026 hysique ? Et c’est plus grave encore. Voyez-vous, nous ne pouvons pas échapper à cette espèce de hantise, comme vous dites :
1027 me vous dites : les Anciens Combattants à côté de nous . Ils ont subi une épreuve formidable, ils ont fait une expérience max
1028 se d’extrême, et rien ne peut remplacer cela pour nous . Nous avons honte devant eux. Nous sentons que nous ne sommes jamais
1029 xtrême, et rien ne peut remplacer cela pour nous. Nous avons honte devant eux. Nous sentons que nous ne sommes jamais allés
1030 acer cela pour nous. Nous avons honte devant eux. Nous sentons que nous ne sommes jamais allés jusqu’au bout de nos forces.
1031 us. Nous avons honte devant eux. Nous sentons que nous ne sommes jamais allés jusqu’au bout de nos forces. Il y a un instinc
1032 que nous ne sommes jamais allés jusqu’au bout de nos forces. Il y a un instinct profond, dans tout homme, qui réclame cett
1033 n’est pas un vrai adversaire, comme à la guerre. Nous avons besoin de sentir devant nous un adversaire vraiment dangereux,
1034 e à la guerre. Nous avons besoin de sentir devant nous un adversaire vraiment dangereux, il nous faut cela pour provoquer le
1035 devant nous un adversaire vraiment dangereux, il nous faut cela pour provoquer le déploiement de toutes nos forces viriles.
1036 faut cela pour provoquer le déploiement de toutes nos forces viriles. On ne peut pourtant pas le nier, purement et simpleme
1037 ctuelle n’est pas du tout un appel à la virilité. Nous ne sommes plus au temps de Frédéric le Grand. La guerre actuelle n’es
1038 ment à une destruction matérielle. Au contraire : nous autres personnalistes, nous avons un trop grand besoin des différence
1039 ielle. Au contraire : nous autres personnalistes, nous avons un trop grand besoin des différences et des oppositions naturel
1040 oppositions naturelles pour vouloir les anéantir. Nous sommes fédéralistes, c’est-à-dire que nous voulons que toutes les dif
1041 antir. Nous sommes fédéralistes, c’est-à-dire que nous voulons que toutes les différences s’exaltent mutuellement par leur o
1042 ce de l’État. Lui. — Ach ! C’est uniquement pour notre éducation intérieure. Vous savez bien que nous n’avons aucune raison
1043 r notre éducation intérieure. Vous savez bien que nous n’avons aucune raison de vouloir la guerre avec la France. Qu’aurions
1044 n de vouloir la guerre avec la France. Qu’aurions- nous à y gagner, je vous le demande ? Moi. — En effet. Mais avec la Russi
1045 ait encore la Pologne entre deux. Mais surtout il nous faut une force, à l’intérieur, pour assurer la défense du régime. Mo
1046 urer la défense du régime. Moi. — J’en reviens à notre problème de la guerre en soi. Quelle solution donnez-vous à cette que
1047 ssité du déploiement physique de l’homme… Moi. —  Nous ne la laissons pas de côté. Nous voulons lui créer un autre champ que
1048 l’homme… Moi. — Nous ne la laissons pas de côté. Nous voulons lui créer un autre champ que celui de la guerre moderne. Nous
1049 er un autre champ que celui de la guerre moderne. Nous nions que la guerre soit jamais une solution, étant donné ses instrum
1050 ne solution, étant donné ses instruments actuels. Nous voulons une lutte créatrice, et non pas destructrice. Tout l’effort d
1051 ue le mot civilisation est mal vu chez vous. Mais nous ne renoncerons pas à la civilisation sous prétexte que les juifs alle
1052 tôt… Je veux bien, pourvu que ce ne soit pas chez nous . Mais je vous répondrai plus sérieusement, d’un seul mot : c’est une
1053 n seul mot : c’est une question d’éducation. Pour nous , éduquer les hommes, ce n’est pas leur bourrer le crâne de notions in
1054 s’allie-t-elle avec Staline ? Il a fait pire que nous contre la liberté. »   Chaque fois que l’on m’envoie un livre de Fran
1055 que fois que l’on m’envoie un livre de France, je dois aller le retirer au bureau de douane. Ce matin, il s’agissait de l’in
1056 ers y trouvent mille occasions de s’élever. Voyez notre Gauleiter59  : un employé de postes ! Et voyez nos domestiques : ils
1057 re Gauleiter59  : un employé de postes ! Et voyez nos domestiques : ils ne nous respectent plus. » (Cela signifie qu’ils so
1058 oyé de postes ! Et voyez nos domestiques : ils ne nous respectent plus. » (Cela signifie qu’ils sont devenus moins serviles,
1059 Mais encore, tout cela ne me satisfait guère : il doit y avoir une clef. Quelque chose là-dessous. Quelque chose d’invisible
1060 orgueil mieux fondé ? C’est Goethe le premier qui nous apprit à considérer notre vie dans une durée biographique et historiq
1061 st Goethe le premier qui nous apprit à considérer notre vie dans une durée biographique et historique où l’instant se relativ
1062 e : il est au terme du progrès, de l’évolution de notre individu. Les nazis corrigent : de la race. C’est encore un progrès «
1063 urrait objecter M. le Ministre ? Mais Kierkegaard nous dit : C’est dans l’instant présent, dans la décision immédiate et pri
1064 tragique de ce régime, je puis encore — et je le dois sans doute — méditer sur le cours de l’Histoire. Préparation aux déci
1065 ne peut s’opposer à son triomphe tôt ou tard, il nous faut l’étudier de très près, sur place, avec une passion froide. Car
1066 ce, avec une passion froide. Car il y va de toute notre culture. Comment sauver au plus secret d’un tel régime les valeurs qu
1067 er au plus secret d’un tel régime les valeurs qui nous sont vitales ? Pour un chrétien, il y va de bien plus : de la forme q
1068 it la chrétienté allemande sous la croix est pour nous d’une valeur exemplaire : jusqu’où peut-on céder à ce César sans rien
1069 i est à Dieu ? Tragique révision des valeurs, qui nous oblige à dépouiller enfin tout l’élément humain de nos religions. Il
1070 blige à dépouiller enfin tout l’élément humain de nos religions. Il fallait cette épreuve du feu pour les chrétiens embourg
1071 la radio à l’étage supérieur sans comprendre. Ce doit être le discours du Führer. Personne dans la maison ne répond plus au
1072 a Rhénanie ». Libérer, c’est armer, dans ce pays. Nous voici reportés au temps des Francs et Wisigoths, où la dignité d’homm
1073 éconcerté. 9 mars 1936 Journaux français. «  Nous opposerons la force du droit au droit de la force ! » Signifie : nous
1074 orce du droit au droit de la force ! » Signifie : nous opposerons de la rhétorique à des canons. C’était couru. Pourtant, il
1075 he, et je l’entends encore au loin. Cette fois-ci nous y sommes. C’est le grand tam-tam de la tribu qui est déclenché. Le so
1076 am de la tribu qui est déclenché. Le sommeil même doit être mis au pas, et l’inconscient rythmé lugubrement. 11 mars 1936
1077 e ? L… hoche la tête : — Allez écouter le Führer, nous en reparlerons demain. Seulement allez-y tout de suite, car les porte
1078 et la Réaction tuèrent — marchent en esprit dans nos rangs. » J’ai compris. Cela ne peut se comprendre que par une sorte p
1079 de. Ce que j’éprouve maintenant, c’est cela qu’on doit appeler l’horreur sacrée. Je me croyais à un meeting de masses, à que
1080 ait que toutes les descriptions « objectives » de nos journalistes paraissaient, vues d’ici, décrire un monde factice, où n
1081 e ni ses souffrances secrètes ni son espoir. « Il doit y avoir une clé », écrivais-je à ce moment. Je l’ai trouvée, cette cl
1082 d que je suis hitlérien ! C’est que les hommes de notre temps ne croient pas au jugement de l’esprit mais seulement au frisso
1083 ême de l’homme Adolf Hitler. À plus forte raison, notre jugement sur lui doit être absolument indépendant des mérites qu’il a
1084 tler. À plus forte raison, notre jugement sur lui doit être absolument indépendant des mérites qu’il a ou n’a pas, de la sym
1085 ’est que le support d’une puissance qui échappe à nos psychologies. Ce que je dis là serait du romantisme de la plus déplor
1086 Mais ce serait trop beau dans le genre édifiant. Notre destin ne dépend pas seulement de nos bassesses. Arrêtons-nous sur le
1087 édifiant. Notre destin ne dépend pas seulement de nos bassesses. Arrêtons-nous sur le seuil du mystère, car dès ici le diab
1088 e dépend pas seulement de nos bassesses. Arrêtons- nous sur le seuil du mystère, car dès ici le diable en sait plus que nous.
1089 u mystère, car dès ici le diable en sait plus que nous .   J’aurais pu dire tout cela beaucoup plus vite, mais on redoute de
1090 et l’autre cas, l’on est totalitaire. La religion doit y passer, comme le reste, et peut-être avant tout. Ici et là, mêmes t
1091 tion fit éditer l’un de ses discours dont Gardère nous donne l’analyse. Il s’agit de répondre à cette question : Les spectac
1092 ité et pain pour le Peuple. N’oublions pas, dans nos démocraties, que la grande majorité du peuple allemand croit cela, et
1093 là-dessus. Ceci me rend attentif à une erreur que nous commettons fréquemment, nous qui regardons l’Allemagne ou l’URSS du d
1094 tif à une erreur que nous commettons fréquemment, nous qui regardons l’Allemagne ou l’URSS du dehors ; nous croyons que tous
1095 s qui regardons l’Allemagne ou l’URSS du dehors ; nous croyons que tous ceux qui y vivent sont affectés d’un signe de haine
1096 e liberté d’esprit ? Les contraintes totalitaires nous hypnotisent. Elles nous privent de toute liberté à la manière d’une o
1097 contraintes totalitaires nous hypnotisent. Elles nous privent de toute liberté à la manière d’une obsession. À chaque phras
1098 ndra-t-il quand ces dangers n’exciteront plus que nos réflexes ? Retrouverons-nous une liberté nouvelle ? 1er juin 1936
1099 n’exciteront plus que nos réflexes ? Retrouverons- nous une liberté nouvelle ? 1er juin 1936 Instruction spirituelle d
1100 chargé de l’instruction de la province. Sujet : “ Notre sang, notre conception du monde.” Il débuta en rappelant les présuppo
1101 ’instruction de la province. Sujet : “Notre sang, notre conception du monde.” Il débuta en rappelant les présuppositions sur
1102 s présuppositions sur lesquelles les participants doivent évidemment être au clair. Il s’exprima comme il suit — je sténographi
1103 Parti et les nationaux-socialistes ou porteurs de notre conception du monde… Le Führer a en effet déclaré à la journée du par
1104 e l’Harmonie et du Beau… Les hommes qui n’ont pas notre foi, ou ne peuvent l’avoir à cause de leur infériorité raciale, doive
1105 vent l’avoir à cause de leur infériorité raciale, doivent être rejetés, ce qui se produit en partie grâce aux mesures de stéril
1106 nfessions mourront d’elles-mêmes, de toute façon… Nous ne rejetons pas seulement les cent formes diverses de christianisme,
1107 loyal désir de servir le peuple — et il y en a — doivent être combattus, car leur erreur est préjudiciable à la communauté pop
1108 oivent l’autorisation de quitter le camp. Ils ont émigrer tôt après en Angleterre « pour échapper à la prison et peut-ê
1109 hie est célèbre : Du sous-marin à la chaire. Elle nous le montre à Kiel, en janvier 1919, refusant à un supérieur d’aller li
1110 Il m’est arrivé de souhaiter que les écrivains de nos démocraties soient soumis pendant quelque temps à des sanctions condi
1111 estapo, qu’on sait nombreux. Rien n’empêchera que nous soyons ici des frères en communion avec l’Église universelle. Rien n’
1112 t noire, sur une plaine inégale, où le pied bute, nous suivons des foules silencieuses et hâtives, vers ce carré de lumière
1113 ecteurs dont le faisceau se perd dans la hauteur. Nous nous sommes assis sur l’herbe, à côté des porte-drapeaux de la vieill
1114 rs dont le faisceau se perd dans la hauteur. Nous nous sommes assis sur l’herbe, à côté des porte-drapeaux de la vieille gar
1115 civils honteux, à la hauteur des bottes. Derrière nous , la plaine est vide, parfois parcourue de moteurs. Une voix dure et n
1116 voix dure et nasillarde s’élève d’une tribune que nous ne voyons pas. (J’ai déjà entendu ce discours, et le résume d’avance
1117 ’on annonce un jeu radiophonique. Chœur parlé : «  Nous gisions dans la boue, maintenus au sol et humiliés… » Quelques rythme
1118 re s’élève : « Mais la vieille légende germanique nous annonçait que le Libérateur descendrait des montagnes neigeuses… » Mu
1119 exigences amènent au repentir et à l’humilité, on nous parle d’un odieux traité, générateur de rancune, d’humiliation. Au li
1120 es filles s’éloignant vers la ville avec la foule nous rappelleront la nostalgie heureuse des Wandervögel d’autres temps. Pa
1121 lle le châtie avec une sombre rage honteuse. Pour nous faire peur ? Non, pour se rassurer par la peur qu’elle se fait à elle
1122 la vérité de cette nation paraît, et alors, c’est nous qui rêvions lorsque nous lui trouvions des charmes… 30 juin 1936.
1123 paraît, et alors, c’est nous qui rêvions lorsque nous lui trouvions des charmes… 30 juin 1936. Départ Nous quittons l
1124 trouvions des charmes… 30 juin 1936. Départ Nous quittons l’Allemagne ce soir. Hier, nous chantions encore avec les ét
1125 épart Nous quittons l’Allemagne ce soir. Hier, nous chantions encore avec les étudiants, dans une auberge forestière. Des
1126 oit de le critiquer ? Vous me dites que tout cela devait être, vous me le prouvez à l’évidence… « Vous avez vos problèmes, et
1127 ouvez à l’évidence… « Vous avez vos problèmes, et nous les nôtres », je vous retourne cette petite phrase par laquelle l’un
1128 à l’évidence… « Vous avez vos problèmes, et nous les nôtres  », je vous retourne cette petite phrase par laquelle l’un de vous m’a
1129 a jamais raison contre aucun mal qui se fait dans notre monde. S’il existe vraiment un réalisme à peu près digne de ce nom, c
1130 , c’est bien celui qui consiste à reconnaître que nous sommes tous responsables de tout ; et que la question sérieuse n’est
1131 l’est le plus ou qui l’est le moins, mais comment nous allons nous y prendre pour éviter ce mal chez nous, pour prévenir ces
1132 s ou qui l’est le moins, mais comment nous allons nous y prendre pour éviter ce mal chez nous, pour prévenir ces fatalités.
1133 ous allons nous y prendre pour éviter ce mal chez nous , pour prévenir ces fatalités. Alors, si nous y parvenons, nous aurons
1134 chez nous, pour prévenir ces fatalités. Alors, si nous y parvenons, nous aurons le droit de répondre, et de juger l’effort p
1135 évenir ces fatalités. Alors, si nous y parvenons, nous aurons le droit de répondre, et de juger l’effort pathétique du voisi
1136 nt, au fond, ce qu’ils méritent. Mais attention : nous autres « démocrates », nous ne pouvons pas encore en dire autant… Sav
1137 ent. Mais attention : nous autres « démocrates », nous ne pouvons pas encore en dire autant… Savons-nous ce que nous mériton
1138 nous ne pouvons pas encore en dire autant… Savons- nous ce que nous méritons ? Savons-nous ce que préparent nos luttes ? Un p
1139 ons pas encore en dire autant… Savons-nous ce que nous méritons ? Savons-nous ce que préparent nos luttes ? Un peu de pruden
1140 autant… Savons-nous ce que nous méritons ? Savons- nous ce que préparent nos luttes ? Un peu de prudence dans le cynisme, nou
1141 que nous méritons ? Savons-nous ce que préparent nos luttes ? Un peu de prudence dans le cynisme, nous dirait Machiavel, l
1142 nos luttes ? Un peu de prudence dans le cynisme, nous dirait Machiavel, le vrai, qui n’est pas celui qu’invoquent nos réali
1143 hiavel, le vrai, qui n’est pas celui qu’invoquent nos réalistes pour justifier les sottises de leur classe. Je ne suis pas
1144 econnaître ailleurs à sa naissance, là où il peut nous concerner ; là où si peu que ce soit dépend de notre effort, et de no
1145 us concerner ; là où si peu que ce soit dépend de notre effort, et de notre lucidité. Que sert de critiquer la « religion » d
1146 si peu que ce soit dépend de notre effort, et de notre lucidité. Que sert de critiquer la « religion » des autres ? Il vaut
1147 t destinés à les prendre au sérieux. La foi seule nous délivrera des religions nées de la peur des hommes. 46. Il s’agit
1148 ple a été brûlé par les bolchéviques, comme il se doit . Mais ces « pieux Germains le détruisent bien mieux en esprit. 58.
17 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — II. Conclusions
1149 êveries plus ou moins naïves que nourrissent dans nos bons pays les « nationaux » et en même temps les « socialistes ». Les
1150 isme » (au sens atténué du xixe ) est condamné de nos jours à se vouloir franchement totalitaire, sinon c’est l’échec assur
1151 n’est plus possible sans l’autre, dans l’état de nos sociétés. On peut n’aimer ni l’un ni l’autre, mais il serait un peu s
1152 e à savoir pourquoi cela s’est réalisé. Car on ne nous parle jamais que du comment. Et les « explications » qu’on nous fourn
1153 ais que du comment. Et les « explications » qu’on nous fournit se réduisent en définitive à une reconstruction plus ou moins
1154 térieurs. La raison profonde d’un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à quelque chose, nous voulion
1155 d’un mouvement comme le nôtre est irrationnelle. Nous voulions croire à quelque chose, nous voulions vivre pour quelque cho
1156 ationnelle. Nous voulions croire à quelque chose, nous voulions vivre pour quelque chose. Nous avons été reconnaissants à ce
1157 ue chose, nous voulions vivre pour quelque chose. Nous avons été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité
1158 chose. Nous avons été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité de croire. Le christianisme, probablement
1159 mps au besoin de croire de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple allemand. Nous voulons croire à
1160 s voulons croire à la mission du peuple allemand. Nous voulons croire à l’immortalité du peuple (un arbre dont nous ne somme
1161 s croire à l’immortalité du peuple (un arbre dont nous ne sommes que les feuilles qui tombent à chaque génération) et peut-ê
1162 bent à chaque génération) et peut-être réussirons- nous à y croire. » Ruine des croyances communes, carence du christianisme
1163 tion est rétablie. L’autorité est restaurée. « Et nous voici sauvés du communisme. » C’est ainsi que beaucoup de braves gens
1164 ole, à l’effort de la propagande totalitaire dans nos pays. Ils le font sans malice, et au nom du bon sens. Ils me rappelle
1165 toute expression libre des antagonismes qui chez nous sont encore la réalité même du social ? Que la paix est obtenue par l
1166 ture puisse bien finir. Tout se ramène donc, pour nous , à un problème de force. Mais non pas de force pour « gagner » la gue
1167 ons démocratiques. D’une guerre totale, telle que nous l’imposerait l’Allemagne, ne peut sortir qu’un État totalitaire. Il s
1168 es plans de « réarmement », c’est introduire chez nous le cheval de Troie. Car pour s’armer autant que l’adversaire, il faud
1169 t celui qui dispose de la plus forte mystique qui doit fatalement triompher. Et en s’armant autant que l’État totalitaire, l
1170 urgent et réellement fondamental, c’est celui que nous pose l’angoisse des individus isolés, et l’appel religieux qui naît d
1171 e inconscient. Toute la question est de savoir si nous saurons mettre à profit pour le résoudre le délai que nous accordent
1172 ons mettre à profit pour le résoudre le délai que nous accordent encore une situation matérielle supportable et quelques res
18 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — III. Post-scriptum 1939, ou Conclusions à n’en plus finir
1173 feu sur celui qui en avertit. Dans un monde comme le nôtre , où si peu d’hommes connaissent leur vraie croyance et leurs vrais dé
1174 ouve dans les écrits et les propos de certains de nos antifascistes. Introduisez la discussion, vous rendrez impossible le
1175 a part le droit de discuter, et j’en fais même un devoir civique. Si vous me le contestez, je vous jugerai là-dessus. Je dirai
1176 taires, sans parler d’autres dont le nationalisme nous épouvantait lorsque nous fûmes, en 1924, à Hambourg, au premier congr
1177 res dont le nationalisme nous épouvantait lorsque nous fûmes, en 1924, à Hambourg, au premier congrès de l’Internationale re
1178 chrétiennes peut très bien faire ce pas, et même devra le faire un jour, s’il reste conséquent dans l’évolution de sa pensée
1179 ement de la révolution allemande. Elle rendrait à notre peuple son unité spirituelle et politique, et, par l’adjonction d’un
1180 rte que le reproche d’étatisme totalitaire, qu’on nous fait, serait encore plus agréable à porter qu’il ne l’est actuellemen
1181 nde, à l’intérieur comme devant l’extérieur. Pour notre communauté religieuse et populaire, nous avons encore besoin de temps
1182 r. Pour notre communauté religieuse et populaire, nous avons encore besoin de temps, et, à bien des égards, de maturation. M
1183 ligion est en effet quelque chose de sentimental. Notre conception du monde, au contraire, embrasse tout à la fois le domaine
1184 l’opportunité de sa propagande. La révolution, de nos jours, c’est d’abord une question de mots, une question de slogans, u
1185 rois termes : liberté et justice, qui viennent de notre fonds, et le néologisme espace vital. On ignore trop souvent que la l
1186 ’armement pour les Allemands n’est pas comme pour nous autres démocrates un moyen de protéger des libertés d’ordre civil. Il
1187 nulle autre n’est concevable… La justice est pour nous le respect du droit, et au-delà de la lettre d’un code, une manière o
1188 elle-même » et de « consolider la paix »… Bornons- nous à remarquer que pour les peuples revendiqués par le Reich en ces term
1189 nvisible spirituel, à la veille d’un discours qui devait être un acte, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre épo
1190 la veille d’un discours qui devait être un acte, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre époque : un mystère de
1191 te, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre époque : un mystère de nature religieuse. Vous l’éprouverez sans dout
1192 et niée. L’histoire de l’après-guerre aux yeux de nos descendants sera peut-être moins l’histoire des traités et de leur pé
1193 térieurs d’une communion tacite entre les hommes. Nous sommes là, petits individus, impuissants, isolés, méfiants, posés les
1194 lés, méfiants, posés les uns auprès des autres, à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’est formé dans la cité u
1195 s uns auprès des autres, à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’est formé dans la cité un sentiment encore diff
1196 ncore diffus de vide social, analogue à celui qui dut marquer la décadence de l’Empire romain. Mais de ce vide naît un appe
1197 lui du Dieu vivant. L’ère des religions s’ouvre à nous , chargée de promesses équivoques. Ère nouvelle pour les chrétiens qui
1198 cial, communautaire, qui dès maintenant se pose à nous aussi. Car si d’autres y ont mal répondu — les communistes et les fas
1199 mal répondu — les communistes et les fascistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplem
1200 mmunistes et les fascistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplement leurs erreurs. Il
1201 cistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplement leurs erreurs. Il est facile d’avoir r
1202 de conseil à donner aux ministres, et peu d’entre nous sont en mesure d’influencer les décisions au jour le jour qu’ont à pr
1203 . Ici, la tâche n’est pas douteuse : si chacun de nous prenait sa part dans la lutte contre le chômage, si chacun de nous s’
1204 art dans la lutte contre le chômage, si chacun de nous s’efforçait de réduire les injustices qui pèsent encore sur la classe
1205 dans les villes, le sens social renaîtrait parmi nous , et par là même, les séductions totalitaires perdraient beaucoup de l
1206 diat. Sur le plan international, où l’opinion, de nos jours, joue un rôle décisif, la direction qu’il convient d’adopter ne
1207 hoses mais surtout des esprits. Reste à savoir si nous devons enregistrer cet état comme fatal et permanent. Reste à savoir
1208 mais surtout des esprits. Reste à savoir si nous devons enregistrer cet état comme fatal et permanent. Reste à savoir si, jus
1209 fatal et permanent. Reste à savoir si, justement, nous ne devons pas tenter l’impossible — qui rendra tout le reste possible
1210 permanent. Reste à savoir si, justement, nous ne devons pas tenter l’impossible — qui rendra tout le reste possible, et consa
1211 ra tout le reste possible, et consacrer désormais nos efforts à transformer la vie morale des masses, de telle façon que le
1212 raison puissent devenir des solutions pratiques. Nous voici ramenés au problème des religions. ⁂ Certaines phrases de ma Co
1213 re. » Mais dans l’attente du prophète, que dirons- nous  ? On peut être tenté de répondre à la religion totalitaire en lui opp
19 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Vers la guerre
1214 te qu’il s’agissait maintenant de comprendre, car nous aurions sous peu à la subir. Je voyais venir le temps des monstres. J
1215 adossé à la cheminée, qui écoutait sans mot dire nos propos sur Hitler.) Je répondis à Rops que je consentirais ce sacrifi
1216 ris les deux dernières places libres. Le taxi qui nous emmène au crépuscule traverse la cour du Louvre dans la lueur soudain
1217 nt-Marc. Le conservateur du Palais des Doges, que nous y retrouvons parfois, aime à parler politique à voix très haute, pour
1218 ! dit-il très haut. Et c’est justement lui qui va nous empêcher de faire cette guerre idiote67 ! » Télégramme de Gaston Gall
1219 one. Ce n’est pas la guerre, c’est « la paix pour notre génération », a dit l’Anglais armé d’un parapluie. Je puis ranger mes
1220 la tension, et l’émotion finale de la journée que nous venons de vivre, mais tout cela transposé dans les termes d’une sorte
1221 ue les moyens que peut offrir, par exemple, un de nos cantons suisses : fanfare, chœurs, troupe d’acteurs non professionnel
1222 e à poursuivre sur sa lancée, dans l’euphorie qui nous anime tous les deux. Fin décembre, l’affaire est achevée. Pas une seu
1223 embre, l’affaire est achevée. Pas une seule fois, nous n’avons eu l’idée de parler du sens religieux, ou historique, ou poli
1224 que, ou politique, ou même helvétique de l’œuvre. Nous n’avons discuté que de problèmes techniques : du nombre de minutes, v
1225 is même l’architecture de leur théâtre. Tout cela nous étant donné par les termes précis de la commande, nous n’avions qu’à
1226 étant donné par les termes précis de la commande, nous n’avions qu’à jouer librement, à cœur joie ! Avant Noël, mes trois ac
1227 élateur et en quelque sorte le ludion, — jouet de nos pulsions et répulsions — autant que l’agent démoniaque ; et là-dessus
1228 onstate qu’un « immense glissement de la réalité… nous porte en des régions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notr
1229 gions nouvelles de l’esprit où l’action redevient notre seul critère de cohérence… » Deux ans plus tard, l’introduction à Po
1230 us prétexte de science objective. Enfin, en 1935, nous ouvrons dans Esprit une rubrique que Mounier intitule « La Pensée e
1231 Il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui que notre engagement signifiait à peu près le contraire de ce qu’il allait deve
1232 iserie des échos et des snobs. L’engagement, pour nous , impliquait justement le refus de tout embrigadement, de toute abdica
1233 ire démocrate. (Il était entendu que ceux d’entre nous qui se présentaient aux élections sous quelque étiquette que ce fût s
1234 xcluaient par là même d’un groupe personnaliste.) Nous ne pensions pas que Drieu s’engageait lorsqu’il se livrait à l’Homme
1235 e d’André Malraux en Chine, puis en Espagne, elle nous semblait relever du goût de l’action en soi, d’une efficacité dramati
1236 t l’on ne pouvait par conséquent les reconnaître. Nous avions peu d’audience, trop de sérieux et guère de prestige, faute de
1237 e la Rhénanie à la fin de la « drôle de guerre », nous fûmes livrés au pillage impuni de nos concepts. Plus tard, Abetz et R
1238 guerre », nous fûmes livrés au pillage impuni de nos concepts. Plus tard, Abetz et Ribbentrop devaient nous voler le terme
1239 i de nos concepts. Plus tard, Abetz et Ribbentrop devaient nous voler le terme même d’Ordre nouveau. Mais, dès 1938, la notion d
1240 concepts. Plus tard, Abetz et Ribbentrop devaient nous voler le terme même d’Ordre nouveau. Mais, dès 1938, la notion d’enga
1241 inition. Il n’y a pas que du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres durables, mineures sans doute, mais délicates
1242 ieuses. Cependant, les temps ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions intellectuelles héritées du lib
1243 égime de faillite qu’on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté que rien, ni la pensée, ni l’acte individuel, n’est en
1244 , n’est en réalité gratuit. Que tout se paye. Que notre liberté de penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’époque, étai
1245 « désintéressée ». C’est alors qu’on lança parmi nous le mot d’ordre : « Défense de la Culture ». Toute la confusion vient
1246 te la confusion vient de là. Car la culture qu’on nous propose de défendre, c’est elle, précisément, qui est responsable de
1247 i est responsable de la brutalité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladie contre la mort à quoi elle mène
1248 mort à quoi elle mène nécessairement. Au lieu de nous refaire une santé. Au lieu de nous proposer une cure de désintoxicati
1249 nt. Au lieu de nous refaire une santé. Au lieu de nous proposer une cure de désintoxication énergique. Au lieu de rechercher
1250 ité. Et cela suffirait bien à définir le sens que nous donnons à ce mot d’engagement. Je l’ai dit ailleurs : un gant qui se
1251 me. Et c’est la pensée libérale. Voyez donc comme nos libéraux se mettent d’eux-mêmes en rangs et marquent le pas dès qu’un
1252 e de « l’union sacrée » qui vient de souffler sur notre élite en est l’ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon :
1253 rprétation des formes, écrit au début de l’année, devait rester inédit. 69. Bien entendu, je ne retiens ici que la réalité ps
20 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Avertissement
1254 d’horizon dépend à chaque instant de l’endroit où nous nous tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la
1255 izon dépend à chaque instant de l’endroit où nous nous tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la port
1256 elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la portons avec nous. Ainsi de la plupart de nos observations sur les
1257 hange, et l’on peut dire que nous la portons avec nous . Ainsi de la plupart de nos observations sur les faits réputés object
1258 nous la portons avec nous. Ainsi de la plupart de nos observations sur les faits réputés objectifs. Et c’est pourquoi l’eff
1259 i se voit déjoué par les descriptions mêmes qu’il nous propose, et qui ne sont que les rébus de ce qu’il s’imaginait taire o
21 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le bon vieux temps présent
1260 un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de no
1261 ise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de nous … Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le pas
1262 plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin q
1263 , ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous , ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et
1264 e fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encore plus
1265 est-ce — aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons- nous , ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux tem
1266 emps européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute na
1267 us avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, e
1268 r et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de
1269 er, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de semaines po
1270 ien de temps encore, combien de semaines pourrons- nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos
1271 ines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ?
1272 et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde
1273 que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où c
1274 et brutale, où ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accab
1275 t plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra chang
1276 que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer le rythme et rectifier la tenue,
1277 n. Et dès lors qu’il l’a mis en question et qu’il nous force au réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies.
1278 réalisme à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelq
1279 sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instant
1280 n temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine, plus inutile que jamais
22 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Journal d’attente
1281 vres, mais surtout : — entre l’espèce de paix que nous laissa l’hiver et la guerre qui revient nous avertir, au seuil de ce
1282 que nous laissa l’hiver et la guerre qui revient nous avertir, au seuil de ce printemps qu’elle dénature. Envies d’écrire,
1283 esponsabilités. C’est en cela qu’il est utopique. Nous n’en croyons pas moins qu’il aurait les plus fortes chances de succès
1284 ité, à la terre ocrée, sous les pins. Pendant que nous choisissons ensemble quelques choux-fleurs — « N’allez pas couper les
1285 s ! Il faut les cuire avec, c’est succulent ! » —  nous entendons la TSF monologuer dans sa maisonnette blanche aux volets bl
1286 de force d’Albanie. — Voyez-vous, me dit-il, pour nous autres, qu’est-ce que cela fait, ceux qui gouvernent ? Ça peut bien ê
1287 nglais, ou tout ce que vous voudrez, pourvu qu’on nous laisse travailler. Qu’est-ce que cela change ? J’ai semé et taillé co
1288 lus élémentaires, exigent et supposent un avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre vie individuelle. Les statistiques nou
1289 upposent un avenir. Nous l’oublions souvent, dans notre vie individuelle. Les statistiques nous le rappelleront. On constater
1290 nt, dans notre vie individuelle. Les statistiques nous le rappelleront. On constatera l’année prochaine (s’il y en a une) qu
1291 ents affectifs, ont su capter quelques secrets de notre existence ; cependant que les masses, créées par des puissances inhum
1292 quelle mesure un écrivain a-t-il le droit, ou le devoir , de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de ses propres ouvrage
1293 s quelle mesure un citoyen a-t-il le droit, ou le devoir , de se montrer publiquement objectif vis-à-vis de sa propre nation ?
1294 he ne l’écarte pas, bien au contraire. Le premier devoir est de ne point se laisser surprendre. » C’est qu’il ne croit plus à
1295 si normal, que j’en viens à me demander si toutes nos crises ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscie
1296 es ne seraient pas machinées par nous-mêmes, dans notre inconscient collectif. Je puis l’avouer parce que je suis un écrivain
1297 ont à coup sûr… La guerre qui vient n’augmente en nous ni le courage ni la peur, mais plutôt un certain cynisme. Peut-être a
1298 isation permanente, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise a
1299 te, préventive… Militarisation de nos pensées, de nos images. Hier, dans l’autobus, une petite bourgeoise assise devant moi
1300 s matériels et spirituels, impossible ailleurs de nos jours, et peut-être à toute autre époque. Imaginer là-dessus un livre
1301 être touchant, bizarre et pitoyable que chacun de nous dissimule. Alors on verrait le réel, alors on cesserait de haïr, ou d
1302 l’enthousiasme déchirant les voiles, du salut qui nous est promis ! 21 mai 1939 Promenade au Bois avec Victoria Ocampo
1303 des Plantes, et du dernier livre de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous avons passé deux belles heures dans la
1304 e de Huizinga, qui nous parvint hier de Hollande. Nous avons passé deux belles heures dans la roseraie de Bagatelle transfig
1305 n d’après-midi dorée. Échangeant des nouvelles de nos amis communs d’Argentine, d’Angleterre, d’Autriche, de Roumanie : la
1306 rit. 5 juin 1939 Le désarroi de l’époque —  nous lisons cela partout depuis vingt ans. Comme si rien de pire n’était i
1307 Et pourtant le désordre dure. Il se confond avec notre vie même, avec la Vie ! Certes, l’anarchie des mœurs et des idées s’a
1308 se des crises sociales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte a
1309 iales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte aux approches du pé
1310 ourrit plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque mêm
1311 out, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque même de la crise. S’il est juste et salutaire de
1312 r dans ce qu’elle a d’unique, dans sa réalité qui nous met en question, n’oublions pas que toute réalité, à toute époque de
1313 onnu des paniques et des nuits plus terribles que les nôtres , au lendemain des grandes invasions, du ve siècle au viiie de notre
1314 des grandes invasions, du ve siècle au viiie de notre ère, avant l’an 1000, pendant les pestes noires, pendant les guerres
1315 inconscience, d’une ignorance, dont la presse de nos jours nous prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à to
1316 nce, d’une ignorance, dont la presse de nos jours nous prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à tous ces fron
1317 Voilà la grande et la seule différence. Et voilà notre chance aussi. L’homme n’est pas fait pour vivre en état de guerre, au
1318 stices établies. La menace de guerre qui pèse sur nous pourrait et devrait être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’
1319 La menace de guerre qui pèse sur nous pourrait et devrait être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’usage que l’on en fa
1320 e ou tonifie. Dans l’atmosphère de catastrophe où nous vivons, une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à désespérer
1321 e sans menaces, sans résistances, sans vigilance. Notre génération trouve, au contraire, dans la connaissance du désordre et
1322 a nuit aussi ! » C’est toujours le même drame que nous vivons, qu’il s’agisse de flèches ou d’obus. Car ce qui compte, en fi
1323 a faveur de ces vicissitudes acceptées. Acceptons notre chance de vivre une vie plus consciente et réelle. Quoi qu’il advienn
1324 esseront de venir jusqu’au Jour éternel ! Prenons notre régime de vie tendue : il suffit de savoir ce qui compte, et que la j
1325 ir ce qui compte, et que la joie ne dépend pas de nos misères. J’y songeais l’autre soir, à Orléans, en entendant la Jeanne
1326 évidence, la délivrance, le « malgré tout » dont nous vivrons ! 10 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origin
1327 vivrons ! 10 juin 1939 L’origine de toutes nos haines, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nous n’avons p
1328 s, l’origine de toute amertume, c’est un bien que nous n’avons plus, c’est un amour perdu, allé ailleurs. Mais qu’il existe
1329 sa perte insupportable à qui croyait le posséder. Nos haines… Pourquoi la haine, par exemple, de tel régime qui nous menace
1330 Pourquoi la haine, par exemple, de tel régime qui nous menace depuis des mois ? Serait-ce à cause de la menace ? Je ne le cr
1331 ’y avait pas un bien, dans ce régime, un bien que nous avons perdu, et qu’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, no
1332 u’il séquestre, s’il n’y avait que du mal en lui, nous n’aurions pas de haine ni d’amertume : on ne hait pas les catastrophe
1333 phes, les incendies et les tremblements de terre. Notre amertume et notre indignation devant le phénomène totalitaire naissen
1334 s et les tremblements de terre. Notre amertume et notre indignation devant le phénomène totalitaire naissent d’un désir secre
1335 ce de dépit amoureux de la révolution manquée par nous , mais séduite et violée par le voisin ; d’une nostalgie de cette comm
1336 e communauté qu’ils disent avoir réinventée, dont nous ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils nous excluent dans l’
1337 voir réinventée, dont nous ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils nous excluent dans l’intention d’en abuser 72.
1338 s ne sommes pas, et dont nous sentons bien qu’ils nous excluent dans l’intention d’en abuser 72. 1bis, rue Vaneau, 16 jui
1339 . 1bis, rue Vaneau, 16 juin 1939 Hier soir, nous trouvâmes en rentrant une prodigieuse gerbe de roses rouges envoyée p
1340 euse gerbe de roses rouges envoyée par V. O. pour notre installation dans ce studio que Gide nous prête. Plantée au milieu de
1341 . pour notre installation dans ce studio que Gide nous prête. Plantée au milieu de la pièce, dans un gros pot de grès, elle
1342 té même, comme la Passion despotique et fervente. Nous sentons bien qu’elle marquera tout ce printemps dans notre souvenir,
1343 tons bien qu’elle marquera tout ce printemps dans notre souvenir, le dernier printemps de la paix… 19 juin 1939 « Notre
1344 ernier printemps de la paix… 19 juin 1939 «  Notre Führer fait une politique d’artiste ! », a proclamé le Dr Goebbels. V
1345 ds où s’alimente le désir. Les délais de ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais quel espoir, a
1346 ce genre nous sont-ils mesurés par la qualité de notre espoir ? Mais quel espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée de
1347 espoir, alors, pourrait rythmer toute la durée de notre vie, jusqu’à la mort, — sinon l’espoir d’un rendez-vous au-delà du mo
1348 assez certain et assez glorieux pour disqualifier nos soucis, tout serait à chaque instant libre et allègre, ouvert sur la
1349 … À l’œuvre donc, advienne que pourra ! Que l’été nous apporte — c’est probable — un nouveau serpent de mer des dictateurs,
1350 nal à ce journal de petite attente. Il faut juger notre vie par sa fin, pour mesurer l’importance relative des événements qui
1351 mesurer l’importance relative des événements qui nous font les gros yeux. Joie du temps retrouvé, dans l’instant d’un espoi
1352 uand le seul terme redoutable est le Jugement qui nous délivrera ? Eh quoi ! suffisait-il d’y penser ? Non, mais d’y croire.
23 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède
1353 radio brusquement interrompit les conversations. Nous entendîmes la fin d’une phrase en italien, puis une fanfare joua l’hy
1354 us un ciel d’angoisse et de haine ! — Malheur sur nous  ! Nuit lugubre, sans sommeil — rythmée d’armes martelées — meute foll
1355 « C’est difficile de chanter ça ce soir. Les mots nous restent dans la gorge… » Le drame ne put être joué, la plupart des ac
24 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — « Puisque je suis un militaire… »
1356 sûr on y est ! L’impression générale, c’est qu’on nous a « mis dedans ». (Je dis on, je ne sais pas qui c’est. Comme le brav
1357 « Je n’accuse personne, mais c’est dégoûtant ! ») Nous voilà faits, refaits par l’événement, plongés d’un coup dans le détai
1358 , qu’on redoutait, qu’on croyait préparer, et qui nous trouvent sans peur et sans préparation dès l’instant qu’elles devienn
1359 es grandes lignes de la guerre, et çà et là, dans nos frontières, des secteurs minuscules, comme au hasard, qu’on voit d’un
1360 les plus stricts, mais c’est très bien ainsi, car nous sommes n’importe où, sans raison prévisible. J’aime beaucoup les adre
1361 cordeau qu’il faut inspecter gravement. Partirons- nous au milieu de la nuit ? Ou passerons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne d
1362 artirons-nous au milieu de la nuit ? Ou passerons- nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Les h
1363 sserons-nous l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous . C’est notre liberté. Les hommes sont à la soupe. Nous dînerons dans
1364 l’hiver ici ? Plus rien ne dépend de nous. C’est notre liberté. Les hommes sont à la soupe. Nous dînerons dans une heure au
1365 C’est notre liberté. Les hommes sont à la soupe. Nous dînerons dans une heure au café du village. Une heure creuse, à l’arm
1366 eau vide, ou quelle plénitude du loisir ! Amusons- nous à dire un peu de quoi se fait la vie quotidienne, dans les débuts d’u
1367 re le mystérieux Esprit de Subversion. Ces dames, nos mères, étaient victimes d’expressions telles que « sous les drapeaux 
1368 bois, cela peut être un des plus beaux moments de notre furtive existence. Surtout quand il tombe une pluie fine. Ce n’est pa
1369 en, avant longtemps, dans ces champs et forêts où nous marchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe nous sentons la d
1370 rchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe nous sentons la différence d’avec la vie civile, dans le pays des règlemen
1371 avec la vie civile, dans le pays des règlements.) Nous vivons à côté de la population, mêlés à elle, et cependant hors de sa
1372 ocons humides sur ce petit vallon du haut Jura où nous avons à préparer des positions. Et la neige fondait dans la boue. J’a
1373 à la lueur d’une lampe à pétrole. Pourquoi sommes- nous là, quelque part, loin de tout ce qui faisait notre vie ? Il faudrait
1374 ous là, quelque part, loin de tout ce qui faisait notre vie ? Il faudrait essayer de répondre. L’homme n’est pas né pour fair
1375 pu ? Parce que tous ils s’imaginent — ou croient devoir s’imaginer ! — que le bonheur et la force d’un peuple dépendent de sa
1376 mise au pas militaire, de son arrogance étatique. Nous sommes ici à patauger parce que nos voisins se font la guerre, et s’i
1377 ce étatique. Nous sommes ici à patauger parce que nos voisins se font la guerre, et s’ils la font, c’est parce qu’ils n’ont
1378 s antisuisse de toute l’Histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps, la plus belle promesse ! Maintena
1379 puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le recon
1380 otre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela q
1381 tre avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre : le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu
1382 ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, ce n’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’ad
1383 ndre des fromages, des conseils d’administration, notre confort et nos hôtels. Les fascistes feraient marcher cela aussi bien
1384 , des conseils d’administration, notre confort et nos hôtels. Les fascistes feraient marcher cela aussi bien que nous, peut
1385 es fascistes feraient marcher cela aussi bien que nous , peut-être mieux ! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs d’a
1386 -être mieux ! Ce n’est pas non plus pour protéger nos « lacs d’azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la
1387 pas non plus pour protéger nos « lacs d’azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se chargera
1388 rès volontiers de ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsabl
1389 us sommes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsables, depuis des siècles, devant l’Europe. D’autres se
1390 brigands qui voulaient profiter de sa faiblesse. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor,
1391 l est le sens de la mission spéciale qui justifie notre neutralité. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en gardons pa
1392 ission spéciale qui justifie notre neutralité. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en gardons pas conscience, je ne
1393 neutralité. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en gardons pas conscience, je ne donne pas cher de notre indépendan
1394 n gardons pas conscience, je ne donne pas cher de notre indépendance. Berne, fin novembre 1939. (Au retour d’un voyage en
1395 débraillés, de musettes et de masques à gaz. Déjà nous roulons lourdement. Le nom de cette gare — comme de toutes les autres
1396 deux conceptions de « l’ordre » qui se partagent notre Europe : harmonie intérieure ou uniformité géométrique et militaire.
1397 évolution actuelle. La déprimante architecture de notre Palais fédéral — où je corrige ces notes de voyage, ayant fini le tra
1398 peu, ce soir. C’est le contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être. Cette école primaire démesurée
1399 e contraire de ce qui fonde nos vraies valeurs et notre raison d’être. Cette école primaire démesurée, c’est l’image même, en
1400 image même, en pierre verdâtre, de l’esprit qu’il nous faut combattre si nous voulons mériter notre paix. Berne, 2 décemb
1401 erdâtre, de l’esprit qu’il nous faut combattre si nous voulons mériter notre paix. Berne, 2 décembre 1939 Rapport, dès
1402 qu’il nous faut combattre si nous voulons mériter notre paix. Berne, 2 décembre 1939 Rapport, dès mon retour, au colone
1403 hin, sont minés 73. — Merci, vous tombez bien. Je dois donner demain au Général la carte des défenses hollandaises. Ce que n
1404 énéral la carte des défenses hollandaises. Ce que nous savons mieux qu’eux, c’est ce qu’ils ont en face d’eux… » Janvier
1405 session de quelque territoire, mais la défense de nos libertés — dont je vais faire le titre du bréviaire. Il faut que chac
1406 ches. Vous aurez un sacré boulot !… En attendant, nous les futurs combattus, nous reposons dans le creux de la main des dieu
1407 oulot !… En attendant, nous les futurs combattus, nous reposons dans le creux de la main des dieux du monde, comme les pierr
1408 us avez du travail. Car il faut bien, il faut que nous comptions sur vous… (Novembre 1939) Nizan (…) a démissionné du PC le
1409 ne bronche — Alain, Gide, Pontigny, Romains — qui devraient cependant faire respecter la littérature à travers un homme, cet homm
1410 Lausanne, reçue hier) : Que peuvent être devenus nos amis, nos vrais amis (…) et d’autres dont les visages palissent et s’
1411 reçue hier) : Que peuvent être devenus nos amis, nos vrais amis (…) et d’autres dont les visages palissent et s’effacent t
1412 nt les visages palissent et s’effacent tandis que nous y pensons. En 1914, nous n’avons pas été coupés ainsi du reste du mon
1413 et s’effacent tandis que nous y pensons. En 1914, nous n’avons pas été coupés ainsi du reste du monde. Quelle cruauté, quell
1414 qualifier ; elle ne ressemble à aucune autre. Je devais avoir 13 ou 15 ans lorsque j’y vins pour la première fois, descendant
1415 t encore par des lacets immenses, passait enfin à notre hauteur, puis courait s’engouffrer dans les rochers, à la base d’une
1416 pour cette raison même, l’origine très précise de nos libertés suisses et de notre union fédérale. Quand je n’en saurais ri
1417 rigine très précise de nos libertés suisses et de notre union fédérale. Quand je n’en saurais rien, j’ai lieu de supposer que
1418 rminées par un roulement de tambour, voilà ce qui doit logiquement se produire. » Et encore, en 1889 : « Les chefs futurs se
1419 n détachement serait étrange, voire haïssable, si nous vivions dans un monde acceptable ou simplement à la mesure de notre a
1420 un monde acceptable ou simplement à la mesure de notre action. Je vais à lui pour me défendre contre l’écœurement qui me gue
1421 naïveté politique qui trop souvent caractérisent notre opinion. Début de mars 1940 L’homme au poignard enguirlandé. —
1422 onne n’a mieux traduit et illustré les vertus qui devraient nourrir, aujourd’hui, notre esprit de résistance. Ce réalisme liberta
1423 ré les vertus qui devraient nourrir, aujourd’hui, notre esprit de résistance. Ce réalisme libertaire, cette liberté d’allure
1424 rotte sur le nez, trois dans ta barbe 75 ! » Mais nous voici mieux muselés que ces ours du duc de Milan ramenés en laisse, a
1425 ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part que nous fîmes à l’amour ? Urs Graf, Holbein, Hans Kluber, Grünewald, et tant
1426 as de majuscule, et qu’elle est quelque chose qui doit brûler, flamber, et non pas rapporter du trois pour cent. Sérieuse co
1427 nté ont prêché sur le thème du memento mori, mais nous préférons aujourd’hui l’éloge de la vie au grand air. Et tout se pass
1428 i de l’épargne dans tous les domaines, tuaient en nous le sens métaphysique… ⁂ Sobre dans la plus libre fantaisie, mais éner
1429 e d’admirer chez Manuel la plupart des vertus qui nous manquent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi. D’où l’espèce de
1430 architecture théologique, c’est à peu près ce que nous avons perdu par une longue suite de « libérations » qui ne laissent e
1431 bien moins encore ces planches de minéralogie que nous bariolent les peintres d’Alpe. Ce qu’il peint, lui, c’est la terre de
1432 die « à la louange de Dieu ». ⁂ Quand on dit chez nous de quelqu’un « qu’il a fait un peu tous les métiers », ce n’est pas u
1433 nduire leur vie vers un but qui transcende toutes nos activités. Fougueux et appliqué dans sa peinture, Manuel n’hésite pas
1434 té n’a plus de vraies mesures, c’est l’Église qui doit les refaire. Qu’elle s’y refuse, il faut la réformer. Après quoi l’on
1435 pour s’excuser, comme s’il croyait au fond qu’on devrait tout savoir, et que pourtant… C’est la passion de la Renaissance, si
1436 l a mieux éclairé, écrit un chroniqueur du temps, notre banneret Manuel apparut parmi nous comme un flambeau brûlant et éclat
1437 eur du temps, notre banneret Manuel apparut parmi nous comme un flambeau brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui n
1438 brûlant et éclatant. Survint alors la maladie qui nous l’arrache dans sa quarante-sixième année. » Le seul autoportrait qui
1439 année. » Le seul autoportrait qui subsiste de lui nous montre, à la fin de sa vie, un regard doux et perspicace, un visage a
1440 une vie d’homme devant Dieu. 9 mars 1940 Il nous est né hier une fille que nous avons nommée Martine. J’inscris ici, p
1441 9 mars 1940 Il nous est né hier une fille que nous avons nommée Martine. J’inscris ici, pour qu’elle les lise plus tard,
1442 pour qu’elle les lise plus tard, les raisons qui nous firent adopter ce prénom. C’est un souvenir de France et de la paix f
1443 un souvenir de France et de la paix française qui nous émeut comme un adieu à la douceur de vivre, à la confiance. Cela se p
1444 oses et de blés, aux bords du plateau de la Brie. Nous montions vers Périgny par un sentier fort raide entre les ronces, abo
1445 uceur du ciel, retrait des âmes dans leur destin. Nous longions cette rue silencieuse, imaginant d’y vivre un jour dans une
1446 cline lentement vers la vallée, dans les vergers. Nous nous étions arrêtés là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain
1447 lentement vers la vallée, dans les vergers. Nous nous étions arrêtés là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain nous
1448 là, hésitant sur le chemin à prendre. Et soudain nous vîmes à nos pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entou
1449 sur le chemin à prendre. Et soudain nous vîmes à nos pieds, tracé à la craie sur le sol, un grand cercle entourant une ins
1450 s choses de toujours. Et le moindre signe suffit. Nous sommes redescendus vers la vallée de l’Yerres, qui coule entre des sa
1451 tégique du col du Saint-Gothard dès les débuts de notre histoire. Mars 1940 Entre le déclenchement précis des mécanisme
1452 changé, la guerre est là, mais rien n’arrive. Et nous vivons dans le suspens. À moins que ce ne soit dans une chute prolong
1453 redoute parfois que l’instruction publique, dans nos démocraties, ne réussisse qu’à élever le niveau de la bêtise moyenne.
1454 ise moyenne. (Voir les magazines populaires, chez nous autant qu’en Amérique.) ⁂ Pourquoi les Suisses ne condamnent-ils que
1455 « Le petit nuage n’est pas passé. Il passera, et nous serons encore une fois assis au café des Deux Magots. La vie reprendr
1456 econde me dit : « Le petit nuage passera, oui… et nous avec ! » Selon l’humeur du jour, je donne raison à l’une ou à l’autre
1457 t, c’est la certitude « qu’il passera ». Que sont nos petits accès de découragement, ces brumes qu’un léger vent d’avant-pr
1458 gard du Règlement des comptes universels que sera notre jugement au dernier jour de tous les temps. Karl Barth nous le disait
1459 ent au dernier jour de tous les temps. Karl Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes où nous avions donné deux conférenc
1460 l Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes où nous avions donné deux conférences devant un vaste rassemblement de jeunes
1461 rassemblement de jeunes gens : « Comme chrétiens, nous n’avons à redouter que le Prince de tous les démons, et non pas tel o
1462 ous les démons, et non pas tel ou tel démon qu’il nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engage
1463 u’il nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militairement contre l’un de ces petits per
1464 nous délègue de temps à autre. Le combat que nous devrons peut-être engager militairement contre l’un de ces petits personnages
1465 t, si “total” qu’il soit, ne saurait figurer pour nous qu’un exercice, une première escarmouche, un entraînement pour le “co
1466 t pour le “combat final” où le Christ seul pourra nous sauver, lorsque le Malin en personne nous accusera au Jugement dernie
1467 pourra nous sauver, lorsque le Malin en personne nous accusera au Jugement dernier. » Voilà les dimensions réelles qu’il fa
1468 er envisager. Elles ne sont pas démesurées. Elles doivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos miséra
1469 e sont pas démesurées. Elles doivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de n
1470 ivent au contraire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesq
1471 ire nous donner la vraie mesure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est
1472 sure de nos soucis, de nos misérables cafards, de nos craintes dérisoires et mesquines. « C’est un petit nuage, il passera.
1473 ue je viens de trouver dans un livre interdit par nos censeurs 78. L’auteur fut l’un des chefs du parti hitlérien ; écœuré,
1474 secrète de la démocratie, c’est la franchise. On nous répète : « Qui ne sait se taire nuit à son pays. » Fort bien. Mais il
1475 Nouvelle mobilisation générale. Il m’apparaît que notre section Armée et Foyer n’aura plus rien à faire pendant les jours qui
1476 e de Berne qui a demandé quelques volontaires. Il nous expose notre tâche : prendre le commandement des pelotons chargés d’a
1477 ui a demandé quelques volontaires. Il nous expose notre tâche : prendre le commandement des pelotons chargés d’arrêter en cas
1478 ype, ramasser les papiers… La légation allemande, nous dit-il, est un dépôt d’armes et un blockhaus bétonné. Mais nous avons
1479 st un dépôt d’armes et un blockhaus bétonné. Mais nous avons installé un canon dans la maison d’en face. L’ordre récemment d
1480 personne ne peut agir. » Ou faudra-t-il enterrer nos secrets pour d’autres qui peut-être ne viendront jamais ? Car la cart
1481 r au passé. Vaudrait-il mieux qu’alors ? Saurions- nous mieux le vivre, augmenté du souvenir de sa perte ? Mais le passé ne r
1482 — même si la guerre était gagnée, même si demain nous devions vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-i
1483 me si la guerre était gagnée, même si demain nous devions vivre encore… À quoi pensent-ils, ceux de la bataille ? Ont-ils de ce
1484 s-ci ça y est ! Vivant un cauchemar qui est vrai, nous allons en désordre au réveil. La mort, le désespoir en plein midi, — 
1485 moi de la Suisse allemande. En sortant du studio, nous apprenons que Paris vient d’être bombardé pour la première fois. Dan
1486 ombardé pour la première fois. Dans le train qui nous ramenait ce matin à Berne, je lui ai dit : « Si la France est battue,
1487 nt tentés de céder à diverses pressions. Pourtant nous sommes les seuls à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je
1488 essions. Pourtant nous sommes les seuls à pouvoir nous défendre. Depuis plusieurs années, je pense au Saint-Gothard comme au
1489 son bastion sacré. C’est pour le garder libre que nos premiers cantons ont reçu la liberté d’Empire. Or il se trouve que, p
1490 12 juin 1940 Débâcle française sur la Seine. Notre projet me travaille. Spoerri insiste, agit, et des contacts sont pris
1491 t se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Par
1492 il soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris est détruit, j’en p
1493 visionen ». Quelque chose d’indéfinissable et que nous appelions Paris. C’est ici l’impuissance tragique de ce conquérant vi
1494 du Jura, et au-delà se passe la guerre. Derrière notre maison, des prairies montent jusqu’aux lisières de la forêt de sapins
1495 s’il est bien à la mesure du tragique dans lequel nous baignons… L’ai fait lire au lieutenant-colonel et aux autres camarade
1496 i ? — Je ne suis pas officier de carrière. — Vous deviez le faire quand même. Vous êtes accusé d’injures à un chef d’État étra
1497 ave, c’est… très grave ! Terminé. — Terminé. Bon. Nous verrons cela demain matin. Arriver à sept heures tapantes au bureau,
1498 rriver à sept heures tapantes au bureau, surtout. Notre projet du 6 juin se précise. Ph. M. est en train de convoquer pour le
1499 e convoquer pour le 22 juin les dix personnes que nous avons « contactées » ces jours derniers. Secret bien gardé jusqu’ici.
1500 rniers. Secret bien gardé jusqu’ici. Ce matin, on nous a informés au bureau de ce qui s’est passé la nuit dernière. C’était
1501 re. C’était sérieux. Attaques de saboteurs contre nos aérodromes. Mais on veillait partout. À la nuit, des barricades ont é
1502 heure, les nouvelles de l’action entreprise pour notre « défense à tout prix ». (Beaucoup de précautions sont nécessaires, c
1503 uin 1940 Mon colonel se présente à la porte de notre petite maison du Gurten. Je prends la position. Il tient dans chaque
1504 cées, j’ai eu le temps de rédiger le manifeste de notre mouvement, qui a pris le nom de Ligue du Gothard pour ma plus grande
1505 de l’horizon politique, décidés à faire converger nos efforts, nous fondons la Ligue du Gothard. Bastion naturel de la Suis
1506 politique, décidés à faire converger nos efforts, nous fondons la Ligue du Gothard. Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’
1507 Confédérés peuvent s’unir dans leurs diversités… Nous n’avons qu’un seul but : maintenir la Suisse dans le présent et pour
1508 tenir la Suisse dans le présent et pour l’avenir. Nous ne vous promettons qu’un grand effort commun. Mais il nous rendra fie
1509 ous promettons qu’un grand effort commun. Mais il nous rendra fiers d’être hommes, et d’être Suisses. Ce texte va paraître d
1510 soixante-quatorze journaux du pays. Dans chacun, nous avons acheté une page entière. (Formule de la publicité politique ou
1511 que aux États-Unis.) Frais payés sur la somme que nous a remise le capitaine E…, l’un des chefs de la Ligue des officiers. C
1512 propos du cessez-le-feu en France, il a parlé de notre « soulagement » ! Cela peut s’entendre de diverses manières, dont l’u
1513 des membres du directoire de la Ligue, soit avec notre homme de liaison entre la Ligue dans l’armée et la Ligue civile : le
1514 rgent L…81. Une maison de Berne, à double entrée, nous permet des contacts discrets avec les représentants de la Ligue dans
1515  ! Beaucoup de lettres, de pamphlets, d’articles, nous accusent tour à tour de tendances fascistes, ou marxistes, ou corpora
1516 dances fascistes, ou marxistes, ou corporatistes. Nos vrais « meneurs de jeu » seraient à la fois la grande industrie, les
1517 old, dont on annonce par ailleurs la démission de notre directoire ; or, il n’en a jamais été membre. Rien de plus normal. En
1518 l’ampleur du péril, et que c’est bien le tout de notre vie suisse et non pas tel parti plutôt qu’un autre, qui est radicalem
1519 neront. Le Conseil fédéral paraît hésitant. Selon nos renseignements très précis, certains de ses membres seraient prêts à
1520 divers cantons, n’auraient pas vu si tôt le jour. Nous savons qu’en réunissant des efforts jusqu’ici dispersés et des groupe
1521 ci dispersés et des groupements naguère hostiles, nous créons le visage de la nouvelle génération et nous marchons dans la s
1522 ous créons le visage de la nouvelle génération et nous marchons dans la seule voie possible. Nous savons que la Suisse est g
1523 ion et nous marchons dans la seule voie possible. Nous savons que la Suisse est gravement menacée, mais que notre action la
1524 ons que la Suisse est gravement menacée, mais que notre action la renforce. De tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres
1525 la renforce. De tout temps, à l’appel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier
1526 ppel du danger, nos ancêtres se sont levés. C’est notre tour. 25 juillet 1940 Hier a eu lieu le rapport du Grütli84. T
1527 40 Hier a eu lieu le rapport du Grütli84. Tout notre dispositif de défense regroupé autour du Gothard ! Notre rêve devient
1528 ispositif de défense regroupé autour du Gothard ! Notre rêve devient vrai ! Profonde impression dans l’armée et dans la popul
1529 Zurich, dans une villa du Zürichberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café, à l’heure du déjeuner, sur une route pre
1530 ch, dans une villa du Zürichberg. Tandis que nous nous dirigeons vers un café, à l’heure du déjeuner, sur une route presque
1531 une voiture militaire ouverte ralentit le long de nos petits groupes. Un jeune lieutenant inconnu de moi saute à terre, fai
1532 de cette démarche dans les archives fédérales. On devait s’y attendre. Et personne n’ébruita la chose à l’époque. Il y avait u
1533 cette manière d’aller dire à un gouvernement : «  Nous vous avertissons qu’il existe un complot pour vous renverser, et que
1534 ’il existe un complot pour vous renverser, et que nous en sommes les fauteurs ! » Logiquement, si le gouvernement nous croya
1535 les fauteurs ! » Logiquement, si le gouvernement nous croyait, il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croy
1536 Logiquement, si le gouvernement nous croyait, il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, notre déma
1537 ement, si le gouvernement nous croyait, il devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche
1538 l devait nous faire arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couvrait la Li
1539 e arrêter sur-le-champ. S’il ne nous croyait pas, notre démarche était ratée, et au surplus couvrait la Ligue de ridicule. En
1540 élégation comprit très bien qu’il s’agissait pour nous d’appuyer les durs et de faire peur aux mous. Le Conseil fédéral deva
1541 urs et de faire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait donc nous croire et ne pas nous croire à la fois. Finalement, il rési
1542 ire peur aux mous. Le Conseil fédéral devait donc nous croire et ne pas nous croire à la fois. Finalement, il résista, comme
1543 Conseil fédéral devait donc nous croire et ne pas nous croire à la fois. Finalement, il résista, comme on sait. 83. Fête na
25 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède
1544 essait vraiment comme le bastion de l’Europe dont nous avions rêvé, sans oser croire que quelques mois plus tard il serait u
1545 serait une réalité. L’opinion s’était ressaisie. Notre Ligue du Gothard, fondée sur l’idée simple d’organiser les volontés d
1546 emier mouvement de Résistance, au sens que ce mot devait prendre un peu plus tard dans les pays occupés par Hitler. Je suis co
1547 litairement moins forte et moins bien alertée. Et notre mouvement de résistance, pour « théorique » et préventif qu’il soit r
1548 , pas beaucoup dire. Me taire ou ne parler que de notre belle nature me semblait également intolérable, tant qu’Hitler séviss
1549 ressentais que dans la lutte en cours, perdue sur notre continent, l’élément décisif allait venir et ne pouvait venir que d’A
26 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — La route de Lisbonne
1550 e pincer, n’importe où, cette mince artère par où notre vieux monde se vide peu à peu de son élite en même temps que de ses p
1551 quelconque préside aux modifications du monde que nous commençons d’entrevoir. Route de Lisbonne, route de l’émigration et d
1552 le endormie. Tous les fauteuils sont occupés dans notre voiture et point de couloir libre au milieu. Des bagages à main, des
1553 allemands. Tout le monde s’est tu dans l’autobus. Nous nous sommes arrêtés pour déjeuner dans un restaurant de Grenoble. Men
1554 ands. Tout le monde s’est tu dans l’autobus. Nous nous sommes arrêtés pour déjeuner dans un restaurant de Grenoble. Menu par
1555 . Mais à Valence, la tenancière d’une épicerie où nous entrons nous tend d’abord la liste des articles qu’on ne peut plus ve
1556 nce, la tenancière d’une épicerie où nous entrons nous tend d’abord la liste des articles qu’on ne peut plus vendre : café,
1557 café. Beaucoup de monde, mais peu d’animation. On nous sert, sous le nom de café noir, un breuvage au goût d’encre additionn
1558 chaque nuit et que vous allez mourir de faim ? » Nous la rassurons. Tout se réduit à quelques bombes jetées par erreur sur
1559 , au lendemain de la victoire (celle de 1918) : «  Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelle
1560 re (celle de 1918) : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Oui, nous savons maint
1561 autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Oui, nous savons maintenant que c’est possible :
1562 vons maintenant que nous sommes mortelles. » Oui, nous savons maintenant que c’est possible : on peut détruire une grande na
1563 iècle. Il n’y aura même pas besoin de les brûler. Nous roulons maintenant vers l’Espagne, à travers un pays de vignes, dont
1564 uveau », en espadrilles et uniformes dépareillés. Nous sommes ici depuis midi, la nuit approche et je ne crois plus guère au
1565 cinq-cents mètres du bâtiment des douanes dont on nous interdit l’approche, sauf pour le contrôle des devises et des visas,
1566 our le contrôle des devises et des visas, où l’on nous conduit par petits groupes. Ces opérations, qui se poursuivent depuis
1567 pérante. Le bruit court, parmi les voyageurs, que nous risquons d’être refoulés à Perpignan lorsque tout sera terminé, le ch
1568 r-ci ayant été atteint dès le matin. Il y a, dans notre convoi, quelques antifascistes notoires qui ne paraissent pas rassuré
1569 a ramassée en vitesse et s’est éloigné. Partirons- nous  ? Troisième journée Barcelone sans taxis, les Ramblas presque d
1570 s et sans avenir que j’ai déjà surpris en France… Nous devions repartir ce soir en train, mais en prenant l’avion de Madrid,
1571 sans avenir que j’ai déjà surpris en France… Nous devions repartir ce soir en train, mais en prenant l’avion de Madrid, demain
1572 mais en prenant l’avion de Madrid, demain matin, nous gagnerons une vingtaine d’heures. Curieuse obstination des Espagnols
1573 icade — neuf heures à la douane d’entrée, et l’on nous en prédit autant à la sortie — et qui ne s’inquiète plus de vous une
1574 s la gare ou aux alentours. Durant toute la nuit, nous avons fait une moyenne de trente kilomètres à l’heure. Cet express s’
1575 ’un seul coup sur la tablette du compartiment, et nous arrosent de pépins crachés à la ronde. Ici au moins, il y a de la gai
1576 orte de gentillesse, malheureusement vociférante. Nous atteignons la frontière vers huit heures du matin, exténués et assoif
1577 t le petit jeu des douanes recommence. À midi, on nous ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et nous nous ruons aveugléme
1578 nous ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et nous nous ruons aveuglément sur des nourritures indéfinissables. Deux heur
1579 ouvre enfin une sorte de buffet de gare, et nous nous ruons aveuglément sur des nourritures indéfinissables. Deux heures. J
1580 Deux heures. Je demande au chef de train pourquoi nous restons là. « C’est, me dit-il, que le train a déraillé. » Et il sour
1581 ier que tous les wagons sont sur les rails. Parmi nos compagnons de voyage, tous ne sont pas encore très rassurés : il arri
1582 nt pas encore très rassurés : il arrive en effet, nous dit-on, qu’à la dernière minute la police retienne certaines personne
1583 t est propre et gai, et les visages se détendent. Nous venons de quitter les terres où s’étend l’ombre du destin le plus cru
1584 mbre du destin le plus cruel qu’ait jamais mérité notre Europe. Vers trois heures du matin, si tout va bien, nous atteindrons
1585 ope. Vers trois heures du matin, si tout va bien, nous atteindrons Lisbonne. Où coucherons-nous ? Le Portugal a vu passer dé
1586 va bien, nous atteindrons Lisbonne. Où coucherons- nous  ? Le Portugal a vu passer déjà des centaines de milliers de réfugiés,
1587 de wagon-restaurant, le chef de train accepte de nous arrêter pour une heure dans un village. Nous dînons sur la place, à d
1588 e de nous arrêter pour une heure dans un village. Nous dînons sur la place, à des tables rapidement dressées. Toute la popul
1589 cornes traverse la place au dessert. À Lisbonne, nous avons trouvé une chambre immense pour nous quatre. Et le lendemain no
1590 bonne, nous avons trouvé une chambre immense pour nous quatre. Et le lendemain nous étions accueillis dans cette quinta tout
1591 chambre immense pour nous quatre. Et le lendemain nous étions accueillis dans cette quinta toute hérissée de grilles et de c
1592 collines renie la guerre, oublie l’Europe. Demain nous embarquons pour l’Amérique. Mais ici je fais le serment d’opposer une
1593 ages venant des terres abandonnées du Nord et que nos paysans s’efforcent d’arrêter avant qu’elles n’étouffent leurs champs
1594 aître les paniques dévastatrices du ve siècle de notre ère. Et je songe au bastion que mon pays élève, nuit et jour, autour
1595 i ne peut plus vivre que sous la cuirasse. Hâtons- nous , car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas
1596 us la cuirasse. Hâtons-nous, car tout peut périr. Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce !
1597 . Nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce ! À bord de l’Exeter, 11 septembre 1940 Les dern
1598 ers barrages traversés, la passerelle relevée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous q
1599 vée, et nos papiers enfin déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges
1600 déposés chez le purser, nous n’avons plus devant nous qu’un océan sans douanes ! Dix jours vierges, dix jours durant lesque
1601 peut imaginer que la police renoncera au viol de notre vie privée. Pourtant, certains des passagers gardent encore l’air de
1602 el est le sadisme policier. De Genève à Lisbonne, nous avons traversé sept contrôles différents de douane et de police. Seco
1603 s de douane et de police. Secondés par la chance, nous n’y avons passé, si je compte bien, guère plus de vingt-deux heures,
1604 emps. — Royaume ? 3. Guerre. — La décision paraît devoir intervenir cette semaine. (Ce matin on annonçait que les transports d
1605 agers de la radio. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n
1606 io. Le monde a changé de face sous nos yeux, mais nous le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu.
1607 us le regardions de trop près : d’heure en heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons
1608 heure, nous n’avons rien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événe
1609 ien vu. C’est après coup, en nous retournant, que nous avons entrevu l’ampleur et la rapidité des événements. Il a dit « Rie
1610 utre jour à Lisbonne, Lady M. of A… me disait : «  Nous ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait
1611 isait : « Nous ne serons jamais battus, parce que nous sommes un peuple qui ne sait pas quand il est battu. » J’ai pensé aux
1612 proches défilaient au hublot ! Couru sur le pont. Nous sommes dans les passes de l’Hudson. Une brume de chaleur tropicale bl
1613 de claire et neuve : la première rue américaine ! Nous approchons. Tournant la tête vers l’avant, un peu au-dessus de la pou
1614 s, font rater l’arrivée la plus célèbre au monde. Nous remontions donc l’Hudson, guettant New York avec une émotion croissan
1615 s haut-parleurs impérieux et lugubres ont réclamé notre attention. Nous n’avons plus rien vu que des grues et des mâts, penda
1616 mpérieux et lugubres ont réclamé notre attention. Nous n’avons plus rien vu que des grues et des mâts, pendant deux heures a
1617 geaient ces messieurs d’Ellis Island. Ils palpent nos passeports et les feuillettent avec une lenteur taciturne. Nous somme
1618 s et les feuillettent avec une lenteur taciturne. Nous sommes tous des prévenus, des coupables sans doute. Nous sommes tous
1619 mmes tous des prévenus, des coupables sans doute. Nous sommes tous des Européens, des gens qui viennent du pays de la guerre
1620 euse. Tous les yeux sont fixés sur cette table où nos passeports attendent, près des tampons sacrés. C’est bien le mien qu’
1621 es découpent l’espace aussi haut qu’on peut voir. Nous défilons lentement près de leur base. Des pans de brique rosée, ocrée
27 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Premiers contacts avec le Nouveau Monde
1622 urs bleu sombre, et j’ai regardé mes voisins, car nous roulions dans un tunnel. Dans l’ensemble, les femmes m’ont paru digne
1623 les femmes m’ont paru dignes de ce que le cinéma nous en promet — mais il suffit de trois ou quatre beautés saines ou frapp
1624 Une falaise de granit se dresse près de la voie. Nous la passons. Sur son autre versant s’étale un cimetière d’autos décarc
1625 n, fin d’octobre 1940 À une heure de New York, nous sommes en pleine campagne, et l’on cesse de sentir l’Amérique telle q
1626 hington, 30 octobre 1940 Depuis le temps qu’on nous vante en Europe les autostrades fascistes et hitlériennes, qui semble
1627 avaient raison, puisque Tuxedo Park existe, sous nos yeux. On y pénètre par un porche médiéval, où des agents de police ar
1628 sera la famine ! Le bolchévisme ! Les gens comme nous seront liquidés ! ». New York, 3 novembre 1940 Ville pure. — E
1629 en Allemagne, lors des grands discours du Führer. Nous étions un million, disent les journaux, et trois-cents agents à cheva
1630 e en Europe ! 10 novembre 1940 Religion. —  Nous sommes en quête d’une maison dans la banlieue de Manhattan. Les prosp
1631 ent. 13 novembre 1940 Conférences. — Elles doivent être courtes — cinquante minutes — et garder autant que possible le t
1632 gnés à la machine, dans tous les pays non latins. Nous autres, vieux maniaques, tenons au coupe-papier. 15 novembre 1940
1633 Trouvé la maison, signé le bail sur l’heure et nous nous installons demain, avec des meubles d’occasion achetés pour un p
1634 ouvé la maison, signé le bail sur l’heure et nous nous installons demain, avec des meubles d’occasion achetés pour un prix d
1635 ser en 1940. Forest Hills, 30 novembre 1940 Notre propriétaire est un médecin des chiens. Il vient sonner vers les huit
1636 se chargent eux-mêmes du message. Le dimanche, on nous transmet les cultes des principales confessions religieuses, mais là
1637 artisanat se maintiendrait-il ? Il est fondé chez nous sur le goût de l’objet, mais aussi, avouons-le, sur la disette et le
1638 i étaient venus parlaient du Noël de la France et nous mangions nos chocolats comme si nous les avions volés… Début de ja
1639 s parlaient du Noël de la France et nous mangions nos chocolats comme si nous les avions volés… Début de janvier 1941
1640 la France et nous mangions nos chocolats comme si nous les avions volés… Début de janvier 1941 Éditeurs. — Vu mon édi
1641 allant à la caisse toucher un petit chèque qu’on doit feindre d’avoir mérité, bien qu’on sache qu’il n’a pas le moindre rap
1642 ités de la vie américaine, disciples réticents de nos écoles d’Europe, cherchant une méthode de pensée plutôt que des fonde
1643 brusquerie de leurs jugements et un style tough ( nous dirions « dur » ou « vache ») leur défaut de responsabilité. Tout cel
1644 jugent en général trop formalistes ou rhétoriques nos poèmes et nos essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres
1645 ral trop formalistes ou rhétoriques nos poèmes et nos essais. Une jeune romancière me disait : « Vous autres Européens, vou
1646 it trop. Le savent-ils eux-mêmes ? L’exigence que nous gardons encore de dégager, d’expliciter un sens, leur apparaît vaguem
1647  En tant que citoyen, me dit-il, il serait de mon devoir de publier ce livre. Mais en tant qu’éditeur, ce serait un suicide. —
1648 inion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans nos démocraties, je vous le dis, c’est la paresse d’esprit ! » Cet éditeu
1649 le dis, c’est la paresse d’esprit ! » Cet éditeur doit publier le livre sur la Suisse que je projette à l’usage des Américai
1650 vous savez traiter vos affaires sans canons. Vous nous avez admis, et il convient que nous nous tenions bien tranquilles. La
1651 canons. Vous nous avez admis, et il convient que nous nous tenions bien tranquilles. La démocratie est chez vous la religio
1652 ns. Vous nous avez admis, et il convient que nous nous tenions bien tranquilles. La démocratie est chez vous la religion de
1653 hée, et d’excellents amis la disent justifiée par notre situation précaire au cœur de l’Axe. S’ils ont raison, je leur serais
1654 quoi serais-je utile, si je ne suis pas moi ? Et nos chances de nous battre paraissent faibles ou nulles… 16 février 19
1655 utile, si je ne suis pas moi ? Et nos chances de nous battre paraissent faibles ou nulles… 16 février 1941 Seul à la
1656 an Club, en face de Jacques Maritain. Au dessert, nous étions d’accord : ce qui manque le plus aux démocraties en général et
1657 croire au diable. On sort de table et pendant que nous attendons l’ascenseur, je dis : — La difficulté, c’est que si l’on pa
1658 isèrent votre pays affirmait que les martyrs sont nos meilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Les pâtres de la Suisse alpes
1659 tiques ?) utilisée par Hitler dans ses discours. ( Nous en avons longtemps parlé hier soir chez Raymond de Saussure, avec deu
1660 i est venu après le dîner dans la chambre d’Auden nous faire entendre un disque de son Requiem pour un Mikado, aux angoissan
1661 ns à me poser au sujet d’un de mes livres dont il devra parler au séminaire de littérature. Que veut-il donc savoir ? Simplem
1662 cafétéria — un restaurant très bon marché où l’on doit se munir d’un plateau, de couverts et d’assiettes pris sur la pile, p
1663 sens logique, la rapidité du raisonnement, etc.) doit donner un chiffre total supérieur à 135. Le génie, s’il est physicien
1664 la ville. Tout au long de la route assez étroite, nos phares illuminèrent des files d’autos arrêtées au bord du talus, tous
1665 et ils s’y tiennent ; sans plus d’hypocrisie que nous aux nôtres. ⁂ Visite à Wellesley College, université de jeunes filles
28 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Voyage en Argentine
1666 du pont, sinon dans les hauts draps de brume qui nous serrent, le reflet de nos propres lueurs. Je me suis enfermé dans ma
1667 uts draps de brume qui nous serrent, le reflet de nos propres lueurs. Je me suis enfermé dans ma cabine. Je constate que j’
1668 pense rester seul pendant les dix-sept jours que doit durer la traversée. Les fils qui me liaient aux autres et que les aut
1669 inavouable de libération. Avouons-la, et couchons- nous . 21 juillet 1941, en mer Nuit des tropiques. Tout à l’avant du
1670 bar ferme. Une irrésistible euphorie règne parmi notre communauté d’inconnus d’hier, plongés dans tous les charmes de la pai
1671 be, — à cette même heure en France, et en Russie… Nous le savons tous. Que sert de comparer ? Quel sens ? Il y a des roses d
1672 la machine où l’on joue par quarters (25 cents). Nous décidons de partager profits et pertes. Je joue deux pièces et gagne
1673 rd. Sur les trois tours, elle en a gagné deux, et nous étions plus d’une centaine de joueurs. Or elle n’est pas seulement la
1674 es catalogues de timbres-poste de mon enfance. On nous y montre des maisonnettes coupées en deux du faîte au sol, les moitié
1675 par milliers, pendant toute une nuit d’insomnie. Nous entrons dans l’hiver du Sud. Sur le pont déserté, un couple passe et
1676 metière, tandis qu’une amie me disait : « La mort doit être douce à Montevideo… » Buenos Aires, début de septembre 1941
1677 stingue Ortega, et ce grand écrivain que l’Europe doit connaître, J.-L. Borgès, et tant d’autres du groupe de Sur, l’honneur
1678 ’avant-veille de ma conférence sur le diable dans notre siècle, un reporter américain avec qui je dînais me proposa d’aller v
1679 r le directeur d’El Mundo, grand journal du soir. Nous entrons à minuit dans son bureau. Il me tend un verre de whisky et un
1680 et une coupure de journal : c’est un article qui doit paraître le lendemain, où l’on discute mes idées sur le diable. — Qu’
1681 z-vous ? Je n’ai pas encore écrit ma conférence ? Nous savons tout, prenez ce fauteuil. — Vous en savez en tout cas plus que
1682 irculation l’objet que vous voyez. Chaque employé doit le toucher et signer la feuille de contrôle. Et sitôt la chose faite,
1683 bien, monsieur, c’était pire que sans rien ! J’ai les jeter par la fenêtre. Il me raconte encore quelques histoires du
1684 re quelques histoires du diable. Je prends congé, nous déjeunerons ensemble, c’est convenu, et j’exprime le souhait de l’ent
1685 e. — Non, monsieur, je ne crois pas, je regrette… Nous parlerons encore du diable. C’est ainsi. Entre nous, rien n’est plus
1686 us parlerons encore du diable. C’est ainsi. Entre nous , rien n’est plus important ! ⁂ Dans un taxi, la nuit. — Madeleine Oz
1687 t dans une très vaste halle décorée d’écussons de nos vingt-deux cantons, je serre les mains les plus énormes et calleuses
1688 ais touchées, et le banquet commence incontinent. Nous sommes une bonne centaine, assis à trois longues tables qu’on a dress
1689 ût un village de ce nom-là) où il est né en 1847. Nous nous comprenons par sourires, aidés des quelques mots de schwyzer düt
1690 village de ce nom-là) où il est né en 1847. Nous nous comprenons par sourires, aidés des quelques mots de schwyzer dütsch d
1691 ⁂ Estancias près de Mar del Plata. — La voiture nous suivra de loin. Devant nous, une allée d’eucalyptus, quatre rangs de
1692 l Plata. — La voiture nous suivra de loin. Devant nous , une allée d’eucalyptus, quatre rangs de chaque côté, pendant des kil
1693 ne, moderne et blanche ; ou comme Chapadmalal, où nous arrivons aujourd’hui, un château anglais entouré de terrasses et de j
1694 maîtres sont absents. Mais la porte s’entrouvre à notre approche. Des domestiques circulent sans bruit. Deux grands feux de c
1695 coupes et trophées de concours. Des gants blancs nous servent le thé dans un silence fantomatique. Signons, ce sera poli, d
1696 ersement des saisons paraît si confondant dès que nous dépassons le tropique du Capricorne. Ici, Noël tombe en été, le Midi
1697 e américain atteint ici son paroxysme. Mais c’est nous qui l’appelons gaspillage. Pour eux, c’est un usage normal de l’abond
1698 oprement son assiette, ainsi qu’on l’inculquait à notre enfance, on la laisse remplie aux trois quarts quand le domestique vi
1699 nsieur avait vu, du temps des parents de Madame ! Nous ne faisons que pour une personne, mais dans ce temps-là, c’était pour
1700 tiennent l’école de l’estancia. Ces jeunes filles nous ont accueillis avec une aimable réserve, un maté et des disques de ja
1701 de grands couteaux, l’intendant, un péon et moi, nous découpions de larges tranches juteuses qu’il faut tenir à deux mains
1702 l’ombre des ombus et des mandariniers. Plus tard, nous sommes partis pour les lagunes, à l’autre extrémité de l’estancia. Vi
1703 ’enfuyaient à droite et à gauche, et des cigognes nous accompagnaient. Une nuée de mouettes éclatantes et criardes attaquaie
1704 avais vues raser les vagues brunes soulevées par notre bateau dans l’estuaire de la Plata. Et je suis demeuré pendant des he
1705 sont eux-mêmes qui refusent les améliorations que nous leur proposons. Ils sont heureux dans leur état. ») Le premier meneur
1706 presque désert, et ses stewards qui me rappellent notre croisière du mois d’août, mais les temps ne sont plus ce qu’ils étaie
1707 ernier orage rougeoie dans la direction du Tigré. Nous montons vers l’hiver américain. 7 novembre 1941, en mer Saudad
29 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Solitude et amitiés
1708 de m’est donné, par cette chambre d’hôtel, dirons- nous . (Comme une tranchée peut signifier la guerre, sinon ses causes.) J’a
1709 Si cet Hitler gagnait la guerre, pensez-vous que notre vie américaine en serait vraiment fort changée ? — Madame, il faudrai
1710 erchait une maison à vendre, et dans une ferme où nous entrons pour quêter quelque information, on nous dit : « Pas la peine
1711 nous entrons pour quêter quelque information, on nous dit : « Pas la peine, c’est la guerre. Les Japonais attaquent à Pearl
1712 la guerre. Les Japonais attaquent à Pearl Harbor. Nous venons de l’entendre à la radio. » Une fois de plus, la vie qui chang
1713 eune Européen. Le « premier jour de guerre » pour nous , c’est déjà presque une routine… 1er août 1914, 2 septembre 1939. L’a
1714 9. L’alerte de Munich, aussi. Et quel jour sommes- nous aujourd’hui ? Eh bien ce sera le 7 décembre de 1941. Si vous voulez s
1715 n rentrant à New York, à la gare de Pennsylvanie. Nous y fûmes. La bannière étoilée pendait immensément du dôme perdu dans l
1716 t, on apporte une radio, et dans un grand silence nous avons écouté le discours de Roosevelt sur la déclaration de guerre. U
1717 sque trop distingué, m’a-t-il semblé. Et à la fin nous nous sommes tous levés, émus, pendant qu’on jouait le Star-Spangled B
1718 trop distingué, m’a-t-il semblé. Et à la fin nous nous sommes tous levés, émus, pendant qu’on jouait le Star-Spangled Banner
1719 ins de Blanche-Neige. Vers trois heures du matin, nous sortons. Toute envie de dormir s’évapore dans l’air trop vif d’une nu
1720 ées pour justifier des dépenses. » (Ainsi jugeons- nous l’Amérique.) Métraux m’emmène de là au Musée d’Art moderne où passe s
1721 rt moderne où passe son film sur l’île de Pâques. Nous y retrouvons Buñuel et André Masson. Ce dernier vient de recevoir une
1722 livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. Je devais aller chez des amis après le dîner. J’entre au hasard dans un petit r
1723 nue. La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me
1724 depuis deux ans. Je me sens posthume. » Bien que nous soyons à peu près du même âge, voilà un homme plus moderne que moi.
1725 st bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le savoir ! » Je voyais une mince enveloppe grise pliée en V derrière
1726 es de suie s’écrasent sur mon papier, la verrière doit être fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle ver
1727 Huizinga (qu’il m’avait envoyé en allemand après nos entretiens de l’automne 1940) et The Philosophy of Physical Science d
1728 n droit, dans la cité, dans la passion…). 2. Mais nous vivons dans le monde de la tricherie. (La lutte contre les lois est m
1729 s, physiognomonie, rhétorique) et l’actualité qui nous harcèle et qui m’a pourchassé jusqu’ici. Ou encore les formes fixes d
1730 e le mieux explicables. Cette méthode descriptive doit prévenir le danger de systématisation inhérent à toute étude du phéno
1731 ages en général, à la réalité communicable. Car «  nous ne pouvons communiquer que notre connaissance des structures » (Eddin
1732 mmunicable. Car « nous ne pouvons communiquer que notre connaissance des structures » (Eddington). Il y a plus : le mouvement
1733 s données régulières et organiques sur lesquelles doivent et peuvent se fonder les règles. Les ignorer, tenter de les détruire,
1734 t, avec la même chaleur humaine, tient encore sur nous son regard de vivant ? jusqu’au beau coup d’archet de la péroraison :
1735 iques, il attend l’heure de se lever encore parmi nous  : pour la France, pour l’Europe et pour l’humanité. » Grande prose mu
1736 et le dimanche matin j’annonce subitement que je dois rentrer en ville pour une affaire pressante. En vérité j’ignorais que
1737 nces, me disait l’autre jour : « Ce n’est pas que nous refusions les règles, et ce n’est pas ignorance ou maladresse, non :
1738 norance ou maladresse, non : les règles existent, nous voulons bien, mais pour quelque raison qu’il faudrait dégager, nous n
1739 mais pour quelque raison qu’il faudrait dégager, nous ne pouvons plus nous en servir. » Raisons que je « dégage » pour ma p
1740 ison qu’il faudrait dégager, nous ne pouvons plus nous en servir. » Raisons que je « dégage » pour ma part : 1. Notre projet
1741 ir. » Raisons que je « dégage » pour ma part : 1. Notre projet n’est plus le même que celui des hommes qui avaient posé ou ac
1742 mes qui avaient posé ou accepté les règles. Elles nous sont donc défavorables. 2. Nos instruments ont changé, et la nature d
1743 les règles. Elles nous sont donc défavorables. 2. Nos instruments ont changé, et la nature des résistances aussi : matériau
1744 etc. Les règles ne sont donc plus applicables. 3. Nous cherchons davantage à exprimer une particularité qu’une réalité commu
1745 xprimer une particularité qu’une réalité commune. Notre intention est donc antirégulière, créatrice d’un malaise sans cesse r
1746 usant de noter, pour plus tard, la composition de notre équipe en termes de gazette littéraire. L’ancien rédacteur en chef de
1747 cinq heures au fond de la grande salle. Il vient nous prêter sa voix noble, agrémentée d’un léger sifflement, mais il garde
1748 la polycopie, avant d’être remis aux announcers, nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que
1749 , nous trouvons un moment pour causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui
1750 our causer. Et souvent nous parlons des fêtes que nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours d
1751 ue nous rêvons d’organiser. Celle par exemple qui devrait durer trois jours dans une vaste demeure aux portes condamnées, où ch
1752 êve de compensation, si l’on voit dans quel cadre nous sommes en train de causer. Trente machines à écrire dans cette salle,
1753 le avions, et la promesse du général Marshall : «  Nous débarquerons en France. » 26 juin 1942 Déjeuné chez des amis be
1754 n petit récif perdu à plus de deux-mille miles de notre continent… et si on la reprend : c’est une importante base d’attaque,
1755 de trois-cents miles du Japon. Dans les deux cas, nous aurons dit une vérité. 2 août 1942 Un climat tempéré. — Une no
1756 semaine dernière, il gelait presque. L’Américain doit conserver sa garde-robe entière et tout son équipement d’appareils él
1757 ungles qui couvrent neuf dixièmes des continents… Notre terre est à peine habitable, dans l’ensemble ! Et dans les régions pl
1758 et la révolution. Seul pays dont tous les manuels nous apprennent dès l’enfance — et nul ne s’en étonne — qu’il possède un c
1759 anète, est une exception surprenante. Tout ce que nos pères considéraient comme simple, typique, évident et « normal », la
1760 ds le mot puissance au sens de potentiel. Si elle doit cesser demain de tirer d’un privilège unique les créations qu’on atte
1761 r du tout, il nomme A. M… avec imprécations. Chez nos hôtes, je retrouve Saint-Exupéry. Il m’explique que le Maréchal sauve
1762 aître. J’ai répondu à Saint-Ex que dans mon pays, nous tenons pour normal de sacrifier ce qu’il appelle la substance à ce qu
1763 eut être qu’une plage, un loisir sur la plage, et nous l’avons ici. New York, 2 septembre 1942 Quoi de plus sale qu’un
1764 ? II faut être fou pour rentrer… Mais à l’office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur
1765 ’office, notre travail s’intensifie, et les échos nous en reviennent de France. Leur dire là-bas, dire à la Résistance, que
1766 ine… Mais dire aussi les revers et les défaites : notre consigne de véracité est absolue. Washington part de l’idée juste qu’
1767 en montrant ce dessin : c’est moi ! » Le soir, il nous lit les fragments d’un livre énorme (« Je vais vous lire mon œuvre po
1768 s beau. Tard dans la nuit je me retire épuisé (je dois être demain à neuf heures à New York), mais il vient encore dans ma c
1769 re 1942 Débarquement allié en Afrique du Nord. Nous n’avons pas quitté le bureau pendant une trentaine d’heures. Émotion
1770 r la France, à l’instant même où le GQG américain nous fait savoir qu’on peut y aller. 89. En novembre 1939, passant par
1771 ais libre encore de remonter la rue. L’occupation doit achever la ressemblance et la pousser jusqu’à l’identité. 90. Quarti
1772 ntres. 91. Il s’agit de La Part du diable , qui devait paraître à New York à la fin de 1942, dans une première version. La s
1773 aru en Suisse en 1945, puis à Paris en 1947. 92. Nous annoncions chaque semaine, à cette époque, le résultat de l’effort sp
30 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède
1774 Intermède …mais sachez-le : nous n’étions pas absents de vous plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occ
1775 s plus que de nous-mêmes. Vous étiez « occupés », nous étions en exil, et les uns comme les autres dans l’inaccepté, dans la
1776 au pire moment, à l’heure de moindre résistance. Notre angoisse était de penser : parlerons-nous encore le même langage au j
1777 tance. Notre angoisse était de penser : parlerons- nous encore le même langage au jour de ce retour en France, — dans quelle
1778 ce, — dans quelle France, et dans quelle Europe ? Nous étions soumis à l’érosion de l’exil, moins brutale, certes, mais plus
1779 vous n’êtes plus l’invité mais un client, et qui devrait s’arranger pour payer. Et quand vous n’avez plus d’argent, c’est tout
1780 s’occuper de chacun de vous. Et c’est bien vrai. Nous étions trop nombreux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre, no
1781 eux. En France, en Suisse aussi, avant la guerre, nous trouvions qu’il y avait trop de juifs réfugiés. Des gens frappés par
1782 ù que ce soit, il y en a toujours trop. Cependant notre sort vous paraissait enviable, à juste titre. Les pires tourments de
1783 . Autant dire qu’on les tient pour moins sérieux. Nous étions mal placés pour discuter cela, donc en somme pour défendre l’e
1784 ait pourtant tout ce qu’il restait à défendre par nous , dans l’exil…
31 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — L’Amérique en guerre
1785 oles de l’âme que forment les châteaux au fond de nos mémoires. L’idéal de l’Américain serait sans doute la maison d’une se
1786 qui me dit aussitôt que « Marcel aura une idée ». Nous appelons Duchamp. Il arrive et propose un plafond de parapluies ouver
1787 rideau relevé, à midi juste, Breton et moi allons nous poster au bord du large trottoir de l’Avenue, pour guetter l’effet su
1788 s le comportement américain, et de le comparer au nôtre  : car il n’y a guère moins d’Européens que d’Américains dans nos bure
1789 y a guère moins d’Européens que d’Américains dans nos bureaux. La correction soigneuse de l’exposé et le méthodisme un peu
1790 se m’est fournie par les dactylos et secrétaires. Nos Françaises, avec naturel, font des prodiges de vitesse précise, et tr
1791 e vitesse précise, et trouvent encore le temps de nous signaler les tours de phrase qui leur paraissent fautifs. Les América
1792 gence mais la mémoire. Faute de mémoire, le singe doit chaque matin redécouvrir ce qu’il apprit la veille. Il se voit condam
1793 es de la mémorisation, — l’Amérique où les livres durent six mois ; où l’on néglige l’enseignement de l’Histoire ; où l’actual
1794 des frigidaires ou vers des comptes en banque qui doivent être remplis. Comment supporterait-elle l’épreuve d’une guerre qui ra
1795 garants infaillibles d’un bonheur qui lui serait . L’échec pour lui — guerre, privations, retards — n’est pas une décep
1796 ’au saisissement du suprême. De fait, qu’opposons- nous à l’exaltation totalitaire ? Pas une idée, ni même un rêve. Pas une v
1797 rfois la crainte vague de perdre une liberté dont nous ne savons plus formuler les conditions… Avril 1943 Restriction
1798 révèlent souples et disciplinées. Il est vrai que nous manquons de peu de choses encore. Mais la disette se produit par à-co
1799 seulement leur nom, vous pensez aussitôt qu’elles doivent être jolies, jeunes et riches. Je croyais à un bluff, mais non : je v
1800 le Pacifique ou en Europe me semblent minces. Je devrais passer un an dans un camp d’entraînement, et d’ici là… Ou bien l’on m
1801 ent à toutes ces coquetteries de style imitées de nos « bons » auteurs qu’on trouvait à chaque page chez Valéry, chez Gide
1802 nce à des modèles anciens. (Que de pastiches dans nos lettres modernes !) Mais ces anciens, que l’on copie de travers, avai
1803 er, selon les cas. ⁂ Défaut commun à presque tous nos bons auteurs français contemporains : n’importe qui dira qu’ils « écr
1804 blanc. On y est fort sensible à Paris. Cependant nous vivons au xxe siècle, et je voudrais un style qui supporte le transp
1805 ou d’un Goethe ; d’un Valéry et d’un Gide, parmi nous . La gloire est devenue le droit d’énoncer des banalités mais qui ne p
1806 sont les réalités d’un monde tout artificiel que nous , les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raiso
1807 artificiel que nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons folles. Si nous changions un jo
1808 nous, les hommes, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et
1809 s, avons bâti selon nos caprices, nos passions et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce
1810 caprices, nos passions et nos raisons folles. Si nous changions un jour de goûts et d’ambition, ce paysage se transformerai
1811 péennes : ils ne sont pas du tout responsables de nos démences nationalistes. Mais les Russes ont le droit d’estimer qu’on
1812 ur ceux de ma sorte. Cette guerre n’est-elle plus notre affaire ? Tout se passe comme si Hitler avait cessé d’être et d’agir
1813 e comme si Hitler avait cessé d’être et d’agir en nous , Occidentaux, et n’était plus une tentation pour l’âme collective, ma
1814 rt est déjà décidé. Et le reste intéresse surtout nos grands États, nos grandes Nations. Ne ferais-je pas mieux de retourne
1815 . Et le reste intéresse surtout nos grands États, nos grandes Nations. Ne ferais-je pas mieux de retourner à mon travail ?
32 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Virginie
1816 ’alléger sur des terres plus nues, j’ai senti que nous passions un seuil, comme on le sent un peu après Valence quand on des
1817 on descend vers le Midi. Pendant une heure encore nous avons traversé des plateaux légèrement vallonnés où galopaient des tr
1818 et quelques cavaliers en redingote rouge. Et puis nous avons ralenti pour prendre une petite route sinueuse où l’on croisait
1819 er mettons deux ou trois-cents fois plus qu’un de nos plus grands millionnaires se traduit par certains avantages sensibles
1820 nt cette forme d’imagination qui manque le plus à nos élites : l’intuition des mythes de notre âge et de leur dynamisme pro
1821 le plus à nos élites : l’intuition des mythes de notre âge et de leur dynamisme profond. Existe-t-il une seule femme en Euro
1822 moyens pareils au service d’une si ferme vision ? Nous répétons que l’Amérique est barbare. Mais qu’avons-nous fait de la fo
1823 épétons que l’Amérique est barbare. Mais qu’avons- nous fait de la force ? Nous la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avo
1824 st barbare. Mais qu’avons-nous fait de la force ? Nous la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avons-nous fait de l’esprit
1825 s la laissons à la brute hitlérienne. Et qu’avons- nous fait de l’esprit ? L’inefficacité par excellence. « Trop intelligent
1826 Londres et même à Berlin. Or la langue française nous apprend que celui qui ne peut rien, fût-il un grand esprit, s’appelle
1827 supprime les droits de recours et de révolte qui nous sont encore impartis : il prétend distribuer lui-même les vocations,
1828 ur la réalité et sur la liberté des vocations. Je dois mon œuvre à la communauté, c’est un service qu’on ne saurait chiffrer
1829 ait chiffrer, je le lui donne. En retour, elle me doit les moyens de mon travail. Si j’exige trop, j’en serai le premier gên
1830 moins cher que vos guerres. 21 octobre 1943 Nous avons inventé un jeu de cartes — une manière entièrement nouvelle de
1831 que personne ne voit plus sur les cartes à jouer. Nous nous sommes inspirés librement des recherches de C. G. Jung, dont Mar
1832 ersonne ne voit plus sur les cartes à jouer. Nous nous sommes inspirés librement des recherches de C. G. Jung, dont Mary a e
1833 usqu’à l’horizon bleu des Appalaches. Pendant que nous roulons sur une route de campagne, au creux des haies, le ciel se cou
1834 nt de la porte dont un battant s’entrouvre devant nous . Trois grands longs chiens sortent, le museau bas, et l’un vient vomi
1835 ens sortent, le museau bas, et l’un vient vomir à nos pieds des morceaux de cire mal mâchés. Une servante les poursuit armé
1836 George Washington. (C’est une pièce de musée que nous allons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétrons d
1837 ons voir, remisée sous la colonnade des écuries.) Nous pénétrons dans un vestibule sombre. La maîtresse de maison est sortie
1838 aîtresse de maison est sortie à cheval. Promenons- nous en l’attendant. L’odeur des chiens imprègne les corridors. Dans un fu
1839 s blondes boivent des whiskies, sans se déranger. Nous traversons toute la maison, puis une large galerie ouverte, encombrée
1840 eaux, les coussins de velours rouges sont moisis. Nous redescendons. Le ciel est devenu noir. Du portique, entre les hautes
1841 n coup de vent violent a jeté contre la façade et nos visages un tourbillon de feuilles et de grosses gouttes obliques. Ent
1842 s décapitées, ou renversées dans les branchages — nous arrivons au coin d’un bâtiment de ferme. C’est le chenil. Le parc s’a
1843 s loin, en silhouette sur la crête d’une colline, nous voyons deux chevaux au galop. Ils disparaissent dans un vallonnement,
1844 ans un vallonnement, et maintenant remontent vers nous sans ralentir. Une femme en jaune, suivie d’un homme. Comme ils s’app
1845 n fin sweater jaune. Elle rit, jette la pomme, et nous salue de la main. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval nous
1846 in. Le jeune homme mince, immobile sur son cheval nous considère avec hostilité. Il a les yeux d’un bleu très pâle et dur. I
1847 u très pâle et dur. Il n’a pas salué. Son silence nous supprime. C’est sans doute le nouvel intendant. « Je vous retrouve à
1848 des entrent et vont s’asseoir un peu à l’écart de notre groupe. Un autre homme apporte un plateau. On le renvoie chercher des
1849 bien ? m’ont demandé mes amis dans la voiture qui nous emporte sous la pluie, qu’en pensez-vous ? — Well… pour la première f
1850 Chacun s’imagine que la guerre va faire surgir de nos décombres quelques œuvres de premier plan, beaucoup d’idées nouvelles
1851 un souhaite que l’épreuve balaye les préjugés qui nous encombraient l’âme, paralysaient le cœur, faussaient l’intelligence.
1852 elligence. Je crains qu’il n’en soit rien, voyant nos émigrés et lisant quelques-uns de leurs écrits. Quant à l’Europe, si
1853 resque automatique. « Un monde nouveau surgira de nos ruines » — un monde meilleur, bien entendu. C’est un rêve de compensa
1854 par une évolution fatale au défaut d’invention de nos esprits. Et qui donc parmi nous se soucie d’inventer ? Une atonie mon
1855 aut d’invention de nos esprits. Et qui donc parmi nous se soucie d’inventer ? Une atonie mondiale répond à l’événement. Nous
1856 enter ? Une atonie mondiale répond à l’événement. Nous aurons peu pensé, pendant la guerre. Les hommes politiques de ce temp
1857 mal à pousser leurs efforts au maximum. La guerre nous porte. Elle est le temps de l’effort aisé parce qu’imposé. Nous auron
1858 le est le temps de l’effort aisé parce qu’imposé. Nous aurons peu pensé, pendant la guerre. Le principal de nos conversation
1859 ons peu pensé, pendant la guerre. Le principal de nos conversations était fourni par les journaux et la radio. Heureux celu
1860 rs, ce n’était qu’aux dépens de sa signification. Nous aurons peu senti, peu réfléchi. Nous attendions, dans la rumeur des c
1861 gnification. Nous aurons peu senti, peu réfléchi. Nous attendions, dans la rumeur des commentaires et des regrets, et des vi
1862 e. Ceux qui sont morts n’en savaient pas plus que nous . Les héros. Et moi ? Si je ne suis pas héros, c’est que je suis père
1863 la foi des vedettes. À leurs yeux, tout Français devait ressembler aux types d’humanité que représentaient dans le monde les
1864 hui, dans sa véritable grandeur. Les journaux qui nous donnent à New York des nouvelles de la Résistance nous parlent du peu
1865 donnent à New York des nouvelles de la Résistance nous parlent du peuple de France ; les récits et les témoignages clandesti
1866 e ; les récits et les témoignages clandestins qui nous parviennent de plus en plus nombreux nous parlent du peuple de France
1867 ins qui nous parviennent de plus en plus nombreux nous parlent du peuple de France ; et des films tournés à Hollywood ou à L
1868 Londres sur l’épopée secrète de la Résistance ne nous montrent encore que le peuple de France, pour la première fois à l’ét
1869 bien par ici, qu’il se dépêche ! » Au Waldorf, on nous a répartis dans quatre salons communicants. J’écoute le speech du Gén
1870 n de la guerre, dans les six mois. G. B. — Sommes- nous proches de l’ère des monstres dont parle D. de R… ? A. B. — On va ver
1871 nquent de filières. Le rationalisme le plus fermé nous menace. 96. On peut bien dire que Ford, par exemple, qui est l’hom
33 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède : mémoire de l’Europe
1872 parmi les signes. Sédiments séculaires, socles de nos patries ! Monuments que l’on ne voit plus, mais qui renvoient l’écho
1873 voit plus, mais qui renvoient l’écho familier de nos pas. Et ces rues qui tournaient doucement vers une place plantée d’ar
1874 stionnait, répondait. La force était au secret de nos vies, nouée parfois dans une rancune obscure, ou bien dans la contemp
1875 ’un vieil arbre — il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au sil
1876 il était vieux déjà du temps de notre enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force éta
1877 e enfance, et notre possession la plus tenace, il nous réduisait au silence. La force était chanson fredonnée sur le seuil,
34 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le choc de la paix
1878 (hélas ?) bien plus à dire et à faire par ceux de notre engagement que je ne pouvais le penser il y a quatre ans. Et tout ce
1879 rte secousse. Enfin la certitude de l’arrêt, mais nous étions encore tout étourdis. Je n’ai vraiment « réalisé » que ça y ét
1880 es grandes manchettes après douze ans ? Qu’allons- nous devenir ? Maintenant que de nouveau les choses anciennes sont là, non
1881 ertes, mais celle-ci en tout cas : que de nouveau notre avenir dépend de nous. Et notre mort. La mort était si simple et absu
1882 tout cas : que de nouveau notre avenir dépend de nous . Et notre mort. La mort était si simple et absurde en série. Elle ten
1883  : que de nouveau notre avenir dépend de nous. Et notre mort. La mort était si simple et absurde en série. Elle tenait de la
1884 la loterie, non plus de la tragédie intime. Elle nous était distribuée à la volée. Il va falloir se remettre à la mûrir cha
1885 sérieuse et lente, et chargée d’un sens inconnu. Nous roulions tous ensemble dans une descente aux vertiges variés et passi
1886 ir. Et plus d’Ennemi numéro Un, après douze ans. Nous étions « conditionnés » pour la mort en grande série et soudain, nous
1887 ionnés » pour la mort en grande série et soudain, nous trouvons le tiroir vide — la vie à faire. Sommes-nous donc une généra
1888 trouvons le tiroir vide — la vie à faire. Sommes- nous donc une génération sacrifiée, qui aura perdu ses belles années à s’a
1889 ru ? Oui, si le danger a vraiment disparu ; et si nous ne savons rien tirer de cette épreuve de nos forces. Or presque aucun
1890 si nous ne savons rien tirer de cette épreuve de nos forces. Or presque aucun danger n’a vraiment disparu. Et je ne vois p
1891 ns. Tout ce qu’il paraît sensé de dire, c’est que notre génération n’aura lutté en vain que si elle cesse de lutter. Lake
1892 méthodiste. Un curé canadien prêche en français : nous sommes ici un peu plus près de Montréal que de New York. L’hôtel se n
1893 er dans l’État, la pancarte porte aujourd’hui : «  Nous sommes catholiques et protestants. » Les rives, les îles s’ornent de
1894 isémitisme. — Un voisin de l’été dernier est venu nous rendre visite et nous conter les événements de la région. (Je ne dis
1895 n de l’été dernier est venu nous rendre visite et nous conter les événements de la région. (Je ne dis pas les potins, car sa
1896 armi ces événements locaux le plus marquant, pour notre ami, paraît être la vente d’un grand hôtel à une nouvelle direction j
1897 cher aux chrétiens qui s’égarent chez eux ? Pour nous , c’est dix dollars de plus que pour un Juif ! — Mais cet hôtel, si je
1898 l’État, extrêmement bien fréquenté. — C’est donc nous qui avons commencé. Et les mesures prises par ce Juif sont de bonne g
1899 nt conformes au génie juif, tel que l’ont façonné nos persécutions. Au lieu d’interdire brutalement l’entrée de l’hôtel à c
1900 l’entrée de l’hôtel à ceux de l’autre race, comme nous le faisons, il se borne à les écœurer tout en tirant son petit profit
1901 le ridicule ; quand on les tue. Mais le fait que notre ami, cependant, l’ait dite aussi spontanément, prouverait qu’un effor
1902 « bon Allemand », dit-il, est le plus dangereux. Nous avons en commun, par ailleurs, quelques très bons amis allemands réfu
1903 ugiés à New York depuis la guerre ou depuis 1933. Nous n’en sortirons donc jamais par ce biais-là. Abandonnons toute prétent
1904 en Allemagne et aujourd’hui, aux yeux de ceux qui doivent en décider. Une anecdote la résumera, que je viens de voir citée par
1905 régime hitlérien, par d’écrasantes majorités ? Il doit donc bien y avoir des nazis en Allemagne et même en assez grande quan
1906 ains, les démocrates et les bolchéviques ! Jamais nous n’avons été nazis ! » Qu’il y ait ou non de « bons Allemands », cette
1907 l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comme nous . Et c’est un fait fondamental dont il convient de tenir compte quand
1908 oblème allemand ». Ils mentent avec sincérité, et nous mentons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bie
1909 , et nous mentons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. El
1910 ons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. Elle subsiste in
1911 change pas pour si peu. Elle subsiste intacte et nous juge. Eux croient, s’ils changent d’avis par « intérêt vital », que t
1912 e du village, et que j’en paraissais fort ennuyé, nos voisins vinrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que nous avons
1913 raissais fort ennuyé, nos voisins vinrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que nous avons fait connaissance. Deux femm
1914 inrent un soir nous en offrir, et c’est ainsi que nous avons fait connaissance. Deux femmes d’âge moyen et leurs maris se pa
1915 leurs maris se partagent une maison que les pins nous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre, donc plus commod
1916 ous cachent, à deux-cents pas, plus petite que la nôtre , donc plus commode et plus confortable à leur sens. (Seuls les Europé
1917 ais Américains moyens) concluent-ils en souriant. Nous leur avons offert des boissons, et nous nous appelons par nos prénoms
1918 souriant. Nous leur avons offert des boissons, et nous nous appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos nom
1919 ant. Nous leur avons offert des boissons, et nous nous appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de
1920 ns offert des boissons, et nous nous appelons par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. L’autre
1921 s par nos prénoms, sans avoir jamais bien compris nos noms de famille. L’autre jour, Robert m’a conduit à Albany, pour m’év
1922 s doute d’origine indienne. « Personne ne connaît notre ville, me dit Robert, et pourtant elle avait les plus grandes filatur
1923 e rappelle la Souabe, le Wurtemberg. Et justement nous arrivons devant une maison de bois peinte en jaune clair, ornée de gé
1924 le West, et de la partie nord de la Pennsylvanie. Nous traversons maintenant la ville pour aller au bureau de Robert. Plusie
1925 ne église orthodoxe ? — Oui, dit Robert, l’une de nos deux églises ukrainiennes. » La moitié de la population de Cohoes est
1926 sie ? Non, il y a trop d’autos. Robert revient et nous roulons vers Albany. À la sortie de la ville, il me montre un terrain
1927 un terrain d’aviation : — C’est moi qui ai fondé notre Air Club, il y a quinze ans, j’étais tout jeune. J’ai eu jusqu’à tren
1928 ohoes à une ville du même nombre d’habitants chez nous  ; de comparer Robert à un Robert d’Europe, de même niveau social et d
1929 rope, de même niveau social et de même éducation. Nous ne manquons pas de petits-bourgeois pieux et honnêtes, mais ils n’ont
1930 ils n’ont pas le sens du risque et de la vitesse. Nous avons bien des fanatiques de l’aviation, mais ce ne sont pas des agen
1931 te ville, aux images que par Hollywood l’Amérique nous propose d’elle-même, et qu’elle s’efforce d’imiter. Lake George, 3
1932 ns et l’eau tout de suite, au pied de la galerie. Nous attendions Marcel Duchamp sans trop savoir quand il viendrait, et pou
1933 st très bien. » Il va donc rester quelques jours. Nos voisins sont venus en fin d’après-midi, gentils et trop gentils, prôn
1934 asses sont inéducables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les
1935 ables, dit-il après le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en
1936 s le départ de nos hôtes. Elles nous détestent et nous tueraient volontiers. Ce sont les imbéciles qui, en se liguant contre
1937 pellent la réalité, le monde « matériel » tel que nous le souffrons. Ça les arrange. C’est ce même monde que la science, ens
1938 ence, la lenteur, et la solitude. Aujourd’hui, on nous traque… — Oui, dis-je, mais tout dépend des vrais désirs des hommes :
1939 t d’assumer. Le reste est beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême li
1940 reste est beaucoup plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous
1941 plus facile. À nous de choisir nos fées, puisque nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par
1942 nous le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par convention. Voulons-nous susciter les fées du brui
1943 le pouvons en vertu de l’extrême liberté que nous nous accordons par convention. Voulons-nous susciter les fées du bruit et
1944 é que nous nous accordons par convention. Voulons- nous susciter les fées du bruit et de la vitesse, ou celles de la lenteur
1945 sse, ou celles de la lenteur et du silence ? Mais notre ami le Dr M. V…, qui passe l’été près ici avec deux girls, nous écras
1946 M. V…, qui passe l’été près ici avec deux girls, nous écrase d’un souriant dédain. « Vous aurez bientôt, nous dit-il, les p
1947 crase d’un souriant dédain. « Vous aurez bientôt, nous dit-il, les preuves les plus éclatantes de la réalité des lois de la
1948 té des lois de la science, je sais ce que je dis. Nous calculons les mouvements de l’électron, la puissance des rayons cosmi
1949 de l’électron, la puissance des rayons cosmiques, nous ferons marcher des moteurs avec ça ! Allez en faire autant avec vos f
1950 e considère comme l’origine, non comme l’effet de notre idée de cause. Indémontrable, évidemment… D’ailleurs, ce n’est pas ce
1951 e n’est pas cela. Je crois que Dieu est fou selon nos normes rationnelles, infiniment plus fou que tout ce que nous pouvons
1952 rationnelles, infiniment plus fou que tout ce que nous pouvons imaginer de lui… Avant d’aller me coucher, je lui donne Le No
1953 tés. Le mariage, par exemple. Il me semble que je devrais d’abord aller demander à mon père son opinion, — son OK. Probablement
1954 nte ans, chez un artiste. C’est à ce moment qu’il doit se renouveler entièrement, ou se résigner à s’imiter lui-même. Vous a
1955 evenir son propre père ? 6 août 1945 Ce qui nous manque ici, c’est un jeu d’échecs. Celui dont Duchamp se sert pour se
1956 aillements », précise-t-il. Mais faute d’y jouer, nous en parlons. C’est d’ailleurs le mot de sa vie : échec de l’art, art d
1957 s par jour — son régime ordinaire — la plupart de nos aliments, surtout la viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’à
1958 viande, n’étant pas assimilés et ne servant qu’à nous bourrer l’estomac d’une sorte de caoutchouc. « Et tout ce temps qu’on
1959 e mouvement de retrait.) Le soir, faute d’échecs, nous essayons de créer quelques problèmes avec des Chinese Checkers trouvé
1960 se Checkers trouvés dans la bibliothèque, et cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier par un petit jeu de questions e
1961 ns la bibliothèque, et cela nous mène assez tard. Nous avons fini hier par un petit jeu de questions et réponses écrites sim
1962 dain : — La seule chose ennuyeuse, c’est que j’ai racheter ce chèque à mon dentiste, pour le faire figurer dans ma vali
1963 deurs s’épousent par infra-mince. » Voudriez-vous nous donner d’autres exemples ? — En effet, on ne peut guère en donner que
1964 xemples. C’est quelque chose qui échappe encore à nos définitions scientifiques. J’ai pris à dessein le mot mince qui est u
1965 ndre, ni vous goûter goûtant, et ainsi de suite ? Nous sommes en train de déjeuner sur la galerie, au-dessus de l’eau. Entre
1966 de la terre en est changée, mais combien de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite,
1967 de temps nous faudra-t-il pour le comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : n
1968 comprendre ? Si nous n’y arrivons pas très vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles
1969 rès vite, nous n’y arriverons sans doute jamais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative :
1970 amais : nous sauterons comme des imbéciles. Il ne nous reste qu’une alternative : le Monde uni ou l’Autre monde. Le dire tou
1971 Commencer par raconter l’entrée de la Chose dans nos esprits. Ce sera le début de la première de mes Lettres. Hier, j’ai r
1972 st accouru sur la galerie, à la nouvelle, et j’ai raconter l’histoire comme si je revenais d’Hiroshima, comme si j’en é
1973 shima, comme si j’en étais responsable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’élucubration, plu
1974 sable. À minuit, nous en parlions encore. Le choc nous avait jetés dans l’élucubration, plutôt que dans la terreur ou la méd
1975 ante qu’affecte Sherlock Holmes devant Watson. Il nous donnait ainsi, d’un mot, la clef de ses mystérieuses disparitions dan
1976 magazine du genre Look. C… s’écria que l’idée que nous mourrons tous dans une grande explosion la hantait depuis son enfance
1977 La Mort lente), il avait disparu dans les bois et nous revint au bout d’une heure, pâle et défait, disant que sa vie n’avait
1978 lectuel dont il est la seule ceinture noire parmi nos artistes et penseurs. J’admire l’économie de ses moyens : un rien, un
1979 12 août 1945 C’était l’heure du cocktail sur notre grande galerie, par une fin d’après-midi dorée. Le lac n’avait jamais
1980 rée. Le lac n’avait jamais été plus pur et calme. Nous parlions peu et nous étions heureux. À sept heures une sourde explosi
1981 amais été plus pur et calme. Nous parlions peu et nous étions heureux. À sept heures une sourde explosion s’est longuement r
1982 pleurait. Et le jeune capitaine parachutiste qui devait repartir pour l’attaque du Japon : « Je vivrai donc !… » Les autres s
1983 Mon appartement ayant été vendu pendant l’été, je dois le quitter dans quelques jours. Il n’y a rien à louer dans toute la v
1984 e.) Les boîtes à lettres portent des noms en cek, nous sommes dans le quartier slovaque. Je gravis l’escalier jusqu’au trois
1985 lle me saisit le bras : — Ah vous ! Je reviens de notre capitale, j’avais des choses très importantes à demander à notre Gran
1986 j’avais des choses très importantes à demander à notre Grand Patron100 qui m’avait invitée à dîner, mais croirez-vous que de
1987 n… — Pourquoi jeune ? Elle a dit son âge ? — Oh ! nous savons, nous avons l’habitude. Le 4, un jeune homme qui arrivait de C
1988 jeune ? Elle a dit son âge ? — Oh ! nous savons, nous avons l’habitude. Le 4, un jeune homme qui arrivait de Chicago. C’est
1989 git d’une ivrogne ou d’une évangéliste qui maudit nos vices… 15 décembre 1945 Saison de Noël à New York. — Le 1er dé
1990 nt officiellement le Yuletide, la saison de Noël. Nous sommes le 15 et les rayons de jouets sont déjà presque vides. Depuis
1991 istoire de l’hôtel — à partir de $ 20 la place ». Nous fûmes hier chez Schwartz, grand magasin de jouets de la Cinquième Ave
1992 puis ses yeux s’écarquillèrent largement : devant nous venait d’apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de
1993 , dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrub
1994 d meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Tammany reviendra au pouvoir.
1995 l », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love i
1996 e, et de l’antiaméricanisme de l’Europe, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart
1997 reportages sur l’Amérique que publient en Europe nos journalistes me paraissent arbitraires et contestables, même s’ils so
1998 geste intime ou d’un visage aimé. Prenons-en donc notre parti. Sauf si l’on se borne à la géographie, ces entités ne souffren
35 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Journal d’un retour
1999 me contenter de répondre : c’est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après to
2000 les termes où l’on me dit qu’elle est posée dans nos pays : Faut-il partir ? (Peut-on partir est une tout autre affaire.)
2001 semaines encore, du côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’
2002 remment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter :
2003 me. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une te
2004 au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par
2005 ples : on verrait vite que c’est un faux dilemme. Nous allons en dix heures de Lisbonne à New York au Pacifique. Un très lon
2006 ork au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour de
2007 point de départ, après un petit tour de planète. Nous changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a don
2008 vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous , c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité
2009 on des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons.
2010 et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on l
2011 nts. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre époque pourrait enfin s’enorgueillir. Ils représentent dans l’esprit
2012 la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons- nous comme des moutons, sans qu’une seule voix proteste ? Février 1946
2013 rridors et dans le vestibule qui sent le fruit de notre ancienne maison de campagne, et mon pied reconnaît cette brique, près
2014 si matinal dans une grande ville de l’Europe. Je dois me tromper. Je verrai cela demain… Ces deux types vont rester ici. Le
2015 ’était déjà presque l’été. Cinq heures plus tard, nous avons rejoint l’hiver, un ouragan de neige horizontale sur le désert
2016 le désert des forêts canadiennes aux lacs gelés. Nous dûmes passer toute une nuit dans les lugubres baraquements de la base
2017 ésert des forêts canadiennes aux lacs gelés. Nous dûmes passer toute une nuit dans les lugubres baraquements de la base de Ga
2018 base de Gander, à Terre-Neuve. Une aurore boréale nous avait arrêtés, non point que sa beauté nous eût cloués sur place, mai
2019 réale nous avait arrêtés, non point que sa beauté nous eût cloués sur place, mais parce qu’elle provoquait des tempêtes magn
2020 ement dénouée dans les hauteurs du ciel arctique, nous montâmes en spirale à 5000 mètres, au-dessus d’une mer morte de glace
2021 on s’élance pour franchir l’Océan d’un seul bond. Nous volons à tire-d’aile vers l’Irlande ». Mais ce cliché et ces jolies s
2022 d de l’avion, attendre que la boule au-dessous de nous ait tourné jusqu’au point désiré, pour y descendre et s’y poser. Rien
2023 t qui en est à la troisième journée du trajet que nous ferons à rebours en trois heures. Nous sommes partis tout au début de
2024 trajet que nous ferons à rebours en trois heures. Nous sommes partis tout au début de la matinée. Voici déjà l’après-midi, v
2025 matinée. Voici déjà l’après-midi, voici le soir, nous volons contre le soleil et le temps coule deux fois plus vite. La str
2026 feu sur l’horizon follement lointain, tandis que nous survolons des profondeurs multipliées, cavernes d’ombre et gonflement
2027 ux approches de l’Irlande vient la nuit. Derrière nous , tout est flamme et or. Mais un toit d’ombre épaisse descend obliquem
2028 bliquement, rejoint la mer, ferme le monde devant nous . En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses.
2029 mer, ferme le monde devant nous. En deux minutes nous sommes passés de la gloire aux ténèbres denses. Il n’y a plus, tout p
2030 aux ténèbres denses. Il n’y a plus, tout près sur nos têtes, que les lampes en veilleuses, et le ronron assourdi des moteur
2031 nent. 2 avril 1946 Les oiseaux de Paris. —  Nous roulons dans un petit autobus, du terrain d’Orly vers Paris. Sept ans
2032 epuis que je l’ai quitté… Par quelle porte allons- nous entrer ? Je ne puis pas distinguer les noms des rues sur ces maisons
2033 quand je me croyais encore dans la banlieue… Déjà nous descendons une rue déserte et provinciale. C’était cela, le boulevard
2034 vard Saint-Michel ? Mais sur les quais, où le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans quel silence
2035 uel silence, à quatre heures du matin. Trouverons- nous quelques chambres pour le reste de la nuit ? Deux jeunes Américains d
2036 is pas à Paris. Et c’est bien un de ces tours que nous jouent les cauchemars, de rapetisser méchamment tous les êtres, d’eff
2037 . L’Europe ancienne s’est rétrécie à la mesure de nos frontières. En une semaine, aux deux bouts de mon voyage, je viens de
2038 iels, ne se risquait à prononcer :   « Messieurs, nous voici réunis pour célébrer une défaite victorieuse. On a parlé de fun
2039 attendant une vraie Ligue des Peuples, préparons- nous à de nombreux voyages. La SDN ressemble à l’ONU comme le négatif d’un
2040 tif d’un cliché au positif que l’on va proposer à notre admiration. Elle tient ses dernières assises dans le pays qui lui off
2041 cène ne sont pas représentés dans cette enceinte. Nous laissons à la Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous
2042 Suisse minuscule un gigantesque palais vide, pour nous ruer vers la grande Amérique où l’on ne trouve pas une chambre à loue
2043 doxe de la crise des logements ! Mais qu’importe. Notre idée se “développe” comme on le dit en photographie. Nous partons pou
2044 e se “développe” comme on le dit en photographie. Nous partons pour une Ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse, nous nou
2045 r une Ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui ét
2046 Ligue meilleure. Et plus heureux que Moïse, nous nous sentons certains d’entrer dans l’ère de la Terre unifiée, qui était l
2047 ns l’ère de la Terre unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, messieurs, vraiment — il ne s’en fa
2048 unifiée, qui était le but de nos travaux diserts. Nous y touchons, messieurs, vraiment — il ne s’en faut que d’un atome… »
36 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le mauvais temps qui vient
2049 dans ma vie, sinon dans l’histoire du monde ; car nous sommes loin d’avoir quitté la guerre. « Journal d’un habitant de la p
2050 u sien : car le même sort paradoxal a décrété que nous fussions au centre du conflit tout en restant en marge des batailles.
2051 de se préparer pour la suite, pour l’heure où ils devront « donner ». Le premier devoir d’une réserve est de maintenir ses forc
2052 our l’heure où ils devront « donner ». Le premier devoir d’une réserve est de maintenir ses forces intactes et alertées. Intac
2053 aintenir ses forces intactes et alertées. Intacts nous le sommes, relativement. Alertés, je n’en suis pas sûr. L’ennui, avec
2054 pparences, les subsistances de l’ordre masquent à nos vues immédiates toute l’ampleur de la catastrophe. Il y a des trains
2055 es et des paroles tenues, la poste fonctionne, on nous promet un peu plus de charbon pour cet hiver ; des millions de femmes
2056 fois… La couche est mince et partout déchirée qui nous sépare du désordre profond. Mais ce n’est pas en Suisse qu’on voit ce