1
banaises, Albanais ! Allemandes fédérales et de l’
Est
, Allemands fédéraux et de l’Est ! Autrichiennes, Autrichiens ! Baltiq
2
fédérales et de l’Est, Allemands fédéraux et de l’
Est
! Autrichiennes, Autrichiens ! Baltiques et Baltes d’Estonie, de Lett
3
, dès qu’il s’agit de collaborer pour quoi que ce
soit
. Laissez-moi donc vous dire tout simplement : Européennes, Européens
4
ose qu’« Albanaises, Albanais ! » et la suite. Il
était
et demeure persuadé que la seule réalité qui compte est nationale.) M
5
demeure persuadé que la seule réalité qui compte
est
nationale.) Mais on me dit que vous n’existez pas ! On me dit qu’il n
6
, des Albanais, etc., et que les « Européens » ne
sont
qu’une vue de l’esprit. À ce titre, il n’y a pas de Suisses, mais seu
7
se. La France, la Suisse et les autres nations ne
sont
pas pour autant de simples vues de l’esprit, mais des réalités bien m
8
et bardées de cordons douaniers. Cependant, elles
sont
plus transitoires que la Bretagne, la Castille, l’Écosse ou Berne, qu
9
nt. Le problème se ramène à ceci : – ou bien vous
êtes
Français d’abord et à jamais, ou Tchèques, ou Suisses, et vous croyez
10
ur vous découvrirez — ou vos enfants — que vous n’
êtes
plus réellement Français, Tchèques, ou Suisses, que vous ne l’êtes pl
11
ent Français, Tchèques, ou Suisses, que vous ne l’
êtes
plus qu’à titre honorifique, par courtoisie ou par simple routine adm
12
aux conditions de fait, comme il arrive, car vous
serez
Américains ou Soviétiques par allégeance obligatoire, économique, soc
13
ndez le seul pouvoir capable de sauvegarder votre
être
national et régional, vos manières d’être différents, votre droit à r
14
r votre être national et régional, vos manières d’
être
différents, votre droit à rester vous-mêmes. En d’autres termes : si
15
, en tant que Français, Tchèques ou Suisses. Vous
serez
colonisés l’un après l’autre, et insensiblement dénaturés par le doll
16
ou par vos partis communistes, comme vous l’avez
été
, il n’y a pas longtemps, par le national-socialisme. Vous n’existerez
17
n’existerez plus, faute d’avoir reconnu qu’il ne
tient
qu’à vous d’exister — puisque, après tout, vous êtes déjà là, vous êt
18
t qu’à vous d’exister — puisque, après tout, vous
êtes
déjà là, vous êtes tous là depuis des siècles, et qu’il s’agit seulem
19
er — puisque, après tout, vous êtes déjà là, vous
êtes
tous là depuis des siècles, et qu’il s’agit seulement de le reconnaît
20
que tous ensemble. Mais alors tous ensemble, vous
serez
plus et mieux que les égaux des deux grands qui aujourd’hui vous écra
21
scutent le sort du monde par-dessus votre tête et
sont
prêts à vous jouer aux dés. Je vous le démontre. Considérez attentive
22
otez que le rectangle du milieu, qui a même base,
est
plus haut que les deux autres additionnés. Question : Que représente
23
tionnés 480 millions (dont 360 à l’Ouest, 120 à l’
Est
). Ces quantités démographiques ne disent évidemment qu’une partie de
24
xemple, constitue un lourd handicap. Avouez qu’il
est
au moins curieux que l’Europe se sente écrasée entre deux colosses pl
25
le en montant l’un sur l’autre, et qui au surplus
sont
loin d’additionner leurs forces contre nous : ils sont rivaux, et l’u
26
loin d’additionner leurs forces contre nous : ils
sont
rivaux, et l’un est notre allié, si l’autre est le despote que subiss
27
urs forces contre nous : ils sont rivaux, et l’un
est
notre allié, si l’autre est le despote que subissent encore à peu prè
28
sont rivaux, et l’un est notre allié, si l’autre
est
le despote que subissent encore à peu près un quart d’entre nous. Mai
29
t d’un petit État qui ne fait pas le poids, qui n’
est
plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’union de l’Europe n’es
30
du monde nouveau. C’est que l’union de l’Europe n’
est
pas faite, et il faut donc absolument la faire pour que notre capacit
31
ance collective que pour vivre nos libertés. Ce n’
est
pas, ou ce n’est plus une question de vie ou de mort : on peut très b
32
ue pour vivre nos libertés. Ce n’est pas, ou ce n’
est
plus une question de vie ou de mort : on peut très bien vivre à l’amé
33
en. Les mêmes motifs, l’un déclaré, l’autre réel,
sont
repris au siècle suivant par Georges Podiebrad, roi de Bohême, et par
34
es plans qui ont précédé le sien, mais comme s’il
était
seul à l’avoir remarqué, sauf s’il s’agit du Grand Dessein, toujours
35
à l’union contre la guerre, comme si la guerre n’
était
pas le jeu favori des princes, en attendant qu’elle soit celui des pe
36
s le jeu favori des princes, en attendant qu’elle
soit
celui des peuples, grâce aux conquêtes de la Révolution. Alors, on ch
37
rises que toute guerre suscite. Car autrement, où
serait
la politique, telle qu’ils l’entendent ? Faute d’oser avouer qu’ils o
38
r le vérifier, déclenchent la guerre mondiale. Ce
sera
contre le nationalisme qui vient de faire ses preuves que Coudenhove-
39
t critiqués par les « démocraties » qui n’ont pas
été
jusqu’au bout de leur nationalisme et de leur étatisme, et qui en fon
40
istance européenne. Le temps des plans sans suite
est
révolu. Désormais, tout s’enchaîne et s’entraîne : chaque pas nouveau
41
urs pays et ils déclarent : Ces buts ne peuvent
être
atteints que si les divers pays du monde acceptent de dépasser le dog
42
unique organisation fédérale. La paix européenne
est
la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une se
43
dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a
été
l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour orig
44
que j’ai cités. Rien de nouveau, sinon ceci, qui
est
décisif : nous n’avons plus affaire à des voix isolées, parlant dans
45
e le dira jamais assez. Car le congrès de La Haye
fut
la synthèse vivante des grands motifs d’union représentés en fait par
46
Haye, ne sortira qu’un retentissant échec. (S’il
était
vrai que la peur de Staline ait été le vrai moteur de notre union, la
47
chec. (S’il était vrai que la peur de Staline ait
été
le vrai moteur de notre union, la première institution européenne acc
48
, la première institution européenne acceptée eût
été
logiquement la CED : or, c’est en fait la seule qui ait été refusée.)
49
ement la CED : or, c’est en fait la seule qui ait
été
refusée.) Voici ce qui a été réalisé : La commission politique de La
50
ait la seule qui ait été refusée.) Voici ce qui a
été
réalisé : La commission politique de La Haye avait demandé l’institut
51
mois plus tard, le Conseil de l’Europe et la Cour
sont
créés. Puis l’Assemblée (seulement consultative, hélas) est inaugurée
52
Puis l’Assemblée (seulement consultative, hélas)
est
inaugurée à Strasbourg. La commission économique avait demandé la cr
53
des idéaux au contact de la réalité » ! Car ce n’
est
pas notre idéal fédéraliste, mais un modèle d’union très différent, l
54
d’union très différent, l’« intégration », qui s’
est
vu proposé peu après à l’attention méfiante des gouvernants — toute a
55
ents dits sectoriels, et l’esquisse — si le mot n’
est
pas trop fort — d’une politique commune dans l’industrie, l’agricultu
56
surtout), cela me paraît indéniable, encore qu’il
soit
très malaisé de le mesurer et très aisé de le nier cyniquement, tant
57
même plutôt reculé6. Pourquoi ce recul ? Le défi
serait
-il moins pressant, les motifs d’union moins nombreux, ou affaiblis ?
58
faiblis ? Reconnaissons que certaines urgences ne
sont
plus celles de l’après-guerre. Les risques de conflits armés entre pa
59
es risques de conflits armés entre pays européens
sont
aujourd’hui faibles ou nuls, grâce aux mises en commun économiques, g
60
our des capitaux. Les ruines des bombardements ne
sont
plus guère visibles qu’en l’église du Souvenir à Berlin. Enfin, les c
61
’église du Souvenir à Berlin. Enfin, les colonies
sont
liquidées, et avec elles c’est une source de conflits séculaires qui
62
elles c’est une source de conflits séculaires qui
est
tarie. Mais ces quelques problèmes vitaux, à peine résolus, ont créé
63
le Portugal, pour établir un empire colonial, ce
serait
à peine assez de toute l’Europe unie pour contribuer à résoudre, aujo
64
s dans les colonies d’hier. La stabilisation de l’
Est
européen n’a été garantie que par la satellisation politique et comme
65
es d’hier. La stabilisation de l’Est européen n’a
été
garantie que par la satellisation politique et commerciale imposée et
66
68. La stabilisation des démocraties de l’Ouest n’
est
garantie que par les armements et les investissements américains. Tou
67
u recueil de textes que je publiais au début de l’
été
1948, sous le titre L’Europe en jeu , portait ces mots : unie ou co
68
ou d’information — aucune de ces réalités ne peut
être
traitée sensément dans un cadre stato-national ; en revanche, chacune
69
dres de l’État-nation. Or on voit bien que toutes
sont
en interaction. Faute d’une concertation continentale, leurs effets s
70
e moteur de l’histoire du monde. Entre le peu qui
est
en train de se faire et le défi qui nous est adressé par l’existence
71
qui est en train de se faire et le défi qui nous
est
adressé par l’existence des deux grands, et de la Chine, et du tiers-
72
ers-monde, et des problèmes du xxie siècle, ce n’
est
pas seulement un hiatus, mais un abîme qui s’élargit. Plus on va et p
73
es, nous commandent d’unir l’Europe, mais le fait
est
que rien ou presque rien n’est fait, à l’échelle de l’Europe tout ent
74
rope, mais le fait est que rien ou presque rien n’
est
fait, à l’échelle de l’Europe tout entière. Vingt-cinq ans de discour
75
re. Ceux qui n’auraient pas encore remarqué qu’il
est
vital pour les Européens de faire l’Europe, ce n’est pas à eux que j’
76
vital pour les Européens de faire l’Europe, ce n’
est
pas à eux que j’écris : qu’ils ferment ma lettre à cette page. J’écri
77
eux ou trois millénaires. Je vois que cette unité
est
comparable à celle d’un corps organisé : elle est faite de diversités
78
est comparable à celle d’un corps organisé : elle
est
faite de diversités et de tensions, elle n’est pas du tout homogène.
79
le est faite de diversités et de tensions, elle n’
est
pas du tout homogène. Je vois que la traduction de ces données de bas
80
se en termes politiques d’institutions ne saurait
être
que le fédéralisme, méthode d’union dans la diversité, radicalement c
81
ntraire à la méthode d’unité par l’uniformité qui
fut
celle de Louis XIV, des jacobins, de Napoléon et de nos États totalit
82
ou secrètes. Mais il va de soi que tous ces noms
sont
implicites et en un certain sens mobilisables : nous sommes prêts à l
83
licites et en un certain sens mobilisables : nous
sommes
prêts à les réciter du même ton que les hippies, aux États-Unis, lisa
84
et hors de temps le rôle des tués au Vietnam : ce
serait
le rôle des régions annexées par la force ou la ruse aux Puissances q
85
e pour Suisse et princesse pour prince ? Bougre n’
est
-il pas démodé ? Peut-on risquer Yougoslavone ? etc. 4. Ce « plan »
86
plan » d’union, d’une cohérence problématique, a
été
composé par les commentateurs à partir d’une trentaine de passages di
87
oits souverains à un futur pouvoir européen avait
été
introduite dans les constitutions de l’Italie et de la France, au len
88
r le compte de leur maître que « le roi de France
est
empereur en son royaume » et ne reconnaît « aucun supérieur sur la te
89
I. L’unité de culture L’Europe, avant d’
être
une alliance militaire ou une entité économique, doit être une commun
90
alliance militaire ou une entité économique, doit
être
une communauté culturelle. L’unité de l’Europe ne se fera ni uniqueme
91
ts. Robert Schuman, Pour l’Europe. 1. L’Europe
est
-elle jamais née ? Quand on me demande à brûle-pourpoint : « Qu’est
92
? Quand on me demande à brûle-pourpoint : « Qu’
est
-ce que l’Europe ? Pouvez-vous me répondre en une phrase ? », je dis :
93
son objet : car ce qu’on nomme l’idée européenne
est
en fait un programme, une action créatrice. Encore faut-il que cette
94
une même question revient sans cesse : « L’Europe
est
-elle vraiment une unité de civilisation et de culture ? Peut-on fonde
95
lassent pas de découvrir l’un après l’autre qu’il
est
si difficile de définir l’Europe qu’on peut en profiter pour nier son
96
d’eux. Et tous les autres nous redisent à satiété
soit
que les Européens sont trop différents entre eux pour s’unir, soit qu
97
es nous redisent à satiété soit que les Européens
sont
trop différents entre eux pour s’unir, soit qu’ils ressemblent trop à
98
péens sont trop différents entre eux pour s’unir,
soit
qu’ils ressemblent trop à tous les autres hommes pour former un group
99
. Naissance ? — « On a voulu que l’Empire romain
fût
une première ébauche de l’Europe. Mais il excluait Francfort, Copenha
100
cluait Francfort, Copenhague, Amsterdam. Spengler
tient
que l’Europe débute avec le Saint-Empire romain germanique, mais celu
101
Europe de l’Est. La naissance de l’Europe ne nous
est
pas mieux connue que ses limites7. » L’Europe ne serait-elle donc pas
102
pas mieux connue que ses limites7. » L’Europe ne
serait
-elle donc pas née du tout, parce qu’on ne s’accorde pas sur sa date d
103
congrès de Vienne, s’intitulait pourtant l’Europe
est
née ! Montesquieu, et Leibniz avant lui, mettent l’Europe au-dessus d
104
ssus de leur « nation ». Mais l’adjectif européen
est
d’un usage bien plus ancien : il paraît déjà au lendemain de la batai
105
ise de conscience d’une entité européenne ne peut
être
attestée qu’à partir de l’an 1300 : les premiers portulans, ou cartes
106
cartes de l’Europe en tant que telle, et (ce qui
est
encore plus important) ils étaient le témoignage de l’intérêt porté a
107
telle, et (ce qui est encore plus important) ils
étaient
le témoignage de l’intérêt porté au caractère culturel et politique d
108
uropa. C’est enfin dans les œuvres d’un homme qui
fut
d’abord grand humaniste sous le nom d’Æneas Sylvius Piccolomini, puis
109
une Europe dont il faut croire, au moins, qu’elle
est
là comme besoin d’exister dans les meilleurs esprits de tous ces sièc
110
tok ? ou seulement jusqu’à l’Oural ? ou encore en
est
-elle « exclue » ? Et la Turquie d’Asie ? Il est clair que les frontiè
111
n est-elle « exclue » ? Et la Turquie d’Asie ? Il
est
clair que les frontières de l’Europe n’ont cessé de varier au cours d
112
cessé de varier au cours des siècles, surtout à l’
Est
, où elles se sont déplacées selon les poussées asiatiques et les cont
113
u cours des siècles, surtout à l’Est, où elles se
sont
déplacées selon les poussées asiatiques et les contre-poussées occide
114
Espagne, au début du xiiie siècle, à ce qu’elles
sont
aujourd’hui. En vérité, une définition géographique de l’Europe, si e
115
une définition géographique de l’Europe, si elle
était
possible, ne présenterait guère d’intérêt, puisque ce ne sont pas des
116
e, ne présenterait guère d’intérêt, puisque ce ne
sont
pas des terres qu’il s’agit de réunir, mais des hommes. Or, les homme
117
git de réunir, mais des hommes. Or, les hommes ne
sont
pas des produits du sol, mais d’une tradition ; ils ne naissent pas d
118
nvoqué sans fatigue contre l’union de l’Europe, n’
est
qu’une étourderie aux yeux de l’historien et de l’observateur des cul
119
Or il se trouve que cet argument, précisément, n’
est
pas soutenable au plan de la nation. Comment le serait-il donc au pla
120
t pas soutenable au plan de la nation. Comment le
serait
-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit que les contrastes
121
ore que les écoles d’État, en France surtout, s’y
soient
efforcées depuis un siècle : or personne n’a jamais attendu rien de p
122
ope, et les dangers qu’on redoute de cette union,
sont
également imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle
123
refuse l’union. 2° Si pittoresques et voyants que
soient
les contrastes entre Suédois et Grecs, par exemple, il n’en reste pas
124
oirs et les mêmes doutes, et malgré tout ce qu’il
serait
tellement facile de dire, la même foi dominant l’arrière-plan milléna
125
r à la bonne distance. Vue d’assez loin, l’Europe
est
évidente. Vus d’Amérique, quelle que soit notre nation, nous sommes t
126
l’Europe est évidente. Vus d’Amérique, quelle que
soit
notre nation, nous sommes tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas
127
us d’Amérique, quelle que soit notre nation, nous
sommes
tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas besoin d’insister, on nou
128
ui voulait étudier l’éléphant au microscope. Il n’
est
jamais venu à bout de sa description, n’a jamais constaté l’unité de
129
nants. Là-dessus, j’observerai que nos diversités
sont
en effet si nombreuses, si profondes, et au surplus si jalousement en
130
singularité jusqu’à l’excès d’y voir sa raison d’
être
! C’est à tel point que tout en présidant une imposante table ronde d
131
uler » cette définition irritée : « L’Européen ne
serait
-il pas cet homme étrange qui se manifeste comme Européen dans la mesu
132
opéen dans la mesure précise où il doute qu’il le
soit
, et prétend au contraire s’identifier soit avec l’homme universel, so
133
’il le soit, et prétend au contraire s’identifier
soit
avec l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand
134
ntraire s’identifier soit avec l’homme universel,
soit
avec l’homme d’une seule nation du grand complexe continental dont il
135
fait qu’il le conteste ? » Mais cette définition
est
encore trop simpliste pour la furieuse diversité qui caractérise notr
136
re culture pluraliste. J’ajoute une précision qui
est
capitale : il ne faut pas aller vers l’unité conçue comme uniformité
137
l’entropie. Il faut partir de l’unité donnée, qui
est
derrière nous et qui se continue en nous, pour aller vers l’union dan
138
s simple, principe du nombre ou qualité de ce qui
est
un, homogène et sans parties. Je laisse ce sens aux jacobins et autre
139
ins équilibrés. L’unité de l’Europe comme culture
est
une communauté de valeurs antinomiques et d’origines très diverses, m
140
ale : « L’unité intelligible d’étude historique n’
est
ni un État-nation (nation state), ni l’humanité dans son ensemble, ma
141
que nous avons nommé société. » L’Europe ne peut
être
comprise globalement qu’en tant qu’unité de culture, et en retour, no
142
n’a jamais encore connu de culture commune, s’il
est
vrai qu’elle essaie d’en confectionner une au moyen d’éléments emprun
143
re… 3. Les options de base Que l’Europe ait
été
d’abord un fait de culture, voilà qui ne signifie pas un instant qu’e
144
ure, voilà qui ne signifie pas un instant qu’elle
soit
l’affaire des seuls hommes cultivés ou conscients de ce qu’ils donnen
145
vertes futures, mais encore la nature de ce qu’on
tiendra
plus tard pour la réalité elle-même. Dis-moi ce que tu trouves, je te
146
chose, une toute autre Réalité. Et la question n’
est
pas, ici, de savoir si elle est plus ou moins vraie que l’orientale ;
147
Et la question n’est pas, ici, de savoir si elle
est
plus ou moins vraie que l’orientale ; mais seulement de bien voir la
148
confusions politiques dignes de notre temps, ont
été
formulées les options décisives de notre civilisation européenne. J’e
149
n corps d’homme et dans la matière même dont nous
sommes
faits. Tel est le dogme du Dieu-homme. Il implique immédiatement que
150
dans la matière même dont nous sommes faits. Tel
est
le dogme du Dieu-homme. Il implique immédiatement que le corps et la
151
ue le corps et la matière existent réellement, ne
sont
pas une illusion, comme le voulaient les docétistes, et ne sont pas s
152
llusion, comme le voulaient les docétistes, et ne
sont
pas seulement un « voile de Maya ». Si l’on croit avec les Hindous qu
153
croit avec les Hindous que le corps et la matière
sont
illusoires, il n’est pas très intéressant d’étudier leur nature et le
154
que le corps et la matière sont illusoires, il n’
est
pas très intéressant d’étudier leur nature et leurs lois. Cela devien
155
ontraire très important si le corps et la matière
sont
bien réels. L’option prise à Nicée en faveur de la réalité matérielle
156
s techniques. Le cosmos dans lequel nous vivons n’
est
pas une fantasmagorie, pour les pères de Nicée. C’est une réalité qu’
157
evient possible, dès lors que le monde sensible n’
est
pas absurde, mais qu’il existe un accord entre notre esprit et le cos
158
esprit et le cosmos, tous deux créés par Dieu. Il
est
remarquable que Nietzsche, le premier, l’ait compris et l’ait dit : l
159
s et l’ait dit : la science occidentale n’eût pas
été
possible sans le christianisme. Il est important que Kepler ait décla
160
n’eût pas été possible sans le christianisme. Il
est
important que Kepler ait déclaré : « Les œuvres de Dieu sont dignes d
161
ant que Kepler ait déclaré : « Les œuvres de Dieu
sont
dignes d’être contemplées. » Il est frappant que Descartes ait écrit
162
ait déclaré : « Les œuvres de Dieu sont dignes d’
être
contemplées. » Il est frappant que Descartes ait écrit : « Un athée n
163
vres de Dieu sont dignes d’être contemplées. » Il
est
frappant que Descartes ait écrit : « Un athée ne pourrait pas faire d
164
it de la physique, vraiment, cela prouve qu’ils n’
étaient
pas vraiment athées. Car le mouvement créateur de la science procède
165
foi dans leur fondement commun, « fondement de l’
être
dans le monde, à savoir Dieu », comme l’écrit Ernest Ansermet dans
166
ermet dans ses Fondements de la musique.) Et il n’
est
pas sans intérêt de rappeler qu’Einstein, juif conscient dans un mond
167
urrait « jouer aux dés avec le monde ». Enfin, il
est
nécessaire de marquer que le christianisme, à ses débuts, fut accusé
168
re de marquer que le christianisme, à ses débuts,
fut
accusé de matérialisme par les tenants des religions orientales et de
169
des hérésies docétistes et gnostiques, lesquelles
furent
condamnées par les conciles pour leur spiritualisme excessif et unila
170
personne. — La formulation du dogme de la Trinité
fut
l’une des tâches majeures des grands conciles. Le problème était le s
171
tâches majeures des grands conciles. Le problème
était
le suivant : Comment définir les trois fonctions de Dieu — le Père, l
172
ient, par une extension normale — puisque le Fils
est
« à la fois vrai Dieu et vrai homme » —, notre idée de la personne hu
173
igne l’individu naturel chargé d’une vocation qui
est
sociale à l’égard du « prochain », dans la communauté, et spirituelle
174
des institutions typiques de l’Europe, celles qui
sont
chargées d’assurer à la fois les libertés individuelles et les devoir
175
continue et sans retour. Le seul « retour » prévu
sera
celui du Christ, mais il marquera aussi la fin du temps, le passage à
176
lors l’Histoire devient possible, vaut la peine d’
être
prise au sérieux, puisqu’elle apporte sans relâche l’Imprévu. L’avent
177
u’elle apporte sans relâche l’Imprévu. L’aventure
est
unique, comme la vie du chrétien est unique, et l’homme y joue son rô
178
. L’aventure est unique, comme la vie du chrétien
est
unique, et l’homme y joue son rôle selon sa vocation, non plus selon
179
intentions lointaines. Fuyant l’histoire dont il
est
responsable et qu’il doit faire, le partisan totalitaire cherche à se
180
u sens de l’aventure historique et personnelle, n’
est
-elle pas, elle aussi, caractéristique de l’Europe ? Partant des gran
181
hasardeux des premiers siècles de notre ère, ce n’
est
pas une fusion organique ou logique qui s’est opérée, c’est plutôt un
182
e n’est pas une fusion organique ou logique qui s’
est
opérée, c’est plutôt une interminable polémique qui a pris son départ
183
aclite écrivait cette phrase décisive, qu’il faut
tenir
pour la formule même d’une unité spécifiquement européenne : Ce qui
184
ut concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien
être
la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée :
185
nsable. (Dans plusieurs cités, chaque homme libre
est
appelé à revêtir une charge publique par rotation.) Mais elle invente
186
ans les trop grandes cités hellénistiques : nul n’
est
plus responsable de rien, et la fortune sans visage prend la place de
187
« Tant que tu vis, ne dis jamais : ce sort-là ne
sera
pas le mien », dit un personnage de Ménandre, marquant la destruction
188
Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’
Être
et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité t
189
ois », selon les formules conciliaires. Mais ce n’
est
pas tout. Avec les trois sources classiques viennent confluer dans le
190
u « retour d’Aristote », ni à l’algèbre, mais qui
est
l’une des sources principales de la lyrique des troubadours, donc de
191
lus ou moins stables et rarement prévisibles ne s’
étaient
opérées au cours des siècles. J’en indique rapidement trois exemples.
192
ui domine l’existence de l’homme médiéval ne peut
être
compris dans ses structures complexes qu’à partir des modèles romains
193
de l’imperium, titres et vêtements de sa religion
sont
repris par l’Église de Rome. Cependant que l’esprit évangélique des p
194
remières paroisses autonomes et fédérées, où tout
était
mis en commun, prend corps dans les formes sociales et les structures
195
général : notre sens de la liberté. Il se trouve
être
exactement aussi complexe que nos origines. Car la liberté, pour le G
196
endant ; pour le Germain, symboliquement, c’est d’
être
armé et de porter des cheveux longs ; pour le Romain, c’est de jouir
197
ses variables dans notre idée de la liberté. Il n’
est
pas de concept plus difficile à définir, plus facile à nier en théori
198
à définir, plus facile à nier en théorie, et il n’
est
pas d’idée plus exaltante en fait pour les Européens de toute nation
199
liberté, la revendication de la liberté (quel que
soit
le sens qu’on donne au mot), est sans nul doute le thème affectif le
200
berté (quel que soit le sens qu’on donne au mot),
est
sans nul doute le thème affectif le plus généralement européen, le pl
201
r ces valeurs qui se contredisent avec passion et
sont
souvent contradictoires en soi ne se détruisent pas pour autant : ent
202
éfinition il ne peut exister. Car l’Européen type
est
celui qui parfois déclare, et toujours pense : « Quelle serait ma rai
203
qui parfois déclare, et toujours pense : « Quelle
serait
ma raison d’être si j’étais comme tout le monde ? » À ses yeux — et c
204
, et toujours pense : « Quelle serait ma raison d’
être
si j’étais comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à
205
urs pense : « Quelle serait ma raison d’être si j’
étais
comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut servir à le définir
206
peut servir à le définir — « se distinguer » ou «
être
distingué » est synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas d’impardon
207
définir — « se distinguer » ou « être distingué »
est
synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas d’impardonnable faute cont
208
iental, je pense aux Hindous plus qu’aux Chinois,
est
d’une caste, d’un ordre, d’un karma, et ne peut se poser le problème
209
’un pays totalitaire, le parti sait pour lui quel
est
son bien, et lui prouve au besoin qu’il le sait mieux que lui. L’idée
210
ures, tandis que le Soviétique, dès cette vie-ci,
sera
« rééduqué » pour l’avenir collectif. Nous voyons au contraire l’homm
211
fèrent (ou du moins il s’en flatte) de celles qui
sont
censées régner, ses talents qu’il expérimente, enfin sa vocation, s’i
212
ressent, mais au monde ou à la société, voilà qui
est
proprement occidental. Cela donne le révolté, l’objecteur de conscien
213
a compté dans la vie de l’Europe, tout ce qui s’y
est
fait un nom et un visage distinct. Soulignons maintenant que ce drame
214
ocial, entre la personne libre et la fatalité, ne
serait
pas concevable hors d’un monde qui date ses années de la Crucifixion,
215
humaine. Pour beaucoup d’entre nous, l’expression
est
passée au rang de cliché. Mais l’historien jugera différemment. Pour
216
e nos activités. Ôtez le moi distinct, le droit d’
être
une personne, et du même coup nos vies n’auraient plus sel ni sens :
217
rope, que dis-je : sur l’espoir humain. Ma thèse
est
simple. Elle consiste à rappeler que la plupart de nos valeurs et idé
218
n dérivent en tout cas d’une manière démontrable,
fût
-ce par une suite de laïcisations, ou même de dégradations, parfois au
219
ve au plan collectif. Ces valeurs, ces activités,
seraient
proprement inconcevables sans la notion originelle de la personne. Ma
220
ncore, ce qui les blesse. S’il se trouve que « je
est
un autre », comme dit Rimbaud, on a là le modèle de toute aliénation.
221
toute aliénation. Mais s’il n’y a pas de je, qui
serait
aliéné ? (Pour le bouddhiste, pour le cathare, pas d’autre aliénation
222
’est la personne en moi, et c’est elle seule, qui
est
passible d’aliénation. Si vous n’y croyez pas, l’ordinateur est là.
223
’aliénation. Si vous n’y croyez pas, l’ordinateur
est
là. 8. Révolution et passion Prenons le phénomène de la révolut
224
rner complètement. On peut dire que la révolution
est
, pour une collectivité, l’équivalent exact d’une conversion. Or, la c
225
, radicale, changeant tout — le Chemin de Damas —
est
un phénomène caractéristique du christianisme. La notion de révolutio
226
iste ou bouddhiste, ne peut la concevoir. Elle ne
serait
à ses yeux qu’indécence, blessure à l’ordre du cosmos, crime absurde.
227
s seuls hommes touchés par l’idéologie communiste
sont
restés longtemps ceux que l’Occident avait contaminés : jeunes intell
228
naires ne peuvent se former que dans un monde qui
tient
la liberté et la vocation prophétique pour plus vraies que les lois s
229
. Je constaterai maintenant que cette passion qui
tient
une telle place dans nos vies, ou tout au moins dans nos secrètes nos
230
ose une croyance innée dans la valeur unique de l’
être
aimé, irremplaçable, infiniment distinct de tous les autres. Or, cett
231
romanesque. Il estime à bon droit que la passion
est
une force antisociale, et qui ne peut que gêner son rendement. Cette
232
passion, donc, qui nous paraît si « naturelle »,
est
en réalité exceptionnelle dans le monde. On peut la qualifier d’extra
233
ntaine — dans la révolution chrétienne et qu’elle
est
inconcevable hors d’un monde où Pascal peut placer dans la bouche mêm
234
, mon amour à jamais personnel. Ces deux exemples
sont
extrêmes. Nous ne sommes pas tous des révolutionnaires, ni les héros
235
rsonnel. Ces deux exemples sont extrêmes. Nous ne
sommes
pas tous des révolutionnaires, ni les héros d’une grande passion mort
236
assion mortelle, mais la révolution et la passion
sont
pour nous tous des repères décisifs. Nos vies sont orientées par rapp
237
ont pour nous tous des repères décisifs. Nos vies
sont
orientées par rapport à ces pôles. 9. Originalité et humour Voi
238
iveau de culture, en Occident, le non-conformiste
est
bien vu, tandis que la banalité disqualifie. Tout l’effort de l’artis
239
e aztèque, ou le grand sorcier nègre, le problème
est
non pas de différer, mais au contraire d’appliquer les recettes, de t
240
gestes rituels. L’innovation individuelle ne peut
être
à leurs yeux qu’une erreur. Elle risquerait de faire rater l’opératio
241
istes que terrifie l’idée de passer si peu que ce
soit
pour un « original », et dont toute la morale est d’imiter. Je dis se
242
oit pour un « original », et dont toute la morale
est
d’imiter. Je dis seulement que les modèles dont ils disposent pour le
243
ste et le révolté, l’Europe connaît d’ailleurs un
être
intermédiaire : celui qui a le sens de l’humour. L’Occident a créé l’
244
d’hui dans le pouvoir anonyme de l’État. L’humour
est
la combustion lente de la révolte des individus. C’est pourquoi vous
245
rtaine distance par rapport à ce que l’on se voit
être
. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre individu…
246
par le risque Dernier exemple : le progrès. Il
est
de mode aujourd’hui d’en douter. Les plus grands esprits de notre siè
247
volutions à l’État totalitaire ; que le progrès n’
est
donc nullement fatal ; qu’il n’est plus même un idéal européen, mais
248
e le progrès n’est donc nullement fatal ; qu’il n’
est
plus même un idéal européen, mais bien russe et américain, et tout ce
249
éricain, et tout cela semble bien vrai. Mais il n’
est
pas moins vrai que l’horizon d’un progrès toujours possible reste vit
250
ain plus vaste et libre reste ouvert. De plus, il
serait
faux de penser que notre idée européenne du progrès ait vraiment émig
251
fait, à nos yeux, tout son prix : elle cessera d’
être
liée à l’idée de liberté, c’est-à-dire à la perspective d’une vie plu
252
ous vient, en effet, le concept de progrès ? Il n’
est
apparu comme tel qu’au xviiie siècle. Mais ses origines sont beaucou
253
comme tel qu’au xviiie siècle. Mais ses origines
sont
beaucoup plus anciennes et remontent incontestablement — encore une f
254
de véritable création possible. Leur nostalgie n’
était
pas dans l’avenir, mais dans le temps mythique des origines. L’idée q
255
ovations bénéfiques, que les petits-fils puissent
être
plus heureux que leurs ancêtres, était tout étrangère aux Anciens, co
256
ls puissent être plus heureux que leurs ancêtres,
était
tout étrangère aux Anciens, comme elle le reste à la plupart des Orie
257
de nos jours, notre foi dans le progrès a cessé d’
être
une foi naïve. Nous nous posons à son sujet des questions parfois ang
258
re un pur et simple acte de foi, devant lequel il
est
permis de rester sceptique… En vérité, l’idée de progrès ne peut repr
259
té ne peut avoir de sens que pour l’individu (que
serait
une liberté de masse ?). Je définirai donc le progrès véritable comme
260
ntation continuelle des possibilités de choix qui
sont
offertes, tant matérielles que culturelles, à un nombre sans cesse cr
261
nt d’individus. Et la mesure de ce progrès, ce ne
sera
pas seulement l’augmentation de notre sécurité, de notre confort, mai
262
et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d’
être
libres. Car la seule liberté qui compte pour moi — dira tout véritabl
263
ement. Chacune pourrait fonder une communauté qui
serait
l’expression d’un dosage singulier. Il en résulterait autant de clans
264
une cité, une région ou une petite république se
sont
trouvées coïncider avec une de ces combinaisons plus ou moins stables
265
ts-cités aussi divers et contrastés que l’avaient
été
Athènes et Sparte. Cependant, même là, le plus souvent, et toujours d
266
valeurs de l’héritage commun ne cessent jamais d’
être
présentes, actuelles ou potentielles en mélanges variables. En sorte
267
ar l’école, sur la nature de nos diversités, peut
être
mortellement dangereuse pour l’Europe, dans la mesure où elle sert d’
268
acle majeur à l’union nécessaire du continent. Il
est
donc urgent de faire voir : – que les diversités qui font notre riche
269
: – que les diversités qui font notre richesse ne
sont
précisément pas celles de nos États ; – qu’elles sont présentes et ag
270
précisément pas celles de nos États ; – qu’elles
sont
présentes et agissantes dans toute l’Europe sans nul respect pour les
271
ap asiatique », a découvert la terre entière sans
être
jamais découverte, et a soumis les continents l’un après l’autre sans
272
fiant et stimulant les énergies. Et si l’Europe a
été
pendant cinq siècles « la perle de la sphère et le cerveau d’un vaste
273
gure sur le globe que comme un appendice à l’Asie
est
devenue la métropole du genre humain13 », c’est au seul « pouvoir de
274
vidence. Obéissant à cette force des choses qui n’
est
souvent que l’inertie de notre esprit, elle fût restée ce qu’elle est
275
n’est souvent que l’inertie de notre esprit, elle
fût
restée ce qu’elle est matériellement : 4 % des terres émergées de la
276
ertie de notre esprit, elle fût restée ce qu’elle
est
matériellement : 4 % des terres émergées de la planète. L’Europe est
277
: 4 % des terres émergées de la planète. L’Europe
est
donc une énergie, que nous désignerons par E, et qui est égale au pro
278
c une énergie, que nous désignerons par E, et qui
est
égale au produit de sa masse (étendue, matières premières, population
279
masse (étendue, matières premières, population),
soit
m, par une culture dont les effets induits se multiplient en progress
280
les tensions génératrices de l’énergie européenne
sont
nées de la pluralité de nos origines et des antinomies qui devaient e
281
goût du risque et besoin de sécurité. La seconde
est
formée d’antithèses aux deux termes également condamnables, comme : –
282
l’histoire, accroissent l’entropie, et devraient
être
éliminées par leur transposition terme à terme au plan du conflit cré
283
ainsi le couple individualisme-collectivisme, qui
est
en fait un cercle vicieux, peut s’ouvrir une fois transposé au plan d
284
personnes-communauté, antinomie féconde qui doit
être
maintenue. Mais ces diversités, tensions et antinomies seules créatri
285
tés, tensions et antinomies seules créatrices, il
est
radicalement exclu qu’elles aient jamais coïncidé avec le territoire
286
, elles traversent et animent chacun d’eux, et ce
serait
à chacun d’eux de respecter dans son sein ces vraies diversités, mais
287
tion, avant que le xixe siècle ne l’ait étatisé,
était
donné par des réalités ethniques et linguistiques. Respecter les « pe
288
on respecte leur « personnalité » synthétique, se
sont
formés précisément au mépris de la personnalité authentique des natio
289
ations. La cause des « personnalités nationales »
est
liée à la cause de l’Europe fédérée dans le respect des diversités, e
290
it refuse de compter avec aucun d’entre eux. Ce n’
est
pas le Danemark qui compte pour Kierkegaard ou qui nous intéresse en
291
voir à la France, souhaite que son Ardenne natale
soit
occupée par les Prussiens, et la fuit, l’injure à la bouche, pour all
292
rs, et ce qu’il regrettera — il l’a prédit — ce n’
est
pas sa nation, mais l’Europe — « l’Europe aux anciens parapets ». Ceu
293
traire, disent tout devoir à leur État-nation, ne
sont
jamais ceux qui l’illustrent, ce sont les Déroulède et les Détaillé,
294
-nation, ne sont jamais ceux qui l’illustrent, ce
sont
les Déroulède et les Détaillé, non les Baudelaire et les Courbet. Qua
295
ctuelles de leur État, ils oublient que l’homme n’
est
pas un légume, et que le légume qui a la plus grosse racine, qui est
296
et que le légume qui a la plus grosse racine, qui
est
tout racine pour ainsi dire, c’est le navet. S’il est vrai que les di
297
tout racine pour ainsi dire, c’est le navet. S’il
est
vrai que les diversités, voire les contradictions de notre culture, o
298
s, voire les contradictions de notre culture, ont
été
le ressort de notre histoire, les États-nations modernes n’ont fait q
299
La « personnalité » de nos États-nations, qu’elle
soit
hexagonale ou insulaire, en forme de botte ou de peau de taureau, est
300
sulaire, en forme de botte ou de peau de taureau,
est
finalement la moins sociable de toutes celles qui prétendent à notre
301
tionalisme ; et chacun sait que le nationalisme a
été
propagé par l’école et ses manuels depuis le milieu du xixe siècle.
302
tinctes, autonomes et rivales. Cette conception n’
est
pas seulement responsable des guerres absurdes, justifiées aux yeux d
303
e multiplient au xve siècle : Guillaume Dufay en
est
l’illustration. Une nouvelle école s’épanouit dans les Flandres avec
304
ni à l’Italie actuelles, de même que Grünewald n’
est
pas devenu un peintre français du fait de l’annexion de Colmar à la F
305
a religion qui les inspira toutes au départ, il n’
est
pas une seule des branches de notre culture qui ne résulte de mille é
306
issant l’œuvre commune des Européens ; et il n’en
est
pas une seule que l’on puisse étudier d’une manière sérieuse ou intel
307
s relâche et en toute occasion à vos élèves, ce n’
est
pas seulement faire de l’histoire honnête, après un siècle de falsifi
308
e à l’inverse qu’un État national au sens moderne
soit
en partie le produit de certains auteurs et des propagandes qui s’en
309
t de certains auteurs et des propagandes qui s’en
sont
inspirées. De même, ce n’est pas le génie de la France du Grand Siècl
310
ropagandes qui s’en sont inspirées. De même, ce n’
est
pas le génie de la France du Grand Siècle qui a fait Racine ; c’est p
311
a réalité historique (aucun pays, comme tel, ne s’
est
jamais préoccupé de faire un « apport » littéraire à l’on ne sait que
312
), ni à la réalité de la création littéraire, qui
est
toujours le fait d’un individu (celui-ci certes utilise des instrumen
313
, traditions, croyances du milieu, etc., mais ils
sont
là pour tous, et lui seul en tire cette œuvre qui nous intéresse, non
314
t pour une fois décisif, l’Espagnol Unamuno — qui
était
d’ailleurs un Basque et tenait à ce qu’on le sache. Dans tous ces ca
315
agnol Unamuno — qui était d’ailleurs un Basque et
tenait
à ce qu’on le sache. Dans tous ces cas, ce n’est pas le passeport qu
316
ait à ce qu’on le sache. Dans tous ces cas, ce n’
est
pas le passeport qui caractérise l’écrivain, mais la région où s’est
317
t qui caractérise l’écrivain, mais la région où s’
est
formée sa sensibilité, la religion qu’il suit ou qu’il a rejetée, ses
318
ier (horribile dictu !), mais c’est l’inverse qui
est
vrai : nos littératures « nationales » résultent d’une différenciatio
319
urs et spécifiants de l’« unité intelligible » qu’
est
la littérature européenne sont faciles à énumérer. Rappelons d’abord
320
é intelligible » qu’est la littérature européenne
sont
faciles à énumérer. Rappelons d’abord un grand fait de base qu’on ne
321
grand fait de base qu’on ne voit plus parce qu’il
est
trop évident : l’Europe seule a conçu et possède, dès l’aube grecque,
322
domination anglaise, tout ce qui s’écrit en Inde
est
poésie ou prose sacrée, religieuse, rituelle, symbolique : les Vedas
323
tèques, incas ou mandarins, aujourd’hui maoïstes,
sont
lus avec vénération, c’est-à-dire sans esprit critique, et ceci les d
324
interpréter la vérité de ce texte ? Nous disons :
est
-ce que c’est vrai ? est-ce que cela m’intéresse ? ou m’amuse ? a du s
325
ce texte ? Nous disons : est-ce que c’est vrai ?
est
-ce que cela m’intéresse ? ou m’amuse ? a du succès ? est-ce qu’on en
326
que cela m’intéresse ? ou m’amuse ? a du succès ?
est
-ce qu’on en a parlé à la TV ? Le concept même de littérature est donc
327
a parlé à la TV ? Le concept même de littérature
est
donc spécifiquement européen. Quant aux éléments communs, relevons :
328
agit dans nos écrits : La littérature européenne
est
coextensive dans le temps, avec la culture européenne. Elle embrasse
329
n la morcelle (…). Le « présent intemporel », qui
est
une caractéristique essentielle de la littérature, signifie que la li
330
ignifie que la littérature du passé peut toujours
être
active dans celle du présent. Ainsi, Homère dans Virgile, Virgile en
331
mysticisme espagnol dans T. S. Eliot. Inépuisable
est
la richesse des interrelations possibles14. b) Les formes, procédés
332
mes, procédés rhétoriques, structures. — Là, tout
est
commun : l’épopée, le roman d’aventures, puis d’amour ; la ballade, l
333
tons, les genres, l’orchestre, le concert, etc.,
sont
des créations typiques des Européens.) Cette similitude des procédés,
334
que nous ne voyons plus parce que trop évidente,
est
décisive : elle atteste la spécificité et l’unité fondamentale des ac
335
ens du terme, puis la légende de Don Juan, qui en
est
le négatif. Le mythe de Faust, version renaissante de Prométhée. Les
336
ste dans telle ville d’art ; non pas l’État où il
était
né ni le pays où était située cette ville. En revanche, les styles ét
337
art ; non pas l’État où il était né ni le pays où
était
située cette ville. En revanche, les styles étaient continentaux et s
338
était située cette ville. En revanche, les styles
étaient
continentaux et sont devenus mondiaux au xxe siècle : roman, gothiqu
339
. En revanche, les styles étaient continentaux et
sont
devenus mondiaux au xxe siècle : roman, gothique, classique, baroque
340
au xxe siècle : l’École de Paris, en peinture, n’
est
pas « française », et le style dodécaphonique ou sériel n’est pas plu
341
ançaise », et le style dodécaphonique ou sériel n’
est
pas plus « autrichien » que le ballet russe ne fut « russe », ou le d
342
st pas plus « autrichien » que le ballet russe ne
fut
« russe », ou le dadaïsme « suisse ». 16. Mais la diversité des la
343
portions. a) Nos langues littéraires, en Europe,
sont
étroitement apparentées (à la seule exception du groupe finno-ougrien
344
r leurs emprunts mutuels dans l’ère moderne. Ce n’
est
pas le cas pour l’Inde, encore moins pour la Chine, dont souvent les
345
« grandes langues » (quatorze dans les deux cas)
sont
radicalement différentes les unes des autres, je veux dire : sans rac
346
fférenciation de nos littératures par leur langue
est
relativement récente. Le français devient langue officielle dans le r
347
Le norvégien, l’irlandais, le turc d’aujourd’hui
sont
des produits du xxe siècle. Renan a fait justice de la confusion ent
348
rle encore sept langues en France, et le français
est
la langue maternelle de communautés importantes appartenant à cinq na
349
sités linguistiques. c) Les styles et les écoles
sont
des facteurs de ressemblance ou de dissemblance entre auteurs, non mo
350
es ou rénovées par ces mêmes auteurs. Quelles que
soient
les différences entre les romantiques allemands, français, anglais, i
351
the Definition of Culture. L’anglais, selon lui,
est
la langue la plus riche pour un poète, parce qu’elle combine la plus
352
en au contraire une pluralité des allégeances. Il
est
faux de penser que le seul devoir de l’individu serait son devoir env
353
t faux de penser que le seul devoir de l’individu
serait
son devoir envers l’État ; et il est exorbitant de considérer comme l
354
’individu serait son devoir envers l’État ; et il
est
exorbitant de considérer comme le devoir suprême de l’individu celui
355
i prétendent redouter que l’Europe unie de demain
soit
un affreux méli-mélo où l’on ne parle plus que l’espéranto ou le « vo
356
nt à ne jamais faire aux nations quelles qu’elles
soient
ce que les unitaires et centralisateurs qui les combattent au nom de
357
ux-là seuls qui ne demandent qu’à croire qu’ils y
sont
enfermés. Au-delà des impasses logiques, le désir bâtit la cité. Le d
358
s et de participer à son gouvernement, le désir d’
être
citoyen pousse à construire la ville, qui à son tour formera des trad
359
s de l’Histoire », comme certains disent. Elle ne
sera
pas non plus l’œuvre d’un dictateur : Napoléon, Hitler ont échoué pou
360
Ni spontanée, ni fatale, ni imposée, elle ne peut
être
que choisie et voulue — exactement comme la démocratie — par une majo
361
elles ne font en tout cas pas cela, et l’on peut
être
heureux si elles ne font pas le contraire. L’éducation du citoyen qui
362
toyen qui se pratique dans les écoles de nos pays
est
, aux dires de ses responsables17 généralement insuffisante (parfois i
363
r quand il votera. La leçon d’instruction civique
est
universellement considérée comme la plus ennuyeuse de toutes. En un s
364
’est heureux, car si elle passionnait, les choses
étant
ce qu’elles sont, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme
365
si elle passionnait, les choses étant ce qu’elles
sont
, ce serait inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un rem
366
assionnait, les choses étant ce qu’elles sont, ce
serait
inévitablement au bénéfice du chauvinisme national. Un remède pire qu
367
u chauvinisme national. Un remède pire que le mal
serait
de substituer à l’heure d’ennui civique national une heure d’ennui ci
368
à la vie de la cité et dans l’éveil du désir d’y
tenir
son rôle de citoyen. (« Cité » signifiant ici toute communauté social
369
lèmes vivants et réels de l’Europe, telle qu’elle
est
aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait être unie demain, n’app
370
est aujourd’hui désunie et telle qu’elle pourrait
être
unie demain, n’apparaissent pas souvent dans les discours des militan
371
é du xxe siècle. Quand on a vu de quoi cette vie
est
faite, on voit aussi sans discussion possible, sans adjurations pathé
372
e matérielle. On pense bien que le but ne saurait
être
d’instaurer une branche de plus dans l’enseignement pléthorique du se
373
eur parti, il faut que le professeur lui-même ait
été
sensibilisé aux réalités de l’Europe encore désunie et aux possibilit
374
ientation antinationaliste et pro-européen ne s’y
sera
pas produit et qu’il n’aura pas fait sentir ses effets dans l’enseign
375
les n’aboutira, ou ne prendra vraiment le départ.
Est
-ce dire que l’Europe attend son « Petit Livre rouge » à distribuer au
376
de millions d’écoliers de nos pays ? Oui, mais ce
serait
le livre des questions réelles éveillant le sens critique et le besoi
377
on, tandis que l’autre, que j’ai sous les yeux, n’
est
qu’un recueil de réponses toutes faites, uniformément optimistes, et
378
ltent de l’examen objectif de la situation, et je
suis
bien certain qu’il révélerait de la sorte la nécessité de l’union, et
379
urope ! », mais ferait voir que l’Europe risque d’
être
détruite par ce qui tue l’esprit critique, déprime le goût de la libe
380
tout change. La transmission des connaissances n’
est
plus initiation mais instruction publique, c’est-à-dire communication
381
e de nullité le rite. En Europe, au contraire, il
est
courant que le maître inscrive au bas d’une rédaction d’élève qu’il v
382
ue loi de l’Histoire, et que par suite l’autorité
serait
quelque chose de « périmé », de « réactionnaire », et en tout cas de
383
en tout cas de condamnable, tandis que la liberté
serait
moderne, progressiste et louable en tous les cas. Car en fait toute é
384
x éléments à doses variables. Autorité et liberté
sont
aussi nécessaires à la vie de l’éducation que la diastole et la systo
385
vue de la culture au sens large, trois régions se
sont
dessinées au cours du second tiers du xxe siècle : l’Europe, l’URSS
386
ne crise aiguë, que les observateurs étrangers ne
sont
pas les seuls ni les premiers à détecter. Un nombre croissant d’Améri
387
rope le film Blackboard Jungle : la description y
est
certes à l’excès dramatisée et poussée au noir, mais n’en demeure pas
388
t formé une génération d’enfants que plus rien ne
tient
en respect, qu’aucune loi ni règlement n’effraie plus. L’école est de
389
u’aucune loi ni règlement n’effraie plus. L’école
est
devenue leur jouet, et ils ne peuvent comprendre qu’un maître les emp
390
e le casser, comme il leur plaît. L’idée générale
est
la suivante : si un texte est trop difficile, qu’on en choisisse un p
391
ît. L’idée générale est la suivante : si un texte
est
trop difficile, qu’on en choisisse un plus facile, un plus « moderne
392
porte, et que vingt auteurs confirment, pourrait
être
résumé de la sorte : on pousse le respect de l’individualité enfantin
393
ns : si la formation intellectuelle qu’elle offre
est
de plus en plus médiocre, l’école américaine n’en prétend pas moins p
394
es droits de la collectivité. Le trait distinctif
est
ici la spécialisation dirigée par l’État. L’élève qui a réussi ses ép
395
nq-cent-dix sous-spécialisations. Le plan d’étude
est
rigoureusement prescrit pour chaque spécialité : l’élève n’a aucun dr
396
du parti, qui n’occupent que 6 % des études, 27 %
étant
consacré aux sciences et 67 % à la spécialisation. Quelques jours apr
397
trois ans. Après quoi, quelques-uns des meilleurs
sont
autorisés à poursuivre des études supérieures et à préparer un doctor
398
parer un doctorat, trois sur quatre des candidats
étant
dirigés vers un doctorat en sciences19. Ce sont ainsi les besoins du
399
étant dirigés vers un doctorat en sciences19. Ce
sont
ainsi les besoins du Plan, c’est-à-dire les besoins de la collectivit
400
idu, comme dans les sociétés religieuses, où tout
était
prescrit sans discussions. Nous sommes ici aux antipodes de la pratiq
401
es, où tout était prescrit sans discussions. Nous
sommes
ici aux antipodes de la pratique américaine. À l’excès de liberté dan
402
Ces deux repères extrêmes une fois posés, il nous
est
plus facile de définir ce qu’est la voie européenne. Posons-nous cett
403
s posés, il nous est plus facile de définir ce qu’
est
la voie européenne. Posons-nous cette question très simple : Pourquoi
404
Posons-nous cette question très simple : Pourquoi
sommes
-nous choqués par les excès américain et soviétique ? Pourquoi les res
405
x excès conduisent à des résultats analogues, qui
sont
le déclin du sens critique, la non-résistance aux modes ou aux réglem
406
nt européenne apparaît alors bien clairement : il
est
de former et promouvoir des hommes à la fois libres et responsables,
407
é. J’accorde enfin qu’en Europe même, et quel que
soit
notre idéal, nous souffrons nous aussi, dans la pratique, des excès a
408
a Parabole des trois colombes. La colombe de Kant
est
célèbre, qui s’imagine qu’elle volerait mieux dans le vide, sans la r
409
stant la question : que faire ? où aller ? Tout a
été
réglé d’avance par le régime. La colombe européenne, elle, sait qu’el
410
us condamnent à l’expansion. Que ce mouvement ait
été
baptisé impérialisme paraît accidentel et relatif : toute énergie, to
411
énergie, toute force physique ou spirituelle peut
être
qualifiée d’impérialiste par les objets ou individus qui la subissent
412
avons presque tout inventé. L’espace d’abord. Ce
sont
les Européens qui ont découvert la terre entière, alors qu’aucun autr
413
utre peuple ne songeait à venir les découvrir. Ce
sont
eux qui ont ainsi permis à l’humanité tout entière de prendre peu à p
414
z les sages de plusieurs autres cultures, mais ce
sont
les Européens qui lui ont donné son contenu concret et qui ont seuls
415
s démontré sa consistance. L’idée de genre humain
est
notre création. Le temps ensuite. Ce sont les Européens qui ont inven
416
e humain est notre création. Le temps ensuite. Ce
sont
les Européens qui ont inventé l’histoire et l’historiographie, avec t
417
politiques des masses. À partir de l’histoire, ce
sont
les Européens qui ont inventé l’archéologie, comme ils ont inventé l’
418
monde depuis cinquante ans, la part des Européens
est
largement prépondérante. Et je dis bien : des Européens, non de tel d
419
l de leurs pays. Car chacune de leurs découvertes
est
née du grand dialogue entre les esprits du passé et du présent, par-d
420
t du présent, par-dessus les frontières ; chacune
est
prise dans le contexte d’une réflexion européenne (contexte qui tend
421
tre et sculpture : presque tous leurs grands noms
sont
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris
422
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en
sont
pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra
423
dirai plus. Le monde moderne en tant que tel peut
être
appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il im
424
car toutes les créations que je viens d’énumérer
sont
en expansion vers le monde, appellent le monde, s’en nourrissent, et
425
dépens de l’Europe et à ceux du tiers-monde. Tel
est
le drame. Il intéresse l’avenir de tous les peuples de la terre. En v
426
simple, je crois : la diffusion de nos valeurs n’
est
pas coextensive à celle de nos produits et n’en est pas contemporaine
427
t pas coextensive à celle de nos produits et n’en
est
pas contemporaine. Elle reste loin derrière dans l’espace et le temps
428
e de diffusion de la civilisation née en Europe n’
est
pas loin de recouvrir l’ensemble des terres habitées, mais la densité
429
s L’énoncé des plus hautes valeurs européennes
tient
dans l’œuvre de Bach et dans celle de Mozart. Les Messes et les Passi
430
me, elle n’ira pas plus haut, peut-être, mais qui
serait
en mesure d’exiger davantage ou de proposer mieux dans le monde d’auj
431
le monde d’aujourd’hui ? Certes, l’Europe réelle
est
loin de tels sommets, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’e
432
l’Europe réelle est loin de tels sommets, mais ce
sont
tout de même ses sommets. Elle n’est pas souvent digne de ces œuvres,
433
ts, mais ce sont tout de même ses sommets. Elle n’
est
pas souvent digne de ces œuvres, mais c’est elle qui les a créées. No
434
es l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui
est
beaucoup plus bas, au niveau du contact brutal entre leurs coutumes e
435
ur sagesse ancestrale et nos machines. Nos péchés
sont
criants, et tout l’Orient les crie, mais il n’entend pas nos grandeur
436
ais il n’entend pas nos grandeurs. Car la musique
est
le sublime de l’Occident, mais pour l’oreille d’un Oriental, c’est un
437
e, une espèce de rumeur insensée… Seulement, elle
est
issue du même complexe, et elle répond dans le monde de l’âme au même
438
» Une autre fois, il me raconte que sa femme, qui
est
une Hollandaise, donnait des leçons de solfège aux enfants d’une écol
439
mais entendues 20. Ainsi, chaque machine exportée
est
, en fait, un cheval de Troie. Nous avons évacué nos guerriers et reti
440
re vivre, au sens le plus fort de ce terme. Nous
sommes
au point de l’évolution de l’humanité où les Européens, ayant créé «
441
ens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’
être
dépossédés par ce monde même qu’ils ont suscité et qui se voit en mes
442
emps que nos créations. On voit que l’alternative
est
utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous reste à trouver des c
443
’alternative est utopique, chacun de ses termes l’
étant
. Il nous reste à trouver des compromis viables, aussi imprévisibles q
444
xxe siècle a vu la civilisation — qui ne saurait
être
que la nôtre, quand on en parle au singulier — étendre à toute la ter
445
les prophètes de la décadence européenne : et ils
sont
tous, ou presque tous, Européens. Loin de s’émerveiller du fait que l
446
es civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes
mortelles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone étaient de beau
447
elles. Et il ajoutait : Elam, Ninive, Babylone
étaient
de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi pe
448
istence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce
seraient
aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et voyons maint
449
ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi
est
un beau nom. Et voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez
450
m. Et voyons maintenant que l’abîme de l’histoire
est
assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la
451
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux. L’écho de
452
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux. L’écho de cette page fut immense et je sais peu d
453
les sont dans les journaux. L’écho de cette page
fut
immense et je sais peu de phrases plus fréquemment citées que celle q
454
qui annonce en somme que toutes les civilisations
étant
mortelles, la nôtre aussi pourrait périr, va donc probablement périr.
455
a donc probablement périr. Pour émouvante qu’elle
soit
, elle exprime, à mon sens, l’une des erreurs les plus célèbres de l’é
456
pour illustrer le même argument que Valéry : Que
sont
devenues tant de brillantes créations de la main de l’homme ? Où sont
457
e brillantes créations de la main de l’homme ? Où
sont
-ils, ces remparts de Ninive, ces murs de Babylone, ces palais de Pers
458
de Persépolis ?… Hélas, j’ai visité les lieux qui
furent
le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que soli
459
tard, Hegel introduisait l’idée que chaque peuple
est
« un individu dans la marche de l’Histoire » et qu’il obéit donc, com
460
débuts du xxe siècle, Spengler va plus loin ; il
est
convaincu que toute culture est un organisme et correspond morphologi
461
va plus loin ; il est convaincu que toute culture
est
un organisme et correspond morphologiquement à un individu, animal ou
462
l. Il en résulte inexorablement que toute culture
est
mortelle, et l’on rejoint la phrase de Valéry. Enfin, dans un effort
463
dence historique. Primo, l’hégémonie politique n’
est
pas toujours et nécessairement liée à la vitalité d’une civilisation.
464
tion. L’une peut exister sans l’autre. L’une peut
être
perdue sans que l’autre soit ruinée du même coup. Gengis Khan eut l’h
465
l’autre. L’une peut être perdue sans que l’autre
soit
ruinée du même coup. Gengis Khan eut l’hégémonie sans la civilisation
466
t une civilisation sans hégémonie. Secundo, il n’
est
pas du tout certain que les précédents historiques soient applicables
467
as du tout certain que les précédents historiques
soient
applicables dans notre situation, ni que la courbe croissance-grandeu
468
n, ni que la courbe croissance-grandeur-décadence
soit
la même pour toutes les cultures dans tous les temps. Les prophètes d
469
nnu des Européens, celui de la chute de Rome, qui
est
censée avoir entraîné la disparition de la civilisation gréco-romaine
470
dans la partie occidentale de l’Empire. L’exemple
est
-il valable pour l’Europe ? La civilisation européenne est-elle une ci
471
alable pour l’Europe ? La civilisation européenne
est
-elle une civilisation comme les autres ? Son destin peut-il être préd
472
ivilisation comme les autres ? Son destin peut-il
être
prédit par extrapolation des exemples antiques ? Il se pourrait, bien
473
totalitaires d’aujourd’hui, URSS ou Chine de Mao,
tiennent
leur unité d’une doctrine uniforme, imposée à tous par l’État. Compar
474
’elle en a héritées, la civilisation européenne s’
est
trouvée fondée sur une culture de dialogue et de contestation. Elle n
475
rite Novalis : nous savons aujourd’hui qu’il n’en
fut
rien, et que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne furent pas
476
que les conflits qui déchirèrent le Moyen Âge ne
furent
pas moins violents que ceux que nous vivons. L’unité de notre culture
477
a civilisation créée par cette culture n’a jamais
été
autre chose qu’une unité paradoxale consistant dans la seule volonté
478
commune à tous de refuser l’uniformité. 24. Où
sont
les candidats à la relève ? Aux prophètes de la décadence européen
479
ope. Première raison : La civilisation européenne
est
la seule qui soit effectivement devenue universelle. Bien d’autres
480
son : La civilisation européenne est la seule qui
soit
effectivement devenue universelle. Bien d’autres avaient cru cela d
481
se trompaient, mais cette erreur ne saurait plus
être
commise, à présent que la terre entière est explorée dans ses dernier
482
plus être commise, à présent que la terre entière
est
explorée dans ses derniers recoins. Alexandre le Grand et les empereu
483
mouvement d’imitation s’opère à sens unique et n’
est
plus réversible. Mais comment expliquer ce phénomène sans précédent d
484
monolithiques et homogènes. Voilà pourquoi elle s’
est
trouvée la seule qui fût assez complexe et multiforme pour pouvoir, s
485
s. Voilà pourquoi elle s’est trouvée la seule qui
fût
assez complexe et multiforme pour pouvoir, sinon satisfaire, du moins
486
hniques que de livres et de missionnaires. Elle s’
est
laïcisée, ou sécularisée, et détachée du christianisme qui contribua
487
ition de son « succès » le plus visible —, elle s’
est
rendue plus transportable, plus acceptable et imitable qu’aucune autr
488
aleur égale de tout homme devant Dieu, quelle que
soit
sa nation, sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien d
489
e ancienne ne croyait rien de tel. Le mot homme y
était
synonyme d’habitant de la vallée et du delta du Nil. Il y avait un mo
490
e style, Bismarck définit le Bavarois comme « cet
être
intermédiaire entre l’Autrichien et l’homme ».) Pour les Grecs et les
491
les barbares, c’est-à-dire tous les autres, qui n’
étaient
pas vraiment et complètement humains. Ces très hautes civilisations d
492
s ni hommes libres, ni hommes ni femmes, car vous
êtes
tous fils de Dieu, vous êtes tous un en Jésus-Christ. »), cette conce
493
ni femmes, car vous êtes tous fils de Dieu, vous
êtes
tous un en Jésus-Christ. »), cette conception devait seule permettre
494
de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne
sont
plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux ». Depuis l
495
nandre ne sont plus du tout inconcevables : elles
sont
dans les journaux ». Depuis lors, on a retrouvé — et même joué — plus
496
nregistrées sur bandes et sur microsillons, elles
sont
en mesure de résister au temps beaucoup mieux que les fresques de Las
497
t la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre,
sont
-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été préservées par le mus
498
sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont
été
préservées par le musée et le laboratoire européens, pour être diffus
499
es par le musée et le laboratoire européens, pour
être
diffusées de nos jours sur toute la terre. Il s’en faut de beaucoup q
500
plus raffinées, aient connu pareille fortune. Ce
sont
les lois de Minos, de Dracon et de Solon, venues de la Crète et de l’
501
la Crète et de l’Égypte ancienne par la Grèce, ce
sont
le Décalogue et les Béatitudes, c’est enfin le code de Justinien, d’o
502
ne mourrons jamais entièrement et que nos cendres
sont
fécondes. Le temps est passé où les civilisations étaient mortelles.
503
rement et que nos cendres sont fécondes. Le temps
est
passé où les civilisations étaient mortelles. » J’ajouterai cette sim
504
fécondes. Le temps est passé où les civilisations
étaient
mortelles. » J’ajouterai cette simple remarque : si tant de civilisat
505
si tant de civilisations qu’on croyait endormies
sont
tirées de l’oubli au xxe siècle, si tant d’écoles antiques de sagess
506
rminée. Et les autres n’en savaient rien. Mais ce
fut
plus souvent l’agression d’une civilisation rivale, plus primitive et
507
barbares » mal connus. Les candidats à la relève
étaient
nombreux. En est-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou
508
s. Les candidats à la relève étaient nombreux. En
est
-il un seul aujourd’hui qui réclame l’oblitération ou simplement la re
509
de succès ? Les États-Unis ? dira-t-on. Mais ils
sont
nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser p
510
ain. L’URSS ? Mais qu’apporte-t-elle de nouveau ?
Est
-elle une autre civilisation ? Lénine disait de sa Révolution : « C’es
511
marxisme plus l’électricité. » Or, le marxisme n’
est
pas un apport soviétique, ce n’est pas Popov qui l’a inventé, mais bi
512
le marxisme n’est pas un apport soviétique, ce n’
est
pas Popov qui l’a inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père é
513
inventé, mais bien un Juif allemand, dont le père
était
devenu protestant, et qui rédigeait au British Museum, pour le Herald
514
et qui forment une partie du Kapital. Le marxisme
est
né en Europe et de l’Europe, au carrefour d’un débat séculaire entre
515
anisé la Russie. Et c’est l’URSS à son tour qui s’
est
chargée d’aider la Chine à liquider la civilisation des mandarins, c’
516
Le fameux « bond en avant » de la Chine n’a guère
été
qu’un bond vers l’industrie et vers le socialisme, inventés par l’Eur
517
a Russie, laquelle veut rejoindre l’Amérique, qui
est
une invention de l’Europe… Où est donc dans tout cela « l’éclipse » d
518
l’Amérique, qui est une invention de l’Europe… Où
est
donc dans tout cela « l’éclipse » de l’Europe comme culture ? Dans l’
519
e péril noir. Je n’y crois guère. Notre éclipse n’
est
rien que notre aveuglement sur nos propres pouvoirs et notre vocation
520
. La civilisation européenne, devenue mondiale, n’
est
menacée en fait que par les maladies qu’elle a produites et propagées
521
ité créatrice, c’est en Europe, que ce péril doit
être
conjuré. Car ce qui nous menace de l’extérieur, c’est aussi ce qui no
522
s, une saveur à nos vies. Ce matérialisme plat ne
serait
guère plus dangereux que la bêtise humaine en général, s’il n’avait p
523
tendre les ressorts créateurs du progrès, dont il
est
trop souvent l’aboutissement. Or, chacun sait que les ressorts du pro
524
ment. Or, chacun sait que les ressorts du progrès
sont
l’inquiétude philosophique, la passion de défier le destin, le refus
525
et la police des États. Ces maladies de l’Europe
sont
plus dangereuses pour le reste du genre humain que pour l’Europe elle
526
enre humain que pour l’Europe elle-même, où elles
sont
nées. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’est vaccinée. L’E
527
es. Car l’Europe, à travers des crises atroces, s’
est
vaccinée. L’Europe a sécrété Hitler, mais en douze ans elle l’a élimi
528
uelque temps contre la tentation totalitaire, qui
est
l’essence du nationalisme. Il n’en va pas de même sur d’autres contin
529
ous avaient avertis — ceux que j’ai cités. Le mal
est
venu, nous l’avons vu, et nous l’avons vaincu au prix de millions de
530
au prix de millions de morts… Et maintenant, ce n’
est
pas chez nous, mais chez les autres, qu’il triomphe. Le grand Jacob B
531
uropéennes au xxe siècle : Le sort des ouvriers
sera
le plus étrange… l’État militaire va devenir le Grand Fabricant. Ces
532
s humaines dans les grandes usines ne peuvent pas
être
éternellement abandonnées à leur pauvreté et à leur envie. Un certain
533
ilà ce qui doit logiquement se produire. Or ce n’
est
pas chez nous, en Europe, mais en Chine, que cette prédiction se réal
534
poutnik. Un quart d’heure après, les travailleurs
étaient
alignés. Sur l’ordre des commandants de compagnies et de brigades, le
535
e millénaire des paysans à vivre au petit bonheur
est
à jamais disparue. Quel énorme changement ! La religion du travail f
536
n’a jamais atteint en Europe de tels excès. Elle
est
née chez nous, il est vrai, et c’était bien chez nous que Burckhardt
537
Europe de tels excès. Elle est née chez nous, il
est
vrai, et c’était bien chez nous que Burckhardt en avait pressenti les
538
avec succès. Notre tâche en Europe, aujourd’hui,
est
de créer les anticorps qui permettront au genre humain de résister à
539
hénie du spirituel. C’est dire que notre vocation
est
désormais de présenter au monde, et d’illustrer d’abord par l’exemple
540
la coexistence en tension des contraires. Car tel
est
le secret occidental de la recherche spirituelle sans quoi la science
541
ves. Secret lui-même paradoxal, puisqu’il exige d’
être
communiqué, comme l’amour même, sous peine de lésions explosantes dan
542
sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies
seront
perdues une à une si elles refusent l’union qui ferait leur seule for
543
le force ; mais en retour, cette union ne saurait
être
acquise au prix des libertés qu’elle doit servir. Rien de plus limpid
544
impide que la déduction qui fait toute ma thèse :
étant
donné que notre base d’unité est une culture pluraliste, on ne peut f
545
ute ma thèse : étant donné que notre base d’unité
est
une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’une union fédér
546
ifficile à expliquer, c’est que rien n’ait encore
été
fait dans ce sens, depuis près de vingt-cinq ans qu’on nous déclare a
547
Zurich, qu’il n’y a pas une minute à perdre. Quel
est
l’obstacle apparemment insurmontable à cette union que tout indique,
548
ersonne ne fait ? Il y en a deux, en vérité. L’un
tient
au sens des mots, l’autre au sens de l’histoire, j’entends bien : au
549
ra un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie
sommes
-nous engagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie
550
Je répondrai : dans les deux à la fois, et cela n’
est
pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire
551
dictoire, c’est en effet l’État-nation, tel qu’il
est
né de la Révolution et de l’Empire napoléonien, produit de la confisc
552
r sa souveraineté (car nul pays de notre Europe n’
est
plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, d
553
sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il
est
certain que la prétention à une politique indépendante, au plein sens
554
indépendante, au plein sens du terme, ne saurait
être
soutenue à la rigueur que par la Chine, l’URSS et surtout les USA, s’
555
acceptaient toutefois d’en payer le prix, lequel
serait
celui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation parano
556
enne, voici donc une première réponse : oui, nous
sommes
bel et bien au seuil d’une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on d
557
regroupent 40 % de la population du globe, et il
est
frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États de
558
rope de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’
Est
, et au-delà l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le cliché
559
ique de la convergence et de la diversification n’
est
pas toujours mieux satisfaite dans ces États officiellement fédératif
560
tifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce
sont
les autonomies régionales et les diversités religieuses et politiques
561
s et les diversités religieuses et politiques qui
sont
opprimées par l’État central, dont un parti unique s’est emparé ; au
562
rimées par l’État central, dont un parti unique s’
est
emparé ; au Nigéria, c’est au contraire une des régions fédérées qui
563
exemple de la fédération des cantons suisses ! Il
est
certain que, dans ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on est
564
s ces trois cas, c’est moins le fédéralisme qu’on
est
en droit d’incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage ma
565
ralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on
est
en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéralis
566
plus totales et vers des unions plus vastes, qui
est
le battement même du cœur d’un régime sain, j’entends immunisé contre
567
xxe siècle, il faudrait, avant de le prescrire,
être
très sûr de sa formule. Or, je ne vois pas de terme du langage politi
568
, au mépris de l’union dans l’intérêt commun. Tel
est
le malentendu tragique et ridicule qui bloque tous les efforts d’unio
569
rine du gouvernement fédératif. Cette définition
est
assurément moins éclairante que les deux citations qui l’illustrent :
570
ux citations qui l’illustrent : « Le fédéralisme
était
une des formes politiques les plus communes employées par les sauvage
571
l voudrait savoir ce qu’un mot signifie, la cause
est
jugée. Il s’agit d’un système qui est bon pour les sauvages, et qui s
572
e, la cause est jugée. Il s’agit d’un système qui
est
bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été préconisé que par de
573
est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir
été
préconisé que par des traîtres à la République… Pratiquement, le Fran
574
me, inverse de la première mais non moins fausse,
est
la plus répandue en Amérique. Si les Vaudois se disent fédéralistes c
575
aine. Mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y
est
encore qualifié de « néologisme ». C’était deux ans après le livre de
576
ut : le malheur congénital du fédéralisme reste d’
être
un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en tout c
577
té directeur d’un congrès européen qu’une journée
fût
réservée à des travaux sur le fédéralisme. Le représentant du Conseil
578
déralisme. Le représentant du Conseil de l’Europe
tint
à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbo
579
t à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme
étant
tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on
580
Je compris par la suite que ce haut fonctionnaire
tenait
le fédéralisme pour un système d’unification intégrale, sans respect
581
t-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il
est
. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à une attitude
582
aire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme
est
assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir
583
e, et grand européen, écrivait récemment : « Ce n’
est
pas dans le fédéralisme, ce n’est pas en se repliant sur elle-même qu
584
emment : « Ce n’est pas dans le fédéralisme, ce n’
est
pas en se repliant sur elle-même que la Wallonie trouvera son salut.
585
vention fédérale, « parce qu’ici, disait-il, nous
sommes
fédéralistes ! ». Pareils malentendus, s’ils sont le fait d’Européens
586
mmes fédéralistes ! ». Pareils malentendus, s’ils
sont
le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditio
587
u de gardiens jaloux des traditions helvètes, que
sera
-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’étant ni ceci, ni cela, mais la coexis
588
helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fédéralisme n’
étant
ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela,
589
ions partielles, donc ruineuses dans son cas, lui
soit
pour ainsi dire congénital. Or, s’il est vrai que l’union de l’Europe
590
as, lui soit pour ainsi dire congénital. Or, s’il
est
vrai que l’union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle,
591
énital. Or, s’il est vrai que l’union de l’Europe
est
l’entreprise capitale de ce siècle, et s’il est vraisemblable que cet
592
e est l’entreprise capitale de ce siècle, et s’il
est
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne sera pas, on sent t
593
siècle, et s’il est vraisemblable que cette union
sera
fédérale ou ne sera pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fa
594
vraisemblable que cette union sera fédérale ou ne
sera
pas, on sent tous les dangers qu’entraînent en fait les malentendus q
595
vitales, de telle sorte que la solution ne puisse
être
cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordin
596
e telle manière que la résultante de leur tension
soit
positive. (On dirait, dans le langage de la théoriea des jeux de von
597
de relations bipolaires, dont le « modèle » nous
est
connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie o
598
lule de base des ligues et fédérations. Voilà qui
est
proprement occidental : devant ce même problème de l’Un et du Divers,
599
nte. Le but pour le brahmane, pour le bouddhiste,
est
d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans di
600
ue. De même que le modèle trinitaire des conciles
sera
utilisé par Kepler dans ses spéculations sur le cercle et leurs appli
601
nce des natures, sauvegarde leurs propriétés21 »,
sera
repris par tous les penseurs occidentaux respectueux du réel et des c
602
pectueux du réel et des conditions de la vie, qui
sont
: antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’où procède la plu
603
définis comme exclusifs l’un de l’autre a cessé d’
être
un scandale, est même devenu principe fondamental d’interprétation du
604
usifs l’un de l’autre a cessé d’être un scandale,
est
même devenu principe fondamental d’interprétation du réel. (Je pense
605
utres hommes, ses semblables. Ces groupes devront
être
à leur tour à la fois autonomes et solidaires : pour eux aussi, l’un
606
sans l’autre, bien mieux : l’un — la solidarité —
sera
la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le probl
607
i veut à la fois sa vie privée et une vie sociale
est
homologue de la situation de la région qui veut à la fois son autonom
608
. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’
est
-il pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’évoquer, puisqu
609
analyse, des vocations particulières au sein de l’
Être
même de l’Universel, source et fin de toute communauté. 31. Princi
610
iste Dans tous ces domaines d’existence, quels
seront
les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect d
611
ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où
seront
prises les décisions relatives à cette tâche. Il peut y avoir d’aille
612
it le marxisme plus l’électricité, le fédéralisme
sera
l’autonomie des régions plus les ordinateurs, c’est-à-dire le respect
613
ndu possible par la technique moderne. Ce débat n’
est
pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France
614
ar cette grande phrase : « Le but de la société n’
est
pas que l’administration soit facile, mais qu’elle soit juste et écla
615
but de la société n’est pas que l’administration
soit
facile, mais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir, enfi
616
as que l’administration soit facile, mais qu’elle
soit
juste et éclairée. » Nous allons voir, enfin, que nos critères d’éval
617
cipation, l’efficacité et l’économie des moyens —
sont
en interdépendance générale. 32. Les unités de base Prenons l’e
618
rop serré avec d’autres chez soi, et qui voudrait
être
enfin seul, sort et se mêle à la foule anonyme. Mais c’est une mauvai
619
unication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’
étaient
pas là. La solution consisterait à recréer les conditions de communau
620
aménagements. Les dimensions, d’ailleurs, peuvent
être
numériques aussi bien qu’architecturales : prenez les conflits actuel
621
rofessionnel souvent d’autant plus rentable qu’il
est
plus étroitement spécialisé et adapté sans nul souci critique à sa fo
622
étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement,
est
aussi le contrecoup mécanique de l’explosion des effectifs. Multiplie
623
dimensions d’une université digne du nom, qui ne
soit
pas une simple juxtaposition d’écoles professionnelles, et qui ménage
624
des recteurs, à Göttingen, en 1964. L’université
fut
une commune libre au Moyen Âge. Toute vie civique, depuis la cité gre
625
n Âge. Toute vie civique, depuis la cité grecque,
est
communale d’abord, municipale. C’est au niveau de la vie civique ou p
626
unités de base ? Comment devenir assez grand pour
être
fort, tout en restant assez petit pour être libre ? Ce n’est pas le v
627
pour être fort, tout en restant assez petit pour
être
libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moin
628
out en restant assez petit pour être libre ? Ce n’
est
pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui pe
629
ivisme, c’est dans cette dialectique concrète que
sont
en train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine d
630
is en considération par les auteurs classiques, n’
était
en réalité qu’un cas particulier d’une conception beaucoup plus large
631
re à épuiser »… Et il ajoutait : « Le fédéralisme
est
autre chose qu’une simple recette juridique ou politique : il est un
632
qu’une simple recette juridique ou politique : il
est
un des grands types d’aménagement du rapport politique et peut-être p
633
e viens de le définir ne fait que commencer. Il n’
est
pas matière historique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de p
634
s, Le Fédéralisme contemporain : « Le fédéralisme
est
présence au pouvoir global des éléments particuliers — demeurant dist
635
connaissables — dont se compose la fédération. Il
est
une symbiose sans confusion ni disparition des spécificités. » 22.
636
sible de l’Europe, donc à toute union fédérale, n’
est
autre que l’État-nation, tel que Napoléon en a posé le modèle, intégr
637
ar le tiers-monde, mal décolonisé à cet égard… Qu’
est
-ce en somme qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une n
638
donc, de plus hostile à toute espèce d’union tant
soit
peu sérieuse ou sincère que cet État-nation qui, par ailleurs, se rév
639
aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il
est
à la fois trop petit pour le monde, trop grand pour ses régions, et s
640
ces du désordre dans la cité, mais ces confusions
sont
stériles, et leur critique impitoyable peut être à la rigueur féconde
641
sont stériles, et leur critique impitoyable peut
être
à la rigueur féconde. 35. Critique fédéraliste du nationalisme
642
t, par exemple, s’écria solennellement que la CED
était
« la fin de la France », parce que cette convention prétendait limite
643
nce non absolument et non totalement souveraine n’
était
plus la France. La seule évocation d’une atteinte possible à la souve
644
, on touchait au sacré. Le très laïque M. Herriot
était
en réalité un fanatique de la religion de la nation. S’il n’eût pas é
645
tique de la religion de la nation. S’il n’eût pas
été
aveuglé par la superstition jacobine, il eût vu comme nous tous que l
646
vu comme nous tous que la souveraineté absolue n’
est
qu’un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’a
647
Pour Jean Bodin, au xvie siècle, la souveraineté
est
le droit de poser et de casser les lois, le fait du prince, et seul e
648
ue rien le limite hors la Justice divine, dont il
est
le seul interprète… Par la suite, on a défini la souveraineté comme «
649
r le droit applicable à chaque domaine ». Or il n’
est
pas un seul État européen qui, de nos jours, ait conservé la faculté
650
faculté d’agir à sa guise à l’extérieur. Il n’en
est
pas un seul qui soit capable de déclarer la guerre ou de conclure la
651
guise à l’extérieur. Il n’en est pas un seul qui
soit
capable de déclarer la guerre ou de conclure la paix comme il l’enten
652
irate. Ces limites décisives à la souveraineté ne
sont
point posées par le droit, mais par les circonstances réelles du sièc
653
des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle
est
devenue le réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies de gloir
654
un complexe. D’où la difficulté, pour ceux qui en
sont
victimes, de s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même de
655
icien : le partisan de l’État-nation, en effet, n’
est
pas simplement un homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dans s
656
es par Nietzsche. La patrie, pour le fédéraliste,
est
une réalité d’instinct et de sentiment, un fait de naissance et d’ata
657
tte implantation géophysique reste locale. Elle n’
est
guère extensible au-delà de la région. La nation, au contraire, au se
658
oderne, au sens du « Vive la Nation ! » de Valmy,
est
une réalité d’ordre plutôt mystique, idéale ou idéologique. D’où cett
659
mais on ne peut rien annexer à une patrie. L’État
est
un agencement d’activités administratives et politiques, une construc
660
Il suffit de constater que la structure de l’État
est
à peu près la même de nos jours dans les patries et les nations les p
661
eur de parler sa langue, quand celle-ci se trouve
être
majoritaire dans les frontières actuelles (et en somme accidentelles)
662
réalités économiques. C’est ainsi que le charbon
fut
français ou allemand, selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre
663
s-sol muet. La tendance à l’autarcie économique n’
est
qu’une transposition particulièrement insensée de la volonté d’isolem
664
l’autarcie implique que le bien-être des citoyens
soit
sacrifié à la puissance de l’État, et leur liberté personnelle et con
665
aux élites modernes que l’indépendance nationale
est
la suprême valeur humaine, puisque en fait on lui sacrifie la santé d
666
gue étrangère. Ajoutons que l’autarcie économique
est
irréalisable au xxe siècle, et n’existe pas, même en Chine. Tout com
667
courant qu’ils prolongent. Si nous croyons qu’il
est
une « culture nationale » française ou danoise par exemple, comme la
668
’imprudentes les trois questions suivantes que je
tiens
pour décisives : — Faut-il sacrifier les souverainetés absolues ? — S
669
? Certains stato-nationalistes de droite, ou de l’
Est
, disent qu’ils veulent bien de l’Europe unie, si elle respecte les so
670
es droits de célibataire. Logiquement, l’attitude
est
comique ; pratiquement, elle permet tous les refus et n’autorise que
671
ypocrisies. Quant à son absurdité théorique, elle
est
parfaitement exprimée par la devise que proposait l’historien autrich
672
La première, c’est que la souveraineté nationale
est
encore un mythe puissamment agissant sur les esprits primaires de la
673
’objections. Chacun sait que son régime politique
est
l’un des plus stables du monde, depuis plus d’un siècle. Ce que l’on
674
er par les vingt-cinq cantons et demi-cantons qui
étaient
encore, au début de 1848, des États parfaitement souverains. Tout le
675
t depuis des siècles entre les cantons souverains
étaient
trop lâches : elles ne permettaient pas une défense commune efficace.
676
in de la guerre civile dite du Sonderbund (1847),
fut
la suivante : loin d’exiger des cantons une renonciation à leur souve
677
a Confédération suisse. Article 3. — Les cantons
sont
souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Con
678
s sont souverains en tant que leur souveraineté n’
est
pas limitée par la Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent
679
t comme tels, ils exercent tous les droits qui ne
sont
pas délégués au pouvoir fédéral. Article 5. — La Confédération garan
680
depuis cent-vingt-deux ans. On peut les qualifier
soit
d’habiles compromis, soit d’échappatoires, selon qu’on a le tempérame
681
. On peut les qualifier soit d’habiles compromis,
soit
d’échappatoires, selon qu’on a le tempérament pragmatique ou doctrina
682
ragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’
est
pas de Constitution plus fédéraliste que celle de la Suisse, et pourt
683
ttre pour survivre. Aujourd’hui que le nécessaire
est
assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologi
684
le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui
est
en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir est
685
erflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir
est
libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! N
686
tat décent, une communauté vivante ? Et quel prix
sommes
-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le p
687
te de Troisième Grand préoccupé principalement de
tenir
tête aux deux autres, alors il faut créer un super-État-nation contin
688
a formule d’État-nation à l’échelle continentale,
serait
capable sans nul doute de créer une Europe très forte, mais qui serai
689
ul doute de créer une Europe très forte, mais qui
serait
très peu européenne. Sans compter qu’un super-État-nation ne pourrait
690
Sans compter qu’un super-État-nation ne pourrait
être
imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’une guerre générale — selo
691
tastrophique, mais dont la réalisation ne saurait
être
exclue pour autant. Au contraire, si nous donnons pour finalité à la
692
mie des communautés (la production industrielle n’
étant
qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’Ét
693
s), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’
est
pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui ra
694
n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il
est
en fait aujourd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’Euro
695
mun à l’échelle fédérale continentale tout ce qui
est
nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, c
696
ue ; le reste — la justice, la paix, la liberté —
étant
manière de parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio dé
697
mieux que la puissance collective. L’Europe unie
sera
seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut-être aussi que
698
ration » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui
serait
formée d’États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la
699
dre une occasion de faire voir à quel point elles
sont
absurdes. Elles sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’
700
aire voir à quel point elles sont absurdes. Elles
sont
encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : l
701
es sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il
est
vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, le
702
t absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’
être
: les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves
703
. Ce statut des frontières, doublement déficient,
est
caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans
704
he à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il
est
encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui. Je ne sais
705
ose leur balance commerciale (laquelle ne saurait
être
positive, me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne sont pas
706
me semble-t-il, dans tous les pays à la fois…) ne
sont
pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’é
707
e. Et les diversités que nous devons respecter ne
sont
pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et
708
ant la « majesté de l’État ». Mais non ! l’État n’
est
pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
709
État ». Mais non ! l’État n’est pas un dieu, ce n’
est
qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service d
710
t qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit
être
mis au service des citoyens et de leurs cités, et non l’inverse. Cess
711
aire l’Europe qu’ils traitent de blague, et qui l’
est
en effet dans leurs calculs. Non qu’elle soit le cadet de leurs souci
712
ui l’est en effet dans leurs calculs. Non qu’elle
soit
le cadet de leurs soucis : elle est le spectre qui les hante et qu’il
713
Non qu’elle soit le cadet de leurs soucis : elle
est
le spectre qui les hante et qu’ils refoulent, en le bagatellisant. L’
714
t. L’Europe unie à bref délai, de leur vivant, ce
serait
, pour la plupart d’entre eux, la limite supérieure ou la fin de leur
715
que ou militaire. Et l’on sait que l’abnégation n’
est
pas une valeur politicienne. L’Europe ne se fera pas non plus spontan
716
us spontanément, par la « force des choses », qui
est
la mesure exacte de la faiblesse de notre esprit, ou bien parce qu’el
717
faiblesse de notre esprit, ou bien parce qu’elle
est
nécessaire, ou encore en vertu de quelque « sens de l’histoire » que
718
uvoir », comme le répètent les adolescents qui en
sont
encore au Lénine de Que faire ? (1902). Il n’y a pas de pouvoir à pre
719
re au niveau des États-nations. La seule question
serait
d’en créer un, au niveau des réalités de notre société électronique.
720
échelon où le pouvoir puisse à la fois servir et
être
contrôlé, seul échelon de participation, de responsabilité, et donc d
721
lité, et donc de liberté. 23. Les Basques de l’
Est
et de l’Ouest, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne sont pas
722
st, les Catalans de Perpignan et de Barcelone, ne
sont
pas séparés par les Pyrénées, mais par les décrets de Paris et de Mad
723
ces modestes sommets et cet affluent de la Volga
sont
au centre de la région la plus industrielle de l’URSS, quelque chose
724
. Encore que, dans un sens particulier, je puisse
tenir
ma langue pour ma patrie, mais ce n’est plus celle de mon enfance, c’
725
puisse tenir ma langue pour ma patrie, mais ce n’
est
plus celle de mon enfance, c’est celle que j’emporte avec mes livres.
726
nt, ou il les étirait à l’aide de cordes si elles
étaient
plus courtes que le lit. Thésée lui ayant fait subir ce même supplice
727
les États-Unis d’Europe, sous quelque nom que ce
soit
, il faut commencer maintenant… Debout, l’Europe ! » Il y a vingt-quat
728
e ! » Il y a vingt-quatre ans de cela. L’Europe n’
est
toujours pas debout. Sans corps constitué, sans tête, comment pourrai
729
ntes, comme celle d’André Malraux : « Les nations
sont
redevenues le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a joué et
730
contestablement dans le sens de la nation26. » Il
est
vrai que le même André Malraux, quelques jours plus tard, interrogé p
731
nes gens à la radio, répondait : « Faire l’Europe
est
la seule chose véritablement importante de notre temps27. » Mais qui
732
que cette « réalité fondamentale du siècle », que
serait
la nation, est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule ch
733
é fondamentale du siècle », que serait la nation,
est
précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose véritableme
734
t que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’
est
pas faite, c’est parce que les nations qu’exalte l’ex-ministre d’État
735
’y opposent encore irréductiblement, de tout leur
être
de nations « souveraines »28 ? Quand on nous affirme que le xxe siè
736
28 ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne
sera
pas celui du triomphe de l’Internationale, comme Marx l’avait dit, ni
737
n l’avait prévu, mais bien le siècle des nations,
est
-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce que l’on dit « le siècle des n
738
des nations, est-ce qu’on s’en félicite, ou bien
est
-ce que l’on dit « le siècle des nations » comme on dirait « l’année d
739
dirait « l’année de mon infarctus » ? Autre chose
est
de constater que la réalité politique de notre temps est encore la na
740
constater que la réalité politique de notre temps
est
encore la nation, autre chose d’affirmer qu’on ne veut rien y changer
741
cela réalisme. Le cancer et les maladies mentales
sont
aussi des réalités importantes de notre temps, mais je ne pense pas q
742
sévir. 40. Nations en crise Que les nations
soient
encore bien réelles, et très fortes à quelques égards, l’impossibilit
743
c une évidence presque écrasante. Que les nations
soient
en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution de notr
744
ins) à l’évolution de notre société, la preuve en
est
fournie par les deux guerres mondiales, résultant du nationalisme et
745
du Guipuzcoa ou de la Catalogne —, crises dont il
est
concevable qu’elles se résolvent un jour (soit pas l’octroi d’un régi
746
il est concevable qu’elles se résolvent un jour (
soit
pas l’octroi d’un régime plus différencié et libéral, soit par une sé
747
l’octroi d’un régime plus différencié et libéral,
soit
par une sécession, mais qui ne serait parfois qu’un rattachement à l’
748
é et libéral, soit par une sécession, mais qui ne
serait
parfois qu’un rattachement à l’État-nation voisin), viennent s’ajoute
749
rises plus amples et dramatiques, qui affectent l’
être
même de plusieurs États-nations européens. La Belgique est menacée d’
750
de plusieurs États-nations européens. La Belgique
est
menacée d’éclatement. La Grande-Bretagne envisage sans fièvre sa muta
751
es plasticages en Bretagne ». On sait ce qu’il en
est
advenu deux ans plus tard. Tout cela dans la patrie de la centralisat
752
souvent confondues avec le fédéralisme dont elles
sont
deux négations ; l’autre d’un dépassement du fédéralisme interétatiqu
753
rrait que tuer l’Europe du xxe siècle, si elle n’
est
pas surmontée à temps. 41. Origines de l’État-nation La grande
754
qu’il y a toujours eu des États, que les nations
sont
immortelles (au moins la leur), que rien d’autre n’est donc possible,
755
mmortelles (au moins la leur), que rien d’autre n’
est
donc possible, et que d’ailleurs l’État et la nation marquent l’about
756
naissance de la première nation, la France, peut
être
datée de cette déclaration des légistes de Philippe le Bel : « Le Roy
757
légistes de Philippe le Bel : « Le Roy de France
est
empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État d’u
758
celle dont il se trouve qu’on peut la contrôler —
sera
vite suivi par les rois d’Espagne et d’Angleterre, puis par les princ
759
lon la formule du xive siècle. Ce spectacle, qui
est
celui de la naissance des nations, remplit d’effroi les sages de l’ép
760
ffroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu
es
devenu un monstre aux multiples têtes ! » s’écrie Dante dans son trai
761
lus l’idée fatale de la souveraineté absolue, qui
est
à peine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’est pas un géni
762
ine supportable quand un prince l’incarne, s’il n’
est
pas un génie ou un saint, mais qui devient proprement révoltante — et
763
parti qui s’en empare au nom du peuple, comme ce
fut
le cas des jacobins puis des « démocraties » plébiscitaires et totali
764
de l’idéal national par l’appareil étatique — qui
est
l’œuvre des jacobins et de Napoléon —, la nationalisation de l’État r
765
ce que l’on ne fait pas, parce que l’État-nation
est
devenu sacré, c’est-à-dire intangible en nos esprits, qui résistent à
766
ui résistent à l’idée qu’il pourrait après tout n’
être
qu’une forme transitoire, comme tant d’autres. On le soustrait à tout
767
gion pour le peuple », assure-t-on, et comme ce n’
est
plus guère le christianisme, ce sera donc le nationalisme, le culte d
768
et comme ce n’est plus guère le christianisme, ce
sera
donc le nationalisme, le culte de la patrie étatisée, seul Absolu auq
769
tout. L’État-nation moderne, unitaire et absolu n’
est
enfin qu’un empire manqué. Voilà la vérité fondamentale du xxe siècl
770
les États-nations unitaires en tant que tels ont
été
et sont des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les s
771
ats-nations unitaires en tant que tels ont été et
sont
des empires manqués, à commencer par celui de Napoléon, les seuls emp
772
seuls empires réussis de notre temps se trouvent
être
des fédérations : les USA et l’URSS. Poussons plus loin le paradoxe :
773
ssons plus loin le paradoxe : la Suisse elle-même
est
un empire réussi, en tant qu’elle groupe sous une égide suprême et ar
774
ge suprême (mais non pas dimensions gigantesques)
sont
, en effet, les notes essentielles de l’empire. 43. Trop petits et
775
aintenant ces États-nations unitaires tels qu’ils
sont
dans leur être et leur agir concret, non plus dans leurs seules préte
776
tats-nations unitaires tels qu’ils sont dans leur
être
et leur agir concret, non plus dans leurs seules prétentions. Nous ve
777
. Nous verrons aussitôt que tous, sans exception,
sont
à la fois trop petits si on les regarde à l’échelle mondiale, et trop
778
res) confrontés aux trois seuls vrais Grands. Ils
sont
trop petits « à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure
779
Jean Monnet (Lettre de démission de la CECA). Ils
sont
trop petits pour se défendre seuls, même avec l’aide d’une petite ou
780
ar les barrages antimissiles des deux grands. Ils
sont
trop petits dans le domaine économique pour répondre au « défi améric
781
répondre au « défi américain » — cela n’a plus à
être
démontré — mais aussi pour répondre au défi du tiers-monde, c’est-à-d
782
naguère coloniales, et qui vivent mal… Enfin, ils
sont
trop petits pour agir politiquement au niveau des empires véritables
783
es et centralisés — et dans la mesure même où ils
sont
centralisés — sont tous trop grands : trop grands pour assurer le dév
784
et dans la mesure même où ils sont centralisés —
sont
tous trop grands : trop grands pour assurer le développement de toute
785
ement à la vie de la cité ; donc trop grands pour
être
encore de vraies communautés humaines : et cela, c’est la plus grave
786
n corps politique. 44. Double dilemme Telle
étant
la crise présente de l’État-nation, le régime à prescrire paraît faci
787
prescrire paraît facile à formuler : Parce qu’ils
sont
trop petits, les États-nations devraient se fédérer à l’échelle conti
788
édérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils
sont
trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur. Remède facil
789
dirait-on. En effet, l’existence des empires de l’
Est
et de l’Ouest leur pose un dilemme aussi simple qu’inexorable : — ou
790
ne autorité supranationale, fédérale et alors ils
seront
fatalement satellisés un à un ; — ou bien ils font ce qu’il faut pour
791
en direction de leur fédération politique. Force
est
donc de penser que dans leur nature même, quelque chose de profond et
792
n par méchanceté ou bêtise, que les États-nations
sont
impropres à l’union. Leurs relations normales sont de rivalité, non d
793
ont impropres à l’union. Leurs relations normales
sont
de rivalité, non de coopération. Leur mode de contact normal n’est pa
794
non de coopération. Leur mode de contact normal n’
est
pas l’échange, mais le choc. Bakounine l’avait déjà dit, il y a cent
795
lication majeure : Développons en commun ce qui
est
neuf. Laissons de côté les héritages du passé dont l’unification pren
796
e mon côté : L’union, pour deux États-nations, n’
est
jamais qu’une mesure de fortune, voire un expédient désespéré (comme
797
par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce n’
est
jamais qu’une concession douloureuse à la nécessité, quand on se sent
798
euse à la nécessité, quand on se sent trop faible
soit
pour subsister seul, soit pour dominer et absorber les voisins. Si l’
799
on se sent trop faible soit pour subsister seul,
soit
pour dominer et absorber les voisins. Si l’on veut unir l’Europe, il
800
se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui
est
destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
801
les régions, réalités absolument modernes. Ce ne
sont
pas les provinces de l’Ancien Régime, encore moins les départements d
802
’hui, ni les « States » de l’Amérique du Nord. Ce
sont
vraiment des créations de notre temps, des organismes en train de naî
803
, et enfin l’unité territoriale. Cette dernière n’
est
d’ailleurs plus définie primairement par une frontière marquée sur le
804
candinavie ; des Balkans ; et enfin des pays de l’
Est
, anciens royaumes de Hongrie, de Bohême et de Pologne, ou formations
805
on permanente, combinés avec tous les autres : ce
sont
les résultantes de ces complexes de forces qui dénotent, définissent
806
et une zone d’intense production industrielle, où
sont
venues s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises.
807
me vis le seul non-Français : j’en conclus que j’
étais
censé représenter dans le colloque l’idée européenne. Invité à parler
808
ssiner, s’organiser et s’affirmer. Et comme elles
seront
jeunes et souples, pleines de vitalité, ouvertes sur le monde, elles
809
ussi nombreuses et fréquentes que possible. Elles
seront
amenées à se grouper selon leurs affinités et complémentarités, selon
810
lles nations. Ce passage de la nation aux régions
sera
le phénomène majeur de l’Europe de la fin du xxe siècle. La politiqu
811
a lutte pour notre indépendance nationale ne peut
être
menée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste o
812
enée que dans le cadre de l’Europe unie, laquelle
sera
fédéraliste ou ne sera pas. Dans cette Europe unie, la représentation
813
de l’Europe unie, laquelle sera fédéraliste ou ne
sera
pas. Dans cette Europe unie, la représentation du peuple français ser
814
Europe unie, la représentation du peuple français
sera
assurée par l’État fédéral français. Parmi les plus graves méfaits de
815
doit réparation du tort ainsi causé35. Tout cela
est
intéressant, disaient naguère les augures du gaullisme, mais n’allez
816
y attacher trop d’importance. L’État français ne
sera
pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main, et vos
817
çais ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le
tient
très bien en main, et vos excités de la région ne l’impressionnent pa
818
qui, de proche en proche, mèneront très loin… Ce
sont
ces nécessités qui expliquent que le Marché commun ait cru devoir con
819
r enfin de la régionalisation du territoire. On s’
est
aperçu que ce sous-développement provenait directement de la structur
820
exploitation des régions par l’État central. On s’
est
intéressé très spécialement aux régions périphériques les plus néglig
821
oise, qui touche la Belgique. Vue de Paris, Lille
est
une gare terminus, et Roubaix-Tourcoing un cul-de-sac dans un coin de
822
u surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’
est
qu’un exemple entre bien d’autres. La Regio Basiliensis rayonne sur t
823
l’Europe » — comme les communes libres médiévales
étaient
« immédiates à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés — sera-t-e
824
s à l’Empire » et tiraient de là leurs libertés —
sera-t
-elle fondée sur des réalités en plein essor, non sur des vieilles car
825
atin… vers 1985. La région dans le cadre européen
est
une unité géographique beaucoup plus opérationnelle que le départemen
826
me que la nation36. Qu’une telle déclaration ait
été
faite en France, et devant le corps des fonctionnaires institué par N
827
olution régionaliste, condition de l’Europe unie,
est
autre chose qu’une mode ou un slogan. Le processus sera long et paraî
828
utre chose qu’une mode ou un slogan. Le processus
sera
long et paraîtra très lent, au jour le jour. Nous n’en sommes encore,
829
et paraîtra très lent, au jour le jour. Nous n’en
sommes
encore, aujourd’hui, qu’au stade de la prise de conscience du phénomè
830
nelles. Des réalisations à ce niveau ne sauraient
être
décrétées sans transition. Elles exigent une période de mise en place
831
ions, puis les doter d’institutions autonomes, ce
sera
la tâche au moins d’une génération, en admettant que, de nos jours, t
832
toire. Je ne cite pas la Grèce par hasard. Car je
tiens
la région pour une forme de communauté aussi nouvelle dans notre civi
833
uté aussi nouvelle dans notre civilisation que le
fut
au vie siècle avant notre ère l’apparition de la polis, dans la soci
834
nt aujourd’hui se partager le monde. Si nous n’en
sommes
encore qu’à la petite aube de la formation des régions, éléments de b
835
sûr, dès la fin du siècle dernier, Ernest Renan s’
était
écrié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont p
836
discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne
sont
pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La c
837
ment de l’histoire », triste alibi de nos refus d’
être
libres. Il faudra que la succession, le remplacement s’opèrent dans l
838
e taille donnée, en sorte que ces limites doivent
être
tracées avec une certaine liberté de jugement39 . Là où, dans le mo
839
us faire sortir de l’ère néolithique, celle qui a
été
marquée par la fixation des tribus nomades sur des territoires cultiv
840
es sur des territoires cultivés, celle qui a donc
été
dominée pendant dix à douze millénaires par les notions de terre sacr
841
, diraient les scientifiques : il faut chercher à
être
aussi indispensables aux autres que les autres nous sont indispensabl
842
ssi indispensables aux autres que les autres nous
sont
indispensables40 ». Je propose que l’on substitue au terme d’indépend
843
délires de la souveraineté illimitée. L’autonomie
est
une notion relative et très précise, quand on parle par exemple de l’
844
re dont se vantaient les États-nations. Enfin, il
est
une grande notion que les régions nous amèneront à mettre en lumière,
845
ère, c’est celle de la pluralité des allégeances,
soit
d’une personne, soit d’un groupe ou d’une région. L’État-nation voula
846
a pluralité des allégeances, soit d’une personne,
soit
d’un groupe ou d’une région. L’État-nation voulait tout faire coïncid
847
a liberté de chacun et l’efficacité de son action
seront
garanties par la possibilité de se rattacher et de donner son allégea
848
des régions On a vu que la notion de région s’
est
imposée à l’attention des économistes d’avant-garde, puis des sociolo
849
i ont motivé ces prises de conscience successives
sont
faciles à énumérer : a) la CEE, dès ses débuts, a reconnu la nécessi
850
ions membres ; b) des régions plurinationales se
sont
définies ou constituées et elles ne peuvent que se multiplier à mesur
851
quelque théorie générale du fédéralisme. Si l’on
tient
ces facteurs ensemble en son esprit, on reconnaîtra aussitôt la néces
852
s auront à se défendre sur deux fronts — et telle
est
la faiblesse à long terme de l’obstination unitaire. Toute analyse ho
853
r les régions et non sur les États-nationsb, j’ai
été
amené à relever et à classer les objections les plus fréquentes à l’e
854
ettre. Je note d’abord que le terme de difficulté
est
souvent plus exact que celui d’objection. Dans la plupart des cas, la
855
non l’entreprise des fédéralistes. Pour eux, nous
serons
d’abord traîtres à la patrie, que nous soyons tenants d’un plus ou d’
856
ous serons d’abord traîtres à la patrie, que nous
soyons
tenants d’un plus ou d’un moins que les dimensions actuelles de notre
857
logne, d’une Écosse — ou de l’Europe42. Mais nous
serons
aussi de doux rêveurs, des esprits « brumeux », idéalistes utopistes
858
is des objections apparemment plus réalistes nous
sont
faites par les partisans « malgré tout » d’une Europe composée d’État
859
e mouvement de l’histoire, selon lequel la nation
est
le progrès. » « La région est une nostalgie réactionnaire. Le progrès
860
on lequel la nation est le progrès. » « La région
est
une nostalgie réactionnaire. Le progrès et l’efficacité, au xxe sièc
861
formées par extrapolation du passé ou du présent,
sont
toutes à la merci d’une équation nouvelle, d’une action aujourd’hui e
862
oyens. Si l’on ne déclare pas ce qu’on veut, il n’
est
pas très intéressant de chercher à deviner ce qui sera : « l’objectiv
863
pas très intéressant de chercher à deviner ce qui
sera
: « l’objectivité scientifique » dissimulant une démission civique re
864
us sûr. Objections tactiques « Comme s’il n’
était
déjà pas assez difficile de faire l’Europe avec les Six, et d’ajouter
865
ransition, et cela prendra des décennies ! Ce qui
est
urgent, c’est le prix du lait et le taux d’accroissement du PNB. » Pr
866
ssement du PNB. » Principes d’une réponse : a) N’
est
-il pas justement trop difficile de faire l’Europe politique sur la ba
867
n politique à partir des États-nations souverains
étant
demeurée nulle depuis un quart de siècle, il serait difficile de ne p
868
tant demeurée nulle depuis un quart de siècle, il
serait
difficile de ne pas faire mieux. La construction fédérale à partir de
869
éalités. Ce jour-là, une dernière « explication »
sera
peut-être nécessaire avec les détenteurs des pouvoirs stato-nationaux
870
fédération qui ait réussi en Europe, la Suisse, a
été
conçu, formé et accouché en neuf mois exactement, du 17 février au 16
871
ctement, du 17 février au 16 novembre 1848, et il
est
entré en vigueur à cette date sans la moindre mesure de transition. (
872
par l’éducation stato-nationaliste « La France
est
immortelle », mais « l’Allemagne éternelle » (François Mauriac), tand
873
le » (François Mauriac), tandis que « les régions
sont
encore à naître ». « Les gens n’en veulent pas, de vos régions autono
874
ent gaulliste. » « Les conflits entre les régions
seront
forcément plus nombreux et plus mesquins que les conflits entre nos n
875
réflexes passionnels, boutades ou étourderies, ne
sont
guère passibles d’une réfutation. Résistances conditionnées par no
876
ent allez-vous découper vos régions ? » « Quelles
seront
leurs frontières exactes ? » « Faut-il qu’elles aient des superficies
877
de Paris, avec ses 9 ou 10 millions d’habitants,
est
plus petite que le Limousin, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça
878
in, qui n’a que 0,7 million d’habitants. Ça ne se
tient
pas ! » « La Bretagne n’est pas une entité économique viable. Et qui
879
abitants. Ça ne se tient pas ! » « La Bretagne n’
est
pas une entité économique viable. Et qui parle breton à Rennes ? » «
880
ce dernier groupe d’objections ou difficultés qui
est
la cause principale de l’ajournement des solutions régionalistes, c’e
881
ue l’on va tenter d’analyser. 53. La région n’
est
pas un État-nation en réduction Presque toutes les difficultés, ob
882
ositions axiomatiques de ce genre : — L’État doit
être
unique et indivisible44. — De son siège dans la capitale, l’État régi
883
). Au cours des siècles de l’histoire moderne, ce
sont
les guerres qui ont servi de prétexte à ces concentrations forcées, c
884
qui ont notamment accrédité l’idée que l’économie
est
au service des desseins politiques d’un État, et non pas de la prospé
885
-là. Aux yeux de cet homme gutenbergien, que nous
sommes
tous, peu ou prou, et dans son système de représentation, la région n
886
entrés dans une métropole régionale, au lieu de l’
être
dans une capitale. Les possibilités pratiques de participation du cit
887
on du citoyen à la vie d’une région de ce type ne
seraient
pas d’un ordre essentiellement différent de ce qu’elles sont aujourd’
888
un ordre essentiellement différent de ce qu’elles
sont
aujourd’hui. La vie communale — seule école efficace du civisme — ne
889
communale — seule école efficace du civisme — ne
serait
pas nécessairement restaurée par la simple division d’un pays en ving
890
ve que d’accroître les libertés civiques. Elle ne
serait
à aucun titre un modèle neuf de relations humaines et de structure du
891
fédéralistes intégraux, au nombre desquels je me
suis
toujours rangé. (Il n’en reste pas moins probable qu’elle va constitu
892
série de raisons (pas seulement militaires) qu’il
serait
trop long de développer ici : qu’il suffise d’évoquer la sécurité sui
893
-nationalistes, dont, je le répète, nul de nous n’
est
indemne. 54. De la pluralité des allégeances Comment échapper a
894
el, pour aller vite et rester dans le concret. Je
suis
Neuchâtelois par ma naissance, ma tradition et mon accent : à ce cant
895
ce, ma tradition et mon accent : à ce canton (qui
fut
durant des siècles une principauté souveraine) va donc mon allégeance
896
uisse : mon passeport et mon allégeance nationale
sont
donc suisses. Je suis aussi un écrivain français : la francophonie eu
897
et mon allégeance nationale sont donc suisses. Je
suis
aussi un écrivain français : la francophonie européenne, c’est-à-dire
898
constitue donc mon allégeance culturelle. Mais je
suis
aussi protestant, ce qui représente une allégeance mondiale (ce serai
899
nt, ce qui représente une allégeance mondiale (ce
serait
pareil si j’étais communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais
900
te une allégeance mondiale (ce serait pareil si j’
étais
communiste, ou catholique, évidemment). Et je fais partie d’un très g
901
rontières du tout. Si l’on exigeait que tout cela
soit
unifié et uniformisé dans les limites géographiques d’un territoire d
902
orte quel État-nation contemporain, la continuité
est
indéniable… Ce n’est pas que je récuse l’État, ni l’ordre contractuel
903
contemporain, la continuité est indéniable… Ce n’
est
pas que je récuse l’État, ni l’ordre contractuel d’une société avec s
904
ul lieu, accaparés par l’État national, et qui le
seront
, demain, par l’État régional. 55. Vers une formule fédéraliste de
905
x dire : séparer dans le pouvoir tout ce qui peut
être
séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organe
906
ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut
être
défini, distribuer entre organes ou fonctionnaires différents tout ce
907
nes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura
été
séparé et défini, ne rien laisser dans l’indivision. Proudhon entend
908
ion des pouvoirs aux membres d’un cabinet : Ce n’
est
pas seulement entre sept ou huit élus […] que doit être partagé le go
909
as seulement entre sept ou huit élus […] que doit
être
partagé le gouvernement d’un pays, c’est entre les provinces et les c
910
Proudhon, ni de décentraliser ni de déconcentrer (
est
-ce différent ?), ni de déléguer les pouvoirs de l’autorité centrale.
911
de diviser, de partager. Seulement, Proudhon s’en
tient
à un partage ou répartition du pouvoir entre les échelons géographiqu
912
bien adopter la structure proudhonienne, sans que
soit
pour autant décidée la structure des réseaux d’échange et groupes de
913
unités de base politiques et leurs structures ne
sont
pas, en principe, superposables aux modules ou unités de base économi
914
autres se chevauchent, se recoupent différemment,
sont
parfois englobés l’un par l’autre. Il se peut que les régions politiq
915
ar l’autre. Il se peut que les régions politiques
soient
définies demain comme les intersections de « classes » de faits écono
916
és vivantes de l’existence civique, et où il peut
être
contrôlé par l’usager ; distribuer et répartir l’État du niveau de la
917
siège dans des villes différentes du continent46,
seront
chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public. Tâch
918
fs et responsables de ces agences ou départements
serait
le Conseil fédéral, ou gouvernement de l’Europe. Les régions relèvero
919
ndante. « Faut-il vous faire un dessin ? » Ce ne
serait
pas facile. Essayez de figurer, par exemple, ma définition personnell
920
, ma définition personnelle, donnée plus haut. Il
est
assez facile de visualiser l’appartenance d’un élément à deux ensembl
921
ons ! J’ai dit déjà que le fédéralisme intégral n’
est
devenu possible qu’à partir de l’avènement de l’ordinateur. L’objecti
922
eur. L’objection de la « trop grande complexité »
est
donc en réalité anachronique. Prenons l’exemple le plus simple d’une
923
tiquement à l’une des trois nations dont la Regio
est
le carrefour ou l’intersection. La résistance qu’opposent certains es
924
u un retard d’éducation démocratique. (« Ce qui n’
est
pas prescrit à tous, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’e
925
s, d’une manière uniforme, sans choix possible, n’
est
pas sérieux », pensent tous les jacobins et les sous-offs, dont le sa
926
s jacobins et les sous-offs, dont le saint patron
fut
« le Petit caporal ».) Le champ d’études régionaliste, que ces quelqu
927
ionaliste, que ces quelques exemples définissent,
est
à peine exploré, inutile de le dire. Il faudrait commencer par opérer
928
bien définis. Le Marché commun, par exemple, qui
est
un pouvoir économique, doit-il entretenir des visées politiques, ou l
929
etenir des visées politiques, ou laisser ce soin,
soit
à une autre agence fédérale constituée sur la base de régions à défin
930
éfinition politique (ou ethnique, ou culturelle),
soit
à la réunion de toutes les agences spécialisées au sein d’un gouverne
931
nement fédéral, formule de l’exécutif suisse ? Il
est
certain que le Marché commun ne cessera d’être menacé par les États-n
932
Il est certain que le Marché commun ne cessera d’
être
menacé par les États-nations, tant que ceux-ci n’auront pas renoncé a
933
é au « totalitarisme » de leurs pouvoirs et ne se
seront
pas dessaisis, en tant qu’entités politiques, des « droits » économiq
934
olitique fédérale. Quelles relations existent, ou
sont
souhaitables, entre l’économie et l’Université ? ou entre les formule
935
ules de participation civique et l’urbanisme ? Il
serait
facile de multiplier ces types de problèmes à résoudre au niveau comm
936
es sociétés il cotise, où il paie ses impôts, qui
est
de sa paroisse et quels sont les paysages de son cœur. Et nul n’exige
937
paie ses impôts, qui est de sa paroisse et quels
sont
les paysages de son cœur. Et nul n’exige que tout cela soit inscrit d
938
aysages de son cœur. Et nul n’exige que tout cela
soit
inscrit dans les limites peintes en couleurs plates, sans déborder, d
939
l’ai dit à propos de l’éducation. Les régions ne
seront
créées que par les relations qui se nouent entre elles. Ce n’est pas
940
par les relations qui se nouent entre elles. Ce n’
est
pas logique, c’est concret. Il arrive — et cela se vérifie en biologi
941
oriquement de support à une relation mesurable ne
soit
créé que par cette relation. Les régions se constitueront dans le jeu
942
ndre à l’autarcie, comme les États-nations. Elles
seront
des pôles de forces et des facteurs d’échanges. Leurs spécificités s’
943
Leurs spécificités s’opposeront moins qu’elles ne
seront
nécessairement complémentaires. Quand donc les flux d’échanges réels
944
entre régions à travers les frontières nationales
seront
devenus plus forts que les liens juridiques entre telle métropole rég
945
relations de fait entre les métropoles régionales
sera
devenu la réalité vive et solide, tandis que les appareils stato-nati
946
ide, tandis que les appareils stato-nationalistes
seront
réduits à l’inertie bureaucratique — alors se produira un mouvement d
947
s des États anciens. Et la révolution fédéraliste
sera
là, sans fracas, instaurée dans les faits. Je vois le processus se dé
948
: 1. Réaliser pleinement le Marché commun, qui n’
est
encore que virtuel en bonne partie ; l’élargir à tout le continent ;
949
sée. 6. À ce moment, des agences fédérales auront
été
créées et mises en place par la nécessité de la concertation en chacu
950
o-national progressivement tombé en désuétude. 7.
Est
-il besoin de préciser qu’il ne s’agit nullement d’étapes chronologiqu
951
on ? L’Europe des réalités, qui peut en résulter,
sera
sans nul doute beaucoup moins simple à dessiner — et surtout à mobili
952
r, L’Express, 30 octobre-5 novembre 1967. 28. Il
est
évident que les « nations » dont parle Malraux sont en réalité les Ét
953
st évident que les « nations » dont parle Malraux
sont
en réalité les États-nations tels que les a formés le xixe siècle, e
954
sens premier — peuples, régions, ethnies ; elles
sont
du type France, Espagne, Grande-Bretagne, non du type Bretagne, Catal
955
type Bretagne, Catalogne, pays de Galles ; elles
sont
donc des États impérialistes, non des communautés qui revendiquent co
956
…), qui pourrait admettre de bonne foi, à moins d’
être
un imbécile, qu’une seule d’entre elles consentira jamais à remettre
957
e J.-J. Servan-Schreiber. 31. Cf. Janus, n° 15,
été
1967, p. 84. 32. L’URSS devra bien restituer un jour ou l’autre à la
958
un titre-programme… On y ajoutera Comment peut-on
être
breton ? par Morvan Lebesque, qui est sans doute de tous ces ouvrages
959
nt peut-on être breton ? par Morvan Lebesque, qui
est
sans doute de tous ces ouvrages le plus actif, émouvant, convaincant.
960
itas donne civisme, synonymes réels qui devraient
être
perçus et vécus comme tels… Que pourrait donner regio, sans évoquer j
961
s-centraliste de « provincialisme » ? 38. Cf. Qu’
est
-ce qu’une Nation ?, Paris, 1882. 39. Documents de la Conférence sur
962
comme la Bretagne, ou plus grand, comme l’Europe,
est
regardé comme un traître. Pourquoi cela ? C’est tout à fait arbitrair
963
araît juste. Mais quand Malraux dit que la nation
est
le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense d’abord à
964
angue officielle imposée par François Ier, et qui
était
celle de l’Île-de-France. 46. L’Agence économique restant à Bruxelle
965
« Moi, je voudrais bien, vous me connaissez, mais
serais
-je suivi ? » Après les sondages que je cite, cette phrase ne traduit
966
re : « Moi, je voudrais bien, idéalement, mais je
suis
là, selon la Constitution, pour sauvegarder l’indépendance nationale
967
sauvegarder l’indépendance nationale ! » Or, ils
sont
là en vérité pour autre chose, pour quelque chose de beaucoup plus sé
968
x que le maintien d’une fiction juridique, et qui
est
d’exécuter la volonté du peuple. Cette volonté, on vient de le voir,
969
du peuple. Cette volonté, on vient de le voir, n’
est
nullement de refuser l’union au nom de « l’indépendance » qui obsède
970
ède les ministres, mais n’obsède qu’eux, et qui n’
est
plus qu’une nostalgie. Diront-ils enfin que les peuples ignorent ce q
971
ndre à l’exercer pour eux, quand « le souverain »
sera
de nouveau le peuple, comme le voulait Rousseau, et comme on le dit e
972
pteriez un président de l’union européenne qui ne
fût
pas de votre nation, et 59 % d’entre vous ont dit oui. Tout cela fait
973
ouvernements, j’en conclus que la démocratie, qui
est
la loi de la majorité, n’est qu’un leurre dans l’Europe de l’Ouest, s
974
e la démocratie, qui est la loi de la majorité, n’
est
qu’un leurre dans l’Europe de l’Ouest, si elle n’est qu’une antiphras
975
qu’un leurre dans l’Europe de l’Ouest, si elle n’
est
qu’une antiphrase à l’Est. La démocratie ne fonctionne pas dans les s
976
e de l’Ouest, si elle n’est qu’une antiphrase à l’
Est
. La démocratie ne fonctionne pas dans les structures stato-nationalis
977
on de l’Europe à partir des États-nations, car ce
serait
l’union des ennemis de l’Europe, voire des ennemis de toute union en
978
llicité son entrée, que « la conquête de l’Europe
sera
, n’en doutons pas, son grand dessein ». Conquête économique s’entend
979
quête » du marché européen par la Grande-Bretagne
serait
un scandale, il faut l’empêcher d’entrer ; et si ce n’est pas un scan
980
candale, il faut l’empêcher d’entrer ; et si ce n’
est
pas un scandale, si c’est le but même de la Communauté que d’offrir à
981
e nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque
est
frère ou veut l’être. De leur côté, invasion ; du côté de la France,
982
i appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’
être
. De leur côté, invasion ; du côté de la France, expansion ! Il suffi
983
la France, expansion ! Il suffit, on le voit, d’
être
du bon côté, pour que l’impérialisme devienne philanthropie et que la
984
oi les élargir ? Et si les conquêtes anglaises ne
sont
pas en même temps les nôtres, pourquoi faire un marché commun ? Ainsi
985
lus courante qui exaspère les débats sur l’Europe
est
le sophisme anachronique : on dénonce les dangers qu’une certaine pol
986
ruction ou union fédérale de l’Europe, ne saurait
être
« politique », au sens belliqueux de ce terme, qui évoque des luttes
987
teurs. Le but d’une société européenne fédérale n’
est
pas le triomphe des Bleus ou des Verts de Byzance, c’est-à-dire, parm
988
ières de la cité : le nationalisme, après tout, n’
est
pas moins communiste que fasciste, socialiste que grand-bourgeois, im
989
if. L’État-nation et la religion de la production
sont
les superstitions fondamentales que partagent dans la même ferveur ca
990
’union, nous autres vrais fédéralistes européens,
est
politique au sens écologique du terme, qui évoque l’équilibre vivant
991
l’aménagement fécond des différences. L’Europe n’
est
pas pour nous, fédéralistes, un champ de bataille où il s’agit de vai
992
y jouer aussi librement qu’ils l’imaginent. Ce ne
sera
pas un jardin à la française, parfaite image du pouvoir étatique qui
993
’hommes et de femmes et les jeux des enfants. Qui
serait
contre cette Europe unie, follement complexe, heureuse, aventureuse ?
994
ent complexe, heureuse, aventureuse ? Tout ce qui
est
jeune est pour, dans nos vingt-six pays, et je me borne à citer en Fr
995
xe, heureuse, aventureuse ? Tout ce qui est jeune
est
pour, dans nos vingt-six pays, et je me borne à citer en France : Mai
996
obes et toutes les inerties réactionnaires qui ne
sont
qu’anxiétés refoulées : celles qui ont applaudi les chars russes en H
997
demandent tout simplement : « Pourquoi l’Europe n’
est
pas encore unie ? » Je crois leur avoir répondu : c’est à cause de l’
998
e défend Duclos comme Debré, et sur lequel Sartre
est
muet. Si l’on entend tenir compte des conditions économiques, sociale
999
u’implique la survivance de nos États-nations, il
est
clair que l’union de l’Europe ne peut pas se faire et ne se fera jama
1000
mment, pas plus que deux amoureux du même sexe ne
sont
capables d’engendrer. Ce n’est pas affaire d’opinion, de sentiment ni
1001
x du même sexe ne sont capables d’engendrer. Ce n’
est
pas affaire d’opinion, de sentiment ni de morale politique, c’est org
1002
iment ni de morale politique, c’est organique. Il
est
grand temps de déniaiser toute une jeunesse qui parle avec passion de
1003
rope des régions, de refaire une communauté. Vous
êtes
d’accord, n’est-ce pas, pour estimer que la révolution ne consiste pa
1004
de refaire une communauté. Vous êtes d’accord, n’
est
-ce pas, pour estimer que la révolution ne consiste pas à tout casser,
1005
’appelle, qui fera seule l’Europe, et qui ne peut
être
faite que par l’Europe en train de se faire, consiste, en remarquable
1006
d’information. (« Du passé, faisons table rase »
est
une assez touchante absurdité : il n’y a pas de révolution sur fond d
1007
utos, de prothèses. Mais je demande en vain où il
serait
défini par : – la pureté de l’air, de l’eau et du silence ; – la qual
1008
inissais dès 1932. S’engager, expliquais-je, ce n’
est
pas murmurer avec les loups, comme je le reprochais à André Gide, du
1009
ings par la « clique stalinienne » d’Aragon. Ce n’
est
pas non plus se mettre au service d’une « révolution » qui n’a d’autr
1010
lices d’État des PC au pouvoir. S’engager ne peut
être
qu’assumer les moyens justes des fins dernières que l’on assigne à la
1011
dictature, parce que le centre vivant d’un pays n’
est
pas dans un organisme de contrainte, mais doit être en chacun des cit
1012
st pas dans un organisme de contrainte, mais doit
être
en chacun des citoyens conscients, fussent-ils, et c’est le cas, une
1013
mais doit être en chacun des citoyens conscients,
fussent
-ils, et c’est le cas, une minorité. Il y a peu d’hommes réellement hu
1014
le pouvoir doit revenir, c’est par eux qu’il peut
être
humanisé. Le but de la société, c’est la personne. On n’y atteindra j
1015
u régions fédérées à l’échelle de l’Europe — ce n’
est
pas ma faute si le dilemme est aussi dur. Si vous ne faites pas l’Eur
1016
de l’Europe — ce n’est pas ma faute si le dilemme
est
aussi dur. Si vous ne faites pas l’Europe, donc si vous persistez à v
1017
st pourquoi le projet fédéraliste doit accepter d’
être
dit « révolutionnaire », nonobstant la mode actuelle qui vulgarise et
1018
terme. Mais le fédéralisme tel que je le conçois
est
bien moins révolutionnaire parce qu’il demande le dépassement de l’Ét
1019
és communautaires et personnelles. Si sérieux que
soient
les problèmes de prix du lait, du blé ou même du vin, il est clair qu
1020
blèmes de prix du lait, du blé ou même du vin, il
est
clair que l’Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut
1021
s enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne
seront
pas convaincus par des avantages matériels : ils sont presque comblés
1022
pas convaincus par des avantages matériels : ils
sont
presque comblés à cet égard. Ce qui leur manque le plus durement, c’e
1023
est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’
est
plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La rép
1024
umanité, nous lui devons cela ! Une Europe qui ne
sera
pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce c