1 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Préface
1 ste bel et bien, mais en moi et dans cette mesure je serais sans elle différent ou tout autre : si elle m’a fait, je le
2 uples dialectiques traduisent dans l’œuvre unique ils se rendent indivisibles — et c’est créer — le drame entre le pein
3 urnit le sujet, l’échange s’atteste en un tableau l’on peut voir soit l’affrontement équilibré d’une action et d’une ré
4 omme dans ces mosaïques faites de petits losanges des cubes apparaissent en relief ou en creux — selon que c’est l’envi
5 ndre se tenir longtemps au point d’équilibre doré ces mouvements deviennent indiscernables, comme un vol qui s’immobili
6 de ce temps. Ici s’ouvre une « époque » nouvelle, les doctrines élaborées sans bruit pendant la précédente décennie cat
7 une suite à ce recueil, jusqu’à rejoindre l’étape je me suis arrêté le temps d’écrire ces quelques pages. à Ferney, le
2 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — I. Le sentiment de l’Europe centrale
8 tellectuelles, sur une petite superficie minérale la vie se décompose avec virulence. Mais Stuttgart, plus moderne, pla
9 en arguments sanglants. Et s’il est des domaines de nos jours, l’on peut réclamer à bon droit l’économie de nuances va
10 rdre imposé. Passant à la limite du sentiment, là il prend une valeur d’acte ou de jugement, l’on peut symboliser l’opp
11 latine. Elle tourne en sentiments dans la mesure elle refuse de s’accomplir pleinement. L’Italien fait l’amour et n’ép
12 s. Derniers refuges, vastes auberges de la Souabe l’on chantait des chœurs de Schubert après boire — et les hommes parl
13 e souvenir d’un soir d’adolescence sur la prairie des filles s’éloignent en chantant. Voici la nuit du souvenir, brève
14 et souvenirs de nos enfances. Ce soir des Signes des renards sortirent à la lisière de la forêt, des renards qu’on n’a
15 entrerons dans cette joie sauvage du Grand Jour, nous irons avec ce qu’il restera de bonté dans notre cœur, plus inuti
3 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — II. Châteaux en Prusse
16 chauffeur immobile guette les ornières profondes les roues s’enfoncent parfois avec un cahot mou. Le silence grandit ;
17 t que du lait ». Et nous servent du thé bouillant nagent des morceaux de glace. À ces détails près, le même train de vi
18 un organe de l’autonomie qui ne trouve nulle part s’exercer : d’où les conflits purement « moraux » qui nous empêtrent,
19 tonomie qui ne trouve nulle part où s’exercer : d’ les conflits purement « moraux » qui nous empêtrent, jusqu’au-delà de
4 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — III. Une « tasse de thé » au palais c…
20 lique. Hofmannsthal. Un aquarium de lumière rose nagent des phoques à ventre blanc qui sont des ministres, des sirènes
21 collections de vieux Venise, jusqu’au petit salon il y a deux Bellini. Et que dire des portraits, des valets immobiles,
22 drait aller au bar installé dans une petite salle trépigne un orchestre russe, et y boire des liqueurs transfigurantes,
23 ’aventure. Bientôt je parviens à un immense salon beaucoup de gens debout, silencieux, regardent quelque chose qui se p
24 auss a levé la tête, il reçoit sur son bon visage cette rosée divine fait perler une larme, la bénédiction de sa musiqu
25 nnent. Tombé de mon silence parmi les bavardages, irai-je avec peut-être un air de dégoût, par mégarde… On se presse au
26 nent à vivre, dangereusement. Ô fête d’une époque tout ce qui vaut qu’on l’aime oscille entre l’ivresse et la neurasthé
27 reflets sur le parquet, venir par une salle vide pénètre le ciel pâli. Transparents sous les lumières qui déjà retiren
28 peu de nuage flotte sur le bassin, grand œil vide paraît le vertige. Voici que cèdent les amarres des pelouses, tout le
29 ait. Alors je me tourne vers ce visage très blanc les yeux d’un bleu nocturne se refusent… Quelle tendresse, auprès de
30 oisse plus bouleversante que l’amour, à la minute l’on voit de très près, entre la nuit qui s’évapore et l’aube encore
31 pore et l’aube encore vacillante, le vide absurde s’en vont nos plaisirs et d’où remonte notre peine. Ah ! surprendre s
32 e, le vide absurde où s’en vont nos plaisirs et d’ remonte notre peine. Ah ! surprendre sur un visage décontenancé, et j
5 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — IV. Voyage en Hongrie
33 Albert Gyergyai Le dormeur au fil de l’eau s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait
34 on visage gris ; leurs yeux stupides me demandent je n’ai pas dormi. Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages,
35 province, dans les combles d’un château prussien tissaient d’incroyables araignées, partout où le désordre naturel des
36 ien où tissaient d’incroyables araignées, partout le désordre naturel des choses pouvait offrir asile à l’objet inconnu
37 passe ensuite à une seconde terrasse plus vaste, il y a quelques arbres devant une sorte de tour peu élevée, à demi re
38 teilles sont placées au hasard dans l’espace vide tourne la fumée des cigares. Assis sur la banquette, quelques bougres
39 les ai rêvées sur un divan, à cause d’un coussin s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en soie blanche su
40 de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergom, il passe ses étés. Esztergom est la plus vieille capitale de la Hongr
41 chambres boisées entourées d’une large galerie d’ l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite ville
42 oppose au ciel qui retire ses lueurs. Ciel blanc, très peu d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysa
43 serve de tout amour pour quelque bien particulier je serais tenté de me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — 
44 choir enfin dans une vaste culbute sur les divans l’ivresse les lâche, affalés, tandis que les danseuses secouent leurs
45 vauchées sous le soleil, des campements nocturnes le souvenir des pays désertés enfièvre encore un désir de perdition i
46 c lui vers le désert et ses mirages. On ne sait d’ tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu,
47 ses mirages. On ne sait d’où tu viens, tu ne sais tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu, — mais c’est toi, c’est
48 ls l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé par le vent
49 venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’importe … évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me heurte, comme révei
50 comme réveillé dans l’absurdité d’être n’importe . Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où vas-tu, les
51 panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. vas-tu, les mains vides, faiblement ? Ah ! toutes les actions précise
52 ce qui t’appelle là-bas, maintenant, maintenant, tu n’es pas — et tant d’amour perdu… Un train dormait devant la gare
53 traper, comme un pan de la nuit fuyante, un songe j’ai dû voir l’objet pour la première fois — ou bien était-ce un être
54 n de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais cela mène, c’est une aventure qui relève de la métaphysique plus que
55 e m’a donné ? Cette notion plus vive d’un univers la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su
56 oule, de la solitude, de l’extase. 7. Expression va se réfugier le dernier vestige de la sensualité des érudits. 8. L
6 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — V. Le balcon sur l’eau
57 t reçue quelque part en nous-mêmes, dans la brume nous sommes perdus avec ce clapotis d’une eau étrangement vivante et
58 et rien que nos yeux qui brillent dans l’étendue nos deux formes confondent leur ombre et leur songe… Odeur de l’eau,
7 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — VI. La tour de Hölderlin
59 ête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du
60 flammes. Dix années dans le Grand Jeu. Dix années le génie tourmente cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’é
61 s une sérénité presque effrayante. Vient le temps le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette en
62 sagesse. Mais le feu s’éteint — l’esprit souffle il veut. Juin 1802 : au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loi
63 erture. Il y a là une station de canots de louage j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion
64 uis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotan
65 es dieux le vouent au malheur. » Ô cette chambre, pénètre la facilité atroce de la fin d’un après-midi, ces musiquettes
66 e petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cel
67 Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderode. 11. il était précepteur. Mme Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des
8 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Le paysan du Danube — VII. Petit journal de Souabe
68  quelques lumières au milieu d’une étroite vallée le train longtemps côtoya une rivière, des forêts. Les rues sont vide
69 s. Les rues sont vides jusqu’au cœur de la ville, l’attend une ample demeure. Et maintenant le chien s’est tu ; des pas
70 présences et d’absences, — la chambre principale une lampe arrose la pesante nappe aux dessins brodés, des verres, des
71 es et des pipes de méditation, — des pièces vides la Lune avance comme un chat sur le lit conjugal, un salon glacé dont
72 amais ne s’y pose, et tous ces corridors si hauts l’on devine à tâtons des armoires monumentales. Dans une chambre froi
73 eau rococo et ce lit énorme aux édredons rebondis l’on s’enfouit comme s’il était le sommeil même. Le bruit de la rivi
74 n me paraissent peu nombreux, mais sait-on bien d’ il peut en sortir encore — sans compter les fantômes, probables ? Le
75 ais —, et je le verrai bien, assure-t-il, le jour il me confiera quelques fragments du « livre de sa vie », dont il com
76 eurs aux abris, près d’une de ces maisons isolées je ne t’amènerai jamais, à cette heure qui serait celle de rentrer ch
77 oisissant parfois pour y sommeiller une lisière d’ l’on voit de lointains horizons, puis de nouveau m’enfonçant au hasar
78 phrases, tout en allant comme en rêve sur l’herbe s’étouffait tout bruit. « Ô crépuscule adolescent, disais-je, chasseu
79 vagation. Les lisières sont des lieux de l’esprit circulent des bêtes nées du rêve. Et l’Archer vierge y court en vain
80 ’étale ma couverture, et mes papiers sur la table s’aventurent des cloportes. Je bourre une pipe. Et alors je ris, je r
81 ces formes et ces voies qui sont celles mêmes par la pensée entre en contact avec tout le mobile et l’ineffable du mond
82 de la signification. (L’état de l’âme et du corps tout nous apparaît en relations concrètes.) 31 mai 1929 Personn
83 lle au collier de perles bleues. Après la partie, l’on s’est renvoyé autant de regards que de balles : — « Je vous ai b
84 ignore d’un être, dans le domaine sans frontières l’on connaît profondément. Par les yeux d’une femme étrangère, mes ye
85 nt à l’enveloppe jaune, elle contenait un journal l’on revient sur mon pamphlet de l’hiver dernier14. Lorsque j’ai vu c
86 le jeu, il provoque des lenteurs et des retards d’ naissent le désir et la conscience. De là des pertes de temps ; mais
87 t. Et de la sorte, une ère de vitesse est une ère la matière l’emporte. Provisoirement ; car il se produit ceci d’étran
88 y en aura une douzaine encore jusqu’à Stuttgart, l’on doit arriver vers huit heures. J’ai d’abord essayé de me confine
89 que nulle part. Me voici tout environné de ville. trouver ici la lenteur des choses ? Où le désir peut-il errer, se ret
90 de ville. Où trouver ici la lenteur des choses ? le désir peut-il errer, se retournant souvent vers son passé, méditan
91 ubli jusqu’à ce qu’un souvenir bouge et s’émeuve… se perdre ? Où porter un regard amoureux du mystère, dans la puissant
92 qu’un souvenir bouge et s’émeuve… Où se perdre ? porter un regard amoureux du mystère, dans la puissante circonspectio
93 quittées pour cette ville à présent sans relâche, les orages n’ont pas d’odeur, terrains morts où l’on n’a plus peur d’
94 , où les orages n’ont pas d’odeur, terrains morts l’on n’a plus peur d’un arbre immense, ni des femmes, mais de soi-mêm
9 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Sur l’automne 1932, ou la naissance du personnalisme
95 usique interrompue. Je ne vois cela que les jours je suis malade, angine ou grippe, et la gentille redoutable concierge
96 ns. Je voulais aller vivre, agir, écrire, au lieu se déroulait l’Aventure de l’esprit : ce ne pouvait être alors, et po
97 abes, — les voies que j’avais suivies sans savoir j’allais ne m’avaient pas conduit seulement du rêve romantique et pas
98 ntemps dans un hôtel minable, près de l’Odéon — d’ parfois je sortais la nuit en habit et chapeau claque pour aller à qu
99 elle, la seconde actuelle. Je rentre de Francfort nous avons tenu un congrès des jeunesses européennes. J’y suis allé a
100 récarité de l’époque « tardive » et « décadente » nous vivions. J’écrivais sur ma table improvisée (un rayon de placard
101 e nous porte en des régions nouvelles de l’esprit l’action redevient notre seul critère de cohérence… C’est dire que no
102 s d’un match sont sportifs. Seul, le petit bureau Jean Paulhan dirigeait et faisait la NRF constituait un lieu propic
103 ton violent qui paraissaient dans la revue Plans, il m’introduisit bientôt. C’est par lui que j’ai connu — ou reconnu —
104 es noms, mais la consternante misère d’une époque tout ce qu’un homme peut aimer et vouloir se trouve coupé de son orig
105 e la solidarité du péril. Et les problèmes exquis s’attardent encore ceux que je décrirai comme les Prêtres de l’Insolu
106 par cette mort. La neurasthénie broie les villes, nous sommes peut-être seuls à connaître la force et la présence. Nous
107 éditions viennent de se transporter rue du Four, elles ont ouvert une très spacieuse et très moderne librairie. Le com
108 bilité matérielle : finances à trouver je ne sais , administration, qui se fera chez moi rue Saint-Placide, mise en page
109 collaborer dès le premier numéro aux trois revues ils s’exprimaient, je ne retrouve dans mes souvenirs nulle trace d’en
110 0 ». Dans cette cacophonie de refus de la société nous vivions (l’hitlérisme montant et la guerre jetaient déjà leurs o
111 ollectivistes et des patries personnalistes. Mais sont les motifs de notre choix ? J’en indiquerai trois : 1° La seule
112 atérialisme décrit un monde tel qu’on ne voit pas l’acte peut s’y insérer. Comment croire que l’esprit puisse agir sur
113 d’ouvriers sur une population de 160 millions, et la bourgeoisie existe à peine en tant que classe, d’ailleurs brimée.
114 me a-t-il en France la moindre chance de succès ? est sa tradition vivante en ce pays ? La violence des communistes fra
115 dans la critique de ce désordre jusqu’à ce point le marxisme, révélant sa vraie nature, apparaît comme un cas privilég
116 au bout le courage. Je parle de la foi chrétienne je veux être, de ce suprême « choix » qui ne vient pas de moi, mais q
117 s. ⁂ Je retrouve une page datée de février 1933, je notais les réactions à ce Cahier d’une vingtaine de mes aînés. Cho
118 ais ce que je lui répondis alors, et l’on va lire je me trouvais un an plus tard, mais après un bon tiers de siècle, je
119 qui publiait alors les Recherches philosophiques, notre texte parut. Ma « Définition de la Personne », écrite à cette é
120 du vrai conflit nécessité-liberté dans la mesure elle existe en soi et dans sa durée propre, comme un troisième terme,
10 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Préambule
121 in et militaire, sous un ciel bas couleur d’acier rien ne bougeait, et voilà tout d’un coup cet orage de novembre qui c
122 e, puis s’apaise non moins subitement à l’instant nous touchons l’île. La colère du détroit nous a salués ! J’accepte c
123 g d’un appontement interminable jusqu’à l’autocar notre petit groupe de voyageurs transis s’installe rapidement. Après
124 ux maisons basses, des champs pauvres, des landes le soleil qui reparaît fait briller des pyramides de sel. Au loin, pa
125 oucement. Nous voyons de loin sa façade blanchie, les volets d’un bleu pâle semblent peints à l’aquarelle. C’est une ma
126 pourquoi nous venions dans cette île à la saison il convient plutôt de la quitter quand on le peut. Si, par cette aube
127 et des concierges, des Lieux-sombres-et-populeux il faut pénétrer l’âme basse et la petite enveloppe à la main. Tant d
11 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Première partie. N’habitez pas les villes !
128 ses deux tilleuls, la margelle du puits à gauche, repose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les
129 es de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, l’on parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine,
130 ateau à vapeur de Sadi Carnot — monument au point il toucha terre en 1892 — en passant par les drakkars norvégiens, les
131 mencer par l’épicière, quand on aborde le village l’on va vivre. Celle-ci est énorme et goutteuse. Elle a des douleurs
132 vie dans les conditions somme toute artificielles mon chômage m’a placé, m’obligeant à me poser ici, dans un milieu qui
133 11 décembre 1933 À la cuisine. — Les jours il n’est plus possible de se chauffer dans la grande pièce, je vais t
134 écembre 1933 Derrière la même pile d’assiettes je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de
135 aussi de ces pages du Journal de voyage en Italie , par exemple, il rapporte à Mme de Stein comment les habitants de Fer
136 il faut avant tout se préoccuper de le prendre là il est, et commencer là. Voilà le secret de tout secours… Pour aider
137 te vieille ville, la plus proche de notre île, et nous devons encore passer deux heures en attendant le départ de l’aut
138 mais qu’elle est morte. L’autobus brinquebalant, nous étions seuls au départ, rappelait les plus inconfortables légend
139 art, rappelait les plus inconfortables légendes : allait nous conduire ce personnage muet, enfermé dans la cabine du pe
140 morquait ? Non, le voyage des contes et des rêves l’on passe toutes les gares sans s’arrêter, dans une course angoissan
141 êmes préoccupations. Ce n’était pas cette vacance les idées et sentiments changent de climat. Le loisir n’est pas simpl
142 d’esprit, quand je suis dans une ville étrangère, rien ne m’appelle ni ne me parle, où je me sens perdre jusqu’à mes at
143 e étrangère, où rien ne m’appelle ni ne me parle, je me sens perdre jusqu’à mes attaches avec moi-même, à force d’inact
144 oir réfléchir, se poser des problèmes et créer. D’ résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique con
145 notes de Royan. Il me semble déjà que l’ambiance j’étais en les écrivant m’a fait exagérer l’importance de l’élément d
146 ucun doute et aucune angoisse ne trouvaient place se glisser entre mon jugement et ma vie. (Fausse reconnaissance, dira
147 plus ou moins fiévreusement d’autres projets…? D’ vient cette persuasion que tout est bien, si profonde que je me l’avo
148 i des mots qui la traduisent et la trahissent ? D’ vient cette espèce d’optimisme que rien ne paraît motiver aux yeux d’
149 que l’homme s’endort à imaginer un ordre du monde sa place serait réservée, alors qu’il s’agirait au contraire de créer
150 nt d’atteindre rien de sérieux dans le désordre. “ fuirai-je devant ta face ?” Cette parole peut être dite en vérité, ic
151 e. Deux mots me frappent dans l’édition allemande je poursuis la lecture de ce journal : Einsamkeit (solitude), et Gott
152 qui recherchent la « considération du peuple ». D’ le ton haineux, typiquement petit-bourgeois, de certaines de ces feui
153 Voilà qui est bien dans l’harmonie de cette lande l’homme et ses maisons mettent les seules verticales. Existence ramen
154 obstination de l’instinct, au niveau le plus bas l’homme puisse vivre sans misère, sans ambitions, sans rêves, sans tr
155 ourt bâton. C’est donc la jambe qui ne va plus. D’ cela vient-il ? « C’est depuis qu’ils m’ont pris la chèvre. Ça m’a fa
156 voit entraîné hors de sa ligne dans des conflits sa personne n’est pas totalement engagée, parce qu’elle ne les a pas
157 n pour vivre ici pendant un mois ; le nom du mois je ne recevrai rien restant indéterminé, et dépendant du seul caprice
158 tait que tortillards cahotants, jamais à l’heure, l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’o
159 de nous faire part de vos lumières, et sans vous, irions-nous donc, nous qui ne croyons plus aux curés ! — Comptez, Mon
160 tous les villages voisins. Du haut de la colline nous étions tous réunis pour déjeuner, on dominait tout un canton de
161 res ni haies, sans chemins creux et sans secrets, les hommes vivent sans calcul ni prudence, dans la misère et dans la
162 n de nouveau. De très gros œufs, me semble-t-il. ( va se loger la vanité !) — Le père Renaud était là tout à l’heure pou
163 es, je fumais des jaunes comme celles-là, le jour l’État les a augmentées de deux sous parce qu’il avait pris le monopo
164 la diversité désordonnée des êtres et des choses, nous vivons ? « Je pense, donc j’en suis. » Et je ne suis guère, si j
165 s à hauteur d’homme. Et nous voyons un monde neuf la pensée avait perdu, depuis un siècle, la coutume de chercher ses r
166 est bon de reprendre aujourd’hui son problème, là il l’a porté, et dans ses termes. ⁂ La pensée doit conduire l’action 
167 Il n’y trouve pas de quoi durer, ni rien de ferme poser le pied. Il se donne tort, et non au monde. Tout le problème de
168 miner dans l’espace d’une seule vie ce romantisme trois générations vont se débattre et s’épuiser. Goethe sera l’homme
169 r l’exemple d’un individu qui a su tirer du monde il est né les nourritures les plus richement assimilables. Il choisit
170 d’autres buts, l’invite à s’abaisser à un niveau l’art ancien perd ses prestiges, où l’esprit se découvre d’autres tâc
171 r à un niveau où l’art ancien perd ses prestiges, l’esprit se découvre d’autres tâches. Goethe encore doit choisir ses
172 re de ses pensées dans un certain ordre « élevé » certaines harmonies sont possibles et par avance élaborées : antiquit
173 il nous faudrait clarifier et « reprendre ». Mais le prendre sinon au plus près, et tout d’abord dans nos contacts huma
174 moins calculé le mode et le lieu des contacts. D’ je vois naître une littérature de circonstances, et de circonstances
175 chantes que cette découverte du monde à un niveau elle n’est pas connue, où elle n’a pas encore posé de repères, de rel
176 te du monde à un niveau où elle n’est pas connue, elle n’a pas encore posé de repères, de relais, de miroirs, de faux-s
177 le serre entre ses pattes un œuf à demi ouvert, d’ sort un long cou maigre, tout humide. Un poulet gris, déjà séché, pal
178 ente ardente » des créatures, songeant au passage l’Apôtre nous fait entendre ce soupir de toute la création vers la ré
179 te. Je travaille dans la grande pièce de l’étage, j’ai transporté ma table à tréteaux. Un de mes rêves s’est ainsi réal
180 ièce vide, aux murs nus et aux fenêtres ouvertes, passent le vent, une hirondelle, les bruits des champs. 10 juin 19
181 r y négocier mon chèque. J’arrive devant la porte il est écrit : Caisse. Je frappe et entre. Un homme penché vers le gu
182 tre utile de montrer qu’on peut sortir des villes se font les « carrières » sans sortir de la vie véritable ; et qu’on
183 marque le seuil de la maturité : c’est le moment l’on découvre que le monde ne comporte pas d’autres réponses que cell
184 la fameuse planche de radis fraîchement semée, d’ si souvent je les avais chassés dans un grand tourbillon d’indignatio
185 r de leurs pattes, le bec en l’air, sans regarder ils creusent ! Quel gaspillage dans les gestes instinctifs, — car ils
12 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Deuxième partie. Pauvre province
186 ert sombre sur les premières pentes des Cévennes, commencent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entr
187 on revêtus. Il y a trois pièces au premier étage, l’on entre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande r
188 s fenêtres. Un voile vert clôt la porte d’entrée, l’on accède par quelques marches et un balcon de pierre. L’on descend
189 u plafond et sur les murs verdâtres de la chambre j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé : « Décrivez
190 ses de paille trouvées dans un coin de la remise, les chaises brodées, les guéridons et le dessus de cheminée — vingt-d
191 és périodiquement par la faillite des entreprises elle travaille, ou par quelque décret d’État. Je vois le chômage s’ét
192 une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, nous pourrons acheter une provision d’« œillades ». C’est leur gros r
193 faut attendre sa fille qui va rentrer des champs, elle travaille jusqu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine d
194 gardien de but dans une équipe de football. Mais diable a-t-il ramassé cette platitude du mépris de l’intellectualisme
195 ux plus raffinées, ni la nécessité d’agir partout on le peut, mon cas devient très clair : je ne suis qu’un barbare, in
196 e je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises nostalgies 
197 r. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici je suis sans prochain à cette heure où mes frères (?) les hommes sont
198 ctif ? Ici où je suis sans prochain à cette heure mes frères (?) les hommes sont plus éloignés que jamais ? « La nuit e
199 u est rouge, mais la porte donne au nord-ouest, d’ vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas dep
200 « pratiques » comme on dit dans la bourgeoisie —  l’on s’imagine bien à tort que les gens du peuple sont spécialement a
201 à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’ vint autrefois le mûrier. Question : que reste-t-il pour entreprendre
202 ressemble à ce que c’est, un instrument utile. D’ ces feuilles de vigne en relief, et toutes ces rainures, volutes, cor
203 ntraîne la moindre efficacité ; et l’inverse. Par l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle », c’est « le publ
204 r la place de mon village. « Je vous dépose ici ? voulez-vous ? Tenez, on va s’arrêter devant la pissotière, ha ! ha !
205 assique ». Écrivains inutilisables dans la mesure ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté
206 Sa paroisse comprend les villages de N… et de V… il habite. V…, c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couronnant
207 sommes installés au presbytère sur une galerie d’ l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds, d
208 au nord jusqu’à l’horizon des collines vers Uzès, quelques ruines de castels et quelques cheminées d’usines grattent le
209 ès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’ viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en tout cas —, ce s
210 de leur côté, en gros, dans les questions locales il faut prendre position. Quant à la doctrine, c’est difficile de dis
211 écembre 1934 « Ô pays sans musique ! ô peuple, est ton chant ? » À peine un aigre sifflotis d’« air de Paname » dans
212 ide et conventionnelle. Quand je vois cette place des retraités tirent leurs savates, quand j’écoute ce qui se dit chez
213 ompagnement profond. Dès qu’on a perçu ce silence plus rien ne palpite et n’attend, le pittoresque du décor devient un
214 ces querelles d’argent. — Et puis, au moment même je touche le fond, voici que je me dis : cela est bon. Il est bon de
215 la « culture ». Il m’apparaît que c’est le monde les problèmes dépendent surtout des termes dans lesquels on les pose.
216 » Arriérés, illettrés. Je n’en suis plus au temps j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance » plus sentimentaux d’a
217 oterie, dans les tombolas des sociétés, n’importe , elle est sûre de gagner quelque chose à tous les coups. » Voilà ce q
218 ut entendre dans toutes les épiceries de province se rencontrent les femmes de la nation la plus raisonnable du monde.
219 à la Science, mère du Progrès, que dans la mesure cela lui permet de ne pas aller à l’église. Pour le reste, il demeure
220 m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel
221 lasse, un être à part, auquel on ne croit pas. (D’ sans doute l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’argen
222 orps social.) Nous sommes méprisés dans la mesure nous sommes intellectuels, et acceptés — ou utilisés — dans la mesure
223 tuels, et acceptés — ou utilisés — dans la mesure nous réussissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défens
224 urieux de notre esprit critique. Il y a des jours tout, oui vraiment tout, les rues, les gens, les PTT, les magasins et
225 quelques coups de tête furtifs, et se détourne. D’ vient-il ? On m’a dit qu’il n’y a pas de pigeons par ici. Que vient-i
226 tous les autres… Et ce n’est guère qu’à l’instant l’on découvre que tous les autres en croient autant, que ces autres c
227 s par le désir, s’apaisent tout d’un coup le jour ils découvrent que leur état jugé par eux « exceptionnel » — et dont
228 Dans notre cas, l’État devient totalitaire. « Là l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. » Or l’Ét
229 rmal de ses croyances spontanées et immédiates. D’ l’empire monstrueux qu’elles prennent sur les esprits, et la réalité
230 lexe de castration » qui se noue au moment précis l’agressivité normale de la personne se retourne contre elle, au prof
231 fit des tyrannies impersonnelles. C’est l’instant l’homme dit : « Que voulez-vous que j’y fasse ? » ou encore : « Ils s
232 Une transparence vert-bleu sur des cailloux ronds le pied enfonce, entre deux rochers et le ciel. J’y reviens chaque an
233 e cherche, quand je vais parler dans ces cercles, l’on se trouve soi-même à portée de l’auditeur, où l’on se voit natur
234 ù l’on se trouve soi-même à portée de l’auditeur, l’on se voit naturellement contraint, ne fût-ce que par la proximité
235 ntissage de la pauvreté : devant la table sainte, tout ce qui te faisait riche t’empêche de recevoir les signes certain
236 ore translucides au-dessus du bassin bleu de ciel nagent d’énormes bottes de radis rouges. Tout a son éclat neuf, sa de
237 des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’ montent des vapeurs d’aube d’été. — Un vrai temps de Pâques ! me crie
238 rraient sauver sa région de la totale décrépitude l’ont laissée les radicaux et les créatures de Bouisson, dont mon alc
239 le truquage habituel des titres, une sauce aigre nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à dire, mais mal
240 son effort maladroit et réel. Mais dans la mesure je l’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Le problème des gen
241 rriver à ne s’en indigner plus que dans la mesure notre action réparatrice a besoin d’un élan passionné qui la soutienn
242 fut de tous temps sa vraie force. Il ne sait plus sont ses intérêts, à quel niveau il faudrait les défendre. « Aliéné »
243 calisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tent
244 , ne seraient-elles pas d’un usage plus normal là les hommes sont séparés par de grandes distances désertes ? C’est un
245 jamais ils en ont assez de se plaindre des villes ils s’incrustent — la province deviendra vivable. La révolution sera
246 bsurde. Il fait erreur. Nous sommes dans le Midi, un sentiment obscure de latinité a survécu. Et épices (d’où épicerie)
247 iment obscure de latinité a survécu. Et épices (d’ épicerie) et espèces (d’où spécialiste) sont le même mot. Tous deux r
248 survécu. Et épices (d’où épicerie) et espèces (d’ spécialiste) sont le même mot. Tous deux remontent à species (latin).
13 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Troisième partie. L’été parisien
249 talon trop court traverse sans assurance l’avenue cinglent violemment de belles autos. Un long bruit de ferraille sur l
250 distingue nos fenêtres obscures.) Ville aérienne, la hauteur des murs n’évoque plus les parois d’un puits sale, mais pl
251 d’un puits sale, mais plutôt une falaise élevée… donc ? Je me souviens de hauts rochers encore clairs dans un soir alp
252 e conventionnelle comme ses modèles à la distance elle les voit. Je crains qu’elle n’intéresse que les bourgeois, tandi
253 névralgique, l’inutilité de penser dans un monde l’on rit comme cela. 28 juillet 1935 Le prochain. — Dans la pr
14 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’un intellectuel en chômage — Intermède
254 rculer librement, passer le temps que je voudrais je voudrais, voir qui m’intéresserait, dire ce que je penserais ? — V
15 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — I. Journal (1935-1936)
255 pris contact avec le Séminaire de langues romanes je vais enseigner. (Le semestre s’ouvrira au début de novembre.) Dans
256  va pour les armements », c’est-à-dire on ne sait . Quoi qu’il en soit, j’ai déjà pu constater que l’État retient 7 % de
257 n considérable des hommes dans l’assemblée. (Mais sont les jeunes gens ?) Et le recueillement profond. Il m’a semblé au
258 ouveau a pris à tâche d’éduquer tout ce monde : d’ le didactisme pesant des innombrables discours politiques et des lead
259 t privé. Voilà la grande révolution, dans un pays la vie intérieure d’une part, et la séparation des classes de l’autre
260 conception du monde fondée sur la force du fait, sa pensée ne trouve plus de repères. Il est d’ailleurs injuste, ou in
261 fants ne sont jamais les premiers dans une classe se trouvent des juifs… Ou bien le ressentiment n’est pas le seul fai
262 e et pédagogie) avant d’entrer à l’Université : d’ plusieurs années creuses, au cours desquelles on compte sans doute qu
263 quelques passages : Il fut un temps en Allemagne l’on se croyait tout permis, et nous pensons avec un doux ricanement
264 un doux ricanement à cette époque wilhelminienne un « Akademiker » (étudiant de l’Université) planait à une hauteur in
265 auteur infinie au-dessus de l’ouvrier d’usine, et n’importe quelle ridicule tête vide toisait avec mépris ceux qui n’ap
266 é 55.   Un communiste. — Dans sa petite cuisine, nous sommes attablés, depuis deux heures il me raconte ses bagarres a
267 Français ! » Mais il n’a pas l’air de comprendre. est la gaffe ?   Parents et enfants. — Déjeuner chez un avocat. Mada
268 out cela doit entraîner de gros frais généraux, d’ les prix de détail fort élevés. Les étalages des boutiques d’alimenta
269 causes. Pourquoi se fait-on tuer ? Dans la mesure on l’accepte, c’est par une sorte d’acte de foi. Mais alors tout dépe
270 « O Heil’ge Nacht ! », ô sainte nuit d’intimité, de nouveau j’entends battre le cœur de mon ancienne « Germanie aimée 
271 connaît plus de contrat. Difficulté de prononcer est la plus grande injustice. Et au surplus, dans l’un et l’autre cas
272 ombattre votre conception du monde dans la mesure elle se veut héroïque, comme celle des jeunes Russes d’ailleurs. Je v
273 deviennent des luttes spirituelles, dans le sens Rimbaud a dit : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataill
274 ous au moins réserver un terrain concret, un pays ceux qui en auront envie pourront… comment dites-vous en français sic
275 sporter leur violence naturelle dans des domaines elle devient féconde. Lui. — Je vous souhaite bonne chance ! 25 j
276 C’était au terme d’un court séjour en cette ville je puis aujourd’hui, après quatre ans, constater sans plaisir que je
277 de bourgeois une tyrannie prétendue provisoire, d’ naîtra peut-être un homme neuf, un bonheur neuf, un orgueil mieux fon
278 tre vie dans une durée biographique et historique l’instant se relativise. Ainsi les décisions dernières perdent leur u
279 tent sont en fait ceux qui communient dans la foi vivait le Danois. Mais moi qui ne suis pas de ce pays, moi qui ne vis
280 oix est pour nous d’une valeur exemplaire : jusqu’ peut-on céder à ce César sans rien céder de ce qui est à Dieu ? Tragi
281 voici reportés au temps des Francs et Wisigoths, la dignité d’homme libre était attestée par le droit de porter une ar
282 raissaient, vues d’ici, décrire un monde factice, nul Allemand ne pouvait reconnaître ni ses souffrances secrètes ni so
283 t cet homme-là, comme l’autre, ne compte pas, car serait sinon sa puissance ?)   À force de vouloir « expliquer » le ré
284 est l’instinct sublimé de la masse, le bain tiède se dissout le moi jadis pécheur et responsable. Liquidons Dieu et gar
285 h arrive au camp. Il déclare que « le temps vient beaucoup de camarades du Parti seront désillusionnés, qui avaient cru
286 nois. Et maintenant, je le vois sortir de l’ombre il était assis au fond de la chaire, poser les deux mains sur l’appui
287 se universelle. Rien n’empêchera que dans ce lieu le néant de l’homme est déclaré, Dieu n’ait retrouvé des humains.
288 té. — Dans la nuit noire, sur une plaine inégale, le pied bute, nous suivons des foules silencieuses et hâtives, vers c
289 e bûcher, illuminant des faces rouges, immobiles. est la joie des feux de la Saint-Jean sautés avec des cris aigus ? (C
290 , pour le reconnaître ailleurs à sa naissance, là il peut nous concerner ; là où si peu que ce soit dépend de notre eff
291 à sa naissance, là où il peut nous concerner ; là si peu que ce soit dépend de notre effort, et de notre lucidité. Que
16 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — II. Conclusions
292 par un siècle d’individualisme. Dans une société tous les liens originels sont dissous ; où les religions n’apparaisse
293 ociété où tous les liens originels sont dissous ; les religions n’apparaissent plus au peuple et aux élites que sous l’
294 lites que sous l’aspect de survivances sociales ; les classes nées du développement économique définissent abstraitemen
295 nt en commun que l’argent ou le défaut d’argent ; les partis se multiplient et s’entredéchirent au hasard d’un jeu poli
296 chirent au hasard d’un jeu politique de surface ; les élites parlent un langage que les masses sont en mesure d’entendr
297 on pas de comprendre (et c’est souvent heureux) ; l’État devient le seul représentant du bien commun, mais ne se manife
298 par les feuilles d’impôt, l’armée et la police ; tout principe d’union sociale et spirituelle, toute commune mesure a
299 alle au cœur de chaque individu une angoisse, — d’ naît un appel. C’est à ce formidable appel des peuples vers un princi
17 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal d’Allemagne — III. Post-scriptum 1939, ou Conclusions à n’en plus finir
300 artifice d’une espèce d’objectivité anticipée : d’ cette « Page d’histoire » que je donnais comme extraite d’un manuel f
301 lui qui en avertit. Dans un monde comme le nôtre, si peu d’hommes connaissent leur vraie croyance et leurs vrais désirs
302 e mentalité totalitaire ? Le refus de discuter, d’ vient le terrorisme. La Terreur (jacobine, bolcheviste ou fasciste) a
303 . Ou bien ils se terrent dans le silence farouche mûrissent les révoltes, ou bien ils sont comme tous ceux qui ont tent
304 n claires dans le cerveau d’un paysan prussien. D’ les malentendus que l’on sait, et les « explications » un peu brutale
305  ; plus difficile de découvrir une voie meilleure l’on soit prêt à se risquer soi-même. ⁂ Quelle voie ? On m’a reproché
306 rvenait ainsi à la conscience de l’isolement réel sont les hommes contraints de vivre entassés et sans liens spirituels
307 leur pouvoir immédiat. Sur le plan international, l’opinion, de nos jours, joue un rôle décisif, la direction qu’il con
308 fédéralisme, on déclenche le reproche d’utopie. D’ vient cette résistance — au sens freudien — à la solution rationnelle
18 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Vers la guerre
309 textes primitifs de Tristan, dans la petite salle j’étais souvent seul de la bibliothèque Mazarine, je compris subiteme
310 dans la maison de mes parents, près de Neuchâtel, je garde dans une armoire, comme chaque soldat et officier suisse, me
311 a chose est là dès 1932 dans mon essai sur Goethe je constate qu’un « immense glissement de la réalité… nous porte en d
312 … nous porte en des régions nouvelles de l’esprit l’action redevient notre seul critère de cohérence… » Deux ans plus t
313 e, de Parti communiste ou de Ligues préfascistes, c’est en vain que l’on eût cherché le moindre souci d’invention de fo
314 scisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée d’ vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est la
19 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Avertissement
315 ne d’horizon dépend à chaque instant de l’endroit nous nous tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que no
20 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le bon vieux temps présent
316 s seront toujours perdus : ils naissent à l’heure on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart et Rilke, et
317 rt et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s’élever
318 e monde a glissé dans une ère étrange et brutale, ces formes de vie qui sont encore les nôtres ne peuvent plus apprivoi
319 s ne tuent pas la liberté dans les pays seulement elles sévissent, mais aussi bien chez les voisins qu’elles secouent d
320 elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux l’on circule avec aisance, gardant parfois l’arrière-conscience d’un
21 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Journal d’attente
321 ésir serait de me donner, à peu près dans le sens l’on dirait : on verra bien ce que cela donne à l’usage. C’est faute
322 fort créateur. J’imagine un recueil de Contredits je réfuterais mes précédents ouvrages… Penser avec les mains , par
323 ait pu s’opposer), ont déchu au-dessous du niveau la pensée est encore agissante. S’il y a divorce entre culture et mas
324 e ? Problème d’une portée générale, dans un monde s’installe peu à peu le régime de l’union sacrée et de la discipline
325 dans le drame et le bouleversement des habitudes l’énergie s’enlise. Ce besoin d’être provoqué pour montrer de quoi l’
326 poque. Imaginer là-dessus un livre vrai, un livre tout serait avoué, horreur et charme, à travers la vision d’un saint
327 tros. Je le vois sortant de cette église ouverte, passe le bruit des autobus ; ou de ce temple de Passy, un samedi soir
328 tobus ; ou de ce temple de Passy, un samedi soir, la Sainte-Cène est partagée dans un silence de catacombes. Centres du
329 a guerre, parce qu’on la verrait dans la paix, là chacun livre son combat. 17 mai 1939 Ce restaurant où j’achève
330 livre son combat. 17 mai 1939 Ce restaurant j’achève de déjeuner — rive droite — est le type même du restaurant «
331 epuis un moment une musique de radio on ne sait d’ venue, dominant tout. Des trompettes solennelles au début, et mainten
332 campo que j’ai été prendre chez Adrienne Monnier ( elle s’était fait montrer les fameuses photos en couleur71 d’écrivain
333 lyse ou tonifie. Dans l’atmosphère de catastrophe nous vivons, une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à déses
334 ennui même, ne seront plus que les petits retards s’alimente le désir. Les délais de ce genre nous sont-ils mesurés par
22 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — « Puisque je suis un militaire… »
335 e précision quasi absurde. Cette chambre paysanne j’écris maintenant, sur un bon papier quadrillé, tandis qu’Albert Mer
336 urrier de la Guilde du Livre… Je ne puis pas dire cela se trouve sans contrevenir aux ordres les plus stricts, mais c’e
337 c’est très bien ainsi, car nous sommes n’importe , sans raison prévisible. J’aime beaucoup les adresses militaires en S
338 champs anonymes, sous la pluie, dans les vergers l’on écrase des pommes mal mûres, dans des cuisines de ferme, dans ce
339 ans avenir. Tout le présent limité par ces herbes circulent des bestioles maladroites. Le drap du pantalon colle au mol
340 rien, avant longtemps, dans ces champs et forêts nous marchons sans suivre les chemins. (À ce petit signe nous sentons
341 flocons humides sur ce petit vallon du haut Jura nous avons à préparer des positions. Et la neige fondait dans la boue
342 » Je me le demande encore devant ce papier blanc, j’écris à la lueur d’une lampe à pétrole. Pourquoi sommes-nous là, qu
343 le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de gran
344 brés de sacs de sable, au long d’étroits couloirs je coudoyais des soldats sourds et muets — tous les numéros arrachés 
345 rs, et de chacun, sur l’esprit de laisser-aller d’ naissent les réactions désespérées, les mises au pas brutalisantes et
346 dans sa vérité séculaire, autre chose les bureaux se décide son évolution actuelle. La déprimante architecture de notre
347 déprimante architecture de notre Palais fédéral —  je corrige ces notes de voyage, ayant fini le travail de la journée —
348 fait cravater peu après — et enfermer à Marseille il est tenu au secret. (Sa femme ne peut venir le voir.) Son cas est
349 rien n’est plus tonifiant dans ce pays des Assis, l’on ne sait plus dévisager les vraies menaces. Oui, je veux opposer
350 e guerrier qui parle en ses Tragiques d’une nuit l’Amour et la Mort troquèrent de flambeaux. Par le pinceau, par l’ép
351 rquoi les hommes les plus vivants de cette époque la vie s’exaspère ont-ils fait à la mort, dans leurs rêves, la part q
352 uent. Böcklin manque de sobriété, Hodler aussi. D’ l’espèce de niaiserie qui affecte parfois les solennelles démonstrati
353 n’y suffit pas, c’est que le mal est profond : d’ la nécessité d’agir sur la cité. Si la cité n’a plus de vraies mesure
354 e parmi les chefs de la Réformation. L’année même pour divertir Zwingli et ses savants collègues il leur envoie le manu
355 naise, en mai 1939. Le Führer lui montra un album il faisait coller chaque jour les articles parus à l’étranger sur sa
356 ort de chez moi.) ⁂ À propos d’un récent discours Hitler assurait le peuple anglais de ses bonnes intentions, et le men
357 onte sa visite. Il pénètre dans le fameux cabinet le Duce a coutume de laisser ses interlocuteurs debout. « Suis-je reç
358 Karl Barth nous le disait l’autre jour à Tavannes nous avions donné deux conférences devant un vaste rassemblement de j
359 carmouche, un entraînement pour le “combat final” le Christ seul pourra nous sauver, lorsque le Malin en personne nous
360 euple que les paroles imprudentes… Il y a des cas qui ne sait parler nuit à son pays et à l’humanité en général. C’est
361 au réveil, affreux bonheur d’une illusion rapide, suis-je ? déjà tout recommence, sans relâche, et cet acharnement des
362 brouillon d’une page et demie.   « à cette heure paris… » À cette heure où Paris exsangue voile sa face d’un nuage e
363 e.   « à cette heure où paris… » À cette heure Paris exsangue voile sa face d’un nuage et se tait, que son deuil soi
364 plus terrifiant que le jour de la pire vengeance , s’arrêtant enfin, ils comprendront qu’aucun triomphe ne vaut pour eu
365 précise des crêtes du Jura sur un ciel tourmenté je guettais des lueurs. Quelques camions ont passé sous la fenêtre, t
366 nou est enflé. Handicap irritant dans ces moments tout peut arriver. 18 juin 1940 À sept heures précises au burea
23 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède
367 imais qu’elle avait réussi dans la mesure précise elle devenait, en tant que « résistance », inutile. Le 16 juillet, le
368 es effectifs. La Ligue s’engageait dans une phase j’étais loin de me sentir indispensable. Je me voyais d’autre part pr
24 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — La route de Lisbonne
369 re les postes d’occupation allemands et la Savoie sont les Italiens, passe par le Midi de la France, s’infiltre à grand
370 rope. Comme il serait facile de pincer, n’importe , cette mince artère par où notre vieux monde se vide peu à peu de son
371 e de pincer, n’importe où, cette mince artère par notre vieux monde se vide peu à peu de son élite en même temps que de
372 de l’histoire. Des ponts détruits dans une région les Allemands ne vinrent jamais — tandis qu’ailleurs, où l’on se batt
373 Allemands ne vinrent jamais — tandis qu’ailleurs, l’on se battait, ils sont intacts. Mais ce n’est rien dans ce paysage
374 nté. Mais à Valence, la tenancière d’une épicerie nous entrons nous tend d’abord la liste des articles qu’on ne peut pl
375 des châteaux sarrazins, le camp désert d’Argelès furent rassemblés les débris de l’armée rouge d’Espagne, — que c’est
376 , sauf pour le contrôle des devises et des visas, l’on nous conduit par petits groupes. Ces opérations, qui se poursuiv
377 s se détendent. Nous venons de quitter les terres s’étend l’ombre du destin le plus cruel qu’ait jamais mérité notre Eu
378 atin, si tout va bien, nous atteindrons Lisbonne. coucherons-nous ? Le Portugal a vu passer déjà des centaines de milli
379 ourettes et de ses chambres blanchies à la chaux, l’on voudrait passer sa vie, où le peintre E. B… passe la sienne. Cha
380 chies à la chaux, où l’on voudrait passer sa vie, le peintre E. B… passe la sienne. Chaque jour des réfugiés viennent s
381 e de la vie, toujours pressée d’imaginer un monde tout peut encore continuer. Je viens de voir une civilisation frappée
382 ête. Il se relève, se tâte, et ne sait pas encore il a mal. Va-t-il vivre ? A-t-il rêvé ? Serait-il déjà mort ? J’ai vu
383 « accidents » sont fréquents. Paradoxe du siècle tout est fait pour réduire l’homme à l’anonyme, pour le priver du sen
384 bien déterminée (celle que j’ai officiellement, d’ mon passeport diplomatique, ne durera guère, semble-t-il). Peu d’espr
385 k avec une émotion croissante. À l’instant précis un voisin me tirait par la manche pour me montrer la Liberté éclairan
386 au ralenti, à travers les hublots du petit salon siégeaient ces messieurs d’Ellis Island. Ils palpent nos passeports e
387 es en anglais. Comme dans les « rêves d’examen », l’on se présente généralement tout nu et sans préparation. Reçu de ju
388 ncieuse. Tous les yeux sont fixés sur cette table nos passeports attendent, près des tampons sacrés. C’est bien le mien
25 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Premiers contacts avec le Nouveau Monde
389 d d’une gorge, dans cette rue de briques noircies circulait un vent âpre et salubre. La mer et la montagne se ressemble
390 i glissé mon billet dans le ruban de mon chapeau, le contrôleur l’a pris et replacé sans me déranger dans la lecture de
391 al. Il n’y a que deux classes en Amérique : l’une les fauteuils au dossier très haut sont fixes (deux de chaque côté du
392 (deux de chaque côté du couloir central), l’autre les fauteuils sont espacés et pivotent ; classe de luxe et classe de
393 vions aux coupoles surbaissées. Paysage de déluge s’enlisent, fumants, des monstres antédiluviens. Une falaise de grani
394 fs de la terre. Autour d’un lac d’un bleu violent nagent des cygnes sous les saules pleureurs, s’élèvent les résidences
395 us nos yeux. On y pénètre par un porche médiéval, des agents de police arrêtent votre voiture, vous prient de dire où v
396 olice arrêtent votre voiture, vous prient de dire vous allez, et téléphonent à votre hôtesse pour vérifier que vous ête
397 a rapidement vers le nord, puis atteignit le côté je me trouvais tandis que défilaient dansantes et tremblotantes ces l
398 outes les croyances du monde. C’est bien la ville l’on s’attend à découvrir cet autel au dieu inconnu dont saint Paul s
399 esse met des oignons dans la salade. Dans ce pays le gaspillage est une vertu, et peut-être une nécessité économique, c
400 are avec une acuité crispante : l’état du monde d’ l’Esprit s’est retiré. Ce n’étaient pas « les péchés » de ces hommes
401 chaque maison, près de la fenêtre, un petit arbre des lampes électriques multicolores remplacent les bougies ; dans cha
402 x et encombrés des plus grands éditeurs de Paris, l’on renverse des dossiers en se retournant pour dire bonjour à un vi
403 , ou en parlent. À lire les revues ou little mags ils écrivent, à les voir chez eux ou ensemble, j’éprouve une sorte de
404 as cela, le vrai danger totalitaire, dans un pays l’opinion gouverne ? La vraie Cinquième Colonne, dans nos démocraties
405 ayant recommencé de vivre ailleurs, dans un pays personne ne les attendait, eux, leurs enfants, leur pauvreté, leurs p
406 rais, vers 1930 ou 1931 je crois, avec Adamov, et se mêlaient mystique et poésie, langue sacrée et subversion surréalis
407 ier soir en arrivant dans ce logis pour étudiants un ami me prêtait sa chambrette, je trouve un grand jeune homme assis
408 r, à la cafétéria — un restaurant très bon marché l’on doit se munir d’un plateau, de couverts et d’assiettes pris sur
409 pris sur la pile, puis défiler devant un comptoir l’on désigne les plats de son choix —, je déjeune avec des étudiants
410 e, perdus dans les forêts de bouleaux ; à Concord j’ai vu la maison d’Emerson, ses chapeaux et ses cannes accrochés dan
411 ui les détruisent, lieu de désolation voluptueuse T. S. Eliot, me dit-on, conçut l’idée du Waste Land… Un grand cimetiè
412 e place, au carrefour de trois rues, et des cafés vers six heures du soir se groupent autour d’un verre et d’un problèm
413 juillet 1941 Je pars demain pour l’Argentine, je donnerai douze conférences. Débâcle russe. Absurdité du siècle. To
26 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Voyage en Argentine
414 entrevues, ces gerbes de fleurs dans les cabines sautaient les bouchons de champagne, ces corridors étroits envahis pa
415 t n’y cherchant aucune excuse. À cette même heure l’orchestre du pont joue la Samba pour des messieurs en smoking blanc
416 ume. Mme B… qui survient, m’entraîne à la machine l’on joue par quarters (25 cents). Nous décidons de partager profits
417 bleu pur, contemplées de la terrasse du cimetière s’abrite une très vieille chapelle anglicane, sous des flamboyants au
418 Ocampo, royalement, m’a prêté sa maison de ville je vis seul, comblé, mélancolique. Grande maison blanche, aux halls j
419 c’est un article qui doit paraître le lendemain, l’on discute mes idées sur le diable. — Qu’en savez-vous ? Je n’ai pa
420 (j’ignorais qu’il y eût un village de ce nom-là) il est né en 1847. Nous nous comprenons par sourires, aidés des quelq
421 chênes d’Europe, dômes de parfums, et des forêts quand je claque des mains des vols de perroquets s’enlèvent en criant
422 nt plantés un à un dans la pampa rase et venteuse rien ne pousse naturellement que l’herbe grise. La maison de maître s
423 caine, moderne et blanche ; ou comme Chapadmalal, nous arrivons aujourd’hui, un château anglais entouré de terrasses et
424 t mondain de la saison est l’Exposition agricole, l’on peut voir les taureaux de concours amenés dans la capitale de to
425 potins. L’on ne voit que des couples corrects. D’ le raffinement de la vie sociale, la subtilité des propos, et ce méla
426 e, qui reproduit parfois le bon style espagnol. D’ l’importance aussi des affaires de l’amour, cette chose dont il n’est
427 de sa vie même. Vous ne connaîtrez jamais le pays vous n’avez pas manqué le train, ni rien perdu, pas même votre chemin
428 un marécage infini, coupé de rivières et d’îlots, les oiseaux par milliers se rassemblent (mon guide prétendit m’en nom
429 roseaux, fouillis d’instruments qui s’accordent : sont les mots capables d’évoquer ce vacarme innombrable au ras des ea
430 , au ras des prairies nues et des eaux populeuses semblaient se mêler encore plusieurs jours de la Création. Buenos
431 e gravis la passerelle, on la relève à la seconde mes pieds la quittent. Déjà le bateau décolle son flanc du quai. Des
27 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède douanier
432 orable. Ils m’emmènent dans une baraque de police l’on appose des scellés sur ma valise. Ils m’annoncent qu’elle est co
28 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Solitude et amitiés
433 marcheriez dans l’angoisse. Que me manque-t-il ? manque-t-il quelque chose ? Ah ! mais que se passe-t-il donc ? Il ne
434 cherchait une maison à vendre, et dans une ferme nous entrons pour quêter quelque information, on nous dit : « Pas la
435 e voilà donc l’Amour et l’Occident… » Nul ne sait il veut en venir. On le pousse gentiment vers l’ascenseur. 31 janv
436 e.) Métraux m’emmène de là au Musée d’Art moderne passe son film sur l’île de Pâques. Nous y retrouvons Buñuel et André
437 finies, très légèrement dorées par le couchant là elles s’ouvrent sur le ciel. Suffit-il d’un vent doux, d’un peu d’or
438 du film. Que s’est-il donc passé entre le moment le fugitif embrassait la fille dans sa mansarde et le moment où il va
439 embrassait la fille dans sa mansarde et le moment il va s’embarquer ? — Rien. — J’ai vraiment tout vu ? — Oui, vous ave
440 ’abord la réalité actuelle de différents domaines l’importance organique des règles est le plus sensible, et les causes
441 ation individuelle, mais suppose un cadre social. le retrouver ?   Le jeu dans la société : le sacré. — Communautés pr
442 autre retraite, la maison rose de « La Muette », Ramuz lui aussi laisse venir ceux qui lui apportent les rumeurs de la
443 s cesse renouvelé par définition, par système, et beaucoup voient la marque d’authenticité de leur art. Pour le livre à
444 urs dans une vaste demeure aux portes condamnées, chaque invité amènerait une personne inconnue des autres, tous étant
445 bain de vapeur, cherchant les salles réfrigérées l’on entre le souffle coupé et d’où l’on ressort avec un rhume. La se
446 s réfrigérées où l’on entre le souffle coupé et d’ l’on ressort avec un rhume. La semaine dernière, il gelait presque. L
447 inhumains de la planète. À ces îles des tropiques le litre de rhum qu’on boit par jour et par personne, enfants compris
448 ans l’ensemble ! Et dans les régions plutôt rares les conditions naturelles tolèrent la subsistance des vies humaines,
449 rigération, qui laisse peu d’énergie de surcroît. trouver un pays qui ne harcèle pas l’homme, et qui lui laisse le lois
450 gauchement sous le bras une longue boîte noire, d’ sort un très jeune chien tremblant. C’est un boxer qu’il baptise Anni
451 que celui de l’enfance retrouvée dans une vacance le travail lui-même est jeu. Tous les prétextes que les hommes se don
452 que les hommes se donnent pour en sortir, un jour l’autre, me paraissent hypocrites ou faciles à réduire. « Gagner sa v
453 iger la nouvelle pour la France, à l’instant même le GQG américain nous fait savoir qu’on peut y aller. 89. En novem
454 qu’à l’identité. 90. Quartier du bas de la ville habitent beaucoup d’écrivains et de peintres. 91. Il s’agit de La P
29 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède
455 juifs réfugiés. Des gens frappés par le malheur, que ce soit, il y en a toujours trop. Cependant notre sort vous parai
30 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — L’Amérique en guerre
456 core ce qu’on trouve de moins cher dans une ville personne n’en veut. Les grandes maisons les mettent mal à l’aise, par
457 ulant, qui se transformerait le soir en lit, et d’ sans se lever l’on atteindrait le téléphone, la poignée du frigidaire
458 dans ses écoles de la mémorisation, — l’Amérique les livres durent six mois ; où l’on néglige l’enseignement de l’Hist
459 ion, — l’Amérique où les livres durent six mois ; l’on néglige l’enseignement de l’Histoire ; où l’actualité prime sur
460  ; où l’on néglige l’enseignement de l’Histoire ; l’actualité prime sur tout autre intérêt ; où l’on est peu capable de
461 e ; où l’actualité prime sur tout autre intérêt ; l’on est peu capable de reconnaître les mille vieilleries qui renaiss
462 du plus ou moins, et les risques du tout ou rien. sont les chefs à la taille du danger ? Churchill ? Mais il se refuse
463 trangement souple avec un sourire parfait, un pas l’on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux — vous al
464 ait sensation, va plus loin et se perd on ne sait , dans un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’un autre… Tou
465 es d’ornements. Beckman Place est un de ces lieux l’exilé s’écrie : « Mais c’est l’Europe ! » parce qu’il y trouve un c
466 ses, du dixième au trentième étage du River Club, vivent des milliardaires et des acteurs. Et tout près, ces jardins su
467 des acteurs. Et tout près, ces jardins suspendus circulent de jeunes femmes en maillot de bain. L’une se penche sur se
468 le gros de l’effort est donné dans le Pacifique, ils ont été attaqués. Bien sûr, il serait odieux de leur reprocher le
31 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Virginie
469 avons traversé des plateaux légèrement vallonnés galopaient des troupeaux de chevaux, et des villages aux maisons de b
470 ns ralenti pour prendre une petite route sinueuse l’on croisait des chariots à deux roues, et les gens saluaient bien p
471 planté sur une prairie un vaste cercle de cyprès Pégase un jour descendra, si ce n’est plutôt une nuit. Et chaque mati
472 miers éclairs sur les prairies. Par la charmille, il fait presque nuit — mais on devine encore quelques statues décapit
473 trois jours et se disent les amis de Jim. — Mais est Jim ? — Je ne sais pas. Il est parti. » Jim était l’intendant, un
474 t à cause du contrôle policier. Ce qu’elle publie elle le peut n’est que redites, et la censure n’explique pas tout, n’
475 minin comme le sont la plupart des vedettes. Mais était dans tout cela, le vrai peuple de la vraie France ? Ce peuple n
32 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Intermède : mémoire de l’Europe
476 ntée d’arbres et déserte, aux rendez-vous manqués je me retrouvais… « Je t’aime. J’aime ! » J’ai tout dit. L’Europe éta
33 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le choc de la paix
477 es » : la prolifération des États. Sombre avenir, il y aura (hélas ?) bien plus à dire et à faire par ceux de notre eng
478 les… produire. Et d’abord, peut-être, pour moi… D’ me vient alors cette angoisse, ce sentiment que quelque chose de « dé
479 l le glissement d’un canoë vers le pied du rocher j’écris. Deux voiles inclinées se croisent lentement entre les troncs
480 ède la plupart des maisons riveraines, dont celle je suis, la plus vieille : elle aura cent ans l’an prochain. Mr T… fu
481 sur le Sommet du Monde un amphithéâtre de pierre les amateurs du pays jouaient du Shakespeare avant la guerre. Les deu
482 d’une sauvagerie profonde à portée de la main. D’ la méticuleuse propreté des maisons de bois blanc de cette contrée, e
483 Amérique est un pays sans traditions ni religion, toutes les races se mêlent, où l’argent seul existe… On voit New York
484 tions ni religion, où toutes les races se mêlent, l’argent seul existe… On voit New York et Chicago, Pittsburg sans dou
485 dis pas les potins, car sauf dans leurs journaux cette activité a sa colonne très suivie, les gens d’ici ne sont pas p
486 tifique de Bachelard. J’ai souligné le paragraphe l’on explique que selon la théorie de Millikan sur les rayons cosmiqu
487 ue je la préconise. Pourtant je connais un groupe cela marche très bien : c’est la famille… N’est-ce pas ? Les enfants
488 oites, ouvrant sur des couloirs hauts et profonds deux personnes peuvent à peine se croiser. L’angoisse me prend chaque
489 o clame Amapola, plus fort que tout, dans la cour les draps au vent font de grands gestes frénétiques. New York possède
490 aza, transporté avec toutes ses racines d’un parc il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars de locat
491 anques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les
492 de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, le love interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker s
34 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Journal d’un retour
493 teraient. Je reprends la question dans les termes l’on me dit qu’elle est posée dans nos pays : Faut-il partir ? (Peut-
494 j’habite, pour quelques semaines encore, du côté les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux de part
495 liées, cavernes d’ombre et gonflements majestueux la lumière fait ses grands jeux de tous les rouges au bleu de plomb.
496 uit. Ils la vengent, croit-elle, d’une Amérique «  tout est laid », mais d’où ils viennent. 2 avril 1946 Les oise
497 elle, d’une Amérique « où tout est laid », mais d’ ils viennent. 2 avril 1946 Les oiseaux de Paris. — Nous roulon
498 , le boulevard Saint-Michel ? Mais sur les quais, le car nous dépose, j’ai retrouvé les grandes mesures de Paris. Dans
499 eus, des toits roux et des murs couleur du temps, quelques taches de rose clair ou de noir achèvent de composer une har
500 bientôt l’on ne survole plus qu’un no man’s land, s’affrontent sournoisement les seules puissances qui comptent. 12
501 lais vide, pour nous ruer vers la grande Amérique l’on ne trouve pas une chambre à louer pour plus d’une nuit. Paradoxe
35 1946, Journal d’une époque — 1926-1946 (1968). Journal des deux mondes — Le mauvais temps qui vient
502 , mais de se préparer pour la suite, pour l’heure ils devront « donner ». Le premier devoir d’une réserve est de mainte
503 nne encore trop de braves gens, nés dans un monde presque tout allait de soi. Voilà qui éclate aux yeux dès qu’on sort