1 1970, L’Un et le Divers ou la Cité européenne. I. Pour une nouvelle définition du fédéralisme
1 1 En 1863 paraissait le dernier grand ouvrage de Proudhon, Du Principe fédératif, où l’on pouvait lire cette phrase de
2 rations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. » Dans quelle voie sommes-nous engagés après un siècle ? C
3 ngagés après un siècle ? Celle des fédérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’une renaissance des particularisme
4 édérations et de l’harmonie des peuples, ou celle d’ une renaissance des particularismes nationaux ? Je répondrai : dans le
5 est pas contradictoire. Un phénomène très général de convergence inspire les mouvements d’union continentale qui créent le
6 rès général de convergence inspire les mouvements d’ union continentale qui créent le Conseil de l’Europe et le Marché comm
7 s plus ou moins réussies dans l’empire communiste d’ Europe, dans le monde arabe, en Afrique et en Amérique latine, cependa
8 e et en Amérique latine, cependant qu’une volonté d’ union mondiale anime les Nations unies et l’Unesco, le Conseil œcuméni
9 en sens inverse, un phénomène tout aussi général d’ affirmation des diversités, des autonomies et des volontés d’indépenda
10 on des diversités, des autonomies et des volontés d’ indépendance, inspire les mouvements de résurgences communalistes, rég
11 s volontés d’indépendance, inspire les mouvements de résurgences communalistes, régionalistes et nationalistes, qu’on voit
12 qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsov
13 lein essor, qu’il s’agisse de Nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au se
14 instance de divorce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou ethnies en
15 orce avec l’OTAN ou avec le Pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou ethnies en révolte plus ou
16 re leur imposa l’élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Renaissance donc des micro-nationalism
17 posa l’élément formateur ou hégémonique de chacun de nos États unitaires. Renaissance donc des micro-nationalismes locaux,
18 evendiquent leur autonomie au nom de leur langue, de leurs coutumes, ou des nécessités économiques nouvelles, et qui enfiè
19 effets complémentaires, j’entends le dépassement de l’État-nation à la fois par en haut et par en bas, d’une part, vers d
20 re part, vers un fédéralisme régional. La victime de ce double mouvement contradictoire, c’est en effet l’État-nation, tel
21 e, c’est en effet l’État-nation, tel qu’il est né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une
22 né de la Révolution et du Premier Empire, produit de la confiscation d’une mystique — la Nation — par un appareil administ
23 et du Premier Empire, produit de la confiscation d’ une mystique — la Nation — par un appareil administratif et policier —
24 te l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de Nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamismes
25 ion européen nous apparaît, tel que les accidents de l’Histoire nous l’ont laissé, à la fois trop petit et trop grand. Il
26 endance et sa souveraineté absolue : car nul pays de notre Europe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer
27 car nul pays de notre Europe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul,
28 pe n’est plus en mesure de jouer un rôle mondial, d’ assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au phy
29 jouer un rôle mondial, d’assurer seul sa défense, de se nourrir seul, au spirituel comme au physique. Et en même temps, pr
30 la vie économique, culturelle et surtout civique de leurs régions : celles-ci se sentent exploitées par l’État, ses burea
31 État, ses bureaux ou sa capitale, et les accusent de colonialisme. Il est certain que la prétention à une politique indépe
32 S et surtout les USA, s’ils acceptaient toutefois d’ en payer le prix, lequel serait celui d’une autarcie presque totale ou
33 toutefois d’en payer le prix, lequel serait celui d’ une autarcie presque totale ou d’une sorte d’isolation paranoïaque. En
34 uel serait celui d’une autarcie presque totale ou d’ une sorte d’isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de
35 elui d’une autarcie presque totale ou d’une sorte d’ isolation paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les pl
36 ion paranoïaque. En fait, les États-Unis, quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle
37 quoique de loin les plus forts, dépendent autant de l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une in
38 t de l’opinion mondiale que celle-ci du dollar ou de la télévision. Une interdépendance universelle dans tous les ordres t
39 ans tous les ordres tend à réduire l’indépendance d’ un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un
40 ce d’un État à une certaine liberté dans le choix de ses dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux d
41 dépendances, à un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes. Au surplus, je
42 un certain jeu dans l’aménagement de ses réseaux de relations plus ou moins contraignantes. Au surplus, je ne vois guère
43 oins contraignantes. Au surplus, je ne vois guère d’ État-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mo
44 antes. Au surplus, je ne vois guère d’État-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mondiale et de d
45 t-nation de type unitaire que ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification locale ne mette en crise p
46 ue ce double mouvement de convergence mondiale et de diversification locale ne mette en crise permanente : 855 votes en qu
47 èglement du statut des régions autonomes. Risques d’ éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels o
48 tatut des régions autonomes. Risques d’éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionn
49 d’éclatement de la Belgique. En France, floraison de projets officiels ou révolutionnaires tendant à régionaliser l’Hexago
50 iplication des jumelages européens entre communes de ces mêmes régions, créations d’organismes de coopérations multination
51 ns entre communes de ces mêmes régions, créations d’ organismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basilie
52 unes de ces mêmes régions, créations d’organismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basiliensis, unions
53 rganismes de coopérations multinationales du type de la Regio Basiliensis, unions professionnelles et industrielles tendan
54 qui perd. Il ne correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation civique, apanage des petites communautés
55 e correspond plus ni aux conditions de liberté et de participation civique, apanage des petites communautés ou cités libre
56 e Rousseau l’avait si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent r
57 si bien vu ; ni aux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de gra
58 ux conditions de développement, de rentabilité et de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces économ
59 t de sécurité, auxquelles ne peuvent répondre que de grands espaces économiques constitués à la mesure des possibilités et
60 itués à la mesure des possibilités et des besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatric
61 besoins de l’ère scientifico-technique. Cet échec de la politique centralisatrice et unitaire, secrètement obsédée par un
62 rice et unitaire, secrètement obsédée par un rêve d’ autarcie, et cette mise en question, voire en accusation, de la formul
63 , et cette mise en question, voire en accusation, de la formule stato-nationale élaborée par le xixe siècle, nous renvoie
64 nous renvoient l’un comme l’autre à des formules de type fédéraliste. À la question que je me posais sur la prophétie pro
65 e réponse : oui, nous sommes bel et bien au seuil d’ une ère potentiellement fédéraliste. Peut-on dire plus ? Sur les quel
66 e humanité, je ne compte guère que deux douzaines d’ États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe,
67 ines d’États fédératifs, mais ils regroupent 40 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve
68 0 % de la population du globe, et il est frappant de constater qu’on trouve parmi eux les plus grands États des cinq conti
69 l’Europe de l’Ouest et la Yougoslavie pour celle de l’Est, et au-delà, l’URSS, l’Inde et l’Australie. Voilà qui réfute le
70 Mais l’étiquette fédérale couvre des marchandises de qualités pour le moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’e
71 le moins diverses selon qu’il s’agit par exemple de l’empire soviétique, du Nigeria, ou de la Confédération suisse. Car l
72 ar exemple de l’empire soviétique, du Nigeria, ou de la Confédération suisse. Car la double exigence antinomique de la con
73 ration suisse. Car la double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux sat
74 double exigence antinomique de la convergence et de la diversification n’est pas tellement mieux satisfaite dans ces troi
75 oqué (non sans paradoxe d’ailleurs), pour refuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et
76 efuser de se laisser entraîner par des mouvements de convergence européenne et mondiale, même s’ils disent s’inspirer du p
77 e, même s’ils disent s’inspirer du propre exemple de la fédération des cantons suisses ! Il est certain que dans ces trois
78 as, c’est moins le fédéralisme qu’on est en droit d’ incriminer que sa trahison pure et simple, ou son usage mal compris, o
79 mal compris, ou son blocage délibéré aux limites d’ un État fédéral. Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’u
80 é aux limites d’un État fédéral. Il ne s’agit pas d’ un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est
81 Il ne s’agit pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’ un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’applica
82 pas d’un défaut du fédéralisme, mais d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’application correct
83 d’un défaut de fédéralisme. Et l’on est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablira
84 est en droit de penser que l’application correcte de la méthode fédéraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de dia
85 déraliste rétablirait bientôt ce double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des
86 lirait bientôt ce double mouvement de diastole et de systole, vers des autonomies plus locales et vers des unions plus vas
87 ns plus vastes, qui est le battement même du cœur d’ un régime sain, j’entends immunisé contre le virus totalitaire. Mais s
88 il faudrait, avant de le prescrire, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas de terme du langage politique qui prête
89 e, être très sûr de sa formule. Or je ne vois pas de terme du langage politique qui prête à pires malentendus ! Un Françai
90  fédération », c’est simplement « union politique d’ États » (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabe
91 ement « union politique d’États » (mais on a soin de préciser qu’en vers, cela fait cinq syllabes). Cette définition est a
92 dant la Révolution, projet attribué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédératio
93 ibué aux girondins de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Fr
94 ale et de transformer la France en une fédération de petits États. » Pour le Français cultivé, donc, la cause est jugée. I
95 çais cultivé, donc, la cause est jugée. Il s’agit d’ un système qui est bon pour les sauvages, et qui semble n’avoir été pr
96 à la République… Il est vrai que mon Littré date de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de néologisme ». C’était
97 e de 1865 : « fédéralisme » y est encore qualifié de néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lor
98 de néologisme ». C’était deux ans après le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes paru
99 le livre de Proudhon. Depuis lors, les centaines d’ études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semb
100 Proudhon. Depuis lors, les centaines d’études et de gros volumes parus sur le sujet auraient dû suffire, semble-t-il, à c
101 tout : le malheur congénital du fédéralisme reste d’ être un concept dialectique, ambigu, et qui autorise — ou incite en to
102 quelques années, je suggérai au comité directeur d’ un congrès européen qu’une journée fût réservée à des travaux sur le f
103 de l’Europe tint à déclarer aussitôt que le terme de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter
104 me étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma proposition. Je compris par la
105 nctionnaire tenait le fédéralisme pour un système d’ unification intégrale, sans respect pour les diversités et les autonom
106 embres, c’est-à-dire très exactement le contraire de ce qu’il est. À l’inverse, le fédéralisme est assimilé par beaucoup à
107 éralisme est assimilé par beaucoup à une attitude de suspicion envers tout pouvoir central, et à la défense ombrageuse des
108 l y a quelques années, on put entendre le recteur d’ une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subventi
109 quelques années, on put entendre le recteur d’une de nos universités cantonales condamner le principe d’une subvention féd
110 nos universités cantonales condamner le principe d’ une subvention fédérale « parce qu’ici, disait-il, nous sommes fédéral
111 éralistes ! » Si pareils malentendus sont le fait d’ Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions helvètes
112 tendus sont le fait d’Européens professionnels ou de gardiens jaloux des traditions helvètes, que sera-ce ailleurs ? Le fé
113 ni ceci, ni cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles
114 i cela, mais la coexistence en tension de ceci et de cela, il semble que le danger d’interprétations partielles, donc ruin
115 nsion de ceci et de cela, il semble que le danger d’ interprétations partielles, donc ruineuses dans son cas, lui soit pour
116 nsi dire congénital. Or s’il est vrai que l’Union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle, et s’il est vraisemb
117 que l’Union de l’Europe est l’entreprise capitale de ce siècle, et s’il est vraisemblable que cette union sera fédérale ou
118 que j’ai dits, et par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéral
119 et par suite l’importance pratique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma p
120 ique de tout effort de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant pr
121 rt de clarification des concepts de fédération et de fédéralisme. Pour ma part, je voudrais maintenant proposer quelques d
122 ot. ⁂ Tout d’abord, trois définitions. Je propose d’ appeler problème fédéraliste une situation dans laquelle s’affrontent
123 antinomiques mais également valables et vitales, de telle sorte que la solution ne puisse être cherchée ni dans la réduct
124 tion ne puisse être cherchée ni dans la réduction de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seu
125 tion de l’un des termes, ni dans la subordination de l’un à l’autre, mais seulement dans une création qui englobe, satisfa
126 i englobe, satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solu
127 satisfasse et transcende les exigences de l’un et de l’autre. J’appellerai donc solution fédéraliste toute solution qui pr
128 n fédéraliste toute solution qui prend pour règle de respecter les deux termes antinomiques en conflit tout en les composa
129 mes antinomiques en conflit tout en les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive. (On di
130 les composant de telle manière que la résultante de leur tension soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie
131 ension soit positive. (On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de dé
132 On dirait, dans le langage de la théorie des jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en l
133 jeux de von Neumann et Morgenstern, qu’il s’agit de déterminer l’optimum en lequel se concilient deux maxima contradictoi
134 lus large du terme. Avant de chercher à quel type d’ homme correspond une telle politique, et quel type d’homme elle entend
135 omme correspond une telle politique, et quel type d’ homme elle entend préparer ou éduquer, constatons qu’elle traduit une
136 ou éduquer, constatons qu’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous
137 u’elle traduit une forme de pensée, une structure de relations bipolaires dont le « modèle » nous est connu : c’est celui
138 connu : c’est celui qu’ont élaboré les fondateurs de la philosophie occidentale dans le dialogue opposant les éléates aux
139 aux ioniens au sujet de l’antinomie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Paral
140 omie fondamentale de l’Un et du Divers, ou encore de la permanence et du changement. Parallèlement se constituaient les pr
141 lement se constituaient les premières définitions de l’homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéra
142 éfinitions de l’homme comme individu distinct, et de la cité ou auto-nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de b
143 -nomie (littéralement auto-réglage) comme cellule de base des ligues et fédérations. Voilà qui est proprement occidental :
144 t proprement occidental : devant ce même problème de l’un et du divers, les métaphysiques orientales prennent le parti de
145 s, les métaphysiques orientales prennent le parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au
146 e parti de supprimer le conflit en réduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’une longue ascèse exténuante. Pour
147 éduisant l’un de ses termes — le Divers — au prix d’ une longue ascèse exténuante. Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le
148 Pour le brahmane, pour le bouddhiste, le but est d’ effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans disti
149 , le but est d’effacer l’individu, la différence, de tout fondre dans l’Un sans distinction. Mais l’Occident, dès l’aube g
150 ais bien en tension créatrice, et c’est le succès de cet effort toujours renouvelé et toujours menacé, qui dénote la santé
151 renouvelé et toujours menacé, qui dénote la santé de la pensée européenne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de
152 nne, sa justesse, sa mesure conquise sur le chaos de la masse indistincte autant que sur l’anarchie des individus isolés,
153 es ou physiques, esthétiques ou politiques. C’est de la lutte des contraires que procède la plus belle harmonie, dit un fr
154 e la plus belle harmonie, dit un fragment célèbre d’ Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette comp
155 fragment célèbre d’Héraclite. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires ma
156 te. L’art et la science de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires mais également valables, voi
157 ce de cette mise en tension, de cette composition de réalités contraires mais également valables, voilà je crois ce qui dé
158 is ce qui définit l’apport original et spécifique de la pensée occidentale ; or cette définition vaut également et intégra
159 r la Grèce des grands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais l
160 ands siècles avec sa dialectique de l’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial
161 ’individu et de la cité, conciliée dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécifiquement o
162 dans la notion de citoyen. Mais le moment crucial de toute l’évolution spécifiquement occidentale vers l’approfondissement
163 À Nicée, puis à Chalcédoine, plusieurs centaines d’ évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nat
164 s à Chalcédoine, plusieurs centaines d’évêques et de docteurs se mettent d’accord pour définir en grec la nature à la fois
165 nt-Esprit, et la personne à la fois une et double de Jésus-Christ. Et ils écrivent : Nous enseignons un seul et même Seign
166 res, mais plutôt elle a sauvegardé les propriétés de chaque nature, qui se rencontrent dans une seule personne… Abstracti
167 trent dans une seule personne… Abstraction faite de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je reti
168 de la foi que l’on accorde ou non à la substance de ces énoncés, je retiens que leurs formes et structures posent un cert
169 leurs formes et structures posent un certain type de relations, posent donc une société et une politique. De même que le m
170 u devenir historico-politique — source principale de la méthode marxienne — de même le modèle de la coexistence des deux n
171 ipale de la méthode marxienne — de même le modèle de la coexistence des deux natures sans confusion ni séparation et de l’
172 des deux natures sans confusion ni séparation et de l’union qui loin de supprimer la différence des natures sauvegarde le
173 occidentaux respectueux du réel et des conditions de la vie, qui sont : antinomies, oppositions, lutte des contraires « d’
174 : antinomies, oppositions, lutte des contraires «  d’ où procède la plus belle harmonie ». Je pense d’abord, bien sûr, aux e
175 ville et Proudhon, mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénom
176 , mais aussi aux écoles récentes de physiciens et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis com
177 et de logiciens pour lesquels la complémentarité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’être u
178 arité de phénomènes, définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’être un scandale, est même devenu principe fondame
179 définis comme exclusifs l’un de l’autre, a cessé d’ être un scandale, est même devenu principe fondamental d’interprétatio
180 un scandale, est même devenu principe fondamental d’ interprétation du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Brog
181 étation du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi d
182 n du réel. (Je pense notamment aux théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vrai
183 x théories de L. de Broglie sur la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pens
184 la lumière, faite de vrais corpuscules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la c
185 cules mais aussi de vraies ondes…) ⁂ Notre modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il r
186 modèle de pensée fédéraliste ainsi posé à la clé de l’histoire européenne, il reste à repérer les principaux domaines de
187 éenne, il reste à repérer les principaux domaines de la réalité moderne où l’on retrouve les structures typiques d’un prob
188 moderne où l’on retrouve les structures typiques d’ un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conce
189 res typiques d’un problème fédéraliste. À la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au modèle b
190 la base de notre analyse, plaçons une conception de l’homme analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoi
191 analogue au modèle bipolaire posé par le concile de Chalcédoine. La personne humaine, notion déduite des dogmes relatifs
192 divines, et surtout à la deuxième, va nous servir de module. La personne humaine, c’est l’homme considéré dans sa double r
193 e, c’est l’homme considéré dans sa double réalité d’ individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libe
194 éré dans sa double réalité d’individu distinct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabi
195 inct et de citoyen engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mo
196 n engagé dans la société. Pourvu de libertés mais de responsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo
197 onsabilités, solitaire et solidaire (selon le mot de Victor Hugo repris par Camus), distingué du troupeau par cette vocati
198 n mieux : l’un — la solidarité — sera la garantie de l’autre — l’autonomie. Quelques exemples : 1. Le problème des univers
199 exemples : 1. Le problème des universités résulte d’ un couple d’exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une
200 . Le problème des universités résulte d’un couple d’ exigences contradictoires, qui paraissent exclusives l’une de l’autre
201 contradictoires, qui paraissent exclusives l’une de l’autre quoique indispensables l’une à l’autre : la spécialisation et
202 et la culture générale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de
203 nérale. 2. Les problèmes actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les e
204 actuels de l’habitat et de l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valab
205 l’urbanisme résultent de la croissante difficulté de satisfaire les exigences, également valables mais également frustrées
206 is également frustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec
207 ustrées dans les grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3.
208 grands ensembles, de solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la
209 e solitude et de sociabilité, de recueillement et de communication avec les autres. 3. Au niveau de la vie civique et poli
210 nt à concilier les besoins contraires mais vitaux d’ autonomie locale et de grands espaces communs, de participation effica
211 oins contraires mais vitaux d’autonomie locale et de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un group
212 d’autonomie locale et de grands espaces communs, de participation efficace à la vie d’un groupe concret et d’horizons ouv
213 paces communs, de participation efficace à la vie d’ un groupe concret et d’horizons ouverts, d’adhésion à des communautés
214 cipation efficace à la vie d’un groupe concret et d’ horizons ouverts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de cadre
215 la vie d’un groupe concret et d’horizons ouverts, d’ adhésion à des communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’e
216 erts, d’adhésion à des communautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de
217 mmunautés plus vastes et de cadres qui rassurent, d’ enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la foi
218 tes et de cadres qui rassurent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et
219 rent, d’enracinement et de mobilité… La situation de l’homme qui veut à la fois sa vie privée et une vie sociale est homol
220 e et une vie sociale est homologue à la situation de la région qui veut à la fois son autonomie et sa participation à un p
221 le, en association. 4. Enfin, le problème général de l’œcuménisme n’est-il pas le même en sa forme que ceux que nous venon
222 pas le même en sa forme que ceux que nous venons d’ évoquer, puisqu’il consiste à concilier des confessions distinctes dan
223 concilier des confessions distinctes dans l’unité de l’Église, c’est-à-dire, en dernière analyse, des vocations particuliè
224 es vocations particulières au sein de l’Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaine
225 sein de l’Être même de l’Universel, source et fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’existence, quels seront le
226 t fin de toute communauté. Dans tous ces domaines d’ existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci f
227 domaines d’existence, quels seront les principes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, de
228 ncipes de méthode dictés par le souci fédéraliste de respect des diversités, des conditions contradictoires de la vie, com
229 ct des diversités, des conditions contradictoires de la vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ?
230 a vie, comme la liberté des personnes et la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’une situation part du concret
231 la force de la communauté ? L’analyse fédéraliste d’ une situation part du concret, en ce sens que d’abord elle considère l
232 , en ce sens que d’abord elle considère la nature d’ une tâche ou d’une fonction particulière dont on aura reconnu la néces
233 e d’abord elle considère la nature d’une tâche ou d’ une fonction particulière dont on aura reconnu la nécessité ou l’agrém
234 euxième étape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’exécution requise, et elle le fait en fonction des trois fac
235 ape : elle évalue les dimensions optima de l’aire d’ exécution requise, et elle le fait en fonction des trois facteurs suiv
236 nction des trois facteurs suivants : possibilités de participation (civique, intellectuelle, économique), efficacité, écon
237 lon les cas), il ne reste qu’à désigner le niveau de compétence où seront prises les décisions relatives à cette tâche. Il
238 che. Il peut y avoir d’ailleurs plusieurs niveaux de décisions, hiérarchisés. Séparer les pouvoirs, les disperser, les rép
239 selon le bon sens, voilà le programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire
240 le programme proudhonien de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’o
241 de division fédéraliste de l’État, inverse exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’opération peuvent et doive
242 exact de l’utopie totalitaire. De plus, les aires d’ opération peuvent et doivent différer selon les tâches, j’entends selo
243 ntends selon qu’elles intéressent tous les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains h
244 les hommes de toutes les régions, certains hommes de toutes les régions, certains hommes de certaines régions, tous les ho
245 ins hommes de toutes les régions, certains hommes de certaines régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’une seul
246 ains hommes de certaines régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’une seule. Je conviendrai que le nombre des co
247 régions, tous les hommes de quelques régions, ou d’ une seule. Je conviendrai que le nombre des combinaisons auxquelles pe
248 inaisons auxquelles peut conduire cette méthode a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais
249 de a de quoi donner le vertige aux fonctionnaires de tradition unitaire. Mais les ordinateurs vont prendre la relève. Léni
250 s ordinateurs, c’est-à-dire le respect du réel et de ses infinies complexités enfin rendu possible par la technique modern
251 ble par la technique moderne. (Ce débat n’est pas d’ aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carr
252 e. (Ce débat n’est pas d’aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit li
253 aujourd’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le pr
254 page géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de s
255 la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Sieyès sous prétexte de simplifier les contr
256 u répondait déjà par cette grande phrase : Le but de la société n’est pas que l’administration soit facile, mais qu’elle s
257 irée.) Nous allons voir, enfin, que nos critères d’ évaluation des dimensions et d’attribution des niveaux décisionnels — 
258 , que nos critères d’évaluation des dimensions et d’ attribution des niveaux décisionnels — la participation, l’efficacité
259 nt en interdépendance générale. Prenons l’exemple de l’habitat : le gigantisme des villes, l’entassement dans les grands e
260 conçus pour rapporter, ont produit une situation de crise dont l’acuité se mesure notamment par le chiffre élevé des suic
261 le anonyme… Mais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’ét
262 ais c’est une mauvaise solitude, née de l’absence de communication avec ceux que l’on côtoie comme s’ils n’étaient pas là.
263 La solution consisterait à recréer les conditions de communauté, et tout d’abord certaines dimensions et structures archit
264 nsions et structures architecturales : des unités d’ habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces
265 uctures architecturales : des unités d’habitation de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’espaces verts mais de
266 de 5000 à 25 000 habitants, dotées non seulement d’ espaces verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’une place
267 itants, dotées non seulement d’espaces verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’une place remplissant la foncti
268 verts mais de rues réservées aux seuls piétons et d’ une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité
269 ls piétons et d’une place remplissant la fonction de l’agora ou du forum dans la cité antique : place délimitée par tous l
270 lace délimitée par tous les bâtiments symboliques de la vie communautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencon
271 munautaire, églises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manif
272 ises, mairie, marchés, cafés, lieu de rencontres, d’ intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La p
273 marchés, cafés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité ph
274 afés, lieu de rencontres, d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et m
275 d’intrigues, de flirts, de criée des journaux et de manifestations. La possibilité physique et morale de participation à
276 manifestations. La possibilité physique et morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dim
277 morale de participation à la vie communale dépend de tels aménagements. Les dimensions d’ailleurs, peuvent être numériques
278 re générale au sens traditionnel et l’acquisition d’ un savoir professionnel souvent d’autant plus rentable qu’il est plus
279 t l’acquisition d’un savoir professionnel souvent d’ autant plus rentable qu’il est plus étroitement spécialisé ; mais la r
280 é ; mais la révolte actuelle des étudiants, sorte de tourbillon dans l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’exp
281 dans l’égarement, est aussi le résultat mécanique de l’explosion des effectifs. Multipliez par dix les dimensions des marc
282 fs. Multipliez par dix les dimensions des marches d’ un escalier, il devient impraticable. De même, le décuplement des effe
283 n réelle à la recherche et compromet l’efficacité de l’enseignement. Remède fédéraliste : commencer par réévaluer les dime
284 éraliste : commencer par réévaluer les dimensions d’ une université digne du nom, ménageant des possibilités de recherches
285 iversité digne du nom, ménageant des possibilités de recherches très spécialisées et de travail interdisciplinaire. L’anal
286 s possibilités de recherches très spécialisées et de travail interdisciplinaire. L’analyse conduit à souhaiter l’adoption,
287 yse conduit à souhaiter l’adoption, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d
288 option, comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient le
289 comme module, de petits groupes ou unités de base de douze à quinze étudiants autour d’un enseignant (c’étaient les dimens
290 unités de base de douze à quinze étudiants autour d’ un enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au
291 autour d’un enseignant (c’étaient les dimensions d’ un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces
292 enseignant (c’étaient les dimensions d’un studium de la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unit
293 la Sorbonne au xiiie siècle) puis une fédération de ces petites unités en départements, et je retrouve ici les solutions
294 les solutions préconisées lors du fameux colloque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Göttinge
295 oque de Caen, en 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Göttingen aux recteurs européens en 1964.3 L’univers
296 1966, mais aussi les conclusions de mon discours de Göttingen aux recteurs européens en 1964.3 L’université fut une comm
297 ique du fédéralisme : comment assurer la cohésion d’ un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (te
298 d’un ensemble assez vaste pour pouvoir se charger de tâches communes (telles que la défense, les affaires étrangères et la
299 r les droits essentiels et l’autonomie des unités de base ? Comment devenir assez grand pour être fort, tout en restant as
300 ssez petit pour être libre ? Ce n’est pas le vote d’ une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui peut résoudre une
301 libre ? Ce n’est pas le vote d’une constitution, de type plus ou moins fédéral, qui peut résoudre une fois pour toutes ce
302 ntreprendre, répartir en conséquence les pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionnées à la pui
303 s pouvoirs de décision, opérer les concentrations de forces proportionnées à la puissance que l’on veut obtenir et en même
304 ir et en même temps multiplier les petites unités de base, de manière à maintenir ou renforcer les possibilités de partici
305 manière à maintenir ou renforcer les possibilités de participation civiques, intellectuelles et affectives. C’est dans ce
306 fectives. C’est dans ce double dynamisme créateur d’ unions plus vastes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de com
307 amisme créateur d’unions plus vastes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de communautés plus petites correspondan
308 stes à proportion de tâches nouvelles, mais aussi de communautés plus petites correspondant aux exigences de l’habitat, de
309 munautés plus petites correspondant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c
310 petites correspondant aux exigences de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cett
311 nces de l’habitat, de la formation des esprits et de l’exercice du civisme, c’est dans cette dialectique concrète que sont
312 train de se former sous nos yeux, en Europe, plus d’ une centaine de régions à métropole destinées à devenir — à plus ou mo
313 mer sous nos yeux, en Europe, plus d’une centaine de régions à métropole destinées à devenir — à plus ou moins long terme 
314 devenir — à plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place des États
315 — à plus ou moins long terme — les unités de base de la future fédération continentale, en lieu et place des États-nations
316 ssiques, n’était en réalité qu’un cas particulier d’ une conception beaucoup plus large des relations humaines dans la cité
317 clos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’ une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à qu
318 ridique ou politique : il est un des grands types d’ aménagement du rapport politique et peut-être plus encore, un des gran
319 ue et peut-être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation capable, au même titre que le libéralisme, le
320 -être plus encore, un des grands styles de vie et de civilisation capable, au même titre que le libéralisme, le socialisme
321 e le libéralisme, le socialisme ou la démocratie, d’ alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images d
322 démocratie, d’alimenter la pensée des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comportement” dont Bertrand de Jouve
323 des sociétés et de dicter aux hommes ces “images de comportement” dont Bertrand de Jouvenel a si justement mis en vedette
324 stitutionnelles du xixe . Nous voici sur le seuil de l’ère des grandes unions et des petites unités fonctionnelles, et l’o
325 e trouver, dans les techniques avancées, le moyen de leur composition. En tant que méthode générale d’aménagement des rela
326 de leur composition. En tant que méthode générale d’ aménagement des relations humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté
327 tions humaines, le fédéralisme tel que j’ai tenté de le définir ne fait que commencer. Il n’est pas matière historique, ma
328 s matière historique, mais prospective. Il a plus d’ avenir que de passé. 1. Texte d’une communication à l’Académie des s
329 torique, mais prospective. Il a plus d’avenir que de passé. 1. Texte d’une communication à l’Académie des sciences moral
330 tive. Il a plus d’avenir que de passé. 1. Texte d’ une communication à l’Académie des sciences morales et politiques, Par
331  » 3. « Université et universalité », La Revue de Paris , n° 11, novembre 1965, p. 1-13 [NdE] On trouvera dans notre éd
2 1970, L’Un et le Divers ou la Cité européenne. II. La Cité européenne
332 II. La Cité européenne5 L’Europe, avant d’ être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une co
333 que, doit être une communauté culturelle. L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des instituti
334 Je pense, avec Robert Schuman, qu’il est possible d’ unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale qu’une unit
335 te raison littéralement fondamentale qu’une unité de base existe, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d
336 iste, sur laquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu
337 aquelle fonder cette union. Il s’agit de l’unité d’ une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient
338 cette union. Il s’agit de l’unité d’une culture, de laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’ailleurs « c
339 d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doivent, en fait, à la culture. Unité non pas homogène et q
340 ure. Unité non pas homogène et qui ne résulte pas d’ un processus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de
341 mogène et qui ne résulte pas d’un processus forcé d’ uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais
342 ésulte pas d’un processus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire e
343 ocessus forcé d’uniformisation, de nivellement et d’ exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose
344 é d’uniformisation, de nivellement et d’exclusion de ce qui diffère, mais qui au contraire englobe, et compose largement,
345 des valeurs bien souvent antinomiques, provenant d’ origines multiples, dont les contrastes et les combinaisons entretienn
346 etiennent des tensions renouvelées sans répit. Et de là vient l’irrépressible dynamisme qui a porté la civilisation europé
347 contre nous, pour le meilleur et pour le pire. Et de là viennent aussi nos divisions mortelles, nos efforts pour les surmo
348 verselles, et toutes les créations qui ne cessent de jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie oc
349 et toutes les créations qui ne cessent de jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie occidentale,
350 jaillir de cette discorde permanente. Dès l’aube de la philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’Ionie où prit n
351 l’aube de la philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire,
352 philosophie occidentale, dans l’une de ces cités d’ Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire, Héraclite éc
353 es cités d’Ionie où prit naissance la dialectique de notre histoire, Héraclite écrivait cette phrase décisive, qu’il faut
354 e décisive, qu’il faut tenir pour la formule même d’ une unité spécifiquement européenne : Ce qui s’oppose coopère, et de l
355 iquement européenne : Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. De ce temps
356 des contraires procède la plus belle harmonie. De ce temps jusqu’au nôtre, tout concourt à nourrir ce paradoxe qui para
357 paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’Un et
358 loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’Un et du Divers, l’Unité dans la Dive
359 toire et le ressort de notre pensée : l’antinomie de l’Un et du Divers, l’Unité dans la Diversité, et la coexistence fécon
360 ses dernières conséquences, découvre ainsi l’idée de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme he
361 uences, découvre ainsi l’idée de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne m
362 e ainsi l’idée de l’atome et celle de l’individu, d’ où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d
363 de l’atome et celle de l’individu, d’où les excès de l’individualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’appeler la tyr
364 ndividualisme hellénistique qui ne manqueront pas d’ appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente
365 d’appeler la tyrannie. Rome, en réponse à ce défi de l’anarchie, invente l’État et les institutions centralisées : elle po
366 ’irrémédiable et dangereux Ennui, jusqu’à ce vide de l’âme inoccupée qui appelle les tempêtes et les révolutions. Le chris
367 Le christianisme apporte alors un troisième monde de valeurs, assez mal conciliables avec celles de la sagesse grecque, et
368 de de valeurs, assez mal conciliables avec celles de la sagesse grecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la m
369 agesse grecque, et totalement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose
370 talement contraires à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour
371 res à celles de Rome. À la morale de la mesure et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au
372 e et de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’amour sans calcul, au droit de la force, le service du prochain, au
373 ète. Bien plus, il porte la contradiction au cœur de l’Être, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la T
374 on au cœur de l’Être, et la traduit dans l’énoncé de ses dogmes fondamentaux : la Trinité transporte en Dieu lui-même le p
375 a Trinité transporte en Dieu lui-même le paradoxe de l’Un et du Divers, tandis que l’Incarnation porte à l’extrême la coex
376 existence des contraires, l’impensable définition de la Personne de Jésus‑Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fo
377 ontraires, l’impensable définition de la Personne de Jésus‑Christ comme « vrai Dieu et vrai homme » à la fois, selon les f
378 omme » à la fois, selon les formules conciliaires de Nicée et de Chalcédoine. Or, ces valeurs grecques, romaines et chréti
379 fois, selon les formules conciliaires de Nicée et de Chalcédoine. Or, ces valeurs grecques, romaines et chrétiennes, qui s
380 urs triomphes alternés, elles durent dans l’ombre de l’histoire, dans la tradition, dans les livres, et dans l’inconscient
381 nt toutes, sans exception, dans la vie des hommes d’ aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la trad
382 hommes d’aujourd’hui. Un seul exemple : le dogme de la Trinité, hors de la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle d
383 e la tradition ecclésiastique, a fourni le modèle de la dialectique hégélienne, repris par Marx, puis par Lénine avec les
384 que l’on sait jusque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chinois qui se croyaient confucianistes, bouddhistes,
385 sque dans l’existence quotidienne de 700 millions de Chinois qui se croyaient confucianistes, bouddhistes, ou sans croyanc
386 n’est pas tout. Avec les trois sources classiques d’ Athènes, de Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen
387 out. Avec les trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la sou
388 es trois sources classiques d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, viennent confluer dans le haut Moyen Âge la source germani
389 droit communautaire et personnel, et les valeurs d’ honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le gra
390 autaire et personnel, et les valeurs d’honneur et de fidélité, la seconde apportant le sens du rêve et le grand thème de l
391 conde apportant le sens du rêve et le grand thème de la Quête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval ou d’un Tristan,
392 du rêve et le grand thème de la Quête aventureuse d’ un Lancelot et d’un Perceval ou d’un Tristan, symbole mystique. Faut‑i
393 nd thème de la Quête aventureuse d’un Lancelot et d’ un Perceval ou d’un Tristan, symbole mystique. Faut‑il enfin rappeler
394 ête aventureuse d’un Lancelot et d’un Perceval ou d’ un Tristan, symbole mystique. Faut‑il enfin rappeler l’apport arabe, q
395 l’apport arabe, qui ne se limite pas au « retour d’ Aristote », ni au zéro, ni à la suite des chiffres « arabes », mais qu
396 bes », mais qui est l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croi
397 sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’a
398 xxe siècle ? Tout cela dure, agit et vit en nous de mille manières. Tout cela se combine en figures et en structures vari
399 variées à l’infini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’antinomies inséparables : autorité et libe
400 nt la plus fréquente, de très loin, est le couple d’ antinomies inséparables : autorité et liberté, personne et communauté,
401 ence, hérésie créatrice et saine doctrine, besoin de sécurité et goût du risque, conformité qui maintient les valeurs et o
402 ens. Enfin tout cela dénote l’Europe comme patrie de la diversité. L’Européen moyen déclare parfois et pense toujours : « 
403 arfois et pense toujours : « Quelle est ma raison d’ être, si je suis comme tout le monde ? » À ses yeux — et cela peut ser
404 e distinguer » ou « être distingué » est synonyme d’ honneur mérité ou reçu, non pas d’impardonnable faute de goût, de tent
405  » est synonyme d’honneur mérité ou reçu, non pas d’ impardonnable faute de goût, de tentative déviationniste, ou de blasph
406 é ou reçu, non pas d’impardonnable faute de goût, de tentative déviationniste, ou de blasphème, comme ce serait le cas dan
407 le faute de goût, de tentative déviationniste, ou de blasphème, comme ce serait le cas dans les sociétés primitives, dans
408 totalitaires, ou dans l’Inde religieuse. Le goût de différer, si peu que ce soit, est si cher aux Européens qu’il les por
409 si cher aux Européens qu’il les porte à exagérer d’ une manière tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distin
410 une manière tout à fait extravagante l’importance de ce qui les distingue. C’est ainsi qu’ils en viennent à penser sincère
411 s’il le faut, du fait qu’ils n’ont en somme rien de commun ! Un jour, tandis que je présidais une table ronde du Conseil
412 ronde du Conseil de l’Europe, irrité par ce genre d’ objections à l’union, j’écrivis sur une page de bloc‑notes « à faire c
413 re d’objections à l’union, j’écrivis sur une page de bloc‑notes « à faire circuler » autour du tapis vert l’essai de défin
414 « à faire circuler » autour du tapis vert l’essai de définition suivant : L’Européen ne serait‑il pas cet homme étrange q
415 er soit avec l’homme universel, soit avec l’homme d’ une seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fait parti
416 e universel, soit avec l’homme d’une seule nation de cette Europe dont il révèle ainsi qu’il fait partie, par le seul fait
417 cela, ce ne serait plus l’Europe. Le goût furieux de différer, par lequel nous nous ressemblons tous, c’est notre mal et n
418 r notre union, si l’on veut qu’elle mérite le nom d’ Europe. ⁂ Si l’on me demande maintenant comment on peut traduire en t
419 re en termes de structures politiques cette unité de culture non unitaire et si hautement diversifiée, je répondrai que la
420 ent par l’union dans la diversité, et cette forme d’ union porte un nom bien connu dans l’histoire des régimes politiques,
421 nnu dans l’histoire des régimes politiques, c’est de toute évidence : fédéralisme. Je ne vois pas d’autre forme d’union q
422 de toute évidence : fédéralisme. Je ne vois pas d’ autre forme d’union qui réponde à la double exigence du respect des di
423 ence : fédéralisme. Je ne vois pas d’autre forme d’ union qui réponde à la double exigence du respect des diversités et de
424 à la double exigence du respect des diversités et de l’instauration d’une force suffisante pour garantir leur concurrence
425 ce du respect des diversités et de l’instauration d’ une force suffisante pour garantir leur concurrence féconde, dans la p
426 concurrence féconde, dans la paix. Je ne vois pas d’ autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans les ter
427 échappatoire possible désormais : s’unir, au‑delà de nos fausses souverainetés, pour préserver nos vraies diversités — cré
428 tés — créer un pouvoir fédéral pour la sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une, si nous
429 qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu
430 déclare, avec Churchill dans son fameux discours de Zurich — qu’il n’y a pas une minute à perdre ! Quel est l’obstacle ap
431 ns mystérieux : l’obstacle à toute union possible de l’Europe (donc à toute union fédérale) n’est autre que l’État‑nation,
432 e la guerre. C’est ce modèle que tous les peuples de l’Europe, grands et petits, ont imité l’un après l’autre tout au long
433 près l’autre tout au long du xixe siècle, suivis de nos jours par le reste du monde, notamment par le tiers-monde, mal dé
434  ? C’est soumettre toute une nation, ou un groupe de nations conquises par l’une d’entre elles, aux pouvoirs absolus de l’
435 ses par l’une d’entre elles, aux pouvoirs absolus de l’État. C’est vouloir faire coïncider sur un même territoire, défini
436 e sort des guerres et du coup baptisé « sol sacré de la patrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune ra
437 s absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raison d’ avoir les mêmes frontières, comme la langue et l’économie, l’état civi
438 encore, les idéologies ou les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne de barbelés électrifiés. C’est livrer sans re
439 les religions, sommées de s’arrêter sur une ligne de barbelés électrifiés. C’est livrer sans recours toute l’existence hum
440 rs toute l’existence humaine aux seules décisions de bureaux installés dans une seule capitale, et interdire toute allégea
441 siècle. Rien donc de plus hostile à toute espèce d’ union tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, par
442 tat-nation qui, par ailleurs, se révèle incapable de répondre aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il est à la f
443 èle incapable de répondre aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle
444 r un projet rationnel. Or voici l’ironie tragique de notre Histoire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute un
445 ie tragique de notre Histoire : c’est sur la base de cet obstacle radical à toute union que l’on s’efforce depuis vingt-ci
446 te union que l’on s’efforce depuis vingt-cinq ans d’ unir l’Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi l’
447 fisamment, je crois, pourquoi l’on n’a pas avancé d’ un mètre en direction de notre union politique. Entre l’union de l’Eur
448 rquoi l’on n’a pas avancé d’un mètre en direction de notre union politique. Entre l’union de l’Europe et les États-nations
449 direction de notre union politique. Entre l’union de l’Europe et les États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine
450 é humaine des plus concrètes et le culte prolongé d’ un mythe, il faut choisir. Pour la première fois dans son histoire, l
451 istoire, l’homme se voit aujourd’hui en situation de choisir librement son avenir. Jusqu’à nous, point de choix économique
452 choisir librement son avenir. Jusqu’à nous, point de choix économiques ni même peut-être politiques longuement délibérés,
453 nécessaire est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’influence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam
454 e est assuré, on se bat pour le contrôle de zones d’ influence plus idéologiques que commerciales (voir le Vietnam) et l’on
455 en somme du superflu. Mais dès lors que ce choix de notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risq
456 de notre avenir est libre, nous voici contraints de le faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous dem
457 , à nos risques et périls ! Nous voici contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la Société, ce
458 contraints de nous demander ce que nous attendons de notre vie et de la Société, ce que nous voulons réellement, principal
459 us demander ce que nous attendons de notre vie et de la Société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contra
460 voulons réellement, principalement, et contraints de tirer des plans en conséquence. Voulons-nous par exemple à tout prix
461 rix sommes-nous prêts à payer pour cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’un confort toujours accru ? Ces dile
462 cela ? Le prix de certaines libertés, ou le prix d’ un confort toujours accru ? Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous
463 peuples avancés sous le rapport de l’industrie et de la technique. Et ils les forcent à reposer des questions difficiles,
464 s difficiles, voire angoissantes sur le sens même de la vie… D’une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si
465 , voire angoissantes sur le sens même de la vie… D’ une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union
466 cider, en toute conscience, et vite, car le choix de la fin implique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à l’inver
467 adéquats ; mais à l’inverse, si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien de vous conduire où vous ne vouliez pas all
468 si vous vous trompez de moyens, ils risquent bien de vous conduire où vous ne vouliez pas aller… Voici donc le dilemme pré
469 ous attribuons pour finalité à la Cité européenne de demain la Puissance, c’est‑à‑dire la puissance industrielle et milita
470 re la puissance industrielle et militaire massive d’ une sorte de Troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête au
471 nce industrielle et militaire massive d’une sorte de Troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête aux deux autre
472 sorte de Troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête aux deux autres, alors il faut créer un super État-nation
473 t agressif, comme la France de Napoléon, et faire de nos États autant de départements. Il faut tout unifier par des lois i
474 France de Napoléon, et faire de nos États autant de départements. Il faut tout unifier par des lois inflexibles, sans éga
475 ttre la production industrielle au seul impératif de l’élévation perpétuelle du PNB — cette tour de Babel du xxe siècle !
476 if de l’élévation perpétuelle du PNB — cette tour de Babel du xxe siècle ! Une politique européenne de ce type, simple tr
477 e Babel du xxe siècle ! Une politique européenne de ce type, simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle
478 tique européenne de ce type, simple transposition de la formule d’État-nation à l’échelle continentale, serait capable san
479 ne de ce type, simple transposition de la formule d’ État-nation à l’échelle continentale, serait capable sans nul doute de
480 helle continentale, serait capable sans nul doute de créer une Europe très forte, mais qui serait très peu européenne. San
481 ait être imposé à tous nos peuples qu’à la faveur d’ une guerre générale selon la loi de formation de l’État-nation dès ses
482 qu’à la faveur d’une guerre générale selon la loi de formation de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’une utopi
483 r d’une guerre générale selon la loi de formation de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’une utopie catastrophi
484 n de l’État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc d’ une utopie catastrophique, mais dont la réalisation ne saurait être ex
485 berté, c’est-à-dire les plus grandes possibilités d’ épanouissement des personnes, de participation des citoyens et d’auton
486 ndes possibilités d’épanouissement des personnes, de participation des citoyens et d’autonomie des communautés (la product
487 t des personnes, de participation des citoyens et d’ autonomie des communautés (la production industrielle n’étant qu’un de
488 production industrielle n’étant qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’est pas
489 jourd’hui radicalement incompatible avec les fins de l’Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes le
490 alement incompatible avec les fins de l’Europe et de la liberté. Il faut adopter sans délai les méthodes les plus propres
491 nalismes, et se consacrer sérieusement à la tâche de construire des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homm
492 des modèles neufs pour une cité rendue à l’usage de l’homme. Il faut mettre en commun à l’échelle fédérale continentale,
493 e qui est nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, communales et personnelles, mais rien de plu
494 idéologiques et religieuses, contre la prétention de l’État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer les pouvoirs
495 uer les pouvoirs étatiques aux différents niveaux de décision — le communal, le régional, le fédéral — indiqués par la nat
496 la nature des tâches, leurs dimensions et celles de la communauté la plus apte à les administrer. En un mot, il faut appl
497 é : ces deux finalités commandent deux politiques d’ union, dont je crains bien qu’on ne puisse pas impunément continuer à
498 continuer à mêler les moyens. On ne manquera pas de m’objecter en ce point que la politique a toujours eu pour fin réelle
499 s ont choisi la puissance comme seul but réaliste de la société politique ; le reste — la justice, la paix, la liberté — é
500  la justice, la paix, la liberté — étant manières de parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio démagogique.
501 péens, rares mais exemplaires, ont osé proclamer, d’ Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés pe
502 ires, ont osé proclamer, d’Aristote à Rousseau et de William Penn à Proudhon, que les libertés personnelles et les communa
503 ance collective. L’Europe unie sera seule capable de réaliser leur vision. On me dira peut‑être aussi que je radicalise in
504 e au dilemme Puissance ou Liberté comme finalités de l’union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je
505 oquait le général de Gaulle, et qui serait formée d’ États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la souveraine
506 amicale des misanthropes. Je crois à la nécessité de défaire nos États‑nations. Ou plutôt, de les dépasser, de démystifier
507 écessité de défaire nos États‑nations. Ou plutôt, de les dépasser, de démystifier leur sacré, de percer leurs frontières c
508 re nos États‑nations. Ou plutôt, de les dépasser, de démystifier leur sacré, de percer leurs frontières comme des écumoire
509 utôt, de les dépasser, de démystifier leur sacré, de percer leurs frontières comme des écumoires, de narguer ces frontière
510 , de percer leurs frontières comme des écumoires, de narguer ces frontières sur terre, sous terre et dans les airs, et de
511 tières sur terre, sous terre et dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absu
512 t dans les airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore effica
513 it aider : les échanges culturels, les mouvements de personnes, la concertation rationnelle des productions industrielles
514 tre : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propaga
515 et des fleuves, les attaques aériennes, les ondes de la propagande et les grandes contagions dites idéologiques. Elles emp
516 ns dites idéologiques. Elles empêchent simplement de bien traiter ces problèmes. Ce statut des frontières, doublement défi
517 tières, doublement déficient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est
518 ous les pays à la fois…) ne sont pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’économies dites natio
519 ont pas le type même de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’économies dites nationales, qui ne correspondent à
520 de faux problèmes, résultant de la seule fiction d’ économies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’économique.
521 ies dites nationales, qui ne correspondent à rien d’ économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les Éta
522 spondent à rien d’économique. Mais ce que je sais de science certaine, c’est que les États-nations n’existent pas dans l’h
523 les États-nations n’existent pas dans l’histoire de la culture, et que le « cheminement des esprits » dont parlait Robert
524 dans ce plan, elles n’existent pas. Il n’y a pas de « cultures nationales », en dépit des manuels scolaires, il n’y a que
525 traires opérées après coup dans l’ensemble vivant de la culture européenne. Et les diversités que nous devons respecter ne
526 ités que nous devons respecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’hier : elles les traversent et les divisent t
527 ecter ne sont pas celles de ces États-nations nés d’ hier : elles les traversent et les divisent tous également, et ne coïn
528 frontière. Nos États-nations, obsédés par l’idée de « se faire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en se ren
529 ace, qui doit être mis au service des citoyens et de leurs cités ; et non l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres,
530 l’inverse. Cessez donc, Messieurs les ministres, d’ essayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais touche
531 . Cessez donc, Messieurs les ministres, d’essayer d’ apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droi
532 rs les ministres, d’essayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États
533 ssayer d’apaiser les ennemis de l’union en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États-nations ! Vous savez
534 en jurant de ne jamais toucher aux droits sacrés de vos États-nations ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir l’Eu
535 en proclamant votre attachement aux causes mêmes de sa division ! Pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages
536 oi ne pas le dire ouvertement ? Tous les sondages d’ opinion le montrent : on vous suivrait, si vous osiez marcher. Il faut
537 tribuer et répartir l’État aux différents niveaux de décision où il peut servir une entité vivante, civique, économique ou
538 trôlé par l’usager, distribuer et répartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régio
539 r, distribuer et répartir l’État de la commune et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au nivea
540 et de l’entreprise à la région et aux groupements de régions jusqu’au niveau européen ; là, des Agences fédérales, du type
541 eau européen ; là, des Agences fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des gr
542 , des Agences fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des grandes tâches d’in
543 pe de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâches politique
544 nt chargées de la concertation des grandes tâches d’ intérêt public, tâches politiques au sens originel du mot : l’économie
545 ontinentales. Et vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’affaires étrangères : c’est un mot qu’il nous faut ban
546 vous noterez que je ne parle pas de relations ou d’ affaires étrangères : c’est un mot qu’il nous faut bannir du vocabulai
547 laire politique dans une Europe fédérée, au seuil de l’ère du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité europ
548 re du monde uni. Voilà donc le modèle fédéraliste de la Cité européenne : la complexité des régions rendra justice à ses f
549 a justice à ses fécondes diversités, et l’ampleur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t-on q
550 eur de la fédération exprimera l’unité millénaire de sa culture. Dira-t-on que ce programme est révolutionnaire ? Il l’est
551  niveau de vie » déterminé en termes de profit et de PNB, c’est passer du matérialisme capitaliste et communiste à la mise
552 et communiste à la mise en question du sens même de nos vies, et des vrais buts de nos activités communautaires et person
553 stion du sens même de nos vies, et des vrais buts de nos activités communautaires et personnelles. Si sérieux que soient l
554 personnelles. Si sérieux que soient les problèmes de prix du lait, du blé ou même du vin, il est clair que l’Europe des ma
555 s entre économies étatiques ne peut pas entraîner d’ adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne seront pas c
556 raîner d’adhésions enthousiastes. Les jeunes gens d’ aujourd’hui ne seront pas convaincus par des avantages matériels : ils
557 urement, c’est un but transcendant, c’est un sens de la vie, maintenant que la guerre n’est plus leur exutoire, l’alibi de
558 rre n’est plus leur exutoire, l’alibi des raisons de vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans
559 vivre inexistantes. La réponse à la contestation de la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et en
560 la jeunesse, dans le monde entier, ne relève pas de l’économie, et encore moins de la politique au sens étroit et partisa
561 ier, ne relève pas de l’économie, et encore moins de la politique au sens étroit et partisan du terme. Elle exige la recré
562 it et partisan du terme. Elle exige la recréation de communautés véritables. Et la Cité européenne — Res publica europaea
563 i l’on me dit maintenant que c’est une utopie que de vouloir dépasser l’État‑nation, je réponds que c’est au contraire la
564 que c’est au contraire la grande tâche politique de notre temps. Précisons : des vingt ans qui viennent. Car à ce prix se
565 lus puissante ou la plus riche, mais bien ce coin de la planète indispensable au monde de demain, et où les hommes pourron
566 bien ce coin de la planète indispensable au monde de demain, et où les hommes pourront trouver non pas le plus de bonheur,
567 et où les hommes pourront trouver non pas le plus de bonheur, peut‑être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie.
568 n pas le plus de bonheur, peut‑être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. 5. Discours prononcé à l’Universi
569 nheur, peut‑être, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie. 5. Discours prononcé à l’Université de Bonn, le 15 a
570 s à la vie. 5. Discours prononcé à l’Université de Bonn, le 15 avril 1970, pour la réception du prix Robert Schumann déc