1
voir le jour. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il
fut
aussi le président de deux institutions d’un tout autre ordre, au sor
2
Pays-Bas. Dans quel esprit l’homme politique que
fut
essentiellement Robert Schuman jugeait-il la fonction de ces deux ent
3
de titre au deuxième chapitre : L’Europe, avant d’
être
une alliance militaire ou une entité politique, doit être une communa
4
alliance militaire ou une entité politique, doit
être
une communauté culturelle. Et dans ce chapitre, je souligne cette phr
5
sance, et les personnes plutôt que les États, tel
est
sans aucun doute le thème commun à tous les textes ici réunis par le
6
faire du chemin, surtout en ce sens que le chemin
est
long et qu’on le parcourt lentement. » « Faire du chemin » : entendon
7
ons cela littéralement. Les routes et les chemins
sont
tracés sur les cartes, hors de moi et sans moi, pour tous ou pour per
8
, pour tous ou pour personne, mais le cheminement
est
mon activité, cette avance en la nuit, régulière, à tous risques, et
9
voyer, comme tout chercheur, bien content si ce n’
est
qu’une fois sur deux. Et il lui faut parfois revenir en arrière, vers
10
es traitant de l’Europe. Ces retours (ou repères)
sont
utiles, au surplus, pour situer une démarche et l’orienter : sinon co
11
de nos pays ? Mais les jeunes me diront qu’ils ne
sont
pas frappés par les résultats de cette avance. Admettons-le : rien de
12
de progression par cheminement. Les pionniers ne
sont
pas des casseurs, les chercheurs n’arriveront nulle part en défilant,
13
eront nulle part en défilant, la poésie jamais ne
sera
« faite par tous ». Pourtant, le fourmillement universel d’inventions
14
Il s’agit d’investir les obstacles à l’union, qui
sont
d’abord dans les esprits, non dans les faits. Traduisons : il s’agit
15
ersité, ou le destin des arts, dont l’occasion ne
fut
pas l’une des activités propres du Centre, mais le service de l’Europ
16
opres du Centre, mais le service de l’Europe, qui
est
sa fin générale. D. de R.
17
nion Quand un Américain déclare que votre idée
est
généreuse, c’est qu’il est ému : il va vous aider. Quand un Européen
18
déclare que votre idée est généreuse, c’est qu’il
est
ému : il va vous aider. Quand un Européen vous dit : l’Europe unie, o
19
d’y croire, qu’il ne fera rien, qu’il pense qu’il
est
sérieux et que vous rêvez. C’est ainsi qu’une certaine bourgeoisie oc
20
évolution. Mais le grand style se perd et Staline
est
aux portes. Il s’agit en réalité de la vie ou de la mort d’une civili
21
ilisation. Fédérer nos petits peuples in extremis
est
notre seule chance de salut. On se demande en vain ce qu’il peut y av
22
de la Russie et de l’Amérique. Ces deux colosses
sont
en train de s’observer par-dessus nos têtes. Ils n’ont pas envie de s
23
x dire à la paix, c’est l’Europe. Mais l’Europe n’
est
plus une puissance, parce qu’elle est divisée en vingt nations dont a
24
l’Europe n’est plus une puissance, parce qu’elle
est
divisée en vingt nations dont aucune, isolée, n’a plus la taille qu’i
25
deux grands empires. Et non seulement l’Europe n’
est
plus une puissance qui pourrait exiger la paix, mais chacune des nati
26
que l’on doit tirer de cette double constatation
sont
d’une tragique simplicité. Si les choses continuent comme elles vont
27
e elles vont : 1° les différents pays de l’Europe
seront
annexés ou colonisés l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
28
l’un après l’autre ; 2° la question allemande ne
sera
pas réglée, fournissant un prétexte permanent à la guerre entre les d
29
ne pourra s’opposer à cette guerre, dont quel que
soit
le vainqueur — s’il en est un — c’est l’humanité tout entière qui sor
30
guerre, dont quel que soit le vainqueur — s’il en
est
un — c’est l’humanité tout entière qui sortira vaincue. Si nous voulo
31
. Que si l’on me dit alors que l’Europe même unie
serait
encore trop faible pour tenir en respect les deux Grands, je répondra
32
l’Europe même unie serait encore trop faible pour
tenir
en respect les deux Grands, je répondrai par un seul chiffre : la pop
33
l’Europe occidentale, à l’ouest du rideau de fer,
est
d’environ 320 millions d’habitants : c’est deux fois plus que l’Améri
34
. Si ces 320 millions d’habitants faisaient bloc,
soit
qu’ils se déclarent neutres, soit qu’ils menacent de porter tout leur
35
faisaient bloc, soit qu’ils se déclarent neutres,
soit
qu’ils menacent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils seraien
36
ent de porter tout leur poids d’un seul côté, ils
seraient
en mesure d’agir, de faire réfléchir l’agresseur, et de sauver la pai
37
ie… » En revanche, beaucoup pensent : « Tout cela
est
bel et bon, mais que fait-on et que pourra-t-on faire en temps utile
38
e siècle, quand la réalité politique de l’Europe
était
l’essor des grands nationalismes. Il y eut enfin, après la Première G
39
a rumeur polyglotte des couloirs de la SDN. On en
était
aux constructions diplomatiques. Elles s’écroulèrent à la première ép
40
rs de lecteurs pour leurs revues. Ces dernières n’
étaient
pas d’une lecture très facile. On y parlait beaucoup de l’engagement
41
ut croire un moment que tout notre travail allait
être
effacé pour toujours. C’était compter sans les mouvements de Résistan
42
rer tous ces fédéralistes dispersés. Dès 1946, ce
fut
chose faite : l’Union européenne des fédéralistes se constituait et p
43
d’août 1947, à Montreux, son premier Congrès. Qu’
étions
-nous à l’époque, il y a un an et demi ? Cent-cinquante à deux-cents d
44
ociations de toutes les tailles, dont plusieurs n’
étaient
guère qu’un nom abstrait, touchant ou ambitieux, comme par exemple :
45
es et de les faire admettre par les États, nous n’
étions
qu’une poignée d’hommes de bonne volonté, remarquablement dépourvus d
46
ersonnaliste dans la genèse de nos mouvements. Il
est
vrai que beaucoup de petits groupes qui se formèrent spontanément dan
47
maquis ne devaient rien à cette doctrine. Mais il
est
non moins vrai que les grands thèmes et le vocabulaire personnalistes
48
Montreux à Bruxelles Le congrès de Montreux n’
était
pas terminé que l’idée naissait parmi nous d’en élargir l’action en c
49
s généraux de l’Europe. Sur-le-champ, des accords
furent
esquissés avec les représentants d’autres mouvements venus en qualité
50
erlandais, s’ouvrait le Congrès de l’Europe. Nous
étions
cette fois-ci plus de huit-cents délégués, parmi lesquels des ex-Prem
51
nts féminins et universitaires. Trois résolutions
furent
votées : économique, politique et culturelle. La résolution politique
52
tion d’une Assemblée européenne, dont les membres
seraient
élus « dans leur sein ou au-dehors » par les parlements des nations p
53
s parlements des nations participantes. Ce projet
fut
mis au point très rapidement, au lendemain du congrès de La Haye. Par
54
de La Haye. Par l’intermédiaire de M. Bidault, il
fut
présenté à la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq
55
rence restreinte de dix-huit ministres et experts
était
convoquée à Paris, aux fins d’étudier la constitution d’un Parlement
56
deuxième congrès annuel. À Montreux, nous avions
tenu
nos séances dans une modeste salle d’hôtel. À Rome, on nous offrit le
57
eur les grandes lettres du mot Europe. Le Congrès
fut
inauguré en présence de tous les ministres par un discours du préside
58
s et des rêveurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous
êtes
, nous sommes, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes
59
veurs ! s’écria-t-il. En réalité, vous êtes, nous
sommes
, la vérité en marche. » Et finalement, les congressistes furent reçus
60
ité en marche. » Et finalement, les congressistes
furent
reçus par le pape Pie XII, qui leur dit en français « sa plus vivante
61
uvement européen, ses quatre présidents d’honneur
étant
Léon Blum, Winston Churchill, Alcide de Gasperi et Paul-Henri Spaak.
62
de tous côtés par des tendances diverses, et nous
sommes
parvenus, plus rapidement que nous n’osions l’imaginer, à engrener su
63
des principaux gouvernements européens. Ce qui n’
était
qu’un rêve il y a un siècle, qu’une théorie il y a quinze ans, qu’une
64
a quinze ans, qu’une espérance pendant la guerre,
est
aujourd’hui discuté par la presse, les parlements, les ministères, co
65
i a les plus grandes chances de se réaliser. Nous
sommes
donc arrivés à pied d’œuvre. Ici commence la bataille décisive. Ob
66
ion fédéraliste. Car si l’on veut que les peuples
soient
représentés, c’est que l’on veut aboutir à autre chose qu’au « Corps
67
leur gouvernement. Ils pensent que les ministres
sont
là pour gouverner, ce qui paraît étrange à beaucoup de Latins. Ils pe
68
ls pensent donc, tout naturellement, que l’Europe
sera
faite par des ministres. Et cela ne va pas à une fédération, mais à q
69
sait qu’une Charte des droits de l’homme vient d’
être
adoptée par l’ONU. Elle restera malheureusement inopérante tant que l
70
n, dans sa réunion de Bruxelles, a recommandé que
soit
créée, par convention entre les États membres de l’union européenne,
71
, sinon de créer un tribunal devant lequel puisse
être
déféré, le cas échéant, tout État qui céderait au totalitarisme ? Me
72
pas résolu les grands problèmes économiques. Nous
sommes
un certain nombre à penser qu’au contraire, la plupart des problèmes
73
éenne bien vivante, un sentiment commun auquel il
soit
possible de faire appel dès maintenant, une civilisation occidentale.
74
té dans la richesse de nos diversités, telle doit
être
, avant tout comme après tout, la vocation de notre Mouvement européen
75
opéen. S’il ne mettait la culture à sa place, qui
est
à la fois primordiale et finale, il cesserait de mériter l’adjectif d
76
la conscience de l’Europe et des peuples qui lui
sont
associés ». Il ne s’agit nullement de fomenter on ne sait quel nation
77
té ; une manière de « chercher à comprendre » qui
est
notre forme intime de résistance aux mises au pas totalitaires… De to
78
un lieu de rencontres à nos meilleurs esprits, ce
sont
là quelques-unes des ambitions du Centre européen de la culture qui s
79
a culture qui s’ouvrira bientôt en Suisse. ⁂ Il n’
est
point d’ordre économique possible sans une volonté préalable de mise
80
olonté préalable de mise en ordre politique. Il n’
est
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’est orienté dès le
81
point d’ordre politique qui serve l’homme, s’il n’
est
orienté dès le départ par une vision libératrice et fascinante. L’Eur
82
experts (qui savent toujours que c’est Dewey qui
sera
élu), parce qu’une équipe de véritables résistants — ceux qui résiste
83
irait peut-être d’oser croire ? Se peut-il que ce
soit
tout simplement l’Europe, redécouverte à la faveur de son union ? Une
84
culture, Lausanne, du 8 au 12 décembre 1949 Il
est
vrai que l’Europe est en train de se défaire : elle n’a jamais été pl
85
8 au 12 décembre 1949 Il est vrai que l’Europe
est
en train de se défaire : elle n’a jamais été plus menacée, plus divis
86
rope est en train de se défaire : elle n’a jamais
été
plus menacée, plus divisée devant le péril, plus angoissée et sceptiq
87
plus angoissée et sceptique à la fois. Mais il n’
est
pas moins vrai que pour la première fois, dans toute sa longue histoi
88
toute sa longue histoire, consciemment, l’Europe
est
en train de se faire. Telle est la situation contradictoire dans laqu
89
iemment, l’Europe est en train de se faire. Telle
est
la situation contradictoire dans laquelle nous sommes engagés. Il dép
90
st la situation contradictoire dans laquelle nous
sommes
engagés. Il dépend de nous, en partie, que l’espoir ait raison du dés
91
sbourg les cadres politiques de l’Europe unie, il
est
grand temps de définir la visée humaine qui doit présider à cette act
92
, la vocation de notre communauté européenne. Tel
est
le but général de la conférence de Lausanne, le sens profond qui doit
93
union de l’Europe, et qu’en retour, l’Europe unie
sera
seule capable de sauver nos cultures dans leur précieuse diversité. C
94
hèmes qui serviront de point de départ aux débats
seront
d’une part les conditions matérielles et morales de la vie et de l’es
95
— Les destructions directes causées par la guerre
sont
encore cruellement sensibles dans quelques pays comme l’Allemagne (bi
96
lés dans leur presque totalité). Non moins graves
sont
les destructions indirectes et la stérilisation temporaire de sources
97
es de fonds, de classiques, de manuels, n’ont pas
été
réédités depuis 1940, et très souvent l’équipement des laboratoires n
98
rès souvent l’équipement des laboratoires n’a pas
été
renouvelé. Il faut aller chercher les livres des philosophes dans les
99
ans les bibliothèques publiques. Non seulement il
est
très difficile de se procurer les œuvres de J.-S. Bach, par suite de
100
tragique des intellectuels réfugiés des pays de l’
Est
. Faute de pouvoir trouver dans l’Europe de l’Ouest un emploi correspo
101
un travail de manœuvre ou d’ouvrier agricole. Ils
sont
ainsi perdus à la fois pour l’Europe et pour la Culture. Ils forment
102
nsuffisants dans chaque pays. — Le cadre national
est
devenu trop étroit. Dans chaque pays, on constate que les recherches
103
vient pas à remplacer le mécène privé. Bien qu’il
soit
parfois difficile d’obtenir dans ce domaine des chiffres même approxi
104
apparence à des pourcentages plus élevés mais les
sommes
indiquées servent en réalité essentiellement à des activités de propa
105
ment à des activités de propagande politique). II
est
curieux de constater que dans les pays où l’État semble accorder des
106
nt de l’insuffisance des cadres nationaux actuels
est
fourni par l’industrie du cinéma. Seul un élargissement du marché à t
107
a balayeuse, tandis qu’un professeur d’université
est
moins payé qu’un ouvrier qualifié et ne dispose pas des mêmes moyens
108
changes culturels. — La circulation des personnes
est
généralement entravée par des questions de passeports, de visas et de
109
asseports, de visas et de devises. Les voyages ne
sont
plus impossibles, mais ils nécessitent encore une quantité de démarch
110
souvent l’objet du voyage (congrès ou conférence)
est
périmé lorsque parviennent les autorisations nécessaires. Notons que
111
ent à l’étranger pour des raisons « culturelles »
est
relativement restreint. La quantité des devises nécessaires pour leur
112
p de projections d’un intérêt majeur, mais qui ne
sont
pas de nature à faire de grosses recettes. La multiplication des barr
113
ficulté dans tous nos pays. On le voit : l’Europe
est
ouverte aux influences extracontinentales (ce qui est tout naturel) m
114
ouverte aux influences extracontinentales (ce qui
est
tout naturel) mais fermée à la diffusion de produits spécifiquement e
115
nalisation de la Culture. — Le nationalisme qui s’
est
développé durant tout le xixe siècle et qui atteint ses conséquences
116
finir comme suit : les cultures « nationales » se
sont
voulues indépendantes les unes des autres, et sont devenues par là mê
117
ont voulues indépendantes les unes des autres, et
sont
devenues par là même dépendantes de l’État. Pour s’être voulues natio
118
evenues par là même dépendantes de l’État. Pour s’
être
voulues nationalistes, elles sont en voie de « nationalisation », c’e
119
l’État. Pour s’être voulues nationalistes, elles
sont
en voie de « nationalisation », c’est-à-dire qu’elles se trouvent de
120
en fait aux mécanismes de l’État. À quel stade en
sommes
-nous, dans cette évolution qui affecte plus ou moins tous nos pays ?
121
on qui affecte plus ou moins tous nos pays ? Il n’
est
possible de répondre qu’en citant une série d’exemples. À la question
122
pe — et dans l’intention des gouvernements — doit
être
nuancée en fait. Car si l’on examine un problème précis, tel que celu
123
nalisme et l’étatisation de l’esprit partisan. Il
est
incontestable que la volonté commune à tous nos États souverains de «
124
e dans tous les pays libres de l’Ouest, ce danger
est
avoué, dénoncé. Il est devenu, d’ailleurs, d’autant plus apparent que
125
bres de l’Ouest, ce danger est avoué, dénoncé. Il
est
devenu, d’ailleurs, d’autant plus apparent que les pays de dictature
126
ad absurdum. Il faut que cet avertissement brutal
soit
compris, non pas comme un motif de plus d’indignation, mais comme la
127
oit pouvoir dire » que les historiens de son pays
sont
attachés aux principes suivants : « Éliminer soigneusement tout espri
128
émices de l’enseignement historique dans son pays
sont
aujourd’hui les suivantes : « Plier le cours des événements aux exige
129
On demande à l’Histoire de démontrer que l’Europe
est
morte tandis que la Russie vit toujours. » L’impartialité n’existe nu
130
Le régime des universités, en Europe occidentale,
est
très loin d’être uniforme, comme on sait. Dans presque tous nos pays,
131
iversités, en Europe occidentale, est très loin d’
être
uniforme, comme on sait. Dans presque tous nos pays, l’on trouve à cô
132
is souvent encore, les nominations de professeurs
sont
faites par l’État ou par les pouvoirs politiques locaux, en sorte que
133
alité du pays où il enseigne. (Dans les pays de l’
Est
, la nationalité russe suffit.) Certaines dérogations à cette règle so
134
usse suffit.) Certaines dérogations à cette règle
sont
pratiquées couramment ; mais le principe subsiste indiscuté, héritage
135
l’on n’aura pas abouti à la solution idéale, qui
serait
d’organiser les libertés, c’est-à-dire de les garantir statutairement
136
aires des autres. Là où les agences d’information
sont
privées — comme dans presque tous les pays de l’Ouest4 — il y a possi
137
on garantie, d’objectivité. Là où l’information n’
est
qu’un service des Affaires étrangères, comme dans tous les pays de l’
138
ffaires étrangères, comme dans tous les pays de l’
Est
et l’Espagne, il y a totalitarisme caractérisé. En apparence, la situ
139
domaines que nous venons de mentionner. Mais s’il
est
vrai qu’aux yeux des Soviétiques l’épithète injurieuse « d’a-politiqu
140
viétiques l’épithète injurieuse « d’a-politique »
est
encore synonyme « d’occidental », on doit constater d’autre part que
141
x pressions politiques, nationalistes, étatiques)
sont
protégées surtout par nos mœurs et coutumes, par l’esprit dans lequel
142
e l’ordre » à sa manière dans tel ou tel pays, il
sera
facile à ce parti d’étatiser, au nom des lois qui existent, la radio
143
gme de l’État souverain. Nos garanties de liberté
sont
donc dans une large mesure, négatives. Elles courent le risque perman
144
e, négatives. Elles courent le risque permanent d’
être
tournées, par des moyens que les dictatures de l’Est ont fort bien il
145
tournées, par des moyens que les dictatures de l’
Est
ont fort bien illustrés. Le plus facile à définir est la censure. Ce
146
ont fort bien illustrés. Le plus facile à définir
est
la censure. Censure. — Dans tous les pays membres du Conseil de l’Eu
147
es (ou d’intérêt privé) des décisions prises. À l’
Est
— il faut toujours y revenir pour marquer l’aboutissement extrême de
148
éritable culture censoriale. Le critère politique
est
seul admis5. Et l’on s’y réfère avec une rigueur telle que le style m
149
le style même d’un écrivain ou d’un peintre peut
être
attaqué par les fonctionnaires de l’État, qualifié de sabotage et châ
150
t châtié (sans jeu de mots). La censure politique
est
si parfaitement préventive, qu’elle peut s’offrir le luxe de disparaî
151
en tant qu’activité distincte de répression. Elle
est
partout et nulle part. C’est ainsi que le rapport rédigé par nos amis
152
des sources d’information, or cette indépendance
est
exclue à priori. « Informateur et censeur ne font qu’un… ce qui rend
153
résultats d’une incroyable portée intellectuelle
sont
actuellement maintenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant la
154
celle d’il y a dix ans, où certaines découvertes
étaient
annoncées par télégramme dans les périodiques à diffusion mondiale… »
155
dans la ligne que souhaite le régime — pourraient
être
assurés de la confiance de ce dernier. » Situation de la culture dan
156
au service de la politique), ceux qui s’y livrent
sont
aussitôt privés des libertés élémentaires : liberté de recherche, lib
157
mondial de l’Europe, on pourrait croire qu’elle n’
est
plus, aujourd’hui, qu’un appendice aux déclarations officielles, un o
158
quier. Jadis centrale, la situation de la culture
est
devenue périphérique. Comment expliquer autrement qu’il soit admis sa
159
e périphérique. Comment expliquer autrement qu’il
soit
admis sans question, de nos jours, que l’esprit subordonne ses intérê
160
ellement dépendante de l’État, plus qu’elle ne le
fut
jamais du mécénat privé (et avec moins d’avantages en retour), notre
161
t contrainte d’obéir à des « nécessités » qui lui
sont
étrangères et la dégradent. Elle perd ainsi sa fonction directrice. E
162
nsée et l’action ; entre une pensée qui accepte d’
être
inefficace, et une action par conséquent désorientée, à courtes vues,
163
à courtes vues, privée de cohérence profonde. Tel
est
le mal profond dont souffre l’Occident. Il est sans doute plus grave
164
el est le mal profond dont souffre l’Occident. Il
est
sans doute plus grave que la somme des misères matérielles ou institu
165
haut. À l’inverse, les régimes totalitaires de l’
Est
ont si bien vu l’importance primordiale de la culture, qu’ils l’ont i
166
endu officiellement sa place centrale, et ils l’y
tiennent
emprisonnée. Elle est reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus s
167
e centrale, et ils l’y tiennent emprisonnée. Elle
est
reine de nouveau, mais elle ne reconnaît plus sa propre voix proféran
168
ur tous les modes l’éloge de ses bourreaux : elle
est
devenue la Propagande. Les conditions morales de la vie de l’esprit a
169
en font peu de cas pratiquement ; et ceux qui à l’
Est
lui reconnaissent un rôle central, la dénaturent et l’asservissent.
170
rent des tyrannies politiques. Le principe du mal
étant
reconnu, le principe des réformes nécessaires devient évident. S’il e
171
pe des réformes nécessaires devient évident. S’il
est
vrai qu’aucun de nos pays ne peut plus se défendre ni subsister seul,
172
nt de vue politique économique et militaire, cela
est
vrai plus encore au point de vue de la culture. La phase relativement
173
er les échanges culturels ». Observons qu’il n’en
serait
pas question si les frontières étaient ouvertes, et l’union fédérale
174
qu’il n’en serait pas question si les frontières
étaient
ouvertes, et l’union fédérale de l’Europe réalisée. Nos cultures, pri
175
terme même « d’échanges culturels », avouons-le,
est
devenu bien déplaisant, à force d’avoir servi d’échappatoire facile a
176
, favoriser ceux qui ne gênent personne, ceux qui
sont
le moins créateurs ou novateurs, ceux qui font le moins peur aux fonc
177
les échanges redeviennent ce qu’ils ont toujours
été
dans les périodes de vitalité de la culture — des échanges de découve
178
toute l’étendue de l’Europe. Toutes nos cultures
sont
nées d’un fonds commun, qu’elles ont progressivement diversifié. Elle
179
qu’elles ont progressivement diversifié. Elles se
sont
nourries les unes des autres, elles ont vécu de l’échange de leurs dé
180
vivent. L’unité culturelle de l’Europe n’a plus à
être
faite : elle existait aux origines, et elle n’a cessé pendant les siè
181
échanges doit correspondre un effort positif. Il
serait
en effet insuffisant et vain de vouloir revenir à la condition libéra
182
in de vouloir revenir à la condition libérale qui
était
celle de l’esprit en Europe avant la guerre de 1914, puisqu’elle n’a
183
érielles resteront lettre morte. Une civilisation
est
vivante quand elle fait des plans. Elle a son unité, elle la démontre
184
les institutions européennes à fonder, ce rapport
sera
bref : les documents et rapports spéciaux mis à la disposition de la
185
« culturels » que le xxe siècle a vus naître, il
est
frappant de constater qu’il n’en existe pas un seul qui ait pour obje
186
), ou à une discipline particulière. Pourtant, il
est
incontestable que nos pays constituent un ensemble, un complexe organ
187
« unité » de réprobation bien significative6.) Il
est
étrange que cet ensemble n’ait pas encore été étudié en tant que tel,
188
Il est étrange que cet ensemble n’ait pas encore
été
étudié en tant que tel, d’une manière systématique ; et qu’il n’exist
189
tre européen de la culture, dont les attributions
furent
esquissées par la Résolution culturelle du Congrès. Au mois de févrie
190
aines de ses fonctions, en attendant qu’il puisse
être
officiellement constitué. Enfin, au mois de septembre de la même anné
191
ois ordres d’activité apparaissent nécessaires et
sont
immédiatement réalisables, supposé réunis les moyens financiers adéqu
192
ces activités, la méthode la plus féconde paraît
être
celle des groupes de travail restreints, réunissant pendant quelques
193
centres de recherches scientifiques, etc.), elles
seraient
exercées dans d’autres pays, et jouiraient d’une large autonomie. Ain
194
ntre resterait un organe de coordination, mais il
serait
, si l’on peut dire, décentralisé. Il est facile de voir que cette str
195
is il serait, si l’on peut dire, décentralisé. Il
est
facile de voir que cette structure présenterait de grands avantages,
196
rôle de critique et d’inspiration. Ce département
serait
conçu comme l’agent de ce que Paul Valéry nommait « une politique de
197
ion à la Conférence. (Plusieurs pages du Rapport
sont
alors consacrées à la description plus détaillée des institutions à c
198
s, qui aujourd’hui n’existent pas. Ils pourraient
être
créés par le blocage au titre européen, d’une partie du budget de l’É
199
l commun, et l’énergie créatrice des Européens ne
sont
pas réveillés, les États et l’économie privée courent à leur perte in
200
ements devant un choix. Un ordre de priorité doit
être
établi. Il est probable que le prix de revient d’une seule bombe atom
201
choix. Un ordre de priorité doit être établi. Il
est
probable que le prix de revient d’une seule bombe atomique dépasse la
202
conscience commune de l’Europe ? La question doit
être
posée. Elle est d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit
203
e de l’Europe ? La question doit être posée. Elle
est
d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il soit bien clair que
204
d’ailleurs spécifiquement « européenne ». Qu’il
soit
bien clair que nous n’entendons pas substituer aux nationalismes loca
205
ux une sorte de nationalisme européen. L’Europe s’
est
, de tout temps, ouverte au monde entier. À tort ou à raison, par idéa
206
er une nation européenne aux grandes nations de l’
Est
et de l’Ouest ; ni de vouloir une « culture européenne » synthétique,
207
able pour nous seuls et fermée sur elle-même : ce
serait
trahir le génie de l’Europe, le couper de ses sources chrétiennes et
208
sources chrétiennes et humanistes. Notre ambition
est
de contribuer à l’union de nos pays, qui sera leur seul salut, par le
209
tion est de contribuer à l’union de nos pays, qui
sera
leur seul salut, par le moyen d’une renaissance de leur culture dans
210
de leur culture dans la liberté de l’esprit, qui
est
leur vraie force. Notre objet ne sera pas non plus de dénoncer ce qui
211
’esprit, qui est leur vraie force. Notre objet ne
sera
pas non plus de dénoncer ce qui se pratique ailleurs, car nous ne pou
212
et autant de barrières de douanes ne saurait plus
être
un pôle d’attraction. Une Europe proclamant des principes sans les ap
213
n certain nombre de principes moraux ne sauraient
être
négligés dans la pratique sans que l’Europe perde ses droits à l’exis
214
raser l’opposition, car la minorité d’aujourd’hui
sera
peut-être la majorité de demain, et c’est dans les minorités qu’on fa
215
’apprentissage de la liberté. Bien plus, l’Europe
est
si diverse que chaque majorité locale ou nationale — politique, relig
216
u linguistique — doit reconnaître en fait qu’elle
est
minoritaire dans l’ensemble du continent. L’Europe est donc nécessair
217
inoritaire dans l’ensemble du continent. L’Europe
est
donc nécessairement une école de la tolérance. Elle ne doit condamner
218
résistance clandestine ; les régimes où les votes
sont
publics et se font à bulletins ouverts, tandis que les procès sont se
219
e font à bulletins ouverts, tandis que les procès
sont
secrets et se tiennent à portes fermées. Europe doit signifier encore
220
ouverts, tandis que les procès sont secrets et se
tiennent
à portes fermées. Europe doit signifier encore cité ouverte, où les h
221
ignifier enfin dialogue. L’union que nous voulons
est
celle qui lie tacitement deux hommes qui dialoguent. Elle n’est pas l
222
lie tacitement deux hommes qui dialoguent. Elle n’
est
pas l’unanimité dans la clameur disciplinée, où nul ne reconnaît plus
223
l ne reconnaît plus sa propre voix. L’Europe doit
être
et devenir de plus en plus le lieu du monde où la personne humaine pu
224
pourra dire vraiment de notre Conférence qu’elle
fut
le congrès de la conscience européenne. Une conscience malheureuse, i
225
cience européenne. Une conscience malheureuse, il
est
vrai, tourmentée, peut-être coupable — comme toute conscience, en der
226
paraît plus clairement depuis que se dressent à l’
Est
comme à l’Ouest deux civilisations plus jeunes, filles de la nôtre, e
227
déal eudémonique, l’idéal d’un bonheur assuré. Il
est
frappant que le bonheur, en Europe n’ait trouvé ses plus hautes expre
228
s le climat nostalgique. Mais, nous, ici, nous ne
sommes
pas réunis pour tracer des plans d’innocence et de prospérité organis
229
re 1949. 3. Rappelons que ces rapporteurs de l’
Est
sont en exil. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes est semi-
230
949. 3. Rappelons que ces rapporteurs de l’Est
sont
en exil. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes est semi-offic
231
il. 4. Exceptions : en Grèce, l’Agence d’Athènes
est
semi-officielle mais elle distribue les dépêches d’agences étrangères
232
ces étrangères. En France, l’Agence France-Presse
est
dotée d’un statut provisoire qui la met sous la dépendance partielle
233
e partielle de l’État et du Parlement ; ce statut
est
en voie de révision, dans le sens d’une libération de toute influence
234
toute qualification professionnelle. Il suffit d’
être
un bon militant pour devenir professeur d’université. À Sofia, Petko
235
Naissance du Centre7 Le Centre
est
né pour tâcher de répondre à certaines exigences d’une situation qui
236
épondre à certaines exigences d’une situation qui
est
celle de l’Europe d’aujourd’hui, c’est-à-dire d’une Europe mise en qu
237
qui a fait de l’Europe autre chose que ce qu’elle
est
physiquement, autre chose qu’un petit cap de l’Asie (pour reprendre l
238
réaliste, fondons-la sur sa force principale, qui
est
dans l’ordre de l’esprit… Je serais ravi que ces quelques remarques a
239
principale, qui est dans l’ordre de l’esprit… Je
serais
ravi que ces quelques remarques apparaissent comme autant d’évidences
240
éens les prennent pratiquement au sérieux. Ce qui
est
sérieux, croient-ils, ce sont les armements et les échanges économiqu
241
t au sérieux. Ce qui est sérieux, croient-ils, ce
sont
les armements et les échanges économiques, voire le jeu des partis po
242
es partis politiques… On va me dire que les temps
sont
difficiles, qu’il faut courir au plus pressé. J’en tombe d’accord. Se
243
en tombe d’accord. Seulement le plus pressé, ce n’
est
pas nécessairement de nous écraser sous le poids des armes matérielle
244
s lesquels tous les chars ne serviront à rien, et
seront
bientôt démodés. Ces considérations suffisent à désigner, à justifier
245
idérations suffisent à désigner, à justifier s’il
est
besoin, la première tâche de notre Centre. Je n’hésite pas à lui donn
246
Je n’hésite pas à lui donner son nom, bien qu’il
soit
très mal vu de nos élites : c’est une mission de propagande qui nous
247
elle les masses européennes et les élites, qui ne
sont
pas moins contaminées… Si notre première tâche est de réveiller chez
248
nt pas moins contaminées… Si notre première tâche
est
de réveiller chez nos compatriotes européens la conscience de leurs f
249
et de leur vraie richesse, notre second objectif
sera
de regrouper ces forces et ces richesses éparses et divisées. Ici se
250
ui demandent qu’on organise d’en haut — si l’État
est
en haut ! — les échanges culturels, ceux-là se font les complices d’u
251
qu’ils ont existé jusqu’au xixe siècle, avant d’
être
étranglés et désorganisés par nos frontières et par nos règlements de
252
rtains pays, on taxe les livres au kilo, quel que
soit
leur contenu. Et le reste à l’avenant…) Paracelse avait cette devise
253
plus orgueilleuse qu’impérialiste : « Que rien ne
soit
d’un autre qui puisse être de moi »8. La devise du Centre est inverse
254
aliste : « Que rien ne soit d’un autre qui puisse
être
de moi »8. La devise du Centre est inverse : « Que rien ne soit à moi
255
re qui puisse être de moi »8. La devise du Centre
est
inverse : « Que rien ne soit à moi qui puisse être à un autre ». Car
256
. La devise du Centre est inverse : « Que rien ne
soit
à moi qui puisse être à un autre ». Car l’important, c’est que les ch
257
est inverse : « Que rien ne soit à moi qui puisse
être
à un autre ». Car l’important, c’est que les choses se fassent. L’idé
258
assent. L’idéal d’un institut comme le nôtre doit
être
de disparaître une fois que tout est fait, et de s’évanouir dans son
259
nôtre doit être de disparaître une fois que tout
est
fait, et de s’évanouir dans son propre succès… Notre programme n’est
260
vanouir dans son propre succès… Notre programme n’
est
pas systématique, et il n’est pas non plus rigide. Il reste ouvert à
261
… Notre programme n’est pas systématique, et il n’
est
pas non plus rigide. Il reste ouvert à l’événement. J’oserais dire qu
262
vénement. J’oserais dire qu’à certains égards, il
est
moins décisif en soi que l’existence même de ce Centre par où j’enten
263
aquit en décembre 1952. Elle se précisa jusqu’à l’
été
1953, et les premiers qui en eurent connaissance s’y montrèrent aussi
264
ndation à l’échelle européenne — des hommes qui s’
étaient
signalés dans leur sphère d’influence par leur intérêt actif pour la
265
n Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye. Lecture leur
fut
donnée du texte suivant : habeas animam Situation de l’homme au xxe
266
arce qu’elle s’attaque à la notion de l’homme qui
fut
l’origine décisive de cette civilisation, et qui en restera le plus h
267
, et qui en restera le plus haut achèvement. Ce n’
est
plus seulement la liberté de la personne — l’habeas corpus — qui est
268
la liberté de la personne — l’habeas corpus — qui
est
contestée au xxe siècle, mais déjà son identité, le droit de chaque
269
lavage mental d’une grande partie de l’humanité n’
est
plus une utopie : ses moyens scientifiques existent, ils sont à l’œuv
270
e utopie : ses moyens scientifiques existent, ils
sont
à l’œuvre sous nos yeux. Situation de l’Europe Foyer de la civi
271
l’Histoire n’a pas vu le précédent. Mais l’Europe
est
elle-même en grand péril. Les peuples qu’elle a civilisés retournent
272
s à l’union Les obstacles à l’union européenne
sont
actuellement d’ordre moral, bien plus que matériel. Voici les princip
273
» qui ont épuisé leurs vertus au xixe siècle et
sont
devenues en partie fictives : aucun de nos pays ne peut se défendre s
274
réveiller un sentiment commun des Européens Il
est
donc évident que le nœud du problème est dans l’attitude morale des E
275
ns Il est donc évident que le nœud du problème
est
dans l’attitude morale des Européens eux-mêmes. À défaut d’une prise
276
us les traités et pactes que l’on pourra conclure
seront
insuffisants, viendront trop tard, ou resteront lettre morte. Si au c
277
aie situation. Le Centre européen de la culture a
été
fondé pour contribuer à ce réveil du sentiment européen. Il a commenc
278
sur un plan supranational, comme si déjà l’Europe
était
unie. Fort de ces premières réalisations, qui lui assurent une base d
279
création d’une Fondation européenne de la culture
serait
de nature à modifier, par sa seule existence, le climat intellectuel
280
els. L’Europe ne se fera pas toute seule. Elle ne
sera
pas créée par des discours et adjurations passionnés, ni par un soulè
281
’une Fondation européenne de la culture. Celle-ci
fut
créée le 16 décembre 1954 au siège du CEC à Genève. Robert Schuman si
282
u Conseil des Gouverneurs, les autres signataires
étant
MM. H. Brugmans, Franco Marinotti, J. H. Retinger, D. de Rougemont, R
283
ond Silva, Georges Villiers. Le baron van Zeeland
étant
nommé trésorier. La Fondation se transporta à Amsterdam en 1957. Dès
284
Trois initiales, ou raison d’
être
et objectifs du CEC9 Notre nom même provoque généralement les troi
285
is questions, très normales et très légitimes, ce
sera
définir du même coup la raison d’être de notre institution, l’esprit
286
gitimes, ce sera définir du même coup la raison d’
être
de notre institution, l’esprit qui l’anime et les objectifs qu’elle s
287
, l’esprit qui l’anime et les objectifs qu’elle s’
est
donnés dès sa création. Culture a la réputation d’être un mot vagu
288
nés dès sa création. Culture a la réputation d’
être
un mot vague. Et il est vrai qu’on lui attribue des contenus assez di
289
lture a la réputation d’être un mot vague. Et il
est
vrai qu’on lui attribue des contenus assez divers. Mais si nous négli
290
Mais si nous négligeons les disputes pédantes, il
est
facile de définir un sens commun à toutes les acceptions du terme. La
291
ésultent d’actes culturels — artificiels. L’homme
est
cet animal qui tire de la Nature tout ce qui, sans lui, serait demeur
292
imal qui tire de la Nature tout ce qui, sans lui,
serait
demeuré virtuel, et qui par lui devient le domaine de l’humain ; doma
293
lettres, ou de quelque activité précise. Le terme
étant
entré dans l’usage courant, dès la fin du siècle dernier, on l’oppose
294
propagandes de guerre en 1914.) Pour nous, qui ne
sommes
d’aucun parti nationaliste, s’il fallait prendre position dans le déb
295
uvres nouvelles et d’inventions ; la civilisation
étant
plutôt l’ensemble ou le système des résultats sociaux, à la fois maté
296
s règles du sacré ou les décrets de la politique,
est
un concept typiquement européen. Et cela seul peut expliquer ce grand
297
ous d’autres formes purifiées et libérales — ce n’
est
rien de naturel, rien de purement physique ; c’est précisément la cul
298
et créateur de la culture, à faire voir qu’elle n’
est
pas un luxe, mais une nécessité vitale pour tous nos peuples. En effe
299
chnique et donc des sciences ; or les sciences ne
sont
nées en Europe et ne progressent dans l’univers qu’en vertu du comple
300
e, et de son dynamisme aventureux. Europe , qui
fut
d’abord un mythe sémite et grec, puis une définition géographique — l
301
reux, le pays du couchant, part de Japhet, l’Asie
étant
à Sem, l’Afrique à Cham — l’Europe est à nos yeux une unité de cultur
302
, l’Asie étant à Sem, l’Afrique à Cham — l’Europe
est
à nos yeux une unité de culture. Sur la base de cette unité intégrant
303
aujourd’hui s’édifier. On nous demande : quelles
seront
ses limites ? Nous refusons cette question mal posée. Car une culture
304
te question mal posée. Car une culture ne saurait
être
définie par des bornes-frontières et un cordon douanier, mais seuleme
305
ce de rayonnement. L’Europe que nous voulons doit
être
à la mesure de cette force de rayonnement. Son découpage accidentel e
306
dentel et temporaire en Europe de l’Ouest et de l’
Est
, en groupements de Six, de Sept, de Quinze, ou de Dix-Huit à la reche
307
end d’un jeu de forces politiques sur lequel nous
sommes
sans pouvoir, mais dont nous devons anticiper le dépassement. Nous tr
308
coup la cause de l’unité mondiale. Si réduits que
soient
encore nos moyens en proportion d’une telle mission, nous savons que
309
ssion, nous savons que cette faiblesse matérielle
est
la rançon de notre indépendance de tous partis, intérêts nationaux, g
310
— et certains nous l’ont dit expressément — qu’il
était
juste et nécessaire de laisser libre de tous liens un Institut dont l
311
r libre de tous liens un Institut dont la mission
est
justement de voir plus loin, de préparer le terrain pour une plus vas
312
préparer le terrain pour une plus vaste union. Où
sont
les obstacles majeurs à cette union ? On nous répète qu’ils seraient
313
les majeurs à cette union ? On nous répète qu’ils
seraient
dans les faits, dans les intérêts matériels. Mais nous pensons qu’ils
314
les intérêts matériels. Mais nous pensons qu’ils
sont
d’abord dans les esprits, leurs préjugés et leurs routines. C’est don
315
les plus divers et les plus éloignés ; et qui pis
est
, toutes ces images apparaissent particulièrement incompatibles avec l
316
pposent la notion de « cultures nationales », qui
est
aussi fausse en fait qu’en droit. La culture à la fois antique, chrét
317
que, chrétienne, critique et scientifique, et qui
est
commune à tous nos peuples, se trouve cloisonnée par des barrières de
318
é » par rapport aux voisins européens. Certes, ce
sont
des Européens surtout qui viennent de fabriquer la première Bombe, pa
319
nent de fabriquer la première Bombe, parce qu’ils
étaient
ensemble… en Amérique. Mais ici, chacun se plaint de manquer de fonds
320
Cinq ans plus tard, 1955 : l’idée de coopération
est
entrée dans les mœurs, même culturelles. Les associations se sont mul
321
les mœurs, même culturelles. Les associations se
sont
multipliées : instituts de recherches nucléaires, d’enseignement euro
322
tes, hygiénistes, pédagogues, sportifs même… Nous
sommes
sur la bonne voie. Mais deux dangers subsistent : les centres de coor
323
ngers subsistent : les centres de coordination se
sont
multipliés au point de poser à leur tour un grave problème de coordin
324
ropéens. L’action du CEC, en tout cela, a parfois
été
décisive, encore qu’elle ne soit pas toujours bien visible à l’œil nu
325
t cela, a parfois été décisive, encore qu’elle ne
soit
pas toujours bien visible à l’œil nu. Elle a donc justifié la raison
326
ible à l’œil nu. Elle a donc justifié la raison d’
être
de l’institution — pour ceux qui savent ; plus rarement, il est vrai,
327
tution — pour ceux qui savent ; plus rarement, il
est
vrai, aux yeux d’un grand public naturellement indifférent sinon aux
328
par Louis Armand : « Développons en commun ce qui
est
neuf. Laissons de côté les héritages du passé, dont l’unification pre
329
ergie, et soulèverait trop d’opposition. » Ce qui
était
neuf il y a vingt ans, c’était en sciences les recherches nucléaires
330
notion subversive d’une entité européenne qui ne
fût
pas simple addition des nations. Le CEC commence donc par réunir le 1
331
rtaines de ces activités, initiées par le CEC, se
sont
constituées hors de lui (comme le CERN) ou se sont détachées de lui (
332
ont constituées hors de lui (comme le CERN) ou se
sont
détachées de lui (comme la Fondation européenne) conformément au plan
333
ces et de connaissances européennes créé au CEC a
été
investi dans deux domaines principaux : l’enseignement supérieur et l
334
ulement du CEC, mais toutes les recherches qui se
sont
poursuivies depuis vingt ans à la Villa Moynier nourrissent ses stage
335
hommes nouveaux pour la Cité fédérale. Mais qu’en
est
-il de l’avenir du Centre ? La reprise par d’autres institutions — off
336
ctivités actuellement groupées à la Villa Moynier
est
parfaitement concevable, et même elle n’irait pas sans avantages — no
337
é d’une telle dispersion, on sent aussitôt ce qui
serait
perdu dans l’opération. Chacune de nos Associations ou activités se t
338
vec les autres, des influences qu’elle en reçoit (
fût
-ce à son insu) et d’une certaine communauté à la fois d’inspiration e
339
uts, reste sa justification la moins douteuse. Il
est
devenu banal de constater que les thèmes nouveaux d’activité et de re
340
r pour vocation, précisément, d’accueillir ce qui
est
neuf et de fonder sur du neuf les modèles et structures de l’Europe f
341
l créer un nouvel Institut par thème nouveau ? Ce
serait
d’une mauvaise économie intellectuelle et financière. L’exemple des é
342
blait en effet préparer le CEC, et l’Institut qui
est
dans ses murs, à se saisir d’un thème majeur en lequel viennent conve
343
l, paraît malade : un tiers de son territoire à l’
est
, amputé ; un grand nombre de ses cités, en ruines ; ses frontières in
344
issance. En 1945, libérée dans ses ruines, elle s’
est
vue subitement détrônée, et comme mise à pied par l’Histoire, au prof
345
s populeux ne sauraient prétendre un seul instant
être
à l’échelle des réalités modernes ; encombrée de barrières intérieure
346
Nature. Les raisons immédiates de cette décadence
sont
claires. Deux guerres totales déclenchées en Europe et ravageant ses
347
du processus. Mais ce qu’il reste à expliquer, ce
sont
ces guerres elles-mêmes, qui ne furent pas des accidents absurdes, ma
348
xpliquer, ce sont ces guerres elles-mêmes, qui ne
furent
pas des accidents absurdes, mais au contraire des accidents révélateu
349
produit la « guerre totale ». De la guerre totale
est
sorti le premier régime totalitaire, celui de Lénine, dont devaient s
350
e étatisé, la guerre totale, le totalitarisme, ne
sont
encore que les symptômes d’une évolution morbide, non la cause même d
351
stiblement à notre destruction, parce qu’elles ne
sont
pas dominées dans leur conception même, puis dans leur application, p
352
n siècle. Et enfin, chacun voit que notre culture
est
en contradiction avec notre réalité même, et qu’elle devient une révo
353
. Depuis cinquante ans, la littérature européenne
est
essentiellement subversive, soit qu’elle attaque avec acharnement la
354
rature européenne est essentiellement subversive,
soit
qu’elle attaque avec acharnement la morale bourgeoise (détachée de se
355
esquelles il n’y a pas de vie sociale possible) ;
soit
qu’elle s’efforce de restaurer des orthodoxies rigides, en protestati
356
rand public, pour des raisons contradictoires. Il
est
remarquable que notre xxe siècle n’ait retenu du xixe que les génie
357
rquer qu’elle cherche désespérément à rejoindre l’
être
et l’existant concret : ce souci fondamental avoue et prouve à lui se
358
sens différent. Nulle autorité reconnue de tous n’
est
plus en mesure de « dire le vrai », d’énoncer la commune mesure. Pres
359
t, en Europe, contredit en quelque manière ce qui
est
encore pensé comme juste et bon par nos orthodoxies diverses, par la
360
signalais. Nationalisme, guerre et totalitarisme
sont
autant de réactions mécaniques et collectives au vide social créé par
361
e. Les cadres et les structures de sa vie sociale
sont
en bonne partie détruits. Autrefois, le fils d’un drapier devenait dr
362
nt d’arbitraire le domine. La morale bourgeoise n’
est
plus impérative, ne peut plus lui fournir de directives bien claires.
363
s’orienter dans le choix d’une carrière ? Toutes
sont
devenues possibles, en théorie, ce qui augmente la difficulté. Et com
364
es totalitaires. Le nationalisme, tout d’abord, s’
est
substitué au patriotisme local. Première tentative de l’État moderne
365
line d’action et de pensée, si l’élément social n’
était
venu se conjuguer avec lui, après la Première Guerre. Ce que Mussolin
366
vit dans l’angoisse de l’arbitraire, et qu’il en
est
réduit à désirer qu’on le libère d’une liberté sans contenu. Il cherc
367
mps qu’il lui enseigne une doctrine d’unité. Ce n’
est
point par méchanceté ou par perversité que tant d’hommes en Europe so
368
eté ou par perversité que tant d’hommes en Europe
sont
devenus fascistes et deviennent aujourd’hui communistes. C’est parce
369
nistes. C’est parce qu’ils ont senti de tout leur
être
le besoin d’un principe d’unité, que seules les dictatures se proclam
370
te de mourir que pour des raisons de vivre. Où
sont
les remèdes ? Il serait naïf de supposer que les hommes politiques
371
raisons de vivre. Où sont les remèdes ? Il
serait
naïf de supposer que les hommes politiques européens tiennent en rése
372
f de supposer que les hommes politiques européens
tiennent
en réserve des remèdes à cette situation. À vrai dire, elle déborde l
373
tort de le lui reprocher. La technique politique
est
une chose, la direction morale et spirituelle des hommes une autre ch
374
ils définissent un nouveau way of life, capable d’
être
opposé victorieusement à celui des totalitaires. Cette exigence exorb
375
ui des totalitaires. Cette exigence exorbitante n’
est
pas de celles qui empêchent de dormir nos hommes d’État. Certes, ils
376
ense des valeurs spirituelles. Mais leur métier n’
est
pas de repenser l’époque, et encore moins la situation de l’homme en
377
e. La philosophie de leur politique, quand elle n’
est
pas en fait le matérialisme de « bon sens » de la bourgeoisie (« Donn
378
ur la sécurité, du travail et un logement, ils se
tiendront
tranquilles ») se réduit à quelques slogans. Non, ce n’est pas aux ho
379
uilles ») se réduit à quelques slogans. Non, ce n’
est
pas aux hommes d’État, si grands soient-ils, qu’il faut aller demande
380
s. Non, ce n’est pas aux hommes d’État, si grands
soient
-ils, qu’il faut aller demander de recréer la commune mesure évanouie.
381
er de recréer la commune mesure évanouie. Et ce n’
est
pas non plus aux partis politiques démo-chrétiens ou socialistes : ce
382
tis politiques démo-chrétiens ou socialistes : ce
serait
exiger d’eux qu’ils essaient à leur tour de devenir totalitaires. Auc
383
ient à leur tour de devenir totalitaires. Aucun n’
est
en mesure d’y prétendre, et d’autre part chacun représente un élément
384
onomiques classiques ou révolutionnaires, il n’en
est
pas une seule qui ait réussi à soumettre l’économie au bien commun, s
385
bien commun, sans qu’on puisse dire si cet échec
tient
aux doctrines, au fait que le bien commun n’était plus défini, ou au
386
tient aux doctrines, au fait que le bien commun n’
était
plus défini, ou au fait que la politique a négligé de soumettre l’une
387
leur vocation précise, dans une telle situation,
soit
de rendre à l’Europe des mesures, une sagesse théorique et pratique,
388
syndicat ? D’ailleurs, ces excellents esprits ne
sont
pas souvent d’accord entre eux. Ils représentent des écoles ou des re
389
ctivement à une construction. — Il ne devrait pas
être
l’apanage d’un parti, d’une nation, d’une tendance intellectuelle, ch
390
ien, et de surmonter ainsi le divorce profond qui
est
à l’origine des plus grands maux du siècle. Cependant, l’expérience d
391
immédiat et commun, c’est que l’esprit européen n’
est
pas encore assez vivace ou exigeant, c’est que la conscience commune
392
, c’est que la conscience commune des Européens n’
est
pas encore réveillée, malgré tous les éclats de voix d’un Vychinski c
393
; et malgré le plan Marshall, dont le but déclaré
est
d’aider l’Europe comme un tout. Aucun des sacrifices nécessaires ne
394
mme un tout. Aucun des sacrifices nécessaires ne
sera
consenti, rien ne pourra donc se faire pratiquement, tant que les Eur
395
; qu’ils périront ou se sauveront ensemble. Qu’en
est
-il donc de l’unité réelle de ce continent, si riche de ses diversités
396
nts communs, Athènes, Rome, et Jérusalem, qui ont
été
conjugués pendant les premiers siècles de notre ère. À quoi sont venu
397
pendant les premiers siècles de notre ère. À quoi
sont
venus s’ajouter l’esprit critique et la science dès la Renaissance, l
398
s, des partis, des nations et même des religions,
est
une condition fondamentale de la créativité et de l’esprit d’inventio
399
tion et du non-conformisme, notre civilisation se
fût
arrêtée à l’âge romain. Elle eût éliminé l’esprit grec et le christia
400
hétique — ou bien eût succombé aux invasions de l’
Est
. Ce complexe de contradictions fondamentales et d’antagonismes spirit
401
ons fondamentales et d’antagonismes spirituels, s’
est
révélé au cours des âges comme étant le plus créateur de toute l’hist
402
spirituels, s’est révélé au cours des âges comme
étant
le plus créateur de toute l’histoire des civilisations. Il explique s
403
on dense mais minoritaire dans le monde, l’Europe
soit
devenue le foyer le plus virulent du progrès humain pendant sept sièc
404
endant sept siècles. L’Europe actuelle, quels que
soient
ses vices et les éléments de décadence qu’elle se refuse à éliminer,
405
lieu du monde où, vertueux ou vicieux, les hommes
sont
malgré tout les plus différenciés, les plus avides d’expérimenter les
406
des choses et de prendre conscience d’eux-mêmes,
soit
pour s’accepter, soit pour se révolter. Un des caractères les plus fr
407
dre conscience d’eux-mêmes, soit pour s’accepter,
soit
pour se révolter. Un des caractères les plus frappants de l’unité eur
408
monde depuis cinquante ans, la part des Européens
est
largement prépondérante. Et je dis bien : des Européens, non de tel d
409
l de leurs pays. Car chacune de leurs découvertes
est
née du grand dialogue entre les esprits du passé et du présent, par-d
410
t du présent, par-dessus les frontières ; chacune
est
prise dans le contexte d’une réflexion européenne (contexte qui tend
411
tre et sculpture : presque tous leurs grands noms
sont
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en sont pas ont appris
412
des noms de l’Europe, et les très rares qui n’en
sont
pas ont appris leur métier de nos maîtres, dans nos écoles, aux terra
413
dirai plus. Le monde moderne en tant que tel peut
être
appelé une création européenne. Pour le bien comme pour le mal, il im
414
i l’on peut dire que l’Amérique du Nord et l’URSS
sont
aussi — l’une depuis les origines, l’autre dans ce qu’elle a de moder
415
il n’en reste pas moins que l’avenir paraît bien
être
à elles et non plus à l’Europe, parce qu’elles apportent une fraîcheu
416
tentation d’orgueil qui nous ferait dire : « Nous
sommes
les seuls, les vrais civilisés », et une tentation d’infériorité qui
417
u décadente, ou les deux à la fois, l’Europe n’en
est
pas moins demeurée le foyer de la civilisation contemporaine, occiden
418
tées, en recul, ou éteintes. Si ce foyer venait à
être
détruit par une guerre totale, les bibliothèques, les microfilms, les
419
. L’unité supranationale de la culture européenne
est
quelque chose qu’il s’agit aujourd’hui bien moins de définir que de s
420
ussi d’illustrer en créations. Dieu merci, elle n’
est
pas encore un objet de science, mais un drame. Nous avons à la défend
421
que les vraies sources de la puissance européenne
sont
spirituelles, morales, intellectuelles, et que la culture sur ce peti
422
llectuelles, et que la culture sur ce petit cap n’
est
pas un luxe, mais la condition même de notre vie. Et nous avons à cré
423
l’essentiel. Car si l’on a pu dire que l’Amérique
est
un « miroir grossissant de l’Europe » (Léo Ferrero), il est vrai auss
424
iroir grossissant de l’Europe » (Léo Ferrero), il
est
vrai aussi que l’Europe est l’étymologie des maux américains. Nos mal
425
e » (Léo Ferrero), il est vrai aussi que l’Europe
est
l’étymologie des maux américains. Nos maladies sont, ou seront un jou
426
st l’étymologie des maux américains. Nos maladies
sont
, ou seront un jour les vôtres, non point dans leurs manifestations, m
427
ologie des maux américains. Nos maladies sont, ou
seront
un jour les vôtres, non point dans leurs manifestations, mais dans le
428
s dans leur principe. Après tout, vos ancêtres ne
sont
pas nés de votre terre, mais ils y ont été comme projetés par le jeu
429
es ne sont pas nés de votre terre, mais ils y ont
été
comme projetés par le jeu des contradictions internes de l’Europe, re
430
mérique n’en souffre pas ? Celui-là seul qui s’en
tiendrait
aux symptômes extérieurs, si différents d’un côté à l’autre de l’océa
431
i différents d’un côté à l’autre de l’océan. Vous
êtes
plus menacés que nous par la dictature psychique des mass médias, alo
432
ctature psychique des mass médias, alors que nous
sommes
surtout menacés par nos divisions nationales, partisanes, individuali
433
ires — sauf dans le plan politique où votre unité
est
faite — s’adresse à vous autant qu’à nous. La tentation est moins for
434
— s’adresse à vous autant qu’à nous. La tentation
est
moins forte pour vous. Mais craignez qu’un peu plus de conscience ou
435
de conscience ou une panique ne la renforce. Vous
êtes
intéressés à notre guérison. Car dans un sens, nous sommes vos cobaye
436
téressés à notre guérison. Car dans un sens, nous
sommes
vos cobayes ; et dans un autre, votre hérédité. Ce que vous devez att
437
sécrétés depuis cent ans, contre lesquels vous n’
êtes
pas immunisés. En retour, nous attendons de vous bien autre chose que
438
chose que des dollars — si indispensables qu’ils
soient
. Nous attendons que vous trouviez comment l’homme peut demeurer humai
439
rions de ne pas désespérer de l’Europe malade. Ce
serait
désespérer de votre propre civilisation, de son essence. L’Europe dis
440
ées du siècle l’ont prouvé. Ne pensez pas qu’elle
est
perdue, sacrifiée anyway, et qu’il est temps de drainer ses dernières
441
as qu’elle est perdue, sacrifiée anyway, et qu’il
est
temps de drainer ses dernières valeurs, musiciens, écrivains, profess
442
Einstein à Fermi, beaucoup déjà nous ont quittés,
sont
devenus vôtres. Mais nous pouvons encore en être heureux pour vous :
443
sont devenus vôtres. Mais nous pouvons encore en
être
heureux pour vous : il nous en reste assez, et nous en ferons bien d’
444
talitaire provoquée par un déséquilibre dont vous
êtes
menacés, vous aussi. Je souhaite ici qu’un dialogue atlantique s’inst
445
point pour échanger des préjugés stupides — vous
êtes
« barbares » et nous sommes « décadents » — mais pour échanger des es
446
réjugés stupides — vous êtes « barbares » et nous
sommes
« décadents » — mais pour échanger des espoirs. Que chacun dise à l’a
447
», paru à New York en janvier 1951. 11. Tels que
furent
la Loi pour les Juifs, le latin pour les clercs et les juristes, la m
448
te, puis la Raison. Il nous reste l’Argent, qui n’
est
pas une mesure vivante. Quant à la Science, elle bouge tout le temps
449
du xxe siècle » Le mois de mai 1952, à Paris,
fut
animé par une grandiose manifestation destinée à présenter l’ensemble
450
t chaque soir du 30 avril au 2 juin. L’initiative
était
due au Congrès pour la liberté de la culture et à son secrétaire géné
451
que président du Congrès que le directeur du CEC
fut
amené à préfacer et à conclure ces trente-deux journées mémorables. P
452
ent l’Occidental, le goût de « se rendre compte »
est
l’un des plus constants. Il nous fit inventer la boussole et la montr
453
, et les expositions. L’Œuvre du xxe siècle veut
être
au premier chef, littéralement, un compte rendu. Exposition, biograph
454
’état de nos arts et de nos lettres, en Occident,
serait
la preuve de notre décadence. N’est-il pas curieux d’observer que ce
455
Occident, serait la preuve de notre décadence. N’
est
-il pas curieux d’observer que ce jugement se trouve être à la fois ce
456
pas curieux d’observer que ce jugement se trouve
être
à la fois celui des « passéistes » en art, et celui des adeptes de pa
457
s ? Cette part du grand public, chez nous, qui en
est
restée au tableau de genre, au pleinairisme, au réalisme, et qui pren
458
le appuie son accusation sur une doctrine. Le mal
serait
entré dans la peinture, dit-elle, avec les pommes de Cézanne, pommes
459
conduire à Picasso lequel, tout communiste qu’il
soit
, sert Wall Street et ses sombres desseins12. Quant à l’avenir, il ser
460
t et ses sombres desseins12. Quant à l’avenir, il
serait
représenté par les tableaux de genre militaire du réalisme socialiste
461
agement d’un ordre supérieur ; et que la tyrannie
est
le pire des désordres. C’est dans cette vue que le Congrès pour la Li
462
vocation plus ample de ses forces n’aura marqué l’
été
d’un siècle ! Ce concours des génies et des merveilles de l’art renou
463
e d’ensemble assurément sans précédent, et qui ne
sera
pas seulement rétrospective, si elle nous aide et nous anime à mieux
464
e à mieux comprendre d’où nous venons, où nous en
sommes
, où nous allons… Mais la riposte, ici, transcende le défi. Elle le ré
465
le le réduit au rôle épisodique qui, précisément,
fut
toujours celui des pouvoirs politiques, de leurs goûts et de leurs ce
466
ose bien d’autres problèmes. Le premier me paraît
être
celui de la prise de conscience d’une époque non par ses héritiers, m
467
dont la fonction, selon l’oracle sibyllin, devait
être
de restaurer ou de maintenir la cité dans sa gloire. Une telle concen
468
pénétrant les structures de l’Inconscient. Qu’il
soit
peintre, poète ou conteur, plus il s’avance dans ce domaine, plus il
469
t la notion nouvelle d’optimum ? Faut-il se faire
soit
monstre, soit vedette — ou bien tenter de se faire classique ? Autre
470
uvelle d’optimum ? Faut-il se faire soit monstre,
soit
vedette — ou bien tenter de se faire classique ? Autre paralogisme de
471
e compensations, ou bien l’un des deux phénomènes
serait
-il la rançon de l’autre ? Sommes-nous dans une situation globale de d
472
deux phénomènes serait-il la rançon de l’autre ?
Sommes
-nous dans une situation globale de disjonctions irrémédiables, de div
473
emble exposées dans Paris. Le choix de la ville n’
est
pas sans signification. Paris fut, pendant ce demi-siècle, le lieu gé
474
x de la ville n’est pas sans signification. Paris
fut
, pendant ce demi-siècle, le lieu géométrique de l’aventure moderne :
475
époque : la réponse qu’elle apporte, d’une part,
est
, de l’autre, une remise en question. 12. « Picasso ne crée pas ses
476
enov, Les Deux Cultures, Moscou, 1947. Ce Kemenov
était
à l’époque président de la VOKS, c’est-à-dire chef des relations cult
477
ulturelles de l’URSS avec l’étranger. Sa brochure
est
un texte officiel, répandu à des millions d’exemplaires.
478
d’un temps libre pour méditer, pour publier, pour
être
lu. Il a besoin d’une postérité, d’un espace vital historique. Or, no
479
our sauver cette visée, cette possibilité : elles
sont
devenues problématiques. Troisième raison : jamais les hommes n’avaie
480
s. Troisième raison : jamais les hommes n’avaient
été
aussi conscients d’une menace immédiate et totale sur leur culture, l
481
nce. Vous savez tous de quoi je parle et que ce n’
est
pas seulement de la Bombe. Jamais les hommes, et particulièrement les
482
s hommes, et particulièrement les créateurs, ne s’
étaient
sentis visés aussi précisément à la tête et au cœur. Si nous sommes r
483
s aussi précisément à la tête et au cœur. Si nous
sommes
réunis ce soir sur ce plateau, au lieu d’être à nos tables de travail
484
s sommes réunis ce soir sur ce plateau, au lieu d’
être
à nos tables de travail, comme nous l’eussions tous préféré, c’est sa
485
erie, c’est parce que nous avons reconnu que nous
sommes
visés, que notre fonction dans la cité est menacée, notre avenir mis
486
ous sommes visés, que notre fonction dans la cité
est
menacée, notre avenir mis en question. Nous sommes là pour vous avert
487
é est menacée, notre avenir mis en question. Nous
sommes
là pour vous avertir, pour vous montrer que nous sommes décidés à la
488
là pour vous avertir, pour vous montrer que nous
sommes
décidés à la défense, à la riposte. Écoutez-nous, non pas du tout com
489
es hommes qui ont à vous dire ceci : c’est qu’ils
sont
prêts à accepter leur rôle dans un combat qui est aussi le vôtre, et
490
ont prêts à accepter leur rôle dans un combat qui
est
aussi le vôtre, et dont l’enjeu nous dépasse tous. II Il ne saurait ê
491
dont l’enjeu nous dépasse tous. II Il ne saurait
être
question de tirer de nos quatre débats et de nos deux conférences des
492
nelles faisant le point d’une évolution dont nous
sommes
à la fois les sujets et les objets. Je me bornerai donc à souligner u
493
. Tous les sujets que nous avons discutés, que ce
soit
l’écrivain dans la cité, l’isolement de l’artiste au temps des moyens
494
communion que je voudrais dire quelques mots. Il
est
trop clair qu’aucun de nous ne se risquerait à en donner la recette.
495
ur d’un peuple, que vaut sa communion, quand elle
est
établie par la police au prix d’un homme sur dix dans les camps sibér
496
uand ils savent que deux d’entre eux probablement
sont
des mouchards, et que le dixième homme est dans un camp ? Pitié pour
497
ement sont des mouchards, et que le dixième homme
est
dans un camp ? Pitié pour eux ! Car ils ignorent sans doute l’étendue
498
t la vraie visée de la tyrannie dans laquelle ils
sont
nés13. Mais nous ? Nous qui avons parmi nous des témoins, des victime
499
ir de nous informer, de dire et de crier, nous ne
sommes
plus pardonnables de nous taire. Alors, que faire ? Tout d’abord prot
500
at ; question de salubrité publique, quelle qu’en
soit
l’efficacité. L’Œuvre du xxe siècle a protesté dans son ensemble con
501
plices. Elle a protesté au double sens du mot qui
est
à la fois refus et témoignage. Notre concert inaugural dans une églis
502
moignage. Notre concert inaugural dans une église
était
dédié à la mémoire des victimes de toutes les tyrannies du xxe siècl
503
aussi brutale ou insinuante ! » Au contraire, je
suis
convaincu que nous approuvons tous ici cette excellente définition de
504
rler, parce que — disons-le bien franchement — il
est
gênant de parler de cela quand on y croit, dans un tel lieu, et sous
505
ansition, en visant le cœur du problème. Que nous
soyons
ici chrétiens ou non, nous sommes tous tenus de constater le fait his
506
blème. Que nous soyons ici chrétiens ou non, nous
sommes
tous tenus de constater le fait historique que voici : la plus vaste
507
ous soyons ici chrétiens ou non, nous sommes tous
tenus
de constater le fait historique que voici : la plus vaste communion j
508
ibre par les modes d’adhésion qu’elle implique, s’
est
faite autour, non pas d’une idée, d’une doctrine, ou d’un système de
509
dividuel, autour d’un seul, autour d’un homme qui
est
mort dans l’isolement total, dans la révolte la plus intransigeante c
510
’injustice du monde, abandonné des hommes — et ce
serait
peu — abandonné de Dieu lui-même. N’oublions pas que là, et là seulem
511
ividuel. Pour terminer, une simple citation. Elle
est
d’un Espagnol, c’est dire qu’elle frappe une de ces notes d’éloquence
512
notre siècle, s’intitule : D’où venons-nous ? Où
sommes
-nous ? Où allons-nous ? Je n’imagine pas de meilleur motto pour cette
513
débats pendant quatre journées mémorables. Où en
sommes
-nous, nous autres Européens de 1953 ? Une phrase prononcée l’an derni
514
rité de 160 millions. » La raison de ce paradoxe
est
des plus simples. Nous ne nous sentons pas en réalité, 330 millions d
515
a réalité vivante et dans les cœurs, ce qu’elle n’
est
aujourd’hui que dans l’arithmétique. Que manque-t-il à l’Europe pour
516
t la conscience aussi des ressources immenses qui
sont
là, dont elle peut disposer — à la seule condition de s’unir. Une pr
517
isés. Comment réduire ces résistances là où elles
sont
, dans les esprits et dans les cœurs ? Comment réveiller l’opinion ? L
518
périence, une quinzaine de publicistes réputés se
sont
réunis, — un par membre du Conseil de l’Europe — afin de rechercher e
519
ouveau, vous le voyez. Mais je sais bien que vous
êtes
surtout curieux des résultats pratiques de ces quatre journées. Perme
520
s esprits et des tempéraments aussi variés que le
sont
les vingt-deux peuples de l’Europe et les familles intellectuelles qu
521
lectuelles qui les composent. Cet homme, de plus,
étant
un écrivain qui n’est pas absolument sans idées sur les sujets traité
522
sent. Cet homme, de plus, étant un écrivain qui n’
est
pas absolument sans idées sur les sujets traités, s’est vu contraint
523
s absolument sans idées sur les sujets traités, s’
est
vu contraint par sa fonction présidentielle dans ces débats, d’accord
524
ous apporter ici le récit objectif des joutes qui
furent
livrées par vingt-et-un chevaliers autour de cette moderne table rond
525
ormer en moi. Le souci dominant de la table ronde
était
de dégager, pour nos contemporains, une large vision de notre situati
526
perficielles. Le diagnostic ainsi posé, nous nous
sommes
tournés vers l’avenir : où allons-nous ? Et c’est M. Robert Schuman q
527
ts communs qui peuvent unir les Européens. Car ce
sont
beaucoup moins leurs origines que les buts qu’ils regardent ensemble,
528
eau, permettant de mettre en commun ce qui doit l’
être
pour bien marcher, afin de mieux faire vivre et de sauver ce qui doit
529
ste du monde. Un seul exemple : le nationalisme a
été
notre invention commune. Nous l’avons communiqué, « donné » au monde
530
de entier et cette liqueur tout d’abord enivrante
est
bientôt devenue poison. C’est à nous qu’il appartient donc, aujourd’h
531
ces. Il faut le dire à nos contemporains. Mais ce
seront
des sacrifices raisonnables, les conditions premières, les premiers p
532
sanctuaire. Chute immense, dont la cause directe
fut
le refus d’un sacrifice minime. Les croisés, débarqués devant Constan
533
refusant de faire le pool patriotique des faibles
sommes
qui devaient assurer leur salut. L’assaut fut décidé après des mois d
534
sommes qui devaient assurer leur salut. L’assaut
fut
décidé après des mois d’attente, Byzance fut mise à sac. Les produits
535
saut fut décidé après des mois d’attente, Byzance
fut
mise à sac. Les produits du pillage s’élevèrent après trois jours à p
536
s richesses de Byzance, enfin « mises en commun »
furent
emportées par l’occupant. Il dépend de vous. Messieurs de la Table ro
537
bourgeoise ? Le terme de « culture bourgeoise » a
été
largement employé au cours des émeutes de mai 1968. D. de R. — Il n’y
538
lture ouvrière. Il y a une culture européenne. Je
suis
tout à fait d’accord avec Toynbee qui dit que la plus petite unité d’
539
nité d’étude intelligible qu’on puisse considérer
est
une civilisation de dimension continentale. Nous parlons de culture f
540
es nuances de langue. D’abord, toutes nos langues
sont
parentes, ensuite toutes les formes générales de la culture ou partic
541
particulièrement de la littérature, par exemple,
sont
communes à tous les Européens. La division de la culture est apparue
542
s à tous les Européens. La division de la culture
est
apparue avec l’école obligatoire et la presse. On a fabriqué le natio
543
siècle. En peinture, voyez comme l’École de Paris
est
peu française : Picasso, Chagall, Van Dongen, Modigliani, Soutine, Ma
544
Modigliani, Soutine, Max Ernst… Et la culture, qu’
est
-ce que c’est ? R. — La culture occidentale repose sur l’héritage gréc
545
urs actuels de cette culture. Depuis cent ans, ce
sont
essentiellement des bourgeois. Ce qui n’empêche pas les ouvriers d’av
546
urgeois que les bourgeois cultivés. L’avant-garde
est
toujours sortie de la bourgeoisie. Le communisme a toujours condamné
547
n seul représentant de l’art pompier, parce qu’il
est
au pouvoir, là-bas, depuis cinquante ans. Le pompiérisme qui tranquil
548
pompiérisme qui tranquillise les gouvernements n’
est
pas toujours bourgeois, mais il est toujours gouvernemental, dans tou
549
uvernements n’est pas toujours bourgeois, mais il
est
toujours gouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie est une c
550
ouvernemental, dans tous les pays. La bourgeoisie
est
une classe qui a été et qui est encore au pouvoir dans la plupart des
551
ous les pays. La bourgeoisie est une classe qui a
été
et qui est encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est
552
s. La bourgeoisie est une classe qui a été et qui
est
encore au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’est pas elle qu
553
re au pouvoir dans la plupart des pays, mais ce n’
est
pas elle qui donne ce ton-là, puisque vous le retrouverez dans toutes
554
les dictatures communistes. Pensez-vous que nous
sommes
entrés dans une ère de révolutions ? R. — Il y a une nécessité révolu
555
lus. Ne pensez-vous pas que les revendications ne
sont
pas assez bien formulées ? R. — C’est exact. On dit n’importe quoi, p
556
ôt leur dire de créer une nouvelle Université qui
soit
digne de ce nom. Vers quoi va l’homme ? une mutation tant physique qu
557
ais vers quoi je voudrais qu’on aille. Le progrès
est
l’augmentation des risques humains, c’est-à-dire des possibilités de
558
de choix laissées à chaque individu. Le progrès n’
est
pas dans le fait (absolument invérifiable et très peu probable) d’un
559
, civilisations, nous savons aujourd’hui que nous
sommes
mortelles ». C’est doublement inexact : en premier lieu, la civilisat
560
lles. En second lieu, la civilisation occidentale
est
la seule qui ait conquis le monde entier. Si on déclare qu’elle va mo
561
e. — Et la Chine ? R. — Encore faudrait-il que ce
soit
une civilisation vraiment différente, et qui ait de meilleures soluti
562
tre marxisme et maoïsme ? R. — Le maoïsme prétend
être
le vrai marxisme. Mais, c’est un mélange de marxisme, d’anti-marxisme
563
sumés par les meilleurs. Une révolution sanglante
est
une révolution mal préparée. La seule qui pourrait réussir serait cel
564
ution mal préparée. La seule qui pourrait réussir
serait
celle qui apporterait un ordre nouveau, prêt à prendre la relève du d
565
bli ». Ces conditions idéales n’ont encore jamais
été
réalisées. La Révolution française a abouti à la tyrannie napoléonien
566
rannie napoléonienne. Les révolutions de 1848 ont
été
écrasées ou bien ont abouti, par les nationalismes, à la guerre de 19
567
r personnel finit toujours mal. » Bon. Mais qu’en
est
-il du pouvoir impersonnel ? Le cas des quatre Républiques françaises
568
el ? Le cas des quatre Républiques françaises qui
étaient
des pouvoirs impersonnels nous instruit. La première a abouti à Napol
569
ions ? R. — Je ne crois pas que les civilisations
soient
comme les plantes, qui poussent, donnent des fruits, se fanent et meu
570
née en Europe recouvre la terre entière ; elle n’
est
pas à la merci de forces extérieures qui pourraient la détruire. Elle
571
la détruire. Elle s’alimente par elle-même. Elle
est
devenue une force de production et d’autocritique extraordinaire. Je
572
roduction et d’autocritique extraordinaire. Je ne
suis
pas pessimiste à son sujet, mais je le suis en ce qui concerne les ef
573
Je ne suis pas pessimiste à son sujet, mais je le
suis
en ce qui concerne les effets de ce que l’homme, indépendamment de la
574
pas que l’homme devient esclave des machines ; il
est
esclave de certaines de ses tendances qui prennent les machines comme
575
comme paravent ou cible de projection. L’homme n’
est
pas esclave de sa voiture, il est esclave de sa vanité sociale. Quell
576
tion. L’homme n’est pas esclave de sa voiture, il
est
esclave de sa vanité sociale. Quelle est la responsabilité de l’artis
577
ture, il est esclave de sa vanité sociale. Quelle
est
la responsabilité de l’artiste dans un monde en transformation ? R. —
578
i perd ses mesures, la fonction de l’art pourrait
être
d’illustrer des mesures nouvelles des modèles efficaces pour la sensi
579
s, aux névroses et aux psychoses de l’époque, ils
sont
les ludions de l’inconscient collectif, ils en traduisent et révèlent
580
tenter d’agir sur l’époque dans la mesure où elle
est
guidée par des idées, des concepts, des angles de vision qu’on lui pr
581
ode anarchique que traverse notre siècle a-t-elle
été
préparée ? R. — Je vous dirai sans trop réfléchir : par le nationalis
582
’étudier après coup d’histoire de mon temps, ce n’
est
pas mon souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le pa
583
n souci, ni ma vocation. Ce qui m’intéresse, ce n’
est
pas le passé de notre désordre, mais les moyens d’en sortir. C’est-à-
584
z pas si je crois que cela réussira : car nous ne
sommes
pas là pour essayer de prévoir l’avenir, mais pour le faire, disons d
585
in), c’était la politique du pessimisme actif. Qu’
est
-ce que cela veut dire ? C’est en somme une morale du risque assumé, d
586
r l’esprit, et de la vocation personnelle. Je m’y
tiens
et l’époque fera ce qu’elle pourra… Après tout, le but de la société
587
u’elle pourra… Après tout, le but de la société n’
est
pas la société elle-même, mais la personne, c’est-à-dire l’homme, à l
588
15. Antimarxisme : Marx voulait que la révolution
soit
le fait de l’infrastructure ; Mao déclenche une révolution « culturel
589
voilà qui va de soi et personne ne demandera quel
est
le lien entre ces matières et la préparation civique des élèves. Mais
590
ne du jeu — et les dures nécessités concrètes qui
sont
celles de la vie publique et civique, domaine du sérieux. Ce problème
591
s jeunes gens confiés à votre enseignement. ⁂ Qu’
est
-ce que le civisme ? On peut le définir d’un seul mot, qui est le mot
592
e civisme ? On peut le définir d’un seul mot, qui
est
le mot clé de la doctrine de Proudhon, ancêtre des fédéralistes europ
593
des réalités politiques, afin que l’Europe puisse
tenir
sa juste place dans la communauté globale du genre humain. Le civisme
594
ssif ou réceptif, l’autre actif et militant. Ce n’
est
pas seulement prendre sa part, c’est aussi apporter sa part, et non p
595
se manifester activement dans la communauté, à y
tenir
sa place selon ses dons et ses possibilités, en tant que citoyen à la
596
aison nécessaire. Juridiquement, un homme ne peut
être
tenu pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il était libre au
597
nécessaire. Juridiquement, un homme ne peut être
tenu
pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il était libre au mome
598
pour responsable que si l’on peut démontrer qu’il
était
libre au moment où il a signé tel document, commis telle action, et q
599
ment, un homme ne saurait se sentir et ne saurait
être
vraiment libre, si ce n’était pour faire quelque chose ou pour refuse
600
sentir et ne saurait être vraiment libre, si ce n’
était
pour faire quelque chose ou pour refuser de le faire, le libre choix
601
ise et s’actualise dans la responsabilité, que ce
soit
pour le bien ou le mal, pour l’honneur ou le châtiment. L’irresponsab
602
pour l’honneur ou le châtiment. L’irresponsable n’
est
pas libre, et celui qui agit sous contrainte n’est pas responsable. C
603
st pas libre, et celui qui agit sous contrainte n’
est
pas responsable. Cette liaison fondamentale et indissoluble de la lib
604
ndissoluble de la liberté et de la responsabilité
est
le trait caractéristique du civisme européen. Elle représente la sant
605
de la démocratie, dont les deux maladies typiques
sont
l’individualisme anarchique et le collectivisme tyrannique. Dans le p
606
yrannique. Dans le premier cas, l’homme renonce à
être
responsable, dans le second, il est privé de sa liberté. Ni dans le p
607
me renonce à être responsable, dans le second, il
est
privé de sa liberté. Ni dans le premier, ni dans le second, il ne sau
608
dans le premier, ni dans le second, il ne saurait
être
considéré comme un citoyen véritable. De ces définitions de base résu
609
s les civilisations sacrées et les totalitaires n’
est
en somme qu’un immense catéchisme, un apprentissage des règles et des
610
t critique. Ainsi le rôle de l’éducateur européen
est
double : d’une part inculquer à l’élève les lois et conventions de la
611
bre initiative personnelle. Ces deux exigences ne
sont
contradictoires qu’en apparence. Elles sont en réalité complémentaire
612
es ne sont contradictoires qu’en apparence. Elles
sont
en réalité complémentaires, elles ne font que traduire la dialectique
613
alitaires, dans lesquelles il s’agit avant tout d’
être
conforme, d’obéir strictement aux modèles collectifs, imposés par déc
614
ouvoir. Éduquer un enfant, au sens européen, ce n’
est
pas seulement conditionner son esprit mais l’alerter ; ce n’est pas s
615
ent conditionner son esprit mais l’alerter ; ce n’
est
pas seulement lui donner des réflexes mais lui apprendre à réfléchir
616
réflexes mais lui apprendre à réfléchir ; et ce n’
est
pas seulement l’introduire dans la sécurité de l’orthodoxie (religieu
617
n de compte. ⁂ Si nous demandons maintenant ce qu’
est
la culture, nous allons voir que sa définition formelle ressemble étr
618
chefs-d’œuvre, apprendre quand et comment ils ont
été
créés, dans quel contexte historique, à quelles fins religieuses et s
619
uter ces chefs-d’œuvre. Mais cet apprentissage ne
sera
efficace que si l’élève est initié à quelques rudiments des technique
620
cet apprentissage ne sera efficace que si l’élève
est
initié à quelques rudiments des techniques artistiques qui ont permis
621
nt acquis une idée de la manière dont tout cela a
été
fait, il lui viendra le désir de le faire à son tour. Il commencera n
622
e : l’imitation correcte des modèles orthodoxes n’
est
pas sa fin, comme elle le serait pour un danseur hindou, par exemple,
623
odèles orthodoxes n’est pas sa fin, comme elle le
serait
pour un danseur hindou, par exemple, qui doit exécuter exactement les
624
officiel sous Staline. L’imitation, en Europe, n’
est
qu’un moyen de maîtriser une technique de telle sorte que la personna
625
ré. Dès la Renaissance donc, le créateur européen
est
celui pour qui l’art n’est plus seulement l’illustration des vérités
626
, le créateur européen est celui pour qui l’art n’
est
plus seulement l’illustration des vérités orthodoxes, et des symboles
627
un poète, un musicien, veut d’abord dire ce qu’il
est
seul à pouvoir dire (surtout à partir du romantisme), mais en même te
628
même temps il publie, il expose, il ambitionne d’
être
joué en public, c’est-à-dire qu’il cherche aussi l’approbation et la
629
toyen actif ou de l’artiste créateur, le problème
est
le même dans sa forme et dans ses étapes dialectiques. Il s’agit d’ab
630
requises pour maintenir cet équilibre en tension
sont
les mêmes dans les deux cas, et les déviations inévitables, rompant l
631
les déviations inévitables, rompant l’équilibre,
sont
comparables, terme à terme. ⁂ Revenant maintenant aux problèmes plus
632
angements, unité dans la diversité, semblent bien
être
les constituantes d’une culture vivante, et plus spécifiquement d’une
633
que leurs sources et modèles ! L’Ulysse de Joyce
est
une transposition de l’Odyssée au xxe siècle, et Picasso, parti de T
634
statues crétoises, etc. Jamais un siècle n’avait
été
plus farouchement iconoclaste que le nôtre, jamais aucun n’avait ress
635
vres du passé européen et même mondial. Ceci donc
est
typique de l’Europe : la présence et l’action simultanées de la tradi
636
peut en donner d’innombrables exemples, mais ils
seront
rarement aussi parlants et convaincants que les chefs-d’œuvre de nos
637
tionalisme ; et chacun sait que le nationalisme a
été
propagé par l’École et ses manuels depuis le milieu du xixe siècle.
638
tinctes, autonomes et rivales. Cette conception n’
est
pas seulement responsable des guerres absurdes, justifiées aux yeux d
639
nt l’école locale ou régionale dans laquelle il s’
est
formé. Qu’il s’agisse de musique, de peinture, d’architecture, de phi
640
a religion qui les inspira toutes au départ, il n’
est
pas une seule branche de notre culture qui ne résulte de mille échang
641
s relâche et en toute occasion à vos élèves, ce n’
est
pas seulement faire de l’histoire honnête, après un siècle de falsifi
642
vité de tous Pendant longtemps, lire et écrire
fut
réservé aux clercs, puis à une élite restreinte. Puis il y eut l’inst
643
Et de même, dans nos démocraties, tout homme peut
être
un citoyen. Pourquoi l’art serait-il seul à rester une spécialité de
644
, tout homme peut être un citoyen. Pourquoi l’art
serait
-il seul à rester une spécialité de luxe, réservée aux seuls artistes
645
rs que la vie quotidienne et la cité ont besoin d’
être
aménagées esthétiquement autant que socialement et politiquement. L’e
646
ent de l’histoire des arts, depuis le romantisme,
est
dominé par la notion de chefs-d’œuvre ou d’œuvre individuelle faisant
647
atailles, des règnes, des traités. Ainsi, l’on en
est
venu à séparer radicalement « l’artiste » de la masse de ceux qui aur
648
professionnels, ou d’en parler. Or une culture n’
est
pas vivante et n’est pas saine, si elle reste l’activité des seuls ar
649
’en parler. Or une culture n’est pas vivante et n’
est
pas saine, si elle reste l’activité des seuls artistes, savants ou éc
650
avants ou écrivains professionnels, tout le reste
étant
passif et en dehors du coup. Une culture saine doit être vivante dans
651
ssif et en dehors du coup. Une culture saine doit
être
vivante dans chaque membre de la communauté. Tout le monde n’a pas be
652
ante dans tous nos programmes scolaires. Car s’il
est
vrai comme le disait Pascal que le principe de toute morale est de bi
653
le disait Pascal que le principe de toute morale
est
de bien penser ; il faut dire aussi que le principe de toute culture,
654
r. Thème conclusif L’art, comme le civisme,
est
un moyen de s’exprimer librement en tant qu’homme responsable — selon
655
thème de ce stage il y a deux ans, parce que j’en
étais
venu depuis longtemps à penser que l’écologie, art et science des équ
656
et son milieu (tant social et urbain que rural),
est
le plus grand problème politique de ce siècle. Aujourd’hui je voudrai
657
buts de la vie sociale et personnelle. Or choisir
est
l’acte politique par excellence : gouverner, c’est prévoir — prévoir
658
cibels, troubles nerveux chez les enfants.) 3. Il
serait
faux d’en conclure que l’homme a de la haine pour la nature. Simpleme
659
mplement : il ne fait pas attention, obsédé qu’il
est
par le profit, par les gains immédiats. C’est cette attitude qui est
660
ar les gains immédiats. C’est cette attitude qui
est
préoccupante, foncièrement incivique. Car le civisme, c’est en somme
661
uilibre dynamique entre le citoyen et la cité. Il
serait
également faux de penser que la nature est bonne, l’homme mauvais. To
662
Il serait également faux de penser que la nature
est
bonne, l’homme mauvais. Toute une série de catastrophes dans les six
663
e comprendre que la guerre qu’il fait à la nature
est
faite en réalité à l’homme lui-même. Si un homme n’a pas de respect p
664
équilibres sociaux et naturels. 4. Si l’écologie
est
liée au civisme, est-elle liée à l’Europe ? Oui, et pour deux raisons
665
t naturels. 4. Si l’écologie est liée au civisme,
est
-elle liée à l’Europe ? Oui, et pour deux raisons majeures : — l’idée
666
— l’idée d’équilibre dynamique, l’idée de mesure,
est
essentiellement européenne, grecque d’abord. Elle le demeure face à l
667
nomiques, réalités supranationales qui ne peuvent
être
observées, prévenues ou maîtrisées qu’à une échelle au moins continen
668
pollution du Rhin qui affecte la Hollande : elle
est
causée par des industries suisses, françaises, allemandes, belges. —
669
, déplacés à grands frais sur une falaise élevée,
sont
érodés par les vents de sable, rongés par l’humidité, et menacés de d
670
ques et psychologiques ? — la priorité doit-elle
être
donnée au niveau de vie quantitatif (productivité, salaires, pouvoir
671
Car dans le concret de l’existence actuelle, nous
sommes
constamment obligés à des choix difficiles. Deux exemples : — Au cœur
672
pur des grands sommets, la vallée de la Maurienne
est
un bouillon de culture. Les cheminées de deux usines d’aluminium lâch
673
, Carcassonne et les villages des environs ont dû
être
ravitaillés par des camions-citernes. L’enquête est délicate : l’usin
674
e ravitaillés par des camions-citernes. L’enquête
est
délicate : l’usine soupçonnée fait vivre toute la haute vallée. 6. On
675
de l’expansion économique. La collectivité locale
est
une institution caractérisée par des finances et un pouvoir d’imposit
676
sauvegarder l’environnement et sa qualité doivent
être
harmonisées dans la mesure nécessaire au niveau européen. La Confére
677
nt en Europe. Je relève que le niveau national n’
est
pas mentionné. La Conférence propose également que le Conseil de l’E
678
raisonnablement exempts de pollution, le droit d’
être
protégé contre les bruits excessifs et les autres nuisances, enfin le
679
amènerez à choisir l’Europe qu’ils souhaitent. Ce
sera
vraiment là « faire l’Europe », c’est-à-dire faire de l’Europe, tâche
680
guement marchandés entre États « souverains ». Ce
sera
aussi la meilleure occasion de leur faire sentir, dans le concret de
681
la fabrication des nouvelles et des faits19 Qu’
est
-ce qu’une nouvelle ? — Admettons-le avec l’homme de la rue et le dern
682
discours bénisseurs remplaçant les nouvelles. Il
est
clair que dans cette optique, les nouvelles sont les événements, ceux
683
l est clair que dans cette optique, les nouvelles
sont
les événements, ceux-ci n’ayant pas d’existence hors de celles-là. Un
684
s d’existence hors de celles-là. Une nouvelle, ce
serait
donc ce qu’une agence rédige à l’occasion d’un fait réel ou fabriqué,
685
e réduit au bout du compte. Car c’est bien compte
tenu
de ces informations que se décide la politique de nos États ; que vot
686
réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’
est
faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que pour
687
n n’est faite que par la presse et la radio, et n’
est
souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maî
688
t n’est souvent faite que pour elles. Les agences
seraient
donc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles sont irresponsabl
689
nc nos vrais maîtres ? C’est trop dire. Car elles
sont
irresponsables. Trois exemples. — On dit un peu partout — livres, ar
690
films — que le mouvement pour l’union de l’Europe
est
né le 1er septembre 1946 d’un discours de Churchill, à Zurich. En vér
691
rs de Churchill, à Zurich. En vérité, Churchill s’
était
borné à conseiller l’union de la France et de l’Allemagne, l’Angleter
692
on de la France et de l’Allemagne, l’Angleterre n’
étant
pas nommée ni impliquée. Sensation dans la presse, mais aucune suite
693
manchettes à Staline, questionné sur la paix — il
est
pour — par quelque journaliste américain. Cette interview datait de p
694
nt le lancement réussi de leur satellite. Le fait
est
là. On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’est pas volée. L
695
On lui donne toute sa place, qui pour une fois n’
est
pas volée. La presse américaine réplique sans hésiter : elle « constr
696
d’un échec. Les conclusions que le monde en tire
sont
fausses, car l’échec du petit pamplemousse est moins celui des USA qu
697
e sont fausses, car l’échec du petit pamplemousse
est
moins celui des USA que celui de leur presse excitée. (Quand les Russ
698
elle-même, sans nulle enquête sérieuse, de ce qui
sera
vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, e
699
ngtemps en France, dans une revue spécialisée. Il
est
exclu d’accélérer des particules « à la vitesse de la lumière ». Et l
700
r rang — a fait deux fois mieux que la Russie, ce
serait
rassurer le lecteur. Mais les journaux se vendent mieux en temps de c
701
ard du jour : combien coûte la guerre d’Algérie ?
Est
-il vrai que cette dépense explique la crise actuelle, qu’on prétend s
702
milliards que lui opposa le président du Conseil,
tient
pour incontestable le chiffre de 362 milliards cité par M. Monteil à
703
fféremment — et qui peut me dire d’abord lesquels
sont
vrais, ensuite ce qu’il serait juste d’en conclure quant au déficit b
704
ire d’abord lesquels sont vrais, ensuite ce qu’il
serait
juste d’en conclure quant au déficit budgétaire, à la politique algér
705
commentateur qui osera se taire jusqu’à ce qu’il
soit
certain de savoir ce qu’il en est. Mais je les vois presque tous juge
706
squ’à ce qu’il soit certain de savoir ce qu’il en
est
. Mais je les vois presque tous juger selon leurs « croyances », comme
707
les faits ne comptaient pas, ou pire : comme s’il
était
suspect de s’en soucier. — Quoi ? nous parler de chiffres quand il s’
708
scandales qui déchirent notre nation et que nous
sommes
là pour dénoncer. On peut aussi considérer que la politique requiert
709
amais rien construit. Ces vertus, par malheur, ne
sont
pas éloquentes. Et ceux qui les cultivent se voient bientôt conduits
710
t bientôt conduits dans un ordre d’action où ce n’
est
plus la dent dure mais la vision lucide et la main ferme qui assurent
711
succès. Apprendre à lire. — Les correspondants
sont
honnêtes : ils disent en général ce qu’ils ont entendu. C’est leur ag
712
otes des députés et les cotes de la Bourse. Telle
est
la base de la plupart de nos convictions politiques, dans la mesure —
713
rivales : ce procédé qui obsède encore les foules
est
périmé. Ce n’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en
714
édé qui obsède encore les foules est périmé. Ce n’
est
plus l’exactitude des nouvelles publiées qui est en question, mais le
715
’est plus l’exactitude des nouvelles publiées qui
est
en question, mais leur choix, leur présentation, et ce que l’on a con
716
à tout instant, seuls des cerveaux électroniques
seraient
capables de dégager certaines résultantes plus valables. Mais qui don
717
rver dans le choix fabricateur des « faits » ? Ce
serait
précisément une politique. Si l’on y parvenait, d’ailleurs, l’informa
718
, l’information devenant une science exacte, c’en
serait
fait des dernières libertés qui nous restent — celle de ne pas croire
719
stance critique des esprits exposés à la presse n’
est
pas seulement possible mais indispensable. Je demande qu’on institue
720
e d’aujourd’hui20 Le mythe de la tour de Babel
est
resté l’un des plus vivants, des plus actuels, et aussi des plus ango
721
e d’Europe. Sa meilleure interprétation me paraît
être
celle que Dante en a donnée dans son Traité de l’éloquence vulgaire.
722
ces non seulement la Nature mais le Naturant, qui
est
Dieu, et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui fut ensuite a
723
et il entreprit d’édifier une tour à Sennaar, qui
fut
ensuite appelée Babel, ce qui veut dire confusion. Grâce à cette tour
724
quait à une tâche particulière. Jusqu’à ce qu’ils
fussent
frappés par le Ciel et jetés dans une confusion telle que tous ceux q
725
jetés dans une confusion telle que tous ceux qui
étaient
venus à l’œuvre parlant une seule et même langue, dussent la quitter
726
barius loquuntur). Si bien que les seuls qui s’en
tinrent
à la langue sacrée furent ceux qui avaient refusé de prendre part à l
727
que les seuls qui s’en tinrent à la langue sacrée
furent
ceux qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient tenus
728
qui avaient refusé de prendre part à l’œuvre et s’
étaient
tenus à l’écart, couvrant de sarcasmes la folie des travailleurs et l
729
ent refusé de prendre part à l’œuvre et s’étaient
tenus
à l’écart, couvrant de sarcasmes la folie des travailleurs et les tou
730
si donc, l’origine de la diversité des langues ne
serait
autre que la spécialisation des métiers et par suite des jargons de m
731
gence à grande échelle, d’une part. Les distances
sont
presque annulées par la vitesse des communications. Les nations tende
732
reconnaissent et s’admettent. Déjà l’intégration
est
le mot d’ordre. Demain ce sera le métissage universel, après un certa
733
Déjà l’intégration est le mot d’ordre. Demain ce
sera
le métissage universel, après un certain nombre de conflits peut-être
734
e conflits peut-être atroces, mais dont l’issue n’
est
pas douteuse. Les cultures entrent en dialogue, sur un pied théorique
735
urope a découvert la Terre entière, et personne n’
est
jamais venu la découvrir. L’Europe gréco-romaine et judéo-chrétienne
736
avage. Le Droit des gens valable pour toute race,
est
une création de l’Europe, durant l’époque colonialiste et tout d’abor
737
ia et Suárez, Grotius, Leibniz, Vattel et Kant en
sont
les pères, et je ne leur vois guère de répondants dans les élites d’A
738
Mais en même temps, au cœur de cette culture qui
fut
l’agent de la convergence mondiale, se prononce un mouvement contrair
739
univers du savoir humain, facultés et spécialités
sont
en train de s’éloigner les unes des autres avec une vitesse croissant
740
est dire que la commune mesure d’une civilisation
est
en train de s’évanouir — j’entends par là, sa conception de l’homme u
741
té, aux deux sens primitifs de l’universitas, qui
sont
le sens corporatif, communautaire, et le sens synthétique ou universa
742
synthétique ou universaliste. Nos universités ne
sont
plus guère, en fait, que des agglomérats ou juxtapositions quasi fort
743
t suffire ici : le nombre des étudiants en France
était
de 42 000 en 1924, il est d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit
744
s étudiants en France était de 42 000 en 1924, il
est
d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il sera de 500 000 dans
745
d’environ 280 000 en 1964, et l’on prévoit qu’il
sera
de 500 000 dans une dizaine d’années. L’explosion du savoir est plus
746
dans une dizaine d’années. L’explosion du savoir
est
plus difficile à chiffrer. Robert Oppenheimer nous affirme que 85 % d
747
% des scientifiques, depuis l’aube de l’histoire,
sont
vivants aujourd’hui. Et Louis Armand me disait un jour : « Si vous et
748
lié, nous ne saurions qu’un dixième de ce qu’elle
est
aujourd’hui. » Ces données numériques, que je prends pour images, son
749
es données numériques, que je prends pour images,
sont
probablement vraies en gros dans le domaine des sciences exactes et n
750
eut-être en psychologie ; rien de comparable ne s’
est
produit et ne saurait se produire dans la théologie et la philosophie
751
ormalement quand les informations ne peuvent plus
être
échangées entre les branches du savoir, ou entre les rameaux d’une mê
752
rapportés à quelque unité globale de conception,
soit
originelle soit finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exempl
753
lque unité globale de conception, soit originelle
soit
finale, ne peuvent dès lors plus s’exercer. Un exemple précis illustr
754
d’aujourd’hui, lisant l’œuvre d’un physicien, ne
serait
plus en mesure de le juger comme l’Église jugea Galilée, parce que to
755
ns du physicien et la dogmatique de l’Église doit
être
estimé négatif, positif ou indifférent. J’ajoute que le physicien ne
756
physicien ne saurait pas davantage si sa démarche
est
conforme ou non à la théologie, et fort probablement ne s’en souciera
757
de catastrophe. Après tout, la tour de Babel ne s’
est
pas écroulée sur ses bâtisseurs, ils l’ont seulement abandonnée, ne s
758
pays, paraît plus florissante que jamais : loin d’
être
abandonnée, elle attire une foule croissante de travailleurs et de cu
759
État, plus que jamais, ont besoin d’elle. Si elle
est
devenue trop petite pour ses tâches immédiates, qu’on l’agrandisse !
760
grandisse ! Les crises de croissance n’ont jamais
été
mortelles pour les administrations : elles représentent au contraire
761
son. Mais il y a le point de vue de l’esprit, qui
est
différent. Il accepte assez mal que les routines et l’utilité immédia
762
ici l’interprète. L’incommunicabilité des savoirs
est
ressentie par notre esprit comme une frustration, comme une blessure
763
rcément partielles, susceptibles à tout instant d’
être
mises en question par d’autres disciplines, et qui ne peuvent défendr
764
iquement sur elles-mêmes, en acceptant ainsi de n’
être
plus tout à fait vraies — mais tant pis, cela ne se sait pas encore…
765
identale ? Quel type d’homme a-t-elle en vue ? Il
est
devenu presque impossible de répondre à de telles questions, et c’est
766
ns choix bien motivé sur lequel on s’accorde ? Il
est
vrai que ces questions débordent le seul domaine de l’Université, et
767
ce gênante. Le problème qu’on soulève ici, et qui
est
celui du principe de cohérence de notre civilisation, me paraît absol
768
ra et qu’on trouve ce que l’on trouvera, que cela
soit
compatible ou non avec l’image du monde communément admise. La plural
769
sation de la philosophie et de la recherche qui s’
est
manifestée bien avant la Renaissance, probablement au xiiie et au xi
770
nnes, en Italie puis à Paris. Or rien de tel ne s’
est
produit, autant que l’on sache, dans les cultures sacrées et homogène
771
’Amérique précolombienne. Dans ces cultures, tout
est
sacré. La distinction « sacré-profane » n’existe pas, en ce sens que
772
esse spirituelle, science, éthique et esthétique,
sont
réglées par les mêmes lois et ne connaissent pas de développements pa
773
liers et divergents. L’originalité, pour elles, n’
est
pas vertu, mais atteinte à l’ordre sacré — ou simple erreur d’exécuti
774
passions et vos désirs ? — bien peu d’entre nous
sont
capables de donner une réponse satisfaisante. Le spécialiste se récus
775
relles dans l’Occident christianisé — alors qu’il
est
clair qu’une Asie qui tenait la matière et le corps pour essentiellem
776
istianisé — alors qu’il est clair qu’une Asie qui
tenait
la matière et le corps pour essentiellement illusoires n’allait pas p
777
ter leur ignorance méthodique des domaines qui ne
sont
pas de leur département. Je reprends ici mon exemple du physicien et
778
tion et du Progrès, il faudrait que le théologien
soit
capable de se référer non seulement aux conciles et aux textes sacrés
779
uels sur le temps, la matière et sa constitution,
est
étrangement homologue à celle des grandes querelles théologiques de N
780
és me paraissent assez évidentes. La généralité n’
est
pas une matière enseignable. Elle ne peut vraiment consister que dans
781
ramifications interdisciplinaires de ce que l’on
est
en train d’étudier dans le détail22. La vie est trop courte, même pro
782
n est en train d’étudier dans le détail22. La vie
est
trop courte, même prolongée comme on nous le promet, jusqu’à une moye
783
n consisterait à freiner la spécialisation. Je la
tiens
également pour illusoire. Certes, on peut soutenir que la spécialisat
784
tion du savoir, loin de représenter un progrès, n’
est
littéralement qu’une monstruosité : le développement excessif d’un or
785
i-ci exorbitant : perdre de vue l’ensemble humain
est
une perte absolue, essentielle, que tous les gains partiels, addition
786
la recherche la plus hautement spécialisée qui s’
est
vue conduite par les nécessités internes de son cheminement, à débouc
787
tudiant le principe de l’irréversibilité du temps
est
amené à écrire « qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos est t
788
« qu’une vue physicienne stricto sensu du cosmos
est
trop étriquée ; et que la physique de demain risque de se trouver obl
789
s d’entre eux l’on écrit. Une phrase de Spinoza s’
est
fixée dans mon souvenir dès l’adolescence : D’autant plus nous connai
790
rer : elle me paraît rendre compte du fait que ce
sont
les meilleurs spécialistes, c’est-à-dire ceux qui vont le plus loin d
791
ultats acquis par les spécialités. Toute synthèse
est
un acte créateur, intervenant au carrefour de plusieurs vérités hétér
792
re culture et de nos universités, devrait d’abord
être
confiée à des groupes de chercheurs représentant des disciplines dive
793
ptimum des participants de tels groupes me paraît
être
, à l’expérience de nombreux colloques portant sur des sujets interdis
794
Ce qu’il nous faut enfin, ce qui nous manque, ce
sont
des hommes de synthèse, un type nouveau d’hommes de pensée en qui s’i
795
e la fécondité de leurs interférences. Ces hommes
seront
d’abord des spécialistes, et qui prouveront leur excellence en tant q
796
conscience de ce qu’ils ne peuvent se contenter d’
être
seulement des spécialistes. Favoriser ou fomenter ce type humain, lui
797
utre par des facteurs quantitatifs irréversibles,
serait
de multiplier sans plus tarder le nombre des établissements d’enseign
798
supérieur. D’une part, les universités existantes
seraient
progressivement libérées de leur engorgement, d’autre part les dimens
799
, me semble-t-il, les rapports d’experts qui vous
sont
soumis. Si l’on garde à l’esprit la règle d’or de la culture européen
800
rit la règle d’or de la culture européenne, qui n’
est
rien d’autre que la mesure humaine, le module des relations personnel
801
munautaire et de tout bon travail en commun, l’on
sera
conduit à préférer la multiplication de petites universités à la mult
802
d’un milieu donné, cité, pays ou université. Ce n’
est
pas du tout par hasard que dans le tableau qu’a établi le sociologue
803
million d’habitants d’un pays, de 1901 à 1960, ce
sont
les plus petits pays d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs, s
804
ys d’Europe qui occupent les cinq premiers rangs,
soit
dans l’ordre la Suisse, le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas et la S
805
as plus sur ce point : dans les petits pays, tout
est
petit, y compris les universités. Mais sur le problème de l’explosion
806
rêve, mais rien ne devient jamais réel qui n’ait
été
d’abord rêvé. La multiplication des universités, maintenues dans les
807
: supranationale. J’en imagine le prototype, qui
serait
une tour d’Anti-Babel. Dans un grand parc, près de la mer, ou d’un la
808
vités intellectuelles de cette communauté peuvent
être
définies à grands traits comme suit. Quant à la forme : point de cour
809
es risques et périls : toute déclaration publique
est
obligatoirement suivie d’une discussion réglée. Ici l’on n’impose pas
810
à la même spécialité. Et quant au contenu : seuls
sont
portés au programme les sujets par essence interdisciplinaires. J’ent
811
sciplinaires. J’entends par là : les sujets qu’il
serait
le plus malaisé de traiter dans le cadre de nos facultés classiques.
812
Voici quelques-uns de ceux que, pour ma part, je
serais
heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’étais jugé digne de part
813
rais heureux de pouvoir étudier et discuter, si j’
étais
jugé digne de participer aux activités de la commune : 1. Les options
814
ventions ou découvertes de la science et des arts
sont
-elles apparues ? Part de la gratuité, de la nécessité, des fins utili
815
s Combinatoria. Mais cet Institut de synthèse, ne
serait
-il pas idéalement ce dont on parle un peu partout, plus ou moins bien
816
our fin de recréer l’union dans la diversité, qui
est
la formule de notre grand passé et de notre avenir fédéré, le seul po
817
ans notre monde et plus spécialement eu Europe. N’
étant
ni technicien, ni savant, je me verrai contraint de vous dire des cho
818
institut spécialisé comme le Battelle Memorial s’
est
donné pour mission d’étudier scientifiquement. Mais il n’est jamais i
819
our mission d’étudier scientifiquement. Mais il n’
est
jamais inutile, et il est même parfois indispensable, de prendre de l
820
ntifiquement. Mais il n’est jamais inutile, et il
est
même parfois indispensable, de prendre de la distance par rapport à l
821
he en général ? et Pourquoi le besoin de chercher
est
-il vital pour les Européens ? À la première question, portant sur la
822
de répondre : un homme qui cherche, c’est qu’il n’
est
pas satisfait de ce qu’il a. Mais cette réponse ne vaut que pour le c
823
, par exemple : s’il en trouve une très bonne, il
sera
satisfait, et cessera de mettre des annonces dans le journal. La rech
824
ournal. La recherche dont je voudrais vous parler
est
en réalité tout autre chose. C’est une passion. Et cela revient à dir
825
e passion. Et cela revient à dire qu’elle ne peut
être
satisfaite par aucun résultat concret et limité. L’esprit de recherch
826
L’esprit de recherche a pour caractère décisif d’
être
sans fin ni cesse, d’être indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il
827
our caractère décisif d’être sans fin ni cesse, d’
être
indéfiniment avide. Chaque nourriture qu’il trouve, au lieu de l’apai
828
pétit. On voit par là que l’esprit de recherche n’
est
pas un instinct animal, mais une passion spirituelle. Je ne saurais m
829
ale et définitive. Elle voulait quelque chose qui
fût
au-delà de toute réponse partielle, précise, utile ; au-delà de tout
830
le monde et l’inconnu. Et c’est pourquoi sa faim
était
inextinguible. Seuls les très grands mystiques vont ainsi droit au bu
831
que par l’intelligence mathématique, non par leur
être
tout entier. Et le reste des hommes s’arrête en chemin, plus ou moins
832
formuler l’objet précis de leur recherche, qui n’
est
jamais ceci ou cela seulement, mais un mélange — conscient ou inconsc
833
uer. Ce qu’ils ont en commun, du fait même qu’ils
sont
hommes et non pas simples animaux, c’est le besoin profond de dépasse
834
ces — cet horizon dernier reste le même, quel que
soit
le nom qu’on lui donne ou qu’on se refuse à lui donner. Ayant ainsi
835
de la recherche occidentale. La civilisation qui
est
née en Europe a dominé le monde pendant des siècles. Elle est encore,
836
urope a dominé le monde pendant des siècles. Elle
est
encore, à notre époque, celle qu’on imite partout, même quand on la c
837
u’on imite partout, même quand on la combat. Elle
est
donc encore la plus forte. Pourtant, si on la compare aux autres, pas
838
’en distingue par deux grands traits généralement
tenus
pour des causes de faiblesse : je veux parler d’une certaine incertit
839
ne pense pas que cette inquiétude et ce désordre
soient
accidentels. Je pense même qu’ils remontent aux sources vives de notr
840
sources vives de notre civilisation, et qu’ils en
sont
inséparables. Je les rattache à nos plus grandes traditions : le chri
841
iétude provient de notre foi, et nos incertitudes
sont
créées par la nature même de nos certitudes. Ce paradoxe s’explique d
842
te, pas même un seul » et que pourtant il devrait
être
saint. Il sait que le péché consiste à être séparé de la Vérité vivan
843
vrait être saint. Il sait que le péché consiste à
être
séparé de la Vérité vivante, et que tous les hommes sont pécheurs. Il
844
paré de la Vérité vivante, et que tous les hommes
sont
pécheurs. Il cherche donc. Il cherche à se rapprocher de la vérité et
845
a sainteté. Dans cet effort sans fin ni cesse, il
est
pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il est donc un inquiet per
846
est pourtant soutenu par sa foi dans la grâce. Il
est
donc un inquiet perpétuel, mais qui sait les raisons de son inquiétud
847
t les raisons de son inquiétude ; il sait qu’elle
est
normale, et non désespérée, puisqu’elle est produite par sa foi, c’es
848
’elle est normale, et non désespérée, puisqu’elle
est
produite par sa foi, c’est-à-dire par sa certitude. Prenons ensuite l
849
« vérités » qu’établissent les écoles successives
sont
relatives et provisoires, ont été dépassées l’une après l’autre, et q
850
es successives sont relatives et provisoires, ont
été
dépassées l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’être de la
851
l’une après l’autre, et que pourtant la raison d’
être
de la Science est de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sa
852
e, et que pourtant la raison d’être de la Science
est
de saisir des vérités certaines. Dans cet effort sans fin ni cesse —
853
e — pour s’approcher d’un but toujours fuyant, il
est
soutenu par sa confiance en la raison et l’expérience vérifiante. La
854
ertitudes que l’on croyait acquises, d’autre part
est
le gage d’un progrès vers le vrai. Ainsi donc, du désordre vers un ce
855
tude perpétuelle, dont vous venez de voir qu’elle
est
déterminée par les deux forces principales qui ont produit notre civi
856
miner. (Alors que nous. Européens, n’avons jamais
été
découverts par personne, notez-le bien !) C’est une passion inquiète
857
ans cesse le pouvoir de l’homme sur la nature qui
est
à l’origine des expériences physiologiques, physiques et mécaniques,
858
surtout au xxe siècle, à la technique. Or quel
est
le but final de notre effort technique, considéré dans son ensemble ?
859
progrès, c’est-à-dire de nouvelles recherches. Ce
sont
là perspectives d’avenir, me direz-vous, encore bien éloignées de nos
860
nos réalités quotidiennes. J’en conviens. Mais n’
est
-il pas bon de s’arrêter quelquefois — et l’inauguration d’aujourd’hui
861
é de vous faire voir que le génie de la recherche
est
le génie même de l’Europe. J’ajouterai une dernière remarque : le gén
862
dernière remarque : le génie de la recherche pure
est
la condition nécessaire de la survie de notre Europe. C’est en effet
863
turel et spirituel de notre civilisation. Rien ne
serait
donc plus faux ni plus dangereux, pour nous, que de maintenir des clo
864
ns jamais que la culture pure, la recherche pure,
est
l’origine réelle de nos progrès techniques. J’illustrerai cette derni
865
choses, les turbines c’est sérieux, la culture n’
est
qu’un luxe, et que l’important, c’était de lutter d’abord contre le c
866
sa puissance de la turbine, mais après tout ce n’
est
pas lui qui l’inventa. Qui donc ? J’ouvris une encyclopédie, et trouv
867
technique L’économie occidentale d’aujourd’hui
est
dominée par l’industrie ; or le moteur de notre développement industr
868
par l’URSS et de là, transplantée en Chine, elle
est
devenue, au cours de ces dernières années, non seulement l’idéal, mai
869
pécialistes, et même d’ouvriers qualifiés. L’URSS
est
peut-être la seule exception. Il en résulte qu’on propose un peu part
870
s contradictions définissent notre drame, et ce n’
est
pas seulement le drame de l’Occident, c’est celui de toutes les cultu
871
r ses forces en deux camps : d’une part, ceux qui
sont
prêts à sacrifier la culture générale aux exigences nouvelles de la t
872
ue, et qu’on nomme les réactionnaires, même s’ils
sont
simplement conservateurs. Leur erreur commune consiste à ne pas voir
873
a technique moderne, depuis le xviie siècle, ait
été
la création de l’Europe seule, et par la suite, de ses filiales améri
874
ifie l’effort technique de l’Occident, et quelles
sont
ses racines profondes dans la psyché européenne ? J’ai tenté de répon
875
ulé L’Aventure occidentale de l’homme , et je me
suis
vu amené à établir une chaîne continue, sinon de causes et d’effets,
876
mbe atomique. Voilà qui peut surprendre, mais qui
est
en somme très simple : la religion prépondérante de l’Europe se fonde
877
ope se fonde sur le dogme de l’Incarnation. Or qu’
est
-ce que l’Incarnation, sinon Dieu lui-même, l’Esprit pur, qui choisit
878
jets des recherches de l’esprit. Corps et matière
sont
bien réels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne sont pas une
879
éels aux yeux de l’Occidental christianisé, et ne
sont
pas une simple illusion, une partie du voile de Maya que tout l’effor
880
toute la création, désormais paraissent dignes d’
être
contemplés, comme le dira Kepler, bien plus, d’être transformés par l
881
re contemplés, comme le dira Kepler, bien plus, d’
être
transformés par l’homme spirituel et sauvés, ainsi que l’avait déjà d
882
des fils de Dieu, avec l’espérance qu’elle aussi
sera
affranchie de la servitude de la corruption… pour avoir part à la lib
883
éracité contrôlée et mesurée. Cette synthèse, qui
est
l’œuvre du Moyen Âge, dès le xiiie siècle, produit ses effets à part
884
rs approuvé par les ordres monastiques : laborare
est
orare ; et enfin, la nécessité de survivre dans un coin du monde peu
885
, de celle du feu à celle de la fusée spatiale, n’
est
pas l’histoire de « besoins » qui auraient existé avant ces invention
886
es hasards, les trouvailles par hasard, rêves qui
sont
aussi les grands thèmes directeurs des créations de notre culture. Po
887
Pourquoi l’homme fabrique-t-il des outils ? Quels
sont
donc les motifs profonds de la technique ? Tout le xixe siècle répon
888
istre français, déclare en 1833 que la locomotive
est
« une simple amusette scientifique, sans aucun avenir ». Plus tard, l
889
esoins matériels de l’homme des masses. La vérité
est
simplement inverse : l’homme moyen n’éprouve le besoin de prendre le
890
rt des brevets d’inventions suivis d’exploitation
sont
enregistrés par les bureaux d’études des grandes firmes industrielles
891
ou des offices de recherches militaires. Mais ce
sont
, après tout, de petites inventions, répondant à de petites nécessités
892
ers la Lune et Vénus me suffira. Les plus grandes
sommes
— des milliards de dollars — que dépensent nos plus grands États, son
893
de dollars — que dépensent nos plus grands États,
sont
affectées à la recherche des moyens d’explorer le cosmos. Personne ne
894
en lesquelles rivalisent l’URSS et les USA, ce ne
sont
pas les lois de l’économie et encore moins les besoins matériels — qu
895
rs astronautes quittèrent la Terre. Mais ici nous
sommes
tous témoins qu’il n’en est rien. Comme les rois catholiques furent t
896
rre. Mais ici nous sommes tous témoins qu’il n’en
est
rien. Comme les rois catholiques furent témoins que ce pauvre fou, le
897
s qu’il n’en est rien. Comme les rois catholiques
furent
témoins que ce pauvre fou, leur protégé, Christophe Colomb, ne partit
898
et leurs intentions malicieuses. L’homme moderne
est
-il très différent ? Prenons quelques exemples de ses inventions techn
899
routes, aller jouer… C’est du rêve de voler qu’
est
né l’avion, et non pas de la prévision des avantages commerciaux, tou
900
ales de notre économie. L’histoire du vol d’Icare
est
le récit d’un rêve que presque tous les hommes ont fait une nuit ou l
901
taines d’auteurs depuis trois à quatre-mille ans,
est
de toute évidence antérieur à toute espèce de considération utilitair
902
les routes, et d’aller librement vite et loin, qu’
est
née l’auto. On en trouve le récit détaillé dans l’autobiographie de H
903
, nous dit-il, une « locomotive routière » qui ne
fût
pas astreinte à suivre la loi rigide des voies ferrées et des horaire
904
ampagnes : fantasme typique de l’adolescence, qui
est
l’âge des fugues. Le jeune Ford le réalisa en 1893, quelques années a
905
ur. Celle qui existait au début du xviiie siècle
était
des plus rudimentaires : il fallait qu’un surveillant introduise de t
906
tomation créatrice de loisir. Nul motif attesté n’
est
donc utilitaire, économique ou financier. Ce sont des besoins d’un to
907
’est donc utilitaire, économique ou financier. Ce
sont
des besoins d’un tout autre ordre, psychologiques et moraux, qui ont
908
euilles. Je voudrais observer au surplus que s’il
est
bien certain que l’invention de Ford est née d’un rêve d’évasion hors
909
que s’il est bien certain que l’invention de Ford
est
née d’un rêve d’évasion hors des voies imposées de la civilisation, c
910
voque la liberté de l’individu, cette invention n’
était
certainement pas la mieux adaptée à ses fins, ni la mieux calculée po
911
et quand il faut payer les autoroutes. Si je veux
être
libre de rêver, c’est justement un train que je vais prendre. Dans mo
912
to, rien de pareil : tout ce que je puis lire, ce
sont
des chiffres, des ordres de police routière. Si je mange, ce n’est gu
913
des ordres de police routière. Si je mange, ce n’
est
guère qu’un sandwich. Si je rêvasse, un klaxon me réveille brutalemen
914
les possibilités illimitées de l’imagination : ce
sont
eux qui créent la culture, les arts, les sciences et la littérature.
915
r de rêve, son imagerie et ses orientations — qui
sont
celles de nos découvertes. Je voudrais résumer, ramasser en deux phra
916
int de mon exposé : — notre technique occidentale
est
née du rêve occidental, de ce même rêve qui a créé notre culture ; —
917
rêve qui a créé notre culture ; — la technique n’
est
donc pas un destin objectif et que nous aurions à subir, mais bien au
918
ntraire, elle exprime des vœux profonds dont nous
sommes
responsables. Il en résulte que la culture et la technique ne saurai
919
sulte que la culture et la technique ne sauraient
être
opposées dans leurs sources, au niveau de leur création, puisqu’elles
920
nchaîne l’individu ou si elle le libère ; si nous
sommes
les esclaves de nos machines ou si elles nous servent ; et surtout si
921
l’Élysée, la bombe nous anéantira. Ces questions
sont
très populaires, non seulement dans la presse et chez les publicistes
922
qui pousse à battre la table contre laquelle on s’
est
heurté. La technique n’est pas une puissance indépendante de l’homme
923
e contre laquelle on s’est heurté. La technique n’
est
pas une puissance indépendante de l’homme et qui pourrait se tourner
924
se tourner subitement contre lui. La technique n’
est
pas matérialiste, seul l’homme peut l’être, quand il se laisse aller
925
nique n’est pas matérialiste, seul l’homme peut l’
être
, quand il se laisse aller à ses instincts abâtardis ou quand il se la
926
propres mécanismes psychologiques. La technique n’
est
pas davantage utilitariste, et l’on a vu que, dans sa genèse, elle n’
927
tariste, et l’on a vu que, dans sa genèse, elle n’
est
pas même utilitaire ! L’homme esclave des machines ? Dans la pr
928
listes et par l’opinion moyenne de nos élites, se
sont
mis à se lamenter sur le matérialisme occidental, sur le déclin des v
929
, elle ne fera rien du tout, c’est un objet. Il n’
est
pas d’invention, si utilitaire soit-elle, qui ne puisse être mise au
930
un objet. Il n’est pas d’invention, si utilitaire
soit
-elle, qui ne puisse être mise au service des passions meurtrières de
931
invention, si utilitaire soit-elle, qui ne puisse
être
mise au service des passions meurtrières de l’homme : le couteau de c
932
xemple, moins tragique : l’esclavage du téléphone
est
un des clichés de l’époque. Mais le téléphone, simple appareil, n’a j
933
que chose que vous ne désirez pas manquer. Vous n’
êtes
donc pas esclaves du téléphone, mais de votre seule curiosité. Qu’il
934
la bombe effrayante, ou du téléphone agaçant, ce
sont
nos passions, nos manies, c’est l’homme lui-même qui reste responsabl
935
’a produite. Dire que la machine domine l’homme n’
est
donc qu’une manière de parler, non seulement excessive mais erronée.
936
essive mais erronée. Ce qui par contre n’a jamais
été
une illusion, ni une manière de parler, mais une douloureuse tragédie
937
ur une partie de nos populations occidentales, ce
fut
le sort des travailleurs industriels, de cet immense prolétariat créé
938
aylorisé, travaillant à la chaîne. Et certes ce n’
étaient
pas non plus les machines ou les chaînes de production qui forçaient
939
dentale. Chose étrange et bien remarquable, ce ne
sont
pas les justes indignations d’un Marx, ni l’action politique des part
940
létariat, mais c’est la technique elle-même. Ce n’
est
pas en freinant ses progrès, mais au contraire en les accélérant, que
941
ès, mais au contraire en les accélérant, que nous
sommes
parvenus au seuil d’une ère nouvelle, cette ère qui doit et peut, pro
942
rythme, devient au contraire libérateur dès qu’il
est
poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’être servi, mais seu
943
poussé jusqu’au bout, et qu’il n’a plus besoin d’
être
servi, mais seulement surveillé par l’homme. L’exemple de l’automatio
944
urveillé par l’homme. L’exemple de l’automation n’
est
qu’un symbole : il illustre à peu près idéalement les effets bénéfiqu
945
au bureau, obtenue depuis trois quarts de siècle,
est
d’environ deux-mille heures par an aux États-Unis, et sera fatalement
946
viron deux-mille heures par an aux États-Unis, et
sera
fatalement augmentée à mesure que se développera l’automation. Imagin
947
se créer : voilà le vrai travail humain. Mais il
est
clair que si le temps libre est augmenté, la consommation de la cultu
948
l humain. Mais il est clair que si le temps libre
est
augmenté, la consommation de la culture augmentera elle aussi, et que
949
suite les conditions du producteur de la culture
seront
sensiblement améliorées. Donc, tout ce que la technique permet de gag
950
er sur le temps de travail mécanique et routinier
sera
gagné pour la culture, ou pourra l’être. Nous allons vers un temps où
951
routinier sera gagné pour la culture, ou pourra l’
être
. Nous allons vers un temps où les loisirs deviendront quantitativemen
952
lle, qu’un conflit armé entre deux de nos nations
est
devenu impraticable. Le charbon et l’acier, l’énergie électrique, les
953
es bâtons, des couteaux ? Les bombes atomiques ne
seraient
guère utilisables de nation à nation, en Europe : nous sommes trop pr
954
utilisables de nation à nation, en Europe : nous
sommes
trop près les uns des autres, et celui qui en lancerait une risquerai
955
l’on constate d’autre part que la menace atomique
tient
en mutuel respect les deux empires occidentaux de l’Est et de l’Ouest
956
mutuel respect les deux empires occidentaux de l’
Est
et de l’Ouest, quels ont été les effets de l’expansion technique dans
957
res occidentaux de l’Est et de l’Ouest, quels ont
été
les effets de l’expansion technique dans le reste du monde ? Ici, le
958
ur paraissait inévitable, dans l’ignorance où ils
étaient
de la simple possibilité d’une vie meilleure ou différente. Ils voien
959
ressources dans le même temps : or ces dernières
étaient
déjà beaucoup trop faibles… Voilà le drame, et la menace, plus grave
960
de guerres planétaires ; non pas demain, car ils
sont
encore faibles et démunis, mais après-demain, si une grande nation ay
961
eut faire l’Occident, pour éviter ce désastre qui
serait
bien pire que tout ce que nous faisait redouter la guerre froide au t
962
r de notre superflu pour apaiser la faim du monde
sont
hélas en pleine utopie. Ils entretiennent notre mauvaise conscience s
963
rrir des dizaines de milliards d’humains, ceux-ci
seront
obligés de manger debout — selon les prévisions de nos démographes. O
964
lturel peut seule permettre de la surmonter25. Je
suis
donc amené à formuler la thèse suivante : la technique, en principe,
965
la thèse suivante : la technique, en principe, n’
est
pas plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. Elle fournit aux
966
x armées des moyens de faire la guerre, mais ce n’
est
pas elle qui cause les guerres, ce sont au contraire nos passions, qu
967
mais ce n’est pas elle qui cause les guerres, ce
sont
au contraire nos passions, qui utilisent la technique comme instrumen
968
en 1915.) Mais de cette Première Guerre mondiale
sont
issus très rapidement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’est p
969
idement le bulldozer et l’avion de ligne. Et ce n’
est
pas la maîtrise de l’énergie nucléaire, dont les principes et les bre
970
rgie nucléaire, dont les principes et les brevets
étaient
déposés dès 1939 par l’équipe Joliot-Curie, mais restaient ignorés pa
971
sources vives de l’invention technique, laquelle
tient
à l’ensemble de notre culture et à ses rêves directeurs. La branche s
972
t à ses rêves directeurs. La branche sur laquelle
est
assise notre puissance technicienne se nomme la culture générale. Les
973
lus grands inventeurs de tous les temps n’ont pas
été
des techniciens au sens étroit, mais des poètes, des philosophes et d
974
passait pour un peu loufoque, Charles Cros. Tels
sont
les Successeurs modernes d’un Archimède et d’un Léonard de Vinci, qu’
975
do, que c’est alors que nous courrons le risque d’
être
spirituellement soumis à nos machines, étant dressés d’avance à les s
976
que d’être spirituellement soumis à nos machines,
étant
dressés d’avance à les servir, au lieu d’être éduqués pour vivre mieu
977
s, étant dressés d’avance à les servir, au lieu d’
être
éduqués pour vivre mieux en disposant de leurs services. J’en viens d
978
dépendantes et au surplus rivales. Leurs sources
sont
communes, elles jaillissent du même fonds et s’alimentent aux mêmes n
979
évolution, loin de se contrecarrer et de se nuire
sont
au contraire en relation de promotion réciproque. Si la culture occid
980
x États-Unis d’abord, puis en Europe. Ce succès a
été
rendu possible par les perfectionnements techniques de l’édition et p
981
s ne l’aveuglent et que sa politique éducative ne
soit
à courte vue. Elle repose sur l’idée que la formation technique favor
982
es vrais buts spirituels de l’homme, la technique
sera
donnée par-dessus. 3. Ne perdons jamais de vue le contexte culturel d
983
ent et transportées dans les pays sous-développés
sont
les équivalents modernes du cheval de Troie. Elles transportent un «
984
mploi, et nos remèdes deviendront des poisons. Il
est
donc temps, pour nous Occidentaux, d’adjoindre à l’assistance techniq
985
rnir les moyens matériels. L’avenir de l’Occident
est
donc entre les mains de ceux qui assumeront à la fois les conditions
986
ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Elle n’
est
que le moyen de nos passions et de nos rêves, le moyen de nos vraies
987
nous trichons, et nous nous persuadons qu’elle n’
est
, après tout, qu’un ensemble de procédés ingénieux et utilitaires dest
988
une inexplicable malice des choses, dont nous ne
serions
pas du tout responsables, elle menace au contraire d’anéantir toute e
989
toute espèce de vie sur la Terre. La technique n’
est
qu’un instrument soit de la guerre, soit de la paix, soit de la tyran
990
sur la Terre. La technique n’est qu’un instrument
soit
de la guerre, soit de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit d
991
chnique n’est qu’un instrument soit de la guerre,
soit
de la paix, soit de la tyrannie des choses, soit de la liberté de not
992
un instrument soit de la guerre, soit de la paix,
soit
de la tyrannie des choses, soit de la liberté de notre action. Mais s
993
soit de la paix, soit de la tyrannie des choses,
soit
de la liberté de notre action. Mais surtout, par ses progrès mêmes, p
994
conscience de nos options réelles. Telle qu’elle
est
devenue de nos jours, obsédée d’efficacité immédiate et rentable à co
995
nationale », l’hygiène ou le simple confort, il n’
est
peut-être pas d’activité humaine qui paraisse moins métaphysique en s
996
métaphysique en soi. Mais en même temps, il n’en
est
pas qui nous contraigne davantage, et avec une urgence plus dramatiqu
997
ger sur le meilleur usage des pouvoirs inouïs qui
sont
devenus les nôtres. Ainsi, qu’on le veuille ou non, c’est la techniqu
998
de notre vie et de la vraie nature de l’homme. Ne
serait
-ce pas là, peut-être, son plus grand miracle ? 25. La conférence d
999
26. Les armes atomiques, biologiques, chimiques,
sont
désignées par le sigle ABC. C’est l’ABC de la mort de l’humanité.
1000
fera pas l’Europe sans l’aide de sa culture : ce
serait
vouloir la faire sans ce qui la définit. Si elle a dominé le globe du
1001
l faut bien appeler le miracle européen, et qui n’
est
pas lisible sur les cartes, mais seulement dans l’histoire de l’espri
1002
et du même coup, nous aurons dit que la culture n’
est
pas un luxe pour nos peuples, mais une nécessité vitale. Tout cela n’
1003
s peuples, mais une nécessité vitale. Tout cela n’
est
pas nouveau, mais on l’oublie souvent, notamment quand on pense en ma
1004
On entend bien que la culture dont je parle ici n’
est
pas seulement celle des loisirs, celle que les gens consomment, mais
1005
ens consomment, mais bien celle qui produit. Ce n’
est
pas seulement l’activité assimilatrice de ceux qui regardent des tabl
1006
nent, écrivent, conçoivent et inventent. Car s’il
est
vrai que l’Europe a découvert la Terre, puis toute l’histoire de l’Ho
1007
t qu’elle en a collectionné les témoignages, il n’
est
pas moins certain qu’elle a produit elle-même la seule culture ou civ
1008
ndiale. Le symbole de l’Europe et de sa culture n’
est
donc pas seulement le Musée : c’est d’abord le Laboratoire. Et si l’o
1009
t de cette culture que toute la Terre imite, ce n’
est
pas du Musée d’abord, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. (
1010
d, mais du Laboratoire qu’il faut se préoccuper. (
Étant
bien entendu que ce Laboratoire a derrière lui toute l’histoire des i
1011
termes tout pratiques : l’avenir de notre Europe
étant
lié à l’avenir de sa culture, c’est aux activités de recherche créatr
1012
sté dans cette aide indirecte à la culture, qui n’
était
pas sans exercer quelque influence sur son cours. Cependant, un phéno
1013
e nos jours : c’est celui de la subvention, qui n’
est
plus l’aide aux créateurs individuels, mais aux instituts de recherch
1014
écénat. Notez bien que le problème que j’évoque n’
est
pas posé par la disparition des princes capables de dépense. Car il e
1015
’à la Renaissance ou au Grand Siècle. Le problème
est
posé par le fait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne sont p
1016
ait que nos virtuels mécènes à l’ancienne mode ne
sont
plus en mesure — sauf de rares exceptions — de savoir par eux-mêmes o
1017
et l’instinct de la qualité. Mais aujourd’hui, ce
sont
les éditeurs, les marchands de tableaux et les impresarios qui ont re
1018
tourner vers des domaines très différents, où il
est
moins facile de s’orienter. Comment savoir où sont les vrais besoins,
1019
est moins facile de s’orienter. Comment savoir où
sont
les vrais besoins, quelles recherches sont nécessaires, et qui pourra
1020
oir où sont les vrais besoins, quelles recherches
sont
nécessaires, et qui pourra les diriger ? Il faudrait disposer d’un ét
1021
idemment les capacités d’un particulier, si riche
soit
-il, ou d’un ministère national. Elle suppose l’existence d’Instituts
1022
lle planétaire. La question qui se pose d’urgence
est
celle de l’aide puissante et cohérente qu’il faut donner à cette cult
1023
u’il faut donner à cette culture dont la vitalité
sera
décisive. Aide puissante, tout d’abord. Les rares institutions qui on
1024
ion de servir à la fois la culture et l’Europe en
sont
encore réduites à des budgets de misère. Signe hélas trop certain que
1025
ses « européennes » dans le domaine de la culture
est
encore plus choquante, si possible, que nos divisions nationales, et
1026
, si possible, que nos divisions nationales, et n’
est
pas moins débilitante. Non seulement elle multiplie les doubles emplo
1027
ces problèmes depuis une bonne dizaine d’années,
tient
en trois points : 1. Création d’un Conseil européen de la Recherche e
1028
des fonds jugés par lui nécessaires, — fonds qui
seraient
fournis par le secteur privé (firmes et fondations) et par les organi
1029
pour trouver ce qu’il faut. Les besoins devraient
être
formulés dans toute la liberté de l’imagination la mieux nourrie de c
1030
du Musée européen. Un second avantage du Conseil
serait
d’éliminer l’amateurisme qui menace parfois de caractériser les sugge
1031
ne volonté n’y suffit plus. La fonction du mécène
est
devenue collective ; elle relève de la science et non plus de hobbies
1032
elève de la science et non plus de hobbies ; elle
est
devenue part intégrante de la stratégie à long terme de notre monde o
1033
n’existe pas. La « musique moderne », en effet, n’
est
guère plus qu’une manière de parler. C’est l’invention de ceux qui on
1034
d’entendre et d’essayer de comprendre tout ce qui
fut
composé dans notre siècle. Bref, la « musique moderne » est celle que
1035
é dans notre siècle. Bref, la « musique moderne »
est
celle que l’on n’aime pas. (Parce qu’elle ne ressemble pas à celle qu
1036
e siècle. Il y eut le groupe des Six, mais il ne
fut
qu’une amitié : je ne vois rien d’autre qui rapproche un Honegger et
1037
tant de refus de prendre la suite de quoi que ce
soit
, de ressembler à qui que ce soit, finissent tout de même par laisser
1038
e de quoi que ce soit, de ressembler à qui que ce
soit
, finissent tout de même par laisser transparaître quelque profonde pa
1039
e, malgré tous les efforts de leurs auteurs, ce n’
est
pas cette génération qui le verra. Car le style d’une époque est très
1040
énération qui le verra. Car le style d’une époque
est
très rarement sensible aux gens qui vivent cette époque, et ceci pour
1041
les mêmes raisons qui veulent qu’un psychanalyste
soit
incapable de s’analyser lui-même. Le style surgit de l’inconscient. I
1042
tapisserie dont le dessin reste inconnu — s’il en
est
un. Ne parlons plus de « musique moderne ». Parlons seulement d’œuvre
1043
ines. Il faut pousser plus loin le paradoxe. S’il
est
tout de même un caractère commun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’es
1044
mmun aux compositeurs d’aujourd’hui, c’est qu’ils
sont
justement moins « modernes » et moins naïvement de leur temps, que ne
1045
nes » et moins naïvement de leur temps, que ne le
furent
un Rameau, un Haydn ou un Mozart. Pourquoi cela ? Parce qu’ils écrive
1046
: « Après x ou y on ne sait plus que faire. Nous
sommes
dans une impasse… » Cette impasse est purement « historique », créée
1047
re. Nous sommes dans une impasse… » Cette impasse
est
purement « historique », créée par l’esprit historique. Ne plus savoi
1048
s la pression de ce qu’ils avaient à dire, et qui
était
un peu différent. Aujourd’hui, l’on voudrait commencer par le stade d
1049
ns l’Histoire. Il semble que leur principal souci
soit
de s’intégrer dans une évolution qu’ils déclarent « nécessaire » ; da
1050
prouver que l’auto produite par une petite usine
est
invendable, pour des raisons précises de prix de revient, et ne corre
1051
ités de l’époque » et de nos grands marchés, il n’
est
nullement prouvé que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique « es
1052
que l’œuvre d’un compositeur non dodécaphonique «
est
inutile… et se place en deçà des nécessités de son époque »28. Les «
1053
s nouvelles de la musique », que l’on invoque, ne
sont
telles que pour l’oreille et l’intelligence d’un très petit groupe d’
1054
ts, formé par sa discothèque, a cessé lui aussi d’
être
« moderne, », pour s’habituer à vivre dans l’histoire. Il faut enfin
1055
ut enfin l’avouer : toutes les autres époques ont
été
« modernes », sauf la nôtre ! Notre grand public se nourrit de musiqu
1056
avant cette chose vague et pourtant puissante qu’
est
l’accord spontané du novateur et du plaisir des auditeurs. Cette chos
1057
le goût. Comment remédier à cette situation, qui
est
aussi celle de la peinture et de la poésie au xxe siècle ? Il me sem
1058
poésie au xxe siècle ? Il me semble que ceux qui
tiennent
la clé de ce problème vital pour la culture sont bien moins les compo
1059
nnent la clé de ce problème vital pour la culture
sont
bien moins les compositeurs que ceux qui font les programmes des conc
1060
et le public se créent l’un l’autre, le résultat
est
une « époque ». Je ne sais pas si nous en vivons une, mais peut-être
1061
ne sais pas si nous en vivons une, mais peut-être
sommes
-nous sur le seuil. Au mois de mai 1952, L’Œuvre du xxe siècle a donn
1062
osée avant l’an 1900 : tous les soirs, les salles
étaient
pleines. Il y a là, semble-t-il, un bel encouragement pour ceux des f
1063
au », c’est-à-dire de rejoindre le siècle. Mais n’
est
-il pas étrange que de vivre en son temps soit devenu de nos jours une
1064
is n’est-il pas étrange que de vivre en son temps
soit
devenu de nos jours une exception notable, une aventure, un risque fi
1065
L’Europe, l’
été
…29 L’Europe, l’été, devient un parc immense aux bosquets enchantés
1066
L’Europe, l’été…29 L’Europe, l’
été
, devient un parc immense aux bosquets enchantés de musique. Du gracil
1067
deaux et d’Athènes à Stockholm, toute l’Europe en
été
vibre et chante, danse ou déploie les fastes de ses opéras dans les p
1068
e à travers tout le romantisme occidental. Là, ce
sont
quelques heures d’autoroute à travers forêts et vallées qui relient l
1069
ommune appartenance au grand ensemble culturel qu’
est
en réalité l’Europe, et l’aient prouvé en s’associant sous le signe d
1070
ntale. ⁂ Depuis un siècle et demi, les nations se
sont
multipliées et elles se sont bardées de frontières sourcilleuses, dan
1071
demi, les nations se sont multipliées et elles se
sont
bardées de frontières sourcilleuses, dans notre Europe jadis ouverte
1072
tre européen de la culture, à Genève, dont le but
était
précisément d’offrir un lieu de rencontres et des moyens de coopérati
1073
l’Europe à la recherche de l’union. Notre entente
fut
immédiate, et les plans vite tracés. Tous nos grands festivals de mus
1074
vite tracés. Tous nos grands festivals de musique
furent
invités à déléguer leurs directeurs pour une première prise de contac
1075
l’Association européenne des festivals de musique
était
fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sen
1076
ait fondée et se mettait à l’œuvre. ⁂ La musique
est
d’Europe, en ce sens qu’elle est liée à l’Europe non seulement histor
1077
e. ⁂ La musique est d’Europe, en ce sens qu’elle
est
liée à l’Europe non seulement historiquement, dans sa genèse, mais en
1078
nèse, mais encore essentiellement dans sa nature,
étant
née du complexe physico-spirituel qui a formé l’homme européen et qui
1079
de la musique ; et, d’autre part, que la musique
est
l’expression la plus profonde et spécifique du génie propre de l’Euro
1080
tre unité fondamentale. Unité dans la diversité —
est
-il besoin de le répéter ? Saisir ensemble ces deux termes que la logi
1081
r ensemble ces deux termes que la logique oppose,
est
un mouvement, un geste de l’esprit, caractéristique de l’Europe. Voil
1082
, et non pas tout mêler indiscernablement ni s’en
tenir
à l’unisson. En un mot fédérer, mot-clé de notre Centre. Je prie les
1083
x rivalités stériles, favoriser les échanges, qui
sont
la santé de la culture comme de l’économie, et de la sorte, élever le
1084
on du rez-de-chaussée, une trentaine de personnes
sont
assises autour d’une table en fer à cheval, et souvent leurs regards
1085
oms s’échangent, et des projets s’esquissent : ce
sont
tous les grands noms de la musique, compositeurs, exécutants et chefs
1086
ampions de la dernière école postsérielle ; et ce
sont
des projets de concerts, de ballets, d’opéras de tous les siècles qui
1087
a joie de centaines de milliers d’auditeurs. Nous
sommes
ici au centre d’un prestigieux complot contre l’ennui et la laideur q
1088
e je voudrais indiquer brièvement. 1. Le festival
est
à l’origine (xixe et premier tiers du xxe siècle), une forme de vie
1089
stivalienne me paraît typiquement occidentale, ne
fût
-ce que par les antinomies qu’elle embrasse, les paradoxes et les ambi
1090
oblème d’une définition du festival authentique s’
est
donc posé d’entrée de jeu aux membres de l’association. À l’occasion
1091
n proposait la définition suivante : Un festival
est
d’abord une fête, un ensemble de manifestations artistiques s’élevant
1092
et de soutenir. Ce caractère d’exception doit lui
être
conféré non seulement par la haute qualité des œuvres produites (tant
1093
de ces œuvres avec l’ambiance des lieux où elles
sont
jouées, créant ainsi une atmosphère particulière à laquelle contribue
1094
s, compositeurs et musicologues, cette définition
fut
très généralement approuvée, bien que certains, non sans raison, tins
1095
nt approuvée, bien que certains, non sans raison,
tinssent
à souligner qu’elle était idéale et au mieux normative, plutôt que ré
1096
ns, non sans raison, tinssent à souligner qu’elle
était
idéale et au mieux normative, plutôt que réaliste et descriptive. (Ma
1097
tive, plutôt que réaliste et descriptive. (Mais n’
est
-ce pas le fait de toute définition, et son utilité majeure ?) De plus
1098
ival viable. (Le cas des « semaines musicales » d’
été
organisées par une grande ville comme Berlin, Vienne ou Zurich, capab
1099
dont elle dispose pour sa propre saison d’hiver,
est
tout à fait différent, mais beaucoup plus rare.) La multiplication de
1100
dernières décennies. Chaque année, les festivals
tiennent
plus de place non seulement à la radio-télévision et dans la critique
1101
pularisation de la culture. L’essor des festivals
est
un indice commode permettant de mesurer l’ampleur de cette évolution
1102
xe siècle et aux débuts de ce siècle, la musique
était
confinée dans les salles de concert, séparée de sa vie, j’entends des
1103
out le contexte social en vue desquels elle avait
été
composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’est remis de nos jours à
1104
t été composée. C’est grâce aux festivals qu’on s’
est
remis de nos jours à jouer Hamlet sur les remparts d’un château médié
1105
u d’origine et d’usage, à la communauté dont elle
fut
l’expression ou qu’elle reconstitue dans les esprits chaque fois qu’e
1106
reconstitue dans les esprits chaque fois qu’elle
est
jouée en son lieu, annonce et préfigure une évolution très profonde d
1107
ogie. Pas un seul festival de notre Association n’
est
« national », soulignons-le : régionaux ou municipaux, chacun d’eux c
1108
iculier, mais bien par une certaine manière qui n’
est
qu’à lui de mettre en œuvre et d’accueillir la musique d’hier et d’au
1109
t œuvre commune de la culture européenne. « L’art
est
l’état d’esprit d’un jour de fête », disait Flaubert. Et la définitio
1110
finition citée plus haut rappelait qu’un festival
est
d’abord une fête, c’est-à-dire l’acte exceptionnel, symbolique et mém
1111
nnel, symbolique et mémorial d’une communauté. Il
est
beau que ce soit à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade dite fol
1112
et mémorial d’une communauté. Il est beau que ce
soit
à la musique, plutôt qu’à quelque mascarade dite folklorique que déjà
1113
emander l’expression publique et sensible de leur
être
communautaire — de leur âme. 29. Introduction à un volume illustré
1114
rands axes de l’Europe, et dont la culture propre
est
un dialogue entretenu depuis des siècles entre trois langues, deux co
1115
étroitement fédérés. Votre situation de Libanais
est
peut-être encore plus complexe : car votre État, beaucoup plus jeune,
1116
complexe : car votre État, beaucoup plus jeune, s’
est
édifié sur trois à quatre millénaires de sédimentations raciales et r
1117
e siècle, et sur le plan culturel tout au moins,
sont
à bien des égards comparables. Il m’a donc paru naturel, en recevant
1118
semble qu’un sujet de conférence devrait toujours
être
déterminé au point d’intersection de l’attente des auditeurs et des s
1119
soucis majeurs de celui qui leur parle. Or quels
sont
mes soucis majeurs ? Si je survole d’un coup d’œil l’ensemble de mes
1120
principes de cohérence, je vois que j’ai toujours
été
personnaliste en philosophie, fédéraliste en politique, œcuménique su
1121
es mêmes de ma philosophie. ⁂ Ceci posé (car il n’
est
pas mauvais de situer les sujets trop vastes dans un cadre de référen
1122
apable de définir l’un sans invoquer l’autre. Ils
sont
en relations d’interaction probablement congénitale. L’essence de tou
1123
bablement congénitale. L’essence de toute culture
est
le dialogue. En revanche, le dialogue n’est possible qu’à partir d’él
1124
lture est le dialogue. En revanche, le dialogue n’
est
possible qu’à partir d’éléments communs de langage, au sens large, ou
1125
gage, au sens large, ou d’attitudes d’esprit, qui
sont
les éléments constitutifs et constituants de toute culture. Dialogue
1126
e dans l’autre hémisphère de l’esprit humain, qui
est
l’Asie, les dialogues du Bouddha et les koans du zen exemplifiaient u
1127
erture et de curiosité, d’accueil à tout ce qui n’
est
pas elle et qui vient la mettre au défi à la fois de fournir ses preu
1128
oir réduit ses prétentions : c’est ainsi qu’il en
fut
de la culture des nazis. Cet exemple devrait nous suffire. Le Dialog
1129
alogue des cultures a toujours existé : preuve en
est
l’existence de nos cultures actuelles, dont pas une seule ne peut pré
1130
s, dont pas une seule ne peut prétendre qu’elle s’
est
formée toute seule, en autarcie. Étienne Gilson me disait un jour qu’
1131
étienne, une conception toute nouvelle de l’amour
est
née dans le Midi de la France : l’amour courtois. Or, elle est née de
1132
le Midi de la France : l’amour courtois. Or, elle
est
née de la rencontre imprévue et parfaitement imprévisible de trois fa
1133
jeunesse de l’Amérique du Nord puis de l’Europe,
est
né de l’interférence non moins invraisemblable, quoique vraie, de tro
1134
s d’interférences culturelles pourraient aisément
être
multipliés. Mais ce ne sont pas de bons exemples de dialogue. Ils ont
1135
s pourraient aisément être multipliés. Mais ce ne
sont
pas de bons exemples de dialogue. Ils ont produit des créations qui f
1136
es de dialogue. Ils ont produit des créations qui
furent
parfois très importantes, mais livrées aux hasards de l’histoire, qui
1137
es, mais livrées aux hasards de l’histoire, qui n’
est
pas un des noms de la sagesse. Le Dialogue des cultures a toujours ex
1138
erférences nées du hasard. Car le monde de demain
sera
d’un seul tenant en ceci que les erreurs d’une de ses parties ne sero
1139
t en ceci que les erreurs d’une de ses parties ne
seront
plus corrigées ou neutralisées à la longue par les erreurs des autres
1140
urope a découvert la Terre entière, et personne n’
est
jamais venu la découvrir, depuis ces jours lointains et d’ailleurs lé
1141
on a le droit de le dire, littéralement, l’Europe
est
fille du Liban ! Or la mise en contact historique des diverses partie
1142
ies du monde par l’action des Européens se trouve
être
d’une part irréversible — les peuples de ces continents ne pourront j
1143
e demeurent très inégaux, et les cultures réelles
sont
loin de se rapprocher. Bien au contraire ! Et voici ma seconde consta
1144
ur qu’une conversation utile s’établisse, il faut
être
au moins deux, et ne pas dire les mêmes choses — mais cette réaction
1145
car sans dialogue, ils nous conduisent tout droit
soit
à l’aplatissement universel de la culture, soit à des conflits crimin
1146
t soit à l’aplatissement universel de la culture,
soit
à des conflits criminels et absurdes. Les contacts sont désormais iné
1147
des conflits criminels et absurdes. Les contacts
sont
désormais inévitables. S’ils restent extérieurs et purement subis par
1148
ortée sans prudence en Afrique ou en Asie — elles
sont
de nature à provoquer des heurts violents, ou pire : une dégradation
1149
, c’est le sens de la vie dans ces peuples, et ce
sont
les valeurs traditionnelles qu’ils traitent en fait comme périmées, a
1150
moment même où une culture mondiale en gestation
serait
enfin en mesure de les redécouvrir et de les revaloriser. De là dans
1151
traditions que la technique menace, bien qu’elle
soit
née de nous — un certain état de névrose, une sorte de schizophrénie,
1152
un jeune intellectuel indonésien, poète comme ils
sont
tous là-bas, au surplus fonctionnaire international, est venu me voir
1153
s là-bas, au surplus fonctionnaire international,
est
venu me voir à Genève, et il m’a dit ceci, qui m’a frappé : « Vous au
1154
t, je dois vous le dire : chacune de vos machines
est
un cheval de Troie, qui transporte chez nous tout un champ de forces,
1155
tres cultures pour une raison fondamentale : elle
est
elle-même une culture de dialogue, née de la synthèse difficile et ja
1156
rt l’Europe comme entité distincte. 3. L’Europe a
été
le foyer de la civilisation technicienne. La technique n’y est pas né
1157
de la civilisation technicienne. La technique n’y
est
pas née par hasard. Elle s’y est développée dans un certain contexte
1158
La technique n’y est pas née par hasard. Elle s’y
est
développée dans un certain contexte religieux, philosophique, biophys
1159
biophysique, etc. Aujourd’hui, cette civilisation
est
diffusée dans le monde entier, mais sans son contexte culturel. L’Eur
1160
xpliquer d’abord à elle-même — que la technique n’
est
pas l’essentiel de sa culture, n’en est qu’une résultante, et qu’elle
1161
chnique n’est pas l’essentiel de sa culture, n’en
est
qu’une résultante, et qu’elle peut être nocive une fois séparée de se
1162
ture, n’en est qu’une résultante, et qu’elle peut
être
nocive une fois séparée de ses sources et de certaines de ses résista
1163
ie de ses peuples. N’oublions pas que le marxisme
est
né d’un moment particulier de ce drame européen. Le marxisme n’est pa
1164
t particulier de ce drame européen. Le marxisme n’
est
pas une invention russe, une valeur nouvelle que le communisme apport
1165
le que le communisme apporterait au monde, et qui
serait
capable de remplacer, parce que plus riche et plus compréhensive, les
1166
Europe, qu’on prétend dépassées. Non, le marxisme
fut
en réalité la création d’un Européen typique, engagé au départ de son
1167
je veux parler de l’auteur du Capital. Karl Marx
était
un juif rhénan, dont le père s’était fait protestant, et qui écrivait
1168
l. Karl Marx était un juif rhénan, dont le père s’
était
fait protestant, et qui écrivait en Angleterre des articles publiés à
1169
la Russie tsariste et sa politique éternelle, ont
été
supprimés — quel aveu ! — dans l’édition des œuvres complètes de Marx
1170
udie depuis longtemps les autres cultures, mais n’
est
guère étudiée par celles-ci en tant qu’ensemble ou unité. (Il existe
1171
es d’européisme en Inde ou en Chine, encore qu’il
soit
juste d’observer que les Chinois qui ont appris le français, l’anglai
1172
ont appris le français, l’anglais ou l’allemand,
sont
au moins cent-mille fois plus nombreux que les Européens sachant le c
1173
entreprendre et de développer ce dialogue qui lui
est
nécessaire, l’Europe se heurte à deux difficultés majeures : La premi
1174
heurte à deux difficultés majeures : La première
est
la difficulté de présenter la culture européenne (en tant qu’ensemble
1175
urope envoie en nombre croissant dans le monde ne
sont
pas préparées pour représenter l’Europe dans son ensemble : ils n’ont
1176
es difficultés. Les difficultés ont des chances d’
être
assez semblables (quoique à des degrés variables) pour chaque région.
1177
iables) pour chaque région. Quant aux motifs, ils
sont
sans doute très différents. La culture de l’Inde, par exemple, est pl
1178
ès différents. La culture de l’Inde, par exemple,
est
plus homogène, mieux harmonisée que celle de l’Europe, donc moins « d
1179
par sa nature même. Mais son problème majeur, qui
est
celui de l’intégration de la civilisation technicienne à son grand hé
1180
l’Afrique noire doit le découvrir. (« Nous allons
être
obligés de trouver son Histoire ! », disait récemment un jeune Sénéga
1181
ogue, tel que je l’espère et que je l’appelle, ce
serait
d’inciter chaque région culturelle à formuler, en perspective mondial
1182
xes psychologiques et ses rancunes, si justifiées
soient
-elles, mais ses besoins réels, ses motifs propres de poursuivre le di
1183
réalités beaucoup plus durables et profondes, qui
sont
nos cultures au sens large du terme, c’est-à-dire nos manières propre
1184
r. Or ces réalités qu’on peut appeler culturelles
sont
les sources profondes des grands malentendus qui opposent nos régions
1185
La méconnaissance de ces réalités « culturelles »
est
ce qui empêche le plus souvent nos négociateurs, nos hommes d’État, e
1186
s besoins que nous venons de signaler peuvent-ils
être
satisfaits à l’aide des moyens existants ? J’ai fait depuis quelques
1187
nnées une recension complète de ces moyens, et je
serais
tenté d’en conclure à une surproduction plutôt qu’à une disette dans
1188
de documentation, bibliographies et bibliothèques
sont
si riches que le problème est moins de les multiplier que d’arriver à
1189
s et bibliothèques sont si riches que le problème
est
moins de les multiplier que d’arriver à les utiliser. Enfin, les occ
1190
ncontres — congrès, colloques, séminaires, etc. —
sont
si nombreuses qu’il devient difficile de trouver assez d’hommes qui a
1191
ps d’y participer. En admettant que ces activités
soient
suffisantes dans leur domaine, et soient menées d’une manière satisfa
1192
ctivités soient suffisantes dans leur domaine, et
soient
menées d’une manière satisfaisante — ce qui est généralement le cas —
1193
oient menées d’une manière satisfaisante — ce qui
est
généralement le cas — nous constatons cependant que peu d’entre elles
1194
sente pas. Tous les dialogues savants que peuvent
tenir
entre eux linguistes, folkloristes, archéologues, numismates, juriste
1195
sans qu’aucun des problèmes de fond et d’ensemble
soit
touché. Le Dialogue des cultures doit s’établir entre des ensembles,
1196
de mission d’une région, les travaux des savants
sont
de peu de secours : le temps manque pour les étudier, et ils sont bie
1197
ecours : le temps manque pour les étudier, et ils
sont
bien rarement assez actuels ou synthétiques. Pour préparer des aides
1198
périences plus ou moins systématiques, mais qu’en
est
-il des relations entre l’Afrique et l’Inde, ou entre le monde arabe e
1199
grands ensembles culturels existants. Mais quels
sont
-ils, ces grands ensembles ? Est et Ouest, Occident et Orient, sont de
1200
ants. Mais quels sont-ils, ces grands ensembles ?
Est
et Ouest, Occident et Orient, sont des catégories trop vastes. Elles
1201
nds ensembles ? Est et Ouest, Occident et Orient,
sont
des catégories trop vastes. Elles ne correspondent pas à des réalités
1202
tiennes, l’origine culturelle européenne. Mais il
est
clair que dans leur dialogue avec l’Afrique noire, ou avec l’Inde, ou
1203
s très différentes, parfois opposées. La Russie s’
est
séparée politiquement de l’Occident, mais elle en exagère certains tr
1204
rialisme sans mauvaise conscience… Les États-Unis
sont
à la fois plus matérialistes et plus idéalistes-moralistes que l’Euro
1205
Quant au terme Orient, que recouvre-t-il ? L’Asie
est
un concept européen, ne l’oublions pas : ce sont les Grecs qui lui on
1206
e est un concept européen, ne l’oublions pas : ce
sont
les Grecs qui lui ont donné son nom, en même temps qu’ils donnaient a
1207
inégalement profondes le Centre, le Sud-Est et l’
Est
du continent. Il est difficile de trouver un dénominateur commun aux
1208
s le Centre, le Sud-Est et l’Est du continent. Il
est
difficile de trouver un dénominateur commun aux problèmes de l’Inde e
1209
bord, elle survole le monde arabe, car celui-ci n’
est
pas plus oriental qu’occidental par ses traditions et ses échanges, e
1210
elligibles », pour citer un fois de plus Toynbee,
sont
à la fois moins vastes et moins vagues que le binôme Orient-Occident
1211
sembles, c’est entendu, mais ceux-ci ne sauraient
être
conçus comme des entités abstraites ou comme des drapeaux. Ce n’est p
1212
es entités abstraites ou comme des drapeaux. Ce n’
est
pas le concept de la culture arabe qui peut entrer en dialogue avec l
1213
s, seules capables de parler entre elles, devront
être
représentatives soit d’une école de pensée dominante dans leur cultur
1214
parler entre elles, devront être représentatives
soit
d’une école de pensée dominante dans leur culture, ou typique du meil
1215
ulture, ou typique du meilleur de cette culture ;
soit
simplement d’elles-mêmes, dans la mesure où elles auraient contribué
1216
qu’il s’agit de trouver pour engager le dialogue
seront
plutôt des amateurs éclairés que des spécialistes de tel ou tel aspec
1217
qui ouvre les portes ; tandis que le spécialiste
est
plutôt celui qui cherche à empêcher les non-spécialistes d’entrer dan
1218
ou décidant au mieux d’obtenir le match nul, qui
est
une définition de l’harmonie des contraires, si l’on veut, mais certa
1219
es de cette culture — et laquelle, aujourd’hui, n’
est
pas un peu malade ? — donc ouverts aux valeurs différentes, complémen
1220
ù ces grands thèmes apparaîtront clairement comme
étant
d’intérêt commun à l’échelle du genre humain. Je citerai : la prise d
1221
que va poser la surpopulation de la Terre — nous
serons
six milliards dans quarante ans, un homme par mètre carré vers l’an 2
1222
un homme par mètre carré vers l’an 2400 ! — et il
est
clair qu’aucun de nos pays, qu’aucune de nos régions ne peut résoudre
1223
cis ou à leurs talents. Et pourtant, même si l’on
est
persuadé, comme je le suis, que le vrai dialogue s’institue au niveau
1224
pourtant, même si l’on est persuadé, comme je le
suis
, que le vrai dialogue s’institue au niveau des expériences spirituell
1225
— et que les rencontres souhaitables demandent à
être
organisées. Je suis arrivé à la conviction que la création de Centres
1226
tres souhaitables demandent à être organisées. Je
suis
arrivé à la conviction que la création de Centres régionaux —analogue
1227
de capitales, auprès de services officiels qui ne
sont
pas toujours en contact avec la culture vivante, et sont mal équipés
1228
s toujours en contact avec la culture vivante, et
sont
mal équipés pour répondre à des demandes personnelles ou à des questi
1229
ns d’ordre pratique, pour indispensables qu’elles
soient
, ne se feront bien que dans la mesure où elles serviront dès le dépar
1230
jamais perdus de vue. Le Dialogue des cultures n’
est
plus une utopie, et n’est plus une question de bonnes volontés ferven
1231
Dialogue des cultures n’est plus une utopie, et n’
est
plus une question de bonnes volontés ferventes, mais une réalité inév
1232
atomiques. Le Dialogue des cultures doit servir,
soyons
francs, les intérêts concrets de chacune de nos régions : il est vita
1233
intérêts concrets de chacune de nos régions : il
est
vital avant d’être philanthropique. Pourtant son but ultime m’apparaî
1234
de chacune de nos régions : il est vital avant d’
être
philanthropique. Pourtant son but ultime m’apparaît moins de promouvo
1235
distincts, sachant ce qu’ils veulent et ce qu’ils
sont
. Mais pas une seule de nos cultures, ainsi personnifiée, n’est une fi
1236
une seule de nos cultures, ainsi personnifiée, n’
est
une fin en soi. Une culture, c’est seulement l’ensemble des moyens of
1237
s’approcher de la Vérité. Je crois que la Vérité
est
une, mais que son appropriation existentielle — seule valable en dern
1238
ogrès ambigu mais désormais irréversible. Nous ne
serons
jamais sauvés en masse, par races ou par nations, par cultures ou par
1239
nations, par cultures ou par groupes (quelle que
soit
l’excellence de leur dialogue), mais seulement un à un, chacun pour s
1240
et Dieu pour tous », penserez-vous ? Ce proverbe
est
l’expression cynique de l’égoïsme pour ceux qui croient qu’ils ne cro
1241
airement personnelle du vrai ; « Dieu pour tous »
est
le principe originel de l’unité dernière du genre humain, dans l’infi
1242
régions31 Les États-nations en crise Je
suis
parvenu à la conviction que les hommes d’État les mieux intentionnés,
1243
nir, et ils constatent, évidemment, « qu’elles ne
sont
pas encore prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait être clai
1244
lles ne sont pas encore prêtes à s’unir ». Or, il
est
clair — il devrait être clair — qu’en tant qu’États souverains les na
1245
prêtes à s’unir ». Or, il est clair — il devrait
être
clair — qu’en tant qu’États souverains les nations ne seront jamais p
1246
r — qu’en tant qu’États souverains les nations ne
seront
jamais prêtes à s’unir ! Europa : Il fut un temps où la fédération d
1247
s ne seront jamais prêtes à s’unir ! Europa : Il
fut
un temps où la fédération de l’Europe semblait à portée de la main. L
1248
vant conduire à l’union politique de l’Europe n’a
été
prise de la fin de la guerre à nos jours. Le projet de constitution p
1249
la plus évidente. De même que l’incapacité où se
sont
trouvés les gouvernements européens d’intervenir pour créer des condi
1250
int seulement… On comprend aujourd’hui combien il
est
insuffisant. — L’État national, qui n’est d’ailleurs que la concrétis
1251
bien il est insuffisant. — L’État national, qui n’
est
d’ailleurs que la concrétisation d’un concept relativement récent et
1252
u début du xxe siècle, et beaucoup d’entre elles
sont
des créations artificielles — ne semble plus à la mesure des tâches
1253
ar quoi caractériseriez-vous cette « difficulté d’
être
» de l’État ? R. — Tout d’abord, nous devons constater que la formule
1254
e l’État, qui bloque la construction de l’Europe,
est
elle-même en crise. Les exemples ne manquent pas. La Belgique, fabriq
1255
e l’éclatement. En Angleterre, la régionalisation
est
en marche, par un retour de l’histoire. L’Italie applique lentement l
1256
t les problèmes du Tyrol du Sud et du Mezzogiorno
sont
loin d’être résolus. L’Espagne a ses Basques et ses Catalans. La Fran
1257
mes du Tyrol du Sud et du Mezzogiorno sont loin d’
être
résolus. L’Espagne a ses Basques et ses Catalans. La France enfin, ty
1258
Partout se pose le problème de la dimension, qui
est
le problème clé du fédéralisme. L’État-nation se montre à la fois tro
1259
se montre à la fois trop grand et trop petit. Il
est
trop grand pour parvenir à animer l’ensemble de son territoire : la c
1260
rapport aux tâches de dimension mondiale, l’État
est
trop petit. Aucun des pays européens ne peut assumer sa défense à lui
1261
téressent tous les hommes. Une unité continentale
est
à cet égard indispensable. La région Si donc on veut unir l’Eu
1262
se révèle insoluble. Il faut se fonder sur ce qui
est
destiné à devenir demain la vraie réalité de notre société, et je vai
1263
ent définissez-vous cette région ? R. — Elle peut
être
ethnique quelquefois, purement économique d’autres fois — très souven
1264
t anglais, dans son effort de décentralisation, s’
est
laissé trop rapidement convaincre par le principe du droit des peuple
1265
galloise. C’était une erreur : le pays de Galles
est
coupé par une chaîne de montagnes. Pour aller du Nord au Sud, on pass
1266
de montagnes. Pour aller du Nord au Sud, on passe
soit
par la mer, soit par l’Angleterre. Le Nord a pour métropole Liverpool
1267
r aller du Nord au Sud, on passe soit par la mer,
soit
par l’Angleterre. Le Nord a pour métropole Liverpool, le Sud Bristol,
1268
ts se concentrent ainsi dans un seul lieu, ce qui
est
source d’économies. La région ne se définit pas, comme l’État-nation,
1269
ion se présente comme un phare, dont l’activité n’
est
pas déterminée par la périphérie, mais par un certain nombre de kilow
1270
mais par un certain nombre de kilowatts. — Quels
sont
, selon vous, les facteurs permettant de penser que la régionalisation
1271
teurs permettant de penser que la régionalisation
est
un phénomène appelé à se développer et à influencer de plus en plus l
1272
s la constitution de l’Europe ? R. — Ces facteurs
sont
au nombre de deux. Le premier, déjà mentionné, provient de l’incapaci
1273
on. Cette situation ne fera qu’empirer. Le second
tient
à l’abaissement des barrières douanières entre les Six. Les régions n
1274
arrières douanières entre les Six. Les régions ne
sont
plus coupées en deux ou emprisonnées artificiellement par les frontiè
1275
: aux yeux du gouvernement français, cette ville
était
une gare terminus et la région avoisinante, Lille-Roubaix-Tourcoing,
1276
ue Paris se trouve à 216 km. D’autres expériences
sont
en cours dans nombre de pays d’Europe. L’accent est porté sur les rég
1277
t en cours dans nombre de pays d’Europe. L’accent
est
porté sur les régions appelées encore périphériques, de leur vrai nom
1278
pement d’une région appartenant aux deux systèmes
serait
entravé. Il souligne en même temps le rôle que continueront de jouer
1279
lique. Car on ne pourrait concevoir que la région
soit
à l’Europe ce qu’a été en fait le fédéralisme à la Suisse : un mainti
1280
t concevoir que la région soit à l’Europe ce qu’a
été
en fait le fédéralisme à la Suisse : un maintien des cantonalismes av
1281
’action européenne : régions, nations, Europe. Ce
sera
une longue étape de transition au cours de laquelle les États assumer
1282
lisation et de la régionalisation de l’Europe, il
sera
bien sûr établi des institutions fédérales garantissant certains droi
1283
ur les réalités vivantes des régions se forme, il
sera
beaucoup plus facile de procéder à des ajustements en souplesse, par
1284
résultat visé sur le plan politique — où nous ne
sommes
encore qu’à zéro, contre 25 %, peut-être, sur le plan économique — ne
1285
ntre 25 %, peut-être, sur le plan économique — ne
sera
en effet accessible que si, parallèlement à la coopération entre les
1286
de plusieurs ensembles différents, l’essentiel n’
étant
pas d’avoir une unité territoriale et figée, mais de participer à des
1287
pour légaliser en quelque sorte leur existence et
être
capables d’action, elles ne pourront tout de même pas maintenir une d
1288
à l’État-nation et à elles-mêmes au cas où elles
seraient
multinationales. R. — Les régions vont progressivement former entre
1289
l’existence d’institutions parfois incompatibles,
est
nécessaire si l’on ne veut pas s’enfermer dans le cercle vicieux suiv
1290
rale ne se formera pas tant que les États-nations
seront
ce qu’ils sont et que les régions ne les diviseront pas pour préparer
1291
a pas tant que les États-nations seront ce qu’ils
sont
et que les régions ne les diviseront pas pour préparer la géographie
1292
era en désuétude. L’État n’a rien d’éternel. Il n’
est
pas « conforme à la nature des choses », comme le veulent encore trop
1293
trop de chefs… d’État. La Suisse Nous n’en
sommes
encore qu’à l’aube de la formation des régions, qui seront les élémen
1294
core qu’à l’aube de la formation des régions, qui
seront
les éléments de l’Europe à venir, mais déjà nous touchons au crépuscu
1295
enons-en maintenant à la Suisse. D’après ce qui a
été
dit auparavant, elle-même n’échappera pas au mouvement de restructura
1296
t à celui qui parle des régions en Suisse. Elle n’
est
pourtant pas fondée. La position de notre pays face à une Europe reno
1297
Europe renouvelée dans le sens indiqué jusqu’ici
serait
même rendue plus aisée dans certains cas. La coopération des cantons
1298
e et même encourage la collaboration horizontale,
fût
-ce avec l’étranger voisin. Quant à l’éclatement : je ne pense tout de
1299
: je ne pense tout de même pas que nos raisons d’
être
dépendent des douaniers… Si l’on admet la pluralité des allégeances,
1300
nel du Mont-Blanc — d’un autre côté. Cette région
serait
définie au point de vue des échanges de tous ordres, et les Genevois
1301
u contraire une excellente épreuve de la raison d’
être
des Suisses. Elle montrerait s’ils peuvent rester eux-mêmes sans nati
1302
et avec toute l’Europe. La cohésion de la Suisse
est
maintenue à l’heure actuelle de l’extérieur, par les pays qui l’entou
1303
l’extérieur, par les pays qui l’entourent et qui
sont
des corps durs. Le problème se posera différemment lorsque une vie ré
1304
nges… — Dans l’immédiat, que faire en Suisse ? On
est
en train de redécouvrir la légitimité de la collaboration intercanton
1305
astique qui prouve à quel point le cantonalisme s’
était
substitué au véritable fédéralisme, coopératif par essence. Certains
1306
anique… R. — Le sens de la réalité des régions n’
est
pas absent de Suisse. Mais nous nous sommes endormis et nous avons fa
1307
égions n’est pas absent de Suisse. Mais nous nous
sommes
endormis et nous avons fait endosser aux cantons le même uniforme qu’
1308
e uniforme qu’aux États. Le micronationalisme s’y
est
installé : fermeture sur soi, méfiance de ce qui est différent — sous
1309
installé : fermeture sur soi, méfiance de ce qui
est
différent — sous prétexte de fédéralisme justement. La Romandie ne fo
1310
national. Le facteur temps — Les Européens
sont
pressés de faire l’Europe. Leur impatience est légitime. Une certaine
1311
s sont pressés de faire l’Europe. Leur impatience
est
légitime. Une certaine unité s’est déjà créée avec l’aide des États.
1312
eur impatience est légitime. Une certaine unité s’
est
déjà créée avec l’aide des États. Alors : quelle Europe se fera le pl
1313
ue politique l’unité fondée sur les États-nations
est
en panne depuis vingt ans ! N’importe quel autre système d’édificatio
1314
quel autre système d’édification a des chances d’
être
plus rapide. D’ailleurs, le processus de régionalisation est beaucoup
1315
pide. D’ailleurs, le processus de régionalisation
est
beaucoup plus avancé qu’on ne le pense généralement. Je crois qu’en d
1316
i pour la revue Europa, n° 5, 1968. Les citations
sont
extraites d’un article de D. de Rougemont, « Au-delà des nations » pa
1317
on, unité opérationnelle du fédéralisme européen,
sera
sans doute le thème politique le plus important des prochaines décenn
1318
les impératifs du stato-nationalisme tel qu’il s’
est
constitué de Napoléon à Hitler : régime anémiant des « cultures natio
1319
sociales, économiques, écologiques, culturelles —
est
par définition interdisciplinaire. À ce titre, comme à d’autres, elle
1320
fondée sur la notion de « frontières naturelles »
est
un non-sens. Ni les ethnies, ni les langues, ni les traditions religi
1321
es, ni les traditions religieuses et sociales, ne
sont
séparées par les fleuves ou les crêtes des chaînes montagneuses. Quan
1322
es chaînes montagneuses. Quant aux nations, elles
sont
le produit des viols répétés de la géographie par l’histoire. Tout es
1323
ols répétés de la géographie par l’histoire. Tout
est
à refaire dans ce domaine, sur la base des entités régionales, seules
1324
les, et de leurs interdépendances. Or ces entités
sont
souvent définies, géographiquement, par ce qui était censé diviser le
1325
nt souvent définies, géographiquement, par ce qui
était
censé diviser les nations, elles prennent pour axe ce qui les scindai
1326
tes. Le livre de Morvan Lebesque, Comment peut-on
être
Breton ? donne une idée émouvante des possibilités de renouvellement
1327
e de Robert Lafont.) Toute l’histoire de l’Europe
étant
à refaire de fond en comble, après un siècle et demi de falsification
1328
l’ensemble socioculturel de l’Europe tel qu’il s’
est
composé pendant trois millénaires. Instruction civique. — La partici
1329
es publiques en tant qu’acteur, non spectateur, n’
étant
possible et praticable en général que dans le cadre communal et régio
1330
s et lettres. — Toute l’histoire de nos créations
est
à refaire sur cette double donnée de base : — les grands styles europ
1331
rd et aux structuralistes de Paris. Trois auteurs
seront
nos guides en cette quête : T. S. Eliot dans ses Notes towards the De
1332
ur la musique, la peinture, l’architecture… et il
est
clair que leurs méthodes devraient être appliquées à l’interprétation
1333
ure… et il est clair que leurs méthodes devraient
être
appliquées à l’interprétation des écoles apparues après eux.) Tous le
1334
l’universel. Écologie. — Cette science nouvelle
est
à la fois, par excellence, une « science humaine », une « science pol
1335
et de la politique, de la pensée et de l’action,
sera
fournie par la région.
1336
u public : on croit bonnement qu’un auteur engagé
est
celui qui s’en est remis une fois pour toutes à la politique d’un Par
1337
bonnement qu’un auteur engagé est celui qui s’en
est
remis une fois pour toutes à la politique d’un Parti, quand il s’agit
1338
un sens partisan ou militaire du terme. Mon sens
était
plutôt poétique, si j’ose dire, moral, philosophique et religieux. De
1339
hain, c’est-à-dire la cité humaine, et ce passage
était
le lieu de l’engagement. Est-il encore praticable ? Autrement dit : q
1340
ine, et ce passage était le lieu de l’engagement.
Est
-il encore praticable ? Autrement dit : quelle peut être aujourd’hui,
1341
l encore praticable ? Autrement dit : quelle peut
être
aujourd’hui, au fait et au prendre, la responsabilité de l’écrivain d
1342
sabilité de l’écrivain dans la cité ? Responsable
est
celui qui peut dire, dans une situation donnée : j’en réponds ! Mais
1343
elle face à l’événement historique qu’un écrivain
est
engagé ou non. Dans le fait, dans le concret vécu, il n’y a pas l’écr
1344
a date que l’Histoire lui attribue — Histoire qui
est
le produit de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne soit par
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de l’écriture ! Nul écrivain digne du nom qui ne
soit
par lui-même événement, et dont l’œuvre ne constitue une partie de la
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1. Le ludion réagit passivement à l’époque : il n’
est
pas engagé mais immergé en elle, il en révèle les courants locaux et
1347
nds et en formation, sans essayer d’agir sur eux,
soit
qu’il n’en ait aucune envie, ou désespère d’en avoir les moyens, ou n
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et romanciers du xixe et du xxe siècle peuvent
être
rangés dans cette catégorie très vaste, dont la limite inférieure ser
1349
e catégorie très vaste, dont la limite inférieure
serait
symbolisée par le nom de Françoise Sagan, ludion des moods à la mode,
1350
ne enquête de la Gazette littéraire, de Lausanne,
été
1969.