1
ILe problème de la culture Qu’
est
-ce qu’un problème ? Je me propose d’envisager dans cet ouvrage le
2
un livre qui traite d’un « problème » précis, il
est
prudent de se demander d’abord si vraiment ce problème se pose — ou s
3
oblème se pose — ou si l’auteur tout simplement s’
est
amusé à le poser. Il ne serait pas mauvais non plus de savoir si l’on
4
eur tout simplement s’est amusé à le poser. Il ne
serait
pas mauvais non plus de savoir si l’on cherche, en lisant, un passe-t
5
é les problèmes dans une telle proportion qu’il n’
est
pas raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui soit bien au cl
6
raisonnable d’espérer qu’un lecteur d’aujourd’hui
soit
bien au clair sur ses besoins quand il entre chez son libraire pour a
7
nous pose un problème réel ! Mais après tout, qu’
est
-ce qu’un problème ? Allons tout de suite à un exemple extrême. Pour l
8
ite à un exemple extrême. Pour le croyant, Dieu n’
est
pas un problème, ni la solution d’un problème, mais il est la présenc
9
n problème, ni la solution d’un problème, mais il
est
la présence réelle qu’on connaît avec assurance dès l’instant qu’on l
10
u se pose — éternellement insoluble. Ou bien Dieu
est
présent, et c’est un ordre souverain ; ou bien il se retire, et devie
11
s’étonner de la multitude des problèmes que nous
sommes
en état de poser, sinon de résoudre du tout. (Mais la vie ne s’arrête
12
qu’elle nous commande vraiment. Mais autre chose
est
de poser des questions au sein d’un ordre solidement bâti, autre chos
13
s au sein d’un ordre solidement bâti, autre chose
est
de découvrir que soudain des problèmes se posent, qui débordent l’ord
14
es hommes ont éprouvé ce phénomène : soudain ce n’
est
plus eux qui posent des questions en vertu de la pétulance naturelle
15
nt « impensable ».) Ce renversement d’équilibre n’
est
pas facile à définir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il est
16
finir, ni surtout à localiser. Il me semble qu’il
est
d’abord éprouvé par le sentiment, comme une espèce de tragique dont o
17
eur, je me borne à constater ceci : la révolution
est
ouverte quand se pose soudain la question du uhlan de la guerre de Bo
18
se révèle soudain plus pesante que les forces qui
sont
encore vives dans l’ordre social par exemple, les chances et la néces
19
le fait qu’un problème se pose, et qu’on l’avoue,
est
souvent beaucoup plus important que les solutions qu’on lui propose.
20
’un demande : à quoi sert-elle ? et déjà la crise
est
ouverte. Insuffisance de nos refus Si la culture nous pose un p
21
un problème, c’est donc, et tout d’abord, qu’elle
est
en décadence. Or, on n’arrête pas une décadence en essayant de résoud
22
dans une direction toute nouvelle. Repartir, ce n’
est
pas réformer, ni redresser, ni accélérer le cours des choses ; c’est
23
uveau une force intacte, endormie jusqu’ici. Ce n’
est
pas renouveler de vieux combats qui traînent, mais déclarer une guerr
24
constatation d’un mal actuel, mais ce mal n’a pu
être
révélé que par la connaissance d’un bien nouveau, d’un bien qui, lui,
25
rôle que d’attiser notre mauvaise conscience. Ce
sont
les hommes les plus intelligents du siècle, mais aussi les moins créa
26
s nos romanciers à la mode, bourgeois confus de l’
être
encore, habiles dans l’analyse du désordre, fascinés par les subversi
27
un abus de langage. Préparer la révolution, ce n’
est
pas simplement « refuser » ce qui subsiste encore tant bien que mal d
28
celui qui se survit. La critique révolutionnaire
est
liée d’une façon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’est en
29
açon immédiate à l’affirmation créatrice : elle n’
est
en somme que l’aspect accidentellement négateur de cette affirmation
30
Mais la critique des auteurs que j’ai dit ne veut
être
qu’une pure critique ; elle veut être valable en soi, elle prétend ne
31
dit ne veut être qu’une pure critique ; elle veut
être
valable en soi, elle prétend ne rien préjuger de cet avenir qu’il fau
32
vit encore, adressons ce rappel élémentaire : il
est
dangereux de confondre goût du désordre avec révolution ; goût du sui
33
« je vous parle en toute sincérité » : l’homme n’
est
pas un point de vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’est p
34
e vue abstrait, mais un animal créateur ; et ce n’
est
pas ce qu’il pense de sa sincérité qui m’intéresse, mais ce qu’il veu
35
de l’homme dispose ; c’est montrer que l’esprit n’
est
réel et ne mérite que l’on s’inquiète à son sujet que lorsqu’il s’aba
36
eux qui œuvrent ; et ceux qui ouvrent. L’esprit n’
est
vrai que lorsqu’il manifeste sa présence, et dans le mot manifester i
37
et dans le mot manifester il y a main. L’esprit n’
est
vrai que dans son acte, que nos clercs qualifient d’abaissement. C’es
38
la portée des hommes, mais c’est là qu’il cesse d’
être
un mensonge. L’amour est le comble de l’esprit, et l’amour du prochai
39
c’est là qu’il cesse d’être un mensonge. L’amour
est
le comble de l’esprit, et l’amour du prochain est un acte, c’est-à-di
40
est le comble de l’esprit, et l’amour du prochain
est
un acte, c’est-à-dire une main tendue, non pas un sentiment drapé, no
41
lecteur. C’est une occupation pénible à laquelle
sont
soumis ceux qui écrivent au xxe siècle que de faire la chasse aux gr
42
la jungle du vocabulaire. J’ai dit que la culture
est
en pleine décadence. Et maintenant je demande qu’elle s’abaisse ! Gué
43
» m’apparaissent responsables pour une part qui n’
est
pas la moindre : j’essaierai de la mesurer. La faute que je leur impu
44
rai de la mesurer. La faute que je leur impute, n’
est
pas d’avoir mal conduit l’opinion, mais d’avoir refusé de la conduire
45
nous apprend-elle pas que les lois de l’histoire
sont
des lois, et que l’esprit ne peut rien y changer ? Que l’esprit plane
46
du réel, que notre culture se défait. Faute de s’
être
montrée « à la hauteur » d’une tâche humaine, elle a voulu se hisser
47
ser au sublime, où le siècle, bien trop heureux d’
être
débarrassé de son contrôle, la laisse poliment dépérir. Au mythe d’Ic
48
leurs affaires sous prétexte que le vrai tragique
est
de l’ordre du spirituel. Qu’un intellectuel refuse absolument de s’in
49
gence avec l’ennemi. Et je ne dis pas que cela ne
soit
dans l’ordre. Mais je remarque d’autre part que les clercs admettent
50
avec la fumée de son cigare. Et c’est cela qui n’
est
pas dans l’ordre. Cette tolérance serait-elle d’aventure une sorte d’
51
cela qui n’est pas dans l’ordre. Cette tolérance
serait
-elle d’aventure une sorte d’ironie philosophique ? « Parle toujours,
52
ironie dans la politesse de ces clercs. Preuve en
soit
la manière dont ils usent entre eux, sans éveiller la méfiance de leu
53
d’une aussi quotidienne observation acceptent, ne
fût
-ce qu’un instant, de se demander si leur doute ne fournit pas une pre
54
de cette décadence. Mais avec lui la catastrophe
est
déjà virtuellement consommée. Car si l’on doute de l’importance des m
55
qu’ils impriment, sans remarquer que leur langage
est
la négation du langage, la négation de la culture, la négation de sa
56
que je voudrais comparer à des vestales ? Mais où
sont
encore ces vestales, gardiennes du sens et de l’usage du discours ? M
57
, etc.) s’éloigne ou s’affaiblit, ou même cesse d’
être
présent et actif. Ensuite, que l’aveu même de l’existence d’un problè
58
ite, que l’aveu même de l’existence d’un problème
est
déjà un essai de le résoudre, et la preuve qu’on pressent sa solution
59
en Russie et en Allemagne. 5. Ce monument doit
être
érigé au centre de l’Exposition de 1937. On se demande, non sans ango
60
t à son programme de discussion : “la gymnastique
est
de la culture”, voilà où nous en sommes. La majeure partie de ce que
61
gymnastique est de la culture”, voilà où nous en
sommes
. La majeure partie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture est
62
tie de ce que l’on dit aujourd’hui sur la culture
est
du même niveau. » La situation est-elle plus réjouissante en France ?
63
sur la culture est du même niveau. » La situation
est
-elle plus réjouissante en France ? Et ne faut-il pas craindre que cer
64
ation culturelle qui s’amorcent ici depuis peu ne
soient
rapidement déprimées par la difficulté qu’il y a à définir simplement
65
nt il s’agit de prendre connaissance si l’on veut
être
un « homme cultivé ». C’est aussi un ensemble de disciplines scolaire
66
ur reprendre les termes de Sorel, disons qu’on en
est
arrivé à considérer la culture comme un produit de consommation, et n
67
re inadaptation de la culture, telle qu’elle nous
est
transmise, aux besoins que l’époque nous crée. Surproduction ou sous-
68
lan de la quantité. Sur le plan de la qualité qui
est
celui de la culture, surproduction signifiera : production de valeurs
69
s masses à vivre des valeurs qu’on leur transmet,
soit
par la presse, soit par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d
70
valeurs qu’on leur transmet, soit par la presse,
soit
par l’école, ou plus rarement, par le livre. En d’autres termes, la c
71
utres termes, la culture ne « rend » plus. Elle n’
est
plus à notre mesure, elle nous offre des nourritures de luxe, et nous
72
ue étrangère, algébrique, aristocratique. Il s’en
tient
à ses préjugés, tout en souffrant vaguement de se sentir exclu de mys
73
u le secret : c’était le secret d’une culture qui
est
morte. ⁂ Séparation du peuple et des « gens cultivés », séparation de
74
évolution, ou mieux d’une décomposition dont nous
sommes
les victimes, par surcroît de malheur, inconscientes. On peut résumer
75
e prise de mauvaise conscience. C’est aussi qu’il
est
le premier à définir une conscience nouvelle de la culture créatrice
76
renons acte, en passant, de ce fait : le prophète
est
le seul historien clairvoyant. Séparer prophétie et histoire comme le
77
uvoir et un sens. Toute connaissance des origines
est
incluse dans celle des fins, et c’est pourquoi la vigueur de nos pris
78
r de nos prises sur les documents de l’histoire n’
est
qu’un aspect de notre puissance personnelle d’anticipation. L’histoir
79
uissance personnelle d’anticipation. L’histoire n’
est
qu’une prophétie qui se retourne. De Man part donc du conflit qui opp
80
e ou mythique, mais qui agit déjà comme telle, ne
fût
-ce qu’en précisant les traits réels de la culture qu’elle prétend rem
81
emplacer. Dans la mesure où la culture bourgeoise
est
liée aujourd’hui aux conditions économiques qui définissent la classe
82
nomiques qui définissent la classe bourgeoise, on
est
en droit de supposer que cette culture procède dès l’origine de la pu
83
ux charges gouvernementales. Dès le xiiie siècle
était
apparue une conception du travail et de la culture qui va caractérise
84
universel, fait sienne cette exigence. Ainsi il n’
est
plus seulement dit : “Celui qui travaille doit être honoré” mais il e
85
st plus seulement dit : “Celui qui travaille doit
être
honoré” mais il est encore dit : “Chacun doit travailler pour être ho
86
: “Celui qui travaille doit être honoré” mais il
est
encore dit : “Chacun doit travailler pour être honoré en ce monde et
87
il est encore dit : “Chacun doit travailler pour
être
honoré en ce monde et être sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce princ
88
n doit travailler pour être honoré en ce monde et
être
sauvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous est devenu familie
89
auvé dans l’autre” » (page 137). Ce principe nous
est
devenu familier. Mais au déclin du Moyen Âge il apparaît comme une ré
90
radicale. Alors que le travail du paysan asservi
était
pour lui « un destin qu’il subissait », le travail du bourgeois devie
91
permettra de construire. À ce moment, la culture
est
travail, revendication constructive ; elle mesure à la fois la pensée
92
elle mesure à la fois la pensée et l’action. Elle
est
comme la mesure vivante de la société rénovée. Mais la situation se r
93
hante, dans le domaine conquis. La charnière doit
être
située aux confins du xiiie et du xive siècle, pendant la brève sup
94
ut la peine : Tant que cette classe (bourgeoise)
fut
au pouvoir, elle fit de la séparation entre la propriété et le travai
95
nction productive (tout aussi capitaliste qu’elle
fût
), leur pouvoir resta inébranlable ; dès qu’ils passèrent de l’ascétis
96
ysique et productif comme un motif suffisant pour
être
exclus de la participation au pouvoir politique. Tant qu’ils furent a
97
a participation au pouvoir politique. Tant qu’ils
furent
au pouvoir, le droit de vote et l’accès aux fonctions administratives
98
les restèrent réservés à ceux « dont les ongles n’
étaient
pas bleus ». C’est à leurs ongles bleus que l’on reconnaissait les tr
99
onnaissait les travailleurs de la laine, celle-ci
étant
toujours teinte d’abord au pastel. Or la différence entre la main ouv
100
uvrière et la main non ouvrière a depuis toujours
été
un des symboles les plus usités de la distinction entre les classes 8
101
ocialistes comme un manque de goût démagogique, n’
est
vraiment pas une invention socialiste. Ce n’est que la réplique prolé
102
n’est vraiment pas une invention socialiste. Ce n’
est
que la réplique prolétarienne à une thèse qui date des premiers effor
103
e vis-à-vis de la culture. Elle transforme ce qui
était
ses outils en propriété assurée. La culture n’est plus un combat, ell
104
ait ses outils en propriété assurée. La culture n’
est
plus un combat, elle devient une distinction ; c’est-à-dire une fin e
105
oi, non plus un instrument de lutte. Elle cesse d’
être
une production pour devenir une consommation réservée aux bourgeois «
106
qu’il n’ait pas vu que si la puissance bourgeoise
était
promise à la dissociation dès l’instant même de sa victoire, c’était
107
ieux conflit des exploiteurs et des exploités. Il
est
vrai que de Man pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en ten
108
pousse « au-delà du marxisme ». Il refuse de s’en
tenir
à la simple constatation d’antagonismes économiques. Il accorde autan
109
ci qu’une question plus profonde me paraît devoir
être
posée : l’éthique des maîtres oisifs est-elle vraiment la négation de
110
devoir être posée : l’éthique des maîtres oisifs
est
-elle vraiment la négation de l’éthique des travailleurs, qui les a en
111
l’éthique des travailleurs, qui les a enrichis ?
Serait
-il absurde de soutenir que c’est au fond la même éthique qui fait la
112
n pas en déduire que l’erreur d’une telle éthique
est
commune aux uns et aux autres ? L’examen des triomphes ultérieurs, be
113
ouvelle Revue française de décembre 1931. 7. Il
est
curieux de noter qu’à la page 36 de son livre, de Man soutient un poi
114
ordre existant pour pouvoir se représenter ce qui
serait
bien. » Cette phrase serait la négation de ce qu’il y a de plus effic
115
se représenter ce qui serait bien. » Cette phrase
serait
la négation de ce qu’il y a de plus efficace dans l’effort de l’auteu
116
rationalisme bourgeois Si l’on se demande quel
est
le principe central de notre société bourgeoise, son lieu commun fond
117
vertu décisive et première de la société féodale
fut
l’honneur, vérité de la force et de la confiance jurée, de même le fo
118
ales et morales, scientifiques et religieuses, ce
fut
toujours la raison raisonnante, méfiante et organisatrice. Et non pas
119
obscurantisme. La « philosophie des lumières » en
est
l’illustration fameuse. Or c’est elle qui est à l’origine de la Révol
120
en est l’illustration fameuse. Or c’est elle qui
est
à l’origine de la Révolution française, qui devait par ailleurs rendr
121
ou cosmique), cette raison du rationalisme, qui n’
est
pas celle de Platon, ni d’Aristote, ni de Thomas d’Aquin, et encore m
122
dans cette guerre d’usure, millénaire, qu’elle s’
est
formée et clarifiée, qu’elle s’est organisée elle-même et qu’elle a p
123
ire, qu’elle s’est formée et clarifiée, qu’elle s’
est
organisée elle-même et qu’elle a pris ses habitudes, son allure géomé
124
même, elle ne croit pourtant qu’à leurs lois : ce
sont
les seules qui la provoquent à des combats où elle puisse vaincre, où
125
ste. Cet aspect à la fois rebutant et rassurant n’
est
pas visible à l’origine : la raison lorsqu’elle entre en action prend
126
çons de s’offrir à la violence des affranchis, ce
sont
des signes qui n’ont jamais trompé. Les dames romaines aux combats de
127
Les plus vibrants panégyriques de « l’Ursse », ce
sont
des femmes du monde émancipées qui vous les prêchent aujourd’hui. Si
128
i. Si vous risquez une critique du marxisme, vous
serez
traité de cornichon : le communisme des bourgeois, c’est une mystique
129
nné que la raison peut duper notre foi. Mais il n’
est
pas dans sa nature de composer longtemps avec les illusions qu’elle s
130
ot amuse, on ne veut voir que sa verve, mais ce n’
est
pas elle, c’est sa plate raison qui prépare les lendemains de la révo
131
, de pouvoir poétique9 et de tendresse virile qui
est
la rançon de son orgueil rationaliste. Certaine élite française entho
132
enthousiasmée par l’idéal d’exportation de l’URSS
est
en train de commettre une erreur toute semblable sur la raison finale
133
homme à des mesures chiffrées. Mais la raison n’
est
pas seulement cet instrument de notre domination sur les choses. Elle
134
strument de notre domination sur les choses. Elle
est
aussi une défense nécessaire contre la tyrannie des mythes. C’est peu
135
invention. Raison contre superstition : le schéma
est
peut-être primaire, il n’en traduit pas moins dans ses grandes lignes
136
us d’une féodalité qui se survit. Là encore, elle
est
légitime dans la mesure où elle s’ordonne à un idéal plus « humain »,
137
hommes contre certains mystères despotiques peut
être
un moment héroïque de notre lutte contre la mort. Imposer l’ordre et
138
penchant pernicieux dont les effets commencent d’
être
visibles dès que l’ordre nouveau s’établit. Si la fatalité de la rais
139
u s’établit. Si la fatalité de la raison pratique
est
cette lourdeur matérialiste qui finit par soumettre l’homme lui-même
140
oumettre l’homme lui-même aux lois du nombre, qui
sont
les lois des choses, la fatalité parallèle d’une raison ennemie des m
141
manie de tout unifier, l’esprit de géométrie, qui
est
l’esprit de la dictature et qui conduit à l’étatisme. Dès que l’idéal
142
retourne soudain contre l’homme. La raison, qui n’
est
plus soutenue par un enthousiasme vital pour des fins qui lui soient
143
e par un enthousiasme vital pour des fins qui lui
soient
transcendantes, usurpe les pouvoirs des royautés obscures qu’elle nou
144
sa tyrannie se révèle plus inhumaine encore que n’
étaient
leurs caprices. Le savant et le technicien tuent mieux que le mage et
145
rchie n’en menaçait. L’histoire de cette fatalité
est
celle du monde contemporain. Son mécanisme est simple, et son rythme
146
té est celle du monde contemporain. Son mécanisme
est
simple, et son rythme constant. La raison joue le rôle d’une force d’
147
s du monde antique par le Moyen Âge. La vraie foi
est
pour la magie un adversaire d’une autre taille que la raison. 11. Ic
148
stade de l’émeute. Le virus révolutionnaire, il n’
est
pas dans le bon sens calculateur des bourgeois, mais bien dans l’auda
149
lturelle. Dès le début du xixe siècle, cet idéal
est
installé dans la conscience européenne. Quels que soient les régimes
150
installé dans la conscience européenne. Quels que
soient
les régimes ou les coutumes que l’on prolonge, c’est désormais à la «
151
iments et la raison de la France ». La Révolution
est
achevée : son principe est passé au rang de lieu commun. Alors parais
152
rance ». La Révolution est achevée : son principe
est
passé au rang de lieu commun. Alors paraissent les grands docteurs, H
153
raissent les grands docteurs, Hegel et Comte. Ils
sont
réactionnaires, c’était fatal. Non qu’ils renient le Progrès rationne
154
on peut prévoir les intentions… La raison cesse d’
être
l’outil manié par des mains ouvrières au service d’une passion aventu
155
artes ou chez les encyclopédistes. La bourgeoisie
étant
devenue propriétaire, ce qu’il lui faut, c’est une théologie qui légi
156
nouveau, mais du nouveau qui ne menace pas ce qui
est
acquis. Du nouveau, mais qui soit au fond exactement semblable à de l
157
enace pas ce qui est acquis. Du nouveau, mais qui
soit
au fond exactement semblable à de l’ancien (comme le dit, à peu près,
158
rès, un personnage de Claudel). Du nouveau qui ne
soit
pas création absolue et imprévisible, mais développement rationnel de
159
ement rationnel de l’acquis : enrichissement. Tel
est
le paradoxe que les systèmes de Hegel et de Comte vont résoudre magis
160
nt résoudre magistralement. Hegel : « Tout ce qui
est
réel est rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’ant
161
re magistralement. Hegel : « Tout ce qui est réel
est
rationnel » — voilà qui justifie l’acquis. Tout ce que l’antithèse ni
162
rdre pour base, le Progrès pour but. — Le progrès
est
le développement de l’ordre. — Les vivants seront toujours et de plus
163
ès est le développement de l’ordre. — Les vivants
seront
toujours et de plus en plus gouvernés nécessairement par les morts. »
164
erne de la raison, dont nous avons montré quelles
étaient
les fatalités ; et une série économique, traduisant le passage du tra
165
es idéologies les plus diverses du nouveau siècle
sont
contenus en germe dans ces formules de Comte et de Hegel. Les morts g
166
us régi par les fatalités de la raison. Son œuvre
est
véritablement le microcosme de l’univers rationaliste. Contre une bou
167
tre une bourgeoisie trop vite satisfaite et qui s’
est
arrêtée à mi-chemin de ses ambitions, Marx a repris les armes de l’En
168
e : son rappel vigoureux aux réalités économiques
est
tout d’abord une attitude polémique. S’il affirme au nom de la raison
169
matériels, c’est pour ramener la bourgeoisie, qui
est
en train de s’égarer dans les voies de l’idéalisme, au réalisme qui a
170
se ce point de vue polémique, oublie son but, qui
était
la destruction de l’État, et d’une thèse purement critique tire une d
171
les principaux articles de foi des deux religions
sont
bien souvent les mêmes : elles honorent l’une et l’autre un seul dieu
172
elles croient l’une et l’autre à la Science, qui
est
le triomphe des lois sur la mythologie, en même temps que la garantie
173
cation personnelle. L’évolution fatale des choses
est
substituée au gouvernement de l’homme par lui-même. Triomphe du légal
174
objective » du monde. Le temporel et le spirituel
sont
devenus dans notre langage : la police et la propagande. Et la raison
175
fidèlement « ce qui se fait ». Elle cesse donc d’
être
« ce qui fait ». Elle se réduit à décrire sans juger. À moins qu’elle
176
ouvelle société. En effet, cette nouvelle société
est
celle des bourgeois établis dans une richesse acquise par leurs ancêt
177
ans ses loisirs. L’inactualité de la culture, qui
était
pour Marx une vérité de fait — fait qu’il avait tout d’abord dénoncé,
178
ent, eux aussi, que la « force des choses » et ne
sont
guère retenus dans leur élan vers le profit par la vision des fins de
179
pêchera le scandale d’éclater : il libérera, s’il
est
besoin, de tout scrupule la conscience du capitaliste — auquel person
180
justifier l’inactualité de l’esprit : et ce dogme
est
le seul lieu commun sur lequel s’accordent aujourd’hui les clercs de
181
efforts théoriques et pratiques cesse aussitôt d’
être
perçue. Elle cesse d’être connue de tous, présente à tout instant, ju
182
tiques cesse aussitôt d’être perçue. Elle cesse d’
être
connue de tous, présente à tout instant, justifiant ou jugeant les mo
183
our cessent de valoir, puisque leur principe même
est
contesté, qui veut que l’esprit soit responsable de l’action ; ou sin
184
principe même est contesté, qui veut que l’esprit
soit
responsable de l’action ; ou sinon tous deux se corrompent. La destr
185
oilà l’aboutissement des mesures rationnelles qui
furent
un temps celles du Progrès. Et nous voici revenus à cette crise dont
186
posé le fait. 12. On se rappelle que Condorcet
fut
l’inventeur des assurances sur la vie. 13. Le couple raison utilitai
187
13. Le couple raison utilitaire-raison analytique
est
en réalité beaucoup plus mal assorti que le couple trône et autel. Ma
188
hérétique comme Ballanche, qui estime que l’homme
est
né pour la société et ne devient complet que par elle. Et cela nous d
189
ni celui de Sorel, dont la théorie de la violence
est
irrationaliste. Quant à Lénine, il fut pratiquement plus sorélien que
190
a violence est irrationaliste. Quant à Lénine, il
fut
pratiquement plus sorélien que marxiste : que l’œuvre étatiste de Sta
191
e mesure Ce raccourci d’une évolution séculaire
est
sans nul doute stylisé : on n’aurait pas de peine à nuancer, à corrig
192
raison à la fois utilitaire et scientifique, qui
fut
le principe efficace de la culture bourgeoise militante, est aussi le
193
cipe efficace de la culture bourgeoise militante,
est
aussi le principe corrupteur de la culture bourgeoise triomphante. En
194
En d’autres termes, la révolution bourgeoise qui
était
fondée sur la raison s’est résolue dès le lendemain de son succès, en
195
ution bourgeoise qui était fondée sur la raison s’
est
résolue dès le lendemain de son succès, en une pratique qui est une t
196
s le lendemain de son succès, en une pratique qui
est
une tyrannie, tandis que la doctrine, évadée du réel, se flattait d’u
197
ente de les confronter, on s’aperçoit qu’elles ne
sont
plus commensurables. L’intérêt de cette constatation me paraît doubl
198
t en second lieu d’apercevoir qu’une culture peut
être
définie par son principe régulateur, pour autant que ce principe est
199
principe régulateur, pour autant que ce principe
est
vraiment immanent à tout progrès normal de la culture, dont il est se
200
nent à tout progrès normal de la culture, dont il
est
seul à garantir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’est au
201
ir la cohérence. Alors, la vérité d’une culture n’
est
autre que la vérité de ce principe. Et la logique interne de celui-ci
202
incipe rationnel. Or la raison dont il s’agit ici
est
d’abord un agent de division. Elle veut diviser pour régner, car c’es
203
elle impose un ordre arbitraire, une unité qui n’
est
pas celle de la vie, et qui est d’ordre géométrique. Tant qu’elle res
204
, une unité qui n’est pas celle de la vie, et qui
est
d’ordre géométrique. Tant qu’elle reste au service d’une fin qui comp
205
une unité vive, la raison remplit son office qui
est
l’office mineur et nécessaire d’un instrument. Mais si la vision de l
206
. Mais si la vision de la fin s’efface ou cesse d’
être
clairement perçue comme il arrive quand les premiers succès comblent
207
ccès comblent nos appétits les plus violents, qui
sont
aussi, par malheur, les moins nobles, — aussitôt la raison s’émancipe
208
le et d’organisation abstraite. Tout cela pouvait
être
prévu dès l’époque de la Renaissance ; il eût suffi de connaître un p
209
et de l’action. On voit que cette commune mesure
est
l’essence même de toute culture. Car si la pensée et l’action se règl
210
où règne une mesure commune. Car sans mesure il n’
est
pas de grandeur, ni par conséquent de valeur. On voit enfin que la vé
211
ra l’anarchie spirituelle d’un monde où la mesure
est
morte. Enfin les tentatives de rénovation qui sont en cours en URSS e
212
est morte. Enfin les tentatives de rénovation qui
sont
en cours en URSS et en Allemagne nous montreront le négatif de notre
213
unifiée par la force, et dont la mesure actuelle
est
une tactique au service de la force commune, et non pas de la vérité…
214
VIL’Arche de l’Alliance
Suis
-je pour une autre fin que pour rechercher l’alliance du Seigneur ? Lo
215
.) J’ai parlé d’une mesure « vraie ». Mais quels
sont
les critères objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles sont le
216
objectifs de la vérité que j’ai en vue ? Quelles
sont
les « notes » de la mesure vraie ? Je répondrai par deux définitions
217
n concrétiser. Et d’abord, je dirai qu’une mesure
est
vraie lorsqu’elle consiste dans le rappel constant des fins que pours
218
aut-il savoir, me dira-t-on, si ce télos lui-même
est
vrai. Et certes, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’est dé
219
es, l’absolue vérité d’un principe téléologique n’
est
définie que par la vérité du télos même. Mais je ne veux parler ici q
220
e de la vérité objective. Or la vérité du télos n’
est
saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en
221
n’est saisie que par l’acte de foi, et cet acte n’
est
pas objectif. Je m’en tiens donc à ce critère formel : la vraie mesur
222
e de foi, et cet acte n’est pas objectif. Je m’en
tiens
donc à ce critère formel : la vraie mesure réside d’abord dans la con
223
qu’une mesure vérifiée par ce critère formel doit
être
en même temps vérifiée par son actualité intrinsèque. On pourrait con
224
t de la mesure bourgeoise, nous le verrons, et ce
fut
le cas de la mesure qui domina l’Europe du Moyen Âge. ⁂ L’histoire du
225
fs sous l’Ancienne Alliance. La grandeur d’Israël
est
d’avoir incarné une vocation, et rien que cela, une vocation démesuré
226
on démesurée où il a pris son unique mesure. S’il
est
vrai qu’un prophète authentique est un homme sans biographie18 on peu
227
mesure. S’il est vrai qu’un prophète authentique
est
un homme sans biographie18 on peut dire pareillement du peuple prophé
228
savons-nous de ces tribus infimes ? Leurs annales
sont
celles d’une puissance qui ne fut jamais immanente à leurs médiocres
229
Leurs annales sont celles d’une puissance qui ne
fut
jamais immanente à leurs médiocres conditions. Ce que nous connaisson
230
’histoire des gestes de Dieu, dont les Hébreux ne
furent
que les instruments. C’est l’histoire des victoires difficiles d’une
231
de Dieu qui le conduit. C’est pourquoi son télos
est
transcendant comme Dieu, unique en son essence comme Dieu, et comme D
232
ieu, et comme Dieu objet de la foi seule. Mais il
est
invisible aux mortels, et c’est pourquoi ils se rebellent contre lui,
233
re vocation de Dieu. Et de même que cette révolte
est
symbolisée au concret par les statues des idoles étrangères, cette vo
234
les statues des idoles étrangères, cette vocation
sera
symbolisée par la présence de l’Arche de l’Alliance, aussi nommée arc
235
Éternel et témoignage de sa volonté. Dans l’Arche
sont
les Tables de la Loi. La Loi est la mesure sacrée. C’est elle qui rap
236
é. Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi
est
la mesure sacrée. C’est elle qui rappelle à la fois l’origine et la f
237
le : l’Éternel Dieu et son service. Parce qu’elle
est
la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscienc
238
Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu
est
l’Éternel, la Loi est la conscience finale du peuple hébreu. Et parce
239
loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi
est
la conscience finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de
240
science finale du peuple hébreu. Et parce qu’elle
est
la loi de Dieu, elle porte en elle la règle permanente de toute actio
241
e le symbole de l’unité du peuple, mais son usage
est
interdit pendant les guerres civiles : c’est que la mesure est indivi
242
pendant les guerres civiles : c’est que la mesure
est
indivisible. Dieu est au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtre
243
viles : c’est que la mesure est indivisible. Dieu
est
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller
244
mesure est indivisible. Dieu est au ciel, sa loi
est
sur la terre, et les prêtres sont là pour veiller sur l’Alliance. Et
245
au ciel, sa loi est sur la terre, et les prêtres
sont
là pour veiller sur l’Alliance. Et si ces « clercs » viennent à trahi
246
lercs » viennent à trahir — il semble bien que ce
soit
leur métier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent est un Dieu
247
tier —, s’ils oublient que le Dieu qu’ils servent
est
un Dieu qui se nomme « jaloux », les prophètes se lèvent contre eux e
248
e action ou pensée si belle ou si féconde qu’elle
soit
, qui ne puisse être consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idol
249
i belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse
être
consacrée au ministère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’est
250
istère sacerdotal du peuple. Idole, tout ce qui n’
est
pas ordonné à la fin que les prophètes annoncent sans relâche. Que de
251
ors la culture ? — « L’homme qui a une vocation n’
est
pas bon à autre chose. Israël portait dans son sein l’avenir religieu
252
s son sein l’avenir religieux du monde. Dès qu’il
était
tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une s
253
la justice à l’ancienne manière ne devait jamais
être
sacrifiée.21 » Ainsi toute tentative de culture profane se voit assim
254
évolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’Israël
sera
pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera considérée comme
255
ra pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté
sera
considérée comme sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comb
256
eté sera considérée comme sa grandeur. Car ce qui
est
grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’est pas la richesse mais l
257
ui est grand, c’est ce qui comble la mesure. Ce n’
est
pas la richesse mais la fidélité. Ce ne sont pas les moyens en eux-mê
258
Ce n’est pas la richesse mais la fidélité. Ce ne
sont
pas les moyens en eux-mêmes mais les moyens mesurés par la fin. C’est
259
est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant
est
une obéissance directe « en esprit et en vérité ». Or abstraire, c’es
260
a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? —
est
ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
261
tique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien
sera
grande dans la mesure où elle sera biblique ou grecque, sublime dans
262
ident chrétien sera grande dans la mesure où elle
sera
biblique ou grecque, sublime dans la mesure où la synthèse des deux t
263
dans la mesure où la synthèse des deux traditions
sera
dominée par l’élément biblique.) Seuls les grands discours prophétiqu
264
n, et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui
est
agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par
265
mage taillée, ni de représentation des choses qui
sont
en haut dans les cieux, en bas sur la terre, et dans les eaux plus ba
266
ence purement technique : la sagesse de Salomon n’
est
pas une connaissance des « causes », mais bien des « signatures » nat
267
, fictions écrites, science, industrie, tout cela
est
sacrifié à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’une vocati
268
spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement
sont
les moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’
269
étie, la guerre… On l’a dit : le royaume d’Israël
fut
davantage une ecclesia qu’une polis. Mais le terme parfait d’une soci
270
’une polis. Mais le terme parfait d’une société n’
est
-il pas justement dans la transformation de la polis en ecclesia ? N’e
271
ans la transformation de la polis en ecclesia ? N’
est
-il pas dans la suppression de la politique au profit de l’aventure de
272
uvres, on voit que la culture la plus pauvre, qui
fut
celle du peuple hébreu, fut aussi la plus convenable aux fins suprême
273
e la plus pauvre, qui fut celle du peuple hébreu,
fut
aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, no
274
romesse qu’elle portait. Mais la Promesse enfin s’
est
incarnée dans un fils d’Israël, selon la prophétie, apportant une Nou
275
e, pour tous les peuples. Et dès lors la mesure n’
est
plus dans l’observance de la Loi qui conduit au Messie, mais bien dan
276
ssie, mais bien dans la tension entre la Foi, qui
est
risque, et la Doctrine, qui est institution. Chassé de sa patrie par
277
entre la Foi, qui est risque, et la Doctrine, qui
est
institution. Chassé de sa patrie par les Romains, persécuté par les c
278
hristianisme pour avoir préparé ses voies, Israël
est
devenu le peuple sans foyer, sans limites et sans mesure. Les richess
279
ujourd’hui à la culture dans tous ses ordres23 ne
sont
-elles pas le signe qu’il y a place désormais dans sa visée pour autre
280
s qu’une « illusion ». Mais ce siècle lui-même, n’
est
-il pas le produit d’un abandon de la mesure chrétienne en tant qu’ins
281
nt qu’instituée et sacrée ? Notre culture moderne
serait
-elle née de cette mystérieuse convergence dans la sécularisation — ce
282
cendante. 20. La rédaction des livres mosaïques
est
attribuée par Wellhausen et son école à des disciples des grands prop
283
on école à des disciples des grands prophètes. Ce
serait
donc le prophétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la r
284
ue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette hypothèse
est
aujourd’hui démodée. On revient à la conception ancienne : un chef hé
285
euple juif, dès la sortie d’Égypte. Les prophètes
seraient
alors ceux qui rappellent le peuple au culte du vrai Dieu, mais aussi
286
es excès du légalisme. Car la pire des idolâtries
est
celle qui prend pour objet de son culte [non] la vraie mesure, mais l
287
imples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste,
est
quelque chose de surprenant. L’image physique, qui dans les langues s
288
L’image physique, qui dans les langues sémitiques
est
encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op
289
ieusement qu’aucun siècle du Moyen Âge ait jamais
été
dominé par une seule théologie. Les doctrines de Thomas d’Aquin, à l’
290
s de Thomas d’Aquin, à l’apogée du xiiie siècle,
sont
combattues par des écoles puissantes et sont bien loin d’avoir conqui
291
cle, sont combattues par des écoles puissantes et
sont
bien loin d’avoir conquis la majorité du clergé. Jamais l’Europe cath
292
abbayes d’où rayonna la civilisation bénédictine
sont
un suffisant témoignage des luttes qui déchirèrent l’Église aux plus
293
doit l’affirmer de la théologie en général. Elle
fut
bien le sous-entendu que les clercs et le siècle entendaient et vénér
294
lles nous entraînerait beaucoup plus loin qu’il n’
est
utile pour le dessein de cet ouvrage. Bornons-nous donc à l’examen d’
295
l’examen d’un signe ou mieux d’un instrument qui
fut
commun à tous les ordres de la pensée cléricale ou profane, et du pou
296
, entre l’époque de Dante et celle d’Érasme. ⁂ Qu’
est
-ce que le latin, au xiiie siècle, pour l’écrivain dont l’œuvre a con
297
t qu’il figure la persistance de l’esprit romain,
est
la « mesure » qui permet d’estimer la conduite des choses humaines, e
298
duite des choses humaines, en tant que les hommes
sont
porteurs d’une tradition culturelle commune. Tous les nombres, dit Da
299
culturelle commune. Tous les nombres, dit Dante,
sont
mesurés par l’unité et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils so
300
mbres, dit Dante, sont mesurés par l’unité et ils
sont
dits grands ou petits selon qu’ils sont distants ou proches de l’unit
301
té et ils sont dits grands ou petits selon qu’ils
sont
distants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs sont mesurées pa
302
tants ou proches de l’unité ; toutes les couleurs
sont
mesurées par leur rapport au blanc originel, et sont dites plus ou mo
303
t mesurées par leur rapport au blanc originel, et
sont
dites plus ou moins lumineuses selon la quantité de lumière blanche q
304
mière blanche qu’elles rayonnent — ainsi le jaune
est
plus clair que le vert. Dante estime qu’il en va de même pour les qua
305
en tant qu’hommes simplement, c’est la vertu qui
est
notre mesure ; lorsque nous agissons en citoyens : la loi ; lorsque n
306
; lorsque nous agissons en « hommes latins », ce
sont
alors certains « signes très simples » communs aux mœurs et aux coutu
307
ue des Latins25. Il importe de préciser que Dante
est
très loin de considérer la langue latine en soi, et telle que la fixè
308
erprétation. Les « signes » latins, selon lui, ne
sont
vraiment la mesure commune qu’en tant qu’ils vivent dans les divers i
309
rice ». La langue latine, « locutio secundaria »,
est
au contraire notre « grammaire ». Et des deux langues, c’est la vulga
310
ire ». Et des deux langues, c’est la vulgaire qui
est
la plus noble (harum quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nou
311
aire qui est la plus noble (harum quoque nobilior
est
vulgaris : parce qu’elle nous est naturelle, et l’autre plus artifici
312
quoque nobilior est vulgaris : parce qu’elle nous
est
naturelle, et l’autre plus artificielle…) Mais parmi les idiomes vulg
313
) Mais parmi les idiomes vulgaires, le plus noble
sera
celui qui se conformera le mieux à la grammaire originelle. Les « sim
314
mmaire originelle. Les « simplicissima signa » ne
sont
ainsi mesure actuelle que s’ils participent réellement à la vie de la
315
« secondaire » d’instruments de régulation. Or il
est
essentiel, pour Dante, que les outils que nous manions n’imposent pas
316
langage dont dépend l’action. La mesure latine n’
est
valable qu’en tant qu’elle s’incarne et agit dans le langage de tous
317
tension créatrice d’une culture dont l’équilibre
est
déjà virtuellement menacé : c’est sans doute l’approche même de la me
318
e, le signe de la distinction des clercs. Et ce n’
est
plus la vigueur des pensées qui sera la fin du langage, mais l’élégan
319
ercs. Et ce n’est plus la vigueur des pensées qui
sera
la fin du langage, mais l’élégance et la conformité aux meilleurs mod
320
x meilleurs modèles antiques28. La mesure cesse d’
être
un outil. Elle se distingue de son action pratique. Elle devient une
321
st-à-dire qu’elle devient une idole. La décadence
est
commencée. ⁂ Il faut placer cette « crise » de la mesure latine aux d
322
latine aux débuts du xive siècle. La coïncidence
est
frappante : c’est la même date que nous donnions à la première « cris
323
mune aux chancelleries et à l’Église : la requête
est
écrite en français29 c’est-à-dire en idiome vulgaire, accessible à to
324
sible à tous les laïques. La portée d’un tel acte
est
visible : les rédacteurs de la requête ont compris que la mesure lati
325
equête ont compris que la mesure latine a cessé d’
être
réellement commune. Et quand Guillaume de Nogaret, homme nouveau et f
326
scission entre la pensée et l’action — dont elle
est
résultée par ailleurs. Tandis que les clercs s’abandonnent à l’idolât
327
e vue de la mesure linguistique, la Renaissance n’
est
qu’un essai de restauration artificielle du latin comme moyen de régl
328
l’action et la pensée du siècle. La « grammaire »
est
devenue rhétorique, et maintenant la rhétorique prétend dominer le se
329
es, les cardinaux Bembo et Sadolet. « L’humaniste
était
un personnage absolument indispensable aux républiques aussi bien qu’
330
t solennels32. » Ainsi le glissement de la mesure
est
accompli : ce qui était le sous-entendu indiscuté, la règle vive du l
331
le glissement de la mesure est accompli : ce qui
était
le sous-entendu indiscuté, la règle vive du langage vivant, devient u
332
. Dès lors, la tâche de la révolution spirituelle
est
définie : en face de la mesure ancienne qui se survit en tyrannie sté
333
une de toute autorité et de toute légitimité, qui
est
la connaissance existentielle des fins dernières. La protestation de
334
vulgaire au latin. Le vrai clerc, désormais, ce n’
est
plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’est plus l’élégant, mais l
335
n’est plus le rhéteur, mais le prédicateur. Ce n’
est
plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’est plus celui qui se sert d’un
336
r. Ce n’est plus l’élégant, mais l’efficace. Ce n’
est
plus celui qui se sert d’une mesure adorée pour elle-même, mais c’est
337
faveur de la sagesse qu’il estime détenir, Érasme
est
le clerc qui trahit et qui déprime la vérité « pour nourrir une paix
338
vin, de cette Épître à Sadolet dont chaque phrase
est
tendue comme un arc par la passion de servir l’Éternel, Luther dira,
339
et des mains !34 » 24. Toute mesure vraie doit
être
« universelle » dans le temps de sa vérité et les limites du monde qu
340
m quodque mensurabilc fit secundum quod in genere
est
, illo quod simplicissimum est in ijpso genere. Quapropter in actionib
341
ndum quod in genere est, illo quod simplicissimum
est
in ijpso genere. Quapropter in actionibus nostris, quantumcumque divi
342
m. » (Seniles, XIII, 10.) 28. À quel point Dante
est
peu l’érudit et le clerc o distingué » que Pétrarque se vantera d’êtr
343
le clerc o distingué » que Pétrarque se vantera d’
être
, on le verra d’un seul coup d’œil à l’énumération qu’il donne de ses
344
lanche de Bretagne au trône de Navarre. Mais ce n’
est
que sous le règne de Philippe le Bel que la langue vulgaire devient d
345
l leur semble qu’il n’y a rien meilleur que de se
tenir
coi… », etc. 34. « Das hat Hand und Fuss », se dit en allemand coura
346
urant d’une argumentation, ou d’un ouvrage qui se
tiennent
, qui ont un sens et une raison.
347
des merveilles. On peut penser que notre langue
est
plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance. Le lat
348
eut penser que notre langue est plus malade que n’
était
le latin à l’époque de la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadole
349
e la Renaissance. Le latin de Bembo et de Sadolet
était
encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, forme idolâtrée,
350
ngage de nos bons écrivains. Car non seulement il
est
mal entendu par la grande masse des lecteurs ordinaires, disons des l
351
disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’
est
divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivai
352
pour les intellectuels et pour la masse — cela s’
est
vu en d’autres siècles. Ils n’ont plus le même sens pour les divers p
353
çon, et que les autres trichent ou font défaut. N’
est
-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les b
354
et dans Alice au pays des merveilles ? Les boules
étaient
des hérissons vivants, et les soldats s’arc-boutaient sur le sol pour
355
ents du jeu philosophique, ou politique, que nous
sommes
en train de jouer, écrivains ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État.
356
s ou lecteurs, citoyens ou hommes d’État. Les uns
tiennent
le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti
357
tion… Toutes ces combinaisons et ces permutations
seraient
néanmoins assez simples à débrouiller dans la pratique, et pourraient
358
rais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’
était
mis à courir juste au moment où j’allais jouer. » Tout le monde ou pr
359
es les plus étranges surimpressions36. La liberté
sera
invoquée par la concurrence et l’oppression capitalistes, par les int
360
artant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre
sera
tantôt le statu quo, si absurde soit-il, tantôt la dictature brutale
361
tc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde
soit
-il, tantôt la dictature brutale et arbitraire, plus rarement la reven
362
eurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson
soit
sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que De
363
ait improbable dans l’état actuel du régime. Elle
est
à tout le moins invérifiable. Par contre, on peut très nettement cons
364
démonétiser les mots. Le vocabulaire des journaux
est
vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’évocation active du vr
365
milieu d’une rumeur générale, où leurs paroles ne
sont
plus distinguées du bavardage quotidien. Ils se retirent dans leurs a
366
tirent dans leurs appartements. Écrire dès lors n’
est
plus pour eux que tromper un besoin d’expression dépourvu de mission
367
n réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils
sont
seuls à connaître les règles. (Encore ne sont-ils guère d’accord pour
368
ils sont seuls à connaître les règles. (Encore ne
sont
-ils guère d’accord pour enregistrer les réussites ou les tricheries !
369
ée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’
être
les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de ra
370
vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’
être
effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradation
371
us à un but unanime. Si bien que les écrivains ne
sont
plus compris du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’équivo
372
ce, souffrent obscurément de leur séparation. Ils
sont
ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressés les uns contre les autre
373
ment de leur séparation. Ils sont ensemble et ils
sont
seuls. Ils sont pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils é
374
aration. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils
sont
pressés les uns contre les autres et étrangers. Ils échangent des par
375
! » Or, quand la parole se détruit, quand elle n’
est
plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose
376
it à un homme, et qui engage quelque chose de son
être
, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des
377
e, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle
est
l’inquiétude des masses. Elle n’est pas matérielle d’abord, elle est
378
ruit. ⁂ Telle est l’inquiétude des masses. Elle n’
est
pas matérielle d’abord, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et
379
s masses. Elle n’est pas matérielle d’abord, elle
est
d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort d
380
es, à notre insu, trahissent. Mais quelqu’un s’en
est
aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette so
381
es mystiques et des dictateurs. Les lieux communs
sont
morts et embaumés : déjà, on leur fait des musées. Ou pire : ils n’on
382
leur fait des musées. Ou pire : ils n’ont jamais
été
vivants pour cette génération sans but. On nous en donnera donc de no
383
ns » publicitaires, mots d’ordre politiques, tels
sont
les ersatz pitoyables que nous proposent l’Argent et l’État. Giovinez
384
commune aux grandes masses européennes, quel que
soit
leur régime politique. Ainsi la mesure n’est plus cette loi qui vit e
385
que soit leur régime politique. Ainsi la mesure n’
est
plus cette loi qui vit en l’homme réel et personnel, cette alliance d
386
isait la grandeur des cultures authentiques. Elle
est
devenue la loi inexorable et mécanique qui plie l’individu à des calc
387
e des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre
sont
faux ? Si l’ordre qu’ils imposent est arbitraire, ou s’il ne mise que
388
ts d’ordre sont faux ? Si l’ordre qu’ils imposent
est
arbitraire, ou s’il ne mise que sur l’indignité humaine ? Et si la pr
389
cette communauté de réflexes et d’obsessions ? N’
est
-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité,
390
le contraire absolu de la culture, si la culture
est
justement la part active que prend l’homme à tout ce qui est création
391
nt la part active que prend l’homme à tout ce qui
est
création dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ?
392
les mots « portaient » réellement, les écrivains
seraient
moins excités, moins excessifs. La Terreur qui règne en permanence da
393
règne en permanence dans les revues d’avant-garde
est
le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profon
394
mmes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce
sont
des êtres isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très l
395
de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des
êtres
isolés, qui crient très fort parce qu’ils se sentent très loin de ceu
396
temps que la mesure qui les anime. Car la mesure
est
le constant rappel des fins communes à la pensée et à l’action. Et la
397
ensée et à l’action. Et la conscience de ces fins
est
la vraie force animatrice d’une société. Les génies sont ceux qui l’i
398
vraie force animatrice d’une société. Les génies
sont
ceux qui l’incarnent, soit qu’ils la créent contre une ancienne mesur
399
ne société. Les génies sont ceux qui l’incarnent,
soit
qu’ils la créent contre une ancienne mesure défaillante (prophètes et
400
esure défaillante (prophètes et révolutionnaires)
soit
qu’ils la maintiennent vivante et renouvelant ses grands symboles de
401
vski, Rimbaud et Nietzsche… Si nous disons qu’ils
furent
les plus grands de ce siècle, quelle est la mesure qui nous permet de
402
u’ils furent les plus grands de ce siècle, quelle
est
la mesure qui nous permet de porter un tel jugement ? Si nous disons
403
re supposons-nous ? Le triomphe de la bourgeoisie
était
complet. Rationalisme, productivisme, capitalisme, foi au progrès, sc
404
se, et la richesse n’avait plus d’idéal. L’argent
était
devenu la mesure effective et pourtant il n’unifiait rien, et ne rapp
405
rappelait aucune fin supérieure. Le mal du siècle
fut
d’abord le mal des riches qui n’avaient plus de foi. Et la révolution
406
i n’avaient plus de foi. Et la révolution sociale
fut
le mal du siècle des pauvres. Tout cela se passait sur fond d’angoiss
407
génies d’un siècle aussi profondément malade, ce
fut
l’angoisse. De Kierkegaard à Nietzsche, toutes ces angoisses individu
408
toutes ses caricatures. L’idéal positif du siècle
était
en vérité une caricature d’idéal, aussi ne trouva-t-il à s’incarner q
409
t et la culture en présence du triomphe bourgeois
furent
rejetés dans une opposition irréductible, ne parurent plus que sous l
410
excellence, le méconnu et l’angoissé. Sa grandeur
étant
mesurée par la tension qui l’opposait à son époque. Telle est l’origi
411
par la tension qui l’opposait à son époque. Telle
est
l’origine spirituelle, ou culturelle si l’on veut, de la situation in
412
résident tout entières dans ce seul fait : que ce
sont
là deux tentatives colossales pour restaurer une mesure commune. Le s
413
lutions, suffirait à prouver ma thèse. Quelle que
soit
la haine violente qui oppose un Staline et un Hitler, ils se ressembl
414
Hitler, ils se ressemblent au moins en ceci, qui
est
décisif : c’est qu’ils veulent l’un et l’autre imposer à leur peuple
415
e à l’action et à la pensée. Et dans ce sens, ils
sont
les vrais génies du siècle, dès lors qu’il s’agit de construire. Mais
416
re. Mais que valent ces mesures imposées ? Quelle
est
la vérité des fins qu’elles servent ? Et si ces fins se réalisent, éc
417
meilleurs et des plus humains des hommes, qui s’y
seront
d’abord sacrifiés, de gré ou de force ? Les sauveront-elles vraiment
418
dont l’apparition dans le développement de l’URSS
est
le fait des seules circonstances, là où elles sont plus fortes que le
419
est le fait des seules circonstances, là où elles
sont
plus fortes que les hommes. Tantôt on lui attribue des succès colossa
420
antôt on lui attribue des succès colossaux qui ne
furent
rendus possibles que par la nature du pays, ou de ses habitants. Mais
421
du pays, ou de ses habitants. Mais d’autre part,
soit
qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on est souvent tenté de méconnaître
422
e part, soit qu’on l’attaque ou qu’on la loue, on
est
souvent tenté de méconnaître dans la construction soviétique le rôle
423
’on se bornait à décrire les faits. Le Plan, ce n’
est
pas seulement des tracteurs, des barrages, des kolkhozes et des manue
424
aux, et par l’euphorie juvénile qui paraît bien s’
être
emparée d’une partie au moins du peuple russe ; assez ignorants au su
425
rx et de Lénine, ces intellectuels estiment qu’il
est
injuste et ridicule de reprocher au régime des soviets certaines erre
426
olides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’
est
point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, Volta
427
t, Voltaire, à l’appui de leur foi nouvelle. Ce n’
est
pas sans raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Progrès
428
rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’
être
, l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience « bourg
429
onscience « bourgeoise » au sens originel, qu’ils
étaient
justement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus
430
tement en train de perdre. Et pourtant Marx avait
été
un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolu
431
se refusait à l’examen critique des doctrines qui
sont
à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’
432
ui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient
été
souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et
433
qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles
soient
actuellement plus importantes et plus dignes de nous retenir que l’él
434
que la critique d’un clerc y perd ses droits et n’
est
plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, dirai-
435
ritualiste38, Marx avait affirmé que la culture n’
était
rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des cla
436
héorie, étroitement respectée aux débuts. Trotski
fut
le premier à s’en apercevoir : on l’exila, quitte à suivre bientôt le
437
e ; on reconnut alors peu à peu que la révolution
est
au fond l’œuvre d’une minorité, que le gouvernement du prolétariat es
438
’une minorité, que le gouvernement du prolétariat
est
au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la cu
439
ant prolétarienne se révéla finalement ce qu’elle
était
dès le début : culture socialiste, configuration d’une Idée par des h
440
ne élite guidant les masses. Et cette évolution s’
est
trouvée confirmée par les récents congrès d’écrivains soviétiques ou
441
obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’
est
pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, quel
442
r, quelque chose qu’il faut vouloir. Elle ne peut
être
réalisée que si l’on ordonne les deux tâches, lutte des classes et co
443
e commune en vue de réaliser cette fin commune qu’
est
l’univers socialisé. ⁂ On connaît le nom de cette mesure, son incarna
444
ve à quoi s’ordonne toute la construction russe n’
est
plus la doctrine orthodoxe dont les marxistes d’Occident se sont fait
445
ctrine orthodoxe dont les marxistes d’Occident se
sont
faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus opportuniste que
446
alité soviétique actuelle. Comment, alors, ne pas
être
frappé par leur exacte coïncidence avec les éléments formels, tout au
447
l’ordre des erreurs possibles : c’est que le Plan
est
l’instrument forgé par la dictature communiste pour unifier la pensée
448
ion de la culture (et donc de sa mesure) au Plan,
est
même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en sont venus à confon
449
même si radicale, ou si naïve, que les Soviets en
sont
venus à confondre, sans l’ombre d’un doute, culture et production en
450
déclarations de ce genre : « Le niveau culturel a
été
élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin en e
451
ité crasse. Or, le danger de cette assimilation n’
est
pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plu
452
danger de cette assimilation n’est pas niable. Il
est
clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opér
453
s niable. Il est clair que les masses soviétiques
sont
toujours plus tentées de l’opérer, avec une sorte de bonne volonté qu
454
ttent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan
est
bien ce rappel permanent des fins dernières conçues par le Parti : l’
455
d’héroïsme, éclate à tous les yeux. Si les Russes
sont
officiellement de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur,
456
es sont officiellement de bonne humeur et si nous
sommes
de mauvaise humeur, c’est qu’ils savent pourquoi ils travaillent et q
457
intrinsèque, cette puissance animatrice qui doit
être
, en tous les domaines, le caractère d’une mesure vivante ? L’idéal du
458
mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui
est
le monde intégralement socialisé, embrasse-t-il réellement le tout de
459
nes imposées par le Plan à la création artistique
sont
-elles vraiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conform
460
ommunistes, que la littérature conforme au Plan n’
est
pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique et de
461
digne du nom qu’ait produite la nouvelle Russie s’
est
développée en marge du Plan, par anticipation ou régression sur les «
462
e conscience du danger. La littérature soviétique
est
née de la révolution. Elle s’est constituée en même temps que son pub
463
ature soviétique est née de la révolution. Elle s’
est
constituée en même temps que son public. Autrement dit, les « écrivai
464
ient parlaient naturellement le même langage, qui
était
le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité, et ce
465
ge, qui était le langage du Plan. Mais cet accord
était
en somme très limité, et ce langage essentiellement technique. Car le
466
ce langage essentiellement technique. Car le Plan
était
avant tout, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la prod
467
e les passions, et la nature, et la diversité des
êtres
. Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le Plan n
468
en tant que tel, dans le domaine littéraire, n’en
est
pas moins en évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compris. Aus
469
ole soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’
est
pas « quelque chose de donné », mais « quelque chose qu’il faut voulo
470
niste devrait dorénavant s’organiser (le paradoxe
est
soutenable) se substitue dans les esprits les plus vivants à l’idée d
471
isque créateur qui reviennent tenter l’esprit. Il
serait
vain de le nier : la mesure imposée par le Plan et qui régit encore l
472
i régit encore l’action pratique des communistes,
est
d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle toute différente,
473
t les succès aveuglent la grande masse. Mais elle
est
réfutée dans son principe par la création culturelle, dès lors que ce
474
n à tous, et le reste viendra par-dessus. » Telle
fut
la grande maxime du Plan. Car, disait-on, il faut parer au plus press
475
il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui
est
irrationnel, et c’est la faute de la raison. Car cette raison, simple
476
Car cette raison, simple servante de l’action, s’
est
voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résiste à son emprise
477
n totalitaire. Il ne veut pas se laisser mutiler,
fût
-ce au prix de salaires merveilleux45. Il découvre que la mesure qu’on
478
e la mesure qu’on voulait imposer à son orgueil n’
est
encore qu’une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui propos
479
homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste.
Est
-ce que tout le progrès acquis par une si dure révolution n’aura été q
480
progrès acquis par une si dure révolution n’aura
été
que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avio
481
de parachutes, cette illusion philosophique ? Il
est
vrai que le monde bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une
482
e tout cela une conclusion concrète qui peut nous
être
utile pour une future construction : la mesure pseudo-marxiste que le
483
o-marxiste que les Soviets proposent en exemple s’
est
avérée, après quelques années, incapable de maintenir l’unité vraie d
484
r l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle
est
déjà divisée contre elle-même. Elle n’est plus réellement commune, en
485
n. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’
est
plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et j
486
lle n’est plus réellement commune, encore qu’elle
soit
réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui
487
ressources mystiques aussi puissantes. Peut-être
était
-ce inévitable. Peut-être les bienfaits concrets du Plan surpassent-il
488
r les semelles-crêpe et le métro. Notre espérance
est
au-delà de ces réussites utiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre
489
les. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’
est
pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais i
490
etés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’
est
pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui
491
mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’
est
pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique l
492
temps nos problèmes spirituels. Toute la question
est
alors de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occid
493
olus, dans nos catégories occidentales. Sinon, il
sera
toujours temps d’aller demander là-bas ce qui nous manque. 37. Pas
494
40. Ibid., p. 29 et 33. 41. Le troisième Plan
sera
consacré plus spécialement à l’édification de la culture. 42. Cf. ch
495
mesure nationale-socialiste L’élite française s’
est
fait depuis quelques années une géographie de l’esprit dont le caract
496
géographie de l’esprit dont le caractère frappant
est
d’être en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos r
497
phie de l’esprit dont le caractère frappant est d’
être
en complet désaccord avec la géographie physique. À lire nos revues,
498
vre culturelle des Russes. Beaucoup de ces Russes
sont
venus à Paris vanter leur dictature, sa production industrielle, son
499
uments aux partis de gauche ou de droite. Or s’il
est
vrai que les Soviets avaient en 1920 l’âge de l’hitlérisme en 1936, l
500
pourtant tout intérêt à suivre d’aussi près qu’il
est
possible le développement d’une révolution à tant d’égards plus proch
501
ards plus proche que la russe. L’expérience russe
est
dominée par deux grands faits qui la distinguent radicalement de tout
502
n et du sens civique au départ. Les léninistes se
sont
trouvés devant un continent qu’ils n’avaient guère qu’à coloniser. Il
503
schématique. La situation de l’Allemagne en 1933
était
exactement inverse. Elle ressemblait beaucoup à celle qu’une seconde
504
t en France à toute révolution de masses (qu’elle
soit
fasciste ou bolchéviste)47. Toutefois, le facteur décisif de la révol
505
indre scrupule national et nationaliste, quand il
est
question de l’Allemagne. C’est que la nation française existe depuis
506
n affirme en général, à côté d’elle, la volonté d’
être
une nation. Un Français qui proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’i
507
i proclame aujourd’hui, à grand éclat, qu’il veut
être
« Français d’abord », c’est un monsieur qui exagère, c’est un chauvin
508
ecteurs communistes. Il a compris que la mystique
était
plus forte que les intérêts, d’autant plus forte que la misère était
509
e les intérêts, d’autant plus forte que la misère
était
plus grande. Qu’on ne dise pas que cela est impensable en France, san
510
ère était plus grande. Qu’on ne dise pas que cela
est
impensable en France, sans se rappeler que ce fut un jour mieux que p
511
est impensable en France, sans se rappeler que ce
fut
un jour mieux que pensable : les soldats de Kellermann s’appelaient,
512
que la mystique la plus puissante sur le peuple,
serait
celle qui lui offrirait la promesse d’une communauté. Le « Nationalso
513
se d’une communauté. Le « Nationalsozialismus » n’
est
pas le composé hybride de nationalisme et de socialisme que la traduc
514
e crois, au nom d’une vérité plus haute, et qui n’
est
pas une opinion de partisan, de politique. Mais cela n’empêche pas qu
515
ue. Mais cela n’empêche pas que le génie d’Hitler
est
un fait. (J’appelle génie la faculté de distinguer la véritable sourc
516
vie communautaire ; jamais cette passion n’avait
été
davantage frustrée qu’au cours des quinze années de luttes civiles qu
517
’au cours des quinze années de luttes civiles que
fut
le régime de Weimar. Partis, régions, classes, générations, ville et
518
lle et campagne, Université et peuple : la guerre
était
partout et la mesure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je sui
519
sure commune nulle part. Hitler parut et dit : Je
suis
le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le po
520
part. Hitler parut et dit : Je suis le Parti, je
suis
le Pays, je suis le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de
521
ut et dit : Je suis le Parti, je suis le Pays, je
suis
le Peuple, je suis à la fois le porteur des idées de la jeunesse et d
522
le Parti, je suis le Pays, je suis le Peuple, je
suis
à la fois le porteur des idées de la jeunesse et de celles des ancien
523
jeunesse et de celles des anciens combattants, je
suis
enfin l’annonciateur de la nation allemande à venir. C’était l’incarn
524
le destin futur de son libre peuple. Ses paroles
sont
le programme de notre lutte. Elles sont les sources du nouveau droit
525
s paroles sont le programme de notre lutte. Elles
sont
les sources du nouveau droit qui s’établit. Ses pensées dominent les
526
rdre social et politique nouveau. » — « Le Führer
est
le Parti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État sont une seule
527
e nouveau. » — « Le Führer est le Parti, le Parti
est
le Führer. » — « Parti et État sont une seule et même chose. » — « Hi
528
arti, le Parti est le Führer. » — « Parti et État
sont
une seule et même chose. » — « Hitler est l’Allemagne, l’Allemagne, c
529
t État sont une seule et même chose. » — « Hitler
est
l’Allemagne, l’Allemagne, c’est Hitler. » — Voilà la mesure, et son i
530
e, et son incarnation visible à tous. « La nation
est
le contenu et la substance de l’empire. Elle est le but de tout ordre
531
est le contenu et la substance de l’empire. Elle
est
le but de tout ordre. Le peuple… est le seul but de toute activité hu
532
empire. Elle est le but de tout ordre. Le peuple…
est
le seul but de toute activité humaine et de toute institution publiqu
533
et de toute institution publique. » — « L’empire
est
un État socialiste-racial — populaire — unifié — comprenant un seul p
534
rti. » En outre « le parti, le peuple et l’empire
sont
gouvernés et administrés selon le principe du chef (Führergrundsatz).
535
il s’agit ici de régimes entre lesquels la guerre
est
déclarée, au nom de doctrines et de buts dont certains nous paraissen
536
du « spirituel » pour justifier le mépris où l’on
était
forcé de tenir la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à
537
» pour justifier le mépris où l’on était forcé de
tenir
la culture. On fit appel à la doctrine marxiste, ou à l’honneur natio
538
ù l’on voit que la fameuse primauté du matériel n’
est
nullement un problème philosophique ; car de ce point de vue là, préc
539
ue ; car de ce point de vue là, précisément, elle
est
d’une évidente absurdité ; mais un certain excès de misère suffit trè
540
uer qu’on y ait eu recours en pleine action51. Ce
fut
la première phase, négative par nécessité. Elle dura plus longtemps e
541
ute que « la révolution (nationale-socialiste) ne
serait
guère qu’un épisode, non une époque, si elle restait purement politiq
542
époque, si elle restait purement politique ». Il
est
incontestable que ces trois activités, commandées par la seule volont
543
du régime avec le domaine culturel. Le problème s’
est
donc posé dans tous les cas sous la forme très simple d’une mise au p
544
e culture nouvelle et populaire. En réalité, ce n’
est
pas le contenu de la culture proprement dite que l’on répand, mais on
545
re dans lequel les productions futures, désirées,
seront
contraintes de s’ordonner. Règne des films de propagande, de chœurs p
546
la mesure prétendue universelle. Or cette mesure
étant
en fait celle qui a réglé d’abord l’action, et l’action de masse, ne
547
’abord l’action, et l’action de masse, ne saurait
être
, pour des raisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande est par
548
aisons techniques, qu’un schéma. Toute propagande
est
par définition schématique ; mais les moyens qu’elle met en œuvre pou
549
nt pas le temps d’entreprendre. (Ou qui ne pourra
être
entreprise sérieusement qu’après un certain nombre de rénovations mat
550
ue l’on donnera pour bon argent alors qu’elles ne
sont
guère qu’une sorte de spéculation sur les créations futures. L’intére
551
de voir à quel point la technique de cette phase
est
pareille dans des régimes qui ont à répandre les doctrines les plus d
552
en commun passe avant le bien particulier. Ce qui
est
utile à la communauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire est
553
ulier. Ce qui est utile à la communauté populaire
est
légal ; ce qui peut lui nuire est illégal. » Ce principe fondamental
554
nauté populaire est légal ; ce qui peut lui nuire
est
illégal. » Ce principe fondamental de la constitution hitlérienne a s
555
u service du Parti, qui selon la parole du Führer
est
« la volonté organisée de la nation ». Dans les deux régimes, on s’ef
556
réatrices : classe prolétarienne ou race aryenne.
Seront
tenus pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre
557
es : classe prolétarienne ou race aryenne. Seront
tenus
pour suspects ou saboteurs tous les écrivains issus d’une autre class
558
mme « scientifique ». Valeur du travail : Elle
est
exaltée en termes à peu près identiques des deux côtés. Le travail do
559
la guerre. (« La lutte contre le froid et la faim
est
notre guerre ! » peut-on lire sur les panneaux de propagande du Secou
560
partie de cet ouvrage.) Moralisme : La morale
est
identiquement soumise dans les deux cas à l’édification (Aufbau) soci
561
le. Les conditions pratiques de cette édification
étant
définies de la manière la plus simple par la propagande, les vertus e
562
simple par la propagande, les vertus et les vices
sont
simples et facilement reconnus par tous. Toute œuvre se voit donc exp
563
Rôle de l’écrivain et de l’artiste : « L’artiste
est
le porte-parole du peuple, l’interprète de sa volonté et du sens de s
564
ntendu ni du peuple ni du prolétariat tels qu’ils
sont
, mais tels que le Parti les définit. Attitude philosophique et rel
565
t. Attitude philosophique et religieuse : Il n’
est
plus nécessaire d’insister sur la direction générale de l’humanisme s
566
us exactement : Diesseitigkeit, qualité de ce qui
est
terrestre, de ce qui concerne l’ici-bas, par opposition à tout au-del
567
s-Dieu, on ne saurait nier que le Dieu qu’il sert
est
immanent aux intérêts du Volkstum, et doit se confondre avec ces inté
568
La Diesseitigkeit de la philosophie hitlérienne a
été
fort bien exprimée par Rosenberg dans un discours où il s’élève avec
569
prolétariat et à territoire surpeuplé (la France
est
plus grande que l’Allemagne, et compte un tiers d’habitants en moins)
570
contre l’esprit de la Révolution. Si les Français
sont
nationaux, c’est parce qu’ils sont les descendants des jacobins. Et t
571
i les Français sont nationaux, c’est parce qu’ils
sont
les descendants des jacobins. Et tout le reste est nationalisme. C’es
572
nt les descendants des jacobins. Et tout le reste
est
nationalisme. C’est le parti radical qui est national. Il l’est si bi
573
este est nationalisme. C’est le parti radical qui
est
national. Il l’est si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 49
574
me. C’est le parti radical qui est national. Il l’
est
si bien qu’il n’a plus même l’idée de le dire. 49. La plupart de ces
575
idée de le dire. 49. La plupart de ces citations
sont
empruntées au numéro spécial du Voelkischer Beobachter, 30 janvier 19
576
la notion de primauté du matériel. Tout le reste
est
littérature, sophisme, et confusion de la tactique avec la vérité.
577
Leçon des dictatures De tout ce qui précède, il
serait
ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions cultur
578
s entreprises, d’une envergure sans précédent, ne
sont
pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en Fran
579
n’a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle
est
consciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’un idéal déclaré
580
plus féconde que la contrainte. Les surréalistes
sont
fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », m
581
l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde
sont
hypocrites quand ils payent des auteurs pour dénoncer le « sans-dieui
582
ine facilité sénile, dont la jeunesse française n’
est
pas toujours indemne, facilité qui consiste à assimiler dictature et
583
ilosophique égale l’hypocrisie pratique. Enfin il
serait
sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel
584
de front opéré par le stalinisme prouve que tout
est
possible aux dictateurs opportunistes. Le vague même des dernières dé
585
ul qui tombe sous le coup d’une critique générale
est
aussi le seul qui intéresse directement l’objet de cet ouvrage : les
586
œuvre par les deux régimes, alors que leurs fins
sont
hostiles et leurs situations de départ différentes, prouve que la mes
587
que la mesure réelle dans l’un et l’autre cas, n’
est
pas la doctrine, mais la technique de l’action sur les masses. C’est
588
pour la seule action au cours de laquelle elle s’
est
constituée, mais que l’on veut imposer au tout, y compris la culture
589
er au tout, y compris la culture et la morale. Ce
sont
les nécessités de la propagande, identiques dans les deux cas, bien q
590
de, identiques dans les deux cas, bien que le but
soit
ici la société prolétarienne, et là la nation allemande, qui sont cen
591
été prolétarienne, et là la nation allemande, qui
sont
censées configurer la culture. 2° Or cette mesure partielle a peu de
592
n’y réussit pas. Le schématisme de la propagande
est
par nature contraire à toute culture imaginable. Il peut au plus favo
593
ser l’instruction élémentaire des masses. Mais il
est
totalement impuissant à provoquer la création, et à la régler, étant
594
puissant à provoquer la création, et à la régler,
étant
de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturel
595
ose non seulement à l’observateur étranger que je
suis
, mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la pas
596
magne aussi bien qu’en URSS. Cet appel au miracle
est
le signe certain, sinon d’une mauvaise conscience, en tout cas d’un s
597
t cas d’un sentiment d’impuissance culturelle. Il
est
apparu plus tard en URSS qu’en Allemagne — relativement à l’âge de la
598
mple qu’en Russie, le niveau culturel des moujiks
étant
ce que l’on sait au départ, on a pu se contenter pendant longtemps d’
599
nter pendant longtemps d’appeler culture ce qui n’
était
que de l’instruction. En Allemagne, où la culture a de très fortes ra
600
a de très fortes racines populaires et où l’élite
était
bien plus artiste et bien moins « politique » qu’en France, l’opposit
601
moins « politique » qu’en France, l’opposition s’
est
fait sentir dès le début. La résistance des universités est caractéri
602
entir dès le début. La résistance des universités
est
caractéristique à cet égard. Chaque progrès de la culture officielle
603
e les injonctions du Parti avec une passivité qui
est
la forme d’opposition la plus aiguë que tolèrent les dictatures… Le
604
ité, puis toute vertu spirituelle. Les dictatures
sont
fondées au contraire sur le primat, en fait et en droit, de l’action
605
e. Dès lors, l’alternative qui se pose à l’esprit
est
la suivante : ou bien il se soumet à la mesure faite pour régler l’ac
606
te de sabotage de la commune mesure. Ce processus
est
déjà commencé dans les deux dictatures rivales, et rien ne permet enc
607
ose. Nos circonstances économiques et historiques
étaient
telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre e
608
um d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il
est
incontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille pl
609
rs luttes épuisantes et stériles. Le corps social
était
malade, il fallait l’opérer d’urgence, à chaud, et nous y avons porté
610
craties libérales et parlementaires, des maux qui
étaient
devenus aigus chez nous : luttes sociales, injustices économiques, dé
611
us ne faites rien, que de nous critiquer, vous en
serez
bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au c
612
critiquer, vous en serez bientôt au point où nous
étions
quand la révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmont
613
re vous essayez de surmonter votre anarchie, vous
serez
bien forcés de commencer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous fere
614
ces deux objections : a) Oui, vos circonstances
étaient
telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez bien p
615
a) Oui, vos circonstances étaient telles que je
serais
incapable de vous dire ce que vous auriez bien pu faire d’autre. Vous
616
ce que vous auriez bien pu faire d’autre. Vous en
étiez
au point où l’homme ayant démissionné, il fallait enregistrer cette d
617
de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous
êtes
refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus
618
un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas
été
résolus pour autant. Vous avez reculé la question, de dix ans ou d’un
619
es expériences nous enseignent. Toute la question
est
alors de savoir si nous saurons utiliser ces avantages, et le temps d
620
er et préparer spirituellement une révolution qui
soit
nôtre, sans brutalités extérieures, sans destructions aveugles, sans
621
n nouveau type de révolution, dont l’exemple vous
sera
certainement plus utile que les critiques de nos vieillards. Dans cet
622
ndement d’une nouvelle culture européenne… b) Il
est
faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous vo
623
elle culture européenne… b) Il est faux que nous
soyons
obligés de commencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une me
624
la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’
est
solide et fécond que s’il résulte d’un ordre intérieur. Et cet ordre
625
spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’
est
pas moins actuelle. 52. Nous voulons passer, dit Rosenberg, « de la
626
trahison des clercs, l’idolâtrie, la simonie. Il
est
d’autres mesures qui se détruisent d’elles-mêmes, malgré toute la fid
627
de leur succès qui dénonce leur insuffisance. Tel
fut
le cas de la mesure rationaliste qui conduisit la bourgeoisie à son t
628
rgeoisie à son triomphe, puis à sa négation ; tel
est
le cas des mesures politiques que s’imposent les dictatures. Du court
629
te, c’est que la fin qu’elle prépare et symbolise
est
elle-même une fin partielle, et donc une fin avant-dernière, une fin
630
ien cette fin, mais il pressent parfois qu’elle n’
est
pas la fin absolue. Il veut bien sacrifier sa liberté pour hâter la c
631
d’une impuissance à accepter la vie telle qu’elle
est
, dégradée, mystérieuse, pleine d’appels. (L’anarchie libérale avait d
632
chie libérale avait du moins cet avantage qu’elle
était
bien visible, et qu’on avait le droit de la dénoncer…) Mais alors, où
633
ver la vérité totale, la seule qui ait le droit d’
être
totalitaire ? La fin des fins, le terme universel en quoi l’homme pui
634
attribuons à nos actions, si minuscules qu’elles
soient
au regard de l’histoire, la passion même dont nous les chargeons, tou
635
système soviétique, ou la mesure soviétique, ce n’
est
pas discuter telle ou telle modalité de son application ; ce n’est pa
636
telle ou telle modalité de son application ; ce n’
est
pas prédire (à la manière des journalistes) son échec ou sa réussite
637
des journalistes) son échec ou sa réussite ; ce n’
est
pas protester contre les conditions accidentelles qu’impose sa réalis
638
et qui lèsent beaucoup d’intérêts, dont certains
sont
honnêtes et d’autres moins. Car, quand bien même l’avenir montrerait
639
ême l’avenir montrerait que le système communiste
est
nécessaire, qu’il est satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « ré
640
t que le système communiste est nécessaire, qu’il
est
satisfaisant pour le grand nombre, qu’il a « réussi » en Russie, et q
641
ère historique, je poserais encore ma question :
est
-ce un système dont le télos est vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare,
642
ore ma question : est-ce un système dont le télos
est
vrai ? Est-ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa p
643
tion : est-ce un système dont le télos est vrai ?
Est
-ce qu’il rêve, et prépare, et veut, un succès tel que sa plénitude —
644
ants — puisse combler l’homme en tant que l’homme
est
le porteur d’une vocation de vérité ? Voilà, me dit-on, qui introduit
645
hysique. Et le jugement que vous prétendez porter
est
de l’ordre du choix « subjectif ». Relevant d’un acte de foi, il tran
646
és jusqu’à présent, et auxquels vous pensiez vous
tenir
. — Certes ! Et l’on voit qu’il fallait bien aboutir là. Car si l’on p
647
au moyen de critères formels — c’est à quoi je me
suis
employé au cours des précédents chapitres —, l’on peut aussi, et l’on
648
vérifie ces mêmes critères. Or, à ce doute, il n’
est
pas de réponse qui ne soit un acte de foi. Juger le système ou la mes
649
s. Or, à ce doute, il n’est pas de réponse qui ne
soit
un acte de foi. Juger le système ou la mesure soviétique, c’est uniqu
650
ne enfin à mes critiques leur vraie portée : ce n’
est
pas pour l’amour des hommes de là-bas que je m’attache à distinguer d
651
je m’attache à distinguer dans leur régime ce qui
est
bon et ce qui est mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseil
652
tinguer dans leur régime ce qui est bon et ce qui
est
mauvais. Je n’ai pas le goût de me poser en conseiller d’un peuple qu
653
er d’un peuple qui ne peut pas m’écouter. Mais je
suis
fortement curieux de tirer d’un exemple aussi considérable une leçon
654
dra ! Nous avons bien assez de notre sort pour en
être
aujourd’hui responsables. À la question que je posais tout à l’heure
655
final de toute communauté réelle et actuelle ? je
suis
donc amené à répondre premièrement : c’est par un acte de foi que nou
656
ouveau. D’abord pour la simple raison qu’un idéal
est
toujours dans l’avenir, et notre action toujours dans le présent. Ens
657
ce dans les désirs de nos cœurs actuels. Or, ce n’
est
pas une image flatteuse conçue comme un négatif du désordre, qui pour
658
ou bien elle nous reste extérieure, ou bien elle
est
complice de nos faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’est p
659
bien elle est complice de nos faiblesses. Elle n’
est
pas vraie en soi. Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous s
660
s faiblesses. Elle n’est pas vraie en soi. Elle n’
est
pas plus vraie que nous, tels que nous sommes, dans le désordre établ
661
Elle n’est pas plus vraie que nous, tels que nous
sommes
, dans le désordre établi. Par acte de foi, j’entends précisément l’ac
662
vérité certaine, affirmée par cet acte même. Il n’
est
de fin vraiment unique — et par conséquent unifiante — que dans la vé
663
t précis où je lui obéis en fait. L’acte de foi n’
est
donc pas un désir, une nostalgie confiante, un leurre consolant, un s
664
d’un idéal rêvé ou désirable. Ainsi l’acte de foi
est
par définition l’instant et le lieu où pensée et action se confondent
665
ction se confondent en un seul élan, où la vérité
est
attestée par un geste, et le geste sanctionné par la vérité. Voilà l’
666
la commune mesure se ramène alors à ceci : quelle
est
cette vérité dernière assez certaine, et en même temps assez totale p
667
ur mériter notre acte de foi ? ⁂ Le lecteur qui n’
est
pas philosophe ne manquera pas de dire que j’entraîne le problème à u
668
éponses simples et faciles, ou bien la vérité qui
est
souvent difficile. Si nous refusons de descendre au cœur de ce problè
669
refusons de descendre au cœur de ce problème, qui
est
métaphysique et religieux, nous nous condamnons en même temps à ne ja
670
étique ou à la mesure hitlérienne, c’est qu’elles
sont
extérieures à la personne. Elles soumettent le tout de l’homme à une
671
tout de l’homme à une partie de son activité, qui
est
l’activité sociale ou politique. Elles imposent des disciplines qui v
672
s définit, mais non pas pour l’homme total. Elles
sont
des mesures de propagande, non pas d’éducation réelle. Elles poursuiv
673
dès maintenant des buts partiels, des fins qui ne
sont
ordonnées qu’à une tactique, non à la vérité. Ou encore elles prétend
674
e à une tactique. Enfin, et du seul fait qu’elles
sont
des mesures de propagande, elles sont précisément trop simples. Elles
675
it qu’elles sont des mesures de propagande, elles
sont
précisément trop simples. Elles se définissent d’un seul mot : le Pla
676
tout le monde sent et sait très bien que ce mot n’
est
pas le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti e
677
le dernier mot de notre vocation humaine. Ce qui
est
d’un parti est partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vou
678
de notre vocation humaine. Ce qui est d’un parti
est
partiel. Ce qui est partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitair
679
umaine. Ce qui est d’un parti est partiel. Ce qui
est
partiel n’a pas le droit de se vouloir totalitaire. (Même si c’est qu
680
le droit de se vouloir totalitaire la vérité qui
est
totale, qui rend compte du tout de l’homme et de ses fins les plus lo
681
si cette vérité a le pouvoir d’unifier tout notre
être
lorsqu’il tend activement vers elle. La mesure que nous cherchons ne
682
s elle. La mesure que nous cherchons ne peut donc
être
définie qu’en relation avec la vérité dernière de l’homme ; elle est
683
elation avec la vérité dernière de l’homme ; elle
est
l’attitude de pensée et d’action, indistinctement, qui nous rapproche
684
l’inverse, on pourrait dire que cette vérité même
est
indiquée par une attitude de notre être, telle que la pensée et l’act
685
érité même est indiquée par une attitude de notre
être
, telle que la pensée et l’action s’y confondent indistinctement. Autr
686
ent indistinctement. Autrement dit : notre chemin
est
éclairé par la seule vérité du but. Mais à l’inverse, le but ne nous
687
est donc ce chemin qu’il va falloir décrire. Ce n’
est
pas une route nationale où l’on puisse marcher en colonne, quatre par
688
ar trois, le fusil ou la pelle sur l’épaule. Il n’
est
pas tout tracé par l’État. Nous avons à le construire nous-mêmes au p
689
d’obéir au seul appel du but final. Cette méthode
sera
la mesure que nous cherchons : à la fois intime et active, réglant la
690
il fallait des symboles visibles et dont le sens
fût
reconnu de tous, prince et sujets, clercs, soldats et marchands, légi
691
histoire ou l’action des « grands desseins » peut
être
déchiffrée précisément dans l’histoire ou l’action des signes visible
692
se, le concept de Führer. Cependant, une mesure n’
est
rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins der
693
qui la créent et qui meurent avec elle. L’Arche n’
est
rien s’il n’y a pas le messianisme ; le latin s’il n’y a pas une cath
694
ommune à tous les ordres et qui les harmonise. Il
était
nécessaire de le rappeler et de décrire aussi les mécanismes ou les f
695
rvir. La question de la mesure d’une civilisation
est
sans nul doute la question-mère de toute problématique culturelle. Ma
696
e ne comporte pas de réponse en soi. Une mesure n’
est
en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins fidèle à la
697
e mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’
est
que plus ou moins fidèle à la fin qu’elle prépare et représente. Seul
698
ement porté sur cette fin, et dont j’ai dit qu’il
est
acte de foi — déterminera notre jugement sur cette mesure. ⁂ Si nous
699
ns signes créés par d’autres pour des fins qui ne
sont
pas les nôtres. On ne refait une mesure qu’en retrouvant une foi. Mai
700
scernant sa vocation concrète. Or, toute vocation
est
située en un lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Hi
701
eux où nous vivons, la situation précise qui nous
est
faite, et l’appel concret qui en résulte ; et après cela jugeons, c’e
702
e de possibilités dont les nations plus jeunes se
sont
volontairement privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposit
703
t des vieillards puissants. Leur opinion publique
est
incertaine, facilement énervée, puis indolente, pleine de contradicti
704
rre, en Suisse, en Belgique, en Scandinavie, il n’
est
question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pratiq
705
de se plaindre sans passion profonde. La misère n’
est
encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire qu
706
r lieu commun vivant. Les nations dites rajeunies
sont
celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses
707
es en jugeaient l’usage actuel néfaste, lorsqu’il
était
encore réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’opposition,
708
comme on dit en Allemagne.) Leur opinion publique
est
dictée par l’État ; et l’opinion privée, bon gré mal gré, se rapporte
709
n moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’
est
question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyra
710
rutal », tout cela, qui épouvante les libéraux, n’
est
en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pour a
711
: mais j’en tiens compte, et ils me déterminent,
fût
-ce même contre eux. 2° Situation qui nous est faite. — Au terme du li
712
nt, fût-ce même contre eux. 2° Situation qui nous
est
faite. — Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seu
713
dernier fondement de la communauté moderne. Elle
est
la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions e
714
sées, de nos actions et même de nos utopies. Il n’
est
pas difficile, après coup, de distinguer les très puissantes raisons
715
tés, et de la société bourgeoise notamment. Or il
est
clair qu’aucune économie ne peut survivre bien longtemps à la ruine d
716
Dès lors, si je constate que la crise matérielle
est
devenue, par une horrible dérision, la dernière obsession commune aux
717
ssible, et à elle seule, que toute commune mesure
est
morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’est encore restaurée. L
718
est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’
est
encore restaurée. Le régime libéral n’a plus la force de concevoir un
719
p de la désespérance. Et les régimes dictatoriaux
sont
nés dans une crise si profonde qu’ils n’ont pas encore pu s’en affran
720
ite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits
sont
spirituels. Ils révèlent l’existence d’un appel que la culture ne peu
721
pays les plus atteints matériellement. La misère
est
douée d’une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révé
722
e nation, ou des fantasmes de compensation qui en
tiendrons
lieu pour un temps. Si l’Europe d’aujourd’hui est divisée en nations
723
ons lieu pour un temps. Si l’Europe d’aujourd’hui
est
divisée en nations « rajeunies » et nations vieilles, cela s’explique
724
’abord par l’histoire : les nations « rajeunies »
sont
tout simplement celles qui n’avaient pas encore d’existence nationale
725
que ensuite par la misère : car ces nations ne se
sont
découvertes qu’à la faveur d’une crise totale. Ainsi l’opposition des
726
, vers une communauté nouvelle. Là où cette crise
était
la plus aiguë, la réponse a été totale, ou tout au moins totalitaire.
727
où cette crise était la plus aiguë, la réponse a
été
totale, ou tout au moins totalitaire. Là où depuis deux ou trois sièc
728
u trois siècles la nation existait déjà, la crise
est
bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pou
729
ne à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle
soit
donnée partout. Derrière la ruine matérielle, une autre ruine plus gr
730
e la ruine matérielle, une autre ruine plus grave
est
apparue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondé
731
tésienne. Nous savons aujourd’hui que la raison n’
est
pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la libert
732
st pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’
est
rien que la liberté du désespoir, et qu’il meurt de son isolement, ou
733
entir à la mesure des temps nouveaux. Sinon, il n’
est
qu’angoisse et arbitraire, isolement, irréalité… Cette situation cosm
734
ent, irréalité… Cette situation cosmique nouvelle
est
la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’
735
mmunautaire. La puissance de cet appel ne saurait
être
comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la consc
736
s la philosophie : la ruine des grands idéalismes
est
consommée par le triomphe des philosophes « existentiels » qui cherch
737
ent à saisir l’homme dans son actualité (dans son
être
de relation) et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théologi
738
de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’
est
encore que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette puis
739
apparitions de cette puissance communautaire ont
été
les révolutions communistes et nationalistes. 4° Les premières répons
740
s libérales à l’adresse des grandes dictatures ne
sont
dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’arrêteront pas la te
741
’aide de leurs filets à papillons. Par contre, il
est
aisé de prévoir à coup sûr qu’une certaine dépression atmosphérique a
742
s ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne
sont
pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficie
743
lles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne
sont
qu’une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent à des
744
e pour les vieilles nations libérales, elles n’en
sont
pas moins une menace extérieure matériellement considérable. Elles im
745
chance de salut, à nous autres nations libérales,
est
dans la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’inve
746
la création d’une communauté libre. Notre chance
est
dans l’invention, et non dans la défense, ou dans l’imitation. À la f
747
de destins communs : forces, crise et destins qui
sont
tout à la fois politiques et culturels. L’Europe des religions nouvel
748
û faire ; et alors, d’ici vingt ou cent ans, nous
serons
réduits à l’état de colonies économiques et culturelles par l’expansi
749
à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne
sommes
pas en retard sur les Soviets ou sur l’Allemagne, tout au contraire.
750
i fortes que celles qui nous défient là-bas, nous
serons
colonisés, comme la Grèce par Rome. Cessons de loucher avec méfiance
751
onnaître. Ils ont fondé des religions dont le but
est
la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces sy
752
es symboles nous paraissent « barbares », et cela
est
juste. Nous pouvons éprouver la puissance de ces nouvelles religions,
753
monde étrange, ici règne une nation dont nous ne
sommes
pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par
754
e une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous
est
hostile, non point par volonté méchante, ni par avidité ou jalousie,
755
ni par nature mais du seul fait que sa religion n’
est
pas la nôtre. Étudions les doctrines provisoires ou les tactiques de
756
amais faire davantage, nous ne pourrons jamais en
être
, nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différen
757
davantage, nous ne pourrons jamais en être, nous
sommes
nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne s
758
ommes nés sous d’autres astres, et notre vocation
est
différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous
759
astres, et notre vocation est différente. Nous ne
sommes
pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrable56. No
760
lieu saint nous demeure impénétrable56. Nos fins
sont
d’autres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée qu
761
utres fins, et la mesure qui doit les incarner ne
sera
inventée que par nous. Non seulement nos meilleures traditions, mais
762
elle que donne la vérité. Notre mesure commune ne
sera
pas collective, extérieure à notre personne : cela n’a pas de sens po
763
ersonne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne
sera
pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mo
764
as ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle
sera
personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possè
765
mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle
sera
la mesure de l’homme en tant qu’il se possède dans ses relations acti
766
sse. 6° La violence nécessaire. — Car notre force
est
personnelle, non collective. Elle réside dans les petits groupes, non
767
l, et non le gigantisme national. La société doit
être
un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force
768
tre action dans la culture européenne. Sinon nous
serons
colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer
769
serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter.
Est
-ce à dire qu’affirmer notre force, en face d’impérialismes conquérant
770
e connaissent plus, seule la violence de l’esprit
est
pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde avec les peup
771
collaboration féconde avec les peuples impériaux,
est
là. L’avenir dira si la révolution des libéraux peut influencer, à fo
772
ligieuses qui dressent leurs monuments sacrés à l’
Est
. Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de
773
s à l’Est. Pour le présent, notre devoir européen
est
d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre, avec un maximum de
774
européen est d’exercer la vocation de vérité qui
est
la nôtre, avec un maximum de violence créatrice. 54. Les Russes ajo
775
ogme de la croissance, la société de consommation
sont
les « Utopies » que je prévoyais alors (Note de 1972.) 56. Cela exp
776
s alors (Note de 1972.) 56. Cela explique, s’il
est
besoin de l’expliquer, que je puisse tenir balance égale entre les So
777
ue, s’il est besoin de l’expliquer, que je puisse
tenir
balance égale entre les Soviets et Hitler, et que je sois davantage f
778
ance égale entre les Soviets et Hitler, et que je
sois
davantage frappé par ce qu’ils ont de commun malgré eux que par la ha
779
par la haine qui les oppose. De toute façon, leur
étant
étranger, je leur paraîtrais blasphémateur sitôt que je parlerais de
780
de la seconde partie de cet ouvrage risquerait d’
être
mal compris, si je n’écartais dès l’abord deux malentendus très coura
781
he pas à bâtir un système dans l’absolu : je veux
être
utile. Mais je ne cherche pas non plus à servir un régime politique a
782
ou une classe, ou un groupe d’intérêts : je veux
être
vrai. Je ne puis donc me contenter ni de la simple cohérence d’une do
783
hes nécessaires. L’esprit pur et l’esprit asservi
sont
deux complices dont les disputes bruyantes n’ont eu jusqu’ici d’autre
784
effet que de nous détourner de notre rôle, lequel
est
d’incarner l’esprit au service de la vérité. Je définirai donc mon at
785
us diverses de la nation ; je m’appuie sur ce qui
est
, mais c’est pour prendre élan vers ce que je crois qui doit être, ver
786
t pour prendre élan vers ce que je crois qui doit
être
, vers ce que je pressens, vers cette nouvelle mesure que l’élan seul
787
, et par les refaire dans l’esprit. Or ce travail
est
amorcé de tous côtés, j’en ai rappelé déjà quelques exemples57. Il m’
788
culture, dans la communauté qu’il faut créer. Il
serait
au-dessus de mes forces et de celles de n’importe quel homme d’envisa
789
éfinir le seul aspect moral de mon sujet : quelle
est
l’attitude de pensée, le parti pris fondamental qui peut nous oriente
790
sure nouvelle. Essai d’éthique de la pensée — qui
est
peut-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il serait bon de me
791
t-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il
serait
bon de mettre au point avant que l’État ne s’en mêle… ⁂ Il faut pens
792
e… ⁂ Il faut penser avec les mains. — La formule
est
brutale et je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances sont plus
793
La formule est brutale et je pense qu’elle doit l’
être
. Nos circonstances sont plus brutales encore, et nous invitent à parl
794
t je pense qu’elle doit l’être. Nos circonstances
sont
plus brutales encore, et nous invitent à parler net. Il ne s’agit plu
795
er d’abord sur l’essentiel. (Je pèse chaque mot.)
Étant
bien clairement entendu que l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur
796
) Étant bien clairement entendu que l’essentiel n’
est
pas ce qu’un dictateur pense, n’est pas l’urgence matérielle, mais la
797
l’essentiel n’est pas ce qu’un dictateur pense, n’
est
pas l’urgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui est la vérit
798
rgence matérielle, mais la plus haute vérité. Qui
est
la vérité à hauteur d’homme. Et j’ajouterai : à portée de la main.
799
n dehors de la question. Et de même, toute pensée
est
vaine, qui n’a pas mis d’abord son auteur à la question, en sorte que
800
positif, de rétablir une situation désespérée qui
fut
notre douceur de vivre, mais qui sera la honte de notre mort si nous
801
sespérée qui fut notre douceur de vivre, mais qui
sera
la honte de notre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il est t
802
tre mort si nous n’y portons des mains fortes. Il
est
temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et
803
distinguée. Inoffensifs, tous ceux dont l’œuvre n’
est
pas ce lieu de combat sans merci où quelque chose qu’il ne peut plus
804
t ce qu’il reflète d’une ambiance domestiquée. Il
est
grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dang
805
t grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle
est
en réalité : dangereuse pour le penseur, et transformatrice du réel.
806
t transformatrice du réel. « Là où je crée, là je
suis
vrai », écrivait Rilke. Et c’est pourquoi nous prendrons au sérieux c
807
sérieux cette distinction : il y a des hommes qui
sont
l’orgueil de notre esprit, — et d’autres qui s’enorgueillissent de no
808
esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée
est
un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capital
809
e monde, peinant peut-être en pure perte, si ce n’
est
pour notre perte à tous. Or, ces gens forment l’opinion, sans aucun d
810
te, et ils le savent. Toute l’opinion du monde en
est
à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événeme
811
me, c’est de penser avec ses mains. L’esprit s’
est
« distingué » Remarquons qu’une formule telle que « penser avec le
812
abord une valeur polémique, et qu’en ce sens elle
est
exacte dans la mesure où elle provoque. Tournons sa pointe vers un ad
813
ons pas pour plaisanter avec les bons esprits. Qu’
est
-ce en effet qu’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’être a
814
u’un esprit distingué ? Et de quoi peut-il bien s’
être
ainsi distingué ? Mais de ses mains, tout simplement ! Et si la droit
815
vérité si importante58, — car elle a le malheur d’
être
évidente, et il n’en faut pas davantage pour qu’on la néglige aujourd
816
ge aujourd’hui. Toute l’ambition de cet ouvrage n’
est
-elle pas justement de confondre, ou tout au moins de marquer une volo
817
t l’acte qu’il atteste. Le moteur ni les roues ne
sont
faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’être que par l’acte qui
818
sont faits pour eux-mêmes : ils n’ont de raison d’
être
que par l’acte qui les unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il
819
de raison d’être que par l’acte qui les unit. Il
est
temps d’embrayer, disons-nous. Il est grand temps que l’on s’avise de
820
es unit. Il est temps d’embrayer, disons-nous. Il
est
grand temps que l’on s’avise de penser avec les mains. Les mains
821
ns Quelles mains ? Notre siècle « à mains » ne
serait
-il pas assez maniaque comme cela ? Oui, tout à fait assez. Mais l’ess
822
s l’essentielle vanité de l’activisme, de l’agio,
est
trop vite jugée par celle des distingués aux mains prudentes, et qui
823
ains machinales et qu’aucun charme ne soumet : ce
sont
les mains des agités, et non point de ceux qui agissent. Non pas ces
824
s qu’au bien d’autrui. Ce qu’il a pris ne saurait
être
à lui : il est hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le cit
825
utrui. Ce qu’il a pris ne saurait être à lui : il
est
hors de pouvoir de se l’approprier. L’érudit et le citateur59 profite
826
te. D’où vient l’initiative ? Cependant, ne
soyons
pas dupe de notre image. N’allons pas lui permettre de se préciser à
827
, au détriment d’une vérité plus générale qu’elle
est
simplement destinée à illustrer. Penser avec les mains ne veut pas di
828
aison ne s’engage pas dans son travail. La main n’
est
ici qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui est celle qu’in
829
qu’un symbole de l’action proprement humaine, qui
est
celle qu’initie le cerveau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La mai
830
eau lorsqu’il a su en concevoir la fin. La main n’
est
rien que l’instrument qui réalise une vision. Penser avec les mains,
831
de choisir, de transformer les conditions qui lui
sont
faites, — qu’il refuse. Penser avec les mains, c’est concevoir en act
832
pose à la notion rationaliste d’une pensée qui ne
serait
rien qu’un commentaire tardif aux actions faites par les autres. Enfi
833
es par les autres. Enfin, penser avec les mains n’
est
pas non plus l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’est pa
834
l’exact équivalent d’agir par sa pensée. Car ce n’
est
pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait son adjuvant —
835
t pas l’action d’abord qui importe — et la pensée
serait
son adjuvant — mais au contraire, si je veux penser en actes, c’est q
836
l’acte l’atteste et la convainc de gravité. Il n’
est
d’acte réel que celui que l’on pense, et ma formule implique la prima
837
mots » au sens futile, accoutumé, parce que tout
est
d’abord question de mots, au sens précis et décisif de l’expression.
838
ne définition concrète des mots en jeu, la partie
est
perdue d’avance ou plutôt elle va se jouer dans un domaine où ne subs
839
prétendre avoir gagné ; où la victoire de l’un n’
est
pour l’autre que tricherie. J’appelle sanction le simple jugement de
840
dans un domaine où quelques vérités fondamentales
sont
reconnues. Je doute qu’il en existe de cette sorte parmi nous. Mais a
841
un arbitre qui rende à notre jeu quelque sérieux,
fût
-il tout provisoire ? Peut-être l’étymologie peut-elle nous secourir.
842
ifficulté se porte alors sur le mot pensée, et il
est
clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’agent initiate
843
l est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée
est
bien l’agent initiateur qui qualifie la main elle-même et son action.
844
: il faut entendre qu’il pèse 61 et que la pensée
est
un poids que nous jetons dans la balance. Poids, de pensum, chose pes
845
ds, de pensum, chose pesée. Mais la chose pesée n’
est
-elle pas d’abord chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser, est
846
chose qui pèse au sens actif ? Dès lors, penser,
est
-ce peser quelque chose, ou au contraire, peser sur quelque chose ? Si
847
contraire, peser sur quelque chose ? Si la pensée
est
« ce qui pèse », faut-il l’assimiler à la balance, ou bien au poids ?
848
’assimiler à la balance, ou bien au poids ? Telle
est
l’équivoque du mot. Elle nous jette aussitôt dans un choix. Pour les
849
ce existe sans mesures, mais le choix qui importe
est
celui-ci : préfère-t-on lire la mesure à l’aiguille, au terme d’une o
850
poids ? Les conséquences de l’un et l’autre choix
sont
infinies. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’est plus impo
851
ces de l’un et l’autre choix sont infinies. Elles
sont
infiniment contradictoires. Rien n’est plus important pour le dessein
852
es. Elles sont infiniment contradictoires. Rien n’
est
plus important pour le dessein de ce livre que d’en suivre le déroule
853
suivrons d’une part la logique de la pensée qui n’
est
que descriptive — pensée balance. Et d’autre part, nous essaierons d’
854
Définition d’un esprit « moderne » « Je m’
étais
fait un mode d’existence qu’on pourrait appeler potentiel. Mon humeur
855
pensée. (De même que pour Kant, le sérieux moral
est
purement formel.) D’où l’excessive technicité de leur langage. Avec m
856
éalité des fins dernières et de la cause première
étant
nettement subordonnée à l’intensité même de l’expérience. D’où l’imma
857
caractérise cette théologie. Le cas de la science
est
évident : il n’est de science « moderne » que des moyens. Et c’est pr
858
héologie. Le cas de la science est évident : il n’
est
de science « moderne » que des moyens. Et c’est précisément à ce modè
859
communauté que cette pensée devait régir, qu’il n’
est
pas vain de l’envisager. Mais il faudra, pour la mieux voir, en reche
860
ieux voir, en rechercher les origines. Car elle n’
est
guère que le dernier aboutissement d’erreurs plusieurs fois centenair
861
tout à l’heure, l’élite bourgeoise a choisi. Elle
est
pour la pondération, et elle n’appelle « sérieuse » qu’une pensée pon
862
se » qu’une pensée pondérée. Le comble du sérieux
sera
donc pour elle le comble de la pondération, c’est-à-dire, à la limite
863
manqué de qualifier cette vertu de scientifique.
Soyons
donc rigoureux dans l’examen d’une maxime dont l’apparence inoffensiv
864
les actifs — ou peut-être les agités ? Oh ! ce n’
est
point qu’on les méprise, ils font sans doute ce qu’ils ont à faire. M
865
te ce qu’ils ont à faire. Mais le métier du clerc
est
différent. Le clerc est là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-
866
. Mais le métier du clerc est différent. Le clerc
est
là pour dire le vrai, pour « réciter ». Peut-être aussi pour critique
867
ouvrages. Le voici portant sa balance : la pensée
est
pondération ; à la rigueur, commentaire. Que la science vienne à s’en
868
ire. Que la science vienne à s’en mêler, la tâche
sera
plus simple encore : réciter l’homme ne comportera plus aucun jugemen
869
Ainsi le veut la saine méthode, et tout le reste
est
bavardage, illusion romantique ou pire encore : dogmatisme ! Le clerc
870
’église n’avait pas bien vu l’homme : c’est qu’il
était
pressé de le juger, de le modifier… Il s’agit maintenant de le décrir
871
décrire et non plus de le conduire au salut. Nous
tenons
ici la première supposition impliquée par la maxime bourgeoise de Mon
872
ur indépendant. Cette impartialité, je le répète,
est
la vertu de l’intellectuel bourgeois. On se tromperait du tout en y v
873
nt une malice concertée dès l’origine. Le cynisme
est
plus rare qu’on ne suppose, et très peu d’hommes s’engagent volontair
874
es héritiers et ses victimes reconnaissantes. Ils
sont
sincères et pensent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut être
875
nsent qu’on les attaque injustement. Si l’on veut
être
utile et convaincre, et non point triompher dans le vide, c’est sur l
876
nyme d’une certaine lâcheté, d’un certain refus d’
être
humain, voilà ce qu’il faut expliquer maintenant. L’appareil intel
877
es) qu’on ne saurait définir aisément parce qu’il
est
fait d’une foule d’éléments précis, pour la plupart très valables en
878
s, mais vaguement, de culture. Nous avons vu quel
est
alors le sens du mot : c’est héritage, patrimoine, chose faite et sub
879
autorité auprès du public « cultivé » de ce qu’il
est
toujours sous-entendu et par essence insaisissable. C’est une espèce
880
blasphèmes jusqu’ici. Le scepticisme à son égard
est
encore loin d’être de mode67. Et l’on peut se demander parfois s’il f
881
ici. Le scepticisme à son égard est encore loin d’
être
de mode67. Et l’on peut se demander parfois s’il faut vraiment souhai
882
s concours, les postes à briguer… Cette pensée-là
est
scientifique, mais dans un sens assez particulier : entendez qu’elle
883
ine rien, et s’en voudrait d’embellir quoi que ce
soit
de ce qu’elle touche. « Le beau est la splendeur du vrai », récitera-
884
quoi que ce soit de ce qu’elle touche. « Le beau
est
la splendeur du vrai », récitera-t-elle parfois, mais en haine du bea
885
et pas un poids nouveau dans la balance, car elle
est
elle-même balance, pondération et non pesée, calibrage et non point m
886
non point matière. La question qui se pose alors
est
celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances, est-il encore une a
887
celle-ci : cet appareil, ce beau jeu de balances,
est
-il encore une aide, ou devient-il une gêne pour l’acte créateur, pour
888
ne pour l’acte créateur, pour la pensée pesante ?
Est
-ce la subtilité de l’appareil qui est néfaste ? Je ne vais pas propos
889
e pesante ? Est-ce la subtilité de l’appareil qui
est
néfaste ? Je ne vais pas proposer d’impossibles « retours » à la naïv
890
faire observer que la délicatesse de nos balances
est
excessive dans l’état où nous sommes. Notre horlogerie intellectuelle
891
de nos balances est excessive dans l’état où nous
sommes
. Notre horlogerie intellectuelle, tous ces rouages et ces ressorts pr
892
nent le sérieux technique de la pensée, tout cela
est
devenu si délicat, si minutieux, si difficile à manier rapidement, qu
893
ils ont laissés dans leur tiroir, parce qu’ils ne
sont
pas portatifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour être prat
894
ifs, ou trop sensibles, ou trop vite affolés pour
être
pratiquement utilisables sur-le-champ… Posez à ces penseurs une quest
895
orcément à dénaturer le problème, pour peu que ce
soit
un problème vivant —, il arrive que les données changent, et que l’ur
896
t rendre justice aux balances, et pendant qu’on y
est
, aux poids et aux mesures, car eux aussi naquirent d’un acte autorisé
897
naquirent d’un acte autorisé. Si des penseurs se
sont
fait de leurs mains ces appareils de quelque utilité, nous saurons bi
898
vitesse de choc. La main qui connaît son outil n’
est
pas vulgaire si l’outil ne la mène. Encyclopédies et fichiers, répert
899
oindre mépris pour les balances, surtout si elles
sont
justes. Mais je demande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils s
900
mande qu’on prenne tous ces outils pour ce qu’ils
sont
, non pour des règles et pour des normes de pensée. Or je constate que
901
nition de cette pensée par elle-même, l’opération
est
parfaitement logique. Imaginez la révolte de la balance contre son cr
902
es pesées. La balance exige désormais que rien ne
soit
créé trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’être de tout ce
903
é trop lourd ou trop léger pour elle. La raison d’
être
de tout ce qui pèse, c’est maintenant, dit-elle, d’être pesé. Cette b
904
e tout ce qui pèse, c’est maintenant, dit-elle, d’
être
pesé. Cette balance se croit impartiale. Elle ne fait qu’indiquer, de
905
sément s’expliquer : dans un monde où la vérité n’
est
plus justiciable d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’est p
906
le d’aucune hiérarchie spirituelle reconnue, il n’
est
plus de critère objectif que dans les seules méthodes qui garantissen
907
science qui se croit une ascèse laïque, et qui n’
est
trop souvent qu’une impure abstraction. Cette Histoire qui prétend dé
908
te Histoire qui repousse un Rimbaud parce qu’il n’
est
le fils de personne, et le père de mauvais garçons70. Cette Histoire
909
ertie qui remonte le temps, toute déduite qu’elle
est
des politiques présentes ; cette Histoire qui n’en est pas une71 mais
910
es politiques présentes ; cette Histoire qui n’en
est
pas une71 mais qui figure la tyrannie scolastique la plus sournoise q
911
: elle ne s’en porte pas plus mal. Songez qu’elle
est
l’excuse de tout un régime ! Plus encore : d’une doctrine générale, d
912
ique populaire de l’inactualité. Pourtant, elle n’
est
guère qu’un des signes — certaine tolérance en est un autre — d’une p
913
st guère qu’un des signes — certaine tolérance en
est
un autre — d’une paralysie dont le germe circule dans le sang même de
914
c’est simplement le pédantisme. La scolastique n’
est
pas une invention récente ; ni les humeurs peccantes, ni la logomachi
915
ntité, après tant d’autres, pour ridicules qu’ils
soient
, ne sauraient constituer une atteinte bien grave à l’intégrité de l’e
916
pas périr imperceptiblement ! » C’est parce qu’il
est
en apparence insaisissable, inoffensif, médiocre même, que le vertuis
917
des esclaves, encore que ces esclaves se trouvent
être
les maîtres, que l’État les décore, et que leurs mains s’étiolent d’i
918
nsée prolétarisée Un très petit fait spirituel
est
plus grand que la ruine des banques, s’il détient le secret de cette
919
une origine commune. De même que la crise sociale
est
suspendue à une certaine confusion du travailleur réel et responsable
920
s radicale, cette crise d’impuissance et de honte
est
suspendue à l’abdication de nos « maîtres » devant les normes et deva
921
mains, mains privées de pensées, si leur confort
fut
à ce prix, l’échéance s’annonce tragique. La loi de l’inertie peut ga
922
, elle accouche à la fin de sa crise. Et la crise
est
un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle est l’arrêt d’une imm
923
t un jugement, comme l’indique l’étymologie. Elle
est
l’arrêt d’une immanente loi. Nous y voici justement parvenus. Déjà l’
924
ont cru pouvoir s’en remettre à une fatalité qui
serait
dans les choses, ou dans les conditions de la pensée scientifique, da
925
re à une Fatalité qu’ils croyaient objective — il
est
vrai qu’elle les dispensait d’être sujets de leur pensée ! — à une Né
926
objective — il est vrai qu’elle les dispensait d’
être
sujets de leur pensée ! — à une Nécessité qu’ils croyaient déceler et
927
rogrès. — La technique a ses exigences. — Nous ne
sommes
pas le gouvernement. — Sauvegardons l’impartialité de l’intelligence.
928
egardons l’impartialité de l’intelligence. — Nous
sommes
des psychologues, non pas des moralistes. » Ces incroyants nous ont p
929
plus en plus pesants, cette pitoyable mythologie
est
à l’origine du désordre proclamé aujourd’hui dans toute l’économie de
930
Progrès nécessaire ? On oubliait que nécessaire n’
est
pas toujours suffisant. L’état présent du monde économique le fait bi
931
e labeur automatique, cette dichotomie qui devait
être
à la base de notre régime du travail, nul n’aurait pu la prendre en c
932
orce à se croire révolutionnaire, alors qu’elle n’
est
que la victime d’une erreur qu’elle partage en mille manières avec se
933
avec ses maîtres : elle aussi croit que l’argent
est
une fin, et le travail un moyen de « gagner », et le loisir un défici
934
auté nécessaire, et prolétarise l’élite. Car s’il
est
vrai que seule une douteuse délicatesse dénonce le danger présent dan
935
magnifique de nos instruments de pensée, et s’il
est
vrai en général que le danger n’est pas dans nos outils, mais bien da
936
nsée, et s’il est vrai en général que le danger n’
est
pas dans nos outils, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’e
937
s, mais bien dans la faiblesse de nos mains, il n’
est
pas moins urgent de préciser qu’une pensée qui s’abandonne au rythme
938
nt tyran, le jour où celui qui l’a fait renonce à
tenir
les commandes. « Les autres forment l’homme, je le récite. » Les autr
939
es autres jouent, moi je marque les points. Je ne
suis
après tout que le gardien d’un appareil enregistreur dont je n’ai pas
940
ma pitié. On les décore comme devant, les chaires
sont
là, et les fauteuils sont là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle c
941
mme devant, les chaires sont là, et les fauteuils
sont
là ; et la Coupole ignore tout ce qu’elle couvre. Dirait-on pas que l
942
re. Dirait-on pas que la dignité de ces maîtres s’
est
même accrue depuis qu’ils portent la livrée ? Cela se sent, à de peti
943
t fissent de la politique ? — Certes, ils ne s’en
sont
pas privés. Mais c’est aussi leur plus mauvaise excuse. Ils ont fait
944
. Mais l’esprit n’a pas de pouvoir, s’il refuse d’
être
initiateur. L’esprit est impuissant sur les choses telles qu’elles vo
945
pouvoir, s’il refuse d’être initiateur. L’esprit
est
impuissant sur les choses telles qu’elles vont. Son unique puissance
946
choses telles qu’elles vont. Son unique puissance
est
d’impulsion originelle. Pourquoi ont-ils perdu ce pouvoir, perdu ce s
947
, d’une décision proprement religieuse. Mais il n’
est
pas encore temps d’en parler. Je ne fais ici que le portrait, sans do
948
u’invente une science inhumaine par système. Il s’
est
formé en eux un complexe antipoétique, dont les explosions périodique
949
rais poètes, mais davantage parmi les lettrés qui
seraient
tentés de lire de la poésie. C’est bien une sorte de ressentiment — a
950
intempestives de l’esprit créateur. Au reste, il
est
extrêmement curieux de noter que cette attitude démissionnaire se tro
951
sérieux, distinguée de l’action et du risque qui
sont
peut-être les liens les plus concrets avec l’inconscient collectif, c
952
ue celui-ci fait verbalement. Or ces déclarations
sont
tout à fait inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes sont emp
953
inadéquates à la réalité populaire. Leurs termes
sont
empruntés au vocabulaire des journaux, qui dérive de celui du parleme
954
aux qui firent la Sorbonne d’avant-guerre, et qui
étaient
ce qu’on peut imaginer de plus abstrait, de plus séparé des réalités
955
ment positiviste, de plus bourgeois. Leur langage
est
devenu celui des instituteurs et des comitards. Faute d’avoir vécu da
956
r jeu, par anxiété de faible ou par métier : tels
sont
les traits fondamentaux de la psychologie du clerc prolétarisé. C’es
957
stie pédante, dont le vrai but, même inconscient,
est
de rendre suspecte toute conclusion hardie ou simplement actuelle. (L
958
actuelle. (La virtuosité des philosophes français
est
la plus remarquable dans cet ordre. Ce sont de véritables Prêtres de
959
ançais est la plus remarquable dans cet ordre. Ce
sont
de véritables Prêtres de l’insoluble.) Séparé d’une certaine réalité
960
t la « vitalité » le déconcerte, le clerc moderne
est
surtout séparé de lui-même et de son tragique. Sa probité intellectue
961
et de la vie religieuse. « Les grandes questions
sont
dans la rue », écrivait Nietzsche ; dans la rue, et non pas dans leur
962
écitent correctement ! Mais dans leur style, tout
est
prudence, tout est refus, et mes affirmations ou mes questions seraie
963
t ! Mais dans leur style, tout est prudence, tout
est
refus, et mes affirmations ou mes questions seraient, à les en croire
964
t est refus, et mes affirmations ou mes questions
seraient
, à les en croire, naïves, prématurées, grossières, insuffisamment éta
965
osseries chuchotées. Que l’on pose des questions,
soit
, c’est là leur métier, mais pas de ces questions grossières qui contr
966
ié, de bonhomie ni de violence — ces trois vertus
seront
toujours liées — que doit s’adresser la pitié. La pensée sans doul
967
e et cette absence de pétulance intellectuelle ne
sont
encore qu’apparences psychologiques, et peut-être trompeuses. Ces pru
968
ogiques, et peut-être trompeuses. Ces prudents ne
sont
pas toujours sages, en effet. Vous les voyez parfois, perdant toute m
969
reste purement figurée, purement verbale. Car il
est
entendu que le verbe est la chose du monde qui s’incarne le moins ; l
970
purement verbale. Car il est entendu que le verbe
est
la chose du monde qui s’incarne le moins ; les plus primaires savent
971
admet ainsi, d’une part, que notre conduite peut
être
aliénée au premier automatisme venu, même moral, cependant que, d’aut
972
punément à travers les systèmes. La philosophie n’
est
pas seule responsable d’un divorce que la nature humaine désire en pe
973
de toute sa lâcheté. Mais l’exemple de Descartes
est
l’un des plus mauvais qui aient été donnés au monde moderne. « Depuis
974
de Descartes est l’un des plus mauvais qui aient
été
donnés au monde moderne. « Depuis Descartes, ils ont tous cru, dit Ki
975
gtemps qu’ils pussent douter, si longtemps qu’ils
fussent
privés du droit d’affirmer rien de certain dans l’ordre de la connais
976
in dans l’ordre de la connaissance, cependant ils
seraient
en droit d’agir, car on s’y peut contenter de vraisemblances. La mons
977
nces. La monstrueuse contradiction ! Comme s’il n’
était
pas bien pire de commettre un acte qui vous laisse dans le doute (et
978
faire passer pour le bon sens même. L’industriel
est
-il en droit d’affirmer rien de certain touchant les fins dernières du
979
les fins dernières du progrès mécanique ? Il ne s’
est
même pas posé la question. Qu’il soit en théorie philanthrope ou même
980
ue ? Il ne s’est même pas posé la question. Qu’il
soit
en théorie philanthrope ou même chrétien, la coutume du temps veut qu
981
d’un Tolstoï ! mais la durée du monde, sa survie,
est
faite de telles compensations — cultivèrent ce défaut d’exigence éthi
982
e nos idéaux généreux et nos petites activités, s’
étant
manifesté avec quelque insistance depuis 1914, il apparaît que la que
983
nce depuis 1914, il apparaît que la question peut
être
reprise, sans trop de mauvais goût cette fois, par une génération que
984
ativement aisé. La pensée sans douleur, en effet,
est
d’abord une pensée systématique. Cet adjectif évoque dans nos esprit
985
ndent souffrir ceux qui réclament un État fort, n’
était
pas justement le fait de la pensée systématique, de la pensée qui dél
986
ensée systématique et cette délégation du choix n’
étaient
pas, d’autre part, l’origine réelle du concept de dictature que nos b
987
e et de ses plus profonds instincts ? Le problème
est
nouveau. Il est mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée pro
988
profonds instincts ? Le problème est nouveau. Il
est
mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée prolétarisée Le
989
rique se ramène à celle du primitif… » « La foi n’
est
pas autre chose que… », etc. Posez au clerc une question politique,
990
ceci de commun qu’elles n’engagent à rien : elles
sont
purement descriptives. Mais n’allez pas les croire faciles pour autan
991
ossibilités affectives de l’homme moyen. Comme il
est
entendu que de telles qualités ne seront pas, de longtemps, réunies d
992
n. Comme il est entendu que de telles qualités ne
seront
pas, de longtemps, réunies dans un seul individu, le savant s’en voud
993
xcès de la pensée distinguée.) Cependant, l’homme
est
ainsi fait qu’il ne décrit ou ne « récite » jamais rien sans se décri
994
n sans se décrire ou se réciter en même temps, ne
fût
-ce dans le meilleur cas, que par le style de sa description. Tout por
995
modèles des yeux écarquillés parce que les siens
sont
tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt sont bien davantage
996
tels. Ainsi les portraits peints par un Rembrandt
sont
bien davantage pour nous une description du regard de Rembrandt, et p
997
articularité de la nature humaine me paraît avoir
été
négligée par les penseurs du xixe siècle au cours de leur vaste entr
998
de l’homme, et des moyens de décrire l’homme. On
est
alors en droit de se poser cette question : est-ce que le simple fait
999
n est alors en droit de se poser cette question :
est
-ce que le simple fait d’avoir réduit l’activité intellectuelle à des
1000
rtaine carence de style et de pouvoir formateur ?
Est
-ce que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’est pas une invers
1001
e que toute leur histoire — je l’ai déjà noté — n’
est
pas une inversion de la durée, une extension de notre propre absence
1002
e absence de style à des époques de grand style ?
Est
-ce que leur psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’est pas
1003
psychologie réductive, perfectionnée par Freud, n’
est
pas une manifestation de ressentiment religieux ? Et leur épistémolog
1004
connaître, c’est-à-dire de souffrir et d’aimer ?
Est
-ce que toute cette pensée distinguée ne suppose pas, en fin de compte
1005
réduire l’humanité à une image bien homogène, qui
serait
celle de la démission spirituelle de la pensée bourgeoise ? Nous touc
1006
de son activité qui va nous révéler que le cercle
est
vicieux. L’histoire, la psychologie, la philosophie telles qu’ils les
1007
rs ses présuppositions dès l’instant qu’elle doit
être
enseignée. En se vulgarisant, pour se vulgariser, elle se voit contra
1008
paralysantes. « Les autres forment l’homme… » Qui
sont
ces autres ? Nous le savons maintenant : ce sont ces lois nées du des
1009
sont ces autres ? Nous le savons maintenant : ce
sont
ces lois nées du dessaisissement de la pensée. On ne récite pas l’hom
1010
yse de la logique interne du désordre régnant, il
sera
bon d’insister quelque peu sur les suites politiques qu’elle implique
1011
ns, ou ne provoque certains refus dont les motifs
seraient
bien étrangers à la thèse que je soutiens. Si je passe outre à ce scr
1012
r exemple, les idées d’un lecteur sympathique, je
tiens
à marquer toutefois que le complexe auquel je touche ici n’est pour m
1013
toutefois que le complexe auquel je touche ici n’
est
pour moi qu’une conséquence accessoire des erreurs que je viens de dé
1014
qu’elle déclare indépendants de ses pouvoirs. Ce
sont
les lois de nos savants, correspondant au « ils » du peuple (d’où cet
1015
es primaires). L’élite bourgeoise ou prolétarisée
est
à la fois déterministe et libérale. Déterministe à cause des lois ; l
1016
é au jeu des lois. Le confort de cette position n’
est
pas niable, tant qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’édifier, en ma
1017
e de l’homme idéal et du progrès. Mais nous avons
été
menés plus loin que le constat tout théorique — ou provisoire selon D
1018
. J’entends que les effets de cette séparation se
sont
manifestés et prolongés selon leur mécanique propre. Et nous voici pl
1019
ainsi rattraper le temps perdu à peu de frais. Ce
sont
des gants qui se retournent — sans devenir pour si peu des mains ! Se
1020
u’il me suffise ici de mentionner deux traits qui
sont
communs à la pensée bourgeoise et aux divers collectivismes. Le premi
1021
de la pensée devant les faits, abdication dont il
est
né et qu’il sanctionne. Doctrine apparemment contradictoire, en ceci
1022
trine apparemment contradictoire, en ceci qu’elle
est
la doctrine d’un mouvement décrit comme à la fois créateur et détermi
1023
miné. Mais ce paradoxe a cessé depuis longtemps d’
être
essentiel. Lorsqu’un marxiste, aujourd’hui, parle de dialectique, il
1024
es fascistes devant les lois biologiques, nous ne
sommes
pas rentrés pour si peu dans le concret, j’entends dans le conflit et
1025
onie triste de cette tristesse des moyennes qui n’
est
jamais mêlée de joie secrète, ni jamais secouée de sursauts de douleu
1026
ore de Marx et du concept hégélien de l’Histoire,
sera
probablement dépossédé et comme vidé par la petite bourgeoisie montan
1027
iste classée au rang de matière universitaire. Ce
serait
une erreur insondable que de croire le « danger matérialiste » écarté
1028
atérialiste » écarté pour autant. Car le danger n’
est
nullement là où le dénonce la frousse des propriétaires ; il est dans
1029
à où le dénonce la frousse des propriétaires ; il
est
dans l’esprit même de ces propriétaires, grands ou petits, dans leur
1030
maintient la nervosité partisane ? En vérité, il
est
grand temps d’au moins reconnaître une situation que nous pâtirions t
1031
rolétarisée en fait par ses abandons, se flatte d’
être
un jour reconnue en droit par ses répondants politiques. Car si la di
1032
la dictature que la démocratie des clercs mérite
est
exercée un jour par le prolétariat, selon leurs prévisions81 ; si, d’
1033
si la dictature, comme il faut bien le craindre,
est
exercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire est bonne encore,
1034
ercée plutôt par la petite bourgeoisie, l’affaire
est
bonne encore, et même à moindres frais. Laisser le monde aller son tr
1035
yeux fixés sur le déroulement de l’Histoire, ce n’
est
plus une erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’est-ce que
1036
erreur désormais, c’est une espèce de lâcheté. Qu’
est
-ce que ces façons de se présenter de dos à la lutte ? C’est une pauvr
1037
son train selon nos « lois » ; la loi du monde n’
est
pas la loi que nous tirons de notre défection au monde. La loi du mon
1038
rons de notre défection au monde. La loi du monde
est
que l’homme lutte contre le monde, en assumant le risque de sa propre
1039
umant le risque de sa propre perte. Oui, quel que
soit
le monde, et moi-même dans ce monde, je me dresserai contre lui et co
1040
s gagné ma mort. J’aurai vécu. Le sort du monde n’
est
pas dans les fatalités. Il est aux mains des seuls penseurs qui refus
1041
Le sort du monde n’est pas dans les fatalités. Il
est
aux mains des seuls penseurs qui refusent pesamment le monde — pour l
1042
mment le monde — pour le faire. Car ce refus nous
tient
debout et rassemblés. Et c’est là notre vocation d’hommes qui pensent
1043
ucoup de la force des choses. Elle oublie qu’il n’
est
d’action que par l’acte de l’homme, que par les mains de l’homme ; et
1044
éficience morale, dans tel refus précis dont nous
sommes
responsables aujourd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée e
1045
rd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée
est
seule passible d’une mise en question réelle, irritante et peut-être
1046
estion réelle, irritante et peut-être féconde. Où
sont
les responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des clas
1047
ut-être féconde. Où sont les responsables ? Ce ne
sont
pas des partis, ce ne sont pas des classes, ni des gouvernements et a
1048
s responsables ? Ce ne sont pas des partis, ce ne
sont
pas des classes, ni des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce
1049
des gouvernements et autres mythes collectifs. Ce
sont
des hommes, un à un. Ramassons-les tous maintenant dans une imprécati
1050
sme, au conformisme, dans l’ignorance où on les a
tenus
de l’incommensurable, éternelle beauté de l’acte qui soudain, tendres
1051
une Providence insondée mais qui parle ! Oui, je
suis
de ceux-là jusque dans ma colère, déchiré par l’insurmontable ironie
1052
Et sinon je ne crierais point. Mais le silence n’
est
pas donné à l’homme par son effort. Le silence et l’intelligence pito
1053
on effort. Le silence et l’intelligence pitoyable
sont
l’œuvre seule du Pardon. J’assume l’anathème prononcé sur ceux que j’
1054
nguée, de sa révolte contre la condition qui nous
est
assignée, — créatrice ; tous ceux-là fondent, ici et maintenant, et d
1055
er soviétique ou fasciste, peu importe — ces noms
sont
insensés pour nous — l’État qui sanctionnera la lâcheté sociale par d
1056
. « Je dis cela peut-être trop souvent, mais ce n’
est
pas une raison pour que ce soit un mensonge », écrivait Nietzsche dan
1057
souvent, mais ce n’est pas une raison pour que ce
soit
un mensonge », écrivait Nietzsche dans Aurore. 59. Je ne vise ici q
1058
littérature, mais qui se donnent pour ce qu’elles
sont
. 60. Théorie soutenue par certains intellectuels nationaux-socialist
1059
hode des historiens et philologues universitaires
furent
faussées dès le début par leur parti pris politique. Encore une fois,
1060
ntroduction du bridge en Argentine (cet ouvrage a
été
fait) si l’on sait utiliser la méthode définie par l’école historique
1061
e siècle. Par contre l’Art poétique de Claudel n’
est
pas sérieux. Ainsi l’on met en doute à l’Université le sérieux d’un c
1062
ment a pour objectif réel, le diplôme. Le diplôme
est
l’ennemi mortel de la culture. » 70. Lanson accorde trois lignes à R
1063
dire, on appelle histoire, aujourd’hui, ce qui n’
est
guère qu’une théorie politique de l’évolution, fondée, c’est là son v
1064
rsitaire, positiviste et surtout hégélo-marxiste,
est
en réalité une création antihistorique (corrigée chez Marx par son em
1065
sent leurs déterminations pour des fins qu’ils se
sont
créées. Ainsi l’histoire véritable est-elle d’abord l’histoire des ac
1066
qu’ils se sont créées. Ainsi l’histoire véritable
est
-elle d’abord l’histoire des actes personnels, le geste, la suite des
1067
inus des vraies personnes. L’histoire humaine, ce
sont
les annales de l’homme. Mais l’histoire sérieuse d’aujourd’hui, c’est
1068
à son gré. C’est l’homme dont la vie matérielle n’
est
assurée — d’ailleurs médiocrement — qu’en échange de l’abandon de tou
1069
te, ne reste pas à l’abri de ce reproche. Si elle
est
tolérante à l’endroit de beaucoup d’hérésies, c’est qu’elle a cessé d
1070
i se cache sous son doute moral. Et que Descartes
est
avant tout un penseur dangereux. Un Maritain lui rend bien mieux just
1071
dans Alice au pays des merveilles.) 79. Mais qu’
est
-ce que le bourgeois comme tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. E
1072
e tel ? C’est l’homme sans problèmes réels. Et qu’
est
-ce qu’un problème réel ? C’est une situation qui n’a pas d’autre issu
1073
st-à-dire des extrêmes. Quant aux moyennes, elles
sont
constituées, précisément, par tous nos refus des extrêmes : vérités d
1074
les par définition. Voilà pourquoi la bourgeoisie
est
d’autant plus parfaite, s’approche d’autant plus de son type idéal, q
1075
on type idéal, que la problématique des bourgeois
est
moins profonde. C’est la rançon d’un certain confort général. Et voil
1076
le doit faire sienne. Mais cette revendication ne
sera
justement humaine que si on la fonde sur les besoins concrets de la p
1077
ques de production. La notion de minimum de vie n’
est
d’ailleurs qu’une caricature du « Donne-nous chaque jour notre pain q
1078
tant par toute l’expérience humaine. La justice n’
est
pas si facile. Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’être
1079
Elle ne sort pas d’une mécanique. Elle ne peut qu’
être
créée. 82. Des réalistes nous diront : oui, mais les États totalit
1080
maladie de l’esprit et du cœur des citoyens, qui
est
mortelle. Mais certains hommes, enlevez-leur l’âme, non seulement ils
1081
evé l’âme, c’est un fait, je cours mieux, le cœur
est
plus solide, etc. »
1082
tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’
es
échappé d’un joug. Nietzsche. De même que toute conscience réelle d
1083
alité quelconque possède un sens, il faut qu’elle
soit
en mouvement et qu’il y ait un but à ce mouvement. Tout mouvement con
1084
tension, ou comme obéissant à l’appel d’une fin.
Soit
par ses causes, soit par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouve
1085
éissant à l’appel d’une fin. Soit par ses causes,
soit
par son but. Et lorsqu’on veut décrire un mouvement, ou quelque réal
1086
nd on parle de la situation. Sinon la description
est
insensée. J’ai décrit ce que je refuse, au nom d’une attitude finale
1087
ème global de la culture : d’où vient-elle ? — qu’
est
-elle ? — où va-t-elle ? Si nous persévérons dans notre état, certaine
1088
eur ont dicté leurs réactions. Et cette crainte n’
est
pas théorique. Car si notre culture libérale se révèle impuissante à
1089
de sa mission, les jeunes empires qui la défient
sont
prêts à enregistrer cette carence historique. Tout dépend aujourd’hui
1090
ions nouvelles et en amorcer l’expérience. Ils se
sont
bornés jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il serait temps
1091
jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée. Il
serait
temps qu’ils usent de cette liberté. Il serait temps, en particulier,
1092
Il serait temps qu’ils usent de cette liberté. Il
serait
temps, en particulier, que la France renoue sa vraie tradition, qui e
1093
ier, que la France renoue sa vraie tradition, qui
est
une tradition d’initiatives et de synthèses, et non pas de conservati
1094
rté de penser ne doit pas signifier que la pensée
est
libre au sens idéaliste, qu’on lui donne vacance, ou qu’elle n’a plus
1095
plus de condition concrète. La pensée qui agit n’
est
pas libre, mais au contraire libératrice . Et c’est une tâche révolut
1096
stes, pour que l’histoire dure, — après tout ce n’
est
pas cela qui nous importe — mais pour le salut de la pensée et pour q
1097
rière efficace et méconnue d’un siècle collectif.
Est
-ce à dire qu’une telle pensée n’ait d’autre fin que de conservation,
1098
plus chères. Je dis que la mission de la culture
est
de conduire une révolution qui, sinon, se fera contre elle. Faire la
1099
ès maintenant une mesure nouvelle, une mesure qui
soit
commune à la pensée et à l’action, à l’élite et au peuple que cette é
1100
on de la culture Si la démission de la culture
tient
, comme je l’ai démontré, à son refus d’agir et de se risquer dans les
1101
la pensée crée, la mission d’une culture nouvelle
sera
d’accepter le combat, d’assumer les conflits vitaux et de les résoudr
1102
prolétarisée nous a donc menés à ce point — il n’
est
question ni de s’en réjouir ni d’en gémir, mais de le bien voir — où
1103
émir, mais de le bien voir — où le choix qui nous
est
imposé n’est plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnif
1104
le bien voir — où le choix qui nous est imposé n’
est
plus qu’entre vérités statistiques, et vérités personnifiées. Ou enco
1105
li et la réalisation héroïque d’une doctrine de l’
être
en acte. La vieille culture et ses succédanés récents s’en remettent
1106
remettent à l’État pour agir. La nouvelle culture
sera
celle qui exigera l’engagement du penseur en tant que penseur. Évolut
1107
t s’incarner dans notre génération. (Et déjà ce n’
est
plus qu’à notre situation géographique que nous devons de pouvoir tra
1108
ace pas encore à bout portant.) Søren Kierkegaard
est
probablement le penseur capital de notre ère. Je veux dire l’objectio
1109
la plus absolue, la plus fondamentale qui lui ait
été
faite. Si le caractère distinctif de la serve pensée — de la pensée s
1110
iques par exemple, ou bien à la sécurité morale —
est
d’être une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori,
1111
par exemple, ou bien à la sécurité morale — est d’
être
une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori, le car
1112
caractère décisif de sa pensée « existentielle »
est
au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard est pour notre temps une
1113
est au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard
est
pour notre temps une figure littéralement gênante, un appel presque i
1114
ins que le doute ne pourrait atteindre. » Mais qu’
est
-ce que l’éthique ? Question non éthique, et qui manifeste seulement l
1115
n’y a de réalité qu’immédiate. Mais aussi rien n’
est
immédiat que dans l’acte qui joint la pesée à la résistance, la pensé
1116
e et objet témoignent de leur existence concrète,
sont
le concret. (Ou bien y aurait-il au monde une pesée sans résistance,
1117
r », la résistance devient « la matière », tout n’
est
que schème et abstraction. Hors de cet acte, règne l’absence. Et cett
1118
rs de cet acte, règne l’absence. Et cette absence
est
infinie. Car elle est le temps même, le mauvais temps qui me sépare d
1119
l’absence. Et cette absence est infinie. Car elle
est
le temps même, le mauvais temps qui me sépare du monde et confond tou
1120
ise ? Ainsi l’éthique récitative des distingués n’
était
qu’absence et remise à demain85. Quand un homme se dressait dans l’ex
1121
combattre, et qui vicie toute leur révolte… Qu’
est
-ce que l’acte ? À la pensée-balance, et au jugement à la remorque
1122
s mains désigne ainsi un acte dont j’ai dit qu’il
est
le concret. Nous sommes ici au cœur de la difficulté de notre entrepr
1123
un acte dont j’ai dit qu’il est le concret. Nous
sommes
ici au cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel est cet acte ?
1124
u cœur de la difficulté de notre entreprise. Quel
est
cet acte ? Comment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne serai
1125
ment le définir ? Pourquoi l’appeler concret ? Ne
serait
-il pas tout au contraire un mythe abstrait ? Ou simplement un acte de
1126
implement un acte de l’esprit, un jugement, et ne
serait
-ce pas alors un calembour que de l’assimiler à l’acte matériel qui co
1127
oux ? Je pourrais me borner à répondre que l’acte
est
quelque chose d’irrationnel ; que l’on ne peut pas le définir par des
1128
ve qu’en se produisant ; et surtout qu’il ne peut
être
décrit en général, puisqu’il n’existe jamais que hic et nunc et dans
1129
signifier une culture qui considère que l’action
est
indépendante de la pensée, et qu’elle subit des lois que la pensée do
1130
ner à décrire. Je répondrais qu’une telle culture
est
ou bien un mensonge intéressé, ou bien une de ces illusions qui se pa
1131
mé ce livre. Cependant la question demeure : quel
est
l’acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il est la mesure, le
1132
acte que désigne ma formule, et dont je dis qu’il
est
la mesure, le fondement de la culture apte à régir une communauté nou
1133
culture apte à régir une communauté nouvelle ? Il
est
bien vrai que l’acte est ce quid que l’on ne peut définir autrement q
1134
communauté nouvelle ? Il est bien vrai que l’acte
est
ce quid que l’on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il est b
1135
on ne peut définir autrement qu’en le faisant. Il
est
bien vrai que c’est à partir de l’acte qu’il faut définir toute chose
1136
rien d’actif. Mais la raison pourtant ne saurait
être
exclue de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle est nécessair
1137
de l’activité : elle ne suffit à rien, mais elle
est
nécessaire à presque tout. Surtout à l’écrivain qui parle de la cultu
1138
qui nous permettra seul de le décrire. Un acte n’
est
rien s’il ne comporte des effets. La somme de ses effets ne le défini
1139
ns que pose la maxime : penser avec les mains, ce
sera
la description des attitudes morales qui favorisent l’actualité de la
1140
ici à formuler quelques critères de la pensée qui
est
pensée avec les mains. Ce seront, si l’on veut, les « vertus » — ou «
1141
es de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce
seront
, si l’on veut, les « vertus » — ou « valeurs » au sens nietzschéen —
1142
re cas non créatrices et non humaines. Car ce qui
est
proprement humain résulte d’un choix, d’un acte de foi à quoi ne peuv
1143
blèmes, les problèmes insolubles, ceux qu’il faut
être
un homme pour trancher. Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il
1144
s absolues. La première vertu d’une pensée active
sera
donc de s’attacher aux problèmes qui se posent et non pas à ceux que
1145
mmes qui se trompent ou qui nous trompent, ou qui
sont
faibles, — ou contre moi. Je le dis surtout contre certain esprit mod
1146
derot et Rousseau) toujours par le mépris où l’on
tient
les conditions de possibilité de la pensée. Dans ce complexe typiquem
1147
ils la prennent au tragique et crient comme s’ils
étaient
saisis d’une crampe. Je constate que les gens du peuple sont très peu
1148
d’une crampe. Je constate que les gens du peuple
sont
très peu différents des bourgeois, et que les régimes « populaires »
1149
’enthousiasme ou la haine pour un régime étranger
est
toujours le meilleur prétexte à ne pas bien regarder ce qui se passe
1150
du désir et de son acte. C’est pour cela que nous
sommes
si fiévreux et excessifs, pessimistes ou optimistes, cyniques ou démo
1151
aient pas à ces deux questions importantes : Cela
est
-il possible à l’homme dans ses limites charnelles ? Cela exige-t-il d
1152
mais par exemple dans la poésie. Que la poésie ne
soit
plus uniquement cet angélisme « démoniaque », cette nostalgie de l’in
1153
mune, nous toucherons enfin le vrai tragique, qui
est
celui du péché et de la foi. L’extrémisme théâtral et non sérieux qui
1154
n sérieux qui excite aujourd’hui tant d’esprits n’
est
encore qu’une affreuse mystification, dont le plus sûr effet est de n
1155
ne affreuse mystification, dont le plus sûr effet
est
de nous empêcher d’envisager les problèmes derniers. Je ne dis pas qu
1156
condition. Mais il nous faut apprendre que ce qui
est
exagéré est le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous tou
1157
ais il nous faut apprendre que ce qui est exagéré
est
le contraire de ce qui est extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’
1158
que ce qui est exagéré est le contraire de ce qui
est
extrême. Les extrêmes nous touchent, et c’était pour les fuir que nou
1159
Deuxième vertu : la violence La violence n’
est
considérée par l’élite libérale d’aujourd’hui que sous l’aspect d’une
1160
s raisons, une espèce de mensonge insolent. Et il
est
vrai que la violence devient cela, dans un monde que la pensée abando
1161
fensifs. Et pourtant la violence véritable, qui n’
est
pas la brutalité, est proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’
1162
a violence véritable, qui n’est pas la brutalité,
est
proprement le fait de l’esprit, j’entends de l’esprit créateur. Tout
1163
terre ou d’écrire un ouvrage dont la nécessité n’
est
sentie tout d’abord que par l’auteur qui l’imposera. Tout acte créate
1164
mme occidental, dont la tension particulière peut
être
définie ainsi : violence initiale et créatrice, contre-battue et ordo
1165
seule détruirait ses produits. La réalité vivante
est
dans le conflit.) Une pensée tendue vers l’action saura seule donner
1166
Passons sur l’impudeur de ces curiosités. Ce qui
est
plus grave, c’est qu’elle oublie — nécessairement — une « loi » humai
1167
tion courante du « théorique » et du « pratique »
est
en même temps l’origine et l’effet d’une pensée prolétarisée, non éth
1168
hique. Sa permanence au cours de toute l’histoire
serait
propre à me faire douter de l’entreprise que je poursuis ici, si je p
1169
nt, notre pensée se mit à mentir, à dire ce qui n’
est
pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il est au pouvoir de la foi se
1170
i n’est pas et qu’on ne veut pas faire. Mais s’il
est
au pouvoir de la foi seule de supprimer radicalement l’hiatus entre l
1171
. Ils se figurent que l’exercice de cette liberté
est
gratuit, c’est-à-dire que la pensée n’a pas à se préoccuper de ses ef
1172
pensée n’a pas à se préoccuper de ses effets. Ils
seraient
au reste tout prêts à croire que les solutions par l’ingéniosité de l
1173
èce de lyrisme. Ils aiment à répéter que l’esprit
est
hors de pouvoir sur les choses ; ils le déplorent modérément, c’est l
1174
d bien. L’ignorance volontaire de cette situation
est
la seule garantie de ce qu’on nomme, par antiphrase, l’ordre bourgeoi
1175
u mieux : ils croient que les causes spirituelles
sont
sans effet dans le domaine de l’action, qui serait soumis à des déter
1176
sont sans effet dans le domaine de l’action, qui
serait
soumis à des déterminismes matériels dont ils ont cependant la faible
1177
hose curieuse, la vraie nature de l’autorité, qui
est
proprement spirituelle. Les uns et les autres ignorent qu’il ne peut
1178
mécanisme ; et qu’un système dont l’acte initial
est
une démission de ma pensée ou de mes mains ne produira jamais rien de
1179
Mens agitat molem dit le proverbe. Mais ce mens n’
est
pas l’esprit pur ! Il est l’acte d’un créateur dont toute pensée se f
1180
roverbe. Mais ce mens n’est pas l’esprit pur ! Il
est
l’acte d’un créateur dont toute pensée se forme en acte. Précisons en
1181
x soldats. Que cette force disparaisse, l’armée n’
est
plus une arme, entre les mains de l’État ou du chef, car les insignes
1182
l’État ou du chef, car les insignes du pouvoir ne
sont
plus rien là où l’autorité défaille, comme le prouve la moindre expér
1183
s anarchiques de la nature. La vraie révolution n’
est
pas la prise du pouvoir (ancien), elle est d’abord l’affirmation d’un
1184
tion n’est pas la prise du pouvoir (ancien), elle
est
d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il est trop clair qu’u
1185
d’abord l’affirmation d’une nouvelle autorité. Il
est
trop clair qu’une telle autorité, une telle violence, ne sont pas l’a
1186
air qu’une telle autorité, une telle violence, ne
sont
pas l’apanage des élites modernes. Il faut rappeler pourtant que la s
1187
. Il faut rappeler pourtant que la seule raison d’
être
de ces élites était d’assurer la critique, l’exercice et la qualité d
1188
pourtant que la seule raison d’être de ces élites
était
d’assurer la critique, l’exercice et la qualité de l’autorité spiritu
1189
tsia devant les actes d’un Staline et d’un Hitler
sont
plus honteuses encore qu’impuissantes. Ces deux hommes font peut-être
1190
tentent de penser avec leurs mains : si ces mains
sont
brutales, et la pensée qui les exerce encore abstraite, c’est que le
1191
nt. Résumons-nous : pour la pensée active, rien n’
est
pratique ou théorique, tout est concret au sens précis où j’entends c
1192
ée active, rien n’est pratique ou théorique, tout
est
concret au sens précis où j’entends ce mot, qui est l’indivision de l
1193
t concret au sens précis où j’entends ce mot, qui
est
l’indivision de la pensée et de son geste. L’autorité de même sera l’
1194
de la pensée et de son geste. L’autorité de même
sera
l’indivision de la pensée et de ses risques. Et ce qui révélera dans
1195
Et ce qui révélera dans un auteur l’autorité, ce
sera
le sens de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous sommes dans
1196
de l’immédiate prise de l’esprit. Cependant nous
sommes
dans le temps, et le temps nous sépare sans cesse de l’immédiat, de l
1197
du risque Pédagogie du risque : tout ce qui n’
est
pas dangereux est inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et e
1198
gogie du risque : tout ce qui n’est pas dangereux
est
inutile ; tout ce qui est inutile se décompose et empoisonne ! Quand
1199
qui n’est pas dangereux est inutile ; tout ce qui
est
inutile se décompose et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce s
1200
se et empoisonne ! Quand tu écris, il faut que ce
soit
à chaque instant comme si tu allais mourir, comme si tu allais vivre
1201
r cette limite, il faut y tendre sans relâche. Ne
fût
-ce que pour nous prémunir contre les tentations du réformisme. Et par
1202
es atteignent jamais l’axe du concret ? Elles lui
sont
parallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’être en chacun de
1203
arallèles à l’infini. Elles restent séparées de l’
être
en chacun de leurs points, à chaque instant, parce qu’elles n’ont pas
1204
ant, parce qu’elles n’ont pas leur origine dans l’
être
. Parce qu’elles ne sont pas radicales. Parce que mes mains et ma pens
1205
t pas leur origine dans l’être. Parce qu’elles ne
sont
pas radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne sont pas unies par
1206
as radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne
sont
pas unies par ma vue, mais par mon acte ! Maximes infiniment inactuel
1207
ments contradictoires de l’être90. Parce qu’elles
sont
, dès leur origine et à jamais, sans nul pouvoir d’incarnation. Seule,
1208
nd à ma pensée sa gravité, son poids, sa raison d’
être
. Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’est jamais séparabl
1209
Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’
est
jamais séparable de sa création, qui la sanctionne au double sens du
1210
ent et définissent une liberté de la pensée qui n’
est
au vrai qu’une assurance contre toute espèce de sanction. Il est clai
1211
une assurance contre toute espèce de sanction. Il
est
clair que cette liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne sera
1212
e liberté-là, garantie par les lois de l’État, ne
sera
jamais que servitude pour le penseur, s’il sait que la violence de sa
1213
la seule autorité valable. La liberté de penser n’
est
réelle que chez un homme qui a reconnu et qui accepte le danger de pe
1214
a reconnu et qui accepte le danger de penser. On
serait
parfois tenté de souhaiter qu’en France l’activité de l’esprit redevi
1215
urtout la « mise au pas » des dictatures. Mais ce
sont
là brimades extérieures, dont l’injustice ou la sottise ne confèrent
1216
e que je veux dire, c’est que le danger de penser
est
immédiat à l’acte de penser, qui se forge ses fatalités et qui se cré
1217
ropres risques et périls, si libéral que prétende
être
le régime. « La supériorité véritable produit elle-même la provision
1218
», dit Kierkegaard. Penser avec les mains ne peut
être
en tous temps qu’une activité subversive, non moins qu’ordonnatrice.
1219
vertu : l’originalité Incarnation et risque ne
sont
pas séparables. L’origine même de l’homme est dans un risque. Et le p
1220
ne sont pas séparables. L’origine même de l’homme
est
dans un risque. Et le progrès de l’homme n’est rien d’autre que l’app
1221
me est dans un risque. Et le progrès de l’homme n’
est
rien d’autre que l’approfondissement de son risque originel. Ce n’est
1222
l’approfondissement de son risque originel. Ce n’
est
point par la culture de l’« esprit » que l’individu se développe, mai
1223
és. C’est en ce sens que la pensée avec les mains
est
nécessairement une pensée originale, une pensée qui reproduit et qui
1224
térature moderne. Le principe de cette altération
est
d’ailleurs symbolique du relâchement que nous avons décrit. On établi
1225
origine. Partant de ce donné, et oubliant qu’il n’
est
rien d’autre qu’un abandonné, on appelle original tout ce qui manifes
1226
croit la révolution « fatale ». Et la question n’
est
plus que de l’accommoder. On l’assimile par exemple au désir de nouve
1227
ais vu. C’est un exotisme de plus. Ou sinon, ce n’
est
pas la peine ! Tel écrivain refuse de s’engager dans l’action politiq
1228
qu’ils savent ! Et je pense qu’à ceux-là seuls il
est
donné ce qu’ils ne cherchaient pas d’abord, une connaissance plus rée
1229
qui résulte pratiquement de confusions pareilles
est
, hélas ! la plus vulgaire et la plus déprimante résistance que rencon
1230
jà beaucoup pensent que la révolution ne pourrait
être
faite qu’avec des mains brutales, et non du bout des doigts. (Et pour
1231
omme toute réaction à ce qui la provoque…) Ce qui
est
véritablement créé et créateur, ce qui possède une véritable nouveaut
1232
r, ce qui possède une véritable nouveauté92, ce n’
est
pas ce qu’on dit, ou ce qu’on pense, ni même ce qu’on gesticule pour
1233
e fois ; mais bien ce qui, pour la première fois,
est
acte dans une vie. Cela peut être quelque chose de très ancien93 : c’
1234
a première fois, est acte dans une vie. Cela peut
être
quelque chose de très ancien93 : c’est toujours quelque chose qui rem
1235
ssion en général. Le souci de savoir ce qu’on dit
est
un des moindres de l’époque. Il paraît même décroître dans la mesure
1236
croît la quantité des discours, des journaux. Ce
serait
donc le premier office d’une pensée modestement technique, mais serva
1237
origines de nos mots. L’étymologie pourrait bien
être
une des sciences les plus subversives de l’âge du papier imprimé ! Ma
1238
ubversives de l’âge du papier imprimé ! Mais ce n’
est
là qu’un aspect d’un problème plus vaste. Penser avec les mains suppo
1239
, et non seulement dans le domaine de la culture,
est
d’abord une question de mots. On demande des mots d’ordre ? Encore fa
1240
s vocables. Mais pourquoi donc ont-ils cessé de l’
être
? On dit : le mot est le corps de l’idée. Acceptons provisoirement ce
1241
oi donc ont-ils cessé de l’être ? On dit : le mot
est
le corps de l’idée. Acceptons provisoirement cette expression douteus
1242
ur le rapport de vie ou de mort qui unit l’homme,
être
pensant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui serait l’âme de
1243
sant, à son langage. Le mot, corps d’une idée qui
serait
l’âme de cette combinaison ? De fait, vit-on jamais âme sans corps, o
1244
et corps, c’est à la suite d’un relâchement de l’
être
, d’une faute originelle. La distinction entre mot et idée est sa cons
1245
aute originelle. La distinction entre mot et idée
est
sa conséquence immédiate. Partons de cette distinction comme d’un fai
1246
l l’acte de les réunir peut, dans l’instant qu’il
est
donné, combattre ce péché qui, sitôt après, reparaît. C’est à de tels
1247
ui nous dissout ; de durer malgré la durée. Notre
être
véritable est donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraime
1248
; de durer malgré la durée. Notre être véritable
est
donc discontinu : nous ne sommes que par instant vraiment humains. Et
1249
otre être véritable est donc discontinu : nous ne
sommes
que par instant vraiment humains. Et nous avons à conquérir sans cess
1250
muette et qui témoigne de notre humanité. Rien n’
est
, que ce qui s’exprime. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut
1251
e. Cette définition, absolue à l’origine, ne peut
être
, dans l’état présent, que d’un usage dialectique. Elle réunit, en une
1252
phrase, en un seul geste, deux aspects du réel, l’
être
et l’expression, entre lesquels le temps, l’espace et toutes les limi
1253
ndition recréent sans cesse une différence. Que l’
être
et l’expression ne soient point séparables, c’est une des exigences c
1254
sse une différence. Que l’être et l’expression ne
soient
point séparables, c’est une des exigences constitutives de l’humain.
1255
, dans la mesure où il voudrait l’humaniser. Tout
être
vivant porte le nom qu’Adam lui a donné avant sa chute. Et c’est ains
1256
lui a donné avant sa chute. Et c’est ainsi qu’il
est
pour l’homme une aide vivante, un être avec lequel l’homme peut entre
1257
ainsi qu’il est pour l’homme une aide vivante, un
être
avec lequel l’homme peut entretenir des rapports conformes à sa natur
1258
orts conformes à sa nature originelle. Mais que l’
être
et l’expression, en fait, aient été et soient de plus en plus séparés
1259
. Mais que l’être et l’expression, en fait, aient
été
et soient de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui
1260
que l’être et l’expression, en fait, aient été et
soient
de plus en plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’est pas,
1261
plus séparés, que le langage puisse dire ce qui n’
est
pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui est, cela ne signifie pas
1262
n’est pas, et ne puisse pas toujours dire ce qui
est
, cela ne signifie pas que nous ayons le droit de spéculer impunément9
1263
se résout en acte, et tout acte, nous l’avons vu,
est
à contre-courant, à contretemps, à contre-espace. Ainsi l’homme reste
1264
qu’il s’offre au jugement dans son intégrité. Je
tiens
cette ascèse à la fois pour humaine et pour conforme à l’ordre christ
1265
forme à l’ordre christique tel que cet ordre nous
est
adressé ; l’autre ascèse, antihumaine et spiritualiste — celle qu’att
1266
’attaque Nietzsche dans Généalogie de la Morale —
étant
plutôt conforme à l’ordre religieux tel que, pécheurs95, nous prétend
1267
l’organiser pour notre usage. L’ascèse chrétienne
est
une lutte contre le péché même, en son principe, lutte qui se sait sa
1268
sait sans fin dans cette vie, et dont la mesure n’
est
jamais dans aucun résultat en soi, mais seulement dans l’acte rédempt
1269
ute lutte contre certains effets du péché, qui ne
serait
pas une lutte contre son principe même. Par exemple, tout ce qui voud
1270
l’âme, ou l’inverse, alors que la racine du mal n’
est
ni dans l’un ni dans l’autre, mais dans leur séparation. Une telle as
1271
s que la durée, et c’est sans doute pourquoi elle
est
capable d’un progrès visible dans ses résultats ! Mais au terme de ce
1272
résents de la séparation qu’il faut combattre, ce
sont
d’une part les idées, et de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui
1273
de l’autre les mots. Bornons-nous à cela qui nous
est
immédiat, tandis que j’écris et tandis que vous lisez. Comment réduir
1274
administration, même révolutionnaire, il faudrait
être
sûr qu’à l’origine de l’entreprise prévale un parti pris de style, un
1275
t décontenancé ! L’excellent, et même le parfait,
serait
de rendre les mots dangereux, je dirai même insupportables, joyeuseme
1276
ise uniquement à désigner l’acte d’incarnation qu’
est
penser avec les mains. Or cet acte en définitive est un mystère, le m
1277
penser avec les mains. Or cet acte en définitive
est
un mystère, le mystère même de la Communion. On peut le désigner par
1278
tion, c’est-à-dire de transformation du monde. Ce
sont
le conformisme et l’évasion. Il est probable que la plupart des homm
1279
u monde. Ce sont le conformisme et l’évasion. Il
est
probable que la plupart des hommes n’ont même jamais conçu clairement
1280
jamais conçu clairement qu’une troisième attitude
est
possible à l’égard de la réalité. Et cela se comprend : il y a si peu
1281
de tons purs dans le détail de l’existence, tout
est
tellement mêlé, et qui peut se flatter d’obéir en tout temps à une se
1282
une vie, c’est son parti pris dominant.) On peut
être
conformiste par faiblesse, parce que l’on est vaincu, jusque dans ses
1283
ut être conformiste par faiblesse, parce que l’on
est
vaincu, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut être conformis
1284
u, jusque dans ses désirs, par le milieu. On peut
être
conformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il est vrai que le c
1285
, par le milieu. On peut être conformiste pour se
tenir
à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret est ce qui appelle
1286
nformiste pour se tenir à l’abri du concret, s’il
est
vrai que le concret est ce qui appelle une décision, dont dispense l’
1287
à l’abri du concret, s’il est vrai que le concret
est
ce qui appelle une décision, dont dispense l’abandon à l’habitude. C’
1288
asion. Il y a aussi un conformisme cynique, qui n’
est
qu’une évasion par l’intérieur, une ironie perpétuelle et désabusée.
1289
le et désabusée. Il y a enfin la manière banale d’
être
non conformiste, qui est l’évasion proprement dite, et la révolte nég
1290
fin la manière banale d’être non conformiste, qui
est
l’évasion proprement dite, et la révolte négatrice. On voit que le co
1291
se joue dans nos limites charnelles. Mais ce qui
est
sûr, c’est que le conformisme et l’évasion s’opposent absolument à l’
1292
’acte d’incarnation d’une pensée ; car celui-ci n’
est
pas une évasion puisqu’il cherche toujours son point d’appui dans le
1293
d’appui dans le concret d’une situation ; et il n’
est
pas non plus un conformisme, puisqu’il n’assume cette situation que p
1294
s appellerons dès lors incarnation un acte qui ne
sera
réductible ni à un conformisme, ni à une évasion, et qui de plus — c’
1295
véracité. Toutefois, la véracité d’un créateur n’
est
pas simple récitation. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce qui e
1296
ion. Il ne s’agit pas seulement de décrire ce qui
est
, il faut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qu
1297
e décrire ce qui est, il faut décrire ce qui doit
être
, ce que l’on veut qui soit, mais qui n’est pas encore, ce que l’on fa
1298
ut décrire ce qui doit être, ce que l’on veut qui
soit
, mais qui n’est pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité techniq
1299
doit être, ce que l’on veut qui soit, mais qui n’
est
pas encore, ce que l’on fait vrai. La probité technique ne saurait do
1300
robité technique ne saurait donc suffire, si elle
est
nécessaire. C’est l’imagination qui forme le langage en puissance d’a
1301
nous indiquera au moins ce qu’ils ne doivent pas
être
. Il existe une espèce d’imagination que l’on peut qualifier de confo
1302
uider par des formes, des usages, des lois qui ne
sont
en fait que les résidus de créations anciennes. L’esprit s’y engage à
1303
. Disons pour fixer les idées : cette imagination
est
celle de l’homme d’affaires moyen, ou encore du journaliste à la rech
1304
humiliantes que lui imposerait le réel tel qu’il
est
, il s’échappe dans l’imagination d’actions impossibles et flatteuses.
1305
ilisent à bon escient. C’est ce dernier trait qui
est
grave. En vérité, c’est cette littérature — celle du film, celle du j
1306
e du film, celle du journal, celle du roman — qui
est
l’opium des peuples incroyants. La mauvaise qualité de la langue des
1307
r nous borner à cet aspect de leur production — n’
est
de leur part qu’une habileté souvent consciente. Entre deux mots qui
1308
e cela fait plus poétique. Il croit que la poésie
est
dans ce qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui tient au ré
1309
qui ressemble à la poésie, et non pas dans ce qui
tient
au réel, souvent « laid ». Et c’est ainsi que le style d’évasion rejo
1310
prises qui joint avec témérité deux idées ou deux
êtres
nés de milieux hostiles, et conclut, comme à la volée, ces mariages l
1311
es plus indissolubles et les plus féconds d’avoir
été
sacrés dans un double arrachement ! Mais le retour aux origines n’est
1312
ouble arrachement ! Mais le retour aux origines n’
est
qu’un moyen de retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu est à
1313
e retremper nos armes pour un combat dont l’enjeu
est
à venir. Imaginer, c’est voir le but, c’est voir le tout, qu’il s’agi
1314
t humain, et que j’appelle la personne, penser ce
sera
toujours tendre concrètement vers une fin anticipée par l’imagination
1315
ion, et sa vision. Penser, exprimer sa pensée, ce
sera
toujours créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce sera pense
1316
créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce
sera
penser à partir de la fin. L’étymologie grecque du mot idée, c’est l
1317
ne vision. Certes, penser, c’est partir d’où l’on
est
pour aller où l’on voit qu’il faudrait être. Mais si je dis que pense
1318
ù l’on est pour aller où l’on voit qu’il faudrait
être
. Mais si je dis que penser, c’est partir de la fin, c’est que l’appel
1319
d’une vision créatrice du monde. Une telle vision
est
primordiale, comme celle de Jean à Patmos ; c’est-à-dire qu’elle écla
1320
acte. Elle apparaît au point le plus profond de l’
être
, qui est aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point ébloui
1321
apparaît au point le plus profond de l’être, qui
est
aussi la pointe extrême de sa manifestation, le point éblouissant de
1322
celui qui le détient en vienne à s’exprimer, il n’
est
pas sûr que son style écrit traduira les catégories dans lesquelles i
1323
ns lesquelles il existe en réalité. Ou plutôt, il
est
presque certain qu’il les traduira dans des formes qui les trahissent
1324
crire sans tenir compte de nos données concrètes,
soit
que l’on sacrifie à un académisme, soit que l’on oublie les fins comm
1325
oncrètes, soit que l’on sacrifie à un académisme,
soit
que l’on oublie les fins communes de la pensée. J’entends par données
1326
qui poussent un homme à écrire, quelles qu’elles
soient
; le public auquel il voudrait s’adresser ; le genre d’action qu’il e
1327
s ; attester en particulier, que leur vocabulaire
est
adapté aux fins qu’ils déclarent, que leur style est conditionné par
1328
adapté aux fins qu’ils déclarent, que leur style
est
conditionné par leur action, par la structure même des problèmes qu’i
1329
but et les conduit sur un terrain qui forcément n’
est
pas le leur, n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus
1330
sur un terrain qui forcément n’est pas le leur, n’
est
pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’est plus, au sens littéral,
1331
, n’est pas celui qu’ils avaient à défendre, et n’
est
plus, au sens littéral, qu’un no man’s land. Pareillement, les armée
1332
s land. Pareillement, les armées européennes qui
sont
toutes organisées pour l’offensive et l’agression sont au service d’É
1333
toutes organisées pour l’offensive et l’agression
sont
au service d’États qui prétendent tous n’avoir que des buts défensifs
1334
succès en des conflits non moins stériles, s’ils
sont
évidemment moins meurtriers. Comment un Gide ne voit-il pas que les m
1335
s rencontrer ni prises ni créance ? Cependant, il
est
clair que le style est justement cela qui, dans une œuvre, est contag
1336
ni créance ? Cependant, il est clair que le style
est
justement cela qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style est d
1337
le style est justement cela qui, dans une œuvre,
est
contagieux. Si le style est de l’homme même, on peut dire plus précis
1338
qui, dans une œuvre, est contagieux. Si le style
est
de l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il est de l’action
1339
l’homme même, on peut dire plus précisément qu’il
est
de l’action même, de la personne en exercice. De même que la personne
1340
Le style qu’il faut à une pensée communautaire ne
sera
pas forcément « populaire », car le peuple qui sort des écoles n’est
1341
populaire », car le peuple qui sort des écoles n’
est
plus le peuple populaire ; Péguy l’a dit : il lit trop de journaux. (
1342
données concrètes de la révolution nécessaire ne
sont
d’ailleurs pas dans les mains du « peuple » en tant que classe ouvriè
1343
du « peuple » en tant que classe ouvrière. Elles
sont
dans les mains des hommes, d’où qu’ils sortent, qui ont compris que l
1344
ent, qui ont compris que la révolution ne saurait
être
faite que par et pour ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, la pe
1345
ui s’engage dans leur lecture éprouve de tout son
être
la présence d’une réalité éthique immédiate à chaque progrès du disco
1346
Alors, n’acceptons-nous plus un seul maître ? Ce
serait
oublier ceux qui nous ont appris à nous méfier des maîtres. Je viens
1347
n nommer quelques autres : Pascal, dont la phrase
est
brisée par cette raison qui brise la raison ; Descartes, dont la limp
1348
ilisations dont nous connaissons la chronique, il
est
frappant de voir qu’ils n’ont imaginé qu’un assez petit nombre de mes
1349
lle et les Allemands une mesure populaire, qui ne
sont
encore que des raisons d’État, perfectionnées infiniment par la techn
1350
estige de l’Église catholique, et son miracle, ce
fut
d’unir entre ses mains, durant des siècles, l’autorité spirituelle et
1351
bien produire des millions de machines, mais ils
seront
impuissants à les utiliser pour l’homme, au bénéfice de son humanité.
1352
me, au bénéfice de son humanité. Secondement, ils
seront
impuissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui tenait à l’espri
1353
uissants à restaurer le prestige de l’Europe, qui
tenait
à l’esprit créateur de ses élites intellectuelles. Si nous voulons re
1354
qui crée et qui éduque. Les vertus qu’il suppose
sont
concevables ; leur lieu commun, définissable : c’est l’acte d’incarna
1355
l’État : voilà des signes matériels de la mesure.
Est
-il possible de leur opposer dès maintenant un signe aussi grandiose,
1356
tion parfois séculaire des pouvoirs. Et nous n’en
sommes
qu’aux premiers cris. Si nous parvenons aujourd’hui à prendre une con
1357
qu’elles nous imposent dans la situation où nous
sommes
, peut-être aurons-nous fait ce que devait faire notre génération. C’e
1358
ale qui nous obsèdent. Individu et masses, telles
sont
les déviations d’une tradition qui se fondait sur la personne. Privat
1359
e fondait sur la personne. Privation du pouvoir d’
être
une personne responsable, tel est le secret de l’angoisse individuell
1360
n du pouvoir d’être une personne responsable, tel
est
le secret de l’angoisse individuelle et de la révolte des masses. Ret
1361
la révolte des masses. Retour à la personne, tel
est
le sens de la philosophie « existentielle » sous toutes ses formes, e
1362
s communautaires du principe personnel, tel qu’il
est
défini d’une manière à peu près unanime par tous les écrivains qui s’
1363
peu près unanime par tous les écrivains qui s’en
sont
occupés100. La personne, c’est pour nos contemporains la découverte n
1364
ciété, l’État, les lois, la pensée et l’action, n’
étaient
pas le vrai centre de l’homme, qui est la personne ; et que pour cett
1365
ion, n’étaient pas le vrai centre de l’homme, qui
est
la personne ; et que pour cette seule raison, la société, l’État, les
1366
’homme même, à la personne. Mais cette révolution
est
la plus difficile de toutes. Ses premières manifestations tangibles,
1367
ne. D’où il suit que toute l’agitation du monde n’
est
rien de plus qu’une certaine question qui m’est adressée, et qui ne s
1368
n’est rien de plus qu’une certaine question qui m’
est
adressée, et qui ne se précise en moi qu’à l’instant où elle me contr
1369
nt où elle me contraint à l’acte. Peut-être qu’il
est
inutile de rien savoir du monde et de son train, des sciences, des fa
1370
des accidents, des inventions, des religions, des
êtres
, si ce savoir n’est pas pour moi, à tel moment, un ordre ou une tenta
1371
entions, des religions, des êtres, si ce savoir n’
est
pas pour moi, à tel moment, un ordre ou une tentation. Quand cesseron
1372
rons-nous d’agiter des problèmes qui n’ont jamais
été
notre problème ? Car un problème n’est jamais réel que pour celui qui
1373
ont jamais été notre problème ? Car un problème n’
est
jamais réel que pour celui qui peut l’incarner dans sa vie, le résoud
1374
dire : « La solution des grands problèmes sociaux
est
une question de morale individuelle. » L’originalité d’une morale ind
1375
cécité et de mutisme. Par ailleurs, elle pourrait
être
aussi laïque ou religieuse qu’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce
1376
u’on voudrait. Mais l’individu a vécu. Ce mythe n’
est
plus à craindre que sous sa forme négative : le collectif. Ramener la
1377
onstater que la question sociale, en tant qu’elle
est
concrète, c’est-à-dire en tant qu’elle exige de chacun une réponse, n
1378
ises avec son entourage humain101. Ses données me
sont
extérieures, certes. Mais je n’ai pas à les connaître autrement que p
1379
qu’elles m’adressent ; et cette question ne peut
être
concrète — et ne peut être un conflit véritable — que si c’est un aut
1380
cette question ne peut être concrète — et ne peut
être
un conflit véritable — que si c’est un autre homme, en face de moi, q
1381
utre homme, en face de moi, qui me la pose. Qu’il
soit
là, proche ou lointain, à portée de ma main, à portée de mes yeux, à
1382
e, pourvu que cette prise, cette vue, cette image
soient
pour moi le tu qui questionne, dans l’instant. La personne est le fon
1383
le tu qui questionne, dans l’instant. La personne
est
le fondement de la communauté, en ceci qu’elle est l’acte par lequel
1384
st le fondement de la communauté, en ceci qu’elle
est
l’acte par lequel l’individu répond à la question que lui pose son pr
1385
prochain. Et à l’inverse, le but de la communauté
est
de permettre à tous les hommes d’assumer leurs responsabilités, c’est
1386
és, c’est-à-dire de devenir des personnes. Telles
sont
les deux idées polaires qui sous-tendent l’édifice personnaliste. Rie
1387
s des jugements historiques pour lesquels nous ne
serons
jamais assez documentés, ramenons cet examen à une grammaire de la pe
1388
œu humain paraît comblé… Et l’on croirait qu’il l’
est
à les entendre, si certains spectacles de masses ne nous rendaient un
1389
égitime… Une fois de plus, je rappellerai qu’il n’
est
pas question dans ces pages de « condamner » des « erreurs » étrangèr
1390
re vieille sagesse. Le nous national-socialiste n’
est
pas seulement un concept philosophique, il correspond à la réalité pr
1391
religions. Mais ce que nous pouvons faire, et qui
est
utile, c’est de juger les propositions générales et théoriques que l’
1392
s conditions, ce nous qu’on nous propose pourrait
être
autre chose qu’une moyenne entre le je des libéraux et le ils des col
1393
ivistes ? Selon nos mœurs et notre vocabulaire, n’
est
-il pas, lui aussi, un être « abstrait », ne laisse-t-il pas le champ
1394
et notre vocabulaire, n’est-il pas, lui aussi, un
être
« abstrait », ne laisse-t-il pas le champ libre à la mécanique étatis
1395
il pas le champ libre à la mécanique étatiste qui
tient
lieu d’ordre dès que l’homme renonce à assumer personnellement son ri
1396
du « prochain » ? Pour nous « l’erreur fasciste »
est
peut-être plus grave que les erreurs qu’elle combat, parce qu’elle fi
1397
des personnes responsables. Mais la communauté n’
est
rien de plus que les personnes : elle n’est que l’expression des rapp
1398
uté n’est rien de plus que les personnes : elle n’
est
que l’expression des rapports personnels. Elle a son centre en chacun
1399
hacune des personnes qui la composent, et ne peut
être
définie par autre chose que par ce centre, — par l’État, ou par le Pa
1400
ar ce centre, — par l’État, ou par le Parti. Elle
est
le rayonnement de l’acte qui unit deux hommes par un lien d’entraide
1401
s en tant que différents, chacun faisant ce qu’il
est
le seul à pouvoir faire pour tous les autres — et non point en tant q
1402
transformer en un « état » alors qu’elle devrait
être
un acte. C’est faire simplement abstraction de la tension, de la resp
1403
le je et le tu considérés d’un point de vue qui n’
est
plus ni celui de l’un ni celui de l’autre, c’est-à-dire considérés da
1404
isonniers de ce rapport, le nous. Le groupe ainsi
est
défini par l’extérieur, disons par sa circonférence. Et comme le veut
1405
circonférence. Et comme le veut la géométrie, il
est
plus grand que chacun des éléments qui le composent. Il s’arroge des
1406
érations. Les hommes qui constituent ce groupe ne
sont
plus des hommes totalement « humains » puisque l’un des pôles de leur
1407
lement « humains » puisque l’un des pôles de leur
être
n’est plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pou
1408
« humains » puisque l’un des pôles de leur être n’
est
plus visible ni concret, échappe aux prises de leurs mains. Pour chac
1409
x prises de leurs mains. Pour chacun d’eux, le tu
est
devenu le nous, il a donc cessé d’être une question directe, cessé d’
1410
’eux, le tu est devenu le nous, il a donc cessé d’
être
une question directe, cessé d’être un des pôles de la personne. De fa
1411
a donc cessé d’être une question directe, cessé d’
être
un des pôles de la personne. De fait le nous n’est rien qu’un biais :
1412
re un des pôles de la personne. De fait le nous n’
est
rien qu’un biais : c’est un tu sans visage qui vient se confondre ave
1413
s ont fait erreur sur la personne. Si la personne
est
au principe la mise en question d’un je par un tu, donc une rencontre
1414
r qu’ils puissent se rencontrer hors d’eux-mêmes,
fût
-ce au-dessus d’eux-mêmes, dans le nous (la Gesamtperson). Pour nous a
1415
n concrète et élémentaire de la communauté, je ne
suis
plus un isolé ; pourtant je reste un solitaire. De l’héroïsme C
1416
’opère la communion réelle de l’acte. La personne
est
un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle est le lieu, l’origine e
1417
est un lieu d’héroïsme, et cela signifie qu’elle
est
le lieu, l’origine et la fin de toute incarnation, de toute création,
1418
n, de toute création, de tout risque. La personne
est
aussi, par conséquent, l’individu moral et social par excellence ; ma
1419
el d’un je et d’un tu, ne rendent pas compte de l’
être
personnel. Penser en acte, ce n’est pas « descendre au social », ni d
1420
compte de l’être personnel. Penser en acte, ce n’
est
pas « descendre au social », ni davantage trahir l’esprit pour des fi
1421
e l’héroïsme personnel. Un siècle bourgeois comme
fut
le xixe , n’osait imaginer de réalisations que sociales : car il faut
1422
s d’héroïsme collectif. Le héros, par définition,
est
toujours seul. (C’est peut-être pourquoi le bourgeois — l’homme du bo
1423
être pourquoi le bourgeois — l’homme du bourg — n’
est
pas un héros, ou cesse d’être un bourgeois quand il devient un héros.
1424
l’homme du bourg — n’est pas un héros, ou cesse d’
être
un bourgeois quand il devient un héros.) Précisons : réaliser une pen
1425
un héros.) Précisons : réaliser une pensée, ce n’
est
pas seulement la mettre à exécution — ce qui pourrait signifier aussi
1426
ssi bien la condamner à mort et l’extirper de son
être
, fût-ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir c
1427
en la condamner à mort et l’extirper de son être,
fût
-ce pour l’introduire dans l’Histoire. C’est avant tout devenir cette
1428
ffaire de solitude menacée. Une pensée et une vie
sont
aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat silencieux et ob
1429
t avaler les idées103, et qu’une idée qui ne peut
être
mastiquée, puis avalée, n’a pas plus de valeur que les melons en cart
1430
g, les songes, tour à tour nous poussent vers les
êtres
, et guident notre main. Par eux s’incarne la pensée, et c’est là l’hé
1431
roïsme, d’une passion solitaire et féconde. Telle
est
la loi du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée même de
1432
aire et féconde. Telle est la loi du monde, et il
est
admirable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’est point soustr
1433
irable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’
est
point soustraite à cette loi, c’est-à-dire à ce choix souverain de Di
1434
arne dans le Fils pour agoniser sur la Croix, qui
est
le signe de la condition humaine déchirée entre le temps et l’éternit
1435
ue cet acte fonde toute existence en tant qu’elle
est
concrète ; que le concret n’a lieu que dans l’immédiat, dans l’instan
1436
n’a lieu que dans l’immédiat, dans l’instant. Tel
est
le sens et la nécessité de l’a priori éthique. Il ne souffre aucune d
1437
lence nécessaires. Mais aussi cette indistinction
est
l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce, soit qu’il s’agisse du com
1438
on est l’autorité même, en tant qu’elle s’exerce,
soit
qu’il s’agisse du commandement des armées, ou de la création géniale.
1439
n risque, que l’on ne saurait affronter si l’on n’
est
pas, dans le même temps, en puissance des sources originelles de tout
1440
ialectique critique dont les deux termes négatifs
sont
évasion et conformisme. Elle nous a permis de cerner le lieu et le mo
1441
même et l’autre, toi et moi. Par ces voies, nous
sommes
parvenus au centre des problèmes du monde moderne, en même temps qu’a
1442
chain. Les contradictions du monde ne peuvent pas
être
supprimées, et toutes les doctrines qui s’y sont essayées n’ont pu en
1443
être supprimées, et toutes les doctrines qui s’y
sont
essayées n’ont pu en fin de compte engendrer que le désespoir, la tyr
1444
ale. Il n’y a de solution que personnelle (encore
est
-ce d’abord une « question »). La personne, telle est la seule valeur
1445
-ce d’abord une « question »). La personne, telle
est
la seule valeur qu’on puisse donner à l’x de l’équation du monde. Or,
1446
ner à l’x de l’équation du monde. Or, la personne
étant
un acte créateur, elle introduit à chaque fois dans l’équation un élé
1447
personne Et voici la question décisive : quel
est
le sens dernier de l’acte humain ? Pourquoi la liberté ? Et pourquoi
1448
limites d’un ouvrage profane. D’autre part, il n’
est
pas mauvais d’éprouver parfois ces limites, au besoin d’y faire quelq
1449
is bien la franchise d’avouer que ma conscience n’
est
pas encore à l’aise. J’ai peut-être parlé de l’acte en humaniste. Je
1450
idéalisme d’un Fichte. Et c’est pourquoi je ne me
tiendrai
pas quitte que je n’aie repris une dernière fois dans son ensemble ma
1451
aient, ou n’estiment nécessaire d’aller ; mais je
tiens
cet « excès » pour plus sérieux que la mesure même qu’il s’agit d’épr
1452
on ne les a pas laissés intacts. Ce relâchement n’
est
pas un apaisement, mais une espèce d’équilibre indifférent, entre deu
1453
es qui se dessèchent. Or l’origine du relâchement
est
dans la pensée même : c’est elle d’abord qui a péché. Mais du péché d
1454
ous échappe, puisque le péché, justement, c’est d’
être
séparé de notre origine absolue. Toucherait-on ici au quiétisme, au f
1455
décrire. Ainsi, dans une certaine mesure, nous la
tenons
dans notre puissance. L’origine de l’histoire, c’est la chute dans le
1456
lération de notre chute dans le temps et l’espace
est
entièrement déterminée par les lois mécaniques. Fatalement, elles nou
1457
elle puissance de salut. C’est l’acte. Car l’acte
est
adhésion à l’instant éternel ; un instant il se dresse contre les méc
1458
t, de la « pensée qui pense » sur la « pensée qui
est
pensée ». Primauté décisive mais pourtant reperdue sans cesse. Car il
1459
it dans ce contact avec l’éternité, et notre acte
serait
comme un suicide, si nous osions agir, une seule fois, de toutes les
1460
it cet acte, en mourant sur la croix. Mais Christ
est
Dieu. Le caractère humain de l’acte est d’aller contre quelque chose
1461
is Christ est Dieu. Le caractère humain de l’acte
est
d’aller contre quelque chose — Dieu seul agit et crée de rien — mais
1462
rce aux résistances dans l’instant qu’il ranime l’
être
. Le sens de notre liberté est défini par cette contradiction. Aux yeu
1463
ant qu’il ranime l’être. Le sens de notre liberté
est
défini par cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte est seul
1464
cette contradiction. Aux yeux de Dieu, notre acte
est
seulement restaurateur. À la mesure de sa violence, il tente de rétab
1465
les créatures dans leur état incorruptible. Il n’
est
pas en notre pouvoir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce s
1466
ir d’étonner l’Éternel, ni d’inventer quoi que ce
soit
qu’il n’ait prévu, qu’il n’ait donné, que nous n’ayons perdu par notr
1467
chute dans le temps. Cette connaissance dernière
est
celle de la foi seule. Elle est don de l’Esprit, révélation. Elle tue
1468
aissance dernière est celle de la foi seule. Elle
est
don de l’Esprit, révélation. Elle tue en nous le faux dieu du moi pur
1469
me une création absolue. Chacune de nos victoires
est
une nouveauté absolue dans les âges, quelque chose de jamais vu, quel
1470
ue chose de jamais vu, quelque chose qui n’aurait
été
vu que par l’Adam d’avant la chute, d’avant l’histoire, d’avant cette
1471
perdit jusqu’au souvenir de l’image de Dieu qu’il
était
. L’homme créateur n’est pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueill
1472
e l’image de Dieu qu’il était. L’homme créateur n’
est
pas le démiurge isolé d’un idéalisme orgueilleux ; ni l’esclave des f
1473
l’esclave des fatalités de son histoire ; et il n’
est
pas non plus celui qui se souvient d’une éternité raisonnable, d’un m
1474
qu’il pourrait imiter. L’homme, en tant qu’homme
est
bien un créateur, mais c’est un créateur créé, un ordonnateur obéissa
1475
ur créé, un ordonnateur obéissant, et ses limites
sont
celles de l’incarnation personnelle. C’est là son ordre et sa réalité
1476
final ; au jugement dernier. En même temps, elle
est
le ressort de toute action recréatrice. Car c’est en espérance que no
1477
tion recréatrice. Car c’est en espérance que nous
sommes
sauvés, mais cette espérance est certaine. Car le temps détruit l’act
1478
ance que nous sommes sauvés, mais cette espérance
est
certaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte est juge du temps.
1479
ertaine. Car le temps détruit l’acte, mais l’acte
est
juge du temps. ⁂ Je suis parti d’une considération très générale de l
1480
ais prétendre une révolution humaine. Leur succès
serait
le terme absolu de la vocation occidentale. 1933-1936. 83. Voir pl
1481
4. Selon Einstein « le temps naît du moment où il
est
mesuré » (Brunschwicg). Le temps mathématique naît donc aussi d’un ac
1482
aussi d’un acte. Mais le temps dont je parle ici
est
le temps vécu, souffert, subi, qui naît de l’absence d’acte, — et que
1483
uit. 85. « Le difficile pour un philosophe, ce n’
est
pas d’arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contrair
1484
oucher les yeux. » Elle postule que le philosophe
est
dégagé de toute responsabilité immédiate, qu’il pense dans le vide, h
1485
omporte le maximum d’interventions de la pensée n’
est
pas précisément celle qui détermine les grands mouvements sociaux et
1486
acte inclinera. 89. « Murmurer avec les loups »
serait
plus exact, si l’on songe à tels écrivains sur le podium… 90. Évidem
1487
ée ne se souciaient pas d’action réelle. 91. Qu’
est
-ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’est pas conformiste ? C
1488
est-ce qui, dans notre langage ou notre pensée, n’
est
pas conformiste ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’est co
1489
otre pensée, n’est pas conformiste ? C’est ce qui
est
créé, c’est-à-dire ce qui n’est compréhensible aux autres que par le
1490
te ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n’
est
compréhensible aux autres que par le heurt produit sur les conformism
1491
it sur les conformismes régnants. Les conventions
sont
donc indispensables, tout de même qu’il n’y aurait pas d’acte possibl
1492
uvaise qualité. 92. « Cette offense en mon cœur
sera
longtemps nouvelle. » Racine. 93. Ici encore, se défier de l’histoir
1493
ore, se défier de l’histoire. L’origine vivante n’
est
pas toujours ce qu’il y a de plus ancien dans une réalité, mais ce qu
1494
la vie de cette réalité. 94. L’abstraction peut
être
un progrès relatif. Elle est la condition même de la science, c’est e
1495
L’abstraction peut être un progrès relatif. Elle
est
la condition même de la science, c’est entendu, et la science nous pe
1496
ulation, et à l’agir moral. Sinon l’abstraction n’
est
plus qu’une désincarnation des signes, et par là même elle tend à les
1497
e, l’entraîner loin de son train-train, etc., tel
est
le rôle que se propose de poursuivre (sic) cette collection. » 97. C
1498
. » 97. Claudel (Art poétique, Connaissance de l’
Est
), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’être, Six cahiers. Passage
1499
e l’Est), le Péguy des pamphlets, Ramuz (Raison d’
être
, Six cahiers. Passage du poète). Je voudrais bien citer Joyce et ses
1500
e causée par la constatation de l’état présent, n’
est
pas un moteur suffisant, ou plutôt ne devient un moteur suffisant que
1501
e c’est la volonté d’incarnation de la vérité qui
est
« l’âme » de l’Europe. Ce n’est pas la science qui a fait l’Europe, m
1502
de la vérité qui est « l’âme » de l’Europe. Ce n’
est
pas la science qui a fait l’Europe, mais c’est l’Europe qui a fait la
1503
osophie sociale actuelle. Pour me borner à ce qui
est
paru en français : Renouvier (Du Personnalisme), Maritain (Du régime
1504
cret du problème. Le vice des dictatures modernes
est
d’avoir soumis l’aspect concret à l’abstrait, alors qu’il fallait au
1505
qui s’enferme dans sa particularité, qui refuse d’
être
le prochain de son frère. 103. « Et l’ange me dit : Prends le livre
1506
n Journal d’Allemagne. J’avais 27 et 29 ans. Il
est
fréquent, et c’est presque une loi, que les intuitions de type struct
1507
dix ans plus tard, à mon retour d’Amérique je me
suis
étonné d’y retrouver le principe d’une Morale du But dont j’étais con
1508
retrouver le principe d’une Morale du But dont j’
étais
convaincu que je venais de l’inventer, et si aujourd’hui, ayant publi
1509
’appelle, qui fera seule l’Europe, et qui ne peut
être
faite que par l’Europe en train de se faire, consiste […] à déplacer
1510
dre à l’intérieur de nos démocraties capitalistes
était
d’autant plus mal perçu et dénoncé que le danger totalitaire était pl
1511
us mal perçu et dénoncé que le danger totalitaire
était
plus évident à l’extérieur. À l’Ouest, seuls les groupes personnalist
1512
unes » se bornaient à condamner en termes rituels
soit
les contradictions des démocraties capitalistes, soit les systèmes to
1513
les contradictions des démocraties capitalistes,
soit
les systèmes totalitaires de toute couleur (le rouge, le noir et le b
1514
’était pour n’avoir pas à reconnaître que Staline
était
en bon train de le substituer à l’élan révolutionnaire des Internatio
1515
ait jeter notre génération dans une guerre qui ne
serait
pas la nôtre mais la sienne. Or nous serions forcés de la faire, ne f
1516
ui ne serait pas la nôtre mais la sienne. Or nous
serions
forcés de la faire, ne fût-ce que pour tenter de sauver, contre le me
1517
la sienne. Or nous serions forcés de la faire, ne
fût
-ce que pour tenter de sauver, contre le mensonge systématique des fas
1518
ient s’en souvenir.) Aujourd’hui, l’hitlérisme a
été
écrasé, le fascisme s’est écroulé, le stalinisme est moribond : nul d
1519
urd’hui, l’hitlérisme a été écrasé, le fascisme s’
est
écroulé, le stalinisme est moribond : nul danger de guerre ne menace
1520
écrasé, le fascisme s’est écroulé, le stalinisme
est
moribond : nul danger de guerre ne menace à bout portant la jeune gén
1521
le. Mais les problèmes fondamentaux de l’Occident
sont
-ils mieux vus qu’en 1936 ? Ont-ils été je ne dis pas résolus, du moin
1522
’Occident sont-ils mieux vus qu’en 1936 ? Ont-ils
été
je ne dis pas résolus, du moins ici ou là évacués par les faits, ou a
1523
ublique, et d’abord l’avant-garde intellectuelle,
est
-elle devenue plus sensible à l’importance décisive non plus des class
1524
on mais pas du tout le marxisme-léninisme, et qui
était
partout présente dans les écrits personnalistes. Aujourd’hui, la comm
1525
ts personnalistes. Aujourd’hui, la commune mesure
est
visiblement cassée, aux États-Unis comme en URSS : la faille s’approf
1526
ique entre ces trois déséquilibres perpétuels que
sont
l’Homme, la cité et la Nature ; ou encore la liberté des personnes et
1527
États-nations. Hors de cela, « la Révolution » n’
est
que verbiage de sectaires, de piétistes de la gauche, ou de paras plu
1528
Je ne vois pas une seule révolution — quelle que
fût
la valeur de l’ordre qu’elle appelait — qui ait réussi à instaurer ce
1529
n : les droits de l’homme et du citoyen n’ont pas
été
mieux bafoués que par Napoléon, qui imposa par ses Codes les seuls dr
1530
village, première formule de participation, n’ont
été
nulle part plus radicalement oblitérés que dans l’URSS de Staline. Le
1531
du peuple allemand à un espace vital n’ont jamais
été
plus durement niés que par les suites concrètes de la révolution nati
1532
renonçons aux « jugements de l’Histoire », qui ne
sont
que les verdicts contradictoires d’historiographies partisanes, car j
1533
es d’historiographies partisanes, car jamais ne s’
est
réalisé cet accord des moyens aux fins, depuis l’instauration du chri
1534
erre », « homme nouveau », « voici, toutes choses
sont
devenues nouvelles », et cela s’est produit « une fois pour toutes »,
1535
outes choses sont devenues nouvelles », et cela s’
est
produit « une fois pour toutes », « sous Ponce Pilate » précise le Cr
1536
ette contradiction. Dès lors que le christianisme
est
« établi », ou qu’une révolution est « victorieuse », les moyens tend
1537
hristianisme est « établi », ou qu’une révolution
est
« victorieuse », les moyens tendent irrésistiblement à devenir les vr
1538
s fixes et son Inquisition. L’exemple de l’Église
est
paradigmatique, mais chaque époque, chaque société, le spécifie. Aujo
1539
les soins du Pouvoir qu’elle instaure. Ses chefs
sont
condamnés à la trahir, en toute loyauté d’intentions, par les structu
1540
qu’ils décrètent au nom du sacré national, lequel
est
né de la guerre et prépare à la guerre, bornant le peuple, son économ
1541
des frontières prétendues naturelles mais qui ne
sont
que les absurdes résidus de guerres anciennes, maintenus à cause du s
1542
êchent tout et ne créent rien : leur souveraineté
est
purement négative, elle n’a plus d’autre preuve que le veto. Ils sont
1543
ve, elle n’a plus d’autre preuve que le veto. Ils
sont
structurellement fauteurs de guerre. Trop petits pour participer à la
1544
et le théâtre off-off-Broadway, que la révolution
est
une sorte de happening qui peut se faire « dans la rue » et « sur-le-
1545
dans la rue » et « sur-le-champ »2, ceux-là seuls
seront
en mesure de comprendre ce que nous appelions, dans les années 1930,
1546
litique de la personne , dont le premier chapitre
est
intitulé « L’engagement politique », et le deuxième « Ridicule et imp
1547
l’engagement, terme nouveau, mais dont la fortune
fut
rapide. À la veille de la guerre déjà, j’éprouvais le besoin de dénon
1548
, j’éprouvais le besoin de dénoncer l’abus qui en
était
fait, et donnais à L’Ordre nouveau (numéro du 15 juin 1938) un arti
1549
nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’
est
pas un acte commis dans le monde, depuis quatre ans qui n’ait été ver
1550
commis dans le monde, depuis quatre ans qui n’ait
été
vertement dénoncé par des « intellectuels » français. […] Pour qu’une
1551
terne : la tactique d’un parti, par exemple. Ce n’
est
pas dans l’utilisation accidentelle et partisane d’une pensée que rés
1552
ans sa volonté de le transformer. S’engager, ce n’
est
pas se mettre en location. Ce n’est pas « prêter » son nom ou son aut
1553
engager, ce n’est pas se mettre en location. Ce n’
est
pas « prêter » son nom ou son autorité. Ce n’est pas signer ici plutô
1554
’est pas « prêter » son nom ou son autorité. Ce n’
est
pas signer ici plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d’un
1555
rité. Ce n’est pas signer ici plutôt que là. Ce n’
est
pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’une tactique politique
1556
d’une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’
est
pas du tout devenir esclave d’une doctrine, mais au contraire, c’est
1557
sacrée » qui vient de souffler sur notre élite en
est
l’ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivain
1558
e hitlérienne, ont exprimé en toute clarté qu’ils
étaient
de vrais libéraux, irresponsables-nés, égarés pour un temps dans les
1559
ent » politique, et faisant amende honorable. Ils
étaient
en rupture de bercail. Voici venir le temps des vrais dangers, c’est-
1560
it rien à y changer. J’expliquais que s’engager n’
est
pas s’embrigader, n’est pas aliéner sa responsabilité personnelle ent
1561
xpliquais que s’engager n’est pas s’embrigader, n’
est
pas aliéner sa responsabilité personnelle entre les mains d’un Parti
1562
elle entre les mains d’un Parti infaillible, et n’
est
pas forcément s’inscrire « à gauche »3, mais consiste tout simplement
1563
crits, tous risques personnels compris — car il n’
est
pas de pensée innocente, de création sans sacrifice, d’incarnation sa
1564
j’ajouterai simplement que Penser avec les mains
est
un traité de la pensée engagée, et même le premier de sa sorte. VI
1565
se confond avec le choix écologique. L’écologie
est
le carrefour obligé par lequel passent toutes les options de la polit
1566
2. « Julian Beck a affirmé qu’une pièce réussie
serait
celle où le spectateur, au lieu d’applaudir, se précipiterait dans la
1567
xcusable de nos jours : car chacun voit que ce ne
sont
pas les communistes bon teint de l’Union des écrivains soviétiques qu
1568
on teint de l’Union des écrivains soviétiques qui
sont
« engagés » par leur œuvre, mais Soljenitsyne, qu’ils excluent, Sinia