1 1970, Le Cheminement des esprits. Préface. Cheminements
1 voir le jour. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il fut aussi le président de deux institutions d’un tout autre ordre, au sor
2 Pays-Bas. Dans quel esprit l’homme politique que fut essentiellement Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux ent
3 de titre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’ être une alliance militaire ou une entité politique, doit être une communa
4 alliance militaire ou une entité politique, doit être une communauté culturelle. Et dans ce chapitre, je souligne cette phr
5 sance, et les personnes plutôt que les États, tel est sans aucun doute le thème commun à tous les textes ici réunis par le
6 faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin est long et qu’on le parcourt lentement. » « Faire du chemin » : entendon
7 ons cela littéralement. Les routes et les chemins sont tracés sur les cartes, hors de moi et sans moi, pour tous ou pour per
8 , pour tous ou pour personne, mais le cheminement est mon activité, cette avance en la nuit, régulière, à tous risques, et
9 voyer, comme tout chercheur, bien content si ce n’ est qu’une fois sur deux. Et il lui faut parfois revenir en arrière, vers
10 es traitant de l’Europe. Ces retours (ou repères) sont utiles, au surplus, pour situer une démarche et l’orienter : sinon co
11 de nos pays ? Mais les jeunes me diront qu’ils ne sont pas frappés par les résultats de cette avance. Admettons-le : rien de
12 de progression par cheminement. Les pionniers ne sont pas des casseurs, les chercheurs n’arriveront nulle part en défilant,
13 eront nulle part en défilant, la poésie jamais ne sera « faite par tous ». Pourtant, le fourmillement universel d’inventions
14 Il s’agit d’investir les obstacles à l’union, qui sont d’abord dans les esprits, non dans les faits. Traduisons : il s’agit
15 ersité, ou le destin des arts, dont l’occasion ne fut pas l’une des activités propres du Centre, mais le service de l’Europ
16 opres du Centre, mais le service de l’Europe, qui est sa fin générale. D. de R.
2 1970, Le Cheminement des esprits. Historique — Le mouvement européen
17 nion Quand un Américain déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen
18 déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, o
19 d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il est sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie oc
20 évolution. Mais le grand style se perd et Staline est aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civili
21 ilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis est notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y av
22 de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses sont en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de s
23 x dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’ est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont a
24 l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’i
25 deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’ est plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nati
26 que l’on doit tirer de cette double constatation sont d’une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont 
27 e elles vont : 1° les différents pays de l’Europe seront annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
28 l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne sera pas réglée, fournissant un prétexte permanent à la guerre entre les d
29 ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sor
30 guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulo
31 . Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie serait encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondra
32 l’Europe même unie serait encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la pop
33 l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer, est d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Améri
34 . Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur
35 faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraien
36 ent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraient en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la pai
37 ie… » En revanche, beaucoup pensent : « Tout cela est bel et bon, mais que fait-on et que pourra-t-on faire en temps utile 
38 e siècle, quand la réalité politique de l’Europe était l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première G
39 a rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en était aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la première ép
40 rs de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’ étaient pas d’une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement
41 ut croire un moment que tout notre travail allait être effacé pour toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistan
42 rer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce fut chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constituait et p
43 d’août 1947, à Montreux, son premier Congrès. Qu’ étions -nous à l’époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents d
44 ociations de toutes les tailles, dont plusieurs n’ étaient guère qu’un nom abstrait, touchant ou ambitieux, comme par exemple :
45 es et de les faire admettre par les États, nous n’ étions qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus d
46 ersonnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il est vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dan
47 maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il est non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes
48 Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’ était pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en c
49 s généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords furent esquissés avec les représentants d’autres mouvements venus en qualité
50 erlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous étions cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Prem
51 nts féminins et universitaires. Trois résolutions furent votées : économique, politique et culturelle. La résolution politique
52 tion d’une Assemblée européenne, dont les membres seraient élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parlements des nations p
53 s parlements des nations participantes. Ce projet fut mis au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par
54 de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il fut présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq
55 rence restreinte de dix-huit ministres et experts était convoquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’un Parlement
56 deuxième congrès annuel. À Montreux, nous avions tenu nos séances dans une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le
57 eur les grandes lettres du mot Europe. Le Congrès fut inauguré en présence de tous les ministres par un discours du préside
58 s et des rêveurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous êtes , nous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes
59 veurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous sommes , la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus
60 ité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante
61 uvement européen, ses quatre présidents d’honneur étant Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak.
62 de tous côtés par des tendances diverses, et nous sommes parvenus, plus rapidement que nous n’osions l’imaginer, à engrener su
63 des principaux gouvernements européens. Ce qui n’ était qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une
64 a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre, est aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, co
65 i a les plus grandes chances de se réaliser. Nous sommes donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la bataille décisive. Ob
66 ion fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples soient représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps
67 leur gouvernement. Ils pensent que les ministres sont là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pe
68 ls pensent donc, tout naturellement, que l’Europe sera faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédération, mais à q
69 sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’ être adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que l
70 n, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que soit créée, par convention entre les États membres de l’union européenne,
71 , sinon de créer un tribunal devant lequel puisse être déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Me
72 pas résolu les grands problèmes économiques. Nous sommes un certain nombre à penser qu’au contraire, la plupart des problèmes
73 éenne bien vivante, un sentiment commun auquel il soit possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale.
74 té dans la richesse de nos diversités, telle doit être , avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen
75 opéen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui est à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif d
76 la conscience de l’Europe et des peuples qui lui sont associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nation
77 té ; une manière de « chercher à comprendre » qui est notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De to
78 un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce sont là quelques-unes des ambitions du Centre européen de la culture qui s
79 a culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’ est point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de mise
80 olonté préalable de mise en ordre politique. Il n’ est point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
81 point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’ est orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
82 experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui sera élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résiste
83 irait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce soit tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
3 1970, Le Cheminement des esprits. Historique — Rapport général présenté à la Conférence européenne de la culture, Lausanne, du 8 au 12 décembre 1949
84 culture, Lausanne, du 8 au 12 décembre 1949 Il est vrai que l’Europe est en train de se défaire : elle n’a jamais été pl
85 8 au 12 décembre 1949 Il est vrai que l’Europe est en train de se défaire : elle n’a jamais été plus menacée, plus divis
86 rope est en train de se défaire : elle n’a jamais été plus menacée, plus divisée devant le péril, plus angoissée et sceptiq
87 plus angoissée et sceptique à la fois. Mais il n’ est pas moins vrai que pour la première fois, dans toute sa longue histoi
88 toute sa longue histoire, consciemment, l’Europe est en train de se faire. Telle est la situation contradictoire dans laqu
89 iemment, l’Europe est en train de se faire. Telle est la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. Il dép
90 st la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. Il dépend de nous, en partie, que l’espoir ait raison du dés
91 sbourg les cadres politiques de l’Europe unie, il est grand temps de définir la visée humaine qui doit présider à cette act
92 , la vocation de notre communauté européenne. Tel est le but général de la conférence de Lausanne, le sens profond qui doit
93 union de l’Europe, et qu’en retour, l’Europe unie sera seule capable de sauver nos cultures dans leur précieuse diversité. C
94 hèmes qui serviront de point de départ aux débats seront d’une part les conditions matérielles et morales de la vie et de l’es
95 — Les destructions directes causées par la guerre sont encore cruellement sensibles dans quelques pays comme l’Allemagne (bi
96 lés dans leur presque totalité). Non moins graves sont les destructions indirectes et la stérilisation temporaire de sources
97 es de fonds, de classiques, de manuels, n’ont pas été réédités depuis 1940, et très souvent l’équipement des laboratoires n
98 rès souvent l’équipement des laboratoires n’a pas été renouvelé. Il faut aller chercher les livres des philosophes dans les
99 ans les bibliothèques publiques. Non seulement il est très difficile de se procurer les œuvres de J.-S. Bach, par suite de
100 tragique des intellectuels réfugiés des pays de l’ Est . Faute de pouvoir trouver dans l’Europe de l’Ouest un emploi correspo
101 un travail de manœuvre ou d’ouvrier agricole. Ils sont ainsi perdus à la fois pour l’Europe et pour la Culture. Ils forment
102 nsuffisants dans chaque pays. — Le cadre national est devenu trop étroit. Dans chaque pays, on constate que les recherches
103 vient pas à remplacer le mécène privé. Bien qu’il soit parfois difficile d’obtenir dans ce domaine des chiffres même approxi
104 apparence à des pourcentages plus élevés mais les sommes indiquées servent en réalité essentiellement à des activités de propa
105 ment à des activités de propagande politique). II est curieux de constater que dans les pays où l’État semble accorder des
106 nt de l’insuffisance des cadres nationaux actuels est fourni par l’industrie du cinéma. Seul un élargissement du marché à t
107 a balayeuse, tandis qu’un professeur d’université est moins payé qu’un ouvrier qualifié et ne dispose pas des mêmes moyens
108 changes culturels. — La circulation des personnes est généralement entravée par des questions de passeports, de visas et de
109 asseports, de visas et de devises. Les voyages ne sont plus impossibles, mais ils nécessitent encore une quantité de démarch
110 souvent l’objet du voyage (congrès ou conférence) est périmé lorsque parviennent les autorisations nécessaires. Notons que
111 ent à l’étranger pour des raisons « culturelles » est relativement restreint. La quantité des devises nécessaires pour leur
112 p de projections d’un intérêt majeur, mais qui ne sont pas de nature à faire de grosses recettes. La multiplication des barr
113 ficulté dans tous nos pays. On le voit : l’Europe est ouverte aux influences extracontinentales (ce qui est tout naturel) m
114 ouverte aux influences extracontinentales (ce qui est tout naturel) mais fermée à la diffusion de produits spécifiquement e
115 nalisation de la Culture. — Le nationalisme qui s’ est développé durant tout le xixe siècle et qui atteint ses conséquences
116 finir comme suit : les cultures « nationales » se sont voulues indépendantes les unes des autres, et sont devenues par là mê
117 ont voulues indépendantes les unes des autres, et sont devenues par là même dépendantes de l’État. Pour s’être voulues natio
118 evenues par là même dépendantes de l’État. Pour s’ être voulues nationalistes, elles sont en voie de « nationalisation », c’e
119 l’État. Pour s’être voulues nationalistes, elles sont en voie de « nationalisation », c’est-à-dire qu’elles se trouvent de
120 en fait aux mécanismes de l’État. À quel stade en sommes -nous, dans cette évolution qui affecte plus ou moins tous nos pays ?
121 on qui affecte plus ou moins tous nos pays ? Il n’ est possible de répondre qu’en citant une série d’exemples. À la question
122 pe — et dans l’intention des gouvernements — doit être nuancée en fait. Car si l’on examine un problème précis, tel que celu
123 nalisme et l’étatisation de l’esprit partisan. Il est incontestable que la volonté commune à tous nos États souverains de «
124 e dans tous les pays libres de l’Ouest, ce danger est avoué, dénoncé. Il est devenu, d’ailleurs, d’autant plus apparent que
125 bres de l’Ouest, ce danger est avoué, dénoncé. Il est devenu, d’ailleurs, d’autant plus apparent que les pays de dictature
126 ad absurdum. Il faut que cet avertissement brutal soit compris, non pas comme un motif de plus d’indignation, mais comme la
127 oit pouvoir dire » que les historiens de son pays sont attachés aux principes suivants : « Éliminer soigneusement tout espri
128 émices de l’enseignement historique dans son pays sont aujourd’hui les suivantes : « Plier le cours des événements aux exige
129 On demande à l’Histoire de démontrer que l’Europe est morte tandis que la Russie vit toujours. » L’impartialité n’existe nu
130 Le régime des universités, en Europe occidentale, est très loin d’être uniforme, comme on sait. Dans presque tous nos pays,
131 iversités, en Europe occidentale, est très loin d’ être uniforme, comme on sait. Dans presque tous nos pays, l’on trouve à cô
132 is souvent encore, les nominations de professeurs sont faites par l’État ou par les pouvoirs politiques locaux, en sorte que
133 alité du pays où il enseigne. (Dans les pays de l’ Est , la nationalité russe suffit.) Certaines dérogations à cette règle so
134 usse suffit.) Certaines dérogations à cette règle sont pratiquées couramment ; mais le principe subsiste indiscuté, héritage
135 l’on n’aura pas abouti à la solution idéale, qui serait d’organiser les libertés, c’est-à-dire de les garantir statutairement
136 aires des autres. Là où les agences d’information sont privées — comme dans presque tous les pays de l’Ouest4 — il y a possi
137 on garantie, d’objectivité. Là où l’information n’ est qu’un service des Affaires étrangères, comme dans tous les pays de l’
138 ffaires étrangères, comme dans tous les pays de l’ Est et l’Espagne, il y a totalitarisme caractérisé. En apparence, la situ
139 domaines que nous venons de mentionner. Mais s’il est vrai qu’aux yeux des Soviétiques l’épithète injurieuse « d’a-politiqu
140 viétiques l’épithète injurieuse « d’a-politique » est encore synonyme « d’occidental », on doit constater d’autre part que
141 x pressions politiques, nationalistes, étatiques) sont protégées surtout par nos mœurs et coutumes, par l’esprit dans lequel
142 e l’ordre » à sa manière dans tel ou tel pays, il sera facile à ce parti d’étatiser, au nom des lois qui existent, la radio
143 gme de l’État souverain. Nos garanties de liberté sont donc dans une large mesure, négatives. Elles courent le risque perman
144 e, négatives. Elles courent le risque permanent d’ être tournées, par des moyens que les dictatures de l’Est ont fort bien il
145 tournées, par des moyens que les dictatures de l’ Est ont fort bien illustrés. Le plus facile à définir est la censure. Ce
146 ont fort bien illustrés. Le plus facile à définir est la censure. Censure. — Dans tous les pays membres du Conseil de l’Eu
147 es (ou d’intérêt privé) des décisions prises. À l’ Est — il faut toujours y revenir pour marquer l’aboutissement extrême de
148 éritable culture censoriale. Le critère politique est seul admis5. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que le style m
149 le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut être attaqué par les fonctionnaires de l’État, qualifié de sabotage et châ
150 t châtié (sans jeu de mots). La censure politique est si parfaitement préventive, qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaî
151 en tant qu’activité distincte de répression. Elle est partout et nulle part. C’est ainsi que le rapport rédigé par nos amis
152 des sources d’information, or cette indépendance est exclue à priori. « Informateur et censeur ne font qu’un… ce qui rend
153 résultats d’une incroyable portée intellectuelle sont actuellement maintenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant la
154 celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes étaient annoncées par télégramme dans les périodiques à diffusion mondiale… »
155 dans la ligne que souhaite le régime — pourraient être assurés de la confiance de ce dernier. » Situation de la culture dan
156 au service de la politique), ceux qui s’y livrent sont aussitôt privés des libertés élémentaires : liberté de recherche, lib
157 mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’ est plus, aujourd’hui, qu’un appendice aux déclarations officielles, un o
158 quier. Jadis centrale, la situation de la culture est devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il soit admis sa
159 e périphérique. Comment expliquer autrement qu’il soit admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérê
160 ellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le fut jamais du mécénat privé (et avec moins d’avantages en retour), notre
161 t contrainte d’obéir à des « nécessités » qui lui sont étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. E
162 nsée et l’action ; entre une pensée qui accepte d’ être inefficace, et une action par conséquent désorientée, à courtes vues,
163 à courtes vues, privée de cohérence profonde. Tel est le mal profond dont souffre l’Occident. Il est sans doute plus grave
164 el est le mal profond dont souffre l’Occident. Il est sans doute plus grave que la somme des misères matérielles ou institu
165 haut. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’ Est ont si bien vu l’importance primordiale de la culture, qu’ils l’ont i
166 endu officiellement sa place centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus s
167 e centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proféran
168 ur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle est devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit a
169 en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui à l’ Est lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissent.
170 rent des tyrannies politiques. Le principe du mal étant reconnu, le principe des réformes nécessaires devient évident. S’il e
171 pe des réformes nécessaires devient évident. S’il est vrai qu’aucun de nos pays ne peut plus se défendre ni subsister seul,
172 nt de vue politique économique et militaire, cela est vrai plus encore au point de vue de la culture. La phase relativement
173 er les échanges culturels ». Observons qu’il n’en serait pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
174 qu’il n’en serait pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, pri
175 terme même « d’échanges culturels », avouons-le, est devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’échappatoire facile a
176 , favoriser ceux qui ne gênent personne, ceux qui sont le moins créateurs ou novateurs, ceux qui font le moins peur aux fonc
177 les échanges redeviennent ce qu’ils ont toujours été dans les périodes de vitalité de la culture — des échanges de découve
178 toute l’étendue de l’Europe. Toutes nos cultures sont nées d’un fonds commun, qu’elles ont progressivement diversifié. Elle
179 qu’elles ont progressivement diversifié. Elles se sont nourries les unes des autres, elles ont vécu de l’échange de leurs dé
180 vivent. L’unité culturelle de l’Europe n’a plus à être faite : elle existait aux origines, et elle n’a cessé pendant les siè
181 échanges doit correspondre un effort positif. Il serait en effet insuffisant et vain de vouloir revenir à la condition libéra
182 in de vouloir revenir à la condition libérale qui était celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914, puisqu’elle n’a
183 érielles resteront lettre morte. Une civilisation est vivante quand elle fait des plans. Elle a son unité, elle la démontre
184 les institutions européennes à fonder, ce rapport sera bref : les documents et rapports spéciaux mis à la disposition de la
185 « culturels » que le xxe siècle a vus naître, il est frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour obje
186 ), ou à une discipline particulière. Pourtant, il est incontestable que nos pays constituent un ensemble, un complexe organ
187 « unité » de réprobation bien significative6.) Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
188 Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel, d’une manière systématique ; et qu’il n’exist
189 tre européen de la culture, dont les attributions furent esquissées par la Résolution culturelle du Congrès. Au mois de févrie
190 aines de ses fonctions, en attendant qu’il puisse être officiellement constitué. Enfin, au mois de septembre de la même anné
191 ois ordres d’activité apparaissent nécessaires et sont immédiatement réalisables, supposé réunis les moyens financiers adéqu
192 ces activités, la méthode la plus féconde paraît être celle des groupes de travail restreints, réunissant pendant quelques
193 centres de recherches scientifiques, etc.), elles seraient exercées dans d’autres pays, et jouiraient d’une large autonomie. Ain
194 ntre resterait un organe de coordination, mais il serait , si l’on peut dire, décentralisé. Il est facile de voir que cette str
195 is il serait, si l’on peut dire, décentralisé. Il est facile de voir que cette structure présenterait de grands avantages,
196 rôle de critique et d’inspiration. Ce département serait conçu comme l’agent de ce que Paul Valéry nommait « une politique de
197 ion à la Conférence. (Plusieurs pages du Rapport sont alors consacrées à la description plus détaillée des institutions à c
198 s, qui aujourd’hui n’existent pas. Ils pourraient être créés par le blocage au titre européen, d’une partie du budget de l’É
199 l commun, et l’énergie créatrice des Européens ne sont pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur perte in
200 ements devant un choix. Un ordre de priorité doit être établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atom
201 choix. Un ordre de priorité doit être établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse la
202 conscience commune de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit
203 e de l’Europe ? La question doit être posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que
204 d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nationalismes loca
205 ux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’ est , de tout temps, ouverte au monde entier. À tort ou à raison, par idéa
206 er une nation européenne aux grandes nations de l’ Est et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique,
207 able pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce serait trahir le génie de l’Europe, le couper de ses sources chrétiennes et
208 sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le
209 tion est de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans
210 de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui est leur vraie force. Notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui
211 ’esprit, qui est leur vraie force. Notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pou
212 et autant de barrières de douanes ne saurait plus être un pôle d’attraction. Une Europe proclamant des principes sans les ap
213 n certain nombre de principes moraux ne sauraient être négligés dans la pratique sans que l’Europe perde ses droits à l’exis
214 raser l’opposition, car la minorité d’aujourd’hui sera peut-être la majorité de demain, et c’est dans les minorités qu’on fa
215 ’apprentissage de la liberté. Bien plus, l’Europe est si diverse que chaque majorité locale ou nationale — politique, relig
216 u linguistique — doit reconnaître en fait qu’elle est minoritaire dans l’ensemble du continent. L’Europe est donc nécessair
217 inoritaire dans l’ensemble du continent. L’Europe est donc nécessairement une école de la tolérance. Elle ne doit condamner
218 résistance clandestine ; les régimes où les votes sont publics et se font à bulletins ouverts, tandis que les procès sont se
219 e font à bulletins ouverts, tandis que les procès sont secrets et se tiennent à portes fermées. Europe doit signifier encore
220 ouverts, tandis que les procès sont secrets et se tiennent à portes fermées. Europe doit signifier encore cité ouverte, où les h
221 ignifier enfin dialogue. L’union que nous voulons est celle qui lie tacitement deux hommes qui dialoguent. Elle n’est pas l
222 lie tacitement deux hommes qui dialoguent. Elle n’ est pas l’unanimité dans la clameur disciplinée, où nul ne reconnaît plus
223 l ne reconnaît plus sa propre voix. L’Europe doit être et devenir de plus en plus le lieu du monde où la personne humaine pu
224 pourra dire vraiment de notre Conférence qu’elle fut le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, i
225 cience européenne. Une conscience malheureuse, il est vrai, tourmentée, peut-être coupable — comme toute conscience, en der
226 paraît plus clairement depuis que se dressent à l’ Est comme à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, e
227 déal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il est frappant que le bonheur, en Europe n’ait trouvé ses plus hautes expre
228 s le climat nostalgique. Mais, nous, ici, nous ne sommes pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organis
229 re 1949. 3. Rappelons que ces rapporteurs de l’ Est sont en exil. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes est semi-
230 949. 3. Rappelons que ces rapporteurs de l’Est sont en exil. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes est semi-offic
231 il. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes est semi-officielle mais elle distribue les dépêches d’agences étrangères
232 ces étrangères. En France, l’Agence France-Presse est dotée d’un statut provisoire qui la met sous la dépendance partielle
233 e partielle de l’État et du Parlement ; ce statut est en voie de révision, dans le sens d’une libération de toute influence
234 toute qualification professionnelle. Il suffit d’ être un bon militant pour devenir professeur d’université. À Sofia, Petko
4 1970, Le Cheminement des esprits. Historique — Naissance du Centre
235 Naissance du Centre7 Le Centre est né pour tâcher de répondre à certaines exigences d’une situation qui
236 épondre à certaines exigences d’une situation qui est celle de l’Europe d’aujourd’hui, c’est-à-dire d’une Europe mise en qu
237 qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle est physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie (pour reprendre l
238 réaliste, fondons-la sur sa force principale, qui est dans l’ordre de l’esprit… Je serais ravi que ces quelques remarques a
239 principale, qui est dans l’ordre de l’esprit… Je serais ravi que ces quelques remarques apparaissent comme autant d’évidences
240 éens les prennent pratiquement au sérieux. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce sont les armements et les échanges économiqu
241 t au sérieux. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce sont les armements et les échanges économiques, voire le jeu des partis po
242 es partis politiques… On va me dire que les temps sont difficiles, qu’il faut courir au plus pressé. J’en tombe d’accord. Se
243 en tombe d’accord. Seulement le plus pressé, ce n’ est pas nécessairement de nous écraser sous le poids des armes matérielle
244 s lesquels tous les chars ne serviront à rien, et seront bientôt démodés. Ces considérations suffisent à désigner, à justifier
245 idérations suffisent à désigner, à justifier s’il est besoin, la première tâche de notre Centre. Je n’hésite pas à lui donn
246 Je n’hésite pas à lui donner son nom, bien qu’il soit très mal vu de nos élites : c’est une mission de propagande qui nous
247 elle les masses européennes et les élites, qui ne sont pas moins contaminées… Si notre première tâche est de réveiller chez
248 nt pas moins contaminées… Si notre première tâche est de réveiller chez nos compatriotes européens la conscience de leurs f
249 et de leur vraie richesse, notre second objectif sera de regrouper ces forces et ces richesses éparses et divisées. Ici se
250 ui demandent qu’on organise d’en haut — si l’État est en haut ! — les échanges culturels, ceux-là se font les complices d’u
251 qu’ils ont existé jusqu’au xixe siècle, avant d’ être étranglés et désorganisés par nos frontières et par nos règlements de
252 rtains pays, on taxe les livres au kilo, quel que soit leur contenu. Et le reste à l’avenant…) Paracelse avait cette devise
253 plus orgueilleuse qu’impérialiste : « Que rien ne soit d’un autre qui puisse être de moi »8. La devise du Centre est inverse
254 aliste : « Que rien ne soit d’un autre qui puisse être de moi »8. La devise du Centre est inverse : « Que rien ne soit à moi
255 re qui puisse être de moi »8. La devise du Centre est inverse : « Que rien ne soit à moi qui puisse être à un autre ». Car
256 . La devise du Centre est inverse : « Que rien ne soit à moi qui puisse être à un autre ». Car l’important, c’est que les ch
257 est inverse : « Que rien ne soit à moi qui puisse être à un autre ». Car l’important, c’est que les choses se fassent. L’idé
258 assent. L’idéal d’un institut comme le nôtre doit être de disparaître une fois que tout est fait, et de s’évanouir dans son
259 nôtre doit être de disparaître une fois que tout est fait, et de s’évanouir dans son propre succès… Notre programme n’est
260 vanouir dans son propre succès… Notre programme n’ est pas systématique, et il n’est pas non plus rigide. Il reste ouvert à
261 … Notre programme n’est pas systématique, et il n’ est pas non plus rigide. Il reste ouvert à l’événement. J’oserais dire qu
262 vénement. J’oserais dire qu’à certains égards, il est moins décisif en soi que l’existence même de ce Centre par où j’enten
5 1970, Le Cheminement des esprits. Historique — Naissance d’une Fondation
263 aquit en décembre 1952. Elle se précisa jusqu’à l’ été 1953, et les premiers qui en eurent connaissance s’y montrèrent aussi
264 ndation à l’échelle européenne — des hommes qui s’ étaient signalés dans leur sphère d’influence par leur intérêt actif pour la
265 n Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye. Lecture leur fut donnée du texte suivant : habeas animam Situation de l’homme au xxe
266 arce qu’elle s’attaque à la notion de l’homme qui fut l’origine décisive de cette civilisation, et qui en restera le plus h
267 , et qui en restera le plus haut achèvement. Ce n’ est plus seulement la liberté de la personne — l’habeas corpus — qui est
268 la liberté de la personne — l’habeas corpus — qui est contestée au xxe siècle, mais déjà son identité, le droit de chaque
269 lavage mental d’une grande partie de l’humanité n’ est plus une utopie : ses moyens scientifiques existent, ils sont à l’œuv
270 e utopie : ses moyens scientifiques existent, ils sont à l’œuvre sous nos yeux. Situation de l’Europe Foyer de la civi
271 l’Histoire n’a pas vu le précédent. Mais l’Europe est elle-même en grand péril. Les peuples qu’elle a civilisés retournent
272 s à l’union Les obstacles à l’union européenne sont actuellement d’ordre moral, bien plus que matériel. Voici les princip
273  » qui ont épuisé leurs vertus au xixe siècle et sont devenues en partie fictives : aucun de nos pays ne peut se défendre s
274 réveiller un sentiment commun des Européens Il est donc évident que le nœud du problème est dans l’attitude morale des E
275 ns Il est donc évident que le nœud du problème est dans l’attitude morale des Européens eux-mêmes. À défaut d’une prise
276 us les traités et pactes que l’on pourra conclure seront insuffisants, viendront trop tard, ou resteront lettre morte. Si au c
277 aie situation. Le Centre européen de la culture a été fondé pour contribuer à ce réveil du sentiment européen. Il a commenc
278 sur un plan supranational, comme si déjà l’Europe était unie. Fort de ces premières réalisations, qui lui assurent une base d
279 création d’une Fondation européenne de la culture serait de nature à modifier, par sa seule existence, le climat intellectuel
280 els. L’Europe ne se fera pas toute seule. Elle ne sera pas créée par des discours et adjurations passionnés, ni par un soulè
281 ’une Fondation européenne de la culture. Celle-ci fut créée le 16 décembre 1954 au siège du CEC à Genève. Robert Schuman si
282 u Conseil des Gouverneurs, les autres signataires étant MM. H. Brugmans, Franco Marinotti, J. H. Retinger, D. de Rougemont, R
283 ond Silva, Georges Villiers. Le baron van Zeeland étant nommé trésorier. La Fondation se transporta à Amsterdam en 1957. Dès
6 1970, Le Cheminement des esprits. Historique — Trois initiales, ou raison d’être et objectifs du CEC
284 Trois initiales, ou raison d’ être et objectifs du CEC9 Notre nom même provoque généralement les troi
285 is questions, très normales et très légitimes, ce sera définir du même coup la raison d’être de notre institution, l’esprit
286 gitimes, ce sera définir du même coup la raison d’ être de notre institution, l’esprit qui l’anime et les objectifs qu’elle s
287 , l’esprit qui l’anime et les objectifs qu’elle s’ est donnés dès sa création. Culture a la réputation d’être un mot vagu
288 nés dès sa création. Culture a la réputation d’ être un mot vague. Et il est vrai qu’on lui attribue des contenus assez di
289 lture a la réputation d’être un mot vague. Et il est vrai qu’on lui attribue des contenus assez divers. Mais si nous négli
290 Mais si nous négligeons les disputes pédantes, il est facile de définir un sens commun à toutes les acceptions du terme. La
291 ésultent d’actes culturels — artificiels. L’homme est cet animal qui tire de la Nature tout ce qui, sans lui, serait demeur
292 imal qui tire de la Nature tout ce qui, sans lui, serait demeuré virtuel, et qui par lui devient le domaine de l’humain ; doma
293 lettres, ou de quelque activité précise. Le terme étant entré dans l’usage courant, dès la fin du siècle dernier, on l’oppose
294 propagandes de guerre en 1914.) Pour nous, qui ne sommes d’aucun parti nationaliste, s’il fallait prendre position dans le déb
295 uvres nouvelles et d’inventions ; la civilisation étant plutôt l’ensemble ou le système des résultats sociaux, à la fois maté
296 s règles du sacré ou les décrets de la politique, est un concept typiquement européen. Et cela seul peut expliquer ce grand
297 ous d’autres formes purifiées et libérales — ce n’ est rien de naturel, rien de purement physique ; c’est précisément la cul
298 et créateur de la culture, à faire voir qu’elle n’ est pas un luxe, mais une nécessité vitale pour tous nos peuples. En effe
299 chnique et donc des sciences ; or les sciences ne sont nées en Europe et ne progressent dans l’univers qu’en vertu du comple
300 e, et de son dynamisme aventureux. Europe , qui fut d’abord un mythe sémite et grec, puis une définition géographique — l
301 reux, le pays du couchant, part de Japhet, l’Asie étant à Sem, l’Afrique à Cham — l’Europe est à nos yeux une unité de cultur
302 , l’Asie étant à Sem, l’Afrique à Cham — l’Europe est à nos yeux une unité de culture. Sur la base de cette unité intégrant
303 aujourd’hui s’édifier. On nous demande : quelles seront ses limites ? Nous refusons cette question mal posée. Car une culture
304 te question mal posée. Car une culture ne saurait être définie par des bornes-frontières et un cordon douanier, mais seuleme
305 ce de rayonnement. L’Europe que nous voulons doit être à la mesure de cette force de rayonnement. Son découpage accidentel e
306 dentel et temporaire en Europe de l’Ouest et de l’ Est , en groupements de Six, de Sept, de Quinze, ou de Dix-Huit à la reche
307 end d’un jeu de forces politiques sur lequel nous sommes sans pouvoir, mais dont nous devons anticiper le dépassement. Nous tr
308 coup la cause de l’unité mondiale. Si réduits que soient encore nos moyens en proportion d’une telle mission, nous savons que
309 ssion, nous savons que cette faiblesse matérielle est la rançon de notre indépendance de tous partis, intérêts nationaux, g
310 — et certains nous l’ont dit expressément — qu’il était juste et nécessaire de laisser libre de tous liens un Institut dont l
311 r libre de tous liens un Institut dont la mission est justement de voir plus loin, de préparer le terrain pour une plus vas
312 préparer le terrain pour une plus vaste union. Où sont les obstacles majeurs à cette union ? On nous répète qu’ils seraient
313 les majeurs à cette union ? On nous répète qu’ils seraient dans les faits, dans les intérêts matériels. Mais nous pensons qu’ils
314 les intérêts matériels. Mais nous pensons qu’ils sont d’abord dans les esprits, leurs préjugés et leurs routines. C’est don
315 les plus divers et les plus éloignés ; et qui pis est , toutes ces images apparaissent particulièrement incompatibles avec l
316 pposent la notion de « cultures nationales », qui est aussi fausse en fait qu’en droit. La culture à la fois antique, chrét
317 que, chrétienne, critique et scientifique, et qui est commune à tous nos peuples, se trouve cloisonnée par des barrières de
318 é » par rapport aux voisins européens. Certes, ce sont des Européens surtout qui viennent de fabriquer la première Bombe, pa
319 nent de fabriquer la première Bombe, parce qu’ils étaient ensemble… en Amérique. Mais ici, chacun se plaint de manquer de fonds
320 Cinq ans plus tard, 1955 : l’idée de coopération est entrée dans les mœurs, même culturelles. Les associations se sont mul
321 les mœurs, même culturelles. Les associations se sont multipliées : instituts de recherches nucléaires, d’enseignement euro
322 tes, hygiénistes, pédagogues, sportifs même… Nous sommes sur la bonne voie. Mais deux dangers subsistent : les centres de coor
323 ngers subsistent : les centres de coordination se sont multipliés au point de poser à leur tour un grave problème de coordin
324 ropéens. L’action du CEC, en tout cela, a parfois été décisive, encore qu’elle ne soit pas toujours bien visible à l’œil nu
325 t cela, a parfois été décisive, encore qu’elle ne soit pas toujours bien visible à l’œil nu. Elle a donc justifié la raison
326 ible à l’œil nu. Elle a donc justifié la raison d’ être de l’institution — pour ceux qui savent ; plus rarement, il est vrai,
327 tution — pour ceux qui savent ; plus rarement, il est vrai, aux yeux d’un grand public naturellement indifférent sinon aux
328 par Louis Armand : « Développons en commun ce qui est neuf. Laissons de côté les héritages du passé, dont l’unification pre
329 ergie, et soulèverait trop d’opposition. » Ce qui était neuf il y a vingt ans, c’était en sciences les recherches nucléaires 
330 notion subversive d’une entité européenne qui ne fût pas simple addition des nations. Le CEC commence donc par réunir le 1
331 rtaines de ces activités, initiées par le CEC, se sont constituées hors de lui (comme le CERN) ou se sont détachées de lui (
332 ont constituées hors de lui (comme le CERN) ou se sont détachées de lui (comme la Fondation européenne) conformément au plan
333 ces et de connaissances européennes créé au CEC a été investi dans deux domaines principaux : l’enseignement supérieur et l
334 ulement du CEC, mais toutes les recherches qui se sont poursuivies depuis vingt ans à la Villa Moynier nourrissent ses stage
335 hommes nouveaux pour la Cité fédérale. Mais qu’en est -il de l’avenir du Centre ? La reprise par d’autres institutions — off
336 ctivités actuellement groupées à la Villa Moynier est parfaitement concevable, et même elle n’irait pas sans avantages — no
337 é d’une telle dispersion, on sent aussitôt ce qui serait perdu dans l’opération. Chacune de nos Associations ou activités se t
338 vec les autres, des influences qu’elle en reçoit ( fût -ce à son insu) et d’une certaine communauté à la fois d’inspiration e
339 uts, reste sa justification la moins douteuse. Il est devenu banal de constater que les thèmes nouveaux d’activité et de re
340 r pour vocation, précisément, d’accueillir ce qui est neuf et de fonder sur du neuf les modèles et structures de l’Europe f
341 l créer un nouvel Institut par thème nouveau ? Ce serait d’une mauvaise économie intellectuelle et financière. L’exemple des é
342 blait en effet préparer le CEC, et l’Institut qui est dans ses murs, à se saisir d’un thème majeur en lequel viennent conve
7 1970, Le Cheminement des esprits. Diagnostics de la culture — L’Europe contestée par elle-même
343 l, paraît malade : un tiers de son territoire à l’ est , amputé ; un grand nombre de ses cités, en ruines ; ses frontières in
344 issance. En 1945, libérée dans ses ruines, elle s’ est vue subitement détrônée, et comme mise à pied par l’Histoire, au prof
345 s populeux ne sauraient prétendre un seul instant être à l’échelle des réalités modernes ; encombrée de barrières intérieure
346 Nature. Les raisons immédiates de cette décadence sont claires. Deux guerres totales déclenchées en Europe et ravageant ses
347 du processus. Mais ce qu’il reste à expliquer, ce sont ces guerres elles-mêmes, qui ne furent pas des accidents absurdes, ma
348 xpliquer, ce sont ces guerres elles-mêmes, qui ne furent pas des accidents absurdes, mais au contraire des accidents révélateu
349 produit la « guerre totale ». De la guerre totale est sorti le premier régime totalitaire, celui de Lénine, dont devaient s
350 e étatisé, la guerre totale, le totalitarisme, ne sont encore que les symptômes d’une évolution morbide, non la cause même d
351 stiblement à notre destruction, parce qu’elles ne sont pas dominées dans leur conception même, puis dans leur application, p
352 n siècle. Et enfin, chacun voit que notre culture est en contradiction avec notre réalité même, et qu’elle devient une révo
353 . Depuis cinquante ans, la littérature européenne est essentiellement subversive, soit qu’elle attaque avec acharnement la
354 rature européenne est essentiellement subversive, soit qu’elle attaque avec acharnement la morale bourgeoise (détachée de se
355 esquelles il n’y a pas de vie sociale possible) ; soit qu’elle s’efforce de restaurer des orthodoxies rigides, en protestati
356 rand public, pour des raisons contradictoires. Il est remarquable que notre xxe siècle n’ait retenu du xixe que les génie
357 rquer qu’elle cherche désespérément à rejoindre l’ être et l’existant concret : ce souci fondamental avoue et prouve à lui se
358 sens différent. Nulle autorité reconnue de tous n’ est plus en mesure de « dire le vrai », d’énoncer la commune mesure. Pres
359 t, en Europe, contredit en quelque manière ce qui est encore pensé comme juste et bon par nos orthodoxies diverses, par la
360 signalais. Nationalisme, guerre et totalitarisme sont autant de réactions mécaniques et collectives au vide social créé par
361 e. Les cadres et les structures de sa vie sociale sont en bonne partie détruits. Autrefois, le fils d’un drapier devenait dr
362 nt d’arbitraire le domine. La morale bourgeoise n’ est plus impérative, ne peut plus lui fournir de directives bien claires.
363 s’orienter dans le choix d’une carrière ? Toutes sont devenues possibles, en théorie, ce qui augmente la difficulté. Et com
364 es totalitaires. Le nationalisme, tout d’abord, s’ est substitué au patriotisme local. Première tentative de l’État moderne
365 line d’action et de pensée, si l’élément social n’ était venu se conjuguer avec lui, après la Première Guerre. Ce que Mussolin
366 vit dans l’angoisse de l’arbitraire, et qu’il en est réduit à désirer qu’on le libère d’une liberté sans contenu. Il cherc
367 mps qu’il lui enseigne une doctrine d’unité. Ce n’ est point par méchanceté ou par perversité que tant d’hommes en Europe so
368 eté ou par perversité que tant d’hommes en Europe sont devenus fascistes et deviennent aujourd’hui communistes. C’est parce
369 nistes. C’est parce qu’ils ont senti de tout leur être le besoin d’un principe d’unité, que seules les dictatures se proclam
370 te de mourir que pour des raisons de vivre. Où sont les remèdes ? Il serait naïf de supposer que les hommes politiques
371 raisons de vivre. Où sont les remèdes ? Il serait naïf de supposer que les hommes politiques européens tiennent en rése
372 f de supposer que les hommes politiques européens tiennent en réserve des remèdes à cette situation. À vrai dire, elle déborde l
373 tort de le lui reprocher. La technique politique est une chose, la direction morale et spirituelle des hommes une autre ch
374 ils définissent un nouveau way of life, capable d’ être opposé victorieusement à celui des totalitaires. Cette exigence exorb
375 ui des totalitaires. Cette exigence exorbitante n’ est pas de celles qui empêchent de dormir nos hommes d’État. Certes, ils
376 ense des valeurs spirituelles. Mais leur métier n’ est pas de repenser l’époque, et encore moins la situation de l’homme en
377 e. La philosophie de leur politique, quand elle n’ est pas en fait le matérialisme de « bon sens » de la bourgeoisie (« Donn
378 ur la sécurité, du travail et un logement, ils se tiendront tranquilles ») se réduit à quelques slogans. Non, ce n’est pas aux ho
379 uilles ») se réduit à quelques slogans. Non, ce n’ est pas aux hommes d’État, si grands soient-ils, qu’il faut aller demande
380 s. Non, ce n’est pas aux hommes d’État, si grands soient -ils, qu’il faut aller demander de recréer la commune mesure évanouie.
381 er de recréer la commune mesure évanouie. Et ce n’ est pas non plus aux partis politiques démo-chrétiens ou socialistes : ce
382 tis politiques démo-chrétiens ou socialistes : ce serait exiger d’eux qu’ils essaient à leur tour de devenir totalitaires. Auc
383 ient à leur tour de devenir totalitaires. Aucun n’ est en mesure d’y prétendre, et d’autre part chacun représente un élément
384 onomiques classiques ou révolutionnaires, il n’en est pas une seule qui ait réussi à soumettre l’économie au bien commun, s
385 bien commun, sans qu’on puisse dire si cet échec tient aux doctrines, au fait que le bien commun n’était plus défini, ou au
386 tient aux doctrines, au fait que le bien commun n’ était plus défini, ou au fait que la politique a négligé de soumettre l’une
387 leur vocation précise, dans une telle situation, soit de rendre à l’Europe des mesures, une sagesse théorique et pratique,
388 syndicat ? D’ailleurs, ces excellents esprits ne sont pas souvent d’accord entre eux. Ils représentent des écoles ou des re
389 ctivement à une construction. — Il ne devrait pas être l’apanage d’un parti, d’une nation, d’une tendance intellectuelle, ch
390 ien, et de surmonter ainsi le divorce profond qui est à l’origine des plus grands maux du siècle. Cependant, l’expérience d
391 immédiat et commun, c’est que l’esprit européen n’ est pas encore assez vivace ou exigeant, c’est que la conscience commune
392 , c’est que la conscience commune des Européens n’ est pas encore réveillée, malgré tous les éclats de voix d’un Vychinski c
393 ; et malgré le plan Marshall, dont le but déclaré est d’aider l’Europe comme un tout. Aucun des sacrifices nécessaires ne
394 mme un tout. Aucun des sacrifices nécessaires ne sera consenti, rien ne pourra donc se faire pratiquement, tant que les Eur
395 ; qu’ils périront ou se sauveront ensemble. Qu’en est -il donc de l’unité réelle de ce continent, si riche de ses diversités
396 nts communs, Athènes, Rome, et Jérusalem, qui ont été conjugués pendant les premiers siècles de notre ère. À quoi sont venu
397 pendant les premiers siècles de notre ère. À quoi sont venus s’ajouter l’esprit critique et la science dès la Renaissance, l
398 s, des partis, des nations et même des religions, est une condition fondamentale de la créativité et de l’esprit d’inventio
399 tion et du non-conformisme, notre civilisation se fût arrêtée à l’âge romain. Elle eût éliminé l’esprit grec et le christia
400 hétique — ou bien eût succombé aux invasions de l’ Est . Ce complexe de contradictions fondamentales et d’antagonismes spirit
401 ons fondamentales et d’antagonismes spirituels, s’ est révélé au cours des âges comme étant le plus créateur de toute l’hist
402 spirituels, s’est révélé au cours des âges comme étant le plus créateur de toute l’histoire des civilisations. Il explique s
403 on dense mais minoritaire dans le monde, l’Europe soit devenue le foyer le plus virulent du progrès humain pendant sept sièc
404 endant sept siècles. L’Europe actuelle, quels que soient ses vices et les éléments de décadence qu’elle se refuse à éliminer,
405 lieu du monde où, vertueux ou vicieux, les hommes sont malgré tout les plus différenciés, les plus avides d’expérimenter les
406 des choses et de prendre conscience d’eux-mêmes, soit pour s’accepter, soit pour se révolter. Un des caractères les plus fr
407 dre conscience d’eux-mêmes, soit pour s’accepter, soit pour se révolter. Un des caractères les plus frappants de l’unité eur
408 monde depuis cinquante ans, la part des Européens est largement prépondérante. Et je dis bien : des Européens, non de tel d
409 l de leurs pays. Car chacune de leurs découvertes est née du grand dialogue entre les esprits du passé et du présent, par-d
410 t du présent, par-dessus les frontières ; chacune est prise dans le contexte d’une réflexion européenne (contexte qui tend
411 tre et sculpture : presque tous leurs grands noms sont des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris
412 des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra
413 dirai plus. Le monde moderne en tant que tel peut être appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il im
414 i l’on peut dire que l’Amérique du Nord et l’URSS sont aussi — l’une depuis les origines, l’autre dans ce qu’elle a de moder
415 il n’en reste pas moins que l’avenir paraît bien être à elles et non plus à l’Europe, parce qu’elles apportent une fraîcheu
416 tentation d’orgueil qui nous ferait dire : « Nous sommes les seuls, les vrais civilisés », et une tentation d’infériorité qui
417 u décadente, ou les deux à la fois, l’Europe n’en est pas moins demeurée le foyer de la civilisation contemporaine, occiden
418 tées, en recul, ou éteintes. Si ce foyer venait à être détruit par une guerre totale, les bibliothèques, les microfilms, les
419 . L’unité supranationale de la culture européenne est quelque chose qu’il s’agit aujourd’hui bien moins de définir que de s
420 ussi d’illustrer en créations. Dieu merci, elle n’ est pas encore un objet de science, mais un drame. Nous avons à la défend
421 que les vraies sources de la puissance européenne sont spirituelles, morales, intellectuelles, et que la culture sur ce peti
422 llectuelles, et que la culture sur ce petit cap n’ est pas un luxe, mais la condition même de notre vie. Et nous avons à cré
423 l’essentiel. Car si l’on a pu dire que l’Amérique est un « miroir grossissant de l’Europe » (Léo Ferrero), il est vrai auss
424 iroir grossissant de l’Europe » (Léo Ferrero), il est vrai aussi que l’Europe est l’étymologie des maux américains. Nos mal
425 e » (Léo Ferrero), il est vrai aussi que l’Europe est l’étymologie des maux américains. Nos maladies sont, ou seront un jou
426 st l’étymologie des maux américains. Nos maladies sont , ou seront un jour les vôtres, non point dans leurs manifestations, m
427 ologie des maux américains. Nos maladies sont, ou seront un jour les vôtres, non point dans leurs manifestations, mais dans le
428 s dans leur principe. Après tout, vos ancêtres ne sont pas nés de votre terre, mais ils y ont été comme projetés par le jeu
429 es ne sont pas nés de votre terre, mais ils y ont été comme projetés par le jeu des contradictions internes de l’Europe, re
430 mérique n’en souffre pas ? Celui-là seul qui s’en tiendrait aux symptômes extérieurs, si différents d’un côté à l’autre de l’océa
431 i différents d’un côté à l’autre de l’océan. Vous êtes plus menacés que nous par la dictature psychique des mass médias, alo
432 ctature psychique des mass médias, alors que nous sommes surtout menacés par nos divisions nationales, partisanes, individuali
433 ires — sauf dans le plan politique où votre unité est faite — s’adresse à vous autant qu’à nous. La tentation est moins for
434 — s’adresse à vous autant qu’à nous. La tentation est moins forte pour vous. Mais craignez qu’un peu plus de conscience ou
435 de conscience ou une panique ne la renforce. Vous êtes intéressés à notre guérison. Car dans un sens, nous sommes vos cobaye
436 téressés à notre guérison. Car dans un sens, nous sommes vos cobayes ; et dans un autre, votre hérédité. Ce que vous devez att
437 sécrétés depuis cent ans, contre lesquels vous n’ êtes pas immunisés. En retour, nous attendons de vous bien autre chose que
438 chose que des dollars — si indispensables qu’ils soient . Nous attendons que vous trouviez comment l’homme peut demeurer humai
439 rions de ne pas désespérer de l’Europe malade. Ce serait désespérer de votre propre civilisation, de son essence. L’Europe dis
440 ées du siècle l’ont prouvé. Ne pensez pas qu’elle est perdue, sacrifiée anyway, et qu’il est temps de drainer ses dernières
441 as qu’elle est perdue, sacrifiée anyway, et qu’il est temps de drainer ses dernières valeurs, musiciens, écrivains, profess
442 Einstein à Fermi, beaucoup déjà nous ont quittés, sont devenus vôtres. Mais nous pouvons encore en être heureux pour vous :
443 sont devenus vôtres. Mais nous pouvons encore en être heureux pour vous : il nous en reste assez, et nous en ferons bien d’
444 talitaire provoquée par un déséquilibre dont vous êtes menacés, vous aussi. Je souhaite ici qu’un dialogue atlantique s’inst
445 point pour échanger des préjugés stupides — vous êtes « barbares » et nous sommes « décadents » — mais pour échanger des es
446 réjugés stupides — vous êtes « barbares » et nous sommes « décadents » — mais pour échanger des espoirs. Que chacun dise à l’a
447 », paru à New York en janvier 1951. 11. Tels que furent la Loi pour les Juifs, le latin pour les clercs et les juristes, la m
448 te, puis la Raison. Il nous reste l’Argent, qui n’ est pas une mesure vivante. Quant à la Science, elle bouge tout le temps
8 1970, Le Cheminement des esprits. Diagnostics de la culture — Préface à « L’Œuvre du xxe siècle »
449 du xxe siècle » Le mois de mai 1952, à Paris, fut animé par une grandiose manifestation destinée à présenter l’ensemble
450 t chaque soir du 30 avril au 2 juin. L’initiative était due au Congrès pour la liberté de la culture et à son secrétaire géné
451 que président du Congrès que le directeur du CEC fut amené à préfacer et à conclure ces trente-deux journées mémorables. P
452 ent l’Occidental, le goût de « se rendre compte » est l’un des plus constants. Il nous fit inventer la boussole et la montr
453 , et les expositions. L’Œuvre du xxe siècle veut être au premier chef, littéralement, un compte rendu. Exposition, biograph
454 ’état de nos arts et de nos lettres, en Occident, serait la preuve de notre décadence. N’est-il pas curieux d’observer que ce
455 Occident, serait la preuve de notre décadence. N’ est -il pas curieux d’observer que ce jugement se trouve être à la fois ce
456 pas curieux d’observer que ce jugement se trouve être à la fois celui des « passéistes » en art, et celui des adeptes de pa
457 s ? Cette part du grand public, chez nous, qui en est restée au tableau de genre, au pleinairisme, au réalisme, et qui pren
458 le appuie son accusation sur une doctrine. Le mal serait entré dans la peinture, dit-elle, avec les pommes de Cézanne, pommes
459 conduire à Picasso lequel, tout communiste qu’il soit , sert Wall Street et ses sombres desseins12. Quant à l’avenir, il ser
460 t et ses sombres desseins12. Quant à l’avenir, il serait représenté par les tableaux de genre militaire du réalisme socialiste
461 agement d’un ordre supérieur ; et que la tyrannie est le pire des désordres. C’est dans cette vue que le Congrès pour la Li
462 vocation plus ample de ses forces n’aura marqué l’ été d’un siècle ! Ce concours des génies et des merveilles de l’art renou
463 e d’ensemble assurément sans précédent, et qui ne sera pas seulement rétrospective, si elle nous aide et nous anime à mieux
464 e à mieux comprendre d’où nous venons, où nous en sommes , où nous allons… Mais la riposte, ici, transcende le défi. Elle le ré
465 le le réduit au rôle épisodique qui, précisément, fut toujours celui des pouvoirs politiques, de leurs goûts et de leurs ce
466 ose bien d’autres problèmes. Le premier me paraît être celui de la prise de conscience d’une époque non par ses héritiers, m
467 dont la fonction, selon l’oracle sibyllin, devait être de restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle concen
468 pénétrant les structures de l’Inconscient. Qu’il soit peintre, poète ou conteur, plus il s’avance dans ce domaine, plus il
469 t la notion nouvelle d’optimum ? Faut-il se faire soit monstre, soit vedette — ou bien tenter de se faire classique ? Autre
470 uvelle d’optimum ? Faut-il se faire soit monstre, soit vedette — ou bien tenter de se faire classique ? Autre paralogisme de
471 e compensations, ou bien l’un des deux phénomènes serait -il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une situation globale de d
472 deux phénomènes serait-il la rançon de l’autre ? Sommes -nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de div
473 emble exposées dans Paris. Le choix de la ville n’ est pas sans signification. Paris fut, pendant ce demi-siècle, le lieu gé
474 x de la ville n’est pas sans signification. Paris fut , pendant ce demi-siècle, le lieu géométrique de l’aventure moderne :
475 époque : la réponse qu’elle apporte, d’une part, est , de l’autre, une remise en question. 12. « Picasso ne crée pas ses
476 enov, Les Deux Cultures, Moscou, 1947. Ce Kemenov était à l’époque président de la VOKS, c’est-à-dire chef des relations cult
477 ulturelles de l’URSS avec l’étranger. Sa brochure est un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires.
9 1970, Le Cheminement des esprits. Diagnostics de la culture — Conclusions sur l’avenir et la liberté de la culture
478 d’un temps libre pour méditer, pour publier, pour être lu. Il a besoin d’une postérité, d’un espace vital historique. Or, no
479 our sauver cette visée, cette possibilité : elles sont devenues problématiques. Troisième raison : jamais les hommes n’avaie
480 s. Troisième raison : jamais les hommes n’avaient été aussi conscients d’une menace immédiate et totale sur leur culture, l
481 nce. Vous savez tous de quoi je parle et que ce n’ est pas seulement de la Bombe. Jamais les hommes, et particulièrement les
482 s hommes, et particulièrement les créateurs, ne s’ étaient sentis visés aussi précisément à la tête et au cœur. Si nous sommes r
483 s aussi précisément à la tête et au cœur. Si nous sommes réunis ce soir sur ce plateau, au lieu d’être à nos tables de travail
484 s sommes réunis ce soir sur ce plateau, au lieu d’ être à nos tables de travail, comme nous l’eussions tous préféré, c’est sa
485 erie, c’est parce que nous avons reconnu que nous sommes visés, que notre fonction dans la cité est menacée, notre avenir mis
486 ous sommes visés, que notre fonction dans la cité est menacée, notre avenir mis en question. Nous sommes là pour vous avert
487 é est menacée, notre avenir mis en question. Nous sommes là pour vous avertir, pour vous montrer que nous sommes décidés à la
488 là pour vous avertir, pour vous montrer que nous sommes décidés à la défense, à la riposte. Écoutez-nous, non pas du tout com
489 es hommes qui ont à vous dire ceci : c’est qu’ils sont prêts à accepter leur rôle dans un combat qui est aussi le vôtre, et
490 ont prêts à accepter leur rôle dans un combat qui est aussi le vôtre, et dont l’enjeu nous dépasse tous. II Il ne saurait ê
491 dont l’enjeu nous dépasse tous. II Il ne saurait être question de tirer de nos quatre débats et de nos deux conférences des
492 nelles faisant le point d’une évolution dont nous sommes à la fois les sujets et les objets. Je me bornerai donc à souligner u
493 . Tous les sujets que nous avons discutés, que ce soit l’écrivain dans la cité, l’isolement de l’artiste au temps des moyens
494 communion que je voudrais dire quelques mots. Il est trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à en donner la recette.
495 ur d’un peuple, que vaut sa communion, quand elle est établie par la police au prix d’un homme sur dix dans les camps sibér
496 uand ils savent que deux d’entre eux probablement sont des mouchards, et que le dixième homme est dans un camp ? Pitié pour
497 ement sont des mouchards, et que le dixième homme est dans un camp ? Pitié pour eux ! Car ils ignorent sans doute l’étendue
498 t la vraie visée de la tyrannie dans laquelle ils sont nés13. Mais nous ? Nous qui avons parmi nous des témoins, des victime
499 ir de nous informer, de dire et de crier, nous ne sommes plus pardonnables de nous taire. Alors, que faire ? Tout d’abord prot
500 at ; question de salubrité publique, quelle qu’en soit l’efficacité. L’Œuvre du xxe siècle a protesté dans son ensemble con
501 plices. Elle a protesté au double sens du mot qui est à la fois refus et témoignage. Notre concert inaugural dans une églis
502 moignage. Notre concert inaugural dans une église était dédié à la mémoire des victimes de toutes les tyrannies du xxe siècl
503 aussi brutale ou insinuante ! » Au contraire, je suis convaincu que nous approuvons tous ici cette excellente définition de
504 rler, parce que — disons-le bien franchement — il est gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous
505 ansition, en visant le cœur du problème. Que nous soyons ici chrétiens ou non, nous sommes tous tenus de constater le fait his
506 blème. Que nous soyons ici chrétiens ou non, nous sommes tous tenus de constater le fait historique que voici : la plus vaste
507 ous soyons ici chrétiens ou non, nous sommes tous tenus de constater le fait historique que voici : la plus vaste communion j
508 ibre par les modes d’adhésion qu’elle implique, s’ est faite autour, non pas d’une idée, d’une doctrine, ou d’un système de
509 dividuel, autour d’un seul, autour d’un homme qui est mort dans l’isolement total, dans la révolte la plus intransigeante c
510 ’injustice du monde, abandonné des hommes — et ce serait peu — abandonné de Dieu lui-même. N’oublions pas que là, et là seulem
511 ividuel. Pour terminer, une simple citation. Elle est d’un Espagnol, c’est dire qu’elle frappe une de ces notes d’éloquence
10 1970, Le Cheminement des esprits. Diagnostics de la culture — À la table ronde du Conseil de l’Europe
512 notre siècle, s’intitule : D’où venons-nous ? Où sommes -nous ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleur motto pour cette
513 débats pendant quatre journées mémorables. Où en sommes -nous, nous autres Européens de 1953 ? Une phrase prononcée l’an derni
514 rité de 160 millions. » La raison de ce paradoxe est des plus simples. Nous ne nous sentons pas en réalité, 330 millions d
515 a réalité vivante et dans les cœurs, ce qu’elle n’ est aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour
516 t la conscience aussi des ressources immenses qui sont là, dont elle peut disposer — à la seule condition de s’unir. Une pr
517 isés. Comment réduire ces résistances là où elles sont , dans les esprits et dans les cœurs ? Comment réveiller l’opinion ? L
518 périence, une quinzaine de publicistes réputés se sont réunis, — un par membre du Conseil de l’Europe — afin de rechercher e
519 ouveau, vous le voyez. Mais je sais bien que vous êtes surtout curieux des résultats pratiques de ces quatre journées. Perme
520 s esprits et des tempéraments aussi variés que le sont les vingt-deux peuples de l’Europe et les familles intellectuelles qu
521 lectuelles qui les composent. Cet homme, de plus, étant un écrivain qui n’est pas absolument sans idées sur les sujets traité
522 sent. Cet homme, de plus, étant un écrivain qui n’ est pas absolument sans idées sur les sujets traités, s’est vu contraint
523 s absolument sans idées sur les sujets traités, s’ est vu contraint par sa fonction présidentielle dans ces débats, d’accord
524 ous apporter ici le récit objectif des joutes qui furent livrées par vingt-et-un chevaliers autour de cette moderne table rond
525 ormer en moi. Le souci dominant de la table ronde était de dégager, pour nos contemporains, une large vision de notre situati
526 perficielles. Le diagnostic ainsi posé, nous nous sommes tournés vers l’avenir : où allons-nous ? Et c’est M. Robert Schuman q
527 ts communs qui peuvent unir les Européens. Car ce sont beaucoup moins leurs origines que les buts qu’ils regardent ensemble,
528 eau, permettant de mettre en commun ce qui doit l’ être pour bien marcher, afin de mieux faire vivre et de sauver ce qui doit
529 ste du monde. Un seul exemple : le nationalisme a été notre invention commune. Nous l’avons communiqué, « donné » au monde
530 de entier et cette liqueur tout d’abord enivrante est bientôt devenue poison. C’est à nous qu’il appartient donc, aujourd’h
531 ces. Il faut le dire à nos contemporains. Mais ce seront des sacrifices raisonnables, les conditions premières, les premiers p
532 sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe fut le refus d’un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constan
533 refusant de faire le pool patriotique des faibles sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d
534 sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d’attente, Byzance fut mise à sac. Les produits
535 saut fut décidé après des mois d’attente, Byzance fut mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à p
536 s richesses de Byzance, enfin « mises en commun » furent emportées par l’occupant. Il dépend de vous. Messieurs de la Table ro
11 1970, Le Cheminement des esprits. Diagnostics de la culture — Pronostics 1969 (une interview)
537 bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a été largement employé au cours des émeutes de mai 1968. D. de R. — Il n’y
538 lture ouvrière. Il y a une culture européenne. Je suis tout à fait d’accord avec Toynbee qui dit que la plus petite unité d’
539 nité d’étude intelligible qu’on puisse considérer est une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture f
540 es nuances de langue. D’abord, toutes nos langues sont parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou partic
541 particulièrement de la littérature, par exemple, sont communes à tous les Européens. La division de la culture est apparue
542 s à tous les Européens. La division de la culture est apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le natio
543 siècle. En peinture, voyez comme l’École de Paris est peu française : Picasso, Chagall, Van Dongen, Modigliani, Soutine, Ma
544 Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et la culture, qu’ est -ce que c’est ? R. — La culture occidentale repose sur l’héritage gréc
545 urs actuels de cette culture. Depuis cent ans, ce sont essentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’av
546 urgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde est toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné
547 n seul représentant de l’art pompier, parce qu’il est au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans. Le pompiérisme qui tranquil
548 pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’ est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tou
549 uvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une c
550 ouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des
551 ous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est
552 s. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas elle qu
553 re au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’ est pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes
554 les dictatures communistes. Pensez-vous que nous sommes entrés dans une ère de révolutions ? R. — Il y a une nécessité révolu
555 lus. Ne pensez-vous pas que les revendications ne sont pas assez bien formulées ? R. — C’est exact. On dit n’importe quoi, p
556 ôt leur dire de créer une nouvelle Université qui soit digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique qu
557 ais vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès est l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de
558 de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’ est pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un
559 , civilisations, nous savons aujourd’hui que nous sommes mortelles ». C’est doublement inexact : en premier lieu, la civilisat
560 lles. En second lieu, la civilisation occidentale est la seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mo
561 e. — Et la Chine ? R. — Encore faudrait-il que ce soit une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures soluti
562 tre marxisme et maoïsme ? R. — Le maoïsme prétend être le vrai marxisme. Mais, c’est un mélange de marxisme, d’anti-marxisme
563 sumés par les meilleurs. Une révolution sanglante est une révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait cel
564 ution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait celle qui apporterait un ordre nouveau, prêt à prendre la relève du d
565 bli ». Ces conditions idéales n’ont encore jamais été réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonien
566 rannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont été écrasées ou bien ont abouti, par les nationalismes, à la guerre de 19
567 r personnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en est -il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises
568 el ? Le cas des quatre Républiques françaises qui étaient des pouvoirs impersonnels nous instruit. La première a abouti à Napol
569 ions ? R. — Je ne crois pas que les civilisations soient comme les plantes, qui poussent, donnent des fruits, se fanent et meu
570 née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’ est pas à la merci de forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle
571 la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle est devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je
572 roduction et d’autocritique extraordinaire. Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les ef
573 Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les effets de ce que l’homme, indépendamment de la
574 pas que l’homme devient esclave des machines ; il est esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme
575 comme paravent ou cible de projection. L’homme n’ est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale. Quell
576 tion. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale. Quelle est la responsabilité de l’artis
577 ture, il est esclave de sa vanité sociale. Quelle est la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? R. —
578 i perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait être d’illustrer des mesures nouvelles des modèles efficaces pour la sensi
579 s, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils sont les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent
580 tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle est guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui pr
581 ode anarchique que traverse notre siècle a-t-elle été préparée ? R. — Je vous dirai sans trop réfléchir : par le nationalis
582 ’étudier après coup d’histoire de mon temps, ce n’ est pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le pa
583 n souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’ est pas le passé de notre désordre, mais les moyens d’en sortir. C’est-à-
584 z pas si je crois que cela réussira : car nous ne sommes pas là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d
585 in), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’ est -ce que cela veut dire ? C’est en somme une morale du risque assumé, d
586 r l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y tiens et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société
587 u’elle pourra… Après tout, le but de la société n’ est pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à l
588 15. Antimarxisme : Marx voulait que la révolution soit le fait de l’infrastructure ; Mao déclenche une révolution « culturel
12 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Éducation, civisme et culture
589 voilà qui va de soi et personne ne demandera quel est le lien entre ces matières et la préparation civique des élèves. Mais
590 ne du jeu — et les dures nécessités concrètes qui sont celles de la vie publique et civique, domaine du sérieux. Ce problème
591 s jeunes gens confiés à votre enseignement. ⁂ Qu’ est -ce que le civisme ? On peut le définir d’un seul mot, qui est le mot
592 e civisme ? On peut le définir d’un seul mot, qui est le mot clé de la doctrine de Proudhon, ancêtre des fédéralistes europ
593 des réalités politiques, afin que l’Europe puisse tenir sa juste place dans la communauté globale du genre humain. Le civisme
594 ssif ou réceptif, l’autre actif et militant. Ce n’ est pas seulement prendre sa part, c’est aussi apporter sa part, et non p
595 se manifester activement dans la communauté, à y tenir sa place selon ses dons et ses possibilités, en tant que citoyen à la
596 aison nécessaire. Juridiquement, un homme ne peut être tenu pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il était libre au
597 nécessaire. Juridiquement, un homme ne peut être tenu pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il était libre au mome
598 pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il était libre au moment où il a signé tel document, commis telle action, et q
599 ment, un homme ne saurait se sentir et ne saurait être vraiment libre, si ce n’était pour faire quelque chose ou pour refuse
600 sentir et ne saurait être vraiment libre, si ce n’ était pour faire quelque chose ou pour refuser de le faire, le libre choix
601 ise et s’actualise dans la responsabilité, que ce soit pour le bien ou le mal, pour l’honneur ou le châtiment. L’irresponsab
602 pour l’honneur ou le châtiment. L’irresponsable n’ est pas libre, et celui qui agit sous contrainte n’est pas responsable. C
603 st pas libre, et celui qui agit sous contrainte n’ est pas responsable. Cette liaison fondamentale et indissoluble de la lib
604 ndissoluble de la liberté et de la responsabilité est le trait caractéristique du civisme européen. Elle représente la sant
605 de la démocratie, dont les deux maladies typiques sont l’individualisme anarchique et le collectivisme tyrannique. Dans le p
606 yrannique. Dans le premier cas, l’homme renonce à être responsable, dans le second, il est privé de sa liberté. Ni dans le p
607 me renonce à être responsable, dans le second, il est privé de sa liberté. Ni dans le premier, ni dans le second, il ne sau
608 dans le premier, ni dans le second, il ne saurait être considéré comme un citoyen véritable. De ces définitions de base résu
609 s les civilisations sacrées et les totalitaires n’ est en somme qu’un immense catéchisme, un apprentissage des règles et des
610 t critique. Ainsi le rôle de l’éducateur européen est double : d’une part inculquer à l’élève les lois et conventions de la
611 bre initiative personnelle. Ces deux exigences ne sont contradictoires qu’en apparence. Elles sont en réalité complémentaire
612 es ne sont contradictoires qu’en apparence. Elles sont en réalité complémentaires, elles ne font que traduire la dialectique
613 alitaires, dans lesquelles il s’agit avant tout d’ être conforme, d’obéir strictement aux modèles collectifs, imposés par déc
614 ouvoir. Éduquer un enfant, au sens européen, ce n’ est pas seulement conditionner son esprit mais l’alerter ; ce n’est pas s
615 ent conditionner son esprit mais l’alerter ; ce n’ est pas seulement lui donner des réflexes mais lui apprendre à réfléchir 
616 réflexes mais lui apprendre à réfléchir ; et ce n’ est pas seulement l’introduire dans la sécurité de l’orthodoxie (religieu
617 n de compte. ⁂ Si nous demandons maintenant ce qu’ est la culture, nous allons voir que sa définition formelle ressemble étr
618 chefs-d’œuvre, apprendre quand et comment ils ont été créés, dans quel contexte historique, à quelles fins religieuses et s
619 uter ces chefs-d’œuvre. Mais cet apprentissage ne sera efficace que si l’élève est initié à quelques rudiments des technique
620 cet apprentissage ne sera efficace que si l’élève est initié à quelques rudiments des techniques artistiques qui ont permis
621 nt acquis une idée de la manière dont tout cela a été fait, il lui viendra le désir de le faire à son tour. Il commencera n
622 e : l’imitation correcte des modèles orthodoxes n’ est pas sa fin, comme elle le serait pour un danseur hindou, par exemple,
623 odèles orthodoxes n’est pas sa fin, comme elle le serait pour un danseur hindou, par exemple, qui doit exécuter exactement les
624 officiel sous Staline. L’imitation, en Europe, n’ est qu’un moyen de maîtriser une technique de telle sorte que la personna
625 ré. Dès la Renaissance donc, le créateur européen est celui pour qui l’art n’est plus seulement l’illustration des vérités
626 , le créateur européen est celui pour qui l’art n’ est plus seulement l’illustration des vérités orthodoxes, et des symboles
627 un poète, un musicien, veut d’abord dire ce qu’il est seul à pouvoir dire (surtout à partir du romantisme), mais en même te
628 même temps il publie, il expose, il ambitionne d’ être joué en public, c’est-à-dire qu’il cherche aussi l’approbation et la
629 toyen actif ou de l’artiste créateur, le problème est le même dans sa forme et dans ses étapes dialectiques. Il s’agit d’ab
630 requises pour maintenir cet équilibre en tension sont les mêmes dans les deux cas, et les déviations inévitables, rompant l
631 les déviations inévitables, rompant l’équilibre, sont comparables, terme à terme. ⁂ Revenant maintenant aux problèmes plus
632 angements, unité dans la diversité, semblent bien être les constituantes d’une culture vivante, et plus spécifiquement d’une
633 que leurs sources et modèles ! L’Ulysse de Joyce est une transposition de l’Odyssée au xxe siècle, et Picasso, parti de T
634 statues crétoises, etc. Jamais un siècle n’avait été plus farouchement iconoclaste que le nôtre, jamais aucun n’avait ress
635 vres du passé européen et même mondial. Ceci donc est typique de l’Europe : la présence et l’action simultanées de la tradi
636 peut en donner d’innombrables exemples, mais ils seront rarement aussi parlants et convaincants que les chefs-d’œuvre de nos
637 tionalisme ; et chacun sait que le nationalisme a été propagé par l’École et ses manuels depuis le milieu du xixe siècle.
638 tinctes, autonomes et rivales. Cette conception n’ est pas seulement responsable des guerres absurdes, justifiées aux yeux d
639 nt l’école locale ou régionale dans laquelle il s’ est formé. Qu’il s’agisse de musique, de peinture, d’architecture, de phi
640 a religion qui les inspira toutes au départ, il n’ est pas une seule branche de notre culture qui ne résulte de mille échang
641 s relâche et en toute occasion à vos élèves, ce n’ est pas seulement faire de l’histoire honnête, après un siècle de falsifi
642 vité de tous Pendant longtemps, lire et écrire fut réservé aux clercs, puis à une élite restreinte. Puis il y eut l’inst
643 Et de même, dans nos démocraties, tout homme peut être un citoyen. Pourquoi l’art serait-il seul à rester une spécialité de
644 , tout homme peut être un citoyen. Pourquoi l’art serait -il seul à rester une spécialité de luxe, réservée aux seuls artistes
645 rs que la vie quotidienne et la cité ont besoin d’ être aménagées esthétiquement autant que socialement et politiquement. L’e
646 ent de l’histoire des arts, depuis le romantisme, est dominé par la notion de chefs-d’œuvre ou d’œuvre individuelle faisant
647 atailles, des règnes, des traités. Ainsi, l’on en est venu à séparer radicalement « l’artiste » de la masse de ceux qui aur
648 professionnels, ou d’en parler. Or une culture n’ est pas vivante et n’est pas saine, si elle reste l’activité des seuls ar
649 ’en parler. Or une culture n’est pas vivante et n’ est pas saine, si elle reste l’activité des seuls artistes, savants ou éc
650 avants ou écrivains professionnels, tout le reste étant passif et en dehors du coup. Une culture saine doit être vivante dans
651 ssif et en dehors du coup. Une culture saine doit être vivante dans chaque membre de la communauté. Tout le monde n’a pas be
652 ante dans tous nos programmes scolaires. Car s’il est vrai comme le disait Pascal que le principe de toute morale est de bi
653 le disait Pascal que le principe de toute morale est de bien penser ; il faut dire aussi que le principe de toute culture,
654 r. Thème conclusif L’art, comme le civisme, est un moyen de s’exprimer librement en tant qu’homme responsable — selon
13 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Le civisme commence au respect des forêts
655 thème de ce stage il y a deux ans, parce que j’en étais venu depuis longtemps à penser que l’écologie, art et science des équ
656 et son milieu (tant social et urbain que rural), est le plus grand problème politique de ce siècle. Aujourd’hui je voudrai
657 buts de la vie sociale et personnelle. Or choisir est l’acte politique par excellence : gouverner, c’est prévoir — prévoir
658 cibels, troubles nerveux chez les enfants.) 3. Il serait faux d’en conclure que l’homme a de la haine pour la nature. Simpleme
659 mplement : il ne fait pas attention, obsédé qu’il est par le profit, par les gains immédiats. C’est cette attitude qui est
660 ar les gains immédiats. C’est cette attitude qui est préoccupante, foncièrement incivique. Car le civisme, c’est en somme
661 uilibre dynamique entre le citoyen et la cité. Il serait également faux de penser que la nature est bonne, l’homme mauvais. To
662 Il serait également faux de penser que la nature est bonne, l’homme mauvais. Toute une série de catastrophes dans les six
663 e comprendre que la guerre qu’il fait à la nature est faite en réalité à l’homme lui-même. Si un homme n’a pas de respect p
664 équilibres sociaux et naturels. 4. Si l’écologie est liée au civisme, est-elle liée à l’Europe ? Oui, et pour deux raisons
665 t naturels. 4. Si l’écologie est liée au civisme, est -elle liée à l’Europe ? Oui, et pour deux raisons majeures : — l’idée
666 — l’idée d’équilibre dynamique, l’idée de mesure, est essentiellement européenne, grecque d’abord. Elle le demeure face à l
667 nomiques, réalités supranationales qui ne peuvent être observées, prévenues ou maîtrisées qu’à une échelle au moins continen
668 pollution du Rhin qui affecte la Hollande : elle est causée par des industries suisses, françaises, allemandes, belges. —
669 , déplacés à grands frais sur une falaise élevée, sont érodés par les vents de sable, rongés par l’humidité, et menacés de d
670 ques et psychologiques ? — la priorité doit-elle être donnée au niveau de vie quantitatif (productivité, salaires, pouvoir
671 Car dans le concret de l’existence actuelle, nous sommes constamment obligés à des choix difficiles. Deux exemples : — Au cœur
672 pur des grands sommets, la vallée de la Maurienne est un bouillon de culture. Les cheminées de deux usines d’aluminium lâch
673 , Carcassonne et les villages des environs ont dû être ravitaillés par des camions-citernes. L’enquête est délicate : l’usin
674 e ravitaillés par des camions-citernes. L’enquête est délicate : l’usine soupçonnée fait vivre toute la haute vallée. 6. On
675 de l’expansion économique. La collectivité locale est une institution caractérisée par des finances et un pouvoir d’imposit
676 sauvegarder l’environnement et sa qualité doivent être harmonisées dans la mesure nécessaire au niveau européen. La Confére
677 nt en Europe. Je relève que le niveau national n’ est pas mentionné. La Conférence propose également que le Conseil de l’E
678 raisonnablement exempts de pollution, le droit d’ être protégé contre les bruits excessifs et les autres nuisances, enfin le
679 amènerez à choisir l’Europe qu’ils souhaitent. Ce sera vraiment là « faire l’Europe », c’est-à-dire faire de l’Europe, tâche
680 guement marchandés entre États « souverains ». Ce sera aussi la meilleure occasion de leur faire sentir, dans le concret de
14 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Sur la fabrication des nouvelles et des faits
681 la fabrication des nouvelles et des faits19 Qu’ est -ce qu’une nouvelle ? — Admettons-le avec l’homme de la rue et le dern
682 discours bénisseurs remplaçant les nouvelles. Il est clair que dans cette optique, les nouvelles sont les événements, ceux
683 l est clair que dans cette optique, les nouvelles sont les événements, ceux-ci n’ayant pas d’existence hors de celles-là. Un
684 s d’existence hors de celles-là. Une nouvelle, ce serait donc ce qu’une agence rédige à l’occasion d’un fait réel ou fabriqué,
685 e réduit au bout du compte. Car c’est bien compte tenu de ces informations que se décide la politique de nos États ; que vot
686  réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’ est faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que pour
687 n n’est faite que par la presse et la radio, et n’ est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maî
688 t n’est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles sont irresponsabl
689 nc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles sont irresponsables. Trois exemples. — On dit un peu partout — livres, ar
690 films — que le mouvement pour l’union de l’Europe est né le 1er septembre 1946 d’un discours de Churchill, à Zurich. En vér
691 rs de Churchill, à Zurich. En vérité, Churchill s’ était borné à conseiller l’union de la France et de l’Allemagne, l’Angleter
692 on de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre n’ étant pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune suite
693 manchettes à Staline, questionné sur la paix — il est pour — par quelque journaliste américain. Cette interview datait de p
694 nt le lancement réussi de leur satellite. Le fait est là. On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’est pas volée. L
695 On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’ est pas volée. La presse américaine réplique sans hésiter : elle « constr
696 d’un échec. Les conclusions que le monde en tire sont fausses, car l’échec du petit pamplemousse est moins celui des USA qu
697 e sont fausses, car l’échec du petit pamplemousse est moins celui des USA que celui de leur presse excitée. (Quand les Russ
698 elle-même, sans nulle enquête sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, e
699 ngtemps en France, dans une revue spécialisée. Il est exclu d’accélérer des particules « à la vitesse de la lumière ». Et l
700 r rang — a fait deux fois mieux que la Russie, ce serait rassurer le lecteur. Mais les journaux se vendent mieux en temps de c
701 ard du jour : combien coûte la guerre d’Algérie ? Est -il vrai que cette dépense explique la crise actuelle, qu’on prétend s
702 milliards que lui opposa le président du Conseil, tient pour incontestable le chiffre de 362 milliards cité par M. Monteil à
703 fféremment — et qui peut me dire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il serait juste d’en conclure quant au déficit b
704 ire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il serait juste d’en conclure quant au déficit budgétaire, à la politique algér
705 commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en est. Mais je les vois presque tous juge
706 squ’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en est . Mais je les vois presque tous juger selon leurs « croyances », comme
707 les faits ne comptaient pas, ou pire : comme s’il était suspect de s’en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’
708 scandales qui déchirent notre nation et que nous sommes là pour dénoncer. On peut aussi considérer que la politique requiert
709 amais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne sont pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits
710 t bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’ est plus la dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assurent
711 succès. Apprendre à lire. — Les correspondants sont honnêtes : ils disent en général ce qu’ils ont entendu. C’est leur ag
712 otes des députés et les cotes de la Bourse. Telle est la base de la plupart de nos convictions politiques, dans la mesure —
713 rivales : ce procédé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en
714 édé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’ est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais le
715 ’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais leur choix, leur présentation, et ce que l’on a con
716 à tout instant, seuls des cerveaux électroniques seraient capables de dégager certaines résultantes plus valables. Mais qui don
717 rver dans le choix fabricateur des « faits » ? Ce serait précisément une politique. Si l’on y parvenait, d’ailleurs, l’informa
718 , l’information devenant une science exacte, c’en serait fait des dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire
719 stance critique des esprits exposés à la presse n’ est pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on institue
15 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Université et universalité dans l’Europe d’aujourd’hui
720 e d’aujourd’hui20 Le mythe de la tour de Babel est resté l’un des plus vivants, des plus actuels, et aussi des plus ango
721 e d’Europe. Sa meilleure interprétation me paraît être celle que Dante en a donnée dans son Traité de l’éloquence vulgaire.
722 ces non seulement la Nature mais le Naturant, qui est Dieu, et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite a
723 et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite appelée Babel, ce qui veut dire confusion. Grâce à cette tour
724 quait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ils fussent frappés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que tous ceux q
725 jetés dans une confusion telle que tous ceux qui étaient venus à l’œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter
726 barius loquuntur). Si bien que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l
727 que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus
728 qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’ étaient tenus à l’écart, couvrant de sarcasmes la folie des travailleurs et l
729 ent refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus à l’écart, couvrant de sarcasmes la folie des travailleurs et les tou
730 si donc, l’origine de la diversité des langues ne serait autre que la spécialisation des métiers et par suite des jargons de m
731 gence à grande échelle, d’une part. Les distances sont presque annulées par la vitesse des communications. Les nations tende
732 reconnaissent et s’admettent. Déjà l’intégration est le mot d’ordre. Demain ce sera le métissage universel, après un certa
733 Déjà l’intégration est le mot d’ordre. Demain ce sera le métissage universel, après un certain nombre de conflits peut-être
734 e conflits peut-être atroces, mais dont l’issue n’ est pas douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur un pied théorique
735 urope a découvert la Terre entière, et personne n’ est jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne
736 avage. Le Droit des gens valable pour toute race, est une création de l’Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abor
737 ia et Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel et Kant en sont les pères, et je ne leur vois guère de répondants dans les élites d’A
738 Mais en même temps, au cœur de cette culture qui fut l’agent de la convergence mondiale, se prononce un mouvement contrair
739 univers du savoir humain, facultés et spécialités sont en train de s’éloigner les unes des autres avec une vitesse croissant
740 est dire que la commune mesure d’une civilisation est en train de s’évanouir — j’entends par là, sa conception de l’homme u
741 té, aux deux sens primitifs de l’universitas, qui sont le sens corporatif, communautaire, et le sens synthétique ou universa
742 synthétique ou universaliste. Nos universités ne sont plus guère, en fait, que des agglomérats ou juxtapositions quasi fort
743 t suffire ici : le nombre des étudiants en France était de 42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit
744 s étudiants en France était de 42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans
745 d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans une dizaine d’années. L’explosion du savoir est plus
746 dans une dizaine d’années. L’explosion du savoir est plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer nous affirme que 85 % d
747 % des scientifiques, depuis l’aube de l’histoire, sont vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait un jour : « Si vous et
748 lié, nous ne saurions qu’un dixième de ce qu’elle est aujourd’hui. » Ces données numériques, que je prends pour images, son
749 es données numériques, que je prends pour images, sont probablement vraies en gros dans le domaine des sciences exactes et n
750 eut-être en psychologie ; rien de comparable ne s’ est produit et ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie
751 ormalement quand les informations ne peuvent plus être échangées entre les branches du savoir, ou entre les rameaux d’une mê
752 rapportés à quelque unité globale de conception, soit originelle soit finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exempl
753 lque unité globale de conception, soit originelle soit finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exemple précis illustr
754 d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un physicien, ne serait plus en mesure de le juger comme l’Église jugea Galilée, parce que to
755 ns du physicien et la dogmatique de l’Église doit être estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que le physicien ne
756 physicien ne saurait pas davantage si sa démarche est conforme ou non à la théologie, et fort probablement ne s’en souciera
757 de catastrophe. Après tout, la tour de Babel ne s’ est pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ont seulement abandonnée, ne s
758 pays, paraît plus florissante que jamais : loin d’ être abandonnée, elle attire une foule croissante de travailleurs et de cu
759 État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle est devenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’on l’agrandisse !
760 grandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais été mortelles pour les administrations : elles représentent au contraire
761 son. Mais il y a le point de vue de l’esprit, qui est différent. Il accepte assez mal que les routines et l’utilité immédia
762 ici l’interprète. L’incommunicabilité des savoirs est ressentie par notre esprit comme une frustration, comme une blessure
763 rcément partielles, susceptibles à tout instant d’ être mises en question par d’autres disciplines, et qui ne peuvent défendr
764 iquement sur elles-mêmes, en acceptant ainsi de n’ être plus tout à fait vraies — mais tant pis, cela ne se sait pas encore…
765 identale ? Quel type d’homme a-t-elle en vue ? Il est devenu presque impossible de répondre à de telles questions, et c’est
766 ns choix bien motivé sur lequel on s’accorde ? Il est vrai que ces questions débordent le seul domaine de l’Université, et
767 ce gênante. Le problème qu’on soulève ici, et qui est celui du principe de cohérence de notre civilisation, me paraît absol
768 ra et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela soit compatible ou non avec l’image du monde communément admise. La plural
769 sation de la philosophie et de la recherche qui s’ est manifestée bien avant la Renaissance, probablement au xiiie et au xi
770 nnes, en Italie puis à Paris. Or rien de tel ne s’ est produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrées et homogène
771 ’Amérique précolombienne. Dans ces cultures, tout est sacré. La distinction « sacré-profane » n’existe pas, en ce sens que
772 esse spirituelle, science, éthique et esthétique, sont réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas de développements pa
773 liers et divergents. L’originalité, pour elles, n’ est pas vertu, mais atteinte à l’ordre sacré — ou simple erreur d’exécuti
774 passions et vos désirs ? — bien peu d’entre nous sont capables de donner une réponse satisfaisante. Le spécialiste se récus
775 relles dans l’Occident christianisé — alors qu’il est clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellem
776 istianisé — alors qu’il est clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellement illusoires n’allait pas p
777 ter leur ignorance méthodique des domaines qui ne sont pas de leur département. Je reprends ici mon exemple du physicien et
778 tion et du Progrès, il faudrait que le théologien soit capable de se référer non seulement aux conciles et aux textes sacrés
779 uels sur le temps, la matière et sa constitution, est étrangement homologue à celle des grandes querelles théologiques de N
780 és me paraissent assez évidentes. La généralité n’ est pas une matière enseignable. Elle ne peut vraiment consister que dans
781 ramifications interdisciplinaires de ce que l’on est en train d’étudier dans le détail22. La vie est trop courte, même pro
782 n est en train d’étudier dans le détail22. La vie est trop courte, même prolongée comme on nous le promet, jusqu’à une moye
783 n consisterait à freiner la spécialisation. Je la tiens également pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spécialisat
784 tion du savoir, loin de représenter un progrès, n’ est littéralement qu’une monstruosité : le développement excessif d’un or
785 i-ci exorbitant : perdre de vue l’ensemble humain est une perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, addition
786 la recherche la plus hautement spécialisée qui s’ est vue conduite par les nécessités internes de son cheminement, à débouc
787 tudiant le principe de l’irréversibilité du temps est amené à écrire « qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos est t
788 « qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos est trop étriquée ; et que la physique de demain risque de se trouver obl
789 s d’entre eux l’on écrit. Une phrase de Spinoza s’ est fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : D’autant plus nous connai
790 rer : elle me paraît rendre compte du fait que ce sont les meilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin d
791 ultats acquis par les spécialités. Toute synthèse est un acte créateur, intervenant au carrefour de plusieurs vérités hétér
792 re culture et de nos universités, devrait d’abord être confiée à des groupes de chercheurs représentant des disciplines dive
793 ptimum des participants de tels groupes me paraît être , à l’expérience de nombreux colloques portant sur des sujets interdis
794 Ce qu’il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce sont des hommes de synthèse, un type nouveau d’hommes de pensée en qui s’i
795 e la fécondité de leurs interférences. Ces hommes seront d’abord des spécialistes, et qui prouveront leur excellence en tant q
796 conscience de ce qu’ils ne peuvent se contenter d’ être seulement des spécialistes. Favoriser ou fomenter ce type humain, lui
797 utre par des facteurs quantitatifs irréversibles, serait de multiplier sans plus tarder le nombre des établissements d’enseign
798 supérieur. D’une part, les universités existantes seraient progressivement libérées de leur engorgement, d’autre part les dimens
799 , me semble-t-il, les rapports d’experts qui vous sont soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européen
800 rit la règle d’or de la culture européenne, qui n’ est rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnel
801 munautaire et de tout bon travail en commun, l’on sera conduit à préférer la multiplication de petites universités à la mult
802 d’un milieu donné, cité, pays ou université. Ce n’ est pas du tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue
803 million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce sont les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, s
804 ys d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, soit dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la S
805 as plus sur ce point : dans les petits pays, tout est petit, y compris les universités. Mais sur le problème de l’explosion
806 rêve, mais rien ne devient jamais réel qui n’ait été d’abord rêvé. La multiplication des universités, maintenues dans les
807  : supranationale. J’en imagine le prototype, qui serait une tour d’Anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un la
808 vités intellectuelles de cette communauté peuvent être définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cour
809 es risques et périls : toute déclaration publique est obligatoirement suivie d’une discussion réglée. Ici l’on n’impose pas
810 à la même spécialité. Et quant au contenu : seuls sont portés au programme les sujets par essence interdisciplinaires. J’ent
811 sciplinaires. J’entends par là : les sujets qu’il serait le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés classiques.
812 Voici quelques-uns de ceux que, pour ma part, je serais heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’étais jugé digne de part
813 rais heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’ étais jugé digne de participer aux activités de la commune : 1. Les options
814 ventions ou découvertes de la science et des arts sont -elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des fins utili
815 s Combinatoria. Mais cet Institut de synthèse, ne serait -il pas idéalement ce dont on parle un peu partout, plus ou moins bien
816 our fin de recréer l’union dans la diversité, qui est la formule de notre grand passé et de notre avenir fédéré, le seul po
16 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Le rôle de la recherche en Europe
817 ans notre monde et plus spécialement eu Europe. N’ étant ni technicien, ni savant, je me verrai contraint de vous dire des cho
818 institut spécialisé comme le Battelle Memorial s’ est donné pour mission d’étudier scientifiquement. Mais il n’est jamais i
819 our mission d’étudier scientifiquement. Mais il n’ est jamais inutile, et il est même parfois indispensable, de prendre de l
820 ntifiquement. Mais il n’est jamais inutile, et il est même parfois indispensable, de prendre de la distance par rapport à l
821 he en général ? et Pourquoi le besoin de chercher est -il vital pour les Européens ? À la première question, portant sur la
822 de répondre : un homme qui cherche, c’est qu’il n’ est pas satisfait de ce qu’il a. Mais cette réponse ne vaut que pour le c
823 , par exemple : s’il en trouve une très bonne, il sera satisfait, et cessera de mettre des annonces dans le journal. La rech
824 ournal. La recherche dont je voudrais vous parler est en réalité tout autre chose. C’est une passion. Et cela revient à dir
825 e passion. Et cela revient à dire qu’elle ne peut être satisfaite par aucun résultat concret et limité. L’esprit de recherch
826 L’esprit de recherche a pour caractère décisif d’ être sans fin ni cesse, d’être indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il
827 our caractère décisif d’être sans fin ni cesse, d’ être indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il trouve, au lieu de l’apai
828 pétit. On voit par là que l’esprit de recherche n’ est pas un instinct animal, mais une passion spirituelle. Je ne saurais m
829 ale et définitive. Elle voulait quelque chose qui fût au-delà de toute réponse partielle, précise, utile ; au-delà de tout
830 le monde et l’inconnu. Et c’est pourquoi sa faim était inextinguible. Seuls les très grands mystiques vont ainsi droit au bu
831 que par l’intelligence mathématique, non par leur être tout entier. Et le reste des hommes s’arrête en chemin, plus ou moins
832 formuler l’objet précis de leur recherche, qui n’ est jamais ceci ou cela seulement, mais un mélange — conscient ou inconsc
833 uer. Ce qu’ils ont en commun, du fait même qu’ils sont hommes et non pas simples animaux, c’est le besoin profond de dépasse
834 ces — cet horizon dernier reste le même, quel que soit le nom qu’on lui donne ou qu’on se refuse à lui donner. Ayant ainsi
835 de la recherche occidentale. La civilisation qui est née en Europe a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore,
836 urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore, à notre époque, celle qu’on imite partout, même quand on la c
837 u’on imite partout, même quand on la combat. Elle est donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare aux autres, pas
838 ’en distingue par deux grands traits généralement tenus pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une certaine incertit
839 ne pense pas que cette inquiétude et ce désordre soient accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
840 sources vives de notre civilisation, et qu’ils en sont inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
841 iétude provient de notre foi, et nos incertitudes sont créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
842 te, pas même un seul » et que pourtant il devrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
843 vrait être saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
844 paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la vérité et
845 a sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
846 est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
847 t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
848 ’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
849 « vérités » qu’établissent les écoles successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
850 es successives sont relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
851 l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’ être de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
852 e, et que pourtant la raison d’être de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse — 
853 e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il est soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
854 ertitudes que l’on croyait acquises, d’autre part est le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
855 tude perpétuelle, dont vous venez de voir qu’elle est déterminée par les deux forces principales qui ont produit notre civi
856 miner. (Alors que nous. Européens, n’avons jamais été découverts par personne, notez-le bien !) C’est une passion inquiète
857 ans cesse le pouvoir de l’homme sur la nature qui est à l’origine des expériences physiologiques, physiques et mécaniques,
858 surtout au xxe siècle, à la technique. Or quel est le but final de notre effort technique, considéré dans son ensemble ?
859 progrès, c’est-à-dire de nouvelles recherches. Ce sont là perspectives d’avenir, me direz-vous, encore bien éloignées de nos
860 nos réalités quotidiennes. J’en conviens. Mais n’ est -il pas bon de s’arrêter quelquefois — et l’inauguration d’aujourd’hui
861 é de vous faire voir que le génie de la recherche est le génie même de l’Europe. J’ajouterai une dernière remarque : le gén
862 dernière remarque : le génie de la recherche pure est la condition nécessaire de la survie de notre Europe. C’est en effet
863 turel et spirituel de notre civilisation. Rien ne serait donc plus faux ni plus dangereux, pour nous, que de maintenir des clo
864 ns jamais que la culture pure, la recherche pure, est l’origine réelle de nos progrès techniques. J’illustrerai cette derni
865 choses, les turbines c’est sérieux, la culture n’ est qu’un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre le c
866 sa puissance de la turbine, mais après tout ce n’ est pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouv
17 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Culture et technique en Europe et dans le monde
867 technique L’économie occidentale d’aujourd’hui est dominée par l’industrie ; or le moteur de notre développement industr
868 par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle est devenue, au cours de ces dernières années, non seulement l’idéal, mai
869 pécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS est peut-être la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu part
870 s contradictions définissent notre drame, et ce n’ est pas seulement le drame de l’Occident, c’est celui de toutes les cultu
871 r ses forces en deux camps : d’une part, ceux qui sont prêts à sacrifier la culture générale aux exigences nouvelles de la t
872 ue, et qu’on nomme les réactionnaires, même s’ils sont simplement conservateurs. Leur erreur commune consiste à ne pas voir
873 a technique moderne, depuis le xviie siècle, ait été la création de l’Europe seule, et par la suite, de ses filiales améri
874 ifie l’effort technique de l’Occident, et quelles sont ses racines profondes dans la psyché européenne ? J’ai tenté de répon
875 ulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me suis vu amené à établir une chaîne continue, sinon de causes et d’effets,
876 mbe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui est en somme très simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde
877 ope se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’ est -ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit
878 jets des recherches de l’esprit. Corps et matière sont bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une
879 éels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effor
880 toute la création, désormais paraissent dignes d’ être contemplés, comme le dira Kepler, bien plus, d’être transformés par l
881 re contemplés, comme le dira Kepler, bien plus, d’ être transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà d
882 des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la lib
883 éracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui est l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie siècle, produit ses effets à part
884 rs approuvé par les ordres monastiques : laborare est orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un coin du monde peu
885 , de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’ est pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant ces invention
886 es hasards, les trouvailles par hasard, rêves qui sont aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Po
887 Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels sont donc les motifs profonds de la technique ? Tout le xixe siècle répon
888 istre français, déclare en 1833 que la locomotive est « une simple amusette scientifique, sans aucun avenir ». Plus tard, l
889 esoins matériels de l’homme des masses. La vérité est simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin de prendre le
890 rt des brevets d’inventions suivis d’exploitation sont enregistrés par les bureaux d’études des grandes firmes industrielles
891 ou des offices de recherches militaires. Mais ce sont , après tout, de petites inventions, répondant à de petites nécessités
892 ers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes sommes — des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, son
893 de dollars — que dépensent nos plus grands États, sont affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne
894 en lesquelles rivalisent l’URSS et les USA, ce ne sont pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels — qu
895 rs astronautes quittèrent la Terre. Mais ici nous sommes tous témoins qu’il n’en est rien. Comme les rois catholiques furent t
896 rre. Mais ici nous sommes tous témoins qu’il n’en est rien. Comme les rois catholiques furent témoins que ce pauvre fou, le
897 s qu’il n’en est rien. Comme les rois catholiques furent témoins que ce pauvre fou, leur protégé, Christophe Colomb, ne partit
898 et leurs intentions malicieuses. L’homme moderne est -il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techn
899 routes, aller jouer… C’est du rêve de voler qu’ est né l’avion, et non pas de la prévision des avantages commerciaux, tou
900 ales de notre économie. L’histoire du vol d’Icare est le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l
901 taines d’auteurs depuis trois à quatre-mille ans, est de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitair
902 les routes, et d’aller librement vite et loin, qu’ est née l’auto. On en trouve le récit détaillé dans l’autobiographie de H
903 , nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne fût pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaire
904 ampagnes : fantasme typique de l’adolescence, qui est l’âge des fugues. Le jeune Ford le réalisa en 1893, quelques années a
905 ur. Celle qui existait au début du xviiie siècle était des plus rudimentaires : il fallait qu’un surveillant introduise de t
906 tomation créatrice de loisir. Nul motif attesté n’ est donc utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un to
907 ’est donc utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont
908 euilles. Je voudrais observer au surplus que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
909 que s’il est bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, c
910 voque la liberté de l’individu, cette invention n’ était certainement pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée po
911 et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux être libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
912 to, rien de pareil : tout ce que je puis lire, ce sont des chiffres, des ordres de police routière. Si je mange, ce n’est gu
913 des ordres de police routière. Si je mange, ce n’ est guère qu’un sandwich. Si je rêvasse, un klaxon me réveille brutalemen
914 les possibilités illimitées de l’imagination : ce sont eux qui créent la culture, les arts, les sciences et la littérature.
915 r de rêve, son imagerie et ses orientations — qui sont celles de nos découvertes. Je voudrais résumer, ramasser en deux phra
916 int de mon exposé : — notre technique occidentale est née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; —
917 rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’ est donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au
918 ntraire, elle exprime des vœux profonds dont nous sommes responsables. Il en résulte que la culture et la technique ne saurai
919 sulte que la culture et la technique ne sauraient être opposées dans leurs sources, au niveau de leur création, puisqu’elles
920 nchaîne l’individu ou si elle le libère ; si nous sommes les esclaves de nos machines ou si elles nous servent ; et surtout si
921 l’Élysée, la bombe nous anéantira. Ces questions sont très populaires, non seulement dans la presse et chez les publicistes
922 qui pousse à battre la table contre laquelle on s’ est heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
923 e contre laquelle on s’est heurté. La technique n’ est pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
924 se tourner subitement contre lui. La technique n’ est pas matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
925 nique n’est pas matérialiste, seul l’homme peut l’ être , quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se la
926 propres mécanismes psychologiques. La technique n’ est pas davantage utilitariste, et l’on a vu que, dans sa genèse, elle n’
927 tariste, et l’on a vu que, dans sa genèse, elle n’ est pas même utilitaire ! L’homme esclave des machines ? Dans la pr
928 listes et par l’opinion moyenne de nos élites, se sont mis à se lamenter sur le matérialisme occidental, sur le déclin des v
929 , elle ne fera rien du tout, c’est un objet. Il n’ est pas d’invention, si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au
930 un objet. Il n’est pas d’invention, si utilitaire soit -elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de
931 invention, si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de c
932 xemple, moins tragique : l’esclavage du téléphone est un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
933 que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’ êtes donc pas esclaves du téléphone, mais de votre seule curiosité. Qu’il
934 la bombe effrayante, ou du téléphone agaçant, ce sont nos passions, nos manies, c’est l’homme lui-même qui reste responsabl
935 ’a produite. Dire que la machine domine l’homme n’ est donc qu’une manière de parler, non seulement excessive mais erronée.
936 essive mais erronée. Ce qui par contre n’a jamais été une illusion, ni une manière de parler, mais une douloureuse tragédie
937 ur une partie de nos populations occidentales, ce fut le sort des travailleurs industriels, de cet immense prolétariat créé
938 aylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’ étaient pas non plus les machines ou les chaînes de production qui forçaient
939 dentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne sont pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique des part
940 létariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’ est pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que
941 ès, mais au contraire en les accélérant, que nous sommes parvenus au seuil d’une ère nouvelle, cette ère qui doit et peut, pro
942 rythme, devient au contraire libérateur dès qu’il est poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais seu
943 poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’ être servi, mais seulement surveillé par l’homme. L’exemple de l’automatio
944 urveillé par l’homme. L’exemple de l’automation n’ est qu’un symbole : il illustre à peu près idéalement les effets bénéfiqu
945 au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle, est d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis, et sera fatalement
946 viron deux-mille heures par an aux États-Unis, et sera fatalement augmentée à mesure que se développera l’automation. Imagin
947 se créer : voilà le vrai travail humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la cultu
948 l humain. Mais il est clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que
949 suite les conditions du producteur de la culture seront sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gag
950 er sur le temps de travail mécanique et routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où
951 routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’ être . Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativemen
952 lle, qu’un conflit armé entre deux de nos nations est devenu impraticable. Le charbon et l’acier, l’énergie électrique, les
953 es bâtons, des couteaux ? Les bombes atomiques ne seraient guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop pr
954 utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerai
955 l’on constate d’autre part que la menace atomique tient en mutuel respect les deux empires occidentaux de l’Est et de l’Ouest
956 mutuel respect les deux empires occidentaux de l’ Est et de l’Ouest, quels ont été les effets de l’expansion technique dans
957 res occidentaux de l’Est et de l’Ouest, quels ont été les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici, le
958 ur paraissait inévitable, dans l’ignorance où ils étaient de la simple possibilité d’une vie meilleure ou différente. Ils voien
959 ressources dans le même temps : or ces dernières étaient déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace, plus grave
960 de guerres planétaires ; non pas demain, car ils sont encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ay
961 eut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui serait bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au t
962 r de notre superflu pour apaiser la faim du monde sont hélas en pleine utopie. Ils entretiennent notre mauvaise conscience s
963 rrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci seront obligés de manger debout — selon les prévisions de nos démographes. O
964 lturel peut seule permettre de la surmonter25. Je suis donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe,
965 la thèse suivante : la technique, en principe, n’ est pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux
966 x armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’ est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire nos passions, qu
967 mais ce n’est pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire nos passions, qui utilisent la technique comme instrumen
968 en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale sont issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est p
969 idement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’ est pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les bre
970 rgie nucléaire, dont les principes et les brevets étaient déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais restaient ignorés pa
971 sources vives de l’invention technique, laquelle tient à l’ensemble de notre culture et à ses rêves directeurs. La branche s
972 t à ses rêves directeurs. La branche sur laquelle est assise notre puissance technicienne se nomme la culture générale. Les
973 lus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas été des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et d
974 passait pour un peu loufoque, Charles Cros. Tels sont les Successeurs modernes d’un Archimède et d’un Léonard de Vinci, qu’
975 do, que c’est alors que nous courrons le risque d’ être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les s
976 que d’être spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieu
977 s, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’ être éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. J’en viens d
978 dépendantes et au surplus rivales. Leurs sources sont communes, elles jaillissent du même fonds et s’alimentent aux mêmes n
979 évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire sont au contraire en relation de promotion réciproque. Si la culture occid
980 x États-Unis d’abord, puis en Europe. Ce succès a été rendu possible par les perfectionnements techniques de l’édition et p
981 s ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne soit à courte vue. Elle repose sur l’idée que la formation technique favor
982 es vrais buts spirituels de l’homme, la technique sera donnée par-dessus. 3. Ne perdons jamais de vue le contexte culturel d
983 ent et transportées dans les pays sous-développés sont les équivalents modernes du cheval de Troie. Elles transportent un « 
984 mploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il est donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’assistance techniq
985 rnir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident est donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois les conditions
986 ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’ est que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies
987 nous trichons, et nous nous persuadons qu’elle n’ est , après tout, qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires dest
988 une inexplicable malice des choses, dont nous ne serions pas du tout responsables, elle menace au contraire d’anéantir toute e
989 toute espèce de vie sur la Terre. La technique n’ est qu’un instrument soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyran
990 sur la Terre. La technique n’est qu’un instrument soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit d
991 chnique n’est qu’un instrument soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de not
992 un instrument soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais s
993 soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses progrès mêmes, p
994 conscience de nos options réelles. Telle qu’elle est devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à co
995 nationale », l’hygiène ou le simple confort, il n’ est peut-être pas d’activité humaine qui paraisse moins métaphysique en s
996 métaphysique en soi. Mais en même temps, il n’en est pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatiqu
997 ger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui sont devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille ou non, c’est la techniqu
998 de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne serait -ce pas là, peut-être, son plus grand miracle ? 25. La conférence d
999 26. Les armes atomiques, biologiques, chimiques, sont désignées par le sigle ABC. C’est l’ABC de la mort de l’humanité.
18 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Pour une politique de la recherche
1000 fera pas l’Europe sans l’aide de sa culture : ce serait vouloir la faire sans ce qui la définit. Si elle a dominé le globe du
1001 l faut bien appeler le miracle européen, et qui n’ est pas lisible sur les cartes, mais seulement dans l’histoire de l’espri
1002 et du même coup, nous aurons dit que la culture n’ est pas un luxe pour nos peuples, mais une nécessité vitale. Tout cela n’
1003 s peuples, mais une nécessité vitale. Tout cela n’ est pas nouveau, mais on l’oublie souvent, notamment quand on pense en ma
1004 On entend bien que la culture dont je parle ici n’ est pas seulement celle des loisirs, celle que les gens consomment, mais
1005 ens consomment, mais bien celle qui produit. Ce n’ est pas seulement l’activité assimilatrice de ceux qui regardent des tabl
1006 nent, écrivent, conçoivent et inventent. Car s’il est vrai que l’Europe a découvert la Terre, puis toute l’histoire de l’Ho
1007 t qu’elle en a collectionné les témoignages, il n’ est pas moins certain qu’elle a produit elle-même la seule culture ou civ
1008 ndiale. Le symbole de l’Europe et de sa culture n’ est donc pas seulement le Musée : c’est d’abord le Laboratoire. Et si l’o
1009 t de cette culture que toute la Terre imite, ce n’ est pas du Musée d’abord, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. (
1010 d, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. ( Étant bien entendu que ce Laboratoire a derrière lui toute l’histoire des i
1011 termes tout pratiques : l’avenir de notre Europe étant lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités de recherche créatr
1012 sté dans cette aide indirecte à la culture, qui n’ était pas sans exercer quelque influence sur son cours. Cependant, un phéno
1013 e nos jours : c’est celui de la subvention, qui n’ est plus l’aide aux créateurs individuels, mais aux instituts de recherch
1014 écénat. Notez bien que le problème que j’évoque n’ est pas posé par la disparition des princes capables de dépense. Car il e
1015 ’à la Renaissance ou au Grand Siècle. Le problème est posé par le fait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne sont p
1016 ait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne sont plus en mesure — sauf de rares exceptions — de savoir par eux-mêmes o
1017 et l’instinct de la qualité. Mais aujourd’hui, ce sont les éditeurs, les marchands de tableaux et les impresarios qui ont re
1018 tourner vers des domaines très différents, où il est moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins,
1019 est moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins, quelles recherches sont nécessaires, et qui pourra
1020 oir où sont les vrais besoins, quelles recherches sont nécessaires, et qui pourra les diriger ? Il faudrait disposer d’un ét
1021 idemment les capacités d’un particulier, si riche soit -il, ou d’un ministère national. Elle suppose l’existence d’Instituts
1022 lle planétaire. La question qui se pose d’urgence est celle de l’aide puissante et cohérente qu’il faut donner à cette cult
1023 u’il faut donner à cette culture dont la vitalité sera décisive. Aide puissante, tout d’abord. Les rares institutions qui on
1024 ion de servir à la fois la culture et l’Europe en sont encore réduites à des budgets de misère. Signe hélas trop certain que
1025 ses « européennes » dans le domaine de la culture est encore plus choquante, si possible, que nos divisions nationales, et
1026 , si possible, que nos divisions nationales, et n’ est pas moins débilitante. Non seulement elle multiplie les doubles emplo
1027 ces problèmes depuis une bonne dizaine d’années, tient en trois points : 1. Création d’un Conseil européen de la Recherche e
1028 des fonds jugés par lui nécessaires, — fonds qui seraient fournis par le secteur privé (firmes et fondations) et par les organi
1029 pour trouver ce qu’il faut. Les besoins devraient être formulés dans toute la liberté de l’imagination la mieux nourrie de c
1030 du Musée européen. Un second avantage du Conseil serait d’éliminer l’amateurisme qui menace parfois de caractériser les sugge
1031 ne volonté n’y suffit plus. La fonction du mécène est devenue collective ; elle relève de la science et non plus de hobbies
1032 elève de la science et non plus de hobbies ; elle est devenue part intégrante de la stratégie à long terme de notre monde o
19 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Il n’y a pas de « musique moderne »
1033 n’existe pas. La « musique moderne », en effet, n’ est guère plus qu’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui on
1034 d’entendre et d’essayer de comprendre tout ce qui fut composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que
1035 é dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que l’on n’aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle qu
1036 e siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il ne fut qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et
1037 tant de refus de prendre la suite de quoi que ce soit , de ressembler à qui que ce soit, finissent tout de même par laisser
1038 e de quoi que ce soit, de ressembler à qui que ce soit , finissent tout de même par laisser transparaître quelque profonde pa
1039 e, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce n’ est pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est très
1040 énération qui le verra. Car le style d’une époque est très rarement sensible aux gens qui vivent cette époque, et ceci pour
1041 les mêmes raisons qui veulent qu’un psychanalyste soit incapable de s’analyser lui-même. Le style surgit de l’inconscient. I
1042 tapisserie dont le dessin reste inconnu — s’il en est un. Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvre
1043 ines. Il faut pousser plus loin le paradoxe. S’il est tout de même un caractère commun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’es
1044 mmun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’est qu’ils sont justement moins « modernes » et moins naïvement de leur temps, que ne
1045 nes » et moins naïvement de leur temps, que ne le furent un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrive
1046  : « Après x ou y on ne sait plus que faire. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée
1047 re. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée par l’esprit historique. Ne plus savoi
1048 s la pression de ce qu’ils avaient à dire, et qui était un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par le stade d
1049 ns l’Histoire. Il semble que leur principal souci soit de s’intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; da
1050 prouver que l’auto produite par une petite usine est invendable, pour des raisons précises de prix de revient, et ne corre
1051 ités de l’époque » et de nos grands marchés, il n’ est nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique « es
1052 que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique «  est inutile… et se place en deçà des nécessités de son époque »28. Les « 
1053 s nouvelles de la musique », que l’on invoque, ne sont telles que pour l’oreille et l’intelligence d’un très petit groupe d’
1054 ts, formé par sa discothèque, a cessé lui aussi d’ être « moderne, », pour s’habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin
1055 ut enfin l’avouer : toutes les autres époques ont été « modernes », sauf la nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiqu
1056 avant cette chose vague et pourtant puissante qu’ est l’accord spontané du novateur et du plaisir des auditeurs. Cette chos
1057 le goût. Comment remédier à cette situation, qui est aussi celle de la peinture et de la poésie au xxe siècle ? Il me sem
1058 poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui tiennent la clé de ce problème vital pour la culture sont bien moins les compo
1059 nnent la clé de ce problème vital pour la culture sont bien moins les compositeurs que ceux qui font les programmes des conc
1060 et le public se créent l’un l’autre, le résultat est une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une, mais peut-être
1061 ne sais pas si nous en vivons une, mais peut-être sommes -nous sur le seuil. Au mois de mai 1952, L’Œuvre du xxe siècle a donn
1062 osée avant l’an 1900 : tous les soirs, les salles étaient pleines. Il y a là, semble-t-il, un bel encouragement pour ceux des f
1063 au », c’est-à-dire de rejoindre le siècle. Mais n’ est -il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours une
1064 is n’est-il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque fi
20 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — L’Europe, l’été…
1065 L’Europe, l’ été …29 L’Europe, l’été, devient un parc immense aux bosquets enchantés
1066 L’Europe, l’été…29 L’Europe, l’ été , devient un parc immense aux bosquets enchantés de musique. Du gracil
1067 deaux et d’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en été vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les p
1068 e à travers tout le romantisme occidental. Là, ce sont quelques heures d’autoroute à travers forêts et vallées qui relient l
1069 ommune appartenance au grand ensemble culturel qu’ est en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le signe d
1070 ntale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se sont multipliées et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dan
1071 demi, les nations se sont multipliées et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouverte
1072 tre européen de la culture, à Genève, dont le but était précisément d’offrir un lieu de rencontres et des moyens de coopérati
1073 l’Europe à la recherche de l’union. Notre entente fut immédiate, et les plans vite tracés. Tous nos grands festivals de mus
1074 vite tracés. Tous nos grands festivals de musique furent invités à déléguer leurs directeurs pour une première prise de contac
1075 l’Association européenne des festivals de musique était fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sen
1076 ait fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement histor
1077 e. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais en
1078 nèse, mais encore essentiellement dans sa nature, étant née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui
1079 de la musique ; et, d’autre part, que la musique est l’expression la plus profonde et spécifique du génie propre de l’Euro
1080 tre unité fondamentale. Unité dans la diversité —  est -il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logi
1081 r ensemble ces deux termes que la logique oppose, est un mouvement, un geste de l’esprit, caractéristique de l’Europe. Voil
1082 , et non pas tout mêler indiscernablement ni s’en tenir à l’unisson. En un mot fédérer, mot-clé de notre Centre. Je prie les
1083 x rivalités stériles, favoriser les échanges, qui sont la santé de la culture comme de l’économie, et de la sorte, élever le
1084 on du rez-de-chaussée, une trentaine de personnes sont assises autour d’une table en fer à cheval, et souvent leurs regards
1085 oms s’échangent, et des projets s’esquissent : ce sont tous les grands noms de la musique, compositeurs, exécutants et chefs
1086 ampions de la dernière école postsérielle ; et ce sont des projets de concerts, de ballets, d’opéras de tous les siècles qui
1087 a joie de centaines de milliers d’auditeurs. Nous sommes ici au centre d’un prestigieux complot contre l’ennui et la laideur q
1088 e je voudrais indiquer brièvement. 1. Le festival est à l’origine (xixe et premier tiers du xxe siècle), une forme de vie
1089 stivalienne me paraît typiquement occidentale, ne fût -ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambi
1090 oblème d’une définition du festival authentique s’ est donc posé d’entrée de jeu aux membres de l’association. À l’occasion
1091 n proposait la définition suivante : Un festival est d’abord une fête, un ensemble de manifestations artistiques s’élevant
1092 et de soutenir. Ce caractère d’exception doit lui être conféré non seulement par la haute qualité des œuvres produites (tant
1093 de ces œuvres avec l’ambiance des lieux où elles sont jouées, créant ainsi une atmosphère particulière à laquelle contribue
1094 s, compositeurs et musicologues, cette définition fut très généralement approuvée, bien que certains, non sans raison, tins
1095 nt approuvée, bien que certains, non sans raison, tinssent à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que ré
1096 ns, non sans raison, tinssent à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Ma
1097 tive, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’ est -ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus
1098 ival viable. (Le cas des « semaines musicales » d’ été organisées par une grande ville comme Berlin, Vienne ou Zurich, capab
1099 dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver, est tout à fait différent, mais beaucoup plus rare.) La multiplication de
1100 dernières décennies. Chaque année, les festivals tiennent plus de place non seulement à la radio-télévision et dans la critique
1101 pularisation de la culture. L’essor des festivals est un indice commode permettant de mesurer l’ampleur de cette évolution
1102 xe siècle et aux débuts de ce siècle, la musique était confinée dans les salles de concert, séparée de sa vie, j’entends des
1103 out le contexte social en vue desquels elle avait été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de nos jours à
1104 t été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’ est remis de nos jours à jouer Hamlet sur les remparts d’un château médié
1105 u d’origine et d’usage, à la communauté dont elle fut l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’e
1106 reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle est jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde d
1107 ogie. Pas un seul festival de notre Association n’ est « national », soulignons-le : régionaux ou municipaux, chacun d’eux c
1108 iculier, mais bien par une certaine manière qui n’ est qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’au
1109 t œuvre commune de la culture européenne. « L’art est l’état d’esprit d’un jour de fête », disait Flaubert. Et la définitio
1110 finition citée plus haut rappelait qu’un festival est d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, symbolique et mém
1111 nnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade dite fol
1112 et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade dite folklorique que déjà
1113 emander l’expression publique et sensible de leur être communautaire — de leur âme. 29. Introduction à un volume illustré
21 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Le Dialogue des cultures
1114 rands axes de l’Europe, et dont la culture propre est un dialogue entretenu depuis des siècles entre trois langues, deux co
1115 étroitement fédérés. Votre situation de Libanais est peut-être encore plus complexe : car votre État, beaucoup plus jeune,
1116 complexe : car votre État, beaucoup plus jeune, s’ est édifié sur trois à quatre millénaires de sédimentations raciales et r
1117 e siècle, et sur le plan culturel tout au moins, sont à bien des égards comparables. Il m’a donc paru naturel, en recevant
1118 semble qu’un sujet de conférence devrait toujours être déterminé au point d’intersection de l’attente des auditeurs et des s
1119 soucis majeurs de celui qui leur parle. Or quels sont mes soucis majeurs ? Si je survole d’un coup d’œil l’ensemble de mes
1120 principes de cohérence, je vois que j’ai toujours été personnaliste en philosophie, fédéraliste en politique, œcuménique su
1121 es mêmes de ma philosophie. ⁂ Ceci posé (car il n’ est pas mauvais de situer les sujets trop vastes dans un cadre de référen
1122 apable de définir l’un sans invoquer l’autre. Ils sont en relations d’interaction probablement congénitale. L’essence de tou
1123 bablement congénitale. L’essence de toute culture est le dialogue. En revanche, le dialogue n’est possible qu’à partir d’él
1124 lture est le dialogue. En revanche, le dialogue n’ est possible qu’à partir d’éléments communs de langage, au sens large, ou
1125 gage, au sens large, ou d’attitudes d’esprit, qui sont les éléments constitutifs et constituants de toute culture. Dialogue
1126 e dans l’autre hémisphère de l’esprit humain, qui est l’Asie, les dialogues du Bouddha et les koans du zen exemplifiaient u
1127 erture et de curiosité, d’accueil à tout ce qui n’ est pas elle et qui vient la mettre au défi à la fois de fournir ses preu
1128 oir réduit ses prétentions : c’est ainsi qu’il en fut de la culture des nazis. Cet exemple devrait nous suffire. Le Dialog
1129 alogue des cultures a toujours existé : preuve en est l’existence de nos cultures actuelles, dont pas une seule ne peut pré
1130 s, dont pas une seule ne peut prétendre qu’elle s’ est formée toute seule, en autarcie. Étienne Gilson me disait un jour qu’
1131 étienne, une conception toute nouvelle de l’amour est née dans le Midi de la France : l’amour courtois. Or, elle est née de
1132 le Midi de la France : l’amour courtois. Or, elle est née de la rencontre imprévue et parfaitement imprévisible de trois fa
1133 jeunesse de l’Amérique du Nord puis de l’Europe, est né de l’interférence non moins invraisemblable, quoique vraie, de tro
1134 s d’interférences culturelles pourraient aisément être multipliés. Mais ce ne sont pas de bons exemples de dialogue. Ils ont
1135 s pourraient aisément être multipliés. Mais ce ne sont pas de bons exemples de dialogue. Ils ont produit des créations qui f
1136 es de dialogue. Ils ont produit des créations qui furent parfois très importantes, mais livrées aux hasards de l’histoire, qui
1137 es, mais livrées aux hasards de l’histoire, qui n’ est pas un des noms de la sagesse. Le Dialogue des cultures a toujours ex
1138 erférences nées du hasard. Car le monde de demain sera d’un seul tenant en ceci que les erreurs d’une de ses parties ne sero
1139 t en ceci que les erreurs d’une de ses parties ne seront plus corrigées ou neutralisées à la longue par les erreurs des autres
1140 urope a découvert la Terre entière, et personne n’ est jamais venu la découvrir, depuis ces jours lointains et d’ailleurs lé
1141 on a le droit de le dire, littéralement, l’Europe est fille du Liban ! Or la mise en contact historique des diverses partie
1142 ies du monde par l’action des Européens se trouve être d’une part irréversible — les peuples de ces continents ne pourront j
1143 e demeurent très inégaux, et les cultures réelles sont loin de se rapprocher. Bien au contraire ! Et voici ma seconde consta
1144 ur qu’une conversation utile s’établisse, il faut être au moins deux, et ne pas dire les mêmes choses — mais cette réaction
1145 car sans dialogue, ils nous conduisent tout droit soit à l’aplatissement universel de la culture, soit à des conflits crimin
1146 t soit à l’aplatissement universel de la culture, soit à des conflits criminels et absurdes. Les contacts sont désormais iné
1147 des conflits criminels et absurdes. Les contacts sont désormais inévitables. S’ils restent extérieurs et purement subis par
1148 ortée sans prudence en Afrique ou en Asie — elles sont de nature à provoquer des heurts violents, ou pire : une dégradation
1149 , c’est le sens de la vie dans ces peuples, et ce sont les valeurs traditionnelles qu’ils traitent en fait comme périmées, a
1150 moment même où une culture mondiale en gestation serait enfin en mesure de les redécouvrir et de les revaloriser. De là dans
1151 traditions que la technique menace, bien qu’elle soit née de nous — un certain état de névrose, une sorte de schizophrénie,
1152 un jeune intellectuel indonésien, poète comme ils sont tous là-bas, au surplus fonctionnaire international, est venu me voir
1153 s là-bas, au surplus fonctionnaire international, est venu me voir à Genève, et il m’a dit ceci, qui m’a frappé : « Vous au
1154 t, je dois vous le dire : chacune de vos machines est un cheval de Troie, qui transporte chez nous tout un champ de forces,
1155 tres cultures pour une raison fondamentale : elle est elle-même une culture de dialogue, née de la synthèse difficile et ja
1156 rt l’Europe comme entité distincte. 3. L’Europe a été le foyer de la civilisation technicienne. La technique n’y est pas né
1157 de la civilisation technicienne. La technique n’y est pas née par hasard. Elle s’y est développée dans un certain contexte
1158 La technique n’y est pas née par hasard. Elle s’y est développée dans un certain contexte religieux, philosophique, biophys
1159 biophysique, etc. Aujourd’hui, cette civilisation est diffusée dans le monde entier, mais sans son contexte culturel. L’Eur
1160 xpliquer d’abord à elle-même — que la technique n’ est pas l’essentiel de sa culture, n’en est qu’une résultante, et qu’elle
1161 chnique n’est pas l’essentiel de sa culture, n’en est qu’une résultante, et qu’elle peut être nocive une fois séparée de se
1162 ture, n’en est qu’une résultante, et qu’elle peut être nocive une fois séparée de ses sources et de certaines de ses résista
1163 ie de ses peuples. N’oublions pas que le marxisme est né d’un moment particulier de ce drame européen. Le marxisme n’est pa
1164 t particulier de ce drame européen. Le marxisme n’ est pas une invention russe, une valeur nouvelle que le communisme apport
1165 le que le communisme apporterait au monde, et qui serait capable de remplacer, parce que plus riche et plus compréhensive, les
1166 Europe, qu’on prétend dépassées. Non, le marxisme fut en réalité la création d’un Européen typique, engagé au départ de son
1167  je veux parler de l’auteur du Capital. Karl Marx était un juif rhénan, dont le père s’était fait protestant, et qui écrivait
1168 l. Karl Marx était un juif rhénan, dont le père s’ était fait protestant, et qui écrivait en Angleterre des articles publiés à
1169 la Russie tsariste et sa politique éternelle, ont été supprimés — quel aveu ! — dans l’édition des œuvres complètes de Marx
1170 udie depuis longtemps les autres cultures, mais n’ est guère étudiée par celles-ci en tant qu’ensemble ou unité. (Il existe
1171 es d’européisme en Inde ou en Chine, encore qu’il soit juste d’observer que les Chinois qui ont appris le français, l’anglai
1172 ont appris le français, l’anglais ou l’allemand, sont au moins cent-mille fois plus nombreux que les Européens sachant le c
1173 entreprendre et de développer ce dialogue qui lui est nécessaire, l’Europe se heurte à deux difficultés majeures : La premi
1174 heurte à deux difficultés majeures : La première est la difficulté de présenter la culture européenne (en tant qu’ensemble
1175 urope envoie en nombre croissant dans le monde ne sont pas préparées pour représenter l’Europe dans son ensemble : ils n’ont
1176 es difficultés. Les difficultés ont des chances d’ être assez semblables (quoique à des degrés variables) pour chaque région.
1177 iables) pour chaque région. Quant aux motifs, ils sont sans doute très différents. La culture de l’Inde, par exemple, est pl
1178 ès différents. La culture de l’Inde, par exemple, est plus homogène, mieux harmonisée que celle de l’Europe, donc moins « d
1179 par sa nature même. Mais son problème majeur, qui est celui de l’intégration de la civilisation technicienne à son grand hé
1180 l’Afrique noire doit le découvrir. (« Nous allons être obligés de trouver son Histoire ! », disait récemment un jeune Sénéga
1181 ogue, tel que je l’espère et que je l’appelle, ce serait d’inciter chaque région culturelle à formuler, en perspective mondial
1182 xes psychologiques et ses rancunes, si justifiées soient -elles, mais ses besoins réels, ses motifs propres de poursuivre le di
1183 réalités beaucoup plus durables et profondes, qui sont nos cultures au sens large du terme, c’est-à-dire nos manières propre
1184 r. Or ces réalités qu’on peut appeler culturelles sont les sources profondes des grands malentendus qui opposent nos régions
1185 La méconnaissance de ces réalités « culturelles » est ce qui empêche le plus souvent nos négociateurs, nos hommes d’État, e
1186 s besoins que nous venons de signaler peuvent-ils être satisfaits à l’aide des moyens existants ? J’ai fait depuis quelques
1187 nnées une recension complète de ces moyens, et je serais tenté d’en conclure à une surproduction plutôt qu’à une disette dans
1188 de documentation, bibliographies et bibliothèques sont si riches que le problème est moins de les multiplier que d’arriver à
1189 s et bibliothèques sont si riches que le problème est moins de les multiplier que d’arriver à les utiliser. Enfin, les occ
1190 ncontres — congrès, colloques, séminaires, etc. —  sont si nombreuses qu’il devient difficile de trouver assez d’hommes qui a
1191 ps d’y participer. En admettant que ces activités soient suffisantes dans leur domaine, et soient menées d’une manière satisfa
1192 ctivités soient suffisantes dans leur domaine, et soient menées d’une manière satisfaisante — ce qui est généralement le cas —
1193 oient menées d’une manière satisfaisante — ce qui est généralement le cas — nous constatons cependant que peu d’entre elles
1194 sente pas. Tous les dialogues savants que peuvent tenir entre eux linguistes, folkloristes, archéologues, numismates, juriste
1195 sans qu’aucun des problèmes de fond et d’ensemble soit touché. Le Dialogue des cultures doit s’établir entre des ensembles,
1196 de mission d’une région, les travaux des savants sont de peu de secours : le temps manque pour les étudier, et ils sont bie
1197 ecours : le temps manque pour les étudier, et ils sont bien rarement assez actuels ou synthétiques. Pour préparer des aides
1198 périences plus ou moins systématiques, mais qu’en est -il des relations entre l’Afrique et l’Inde, ou entre le monde arabe e
1199 grands ensembles culturels existants. Mais quels sont -ils, ces grands ensembles ? Est et Ouest, Occident et Orient, sont de
1200 ants. Mais quels sont-ils, ces grands ensembles ? Est et Ouest, Occident et Orient, sont des catégories trop vastes. Elles
1201 nds ensembles ? Est et Ouest, Occident et Orient, sont des catégories trop vastes. Elles ne correspondent pas à des réalités
1202 tiennes, l’origine culturelle européenne. Mais il est clair que dans leur dialogue avec l’Afrique noire, ou avec l’Inde, ou
1203 s très différentes, parfois opposées. La Russie s’ est séparée politiquement de l’Occident, mais elle en exagère certains tr
1204 rialisme sans mauvaise conscience… Les États-Unis sont à la fois plus matérialistes et plus idéalistes-moralistes que l’Euro
1205 Quant au terme Orient, que recouvre-t-il ? L’Asie est un concept européen, ne l’oublions pas : ce sont les Grecs qui lui on
1206 e est un concept européen, ne l’oublions pas : ce sont les Grecs qui lui ont donné son nom, en même temps qu’ils donnaient a
1207 inégalement profondes le Centre, le Sud-Est et l’ Est du continent. Il est difficile de trouver un dénominateur commun aux
1208 s le Centre, le Sud-Est et l’Est du continent. Il est difficile de trouver un dénominateur commun aux problèmes de l’Inde e
1209 bord, elle survole le monde arabe, car celui-ci n’ est pas plus oriental qu’occidental par ses traditions et ses échanges, e
1210 elligibles », pour citer un fois de plus Toynbee, sont à la fois moins vastes et moins vagues que le binôme Orient-Occident 
1211 sembles, c’est entendu, mais ceux-ci ne sauraient être conçus comme des entités abstraites ou comme des drapeaux. Ce n’est p
1212 es entités abstraites ou comme des drapeaux. Ce n’ est pas le concept de la culture arabe qui peut entrer en dialogue avec l
1213 s, seules capables de parler entre elles, devront être représentatives soit d’une école de pensée dominante dans leur cultur
1214 parler entre elles, devront être représentatives soit d’une école de pensée dominante dans leur culture, ou typique du meil
1215 ulture, ou typique du meilleur de cette culture ; soit simplement d’elles-mêmes, dans la mesure où elles auraient contribué
1216 qu’il s’agit de trouver pour engager le dialogue seront plutôt des amateurs éclairés que des spécialistes de tel ou tel aspec
1217 qui ouvre les portes ; tandis que le spécialiste est plutôt celui qui cherche à empêcher les non-spécialistes d’entrer dan
1218 ou décidant au mieux d’obtenir le match nul, qui est une définition de l’harmonie des contraires, si l’on veut, mais certa
1219 es de cette culture — et laquelle, aujourd’hui, n’ est pas un peu malade ? — donc ouverts aux valeurs différentes, complémen
1220 ù ces grands thèmes apparaîtront clairement comme étant d’intérêt commun à l’échelle du genre humain. Je citerai : la prise d
1221 que va poser la surpopulation de la Terre — nous serons six milliards dans quarante ans, un homme par mètre carré vers l’an 2
1222 un homme par mètre carré vers l’an 2400 ! — et il est clair qu’aucun de nos pays, qu’aucune de nos régions ne peut résoudre
1223 cis ou à leurs talents. Et pourtant, même si l’on est persuadé, comme je le suis, que le vrai dialogue s’institue au niveau
1224 pourtant, même si l’on est persuadé, comme je le suis , que le vrai dialogue s’institue au niveau des expériences spirituell
1225 — et que les rencontres souhaitables demandent à être organisées. Je suis arrivé à la conviction que la création de Centres
1226 tres souhaitables demandent à être organisées. Je suis arrivé à la conviction que la création de Centres régionaux —analogue
1227 de capitales, auprès de services officiels qui ne sont pas toujours en contact avec la culture vivante, et sont mal équipés
1228 s toujours en contact avec la culture vivante, et sont mal équipés pour répondre à des demandes personnelles ou à des questi
1229 ns d’ordre pratique, pour indispensables qu’elles soient , ne se feront bien que dans la mesure où elles serviront dès le dépar
1230 jamais perdus de vue. Le Dialogue des cultures n’ est plus une utopie, et n’est plus une question de bonnes volontés ferven
1231 Dialogue des cultures n’est plus une utopie, et n’ est plus une question de bonnes volontés ferventes, mais une réalité inév
1232 atomiques. Le Dialogue des cultures doit servir, soyons francs, les intérêts concrets de chacune de nos régions : il est vita
1233 intérêts concrets de chacune de nos régions : il est vital avant d’être philanthropique. Pourtant son but ultime m’apparaî
1234 de chacune de nos régions : il est vital avant d’ être philanthropique. Pourtant son but ultime m’apparaît moins de promouvo
1235 distincts, sachant ce qu’ils veulent et ce qu’ils sont . Mais pas une seule de nos cultures, ainsi personnifiée, n’est une fi
1236 une seule de nos cultures, ainsi personnifiée, n’ est une fin en soi. Une culture, c’est seulement l’ensemble des moyens of
1237 s’approcher de la Vérité. Je crois que la Vérité est une, mais que son appropriation existentielle — seule valable en dern
1238 ogrès ambigu mais désormais irréversible. Nous ne serons jamais sauvés en masse, par races ou par nations, par cultures ou par
1239 nations, par cultures ou par groupes (quelle que soit l’excellence de leur dialogue), mais seulement un à un, chacun pour s
1240 et Dieu pour tous », penserez-vous ? Ce proverbe est l’expression cynique de l’égoïsme pour ceux qui croient qu’ils ne cro
1241 airement personnelle du vrai ; « Dieu pour tous » est le principe originel de l’unité dernière du genre humain, dans l’infi
22 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — L’Europe des régions
1242 régions31 Les États-nations en crise Je suis parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés,
1243 nir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clai
1244 lles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les na
1245 prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais p
1246 r — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais prêtes à s’unir ! Europa : Il fut un temps où la fédération d
1247 s ne seront jamais prêtes à s’unir ! Europa : Il fut un temps où la fédération de l’Europe semblait à portée de la main. L
1248 vant conduire à l’union politique de l’Europe n’a été prise de la fin de la guerre à nos jours. Le projet de constitution p
1249 la plus évidente. De même que l’incapacité où se sont trouvés les gouvernements européens d’intervenir pour créer des condi
1250 int seulement… On comprend aujourd’hui combien il est insuffisant. — L’État national, qui n’est d’ailleurs que la concrétis
1251 bien il est insuffisant. — L’État national, qui n’ est d’ailleurs que la concrétisation d’un concept relativement récent et
1252 u début du xxe siècle, et beaucoup d’entre elles sont des créations artificielles — ne semble plus à la mesure des tâches
1253 ar quoi caractériseriez-vous cette « difficulté d’ être  » de l’État ? R. — Tout d’abord, nous devons constater que la formule
1254 e l’État, qui bloque la construction de l’Europe, est elle-même en crise. Les exemples ne manquent pas. La Belgique, fabriq
1255 e l’éclatement. En Angleterre, la régionalisation est en marche, par un retour de l’histoire. L’Italie applique lentement l
1256 t les problèmes du Tyrol du Sud et du Mezzogiorno sont loin d’être résolus. L’Espagne a ses Basques et ses Catalans. La Fran
1257 mes du Tyrol du Sud et du Mezzogiorno sont loin d’ être résolus. L’Espagne a ses Basques et ses Catalans. La France enfin, ty
1258 Partout se pose le problème de la dimension, qui est le problème clé du fédéralisme. L’État-nation se montre à la fois tro
1259 se montre à la fois trop grand et trop petit. Il est trop grand pour parvenir à animer l’ensemble de son territoire : la c
1260 rapport aux tâches de dimension mondiale, l’État est trop petit. Aucun des pays européens ne peut assumer sa défense à lui
1261 téressent tous les hommes. Une unité continentale est à cet égard indispensable. La région Si donc on veut unir l’Eu
1262 se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui est destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1263 ent définissez-vous cette région ? R. — Elle peut être ethnique quelquefois, purement économique d’autres fois — très souven
1264 t anglais, dans son effort de décentralisation, s’ est laissé trop rapidement convaincre par le principe du droit des peuple
1265 galloise. C’était une erreur : le pays de Galles est coupé par une chaîne de montagnes. Pour aller du Nord au Sud, on pass
1266 de montagnes. Pour aller du Nord au Sud, on passe soit par la mer, soit par l’Angleterre. Le Nord a pour métropole Liverpool
1267 r aller du Nord au Sud, on passe soit par la mer, soit par l’Angleterre. Le Nord a pour métropole Liverpool, le Sud Bristol,
1268 ts se concentrent ainsi dans un seul lieu, ce qui est source d’économies. La région ne se définit pas, comme l’État-nation,
1269 ion se présente comme un phare, dont l’activité n’ est pas déterminée par la périphérie, mais par un certain nombre de kilow
1270 mais par un certain nombre de kilowatts. — Quels sont , selon vous, les facteurs permettant de penser que la régionalisation
1271 teurs permettant de penser que la régionalisation est un phénomène appelé à se développer et à influencer de plus en plus l
1272 s la constitution de l’Europe ? R. — Ces facteurs sont au nombre de deux. Le premier, déjà mentionné, provient de l’incapaci
1273 on. Cette situation ne fera qu’empirer. Le second tient à l’abaissement des barrières douanières entre les Six. Les régions n
1274 arrières douanières entre les Six. Les régions ne sont plus coupées en deux ou emprisonnées artificiellement par les frontiè
1275  : aux yeux du gouvernement français, cette ville était une gare terminus et la région avoisinante, Lille-Roubaix-Tourcoing,
1276 ue Paris se trouve à 216 km. D’autres expériences sont en cours dans nombre de pays d’Europe. L’accent est porté sur les rég
1277 t en cours dans nombre de pays d’Europe. L’accent est porté sur les régions appelées encore périphériques, de leur vrai nom
1278 pement d’une région appartenant aux deux systèmes serait entravé. Il souligne en même temps le rôle que continueront de jouer
1279 lique. Car on ne pourrait concevoir que la région soit à l’Europe ce qu’a été en fait le fédéralisme à la Suisse : un mainti
1280 t concevoir que la région soit à l’Europe ce qu’a été en fait le fédéralisme à la Suisse : un maintien des cantonalismes av
1281 ’action européenne : régions, nations, Europe. Ce sera une longue étape de transition au cours de laquelle les États assumer
1282 lisation et de la régionalisation de l’Europe, il sera bien sûr établi des institutions fédérales garantissant certains droi
1283 ur les réalités vivantes des régions se forme, il sera beaucoup plus facile de procéder à des ajustements en souplesse, par
1284 résultat visé sur le plan politique — où nous ne sommes encore qu’à zéro, contre 25 %, peut-être, sur le plan économique — ne
1285 ntre 25 %, peut-être, sur le plan économique — ne sera en effet accessible que si, parallèlement à la coopération entre les
1286 de plusieurs ensembles différents, l’essentiel n’ étant pas d’avoir une unité territoriale et figée, mais de participer à des
1287 pour légaliser en quelque sorte leur existence et être capables d’action, elles ne pourront tout de même pas maintenir une d
1288 à l’État-nation et à elles-mêmes au cas où elles seraient multinationales. R. — Les régions vont progressivement former entre
1289 l’existence d’institutions parfois incompatibles, est nécessaire si l’on ne veut pas s’enfermer dans le cercle vicieux suiv
1290 rale ne se formera pas tant que les États-nations seront ce qu’ils sont et que les régions ne les diviseront pas pour préparer
1291 a pas tant que les États-nations seront ce qu’ils sont et que les régions ne les diviseront pas pour préparer la géographie
1292 era en désuétude. L’État n’a rien d’éternel. Il n’ est pas « conforme à la nature des choses », comme le veulent encore trop
1293 trop de chefs… d’État. La Suisse Nous n’en sommes encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les élémen
1294 core qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscu
1295 enons-en maintenant à la Suisse. D’après ce qui a été dit auparavant, elle-même n’échappera pas au mouvement de restructura
1296 t à celui qui parle des régions en Suisse. Elle n’ est pourtant pas fondée. La position de notre pays face à une Europe reno
1297 Europe renouvelée dans le sens indiqué jusqu’ici serait même rendue plus aisée dans certains cas. La coopération des cantons
1298 e et même encourage la collaboration horizontale, fût -ce avec l’étranger voisin. Quant à l’éclatement : je ne pense tout de
1299  : je ne pense tout de même pas que nos raisons d’ être dépendent des douaniers… Si l’on admet la pluralité des allégeances,
1300 nel du Mont-Blanc — d’un autre côté. Cette région serait définie au point de vue des échanges de tous ordres, et les Genevois
1301 u contraire une excellente épreuve de la raison d’ être des Suisses. Elle montrerait s’ils peuvent rester eux-mêmes sans nati
1302 et avec toute l’Europe. La cohésion de la Suisse est maintenue à l’heure actuelle de l’extérieur, par les pays qui l’entou
1303 l’extérieur, par les pays qui l’entourent et qui sont des corps durs. Le problème se posera différemment lorsque une vie ré
1304 nges… — Dans l’immédiat, que faire en Suisse ? On est en train de redécouvrir la légitimité de la collaboration intercanton
1305 astique qui prouve à quel point le cantonalisme s’ était substitué au véritable fédéralisme, coopératif par essence. Certains
1306 anique… R. — Le sens de la réalité des régions n’ est pas absent de Suisse. Mais nous nous sommes endormis et nous avons fa
1307 égions n’est pas absent de Suisse. Mais nous nous sommes endormis et nous avons fait endosser aux cantons le même uniforme qu’
1308 e uniforme qu’aux États. Le micronationalisme s’y est installé : fermeture sur soi, méfiance de ce qui est différent — sous
1309 installé : fermeture sur soi, méfiance de ce qui est différent — sous prétexte de fédéralisme justement. La Romandie ne fo
1310 national. Le facteur temps — Les Européens sont pressés de faire l’Europe. Leur impatience est légitime. Une certaine
1311 s sont pressés de faire l’Europe. Leur impatience est légitime. Une certaine unité s’est déjà créée avec l’aide des États.
1312 eur impatience est légitime. Une certaine unité s’ est déjà créée avec l’aide des États. Alors : quelle Europe se fera le pl
1313 ue politique l’unité fondée sur les États-nations est en panne depuis vingt ans ! N’importe quel autre système d’édificatio
1314 quel autre système d’édification a des chances d’ être plus rapide. D’ailleurs, le processus de régionalisation est beaucoup
1315 pide. D’ailleurs, le processus de régionalisation est beaucoup plus avancé qu’on ne le pense généralement. Je crois qu’en d
1316 i pour la revue Europa, n° 5, 1968. Les citations sont extraites d’un article de D. de Rougemont, « Au-delà des nations » pa
23 1970, Le Cheminement des esprits. Champs d’activité — Fécondité des études régionales
1317 on, unité opérationnelle du fédéralisme européen, sera sans doute le thème politique le plus important des prochaines décenn
1318 les impératifs du stato-nationalisme tel qu’il s’ est constitué de Napoléon à Hitler : régime anémiant des « cultures natio
1319 sociales, économiques, écologiques, culturelles — est par définition interdisciplinaire. À ce titre, comme à d’autres, elle
1320 fondée sur la notion de « frontières naturelles » est un non-sens. Ni les ethnies, ni les langues, ni les traditions religi
1321 es, ni les traditions religieuses et sociales, ne sont séparées par les fleuves ou les crêtes des chaînes montagneuses. Quan
1322 es chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles sont le produit des viols répétés de la géographie par l’histoire. Tout es
1323 ols répétés de la géographie par l’histoire. Tout est à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules
1324 les, et de leurs interdépendances. Or ces entités sont souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser le
1325 nt souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindai
1326 tes. Le livre de Morvan Lebesque, Comment peut-on être Breton ? donne une idée émouvante des possibilités de renouvellement
1327 e de Robert Lafont.) Toute l’histoire de l’Europe étant à refaire de fond en comble, après un siècle et demi de falsification
1328 l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’il s’ est composé pendant trois millénaires. Instruction civique. — La partici
1329 es publiques en tant qu’acteur, non spectateur, n’ étant possible et praticable en général que dans le cadre communal et régio
1330 s et lettres. — Toute l’histoire de nos créations est à refaire sur cette double donnée de base : — les grands styles europ
1331 rd et aux structuralistes de Paris. Trois auteurs seront nos guides en cette quête : T. S. Eliot dans ses Notes towards the De
1332 ur la musique, la peinture, l’architecture… et il est clair que leurs méthodes devraient être appliquées à l’interprétation
1333 ure… et il est clair que leurs méthodes devraient être appliquées à l’interprétation des écoles apparues après eux.) Tous le
1334 l’universel. Écologie. — Cette science nouvelle est à la fois, par excellence, une « science humaine », une « science pol
1335 et de la politique, de la pensée et de l’action, sera fournie par la région.
24 1970, Le Cheminement des esprits. Postface. L’écrivain et l’événement
1336 u public : on croit bonnement qu’un auteur engagé est celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un Par
1337 bonnement qu’un auteur engagé est celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un Parti, quand il s’agit
1338 un sens partisan ou militaire du terme. Mon sens était plutôt poétique, si j’ose dire, moral, philosophique et religieux. De
1339 hain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage était le lieu de l’engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : q
1340 ine, et ce passage était le lieu de l’engagement. Est -il encore praticable ? Autrement dit : quelle peut être aujourd’hui,
1341 l encore praticable ? Autrement dit : quelle peut être aujourd’hui, au fait et au prendre, la responsabilité de l’écrivain d
1342 sabilité de l’écrivain dans la cité ? Responsable est celui qui peut dire, dans une situation donnée : j’en réponds ! Mais
1343 elle face à l’événement historique qu’un écrivain est engagé ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écr
1344 a date que l’Histoire lui attribue — Histoire qui est le produit de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par
1345 de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par lui-même événement, et dont l’œuvre ne constitue une partie de la
1346 1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’ est pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les courants locaux et
1347 nds et en formation, sans essayer d’agir sur eux, soit qu’il n’en ait aucune envie, ou désespère d’en avoir les moyens, ou n
1348 et romanciers du xixe et du xxe siècle peuvent être rangés dans cette catégorie très vaste, dont la limite inférieure ser
1349 e catégorie très vaste, dont la limite inférieure serait symbolisée par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode,
1350 ne enquête de la Gazette littéraire, de Lausanne, été 1969.