1 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Avertissement
1 J’ai appelé « livres » les différentes parties de cet ouvrage, parce que chacune esquisse le contenu d’un volume de dim
2 et ouvrage, parce que chacune esquisse le contenu d’ un volume de dimensions ordinaires. Le grand nombre des faits et des t
3 parce que chacune esquisse le contenu d’un volume de dimensions ordinaires. Le grand nombre des faits et des textes cités,
4 e jeu des « leitmotive » entrelacés, risqueraient d’ égarer certains lecteurs si je ne donnais ici la clef de ma compositio
5 er certains lecteurs si je ne donnais ici la clef de ma composition. Le premier livre expose le contenu caché de la légend
6 osition. Le premier livre expose le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan. C’est une descente aux cercles suc
7 expose le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan. C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le
8 ristan. C’est une descente aux cercles successifs de la passion. Le dernier livre indique une attitude humaine diamétralem
9 ement opposée, et par là il achève la description de la passion, car on ne connaît que les choses dépassées, ou du moins c
10 ant aux livres intermédiaires : le deuxième tente de remonter aux origines religieuses du mythe, tandis que les suivants d
11 ines les plus divers : mystique, littérature, art de la guerre, morale du mariage. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’
12 art de la guerre, morale du mariage. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’amour est un prétexte assez peu convaincant, l
13 ale du mariage. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’amour est un prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’un
14 prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’ un volume aussi dense. Douteux avantage d’ailleurs : on rougirait de l
15 dense. Douteux avantage d’ailleurs : on rougirait de le partager avec tant d’auteurs à succès. Aussi me suis-je donné quel
16 ’ailleurs : on rougirait de le partager avec tant d’ auteurs à succès. Aussi me suis-je donné quelques difficultés. Je n’ai
17 Stendhal nommait l’amour-passion, mais j’ai tenté de le décrire comme un phénomène historique, d’origine proprement religi
18 enté de le décrire comme un phénomène historique, d’ origine proprement religieuse. Or les hommes, et les femmes, tolèrent
19 et les femmes, tolèrent fort bien que l’on parle d’ amour, et même ils ne s’en lassent jamais, si commun que soit le disco
20 s plaisirs, s’il devait leur en coûter la fatigue d’ une réflexion ». Il s’ensuit que ce livre montrera sa nécessité dans l
21 s la mesure où d’abord il déplaira ; et il n’aura d’ utilité que s’il convainc ceux qui auront pris conscience, en le lisan
22 en le lisant, des raisons qu’ils pouvaient avoir de le trouver d’abord déplaisant. Cette manière me vaudra bien des repro
23 n’ont jamais connu la vraie passion s’étonneront de m’y voir consacrer tout un livre. Les uns diront qu’à définir l’amour
24 voir, peut-être, ou même guérir ? ⁂ Je suis parti d’ un type de la passion telle que la vivent les Occidentaux, d’une forme
25 -être, ou même guérir ? ⁂ Je suis parti d’un type de la passion telle que la vivent les Occidentaux, d’une forme extrême,
26 e la passion telle que la vivent les Occidentaux, d’ une forme extrême, exceptionnelle en apparence : le mythe de Tristan e
27 e extrême, exceptionnelle en apparence : le mythe de Tristan et Iseut. Il nous faut ce repère fabuleux, cet exemple éclata
28 cet exemple éclatant et « banal » — comme on dit d’ un four qu’il est banal, donc unique — si nous voulons comprendre dans
29 oulons comprendre dans nos vies le sens et la fin de la passion. Il est donc entendu que j’ai simplifié. Pourquoi perdre s
30 is dogmatisé, je n’en demanderai pardon qu’à ceux de mes lecteurs qui estimeront que mes stylisations font tort au sens pr
31 raîné par mes analyses dans des domaines réservés d’ ordinaire aux « spécialistes », j’ai profité autant que je l’ai pu des
32 que je l’ai pu des travaux réputés classiques, et de quelques autres ; et si je n’en ai cité qu’un nombre assez restreint,
33 n’est pas toujours par ignorance, mais par souci de m’en tenir à l’essentiel. Les spécialistes me pardonneront-ils d’avoi
34 l’essentiel. Les spécialistes me pardonneront-ils d’ avoir tenté un effort de synthèse que toute leur formation technique c
35 istes me pardonneront-ils d’avoir tenté un effort de synthèse que toute leur formation technique condamne ? À défaut d’une
36 oute leur formation technique condamne ? À défaut d’ une science universelle qu’il faudrait plusieurs vies pour maîtriser,
37 qu’il n’était besoin, et n’ai livré qu’un résumé de mes recherches. Ce compromis m’expose à un double péril. J’aurais peu
38 l’estime des spécialistes si je n’avais pas tiré de leurs travaux des conclusions… Dans cette situation fâcheuse, il ne m
39 ion fâcheuse, il ne me reste qu’un espoir : celui d’ instruire les lectrices tout en amusant les savants. ⁂ J’ai vécu ce li
40 escence et ma jeunesse ; je l’ai conçu sous forme d’ œuvre écrite, et nourri de quelques lectures, depuis deux ans ; enfin
41 e l’ai conçu sous forme d’œuvre écrite, et nourri de quelques lectures, depuis deux ans ; enfin je l’ai rédigé en quatre m
42 ai rédigé en quatre mois. Ceci me rappelle le mot de Vernet, à propos d’un tableau qu’il vendait assez cher : « Il m’a dem
43 l vendait assez cher : « Il m’a demandé une heure de travail, et toute la vie. » D. de R. 21 juin 1938.
44 mandé une heure de travail, et toute la vie. » D. de R. 21 juin 1938.
2 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Préface à l’édition de 1956
45 Préface à l’édition de 1956 C’est à la suggestion de mon éditeur anglais — qui par une cha
46 éface à l’édition de 1956 C’est à la suggestion de mon éditeur anglais — qui par une chance dont je m’honore se trouve ê
47 m’honore se trouve être T. S. Eliot — que je dois d’ avoir entrepris la révision de cet ouvrage. Trois lustres ont passé de
48 Eliot — que je dois d’avoir entrepris la révision de cet ouvrage. Trois lustres ont passé depuis sa parution, une guerre a
49 , dans cette nouvelle version, quelques outrances de plume par quelques analyses dont je sens qu’elles aggravent mon cas.
50 de « preuves » suffisantes. Plusieurs théologiens de tradition romaine ou grecque m’ont amicalement reproché de contraster
51 ion romaine ou grecque m’ont amicalement reproché de contraster l’Éros et l’Agapè d’une manière trop irrémédiable1, et qui
52 calement reproché de contraster l’Éros et l’Agapè d’ une manière trop irrémédiable1, et qui ne laisse point de place aux fo
53 anière trop irrémédiable1, et qui ne laisse point de place aux formes de passage sans lesquelles nous ne saurions vivre. A
54 able1, et qui ne laisse point de place aux formes de passage sans lesquelles nous ne saurions vivre. Aux historiens, je ré
55 e répondrai simplement que j’étais à la recherche d’ un sens existentiel. Je ne songeais donc nullement à chasser sur leurs
56 xiie siècle, du catharisme, des troubadours, et de Tristan. C’est là le principal de cette nouvelle version. Pour ceux d
57 troubadours, et de Tristan. C’est là le principal de cette nouvelle version. Pour ceux dont la critique s’attachait au sen
58 même que j’ai cru pouvoir dégager, je suis tenté de leur donner raison sur plus d’un point : j’avais à déblayer le terrai
59 ger, je suis tenté de leur donner raison sur plus d’ un point : j’avais à déblayer le terrain, à marquer les contrastes, et
60 er le tableau. Un chapitre ajouté au livre VI, et d’ innombrables corrections de détail, témoignent, je l’espère, d’un réal
61 ajouté au livre VI, et d’innombrables corrections de détail, témoignent, je l’espère, d’un réalisme accru. Décrire le conf
62 s corrections de détail, témoignent, je l’espère, d’ un réalisme accru. Décrire le conflit nécessaire de la passion et du m
63 ’un réalisme accru. Décrire le conflit nécessaire de la passion et du mariage en Occident, tel était mon dessein central ;
64 la reste à mes yeux le vrai sujet, la vraie thèse de mon livre tel qu’il est devenu. Quant à l’actualité de ma recherche,
65 n livre tel qu’il est devenu. Quant à l’actualité de ma recherche, après la Deuxième Guerre mondiale, je ne la crois nulle
66 la fin du livre V, en particulier, l’éventualité d’ un conflit qui mettrait fin aux problèmes que j’étudiais. Cette craint
67 uis que la reporter sur les résultats prévisibles d’ une guerre atomique intercontinentale. De plus, un séjour de sept ans
68 re atomique intercontinentale. De plus, un séjour de sept ans en Amérique m’a fait voir que le mythe de la Passion — dégra
69 e sept ans en Amérique m’a fait voir que le mythe de la Passion — dégradée en simple romance — n’est pas près d’épuiser se
70 ion — dégradée en simple romance — n’est pas près d’ épuiser ses effets ; le cinéma les propage au monde entier, et les sta
71 les propage au monde entier, et les statistiques de divorce permettent d’en mesurer l’ampleur. Si notre civilisation doit
72 entier, et les statistiques de divorce permettent d’ en mesurer l’ampleur. Si notre civilisation doit subsister, il faudra
73 ’autres fondements qu’une belle fièvre. Les voies de cette révolution nous sont encore imprévisibles ; je m’en explique au
74 Mon ambition se borne à sensibiliser l’attention de mes lecteurs à la présence du mythe ; par suite, à les mettre en mesu
75 ence du mythe ; par suite, à les mettre en mesure de détecter ses radiations dans la vie comme dans l’œuvre d’art. Amener
76 ter ses radiations dans la vie comme dans l’œuvre d’ art. Amener quelques esprits à cette prise de conscience ne peut être
77 ’opèrent dans l’inconscient, elles datent en fait de leur épiphanie dans l’expression écrite, plastique ou picturale — com
78 n écrite, plastique ou picturale — comme un amour de son premier aveu. D. de R. 1. Voir en particulier le bel ouvrage du
79 icturale — comme un amour de son premier aveu. D. de R. 1. Voir en particulier le bel ouvrage du P. M. C. d’Arcy S. J.,
3 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre premier. Le mythe de Tristan
80 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache « Seigneurs, vo
81 , et ce qu’il cache « Seigneurs, vous plaît-il d’ entendre un beau conte d’amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurai
82 Seigneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’ amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage.
83 vous plaît-il d’entendre un beau conte d’amour et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. À tel point
84 Tristan de Bédier doit passer pour le type idéal de la première phrase d’un roman. C’est le trait d’un art infaillible qu
85 t passer pour le type idéal de la première phrase d’ un roman. C’est le trait d’un art infaillible qui nous jette dès le se
86 de la première phrase d’un roman. C’est le trait d’ un art infaillible qui nous jette dès le seuil du conte dans l’état pa
87 jette dès le seuil du conte dans l’état passionné d’ attente où naît l’illusion romanesque. D’où vient ce charme ? Et quell
88 assionné d’attente où naît l’illusion romanesque. D’ où vient ce charme ? Et quelles complicités cet artifice de « rhétoriq
89 t ce charme ? Et quelles complicités cet artifice de « rhétorique profonde » sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’acco
90 » sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’ amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus
91 ejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes,
92 du roman. Il est d’autres raisons, plus secrètes, d’ y voir comme une définition de la conscience occidentale… Amour et mor
93 ons, plus secrètes, d’y voir comme une définition de la conscience occidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’est
94 toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’il y a de populaire, tout ce qu’il y a d’universellement émouvant dans nos litt
95 tout ce qu’il y a de populaire, tout ce qu’il y a d’ universellement émouvant dans nos littératures ; et dans nos plus viei
96 nos plus belles chansons. L’amour heureux n’a pas d’ histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’a
97 ons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condam
98 heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie
99 ’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme
100 couple. C’est moins l’amour comblé que la passion d’ amour. Et passion signifie souffrance. Voilà le fait fondamental. Mais
101 otre éducation, dans les images qui font le décor de nos vies ; enfin le besoin d’évasion exaspéré par l’ennui mécanique,
102 s qui font le décor de nos vies ; enfin le besoin d’ évasion exaspéré par l’ennui mécanique, tout en nous et autour de nous
103 nous en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance qui transfigure, quelque chose qui se
104 e, quelque chose qui serait au-delà du bonheur et de la souffrance, une béatitude ardente. Dans « passion » nous ne senton
105 ce qui est passionnant ». Et pourtant, la passion d’ amour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont
106 nant ». Et pourtant, la passion d’amour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les mœurs n’ont g
107 ur-passion, neuf fois sur dix, à revêtir la forme de l’adultère. Et j’entends bien que les amants invoqueront tous les cas
108 ends bien que les amants invoqueront tous les cas d’ exception, mais la statistique est cruelle : elle réfute notre poésie.
109 us exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie harmonieuse ? Serrons de plus près cette contradiction, par un ef
110 illusion. Affirmer que l’amour-passion signifie, de fait, l’adultère, c’est insister sur la réalité que notre culte de l’
111 re, c’est insister sur la réalité que notre culte de l’amour masque et transfigure à la fois ; c’est mettre au jour ce que
112 our ce que ce culte dissimule, refoule, et refuse de nommer pour nous permettre un abandon ardent à ce que nous n’osions p
113 ui est la nôtre, n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la passion et le malheur à condi
114 e seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probable aussi qu’elles l’entretienne
115 , et qu’elles en tirent un répertoire inépuisable de situations comiques ou cyniques. Droit divin de la passion, psycholog
116 e de situations comiques ou cyniques. Droit divin de la passion, psychologie mondaine, succès du trio au théâtre — soit qu
117 n’est trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader
118 ent innombrable et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réali
119 e loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réalité ? Tourner la situation en mystique ou en farce,
120 ns le remords ou dans la crainte, dans le plaisir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’hommes qui ne s
121 ainte, dans le plaisir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’hommes qui ne se reconnaissent dans l’une
122 révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’ hommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catégories.
123 ommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catégories. Renoncements, compromis, ruptures, neurasthénies, con
124 neurasthénies, confusions irritantes et mesquines de rêves, d’obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheu
125 ies, confusions irritantes et mesquines de rêves, d’ obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheur humain s
126 irritantes et mesquines de rêves, d’obligations, de complaisances secrètes — la moitié du malheur humain se résume dans l
127 la moitié du malheur humain se résume dans le mot d’ adultère. Malgré toutes nos littératures — ou peut-être à cause d’elle
128 ré toutes nos littératures — ou peut-être à cause d’ elles justement — il peut sembler parfois qu’on n’ait encore rien dit
129 arfois qu’on n’ait encore rien dit sur la réalité de ce malheur. Et que certaines questions des plus naïves, en ce domain
130 , sur « quelque chose » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ? Est-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la concep
131 tourment, ou au contraire, est-ce une conception de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle rend ce lien, dès le pri
132 truit que ce qui assure « le bonheur des époux ». D’ où peut venir une telle contradiction ? Si le secret de la crise du ma
133 peut venir une telle contradiction ? Si le secret de la crise du mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous
134 t de la crise du mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amo
135 u mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’ où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ?
136 d’où nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit,
137  ? Quelle idée de l’amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.
138 amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il exist
139 Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre histoire peut-être ? 2.Le mythe Il existe un grand mythe
140 2.Le mythe Il existe un grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre ext
141 un grand mythe européen de l’adultère : le Roman de Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans l
142 Tristan et Iseut. Au travers du désordre extrême de nos mœurs, dans la confusion des morales et des immoralismes qui en v
143 ralismes qui en vivent, aux moments les plus purs d’ un drame, il arrive qu’on voie transparaître en filigrane cette forme
144 e. Comme une grande image simple, comme une sorte de type primitif de nos tourments les plus complexes. Et de même que pou
145 de image simple, comme une sorte de type primitif de nos tourments les plus complexes. Et de même que pour se tirer des co
146 exes. Et de même que pour se tirer des confusions de notre langue, les poètes ont coutume de rapporter les mots à leurs or
147 onfusions de notre langue, les poètes ont coutume de rapporter les mots à leurs origines lointaines, c’est-à-dire à la cho
148 oudrais rapporter à ce mythe certaines confusions de nos mœurs. Étymologie des passions, moins décevante que celle des mot
149 ais d’abord, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son cha
150 dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que d’ essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est s
151 s, n’est-ce pas détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’
152 n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’ irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une pui
153 us à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’ illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une puissance trop inc
154 ythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi nous une puissance trop incontestable. Mais
155 it du mot oblige à le redéfinir. On pourrait dire d’ une manière générale qu’un mythe est une histoire, une fable symboliqu
156 e, simple et frappante, résumant un nombre infini de situations plus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’un co
157 tuations plus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’un coup d’œil certains types de relations constantes, et de
158 lus ou moins analogues. Le mythe permet de saisir d’ un coup d’œil certains types de relations constantes, et de les dégage
159 e permet de saisir d’un coup d’œil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences qu
160 d’œil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes. Dans un sens plu
161 ens plus étroit, les mythes traduisent les règles de conduite d’un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élé
162 oit, les mythes traduisent les règles de conduite d’ un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élément sacré a
163 un groupe social ou religieux. Ils procèdent donc de l’élément sacré autour duquel s’est constitué le groupe. (Récits symb
164 el s’est constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des dieux, légendes expliquant les sacrifices ou
165 titué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des dieux, légendes expliquant les sacrifices ou l’origine de
166 etc.) On l’a remarqué souvent : un mythe n’a pas d’ auteur. Son origine doit être obscure. Et son sens même l’est en parti
167 e. Il se présente comme l’expression tout anonyme de réalités collectives, ou plus exactement : communes. L’œuvre d’art — 
168 mythe. Sa valeur ne relève en effet que du talent de son créateur. Ce qui importe en elle, c’est justement ce qui n’import
169 , ou sa « vraisemblance », et toutes ses qualités de réussite singulière (originalité, habileté, style, etc.). Mais le ca
170 mme telle, n’a pas à proprement parler un pouvoir de contrainte sur le public. Si belle et puissante qu’elle soit, on peut
171 ut au moins, la rend inefficace. Or je me propose d’ envisager Tristan non point comme œuvre littéraire, mais comme type de
172 e œuvre littéraire, mais comme type des relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : l’élite soci
173 aire, mais comme type des relations de l’homme et de la femme dans un groupe historique donné : l’élite sociale, la sociét
174 l’élite sociale, la société courtoise et pénétrée de chevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce groupe est à vrai dire di
175 ngtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres d’ une manière secrète et diffuse. Profanées et reniées par nos codes off
176 iées par nos codes officiels, elles sont devenues d’ autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos
177 d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan
178 s de pouvoir que sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord
179 ue sur nos rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l
180 . ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur — à supp
181 ui nous restent sont des remaniements artistiques d’ un archétype dont on n’a pu trouver la moindre trace. Un autre aspect
182 rouver la moindre trace. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan, c’est l’élément sacré qu’elle utilise (Appendi
183 dre trace. Un autre aspect mythique de la légende de Tristan, c’est l’élément sacré qu’elle utilise (Appendice 1). Le prog
184 t sacré qu’elle utilise (Appendice 1). Le progrès de l’action, et les effets qu’elle devait exercer sur l’auditeur, dépend
185 une certaine mesure (que nous aurons à préciser) d’ un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume
186 mesure (que nous aurons à préciser) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevaler
187 ous aurons à préciser) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevalerie médiévale.
188 s et de cérémonies qui n’est autre que la coutume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie furent souve
189 ume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie furent souvent appelés « religions ». Chastellain, chroniq
190 t appelés « religions ». Chastellain, chroniqueur de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’or (dernier en date)
191 chroniqueur de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’or (dernier en date), et il en parle comme d’un mystère s
192 de la Bourgogne, nomme ainsi l’ordre de la Toison d’ or (dernier en date), et il en parle comme d’un mystère sacré, en un s
193 ison d’or (dernier en date), et il en parle comme d’ un mystère sacré, en un siècle où pourtant la chevalerie n’était plus
194 ne survivance (Appendice 2). Enfin la nature même de l’obscurité que nous découvrirons dans la légende, dénote sa parenté
195 é du mythe en général ne réside pas dans sa forme d’ expression. (Ce serait ici le langage du poème : or on sait qu’il est
196 s plus simples.) Elle tient d’une part au mystère de son origine, et d’autre part à l’importance vitale des faits que le m
197 oustraire à la critique, il n’y aurait pas besoin de mythe. On pourrait se contenter d’une loi, d’un traité de morale, ou
198 ait pas besoin de mythe. On pourrait se contenter d’ une loi, d’un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rô
199 oin de mythe. On pourrait se contenter d’une loi, d’ un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résum
200 . On pourrait se contenter d’une loi, d’un traité de morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechn
201 ntenter d’une loi, d’un traité de morale, ou même d’ une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de myth
202 morale, ou même d’une historiette jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en
203 te jouant le rôle de résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les e
204 technique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste o
205 qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste ou directe. Au contraire, le myt
206 le de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’ une manière manifeste ou directe. Au contraire, le mythe paraît lorsqu
207 e paraît lorsqu’il serait dangereux ou impossible d’ avouer clairement un certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou
208 impossible d’avouer clairement un certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou de relations affectives, que l’on tien
209 certain nombre de faits sociaux ou religieux, ou de relations affectives, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il
210 nt cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemple, pour expri
211 impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemple, pour exprimer les vérités de la science : nous l
212 de mythes, par exemple, pour exprimer les vérités de la science : nous les considérons en effet d’une manière parfaitement
213 tés de la science : nous les considérons en effet d’ une manière parfaitement « profane », et elles ont donc tout à gagner
214 la critique individuelle. Mais nous avons besoin d’ un mythe pour exprimer le fait obscur et inavouable que la passion est
215 aîne la destruction pour ceux qui s’y abandonnent de toutes leurs forces. C’est que nous voulons sauver cette passion, et
216 ent. L’obscurité du mythe nous met donc en mesure d’ accueillir son contenu déguisé et d’en jouir par l’imagination, sans e
217 onc en mesure d’accueillir son contenu déguisé et d’ en jouir par l’imagination, sans en prendre toutefois une conscience a
218 a contradiction. Ainsi se trouvent mises à l’abri de la critique certaines réalités humaines que nous sentons ou pressento
219 l les voile aussi dans la mesure où le grand jour de la raison les menacerait2. ⁂ D’origine inconnue ou mal connue — de ca
220 où le grand jour de la raison les menacerait2. ⁂ D’ origine inconnue ou mal connue — de caractère primitivement sacré — vo
221 menacerait2. ⁂ D’origine inconnue ou mal connue —  de caractère primitivement sacré — voilant le secret qu’il exprime, le r
222 oilant le secret qu’il exprime, le roman mythique de Tristan posséderait-il au même degré les qualités contraignantes d’un
223 rait-il au même degré les qualités contraignantes d’ un vrai mythe ? Cette question ne peut être esquivée. Elle nous porte
224 esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Précisons que les règles chevaleresques qui jouaient b
225 qui jouaient bel et bien au xiiie siècle un rôle de contrainte absolue, n’interviennent dans le roman qu’à titre d’obstac
226 absolue, n’interviennent dans le roman qu’à titre d’ obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, l
227 t dans le roman qu’à titre d’obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, la fable n’aurait pas tr
228 titre d’obstacle mythique et de figures rituelles de rhétorique. Sans elles, la fable n’aurait pas trouvé ses prétextes à
229 r que ces « cérémonies » sociales sont des moyens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passion. Le mot « co
230 « contenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de l
231 end ici toute sa force : la passion de Tristan et d’ Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie.
232 eut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est à cette condition seulement qu’elle pourra s’exp
233 t donc que les groupes constitués soient capables de lui opposer une structure fortement charpentée, pour qu’elle trouve l
234 tement charpentée, pour qu’elle trouve l’occasion de s’extérioriser sans causer les pires dégâts. Que, par la suite, le li
235 ou que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’ être un mythe au sens strict. Mais ce qu’il aura perdu en force contra
236 il aura perdu en force contraignante et en moyens de se communiquer sous une forme voilée et admissible, il le retrouvera
237 re que la chevalerie, même sous sa forme profanée de savoir-vivre — les usages qu’il faut observer si l’on veut être un ge
238 quotidienne, envahira le subconscient, appellera de nouvelles contraintes, se les inventera au besoin… Car nous verrons q
239 nous verrons que ce n’est pas seulement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombre passion qui exige un aveu
240 ement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombre passion qui exige un aveu masqué. Le mythe, au sens strict
241 e période où les élites faisaient un vaste effort de mise en ordre sociale et morale. Il s’agissait de « contenir », préci
242 de mise en ordre sociale et morale. Il s’agissait de « contenir », précisément, les poussées de l’instinct destructeur : c
243 issait de « contenir », précisément, les poussées de l’instinct destructeur : car la religion, en l’attaquant, l’exaspérai
244 ait. Les chroniqueurs, les sermons et les satires de ce siècle nous révèlent qu’il connut une première « crise du mariage 
245 le appelait une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’ex
246 tion vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer en satisfacti
247 s. Elle est toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujours à provoquer, de la part de la société,
248 art de la société, une mise en ordre équivalente. D’ où la permanence historique non point du mythe sous sa forme première,
249 e non point du mythe sous sa forme première, mais de l’exigence mythique à laquelle répondait le Roman. Élargissant notre
250 us appellerons mythe, désormais, cette permanence d’ un type de relations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tris
251 rons mythe, désormais, cette permanence d’un type de relations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Ise
252 lations et des réactions qu’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomè
253 qu’il illustre, et dont l’influence n’a pas cessé de s’étendre jusqu’à nos jours. Passion de la nature obscure, dynamisme
254 pas cessé de s’étendre jusqu’à nos jours. Passion de la nature obscure, dynamisme excité par l’esprit, possibilité préform
255 ar l’esprit, possibilité préformée à la recherche d’ une contrainte qui l’exalte, charme, terreur ou idéal : tel est le myt
256 arle Nietzsche. 3.Actualité du mythe ; raisons de notre analyse Nul besoin d’avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui
257 du mythe ; raisons de notre analyse Nul besoin d’ avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’avoir enten
258 besoin d’avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la v
259 u le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d’ avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l’
260 ou celui de M. Bédier, ni d’avoir entendu l’opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l’empire nostalgique d’un
261 ubir dans la vie quotidienne l’empire nostalgique d’ un tel mythe. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos fil
262 he. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leurs succès auprès des masses, dans les complaisance
263 poètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d’ amours miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée com
264 rophe, et non point comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était
265 oint comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était le philtre du
266 d sur l’homme impuissant et ravi pour le consumer d’ un feu pur ; et qu’il est plus fort et plus vrai que le bonheur, la so
267 i que le bonheur, la société et la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette
268 e du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se firent les prêtres
269 ècle passé se firent les prêtres et les inspirés. De cette influence et de sa nature mythique, la preuve est d’ailleurs im
270 es prêtres et les inspirés. De cette influence et de sa nature mythique, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous ser
271 nance du lecteur à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que
272 timera que je commets un « sacrilège » en tentant de l’analyser. Certes, ce reproche de sacrilège revêt alors un sens bien
273 e » en tentant de l’analyser. Certes, ce reproche de sacrilège revêt alors un sens bien anodin, si l’on songe qu’il se tra
274 nce obscure et déprimée. Je ne courrai donc guère d’ autre risque que celui de voir le lecteur fermer le volume à cette pag
275 Je ne courrai donc guère d’autre risque que celui de voir le lecteur fermer le volume à cette page. (Et certes, le sens in
276 ume à cette page. (Et certes, le sens inconscient d’ un tel geste n’est rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant
277 ’un tel geste n’est rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant il demeure sans effet). Mais si tu m’épargnes, ô l
278 nt sacrée pour toi ? Ou simplement que les hommes d’ aujourd’hui ne sont pas moins débiles dans leurs passions que dans leu
279 débiles dans leurs passions que dans leurs gestes de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, où sera le courage que l’o
280 s que dans leurs gestes de réprobation ? À défaut d’ ennemis déclarés, où sera le courage que l’on réclame des écrivains ?
281 me éprouvé du dépit à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La for
282 dépit à voir l’un des commentateurs de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans
283 de la légende de Tristan la définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute exacte, si l’on se borne à co
284 on soutenir que la faute morale est le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne serait-il qu’un opé
285 n de Wagner par exemple, ne serait-il qu’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’est-ce que cela ? Un vilain mot 
286 , n’est-ce que cela ? Un vilain mot ? Une rupture de contrat ? C’est cela aussi, ce n’est que cela dans trop de cas ; mais
287 t ? C’est cela aussi, ce n’est que cela dans trop de cas ; mais c’est souvent bien davantage : une atmosphère tragique et
288 lème s’élargit magnifiquement — et mon cas empire d’ autant. Je dirai mes raisons de persévérer, et l’on jugera si elles so
289  et mon cas empire d’autant. Je dirai mes raisons de persévérer, et l’on jugera si elles sont diaboliques. La première est
290 La première est que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèle plus exténuant que les mor
291 lus exténuant que les morales anciennes. Le culte de l’amour-passion s’est tellement démocratisé qu’il perd ses vertus est
292 sé qu’il perd ses vertus esthétiques et sa valeur de tragédie spirituelle. Reste une confuse et diffuse souffrance, quelqu
293 une confuse et diffuse souffrance, quelque chose d’ impur et de triste, dont il me semble qu’on ne perdra rien à profaner
294 e et diffuse souffrance, quelque chose d’impur et de triste, dont il me semble qu’on ne perdra rien à profaner les causes
295 les causes faussement sacrées : cette littérature de la passion, cette publicité qu’on lui fait, cette « vogue » d’allure
296 , cette publicité qu’on lui fait, cette « vogue » d’ allure commerciale de ce qui fut un secret religieux… Il faut s’attaqu
297 on lui fait, cette « vogue » d’allure commerciale de ce qui fut un secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût-c
298 t cela, fût-ce même pour sauver le mythe des abus de son extrême vulgarisation. Et tant pis pour le sacrilège. La poésie a
299 e a d’autres chances. Ma seconde raison n’est pas d’ un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût
300 ances. Ma seconde raison n’est pas d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût d’y voir clair
301 s d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’ un homme qui a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie
302 auté, même maudite, mais d’un homme qui a le goût d’ y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses cont
303 te, mais d’un homme qui a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je
304 i a le goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de
305 ’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’e
306 air, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il p
307 ie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre con
308 m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion présente. C’est qu’il pe
309 , c’est qu’il permet de dégager une raison simple de notre confusion présente. C’est qu’il permet aussi de formuler certai
310 otre confusion présente. C’est qu’il permet aussi de formuler certaines relations permanentes noyées sous les vulgarités m
311 ermanentes noyées sous les vulgarités minutieuses de nos psychologies. C’est enfin qu’il permet de mettre à nu certain dil
312 ses de nos psychologies. C’est enfin qu’il permet de mettre à nu certain dilemme dont notre vie hâtive, notre culture et l
313 dont notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dr
314 culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de la passion
315 faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de la passion dans sa violence primitive et sacrée, dans sa pureté monum
316 vaillamment entre la Norme du Jour et la Passion de la Nuit ; dresser cette figure de la Mort des Amants qu’exalte l’ango
317 r et la Passion de la Nuit ; dresser cette figure de la Mort des Amants qu’exalte l’angoissant et vampirique crescendo du
318 angoissant et vampirique crescendo du second acte de Wagner, tel est le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il
319 u second acte de Wagner, tel est le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’est d’amener un lecteu
320 et ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’est d’ amener un lecteur au seuil du choix : « J’ai voulu cela ! » ou bien :
321 suis pas sûr que la conscience claire soit utile d’ une manière générale, et en soi. Ni que les vérités utiles soient avou
322 sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à nous autres Occi
323 ’en demeure pas moins, à nous autres Occidentaux, de devenir de plus en plus conscients des illusions dont nous vivons. Et
324 fonction du philosophe, du moraliste, du créateur de formes idéales, est simplement d’accroître la conscience, donc la mau
325 te, du créateur de formes idéales, est simplement d’ accroître la conscience, donc la mauvaise conscience des hommes. Qui s
326 ù cela peut nous mener ? Là-dessus, il est temps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite est sans d
327 ps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite est sans doute une certaine froideur avec laquelle nous l
328 ds et aveugles aux « charmes » du récit, essayons de résumer « objectivement » les faits qu’il nous rapporte et les raison
329 qu’il en propose, ou qu’il omet très curieusement de nous indiquer. 4.Le contenu manifeste du Roman de Tristan3 Amo
330 nous indiquer. 4.Le contenu manifeste du Roman de Tristan3 Amors par force vos demeine ! Béroul. Tristan naît d
331 a mère Blanchefleur ne survit pas à sa naissance. D’ où le nom du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel d’orage qu
332 aissance. D’où le nom du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel d’orage qui couvre la légende. Le roi Marc de Corn
333 du héros, la couleur sombre de sa vie, et le ciel d’ orage qui couvre la légende. Le roi Marc de Cornouailles, frère de Bla
334 e. Première prouesse ou performance : la victoire de Tristan sur le Morholt. Ce géant irlandais vient, comme le Minotaure,
335 dais vient, comme le Minotaure, exiger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la p
336 Minotaure, exiger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le comb
337 ger son tribut de jeunes filles ou de jeunes gens de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au momen
338 ns de Cornouailles. Tristan obtient la permission de le combattre, au moment où il pourrait être armé chevalier, donc peu
339 en a reçu un coup d’épée empoisonnée. Sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans un bateau sa
340 t le sauver. Mais le géant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origin
341 frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’ avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, princesse royale, le so
342 istan se garde-t-il d’avouer son nom et l’origine de son mal. Iseut, princesse royale, le soigne et le guérit. C’est le Pr
343 ue. Quelques années plus tard, le roi Marc décide d’ épouser la femme dont un oiseau lui apporta un cheveu d’or. C’est Tris
344 ser la femme dont un oiseau lui apporta un cheveu d’ or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempê
345 u d’or. C’est Tristan qu’il envoie à la « quête » de l’inconnue. Une tempête rejette le héros vers l’Irlande. Là, il comba
346 ui menaçait la capitale. (C’est le motif consacré de la vierge délivrée par un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tris
347 couvre que le blessé n’est autre que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans so
348 que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la m
349 on oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et menace de le tuer dans son bain. Alors, il lui révèle la mission dont le roi Ma
350 ) Tristan et la princesse voguent vers les terres de Marc. En haute mer, le vent tombe, la chaleur est pesante. Ils ont so
351 . Ils le boivent. Les voici entrés dans les voies d’ une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leurs vies, car ils
352 d’une destinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leurs vies, car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Ils s’av
353 erbez : La mere Yseut, qui le bollit, A trois anz d’ amistié le fist. Thomas, imbu de fine psychologie, et plein de méfian
354 lit, A trois anz d’amistié le fist. Thomas, imbu de fine psychologie, et plein de méfiance pour le merveilleux, qu’il jug
355 fist. Thomas, imbu de fine psychologie, et plein de méfiance pour le merveilleux, qu’il juge grossier, réduit autant que
356 ible l’importance du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scèn
357 nce du philtre, et présente l’amour de Tristan et d’ Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la scène du bain. Eil
358 nt des barons « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvell
359 « félons » dénoncent au roi l’amour de Tristan et d’ Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène
360 n et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’ une nouvelle ruse (scène du verger), il convainc Marc de son innocence
361 nouvelle ruse (scène du verger), il convainc Marc de son innocence et revient à la cour. Le nain Frocine, complice des bar
362 re les amants et leur tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan
363 r tend un piège. Entre le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé
364 e le lit de Tristan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’une nouvelle missio
365 istan et celui de la reine, il sème de la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’une nouvelle mission, veut rejoin
366 e la « fleur de blé ». Tristan, que Marc a chargé d’ une nouvelle mission, veut rejoindre une dernière fois son amie, penda
367 ndant la nuit qui précède son départ. Il franchit d’ un saut l’espace qui sépare les deux lits. Mais une blessure récente q
368 irruption dans le dortoir. Ils voient des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Is
369 rtoir. Ils voient des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une
370 des traces de sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux
371 e est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle)
372 eux et Tristan condamné à mort. Il s’évade (scène de la chapelle). Il délivre Iseut, et avec elle s’enfonce dans la forêt
373 livre Iseut, et avec elle s’enfonce dans la forêt de Morois. Trois ans durant, ils y mènent une vie « aspre et dure ». Un
374 on épée nue. Ému par ce qu’il prend pour un signe de chasteté, le roi les épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de
375 les épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans écoulés, l
376 royale. Les trois ans écoulés, le philtre cesse d’ agir (selon Béroul et l’ancêtre commun des cinq versions). Alors seule
377 grin, par l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les amants se séparent à
378 he du cortège royal. Iseut supplie encore Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la trait
379 qu’elle rejoindra le chevalier au premier signal de sa part, et sans que rien puisse la retenir, « ni tour, ni mur, ni fo
380 ins. Mais les barons félons veillent sur la vertu de la reine. Celle-ci demande et obtient un « jugement de Dieu » pour pr
381 reine. Celle-ci demande et obtient un « jugement de Dieu » pour prouver son innocence. Grâce à un subterfuge, elle triomp
382 n innocence. Grâce à un subterfuge, elle triomphe de l’épreuve : avant de saisir le fer rouge qui laisse intacte la main d
383 de saisir le fer rouge qui laisse intacte la main de qui n’a pas menti, elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’aucun
384 menti, elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’ aucun homme, hors ceux du roi son maître et du manant qui vient de l’a
385 tre et du manant qui vient de l’aider à descendre de sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventu
386 sa barque. Le manant, c’est Tristan déguisé… Mais de nouvelles aventures entraînent au loin le chevalier. Il croit que la
387 loin le chevalier. Il croit que la reine a cessé de l’aimer. C’est alors qu’il consent à épouser, au-delà de la mer, « po
388 mer. C’est alors qu’il consent à épouser, au-delà de la mer, « pour son nom et pour sa beauté »4 une autre Iseut, l’Iseut
389 , et son vaisseau arbore une voile blanche, signe d’ espoir. Iseut aux blanches mains guettait son arrivée. Tourmentée par
390 ourmentée par la jalousie, elle s’en vient au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut l
391 cet instant, monte au château, embrasse le corps de son amant, et meurt. 5.Énigmes Résumé de la sorte, et tout « ch
392 ps de son amant, et meurt. 5.Énigmes Résumé de la sorte, et tout « charme » détruit, à considérer froidement le plus
393 it que sa donnée ni son progrès ne sont dépourvus d’ équivoque. J’ai passé quantité d’épisodes accessoires, mais aucun des
394 e sont dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’ épisodes accessoires, mais aucun des motifs allégués de l’action centr
395 sodes accessoires, mais aucun des motifs allégués de l’action centrale du Roman. Et je les ai même soulignés. On a pu voir
396 années dans la forêt, parce que le philtre cesse d’ agir ; — Tristan épouse Iseut aux blanches mains « pour son nom et pou
397 « raisons » mises à part — nous aurons l’occasion d’ y revenir — on s’aperçoit que le Roman repose sur une série de contrad
398 — on s’aperçoit que le Roman repose sur une série de contradictions énigmatiques. Une première remarque m’a frappé, faite
399 é, faite en passant par l’un des éditeurs récents de la légende : tout au long du Roman, Tristan paraît physiquement supér
400 ucune force extérieure ne saurait donc l’empêcher d’ enlever Iseut et d’obéir à son destin. Les mœurs du temps sanctionnent
401 ure ne saurait donc l’empêcher d’enlever Iseut et d’ obéir à son destin. Les mœurs du temps sanctionnent le droit du plus f
402 oindre scrupule ; et surtout s’il s’agit du droit d’ un homme sur une femme : c’est l’enjeu habituel des tournois. Pourquoi
403 uel des tournois. Pourquoi Tristan n’use-t-il pas de ce droit ? Mise en éveil par cette première question, notre méfiance
404 non moins curieuses et obscures. Pourquoi l’épée de chasteté entre les corps dans la forêt ? Les amants ont déjà péché ;
405 forêt ? Les amants ont déjà péché ; ils refusent de se repentir, à ce moment-là ; enfin ils ne prévoient nullement que le
406 ans les différentes versions, qui donne la raison de cet acte5. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et cela même da
407 ela même dans les versions où le philtre continue d’ agir ? Si, comme certains le disent, c’est une repentance sincère qui
408 motive la séparation, pourquoi se promettent-ils de se revoir au moment même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tr
409 -ils de se revoir au moment même où ils acceptent de se quitter ? Pourquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de n
410 urquoi Tristan s’éloigne-t-il ensuite pour courir de nouvelles aventures, alors qu’ils ont un rendez-vous dans la forêt ?
411 oi la reine coupable propose-t-elle un « jugement de Dieu » ? Elle sait bien que cette épreuve doit la perdre. Elle n’en t
412 pposerait à son retour auprès du roi, donc auprès d’ Iseut… D’autre part, n’est-il pas fort étrange que les poètes du xiie
413 es du xiie siècle, si exigeants dès qu’il s’agit d’ honneur, de fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de comme
414 siècle, si exigeants dès qu’il s’agit d’honneur, de fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de commentaire tant
415 fidélité au suzerain, laissent passer sans un mot de commentaire tant d’actions aussi peu défendables ? Comment peuvent-il
416 , laissent passer sans un mot de commentaire tant d’ actions aussi peu défendables ? Comment peuvent-ils nous présenter tel
417 Comment peuvent-ils nous présenter tel un modèle de chevalerie ce Tristan qui a trompé son roi par les ruses les plus cyn
418 de « félons » les barons qui défendent l’honneur de Marc ? Même si la jalousie meut ces barons, ils n’ont du moins ni men
419 moins ni menti ni trompé, et ce n’est pas le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares mot
420 s le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même des rares motifs allégués. En effet, si la morale de l
421 des rares motifs allégués. En effet, si la morale de la fidélité au suzerain exige que Tristan livre à Marc la fiancée qu’
422 ancée qu’il alla quérir — et qu’il avait conquise de plein droit pour lui-même en la délivrant du dragon, comme ne manque
423 me en la délivrant du dragon, comme ne manque pas de le souligner Thomas — on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupul
424 as de le souligner Thomas — on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupules sont bien tardifs et peu sincères, puisque T
425 bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre qui ce
426 an n’a de cesse qu’il ne rentre à la cour, auprès d’ Iseut… Et ce philtre qui cesse d’agir, n’était-il pas destiné aux épou
427 la cour, auprès d’Iseut… Et ce philtre qui cesse d’ agir, n’était-il pas destiné aux époux ? Alors, pourquoi limiter sa du
428 durée ? Trois ans, ce n’est guère pour le bonheur d’ un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Iseut « pour son nom et pou
429 ieuse, et qu’il se met dans une situation qui n’a d’ autre issue que la mort ? 6.Chevalerie contre Mariage Un moderne
430 ontre Mariage Un moderne commentateur du Roman de Tristan et Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’amour et
431 t le devoir ». Cette interprétation classique est d’ un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle paraît
432 st d’un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle paraît ignorer l’un de ces faits dont l’envergure éch
433 elle abuse de Corneille, elle paraît ignorer l’un de ces faits dont l’envergure échappe souvent aux prises de l’érudition
434 faits dont l’envergure échappe souvent aux prises de l’érudition scrupuleuse. Je veux parler de l’opposition qui se manife
435 prises de l’érudition scrupuleuse. Je veux parler de l’opposition qui se manifeste dès la seconde moitié du xiie siècle e
436 es premiers auteurs qui en parlent ont l’habitude de déplorer sa décadence : mais ils oublient que, telle qu’ils la souhai
437 à peine de naître dans leurs rêves. N’est-il pas de l’essence d’un idéal que l’on déplore sa décadence à l’instant même o
438 aître dans leurs rêves. N’est-il pas de l’essence d’ un idéal que l’on déplore sa décadence à l’instant même où il essaie m
439 ence à l’instant même où il essaie maladroitement de se réaliser ? D’autre part, la chance du roman n’est-elle pas d’oppos
440 ? D’autre part, la chance du roman n’est-elle pas d’ opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités tyranniques 
441 ance du roman n’est-elle pas d’opposer la fiction d’ un certain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme q
442 -elle pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme que nous pose le Rom
443 tain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’ une énigme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté le
444 gme que nous pose le Roman nous incite à chercher de ce côté les éléments d’une première solution. Si l’on admet que l’ave
445 an nous incite à chercher de ce côté les éléments d’ une première solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait
446 e première solution. Si l’on admet que l’aventure de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de l
447 e de Tristan devait servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devo
448 servir à illustrer le conflit de la chevalerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’
449 alerie et de la société féodale — donc le conflit de deux devoirs ou même, nous l’avons vu page 21, le conflit de deux « r
450 oirs ou même, nous l’avons vu page 21, le conflit de deux « religions » —, l’on s’aperçoit que bien des épisodes s’éclaire
451 tes les difficultés, elle en repousse la solution d’ une manière significative. En quoi le roman breton se distingue-t-il d
452 cative. En quoi le roman breton se distingue-t-il de la chanson de geste, qu’il supplanta dès la seconde moitié du xiie s
453 i le roman breton se distingue-t-il de la chanson de geste, qu’il supplanta dès la seconde moitié du xiie siècle avec une
454 le troubadour méridional, se reconnaît le vassal d’ une Dame élue. Mais en fait, il demeure le vassal d’un seigneur. D’où
455 une Dame élue. Mais en fait, il demeure le vassal d’ un seigneur. D’où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre
456 Mais en fait, il demeure le vassal d’un seigneur. D’ où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’un exemp
457 vassal d’un seigneur. D’où naîtront des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’un exemple. Reprenons l’épisode des
458 t des conflits de droit, dont le Roman offre plus d’ un exemple. Reprenons l’épisode des trois barons « félons ». Selon la
459 ns ». Selon la morale féodale, le vassal est tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : il e
460  » et loyaux. Et si l’auteur les traite cependant de félons, c’est en vertu d’un autre code évidemment, qui ne peut être q
461 autre code évidemment, qui ne peut être que celui de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de la Gascogne e
462 i de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’ amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les
463 chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets
464 connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour courtois. Ce seul exemple suffirait à démontrer que les auteu
465 le droit féodal. Mais nous avons d’autres raisons de le croire. La conception de la fidélité et du mariage, selon l’amour
466 vons d’autres raisons de le croire. La conception de la fidélité et du mariage, selon l’amour courtois, est seule capable
467 ariage, selon l’amour courtois, est seule capable d’ expliquer certaines contradictions frappantes du récit. Selon la thèse
468 se officiellement admise, l’amour courtois est né d’ une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodales. On sait que le m
469 nu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir, et d’annexer des terres données en dot ou espérées en hér
470 urs une pure et simple occasion de s’enrichir, et d’ annexer des terres données en dot ou espérées en héritage. Quand l’« a
471 tournait mal, on répudiait sa femme. Le prétexte de l’inceste, curieusement exploité, trouvait l’Église sans résistance :
472 trouvait l’Église sans résistance : il suffisait d’ alléguer sans trop de preuves une parenté au quatrième degré, pour obt
473 ns résistance : il suffisait d’alléguer sans trop de preuves une parenté au quatrième degré, pour obtenir l’annulation. À
474 our obtenir l’annulation. À ces abus, générateurs de querelles infinies et de guerres, l’amour courtois oppose une fidélit
475 À ces abus, générateurs de querelles infinies et de guerres, l’amour courtois oppose une fidélité indépendante du mariage
476 e sont pas compatibles : c’est le fameux jugement d’ une cour d’amour tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) S
477 compatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’ amour tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan,
478 et l’auteur du Roman, partagent une telle manière de voir, la félonie et l’adultère sont excusés, et plus qu’excusés, magn
479 élité à la loi supérieure du donnoi, c’est-à-dire de l’amour courtois. (Donnoi, ou domnei en provençal, désigne la relatio
480 nnoi, ou domnei en provençal, désigne la relation de vasselage institué entre l’amant-chevalier et sa Dame, ou domina.) Fi
481 e, on l’a vu. Le Roman ne manque pas une occasion de rabaisser l’institution sociale, d’humilier le mari — roi aux oreille
482 une occasion de rabaisser l’institution sociale, d’ humilier le mari — roi aux oreilles de cheval, toujours si facilement
483 on sociale, d’humilier le mari — roi aux oreilles de cheval, toujours si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceu
484 illes de cheval, toujours si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceux qui s’aiment hors du mariage et contre lui
485 urs si facilement dupé — et de glorifier la vertu de ceux qui s’aiment hors du mariage et contre lui. Mais cette fidélité
486 pose, autant qu’au mariage, à la « satisfaction » de l’amour. « Il ne sait de donnoi vraiment rien, celui qui désire l’ent
487 e, à la « satisfaction » de l’amour. « Il ne sait de donnoi vraiment rien, celui qui désire l’entière possession de sa dam
488 iment rien, celui qui désire l’entière possession de sa dame. Cela n’est plus amour, qui tourne à réalité. »7 Voilà qui no
489 urne à réalité. »7 Voilà qui nous met sur la voie d’ une première explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chastet
490 i nous met sur la voie d’une première explication d’ épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son
491 une première explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son mari après la retraite da
492 re explication d’épisodes tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’Iseut à son mari après la retraite dans le Moro
493 es tels que ceux de l’épée de chasteté, du retour d’ Iseut à son mari après la retraite dans le Morois, ou même du mariage
494 retraite dans le Morois, ou même du mariage blanc de Tristan. En effet, le « droit de la passion », au sens où l’entendent
495 du mariage blanc de Tristan. En effet, le « droit de la passion », au sens où l’entendent les modernes, permettrait à Tris
496 ù l’entendent les modernes, permettrait à Tristan d’ enlever Iseut, après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livre à
497 Cependant il la livre à Marc : c’est que la règle de l’amour courtois s’oppose à ce qu’une telle passion « tourne à réalit
498 , c’est-à-dire aboutisse à l’« entière possession de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’observer la fidélité
499 de sa dame ». Tristan choisira donc, dans ce cas, d’ observer la fidélité féodale, masque et complice énigmatique de la fid
500 fidélité féodale, masque et complice énigmatique de la fidélité courtoise. Il choisit en toute liberté, car nous avons ma
501 e plan féodal qu’il adopte, faire valoir le droit de la force… Étrange amour, va-t-on penser, qui se conforme aux lois qui
502 s qui le condamnent, afin de mieux se conserver ! D’ où peut venir cette préférence pour ce qui entrave la passion, pour ce
503 st pas encore répondre sur le fond, car il s’agit de savoir pourquoi l’on préfère cet amour à l’autre, à celui qui se « ré
504 t vraisemblable, que le Roman illustre un conflit de « religions », nous avons pu préciser et cerner les principales diffi
505 pu préciser et cerner les principales difficultés de l’intrigue : mais en fin de compte, la solution se trouve simplement
506 our du roman Si l’on se reporte à notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’être frappé de ce fait : les deux lo
507 à notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’ être frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie
508 é de la légende, on ne peut manquer d’être frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie et morale féod
509 es seules situations où elles permettent au roman de rebondir 8. Cette remarque à son tour ne saurait constituer par elle-
510 nstituer par elle-même une explication. À chacune de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses s
511 une de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses se passent ainsi parce qu’autrement il n’y aura
512 ssent ainsi parce qu’autrement il n’y aurait plus de roman. Mais cette réponse ne paraît convaincante qu’en vertu d’une co
513 convaincante qu’en vertu d’une coutume paresseuse de notre critique littéraire. En vérité, elle ne répond à rien. Elle nou
514 t pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème — et sa portée dépasse sans aucun doute le cas parti
515 ortée dépasse sans aucun doute le cas particulier de notre mythe. Pour qui se place, par un effort d’abstraction, à l’exté
516 de notre mythe. Pour qui se place, par un effort d’ abstraction, à l’extérieur du phénomène commun au romancier et au lect
517 aît qu’une convention tacite, ou mieux, une sorte de complicité les lie : la volonté que le roman continue, ou comme on di
518 ndisse. Supprimez cette volonté, il n’y aura plus de vraisemblance qui tienne : c’est ce qui se passe dans le cas de l’His
519 ce qui tienne : c’est ce qui se passe dans le cas de l’Histoire scientifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux » sera d’
520 ns le cas de l’Histoire scientifique. (Le lecteur d’ un ouvrage « sérieux » sera d’autant plus exigeant qu’il sait que le d
521 ifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux » sera d’ autant plus exigeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doit d
522 que le déroulement des faits ne doit dépendre ni de son désir ni des fantaisies de l’auteur.) Supposez au contraire cette
523 e doit dépendre ni de son désir ni des fantaisies de l’auteur.) Supposez au contraire cette volonté toute pure, il n’y aur
524 traire cette volonté toute pure, il n’y aura plus d’ invraisemblance possible : c’est le cas du conte. Entre ces deux extrê
525 du conte. Entre ces deux extrêmes, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemb
526 Entre ces deux extrêmes, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemblance dépen
527 es, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : la vraisemblance dépend, pour un ouvrage ro
528 mblance dépend, pour un ouvrage romanesque donné, de la nature des passions qu’il veut flatter. C’est dire que l’on accept
529 flatter. C’est dire que l’on acceptera le « coup de pouce » du créateur, et les entorses qu’il fait subir à la « logique 
530 et les entorses qu’il fait subir à la « logique » d’ observation courante, dans la mesure exacte où ces licences fourniront
531 on que l’on désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’ une œuvre est révélé par la nature des « trucs » que l’auteur fait int
532 les obstacles extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne so
533 dre, que des artifices romanesques. Or il résulte de nos remarques au sujet de la vraisemblance, que la gratuité même des
534 des obstacles invoqués peut révéler le vrai sujet d’ une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu. Il faut s
535 évéler le vrai sujet d’une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout est symbole
536 pose à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos vies : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros,
537 os vies : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros, et les préférences secrètes qu’il suppose chez son le
538 faits » ne sont que les images ou les projections d’ un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplemen
539 ont que les images ou les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplement le faire d
540 les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, de ce qui peut l’exalter, ou simplement le faire durer. Tout manifeste,
541 t manifeste, dans le comportement du chevalier et de la princesse, une exigence ignorée d’eux — et peut-être du romancier 
542 hevalier et de la princesse, une exigence ignorée d’ eux — et peut-être du romancier — mais plus profonde que celle de leur
543 -être du romancier — mais plus profonde que celle de leur bonheur. Pas un des obstacles qu’ils rencontrent ne se révèle, o
544 ! On peut dire qu’ils ne perdent pas une occasion de se séparer. Quand il n’y a pas d’obstacle, ils en inventent : l’épée
545 as une occasion de se séparer. Quand il n’y a pas d’ obstacle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan. Ils en
546 stacle, ils en inventent : l’épée nue, le mariage de Tristan. Ils en inventent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent
547 et du lecteur ? Mais c’est tout un, car le démon de l’amour courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’où naît l
548 courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’ où naît leur souffrance, c’est le démon même du roman tel que l’aiment
549 l’aiment les Occidentaux. Quel est le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, mais au nom de la passio
550 ? Oui, mais au nom de la passion, et pour l’amour de l’amour même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigurer
551 le transfigurer — au détriment de leur bonheur et de leur vie même… ⁂ Nous commençons à distinguer le sens secret et inqui
552 ressemble au vertige… Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous co
553 e. Mais la passion du philosophe n’est-elle point de méditer dans le vertige ? Il se peut que la connaissance ne soit rien
554 ige ? Il se peut que la connaissance ne soit rien d’ autre que l’effort d’un esprit qui résiste à la chute, et qui se défen
555 la connaissance ne soit rien d’autre que l’effort d’ un esprit qui résiste à la chute, et qui se défend au sein de la tenta
556 i se défend au sein de la tentation… 8.L’amour de l’amour De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me ré
557 sein de la tentation… 8.L’amour de l’amour De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de lui ;
558 ux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vo
559 x et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vient de ma volonté ; c’est mon vou
560 mon vouloir qui devient mon mal ; mais j’ai tant d’ aise à vouloir ainsi que je souffre agréablement, et tant de joie dans
561 ces. Chrétien de Troyes. Il faut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ?
562 est point, comme l’a dit à peu près Valéry.) Rien d’ humain ne paraît rapprocher nos amants, bien au contraire. Lors de leu
563 ur première rencontre, ils n’ont que des rapports de politesse conventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’Iseut,
564 onventionnelle. Et quand Tristan revient en quête d’ Iseut, on se souvient que cette politesse fait place à la plus franche
565 ndresse va-t-elle naître et les unir, à la faveur de ce destin magique ? Dans tout le Roman, dans ces milliers de vers, je
566 n magique ? Dans tout le Roman, dans ces milliers de vers, je n’en ai trouvé qu’une seule trace. C’est quand ils vivent da
567 seule trace. C’est quand ils vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meinent et dure : Tant
568 s vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amo
569 . Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un par l’autre ne sent dolor. Dira-t-on que les poètes
570 l’autre ne sent dolor. Dira-t-on que les poètes de cette époque furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus,
571 es devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’ insister sur ce qui va de soi ? Qu’on lise alors, attentivement, le ré
572 lles, qui sont peut-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux visites que les amants font à l’ermite O
573 se confesser. Mais au lieu d’avouer leur péché et de demander l’absolution, ils s’efforcent de démontrer qu’ils n’ont aucu
574 éché et de demander l’absolution, ils s’efforcent de démontrer qu’ils n’ont aucune responsabilité dans l’aventure, puisqu’
575  ! Q’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan. Et Iseut après lui :
576 t par la poison Ge ne me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi parle Tristan. Et Iseut après lui : Sire, por Dieu omnip
577 is « par-delà le bien et le mal », dans une sorte de transcendance de nos communes conditions, dans un absolu indicible, i
578 bien et le mal », dans une sorte de transcendance de nos communes conditions, dans un absolu indicible, incompatible avec
579 du bien et du mal ; elle les conduit même au-delà de l’origine de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souf
580 mal ; elle les conduit même au-delà de l’origine de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souffrance, au-de
581 de toutes valeurs morales, au-delà du plaisir et de la souffrance, au-delà du domaine où l’on distingue, et où les contra
582 n’appartient ni à l’un ni à l’autre, mais relève d’ une puissance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs dési
583 is relève d’une puissance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être
584 ssance étrangère, indépendante de leurs qualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être tel qu’ils le conn
585 ualités, de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être tel qu’ils le connaissent. Les traits physiques et psycholo
586 nnaissent. Les traits physiques et psychologiques de cet homme et de cette femme sont parfaitement conventionnels et rhéto
587 raits physiques et psychologiques de cet homme et de cette femme sont parfaitement conventionnels et rhétoriques. Lui, c’e
588 à propos de la durée du philtre est le contraire d’ une amitié réelle. Bien plus, si l’amitié morale se fait jour, ce n’es
589 moment où la passion faiblit. Et le premier effet de cette amitié naissante n’est pas du tout d’unir davantage les amants,
590 effet de cette amitié naissante n’est pas du tout d’ unir davantage les amants, mais au contraire de leur montrer qu’ils on
591 ls ont tout intérêt à se quitter. Voyons ce point d’ un peu plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli furent li tro
592 Voyons ce point d’un peu plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la f
593 . Il regrette « le vair et le gris » et l’apparat de chevalerie, et le haut rang qu’il pourrait occuper parmi les barons d
594 haut rang qu’il pourrait occuper parmi les barons de son oncle. Il songe aussi à son amie, — pour la première fois semble-
595 lle pourrait être « en beles chambres… portendues de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure, conçoit les mêmes
596 rait être « en beles chambres… portendues de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure, conçoit les mêmes regrets
597 les chambres… portendues de dras de soie ». Iseut de son côté, à la même heure, conçoit les mêmes regrets. Le soir venu, i
598 ment : « En mal uson notre jovente »… La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretag
599 de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant, ils iront voir Ogrin l’ermite pou
600 oignante définition qu’un poète ait jamais donnée de la passion ! À lui seul, ce vers exprime tout, et avec une force de l
601 lui seul, ce vers exprime tout, et avec une force de langage qui fait pâlir le romantisme tout entier ! Qui nous rendra ce
602 stan reçoit la réponse favorable du roi acceptant de reprendre Iseut : Dex ! dist Tristan, quel départie ! Mot est dolenz
603 auprès de son ami ; plus heureuse dans le malheur d’ amour que dans leur vie commune du Morois… ⁂ On sait d’ailleurs que pa
604  lui par elle, elle par lui… » L’égoïsme apparent d’ un tel amour expliquerait à lui seul bien des « hasards », bien des ma
605 qu’ils aiment, c’est l’amour, c’est le fait même d’ aimer. Et ils agissent comme s’ils avaient compris que tout ce qui s’o
606 ur cœur, pour l’exalter à l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bie
607 . Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’ elle : il lui suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’aut
608 pour retenir Tristan près d’elle : il lui suffit d’ un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais no
609 i suffit d’un rêve passionné. Ils ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la
610 ont besoin l’un de l’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien p
611 rûler, mais non de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparati
612 de l’autre tel qu’il est ; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparation des amants r
613 t non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence ! La séparation des amants résulte ainsi de leur passion
614 absence ! La séparation des amants résulte ainsi de leur passion même, et de l’amour qu’ils portent à leur passion plutôt
615 des amants résulte ainsi de leur passion même, et de l’amour qu’ils portent à leur passion plutôt qu’à son contentement, p
616 à son contentement, plutôt qu’à son vivant objet. D’ où les obstacles multipliés par le Roman ; d’où l’indifférence étonnan
617 jet. D’où les obstacles multipliés par le Roman ; d’ où l’indifférence étonnante de ces complices d’un même rêve au sein du
618 liés par le Roman ; d’où l’indifférence étonnante de ces complices d’un même rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ;
619  ; d’où l’indifférence étonnante de ces complices d’ un même rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ; d’où le crescend
620 es complices d’un même rêve au sein duquel chacun d’ eux reste seul ; d’où le crescendo romanesque et la mortelle apothéose
621 ême rêve au sein duquel chacun d’eux reste seul ; d’ où le crescendo romanesque et la mortelle apothéose. Dualité irrémédia
622 , soupire Tristan. Pourtant il sent déjà, au fond de la nuit qui vient, poindre la flamme secrète, ravivée par l’absence.
623 amme secrète, ravivée par l’absence. 9.L’amour de la Mort Mais il nous faut pousser plus loin : l’amabam amare d’Aug
624 s il nous faut pousser plus loin : l’amabam amare d’ Augustin est une émouvante formule dont lui-même ne s’est pas satisfai
625 cle dont nous avons souvent parlé, et la création de l’obstacle par la passion des deux héros (confondant ici ses effets a
626 s deux héros (confondant ici ses effets avec ceux de l’exigence romanesque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’es
627 ses effets avec ceux de l’exigence romanesque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’est-il qu’un prétexte, nécessa
628 le n’est-il qu’un prétexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’est-il pas lié à la passion d’une manière beaucoup p
629 s de la passion, ou n’est-il pas lié à la passion d’ une manière beaucoup plus profonde ? N’est-il pas l’objet même de la p
630 eaucoup plus profonde ? N’est-il pas l’objet même de la passion, — si l’on descend au fond du mythe ? ⁂ Nous avons vu que
631 les revoirs successifs des amants9. Or les causes de séparation sont de deux sortes : circonstances extérieures adverses,
632 ifs des amants9. Or les causes de séparation sont de deux sortes : circonstances extérieures adverses, entraves inventées
633 ventées par Tristan. Tristan ne se comportera pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’est pas sans intérêt de dé
634 e dans les deux cas. Et il n’est pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce son
635 est pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce sont les circonstances sociales
636 tances sociales qui menacent les amants (présence de Marc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit pa
637 (présence de Marc, méfiance des barons, jugement de Dieu, etc.), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à
638 .), Tristan bondit par-dessus l’obstacle (le saut d’ un lit à l’autre en est le symbole). Quitte à souffrir (sa blessure se
639 ’il oublie la douleur et le danger dans l’ivresse de son « déduit ». Pourtant, le sang de sa blessure le trahit. C’est la
640 ns l’ivresse de son « déduit ». Pourtant, le sang de sa blessure le trahit. C’est la « marque rouge » qui met le roi sur l
641 t la « marque rouge » qui met le roi sur la trace de l’adultère. Quant à nous, elle nous met sur la trace du dessein secre
642 laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des che
643 u’à la coutume féodale des chevaliers : il s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’être le plus fort, ou le plus
644 éodale des chevaliers : il s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avon
645 l s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’ être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduira
646 ut autre est l’attitude du chevalier lorsque rien d’ extérieur à eux-mêmes ne sépare plus les amants. C’est même l’inverse
647 leurs corps demeurés vêtus, c’est encore occasion de prouesse, mais cette fois-ci contre lui-même, à ses dépens. Puisqu’il
648 ement la hiérarchie des préférences du conteur et de son lecteur. L’obstacle le plus grave, c’est donc celui que l’on préf
649 n. Notons aussi qu’en cette extrémité, la volonté de se séparer revêt une valeur affective plus forte que la passion même.
650 orte que la passion même. La mort, qui est le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’est pas encore l’expression déc
651 pas encore l’expression décisive du désir sombre, de la fin même de la passion (au double sens du mot fin). L’admirable ép
652 pression décisive du désir sombre, de la fin même de la passion (au double sens du mot fin). L’admirable épisode des épées
653 l’on se rappelle qu’il substitue son arme à celle de son rival. Cela signifie qu’à l’obstacle désiré et librement créé par
654 rement créé par les amants, il substitue le signe de son pouvoir social, l’obstacle légal, objectif. Tristan relève ce déf
655 bstacle légal, objectif. Tristan relève ce défi : d’ où le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symboliq
656 . Tristan relève ce défi : d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symbolique : l’action empêche l
657 sens symbolique : l’action empêche la « passion » d’ être totale, car la passion, c’est « ce que l’on subit » — à la limite
658 d’autres termes cette action est un nouveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂ On retrouvera la mêm
659 uveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂ On retrouvera la même dialectique entre les deux mariages
660 lectique entre les deux mariages du Roman : celui d’ Iseut la Blonde avec le roi, et celui d’Iseut aux blanches mains avec
661 n : celui d’Iseut la Blonde avec le roi, et celui d’ Iseut aux blanches mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est
662 Iseut aux blanches mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence
663 ristan. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari, méprisé par
664 e du mari, méprisé par l’amour courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements faciles. L’existence du mari
665 amour courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements faciles. L’existence du mari, l’obstacle de l’adultèr
666 ssements faciles. L’existence du mari, l’obstacle de l’adultère, c’est le premier prétexte venu, le plus naturellement ima
667 ue à plaisir ! Sans le mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sages
668 mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’e
669 n effet, la grande sagesse du vieux Béroul, c’est d’ avoir limité à cette durée l’action du philtre : « La mère Iseut qui l
670 re : « La mère Iseut qui le bollit. — À trois anz d’ amistié le fist. » Sans le mari, il ne resterait aux deux amants qu’à
671 tan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’aimer, puisqu
672 emme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle est. Imaginez cela :
673 rs on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’ être ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négatio
674 maginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amour
675 istan ! C’est la négation de la passion, au moins de celle dont nous nous occupons. L’ardeur amoureuse spontanée, couronné
676 st une flambée qui ne peut pas survivre à l’éclat de sa consommation. Mais sa brûlure demeure inoubliable, et c’est elle q
677 mants veulent prolonger et renouveler à l’infini. D’ où les périls nouveaux qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier
678 surmontés. C’est alors qu’il s’éloigne, en quête d’ aventures plus secrètes et plus profondes, l’on dirait même : plus int
679 d’Iseut aux blanches mains croit son ami amoureux de sa sœur. Cette erreur provoquée par le nom des deux femmes — est la s
680 deux femmes — est la seule « raison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une foi
681 riage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plus, l’honneur interviendra, et au seu
682 de plus, l’honneur interviendra, et au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant press
683 au seul titre de prétexte, pour empêcher Tristan de se dédire. C’est que l’amant pressent, dans cette nouvelle épreuve qu
684 cette nouvelle épreuve qu’il s’impose, l’occasion d’ un progrès décisif. Ce mariage blanc avec une femme qu’il trouve belle
685 hasteté du chevalier marié répond à la déposition de l’épée nue entre les corps. Mais une chasteté volontaire, c’est un su
686 n suicide symbolique — (on voit ici le sens caché de l’épée). C’est une victoire de l’idéal courtois sur la robuste tradit
687 ici le sens caché de l’épée). C’est une victoire de l’idéal courtois sur la robuste tradition celtique qui affirmait l’or
688 obuste tradition celtique qui affirmait l’orgueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans l
689 i affirmait l’orgueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’anim
690 gueil de vivre. C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’actif. V
691 purification de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le dési
692 de ce qui subsistait, dans le désir, de spontané, d’ animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe d
693 bsistait, dans le désir, de spontané, d’animal et d’ actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort su
694 désir, de spontané, d’animal et d’actif. Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort sur la vie. ⁂ Ainsi
695 Victoire de la « passion » sur le désir. Triomphe de la mort sur la vie. ⁂ Ainsi donc cette préférence accordée à l’obstac
696 ccordée à l’obstacle voulu, c’était l’affirmation de la mort, c’était un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’amour
697 tait un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’ amour, vers une mort volontaire au terme d’une série d’épreuves dont T
698 e mort d’amour, vers une mort volontaire au terme d’ une série d’épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui
699 ur, vers une mort volontaire au terme d’une série d’ épreuves dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui soit une tra
700 non pas un hasard brutal. Il s’agit donc toujours de ramener la fatalité extérieure à une fatalité interne, librement assu
701 librement assumée par les amants. C’est le rachat de leur destin qu’ils accomplissent en mourant par amour ; c’est une rev
702 re. Et l’on assiste, in extremis, au renversement de la dialectique passion-obstacle. Vraiment ce n’est plus l’obstacle qu
703 iment ce n’est plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le but, la fin dés
704 elle-même. Et la passion n’a donc joué qu’un rôle d’ épreuve purificatrice, on dirait presque de pénitence au service de ce
705 n rôle d’épreuve purificatrice, on dirait presque de pénitence au service de cette mort qui transfigure. Nous touchons au
706 atrice, on dirait presque de pénitence au service de cette mort qui transfigure. Nous touchons au secret dernier. L’amour
707 sfigure. Nous touchons au secret dernier. L’amour de l’amour même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une volo
708 que se « trahir » par des symboles tels que celui de l’épée nue ou de la périlleuse chasteté. Sans le savoir, les amants m
709 par des symboles tels que celui de l’épée nue ou de la périlleuse chasteté. Sans le savoir, les amants malgré eux n’ont j
710 n’ont jamais cherché que le rachat et la revanche de « ce qu’ils subissaient » — la passion initiée par le philtre. Au fon
711 on initiée par le philtre. Au fond le plus secret de leur cœur, c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nui
712 d le plus secret de leur cœur, c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nuit qui leur dictait ses décisions
713 c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nuit qui leur dictait ses décisions fatales. 10.Le philtre E
714 the, la nécessité même qui l’a créé. Le sens réel de la passion est tellement effrayant et inavouable, que non seulement c
715 la vivent ne sauraient prendre aucune conscience de sa fin, mais que ceux qui la veulent dépeindre dans sa merveilleuse v
716 ans sa merveilleuse violence se voient contraints de recourir au langage trompeur des symboles. Laissons de côté, pour le
717 courir au langage trompeur des symboles. Laissons de côté, pour le moment, la question de savoir si les auteurs des cinq p
718 es. Laissons de côté, pour le moment, la question de savoir si les auteurs des cinq poèmes primitifs étaient ou non consci
719 s cinq poèmes primitifs étaient ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de précis
720 primitifs étaient ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du
721 nscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du mot « trompeur » que nous v
722 de leur œuvre. En tout état de cause, il convient de préciser le sens du mot « trompeur » que nous venons d’utiliser. La v
723 ciser le sens du mot « trompeur » que nous venons d’ utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à concevoir
724 ur » que nous venons d’utiliser. La vulgarisation de la psychanalyse nous habitue à concevoir qu’un désir refoulé « s’expr
725 terdite, l’amour inavouable, se créent un système de symboles, un langage hiéroglyphique, dont la conscience n’a pas la cl
726 me ce qu’il veut dire sans le dire. Il lui arrive de composer en un seul geste ou une seule métaphore à la fois l’expressi
727 ste ou une seule métaphore à la fois l’expression de l’objet désiré et l’expression de ce qui condamne ce désir. Ainsi l’i
728 is l’expression de l’objet désiré et l’expression de ce qui condamne ce désir. Ainsi l’interdiction reste affirmée, et l’o
729 ibles se voient du même coup satisfaites : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour
730 oient du même coup satisfaites : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque
731 tes : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque et instinct de prudence. I
732 ustraire au jugement, amour du risque et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’un tel langage, demandez-lui rai
733 et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’ un tel langage, demandez-lui raison de sa prédilection, pour telle ou
734 lui qui use d’un tel langage, demandez-lui raison de sa prédilection, pour telle ou telle image d’apparence bizarre, il ré
735 son de sa prédilection, pour telle ou telle image d’ apparence bizarre, il répondra que « c’est tout naturel », « qu’il n’e
736 « qu’il n’en sait rien », « qu’il n’y attache pas d’ importance ». S’il est poète, il parlera d’inspiration, ou au contrair
737 he pas d’importance ». S’il est poète, il parlera d’ inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne sera jamais à court
738 ontraire de rhétorique. Il ne sera jamais à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’est responsable de rien… Imagin
739 es raisons pour démontrer qu’il n’est responsable de rien… Imaginons maintenant le problème qui se posait à l’auteur du Ro
740 blème qui se posait à l’auteur du Roman primitif. De quel matériel symbolique — apte à cacher ce qu’il fallait traduire —
741 fallait traduire — disposait-il au xiie siècle ? De la magie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d
742 e — disposait-il au xiie siècle ? De la magie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’expression sau
743 gie et de la rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’expression saute aux yeux. La magie persuade sans donner
744 rhétorique chevaleresque. L’avantage de ces modes d’ expression saute aux yeux. La magie persuade sans donner de raisons, v
745 ion saute aux yeux. La magie persuade sans donner de raisons, voire dans la mesure où elle n’en donne point. Et la rhétori
746 , comme d’ailleurs toute rhétorique, est le moyen de faire passer pour « naturelles » les plus obscures propositions. Masq
747 us obscures propositions. Masque idéal ! Garantie de secret, mais aussi garantie d’approbation sans condition de la part d
748 e idéal ! Garantie de secret, mais aussi garantie d’ approbation sans condition de la part du lecteur de roman. La chevaler
749 ’approbation sans condition de la part du lecteur de roman. La chevalerie, c’est la règle sociale que les élites du siècle
750 la règle sociale que les élites du siècle rêvent d’ opposer aux pires « folies » dont elles se sentent menacées. La coutum
751 lies » dont elles se sentent menacées. La coutume de la chevalerie fournira donc le cadre du Roman. Et nous avons marqué,
752 nous avons marqué, en maint endroit, le caractère de « prétexte rêvé » des interdictions qu’elle impose. Pour la magie, vo
753 our la magie, voici quel sera son rôle. Il s’agit de dépeindre une passion dont la violence fascinante ne peut être accept
754 ra donc l’admirer qu’en tant qu’on l’aura libérée de toute espèce de lien visible avec l’humaine responsabilité. L’interve
755 r qu’en tant qu’on l’aura libérée de toute espèce de lien visible avec l’humaine responsabilité. L’intervention du philtre
756 sponsabilité. L’intervention du philtre, agissant d’ une manière fatale, et mieux encore bu par erreur, se révèle désormais
757 cessaire. (Thomas, qui cherche à diminuer le rôle de cette « emprise » magique, se verra condamné à rendre la passion moin
758 en ceci à Béroul, il sera le premier responsable de la dégradation du mythe.) Qu’est-ce alors que le philtre ? C’est l’al
759 .) Qu’est-ce alors que le philtre ? C’est l’alibi de la passion. C’est ce qui permet aux malheureux amants de dire : « Vou
760 assion. C’est ce qui permet aux malheureux amants de dire : « Vous voyez que je n’y suis pour rien, vous voyez que c’est p
761 . » Et cependant, nous voyons bien qu’à la faveur de cette fatalité trompeuse, tous leurs actes sont orientés vers le dest
762 rs le destin mortel qu’ils aiment, avec une sorte d’ astucieuse résolution, avec une ruse d’autant plus infaillible qu’elle
763 une sorte d’astucieuse résolution, avec une ruse d’ autant plus infaillible qu’elle peut agir à l’abri du jugement. Nos ac
764 it ce but, mais la conscience n’a pas eu le temps d’ intervenir et de gauchir le geste spontané. Et c’est pourquoi les plus
765 la conscience n’a pas eu le temps d’intervenir et de gauchir le geste spontané. Et c’est pourquoi les plus belles scènes d
766 ent comme en toute innocence. ⁂ Il n’y aurait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire
767 . ⁂ Il n’y aurait pas de mythe, il n’y aurait pas de roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se
768 vaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de toute leur volonté profonde, et plus que profonde, abyssale. Qui donc
769 déteste le Jour qui l’offusque ? et qu’il attend de tout son être l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucou
770 et qu’il attend de tout son être l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucoup plus tard, ont osé cet aveu supr
771 romancier désire flatter chez l’auditeur paraît, d’ ordinaire, plus débile. Il y a peu de chance qu’elle soit jamais pouss
772 ndubitable, par une mort qui la manifeste au-delà de tout repentir possible ! Certains mystiques ont fait plus qu’avouer :
773 , une force aveugle ou le Néant, qui s’emparaient de leur secret vouloir, mais le Dieu qui promet sa grâce, et la « vive f
774 le Dieu qui promet sa grâce, et la « vive flamme d’ amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien
775 la « vive flamme d’amour » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien avouer. Il veut comme s’il ne vou
776 sa fuite désespérée, dans la sublime coquetterie de sa fuite ! Et qu’il l’ignore, c’est essentiel à la grandeur exemplair
777 ’ignore, c’est essentiel à la grandeur exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne s
778 l à la grandeur exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables a
779 Elles le méprisent. Tristan s’est fait prisonnier d’ un délire auprès duquel pâlissent toute sagesse, toute « vérité », et
780 toute « vérité », et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême
781 , et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’instant suprême où la totale joui
782 ers l’instant suprême où la totale jouissance est de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent décrire la Nuit, mais la « mus
783 sir dont elle procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le hé
784 le procède. Levez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes so
785 vez-vous, orages sonores de la mort de Tristan et d’ Isolde ! Vieille et grave mélodie, dit le héros, tes sons lamentables
786 en plus inquiète, lorsque le fils apprit le sort de la mère… Quand mon père m’engendra et mourut, quand ma mère me donna
787 pète : —Pour désirer et pour mourir ! Pour mourir de désirer ! Il peut maudire ses astres, sa naissance, mais la musique
788 me qui l’ai composé… Et je l’ai bu à longs traits de délice !… 11.L’amour réciproque malheureux Passion veut dire s
789 re et responsable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augusti
790 bjet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augustin jusqu’au romantisme moderne, c’est aimer et
791 imer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’ Augustin jusqu’au romantisme moderne, c’est aimer et chercher la souff
792 et chercher la souffrance. Amour-passion : désir de ce qui nous blesse, et nous anéantit par son triomphe. C’est un secre
793 n’a jamais toléré l’aveu, et qu’il n’a pas cessé de refouler, — de préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa per
794 éré l’aveu, et qu’il n’a pas cessé de refouler, —  de préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa persistance nous i
795 sa persistance nous invite à porter sur l’avenir de l’Europe un jugement très pessimiste. Marquons ici une incidence qui
796 développement : c’est la liaison ou la complicité de la passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mod
797 a liaison ou la complicité de la passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mode de connaître qui défi
798 passion, du goût de la mort qu’elle dissimule, et d’ un certain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché oc
799 e la mort qu’elle dissimule, et d’un certain mode de connaître qui définirait à lui seul notre psyché occidentale. Pourquo
800 i seul notre psyché occidentale. Pourquoi l’homme d’ Occident veut-il subir cette passion qui le blesse et que toute sa rai
801 C’est qu’il se connaît et s’éprouve sous le coup de menaces vitales, dans la souffrance et au seuil de la mort. Le troisi
802 e menaces vitales, dans la souffrance et au seuil de la mort. Le troisième acte du drame de Wagner décrit bien davantage q
803 t au seuil de la mort. Le troisième acte du drame de Wagner décrit bien davantage qu’une catastrophe romanesque : il décri
804 romanesque : il décrit l’essentielle catastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaî
805 tastrophe de notre sadique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision
806 adique génie, ce goût réprimé de la mort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision révélatrice qui est
807 ort, ce goût de se connaître à la limite, ce goût de la collision révélatrice qui est sans doute la plus inarrachable des
808 i est sans doute la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illus
809 te la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illustrée, avouée e
810 des racines de l’instinct de la guerre en nous. ⁂ De cette extrémité tragique, illustrée, avouée et constatée par la puret
811 té du mythe originel, redescendons à l’expérience de la passion telle que la vivent les hommes d’aujourd’hui. Le succès pr
812 ence de la passion telle que la vivent les hommes d’ aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous,
813 mmes d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan révèle en nous, que nous le voulions ou non, une préférence i
814 e pour le malheur. Que ce malheur, selon la force de notre âme, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décade
815 me, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, ou la souffrance qui transfigure, ou le défi que l’espr
816 Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscule empourpré d’ héroïsme, n’annonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie est abs
817 absente », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appeler — tout en feign
818 r lequel nous osions l’appeler — tout en feignant de la repousser. Pourquoi préférons-nous à tout autre récit celui d’un a
819 Pourquoi préférons-nous à tout autre récit celui d’ un amour impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscien
820 ’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce qui brûle en nous. Liaison profonde de la souffrance et du savoir.
821 science de ce qui brûle en nous. Liaison profonde de la souffrance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort
822 rofonde de la souffrance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort ! (Hegel a pu fonder sur elle une explica
823 ance et du savoir. Complicité de la conscience et de la mort ! (Hegel a pu fonder sur elle une explication générale de not
824 gel a pu fonder sur elle une explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le
825 une explication générale de notre esprit et même de notre Histoire.) Je définirais volontiers le romantique occidental co
826 ent la douleur amoureuse, est un moyen privilégié de connaissance. Certes, cela vaut pour les meilleurs. Le grand nombre s
827 s. Le grand nombre se soucie peu de connaître, et de se connaître. Il cherche simplement l’amour le plus sensible. Mais c’
828 . Il me paraît que cela explique une bonne partie de notre psychologie. Sans traverses à l’amour, point de « roman ». Or c
829 otre psychologie. Sans traverses à l’amour, point de « roman ». Or c’est le roman qu’on aime, c’est-à-dire la conscience,
830 ience, l’intensité, les variations et les retards de la passion, son crescendo jusqu’à la catastrophe — et non point sa ra
831 du malheur qui le guette. Il y faut cette menace de la vie et des hostiles réalités qui l’éloignent dans quelque au-delà.
832 e durée sensible, elle ne peut être qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une id
833 elle ne peut être qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une idylle de carte post
834 an et Zerline. Ou bien l’on tombe dans une idylle de carte postale. L’amour heureux n’a pas d’histoire dans la littérature
835 idylle de carte postale. L’amour heureux n’a pas d’ histoire dans la littérature occidentale. Et l’amour qui n’est pas réc
836 ur un amour vrai. La grande trouvaille des poètes de l’Europe, ce qui les distingue avant tout dans la littérature mondial
837 , ce qui exprime le plus profondément l’obsession de l’Européen : connaître à travers la douleur, c’est le secret du mythe
838 re à travers la douleur, c’est le secret du mythe de Tristan, l’amour-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’un
839 ur-passion à la fois partagé et combattu, anxieux d’ un bonheur qu’il repousse, magnifié par sa catastrophe, — l’amour réci
840 Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’ une fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’est que l’amour qui les « 
841 que l’amour qui les « demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment, ma
842 ais chacun n’aime l’autre qu’à partir de soi, non de l’autre. Leur malheur prend ainsi sa source dans une fausse réciproci
843 nsi sa source dans une fausse réciprocité, masque d’ un double narcissisme. À tel point qu’à certains moments, on sent perc
844 u’à certains moments, on sent percer dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avan
845 nt percer dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avant Freud et les modernes psy
846 dans l’excès de leur passion une espèce de haine de l’aimé. Wagner l’a vue, bien avant Freud et les modernes psychologues
847 is, le vent souffle vers la terre natale. Ô fille d’ Irlande, où t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile, sont-ce tes soupir
848 le, souffle ô vent ! Malheur, ah ! malheur, fille d’ Irlande, amoureuse et sauvage ! Double malheur de la passion qui fuit
849 d’Irlande, amoureuse et sauvage ! Double malheur de la passion qui fuit le réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de
850 it le réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de l’amour : ce que l’on désire, on ne l’a pas encore — c’est la Mort —
851  — et l’on perd ce que l’on avait — la jouissance de la vie. Mais cette perte n’est pas sentie comme un appauvrissement, b
852 sement, plus magnifiquement. C’est que l’approche de la mort est l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens
853 . C’est que l’approche de la mort est l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens du terme, le désir. Elle l
854 désir. Elle l’aggrave même parfois jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage.
855 e même parfois jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage. Ô vents, clamait enc
856 jusqu’au désir de tuer l’autre, ou de se tuer, ou de sombrer dans un commun naufrage. Ô vents, clamait encore Isolde, sec
857 ents, clamait encore Isolde, secouez la léthargie de cette mer rêveuse, ressuscitez des profondeurs l’implacable convoitis
858 oin de la vie qui les pousse, proies voluptueuses de forces contradictoires mais qui les précipitent au même vertige, les
859 e rejoindre qu’à l’instant qui les prive à jamais de tout espoir humain, de tout amour possible, au sein de l’obstacle abs
860 ant qui les prive à jamais de tout espoir humain, de tout amour possible, au sein de l’obstacle absolu et d’une suprême ex
861 t amour possible, au sein de l’obstacle absolu et d’ une suprême exaltation qui se détruit par son accomplissement. 12.U
862 pressentir certaines contradictions. L’hypothèse d’ une opposition, que l’auteur eût tenté d’illustrer, entre la loi de ch
863 ypothèse d’une opposition, que l’auteur eût tenté d’ illustrer, entre la loi de chevalerie et les coutumes féodales, nous a
864 que l’auteur eût tenté d’illustrer, entre la loi de chevalerie et les coutumes féodales, nous a permis de surprendre le m
865 hevalerie et les coutumes féodales, nous a permis de surprendre le mécanisme de ces contradictions. Alors a commencé notre
866 éodales, nous a permis de surprendre le mécanisme de ces contradictions. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de
867 s. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de la légende. Derrière la préférence accordée par l’auteur à la règle
868 re la préférence accordée par l’auteur à la règle de chevalerie, il y a le goût du romanesque. Derrière le goût du romanes
869 que. Derrière le goût du romanesque, il y a celui de l’amour pour lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obs
870 r lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obstacle favorable à l’amour. Mais ce n’est encore là que le masque
871 à l’amour. Mais ce n’est encore là que le masque d’ un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, q
872 Mais ce n’est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, qui se révèl
873 le suprême, c’est la mort, qui se révèle au terme de l’aventure comme la vraie fin, le désir désiré dès le début de la pas
874 comme la vraie fin, le désir désiré dès le début de la passion, la revanche sur le destin qui fut subi et qui est enfin r
875 doit renier l’intime évidence. Que la sécheresse d’ une description réduite à suivre en ses détours la logique interne du
876 peine devant les preuves ; mais quoi qu’on pense d’ une interprétation que j’ai stylisée à dessein, il demeure qu’elle nou
877 lisée à dessein, il demeure qu’elle nous a permis de surprendre à l’état naissant quelques relations fondamentales qui sou
878 est une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’ une manière d’autant plus efficace qu’elle prend la forme du désir, et
879 e. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’ autant plus efficace qu’elle prend la forme du désir, et que ce désir,
880 amour n’est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la pa
881 Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la passion, sont des aspects de notre mode occidental de connaissance
882 ion, et le besoin de la passion, sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en venir — au moins so
883 assion, sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en venir — au moins sous forme de question — à
884 peut-être, en fin de compte, la plus fondamentale de toutes. Connaître à travers la souffrance, n’est-ce pas l’acte même,
885 ouffrance, n’est-ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ? Érotique au sens noble, et mystique 
886 ? Érotique au sens noble, et mystique : que l’une de l’autre soit cause ou effet, ou qu’elles aient une commune origine — 
887 ieille et grave mélodie » orchestrée par le drame de Wagner : Elle m’a interrogé un jour, et voici qu’elle me parle encor
888 épète : — Pour désirer et pour mourir. ⁂ Partant d’ un examen « physionomique » des formes et des structures du Roman, nou
889 ’individu. Que le rationalisme soit passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier son efficacité pro
890 par M. Joseph Bédier (dans son étude sur le poème de Thomas) entre les cinq versions du xiie siècle : Béroul, Thomas, Eil
891 an et le Roman en prose. Les versions ultérieures de Gottfried de Strasbourg et de tous les imitateurs allemands, italiens
892 ersions ultérieures de Gottfried de Strasbourg et de tous les imitateurs allemands, italiens, danois, russes, tchèques, et
893 mpte également des travaux critiques plus récents de MM. E. Muret et E. Vinaver. 4. « Pur belté e pur nun d’Isolt » (Thom
894 E. Muret et E. Vinaver. 4. « Pur belté e pur nun d’ Isolt » (Thomas). 5. Toutefois, dans l’édition Bédier du poème de Tho
895 s). 5. Toutefois, dans l’édition Bédier du poème de Thomas (t. I, p. 240), nous lisons que le veneur du roi, pénétrant da
896 s la retraite des amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient couchés pour s
897 s amants « vit Tristan couché, et de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’étaient couchés pour se reposer à caus
898 la forte chaleur, et dormaient ainsi séparés l’un de l’autre parce que… ». Ici le texte est interrompu ! Et Bédier dit en
899 e étoffe dont on s’habille — … Il se prête au gré de tous — Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce q
900 qu’on veut qu’il soit… » 7. Fauriel, Histoire de la poésie provençale, I, p. 512. 8. Précisons que : 1° elles sont ob
901 ’un calcul secret ; car si l’on choisissait l’une d’ elles à l’exclusion totale de l’autre, la situation se dénouerait trop
902 on choisissait l’une d’elles à l’exclusion totale de l’autre, la situation se dénouerait trop vite ; 2° elles ne sont pas
903 Mais sans cette faute initiale, il n’y aurait pas de roman du tout. 9. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tris
904 t. 9. Rappelons ici ces étapes : Premier séjour de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’aimer. — Second séjour : e
905 e, péché consommé ; Iseut livrée. — Tristan banni de la cour. Rendez-vous sous l’arbre. — Tristan revient à la cour. Le « 
906 en fou ; s’éloigne. — Longue séparation, mariage de Tristan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’Iseut. Résumo
907 tan. — Iseut approche et Tristan meurt. Puis mort d’ Iseut. Résumons encore : une seule longue période de réunion (l’aspre
908 Iseut. Résumons encore : une seule longue période de réunion (l’aspre vie) à quoi répond la longue période de séparation (
909 ion (l’aspre vie) à quoi répond la longue période de séparation (le mariage de Tristan). Auparavant : le Philtre ; à la fi
910 épond la longue période de séparation (le mariage de Tristan). Auparavant : le Philtre ; à la fin : la double Mort ; entre
911 hiltre ; à la fin : la double Mort ; entre-temps, de furtives rencontres. 10. Dans le drame de Wagner, quand le roi surp
912 emps, de furtives rencontres. 10. Dans le drame de Wagner, quand le roi surprend les amants, Tristan répond à ses questi
913 , et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous est donnée : le div
4 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre II. Les origines religieuses du mythe
914 ure, ou dans l’instinct, les esquisses grossières de faits « spirituels », aussitôt nous croyons tenir une explication de
915 ls », aussitôt nous croyons tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C’est la superstitio
916 us vrai. C’est la superstition du temps, la manie de « ramener » le sublime à l’infime, l’étrange erreur qui prend pour ca
917 s spiritualistes. Mais je distingue mal l’intérêt d’ un affranchissement qui consiste à « expliquer » Dostoïevski par le ha
918 l, et Nietzsche par la syphilis. Curieuse manière de libérer l’esprit, qui se « ramène » à le nier. Mais j’ai beau dire et
919 ène » à le nier. Mais j’ai beau dire et protester d’ avance : si je constate que l’instinct et le sexe connaissent une dial
920 que spontanée, analogue à certains égards à celle de la passion dans notre mythe, beaucoup penseront que voilà qui suffit…
921 que voilà qui suffit… Donnons une page à ce genre d’ objections. ⁂ L’obstacle dont on a vu le jeu au cours de notre analyse
922 au cours de notre analyse du mythe, n’est-il pas d’ origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’est-ce pas la ruse l
923 l s’impose parfois une certaine continence, quasi d’ instinct, dans l’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de S
924 continence, quasi d’instinct, dans l’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de Sparte, imposait aux jeunes marié
925 ’intérêt même de l’espèce ? Lycurgue, législateur de Sparte, imposait aux jeunes mariés une abstinence prolongée. « C’est
926 que — qu’ils soient toujours plus forts et dispos de leur corps, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’aimer à cœur saoul
927 leur corps, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’ aimer à cœur saoul, leur amour en demeure toujours frais, et que leurs
928 obstacle instinctif à l’instinct, ayant pour fin de rendre les guerriers plus valeureux. Or la vertu d’une telle discipli
929 rendre les guerriers plus valeureux. Or la vertu d’ une telle discipline est relative à la vie même, non à l’esprit. Elle
930 obtenu. Elle ne cherche rien au-delà. L’eugénisme d’ un Lycurgue n’est nullement ascétique, puisqu’il vise au contraire à l
931 u’il vise au contraire à la meilleure propagation de l’espèce. On ne saurait voir dans ces processus vitaux autre chose qu
932 s vitaux autre chose que le support physiologique de la dialectique passionnelle. Il faut bien que la passion se serve des
933 on des lois du corps n’explique nullement l’amour d’ un Tristan, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’interventi
934 ment l’amour d’un Tristan, par exemple. Elle rend d’ autant plus évidente l’intervention d’un facteur « étranger » seul cap
935 . Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’ un facteur « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son bu
936 tervention d’un facteur « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en
937 « étranger » seul capable de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en une aspiration indéfini
938 ble de détourner l’instinct de son but naturel et de transformer le désir en une aspiration indéfinie, c’est-à-dire sans f
939 s chez les peuplades primitives. C’est un jeu que de retrouver l’« origine » sacrée des motifs caractéristiques du Roman.
940 ée des motifs caractéristiques du Roman. La quête de la fiancée lointaine, par exemple, se rattache au cérémonial du rapt
941 t nuptial, chez les tribus exogamiques. La morale de la prouesse est une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plu
942 e de la prouesse est une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plus anciennes traduisant la nécessité d’une sélect
943 s beaucoup plus anciennes traduisant la nécessité d’ une sélection biologique. Et il n’est pas jusqu’au désir de la mort qu
944 ection biologique. Et il n’est pas jusqu’au désir de la mort que l’on ne puisse « ramener » à l’instinct de mort décrit pa
945 mort que l’on ne puisse « ramener » à l’instinct de mort décrit par Freud et par les plus récents biologistes. Mais on ne
946 e histoire européenne… L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les
947 L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains,
948 a rien connu de semblable à l’amour de Tristan et d’ Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour est un
949 ux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’ où vient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce
950 t malades… » D’où vient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parl
951 stement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoi
952 i nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoir, précisémen
953 e l’instinct, c’est ne rien dire puisqu’il s’agit de savoir, précisément, quel est le facteur qui a pu causer cette déviat
954 e. Platon nous parle dans Phèdre et le Banquet d’ une fureur qui va du corps à l’âme, pour la troubler d’humeurs maligne
955 fureur qui va du corps à l’âme, pour la troubler d’ humeurs malignes. Ce n’est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est
956 r tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans quelque divinité, ni
957 loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans quelque divinité, ni ne se crée da
958 agit du dehors, un emportement, un rapt indéfini de la raison et du sens naturel. On l’appellera donc enthousiasme, ce qu
959 signifie « endieusement », car ce délire procède de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’amour platonicie
960 l’amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’être aimé
961 l », car l’amour est la voie qui monte par degrés d’ extase vers l’origine unique de tout ce qui existe, loin des corps et
962 i monte par degrés d’extase vers l’origine unique de tout ce qui existe, loin des corps et de la matière, loin de ce qui d
963 e unique de tout ce qui existe, loin des corps et de la matière, loin de ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’
964 de ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’ être soi et d’être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir tota
965 se et distingue, au-delà du malheur d’être soi et d’ être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Asp
966 é à sa plus haute puissance, à l’extrême exigence de pureté qui est l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est
967 ême exigence de pureté qui est l’extrême exigence d’ Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’être actuel, dans sa so
968 gence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’élan suprême
969 ir aboutit à ce qui est non-désir. La dialectique d’ Éros introduit dans la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes
970 ctique d’Éros introduit dans la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes de l’attrait sexuel : un désir qui ne retom
971 la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes de l’attrait sexuel : un désir qui ne retombe plus, que plus rien ne peu
972 atisfaire, qui repousse même et fuit la tentation de s’accomplir dans notre monde, parce qu’il ne veut embrasser que le To
973 le Tout. C’est le dépassement infini, l’ascension de l’homme vers son dieu. Et ce mouvement est sans retour. ⁂ Les origine
974 nsi l’Orient vint rêver dans nos vies, réveillant de très vieux souvenirs. Car du fond de notre Occident, la voix des bard
975 , réveillant de très vieux souvenirs. Car du fond de notre Occident, la voix des bardes celtes lui répondait. Je ne sais s
976 ques à ceux des Grecs — la quête du Graal à celle de la Toison d’or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration
977 es Grecs — la quête du Graal à celle de la Toison d’ or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration des âmes à ce
978 raal à celle de la Toison d’or — et les doctrines de Pythagore sur la transmigration des âmes à celles des druides sur l’i
979 agent des travaux récents, renforçant l’hypothèse d’ une communauté originelle des croyances religieuses en Orient et en Oc
980 ome, les Celtes avaient conquis une grande partie de l’Europe actuelle. Venus du Sud-Ouest de la Germanie et du Nord-Est d
981 à sac Rome et Delphes, et soumis tous les peuples de l’Atlantique à la mer Noire. Ils poussèrent même jusqu’en Ukraine et
982 alates), préfigurant assez exactement l’extension de l’Empire romain, — moins les péninsules italienne et grecque. Or les
983 eltes n’étaient pas une nation. Ils n’avaient pas d’ autre « unité » que celle d’une civilisation, dont le principe spiritu
984 on. Ils n’avaient pas d’autre « unité » que celle d’ une civilisation, dont le principe spirituel était maintenu par le col
985 orte internationale », commune à tous les peuples d’ origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Ital
986 ne à tous les peuples d’origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Les v
987 les d’origine celtique, du fond de la Bretagne et de l’Irlande jusqu’en Italie et en Asie Mineure. Les voyages et les renc
988 ent l’union des peuples celtiques et le sentiment de leur parenté »12. Les druides formaient des confréries religieuses do
989 uides formaient des confréries religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils étaient à la fois devins, magiciens, médec
990 ecins, prêtres, confesseurs. Ils n’écrivaient pas de livres, mais donnaient un enseignement oral, en vers gnomiques, à des
991 s gnomiques, à des élèves qu’ils gardaient auprès d’ eux pendant vingt ans13. On a pu rapprocher ce collège sacerdotal d’in
992 t ans13. On a pu rapprocher ce collège sacerdotal d’ institutions tout à fait identiques chez les autres peuples indo-europ
993 euples indo-européens : mages iraniens, brahmanes de l’Inde, pontifes et flamines de Rome. Le flamen porte d’ailleurs le m
994 aniens, brahmanes de l’Inde, pontifes et flamines de Rome. Le flamen porte d’ailleurs le même nom que le brahmane 14. Il e
995 la mort. Vie aventureuse, très semblable à celle de la terre, mais épurée, et dont certains héros pouvaient revenir, sous
996 se mêler aux vivants. Par cette doctrine centrale de la survie des âmes, les Celtes s’apparentent aux Grecs. Mais toute do
997 ltes s’apparentent aux Grecs. Mais toute doctrine de l’immortalité suppose une préoccupation tragique de la mort. Les Celt
998 l’immortalité suppose une préoccupation tragique de la mort. Les Celtes, écrit Hubert, « ont cultivé certainement la méta
999 ubert, « ont cultivé certainement la métaphysique de la mort… Ils ont beaucoup rêvé sur la mort. C’était une compagne fami
1000 iétant ». De même, dans leur mythologie, « l’idée de mort domine tout, et tout la découvre 15 ». Et cela n’est pas sans in
1001 précis avec ce que l’on a dit plus haut du mythe de Tristan, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre par
1002 Tristan, qui voile et exprime à la fois le désir de mort. D’autre part, les dieux celtiques forment deux séries opposées 
1003 dieux lumineux et dieux sombres. Il nous importe de souligner ce fait du dualisme fondamental de la religion des druides.
1004 orte de souligner ce fait du dualisme fondamental de la religion des druides. Car c’est ici que se révèle la convergence d
1005 ues, et hindouistes avec la religion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprim
1006 uistes avec la religion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprimé, dans les f
1007 ion fondamentale de l’Europe. De l’Inde aux rives de l’Atlantique, nous retrouvons exprimé, dans les formes les plus diver
1008 mes les plus diverses, ce même mystère du Jour et de la Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lu
1009 verses, ce même mystère du Jour et de la Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lumière incréée,
1010 leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, auteur du mal,
1011 dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, auteur du mal, qui domine toute la Création visible. Des si
1012 Création visible. Des siècles avant l’apparition de Manès, on peut déceler la même opposition dans les mythologies indo-e
1013 dont l’un au moins intéresse directement l’objet de ce livre : la conception de la femme chez les Celtes n’est pas sans r
1014 e directement l’objet de ce livre : la conception de la femme chez les Celtes n’est pas sans rappeler la dialectique plato
1015 st pas sans rappeler la dialectique platonicienne de l’Amour. La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophé
1016 s fée ? », dit-elle. Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mé
1017 Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terr
1018 s apparences de la Femme, symbole de l’au-delà et de cette nostalgie qui nous fait mépriser les joies terrestres. Mais sym
1019 sans fin. L’Essylt des légendes sacrées, « objet de contemplation, spectacle mystérieux », c’était l’invitation à désirer
1020 , dira Goethe. Et Novalis : « La femme est le but de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la lumière prend pour symbole l’at
1021 qui réside par-delà les étoiles, c’est le royaume de Dispater, le père des Ombres. Et de même, le Tristan de Wagner veut s
1022 agner veut sombrer, mais pour renaître en un ciel de Lumière. La « Nuit » qu’il chante, c’est le Jour incréé. Et sa passio
1023 est le Jour incréé. Et sa passion, c’est le culte d’ Éros, le Désir qui méprise Vénus, même quand il souffre volupté, même
1024 même quand il croit aimer un être… On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de l’opéra wagnérien. Comme si le f
1025 croit aimer un être… On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de l’opéra wagnérien. Comme si le fond païen de l
1026 opos de l’opéra wagnérien. Comme si le fond païen de l’Occident n’avait pas pu fournir au magicien les éléments les plus a
1027 fournir au magicien les éléments les plus actifs de son philtre ! Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le
1028 les plus actifs de son philtre ! Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de l’Europe a
1029 ater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de l’Europe a survécu à la conquête romaine et aux invasions germaniques
1030 man et les langues romanes attestent l’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce furent des moines d’Irlande et de
1031 éritage celtique. Plus tard, ce furent des moines d’ Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes bardiques conse
1032 que. Plus tard, ce furent des moines d’Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes bardiques conservées justeme
1033 culte des lettres. Et ceci nous amène aux abords de l’époque où se forma notre mythe… ⁂ Mais plus près de nous que Platon
1034 près de nous que Platon et les druides, une sorte d’ unité mystique du monde indo-européen se dessine comme en filigrane à
1035 sons le domaine géographique et historique qui va de l’Inde à la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y est répandu
1036 nous constatons qu’une religion s’y est répandue, d’ une manière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle de notre ère,
1037 ière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle de notre ère, syncrétisant l’ensemble des mythes du Jour et de la Nuit t
1038 re, syncrétisant l’ensemble des mythes du Jour et de la Nuit tels qu’ils s’étaient élaborés en Perse d’abord, puis dans le
1039 nichéenne. Les difficultés mêmes que l’on éprouve de nos jours à définir cette religion ne sont pas sans nous renseigner s
1040 e par les pouvoirs ou les orthodoxies. On affecta de voir en elle la pire menace sociale. Ses fidèles furent massacrés, le
1041 e jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversaires. Ensuite, il semble bien que la doctrine de Manès (qu
1042 ersaires. Ensuite, il semble bien que la doctrine de Manès (qui était originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et l
1043 en que la doctrine de Manès (qui était originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et leurs croyances, des formes très
1044 (Zarathustra ou Zoroastre). De plus il est permis de penser que les survivances celtiques dans le Midi languedocien offrir
1045 ut doivent être retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéennes, c’est la nature divine ou angélique d
1046 manichéennes, c’est la nature divine ou angélique de l’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Is
1047 élique de l’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en e
1048 ’âme, prisonnière des formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en exil et sépa
1049 formes créées et de la nuit de la matière. Issu de la lumière et des dieux Me voici en exil et séparé d’eux. Je suis un
1050 a lumière et des dieux Me voici en exil et séparé d’ eux. Je suis un dieu, et né des dieux Mais maintenant réduit à souffr
1051 éduit à souffrir. Ainsi lamente le Moi spirituel d’ un disciple du sauveur Manès, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan
1052 disciple du sauveur Manès, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’est pas sans évoquer d’une p
1053 ur Manès, dans l’hymne du Destin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’est pas sans évoquer d’une part la « réminisc
1054 e revenu du Ciel sur la terre, et qui se souvient de l’île des immortels. Mais cet élan est sans cesse entravé par la jalo
1055 s cet élan est sans cesse entravé par la jalousie de Vénus (Dîbat dans le premier hymne cité) qui veut retenir dans la som
1056 ant en proie au lumineux Désir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale d
1057 eux Désir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale des anges déchus dans
1058 ° Il est très important et significatif pour nous de remarquer que la structure de la foi manichéenne « est essentiellemen
1059 nificatif pour nous de remarquer que la structure de la foi manichéenne « est essentiellement lyrique »18. Autrement dit,
1060 ntiellement lyrique »18. Autrement dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rati
1061 8. Autrement dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rationaliste, impersonnell
1062 dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition rationaliste, impersonnelle et « object
1063 is angoissée et enthousiasmante (au sens littéral de ce terme), d’ordre essentiellement poétique. « La « vérité » de la co
1064 t enthousiasmante (au sens littéral de ce terme), d’ ordre essentiellement poétique. « La « vérité » de la cosmogonie et de
1065 d’ordre essentiellement poétique. « La « vérité » de la cosmogonie et de la théogonie n’apparaît, ne se constitue que dans
1066 ent poétique. « La « vérité » de la cosmogonie et de la théogonie n’apparaît, ne se constitue que dans la certitude attest
1067 le récitatif du psaume. » Et l’on songe au secret de Tristan, qu’il ne peut « dire » mais seulement chanter… ⁂ Toute conce
1068 même ; et dans la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’être né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse i
1069 ns la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’ être né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse indistinction
1070 olontaire que représente l’ascèse (aspect négatif de l’illumination), nous pouvons accéder à la Lumière. Mais la fin de l’
1071 ), nous pouvons accéder à la Lumière. Mais la fin de l’esprit, son but, c’est aussi la fin de la vie limitée, obscurcie pa
1072 s la fin de l’esprit, son but, c’est aussi la fin de la vie limitée, obscurcie par la multiplicité immédiate. Éros, notre
1073 désirs que pour les sacrifier. L’accomplissement de l’Amour nie tout amour terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur ter
1074 tout bonheur terrestre. Considéré du point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le
1075 ccidental sur lequel se détache notre mythe. Mais d’ où vient qu’il s’en soit « détaché » justement ? Quelle menace, quelle
1076 duire que par le charme et la secrète incantation d’ un mythe ? 3.Agapè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de
1077 ythe ? 3.Agapè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : « Au commencement était la Parole, et la Parole
1078 apè ou l’amour chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Di
1079 éternel, sans rémission, l’irrévocable hostilité de la Nuit terrestre et du Jour transcendant ? Non, car voici la suite d
1080 faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire co
1081 , et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloir
1082 unique venu du Père. » (I, 14-15.) L’incarnation de la Parole dans le monde — de la Lumière dans les Ténèbres —, tel est
1083 -15.) L’incarnation de la Parole dans le monde —  de la Lumière dans les Ténèbres —, tel est l’événement inouï qui nous dé
1084 est l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’a
1085 us délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien que l’Écriture
1086 t le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien que l’Écriture nomme Agapè. Événement sans précédent
1087 ent, et « naturellement » incroyable. Car le fait de l’Incarnation est la négation radicale de toute espèce de religion. I
1088 le fait de l’Incarnation est la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême scandale, non seulement p
1089 arnation est la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême scandale, non seulement pour notre raison
1090 ison qui n’admet point cette impensable confusion de l’infini et du fini, mais surtout pour l’esprit religieux naturel. To
1091 ésir unique, qui aboutit à les nier. Le but final de cette dialectique, c’est la non-vie, la mort du corps. La Nuit et le
1092 me créé qui appartient à la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’être, en se « perdant » au sein de la divinité.
1093 à la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’ être, en se « perdant » au sein de la divinité. Mais le christianisme,
1094 la divinité. Mais le christianisme, par son dogme de l’incarnation du Christ dans Jésus, renverse cette dialectique de fon
1095 du Christ dans Jésus, renverse cette dialectique de fond en comble. Au lieu que la mort soit le terme dernier, elle devie
1096 ngile appelle « mort à soi-même », c’est le début d’ une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’est pas la fuite de l’esprit hors
1097 vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’est pas la fuite de l’esprit hors du monde, mais son retour en force au sein du monde ! U
1098 nde ! Une recréation immédiate. Une réaffirmation de la vie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéal
1099 iate. Une réaffirmation de la vie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente
1100 ie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu —
1101 a vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’est f
1102 — s’est fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbres vraiment ont « reçu » la lumière. Et tout
1103 raiment ont « reçu » la lumière. Et tout homme né de femme qui croit cela, renaît de l’esprit dès maintenant : mort à soi-
1104 Et tout homme né de femme qui croit cela, renaît de l’esprit dès maintenant : mort à soi-même et mort au monde en tant qu
1105 mais, l’amour n’est plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mort, mais il se retourne vers la v
1106 et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mort, mais il se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’am
1107 s il se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’amour fait apparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’était
1108 re n’était qu’un prétexte illusoire, une occasion de s’enflammer ; et il fallait aussitôt s’en déprendre, puisque le but é
1109 ait aussitôt s’en déprendre, puisque le but était de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulie
1110 re, puisque le but était de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulier n’était guère qu’un déf
1111 n’était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n
1112 été jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition de l’homme pécheur et séparé, mais sans pécher et sans se diviser, l’Amo
1113 aré, mais sans pécher et sans se diviser, l’Amour de Dieu nous a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sanct
1114 s a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sanctification. Le contraire de la sublimation, qui n’était que fu
1115 uvelle : celle de la sanctification. Le contraire de la sublimation, qui n’était que fuite illusoire au-delà du concret de
1116 ui n’était que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors une action positive, une action de transf
1117 mer devient alors une action positive, une action de transformation. Éros cherchait le dépassement à l’infini. L’amour chr
1118 r aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos ennemis ? C’e
1119 ue signifie : Aimez vos ennemis ? C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme i
1120 os ennemis ? C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est auss
1121 C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’ angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est aussi la naissan
1122 me, du moi de désir et d’angoisse, c’est une mort de l’homme isolé, mais c’est aussi la naissance du prochain. À ceux qui
1123 chain ? Jésus répond : c’est l’homme qui a besoin de vous. Tous les rapports humains, dès cet instant, changent de sens. L
1124 s les rapports humains, dès cet instant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour ce n’est plus la passion infinie
1125 cet instant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière
1126 mbole de l’Amour ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Ég
1127 e n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’amour huma
1128 te de lumière, mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’amour humain lui-même s’en trouve transformé. Tandis que
1129 r le mariage. Un tel amour, étant conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), peut être vraiment r
1130 me l’autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se mar
1131 élicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se marier que de brûler », écrit saint Paul aux Corinthiens.) De plus, c’est un amour
1132 naît dès ici-bas, dans l’obéissance, la plénitude de son ordre. ⁂ Le dualisme du Jour et de la Nuit, poussé à son extrême
1133 plénitude de son ordre. ⁂ Le dualisme du Jour et de la Nuit, poussé à son extrême logique, aboutissait, du point de vue d
1134 son extrême logique, aboutissait, du point de vue de la vie, au malheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’est un
1135 e n’est un malheur mortel que pour l’homme séparé de Dieu, mais un malheur recréateur et bienheureux dès cette vie pour le
1136 lut ». 4.Orient et Occident Est-il possible de définir l’Orient et l’Occident en dehors de la géographie ? En présen
1137 nce d’un problème aussi complexe, et en l’absence de toute réponse satisfaisante, c’est l’honnêteté d’un écrivain que de s
1138 de toute réponse satisfaisante, c’est l’honnêteté d’ un écrivain que de se borner à déclarer son système personnel de référ
1139 atisfaisante, c’est l’honnêteté d’un écrivain que de se borner à déclarer son système personnel de références. Ce que j’ap
1140 que de se borner à déclarer son système personnel de références. Ce que j’appelle Orient, dans cet ouvrage, c’est une tend
1141 elle Orient, dans cet ouvrage, c’est une tendance de l’esprit humain qui a trouvé du côté de l’Asie ses plus hautes et pur
1142 lus hautes et pures expressions. J’entends parler d’ une forme de mystique à la fois dualiste dans sa vision du monde, et m
1143 t pures expressions. J’entends parler d’une forme de mystique à la fois dualiste dans sa vision du monde, et moniste dans
1144 ntale » ? À la négation du divers, à l’absorption de tous en Un, à la fusion totale avec le dieu, ou s’il n’y a pas de die
1145 la fusion totale avec le dieu, ou s’il n’y a pas de dieu, comme dans le bouddhisme, avec l’Être-Un universel. Tout cela s
1146 sel. Tout cela suppose une Sagesse, une technique de l’illumination progressive — les yogas par exemple — une montée de l’
1147 progressive — les yogas par exemple — une montée de l’individu vers l’Unité, où il se perd. Et j’appellerai « occidentale
1148  une différence qualitative infinie ». Donc point de fusion possible, ni d’union substantielle. Mais seulement une communi
1149 tive infinie ». Donc point de fusion possible, ni d’ union substantielle. Mais seulement une communion, dont le modèle est
1150 une communion, dont le modèle est dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illumination subite, ou
1151 dont le modèle est dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illumination subite, ou conversion, un
1152 illumination subite, ou conversion, une descente de la Grâce venant de Dieu à l’homme. Ces deux extrêmes ainsi marqués, l
1153 e, ou conversion, une descente de la Grâce venant de Dieu à l’homme. Ces deux extrêmes ainsi marqués, l’on n’aura pas de p
1154 Ces deux extrêmes ainsi marqués, l’on n’aura pas de peine à démontrer qu’il existe en Orient de nombreuses tendances occi
1155 a pas de peine à démontrer qu’il existe en Orient de nombreuses tendances occidentales ; et l’inverse. (Mais je ne fais pa
1156 veut l’union, c’est-à-dire la fusion essentielle de l’individu dans le dieu. L’individu distinct — cette erreur douloureu
1157 ticulières, elles ne représentent que des défauts de l’Être. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amo
1158 ue des défauts de l’Être. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en même temps son ascèse, l
1159 s n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la
1160 n même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. Agapè au contraire ne cherche pas l’union qui s’opérerait au
1161 re ne cherche pas l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort
1162 » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’ être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne tro
1163 joue ici-bas. Le péché n’est pas d’être né, mais d’ avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouverons pas Dieu
1164 e trouverons pas Dieu par une élévation indéfinie de notre désir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais
1165 re Éros, il ne sera jamais que nous-mêmes ! Point d’ illusions ni d’optimisme humain, dans le christianisme orthodoxe. Mais
1166 sera jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’ optimisme humain, dans le christianisme orthodoxe. Mais alors, c’est l
1167 . Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’amour de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation est le signe historique
1168 squ’à nous. L’Incarnation est le signe historique d’ une création renouvelée, où le croyant se trouve réintégré par l’acte
1169 où le croyant se trouve réintégré par l’acte même de sa foi. Désormais, pardonné et sanctifié, c’est-à-dire réconcilié, l’
1170 et s’aime lui-même en vérité. Pour l’Agapè, point de fusion ni d’exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’o
1171 -même en vérité. Pour l’Agapè, point de fusion ni d’ exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’une
1172 ution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’ une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la communion. Et pour
1173 e à s’exalter, mais tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — 
1174 s tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en dr
1175 tresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour
1176 ’Éros n’a pas de prochain — n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion doit normalement se d
1177 n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’ amour nommée passion doit normalement se développer au sein des peuple
1178 es peuples chrétiens — historiquement les peuples d’ Occident — ne devraient pas connaître la passion, ou tout au moins la
1179 connaître la passion, ou tout au moins la traiter d’ incroyance ? Or l’Histoire nous oblige à le constater : c’est l’invers
1180 ent (Appendice 4), et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme le plaisir,
1181 où elle exerce ses ravages aux dépens du monde et de soi. L’identification des éléments religieux dont nous avions décelé
1182 s et les mœurs. Serait-ce alors dans le fait même de cette contradiction flagrante que résiderait l’explication du mythe ?
1183 ns les mœurs occidentales Pour introduire plus de clarté dans ce dédale dialectique, je proposerai le schéma suivant :
1184 rare et méprisée. Christianisme Communion (pas d’ union essentielle). Amour du prochain. (Mariage heureux.) Conflits dou
1185 flits douloureux, passion exaltée. Le principe d’ explication de ce tableau est assez simple. Le platonisme, au temps de
1186 ux, passion exaltée. Le principe d’explication de ce tableau est assez simple. Le platonisme, au temps de Platon et dur
1187 triompha. La primitive Église fut une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin, puis des empereu
1188 primitive Église fut une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin, puis des empereurs carolingien
1189 ui les imposèrent par la force à tous les peuples d’ Occident. Dès lors, les vieilles croyances païennes refoulées devinren
1190 ui dans un cadre chrétien, mais privé des secours d’ une foi réelle, un tel homme, fatalement, devait sentir en lui s’exalt
1191 bare. Il était prêt à accueillir, sous le couvert de formes catholiques, toutes les reviviscences des mystiques païennes c
1192 les reviviscences des mystiques païennes capables de le « libérer ». C’est ainsi que les doctrines secrètes, dont nous avo
1193 nsi que l’amour-passion, forme terrestre du culte de l’Éros, envahit la psyché des élites mal converties et souffrant du m
1194 rmes ésotériques, se déguisa en hérésies secrètes d’ apparences plus ou moins orthodoxes. Ces hérésies se propagèrent très
1195 où nous les retrouverons un peu plus tard mêlées de la manière la plus complexe à la grande renaissance mystique. D’autre
1196 sait pas toujours l’origine et la portée mystique de valeurs qu’elle prenait pour une mode et qu’elle accommodait à ses pl
1197 ne devait pas tarder à matérialiser les préceptes d’ une religion qui pourtant s’opposait au christianisme par son refus de
1198 ourtant s’opposait au christianisme par son refus de l’Incarnation, précisément ! Je ne donnerai pour l’instant qu’un seul
1199 Je ne donnerai pour l’instant qu’un seul exemple de ce processus si typiquement occidental, et qui consiste à garder le s
1200 ental, et qui consiste à garder le signe matériel d’ une religion dont on trahit l’esprit. Platon liait l’Amour à la Beauté
1201 tendait, c’était d’abord l’essence intellectuelle de la perfection incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’est deven
1202 llectuelle de la perfection incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’est devenue cette doctrine parmi nous ? « Person
1203 ne saurait dire jusqu’à quelles couches profondes de l’humanité d’Occident ont pénétré les conceptions platoniciennes. L’h
1204 e jusqu’à quelles couches profondes de l’humanité d’ Occident ont pénétré les conceptions platoniciennes. L’homme le plus s
1205 oniciennes. L’homme le plus simple use couramment d’ expressions et de notions qui remontent à Platon. »20 Mais il en abuse
1206 me le plus simple use couramment d’expressions et de notions qui remontent à Platon. »20 Mais il en abuse dans le sens où
1207 s il en abuse dans le sens où l’incline sa nature d’ Occidental. C’est ainsi que le platonisme vulgaire nous a conduits à u
1208 sion : à cette idée que l’amour dépend avant tout de la beauté physique — alors qu’en fait cette beauté même n’est que l’a
1209 ’est que l’attribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’amour. L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour
1210 tribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’ amour. L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour embellit son
1211 et que la beauté « officielle » n’est pas un gage d’ être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend ave
1212 qui nous obsède, nous rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimab
1213 rend peu aimable. Et il nous jette à la poursuite de chimères qui n’existent qu’en nous. Mais encore, d’où vient ce succès
1214 chimères qui n’existent qu’en nous. Mais encore, d’ où vient ce succès et cette permanence invincible de l’erreur héritée
1215 où vient ce succès et cette permanence invincible de l’erreur héritée d’un Platon mal compris ? C’est qu’elle trouve dans
1216 t cette permanence invincible de l’erreur héritée d’ un Platon mal compris ? C’est qu’elle trouve dans le cœur de tout homm
1217 n mal compris ? C’est qu’elle trouve dans le cœur de tout homme — et spécialement de tout Occidental de très obscures comp
1218 ouve dans le cœur de tout homme — et spécialement de tout Occidental de très obscures complicités. Souvenons-nous du culte
1219 e tout homme — et spécialement de tout Occidental de très obscures complicités. Souvenons-nous du culte druidique pour la
1220 mme, être prophétique, « éternel féminin », « but de l’homme ». Les Celtes, déjà, tendaient donc à matérialiser l’élan div
1221 y a plus, nous le savons depuis Freud : le « type de femme » que chaque homme porte dans son cœur et qu’il assimile d’inst
1222 haque homme porte dans son cœur et qu’il assimile d’ instinct à la définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la
1223 cœur et qu’il assimile d’instinct à la définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoi
1224 définition de la beauté, n’est-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si telles sont bien les
1225 émoire secrète ? ⁂ Si telles sont bien les causes de la curieuse contradiction qui apparaît au xiie siècle entre les doct
1226 des contrecoups du christianisme (et spécialement de sa doctrine du mariage) dans les âmes où vivait encore un paganisme n
1227 que et contestable si nous n’étions pas en mesure de retracer les voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Ér
1228 esure de retracer les voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Éros. Or nous avons déjà fixé sa date : vers l
1229 voies et moyens historiques de cette renaissance de l’Éros. Or nous avons déjà fixé sa date : vers le début du xiie sièc
1230 xé sa date : vers le début du xiie siècle. (Date de naissance de l’amour-passion !21). Et nous allons montrer qu’elle por
1231 vers le début du xiie siècle. (Date de naissance de l’amour-passion !21). Et nous allons montrer qu’elle porte un nom par
1232 ares Que toute la poésie européenne soit issue de la poésie des troubadours au xiie siècle, c’est ce dont personne ne
1233 « Oui, entre les xie et xiie siècles, la poésie d’ où qu’elle fût (hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienn
1234 poète, ne pouvant être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du trou
1235 nt être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du troubadour, qui n’a
1236 t-ce que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’amour malheureux. « Il n’y a dans toute la lyrique occitane et la l
1237 qui toujours dit non. »23 L’Europe n’a pas connu de poésie plus profondément rhétorique : non seulement dans ses formes v
1238 que celle-ci prend sa source dans un système fixe de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut
1239 me fixe de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne fut pl
1240 de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’ amors. Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne fut plus exalt
1241  Amor », qui est l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour possible en cette
1242 ancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour possible en cette vie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la c
1243 ie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la chasteté. E d’ amor mou castitaz (d’amour vient chasteté) chante le troubadour toulou
1244 Amour suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz ( d’ amour vient chasteté) chante le troubadour toulousain Guilhem Montanha
1245 amoureux. Le poète a gagné sa dame par la beauté de son hommage musical. Il lui jure à genoux une éternelle fidélité, com
1246 le fidélité, comme on fait à un suzerain. En gage d’ amour, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoign
1247 ur, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’ or, lui enjoignait de se lever, et lui déposait un baiser sur le front
1248 son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoignait de se lever, et lui déposait un baiser sur le front. Désormais, ces aman
1249 t. Désormais, ces amants seront liés par les lois de la cortezia : le secret, la patience, et la mesure, qui n’est pas tou
1250 et la mesure, qui n’est pas tout à fait synonyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt de la retenue… Et surtout,
1251 nyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt de la retenue… Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’où vie
1252 e la retenue… Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuel
1253 Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’ où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuellement insati
1254 de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amour « perpétuellement insatisfait », et cette louange enthousiast
1255 ait », et cette louange enthousiaste et plaintive d’ « une belle qui toujours dit non » ? Et d’où vient ce savant lyrisme q
1256 aintive d’« une belle qui toujours dit non » ? Et d’ où vient ce savant lyrisme qui tout d’un coup se trouve là pour tradui
1257 non » ? Et d’où vient ce savant lyrisme qui tout d’ un coup se trouve là pour traduire la passion nouvelle ? On ne saurait
1258 ne saurait trop souligner le caractère miraculeux de cette double naissance, si rapide : en l’espace d’une vingtaine d’ann
1259 e cette double naissance, si rapide : en l’espace d’ une vingtaine d’années, naissance d’une vision de la femme entièrement
1260 aissance, si rapide : en l’espace d’une vingtaine d’ années, naissance d’une vision de la femme entièrement contraire aux m
1261 : en l’espace d’une vingtaine d’années, naissance d’ une vision de la femme entièrement contraire aux mœurs traditionnelles
1262 d’une vingtaine d’années, naissance d’une vision de la femme entièrement contraire aux mœurs traditionnelles — la femme s
1263 aditionnelles — la femme se voit élevée au-dessus de l’homme, dont elle devient l’idéal nostalgique — et naissance d’une p
1264 t elle devient l’idéal nostalgique — et naissance d’ une poésie à formes fixes, très compliquées et raffinées, sans précéde
1265 ns toute l’Antiquité ni dans les quelques siècles de culture romane qui succèdent à la renaissance carolingienne. Ou bien
1266 tout cela « tombe du ciel », c’est-à-dire jaillit d’ une inspiration subite et collective — mais encore faudrait-il expliqu
1267 els lieux bien définis ; ou bien tout cela relève d’ une cause historique précise — mais alors il s’agit de savoir pour que
1268 e cause historique précise — mais alors il s’agit de savoir pour quelles raisons elle est demeurée obscure jusqu’à nos jou
1269 estion, et la facilité avec laquelle ils décident de n’y point répondre. Tout le monde admet aujourd’hui que la poésie pr
1270 d’hui que la poésie provençale et les conceptions de l’amour qu’elle illustre, « loin de s’expliquer par les conditions où
1271 le ne reflète aucunement la réalité, la condition de la femme n’ayant pas été, dans les institutions féodales du Midi, moi
1272 « évident » que les troubadours ne tiraient rien de la réalité sociale, il paraît non moins évident que leur conception d
1273 , il paraît non moins évident que leur conception de l’amour venait d’ailleurs. Quel pouvait être cet ailleurs ? La même q
1274  », écrit M. Jeanroy (quitte à reprocher à chacun de ces poètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’originalité
1275 te à reprocher à chacun de ces poètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’être borné à raffi
1276 oètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’ originalité et de s’être borné à raffiner des formes fixes et des lieu
1277 de n’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’être borné à raffiner des formes fixes et des lieux communs : mais
1278 se risque à formuler une hypothèse sur l’origine de la rhétorique courtoise, les spécialistes l’accablent des plus aigres
1279 tte énormité »26. Diez a montré des ressemblances de formes (rythmes et coupes) entre la lyrique arabe et la lyrique prove
1280 peu de culture pour connaître cette poésie. Ainsi de chaque réponse proposée : le « sérieux » des savants paraissant consi
1281 consister surtout dans une propension à qualifier d’ énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phéno
1282 out dans une propension à qualifier d’énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phénomène qu’ils pa
1283 ier d’énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est
1284 ru pouvoir tout éclaircir en décelant à l’origine de la lyrique provençale des influences religieuses, néo-platoniciennes
1285 ies » ont aussitôt dressé contre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’est vu traiter de « doctrinaire » — suprême
1286 semble de nos érudits. Wechssler s’est vu traiter de « doctrinaire » — suprême injure — et plusieurs ont insinué que la qu
1287 injure — et plusieurs ont insinué que la qualité d’ Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompa
1288 t plusieurs ont insinué que la qualité d’Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompatible avec
1289 ualité d’Allemand de ce professeur les dispensait de réfuter un système incompatible avec le clair génie de notre race. Il
1290 futer un système incompatible avec le clair génie de notre race. Il reste donc d’une part un phénomène étrange, et d’autre
1291 d’une part un phénomène étrange, et d’autre part, de fort savantes réfutations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il es
1292 ge, et d’autre part, de fort savantes réfutations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il est également impossible — écri
1293 pliquer. « Il est également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’amour, qui forment les
1294 lement impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’amour, qui forment les trois quarts de la po
1295 un de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’ amour, qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image
1296 es chansons d’amour, qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image fidèle de la réalité et un pur assemb
1297 quarts de la poésie provençale, une image fidèle de la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens. » Certes.
1298 e image fidèle de la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens. » Certes. Mais là-dessus, l’auteur annonce qu
1299 la réalité et un pur assemblage de formules vides de sens. » Certes. Mais là-dessus, l’auteur annonce qu’« en historien sc
1300 qu’« en historien scrupuleux », il se garde bien de se prononcer. Ce qui revient à dire que la lyrique courtoise dont il
1301 eux et jusqu’à plus ample informé « un assemblage de formules vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai, pour un
1302 s ample informé « un assemblage de formules vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai, pour un philologue qui se
1303 liciter » les textes, fût-ce par le moindre essai de les comprendre. Je ne saurais me contenter, pour ma part, d’une hypot
1304 rendre. Je ne saurais me contenter, pour ma part, d’ une hypothèse à tel point scrupuleuse. Je me refuse à supposer un seul
1305 ul instant que les troubadours furent des faibles d’ esprit, tout juste bons à répéter sans se lasser des formules apprises
1306 me demande, après Aroux et Péladan, si le secret de toute cette poésie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’e
1307 ie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’ elle qu’on ne l’a fait — tout près : sur place, dans le milieu même où
1308 se trouvait déterminer les formes, même sociales, de ce milieu.28 Partant de là, constatons qu’un grand fait historique d
1309 s formes, même sociales, de ce milieu.28 Partant de là, constatons qu’un grand fait historique domine le xiie siècle pro
1310 ne hérésie puissante se répandait. L’on a pu dire de la religion cathare qu’elle représenta pour l’Église un péril aussi g
1311 enta pour l’Église un péril aussi grave que celui de l’arianisme. Certains ne vont-ils pas jusqu’à prétendre qu’elle fit e
1312 ’à prétendre qu’elle fit en Occident des millions de fidèles secrets, malgré la très sanglante croisade des albigeois, au
1313 e précise à l’hérésie les sectes néo-manichéennes d’ Asie Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les
1314 ichéennes d’Asie Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les « purs » ou cathares29 se rattachaient a
1315 e Mineure et les églises bogomiles de Dalmatie et de Bulgarie. Les « purs » ou cathares29 se rattachaient aux grands coura
1316 ait assez que la Gnose, de même que les doctrines de Mani ou Manès, plonge des racines dans la religion dualiste de l’Iran
1317 nès, plonge des racines dans la religion dualiste de l’Iran. Quelle était la doctrine des cathares ? On a répété très long
1318 son que l’Inquisition avait brûlé tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignag
1319 n avait brûlé tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants étaie
1320 é tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants étaient les inter
1321 és » par les juges et déformés par les greffiers. De fait, la découverte et la publication, en 1939, d’un ouvrage théologi
1322 e fait, la découverte et la publication, en 1939, d’ un ouvrage théologique (tardif il est vrai) le Livre des deux Principe
1323 des deux Principes 30 s’ajoutant à la restitution d’ un Nouveau Testament et de rituels utilisés par les Hérétiques31, perm
1324 outant à la restitution d’un Nouveau Testament et de rituels utilisés par les Hérétiques31, permet aujourd’hui de connaîtr
1325 utilisés par les Hérétiques31, permet aujourd’hui de connaître dans leur ensemble et dans certaines de leurs variations, l
1326 de connaître dans leur ensemble et dans certaines de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’Amour », nom que l’on a
1327 et dans certaines de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’Amour », nom que l’on a donné parfois à l’hérésie aussi
1328 nes de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’ Amour », nom que l’on a donné parfois à l’hérésie aussi dite « albigeo
1329 gine permanente et toujours tragiquement actuelle de l’attitude cathare, ou d’une manière plus générale du dualisme, dans
1330 s tragiquement actuelle de l’attitude cathare, ou d’ une manière plus générale du dualisme, dans les religions les plus div
1331 ligions les plus diverses comme dans la réflexion de millions d’individus fut et demeure le problème du Mal, tel que l’hom
1332 plus diverses comme dans la réflexion de millions d’ individus fut et demeure le problème du Mal, tel que l’homme spirituel
1333 ectique et paradoxale qui se résume dans les mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’une logique plus massive, l
1334 adoxale qui se résume dans les mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’une logique plus massive, le dualisme sta
1335 s mots de liberté et de grâce. Plus pessimiste et d’ une logique plus massive, le dualisme statue l’existence absolument hé
1336 lument hétérogène du Bien et du Mal, c’est-à-dire de deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu est Amour, mais le
1337 du Bien et du Mal, c’est-à-dire de deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu est Amour, mais le monde est mauvais.
1338 ais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres et du péché qui nous enserre. Sa création première dans
1339 duire les âmes, Lucifer leur a montré « une femme d’ une beauté éclatante, qui les a enflammées de désir ». Puis il a quitt
1340 emme d’une beauté éclatante, qui les a enflammées de désir ». Puis il a quitté le Ciel avec elle, pour descendre dans la m
1341 le. Les âmes-Anges, ayant suivi Satan et la femme d’ une beauté éclatante, ont été prises dans des corps matériels, qui leu
1342 airer un sentiment fondamental chez l’homme, même de nos jours.) L’âme, dès lors, se trouve séparée de son esprit, qui res
1343 de nos jours.) L’âme, dès lors, se trouve séparée de son esprit, qui reste au Ciel. Tentée par la liberté, elle devient en
1344 par la liberté, elle devient en fait prisonnière d’ un corps aux appétits terrestres, soumis aux lois de la procréation et
1345 un corps aux appétits terrestres, soumis aux lois de la procréation et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pou
1346 terrestres, soumis aux lois de la procréation et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pour nous montrer le che
1347 rist, en cela semblable à celui des gnostiques et de Manès, ne s’est pas vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’
1348 as vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’ un homme. C’est ici la grande hérésie docétiste (du grec dokesis, appa
1349 résie docétiste (du grec dokesis, apparence) qui, de Marcion jusqu’à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’adm
1350 à nos jours, traduit notre refus tout « naturel » d’ admettre le scandale d’un Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le d
1351 tre refus tout « naturel » d’admettre le scandale d’ un Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le dogme de l’Incarnation,
1352 Dieu-Homme. Les cathares rejettent donc le dogme de l’Incarnation, et a fortiori sa traduction romaine dans le sacrement
1353 fortiori sa traduction romaine dans le sacrement de la messe : ils le remplacent par une cène fraternelle, symbolisant de
1354 olateur : ce consolamentum devient le rite majeur de leur Église. Il se donnait, lors des cérémonies d’initiation, aux frè
1355 e leur Église. Il se donnait, lors des cérémonies d’ initiation, aux frères qui acceptaient de renoncer le monde, et s’enga
1356 rémonies d’initiation, aux frères qui acceptaient de renoncer le monde, et s’engageaient solennellement à se consacrer à D
1357 ne tuer ni manger nul animal, enfin à s’abstenir de tout contact avec leur femme, s’ils étaient mariés. Il semble qu’un j
1358 emme, s’ils étaient mariés. Il semble qu’un jeûne de quarante jours34 précédait l’initiation et qu’un autre d’égale durée
1359 nte jours34 précédait l’initiation et qu’un autre d’ égale durée lui succédait. (Plus tard, au xive siècle, ce jeûne ritue
1360 purs » jusqu’à la mort volontaire, mort par amour de Dieu, consommation du détachement suprême de toute loi matérielle.) L
1361 mour de Dieu, consommation du détachement suprême de toute loi matérielle.) Le consolamentum était administré par les évêq
1362 au milieu du cercle des « purs », puis le baiser de paix échangé par les frères. Après quoi, l’initié devenait objet de v
1363 r les frères. Après quoi, l’initié devenait objet de vénération pour les simples croyants non encore « consolés » : il ava
1364 st-à-dire à trois « révérences ». On a vu le rôle de la Femme, appât du diable pour entraîner les âmes dans les corps. En
1365 dans le catharisme un rôle tout analogue à celui de la Pistis-Sophia chez les gnostiques. À la Femme instrument de la per
1366 Sophia chez les gnostiques. À la Femme instrument de la perdition des âmes, répond Marie, symbole de pure Lumière salvatri
1367 t de la perdition des âmes, répond Marie, symbole de pure Lumière salvatrice, Mère intacte (immatérielle) de Jésus, et sem
1368 e Lumière salvatrice, Mère intacte (immatérielle) de Jésus, et semble-t-il, Juge plein de douceur des esprits délivrés. Le
1369 mmatérielle) de Jésus, et semble-t-il, Juge plein de douceur des esprits délivrés. Les manichéens connaissaient depuis des
1370 les cathares : l’imposition des mains, le baiser de paix, et la vénération des Élus (ou « purs »). Il est important de me
1371 nération des Élus (ou « purs »). Il est important de mentionner ici la vénération manichéenne s’adressant à la « forme de
1372 a vénération manichéenne s’adressant à la « forme de lumière » qui dans chaque homme représente son propre esprit (demeuré
1373 s de la manifestation) et qui accueille l’hommage de son âme par un salut et un baiser. L’enfer étant la prison de la mati
1374 ar un salut et un baiser. L’enfer étant la prison de la matière, Lucifer, l’ange révolté, n’y peut régner que pour le temp
1375 e durera « l’erreur » des âmes. Au terme du cycle de leurs épreuves — comportant plusieurs vies, physiques ou autres, pour
1376 uminés — la création sera réintégrée dans l’unité de l’Esprit originel, les pécheurs entraînés par Satan seront sauvés, et
1377 ’à l’encontre du manichéisme elle professe l’idée d’ une création unique, toute divine et toute bonne aux origines. Notons
1378 rait : comme ce fut le cas pour tant de sectes et de religions orientales — jaïnisme, bouddhisme, essénisme, gnosticisme c
1379 u imperfecti). Seuls les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’ast
1380 euls les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’astreindre à tous l
1381 les purs, sans s’astreindre à tous les préceptes de la morale ésotérique : mortifications corporelles, mépris de la créat
1382 e ésotérique : mortifications corporelles, mépris de la création, dissolution de tous les liens mondains. Saint Bernard de
1383 s corporelles, mépris de la création, dissolution de tous les liens mondains. Saint Bernard de Clairvaux (cité par Rahn) a
1384 a pu dire des cathares, qu’il combattit pourtant de toutes ses forces : « Il n’y a certainement pas de sermons plus chrét
1385 e toutes ses forces : « Il n’y a certainement pas de sermons plus chrétiens que les leurs, et leurs mœurs étaient pures… »
1386 es… » Ce jugement rachète en partie les calomnies de l’Inquisition. Mais on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de
1387 les calomnies de l’Inquisition. Mais on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de « chrétienne » une prédication qui
1388 is on s’étonne de voir ce saint docteur qualifier de « chrétienne » une prédication qui nie plusieurs des dogmes fondament
1389 ication qui nie plusieurs des dogmes fondamentaux de son Église. Quant à la pureté de mœurs des cathares, nous avons vu qu
1390 mes fondamentaux de son Église. Quant à la pureté de mœurs des cathares, nous avons vu qu’elle traduisait des croyances fo
1391 qu’elle traduisait des croyances fort différentes de celles qui fondent la morale chrétienne orthodoxe. La condamnation de
1392 t la morale chrétienne orthodoxe. La condamnation de la chair, où certains croient voir aujourd’hui une caractéristique ch
1393 d’hui une caractéristique chrétienne, est en fait d’ origine manichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel de le rappe
1394 anichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel de le rappeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’est pas le cor
1395 nt Paul n’est pas le corps physique, mais le tout de l’homme naturel, corps, raison, facultés, désirs — donc l’âme aussi.
1396 ires et leur dernier haut lieu, le château-temple de Montségur36 — enfin saccagea brutalement la civilisation très raffiné
1397 aient été l’âme austère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore t
1398 ère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore tributaires, au-delà
1399 mentales, nous sommes encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’espère le montrer par ce livre.) 7.H
1400 considérer les troubadours comme des « croyants » de l’Église cathare, et comme des chantres de son hérésie ? Cette thèse,
1401 ants » de l’Église cathare, et comme des chantres de son hérésie ? Cette thèse, que je qualifierai de maxima par contraste
1402 de son hérésie ? Cette thèse, que je qualifierai de maxima par contraste avec celle où je crois pouvoir m’arrêter37, fut
1403 t stimulantes : car il semble également difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du
1404 ar il semble également difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tie
1405 alement difficile de la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tient à l’essence
1406 e la rejeter et de l’accepter, de la démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tient à l’essence même du phénomène d
1407 nt à l’essence même du phénomène dont elle essaie de rendre compte : à la fois historique et archétypique, psychique et my
1408 t croire que ces deux mouvements soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne s
1409 deux mouvements soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne serait-ce pas plu
1410 trange que tout ? Mais en revanche, quelle espèce de liens peut-on imaginer entre ces noirs cathares, que leur ascétisme c
1411 ts romanistes dans leur conclusion unanime : rien de commun entre cathares et troubadours ! Mais l’irrépressible intuition
1412 e révolution psychique du xiie siècle ! Le refus de comprendre l’un par l’autre et par un même mouvement de l’esprit l’hé
1413 prendre l’un par l’autre et par un même mouvement de l’esprit l’hérésie et l’amour courtois, n’équivaut-il pas au refus de
1414 e et l’amour courtois, n’équivaut-il pas au refus de les comprendre isolément ? ⁂ Voyons les présomptions en faveur de la
1415 ent en ruine… Les personnages les plus importants de ma terre se sont laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple et
1416 t vécu et chanté dans ce monde-là sans se soucier de ce que pensaient, croyaient et sentaient les seigneurs aux dépens des
1417 ervation n’est pas toujours exacte — il s’en faut de beaucoup, comme on va voir ! — et de plus il se peut très bien que le
1418 révèle tout au contraire les tendances hérétiques de ces cours. Voici le début d’une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se
1419 tendances hérétiques de ces cours. Voici le début d’ une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se réjouit à cause du renouveau
1420 tiques de ces cours. Voici le début d’une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se réjouit à cause du renouveau si agréable e
1421 eau si agréable et si doux, et à cause du château de Fanjeaux, qui me semble le Paradis ; car amour et joie s’y enferment,
1422 n son « cathare » ? Mais qu’est-ce que ce château de Fanjeaux ? L’une des maisons-mères des cathares ! Le plus fameux des
1423 1193 (notre poème pouvant être daté des environs de 1190) et c’est là qu’Esclarmonde de Foix, la plus grande Dame de l’hé
1424 st là qu’Esclarmonde de Foix, la plus grande Dame de l’hérésie, recevra le consolamentum ! La seconde strophe ne parle que
1425 strophe ne parle que des « dames » : Je n’ai pas d’ ennemi si mortel, dont je ne devienne l’ami loyal, s’il me parle des d
1426 Est-il vraiment possible, se demande le lecteur, d’ imaginer que Peire Vidal soit autre chose qu’un galant amuseur, un fla
1427 oit autre chose qu’un galant amuseur, un flatteur de femmes riches — celles qui forment son public ? Mais la suite du poèm
1428 ter pour aller en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de
1429 ler en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeoi
1430 nce : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carc
1431 les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les
1432 c, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les chevaliers et les femmes du pays
1433 vons que tous ces châteaux sont des foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’hérétiques » (sortes de couvents) 
1434 foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’ hérétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés sont notoirement ca
1435 sie, ou même des « maisons d’hérétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés sont notoirement cathares ; et que cette «
1436 intitule en toute innocence « remerciements pour de gracieuses hospitalités », prend ainsi le caractère imprévu d’une sor
1437 hospitalités », prend ainsi le caractère imprévu d’ une sorte de lettre pastorale ! Et pourtant, je le relis et je me frot
1438 s », prend ainsi le caractère imprévu d’une sorte de lettre pastorale ! Et pourtant, je le relis et je me frotte les yeux…
1439 yeux… Comment croire que ce ton badin, ces potins de milieu littéraire… S’agirait-il vraiment de « pures coïncidences » ?
1440 otins de milieu littéraire… S’agirait-il vraiment de « pures coïncidences » ? Ce doute et cette question renaissent à l’in
1441 s glorifient — sans toujours l’exercer — la vertu de chasteté ? Est-ce pure coïncidence si, comme les « purs », ils ne reç
1442 ncidence si, comme les « purs », ils ne reçoivent de leur Dame qu’un seul baiser d’initiation ? Et s’ils distinguent deux
1443 , ils ne reçoivent de leur Dame qu’un seul baiser d’ initiation ? Et s’ils distinguent deux degrés dans le domnei (le prega
1444 et l’entendeire) comme on distingue dans l’Église d’ Amour les « croyants » et les « parfaits » ? Et s’ils raillent les lie
1445 outes ? Et si l’on retrouve, enfin, dans certains de leurs vers, des expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne ser
1446 ns certains de leurs vers, des expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne serait que trop facile de multiplier ces
1447 a liturgie cathare ? Il ne serait que trop facile de multiplier ces questions. Voyons plutôt les arguments adverses. Tous
1448 roubadours, dira-t-on, ne furent pas dans le camp de l’hérésie. Plusieurs finirent leurs jours dans des couvents. Certes,
1449 jour où il fut accusé devant le pape Innocent III d’ avoir causé la mort de cinq-cents personnes ! D’ailleurs, quand on dém
1450 devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de cinq-cents personnes ! D’ailleurs, quand on démontrerait, à supposer
1451 d’entre les troubadours ignoraient les analogies de leur lyrisme et du dogme cathare, on n’aurait pas encore démontré que
1452 re, on n’aurait pas encore démontré que l’origine de ce lyrisme n’est pas hérétique. N’oublions pas qu’ils composaient leu
1453 leurs coblas et leurs sirventés selon les canons d’ une rhétorique admirablement invariable. On peut concevoir une poésie
1454 r une poésie — même très belle — qui serait faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’est-ce pa
1455 t faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’ où ils viennent. N’est-ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si
1456 Et si l’on dit : ces troubadours ne parlent point de leurs croyances dans les poésies qui nous restent — il suffit de rapp
1457 ces dans les poésies qui nous restent — il suffit de rappeler que les cathares promettaient, lors de l’initiation, de ne j
1458 les cathares promettaient, lors de l’initiation, de ne jamais trahir leur foi, et cela quelle que fût la mort dont ils se
1459 verraient menacés. C’est ainsi que les registres de l’Inquisition ne portent pas un seul aveu concernant la minesola (ou
1460 uprême initiation des « purs ». La fréquence même de cette question débattue dans les cours d’amour : « Un chevalier peut-
1461 ce même de cette question débattue dans les cours d’ amour : « Un chevalier peut-il être à la fois marié et fidèle à sa dam
1462 aient subir un apparent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils étaient les clercs, tout en servant dans leurs « pensée
1463 t dans leurs « pensées » une autre Dame, l’Église d’ Amour… Bernard Gui, dans son Manuel de l’Inquisiteur, n’affirme-t-il p
1464 f qu’elle représentait pour eux non pas une femme de chair, mère de Jésus, mais leur Église ? Mais certains abjurèrent l’h
1465 rons-les dans la très pure nudité et transparence de leur rhétorique amoureuse. ⁂ Thème de la mort, que l’on préfère aux d
1466 ransparence de leur rhétorique amoureuse. ⁂ Thème de la mort, que l’on préfère aux dons du monde : Plus m’agrée donc de m
1467 on préfère aux dons du monde : Plus m’agrée donc de mourir Que de joie vilaine jouir Car joie qui repaît vilement N’a pou
1468 dons du monde : Plus m’agrée donc de mourir Que de joie vilaine jouir Car joie qui repaît vilement N’a pouvoir ni droit
1469 Car joie qui repaît vilement N’a pouvoir ni droit de me plaire tant. Ainsi chante Aimeric de Belenoi. La « joie vilaine 
1470 i. La « joie vilaine », c’est ce qui le guérirait de son désir, si justement l’amour sans fin n’était le mal qu’il aime, l
1471 mour sans fin n’était le mal qu’il aime, la « joy d’ amor », le délire qui prévaut : … en fait, ce fou désir M’occira, que
1472 e me plaint … et ce désir Prévaut — bien que fait de délire — Sur tout autre… S’il ne veut pas mourir encore, c’est qu’il
1473 st pas assez détaché du désir, c’est qu’il craint de quitter son corps par désespoir, « mortel péché », enfin, c’est qu’il
1474 c’est qu’il ignore encore à quoi lui peut servir De laisser en extase son âme ravir. La doctrine n’exigeait-elle pas qu’
1475 ssitude ni par peur ou douleur, mais dans un état de parfait détachement de la matière… »41. Voici le thème de la séparati
1476 douleur, mais dans un état de parfait détachement de la matière… »41. Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tou
1477 it détachement de la matière… »41. Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’amour courtois : Dieu ! commen
1478 41. Voici le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’amour courtois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’e
1479  : cette aube qui doit le réunir à son « copain » de route, et donc d’épreuves dans le monde. (Ces deux « copains », serai
1480 doit le réunir à son « copain » de route, et donc d’ épreuves dans le monde. (Ces deux « copains », seraient-ce l’âme et le
1481 ais désirant l’esprit ? Mais souvenons-nous aussi de la coutume des missionnaires cheminant deux par deux) : Roi glorieux
1482 t venue Et bientôt viendra l’aube. Mais à la fin de la chanson, le troubadour a-t-il trahi ses vœux ? Ou bien a-t-il trou
1483 lus voir aube ni jour Car la plus belle fille qui de mère naquit La tient dedans mes bras, donc plus ne me soucie Ni de ja
1484 tient dedans mes bras, donc plus ne me soucie Ni de jaloux ni d’aube. Ce rossignol allègrement vient de lancer le trille
1485 mes bras, donc plus ne me soucie Ni de jaloux ni d’ aube. Ce rossignol allègrement vient de lancer le trille dont Wagner,
1486 de lancer le trille dont Wagner, au deuxième acte de Tristan, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht
1487 au deuxième acte de Tristan, fera le cri sublime de Brengaine : « Habet acht ! Habet acht ! Schon weicht dem Tag die Nach
1488 nuit nous enveloppe ! » Tout comme dans ce début d’ une autre « aube »43 anonyme : En un verger, sous une loge d’aubépine
1489 « aube »43 anonyme : En un verger, sous une loge d’ aubépine, la dame a tenu son ami dans ses bras jusqu’à ce que le guett
1490 oi, et que jamais le guetteur n’annonçât le lever de l’aube ! Dieu ! c’est l’aube. Quelle vient donc vite ! Mais cette «
1491 ous à jurer que jamais ils ne trahiront le secret de leur grande passion — comme s’il s’agissait d’une foi, et d’une foi i
1492 et de leur grande passion — comme s’il s’agissait d’ une foi, et d’une foi initiatique ? Renoncez, je vous le dis, au nom
1493 nde passion — comme s’il s’agissait d’une foi, et d’ une foi initiatique ? Renoncez, je vous le dis, au nom d’Amour et au
1494 us le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle est la « dame » qui mériterait ce sac
1495 « dame » qui mériterait ce sacrifice ? Ou ce cri de Guillaume de Poitiers : Par elle seule je serai sauvé ! Ou cette in
1496 elle seule je serai sauvé ! Ou cette invocation d’ Uc de Saint-Circ à une Dame sans merci : Je ne désire pas que Dieu m’
1497 ou bonheur, sinon par vous ! S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? E
1498 , sinon par vous ! S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amou
1499 platonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’ Amour — celui des femmes — Guiraut de Calanson dit des deux autres tie
1500 conviennent Noblesse et Merci ; et le premier est de telle élévation qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amour un
1501 en soi des grands mystiques hétérodoxes, le Dieu d’ avant la Trinité dont nous parlent la Gnose et Maître Eckhart, et plus
1502  réside au-dessus des cieux », et dont « Noys » —  de Noûs grec — est l’émanation intellectuelle et féminine ? Et d’où vien
1503 — est l’émanation intellectuelle et féminine ? Et d’ où viendrait, sinon, l’incertitude, voire le sentiment d’équivoque don
1504 endrait, sinon, l’incertitude, voire le sentiment d’ équivoque dont on ne peut se départir à la lecture de ces poèmes amour
1505 quivoque dont on ne peut se départir à la lecture de ces poèmes amoureux ? Il s’agit bien d’une femme réelle44 — le prétex
1506 a lecture de ces poèmes amoureux ? Il s’agit bien d’ une femme réelle44 — le prétexte physique est là — mais comme dans le
1507 n’y aurait là, « tout simplement », qu’une manie d’ idéaliser la femme et l’amour naturel. Mais d’où provient donc cette m
1508 nie d’idéaliser la femme et l’amour naturel. Mais d’ où provient donc cette manie ? D’une « humeur idéalisante » ? Lisons p
1509 ur naturel. Mais d’où provient donc cette manie ? D’ une « humeur idéalisante » ? Lisons plutôt ce cantique de Peire de Rog
1510  humeur idéalisante » ? Lisons plutôt ce cantique de Peire de Rogiers : Âpre tourment je dois souffrir Pour chagrin d’ell
1511 rs : Âpre tourment je dois souffrir Pour chagrin d’ elle que j’ai si grand Mon cœur ne s’en doit point défaire Ni jamais j
1512 is rien, car ne sais vouloir qu’ELLE ! Et ce cri de Bernard de Ventadour : Elle m’a pris mon cœur, elle m’a pris moi-mêm
1513 ésir et mon cœur assoiffé ! Et ces deux strophes d’ Arnaut Daniel — un noble qui se fit jongleur errant, et dont les roman
1514 s romanistes assurent que les poèmes sont « vides de pensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la mystique nég
1515 ensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la mystique négative, et ses métaphores invariables ? Je l’aime et l
1516 taphores invariables ? Je l’aime et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai to
1517 e et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai tout désir si l’on peut rien perdr
1518 aimer. Car son cœur submerge le mien tout entier d’ un flot qui ne s’évapore plus… Je ne veux ni l’Empire de Rome, ni qu’o
1519 lot qui ne s’évapore plus… Je ne veux ni l’Empire de Rome, ni qu’on m’en nomme le pape, si je ne dois pas faire retour ver
1520 ruit et elle se damne. ⁂ Il est temps maintenant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cette recherche. Si la
1521 ant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cette recherche. Si la Dame n’est pas simplement l’Église d’Amour des
1522 cherche. Si la Dame n’est pas simplement l’Église d’ Amour des cathares (comme ont pu le croire Aroux et Péladan), ni la Ma
1523 phia des hérésies gnostiques (le Principe féminin de la divinité), ne serait-elle pas l’Anima, ou plus précisément encore 
1524 ou plus précisément encore : la part spirituelle de l’homme, celle que son âme emprisonnée dans le corps appelle d’un amo
1525 lle que son âme emprisonnée dans le corps appelle d’ un amour nostalgique que la mort seule pourra combler ? Dans les Képha
1526 pourra combler ? Dans les Képhalaïa ou Chapitres de Manès45, on peut lire au chapitre X comment l’élu qui a renoncé au mo
1527 le consolamentum, généralement donné à l’approche de la mort) ; comment il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit d
1528 nné à l’approche de la mort) ; comment il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit de Lumière ; comment, au moment de
1529 il se voit de la sorte « ordonné » dans l’Esprit de Lumière ; comment, au moment de sa mort, la forme de Lumière, qui est
1530 Lumière ; comment, au moment de sa mort, la forme de Lumière, qui est son Esprit, lui apparaît et le console par un baiser
1531 nge lui tend la main droite et le salue également d’ un baiser d’amour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumi
1532 la main droite et le salue également d’un baiser d’ amour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumière, sa salv
1533 mour ; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumière, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées 
1534 forme de lumière, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées », inaccessible par essence, toujours placée
1535 ère, sa salvatrice. Or, qu’attendait de la « Dame de ses pensées », inaccessible par essence, toujours placée « en trop ha
1536 p haut lieu » pour lui46, le troubadour souffrant de l’amour vrai ? Un seul baiser, un seul regard, un seul salut. Jaufré
1537 ul regard, un seul salut. Jaufré Rudel, au terme d’ un amour conçu pour une femme qu’il n’a jamais vue, rejoignant enfin c
1538 , rejoignant enfin cette image après la traversée d’ une mer, meurt dans les bras de la comtesse de Tripoli dès qu’il en a
1539 après la traversée d’une mer, meurt dans les bras de la comtesse de Tripoli dès qu’il en a reçu un seul baiser de paix et
1540 sse de Tripoli dès qu’il en a reçu un seul baiser de paix et le salut. Il s’agit d’une légende, mais tirée des poèmes qui
1541 eçu un seul baiser de paix et le salut. Il s’agit d’ une légende, mais tirée des poèmes qui chantent bel et bien « l’amour
1542 rée des poèmes qui chantent bel et bien « l’amour de loin ». Il y eut aussi des dames « réelles »… Mais le furent-elles, e
1543 es, en vérité, plus que cet événement psychique ? De l’énigme historique, dont plusieurs ont cru voir la solution dans l’h
1544 voir la solution dans l’hypothèse fort excitante d’ une clandestinité de l’Église hérétique, dont les poètes eussent été l
1545 ns l’hypothèse fort excitante d’une clandestinité de l’Église hérétique, dont les poètes eussent été les agents, nous pass
1546 té les agents, nous passons maintenant au mystère d’ une passion proprement religieuse, d’une conception mystique fortement
1547 t au mystère d’une passion proprement religieuse, d’ une conception mystique fortement attestée dans la vie même des âmes.
1548 tée dans la vie même des âmes. Essayons à nouveau de repérer, entre les pointes et les oscillations extrêmes de cette rech
1549 r, entre les pointes et les oscillations extrêmes de cette recherche, la réalité généralement intermédiaire, donc moins « 
1550 gré moi, des conclusions dont l’importance risque de se mesurer au nombre d’objections qu’elles soulèveront. Je ne songe p
1551 dont l’importance risque de se mesurer au nombre d’ objections qu’elles soulèveront. Je ne songe pas à esquiver des critiq
1552 e j’espère fécondes. Mais le lecteur me saura gré de tenir compte des doutes qui ont dû s’élever dans son esprit, et d’ind
1553 es doutes qui ont dû s’élever dans son esprit, et d’ indiquer en bref par quelles raisons je crois pouvoir les surmonter. O
1554 e mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’ y voir la source (ou l’une des sources principales) du lyrisme courtoi
1555 t qu’ils suivaient cette religion, ou que c’était d’ elle qu’ils parlaient ; 3° qu’au contraire l’amour qu’ils exaltent n’e
1556 du désir sexuel ; 4° qu’on distingue mal comment, de la confuse combinaison de doctrines manichéennes et néo-platonicienne
1557 distingue mal comment, de la confuse combinaison de doctrines manichéennes et néo-platoniciennes, sur un fond de traditio
1558 s manichéennes et néo-platoniciennes, sur un fond de traditions celtibériques, aurait pu naître une rhétorique aussi préci
1559 çal resterait totalement obscur, comme il ressort de l’aveu même des romanistes. Or je le répète, je me refuse, pour ma pa
1560 sidérer comme absurde une poétique et une éthique de l’amour d’où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles
1561 me absurde une poétique et une éthique de l’amour d’ où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de l
1562 dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la littérature occidentale. D’autre part, ce que l’on connaît aujourd
1563 contestations possibles les origines manichéennes de l’hérésie. Or, si l’on se reporte à ce qui fut dit plus haut (II, 2)
1564 nichéens en général, il apparaît qu’un supplément d’ information, sur telle ou telle nuance ou altération qu’auraient reçue
1565 dogme catholique ; à quoi s’ajoutent des éléments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine est nettement liturgique. On
1566 à quoi s’ajoutent des éléments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine est nettement liturgique. On peut imaginer que
1567 tretiennent avec le néo-manichéisme des relations d’ un type analogue47. Au surplus, la tonalité hérétique des lieux commun
1568 surplus, la tonalité hérétique des lieux communs de la rhétorique courtoise devient sensible dès que l’on compare ces lie
1569 ble dès que l’on compare ces lieux communs à ceux de la poésie cléricale de l’époque. Un spécialiste aussi sceptique que J
1570 e ces lieux communs à ceux de la poésie cléricale de l’époque. Un spécialiste aussi sceptique que Jeanroy n’a pas été sans
1571 ue Jeanroy n’a pas été sans le remarquer. Parlant de la lyrique abstraite des troubadours du xiiie siècle et de la confus
1572 que abstraite des troubadours du xiiie siècle et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il
1573 iiie siècle et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on,
1574 e et de la confusion qu’elle favorise, de Dieu et de la Dame des pensées, il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on, que figures
1575 il écrit : « Il n’y a là, dira-t-on, que figures de rhétorique sans conséquences. Soit. Mais les théories que les troubad
1576 ourquoi n’y a-t-il dans leurs œuvres aucune trace de ce déchirement intérieur, de ce dissidio qui rend si pathétiques cert
1577 œuvres aucune trace de ce déchirement intérieur, de ce dissidio qui rend si pathétiques certains vers de Pétrarque ? »48
1578 ce dissidio qui rend si pathétiques certains vers de Pétrarque ? »48 2. Les troubadours gardent le secret À la thèse du c
1579 t supposer chez l’homme du xiie siècle une forme de conscience qui ne pouvait être la sienne. Si l’on essaie de se replac
1580 nce qui ne pouvait être la sienne. Si l’on essaie de se replacer dans l’atmosphère du Moyen Âge, on s’aperçoit que l’absen
1581 osphère du Moyen Âge, on s’aperçoit que l’absence de signification symbolique d’une poésie serait un fait beaucoup plus sc
1582 perçoit que l’absence de signification symbolique d’ une poésie serait un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’être
1583 eut l’être à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de l’homme médiéval, toute chose signifie aut
1584 s rêves, et cela sans qu’intervienne aucun effort de traduction conceptuelle. En d’autres termes, le médiéval n’a pas beso
1585 e. En d’autres termes, le médiéval n’a pas besoin de se formuler le sens des symboles qu’il emploie, ni d’en prendre une c
1586 e formuler le sens des symboles qu’il emploie, ni d’ en prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme
1587 prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et
1588 onalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d’ isoler et d’abstraire de toute ambiance significative les objets que n
1589 nous permet, à nous autres modernes, d’isoler et d’ abstraire de toute ambiance significative les objets que nous considér
1590 , à nous autres modernes, d’isoler et d’abstraire de toute ambiance significative les objets que nous considérons49. L’un
1591 celui, entre autres, du mystique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale est, dans toutes ses manifestations, saturée
1592 vale est, dans toutes ses manifestations, saturée de représentations religieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaire
1593 ions, saturée de représentations religieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaires soient-elles, dont on ne cherche c
1594 de représentations religieuses. Pas de choses ou d’ actions, si ordinaires soient-elles, dont on ne cherche constamment à
1595 e rapport avec la foi. Mais dans cette atmosphère de saturation, la tension religieuse, l’idée transcendantale, l’élan ver
1596 banalité, en choquant matérialisme à prétentions d’ au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’un Henri Suso, le subl
1597 me à prétentions d’au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’un Henri Suso, le sublime nous semble parfois frôler le
1598 s d’au-delà. Même chez un mystique de l’envergure d’ un Henri Suso, le sublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il e
1599 uvresse. Sublime encore, quand il suit les usages de l’amour profane et célèbre le jour de l’an et le premier mai en offra
1600 ser du reste ? À table, il mange les trois quarts d’ une pomme en l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par amour po
1601 l mange les trois quarts d’une pomme en l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par amour pour la Mère céleste qui do
1602 il double la cinquième gorgée parce que, du flanc de Jésus, coula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie p
1603 ée parce que, du flanc de Jésus, coula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie poussée à ses extrêmes limit
1604 oula du sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie poussée à ses extrêmes limites. »50 Dira-t-on que l’on tombe
1605 eu plus loin que « la naïve conscience religieuse de la multitude n’avait pas besoin de preuves intellectuelles en matière
1606 nce religieuse de la multitude n’avait pas besoin de preuves intellectuelles en matière de foi : la seule présence d’une i
1607 llectuelles en matière de foi : la seule présence d’ une image visible des choses saintes suffisait à en démontrer la vérit
1608 bolique aux yeux des initiés et des sympathisants de l’Église d’Amour. Normalement, il ne serait venu à personne cette idé
1609 yeux des initiés et des sympathisants de l’Église d’ Amour. Normalement, il ne serait venu à personne cette idée, stricteme
1610 tre valables, dussent être commentés et expliqués d’ une manière non symbolique… Une objection inverse a été faite : commen
1611 n’ait dénoncé les troubadours comme propagateurs de l’hérésie ? La réponse me paraît aisée. Il est clair que les troubado
1612 me des « croyants », et plus souvent encore comme de simples sympathisants. Ces distinctions, d’ailleurs, étaient bien moi
1613 ient bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chantaient, pour un public en majorité favorable à l’h
1614 blic en majorité favorable à l’hérésie, une forme d’ amour qui se trouvait correspondre (et répondre) à la situation morale
1615 tuation morale très difficile résultant à la fois de la condamnation religieuse portée sur la sexualité par les Parfaits,
1616 euse portée sur la sexualité par les Parfaits, et de la révolte naturelle contre la conception orthodoxe du mariage, récem
1617 allait de soi. Dans ce cas, le symbole se double d’ une allégorie, et prend un sens cryptographique. Je veux parler de l’é
1618 et prend un sens cryptographique. Je veux parler de l’école du trobar clus, déjà citée, et que M. Jeanroy définit en ces
1619 onsistait alors à recouvrir une pensée religieuse d’ un vêtement profane, à appliquer à l’amour divin les formules consacré
1620 es formules consacrées par l’usage à l’expression de l’amour humain. »51 Le trobar clus ne serait ainsi qu’un jeu littérai
1621 avoir d’autres causes », qu’on « ne se flatte pas de débrouiller ». (Op. cit., II, p. 16.) Mais le troubadour Alegret l’a
1622 avance et je lui dirai comment il me fut possible d’ y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’embr
1623 me fut possible d’y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’embrouiller les sens (entrebescar disa
1624 (var. trois) mots de sens divers. » Cette manière d’ embrouiller les sens (entrebescar disaient les Provençaux : entrelacer
1625 trelacer) s’expliquerait-elle par une « intention d’ intriguer l’auditeur et de lui poser une énigme » ? On peut penser que
1626 lle par une « intention d’intriguer l’auditeur et de lui poser une énigme » ? On peut penser que les troubadours étaient m
1627 dours entendaient-ils leurs propres symboles ? Et d’ une manière plus générale, quelle espèce de conscience avons-nous des
1628 s ? Et d’une manière plus générale, quelle espèce de conscience avons-nous des métaphores que nous utilisons dans nos écri
1629 poésie baignait dans l’atmosphère la plus chargée de passions. Les actions que nous rapportent les chroniqueurs du temps s
1630 s plus « surréalistes » qu’ait connues l’histoire de nos mœurs… Qu’on se rappelle ce seigneur jaloux qui tue le troubadour
1631 e ce seigneur jaloux qui tue le troubadour favori de sa femme, et fait servir le cœur de la victime sur un plat. La dame l
1632 badour favori de sa femme, et fait servir le cœur de la victime sur un plat. La dame le mange sans savoir ce que c’est. Le
1633 ets si savoureux que jamais plus ne mangerai rien d’ autre ! » et elle se jette par la fenêtre du donjon. On admettra que c
1634 gine. 3. L’Amour courtois serait une idéalisation de l’amour charnel C’est la thèse la plus courante. On pourrait se borne
1635 me médiéval procède généralement de haut en bas —  de ciel en terre — ce qui réfute les conclusions modernes déduites du pr
1636 i aussi, dans la lyrique courtoise une expression de sentiments religieux de l’époque53, Jeanroy écrit : « Dans ces affirm
1637 courtoise une expression de sentiments religieux de l’époque53, Jeanroy écrit : « Dans ces affirmations hardies, il y a d
1638 affirmations hardies, il y a du reste une erreur de fait aisée à relever : qu’à la longue, la chanson se soit vidée de so
1639 elever : qu’à la longue, la chanson se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules creuses o
1640 e son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules creuses on le peut admettre. Mais au début et jusqu’à la fin
1641 siècle il n’en était pas ainsi : chez les poètes de cette époque, l’expression du désir charnel est si vive et parfois si
1642 parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations. » Si c’est le cas, on
1643 t vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations. » Si c’est le cas, on se demande d’où vient la gên
1644 urs aspirations. » Si c’est le cas, on se demande d’ où vient la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé d
1645 se demande d’où vient la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de reconnaître l’équivoque des expressi
1646 l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de reconnaître l’équivoque des expressions courtoises et leurs résonance
1647 tain — doit-il avouer — que les idées religieuses d’ une époque influent généralement sur la conception qu’on se fait de l’
1648 uent généralement sur la conception qu’on se fait de l’amour, et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur
1649 se fait de l’amour, et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de la dévotion. Du jour où adorer de
1650 e vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de la dévotion. Du jour où adorer devient synonyme d’aimer, cette métaph
1651 e la dévotion. Du jour où adorer devient synonyme d’ aimer, cette métaphore en entraîne une quantité d’autres. » Mais alors
1652 alors pourquoi rejeter sans discussion l’ouvrage de Wechssler, qui soutient que les « théories amoureuses du Moyen Âge ne
1653 ries amoureuses du Moyen Âge ne sont qu’un reflet de ses idées religieuses » ? Et pourquoi vouloir à tout prix que les poè
1654 ations « réalistes » et des descriptions précises de la Dame aimée, alors qu’ailleurs on leur reproche de ne recourir jama
1655 la Dame aimée, alors qu’ailleurs on leur reproche de ne recourir jamais qu’à des épithètes stéréotypées ? Jaufré Rudel, pr
1656 , dit très nettement que sa Dame est une création de son esprit, et qu’elle s’évanouit avec l’aube. Ailleurs, c’est la « p
1657 qu’il veut aimer. Cependant M. Jeanroy s’inquiète de trouver dans ses poèmes « des détails qui paraissent nous plonger dan
1658  ». Exemples donnés : « Je suis en doute au sujet d’ une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est que tout ce que le f
1659 t que toute la poésie des troubadours fût l’œuvre d’ un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette expression
1660 Où est alors cette expression « vive et brutale » d’ un désir évidemment charnel ? Dans la crudité de certains termes ? Mai
1661 » d’un désir évidemment charnel ? Dans la crudité de certains termes ? Mais elle était courante et naturelle avant le puri
1662 nt est anachronique. Voici par contre un document de poids à l’appui de la thèse symboliste. Raimbaut d’Orange écrit un po
1663 e, dit-il, soyez brutaux, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez « cru » ?), forcez-les : car c’est c
1664 comporte autrement, c’est que je ne me soucie pas d’ aimer. Je ne veux pas me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes
1665 p parler est pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’admirables poèmes à la louange de la Dame
1666 rtel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’ admirables poèmes à la louange de la Dame. Et nous savons par ailleurs
1667 aimbaut d’Orange d’admirables poèmes à la louange de la Dame. Et nous savons par ailleurs que l’anneau (échangé par Trista
1668 nneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’ une fidélité qui justement n’est pas celle des corps. Soulignons enfin
1669 Soulignons enfin ce fait capital : que les vertus de la cortezia : humilité, loyauté, respect et fidélité envers la Dame,
1670 a Dame, sont ici rapportées expressément au refus de l’amour physique. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Da
1671 ue. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs image
1672 , nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’ autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs images que Béatrice
1673 Béatrice s’élèvera davantage dans une hiérarchie d’ abstractions mystiques, figurant d’abord la philosophie, puis la Scien
1674 ardents parmi les troubadours à louer les beautés de leur Dame, Arnaut Daniel et l’Italien Guinizelli, sont placés au chan
1675 us amène à reconnaître enfin la réelle complexité d’ un problème dont nous avons souligné jusqu’ici, non sans une volontair
1676 cru que la cortezia était une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait excessif de soutenir que l’
1677 ’instinct sexuel. À l’inverse, il serait excessif de soutenir que l’idéal mystique sur quoi elle se fondait à l’origine fû
1678 ervé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltation de la chasteté produit presque toujours des excès luxurieux. Sans nous a
1679 cès luxurieux. Sans nous attarder aux accusations de débauche que beaucoup ont portées contre les troubadours — l’on sait
1680 les troubadours — l’on sait au vrai peu de chose de leurs vies — nous rappellerons l’exemple de sectes gnostiques, qui co
1681 chose de leurs vies — nous rappellerons l’exemple de sectes gnostiques, qui condamnaient aussi la création, et en particul
1682 particulier l’attrait des sexes, mais déduisaient de cette condamnation une morale étrangement débridée. Les carpocratiens
1683 aient le sperme.55 Il est probable que des excès de ce genre se produisirent aussi chez les cathares, et plus encore chez
1684 rifiantes figurent à cet égard dans les registres de l’Inquisition. Notons toutefois qu’elles sont souvent contradictoires
1685 cepter le christianisme primitif. Et il est juste de citer ici le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de fouiller
1686 rimitif. Et il est juste de citer ici le jugement d’ un dominicain qui eut l’occasion de fouiller dans les archives du sain
1687 ci le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de fouiller dans les archives du saint Office, et qui s’exprime ainsi au
1688 ice, et qui s’exprime ainsi au sujet des cathares d’ Italie, ou patarins ; « Malgré toutes mes recherches, dans les procédu
1689 à tout, leurs erreurs étaient plutôt des erreurs d’ intelligence que de sensualité. »56 Retenons donc ceci, qui nuance n
1690 urs étaient plutôt des erreurs d’intelligence que de sensualité. »56 Retenons donc ceci, qui nuance notre schéma : si le
1691 nc ceci, qui nuance notre schéma : si les erreurs de la passion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’origine re
1692 ion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’ origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent fl
1693 , ou comme dit Platon dans le Banquet : « l’amour de gauche ». ⁂ Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu être mes
1694 Pour nous faciliter une représentation analogique de ce processus minimum d’inspiration et d’influence, prenons un exemple
1695 représentation analogique de ce processus minimum d’ inspiration et d’influence, prenons un exemple moderne. Un exemple don
1696 alogique de ce processus minimum d’inspiration et d’ influence, prenons un exemple moderne. Un exemple dont je crois pouvoi
1697 ment connues (au sens total) par plusieurs hommes de ma génération : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Fr
1698 ma génération : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Freud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de
1699 : je veux parler du surréalisme et de l’influence de Freud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de notre civilisa
1700 eud sur ce mouvement. Supposons l’historien futur de notre civilisation détruite : il a devant les yeux quelques poèmes su
1701 ration sémite. Du moins sait-on par les pamphlets de ses adversaires que cette école proposait une théorie érotique des rê
1702 araissent présenter aucun sens, et l’on se plaint de leur monotonie ; toujours les mêmes images érotiques et sanglantes, l
1703 érateur « peu sérieux » imagine alors l’hypothèse d’ une influence de la psychanalyse sur l’ensemble du surréalisme : coïnc
1704 rieux » imagine alors l’hypothèse d’une influence de la psychanalyse sur l’ensemble du surréalisme : coïncidence des dates
1705 du surréalisme : coïncidence des dates, analogie de thèmes fondamentaux… Les spécialistes du xxe siècle haussent les épa
1706 u’il n’en existe plus. — Dans ce cas, il convient de surseoir à toute hypothèse cohérente. En attendant, le bon sens suffi
1707 montrer : 1° que le peu de choses que nous savons de la psychanalyse n’autorise pas à faire de cette doctrine la source de
1708 savons de la psychanalyse n’autorise pas à faire de cette doctrine la source des textes connus. (Il semble bien que Freud
1709 nt tout un savant ; qu’il ait soutenu une théorie de la libido ; et qu’il ait pris une attitude déterministe : or le surré
1710 e littéraire avant tout ; on ne retrouve le terme de libido dans aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes sont de tend
1711 aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes sont de tendance idéaliste-anarchisante) ; 2° que les surréalistes n’ont jama
1712 alystes ; 4° qu’enfin l’on distingue mal comment, d’ une science qui se donnait pour objet l’analyse et la cure des névrose
1713 ure des névroses, aurait pu naître une rhétorique de la folie, c’est-à-dire un défi à toute science en général et à toute
1714 vaient nul besoin et n’avaient pas la possibilité de parler de libido dans leurs poèmes ; nous savons même que c’est à la
1715 besoin et n’avaient pas la possibilité de parler de libido dans leurs poèmes ; nous savons même que c’est à la faveur d’u
1716 s poèmes ; nous savons même que c’est à la faveur d’ une erreur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déte
1717 faveur d’une erreur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déterministe-positiviste) qu’ils ont pu en tire
1718 reur initiale sur la portée exacte de la doctrine de Freud (déterministe-positiviste) qu’ils ont pu en tirer les éléments
1719 -positiviste) qu’ils ont pu en tirer les éléments de leur lyrisme (ce dernier trait me paraît capital pour l’analogie que
1720 ns enfin qu’il a suffi que quelques-uns des chefs de cette école lisent Freud : les disciples se sont bornés à imiter la r
1721 outre, on aperçoit, par cet exemple, que l’action d’ une doctrine sur des poètes s’exerce moins par influence directe qu’à
1722 exerce moins par influence directe qu’à la faveur d’ une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée
1723 ce directe qu’à la faveur d’une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée par les dogmes centraux.
1724 ’à la faveur d’une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’intérêt, suscitée par les dogmes centraux. Ce qui expli
1725 une certaine ambiance de scandale, de snobisme et d’ intérêt, suscitée par les dogmes centraux. Ce qui explique pas mal d’e
1726 par les dogmes centraux. Ce qui explique pas mal d’ erreurs, variations et contradictions chez les poètes influencés. D’où
1727 ons et contradictions chez les poètes influencés. D’ où résulte qu’un surcroît d’informations sur la nature exacte des théo
1728 es poètes influencés. D’où résulte qu’un surcroît d’ informations sur la nature exacte des théories de Freud, loin de fourn
1729 d’informations sur la nature exacte des théories de Freud, loin de fournir aux savants futurs les apaisements qu’ils sero
1730 nts futurs les apaisements qu’ils seront en droit d’ attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur « peu sérieu
1731 en droit d’attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur « peu sérieux ». (Eppur ! C’est lui qui aura raison c
1732 ra raison contre les « vingtiémistes » chevronnés de son temps.) On a remarqué qu’à l’objection n° 4 je n’ai répondu jusqu
1733 ’à l’objection n° 4 je n’ai répondu jusqu’ici que d’ une manière tout indirecte et allusive. C’est qu’elle mérite un traite
1734 au chapitre. 9.Les mystiques arabes Comment de la confuse combinaison de doctrines plus ou moins chrétiennes, manich
1735 iques arabes Comment de la confuse combinaison de doctrines plus ou moins chrétiennes, manichéennes et néo-platonicienn
1736 ? C’est l’argument que les romanistes ont coutume d’ opposer à l’interprétation religieuse de l’art courtois. Or il se trou
1737 t coutume d’opposer à l’interprétation religieuse de l’art courtois. Or il se trouve que, dès le ixe siècle, une synthèse
1738 xe siècle, une synthèse non moins « improbable » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’était bel et
1739 non moins « improbable » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’était bel et bien opérée en Arabie, e
1740 le » de manichéisme iranien, de néo-platonisme et d’ islamisme s’était bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’était ex
1741 ourtoises. ⁂ Lorsque Sismondi avança l’hypothèse d’ une influence arabe sur la lyrique provençale, A. W. Schlegel lui répo
1742 utenir un pareil paradoxe. Mais Schlegel prouvait de la sorte que cette double ignorance était précisément son fait. On l’
1743 it. On l’excusera d’ailleurs si l’on tient compte de l’état des études arabisantes à son époque. Des travaux plus récents
1744 ire et l’œuvre, dès le ixe siècle, dans l’islam, d’ une école de mystiques poètes qui devaient avoir plus tard pour princi
1745 re, dès le ixe siècle, dans l’islam, d’une école de mystiques poètes qui devaient avoir plus tard pour principales illust
1746 behan de Shiraz et Sohrawardi d’Alep, troubadours de l’Amour suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais
1747 troubadours de l’Amour suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais en même temps symbole du Désir divin.
1748  qu’il connaissait par Plotin, Proclus et l’école d’ Athènes — un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme était par a
1749 n, Proclus et l’école d’Athènes — un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme était par ailleurs très fortement pénét
1750 tonisme était par ailleurs très fortement pénétré de représentations mythiques iraniennes. En particulier, il empruntait a
1751 ont s’était inspiré Manès — l’opposition du monde de la Lumière et du monde des Ténèbres, dont on a vu qu’elle est fondame
1752 rique amoureuse et chevaleresque, dont les titres de quelques traités mystiques de cette école donnent une idée : le Famil
1753 ue, dont les titres de quelques traités mystiques de cette école donnent une idée : le Familier des Amants, le Roman des S
1754 oman des Sept Beautés… Il y a plus. À l’occasion de ces traités, les mêmes disputes théologiques se produisirent, qui dev
1755 mer Dieu (comme l’ordonne le sommaire évangélique de la Loi). Une créature finie ne peut aimer que le fini. Il en résulta
1756 i. Il en résulta que les mystiques furent obligés de recourir à des symboles dont le sens restait secret. (Ainsi la louang
1757 n, dont l’usage était interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compte tenu de cette difficulté part
1758 interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’ amour.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est
1759 e de la divine ivresse d’amour.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est d’ailleurs pas sans rapport
1760 part divine dont l’exaltation aboutît à la fusion de l’âme et de la Divinité. Or le langage érotico-religieux des poètes m
1761 dont l’exaltation aboutît à la fusion de l’âme et de la Divinité. Or le langage érotico-religieux des poètes mystiques ten
1762 tendait à établir cette confusion du Créateur et de la créature. Et l’on accusa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la
1763 teur et de la créature. Et l’on accusa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la foi de leur langage symbolique. Al-Hallaj
1764 usa ces poètes de manichéisme déguisé, sur la foi de leur langage symbolique. Al-Hallaj et Sohrawardi devaient même payer
1765 ique. Al-Hallaj et Sohrawardi devaient même payer de leur vie cette accusation d’hérésie.58 Il est bien émouvant de const
1766 devaient même payer de leur vie cette accusation d’ hérésie.58 Il est bien émouvant de constater que tous les termes d’un
1767 tte accusation d’hérésie.58 Il est bien émouvant de constater que tous les termes d’une pareille polémique s’appliquent a
1768 st bien émouvant de constater que tous les termes d’ une pareille polémique s’appliquent au cas des troubadours, et plus ta
1769 utandis, au cas des grands mystiques occidentaux, de Maître Eckhart à Jean de la Croix. ⁂ Une brève revue des thèmes « cou
1770 Croix. ⁂ Une brève revue des thèmes « courtois » de la mystique arabe fera sentir à quelles profondeurs le parallélisme t
1771 dent ainsi une communauté — comparable à l’Église d’ Amour des cathares. b) selon le manichéisme iranien, dont s’inspirai
1772 chéisme iranien, dont s’inspiraient les mystiques de l’école illuminative de Sohrawardi, une jeune fille éblouissante atte
1773 inspiraient les mystiques de l’école illuminative de Sohrawardi, une jeune fille éblouissante attend le fidèle à la sortie
1774 e suis toi-même ! » Or selon certains interprètes de la mystique des troubadours, la Dame des pensées ne serait autre que
1775 serait autre que la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi. Ce qui pourrait nous orienter vers une compréh
1776 ait nous orienter vers une compréhension nouvelle de ce que nous appelions le « narcissisme de la passion » (à propos de T
1777 ouvelle de ce que nous appelions le « narcissisme de la passion » (à propos de Tristan, chap. VIII du Livre Ier ). c) Le
1778 Amants est construit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges
1779 struit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges habite un per
1780 et de ses différents étages et loges. Dans l’une de ces loges habite un personnage qui se nomme l’Idée voilée. Elle « con
1781 lle « connaît les secrets qui guérissent et c’est d’ elle que l’on apprend la magie ». (L’Iseut celtique était aussi une ma
1782 seut celtique était aussi une magicienne, « objet de contemplation, spectacle mystérieux ».) Dans le Château de l’Âme habi
1783 plation, spectacle mystérieux ».) Dans le Château de l’Âme habitent d’autres personnages allégoriques, tels que Beauté, Dé
1784 r, le Bien connu : comment ne pas songer au Roman de la Rose ? Et le symbolisme chevaleresque se retrouve dans l’ouvrage d
1785 mbolisme chevaleresque se retrouve dans l’ouvrage de Nizami de Ganja : le Roman des Sept Beautés, qui conte les aventures
1786 e Roman des Sept Beautés, qui conte les aventures de sept jeunes filles vêtues aux couleurs des planètes et que visite un
1787 te un roi-chevalier. Nous retrouverons le Château de l’Âme parmi les symboles préférés d’un Ruysbroek et d’une sainte Thér
1788 s le Château de l’Âme parmi les symboles préférés d’ un Ruysbroek et d’une sainte Thérèse… d) Dans un poème du « sultan de
1789 Âme parmi les symboles préférés d’un Ruysbroek et d’ une sainte Thérèse… d) Dans un poème du « sultan des amoureux », Omar
1790 errible qui l’envoûte : Mes concitoyens, étonnés de me voir esclave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de
1791 ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’
1792 -t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de
1793 ue peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie
1794 e m’occupe de Nou’m ? Oui, en vérité, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie d’un regard, cela m’est égal que Sou’d
1795 té, je m’occupe de Nou’m. Quand Nou’m me gratifie d’ un regard, cela m’est égal que Sou’da ne soit pas complaisante.59 «
1796 laisante.59 « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme aimée, et signifie ici Dieu. Or les troubadours nommaient au
1797 Dieu. Or les troubadours nommaient aussi la Dame de leurs pensées d’un nom conventionnel ou senhal, derrière lequel nos é
1798 ubadours nommaient aussi la Dame de leurs pensées d’ un nom conventionnel ou senhal, derrière lequel nos érudits s’épuisent
1799 nt, donne le premier (Sohrawardi : le Bruissement de l’aile de Gabriel), c’est un des thèmes constants du lyrisme des trou
1800 le premier (Sohrawardi : le Bruissement de l’aile de Gabriel), c’est un des thèmes constants du lyrisme des troubadours, p
1801 thèmes constants du lyrisme des troubadours, puis de Dante et enfin de Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » d
1802 u lyrisme des troubadours, puis de Dante et enfin de Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » de la Dame une impo
1803 Pétrarque. Tous ces poètes attachent au « salut » de la Dame une importance apparemment démesurée, mais qui s’explique for
1804 ) Les mystiques arabes insistent sur la nécessité de garder le secret de l’Amour divin. Ils dénoncent sans relâche les ind
1805 es insistent sur la nécessité de garder le secret de l’Amour divin. Ils dénoncent sans relâche les indiscrets qui voudraie
1806 draient s’enquérir des mystères sans y participer de toute leur foi. À l’interrogation d’un impatient : « Qu’est-ce que le
1807 y participer de toute leur foi. À l’interrogation d’ un impatient : « Qu’est-ce que le soufisme ? » Al-Hallaj répond : « Ne
1808 amants. » De plus, les indiscrets sont soupçonnés d’ intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les amants à l’autori
1809 provençaux apparaissent des personnages qualifiés de losengiers (médisants, indiscrets, espions) et que le troubadour couv
1810 indiscrets, espions) et que le troubadour couvre d’ invectives. Nos savants commentateurs ne savent trop que faire de ces
1811 os savants commentateurs ne savent trop que faire de ces encombrants losengiers, et tentent de s’en débarrasser en affirma
1812 e faire de ces encombrants losengiers, et tentent de s’en débarrasser en affirmant que les amants du xiie siècle tenaient
1813 nts du xiie siècle tenaient énormément au secret de leurs liaisons (ce qui les distinguerait, sans doute, des amants de t
1814 (ce qui les distinguerait, sans doute, des amants de tous les autres siècles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’amour
1815 tous les autres siècles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn
1816 tres siècles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’ amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn Al Faridh :
1817 me mystique des Arabes. Ibn Al Faridh : Le repos de l’amour est une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort
1818 mour est une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en v
1819 ée de me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre. C’est ici le cri même de la mystique occ
1820 on amour ne peut en vivre. C’est ici le cri même de la mystique occidentale mais aussi du lyrisme provençal et de Tristan
1821 ue occidentale mais aussi du lyrisme provençal et de Tristan. C’est l’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de
1822 vençal et de Tristan. C’est l’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas mourir ! Al-Hallaj disait : En m
1823 ’oraison jaculatoire de sainte Thérèse : Je meurs de ne pas mourir ! Al-Hallaj disait : En me tuant vous me ferez vivre,
1824 ous me ferez vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terres
1825 pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des êtres contingen
1826 ur terrestre des êtres contingents et le tourment de la matière ; mais la mort, c’est la nuit de l’illumination, l’évanoui
1827 rment de la matière ; mais la mort, c’est la nuit de l’illumination, l’évanouissement des formes illusoires, l’union de l’
1828 , l’évanouissement des formes illusoires, l’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est-
1829 sement des formes illusoires, l’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est-il pour les
1830 du plus grand Amant, puisqu’en exprimant le désir de voir Dieu sur le Sinaï, il exprima le désir de sa mort. Et l’on conço
1831 ir de voir Dieu sur le Sinaï, il exprima le désir de sa mort. Et l’on conçoit que le terme nécessaire de la voie illuminat
1832 sa mort. Et l’on conçoit que le terme nécessaire de la voie illuminative d’un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait été le martyre
1833 t que le terme nécessaire de la voie illuminative d’ un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de
1834 cessaire de la voie illuminative d’un Sohrawardi, d’ un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’amour :
1835 un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’amour : Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui d
1836 ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’ amour : Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui dis : Maîtr
1837 est cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à elle les amoureux.60 ⁂ On sait enfin que l’amo
1838 onde arabe, celle des Banou Odrah où l’on mourait d’ amour à force d’exalter le désir chaste, selon le verset du Coran : « 
1839 e des Banou Odrah où l’on mourait d’amour à force d’ exalter le désir chaste, selon le verset du Coran : «  Celui qui aime,
1840 rset du Coran : «  Celui qui aime, qui s’abstient de tout ce qui est interdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de
1841 nterdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de son secret, celui-là meurt martyr. » « L’amour odrih » devint, jusqu’
1842 odrih » devint, jusqu’en Andalousie, le nom même de l’amour qui va s’appeler courtois dans le Midi, puis remonter vers le
1843 is remonter vers le nord celtique, à la rencontre de Tristan… ⁂ Peut-on prouver que la poétique arabe a réellement influe
1844 en 1863 : « Un abîme sépare la forme et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un
1845 e sépare la forme et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy,
1846 me et l’esprit de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy, déclare à cette
1847 it de la poésie romane de la forme et de l’esprit de la poésie arabe. » Un autre savant, Dozy, déclare à cette époque qu’o
1848 prouvera pas ». Ce ton péremptoire fait sourire. De Bagdad à l’Andalousie, la poésie arabe est une, par la langue et l’éc
1849 llaume de Poitiers, dans cinq sur onze des poèmes de lui qui nous restent. Les « preuves » de l’influence andalouse sur le
1850 s poèmes de lui qui nous restent. Les « preuves » de l’influence andalouse sur les poètes courtois ne sont plus à faire61.
1851 s à faire61. Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de «
1852 Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’ Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui
1853 is ici remplir des pages de citations d’Arabes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui sépare » aur
1854 bes et de Provençaux dont nos grands spécialistes de « l’abîme qui sépare » auraient parfois peine à deviner de quel côté
1855 îme qui sépare » auraient parfois peine à deviner de quel côté des Pyrénées elles furent écrites. La cause est entendue. M
1856 des plus extraordinaires confluences spirituelles de l’Histoire. D’une part, un grand courant religieux manichéen, qui ava
1857 ie et la France, apportant sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre p
1858 tant sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre part, une rhétorique ha
1859 de la Sophia-Maria et de l’amour pour la « forme de lumière ». D’autre part, une rhétorique hautement raffinée, avec ses
1860 aux mêmes endroits, son symbolisme enfin, remonte de l’Irak des soufis platonisants et manichéisants jusqu’à l’Espagne ara
1861 qui, semble-t-il, n’attendait plus que ces moyens de langage pour dire ce qu’elle n’osait et ne pouvait avouer ni dans la
1862 s le parler vulgaire. La poésie courtoise est née de cette rencontre. Et c’est ainsi qu’au dernier confluent des « hérési
1863 st ainsi qu’au dernier confluent des « hérésies » de l’âme et de celles du désir, venues du même Orient par les deux rives
1864 au dernier confluent des « hérésies » de l’âme et de celles du désir, venues du même Orient par les deux rives de la mer c
1865 u désir, venues du même Orient par les deux rives de la mer civilisatrice, naquit le grand modèle occidental du langage de
1866 ice, naquit le grand modèle occidental du langage de l’amour-passion. 10.Vue d’ensemble du phénomène courtois Revena
1867 cidental du langage de l’amour-passion. 10.Vue d’ ensemble du phénomène courtois Revenant après de longues années sur
1868 ’ensemble du phénomène courtois Revenant après de longues années sur les problèmes soulevés par les pages qui précèdent
1869 par les pages qui précèdent, j’éprouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’observations nouvelles. Le lecteur
1870 ouve le besoin de rassembler ici tout un faisceau d’ observations nouvelles. Le lecteur va juger si elles infirment, ou si
1871 conception religieuse, ou simplement une théorie de l’homme — et une forme lyrique déterminée. (Rapports entre le soufism
1872 sme et la poésie courtoise des Arabes ; influence de Freud sur l’école surréaliste.) Les polémiques parfois fort vives pro
1873 ultipliées depuis quinze ans par les spécialistes de l’amour courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’exp
1874 éisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène aujourd’hui à un
1875 s, tout cela m’amène aujourd’hui à une conception de la cortezia à peine moins « historique » que celle que j’esquissais p
1876 oute plus psychologique. Je rappelais la relation de fait (lieux et dates remarquablement identiques) entre cathares et tr
1877 is à dire : il y a là quelque chose, et l’absence de rapports entre ces gens me paraîtrait plus étonnante encore que n’imp
1878 lle hypothèse, « sérieuse » ou non, sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des in
1879 sur la nature de ces rapports. Mais je me gardais de démontrer le détail précis des influences, à la manière de beaucoup d
1880 l précis des influences, à la manière de beaucoup d’ historiens pour qui le réel n’est défini que par des documents écrits.
1881 le leur. Je ne prétends pas fonder sur pièces une de ces solutions textuelles et « scientifiques » après quoi, comme le di
1882 isant autant qu’il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moder
1883 lques faits, comme un piège. J’éviterai à la fois d’ indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément d
1884 ge. J’éviterai à la fois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on p
1885 ois d’indiquer des relations de cause à effet, et de formuler expressément des conclusions que l’on pourrait citer hors du
1886 s condamnant le mariage mais fondant une « Église d’ Amour », opposée à l’Église de Rome63, envahit rapidement la France, d
1887 ondant une « Église d’Amour », opposée à l’Église de Rome63, envahit rapidement la France, de Reims au Nord et des confins
1888 l’Église de Rome63, envahit rapidement la France, de Reims au Nord et des confins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayo
1889 dement la France, de Reims au Nord et des confins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. D
1890 fins de l’Italie jusqu’à l’Espagne, pour rayonner de là sur toute l’Europe. Dans le même temps, d’autres mouvements hétéro
1891 sant aux prélats ambitieux et aux pompes sacrales de l’Église un spiritualisme épuré, ils aboutissent parfois, plus ou moi
1892 nt Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation. Mais hors de
1893 incompréhensibles, les oscillations s’amplifient. D’ Henri de Lausanne et Pierre de Bruys jusqu’à un Amaury de Bène et aux
1894 squ’à un Amaury de Bène et aux frères ortliebiens de Strasbourg, tous condamnent le mariage — que par ailleurs, le pape-mo
1895 ue par ailleurs, le pape-moine Grégoire VII vient d’ interdire aux prêtres. En revanche, beaucoup professent que l’homme ét
1896 beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable — ne saurait enga
1897 ette part du diable — ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêqu
1898 ne saurait engager le salut de son âme : « Point de péché au-dessous du nombril ! » précise un évêque dualiste, excusant
1899 ée par plusieurs sectes. Une forme toute nouvelle de poésie naît dans le midi de la France, patrie cathare : elle célèbre
1900 forme toute nouvelle de poésie naît dans le midi de la France, patrie cathare : elle célèbre la Dame des pensées, l’idée
1901 ’idée platonicienne du principe féminin, le culte de l’Amour contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Berna
1902 u Parfaits, puis oppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques son
1903 ppose à la cortezia la mystique de l’Amour divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les
1904 sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — 
1905 pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le co
1906 nnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye de Fontevrault si proche du premier troubadour — c’est le comte Guillaum
1907 e comte Guillaume de Poitiers — jusqu’au Paraclet d’ Héloïse. Cette mystique épithalamique se retrouve à la fois chez Berna
1908 es courtois et en lettres, le premier grand roman d’ amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras
1909 n lettres, le premier grand roman d’amour-passion de notre histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse d
1910 re histoire. Jaufré Rudel va mourir dans les bras de la comtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avo
1911 x et au temps où se nouent la légende et le mythe de la passion mortelle : Tristan. À cette montée puissante et comme univ
1912 an. À cette montée puissante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne p
1913 sante et comme universelle de l’Amour et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’oppo
1914 lisée, l’Église et le clergé ne pouvaient manquer d’ opposer une croyance et un culte qui répondissent au même désir profon
1915 lte qui répondissent au même désir profond, surgi de l’âme collective. Il fallait « convertir » ce désir, tout en se laiss
1916 mme pour mieux le capter dans le courant puissant de l’orthodoxie64. De là les tentatives multipliées, dès le début du xii
1917 apter dans le courant puissant de l’orthodoxie64. De là les tentatives multipliées, dès le début du xiie siècle, pour ins
1918 le début du xiie siècle, pour instituer un culte de la Vierge. Marie reçoit généralement, dès cette époque, le titre de r
1919 e reçoit généralement, dès cette époque, le titre de regina coeli, et c’est en Reine désormais que l’art va la représenter
1920 ’art va la représenter. À la « Dame des Pensées » de la cortezia, on substituera « Notre-Dame ». Et les ordres monastiques
1921 ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Imm
1922 1140, à Lyon, les chanoines établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut
1923 es établissent une fête de l’Immaculée Conception de Notre-Dame. Saint Bernard de Clairvaux eut beau protester dans une le
1924 fameuse contre « cette fête nouvelle que l’usage de l’Église ignore, que la raison n’approuve pas, que la tradition n’aut
1925 torise point… et qui introduit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas eut beau,
1926 duit la nouveauté, sœur de la superstition, fille de l’inconstance ». Et saint Thomas eut beau, cent ans plus tard, écrire
1927 saint Thomas eut beau, cent ans plus tard, écrire de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, el
1928 té conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’ être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à un
1929 soin d’être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ordre vital pour l’Église menac
1930 » Le culte de la Vierge répondait à une nécessité d’ ordre vital pour l’Église menacée et entraînée… La papauté, plusieurs
1931 ier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au xiie siècle que s
1932 tteste en Europe une modification radicale du jeu d’ échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient l
1933 modification radicale du jeu d’échecs, originaire de l’Inde. Au lieu des quatre rois qui dominaient le jeu primitif, on vo
1934 trouvant d’ailleurs réduit à sa moindre puissance d’ action réelle, tout en demeurant l’enjeu final et le personnage sacré
1935 7). 2. Œdipe et les dieux. — Freud désigne du nom d’ Œdipe le complexe composé dans l’inconscient par l’agressivité du fils
1936 tacle à l’amour pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit
1937 sentiment de culpabilité qui en résulte. Le poids de l’autorité patriarcale réduit le fils au conformisme social et moral 
1938 le fils au conformisme social et moral ; le poids de l’interdit lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’amour :
1939 ui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure s
1940 « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’ autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la
1941 ouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance éc
1942 s maintenant un état de la société où le principe de cohésion se relâche ; où la puissance économique détenue par le père
1943 divine se divise elle-même, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte
1944 compulsion qui créait le complexe œdipien faiblit d’ autant. La haine pour le père se concentre sur le démiurge et sur son
1945 sexualité procréatrice, — tandis qu’un sentiment d’ adoration purifiée peut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l
1946 ent libéré : il peut enfin s’avouer sous la forme d’ un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette
1947 ous la forme d’un culte rendu à l’archétype divin de la femme, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’être virgi
1948 e, à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’ être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femm
1949 e échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de chair. L’union mystique avec cette divinité féminine devient alors un
1950 des domaines entre tous les fils, ou « pariage », d’ où perte d’autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance indi
1951 s entre tous les fils, ou « pariage », d’où perte d’ autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste 
1952 d’où perte d’autorité du Suzerain) ; à une sorte de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’une religion dualiste
1953 de pré-Renaissance individualiste ; à l’invasion d’ une religion dualiste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
1954 aliste ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’Amour, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici don
1955 nie dans l’Histoire) du phénomène que nous venons d’ imaginer au paragraphe précédent. Si nous cherchons à nous représenter
1956 ous représenter la situation psychique et éthique de l’homme en ce temps-là, nous constatons d’abord qu’il se trouve impli
1957 és dans le cas des simples croyants, c’est-à-dire de l’immense majorité des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
1958 ent, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’ intérêt matériel et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soi
1959 voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des
1960 e leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’autorité et des pouvoirs ménage, comme nous l’avons vu, une possibi
1961 , comme nous l’avons vu, une possibilité nouvelle d’ admettre la femme, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’un
1962 ouvelle d’admettre la femme, mais sous le couvert d’ une idéalisation, voire d’une divinisation du principe féminin. Ce qui
1963 e, mais sous le couvert d’une idéalisation, voire d’ une divinisation du principe féminin. Ce qui ne peut qu’aviver la cont
1964 ies dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur de cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant de c
1965 ituation inextricable, c’est comme une résultante de tant de confusions qui devaient s’y nouer, qu’apparaît la cortezia, «
1966 qu’apparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « piété » particulière
1967 tezia, « religion » littéraire de l’Amour chaste, de la femme idéalisée, avec sa « piété » particulière, la joy d’amors, s
1968 idéalisée, avec sa « piété » particulière, la joy d’ amors, ses « rites » précis, la rhétorique des troubadours, sa morale
1969 précis, la rhétorique des troubadours, sa morale de l’hommage et du service, sa « théologie » et ses disputes théologique
1970 ans toute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’amour ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à t
1971 vent dans le même poète un adorateur enthousiaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse 
1972 iaste de la Dame, qu’il exalte, et un contempteur de la femme, qu’il rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’un
1973 l rabaisse : qu’on se rappelle seulement les vers d’ un Marcabru ou d’un Raimbaut d’Orange, cités plus haut (au chap. 8). C
1974 n se rappelle seulement les vers d’un Marcabru ou d’ un Raimbaut d’Orange, cités plus haut (au chap. 8). Chose curieuse, le
1975 gnent pas ! On dirait qu’ils ont trouvé le secret d’ une conciliation vivante des inconciliables. Ils semblent refléter, ma
1976 a division des consciences (elle-même productrice de mauvaise conscience), dans la grande masse d’une société partagée non
1977 ice de mauvaise conscience), dans la grande masse d’ une société partagée non seulement entre la chair et l’esprit, mais en
1978 entre l’hérésie et l’orthodoxie, et au sein même de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyant
1979 ssus l’un des plus sensibles interprètes modernes de la cortezia, René Nelli : « Presque toutes les dames du Carcassès, du
1980 s les dames du Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent
1981 et qui leur demandaient non pas tant une illusion d’ amour sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été
1982 eur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude réelle ni un reflet
1983 morale des Parfaits. Mais enfin, dit le sceptique d’ aujourd’hui, que peut bien signifier au concret cette « chasteté » prô
1984 gleurs ? Et comment expliquer le succès si rapide d’ une prétendue morale à ce point ambiguë, dans un Languedoc, une Italie
1985 logie n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie, et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsi
1986 n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’ impulsions naturelles ? Les modernes, en effet, depuis Rousseau, s’ima
1987 puis Rousseau, s’imaginent qu’il existe une sorte de nature normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues
1988 que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais
1989 civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jamais tout à fait mortes, et rarement tout à fait comprise
1990 et rarement tout à fait comprises et pratiquées ; de morales jadis exclusives mais qui se superposent ou se combinent à l’
1991 i se superposent ou se combinent à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’autant plus
1992 à l’arrière-plan de nos conduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’autant plus actifs ; et d’instincts hérités
1993 onduites élémentaires ; de complexes ignorés mais d’ autant plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque natu
1994 complexes ignorés mais d’autant plus actifs ; et d’ instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes
1995 t plus actifs ; et d’instincts hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues
1996 hérités bien moins de quelque nature animale que de coutumes totalement oubliées, devenues traces ou cicatrices mentales,
1997 es ou cicatrices mentales, tout inconscientes et, de ce fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des
1998 dans le temps et dans l’espace. 4. Une technique de la « chasteté ». — À partir du vie siècle se répand rapidement dans
1999 ipe cosmique féminin ; la méditation tient compte de ses « pouvoirs », la délivrance devient possible par la shakti… Dans
2000 vient elle-même une chose sacrée, une incarnation de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à
2001 ne incarnation de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moye
2002 it, par le cérémonial du yoga tantrique (contrôle de la respiration, répétitions de mantras ou formules sacrées, méditatio
2003 antrique (contrôle de la respiration, répétitions de mantras ou formules sacrées, méditation sur des mandatas ou images en
2004 ges enfermant les symboles du monde et des dieux) de transcender la condition humaine. Le tantrisme bouddhique trouve des
2005 ha yoga hindou, technique du contrôle du corps et de l’énergie vitale. C’est ainsi que certaines postures (mudras) décrite
2006 mudras) décrites par le hatha yoga ont pour but «  d’ utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unifi
2007 hatha yoga ont pour but « d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’unification finale, la fonct
2008 d’utiliser comme moyen de divinisation et ensuite d’ intégration, d’unification finale, la fonction par excellence humaine,
2009 e moyen de divinisation et ensuite d’intégration, d’ unification finale, la fonction par excellence humaine, celle-là même
2010 a68 : « Pour mes dévots, je vais décrire le geste de l’Éclair (vajroli mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
2011 onnées par le texte font allusion à une technique de l’acte sexuel sans consommation, car « celui qui garde (ou reprend) s
2012 a semence dans son corps, qu’aurait-il à craindre de la mort ? » comme le dit un upanishad. Dans le tantrisme, la maithuna
2013 ecret, obscur, à double sens, dans lequel un état de conscience est exprimé par un terme érotique »69 — ou l’inverse aussi
2014 a est un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’an
2015 e, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et cette « béatitude érotique », obtenue p
2016 otique », obtenue par l’arrêt non du plaisir mais de son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obte
2017 rappellent les textes, le dévot devient la proie de la triste loi karmique, comme n’importe quel débauché. » Mais la femm
2018 Mais la femme, dans tout cela ? Elle reste objet d’ un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’aman
2019 bjet d’un culte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle
2020 ulte. Considérée comme « source unique de joie et de repos, l’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, s
2021 isme, symbolise l’état par excellence du péché et de la mort : l’acte sexuel »71. Mais l’acte est toujours décrit comme ét
2022 Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe, sans vi
2023 On y accorde une grande importance à toute sorte d’ « amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un
2024 importance à toute sorte d’« amour » et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent et difficile appren
2025 rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’ un lent et difficile apprentissage ascétique… Le néophyte doit servir
2026 s préliminaires ont pour but « l’autonomisation » de la volupté — considérée comme l’unique expérience humaine qui peut ré
2027 ie en économisant le principe vital73, plutôt que de conquérir la liberté spirituelle par la déification du corps. La « ch
2028 e et la béatitude à travers une Elle qu’il s’agit de « servir » en posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi
2029 posture humiliée, mais en gardant cette maîtrise de soi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, le
2030 oi dont la perte pourrait se traduire par un acte de procréation, lequel ferait retomber le chevalier servant dans la réal
2031 rvant dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’ amour. — En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette ab
2032 hysiologique, citons maintenant quelques chansons de « légers troubadours méridionaux », grands seigneurs amateurs ou jong
2033 que les romanistes unanimes nous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs »74. D’Amour, je sais qu’il donne aisément gran
2034 ous décrivent comme de purs « rhétoriqueurs »74. D’ Amour, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe se
2035 en 1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’ Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Servic
2036 s conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter c
2037 arantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courtoisie peut se vanter celui qui sait garder Mesure… Le bien-être
2038 me fasse longtemps attendre et que je n’aie point d’ elle ce qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame :
2039 qu’elle m’a promis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que
2040 ice de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle de dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par vous au ciel je tende
2041 « La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’ un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aime
2042 Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’ amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir v
2043 iste contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix ( d’ Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui
2044 ! Sa voix (d’Amour) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui coupez la queue75 (Marcabru.) Chastet
2045 i coupez la queue75 (Marcabru.) Chasteté délivre de la tyrannie du désir en portant le Désir (courtois) à l’extrême : Pa
2046 tant le Désir (courtois) à l’extrême : Par excès de désir, je crois que je me l’enlèverai, si l’on peut rien perdre à for
2047 Ibn Dawoud louait la chasteté pour son pouvoir «  d’ éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « jo
2048 ouvoir « d’éterniser le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus élo
2049 le désir ».) C’est au comble de l’amour (vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupa
2050 « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libé
2051 el se sent le plus éloigné de l’amour coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération : la présence ph
2052 us loin dans la libération : la présence physique de l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mai
2053 … Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératr
2054 e la possession de cet amour lointain. La « joie d’ Amour » n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et
2055 é par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et re
2056 là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de l
2057 llaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180
2058 .) Je n’ai cité que des poètes de la première et de la seconde génération des troubadours (1120 à 1180 environ). Au xiiie
2059 urs (1120 à 1180 environ). Au xiiie siècle, ceux de la dernière génération expliciteront ce que leurs modèles avaient cha
2060 que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme ré
2061 crit Daude de Prades, qui cependant ne craint pas de donner des précisions sur les gestes érotiques que l’on peut se perme
2062 ément les trois autres, mais il lui est difficile d’ en sortir, il vit dans la joie, celui qui peut y rester. On y accède p
2063 à sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Celui que l’on nomme parfois le dernier troubado
2064 s le dernier troubadour, Guiraut Riquier, donnera de ces vers le commentaire suivant : « Les cinq portes sont Désir, Priè
2065 qui peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord
2066 a nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord, dit Marcabru, « Il lie partie avec le d
2067 r ». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?)
2068 ’est-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
2069 entation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre
2070 ci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me ti
2071 ouvent des ambiguïtés ménagées par le « service » d’ amour courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points s
2072 femmes et les époux. Ils vous disent qu’Amour va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames s
2073 u’un grand nombre abandonnent Mérite et éloignent d’ eux Jeunesse. » Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalit
2074 e. » Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à d
2075 lles » qui aient pu correspondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système
2076 orrespondre, en ces temps, à de telles précisions de langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés,
2077 e langage, la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent
2078 la rhétorique courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffi
2079 ue courtoise et son système de vertus, de péchés, de louanges et d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire.
2080 son système de vertus, de péchés, de louanges et d’ interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir
2081 t d’interdits, demeure un fait patent : il suffit de lire. Elle va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’Arthur,
2082 e va servir aux romanciers du Nord, ceux du cycle d’ Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drame
2083 ers du Nord, ceux du cycle d’Arthur, du Graal, et de Tristan, pour décrire des actions et des drames, et non plus seulemen
2084 téressent dans cet ouvrage. Je lui laisse le soin d’ affirmer que telle « filiation » reste indémontrable « dans l’état act
2085 iation » reste indémontrable « dans l’état actuel de nos connaissances », reste donc incroyable jusqu’à nouvel avis. Je ch
2086 ujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on
2087 ois de nature à nourrir l’imagination. Voici deux de ces faits sur quoi l’on peut rêver. La Pancha Tantra, recueil de cont
2088 r quoi l’on peut rêver. La Pancha Tantra, recueil de contes bouddhistes, fut traduite au vie siècle du sanscrit en pehlev
2089 ie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide
2090 vi, par un médecin de Chosroès Ier, roi de Perse. De là, on peut suivre son progrès rapide vers l’Europe à travers une sér
2091 progrès rapide vers l’Europe à travers une série de traductions en syriaque, en arabe, en latin, en espagnol, etc. Au xvi
2092 r une ancienne version arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue
2093 est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui c
2094 me connue de nos jours, c’est l’histoire romancée de l’évolution spirituelle qui conduit Josaphat, prince indien, à découv
2095 es grandes lignes, porte des traces indiscutables de manichéisme. Selon l’école néocathare française, les hérétiques du xi
2096 nichéenne du Roman est attestée par les fragments de son texte original (en langage ouigour du viiie siècle) retrouvés da
2097 » (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai choisi ces deux
2098 r courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’ autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à
2099 ’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence. Il ressemble aussi à l’amour chanté par les
2100 ront repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous semble parfois se réduire à des fadaises sophisti
2101 i les réalités précises, mais non moins ambiguës, d’ une certaine discipline érotico-mystique dont l’Inde, la Chine et le P
2102 ai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières. Tout cela nous aide à mieux comprendre — si rien
2103 it à l’« expliquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compt
2104 liquer » — l’amour courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des o
2105 ensées que firent à ma thèse minima les partisans d’ écoles au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-
2106 au moins diverses, me voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois e
2107 e voici ramené par une sorte de spirale au-dessus de mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle
2108 tois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il a surgi du même mouvement qui fit remonter
2109 i du même mouvement qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Fémini
2110 qui fit remonter au demi-jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le c
2111 -jour de la conscience et de l’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la
2112 ’expression lyrique de l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il partici
2113 l’âme, le Principe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie d
2114 ncipe Féminin de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qu
2115 n de la shakti, le culte de la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à m
2116 la Femme, de la Mère, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occid
2117 re, de la Vierge. Il participe de cette épiphanie de l’Anima, qui figure à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’
2118 re à mes yeux, dans l’homme occidental, le retour d’ un Orient symbolique. Il nous devient intelligible par certaines de se
2119 lique. Il nous devient intelligible par certaines de ses marques historiques : sa relation littéralement congénitale avec
2120 thurien — une transposition romanesque des règles de l’amour courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contac
2121 tion romanesque des règles de l’amour courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contact des légendes exotique
2122 ul ou un Chrétien de Troyes, et quelques éléments de mythologie grecque. On a longtemps polémisé sur l’autonomie relative
2123 e Midi roman qui a donné son style et sa doctrine de l’amour aux « romanciers » du cycle de la Table ronde. Et l’on peut s
2124 a doctrine de l’amour aux « romanciers » du cycle de la Table ronde. Et l’on peut suivre les voies de cette transmission d
2125 de la Table ronde. Et l’on peut suivre les voies de cette transmission dans les documents historiques. Aliénor de Poitier
2126 istoriques. Aliénor de Poitiers, quittant sa cour d’ amour languedocienne, avait épousé Louis VII, puis en l’an 1154, Henri
2127 ères anglo-normands reçurent le code et le secret de l’amour courtois79. Chrétien de Troyes déclare tenir le fond et l’esp
2128 étien de Troyes déclare tenir le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne, célèbre par sa cour d’a
2129 s déclare tenir le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne, célèbre par sa cour d’amour où le mar
2130 comtesse Marie de Champagne, célèbre par sa cour d’ amour où le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tri
2131 riage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas
2132 d, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largement dans le Midi. Cette interaction si
2133 bretons. Nous avons vu que la religion druidique, d’ où sont issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doc
2134 ardes et filids, enseignait une doctrine dualiste de l’Univers, et faisait de la femme un symbole du divin. Et c’est dans
2135 it une doctrine dualiste de l’Univers, et faisait de la femme un symbole du divin. Et c’est dans le fonds celtibérique que
2136 e chrétienne des « purs » a puisé certains traits de sa mythologie. Que celle-ci ait revêtu chez les poètes du Nord des co
2137 e la doctrine courtoise rejoignît et fît resurgir d’ anciennes traditions autochtones, elle n’en était pas moins pour les t
2138 pas moins pour les trouvères une chose apprise : d’ où les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il est d’ailleurs extrêm
2139 en souvent. Il est d’ailleurs extrêmement délicat de préciser les causes et l’importance exacte de ces erreurs. Est-ce un
2140 cat de préciser les causes et l’importance exacte de ces erreurs. Est-ce un défaut d’initiation ? Est-ce une tradition imp
2141 mportance exacte de ces erreurs. Est-ce un défaut d’ initiation ? Est-ce une tradition imparfaite ? Ou encore une tendance
2142 de l’hérésie même, un essai plus ou moins sincère de retour vers l’orthodoxie80 ? Ou simplement, une « profanation » des t
2143 ’autres fins que les troubadours ? Dans l’attente de recherches plus approfondies sur tous ces points, bornons-nous à rema
2144 des troubadours, dont ils sont cependant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savons si Chrétien de Troye
2145 ons si Chrétien de Troyes a bien compris les lois d’ amour que lui enseignait Marie de Champagne. Nous ne savons dans quell
2146 lu que ses romans fussent des chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples a
2147 chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples allégories illustrant la morale
2148 e persécutée (thèse de Rahn, Péladan et Aroux) ou de simples allégories illustrant la morale et la mystique courtoise (com
2149 Toutes les hypothèses sont permises en l’absence de documents dont on voit bien pourquoi ils font défaut : trop d’intérêt
2150 dont on voit bien pourquoi ils font défaut : trop d’ intérêts se trouvaient ligués contre la diffusion de l’hérésie, sans p
2151 intérêts se trouvaient ligués contre la diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’
2152 ués contre la diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en soit, Chrétien de Tr
2153 diffusion de l’hérésie, sans parler de sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en soit, Chrétien de Troyes a notable
2154 chronique déguisée des cathares. (Parzival, fils d’ Herzeloïde, femme du Castis, chez Wolfram d’Eschenbach, serait le comt
2155 bach, serait le comte Ramon Roger Trencavel, fils d’ Adélaïde de Carcassonne et d’Alphonse le Chaste, roi d’Aragon. — Trenc
2156 oger Trencavel, fils d’Adélaïde de Carcassonne et d’ Alphonse le Chaste, roi d’Aragon. — Trencavel signifie : « qui tranche
2157 ui tranche bellement », et Wolfram traduit le nom de Parzival par « Schneid mitten durch » ; « perce bellement ».) Ces deu
2158 ne se complètent81. Elles ont l’avantage décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirai
2159 81. Elles ont l’avantage décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Fau
2160 décisif de rendre compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Faut-il penser, avec un tra
2161 e compte de bien des bizarreries de la légende et de son attirail symbolique. Faut-il penser, avec un transcripteur modern
2162 oyes n’était pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il rapportait »82 ? Ou bien se vit-il contra
2163 u’il rapportait »82 ? Ou bien se vit-il contraint de déguiser ce sens, en sorte que seuls les initiés pussent démêler la f
2164 du Graal le vase qui reçut le sang du Christ, et de la Table ronde une sorte d’autel pour la Sainte-Cène. Cependant, même
2165 le sang du Christ, et de la Table ronde une sorte d’ autel pour la Sainte-Cène. Cependant, même dans le grand roman de Lanc
2166 Sainte-Cène. Cependant, même dans le grand roman de Lancelot (qui date de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie sont
2167 t, même dans le grand roman de Lancelot (qui date de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie sont évidents, si saugrenu
2168 auteur lui-même, après chaque épisode. Il est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine cathar
2169 est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine cathare y transparaît nettement, malgré l’ignora
2170 thare y transparaît nettement, malgré l’ignorance de l’auteur. Lancelot errant par la haute forêt parvient à un carrefour.
2171 arvient à un carrefour. Il hésite entre le chemin de gauche et celui de droite Il s’engage dans celui de gauche, malgré l’
2172 our. Il hésite entre le chemin de gauche et celui de droite Il s’engage dans celui de gauche, malgré l’avertissement gravé
2173 gauche et celui de droite Il s’engage dans celui de gauche, malgré l’avertissement gravé sur une croix qui se dresse deva
2174 t un chevalier à l’armure blanche qui le renverse de son cheval et le dépouille de sa couronne. Lancelot tout déconfit ren
2175 che qui le renverse de son cheval et le dépouille de sa couronne. Lancelot tout déconfit rencontre un prêtre et se confess
2176 re et se confesse. « Je vous dirai la signifiance de ce qui vous est advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous
2177 e qui vous est advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous avez dédaignée au carrefour était celle de la chevale
2178 que vous avez dédaignée au carrefour était celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; celle de g
2179 errienne, où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit pl
2180 ongtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes
2181 a chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes et d’abattre des champions par force d’armes : il s’a
2182 le, et il ne s’agit plus là de tuer des hommes et d’ abattre des champions par force d’armes : il s’agit des choses spiritu
2183 r des hommes et d’abattre des champions par force d’ armes : il s’agit des choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronn
2184 choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronne d’ orgueil : c’est pourquoi le chevalier vous renversa si facilement, car
2185 e commettre. »83 Libre après cela aux historiens de la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux faci
2186 Libre après cela aux historiens de la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés to
2187 s cela aux historiens de la littérature de parler d’ aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes,
2188 la littérature de parler d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, e
2189 r d’aventures incroyables, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, etc. « Poèmes incohérent
2190 s, de merveilleux facile, de naïvetés touchantes, de fraîcheur primitive, etc. « Poèmes incohérents, personnages sans cara
2191 des aventures s’enchaînent à l’infini », nous dit de ces légendes l’un de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’e
2192 înent à l’infini », nous dit de ces légendes l’un de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’est répandue l’opinion
2193 notre esprit si pénétrant et averti. Un peu plus de pénétration nous ferait voir au contraire que la vraie barbarie est d
2194 conception moderne du roman, photographie truquée de faits insignifiants, alors que le roman breton procède d’une cohérenc
2195 insignifiants, alors que le roman breton procède d’ une cohérence intime dont nous avons perdu jusqu’au pressentiment. En
2196 s erreurs. Ils ont traité un thème nouveau, celui de l’amour physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la fau
2197 nouveau, celui de l’amour physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la faute au sens « courtois », non pas a
2198 en la faute au sens « courtois », non pas au sens de la morale chrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne sont pas
2199 as au sens de la morale chrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’amour, comme on
2200 rétien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’ amour, comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la di
2201 ment des poèmes d’amour, comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la différence des poèmes provençaux, il
2202 ovençaux, ils s’attachent à décrire les trahisons de l’amour, au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pu
2203 s de l’amour, au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — 
2204 n de la passion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour
2205 ssion dans sa pureté mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour courtois,
2206 mystique. Le point de départ de Lancelot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’amour courtois, la possession physi
2207 é contre l’amour courtois, la possession physique d’ une femme réelle, la « profanation » de l’amour. Et c’est à cause de c
2208 n physique d’une femme réelle, la « profanation » de l’amour. Et c’est à cause de cette faute initiale que Lancelot ne tro
2209 t à l’initiation. Il est clair que la description de ces errements et de leurs punitions exigeait la forme du récit, et no
2210 est clair que la description de ces errements et de leurs punitions exigeait la forme du récit, et non plus de la simple
2211 punitions exigeait la forme du récit, et non plus de la simple chanson. Dans Tristan, la faute initiale est douloureusemen
2212 C’est pourquoi le roman finit « bien » — au sens de la mystique cathare — c’est-à-dire aboutit à la double mort volontair
2213 xplique par des raisons spirituelles la formation d’ un genre nouveau — le roman — qui ne deviendra proprement littéraire q
2214 au minimum, tandis que le développement tragique de la doctrine religieuse détermine à lui seul la courbe puissante et si
2215 ve incorporés des éléments religieux et mythiques d’ origine très nettement celtique, bien plus nombreux et plus exactement
2216 plus exactement identifiables que dans les romans de la Table ronde. ⁂ Hubert note très bien à propos de la littérature ga
2217 « c’est un miracle qu’elle contienne des éléments de religion brittonique : elle s’est formée dans un pays chrétien, roman
2218 miracle est cependant attesté par un grand nombre d’ incidents mis en œuvre par Béroul et Thomas, et qui ne trouvent d’expl
2219 en œuvre par Béroul et Thomas, et qui ne trouvent d’ explication que dans les récentes découvertes de l’archéologie celtiqu
2220 t d’explication que dans les récentes découvertes de l’archéologie celtique. À vrai dire, le pouvoir poétique de ces éléme
2221 ologie celtique. À vrai dire, le pouvoir poétique de ces éléments religieux était tel qu’on s’explique assez bien leur sur
2222 avait perdu la foi des druides, et oublié le sens de leurs mystères. Dans le cycle des légendes irlandaises, nous trouvons
2223 gendes irlandaises, nous trouvons un grand nombre de récits qui racontent le voyage d’un héros au pays des morts. Ce héros
2224 un grand nombre de récits qui racontent le voyage d’ un héros au pays des morts. Ce héros, Bran, Cuchulainn, ou Oisin, « es
2225 à une terre merveilleuse. « Il se lasse à la fin de ce séjour, veut revenir. C’est finalement pour mourir »86. Nous avons
2226 pour mourir »86. Nous avons là l’origine évidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du ba
2227 e évidente de la première navigation à l’aventure de Tristan malade, en quête du baume magique. D’autre part, plusieurs ré
2228 du baume magique. D’autre part, plusieurs récits de ce cycle irlandais figurent les prototypes assez exacts des situation
2229 s prototypes assez exacts des situations du Roman de Tristan. Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne,
2230 n de Tristan. Par exemple, dans l’idylle tragique de Diarmaid et Grainne, les deux amants se sauvent dans la forêt où le m
2231 rt, pour ne jamais se séparer »87. Il serait aisé de multiplier ces comparaisons littéraires. Mais certains traits de mœur
2232 es comparaisons littéraires. Mais certains traits de mœurs nous incitent à des rapprochements plus précis. On se rappelle
2233 précis. On se rappelle que Tristan, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était f
2234 Celtes, que l’on confiât les enfants « à la garde d’ un personnage qualifié dans une grande maison, la maison des hommes ».
2235 son des hommes ». Ils y recevaient l’enseignement d’ un druide, et se trouvaient mis à l’abri des femmes. « Cette instituti
2236 n qu’on appelle généralement du nom anglo-normand de fosterage s’est maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfant
2237 s nourriciers, à l’égard desquels ils contractent de véritables liens de parenté, attestés par le fait qu’un certain nombr
2238 gard desquels ils contractent de véritables liens de parenté, attestés par le fait qu’un certain nombre de personnages por
2239 arenté, attestés par le fait qu’un certain nombre de personnages portent dans l’indication de leur filiation le nom de leu
2240 n nombre de personnages portent dans l’indication de leur filiation le nom de leur père nourricier… On recherchait comme p
2241 ortent dans l’indication de leur filiation le nom de leur père nourricier… On recherchait comme pères nourriciers soit les
2242 herchait comme pères nourriciers soit les membres de la famille maternelle, soit… des druides. »88 Tristan élevé par Mar
2243 s » du roi. (Les psychanalystes ne manqueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’
2244 anqueront pas de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppos
2245 de voir dans la liaison malheureuse de Tristan et d’ Iseut le résultat d’un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutefois le
2246 son malheureuse de Tristan et d’Iseut le résultat d’ un complexe œdipien : à quoi s’oppose toutefois le fait que les « père
2247 ez bien toléré chez les Celtes, comme l’attestent de nombreux documents.) La coutume du potlatch, don rituel ou plutôt éch
2248 coutume du potlatch, don rituel ou plutôt échange de dons ostentatoires, accompagné de surenchère, subsiste également dans
2249 plutôt échange de dons ostentatoires, accompagné de surenchère, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table
2250 re, subsiste également dans Tristan et les romans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’aventures débuter par une
2251 mans de la Table ronde. On y voit un grand nombre d’ aventures débuter par une promesse « en blanc » faite par le roi à que
2252 de un don, sans dire lequel. Il s’agit en général d’ un service très périlleux. « Les tournois, note Hubert, font certainem
2253 s tournois, note Hubert, font certainement partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enf
2254 ert, font certainement partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enfin, l’on sait que le
2255 ment partie de ce vaste système de concurrence et de surenchère. » (II, p. 234.) Enfin, l’on sait que les jeunes Celtes au
2256 es hommes, devaient accomplir un exploit (meurtre d’ un étranger ou chasse glorieuse) pour acquérir le droit de se marier :
2257 anger ou chasse glorieuse) pour acquérir le droit de se marier : le combat contre le Morholt, dans Tristan, illustre exact
2258 ous ces faits rendent vraisemblable la conclusion d’ Hubert : à savoir que la mythologie celtique s’est transmise au cycle
2259 uses, mais par le culte plus profane des héros et de leurs prouesses, remplaçant peu à peu les dieux dans les légendes pop
2260 ton Paris remarquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère da
2261 rquait avec profondeur que le roman de Tristan et d’ Iseut rend un son particulier, qui ne se trouve guère dans la littérat
2262 en Âge, et il l’expliquait par l’origine celtique de ces poèmes. C’est par Tristan et par Arthur que le plus clair et le p
2263 édier sut faire rendre à sa moderne transcription de la légende, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en
2264 nt sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’ isoler l’élément non celtique, donc proprement courtois qui provoqua,
2265 is qui provoqua, au xiie siècle, la constitution de notre mythe. Qu’on lise l’une après l’autre une légende irlandaise et
2266 près l’autre une légende irlandaise et la légende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’un côté, c’est une fatalité
2267 une légende irlandaise et la légende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’un côté, c’est une fatalité tout extérie
2268 égende de Béroul ou de Thomas : et l’on verra que d’ un côté, c’est une fatalité tout extérieure qui provoque la catastroph
2269 xtérieure qui provoque la catastrophe, tandis que de l’autre, c’est la volonté secrète, mais infaillible, des deux amants
2270 r celtique (en dépit de la sublimation religieuse de la femme par les druides) est avant tout l’amour sensuel89. Le fait q
2271 ur religieux orthodoxe, et se voit donc contraint de s’exprimer par des symboles ésotériques, aide à comprendre que le fon
2272 e favoriser la confusion moderne entre la passion de Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus
2273 Tristan et la pure sensualité. Quelques citations de Thomas, le plus conscient des cinq auteurs de la légende primitive, s
2274 ons de Thomas, le plus conscient des cinq auteurs de la légende primitive, suffiront à faire concevoir l’originalité du my
2275 mmenté en termes étonnamment modernes le principe de cohésion qu’apporte la mystique courtoise aux éléments religieux, soc
2276 du vieux fond breton. Ce principe, c’est l’amour de la douleur considérée comme une ascèse, le « mal aimé » des troubadou
2277 istan livré au plus cruel conflit, lorsqu’au soir de ses noces avec Iseut aux blanches mains, il ne peut se résoudre à pos
2278 , quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa doul
2279 e s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il avise un remède do
2280 té. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peines, et contre son mal, il avise un remède dont il doublera so
2281 nd en aversion que le bonheur qu’il est contraint d’ avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa recherche, pensan
2282 a !… Ainsi en advient-il à beaucoup de gens. Dans d’ amers déboires d’amour, angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’
2283 ient-il à beaucoup de gens. Dans d’amers déboires d’ amour, angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’ils font pour s’y
2284 ire, s’en affranchir et s’en venger, les asservit d’ un lien plus inextricable encore. D’irréalisables désirs, d’impossible
2285 les asservit d’un lien plus inextricable encore. D’ irréalisables désirs, d’impossibles convoitises les conduisent à ne ri
2286 plus inextricable encore. D’irréalisables désirs, d’ impossibles convoitises les conduisent à ne rien faire dans leur détre
2287 ésir.90 (Encontre désir fait volier, dit le texte de Thomas.) ⁂ Un fonds celtique de légendes religieuses — d’ailleurs trè
2288 ier, dit le texte de Thomas.) ⁂ Un fonds celtique de légendes religieuses — d’ailleurs très anciennement commun au Midi la
2289 que et au Nord irlandais et breton ; des coutumes de chevalerie féodale ; des apparences d’orthodoxie chrétienne ; une sen
2290 s coutumes de chevalerie féodale ; des apparences d’ orthodoxie chrétienne ; une sensualité parfois très complaisante ; enf
2291 e les éléments sur lesquels la doctrine hérétique de l’Amour, profondément manichéenne dans son esprit, opéra ses transmut
2292 , opéra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan. Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette mé
2293 uit le mythe de Tristan. Loin de moi la tentation d’ analyser le processus de cette métamorphose : il nous échappe doubleme
2294 Loin de moi la tentation d’analyser le processus de cette métamorphose : il nous échappe doublement, étant poétique et my
2295 poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’ où vient le mythe, et où il mène. Et peut-être pressentons-nous — mais
2296 du mythe, par un esprit remarquablement conscient de ses implications théologiques, fut le fait de Gottfried de Strasbourg
2297 ent de ses implications théologiques, fut le fait de Gottfried de Strasbourg, vers le début du xiiie siècle. Gottfried ét
2298 qui lisait le français (il cite souvent des vers de Thomas dans son texte), et qui se passionnait pour les grandes polémi
2299 vaux et les cathares, mais aussi Abélard, l’école de Chartres, et plusieurs hérétiques très dangereusement voisins de la «
2300 plusieurs hérétiques très dangereusement voisins de la « mystique du cœur ». Théologien, poète, et conscient de ses choix
2301 stique du cœur ». Théologien, poète, et conscient de ses choix, Gottfried révèle beaucoup mieux que ses modèles l’importan
2302 mportance proprement religieuse du mythe dualiste de Tristan. Mais aussi, pour la même raison, il avoue mieux que tous les
2303 res cet élément fondamental du mythe : l’angoisse de la sensualité, et l’orgueil, « humaniste » qui la compense. Angoisse 
2304 ant l’homme contre Dieu — sitôt qu’on aura décidé de lui céder. (Ce paradoxe annonce l’amor fati de Nietzsche.) Quand Béro
2305 dé de lui céder. (Ce paradoxe annonce l’amor fati de Nietzsche.) Quand Béroul limitait à trois ans l’action du philtre, et
2306 quand Thomas faisait du « vin herbé » un symbole de l’ivresse amoureuse, Gottfried y voit le signe d’un destin, d’une for
2307 de l’ivresse amoureuse, Gottfried y voit le signe d’ un destin, d’une force aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté
2308 amoureuse, Gottfried y voit le signe d’un destin, d’ une force aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté de la Déesse
2309 in, d’une force aveugle, étrangère aux personnes, d’ une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plu
2310 e aveugle, étrangère aux personnes, d’une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plus vieilles rel
2311 s, d’une volonté de la Déesse Minne, reviviscence de la Grande Mère des plus vieilles religions de l’humanité. Mais sitôt
2312 nce de la Grande Mère des plus vieilles religions de l’humanité. Mais sitôt absorbé, le philtre de la passion place ses vi
2313 ons de l’humanité. Mais sitôt absorbé, le philtre de la passion place ses victimes dans un au-delà de toute morale, qui ne
2314 de la passion place ses victimes dans un au-delà de toute morale, qui ne saurait être que divin. Ainsi le philtre à la fo
2315 re à la fois rive à la sexualité, qui est une loi de la vie, et contraint à la dépasser dans un hybris libérateur, au-delà
2316 ans un hybris libérateur, au-delà du seuil mortel de la dualité, de la distinction des personnes. Ce paradoxe essentiellem
2317 ibérateur, au-delà du seuil mortel de la dualité, de la distinction des personnes. Ce paradoxe essentiellement manichéen s
2318 nous dressons l’oreille — trois moments décisifs de l’action : a) il met en relief, non sans férocité, le caractère évid
2319 férocité, le caractère évidemment blasphématoire de l’épisode du Jugement par le fer rouge ; b) il remplace la forêt du
2320 ) il remplace la forêt du Morois par une « Grotte d’ Amour », la Minnegrotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’u
2321  Grotte d’Amour », la Minnegrotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’une église chrétienne et celle du temple de
2322 grotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’ une église chrétienne et celle du temple de l’amour ; c) il décide qu
2323 ecture d’une église chrétienne et celle du temple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blan
2324 temple de l’amour ; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais cons
2325 à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Thomas. Et surtout, il dit et commente ce que les Breton
2326 s religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Thomas. Et surtout, il dit et commente ce que les Bretons montraient
2327 veloppe et révèle ainsi tout le catharisme latent de la légende sans auteur.91 a) Le « jugement de Dieu » est une coutum
2328 t de la légende sans auteur.91 a) Le « jugement de Dieu » est une coutume barbare, mais l’Église l’admettait au xiie si
2329 venait de l’appliquer, précisément, à des femmes de Cologne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’
2330 ppliquer, précisément, à des femmes de Cologne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’épreuve consis
2331 logne et de Strasbourg, à juste titre soupçonnées de catharisme. L’épreuve consistait à saisir à main nue une barre de fer
2332 ’épreuve consistait à saisir à main nue une barre de fer portée au rouge : seuls les menteurs ou les parjures étaient brûl
2333 ures étaient brûlés. On sait qu’Iseut, soupçonnée de trahir sa fidélité au roi Marc, s’offre au jugement par un mouvement
2334 au roi Marc, s’offre au jugement par un mouvement d’ orgueil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bra
2335 s’offre au jugement par un mouvement d’orgueil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’un autre
2336 esuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’ un autre homme que son mari, si ce n’est, ajoute-t-elle en riant, dans
2337 e : or c’était Tristan déguisé. Elle sort intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fut ainsi chose manifeste et avé
2338 fe… Il se prête et s’adapte à tout, selon le cœur de chacun, à la sincérité comme à la tromperie… Il est toujours ce que l
2339 u poète qu’il imite bien souvent leur dialectique de la souffrance, du désir et de l’extase, quitte à en inverser les conc
2340 nt leur dialectique de la souffrance, du désir et de l’extase, quitte à en inverser les conclusions : l’extase finale n’ab
2341 lusions : l’extase finale n’aboutit point au jour de Dieu mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne
2342 le n’aboutit point au jour de Dieu mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne mais bien à sa dissolut
2343 mais à la nuit de la passion, non point au salut de la personne mais bien à sa dissolution. Tout le passage cité trahit d
2344 ndamnent, aux yeux de Gottfried et des hérétiques de son temps, l’Évangile « pur » et la gnose dualiste : le monde manifes
2345 ec une science réelle du symbolisme liturgique et de l’architecture gothique naissante. Mais sur le lit substitué à l’aute
2346 ssion. En lieu et place du miracle eucharistique, de la transsubstantiation des espèces matérielles et de la divinisation
2347 la transsubstantiation des espèces matérielles et de la divinisation de celui qui les reçoit, c’est la chair qui se fond a
2348 ion des espèces matérielles et de la divinisation de celui qui les reçoit, c’est la chair qui se fond avec l’esprit en uni
2349 sique ? l’ambiguïté profonde subsiste ici encore) de la substance de l’Amour. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur d
2350 ïté profonde subsiste ici encore) de la substance de l’Amour. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur des clunisiens da
2351 e sans amour, et que les cathares n’ont pas cessé de dénoncer comme jurata fornicatio. Il paraît au surplus possible de re
2352 jurata fornicatio. Il paraît au surplus possible de retrouver dans l’épisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui s
2353 t au surplus possible de retrouver dans l’épisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui sera celle des grands mystiqu
2354 rties par l’attitude dualiste et même gnostique93 de Gottfried. c) Le mariage « consommé » avec la seconde Iseut rétablit
2355 e — évité par Thomas — avec le mariage sans amour d’ Iseut la Blonde et du roi Marc. L’un et l’autre se voient stigmatisés
2356 n et l’autre se voient stigmatisés comme relevant de la nécessité temporelle et physiologique, c’est-à-dire de l’exil des
2357 cessité temporelle et physiologique, c’est-à-dire de l’exil des âmes captives dans la prison des corps. C’est ici le jugem
2358 s dans la prison des corps. C’est ici le jugement de la morale courtoise, dans toute la virulence de son manichéisme, qui
2359 t de la morale courtoise, dans toute la virulence de son manichéisme, qui triomphe du jugement de l’Église et du siècle, c
2360 ence de son manichéisme, qui triomphe du jugement de l’Église et du siècle, complices aux yeux de Gottfried et des cathare
2361 is ceci jette un jour assez étrange sur la nature de la « consommation » érotico-eucharistique opérée dans la Minnegrotte.
2362 originel, dans une vision cathare du monde. Aimer de passion pure, même sans contact physique (l’épée entre les corps et l
2363 religieux du xiie siècle, toutes les confusions de l’amour deviennent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en somme
2364 rtis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d’ objet. Mais on peut poser des repères. Il est bien évident que Gottfri
2365 ried de Strasbourg utilise à son gré la « matière de Bretagne », et catharise le mythe de l’amour-pour-la-mort avec une li
2366 la « matière de Bretagne », et catharise le mythe de l’amour-pour-la-mort avec une liberté dont on ignore encore si elle n
2367 thèmes directeurs se prêtaient au projet du poète d’ une manière que l’on doit qualifier de proprement congénitale. Dans so
2368 et du poète d’une manière que l’on doit qualifier de proprement congénitale. Dans son essence, dans sa structure intime, d
2369 me, non moins que dans son enseignement, le mythe de Tristan se révèle comme foncièrement hérétique et dualiste. Il n’y a
2370 ste. Il reste que Gottfried explicite la légende d’ une manière toute nouvelle et grosse de conséquences. Il préfigure l’e
2371 la légende d’une manière toute nouvelle et grosse de conséquences. Il préfigure l’espèce de trahison géniale opérée par Wa
2372 et grosse de conséquences. Il préfigure l’espèce de trahison géniale opérée par Wagner six siècles et demi plus tard. Mêm
2373 mi plus tard. Même si l’on ignorait que la source de Wagner fut le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’é
2374 ’on ignorait que la source de Wagner fut le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’établirait : les petits
2375 essés, antithétiques, haletants, du deuxième acte de l’opéra imitent Gottfried jusqu’au pastiche94. Le célèbre duo de Tris
2376 ent Gottfried jusqu’au pastiche94. Le célèbre duo de Tristan et d’Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le
2377 jusqu’au pastiche94. Le célèbre duo de Tristan et d’ Isolde mêlant leurs noms, niant leurs noms, chantant le dépassement du
2378 hantant le dépassement du moi distinct, du temps, de l’espace et du malheur terrestre, est emprunté presque littéralement
2379 st le contenu philosophique et religieux du poème de Gottfried que Wagner va ressusciter par l’opération musicale. Le mond
2380 onde créé appartient au démon. Tout ce qui dépend de son empire est donc voué à la nécessité, et les corps sont voués au d
2381 et les corps sont voués au désir, dont le philtre d’ amour symbolise l’inéluctable tyrannie. L’homme n’est pas libre. Il es
2382 terminé par le démon. Mais s’il assume son destin de malheur jusqu’à la mort, qui le libère du corps, il peut atteindre au
2383 e du corps, il peut atteindre au-delà du temps et de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant
2384 eindre au-delà du temps et de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : l
2385 t de l’espace la réalité de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : la Joie suprême. Ce que Wa
2386 de l’Amour, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : la Joie suprême. Ce que Wagner a repris à Gottfrie
2387 pas su dire, et s’étaient curieusement contentés d’ illustrer en actions romanesques : la nostalgie religieuse-hérétique d
2388 s romanesques : la nostalgie religieuse-hérétique d’ une évasion hors de ce monde mauvais, la sensualité condamnée en même
2389 é condamnée en même temps que divinisée, l’effort de l’âme pour échapper à l’inordinatio fondamentale du Siècle, à la cont
2390 le monde créé. Ce que Wagner, en somme, a repris de Gottfried, c’est son dualisme foncier. Et c’est par là que son œuvre
2391 notre sensibilité que la restauration esthétique d’ un Bédier. 14.Premières conclusions Compte tenu du changement de
2392 remières conclusions Compte tenu du changement de registre qui s’opère dans les expressions poétiques de l’amour courto
2393 gistre qui s’opère dans les expressions poétiques de l’amour courtois lorsqu’on passe du Midi des troubadours au Nord plus
2394 plus barbare des trouvères, nous sommes en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas et Gottfried d
2395 en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas et Gottfried de Strasbourg, l’aboutissement de toutes
2396 homas et Gottfried de Strasbourg, l’aboutissement de toutes nos pérégrinations. Les religions antiques, certaines mystique
2397 e qui les fit revivre en Languedoc, le contrecoup de cette hérésie dans la conscience occidentale et dans les coutumes féo
2398 r dans le mythe. Nous avons donc rejoint le Roman de Tristan et situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telle
2399 situé sa nécessité à telle date, à l’intersection de telles traditions hérétiques et de telles institutions qui les condam
2400 l’intersection de telles traditions hérétiques et de telles institutions qui les condamnaient farouchement, les obligeant
2401 imer en symboles équivoques et à revêtir la forme d’ un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la
2402 les équivoques et à revêtir la forme d’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion :
2403 et à revêtir la forme d’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion : L’amour-passi
2404 De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe fut réell
2405 par le mythe fut réellement au xiie siècle, date de son apparition, une religion dans toute la force de ce terme, et spéc
2406 son apparition, une religion dans toute la force de ce terme, et spécialement une hérésie chrétienne historiquement déter
2407 ne hérésie chrétienne historiquement déterminée . D’ où l’on pourra déduire : 1° que la passion, vulgarisée de nos jours pa
2408 on pourra déduire : 1° que la passion, vulgarisée de nos jours par les romans et par le film, n’est rien d’autre que le re
2409 s jours par les romans et par le film, n’est rien d’ autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’une hérés
2410 le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’ une hérésie spiritualiste dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’or
2411 dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l’origine de notre crise du mariage il n’y a pas moins que le conflit de deux trad
2412 rise du mariage il n’y a pas moins que le conflit de deux traditions religieuses, c’est-à-dire une décision que nous preno
2413 esque toujours inconsciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale surviva
2414 ours inconsciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale survivante que no
2415 ciemment, en toute ignorance de cause, de fins et de risques encourus, en faveur d’une morale survivante que nous ne savon
2416 savons plus justifier. ⁂ Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que la passion et le mythe de la passion n’agissent que dans
2417 d’ailleurs de beaucoup que la passion et le mythe de la passion n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’Occide
2418 n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’ Occident est une autre passion dont le langage métaphorique est parfoi
2419 horique est parfois étrangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie
2420 réfère le dire : des « profanations » successives de son contenu et de sa forme. Enfin, la guerre, en Occident, et toutes
2421 es « profanations » successives de son contenu et de sa forme. Enfin, la guerre, en Occident, et toutes les formes militai
2422 litaires, jusque vers 1914, ont gardé par le fait de leur origine chevaleresque — et pour d’autres raisons peut-être — un
2423 lélisme constant avec l’évolution du mythe. C’est de quoi l’on traitera dans les livres qui viennent. 11. Traduction d’
2424 a dans les livres qui viennent. 11. Traduction d’ Amyot. 12. H. Hubert, Les Celtes, II, p. 227, 229, 274. (Le meilleur
2425 eltes, II, p. 227, 229, 274. (Le meilleur ouvrage d’ ensemble sur la civilisation, l’histoire et l’archéologie celtiques.)
2426 ltiques.) 13. H. d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, I, p. 1-65. 14. J. Vendryès, Mémoires de la s
2427 celtique, I, p. 1-65. 14. J. Vendryès, Mémoires de la société linguistique, XX, 6, 265. 15. Op. cit., I, p. 18, et II,
2428 ichéenne. » (Yggdrasil, 25 août 1937.) 19. Droit d’ user et d’abuser des esclaves, qui ne sont pas des « personnes » pour
2429 » (Yggdrasil, 25 août 1937.) 19. Droit d’user et d’ abuser des esclaves, qui ne sont pas des « personnes » pour le droit r
2430 on le verra bien par la suite. Le premier couple d’ amants « passionnés » dont l’histoire soit venue jusqu’à nous, c’est H
2431 8. On a tenté quelques explications sociologiques de la courtoisie. Elles se ramènent à des suppositions — souvent contrad
2432 ions — souvent contradictoires — sur la condition de la femme en Languedoc. Vernon Lee, par exemple, dans un essai intitul
2433 s il y avait « une énorme prépondérance numérique d’ hommes » dont peu pouvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet
2434 umérique d’hommes » dont peu pouvaient se marier. D’ où l’idéalisation de l’objet d’un désir aussi difficile à satisfaire.
2435 dont peu pouvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet d’un désir aussi difficile à satisfaire. On peut tenir compte
2436 uvaient se marier. D’où l’idéalisation de l’objet d’ un désir aussi difficile à satisfaire. On peut tenir compte du renseig
2437 u renseignement, mais il n’explique en somme rien de précis quant à la rhétorique courtoise. 29. Cathare vient du grec ca
2438 Cathare vient du grec catharoi, purs. 30. Liber de duobus principiis, publié par A. Dondaine, O. P., Rome 1939. Dondaine
2439 ome 1939. Dondaine et Arno Borst datent ce traité de la seconde moitié du xiiie siècle. 31. Cf. La Cène secrète, publié
2440 Catharisme, par René Nelli, Charles Bru, chanoine de Lagger, D. Roché, L. Sommariva, 1953 ; Die Katharer par Arno Borst, 1
2441 a nature comme sur l’évolution et les complexités de l’hérésie. 33. Cf. Prière cathare, citée par Döllinger. Notons que l
2442 thare, citée par Döllinger. Notons que la liberté de l’homme, le pouvoir de faire le mal ou le bien, aurait ainsi pour ori
2443 ger. Notons que la liberté de l’homme, le pouvoir de faire le mal ou le bien, aurait ainsi pour origine non point Dieu, ma
2444 rre promise. Le Déluge est provoqué par une pluie de quarante jours. Dans le tantrisme bouddhique, le « service » de la Fe
2445 urs. Dans le tantrisme bouddhique, le « service » de la Femme est divisé en épreuves de quarante jours. Les contagieux son
2446 le « service » de la Femme est divisé en épreuves de quarante jours. Les contagieux sont mis en quarantaine, etc., etc. Qu
2447 en quarantaine, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve. 35. L’expression de « parfaits » ne se trouve d’ailleurs
2448 nte est le nombre de l’Épreuve. 35. L’expression de « parfaits » ne se trouve d’ailleurs que dans les registres de l’Inqu
2449  » ne se trouve d’ailleurs que dans les registres de l’Inquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) pa
2450 que dans les registres de l’Inquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir été utilisé par
2451 nquisition. Le terme de bonshommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir été utilisé par les cathares eux-mêmes, et « 
2452  » serait ironique. 36. Voir l’excellent ouvrage de Fernand Niel, Montségur, la montagne inspirée, 1955. « Si Montségur n
2453 ’ajouterai que les adversaires les plus virulents de cette hypothèse sont ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le c
2454 ette hypothèse sont ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le choc émotif profond provoqué par l’apparition formidabl
2455 ion formidable du pic sacré comporte une évidence d’ un tout autre ordre que celle que pourraient proposer des « preuves »
2456 e Poitiers, meurt en 1127. Les premières mentions d’ une Église cathare organisée et publique datent de 1160. Mais dès 1145
2457 d’une Église cathare organisée et publique datent de 1160. Mais dès 1145, selon Borst, le catharisme s’est répandu de la B
2458 ès 1145, selon Borst, le catharisme s’est répandu de la Bulgarie à l’Angleterre ! Le nom apparaît cette année-là en Allema
2459 dours ! 40. Au point que les Parfaits refusaient de s’asseoir sur un banc que venait de quitter une femme. Et cependant,
2460 quitter une femme. Et cependant, un grand nombre de femmes de la noblesse étaient cathares, et les troubadours leur dédia
2461 ne femme. Et cependant, un grand nombre de femmes de la noblesse étaient cathares, et les troubadours leur dédiaient leurs
2462 harisme, 1938), insiste lui aussi sur « le danger d’ une envolée trop rapide vers le ciel », selon les cathares, et oppose
2463 ns (dont Péladan et Rahn) pour un indice probable de catharisme chez un troubadour. Les cathares s’appliquaient à parler l
2464 ision du monde dominée par l’hostilité du Jour et de la Nuit. 44. Désignée généralement par un nom symbolique ou senhal,
2465 en 1935. 46. On sait que l’un des lieux communs de la rhétorique courtoise consiste à se plaindre « d’aimer en lieu trop
2466 la rhétorique courtoise consiste à se plaindre «  d’ aimer en lieu trop élevé ». Les érudits commentent : le pauvre troubad
2467 ». Les érudits commentent : le pauvre troubadour, de basse extraction sociale en général, s’est épris de la femme d’un hau
2468 basse extraction sociale en général, s’est épris de la femme d’un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se vérifie da
2469 ction sociale en général, s’est épris de la femme d’ un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se vérifie dans quelques
2470 haut pour lui, c’est évident, s’il ne s’agit que de ce monde. En vérité, la question se ramène à savoir pourquoi le poète
2471 tion se ramène à savoir pourquoi le poète choisit d’ aimer si haut, choisit l’Inaccessible. 47. On peut aussi penser que d
2472 s (« Peire Cardenal était-il hérétique ? », Revue d’ Histoire des Religions, juin 1938) va jusqu’à proposer que l’on prenne
2473 nne certains poèmes des troubadours comme sources d’ études sur l’hérésie. Elle cite, à l’appui, des vers de Peire Cardenal
2474 des sur l’hérésie. Elle cite, à l’appui, des vers de Peire Cardenal qui reproduisent les termes exacts d’une Prière cathar
2475 Peire Cardenal qui reproduisent les termes exacts d’ une Prière cathare publiée par Döllinger. Exemple : « Donne-moi de pou
2476 hare publiée par Döllinger. Exemple : « Donne-moi de pouvoir aimer ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’aimer
2477 er ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’ aimer ceux que Tu aimes » (Prière). Mais il faut également relever que
2478 ans un poème où il dit : « Je ne me livre point à de stupides exploits… j’ai échappé à l’amour. » Je reviendrai sur la sit
2479 tuation paradoxale des poètes courtois contraints de louvoyer entre la double condamnation portée contre l’amour sexuel pa
2480 l jugerait absurde, c’est-à-dire qui n’aurait pas de sens religieux et de situation précise dans l’ensemble des valeurs qu
2481 ’est-à-dire qui n’aurait pas de sens religieux et de situation précise dans l’ensemble des valeurs qu’il connaît. 50. J.
2482 uis quand ? Rudel utilisait ce procédé, et il est de la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première génér
2483 la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première génération des troubadours ! Donc l’un des inventeurs de
2484 ration des troubadours ! Donc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’anachronisme tenda
2485 ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’ anachronisme tendancieux. On veut à tout prix que le langage des troub
2486 e langage des troubadours soit le langage naturel de l’amour humain, transposé à l’amour divin. Alors qu’historiquement, c
2487 e et authentique ? Ceci pour répondre au reproche d’ insincérité fait aux troubadours par nos érudits — reproche lui-même s
2488 eproche lui-même stéréotypé… 53. Mais catholique d’ origine, non hérétique. 54. Faudrait-il rapprocher ceci du fait que l
2489 alier courtois donnait souvent à sa Dame le titre de seigneur au masculin : mi dons (mi dominus) et en Espagne : senhor (n
2490 eligieux ou féodal, autant ou plus que traduction de relations humaines. Toutefois, le narcissisme inhérent à tout amour d
2491 n sexuel, des déviations dont il serait difficile de nier que certains troubadours n’aient pas été victimes. 55. Textes t
2492 aussi l’Appendice 5. 58. Voici le chef principal d’ accusation, selon Massignon (Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer
2493 principal d’accusation, selon Massignon (Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement est le crime d
2494 agnétique du fer pour le fer, et leurs particules de lumière veulent rejoindre, comme un aimant, le foyer de lumière dont
2495 ière veulent rejoindre, comme un aimant, le foyer de lumière dont elles sont venues. » 59. « C’est lui l’amour… » trad. D
2496 aj, texte relatif à la prédication et au supplice de al-Hallaj. 61. Cf. les travaux d’un auteur américain, A. R. Nykl, sa
2497 et au supplice de al-Hallaj. 61. Cf. les travaux d’ un auteur américain, A. R. Nykl, sa traduction du Collier de la colomb
2498 r américain, A. R. Nykl, sa traduction du Collier de la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe
2499 . R. Nykl, sa traduction du Collier de la colombe d’ Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvr
2500 er de la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ensemble, Hispano-Arabic Po
2501 héorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ ensemble, Hispano-Arabic Poetry and its relations with the old Provenc
2502 badours, Baltimore, 1946. Voir aussi les ouvrages de Louis Massignon, d’Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal
2503 1946. Voir aussi les ouvrages de Louis Massignon, d’ Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc
2504 i les ouvrages de Louis Massignon, d’Henry Pérès, d’ Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc. 62. Il faut
2505 uis Massignon, d’Henry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc. 62. Il faut avouer que les réfut
2506 nry Pérès, d’Émile Dermenghem, de Menendez Pidal, de Karl Appel, etc. 62. Il faut avouer que les réfutations les plus vir
2507 le hypothèse que j’avais mentionnée au chapitre 7 de ce Livre, à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — se
2508 t être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catharisme. Une relecture des chapitres 8 et 9 suff
2509 ables que moi — en dépit de certaines imprudences d’ expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour ass
2510 heur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’ouvrage dans un large public pressé. Comme il arrive.) 63. Comme A
2511 Les hérétiques reprochaient à l’Église catholique d’ avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 64. Ce qui n’empêche
2512 i est Amour. 64. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du
2513 e, en la personne du pape Innocent III qui rêvait de « l’empire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie
2514 ire du monde » et ne pouvait tolérer la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade c
2515 la défection de l’Italie du Nord et du Languedoc, de déclencher en 1209 la croisade contre les cathares : le premier génoc
2516 es : le premier génocide ou massacre systématique d’ un peuple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident.
2517 ple, enregistré par notre histoire « chrétienne » de l’Occident. 65. Consoler vient de consolari, formée de cum et de so
2518 cident. 65. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifi
2519 5. Consoler vient de consolari, formée de cum et de solus (qui veut dire proprement : entier). Consoler signifie donc éty
2520 nq sens équivalents pour un seul terme ». 70. L. de La Vallée-Poussin, Bouddhisme, Études et matériaux, 1898. 71. Mircea
2521 in Ancient China. Leiden, 1961. 74. Je m’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de ch
2522 ’excuse de ne pouvoir citer ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — traduits et privés de leur beau
2523 pouvoir citer ici que des fragments de chansons —  de paroles de chansons ! — traduits et privés de leur beauté rythmique p
2524 er ici que des fragments de chansons — de paroles de chansons ! — traduits et privés de leur beauté rythmique par cette do
2525 s — de paroles de chansons ! — traduits et privés de leur beauté rythmique par cette double trahison. Qu’il soit bien ente
2526 n entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 75. Note du professeur Jeanroy : « C’est-à-dire, si vous parv
2527 ce » selon l’école Sahajiyâ. Cette interprétation de Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant Ælius Dona
2528 e — et Servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’ amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, j
2529 an Lemaire de Belges écrit dans son Illustrations de Gaule : « Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en amours… le
2530 ion, c’est celui qu’on nomme par honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins l
2531 es cathares condamnaient la guerre et toute forme d’ homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux
2532 toute forme d’homicide, légal ou non. Et en place de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inq
2533 lace de faux juges, faux prêtres, faux reclus, et de maris trompeurs, les Inquisiteurs du siècle suivant n’eussent pas man
2534 quisiteurs du siècle suivant n’eussent pas manqué de lire simplement juges, prêtres, reclus, et maris ! 78. Aliénor d’Aqu
2535 édigé au commencement du xiiie siècle : c’est le De arte honeste amandi d’André Le Chapelain. 80. Chez Chrétien de Troye
2536 u xiiie siècle : c’est le De arte honeste amandi d’ André Le Chapelain. 80. Chez Chrétien de Troyes en particulier. 81.
2537 le rattachait le Graal aux rites secrets du culte d’ Adonis. Ce qui est certain, c’est qu’un symbole comme celui du roi pêc
2538 Celtes peut se confondre facilement avec la coupe de la Cène. Et la lance elle-même revêt les significations les plus dive
2539 interprétation. Il s’est produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 82. Les Romans de la Table ro
2540 n. Il s’est produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 82. Les Romans de la Table ronde, nouvellem
2541 oduit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 82. Les Romans de la Table ronde, nouvellement rédigés pa
2542 ns et de confusions de symboles. 82. Les Romans de la Table ronde, nouvellement rédigés par J. Boulenger, IV, p. 238. 8
2543 communié se donnent les uns aux autres le baiser de paix, selon le rite oriental, que les cathares paraissent avoir repri
2544 doivent traverser n’est autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenne, pont jeté sur la rivière infernale, et que
2545 ue seuls les élus peuvent franchir. « Il y a lieu d’ appeler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », é
2546 a lieu d’appeler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », écrit Anitchkof (Joachim de Flore, p. 291)
2547 ler manichéisant le milieu créateur de la matière de Bretagne », écrit Anitchkof (Joachim de Flore, p. 291) après avoir in
2548 le du Graal (dans Lumière du Graal, 1951, recueil d’ une vingtaine d’études par des auteurs divers), René Nelli formule que
2549 s Lumière du Graal, 1951, recueil d’une vingtaine d’ études par des auteurs divers), René Nelli formule quelques observatio
2550 ions qui seront utilement rapprochées du chap. 10 de ce livre II : « Cette magie érotique avait sa source d’abord dans la
2551 te, dans la foi en une force occulte qui naissait de l’élan charnel réprimé… L’amour pur, c’est celui qui reste tel dans d
2552 périlleuses, provoquées, et qui utilise l’énergie de ce Désir pour des fins plus hautes que l’accouplement. Il admettait t
2553 e »… L’amour contenu est bien le moteur intérieur de cette Quête, qui a bien tous les caractères d’une initiation à la Fém
2554 ur de cette Quête, qui a bien tous les caractères d’ une initiation à la Féminité insaisissable aux sens charnels. » L’aute
2555 H. Hubert, op. cit., II, p. 298. 87. Histoire de Bailé au doux langage, trad. G. Dottin (L’Épopée irlandaise, 1926).
2556 . p. 85 sq., 1969. 89. Voir l’intéressante étude de M. Alexandre Haggerty-Krappe sur la Légende de « Tannhäuser » (Mercur
2557 de de M. Alexandre Haggerty-Krappe sur la Légende de « Tannhäuser » (Mercure de France, juin 1938). Le Tannhäuser du xvie
2558 xvie siècle est une tardive adaptation allemande de légendes irlando-écossaises ; il ne doit rien aux influences courtois
2559 re à ce sujet les deux gros volumes parus en 1953 de Gottfried Weber, Tristan und die Krise des Hochmittelalterlichen Welt
2560 nfiniment méticuleux (aux répétitions épuisantes) d’ un savant philologue allemand, apporte sur chacun des points touchés d
2561 ts touchés dans le présent chapitre une abondance de « preuves scientifiques » dont je m’étais fort bien passé en écrivant
2562 s fort bien passé en écrivant la première édition de ce livre, mais qui certes ne gâtent rien ! La comparaison poursuivie
2563 ! La comparaison poursuivie pendant des centaines de pages entre les conceptions religieuses de Gottfried et les doctrines
2564 taines de pages entre les conceptions religieuses de Gottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-
2565 eptions religieuses de Gottfried et les doctrines d’ Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait écla
2566 gieuses de Gottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait éclater le catha
2567 ottfried et les doctrines d’Augustin, de Bernard, d’ Hughes de Saint-Victor et d’Abélard, fait éclater le catharisme profon
2568 Augustin, de Bernard, d’Hughes de Saint-Victor et d’ Abélard, fait éclater le catharisme profond de Gottfried, et son antic
2569 et d’Abélard, fait éclater le catharisme profond de Gottfried, et son anticatholicisme (annonciateur de la Renaissance pl
2570 Gottfried, et son anticatholicisme (annonciateur de la Renaissance plus que de Luther, à mes yeux). 92. Vers 15733 à 15
2571 olicisme (annonciateur de la Renaissance plus que de Luther, à mes yeux). 92. Vers 15733 à 15747 du poème de Gottfried.
2572 r, à mes yeux). 92. Vers 15733 à 15747 du poème de Gottfried. 93. Gnosticisme de Gottfried : comme les carpocratiens, i
2573 3 à 15747 du poème de Gottfried. 93. Gnosticisme de Gottfried : comme les carpocratiens, il semble croire que la « purgat
2574 rpocratiens, il semble croire que la « purgatio » de l’instinct tyrannique ne peut être obtenue qu’en cédant d’abord à l’i
2575 ue qu’en cédant d’abord à l’instinct, mais en vue d’ arriver à l’extase illuminative, qui conduit à l’union essentielle (no
2576 94. Et Gottfried n’a-t-il pas imité le sic et non d’ Abélard ? L’exemple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de h
2577 -il pas imité le sic et non d’Abélard ? L’exemple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la p
2578 ple de l’amour du docteur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 95.
2579 octeur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 95. Un seul exemple :
2580 nter l’auteur de la plus théologique des versions de Tristan. 95. Un seul exemple : Gottfried v. 18352 à 57 « Tristan un
2581 tan und ein Isot » et Wagner, II, 2, toute la fin de la scène : « nicht mehr Tristan !… nicht mehr Isolde ! »
5 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre III. Passion et mystique
2582 1.Position du problème On a souvent tenté d’ expliquer le mysticisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’am
2583 mysticisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’amour humain, c’est-à-dire en fin de compte : à la sexualité. Or l’
2584 de compte : à la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le r
2585 la sexualité. Or l’examen du Roman de Tristan et de ses sources historiques nous a conduit à renverser le rapport. C’est
2586 es conclusions générales. Mais il permet au moins de reposer un problème que le xixe siècle matérialiste s’était cru en m
2587 e xixe siècle matérialiste s’était cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne suis pas trè
2588 définitive et simple. Mais il me paraît important de reconnaître au moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la
2589 de reconnaître au moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre,
2590 moins, sa position. Qu’on parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre, ce que l’on admet
2591 parte de la passion ou de la mystique pour tenter de ramener l’une à l’autre, ce que l’on admet implicitement, c’est l’exi
2592 e que l’on admet implicitement, c’est l’existence d’ un rapport quelconque entre ces deux réalités. Reste à savoir dans que
2593 ogie des métaphores mystiques et amoureuses. Mais d’ une entière analogie des mots, peut-on conclure à une entière analogie
2594 sommes-nous pas jusqu’à un certain point victimes d’ une illusion verbale ? d’une sorte de « calembour continué » ? Quand b
2595 n certain point victimes d’une illusion verbale ? d’ une sorte de « calembour continué » ? Quand bien même ce serait le cas
2596 int victimes d’une illusion verbale ? d’une sorte de « calembour continué » ? Quand bien même ce serait le cas, le problèm
2597 à notre sens. S’il n’y avait en jeu, dans le cas de la passion, que des facteurs physiologiques, on ne comprendrait plus
2598 iologiques, on ne comprendrait plus rien au mythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim
2599 de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle
2600 La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’ une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle est forte, mo
2601 é est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle est forte, moins elle se
2602 yons ici une passion dont la nature est justement de refuser tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne somm
2603 sommes donc pas en présence d’une faim, mais bien d’ une intoxication. Et l’on a soutenu récemment, par les preuves les plu
2604 morale, toute intoxication suppose l’intervention d’ un agent étranger, que l’instinct livré à lui-même éliminerait aussi v
2605 ement, la mystique à elle seule, rend-elle compte de la passion ? Il faudrait alors expliquer pourquoi c’est dans l’amour
2606 est toujours à l’instinct sexuel que l’on a tenté de « ramener » la mystique, et cela bien avant Freud et son école. Voici
2607 e que pose l’amour-passion : si l’on n’y voit que de la sexualité, c’est autant dire que l’on ne sait pas de quoi l’on par
2608 sexualité, c’est autant dire que l’on ne sait pas de quoi l’on parle. Si au contraire on rapporte cet amour à quelque chos
2609 u contraire on rapporte cet amour à quelque chose d’ étranger au sexe — il en résulte des choses bizarres, comme disait à p
2610 qu’il se posait au xiie siècle. C’est en partant d’ un exemple précis et d’une œuvre antérieure à l’essor de la grande mys
2611 siècle. C’est en partant d’un exemple précis et d’ une œuvre antérieure à l’essor de la grande mystique orthodoxe, que no
2612 xemple précis et d’une œuvre antérieure à l’essor de la grande mystique orthodoxe, que nous aurons les meilleures chances
2613 orthodoxe, que nous aurons les meilleures chances de surprendre à l’état naissant la dialectique des « choses bizarres »…
2614 ture mystique Nous avons constaté que le Roman de Tristan est, à bien des égards, une première « profanation » de la my
2615 , à bien des égards, une première « profanation » de la mystique courtoise et de ses sources (néo-platonisme, manichéisme,
2616 mière « profanation » de la mystique courtoise et de ses sources (néo-platonisme, manichéisme, soufisme). La mythification
2617 des complaisances bien explicables envers le goût de leurs auditeurs, moins policés que ceux du Midi. Le caractère distinc
2618 di. Le caractère distinctif du Roman est en effet de reposer sur une faute contre les lois d’amour courtois, puisque tout
2619 en effet de reposer sur une faute contre les lois d’ amour courtois, puisque tout le drame vient de l’adultère consommé. De
2620 isque tout le drame vient de l’adultère consommé. De là que nous ayons un « roman » selon la formule moderne du genre, et
2621 et si l’on considère surtout le principe interne de l’action, Tristan évoque par la plupart de ses situations romanesques
2622 part de ses situations romanesques la progression d’ une vie mystique. Certains « moments » relèvent de la pure tradition c
2623 d’une vie mystique. Certains « moments » relèvent de la pure tradition cathare, d’autres peuvent être rapprochés d’une exp
2624 adition cathare, d’autres peuvent être rapprochés d’ une expérience mystique plus générale, et qu’on retrouve identique, da
2625 niens et Arabes, voire bouddhistes). En tout état de cause, on ne saurait plus parler d’un vulgaire roman d’adultère : l’i
2626 En tout état de cause, on ne saurait plus parler d’ un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité d’Iseut, c’est l’hérésie,
2627 se, on ne saurait plus parler d’un vulgaire roman d’ adultère : l’infidélité d’Iseut, c’est l’hérésie, c’est la vertu mysti
2628 ler d’un vulgaire roman d’adultère : l’infidélité d’ Iseut, c’est l’hérésie, c’est la vertu mystique des « purs », c’est un
2629 des « purs », c’est une vertu, selon les auteurs de la légende. Et la faute n’est pas dans l’amour, mais dans sa « réalis
2630 que se révèle toute comparaison entre deux formes de mystique — et d’autant plus qu’ici l’un des termes en présence se tro
2631 te comparaison entre deux formes de mystique — et d’ autant plus qu’ici l’un des termes en présence se trouve dénaturé par
2632 nacelle sans gouvernail ni voile, muni seulement de son épée et de sa harpe. Il part à la recherche du baume salutaire qu
2633 ouvernail ni voile, muni seulement de son épée et de sa harpe. Il part à la recherche du baume salutaire qui chassera le p
2634 cherche du baume salutaire qui chassera le poison de son sang. C’est le type même du départ mystique, de l’abandon à l’ave
2635 son sang. C’est le type même du départ mystique, de l’abandon à l’aventure surnaturelle. C’est la quête de l’âme pécheres
2636 abandon à l’aventure surnaturelle. C’est la quête de l’âme pécheresse, c’est-à-dire blessée mortellement, qui renonce aux
2637 inconnue. La poésie moderne nous a montré combien d’ exemples de ces départs à l’aventure, désespérés mais encore éloquents
2638 a poésie moderne nous a montré combien d’exemples de ces départs à l’aventure, désespérés mais encore éloquents ! Rudiment
2639 ure, désespérés mais encore éloquents ! Rudiments d’ une recherche mystique, qui ne laisse oublier ni la lyre ni l’épée sym
2640 analyse du mythe, que cette fatalité joue le rôle d’ un alibi : les amants ne se veulent responsables de rien, leur passion
2641 ’un alibi : les amants ne se veulent responsables de rien, leur passion étant inavouable tant aux yeux de la société (qui
2642 les fait mourir). C’est là l’aspect psychologique de l’aventure. Mais voici l’aspect religieux : ce hasard aussitôt irrévo
2643 p que tout semblait le préparer, c’est l’élection d’ une âme par l’Amour tout-puissant, la vocation qui la surprend comme m
2644 conduire à l’endura. Mais emporté par la violence de la première révélation, qui parfois embrase le sang, il enfreint la r
2645 le, souffle ô vent ! Malheur ! ah malheur ! fille d’ Irlande, amoureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra mai
2646 d’Irlande, amoureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra maintenant racheter le sacrilège. Mais le malheur ess
2647 racheter le sacrilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’est pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachèt
2648 it aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’ être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement f
2649 vrer l’homme du fait même d’être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final et bienheureux, à l
2650 nitence a donc une signification toute différente de celle du repentir chrétien. Et bien que l’orthodoxie et l’hérésie sem
2651 onfondues dans le Roman, il est toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réellement dominante — cel
2652 Roman, il est toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réellement dominante — celle qui s’épanouira
2653 a mort des amants. Reprenons par exemple le récit de l’« aspre vie » dans la forêt de Morois. « Nous avons perdu le monde,
2654 exemple le récit de l’« aspre vie » dans la forêt de Morois. « Nous avons perdu le monde, et le monde nous », gémit Iseut
2655 gémit Iseut (dans le Roman en prose). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne verr
2656 , je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien d’ une endura. Cette retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de
2657 e endura. Cette retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but c
2658 retraite dans la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but chez les cathares
2659 s la forêt, c’est une de ces périodes de jeûne et de macération dont nous connaissons le but chez les cathares : l’absorpt
2660 nnaissons le but chez les cathares : l’absorption de toutes les facultés dans la contemplation de l’amour seul. Un trait p
2661 tion de toutes les facultés dans la contemplation de l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en g
2662 a contemplation de l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général — paraît ici. « On est seul
2663 l’amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général — paraît ici. « On est seul avec tout ce qu’on
2664 ’on aime », écrira plus tard Novalis, ce mystique de la Nuit et de la Lumière secrète. Cette maxime traduit d’ailleurs, pa
2665 rira plus tard Novalis, ce mystique de la Nuit et de la Lumière secrète. Cette maxime traduit d’ailleurs, parmi tant d’aut
2666 eurs, parmi tant d’autres sens possibles, un fait d’ observation purement psychologique : la passion n’est nullement cette
2667 lescents ; elle est, bien au contraire, une sorte d’ intensité nue et dénuante, oui vraiment, un amer dénuement, un appauvr
2668 i vraiment, un amer dénuement, un appauvrissement de la conscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imaginatio
2669 uement, un appauvrissement de la conscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imagination concentrée sur une se
2670 onscience vidée de toute diversité, une obsession de l’imagination concentrée sur une seule image, — et dès lors le monde
2671 lors le monde s’évanouit, « les autres » cessent d’ être présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tien
2672 les choses créées. Vraiment, comment se défendre de songer ici aux « déserts » de la Nuit obscure que décrit saint Jean d
2673 comment se défendre de songer ici aux « déserts » de la Nuit obscure que décrit saint Jean de la Croix ? « Éloigne les cho
2674 vait que Dieu et elle au monde ». A-t-on le droit d’ opérer ce rapprochement entre un génie religieux du premier ordre et u
2675 plus rudimentaires ? Certes, ce serait une sorte de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’amour
2676 de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’ une passion d’amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici su
2677 ’il ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’ amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mysti
2678 es « parfaits ». C’est alors le contenu des états d’ âme et leur objet, mais non leur forme, qui diffère (Appendice 10). (N
2679 dissiper toute équivoque.) ⁂ Voici un autre point de comparaison. On sait combien les mystiques espagnols ont coutume d’in
2680 sait combien les mystiques espagnols ont coutume d’ insister sur le récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’amour
2681 ues espagnols ont coutume d’insister sur le récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’amour divin sont vifs, plus l
2682 morales qu’entraîne la mortification des sens et de la volonté, mais l’âme souffre séparation et réjection, dans le temps
2683 uffre séparation et réjection, dans le temps même de la plus vive ardeur de son amour. Il y aurait à citer cent pages où r
2684 ection, dans le temps même de la plus vive ardeur de son amour. Il y aurait à citer cent pages où revient la même plainte
2685 ait à citer cent pages où revient la même plainte de l’âme sur « l’abandon divin, tourment suprême ». Sur « ce vide profon
2686 ce vide profond… cruelle disette des trois sortes de biens qui peuvent consoler l’âme, savoir les temporels, les naturels,
2687 les spirituels » ; enfin, « sur cette impression de rejet qui compte parmi les peines les plus dures de l’état de purific
2688 rejet qui compte parmi les peines les plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et par
2689 compte parmi les peines les plus dures de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’est qu’une impure et parfois équiv
2690 est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique courtoise. (Il arrive que les situations les plus apparem
2691 avement — à partir de l’amour humain, et par voie de sublimation, non par la voie inverse, allant de l’Amour divin aux mét
2692 e de sublimation, non par la voie inverse, allant de l’Amour divin aux métaphores, qui convient pour les grands mystiques.
2693 ci dit, nous pouvons retrouver dans le mythe plus d’ un aspect des souffrances mystiques. On se souvient de la plainte du t
2694 aspect des souffrances mystiques. On se souvient de la plainte du troubadour : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus
2695 mme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie la plus simple rendrait compte de ce phén
2696  ». La psychologie la plus simple rendrait compte de ce phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’image matériel
2697 t compte de ce phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’image matérielle pour représenter les tourments de l’as
2698 phénomène. Mais il ne sert ici que de prétexte et d’ image matérielle pour représenter les tourments de l’ascèse purificatr
2699 d’image matérielle pour représenter les tourments de l’ascèse purificatrice. Nous avons vu que les séparations des deux am
2700 Roman, répondent à une nécessité tout intérieure de la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle est aussi autre chos
2701 imée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et
2702 l’aime davantage, et plus il aime, plus il endure de souffrances. Mais nous savons que c’est la souffrance qui est le vrai
2703 avons que c’est la souffrance qui est le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situation mystique (pa
2704 e rejeté par l’amour. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’i
2705 mour. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’ Iseut, qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le «
2706 ovisoirement. C’est quand, le philtre ayant cessé d’ agir, Tristan et Iseut vont trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Re
2707 trouver l’ermite Ogrin dans sa cellule. Rencontre de celui qui souffre pour son Dieu, et des amants qui souffrent pour un
2708 ais tandis que le roi s’approche avec son cortège de barons, les amants échangent l’anneau de l’éternelle fidélité et du s
2709 cortège de barons, les amants échangent l’anneau de l’éternelle fidélité et du secret. La soumission ne sera donc qu’appa
2710 ⁂ Pour extérieures et formelles qu’elles soient, de telles correspondances ne sauraient être, en toute honnêteté, réduite
2711 es. Mais si les formes sont pareilles, il importe de définir en quoi les contenus restent incompatibles, et quelle est la
2712 us restent incompatibles, et quelle est la nature de l’abus qui par la suite a voulu les confondre. L’on pourrait tout ram
2713 ramener à une grossière confusion du Créateur et de la créature, dans le Roman : la fameuse « divinisation de la femme »
2714 éature, dans le Roman : la fameuse « divinisation de la femme » selon la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne sera
2715 s que nous venons de dégager ne seraient plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je ne songe pas
2716 t plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je ne songe pas à nier cet aspect du problème, il sera
2717 la, ce serait alors tout l’arrière-plan religieux de la légende qu’il faudrait nier ou négliger, en dépit de l’évidence hi
2718 e qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’ être un roman courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’être ce
2719 man courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’ être ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits co
2720 s, ce qui se trouve en question, c’est la passion d’ amour, et non l’amour purement profane et naturel. Voici, me semble-t-
2721 rel. Voici, me semble-t-il, le principe véritable de l’opposition des deux mystiques. L’orthodoxe aboutit au « mariage spi
2722 ues. L’orthodoxe aboutit au « mariage spirituel » de Dieu et de l’âme, dès cette vie, tandis que l’hérétique espère l’unio
2723 odoxe aboutit au « mariage spirituel » de Dieu et de l’âme, dès cette vie, tandis que l’hérétique espère l’union et la fus
2724 espère l’union et la fusion totale, mais au-delà de la mort des corps. Pour les cathares, il n’y avait pas de rachat poss
2725 rt des corps. Pour les cathares, il n’y avait pas de rachat possible de ce monde. Il s’ensuivait — théoriquement — que l’a
2726 les cathares, il n’y avait pas de rachat possible de ce monde. Il s’ensuivait — théoriquement — que l’amour profane était
2727 s mystiques du Roman chercheront donc l’intensité de la passion et non son apaisement heureux. Plus leur passion est vive
2728 voient dans les actes et les œuvres qui découlent de l’état mystique les critères de sa vérité99. C’est du moins le mouvem
2729 res qui découlent de l’état mystique les critères de sa vérité99. C’est du moins le mouvement constant de ceux qui ont con
2730 sa vérité99. C’est du moins le mouvement constant de ceux qui ont concentré leur oraison sur le Christ incarné réellement.
2731 ’Incarnation, et ne pouvaient connaître ce retour de l’âme à une vie rénovée. « Je meurs de ne pas mourir », dit sainte Th
2732 ce retour de l’âme à une vie rénovée. « Je meurs de ne pas mourir », dit sainte Thérèse, mais c’est de ne pas mourir asse
2733 e ne pas mourir », dit sainte Thérèse, mais c’est de ne pas mourir assez pour vivre toute la vie nouvelle, et pour obéir s
2734 Jean de la Croix. Les amants se plaignent parfois de leur passion et maudissent le poison fatal, cause de leurs terribles
2735 leur passion et maudissent le poison fatal, cause de leurs terribles souffrances. « Amor par force les demeine. » Mais fin
2736 comme la révélation dernière, dans la mort. Ainsi de leur attitude envers les créatures : ils ne les retrouvent pas au-del
2737 les créatures : ils ne les retrouvent pas au-delà de leur passion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au
2738 ne les retrouvent pas au-delà de leur passion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au monde si caractéri
2739 ssion et de son ascèse. Ils ignorent ce mouvement de retour au monde si caractéristique du christianisme. Jean de la Croix
2740 qu’on mortifie les passions, l’âme ne reçoit plus d’ aliment des créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’obscurit
2741 l’âme ne reçoit plus d’aliment des créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’obscurité, et destituée des objets qu
2742 s créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’ obscurité, et destituée des objets que les passions lui présentaient. 
2743 III.) (Et l’on peut certes rapprocher ce passage de l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris
2744 t certes rapprocher ce passage de l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a
2745 e mon désir et mon cœur assoiffé. ») Au-delà même de cet état, Jean de la Croix connut la viduité totale, où non seulement
2746 n, et l’amour avec son objet, mais jusqu’au désir de l’amour semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute con
2747 au désir de l’amour semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise, rien ne le pousse vers le haut,
2748 semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise, rien ne le pousse vers le haut, et rien ne l’attire
2749 ximes.) Le troubadour Arnaut Daniel parlait aussi de cet « excès de désir » qui enlève « tout désir ». Mais cet état théop
2750 badour Arnaut Daniel parlait aussi de cet « excès de désir » qui enlève « tout désir ». Mais cet état théopathique n’about
2751 en termes magnifiques que l’âme pure est le lieu de rédemption des créatures dénaturées par le péché. « Toutes les créatu
2752 rées par le péché. « Toutes les créatures passent de leur vie à leur être. Toutes les créatures se portent dans ma raison
2753 l faut indiquer la dernière limite, qui est celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le mystère
2754 qui est celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baign
2755 ncore, la clé de l’opposition est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphère celtique de l’org
2756 on. Le Roman est baigné par l’atmosphère celtique de l’orgueil chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui est le mo
2757 tique de l’orgueil chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous
2758 de la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensatio
2759 es passionnés, il aime avec témérité la sensation de puissance qu’il éprouve dans le risque. D’où le désir final du risque
2760 sation de puissance qu’il éprouve dans le risque. D’ où le désir final du risque pour lui-même, la passion de la passion sa
2761 e désir final du risque pour lui-même, la passion de la passion sans terme, la volonté de la mort sans retour. L’on s’aper
2762 , la passion de la passion sans terme, la volonté de la mort sans retour. L’on s’aperçoit, à cette limite, que la prouesse
2763 e limite, que la prouesse était le signe matériel d’ un processus de divinisation. Les vrais mystiques, tout au contraire,
2764 a prouesse était le signe matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques, tout au contraire, sont la prudenc
2765 Ainsi le chrétien ne se jette pas dans l’illusion d’ une mort d’amour transfigurante, mais au contraire accepte les limites
2766 rétien ne se jette pas dans l’illusion d’une mort d’ amour transfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terr
2767 sfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terrestre vocation. « Rien ne le pousse vers le haut, et rien ne l
2768 a Croix, et cela « parce qu’il se tient au centre de son humilité ». 3.Transpositions curieuses, mais inévitables To
2769 ns curieuses, mais inévitables Toute la poésie d’ Occident procède de l’amour courtois et du roman breton qui en dérive.
2770 inévitables Toute la poésie d’Occident procède de l’amour courtois et du roman breton qui en dérive. C’est à cette orig
2771 e ; et c’est dans ce vocabulaire que les amoureux d’ aujourd’hui puisent encore, en toute inconscience, leurs métaphores le
2772 le mythe romanesque avait utilisé un « matériel » d’ images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, d
2773 omanesque avait utilisé un « matériel » d’images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’une
2774 vait utilisé un « matériel » d’images, de noms et de situations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’une religion dé
2775 tuations tiré du fonds religieux des Celtes, donc d’ une religion déjà morte, de même notre littérature et nos passions uti
2776 seule mystique définissait le sens valable. Plus d’ une fois, l’ambiguïté du mythe nous a fait hésiter en présence de tel
2777 ésiter en présence de tel épisode : s’agissait-il d’ amour profane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros l
2778 l d’amour profane — selon la lettre du Roman — ou d’ un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit
2779 fane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit donc que, par
2780 Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’Amour ? On conçoit donc que, par la suite, le lecteur igno
2781 ’un symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’ Amour ? On conçoit donc que, par la suite, le lecteur ignorant des mys
2782 s ces allégories trop bien voilées. Il est facile d’ imaginer le processus. Saint Augustin écrit cette prière : « Je te che
2783 troubadour ait exprimé la même prière en feignant de l’adresser à sa Dame. L’amant habitué aux métaphores mystiques, qu’il
2784 ues, qu’il entend à leur sens profane, sera tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il aime : c
2785 tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il aime : celle qu’on goûte et savoure en soi, dans une
2786 lle qu’on goûte et savoure en soi, dans une sorte d’ indifférence à son objet vivant et extérieur. Ainsi nous avons vu que
2787 our-passion tend à se confondre avec l’exaltation d’ un narcissisme… Dans cette transposition objectivement mais non pas co
2788 de des métaphores utilisées dans les deux cas. Or d’ où venaient ces métaphores ? D’une mystique, comme nous l’avons vu — m
2789 s les deux cas. Or d’où venaient ces métaphores ? D’ une mystique, comme nous l’avons vu — mais déguisée, persécutée, puis
2790 te donc valable à condition qu’on change le signe de chacune de ses propositions. Par exemple, là où la science proclame q
2791 able à condition qu’on change le signe de chacune de ses propositions. Par exemple, là où la science proclame que la mysti
2792 là où la science proclame que la mystique résulte d’ une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la rel
2793 roclame que la mystique résulte d’une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, e
2794 sulte d’une sublimation de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, et d’écrire que « l’instinc
2795 tion de l’instinct, il suffira de changer le sens de la relation constatée, et d’écrire que « l’instinct » en question rés
2796 a de changer le sens de la relation constatée, et d’ écrire que « l’instinct » en question résulte d’une profanation de la
2797 t d’écrire que « l’instinct » en question résulte d’ une profanation de la mystique primitive. ⁂ Cependant, la conscience m
2798 ’instinct » en question résulte d’une profanation de la mystique primitive. ⁂ Cependant, la conscience moderne montre une
2799 épugnance à opérer ce renversement, qu’il est bon d’ entrer plus avant dans le mécanisme des transpositions, et même de rec
2800 ant dans le mécanisme des transpositions, et même de reconnaître la valeur de certaines objections courantes. Car enfin, d
2801 transpositions, et même de reconnaître la valeur de certaines objections courantes. Car enfin, dira-t-on, la mystique, au
2802 enfin, dira-t-on, la mystique, au moins dans une de ses tendances, ne s’est-elle pas prêtée à toutes les confusions ? N’a
2803 ons ? N’a-t-elle pas abusé la première du langage de l’Éros païen ? 4.Les Mystiques orthodoxes et le langage de la pass
2804 ïen ? 4.Les Mystiques orthodoxes et le langage de la passion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de
2805 es et le langage de la passion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événem
2806 assion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dè
2807 fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dès que l’on s
2808 forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’Incarnation. Dès que l’on s’écarte un tant soit peu de ce foyer, l’
2809 oit peu de ce foyer, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’idéalisme. L’hérésie des cathares consistait à i
2810 r, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’idéalisme. L’hérésie des cathares consistait à idéaliser tout l’Év
2811  enthousiasme » — cette transgression des limites de l’humain, finalement irréalisable, devait se traduire, et se trahir d
2812 nt irréalisable, devait se traduire, et se trahir d’ une manière fatale, par une exaltation en termes divins de l’amour sex
2813 nière fatale, par une exaltation en termes divins de l’amour sexuel. À l’inverse, on peut observer chez les mystiques les
2814 im et soif, volonté. Exaltation en termes humains de l’amour de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous ret
2815 volonté. Exaltation en termes humains de l’amour de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous retrouverons d
2816 ée. Même chez les représentants les plus typiques de l’une et de l’autre tendance, ils coexistent presque toujours, ne fût
2817 z les représentants les plus typiques de l’une et de l’autre tendance, ils coexistent presque toujours, ne fût-ce qu’à la
2818 anière dont la tentation coexiste avec la volonté d’ obéissance chez le croyant. Historiquement parlant, il est donc malais
2819 yant. Historiquement parlant, il est donc malaisé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire. Le premier cou
2820 la chose est claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la di
2821 la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la divinité. Le second courant peut être appelé celui de
2822 unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et de la divinité. Le second courant peut être appelé celui de la mystique
2823 ivinité. Le second courant peut être appelé celui de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, e
2824 de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence est ma
2825 ue épithalamique : il tend au mariage de l’âme et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence est maintenue entr
2826 me et de Dieu, et suppose donc qu’une distinction d’ essence est maintenue entre la créature et le Créateur. Quelques exemp
2827 euls valables en ce domaine100 — nous permettront de préciser tout cela sans excessives simplifications. Ils nous permettr
2828 excessives simplifications. Ils nous permettront d’ entrevoir les raisons de ce curieux phénomène : « l’abus » du langage
2829 ons. Ils nous permettront d’entrevoir les raisons de ce curieux phénomène : « l’abus » du langage amoureux en religion doi
2830 xe. J’emprunterai mon premier exemple à l’ouvrage de Rudolf Otto intitulé Mystique occidentale-orientale 101. L’auteur com
2831 e 101. L’auteur compare, puis oppose le fondateur de la mystique allemande au xive siècle. Maître Eckhart, et le mystique
2832 e objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orient de l’Occident en ramenant leurs mystiques respectives à l’Éros et à l’Ag
2833 eurs mystiques respectives à l’Éros et à l’Agapè, d’ une manière assez analogue à celle que nous proposions ci-dessus (voir
2834 n tant que, par l’âme du croyant, elles « passent de leur vie à leur être ». La confrontation est rendue possible par le f
2835 oyen Âge une tradition mystique parallèle à celle de Sankara. « Mystique de l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la fav
2836 mystique parallèle à celle de Sankara. « Mystique de l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la faveur de laquelle le Je e
2837 l’ivresse sentimentale — écrit Otto — à la faveur de laquelle le Je et le Tu des êtres unis par une forte émotion coulent
2838 l’un dans l’autre, donnant naissance à une unité d’ être. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique 
2839 e ». L’amour, pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’Agapè, forte comme la mort, mais non point ivre ; intime, mais humb
2840 , tout particulièrement, que Eckhart se distingue d’ une manière radicale de Plotin, dont on persiste à faire son maître. P
2841 , que Eckhart se distingue d’une manière radicale de Plotin, dont on persiste à faire son maître. Plotin lui aussi prêche
2842 st l’Éros grec, qui est jouissance, et jouissance d’ une naturelle et surnaturelle Beauté… gardant jusqu’en ses plus subtil
2843 u’en ses plus subtiles sublimations quelque chose de l’Éros du Symposium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l
2844 ’Éros du Symposium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la
2845 sium platonicien, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la ferveur divin
2846 en, grand Daimon qui, de la ferveur de l’instinct de procréation, s’élève en se purifiant à la ferveur divine, mais n’en c
2847 divine, mais n’en conserve pas moins les éléments de l’homme fervent. » Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’est pas cel
2848 raie voie mystique n’est pas celle qui, s’élevant d’ un état de sentiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’un éla
2849 mystique n’est pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’amour 
2850 entiment, mènerait à une union suprême, au sommet d’ un élan d’amour : L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œ
2851 mènerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’ amour : L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non
2852 t plutôt comme fournissant d’abord la possibilité d’ une Agapè authentique. Non seulement son Agapè n’a pas le moindre trai
2853 simplicité élémentaires, sans exaltation ni ajout d’ aucune sorte. » Et de cette union résultent « la confiance, la foi, l’
2854 es, sans exaltation ni ajout d’aucune sorte. » Et de cette union résultent « la confiance, la foi, l’abandon, le service »
2855 service ». Il s’agit donc plutôt, me semble-t-il, d’ une communion que d’une union, puisque, comme l’écrit ailleurs Eckhart
2856 donc plutôt, me semble-t-il, d’une communion que d’ une union, puisque, comme l’écrit ailleurs Eckhart, l’âme reste l’âme,
2857 l’âme reste l’âme, et Dieu reste Dieu103. L’acte d’ amour spirituel est initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à
2858 Pour le chrétien, la mort à soi-même est le début d’ une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce monde. D’ailleur
2859 d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce monde. D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart où il est questio
2860 ophe de ce monde. D’ailleurs Otto cite un passage d’ Eckhart où il est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’â
2861 un passage d’Eckhart où il est question non plus d’ union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : « Et cette égalité de
2862 art où il est question non plus d’union mais bien d’ égalité de l’âme et de Dieu : « Et cette égalité de l’un dans l’un et
2863 est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : « Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un
2864 non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : « Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un est source e
2865 ’égalité de l’âme et de Dieu : « Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un est source et origine du fleurissant resp
2866 qui figure pour Eckhart l’expression authentique de l’union divine, mais bien l’Agapè, dont ne parlent et que ne connaiss
2867 ni Sankara. » Voici donc, semble-t-il, deux pôles de la mystique universelle très nettement caractérisés. L’Orient (c’est-
2868 ns les termes mêmes par lesquels nous avons tenté de distinguer la mystique des cathares et la doctrine chrétienne de l’am
2869 a mystique des cathares et la doctrine chrétienne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean
2870 ne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean XXII condamna même ses thèses les plus hardies
2871 a même ses thèses les plus hardies dans une bulle de 1329. L’une des thèses condamnées, la dixième, est ainsi reproduite d
2872 alement en Dieu et nous nous convertissons en lui de la même manière que le pain dans le sacrement se change en corps du C
2873 e distinction. » Cette thèse, extraite des œuvres d’ Eckhart, paraît contredire formellement l’interprétation précédente. E
2874 art du côté de « l’Orient », c’est-à-dire du côté d’ une mystique essentiellement unitive, et par cela même hérétique… Ce q
2875 ecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’ extraire de ses œuvres les vérités les plus contradictoires. Chez lui,
2876 r excellence, et qu’il est trop facile d’extraire de ses œuvres les vérités les plus contradictoires. Chez lui, a-t-on pu
2877 n sont inséparables, n’étant que les deux aspects d’ une même vérité »105. Il n’en est pas moins significatif de constater
2878 e vérité »105. Il n’en est pas moins significatif de constater que Eckhart souleva dans la mystique flamande une oppositio
2879 l’abandon des œuvres. On est toujours à l’Orient de quelqu’un ! C’est ainsi que Maître Eckhart figura l’hérésie que j’app
2880 gens qui ne veulent pas seulement être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus maudits que
2881 r… Voilà ce qu’ils appellent la parfaite pauvreté d’ esprit… Mais ceux qui sont nés du Saint-Esprit et chantent ses louange
2882 s agissent. On le voit : Ruysbroek accuse Eckhart de quiétisme. Il revendique contre lui un certain activisme de l’amour.
2883 me. Il revendique contre lui un certain activisme de l’amour. C’est qu’il ne croit nullement que toute distinction entre l
2884 blable à Dieu. Elle contemple Dieu dans le miroir d’ un esprit entièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes e
2885 contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa propre personnalité, est unie à la vérité divine qui respecte la d
2886 nction. » Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est l
2887 urs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essenti
2888 de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essentielle… » ⁂ Or voici le point qu’
2889 ssentielle… » ⁂ Or voici le point qu’il importait de mettre en lumière. Si l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’amo
2890 l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera p
2891 —, je ne sais si l’on rencontre jamais le langage de l’amour humain. » À l’inverse, si l’âme ne peut s’unir essentiellemen
2892 ’orthodoxie chrétienne, il en résulte que l’amour de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un amour réciproque malheur
2893 langage passionnel, c’est-à-dire dans le langage de l’hérésie cathare « profanisé » par la littérature et adopté par les
2894 it. Là encore, les textes confirment l’exactitude de notre schéma. C’est bien avec Ruysbroek et sa doctrine de la distinct
2895 schéma. C’est bien avec Ruysbroek et sa doctrine de la distinction essentielle qu’apparaît, dans la mystique du Nord, le
2896 l’irrésistible désir. S’efforcer continuellement de saisir l’insaisissable… Et l’objet du désir ne peut être ni abandonné
2897 onner est chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force pour l’étreindre
2898 le de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force pour l’étreindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’
2899 ence même n’a pas assez de force pour l’étreindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’amour-passion se déversent
2900 treindre de ses mains. » Et toutes les métaphores de l’amour-passion se déversent dans la prose enflammée de Ruysbroek : i
2901 mour-passion se déversent dans la prose enflammée de Ruysbroek : immersion dans l’amour, défaillements, embrassements, our
2902 s l’amour, défaillements, embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’amour,
2903 embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’ amour qui dévore nuit et jour, orgie d’amour, délices ruisselantes, iv
2904 e, brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’ amour, délices ruisselantes, ivresses, meurtrissures… « Il m’a bu l’es
2905 ’esprit et le cœur », fait dire Ruysbroek à l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je me suis perdue dans sa bouche »,
2906 une autre. Et une troisième : « Boire les regards de l’amour et s’y engloutir enivrée… » Je me suis arrêté à l’exemple de
2907 arrêté à l’exemple de Ruysbroek pour la commodité de l’exposé : le fait historique que Maître Eckhart et son disciple se s
2908 on disciple se soient opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une confrontation. Mais la lecture d
2909 us eût fourni un autre exemple non moins frappant de l’usage des thèmes courtois. On sait que saint François d’Assise avai
2910 ais dans sa jeunesse et qu’il faisait ses délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalie
2911 unesse et qu’il faisait ses délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du monde » o
2912 es délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du monde » ou, selon ses propres paro
2913 é du monde entier »108. Et l’on sait d’autre part de quelle manière il inaugura son ministère : sur la grande place d’Assi
2914 e il inaugura son ministère : sur la grande place d’ Assise, en présence de l’évêque et d’une foule immense, il se dépouill
2915 grande place d’Assise, en présence de l’évêque et d’ une foule immense, il se dépouilla de tous ses vêtements et se dressan
2916 l’évêque et d’une foule immense, il se dépouilla de tous ses vêtements et se dressant tout nu devant son père richement h
2917 es vers français… Le parfait dénuement avait fait de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’obstacles à ses élan
2918 uement avait fait de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’obstacles à ses élans vers le Souverain Bien !… Se s
2919 de son corps l’humble serviteur de son âme ; plus d’ obstacles à ses élans vers le Souverain Bien !… Se souvenant des roman
2920 !… Se souvenant des romans français, François fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’être son « chevalier »109. Cet
2921 nçois fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’ être son « chevalier »109. Cette forme de « dénuement », physique mais
2922 s’honora d’être son « chevalier »109. Cette forme de « dénuement », physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos
2923 », physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combattants spirituels ») do
2924 au Canada, voulant protester contre l’obligation de faire élever leurs enfants à l’école d’État, « parcoururent les campa
2925 bligation de faire élever leurs enfants à l’école d’ État, « parcoururent les campagnes complètement dévêtus et chantant de
2926 ymnes religieux »110. On les accusa naturellement d’ exhibitionnisme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on était mo
2927 On les accusa naturellement d’exhibitionnisme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on était moins obtus. La chevale
2928 di de la France : par les routes, sur les places, de village en château. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Die
2929 sur les places, de village en château. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs,
2930 âteau. Les poèmes de Jacopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine
2931 acopone da Todi, « jongleur de Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre d
2932 Dieu », les laudes de ses imitateurs, les lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre de la bienheureuse Angèle de Fol
2933 s lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre de la bienheureuse Angèle de Foligno, et tant de récits des Fioretti 111
2934 ou à son entourage, et cet « angélisme » rappelle d’ une manière précise celui des cathares. D’autres laudes, pour être plu
2935 res laudes, pour être plus évidemment catholiques d’ inspiration, n’en sont que plus « érotiques » ou « courtoises » de lan
2936 ’en sont que plus « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fond comme la glace au feu lorsque étroitement
2937 itement j’embrasse mon Seigneur, criant : l’amour de l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les fla
2938 e l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’ amour. Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant ; en vivant
2939 , je vis. Pourtant, je n’aime pas, mais j’ai soif d’ aimer, et j’ai faim de m’unir à l’Amour.112 5.La Rhétorique court
2940 n’aime pas, mais j’ai soif d’aimer, et j’ai faim de m’unir à l’Amour.112 5.La Rhétorique courtoise chez les mystique
2941 uances les plus précieuses, la rhétorique entière de l’amour courtois. À défaut d’une anthologie qui tiendrait décidément
2942 rhétorique entière de l’amour courtois. À défaut d’ une anthologie qui tiendrait décidément trop de place113, bornons-nous
2943 ut d’une anthologie qui tiendrait décidément trop de place113, bornons-nous à énumérer les principaux thèmes communs aux t
2944 oubadours et aux mystiques orthodoxes : « Mourir de ne pas mourir. »114 La « brûlure suave ». Le « dard d’amour » qui bl
2945 pas mourir. »114 La « brûlure suave ». Le « dard d’ amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui
2946 dard d’amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui « isole » du monde et des êtres. La passion q
2947 assion qui décolore tout autre amour. Se plaindre d’ un mal que l’on préfère cependant à toute joie et à tout bien terrestr
2948 i purifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’amour se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’amour, dont
2949 r se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’ amour, dont il faut sortir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », hav
2950 ir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », havres de l’amour. Le symbolisme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’a
2951  cœur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’ amour. L’amour considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en
2952 ). Sur quoi le psychologue matérialiste (cela va de Voltaire à Freud) conclut avec une bizarre assurance, et sur la foi d
2953 sur la foi du seul langage, que tout cela relève d’ une déviation sexuelle. Et l’on sait que les conclusions des savants d
2954 atérialiste sur les mystiques est plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le po
2955 les mystiques est plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le porte, il repose
2956 élateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet sur lequel on le porte, il repose sur une double erreur histo
2957 historique et psychologique. Car : 1° le langage de la passion — tel qu’on le retrouve chez les mystiques — n’est pas, à
2958 iques — n’est pas, à l’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au contraire la rhétorique d’une ascèse étroit
2959 la nature, mais il est au contraire la rhétorique d’ une ascèse étroitement liée à l’hérésie méridionale du xiie siècle ;
2960 e étaient mieux avertis que quiconque des dangers de la « luxure spirituelle ». (C’est l’expression de saint Jean de la Cr
2961 de la « luxure spirituelle ». (C’est l’expression de saint Jean de la Croix.) Or tous les deux en parlent avec une liberté
2962 ait signifier, dans leur cas, le soupçon habituel de « refoulement ». ⁂ Reprenons ces deux arguments. Et tout d’abord, sou
2963 ne saurait être confondu avec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue. J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « 
2964 de l’expérience qu’ils ont vécue. J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… M
2965 rit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines
2966 nte Thérèse : « On a démêlé les sources de nombre de ses images… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines de ce lang
2967 s… Mais trouverait-on aussi sûrement les origines de ce langage psychologique où se traduit sans doute, le plus purement,
2968 ques, et sainte Thérèse la première, se plaignent de n’avoir pas de mots nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres
2969 Thérèse la première, se plaignent de n’avoir pas de mots nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres de Dieu telles
2970 nouveaux (nuevas palabras) pour louer les œuvres de Dieu telles qu’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences furent
2971 ls que leurs paroles. Il ne s’agit donc, ici, que de tenir compte des éléments hérités de leur langage littéraire. Or s’il
2972 nc, ici, que de tenir compte des éléments hérités de leur langage littéraire. Or s’il faut se borner à un exemple qui est
2973 t même raffine la rhétorique courtoise. S’agit-il d’ influences littéraires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’
2974 ourtoise. S’agit-il d’influences littéraires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’une recréation autonome, qui p
2975 ires ? Ou de courants hérétiques souterrains ? Ou d’ une recréation autonome, qui pourrait s’expliquer en partie sur la bas
2976 recomposée ? »116 Je ne pense pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spéci
2977 se pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialistes les mieux informés hé
2978 s mieux informés hésitent encore lorsqu’il s’agit d’ attribuer à tel mystique fort bien connu, et orthodoxe par-dessus le m
2979 uysbroek ou sainte Thérèse par exemple) l’origine de termes précis dont Jean de la Croix fait usage. Nous pouvons cependan
2980 nte Thérèse raffolait dans sa jeunesse des romans de chevalerie (voir sa Vie par elle-même, chap II) ; elle eut même, para
2981 même, chap II) ; elle eut même, paraît-il, l’idée d’ en composer un en collaboration avec son frère Rodrigue. »117 Nous sav
2982 iture intellectuelle étaient tous fortement imbus de rhétorique courtoise et chevaleresque. La question a d’ailleurs été t
2983 tée, par un auteur qui offre toutes les garanties de sérieux et d’information118, et en des termes qui me paraissent trop
2984 teur qui offre toutes les garanties de sérieux et d’ information118, et en des termes qui me paraissent trop significatifs
2985 es reproduire : Si l’on se borne à la conception de l’amour dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels
2986 borne à la conception de l’amour dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels du xvie siècle, on observe
2987 es traités spirituels du xvie siècle, on observe d’ intéressantes analogies de fond et de forme. a) Le noble langage d’Am
2988 vie siècle, on observe d’intéressantes analogies de fond et de forme. a) Le noble langage d’Amadis, ses métaphores éroti
2989 , on observe d’intéressantes analogies de fond et de forme. a) Le noble langage d’Amadis, ses métaphores érotiques, ses s
2990 alogies de fond et de forme. a) Le noble langage d’ Amadis, ses métaphores érotiques, ses subtiles préciosités se retrouve
2991 , Bernardino de Laredo et Malou de Chaide [maître de sainte Thérèse], aussi bien que dans les Exclamations et le Château i
2992 le Château intérieur. b) En Espagne, les auteurs de romans de chevalerie comme ceux des traités mystiques se caractérisen
2993 intérieur. b) En Espagne, les auteurs de romans de chevalerie comme ceux des traités mystiques se caractérisent par le m
2994 ls sacrifient le sentiment du merveilleux à celui d’ une intimité plus familière et plus émouvante, comme ils tendent à met
2995 l’un et l’autre dans la même conception héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis de
2996 même conception héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis de Gaule et celle de sainte
2997 n héroïque de l’obligation morale, de l’action et de la foi. La devise d’Amadis de Gaule et celle de sainte Thérèse pourra
2998 ation morale, de l’action et de la foi. La devise d’ Amadis de Gaule et celle de sainte Thérèse pourraient être également «
2999 t de la foi. La devise d’Amadis de Gaule et celle de sainte Thérèse pourraient être également « aimer pour agir ». [Ici, j
3000 est pas dans les pauvres extravagances des romans de chevalerie mystique (la Gallarda Espirituel, El divino Escarraman) qu
3001 ivino Escarraman) qu’il faut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours prove
3002 ’il faut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours provençaux du xiie siècl
3003 ençaux du xiie siècle. Les plus féconds éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dan
3004 ècle. Les plus féconds éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dans la mystique du x
3005 éléments de leur doctrine, de leur symbolisme et de leur terminologie passent dans la mystique du xiiie siècle par l’int
3006 François d’Assise. En se limitant à l’évolution de sainte Thérèse, on constate que les romans de chevalerie ont eu sur e
3007 ion de sainte Thérèse, on constate que les romans de chevalerie ont eu sur elle une influence psychologique, et une influe
3008 intérieur. » Extraordinaire retour et assomption de l’hérésie, par le détour d’une rhétorique qu’elle a créée contre l’Ég
3009 retour et assomption de l’hérésie, par le détour d’ une rhétorique qu’elle a créée contre l’Église, et que l’Église lui re
3010 lui reprend par ses saints ! Résumons les étapes de l’aventure : l’hérésie des « parfaits » descend de l’Éros à Vénus, el
3011 e l’aventure : l’hérésie des « parfaits » descend de l’Éros à Vénus, elle va jusqu’à confondre avec la poésie d’un amour q
3012 à Vénus, elle va jusqu’à confondre avec la poésie d’ un amour qui serait tout profane ; les confusions qu’elle entretient d
3013 tout profane ; les confusions qu’elle entretient de la sorte flattent trop bien les désirs naturels ; peu à peu, l’hérési
3014 x yeux des mondains abusés par le charme trompeur de l’art : ils n’en gardent que la poésie ; et voici que cent ans et tro
3015 à mon avis, cette propension moderne est le signe d’ un ressentiment profond à l’endroit de la poésie, et en général, de to
3016 profond à l’endroit de la poésie, et en général, de toute activité créatrice — donc risquée — de l’esprit. Mais il convie
3017 ral, de toute activité créatrice — donc risquée — de l’esprit. Mais il convient de préciser encore : que pour les hommes d
3018 ce — donc risquée — de l’esprit. Mais il convient de préciser encore : que pour les hommes du xvie siècle, le langage éro
3019 vrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’ un xixe siècle incroyant. Saint Jean de la Croix, qui décrivit en une
3020 de la Croix, qui décrivit en une page remarquable de pénétration psychologique les mouvements de la chair attirée par l’él
3021 uable de pénétration psychologique les mouvements de la chair attirée par l’élan mystique en ses débuts (Nuit obscure, I,
3022 plus qu’il ne se la dissimule la gravité relative de pareils accidents. Réciter ici les formules « sublimation » et « refo
3023 on » et « refoulement », c’est simplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure,
3024 refoulement », c’est simplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure, lorsque Th
3025 orsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de ressentir une émotion des sens chaque fois qu’il entre en oraison : «
3026 est indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne po
3027 de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne pouvait communier sans éprouver l’émoi sexuel, et à
3028 xuel, et à qui l’on avait ordonné en conséquence, de ne plus communier qu’une fois l’an, saint Jean de la Croix conseille
3029 u’une fois l’an, saint Jean de la Croix conseille de ne pas s’inquiéter, de recevoir le sacrement chaque semaine, quoi qu’
3030 Jean de la Croix conseille de ne pas s’inquiéter, de recevoir le sacrement chaque semaine, quoi qu’il advienne — et le frè
3031 — et le frère se trouve guéri, parce qu’il cesse de craindre à l’excès. S’il faut parler encore de psychanalyse, reconnai
3032 se de craindre à l’excès. S’il faut parler encore de psychanalyse, reconnaissons que Jean de la Croix joue ici le rôle du
3033 le Cantique des Cantiques auraient pu s’exprimer d’ une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne serais pas surprise que
3034 ndu dire à certaines personnes qu’elles évitaient de les entendre. O Dieu ! que notre misère est grande ! Il nous arrive c
3035 i changent en poison tout ce qu’ils mangent… » ⁂ De la comparaison formelle des écrits d’un Eckhart avec ceux d’un Ruysbr
3036 ngent… » ⁂ De la comparaison formelle des écrits d’ un Eckhart avec ceux d’un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’un Jean de la
3037 raison formelle des écrits d’un Eckhart avec ceux d’ un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’un Jean de la Croix, nous pouvons mai
3038 des écrits d’un Eckhart avec ceux d’un Ruysbroek, d’ une Thérèse et d’un Jean de la Croix, nous pouvons maintenant tirer ce
3039 ckhart avec ceux d’un Ruysbroek, d’une Thérèse et d’ un Jean de la Croix, nous pouvons maintenant tirer cette conclusion :
3040 langage courant par les mystiques n’est pas sans d’ étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur foi dans l’In
3041 pas sans d’étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur foi dans l’Incarnation. Ruysbroek, Thérèse et Jean de
3042  christocentriques ». Tout chez eux part du drame de la séparation instituée par le péché entre l’homme et son Créateur ;
3043 mme et son Créateur ; tout aboutit à des instants de communion active dans la Grâce, et c’est cela qu’ils appellent « mari
3044 la qu’ils appellent « mariage » — cette communion de l’âme élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme sé
3045  cette communion de l’âme élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme séparé, c’est la passion — et la pa
3046 élue et du Christ époux de l’Église. Mais la voie de l’homme séparé, c’est la passion — et la passion est partout dans leu
3047 out dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthodoxe — la mo
3048 eurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’ Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthodoxe — la moins suspec
3049 ce fut la mystique orthodoxe — la moins suspecte de troubles complaisances ! — qui se vit portée par l’objet même de sa f
3050 plaisances ! — qui se vit portée par l’objet même de sa foi à user, et parfois à abuser, du langage de l’amour-passion. Us
3051 de sa foi à user, et parfois à abuser, du langage de l’amour-passion. Usage et abus dont la psychologie moderne devait néc
3052 a question, et dire : le langage passionnel vient d’ une littérature courtoise née dans l’ambiance d’une certaine hérésie ;
3053 t d’une littérature courtoise née dans l’ambiance d’ une certaine hérésie ; mais cette hérésie, à son tour, ne se ramène-t-
3054 sitions physiologiques sublimées ? Rien ne permet de l’affirmer historiquement. En théorie cependant l’objection reste pos
3055 n se repose, non moins insoluble, quand il s’agit de savoir, en fin de compte, si c’est l’« esprit » ou la « matière » qui
3056 serait alors la cause première — ou au contraire d’ une sublimation de phénomènes physiologiques, lesquels seraient à la b
3057 ause première — ou au contraire d’une sublimation de phénomènes physiologiques, lesquels seraient à la base de ce qui se t
3058 mènes physiologiques, lesquels seraient à la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu’on donnera,
3059 térialiste, tranche toujours le débat au bénéfice de ce qui est le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un g
3060 plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’ un goût qu’il est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est am
3061 n dit d’un goût qu’il est amer mais on dira aussi d’ une douleur qu’elle est amère. Comment cela peut-il s’expliquer ? Tout
3062 e monde répond, sans hésiter, que lorsqu’on parle d’ une douleur amère, on s’exprime par métaphore, au figuré. Le sens prop
3063 physique, tenue pour primitive. Il se peut. Mais d’ où le sait-on ? Les personnes qui croient cela, le croient-elles pour
3064 elles pour des raisons qu’elles seraient capables de donner ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement, le sens « ma
3065 erché si, chronologiquement, le sens « matériel » d’ un mot précède toujours le « spirituel », qui ne serait qu’une transpo
3066 se livre à ces recherches : on affirme sur la foi d’ un préjugé que l’on baptise bon sens ou évidence. Ce préjugé consiste
3067 réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de tout ; que c’est par lui que tout s’explique. Le mécanisme de ce préj
3068 e c’est par lui que tout s’explique. Le mécanisme de ce préjugé a été défini et critiqué par le Dr Minkowski121 et Arnaud
3069 critiqué par le Dr Minkowski121 et Arnaud Dandieu d’ une manière pertinente et nuancée. Selon ces deux auteurs, le sens dit
3070 ènes aussi divers ? En vérité, il n’y a pas moins d’ amertume dans la douleur que dans le goût du sel, mais ce que nous dés
3071 t l’autre par le même mot, c’est une même manière d’ être affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité
3072 ar les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hés
3073 ensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à tenir ce raisonn
3074 trait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cesse d’ amour — donc cette mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nou
3075 istorique. Résumons-le encore une fois, pour plus de clarté. Notre langage passionnel nous vient de la rhétorique des trou
3076 une dogmatique manichéenne y compose des symboles d’ attrait sexuel. Mais peu à peu, cette rhétorique se détachant de la re
3077 el. Mais peu à peu, cette rhétorique se détachant de la religion qui l’a créée, passe dans les mœurs, et devient langage c
3078 imer ses expériences ineffables, il est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve et telles qu’e
3079 riences ineffables, il est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve et telles qu’elles sont, qu
3080 iie siècle, les métaphores courantes sont celles de la rhétorique courtoise. Que les mystiques s’en emparent sans hésiter
3081 lles, mais simplement que l’expression habituelle de ces passions, créée d’ailleurs par une mystique, convient à l’express
3082 illeurs par une mystique, convient à l’expression de l’amour spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’autant mieux
3083 ur spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’ autant mieux à l’expression des rapports « malheureux » entretenus par
3084 lus complètement humanisée, c’est-à-dire détachée de l’hérésie. Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme,
3085 l’hérésie. Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme, ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de
3086 Car l’hérésie posait l’union possible de Dieu et de l’âme, ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de tout amour
3087 ce qui entraînait le bonheur divin et le malheur de tout amour humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union est impo
3088 n et rend l’amour humain possible en ses limites. D’ où il résulte que le langage de la passion humaine selon l’hérésie cor
3089 le en ses limites. D’où il résulte que le langage de la passion humaine selon l’hérésie correspond au langage de la passio
3090 ion humaine selon l’hérésie correspond au langage de la passion divine selon l’orthodoxie. On se trouve donc en présence d
3091 ision tout arbitraire isolerait tel ou tel moment de cette dialectique permanente pour en faire la donnée première. 7.L
3092 s Cette décision tout arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire
3093 ut arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’ell
3094 de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle soit arbitraire en fin de compte, ou ce qui revi
3095 e, avant tout compte, n’exclut pas qu’on l’appuie de raisons. J’en marquerai trois. 1° Le langage passionnel me paraît s’e
3096 esprit, en ceci qu’il exprime non pas le triomphe de la nature sur l’esprit — comme le font croire des expressions courant
3097 ntes telles que « aveuglé par la passion », « fou d’ amour » — mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. « L’amour existe lo
3098 par la passion », « fou d’amour » — mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. « L’amour existe lorsque le désir est si gra
3099 e le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel », disait le troubadour Guido Cavalcanti, au xiiie s
3100 ur Guido Cavalcanti, au xiiie siècle. Or le fait de dépasser les limites de l’instinct, définit l’homme en tant qu’esprit
3101 xiiie siècle. Or le fait de dépasser les limites de l’instinct, définit l’homme en tant qu’esprit. C’est ce fait seul qui
3102 ant qu’esprit. C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’est-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir auta
3103 r. Qu’est-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvoir d’exprimer ce qui est. Un animal est inc
3104 ffet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvoir d’ exprimer ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que
3105 ir d’exprimer ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller au-delà du néc
3106 er ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller au-delà du nécessaire et
3107 de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’ aller au-delà du nécessaire et au-delà de la satisfaction. La passion,
3108 ait pas, d’aller au-delà du nécessaire et au-delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’amour, c’est au contraire l
3109 t au-delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qu
3110 l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qui, par là, ment à l’instinct. Le responsable d’un tel
3111 et qui, par là, ment à l’instinct. Le responsable d’ un tel mensonge ne saurait être que « l’esprit ». (On sent ici à quell
3112 songe se trouvent liés. Et n’est-elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour
3113 -elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais a
3114 ue de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais aussi cette conv
3115 s’exprimer, de se décrire comme pour mieux jouir de soi-même ? Mais aussi cette conviction que les autres ne comprendront
3116 peut alors que mentir pour sauver l’essence même de la passion !) 2° Si Jean de la Croix, et même Ruysbroek, et saint Fra
3117 nçois, sont évidemment postérieurs à la naissance de l’amour-passion, il n’en reste pas moins que celui-ci est postérieur
3118 ais il est certain que l’érotomanie est une forme d’ intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbroek, Thérèse,
3119 e, Jean de la Croix, sont exactement le contraire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué est la victime non de sa p
3120 me des intoxiqués. L’intoxiqué est la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilise pour s’exalter.
3121 ’intoxiqué est la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilise pour s’exalter. Si l’origine de cett
3122 riel qu’elle utilise pour s’exalter. Si l’origine de cette passion est un désir, conscient ou non, d’échapper à la conditi
3123 de cette passion est un désir, conscient ou non, d’ échapper à la condition terrestre insupportable, et si l’on est en dro
3124 terrestre insupportable, et si l’on est en droit d’ y voir le rudiment d’un appel mystique, il n’en reste pas moins que l’
3125 ble, et si l’on est en droit d’y voir le rudiment d’ un appel mystique, il n’en reste pas moins que l’intoxiqué est avant t
3126 as moins que l’intoxiqué est avant tout l’esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être déchu, dont les sens s’ém
3127 es, tout au contraire, insistent sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’accéder à une lucidité toujours plus pur
3128 re, insistent sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’accéder à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de
3129 nt sur la nécessité de dépasser l’état de transe, d’ accéder à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de vérifier m
3130 à une lucidité toujours plus pure et audacieuse, de vérifier même les plus hautes grâces par leurs répercussions dans la
3131 les grands mystiques s’accordent à voir le terme de leur ascension dans la liberté souveraine de l’âme. Saint Jean de la
3132 erme de leur ascension dans la liberté souveraine de l’âme. Saint Jean de la Croix et Maître Eckhart disent en termes diff
3133 er Dieu sans plus sentir son amour. C’est un état d’ indifférence parfaite, croirait-on ; en vérité, c’est le point de perf
3134 parfaite, croirait-on ; en vérité, c’est le point de perfection d’un équilibre durement conquis, d’une connaissance immédi
3135 rait-on ; en vérité, c’est le point de perfection d’ un équilibre durement conquis, d’une connaissance immédiatement active
3136 nt de perfection d’un équilibre durement conquis, d’ une connaissance immédiatement active. Au-delà des transes et au-delà
3137 édiatement active. Au-delà des transes et au-delà de l’ascèse, l’aventure mystique culmine dans un état d’extrême « désint
3138 ’ascèse, l’aventure mystique culmine dans un état d’ extrême « désintoxication » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possessi
3139 ulmine dans un état d’extrême « désintoxication » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possession de soi-même. Et c’est alors
3140 on » de l’âme. Dans la plus rigoureuse possession de soi-même. Et c’est alors que le mariage devient possible, qui signifi
3141 evient possible, qui signifie non plus jouissance de l’Éros, mais fécondité de l’Agapè. Ainsi la mystique orthodoxe appara
3142 fie non plus jouissance de l’Éros, mais fécondité de l’Agapè. Ainsi la mystique orthodoxe apparaît-elle enfin comme la voi
3143 llence, la meilleure discipline qui nous permette de transcender l’amour-passion jusque dans ses formes sublimées. Le cycl
3144 assion jusque dans ses formes sublimées. Le cycle de l’ascèse chrétienne ramène l’âme à l’obéissance heureuse, c’est-à-dir
3145 eureuse, c’est-à-dire à l’acceptation des limites de la créature, mais dans un esprit renouvelé, dans une liberté reconqui
3146 elé, dans une liberté reconquise. 8.Crépuscule de l’amour-passion C’est le dogme de l’Incarnation qui distingue radi
3147 8.Crépuscule de l’amour-passion C’est le dogme de l’Incarnation qui distingue radicalement la mystique orthodoxe de l’h
3148 qui distingue radicalement la mystique orthodoxe de l’hérétique. C’est lui qui donne un sens tout différent au mot amour
3149 opposent la Nuit au Jour comme le fait l’Évangile de Jean. Mais la Parole du Jour, pour eux, n’a pas revêtu la forme de la
3150 Parole du Jour, pour eux, n’a pas revêtu la forme de la Nuit : elle n’a pas « été faite chair ». Ils ne veulent pas que le
3151 eulent aller tout droit à l’Amour par l’amour, et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant alors, comme Icare e
3152 3. Mais ils ignorent que la Nuit, c’est la Colère de Dieu — répondant à notre révolte — et non pas l’œuvre d’un obscur dém
3153 — répondant à notre révolte — et non pas l’œuvre d’ un obscur démiurge. (Telle est du moins la doctrine de la Bible.) Refu
3154 obscur démiurge. (Telle est du moins la doctrine de la Bible.) Refusant que le Jour les enseigne dans cette vie et par le
3155 Jour les enseigne dans cette vie et par le moyen de la « matière », méconnaissant une Agapè qui sanctifie la créature, ig
3156 ctifie la créature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre
3157 ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre sans retour au moment même qu’ils croient lui échapper. Et
3158 ur au moment même qu’ils croient lui échapper. Et de là vient que la confusion était fatale entre l’Éros divinisant et l’É
3159 tale entre l’Éros divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’amo
3160 os divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’amor des troubadou
3161 là vient que la passion « enthousiaste », la joy d’ amor des troubadours, devait fatalement aboutir à la passion humaine m
3162 mort seule pouvait éteindre : ce fut la « torture d’ amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La passion des « parf
3163 ort que la suprême sensation. Et de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec le Jour
3164 Et de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’ être un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole d
3165 r de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’impossible uni
3166 l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’impossible union avec la femme ; gardant de ses origines mystiques
3167 ole de l’impossible union avec la femme ; gardant de ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transc
3168 gardant de ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératric
3169 ses origines mystiques on ne sait quoi de divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératrice dont la
3170 divin, de faussement transcendant — une illusion de gloire libératrice dont la douleur serait encore le signe ! Ainsi s’o
3171 sentiment. Intoxication par l’esprit. L’histoire de la passion d’amour, dans toutes les grandes littératures, du xiiie s
3172 toxication par l’esprit. L’histoire de la passion d’ amour, dans toutes les grandes littératures, du xiiie siècle jusqu’à
3173 , du xiiie siècle jusqu’à nous, c’est l’histoire de la déchéance du mythe courtois dans la vie « profanée ». C’est le réc
3174 s figures du discours passionné, les « couleurs » de sa rhétorique ne seront jamais que les exaltations d’un crépuscule, p
3175 a rhétorique ne seront jamais que les exaltations d’ un crépuscule, promesses de gloire jamais tenues… 96. Philippe de F
3176 is que les exaltations d’un crépuscule, promesses de gloire jamais tenues… 96. Philippe de Félice, Poisons sacrés, ivre
3177 es divines, essai sur quelques formes inférieures de la mystique, Paris, 1936. 97. Il y a bien l’exemple de la formica sa
3178 mystique, Paris, 1936. 97. Il y a bien l’exemple de la formica sanguinea. Cet insecte entretient dans sa fourmilière un p
3179 hypothèses sont possibles. 98. La Nuit obscure, de saint Jean de la Croix, II, i, 1er verset. Trad. Hoornaert. 99. Ce n
3180 ute occasion. « Pour plaire à Dieu, pour recevoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, que ces grâc
3181 asion. « Pour plaire à Dieu, pour recevoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, que ces grâces pass
3182 sa volonté, que ces grâces passent par les mains de cette humanité sacrée en laquelle il a déclaré lui-même prendre sa co
3183 Saint Jean de la Croix, p. 613), si nous tentions de prendre une vue générale des diverses mystiques connues, « l’expérien
3184 nnues, « l’expérience mystique ne nous semblerait d’ un type homogène que dans la mesure où elle serait banale, dans la mes
3185 saisir ». 101. Gotha 1929. Seul le livre célèbre de R. Otto sur le sacré a paru jusqu’ici en traduction française. 102.
3186 ent si totalement un seul être qu’il ne reste pas d’ autre distinction que celle-ci : Lui demeure Dieu et elle demeure âme.
3187 ien dire que l’on se heurte, dans tous les écrits d’ Eckhart, à une équivoque sur le sens qu’il attribue à l’union (Einung)
3188 it à croire, avec Otto, qu’il ne s’agit nullement d’ une fusion essentielle. 104. Und diese Gleichheit aus dem Einen in da
3189 e être proposée comme un critère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique croyait ou non à l’union essentielle ? Dans ce
3190 à l’union essentielle ? Dans ce cas, la remarque de l’abbé Paquier servirait d’argument contre la thèse d’Otto, et nous i
3191 s ce cas, la remarque de l’abbé Paquier servirait d’ argument contre la thèse d’Otto, et nous induirait à ranger Maître Eck
3192 abbé Paquier servirait d’argument contre la thèse d’ Otto, et nous induirait à ranger Maître Eckhart parmi les hérétiques.
3193 thologie). 109. Id., ibid., et P. Sabatier, Vie de saint François d’Assise. 110. B. de Ligt, la Paix créatrice, II, p. 
3194 int François nommait le frère Gilles « un paladin de sa Table ronde » et les miracles du saint — comme la conversion du lo
3195 s miracles du saint — comme la conversion du loup de Gubbio — se produisent dans les mêmes circonstances que les prouesses
3196 rs du xiiie siècle. 112. Ciascun amante, danse de l’amour mystique. Voir aussi l’Appendice 9. 113. On en trouvera d’ai
3197 e II et iii-iv du livre IV. 114. Ce cri célèbre de sainte Thérèse fait écho à celui de la franciscaine Angèle de Foligno
3198 e cri célèbre de sainte Thérèse fait écho à celui de la franciscaine Angèle de Foligno : « Je meurs du désir de mourir. »
3199 nciscaine Angèle de Foligno : « Je meurs du désir de mourir. » 115. J. Baruzi, Introduction à des recherches sur le lang
3200 Etchegoyen, l’Amour divin, essai sur les sources de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’amour divin. 119. Tra
3201 rces de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’amour divin. 119. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, L
3202 ie : l’Expression de l’amour divin. 119. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Freud, pour s’en tenir aux
3203 uiétant exemple (sa description du lit nuptial et de ce qui s’y passe !). 123. Karl Jaspers a magnifiquement exprimé cett
3204 a magnifiquement exprimé cette assomption finale de la Nuit par le Jour dans sa Philosophie. (Cf. trad. française par H. 
6 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre IV. Le mythe dans la littérature
3205 péché. C’est lorsque la volonté humaine se sépare de Dieu pour être une volonté à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et
3206 à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et brûle de sa propre affection, ardeur qui lui est propre et qui n’a rien à voir
3207 ivine. Jacob Boehme. 1.D’une influence précise de la littérature sur les mœurs D’une manière générale, il est bien d
3208 luence précise de la littérature sur les mœurs D’ une manière générale, il est bien difficile de vérifier l’influence de
3209 D’une manière générale, il est bien difficile de vérifier l’influence des arts sur la vie quotidienne d’une époque. « 
3210 ifier l’influence des arts sur la vie quotidienne d’ une époque. « La musique adoucit les mœurs ? » Je n’en sais rien, et p
3211 ouvons l’habiter, mais là n’est pas son caractère d’ art. De même pour telle ou telle philosophie. Mais le cas est tout dif
3212 . Mais le cas est tout différent lorsqu’il s’agit d’ une littérature dont on peut démontrer, historiquement, qu’elle a donn
3213 ue à la passion. Si la littérature peut se vanter d’ avoir agi sur les mœurs de l’Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu
3214 térature peut se vanter d’avoir agi sur les mœurs de l’Europe, c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit. D’une maniè
3215 , c’est à coup sûr à notre mythe qu’elle le doit. D’ une manière plus précise : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de
3216 récise : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de l’amour provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque po
3217 age de l’amour provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir magique des sons et du langage sur nos a
3218 des sons et du langage sur nos actes. L’adoption d’ un certain langage conventionnel entraîne et favorise naturellement l’
3219 tents qui se trouvent les plus aptes à s’exprimer de la sorte. C’est dans ce sens que l’on peut se demander, avec La Roche
3220 peut se demander, avec La Rochefoucauld : combien d’ hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour
3221 nt amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’ amour ? ⁂ Passion et expression ne sont guère séparables. La passion p
3222 arables. La passion prend sa source dans cet élan de l’esprit qui par ailleurs fait naître le langage. Dès qu’elle dépasse
3223 ens est significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments qu’éprouvent l’élite, puis les masses par im
3224 e certaine rhétorique est la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscience. À défaut de cette rhétor
3225 ue est la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscience. À défaut de cette rhétorique, ces sentiment
3226 que, ces sentiments existeraient sans doute, mais d’ une manière accidentelle, non reconnue, à titre d’étrangetés inavouabl
3227 d’une manière accidentelle, non reconnue, à titre d’ étrangetés inavouables, en contrebande. Mais on a toujours vu que l’in
3228 ontrebande. Mais on a toujours vu que l’invention d’ une rhétorique faisait foisonner rapidement certaines puissances laten
3229 rtaines puissances latentes du cœur. L’apparition de Werther par exemple a produit une vague de suicides. Rousseau fit boi
3230 rition de Werther par exemple a produit une vague de suicides. Rousseau fit boire du lait à toute la cour de France, et Re
3231 cides. Rousseau fit boire du lait à toute la cour de France, et René désola plusieurs générations. C’est que pour admirer
3232 t même pour se suicider, il faut être en mesure «  d’ expliquer » à soi-même ou aux autres ce qu’on sent. Plus un homme est
3233 sent. Plus un homme est sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme
3234 de même, plus un homme est passionné, plus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la rhétorique ; qu’il redécouv
3235 lus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la rhétorique ; qu’il redécouvre leur nécessité ; qu’il se modèle spo
3236 tion du mythe courtois dans la morale des peuples d’ Occident : l’on peut admettre qu’elle est parallèle à ses métamorphose
3237 ards et simplifications.) En esquissant la courbe de la mystique classique, nous avons pu décrire une assomption du mythe.
3238 ntenant. 2.Les deux roses Le meilleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années
3239 lleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 environ. Il y a cent ans
3240 sque, que Béroul et Thomas ont composé la légende de Tristan. La croisade des albigeois a saccagé la civilisation courtois
3241 derniers troubadours. Que va devenir la tradition d’ Amour ? Il semble bien que, dès le xive siècle, les hérétiques répand
3242 ute l’Europe, où l’Église les traque, aient cessé de recourir à l’expression littéraire de leur religion. Le catharisme se
3243 aient cessé de recourir à l’expression littéraire de leur religion. Le catharisme se cachera désormais dans les couches pr
3244 formes nobles, ne fournit plus les beaux symboles de la grande féodalité. Ce mutisme, d’ailleurs, n’arrête pas son progrès
3245 , d’ailleurs, n’arrête pas son progrès. L’Église d’ Amour donnera naissance à d’innombrables sectes plus ou moins secrètes
3246 on progrès. L’Église d’Amour donnera naissance à d’ innombrables sectes plus ou moins secrètes, plus ou moins révolutionna
3247 onnaires, et dont les traits constants témoignent d’ une origine commune, d’une tradition fidèlement conservée. Toutes ces
3248 raits constants témoignent d’une origine commune, d’ une tradition fidèlement conservée. Toutes ces sectes en effet sont ca
3249 par leur spiritualisme exalté ; par leur doctrine de la « joie rayonnante » ; par leur refus des sacrements et du mariage 
3250 nts et du mariage ; par leur condamnation absolue de toute participation aux guerres ; par leur anticléricalisme ; par leu
3251 erres ; par leur anticléricalisme ; par leur goût de la pauvreté et de l’ascèse (végétarisme) ; enfin par leur esprit égal
3252 nticléricalisme ; par leur goût de la pauvreté et de l’ascèse (végétarisme) ; enfin par leur esprit égalitaire, allant par
3253 un communisme total. Nous retrouvons cet ensemble de traits non seulement chez les frères du Libre-Esprit et les ortliebie
3254 nt chez les Vaudois eux-mêmes, chez les disciples de Joachim de Flore, chez les béguines et les béguards des Pays-Bas125,
3255 dents avec une violence qui rappelle les procédés de Rome contre ses propres sectes. Mais ils ne purent ou ne voulurent le
3256 purent ou ne voulurent les anéantir totalement : de nos jours, on retrouve çà et là des communautés mennonites mêlées d’é
3257 trouve çà et là des communautés mennonites mêlées d’ éléments russes — doukhobors et khlystis — au Canada et jusqu’au Parag
3258 — au Canada et jusqu’au Paraguay. Leur conception de l’amour n’a pas varié. Plusieurs auteurs ont supposé qu’une élite clé
3259 pensent-ils expliquer mieux certaines obscurités de la littérature émanée des cercles franciscains et même parfois domini
3260 ons vu à propos des mystiques. Mais en l’absence de preuves presque impossibles à établir, je m’en tiendrai à un jugement
3261 siècle, la littérature courtoise s’est détachée de ses racines mystiques ; elle s’est alors trouvée réduite à une simple
3262 le s’est alors trouvée réduite à une simple forme d’ expression, c’est-à-dire à une rhétorique. Mais automatiquement, cette
3263 dite « réaliste ». Double mouvement dont le Roman de la Rose nous donne l’illustre témoignage. La Rose de Guillaume de Lor
3264 e partie du roman, dite courtoise — c’est l’amour de la femme idéale, vraie femme déjà mais femme inaccessible dans son ja
3265 éjà mais femme inaccessible dans son jardin givré d’ allégories. Danger, Male-Bouche et Honte défendent Bel Accueil contre
3266 est plus une ascèse mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit amener l’amant à mériter le don. Au contraire, pou
3267 e. Le réalisme le plus franc succède aux fadaises de Lorris, le sensualisme au platonisme, le cynisme à l’exaltation. La R
3268 , le cynisme à l’exaltation. La Rose est emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passi
3269 e est emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa
3270 tte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, no
3271 de l’Esprit, et la raison de la passion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, nous irons par Dante — qu
3272 sion. Chacune de ces parties aura sa descendance. De Lorris, nous irons par Dante — qui peut-être le traduisit — jusqu’à P
3273 celle qui condamne la passion comme une « maladie de l’âme » — se transmettra aux parties basses de la littérature françai
3274 ie de l’âme » — se transmettra aux parties basses de la littérature française : gauloiserie, gaillardise, rationalisme, po
3275 curieusement exaspérée, naturalisme et réduction de l’homme au sexe. C’est la défense normale que l’homme païen oppose au
3276 défense normale que l’homme païen oppose au mythe de l’amour malheureux. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’
3277 x. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’ une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occasion d’y revenir.)
3278 ision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occasion d’ y revenir.) 3.Sicile, Italie, Béatrice et Symbole Alentour de l’
3279 3.Sicile, Italie, Béatrice et Symbole Alentour de l’an 1200, une solide amitié se noue entre Rambaut de Vaqueiras, trou
3280 laspina. Il semble bien qu’un courant très direct d’ échanges « littéraires » — si l’on veut — unisse le Midi de la France
3281 à la Lombardo-Vénétie. Une fois de plus, la carte de l’influence des troubadours se confond avec celle des hérésies. Un pe
3282 Un peu plus tard, le mouvement franciscain naîtra d’ une conjonction semblable entre les « spirituels » (mais dans l’Église
3283 estion est encore obscure. On ne trouve à la cour de Palerme qu’un seul poète provençal, et Frédéric persécute l’hérésie.
3284 que le procédé mystifiant ? On serait assez tenté de le croire, lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti s’élever contre
3285 d’Arezzo, et railler ses disciples : « Sectateurs de l’ignorance, aveugles qui veulent juger des couleurs, oies essayant d
3286 les qui veulent juger des couleurs, oies essayant de rivaliser avec l’aigle… » Au Purgatoire, Dante rencontre un de ces pa
3287 avec l’aigle… » Au Purgatoire, Dante rencontre un de ces pasticheurs infatigables, Bonagiunta de Lucques. Bonne occasion d
3288 fatigables, Bonagiunta de Lucques. Bonne occasion de définir le dolce stil nuovo, le style savant et caressant que l’école
3289 ombés dans un douteux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d’une femme réelle, ce n’était plus que galanterie mais
3290 teux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d’ une femme réelle, ce n’était plus que galanterie mais froide et stéréo
3291 et Cavalcanti, d’autres encore, demandaient plus de sincérité et plus de chaleur amoureuse, mais en même temps, ils saven
3292 res encore, demandaient plus de sincérité et plus de chaleur amoureuse, mais en même temps, ils savent et disent (dans ce
3293 purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois : guindé et froid quand il ne vante que la femme, ma
3294 quand il ne vante que la femme, mais tout ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’amour : c’est là vraiment que
3295 t ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’ amour : c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’est jamais plus
3296 ns son Banquet, comme le secret qu’il faut voiler d’ un « beau mensonge ». Les cathares savaient bien tout cela. Mais noton
3297 jour faisait une seule lumière, trompeuse à force d’ évidence. Maintenant nous pouvons distinguer les thèmes que le trobar
3298 s que le trobar mêlait dans la naïve transparence de ses symboles. Voici les derniers Siciliens. Cette plainte de Jacques
3299 oles. Voici les derniers Siciliens. Cette plainte de Jacques de Lentino : Mon cœur souvent meurt, et plus douloureusement
3300 n cœur souvent meurt, et plus douloureusement que de mort naturelle, pour vous Dame qu’il désire et aime plus que lui-même
3301 te de même : Amour qui, dans ma pensée, me parle de ma Dame avec grand désir, souvent m’entretient de choses telles qu’à
3302 de ma Dame avec grand désir, souvent m’entretient de choses telles qu’à leur sujet mon intelligence s’égare. Son langage r
3303  Malheureuse que je suis ! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore d
3304 suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore de la signification symbolique de
3305 ntends dire de ma Dame ! Et qui douterait encore de la signification symbolique de la Dame, lorsqu’un Guido Guinizelli en
3306 i douterait encore de la signification symbolique de la Dame, lorsqu’un Guido Guinizelli en parle comme du principe de « n
3307 qu’un Guido Guinizelli en parle comme du principe de « notre foi » : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de n
3308 otre foi » : Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue
3309 Elle passe par le chemin, si pleine de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue [auquel ell
3310 de grâce et de noblesse qu’elle abaisse l’orgueil de celui qu’elle salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà
3311 [auquel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un blasphéma
3312 ’est qu’un blasphémateur lorsqu’il écrit au seuil de la Vita Nuova, cette strophe au sublime départ : Un ange crie en l’I
3313 monde se voit une merveille en l’acte qui procède d’ une âme qui jusqu’ici rayonne. Le Ciel, qui ne manque que d’une chose
3314 qui jusqu’ici rayonne. Le Ciel, qui ne manque que d’ une chose — c’est de l’avoir —, à son Seigneur la demande, et tous les
3315 e. Le Ciel, qui ne manque que d’une chose — c’est de l’avoir —, à son Seigneur la demande, et tous les Saints implorent ce
3316 , Pitié prend notre parti, car Dieu dit, et c’est de ma Dame qu’il entend parler : — Mes bien-aimés, ores souffrez en paix
3317 ure, autant qu’il me plaira, là où se trouve plus d’ un qui s’attend à la perdre et qui dira dans l’enfer : — Ô maudits, j’
3318 vu l’espérance des bienheureux ! S’agit-il donc de Béatrice comme femme ? Est-ce sa présence que tous les saints implore
3319 espérance des bienheureux » ? Ou s’agit-il plutôt de l’Esprit saint soutenant son Église par la charité du Christ — (la Pi
3320 matoire, c’est l’équivoque malgré tout maintenue. D’ où le débat qui oppose Orlandi et Cavalcanti : il s’agirait de définir
3321 t qui oppose Orlandi et Cavalcanti : il s’agirait de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour est-il vie ou mort ? » de
3322 t le premier. Et le second répond : « Du pouvoir de l’amour provient souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir est
3323 e le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléch
3324 es de l’amour naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléchit perpétuellement sur lui-même son propre effe
3325 ion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amour naturel dans cette perspective céleste. C’est ce qu’a fait Da
3326 , exprimant dans une petite fable la vraie nature de l’amour qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes terrestres
3327 vraie nature de l’amour qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en sont qu’un reflet : De même
3328 ge en regardant un miroir et croit y voir l’image de ses petits qu’elle va cherchant : par ce plaisir elle oublie le chass
3329 ne poursuit point ; de même celui qui est pénétré d’ amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soul
3330 énétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soulage sa grande peine… Mais la dame n’a point
3331 l’Amour à son profit. Dans un Bestiaire moralisé de cette époque, je trouve la même fable, avec cette conclusion : Ce fa
3332 st le démon, qui nous fait voir ce qui n’est pas. De là vient que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’aller vers l
3333 ent que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’ aller vers le Seigneur. Le temps venait où les poètes succomberaient
3334 es poètes succomberaient aux charmes du miroir et de la rhétorique profanée. Nous allons voir Pétrarque se laisser prendre
3335 re « à ce qui n’est pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop longtemps — comme il gémit plus tard — le retiendr
3336 ngtemps — comme il gémit plus tard — le retiendra d’ « aller vers le Seigneur ». 4.Pétrarque, ou le rhéteur converti
3337 ment amoureux et c’est Pétrarque. Et ce qu’il y a de mieux, c’est que c’est vrai… Qu’appelle-t-on un homme simplement amou
3338 ’appelle-t-on un homme simplement amoureux ? Rien d’ analogue. Lui l’était d’une façon extraordinaire, incendiaire, solaire
3339 implement amoureux ? Rien d’analogue. Lui l’était d’ une façon extraordinaire, incendiaire, solaire. »128 Voilà ce qui doi
3340 our la première fois les symboles des troubadours d’ un souffle parfaitement païen, et non plus du tout hérétique ! On est
3341 ut s’est volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profan
3342 ique orthodoxe. Et cette dernière ne manquera pas d’ y puiser ses meilleures métaphores. En vérité, la tentation était trop
3343 hasard.) Voici le Sonnet du premier anniversaire de l’amour de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heur
3344 oici le Sonnet du premier anniversaire de l’amour de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heure Où si hau
3345 e faut rendre grâce Toi qui fus jugée digne alors d’ un tel honneur. D’Elle te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le
3346 e Toi qui fus jugée digne alors d’un tel honneur. D’ Elle te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le suis, au plus hau
3347 ne Et te fait mépriser ce que l’homme désire129. D’ Elle te vient la grâce généreuse Qui te pousse au ciel par un droit se
3348 l par un droit sentier Et fait que je marche fier de mon espérance. Où Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe
3349 Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe de Tristan130, c’est dans le cri de la « torture délicieuse », du mal ai
3350 l prend la harpe de Tristan130, c’est dans le cri de la « torture délicieuse », du mal aimé, du plaisir qui consume : Ô t
3351 e : Ô tendres, angéliques étincelles, béatitudes De ma vie où s’allume le plaisir Qui doucement me consume et détruit. (L
3352 ir Qui doucement me consume et détruit. (Les Yeux de ma dame.) Ô mort vivante, ô mal délicieux131 Comment as-tu sur moi
3353 le je nais…132 (Sonnet 164.) Ailleurs, il parle de Laure comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se sé
3354 (Sonnet 164.) Ailleurs, il parle de Laure comme de sa « bien-aimée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’Iseut
3355 imée ennemie », et gémit, tel Tristan se séparant d’ Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie Pourquoi m’as-t
3356 d à son époux : Ô dure départie Pourquoi m’as-tu de mon mal éloigné ? (Sonnet 254.) Car les yeux de Laure présente … al
3357 de mon mal éloigné ? (Sonnet 254.) Car les yeux de Laure présente … allumés d’une lueur céleste M’enflamment de façon q
3358 254.) Car les yeux de Laure présente … allumés d’ une lueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler.133
3359 sente … allumés d’une lueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler.133 (Triomphe de l’amour.) Mais prés
3360 ueur céleste M’enflamment de façon qu’il me plaît de brûler.133 (Triomphe de l’amour.) Mais présente ou absente — ici en
3361 de façon qu’il me plaît de brûler.133 (Triomphe de l’amour.) Mais présente ou absente — ici encore —, la femme ne sera
3362 encore —, la femme ne sera jamais que l’occasion d’ une torture qu’il préfère à tout : Je sais, suivant mon feu partout o
3363 is, suivant mon feu partout où il me fuit, Brûler de loin — de près geler. Tout l’amour romantique est dans ce dernier ve
3364 t mon feu partout où il me fuit, Brûler de loin —  de près geler. Tout l’amour romantique est dans ce dernier vers. Et le
3365 romantique est dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie, Pétrarque a su l’analyser mieux que les plus lucide
3366 su l’analyser mieux que les plus lucides victimes de ce que l’on baptisera plus tard le mal du siècle : Des autres passio
3367 eut appeler le comble des misères !) je me repais de ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignan
3368 mble des misères !) je me repais de ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignante que, si l’on v
3369 e ces peines et de ces douleurs-là avec une sorte de volupté si poignante que, si l’on vient m’en arracher, c’est malgré m
3370 iste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est-ce une douleur physique, où bien quelque rigueur injus
3371 douleur physique, où bien quelque rigueur injuste de fortune ? Pétrarque. — Rien de tout cela en particulier. C’est le «
3372 e rigueur injuste de fortune ? Pétrarque. — Rien de tout cela en particulier. C’est le « vague des passions » préromanti
3373 l se peut faire qu’il vive encore, quoique séparé de sa dame : Mais Amour me répond : ne te souvient-il pas que c’est là
3374 l pas que c’est là le privilège des amants déliés de toutes les qualités de l’homme135 ? ⁂ Puis il y eut cette fameuse as
3375 rivilège des amants déliés de toutes les qualités de l’homme135 ? ⁂ Puis il y eut cette fameuse ascension au Ventoux, qui
3376 et voilà qui rappelle au poète que ses « qualités d’ homme » le lient de fait à une condition pitoyable. C’est ce qu’il dit
3377 le au poète que ses « qualités d’homme » le lient de fait à une condition pitoyable. C’est ce qu’il dit dans sa Chanson de
3378 ion pitoyable. C’est ce qu’il dit dans sa Chanson de la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je
3379 Chanson de la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je vais pensant — et en pensant m’assaille
3380 la Grande Peste, chef-d’œuvre inégalé de l’examen de conscience : Je vais pensant — et en pensant m’assaille une pitié de
3381 vais pensant — et en pensant m’assaille une pitié de moi-même si forte qu’elle me conduit souvent à d’autres pleurs que c
3382 nds ton parti avec prudence ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais ren
3383 ce ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais rendre… Il n’a que trop lon
3384 à cet amour blasphématoire, à ce besoin dément, d’ un plaisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace d
3385 age en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort ! La lucidité même d’un tel cri, où s’avoue le
3386 dace de négocier avec la mort ! La lucidité même d’ un tel cri, où s’avoue le dernier secret du mythe courtois, c’est le s
3387 dernier secret du mythe courtois, c’est le signe d’ une grâce reçue. Ce qui peut arracher à l’espoir vain, c’est la foi se
3388 la foi seule dans le pardon. Voici la conversion de l’espérance qui trouve enfin son objet véritable : Or lève-toi vers
3389 el et paré ! S’il est vrai qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un coup d’œil, une parole, une chans
3390 Imposer un style à la vie des passions — ce rêve de tout le Moyen Âge païen tourmenté par la loi chrétienne —, c’est la s
3391 vait donner naissance au mythe. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul est due et à lui seul convient », avec l’am
3392 ul est due et à lui seul convient », avec l’amour d’ « une chose mortelle », en fut la conséquence inévitable. Et c’est bie
3393 , en fut la conséquence inévitable. Et c’est bien de cette confusion — non de la doctrine orthodoxe — que devait résulter
3394 névitable. Et c’est bien de cette confusion — non de la doctrine orthodoxe — que devait résulter l’opposition tragique du
3395 devait résulter l’opposition tragique du corps et de l’âme. C’est la tendance ascétique, orientale — le monachisme vient d
3396 ndance ascétique, orientale — le monachisme vient d’ Orient — c’est la tendance hérétique des « parfaits » qui inspira la p
3397 bien elle, qui, peu à peu, contamina par le moyen d’ une littérature idéalisante l’élite de la société médiévale. D’où la r
3398 ar le moyen d’une littérature idéalisante l’élite de la société médiévale. D’où la réaction « réaliste » qui ne pouvait ma
3399 ture idéalisante l’élite de la société médiévale. D’ où la réaction « réaliste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle
3400 ù la réaction « réaliste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle fut surtout sensible dans la bourgeoisie. Dès le déb
3401 . Dès le début du xiie siècle, en plein triomphe de l’amour courtois, l’on voit paraître cette tendance contraire, celle
3402 contre poésie, cynisme contre idéalisme. Le Débat de l’âme et du corps qui date précisément de cette époque est le premier
3403 e Débat de l’âme et du corps qui date précisément de cette époque est le premier témoignage d’un conflit que le mariage ch
3404 isément de cette époque est le premier témoignage d’ un conflit que le mariage chrétien était censé résoudre. On y voit l’â
3405 censé résoudre. On y voit l’âme récemment séparée de son corps adresser à son compagnon les reproches les plus amers : c’e
3406 t trop tard, au-devant du supplice éternel. Issus de ce ressentiment du corps, les fabliaux eurent un immense succès (aupr
3407 annoncent le roman comique, qui annonce le roman de mœurs, qui annonce le naturalisme polémique du dernier siècle. Mais j
3408 soient engendrés en ligne directe. Chaque moment de cette progression vers le « vrai » se trouve lié, plus étroitement qu
3409 tement qu’au précédent, à un moment correspondant de la progression vers le « précieux », et c’est de cela qu’il naît, par
3410 de la progression vers le « précieux », et c’est de cela qu’il naît, par réaction. Charles Sorel naît de l’Astrée, non de
3411 cela qu’il naît, par réaction. Charles Sorel naît de l’Astrée, non des fabliaux ; la Marianne de Marivaux naît des comédie
3412 liaux ; la Marianne de Marivaux naît des comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantis
3413 ne de Marivaux naît des comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantisme, au moins auta
3414 comédies de Marivaux, non de Sorel ; et Zola naît de la décomposition du romantisme, au moins autant, si ce n’est beaucoup
3415 , au moins autant, si ce n’est beaucoup plus, que de Balzac (considéré alors comme réaliste). Pour en revenir au xiiie si
3416 J. Huizinga136 — l’esprit gaulois aux conventions de l’amour courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en
3417 ur courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiser
3418 que. La pensée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complex
3419 a gauloiserie : la licence fantaisiste, le dédain de toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulge
3420 e toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie se
3421 , l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fai
3422 ges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’ une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au b
3423 ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’une vie plus heureuse. C’est encore
3424 besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’ une vie plus heureuse. C’est encore une aspiration à la vie sublime, t
3425 du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqu
3426 uand même : celui de la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqué, on le surprend dans une satir
3427 la luxure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’amour alambiqué, on le surprend dans une satire du xiiie siècle in
3428 intitulée l’Évangile des femmes : c’est une suite de quatrains dont les trois premiers vers exaltent la femme selon le mod
3429 le mode courtois, tandis que le quatrième réfute d’ un trait brutal ces éloges. Autre complicité : la gauloiserie démolit
3430 r en bas, alors que la chevalerie le ridiculisait d’ en haut. Comme on peut le voir, entre autres, dans le Dit de Chiceface
3431 Comme on peut le voir, entre autres, dans le Dit de Chiceface. Chiceface est le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de
3432 ace est le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi est-il d’une maigreur effroyable, tandis que so
3433 ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi est-il d’ une maigreur effroyable, tandis que son confrère Bigorne, lequel ne ma
3434 igorne, lequel ne mange que les maris soumis, est d’ un embonpoint sans pareil. Parallèlement à ces deux courants du mythe
3435 e, en consacrant ses derniers chants à la louange de la Vierge Notre-Dame opposée à « ma » dame — mais sans varier le moin
3436 s sans varier le moins du monde ses lieux communs de poésie courtoise137. Dante a vengé d’avance les troubadours en mettan
3437 eux communs de poésie courtoise137. Dante a vengé d’ avance les troubadours en mettant en Enfer des « chevaliers de Marie »
3438 troubadours en mettant en Enfer des « chevaliers de Marie », moines italiens appelés aussi « chevaliers joyeux » à cause
3439 solue, et malgré leur saint patronage. 6.Suite de la chevalerie, jusqu’à Cervantès L’influence du roman breton est a
3440 ce du roman breton est attestée par des centaines de textes à travers les xiiie , xive et xve siècles. Elle couvre la mê
3441 rs : l’Europe entière. Les minnesänger (chanteurs de l’Amour) en Allemagne sont nourris de légendes cathares138 et par ail
3442 (chanteurs de l’Amour) en Allemagne sont nourris de légendes cathares138 et par ailleurs ne font qu’adapter du français l
3443 illeurs ne font qu’adapter du français les récits de Chrétien de Troyes. On traduit le Roman de Tristan dans toutes les la
3444 récits de Chrétien de Troyes. On traduit le Roman de Tristan dans toutes les langues d’Occident. L’Anglais Thomas Malory,
3445 aduit le Roman de Tristan dans toutes les langues d’ Occident. L’Anglais Thomas Malory, à la fin du xve siècle, en refait
3446 se. Dante considère le cycle épique et romanesque de la France du Nord comme le modèle universel de toute prose narrative,
3447 ue de la France du Nord comme le modèle universel de toute prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa
3448 toute prose narrative, et Brunetto Latini extrait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, j
3449 trait de Tristan (dans sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de
3450 ns sa Rhétorique) le portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des E
3451 portrait de la femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrabl
3452 femme idéale. De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrables imitations,
3453 De là, jusqu’au fond de la Norvège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’innombrables imitations, dont les Amadi
3454 ège, de la Russie, de la Hongrie et des Espagnes, d’ innombrables imitations, dont les Amadis portugais puis espagnols, pui
3455 is auquel on pouvait s’attendre, certains auteurs de ces imitations se trouvent amenés à redécouvrir le sens original des
3456 ystiques. Mais alors ils ne peuvent se servir que d’ une mythologie toute catholique — soit prudence ou incompréhension — a
3457 n primitive. En 1554, en Espagne, paraît un livre de Hyeronimo de Sempere portant ce titre flamboyant : Libro de cavalleri
3458 mo de Sempere portant ce titre flamboyant : Libro de cavalleria celestial del pié de la rosa fragrante. Le Christ y devien
3459 lamboyant : Libro de cavalleria celestial del pié de la rosa fragrante. Le Christ y devient le chevalier du Lion, Satan le
3460 r du Désert, et les apôtres, les douze chevaliers de la Table ronde. L’ésotérisme manichéisant, toujours latent dans le cy
3461 Cervantès ne cite point les très nombreux romans de « chevalerie célestielle » qu’on lisait de son temps avec passion139.
3462 romans de « chevalerie célestielle » qu’on lisait de son temps avec passion139. Il ne s’en prend, dans son Quichotte, qu’a
3463 ne s’en prend, dans son Quichotte, qu’aux romans d’ aventures profanes. Cette omission est mystérieuse. Elle militerait en
3464 lle Cervantès connaissait la signification réelle de la littérature courtoise, et raillait non sans désespoir les rêveries
3465 oise, et raillait non sans désespoir les rêveries de ses contemporains, adonnés à une illusion dont ils avaient perdu le s
3466 des temps rend totalement impraticable. L’Église de Rome a triomphé. Mieux vaut dès lors se mettre du bon côté avec l’hon
3467 ngage moderne. Et en Irlande, elles vivent encore de nos jours. Je ne puis examiner ici le problème des rapports entre ce
3468 miner ici le problème des rapports entre ce fonds de légendes celtiques et la littérature anglaise populaire et savante. M
3469 ste, ait écrit un traité sur les fées, sans trace de scepticisme ou d’ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare —
3470 traité sur les fées, sans trace de scepticisme ou d’ ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons l
3471 pticisme ou d’ironie. Nous ne savons presque rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit
3472 ue rien de Shakespeare — mais nous avons le Songe d’ une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons R
3473 Shakespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’ été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Jul
3474 stan de Wagner. Tant qu’on ignore à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demande
3475 ant qu’on ignore à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissai
3476 re à peu près tout de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissait la tradition
3477 , voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissait la tradition secrète des troubadours. Ma
3478 beaucoup plus grand nombre… Comment les légendes de ce temps n’auraient-elles point gardé de traces des luttes violentes
3479 légendes de ce temps n’auraient-elles point gardé de traces des luttes violentes qui opposèrent dans la cité les « patarin
3480 plus profonde que jamais, la tragédie des Amants de Vérone, c’est le voile un instant déchiré, ne laissant au souvenir de
3481 voile un instant déchiré, ne laissant au souvenir de nos yeux que l’image négative d’un éclat, « le soleil noir de la méla
3482 sant au souvenir de nos yeux que l’image négative d’ un éclat, « le soleil noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs d
3483 que l’image négative d’un éclat, « le soleil noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures tra
3484 il noir de la mélancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’écl
3485 élancolie ». Surgi des profondeurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour
3486 deurs de l’âme avide de tortures transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour illumine parfois une face imm
3487 transfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’amour illumine parfois une face immobile et fascinante — ce nous-mê
3488 is une face immobile et fascinante — ce nous-même d’ horreur et de divinité auquel s’adressent nos plus beaux poèmes ; ress
3489 mmobile et fascinante — ce nous-même d’horreur et de divinité auquel s’adressent nos plus beaux poèmes ; ressuscité d’un c
3490 el s’adressent nos plus beaux poèmes ; ressuscité d’ un coup dans sa pleine stature, comme étourdi de sa jeunesse provocant
3491 é d’un coup dans sa pleine stature, comme étourdi de sa jeunesse provocante et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau
3492 omme étourdi de sa jeunesse provocante et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau de Mantoue voici le mythe de nouveau
3493 nte et enivrée de rhétorique, au seuil du tombeau de Mantoue voici le mythe de nouveau qui se dresse, à la lueur d’une tor
3494 ici le mythe de nouveau qui se dresse, à la lueur d’ une torche que tient Roméo. Juliette repose, endormie par le philtre.
3495 Juliette repose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu est entré, et il parle : Combien souvent les hommes sur le
3496 r ? Ô mon amour, ma femme, La mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de prise encor sur ta beauté Et tu n’es pas
3497 mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de prise encor sur ta beauté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beau
3498 sur ta beauté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle dra
3499 sie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la mort n’est pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi es-tu si be
3500 rainte de cela je demeure avec toi Et plus jamais de ce palais de la nuit obscure Je ne repartirai ; ici je veux rester Av
3501 a je demeure avec toi Et plus jamais de ce palais de la nuit obscure Je ne repartirai ; ici je veux rester Avec les vers q
3502 ecouer l’influence des étoiles funestes Et sortir de cette chair lasse du monde. Mes yeux regardez une dernière fois ! Mes
3503 Sur les récifs brisants ta barque épuisée, malade de la mer ! Voilà pour mon amour ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta d
3504 st rapide. En un baiser je meurs. Le consolament de la Mort vient de sceller le seul mariage qu’ait jamais pu vouloir l’É
3505 sombrie… Séparons-nous pour nous entretenir encor de ces tristesses.140 ⁂ Il est certain que Milton quoique puritain sub
3506 ain que Milton quoique puritain subit l’influence de doctrines cabalistiques aussi peu « spiritualistes » que possible. Ma
3507  » contre la féodalité et le clergé ? Deux poèmes de Milton, qu’il écrivit dans sa jeunesse, l’Allegro et le Penseroso exp
3508 et le Penseroso expriment l’opposition du Jour et de la Nuit, et le choix nécessaire qu’il n’a pas encore fait. (Il ne le
3509 ne le fera sans doute jamais : du moins pas sans de telles réticences qu’il serait vain de conclure sur ce point plus net
3510 s pas sans de telles réticences qu’il serait vain de conclure sur ce point plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Avant même
3511 t plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Avant même d’ embrasser la cause puritaine, Milton cherchant un sujet d’épopée avait
3512 ser la cause puritaine, Milton cherchant un sujet d’ épopée avait envisagé parfois le thème de la légende celtique d’Arthur
3513 un sujet d’épopée avait envisagé parfois le thème de la légende celtique d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dan
3514 envisagé parfois le thème de la légende celtique d’ Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge
3515 de la légende celtique d’Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge de la Mélancolie nocturne,
3516 iers de la Table ronde. Dans son Penseroso, éloge de la Mélancolie nocturne, s’adressant à cette « Vierge sérieuse », il l
3517 adressant à cette « Vierge sérieuse », il la prie d’ évoquer encore l’âme d’Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bag
3518 rge sérieuse », il la prie d’évoquer encore l’âme d’ Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bague et les miroirs magiq
3519 la prie d’évoquer encore l’âme d’Orphée, l’époux de Canacée qui possédait la bague et les miroirs magiques, et finalement
3520 nalement les « illustres bardes » qui chantèrent d’ une voix grave et solennelle tournois et trophées remportés, forêts, e
3521 eets the ear »… Il avait étudié pour son Histoire de Bretagne la chronique arthurienne et ses légendes. Et dans le De doct
3522 chronique arthurienne et ses légendes. Et dans le De doctrina christiana, il s’était insurgé « contre la puissance créatri
3523 l s’était insurgé « contre la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant
3524 la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant les définitions théologique
3525 trice de Dieu, contre les dogmes de la Trinité et de l’Incarnation… répudiant les définitions théologiques traditionnelles
3526 nd lyrisme passionnel ? Quant au « matérialisme » de Milton, il s’oppose moins qu’on pourrait le croire à une doctrine « c
3527 n pourrait le croire à une doctrine « courtoise » de l’amour. Entre un monisme qui assimile l’esprit à la matière (ou l’in
3528 me n’est pas infranchissable, surtout sur le plan de l’éthique. L’idéalisme et le matérialisme ont d’importants présupposé
3529 de l’éthique. L’idéalisme et le matérialisme ont d’ importants présupposés communs. L’extrême de la luxure touche parfois
3530 e ont d’importants présupposés communs. L’extrême de la luxure touche parfois l’extrême de la chasteté exaltée. Et la néga
3531 . L’extrême de la luxure touche parfois l’extrême de la chasteté exaltée. Et la négation de la mort, chez Milton, le condu
3532 l’extrême de la chasteté exaltée. Et la négation de la mort, chez Milton, le conduit à des conclusions bien proches de ce
3533 Milton, le conduit à des conclusions bien proches de celles des cathares. Comme eux, Milton croit que le bon désir procède
3534 rincipes intellectuels, et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Fludd, son ma
3535 et qu’il doit nous purger de notre mauvais désir, de la sensualité, péché majeur. Et Fludd, son maître en occultisme, ense
3536 atière divine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est bien plus « rationnelle » et sociale que celle des hérétiq
3537 vait-elle point favoriser les confusions extrêmes de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les
3538 favoriser les confusions extrêmes de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les sectes néo-man
3539 de la chair et de l’esprit qui ne manquèrent pas de se produire dans les sectes néo-manichéennes. 8. L’Astrée : de la
3540 ans les sectes néo-manichéennes. 8. L’Astrée : de la mystique à la psychologie L’histoire du mythe dans le Roman, au
3541 ade en pure psychologie. Le roman devient l’objet d’ une littérature raffinée. D’Urfé, La Calprenède, Gomberville et les Sc
3542 roman devient l’objet d’une littérature raffinée. D’ Urfé, La Calprenède, Gomberville et les Scudéry n’ont plus la moindre
3543 éry n’ont plus la moindre idée du sens ésotérique de la chevalerie légendaire. La nature symbolique des sujets qu’ils repr
3544 u’ils reprennent les induit simplement à composer d’ interminables romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus est le G
3545 c. Le sujet du roman demeure les « contrariétés » de l’amour, mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et
3546 de l’amour, mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan : c’est simplement le p
3547 physique dans Tristan : c’est simplement le point d’ honneur, manie sociale. C’est l’héroïne, ici, qui est la plus astucieu
3548 ici, qui est la plus astucieuse lorsqu’il s’agit d’ imaginer des prétextes de séparation. Elle terrorise avec délices son
3549 ucieuse lorsqu’il s’agit d’imaginer des prétextes de séparation. Elle terrorise avec délices son chevaleresque soupirant,
3550 soupirant, et l’on voit Polexandre, dans le roman de Gomberville, parcourir comme un fou les cinq parties du monde pour ap
3551 nq parties du monde pour apaiser un regard irrité de sa maîtresse. Au dénouement, il est encore à se demander si cette « r
3552 s échos mélancoliques. Il y a bien les douze lois d’ Amour, les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les
3553 ois d’Amour, les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les défis à une mort libératrice. Mais la dialecti
3554 une mort libératrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la
3555 plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre le corps des deux ama
3556 combat du Jour et de la Nuit se ramène à des jeux de pénombre. Entre le corps des deux amants plus d’épée nue, mais la hou
3557 de pénombre. Entre le corps des deux amants plus d’ épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la b
3558 ux amants plus d’épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolis
3559 épée nue, mais la houlette dorée de Céladon ornée d’ une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolise tout le reste.
3560 s la houlette dorée de Céladon ornée d’une faveur de la bergère. Voici un trait qui symbolise tout le reste. Au cinquième
3561 ise tout le reste. Au cinquième et dernier volume de ce roman que l’on n’ose nommer un roman-fleuve, puisqu’il n’est parco
3562 , puisqu’il n’est parcouru que par les sinuosités d’ un modeste ruisseau, le Lignon, Céladon désespéré appelle la mort ; As
3563 gnon, Céladon désespéré appelle la mort ; Astrée, de son côté conçoit la même pensée. Ils vont demander la fin de leurs ma
3564 conçoit la même pensée. Ils vont demander la fin de leurs maux à la Fontaine de Vérité, gardée par des lions et des licor
3565 vont demander la fin de leurs maux à la Fontaine de Vérité, gardée par des lions et des licornes : cette fontaine ne sera
3566 l’oracle, que par la mort du plus fidèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fata
3567 fidèle amant et de la plus fidèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avanc
3568 idèle amante. (Thème de Tristan : c’est le rachat de la fatalité du philtre.) Céladon s’avance, mais ô miracle, les lions
3569 le ciel s’obscurcit, le tonnerre gronde, le génie de l’Amour paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Ast
3570 de l’Amour paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Astrée et Céladon évanouis (c’est une mort métaphoriq
3571 ils se réveillent, puis s’épousent. On a coutume de déclarer inexplicable le succès prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses
3572 ume de déclarer inexplicable le succès prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos ré
3573 Pourtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psychologie des écrivains françai
3574 psychologie des écrivains français n’a pas cessé de se complaire dans l’élégance allégorique : voir Giraudoux. La Fontain
3575 ine adorait « cette œuvre exquise ». Et Rousseau, de passage à Lyon, voulut aller visiter le Forez et rechercher sur les r
3576 esse, elle lui dit que le Forez était un bon pays de forges et qu’on y travaillait fort bien le fer. « Cette bonne femme,
3577 serrurier. » ⁂ En vérité je me sens fort capable d’ entreprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littérair
3578 é je me sens fort capable d’entreprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littéraire, c’est une réussite ca
3579 treprendre un éloge de l’Astrée : du point de vue de l’art littéraire, c’est une réussite capitale. Jamais les ressources
3580 ’est une réussite capitale. Jamais les ressources d’ une rhétorique plus savante n’ont été à ce point harmonisées. L’on n’i
3581 nt été à ce point harmonisées. L’on n’imagine pas de roman mieux écrit ; plus strictement réglé, dans son progrès, sur les
3582 strictement réglé, dans son progrès, sur les lois d’ une plus sûre esthétique. L’emploi de « personnages constants » — le b
3583 sur les lois d’une plus sûre esthétique. L’emploi de « personnages constants » — le berger, la bergère, le volage, la coqu
3584 dialectique des sentiments sa meilleure garantie de précision, et disons même de vérité. Ici c’est l’art et non « la vie 
3585 a meilleure garantie de précision, et disons même de vérité. Ici c’est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous somme
3586 i mène le jeu. Nous sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou
3587 sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’ une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et
3588 ’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immé
3589 prit, et non d’une confusion de reflets troubles, d’ aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immérités (comme sont les
3590 ets troubles, d’aveux plus ou moins indiscrets et de hasards immérités (comme sont les romans d’aujourd’hui). En un mot, l
3591 ts et de hasards immérités (comme sont les romans d’ aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle suppose un métie
3592 Elle suppose un métier savant, et vingt-cinq ans d’ application. Le snobisme qui lui fit un succès était mieux averti que
3593 ieux averti que le nôtre. Mais aussi ce caractère d’ achèvement nous permet de poser une question nette : que vaut le succè
3594 Mais aussi ce caractère d’achèvement nous permet de poser une question nette : que vaut le succès même de l’effort littér
3595 oser une question nette : que vaut le succès même de l’effort littéraire ? Si l’on songe au mythe primitif, dont l’Astrée
3596 l’Astrée reprend tous les thèmes, l’on est frappé de constater que chez d’Urfé le tragique se dégrade en émotion, et le de
3597 les thèmes, l’on est frappé de constater que chez d’ Urfé le tragique se dégrade en émotion, et le destin en machine romane
3598 e la littérature la plus parfaite, en raison même de sa perfection, n’est qu’un sous-produit des mystiques créatrices de f
3599 n’est qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? Et qu’elle suppose, pour fleurir et s’achever e
3600 ous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ? Et qu’elle suppose, pour fleurir et s’achever en tant qu’œuv
3601 e qu’une résistance à peu près nulle aux attaques de l’esprit réaliste et de ce qu’on nomme l’intérêt civique — comme il a
3602 u près nulle aux attaques de l’esprit réaliste et de ce qu’on nomme l’intérêt civique — comme il apparaît de nos jours ? A
3603 qu’on nomme l’intérêt civique — comme il apparaît de nos jours ? Alors que les mystiques et les religions prennent au cont
3604 ns et railleries qu’on leur oppose ? Ce fut assez d’ un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de
3605 ries qu’on leur oppose ? Ce fut assez d’un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de Roman — pour
3606 ficieux Boileau — le court Dialogue sur les Héros de Roman — pour réduire au silence et à l’oubli, jusque dans les manuels
3607 au silence et à l’oubli, jusque dans les manuels de notre siècle, la féerie romanesque née de l’Astrée, et le roman comiq
3608 manuels de notre siècle, la féerie romanesque née de l’Astrée, et le roman comique, son parasite142. Il n’y eut plus qu’un
3609 est dans le théâtre classique — donc au cœur même d’ un ordre intolérant — que la passion devait trouver sa revanche la plu
3610 he la plus éclatante. On connaît le curieux sujet de la Place royale, comédie fort désobligeante. Alidor amant d’Angélique
3611 royale, comédie fort désobligeante. Alidor amant d’ Angélique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’atta
3612 désobligeante. Alidor amant d’Angélique, et aimé d’ elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’attache trop » et il veut
3613 ’Angélique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’ un amour qui l’attache trop » et il veut faire en sorte que sa maîtres
3614 rte que sa maîtresse se donne à son ami Cléandre. D’ où l’on conclut généralement que Corneille est le premier auteur qui a
3615 qui ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ être analysé. Voici comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’est
3616 m’aimant trop qu’elle me fait mourir ; Un moment de froideur, et je pourrais guérir ; Une mauvaise œillade, un peu de jal
3617 parfaite, et sa perfection N’approche point encor de son affection ; Point de refus pour moi, point d’heures inégales ; Ac
3618 n N’approche point encor de son affection ; Point de refus pour moi, point d’heures inégales ; Accablé de faveurs à mon re
3619 de son affection ; Point de refus pour moi, point d’ heures inégales ; Accablé de faveurs à mon repos fatales… Arrêtons ic
3620 refus pour moi, point d’heures inégales ; Accablé de faveurs à mon repos fatales… Arrêtons ici la tirade : les premiers v
3621 Quoi, c’est le bonheur qui serait fatal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’être trahi par Angélique le guéri
3622 tal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’ être trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait
3623 e malheur d’être trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un curieux monstre ! Disons plutôt qu’o
3624 isons plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essaie de nous dissimuler. Lui aussi, il ne veut que « brûler ! » Mais il ne pe
3625 le goût du malheur, à cette époque. « J’ai honte de souffrir les maux dont je me plains », dit-il plus bas. C’est donc la
3626 it-il plus bas. C’est donc la honte qui est cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstacle entre
3627 est cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstacle entre son Angélique, trop fidèle, et lui-même
3628 son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’ un obstacle entre son Angélique, trop fidèle, et lui-même. Il manque u
3629 ns passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’inventer un rival. So
3630 de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’ inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’Angéli
3631 idor est contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’Angélique, mais honteux d’avouer cett
3632 rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sépare d’ Angélique, mais honteux d’avouer cette souffrance, il imagine de se pl
3633 plus rien ne le sépare d’Angélique, mais honteux d’ avouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’être trop enchaîn
3634 ais honteux d’avouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’être trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voi
3635 vouer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’ être trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voit tout au contr
3636 lors qu’on voit tout au contraire qu’il désespère de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’être libre qui traduit
3637 e de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’ être libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de
3638 besoin d’être libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se p
3639 duit un profond désir de n’être plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se passerait si Angélique faisai
3640 est ce qui se passerait si Angélique faisait mine de lui échapper. Mais voyez comme il est habile : Cléandre Vit-on jamai
3641 mme il est habile : Cléandre Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour être trop aimé ? Alidor
3642 s’arrête aux sentiments vulgaires ? Il le prend de haut : méfions-nous. C’est qu’il se dispose à mentir. Il ne faut poi
3643 ’il se dispose à mentir. Il ne faut point servir d’ objet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous
3644 objet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’ amour qui ne nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’aime, j
3645 hais s’il me force : et quand j’aime, je veux Que de ma volonté dépendent tous mes vœux ; Que mon feu m’obéisse, au lieu d
3646 e classique, pensera-t-on : la volonté triomphant de la passion. Mais la suite de la comédie, même si nous ignorions les r
3647 a volonté triomphant de la passion. Mais la suite de la comédie, même si nous ignorions les ruses du mythe, nous ferait bi
3648 hautaines déclarations. « Il ne faut point servir d’ objet qui nous possède » signifie en réalité : « Le seul objet qui vai
3649 signifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’ être servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa
3650 ers mots : « … et l’éteindre » étant pur artifice de rhétorique, destiné à persuader le lecteur, ou Cléandre, ou Corneille
3651 Corneille a tout fait pour cela. Dans la dédicace de sa pièce, il s’adresse en ces termes à un personnage inconnu ; « C’e
3652 en ces termes à un personnage inconnu ; « C’est de vous que j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit être toujour
3653 nu ; « C’est de vous que j’ai appris que l’amour d’ un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais
3654 t qu’enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’ obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre
3655 personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de
3656 e notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination
3657 rs qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vient d’une inclination aveugle, et forcée
3658 otre choix et de son mérite, que quand elle vient d’ une inclination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance
3659 lination aveugle, et forcée par quelque ascendant de naissance à qui nous ne pouvons résister… On ne donne point ce qu’on
3660 bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fatale, cette liberté qui fait le prix du don, c’est un
3661 rix du don, c’est une des exigences fondamentales de l’amour courtois (l’un des articles des Leys d’Amors). Et que cette e
3662 te trop fidèle se trouvent malgré eux dans l’état de mariés, à quoi notre héros veut échapper non pour l’amour de la liber
3663 à quoi notre héros veut échapper non pour l’amour de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À tel
3664 de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De cr
3665 tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’un amour par force
3666 e crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’ un amour par force un amour par devoir. C’est le plus pur langage cou
3667 rai chez elle encor le moindre accès Mes desseins de guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendo
3668 indre accès Mes desseins de guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler ; donc en
3669 guérir n’auront point de succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler ; donc en fait : sa crainte de guérir
3670 succès. Ces « desseins de guérir » (entendons : de brûler ; donc en fait : sa crainte de guérir !) sont en effet couronn
3671 entendons : de brûler ; donc en fait : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés de succès au cinquième acte. Cornei
3672 : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés de succès au cinquième acte. Corneille l’avoue plus tard, tout en feigna
3673 te. Corneille l’avoue plus tard, tout en feignant de s’en étonner, comme il se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet a
3674 de s’en étonner, comme il se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième
3675 e doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième acte (Alidor) ne se montre
3676 maîtresse, malgré la résolution qu’il avait prise de s’en défaire, et les trahisons qu’il lui a faites ; de sorte qu’il se
3677 ommencer à l’aimer que quand il lui a donné sujet de le haïr. » L’aveu est complet cette fois-ci. Mais dans le plan pureme
3678 e logique. « Cela fait, conclut-il, une inégalité de mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement d
3679 mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur son dessein réel, pourtant si parfait
3680 euse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur son dessein réel, pourtant si parfaitement mené à chef.
3681 t si parfaitement mené à chef. L’essence du mythe de l’amour malheureux, nous le savons, c’est une passion inavouable. L’o
3682 vons, c’est une passion inavouable. L’originalité de Corneille demeure d’avoir voulu combattre et nier cette passion dont
3683 on inavouable. L’originalité de Corneille demeure d’ avoir voulu combattre et nier cette passion dont il vivait, et ce myth
3684 et le Cid. Il a voulu sauver au moins le principe de la liberté, c’est-à-dire de la personne — sans lui sacrifier toutefoi
3685 au moins le principe de la liberté, c’est-à-dire de la personne — sans lui sacrifier toutefois les effets délicieux et to
3686  » (ici métaphorique). Bien mieux ; cette volonté de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle pr
3687 é de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’où la tension inégalée de ce
3688 efficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’ où la tension inégalée de ce « théâtre du devoir » — comme le récitent
3689 ’elle prétendait guérir. D’où la tension inégalée de ce « théâtre du devoir » — comme le récitent et le réciteront toujour
3690 citeront toujours ceux qui ne sont guère capables de l’aimer… 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’opposition classique
3691 e, ou le mythe déchaîné L’opposition classique de Racine et de Corneille se réduit à ceci, touchant le mythe : Racine p
3692 e déchaîné L’opposition classique de Racine et de Corneille se réduit à ceci, touchant le mythe : Racine part du philtr
3693 touchant le mythe : Racine part du philtre comme d’ un fait indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsab
3694 comme d’un fait indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsabilité ; « C’est Vénus tout entière à sa proi
3695 indiscutable privant ses victimes de toute espèce de responsabilité ; « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée », — 
3696 u’ « une tyrannie dont il faut secouer le joug ». D’ où l’harmonie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre
3697 ut secouer le joug ». D’où l’harmonie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre ; l’un s’abandonnant au cou
3698 nie voluptueuse de l’un, et la dialectique tendue de l’autre ; l’un s’abandonnant au courant, l’autre lui résistant, bien
3699 ntraîné…) L’invitus invitam 143 qui fait le sujet de Bérénice, c’est une formule antique interprétée par un « moderne » da
3700 par un « moderne » dans la perspective courtoise de l’amour réciproque malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de
3701 ue malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de notre mythe. Mais Racine, dans ses premières pièces, raccourcit la po
3702 pièces, raccourcit la portée du mythe à la mesure d’ une psychologie exagérément « admissible ». « Je n’ai point poussé Bér
3703 it avec Énée, elle n’est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. » L’on sent tout l’artifice et la faiblesse du « r
3704 « raisonnement » qui se voit opposé à la passion de la Nuit ! « Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des m
3705 sions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. 
3706 te tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Or cette « tristesse majestueuse qui fait tout le plai
3707 « tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie », ce n’est que la moitié du mythe, son aspect diurne, so
3708 on aspect diurne, son reflet moral dans notre vie de créatures finies. Il y manque l’aspect nocturne, l’épanouissement mys
3709 ne, l’épanouissement mystique dans la vie infinie de la Nuit. Il y manque ce que l’on pourrait appeler, symétriquement, « 
3710 sans un appauvrissement métaphysique, générateur de confusions incalculables. Car enfin cette « tristesse » racinienne, s
3711 est dans le monde du jour, et qualifiée néanmoins de « plaisir », l’on ne voit pas en quoi ce serait davantage qu’une moro
3712 es, l’on est fondé à contester la vérité dernière de la croyance mystique (manichéenne) qui est à l’origine de la passion
3713 oyance mystique (manichéenne) qui est à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien reconnaître que ce
3714 manichéenne) qui est à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien reconnaître que cette croyance donn
3715 ui en résulte, c’est que l’obstacle est un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguration, l’instant
3716 un masque de la mort, et que la mort est le gage d’ une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se révèle le Jo
3717 tait la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’ atteindre cette limite, un Racine se condamne et nous condamne à goûte
3718 condamne et nous condamne à goûter une mélancolie de nature essentiellement trouble. L’Éros courtois voulait nous libérer
3719 ent trouble. L’Éros courtois voulait nous libérer de la vie matérielle par la mort ; et l’Agapè chrétienne veut sanctifier
3720 sait quel « plaisir », cela révèle en définitive d’ assez morbides complaisances à la défaite de l’esprit, à la résignatio
3721 itive d’assez morbides complaisances à la défaite de l’esprit, à la résignation des sens. Et déjà l’on pressent que cet ab
3722 cet abandon au « mal du siècle » (sécularisation de la passion) ne peut conduire Racine qu’au jansénisme, c’est-à-dire à
3723 Racine qu’au jansénisme, c’est-à-dire à la forme de mortification morose — d’autopunition dira Freud — qui se trouve la m
3724 c’est-à-dire à la forme de mortification morose —  d’ autopunition dira Freud — qui se trouve la mieux adaptée au tempéramen
3725 e conversion-là ne pourra s’opérer qu’à la faveur d’ une crise révélant à Racine lui-même la vraie nature de son délire. Ph
3726 crise révélant à Racine lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre est un moment décisif non seulement dans la vie du
3727 is dans l’évolution du mythe à travers l’histoire de l’Europe. 11. Phèdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort
3728 . 11. Phèdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort est écarté dans Bérénice par une « censure » morale évidemmen
3729 par une « censure » morale évidemment chrétienne d’ origine. Racine ne peut ni ne veut être pleinement lucide. Car sa luci
3730 e plus secret, et sans se l’avouer. Mais la crise de sa passion pour une femme qui fut peut-être la Champmeslé, et les pre
3731 ut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’ une vraie foi vont le pousser comme malgré lui, et plus qu’il n’espéra
3732 algré lui, et plus qu’il n’espérait, aux extrêmes de l’aveu. Phèdre, c’est la revanche de la mort. Oui, Racine le sait ma
3733 ux extrêmes de l’aveu. Phèdre, c’est la revanche de la mort. Oui, Racine le sait maintenant, c’est une nécessité qu’il y
3734 arti du jour, la mort n’est plus que le châtiment de ses trop longues complaisances. C’est la passion, c’est sa propre pas
3735 assion, qu’il châtie en vouant à la mort la fille de Minos, et sa victime ! Racine, sous le couvert de son sujet antique,
3736 de Minos, et sa victime ! Racine, sous le couvert de son sujet antique, se punit doublement dans Phèdre. D’abord en faisan
3737 punit doublement dans Phèdre. D’abord en faisant de l’obstacle un inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’est plus admi
3738 st-à-dire une entrave qu’il n’est plus admissible de vouloir vaincre. L’opinion — à laquelle Racine se montre si sensible 
3739 ar personnes interposées en refusant à la passion de Phèdre toute réciprocité de la part d’Hippolyte. Or Phèdre était écri
3740 était écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte, c’est Racine tel que maintenant il se souhait
3741 ondant Phèdre et la femme qu’il aime, il se venge de l’objet de sa passion, et il se démontre à lui-même que cette passion
3742 re et la femme qu’il aime, il se venge de l’objet de sa passion, et il se démontre à lui-même que cette passion est condam
3743 e sans appel. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre est encore en pleine crise, balançant devant la décision. D’où
3744 re en pleine crise, balançant devant la décision. D’ où la duplicité profonde de la pièce. La loi morale, la loi du jour qu
3745 nt devant la décision. D’où la duplicité profonde de la pièce. La loi morale, la loi du jour qu’il veut servir désormais,
3746 ine à rendre le jeune prince insensible à l’amour de Phèdre. Il déclare donc cet amour incestueux, encore que cette reine
3747 encore que cette reine ne soit que la belle-mère d’ Hippolyte. Mais le vieil homme, le Racine naturel, cherche à tourner c
3748 ment il s’y prend : en rendant Hippolyte amoureux d’ Aricie, dont on va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour est t
3749 est très subtil. « Pour ce qui est du personnage d’ Hippolyte, écrit-il dans la Préface, j’avais remarqué dans les anciens
3750 rqué dans les anciens qu’on reprochait à Euripide de l’avoir représenté comme un philosophe exempt de toute imperfection :
3751 de l’avoir représenté comme un philosophe exempt de toute imperfection : ce qui faisait que la mort de ce jeune prince ca
3752 e toute imperfection : ce qui faisait que la mort de ce jeune prince causait beaucoup plus d’indignation que de pitié. J’a
3753 la mort de ce jeune prince causait beaucoup plus d’ indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse
3754 ne prince causait beaucoup plus d’indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait u
3755 able envers son père, sans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d’âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et
3756 re, sans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d’ âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et se laisse opprime
3757 grandeur d’âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre, et se laisse opprimer sans l’accuser. J’appelle faiblesse la
3758 , qui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père. » Ainsi donc, Aricie, c’est « l’amour que le Père interdit 
3759 amour que le Père interdit » — un substitut voilé de l’amour incestueux144. (La psychanalyse nous a accoutumés à des dégui
3760 . Ici, comme dans le mythe, le « Destin » servira d’ alibi à la responsabilité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle
3761 le « Destin » servira d’alibi à la responsabilité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur
3762 lité de ceux qui aiment, et du même coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure est une fois marquée Le cie
3763 eur ! si notre heure est une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I,1.) Ce n’est pas ce ciel-là
3764 à tel point essentielle à la pièce, constitutive de la crise même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire re
3765 ntielle à la pièce, constitutive de la crise même d’ où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son aute
3766 se même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’ en faire reproche à son auteur. Il fallait Phèdre. Il fallait cet affl
3767 the au jour. Il fallait cette douloureuse poussée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’elle-même par l’impossib
3768 l fallait cette douloureuse poussée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’elle-même par l’impossible aveu, se re
3769 sée de la volonté de mort cherchant à se délivrer d’ elle-même par l’impossible aveu, se retenant, s’avouant enfin à l’inst
3770 tant où elle y renonçait — avec le mouvement même de la reine, à trois reprises145. Il fallait cela pour que l’amour-passi
3771 s l’apparition du mythe au xiie siècle, triomphe de la mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de
3772 ion du mythe au xiie siècle, triomphe de la mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : E
3773 mort de l’amante, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté rend
3774 te, renversant toute la dialectique de Tristan et de Roméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté rend au jour qu’il
3775 ient toute sa pureté. — Elle expire. Seigneur ! — D’ une action si noire Que ne peut avec elle expirer la mémoire ! Malgr
3776 que je puis assurer, c’est que je n’ai point fait de tragédie où la vertu soit plus mise au jour que dans celle-ci ; les m
3777 seule pensée du crime y est regardée avec autant d’ horreur que le crime même ; les faiblesses de l’amour y passent pour d
3778 tant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont p
3779 e même ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pou
3780 e dont elles sont cause… » On est loin du dessein d’ « exciter les passions » pour « plaire » à un besoin de « tristesse ma
3781 xciter les passions » pour « plaire » à un besoin de « tristesse majestueuse ». On est tout près de Port-Royal. Racine, co
3782 rès de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’amour : ceux-là
3783 s en religion. Mais notons-le : dans une religion de retraite — dernière injure peut-être au jour intolérable… 12.Éclip
3784 e français souffre ou bénéficie, comme on voudra, d’ une première éclipse du mythe dans les mœurs et la philosophie. La mis
3785 . La mise en ordre (pour ne pas dire mise au pas) de la société féodale par l’État-roi entraîne des modifications assez pr
3786 les coutumes. Le mariage redevient l’institution de base : il atteint un point d’équilibre où les siècles suivants auront
3787 vient l’institution de base : il atteint un point d’ équilibre où les siècles suivants auront grand-peine à se maintenir, e
3788 réelle ou supposée n’y ajoute guère qu’un élément d’ exquise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’une fantaisie q
3789 ajoute guère qu’un élément d’exquise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’une fantaisie qui sent presque l’impe
3790 uise perfection, de luxe heureux, dernière touche d’ une fantaisie qui sent presque l’impertinence. (Le xviiie la jugera v
3791 resque l’impertinence. (Le xviiie la jugera vite de mauvais goût.) La convenance des rangs et la conformité des « qualité
3792 bon mariage : curieuse analogie avec la Chine. Et de fait, c’est à partir de ce xviie siècle « rationnel » que nos mœurs
3793 nul paraisse y prendre garde, se rangent aux lois de la raison du siècle, reniant l’absolu chrétien. Les « mérites » et no
3794 non plus la grâce imprévisible décident désormais d’ une union, et rendront seuls « aimable » un parti soigneusement raison
3795 mable » un parti soigneusement raisonné. Triomphe de la morale jésuite. C’est le baroque classique qui vient emprisonner,
3796 classique qui vient emprisonner, dans l’artifice de ses pompes, le sentiment. Aussi bien, l’analyse de la passion telle q
3797 e ses pompes, le sentiment. Aussi bien, l’analyse de la passion telle que la conduit un Descartes, sa réduction à des caté
3798 tement distinctes, à des hiérarchies rationnelles de qualités, mérites et facultés, devait-elle aboutir nécessairement à l
3799 outir nécessairement à la dissolution du mythe et de son dynamisme originel. C’est que le mythe ne déploie son empire que
3800 nsgression du domaine où vaut la morale. ⁂ Le cas de Spinoza mériterait un chapitre, mais son influence sur les mœurs ne s
3801 iècles plus tard. (Il a fallu que les philosophes de Sturm und Drang le traduisissent en allemand pour les poètes, qui l’o
3802 dimanche.) Spinoza définit l’amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C’est juste en un s
3803 définit l’amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C’est juste en un seul cas, d’ailleurs
3804 amour : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’ une cause extérieure. C’est juste en un seul cas, d’ailleurs le seul p
3805 ine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa cause e
3806 hé, la vertu, notre corps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union
3807 orps, notre moi distinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union totale se lie indisso
3808 stinct. Et de là vient l’ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’union totale se lie indissolublement au désir
3809 ardeur de la passion. Et de là vient que le désir d’ union totale se lie indissolublement au désir de la mort qui libère. C
3810 r d’union totale se lie indissolublement au désir de la mort qui libère. C’est parce que la passion n’existe pas sans la d
3811 e qui l’a séduite : « Je vous rends grâce du fond de mon cœur pour la désespérance où vous m’avez jetée, et méprise le rep
3812 eu ! Aimez-moi donc toujours, faites-moi souffrir de pires douleurs encore ! » Vers la fin du xviiie siècle, c’est une au
3813 u, c’est vraiment l’éclipse totale du Soleil noir de la Mélancolie. Les « qualités » et les « mérites » qui rendent « aima
3814 érites » qui rendent « aimable », selon les roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ordre moral,
3815 able », selon les roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ordre moral, mais intellectuel et physi
3816 égence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ ordre moral, mais intellectuel et physique. La distinction de l’esprit
3817 al, mais intellectuel et physique. La distinction de l’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de
3818 ectuel et physique. La distinction de l’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante,
3819 ’esprit et de la chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’être en intelligen
3820 a chair, succédant à la séparation de l’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’être en intelligence et en sexe.
3821 la passion n’a plus où se prendre. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’est plus un dur destin mais un e
3822 ndre. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’ Amour n’est plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plu
3823 ant impertinent. Presque plus rien n’est défendu. De la pudeur, obstacle naturel, on garde ce qu’il faut pour la rhétoriqu
3824 hétorique du désir, mais non plus même pour celle de l’amour. « Belle vertu, dit Mme d’Épinay, qu’on s’attache avec des ép
3825 re qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n’est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guéri
3826 es ».) Or ce siècle de la Volupté n’est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les femmes de ce
3827 elle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les femmes de ce temps n’aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit
3828 c la tête », dit l’abbé Galiani. Des « débauchées de l’esprit », ajoute Walpole, donnant peut-être la meilleure formule du
3829 des Richelieu et des Casanova, je suis moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce désir, les Goncou
3830 s Casanova, je suis moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce désir, les Goncourt l’ont très bien a
3831 iècle : « Au lieu de lui donner les satisfactions de l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’
3832 ui donner les satisfactions de l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’inquiétude, la pousse
3833 t de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’ inquiétude, la pousse d’essai en essai, de tentatives en tentatives, a
3834 lupté, l’amour la remplit d’inquiétude, la pousse d’ essai en essai, de tentatives en tentatives, agitant devant elle, à me
3835 remplit d’inquiétude, la pousse d’essai en essai, de tentatives en tentatives, agitant devant elle, à mesure qu’elle fait
3836 ntation des corruptions spirituelles, un mensonge d’ idéal, le caprice insaisissable des rêves de la débauche. » Un « menso
3837 songe d’idéal, le caprice insaisissable des rêves de la débauche. » Un « mensonge d’idéal », c’est bien à quoi se résumera
3838 issable des rêves de la débauche. » Un « mensonge d’ idéal », c’est bien à quoi se résumera toujours la réaction cynique co
3839 cynique contre le mythe. Nous en avons donné plus d’ un exemple. Le xviiie est trop poli pour admettre la gauloiserie : il
3840 gauloiserie : il la remplace par une affectation de facilité voluptueuse. Cette boutade, qui réduit tout l’amour au conta
3841 Cette boutade, qui réduit tout l’amour au contact de deux épidermes j’y vois bien moins l’affirmation d’un matérialisme in
3842 deux épidermes j’y vois bien moins l’affirmation d’ un matérialisme inhumain qu’une preuve de la secrète persistance du my
3843 irmation d’un matérialisme inhumain qu’une preuve de la secrète persistance du mythe au cœur des hommes du xviiie . Il fal
3844 viiie . Il fallait bien que subsistât quelque peu d’ illusion amoureuse et d’idéalisme diffus, pour que Chamfort ait pu jug
3845 que subsistât quelque peu d’illusion amoureuse et d’ idéalisme diffus, pour que Chamfort ait pu juger « piquant » de noter
3846 iffus, pour que Chamfort ait pu juger « piquant » de noter cette maxime et de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce
3847 ait pu juger « piquant » de noter cette maxime et de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce n’était encore, et ce ne
3848 mythe devait faire apparaître l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’est pas, historiquement, une invention du xvii
3849 il joué par rapport à ce personnage le rôle exact de Lucifer par rapport à la Création, dans la doctrine manichéenne : c’e
3850 imprimé pour toujours ces deux traits si typiques de l’époque : la noirceur et la scélératesse. Antithèse vraiment parfait
3851 esse. Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’amour chevaleresque : la candeur et la courtoisie. Il me semble que
3852 qu’exerce sur le cœur des femmes et sur l’esprit de certains hommes le personnage mythique de Don Juan peut s’expliquer p
3853 ’esprit de certains hommes le personnage mythique de Don Juan peut s’expliquer par sa nature infiniment contradictoire. Do
3854 an, c’est à la fois l’espèce pure, la spontanéité de l’instinct, et l’esprit pur dans sa danse éperdue au-dessus de la mer
3855 , et l’esprit pur dans sa danse éperdue au-dessus de la mer des possibles. C’est l’infidélité perpétuelle, mais c’est auss
3856 tuelle, mais c’est aussi la perpétuelle recherche d’ une femme unique, jamais rejointe par l’erreur inlassable du désir. C’
3857 ur inlassable du désir. C’est l’insolente avidité d’ une jeunesse renouvelée à chaque rencontre, et c’est aussi la secrète
3858 ue rencontre, et c’est aussi la secrète faiblesse de celui qui ne peut pas posséder, parce qu’il n’est pas assez pour avoi
3859 le Don Juan du théâtre148 comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des person
3860 u contraire, Tristan vient en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, don
3861 t en scène avec l’espèce de lenteur somnambulique de celui qu’hypnotise un objet merveilleux, dont il n’aura jamais épuisé
3862 n, toujours aimé, ne peut jamais aimer en retour. D’ où son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’amo
3863 et sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’ amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chast
3864 ue. L’un recherche dans l’acte d’amour la volupté d’ une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la « prouesse » d
3865 t chaste la « prouesse » divinisante. La tactique de Don Juan, c’est le viol, et aussitôt remportée la victoire, il abando
3866 il abandonne le terrain, il s’enfuit. Or la règle de l’amour courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la
3867 crime des crimes, la félonie sans rémission ; et de l’hommage un engagement jusqu’à la mort. Mais Don Juan aime le crime
3868 ime le crime en soi, et par là se rend tributaire de la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu’elle existe pour trouve
3869 es règles, des péchés et des vertus, par la grâce d’ une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à ce
3870 par la grâce d’une vertu qui transcende le monde de la Loi. Enfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le dém
3871 ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde, le martyr de
3872 le prisonnier des apparences du monde, le martyr de la sensation de plus en plus décevante et méprisable — quand Tristan
3873 e et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’ un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mu
3874 Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravissement qui se mue en joie pure à la mort
3875 ier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’ un ravissement qui se mue en joie pure à la mort. On peut noter encore
3876 e le Commandeur lui tend la main, au dernier acte de Mozart, rachetant par cet ultime défi des lâchetés qui eussent déshon
3877 ’abdique au contraire son orgueil qu’à l’approche de la mort lumineuse. Je ne leur vois qu’un trait commun : tous deux ont
3878 trait commun : tous deux ont l’épée à la main. ⁂ De la Régence à Louis XVI, Don Juan a régné sur le rêve d’une aristocrat
3879 Régence à Louis XVI, Don Juan a régné sur le rêve d’ une aristocratie déchue de l’héroïsme féodal. Un Richelieu ou un Lauzu
3880 uan a régné sur le rêve d’une aristocratie déchue de l’héroïsme féodal. Un Richelieu ou un Lauzun dans la plus haute socié
3881 te, tels sont les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie siècle. Ce refoulement du mythe par l’i
3882 s plus étranges retours. Parmi tant de facilités, de raffinements intellectuels ou voluptueux, de satiétés, l’un des besoi
3883 tés, de raffinements intellectuels ou voluptueux, de satiétés, l’un des besoins les plus profonds de l’homme demeure privé
3884 , de satiétés, l’un des besoins les plus profonds de l’homme demeure privé d’assouvissement, et c’est le besoin de souffri
3885 esoins les plus profonds de l’homme demeure privé d’ assouvissement, et c’est le besoin de souffrir. Un corps social qui le
3886 emeure privé d’assouvissement, et c’est le besoin de souffrir. Un corps social qui le cultive, s’alanguit, comme l’a montr
3887 uté active les souffrances qu’il interdit au cœur de subir. Point de bonté chez qui n’a pas souffert : sa fantaisie perd l
3888 ouffrances qu’il interdit au cœur de subir. Point de bonté chez qui n’a pas souffert : sa fantaisie perd le contact vital,
3889 fantaisie perd le contact vital, et tout pouvoir de « sympathie ». La femme n’est plus pour l’homme du xviiie qu’un « ob
3890 ’autre ces extrêmes : la femme-idéal, pur symbole d’ un Amour qui entraîne l’amour au-delà des formes visibles ; et la femm
3891 r au-delà des formes visibles ; et la femme-objet de plaisir, instrument plus ou moins aimable d’une sensation qui enferme
3892 bjet de plaisir, instrument plus ou moins aimable d’ une sensation qui enferme l’homme en soi… Je distingue dans la contrad
3893 ’homme en soi… Je distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui
3894 Je distingue dans la contradiction de Don Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette cont
3895 Juan et de Tristan, dans la tension insupportable de l’esprit qui vit cette contradiction parce qu’il subit la sensualité
3896 ensualité et désire l’idéal courtois, les données de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans le
3897 t désire l’idéal courtois, les données de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de
3898 nnées de l’œuvre de Sade, et les raisons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de s
3899 ons précises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétra
3900 st dans les Crimes de l’amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Admiration traditionnelle
3901 Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Admiration traditionnelle dans sa famille, depuis le maria
3902 ent l’existence du désir et des corps, la réalité d’ un « objet ». Sade, qui est un homme du xviiie , connaît trop bien sa
3903 sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’ un rachat. Purification par le mal : péchons jusqu’à détruire les dern
3904 négliger l’objet, détruisons-le par des tortures d’ où nous tirerons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre
3905 erons encore quelque plaisir, et cela fait partie de notre ascèse ! Une fureur dialectique s’empare de Sade. Le meurtre se
3906 de notre ascèse ! Une fureur dialectique s’empare de Sade. Le meurtre seul peut rétablir la liberté, mais le meurtre de ce
3907 re seul peut rétablir la liberté, mais le meurtre de ce qu’on aime, puisque c’est cela qui nous enchaîne. On ne tue bien q
3908 amour, parce que lui seul est souverain. Le crime d’ amour impur sauvera la pureté. Lisons maintenant avec cette clé la déf
3909 re scrupule les ennemis qui nuisent à ses projets de grandeur ? Des lois cruelles, arbitraires, impérieuses, pourront de m
3910 ont de même assassiner chaque siècle des millions d’ individus, et nous, faibles et malheureux particuliers, nous ne pourro
3911 à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous pas, sous l
3912 es ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous pas, sous le voile du plus
3913 le du plus profond mystère, nous venger amplement de cette ineptie ? » (C’est moi qui ai souligné.) Si le marquis de Sade
3914 Sade avait été interrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul doute réfugié derrière un verbiage cyni
3915 nts : ils signifient avec exactitude le contraire de leur sens littéral150. Cette glorification du sexe est une constante
3916 sexe est une constante et rationnelle profanation de la morale profanée du xviiie . C’est la « voie négative » d’un athée
3917 e profanée du xviiie . C’est la « voie négative » d’ un athée qui désespère d’échapper à ses liens, et qui défie l’amour sp
3918 est la « voie négative » d’un athée qui désespère d’ échapper à ses liens, et qui défie l’amour spirituel de se manifester
3919 apper à ses liens, et qui défie l’amour spirituel de se manifester en tuant le criminel151. Car là seulement serait la dél
3920 roubadours… 14. La Nouvelle Héloïse Paysan de Genève, Rousseau échappe à l’influence du don-juanisme citadin, mais
3921 et qui n’est autre que le pétrarquisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n’est pas une renaissance du mythe primi
3922 arler n’est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moin
3923 imitif de Tristan. Il n’a pas la violence sauvage de la légende, et encore moins son arrière-plan ésotérique. Ce qui revit
3924 edia, l’heureuse mélancolie cultivée par l’ermite de Vaucluse. Qu’on relise les sommaires analytiques joints par un éditeu
3925 retrouve les situations que prévoyaient les leys de cortezia. C’est le Canzoniere mis en prose — et quelque peu embourgeo
3926 (Çà et là une citation, une allusion, témoignent de la connaissance que Rousseau avait de Pétrarque, véritable inventeur
3927 témoignent de la connaissance que Rousseau avait de Pétrarque, véritable inventeur du sentiment de la nature et du lyrism
3928 it de Pétrarque, véritable inventeur du sentiment de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’Urfé, la courtoisie a
3929 inventeur du sentiment de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’Urfé, la courtoisie avait tourné en casuistique
3930 de la nature et du lyrisme de la solitude.) Avec d’ Urfé, la courtoisie avait tourné en casuistique profane. Chez Rousseau
3931 ue profane. Chez Rousseau, elle devient une sorte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence est manifeste. L’Héloïse
3932 ’après un renoncement à la passion, et cette mort de Julie est chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il in
3933 Julie est chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il insiste longuement, dans une lettre à son éditeur, sur
3934 re à son éditeur, sur son protestantisme et celui de ses héros : mais malgré sa sincérité, l’on ne peut que suspecter un «
3935 ne peut que suspecter un « calvinisme » qui parle de l’Être suprême et paraît ignorer le Christ…) Tout cela ne m’empêchera
3936 gnorer le Christ…) Tout cela ne m’empêchera point de confesser un goût très vif pour le style de ce roman — seul comparabl
3937 point de confesser un goût très vif pour le style de ce roman — seul comparable à l’Astrée sous ce rapport — et une admira
3938 l en attribuant à l’auteur du roman les croyances de ses personnages. Si Rousseau fut le premier à décrire ces erreurs, c’
3939 qu’il en souffrit plus que d’autres et avec plus de résolution de s’y soustraire. Mais on néglige habituellement les conc
3940 frit plus que d’autres et avec plus de résolution de s’y soustraire. Mais on néglige habituellement les conclusions de l’œ
3941 e. Mais on néglige habituellement les conclusions de l’œuvre pour ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de cer
3942 de l’œuvre pour ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de certaines complaisances qu’entraîne le genre romanesq
3943 ne garder que le souvenir du ton, de l’émotion et de certaines complaisances qu’entraîne le genre romanesque. Il est visib
3944 ble que Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande
3945 plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie marié
3946 à la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’ amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (IIIe partie, let
3947 religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (IIIe partie, lettre XVIII), analysant le passé des aman
3948 ssé des amants : on ne saurait dépister avec plus de rigueur, quoique féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de
3949 eur, quoique féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, q
3950 féminine, les confusions intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une
3951 tient plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « climat »
3952 st de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’ attribuer au « climat » de la Nouvelle Héloïse, si nouveau pour le xvi
3953 fois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « climat » de la Nouvelle Héloïse, si nouveau pour le xviiie siècle, une faculté d
3954 e, si nouveau pour le xviiie siècle, une faculté de contagion contre laquelle les conclusions de l’auteur ne pouvaient ri
3955 ulté de contagion contre laquelle les conclusions de l’auteur ne pouvaient rien. Et là, c’est bien le mythe qui reparaît,
3956 je ne t’aime plus ? Quel doute !… » Il s’effraye de l’équivoque du soupir, mais n’en conclut pas moins avec une sorte de
3957 oupir, mais n’en conclut pas moins avec une sorte de dépit à peine voilé : « J’ai pris pour toi des sentiments plus paisib
3958 les, il est vrai, mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les douceurs de l’amitié tempèrent les emporteme
3959 x et de plus de différentes espèces… Les douceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se r
3960 s douceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’amour… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la
3961 Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possession se passerait bien de ces douceurs paisibles… Lui aussi
3962 s la « faute » de la possession se passerait bien de ces douceurs paisibles… Lui aussi désirait brûler, et non pas rassasi
3963 er les obstacles les plus gratuits, les prétextes de séparation, les situations voluptueusement inextricables. D’où l’insi
3964 on, les situations voluptueusement inextricables. D’ où l’insistance pénible et, dès cette date, quelque peu excessive me s
3965 elque peu excessive me semble-t-il, sur la roture de Saint-Preux, laquelle est censée interdire toute possibilité d’union
3966 , laquelle est censée interdire toute possibilité d’ union légale. D’où encore l’assimilation du préjugé social et des exig
3967 ensée interdire toute possibilité d’union légale. D’ où encore l’assimilation du préjugé social et des exigences d’une vert
3968 l’assimilation du préjugé social et des exigences d’ une vertu déclarée religieuse par opportunité. Mais on distingue les m
3969 portunité. Mais on distingue les mobiles inavoués de la confusion. Au xiie siècle, c’était la loi de courtoisie qui impos
3970 de la confusion. Au xiie siècle, c’était la loi de courtoisie qui imposait la chasteté ; ici, c’est la coutume bourgeois
3971 c’est la coutume bourgeoise. Mais sous le couvert de l’une et de l’autre, c’est toujours le mythe qui agit. Dans la lettre
3972 tume bourgeoise. Mais sous le couvert de l’une et de l’autre, c’est toujours le mythe qui agit. Dans la lettre déjà citée
3973 vertu bourgeoise trop souvent invoquée. Et ainsi de suite : il serait aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse,
3974 vent invoquée. Et ainsi de suite : il serait aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tr
3975 ropos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette diffé
3976 toute notre exégèse de Tristan, notre dialectique de l’obstacle. Il y a pourtant cette différence capitale que Rousseau ab
3977 âme sentimental — et non mystique153 — des amants de la Nouvelle Héloïse que le romantisme va tâcher de rejoindre une myst
3978 e la Nouvelle Héloïse que le romantisme va tâcher de rejoindre une mystique primitive qu’il ignore, mais dont il redécouvr
3979 se dégrader, s’humaniser, s’analyser en éléments de moins en moins mystérieux ; enfin Racine l’abat, non sans avoir reçu
3980 reuse blessure. Et Don Juan bondit sur la scène ; de Molière à Mozart, c’est la grande éclipse du mythe. Mais à partir du
3981 a grande éclipse du mythe. Mais à partir du roman de Rousseau, qui naît comme en marge du siècle, nous allons parcourir le
3982 min en sens inverse : par Werther, cette réplique d’ Héloïse mais qui finit beaucoup plus mal — se rapprochant du modèle pr
3983 ean-Paul, à Hölderlin, à Novalis. Dans la panique de la Révolution, de la Terreur, des guerres européennes, certains aveux
3984 lin, à Novalis. Dans la panique de la Révolution, de la Terreur, des guerres européennes, certains aveux deviennent possib
3985 ouffrances osent enfin dire leur nom. L’adoration de la Nuit et de la Mort accède pour la première fois au plan de la cons
3986 nt enfin dire leur nom. L’adoration de la Nuit et de la Mort accède pour la première fois au plan de la conscience lyrique
3987 t de la Mort accède pour la première fois au plan de la conscience lyrique. Napoléon à peine vaincu, voici l’envahissement
3988 e. Napoléon à peine vaincu, voici l’envahissement de l’Europe par une plus insidieuse tyrannie. Jusqu’au jour où Wagner, d
3989 dire l’indicible, elle a forcé le dernier mystère de Tristan. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifest
3990 ernier mystère de Tristan. Mon propos n’est point de recenser les innombrables manifestations du mythe dans nos littératur
3991 os littératures, surtout modernes, mais seulement de poser des jalons et de réduire certaines contradictions tout apparent
3992 t modernes, mais seulement de poser des jalons et de réduire certaines contradictions tout apparentes. On me pardonnera de
3993 contradictions tout apparentes. On me pardonnera de ne point multiplier les preuves de l’évidente renaissance du thème co
3994 me pardonnera de ne point multiplier les preuves de l’évidente renaissance du thème courtois — donc de l’amour réciproque
3995 e l’évidente renaissance du thème courtois — donc de l’amour réciproque malheureux — chez tous les romantiques allemands s
3996 ur nudité même, je sens trop bien qu’ils risquent de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fa
3997 sens trop bien qu’ils risquent de prendre figure d’ arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop pa
3998 uent de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos déf
3999 ents, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de leur trop parfaite convenance à nos définitions du mythe…) Lettre de
4000 e convenance à nos définitions du mythe…) Lettre de Diotima à Hölderlin : Hier soir, j’ai longuement réfléchi sur la pas
4001 t réfléchi sur la passion. Sans doute, la passion de l’amour suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Compre
4002 ’autre et la foi dans la toute-puissante divinité de l’Amour qui à jamais nous guidera, invisible, et renforcera sans cess
4003 cera sans cesse notre union.155 Journal intime de Novalis : Lorsque j’étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m
4004 ime de Novalis : Lorsque j’étais sur le tombeau [ de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donnerait à l’humanité
4005 nue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité éternelle, et qu’elle instaurerait, en quelque sorte, la pos
4006 le instaurerait, en quelque sorte, la possibilité d’ aimer comme je l’ai fait. Lorsqu’on fuit la douleur, c’est qu’on ne ve
4007 agement n’était pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions finissent comme une tragédie, tout ce
4008 é finit par la mort, toute poésie a quelque chose de tragique. Une union qui est conclue même pour la mort est un mariage
4009 plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens appartient peut
4010 vivant, la mort est une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens appartient peut-être à l’amour comm
4011 eu n’a rien à faire avec la Nature, il est le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous
4012 jour s’harmoniser. Nous sommes des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père e
4013 ptiale ! Et l’on devrait citer toutes les œuvres de Tieck, définissant l’amour comme « une maladie du désir, une divine l
4014 du désir, une divine langueur… »157. L’exaltation de la mort volontaire, amoureuse et divinisante, voilà le thème religieu
4015 nisante, voilà le thème religieux le plus profond de cette nouvelle hérésie albigeoise que fut le romantisme allemand. La
4016 d. La mort est le but idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’amour chez Nov
4017 idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’amour chez Novalis. Elle fut pour K
4018 pour Kleist « le seul accomplissement » possible d’ une « passion d’amour suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais
4019 e seul accomplissement » possible d’une « passion d’ amour suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne s
4020 ert spécule sur le « côté nocturne » (Nachtseite) de l’existence. Fichte lui-même donne la définition de l’amour-par-essen
4021 l’existence. Fichte lui-même donne la définition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai amour qui repousse tout objet
4022 r s’élancer à l’infini. C’est, dit-il, « le désir de quelque chose d’entièrement inconnu, qui se révèle uniquement par un
4023 nfini. C’est, dit-il, « le désir de quelque chose d’ entièrement inconnu, qui se révèle uniquement par un besoin, par un ma
4024 soin, par un malaise, par un vide, à la recherche de ce qui le comblerait, mais ignorant d’où cela peut venir… ». Hoffmann
4025 recherche de ce qui le comblerait, mais ignorant d’ où cela peut venir… ». Hoffmann ne dit pas autre chose lorsqu’il bapti
4026 claire sans consumer, toute la félicité ineffable de la vie supérieure, germée au plus secret de l’âme. L’esprit déploie m
4027 fable de la vie supérieure, germée au plus secret de l’âme. L’esprit déploie mille antennes toutes vibrantes de désir, tis
4028 L’esprit déploie mille antennes toutes vibrantes de désir, tisse son filet autour de celle qui est apparue, et elle est à
4029 st à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable. C’est toute l’aventure des m
4030 elle hérésie passionnelle, la transgression rêvée de toutes limites, et le suprême désir qui nie le monde. Ainsi revivent
4031 le suprême désir qui nie le monde. Ainsi revivent de tous côtés et se rassemblent les éléments épars du mythe, que Wagner
4032 our le recréer dans une synthèse définitive. Rien d’ étonnant si le premier poème inspiré par le souvenir des cathares et d
4033 ier poème inspiré par le souvenir des cathares et de leur mystique fut composé par l’un des plus purs romantiques : c’est
4034 s purs romantiques : c’est l’épopée des albigeois de Lenau. On peut y lire ces vers qui sont une sorte de profession de fo
4035 Lenau. On peut y lire ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et se
4036 y lire ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et ses amis : Elle
4037 ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par Novalis et ses amis : Elle aussi,
4038 ieu ! ce cri puissant retentira Comme un tonnerre de joie à travers la nuit de printemps ! 16.Intériorisation du mythe
4039 ntira Comme un tonnerre de joie à travers la nuit de printemps ! 16.Intériorisation du mythe Le rythme intime du ro
4040 du romantisme allemand, la diastole et la systole de son cœur, c’est l’enthousiasme et la tristesse métaphysique. C’est la
4041 tesse métaphysique. C’est la dialectique abyssale de l’hérésie manichéenne, le renversement perpétuel du jour en Nuit et d
4042 nne, le renversement perpétuel du jour en Nuit et de la nuit en Jour. Le même élan qui portait l’âme vers la lumière et l’
4043 ière et l’unité divine, considéré du point de vue de ce monde n’est plus qu’un élan vers la mort, une séparation essentiel
4044 , une séparation essentielle. Tel est le tragique de l’Ironie transcendantale, ce mouvement perpétuel du romantisme, cette
4045 ours, l’endiosada des mystiques espagnols, la joy d’ amor dans son délire dionysiaque. Il en jaillit perpétuellement, au po
4046 . Il en jaillit perpétuellement, au point suprême de son élévation, des fantaisies extravagantes. Il y a une gaieté romant
4047 ntique, comme il y a un attendrissement : moments de détente, entre deux élancements contradictoires, retours au monde… C’
4048 ontradictoires, retours au monde… C’est ce moment de joie bizarre, né de l’ironie métaphysique, qui fait défaut au romanti
4049 urs au monde… C’est ce moment de joie bizarre, né de l’ironie métaphysique, qui fait défaut au romantisme français. Ici, l
4050 a trop vite au but. La France de la Révolution et de l’Empire n’a plus d’énergie disponible pour la spéculation spirituell
4051 a France de la Révolution et de l’Empire n’a plus d’ énergie disponible pour la spéculation spirituelle : elle n’a point de
4052 pour la spéculation spirituelle : elle n’a point de « religion nouvelle », point de philosophes romantiques158, peu ou po
4053  : elle n’a point de « religion nouvelle », point de philosophes romantiques158, peu ou point de métaphysique, et peu ou p
4054 point de philosophes romantiques158, peu ou point de métaphysique, et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’
4055 58, peu ou point de métaphysique, et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’esprit exalté par son propre dram
4056 et peu ou point de fantaisie — cette surabondance de l’esprit exalté par son propre drame. ⁂ Le romantisme en France n’aur
4057 omantisme en France n’aura guère débordé le champ de la psychologie individuelle. Il y gagne une lucidité qui le conduit p
4058 un vrai romantique : L’enthousiasme errant, fils de la belle Nuit. Et la célèbre invocation : « Levez-vous vite, orages
4059 désirés qui devez emporter René dans les espaces d’ une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il
4060 les espaces d’une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’aube mystique à l’horizo
4061 une autre vie », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’aube mystique à l’horizon spirituel, n
4062 pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d’ aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’amour au s
4063 t point d’aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jam
4064 tique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’ amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il
4065 spirituel, ni de véritable joie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il se refuse à l’ill
4066 is transcendé, il se refuse à l’illusion dernière d’ une libération cosmique. Il retombe, désenchanté, à l’analyse de sa tr
4067 on cosmique. Il retombe, désenchanté, à l’analyse de sa tristesse et de son impuissance lucide. Romantisme mûri, désabusé,
4068 ombe, désenchanté, à l’analyse de sa tristesse et de son impuissance lucide. Romantisme mûri, désabusé, l’on serait même t
4069 Romantisme mûri, désabusé, l’on serait même tenté de dire : trop rigoureux… Auprès de lui, Jean-Paul et Novalis feront tou
4070 lui, Jean-Paul et Novalis feront toujours figure d’ adolescents. Le goût de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur
4071 lis feront toujours figure d’adolescents. Le goût de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre : c’est peut-ê
4072 de la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre : c’est peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la ré
4073 st peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se reprendre sans cesse aux form
4074 u’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se reprendre sans cesse aux formes désirables
4075 les se reprendre sans cesse aux formes désirables de la terre, oublier, plaisanter follement, tout ardents de curiosité ;
4076 erre, oublier, plaisanter follement, tout ardents de curiosité ; d’une merveilleuse inconséquence… Ce qui appauvrit le rom
4077 plaisanter follement, tout ardents de curiosité ; d’ une merveilleuse inconséquence… Ce qui appauvrit le romantique françai
4078 59. René s’amuse un jour à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau, attachant une idée à chaque feuille que le cou
4079 s’intéresse aux accidents qui menacent les débris de son rameau… On croit lire un poète allemand, on va retrouver la riche
4080 e et se juge ridicule : « Voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre ! » Et c’est la « super
4081 n des hommes attachent leur destinée à des choses d’ aussi peu de valeur que mes feuilles de saule. » Le reste de la page,
4082 des choses d’aussi peu de valeur que mes feuilles de saule. » Le reste de la page, admirable, jusqu’aux fameux orages dési
4083 u de valeur que mes feuilles de saule. » Le reste de la page, admirable, jusqu’aux fameux orages désirés160. ⁂ « Pour ces
4084 l’amour ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E. T. A. Hoffmann ; mais plutôt cet am
4085 aciturne et toujours menacé » des plus beaux vers de Vigny. Cette absence d’intérêt naïf pour les formes quotidiennes de l
4086 acé » des plus beaux vers de Vigny. Cette absence d’ intérêt naïf pour les formes quotidiennes de la vie facilitera le déta
4087 sence d’intérêt naïf pour les formes quotidiennes de la vie facilitera le détachement de l’esprit, la purification abstrai
4088 quotidiennes de la vie facilitera le détachement de l’esprit, la purification abstraite du sentiment. Les êtres et les ch
4089 percés par un regard désabusé, cesseront bientôt d’ être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieu
4090 d’être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il est en son principe : une
4091 ené ; il reste encore des désirs et l’on n’a plus d’ illusions… On habite avec un cœur plein, un monde vide. » Alors la fem
4092 , un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’ être le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Oberm
4093 e elle-même cesse d’être le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Oberman de Sénancour, l’« obstacle »
4094 Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’Amour dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignorait
4095 ame se passe en eux, entre les lois inacceptables de la vie terrestre et finie, et le désir d’une transgression de nos lim
4096 ptables de la vie terrestre et finie, et le désir d’ une transgression de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares son
4097 rrestre et finie, et le désir d’une transgression de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares sont toutefois les roma
4098 , exacte, et plus proche qu’on ne pourrait croire de la mystique négative. La plupart reviendront aux illusions de l’amour
4099 ue négative. La plupart reviendront aux illusions de l’amour humain, sans retrouver pourtant la forte naïveté du mythe. Il
4100 ir social, ou la vertu, ou le secret mélancolique de l’amant, ou quelque scrupule religieux, enfin le narcissisme avoué… I
4101 rdissent, et que tout élément « sacré » disparaît de la vie sociale. 17.Stendhal, ou le fiasco du sublime Homme du x
4102 dhal nous offre un exemple parfait pour l’analyse de la profanation du mythe. Voici un homme que le besoin de la passion t
4103 rofanation du mythe. Voici un homme que le besoin de la passion tourmente : il a découvert dans son « âme », c’est-à-dire
4104 er passionnément, ce serait vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la nature physique. (Et il
4105 imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la nature physique. (Et il a même là-dessus sa petite explication mat
4106 te du mythe dans son esprit, une habitude héritée de la culture, et spécialement de la littérature, puisque mystique et re
4107 e habitude héritée de la culture, et spécialement de la littérature, puisque mystique et religion, pour lui, sont mortes.
4108 ligion, pour lui, sont mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même dans le mo
4109 tes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même dans le monde où il vit, sont condam
4110 mnés par la raison et par le scepticisme général. D’ où le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin ; d’où son fameux tr
4111 scepticisme général. D’où le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin ; d’où son fameux traité De l’Amour. Aux première
4112 le besoin qu’il éprouve de justifier ce besoin ; d’ où son fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vo
4113 e de justifier ce besoin ; d’où son fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vous le sentez en pleine
4114 on fameux traité De l’Amour. Aux premières lignes de la préface vous le sentez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de
4115 e sentez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de l’amour, ce petit volume n’est point un roman, et surtout n’est pas a
4116 ut uniment une description exacte et scientifique d’ une sorte de folie très rare en France… » Stendhal baptise cette folie
4117 ne description exacte et scientifique d’une sorte de folie très rare en France… » Stendhal baptise cette folie : l’amour-p
4118 assion, l’amour-goût, l’amour physique et l’amour de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie
4119 de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie de la cristallisation doit l’expliquer. « Ce que
4120 eul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théorie de la cristallisation doit l’expliquer. « Ce que j’appelle cristallisati
4121 que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’obje
4122 llisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles
4123 qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzbourg, lorsqu’
4124 imé a de nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzbourg, lorsqu’on jette un rameau dans l’eau profonde, on l
4125 e nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzbourg, lorsqu’on jette un rameau dans l’eau profonde, on le retro
4126 profonde, on le retrouve trois mois après « garni d’ une infinité de diamants mobiles et éblouissants ». Tomber amoureux, d
4127 retrouve trois mois après « garni d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ». Tomber amoureux, dans cette théor
4128 ement. Et pourquoi cela ? Parce que l’on a besoin d’ aimer, et qu’on ne peut aimer que la beauté. Disons plus simplement qu
4129 mier161 que cette célèbre théorie revient à faire de l’amour passionné une simple erreur. « Non point que la passion se tr
4130 ur… Le cas Stendhal n’est pas douteux : il s’agit d’ un homme qui n’aimait pas réellement, et qui surtout ne fut pas réelle
4131 se voit amené à définir l’amour comme une maladie de l’esprit — dans la pure tradition antique, sauf qu’il s’affirme heure
4132 e tradition antique, sauf qu’il s’affirme heureux d’ être malade. Le voici donc dans la situation d’un médecin qui étudie s
4133 ux d’être malade. Le voici donc dans la situation d’ un médecin qui étudie sur lui-même les progrès et les singularités d’u
4134 udie sur lui-même les progrès et les singularités d’ un mal qu’il ne croit pas mortel. Toute la différence entre la cristal
4135 ne chose me frappe ; sa description est admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalem
4136 rappe ; sa description est admirable de vivacité, d’ exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalement pessimist
4137 est admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalement pessimiste — puisque aussi bien
4138 alement pessimiste — puisque aussi bien il s’agit d’ une erreur et dont il se désole d’être tiré. D’où peut provenir ce pes
4139 bien il s’agit d’une erreur et dont il se désole d’ être tiré. D’où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conce
4140 it d’une erreur et dont il se désole d’être tiré. D’ où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conception de la v
4141 nir ce pessimisme incompatible avec la conception de la vie qu’il s’était faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamai
4142 en : « Le plaisir ne produit pas la moitié autant d’ impression que la douleur, ensuite, outre ce désagrément dans la quant
4143 r, ensuite, outre ce désagrément dans la quantité d’ émotion, la sympathie est au moins la moitié moins excitée par la pein
4144 excitée par la peinture du bonheur que par celle de l’infortune. » Et encore : « Une âme faite pour les passions sent d’a
4145 Un Grec ressuscité ne s’en étonnerait pas moins. D’ où nous viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne sont-ils pas
4146 ne se pose pas la question, n’étant pas en mesure de la résoudre. En matérialiste grossier — c’est la bonne espèce, la plu
4147 rime simplement tout problème, grâce à sa théorie de la cristallisation, donc de l’erreur. Ce qui explique la passion, à s
4148 e, grâce à sa théorie de la cristallisation, donc de l’erreur. Ce qui explique la passion, à son avis, c’est une erreur fa
4149 ène, dit-il, vient de la nature qui nous commande d’ avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau. » Voilà donc l
4150 n amour qui, loin de se tromper, est seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De p
4151 i s’y cachent. De plus, n’est-ce point là le type d’ une solution verbale ? Car dire que la passion est une erreur — elle l
4152 erreur. L’instinct ou la nature n’ont pas coutume de se tromper de la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’
4153 inct ou la nature n’ont pas coutume de se tromper de la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’esprit. La vér
4154 la sorte… S’il y a erreur, elle ne peut venir que de l’esprit. La vérité, c’est que Stendhal est la victime d’un phénomène
4155 rit. La vérité, c’est que Stendhal est la victime d’ un phénomène spirituel que ses croyances matérialistes ne sont plus en
4156 es croyances matérialistes ne sont plus en mesure de justifier. Victime heureuse d’ailleurs, et cela suffit à l’empêcher d
4157 heureuse d’ailleurs, et cela suffit à l’empêcher de pousser plus avant son enquête. Qu’est-ce que ce livre qu’il nous lai
4158 ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’ une inquiétude qu’éprouve l’esprit lucide devant le mythe : non qu’il
4159 en Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’ amour courtois en appendice. (Raynouard et Fauriel venaient de provoqu
4160 t conduite entre les deux sexes sur les principes de la justice… » Il finira, bien entendu, par les citer, ces anecdotes.
4161 seule qui remplis toute mon âme, suprême volupté d’ amour ! » L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait q
4162 l’erreur : qu’elle est une décision fondamentale de l’être, un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d
4163 n faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’ un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celle
4164 tion d’un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur
4165 onné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale mépri
4166 elles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’ une totale méprise, organisée et entretenue par une sorte de consensus
4167 le méprise, organisée et entretenue par une sorte de consensus social, d’aveuglement tout à la fois juré et inconscient. À
4168 et entretenue par une sorte de consensus social, d’ aveuglement tout à la fois juré et inconscient. À force de l’entendre
4169 es, voilà qui est significatif au plus haut point de la nécessité sociale des mythes. (Mensonges d’autodéfense d’une socié
4170 nt de la nécessité sociale des mythes. (Mensonges d’ autodéfense d’une société qui veut sauver sa forme, tandis que les ind
4171 sité sociale des mythes. (Mensonges d’autodéfense d’ une société qui veut sauver sa forme, tandis que les individus qui la
4172 composent se prêtent obscurément, sous le couvert d’ un refus, aux passions qui tendent à sa perte.) En composant Tristan,
4173 tabou : il a tout dit, tout avoué par les paroles de son livret, et plus encore par sa musique. Il a chanté la Nuit de la
4174 t plus encore par sa musique. Il a chanté la Nuit de la dissolution des formes et des êtres, la libération du désir, l’ana
4175 pusculaire, immensément plaintive et bienheureuse de l’âme sauvée par la blessure mortelle du corps. Mais le sens maléfiqu
4176 lessure mortelle du corps. Mais le sens maléfique de ce message, il fallait le nier pour pouvoir l’accueillir, il fallait
4177 l fallait à tout prix le travestir, l’interpréter d’ une manière tolérable, c’est-à-dire au nom du bon sens. Du mystère bou
4178 -dire au nom du bon sens. Du mystère bouleversant de la Nuit et de la destruction des corps, l’on a fait la « sublimation 
4179 u bon sens. Du mystère bouleversant de la Nuit et de la destruction des corps, l’on a fait la « sublimation » d’un pauvre
4180 ruction des corps, l’on a fait la « sublimation » d’ un pauvre secret du plein jour : l’attrait des sexes, la loi tout anim
4181 t et complètement ne saurait d’ailleurs témoigner d’ une vitalité sociale exceptionnelle : c’est plutôt la frivolité du pub
4182 ourd, et pour tout dire sa faculté exceptionnelle de ne pas entendre ce qu’on lui chante, qui ont facilité l’opération. Ai
4183 nde du jour : haine, orgueil, et violence barbare de l’honneur féodal, jusqu’au crime. Isolde veut venger l’affront subi.
4184 re à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’ une mort que l’Amour condamne, d’une mort selon les lois du jour et de
4185 re mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne, d’ une mort selon les lois du jour et de la vengeance, brutale, accidente
4186 ur condamne, d’une mort selon les lois du jour et de la vengeance, brutale, accidentelle, privée de sens mystique. Or la M
4187 et de la vengeance, brutale, accidentelle, privée de sens mystique. Or la Minne suprême inspire à Brangaine l’erreur qui d
4188 aine l’erreur qui doit sauver l’Amour. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte uniqu
4189 r. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’ initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde aussitôt qu
4190 le breuvage d’initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’Isolde aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du
4191 initiation. Ainsi l’étreinte unique de Tristan et d’ Isolde aussitôt qu’ils ont bu, c’est le baiser unique du sacrement cat
4192 rs cœurs. Les initiés pénètrent au monde nocturne de l’extase libératrice. Et le jour qui revient avec le cortège royal et
4193 , le jour ne pourra plus les ressaisir : au terme de l’épreuve qu’il va leur imposer — c’est la passion — ils ont déjà pre
4194 autre mort, celle qui est le seul accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes pris
4195 ment de leur amour. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes prisonnières des formes. Tous les obstacles surmo
4196 surmontés, quand les amants sont seuls enveloppés de ténèbres, c’est le désir charnel qui les sépare encore. Ils sont ense
4197 ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité créée. À ce moment la
4198 seule peut exprimer la certitude et la substance de cette double nostalgie d’être un. Car seule elle détient le pouvoir d
4199 rtitude et la substance de cette double nostalgie d’ être un. Car seule elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de
4200 lgie d’être un. Car seule elle détient le pouvoir d’ harmoniser la plainte de deux voix, et d’en faire une plainte unique o
4201 e elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de deux voix, et d’en faire une plainte unique où déjà vibre la réalité
4202 pouvoir d’harmoniser la plainte de deux voix, et d’ en faire une plainte unique où déjà vibre la réalité d’un indicible au
4203 faire une plainte unique où déjà vibre la réalité d’ un indicible au-delà d’espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du du
4204 e où déjà vibre la réalité d’un indicible au-delà d’ espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’amour est déjà celu
4205 ’espérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’ amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le
4206 urquoi le leitmotiv du duo d’amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traître Mélot162 blesse
4207 aincu, elle vole au jour son apparente victoire : de cette blessure par où la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprêm
4208 lessure par où la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprême guérison, celle que chantera Isolde agonisante sur le cada
4209 lle que chantera Isolde agonisante sur le cadavre de Tristan, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, pass
4210 onisante sur le cadavre de Tristan, dans l’extase de la « joie la plus haute ». Initiation, passion, accomplissement morte
4211 asquée dans les légendes médiévales par une foule d’ éléments épiques et pittoresques. ⁂ Cependant la forme d’art que Wagne
4212 nts épiques et pittoresques. ⁂ Cependant la forme d’ art que Wagner a choisie n’est pas sans recréer des possibilités de « 
4213 a choisie n’est pas sans recréer des possibilités de « méprise ». Il fallait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui ti
4214 mythe. De même que le péché du premier homme, et de chaque homme, introduit dans le monde le temps ; de même que la faute
4215 e la faute des amants légendaires contre les lois de l’amour chaste transforme l’hymne des troubadours en un roman163 — ai
4216 Mais le drame ne peut pas tout dire, la religion de la passion étant « essentiellement lyrique ». Dès lors la musique seu
4217 lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d’ exprimer la dialectique transcendantale, le caractère éperdument contr
4218 ractère éperdument contradictoire, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui est l’appel au Jour incréé. La définition
4219 ment contradictoire, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui est l’appel au Jour incréé. La définition même de la mu
4220 ui est l’appel au Jour incréé. La définition même de la musique occidentale, c’est l’accord émouvant des contraires. Expre
4221 ’est l’accord émouvant des contraires. Expression d’ un dualisme douloureux, permanent au niveau de la vie, mais qui s’évan
4222 is qui s’évanouit dans la grâce lumineuse au-delà de la mort physique. Or le drame achevé par la musique, c’est l’opéra. A
4223 péra. Ainsi, ce n’est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevé
4224 t point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu recevoir leur expression achevée que dans la forme
4225 ecevoir leur expression achevée que dans la forme de l’opéra. Si Mozart et Wagner nous ont donné les chefs-d’œuvre du dram
4226 musical, c’est en vertu de l’affinité originelle de ce mode d’expression et des sujets qu’ils surent choisir. La musique
4227 ’est en vertu de l’affinité originelle de ce mode d’ expression et des sujets qu’ils surent choisir. La musique seule peut
4228 surent choisir. La musique seule peut bien parler de la tragédie, dont elle est la mère et la fille. Toutefois, dans le ca
4229 e est la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan, l’élément plastique inhérent à toute mise en scène théâtrale
4230 « jour », contredisent fatalement le sens profond de l’action. Tant qu’on regarde la scène, on est victime de l’illusion d
4231 tion. Tant qu’on regarde la scène, on est victime de l’illusion des formes — et des plus ridicules. Il n’y a là, « visible
4232 ire ! L’orchestre décrit largement les dimensions d’ une tragédie tout intérieure. La morbidesse bouleversante des mélodies
4233 ère et brûlante langueur dans l’âme qui se guérit de vivre. Seule la lumière douloureuse du troisième acte — l’obsession j
4234 fiévreux — peut traduire à ma vue le sens profond de l’exil des amants dans l’extase. Par ce qu’il a d’artificiel, de trop
4235 e l’exil des amants dans l’extase. Par ce qu’il a d’ artificiel, de trop violent, cet éclairage annonce que le jour meurt,
4236 mants dans l’extase. Par ce qu’il a d’artificiel, de trop violent, cet éclairage annonce que le jour meurt, et que déjà l’
4237 puscule vainement exalté. ⁂ Un second lieu commun de la critique — d’ailleurs absolument contradictoire avec celui qui fai
4238 absolument contradictoire avec celui qui faisait de Tristan la glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’infl
4239 glorification du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de Schopenhauer sur Wagner. Quoi qu’en aient pu penser Ni
4240 du désir sensuel — c’est le rappel de l’influence de Schopenhauer sur Wagner. Quoi qu’en aient pu penser Nietzsche, et Wag
4241 e influence est fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas des « idées » en musique. Qu’il ait tr
4242 st fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas des « idées » en musique. Qu’il ait trouvé chez Sch
4243 minations, voilà sans doute ce qu’il faut retenir de la rencontre, et ce n’est pas d’un immense intérêt. L’ascèse, la néga
4244 ’il faut retenir de la rencontre, et ce n’est pas d’ un immense intérêt. L’ascèse, la négation du monde créé, l’identificat
4245 cèse, la négation du monde créé, l’identification de l’attrait sexuel avec le vouloir-vivre obscurcissant la connaissance,
4246 issance, toute cette mystique que l’on s’empresse de qualifier de bouddhiste, Wagner n’avait pas à l’apprendre. C’est parc
4247 e cette mystique que l’on s’empresse de qualifier de bouddhiste, Wagner n’avait pas à l’apprendre. C’est parce qu’il la po
4248 oles des minnesänger, dans la légende manichéenne de Parsifal, et par-dessous l’imagerie chrétienne, dans le Saint-Graal,
4249 rre sacrée des Iraniens et des cathares, la coupe de Gwyon165, divinité celtique ! ⁂ Que Wagner ait restitué le sens perdu
4250 eltique ! ⁂ Que Wagner ait restitué le sens perdu de la légende, dans sa virulence intégrale, ce n’est point là une thèse
4251 largement déclarée par la musique et les paroles de l’opéra. Par l’opéra, le mythe connaît son achèvement. Mais ce « term
4252 es — comme presque tous les termes du vocabulaire de l’existence, décrivant l’être en situation d’agir, non les objets. Ac
4253 ire de l’existence, décrivant l’être en situation d’ agir, non les objets. Achèvement désigne l’expression totale d’un être
4254 es objets. Achèvement désigne l’expression totale d’ un être, d’un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort.
4255 Achèvement désigne l’expression totale d’un être, d’ un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi le my
4256 igne l’expression totale d’un être, d’un mythe ou d’ une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi le mythe « achevé »
4257 r Wagner a vécu. Vixit Tristan ! Et s’ouvre l’ère de ses fantômes. 19.Vulgarisation du mythe Il y eut la voie poétiq
4258 jeunes Parques, des apparences à peine féminines de fuites — comme on dit que l’eau fuit d’un bassin : fissures dans le r
4259 féminines de fuites — comme on dit que l’eau fuit d’ un bassin : fissures dans le réel, fuites de rêves. C’est la tradition
4260 fuit d’un bassin : fissures dans le réel, fuites de rêves. C’est la tradition alanguie, intellectualisée, sophistiquée. V
4261 passer les belles autos, et s’indigner des excès de vitesse. Le Lys dans la Vallée, Adolphe, Dominique, Madame Bovary, T
4262 ovary, Thérèse Raquin, La Porte étroite, Un Amour de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la dég
4263 te étroite, Un Amour de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » ex
4264 apes françaises de la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » extérieure, et de la reconnaissance
4265 la dissociation psychologique, de la dégradation de « l’obstacle » extérieure, et de la reconnaissance lucide — par là mê
4266 e la dégradation de « l’obstacle » extérieure, et de la reconnaissance lucide — par là même, antiromanesque — de sa nature
4267 nnaissance lucide — par là même, antiromanesque — de sa nature purement intime et subjective. (Religieuse dans le cas de G
4268 ent intime et subjective. (Religieuse dans le cas de Gide, quasi physique dans celui de Proust.) Parallèlement, il convien
4269 se dans le cas de Gide, quasi physique dans celui de Proust.) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort d
4270 dans celui de Proust.) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de
4271 ) Parallèlement, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karéni
4272 ment, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et pres
4273 t, il convient de citer le Triomphe de la Mort de d’ Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et presque
4274 de la Mort de d’Annunzio — commentaire admirable de Wagner — Anna Karénine, et presque tous les grands romans de l’ère vi
4275 Anna Karénine, et presque tous les grands romans de l’ère victorienne, et surtout Tess des d’Urberville et Jude l’Obscur 
4276 romans de l’ère victorienne, et surtout Tess des d’ Urberville et Jude l’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants
4277 rtout Tess des d’Urberville et Jude l’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants d’un Charles Morgan. ⁂ Mais les che
4278 ’Obscur ; et de nos jours les romans platonisants d’ un Charles Morgan. ⁂ Mais les chefs-d’œuvre, désormais, nous en appren
4279 descente du mythe dans les mœurs, que les romans de série, le théâtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre
4280 théâtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors,
4281 plique la connaissance, le rejet ou l’acceptation de ce qui meut ou émeut les masses, et de l’anonymat des grands courants
4282 cceptation de ce qui meut ou émeut les masses, et de l’anonymat des grands courants qui roulent les individus détachés, av
4283 ’esprit répugne encore à mesurer. L’envahissement de nos littératures, tant bourgeoises que « prolétariennes », par le rom
4284 que « prolétariennes », par le roman, et le roman d’ amour s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience
4285 mour s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience par le contenu totalement profané du mythe. Celui-ci
4286 ement profané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’ être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et q
4287 rs d’être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que le secret mystique qu’il exprimait en le voi
4288 des romantiques devient alors la vague obsession de luxe et d’aventures exotiques que les « romans de gare » suffisent à
4289 iques devient alors la vague obsession de luxe et d’ aventures exotiques que les « romans de gare » suffisent à satisfaire
4290 de luxe et d’aventures exotiques que les « romans de gare » suffisent à satisfaire symboliquement. Que cela n’ait plus auc
4291 symboliquement. Que cela n’ait plus aucune espèce de sens valable, il suffit pour s’en assurer d’imaginer l’impuissance ab
4292 pèce de sens valable, il suffit pour s’en assurer d’ imaginer l’impuissance absolue où se trouvent les clients de cette lit
4293 l’impuissance absolue où se trouvent les clients de cette littérature à concevoir une réalité mystique, une ascèse, un ef
4294 evoir une réalité mystique, une ascèse, un effort de l’esprit pour s’affranchir des liens sensuels : or la passion courtoi
4295 ns sensuels : or la passion courtoise n’avait pas d’ autre but, et son langage n’avait pas d’autre clé. Perdus et oubliés c
4296 avait pas d’autre but, et son langage n’avait pas d’ autre clé. Perdus et oubliés cette clé et ce but, la passion dont le b
4297 revient nous tourmenter n’est plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle, régulièrement toxique et déprimante, t
4298 ussi dégradée et dégradante, par rapport au mythe de Tristan, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivres
4299 et. La bourgeoisie du Second Empire eut le mérite de faire une dernière tentative pour régulariser dans son cadre social l
4300 er dans son cadre social l’influence anarchisante de la passion. Car celle-ci survivait à toute mystique, par la grâce équ
4301 ns une certaine jeunesse tout au moins, le besoin d’ une brûlure nostalgique ; et tout cela composait une sorte de complexe
4302 re nostalgique ; et tout cela composait une sorte de complexe que l’on prenait pour la « nature » elle-même, bien qu’il ne
4303 psychologique, voire physiologique. La tentative de normalisation bourgeoise de la passion, visant à recréer une expressi
4304 logique. La tentative de normalisation bourgeoise de la passion, visant à recréer une expression conventionnelle, donc adm
4305 admissible par l’ordre social — ce fut le théâtre de Dumas à Bataille. La fameuse « pièce à trois personnages », modèle de
4306 La fameuse « pièce à trois personnages », modèle de presque tous les auteurs dramatiques de la Belle Époque, c’est simple
4307 », modèle de presque tous les auteurs dramatiques de la Belle Époque, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à
4308 le Époque, c’est simplement l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le
4309 ment l’adaptation du mythe de Tristan à la mesure d’ une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan, le jeun
4310 Iseut, l’épouse insatisfaite, oisive et lectrice de romans. Ici encore, deux morales s’affrontent. Les barons félons de l
4311 ore, deux morales s’affrontent. Les barons félons de la légende sont figurés par les tenants de la morale « conformiste ».
4312 félons de la légende sont figurés par les tenants de la morale « conformiste ». Ils défendent le mariage bourgeois, l’héri
4313 contraire triomphe régulièrement — fût-ce au prix d’ un coup de pistolet. C’est la morale du romantisme, des droits impresc
4314 morale du romantisme, des droits imprescriptibles de l’amour, et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maître
4315 , et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maîtresse sur l’épouse. Quant au philtre, alibi de la responsabili
4316 a maîtresse sur l’épouse. Quant au philtre, alibi de la responsabilité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la
4317 la responsabilité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la passion ». Et les tenants du conformisme n’ont pas t
4318 ité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la passion ». Et les tenants du conformisme n’ont pas tort de l’assim
4319 n ». Et les tenants du conformisme n’ont pas tort de l’assimiler à la « littérature » en général, terme de mépris vouant à
4320 ’assimiler à la « littérature » en général, terme de mépris vouant à une exécration globale les « tendances dissolvantes »
4321 impossibles ». Bientôt, l’on n’essaiera plus même de nier la complaisance que réclame de ses propres victimes l’élaboratio
4322 era plus même de nier la complaisance que réclame de ses propres victimes l’élaboration du vieux philtre. Elle est minutie
4323 ue dans des ruses inconscientes, en des centaines de pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un Amour de Swann.) Littératu
4324 pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un Amour de Swann.) Littérature bourgeoise ai-je dit : ses conclusions régulièrem
4325 ulièrement antibourgeoises font partie intégrante de l’ordre social établi. L’instinct de conservation rend en effet cet o
4326 e intégrante de l’ordre social établi. L’instinct de conservation rend en effet cet ordre tolérant à l’égard de ce qui fei
4327 ffet cet ordre tolérant à l’égard de ce qui feint de le renier, mais qui en vit. Le calcul est très simple, et bien entend
4328 n rêveries voluptueuses les tendances subversives de l’esprit. La morale du mariage en souffre évidemment, mais cela n’est
4329 ariage en souffre évidemment, mais cela n’est pas d’ une gravité urgente, puisqu’on sait bien que l’institution matrimonial
4330 qui entraînent une dilapidation du « patrimoine » de la famille. (Patrimoine ne signifiant plus que fortune et propriétés.
4331 plus que fortune et propriétés.) ⁂ Cette volonté de jouir du mythe mais sans le payer trop cher, on la voit s’exprimer en
4332 riques que le film américain des premières années de l’entre-deux-guerres. C’était l’époque du happy end : tout devait abo
4333 tout devait aboutir au long baiser final sur fond de roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sa
4334 aboutir au long baiser final sur fond de roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sans relations
4335 e roses ou de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’est pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa d
4336 pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa déchéance. Elle exprime à la perfection la synthèse idéale de deux
4337 . Elle exprime à la perfection la synthèse idéale de deux désirs contradictoires : désir que rien ne s’arrange et désir qu
4338 ovient précisément du fait qu’il libère le public de ses contradictions intimes. En effet : point de roman sans obstacles.
4339 c de ses contradictions intimes. En effet : point de roman sans obstacles. On les multiplie donc, sans souci d’une invrais
4340 sans obstacles. On les multiplie donc, sans souci d’ une invraisemblance que le désir de romantisme rend insensible. Ainsi,
4341 nc, sans souci d’une invraisemblance que le désir de romantisme rend insensible. Ainsi, pendant une heure ou deux le roman
4342 , dès que cela nous devient clair. Il s’agit donc de supprimer l’obstacle à temps, ce qui amène par définition la fin du r
4343 in du roman et du film : « et ils eurent beaucoup d’ enfants » signifie qu’il n’y a plus rien à raconter ; ou bien c’est le
4344 os plan, bouchant l’écran et refermant la fenêtre de l’imagination. Toutefois, l’on s’efforcera de donner à cette fin une
4345 tre de l’imagination. Toutefois, l’on s’efforcera de donner à cette fin une atmosphère « poétique » qui dissimule le passa
4346 lus qu’une nostalgie assez vulgaire, idéalisation de désirs anodins, d’ailleurs ramenés vers la jouissance des choses, c’e
4347 l’instinct, qu’elle excitait par sa volonté même de le nier. L’ambiguïté du langage mystique de l’hérésie devait faire na
4348 même de le nier. L’ambiguïté du langage mystique de l’hérésie devait faire naître, dès le xiiie siècle, une rhétorique p
4349 tre, dès le xiiie siècle, une rhétorique profane de la passion. Et c’est la diffusion de ce langage par la littérature ro
4350 ique profane de la passion. Et c’est la diffusion de ce langage par la littérature romanesque qui aboutit, au cours du der
4351 t des rôles : l’instinct devenant le vrai support d’ une rhétorique dont les figures lui prêtent désormais un semblant d’id
4352 ont les figures lui prêtent désormais un semblant d’ idéalité. 20.L’instinct glorifié Comme à la rose de Guillaume de
4353 ité. 20.L’instinct glorifié Comme à la rose de Guillaume de Lorris répond la rose de Jean de Meung, comme à la rhéto
4354 e à la rose de Guillaume de Lorris répond la rose de Jean de Meung, comme à la rhétorique cristalline de Pétrarque s’oppos
4355 Jean de Meung, comme à la rhétorique cristalline de Pétrarque s’oppose la fantasmagorie sensuelle de Boccace, le romantis
4356 de Pétrarque s’oppose la fantasmagorie sensuelle de Boccace, le romantisme a provoqué de nos jours une révolte qui se veu
4357 ie sensuelle de Boccace, le romantisme a provoqué de nos jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’est plus le sen
4358 , c’est l’instinct. Je songe à une certaine école de romanciers anglo-américains, qui fleurit dans l’entre-deux-guerres, u
4359 nous disaient ces hommes : « Nous en avons assez de souffrir pour des idées, des idéaux, des petites hypocrisies idéalisé
4360 lles personne ne sait plus croire. Vous avez fait de la femme une espèce de divinité coquette, cruelle et vampirique. Vos
4361 lus croire. Vous avez fait de la femme une espèce de divinité coquette, cruelle et vampirique. Vos femmes fatales, et vos
4362 et vos femmes adultères, et vos femmes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « d
4363 femmes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord u
4364 us ont gâté la joie de vivre. Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une femelle. Nous la ferons se
4365 rit. Et la grande innocence bestiale nous guérira de votre goût du péché, cette maladie de l’instinct génésique. Ce que vo
4366 ous guérira de votre goût du péché, cette maladie de l’instinct génésique. Ce que vous appelez morale, c’est ce qui nous r
4367 ui est la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande puissance solaire qui broie et magnifie l’individ
4368 idu fécond, la belle brute déchaînée, etc. » L’un de ces prophètes est allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de v
4369 st allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de vitalité qu’une vache. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la « Vie » a pu
4370 italité qu’une vache. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la « Vie » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais
4371 le mystique de la « Vie » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais je la retrouve, étrangement identique
4372 ve, étrangement identique, aux origines profondes d’ un mouvement que nous n’avons plus à étudier ni à convaincre : il nous
4373 lité morale et se retremper dans le flux cosmique de l’instinct, c’est l’idéal de nos poètes du primitivisme solaire, mais
4374 ans le flux cosmique de l’instinct, c’est l’idéal de nos poètes du primitivisme solaire, mais la pratique de cette croyanc
4375 poètes du primitivisme solaire, mais la pratique de cette croyance n’est pas de nature à nous tromper un seul instant : i
4376 ire, mais la pratique de cette croyance n’est pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « belles » br
4377 ure à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « belles » brutes, il y a des brutes. L’idée de beauté qu’un Lawrence
4378 s de « belles » brutes, il y a des brutes. L’idée de beauté qu’un Lawrence croit encore consistante, c’est l’héritage d’un
4379 wrence croit encore consistante, c’est l’héritage d’ une époque en faillite — une dette que plus personne, là-bas, n’est di
4380 là-bas, n’est disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de tout
4381 ndre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est clair. Ma
4382 était cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins
4383 » — l’on prétend s’enfoncer dans le flot primitif de l’instinct, dans le larvaire, dans le non-fait, dans l’« infait », c’
4384 dans l’infect, l’on croit retrouver l’authentique de la vie, et l’on ne fait pourtant que s’abandonner au torrent des déch
4385 pourtant que s’abandonner au torrent des déchets de l’ancienne culture et de ses mythes désagrégés. C’est qu’il n’y a pl
4386 r au torrent des déchets de l’ancienne culture et de ses mythes désagrégés. C’est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’aujour
4387 désagrégés. C’est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’ aujourd’hui, d’authenticité primitive. Ce que l’on appelle hérédité, d
4388 est qu’il n’y a plus, dans l’homme d’aujourd’hui, d’ authenticité primitive. Ce que l’on appelle hérédité, dans le jargon d
4389 ive. Ce que l’on appelle hérédité, dans le jargon de notre siècle, ce que l’Église appelle péché originel, cela désigne la
4390 dessous de nos morales, ce n’est pas nous libérer de leurs interdictions, descendre au-dessous de l’expression créée et ré
4391 t pas revenir au réel, mais s’égarer dans la zone de terreur et dans les terrains vagues où se sont déversés tous les rebu
4392 rrains vagues où se sont déversés tous les rebuts d’ une civilisation intoxiquée. L’« authentique » dont le désir nous obsè
4393 pourrons pas le retrouver. Il n’est pas au terme d’ un mouvement d’abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la ch
4394 e retrouver. Il n’est pas au terme d’un mouvement d’ abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’est p
4395 d’abandon à l’instinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’être recréé pa
4396 r à la sobriété. Agir, ce n’est pas s’évader hors d’ un monde déclaré diabolique. Ce n’est pas tuer ce corps gênant. Mais c
4397 conditions qui nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus e
4398 nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus en détruisant ma
4399 flit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter de les surmonter non plus en détruisant mais en mariant les deux puissan
4400 nces antagonistes. Que l’esprit vienne au secours de la chair et retrouve en elle son appui, et que la chair se soumette à
4401 tel, Éros vital — l’un appelle l’autre, et chacun d’ eux n’a pour fin véritable et pour terminaison réelle que l’autre, qu’
4402 ait détruire ! À l’infini, jusqu’à la consomption de toute vie et de tout esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se p
4403 l’infini, jusqu’à la consomption de toute vie et de tout esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se prend pour son di
4404 e prend pour son dieu. Voilà le mouvement dernier de la passion, dont l’exaspération s’appelle la guerre. 21.La passion
4405 passion dans tous les domaines Le mythe sacré de l’amour courtois, au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’o
4406 , au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’ ordonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une
4407 cle, avait eu pour fonction sociale d’ordonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une mystique trans
4408 rdonner et de purifier les puissances anarchiques de la passion. Une mystique transcendante orientait secrètement, polaris
4409 ètement, polarisait vers l’au-delà les nostalgies de l’humanité souffrante. C’était sans doute une hérésie, mais pacifique
4410 oute une hérésie, mais pacifique, et par certains de ses aspects, très favorable à l’équilibre civilisateur. Cependant, du
4411 du seul fait qu’elle s’opposait à la propagation de l’espèce et à la guerre, la société devait la persécuter. Ce fut Rome
4412 ée, l’hérésie ne devait pas tarder à se dénaturer de mille manières. Les confusions qu’elle favorisait malgré elle, cette
4413 ’elle favorisait malgré elle, cette glorification de l’amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une am
4414 lorification de l’amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté à la fois essentielle et oppo
4415 ain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’ une ambiguïté à la fois essentielle et opportune, qui permettait tous
4416 bus, c’est cela qui allait échapper aux tribunaux de l’Inquisition, puis envahir la conscience européenne, même orthodoxe,
4417 ence européenne, même orthodoxe, et par une sorte d’ ironie, donner sa rhétorique passionnelle au mysticisme des plus grand
4418 squ’il n’avait pu se traduire que dans les termes de l’amour humain, bien qu’entendus au sens mystique. Ce sens évanoui re
4419 plus en plus mystérieux, apte à séduire le besoin d’ idéal qu’avait laissé dans la conscience une connaissance mystique rép
4420 tique réprouvée, puis perdue. Telle fut la chance de la littérature en Occident ; et cela seul peut expliquer l’empire, un
4421 r les masses. Toutefois, le classicisme s’efforça d’ imposer tout au moins une forme d’art à ces puissances obscures privée
4422 cisme s’efforça d’imposer tout au moins une forme d’ art à ces puissances obscures privées de leur forme sacrée. C’est à ce
4423 une forme d’art à ces puissances obscures privées de leur forme sacrée. C’est à ces vestiges de rites que s’attaqua le rom
4424 rivées de leur forme sacrée. C’est à ces vestiges de rites que s’attaqua le romantisme. D’où la violente exaltation, dès l
4425 es vestiges de rites que s’attaqua le romantisme. D’ où la violente exaltation, dès la fin du xviiie siècle, de tout ce qu
4426 iolente exaltation, dès la fin du xviiie siècle, de tout ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan, puis
4427 ut ce qu’avaient voulu contenir le mythe originel de Tristan, puis ses substituts littéraires. Le xixe siècle bourgeois v
4428 répandre dans la conscience profane l’« instinct de mort » longtemps refoulé dans l’inconscient ou canalisé dès sa source
4429 ce par un art aristocratique. Et quand les cadres de la société vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’un tout aut
4430 es de la société vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’un tout autre ordre d’ailleurs — le contenu du mythe inond
4431 iété vinrent à craquer — sous l’effet de poussées d’ un tout autre ordre d’ailleurs — le contenu du mythe inonda notre vie
4432 s plus ce que signifiait cette diffuse exaltation de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une
4433 on de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaissance des forces dionysiaques persécutée
4434 sme. Toute la littérature moderne entonna l’hymne de la « libération ». Mais d’où lui vient alors ce ton de désespoir ? Co
4435 oderne entonna l’hymne de la « libération ». Mais d’ où lui vient alors ce ton de désespoir ? Comment se fait-il que le rom
4436 « libération ». Mais d’où lui vient alors ce ton de désespoir ? Comment se fait-il que le roman qui triompha pendant tren
4437 qui triompha pendant trente ans, au xxe siècle, de toutes les autres formes littéraires, aboutisse à cette analyse maréc
4438 ittéraires, aboutisse à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous
4439 isse à cette analyse marécageuse de nos doutes et de notre vide ? Que signifie cette libération qui nous laisse tellement
4440 virulence provisoire qu’en se mettant au service de mystiques partisanes ? Serait-ce la fin du romantisme ? Le spectacle
4441 s ? Serait-ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas cette conclusion. Car la crise actuelle du m
4442 nt que l’on voudra, mais tout de même le triomphe d’ une passion profanée. Mais bien au-delà du mariage et du domaine de la
4443 fanée. Mais bien au-delà du mariage et du domaine de la sexualité proprement dite, le contenu du mythe et ses fantômes env
4444 iques ». C’est que nous sommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de distinguer leur natur
4445 ommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ ordonner nos désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’imposer
4446 s de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’imposer une mesure à leurs diva
4447 os désirs, de distinguer leur nature et leur fin, d’ imposer une mesure à leurs divagations — de les exprimer en figures. L
4448 r fin, d’imposer une mesure à leurs divagations —  de les exprimer en figures. Les dernières formes de l’amour ont été bala
4449  de les exprimer en figures. Les dernières formes de l’amour ont été balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemp
4450 sur cet exemple symbolique : nous ne faisons plus de « déclarations d’amour » dans le même temps que nous admettons la gue
4451 mbolique : nous ne faisons plus de « déclarations d’ amour » dans le même temps que nous admettons la guerre sans « déclara
4452  sa conversion en rhétorique, puis la dissolution de cette rhétorique et la totale vulgarisation de son contenu, l’on peut
4453 on de cette rhétorique et la totale vulgarisation de son contenu, l’on peut en suivre les étapes dans un domaine en appare
4454 x que nous venons de parcourir : dans l’évolution de la guerre et de ses méthodes en Occident. 124. Je rappelle que j’e
4455 s de parcourir : dans l’évolution de la guerre et de ses méthodes en Occident. 124. Je rappelle que j’emploie toujours
4456 elle que j’emploie toujours ce mot au double sens de sacrilège et de laïcisation (ou « sécularisation ») — pour ne pas rec
4457 ie toujours ce mot au double sens de sacrilège et de laïcisation (ou « sécularisation ») — pour ne pas recourir à « profan
4458 isté, et Dante l’a certainement aimée. C’est donc d’ une sublimation qu’il s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez
4459 c d’une sublimation qu’il s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez de nombreux troubadours. Béatrice deviendra succ
4460 l s’agit ici, à l’inverse de ce qui se passe chez de nombreux troubadours. Béatrice deviendra successivement la Philosophi
4461 . Sainte Thérèse : « Ces grâces sont accompagnées d’ un entier détachement des créatures, quant à l’esprit… On se sent alor
4462 n se sent alors beaucoup plus étranger aux choses de la terre » et passim ! 130. Il connaissait le roman et le cite plusi
4463 cite plusieurs fois. Par exemple dans le Triomphe de l’amour : « Voici ceux qui remplissent de rêverie les livres — Trista
4464 riomphe de l’amour : « Voici ceux qui remplissent de rêverie les livres — Tristan et Lancelot et les autres errants — auxq
4465 supplice, elle voudrait y passer ce qui lui reste de vie. » 133. Saint Jean de la Croix : « Ô brûlure suave ! » et tout
4466 ix : « Ô brûlure suave ! » et tout le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’amour (II, 1). 134. Sainte Thérèse : «
4467 out le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’ amour (II, 1). 134. Sainte Thérèse : « De ce désir qui en un instant
4468 flamme d’amour (II, 1). 134. Sainte Thérèse : «  De ce désir qui en un instant pénètre l’âme entière naît une douleur qui
4469 ière naît une douleur qui la transporte au-dessus d’ elle-même et de tout le créé. Elle n’aspire qu’à mourir dans cette sol
4470 ouleur qui la transporte au-dessus d’elle-même et de tout le créé. Elle n’aspire qu’à mourir dans cette solitude. Qu’on lu
4471 Sainte Thérèse : « Quelle souveraineté que celle d’ une âme qui, portée à cette hauteur par Dieu lui-même, considère toute
4472 u xiiie siècle. 138. Voir la Croisade du Graal, d’ Otto Rahn, pour l’idée ou l’intuition, et Tristan de Gottfried Weber,
4473 d Weber, pour la démonstration dans le cas précis de Gottfried de Strasbourg. 139. Nous avons déjà relevé l’influence de
4474 asbourg. 139. Nous avons déjà relevé l’influence de cette littérature sur sainte Thérèse et les mystiques espagnols en gé
4475 ystiques espagnols en général. 140. La Tragédie de Roméo et Juliette, traduction P.-J. Jouve et G. Pitoëff. 141. Floris
4476 à Samson Agonistes.) 142. Charles Sorel, auteur de Francion, avait écrit l’Anti-Roman ou le Berger extravagant, reprenan
4477 éaliste », toutes les situations conventionnelles de l’Astrée. De même, Scarron, etc. 143. « Titus, qui aimait passionném
4478 et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome malgré lui et malgré elle, dès les prem
4479 royait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire.
4480 malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » (Suétone, traduit par Racine, préface de Bérénice). 14
4481 n empire. » (Suétone, traduit par Racine, préface de Bérénice). 144. Hippolyte parlant d’Aricie, acte Ier, scène 1 : « Do
4482 ne, préface de Bérénice). 144. Hippolyte parlant d’ Aricie, acte Ier, scène 1 : « Dois-je épouser ses droits contre un pèr
4483 nnais donc Phèdre et toute sa fureur… » et l’aveu de Thésée, au cinquième acte. 146. Nouvelle vérification de ce que nous
4484 e, au cinquième acte. 146. Nouvelle vérification de ce que nous disions à propos d’Eckhart : la mystique unitive ignore l
4485 Juan repris dans Comme toi-même , 1961. (Édition de poche : Les Mythes de l’amour, 1967.) 148. Celui de Mozart plutôt qu
4486 e toi-même , 1961. (Édition de poche : Les Mythes de l’amour, 1967.) 148. Celui de Mozart plutôt que celui de Molière, be
4487 poche : Les Mythes de l’amour, 1967.) 148. Celui de Mozart plutôt que celui de Molière, beaucoup moins significatif à mon
4488 ur, 1967.) 148. Celui de Mozart plutôt que celui de Molière, beaucoup moins significatif à mon avis, et qui d’ailleurs n’
4489 bé de Sade, propre oncle du marquis, est l’auteur d’ un ouvrage intitulé : Remarques sur les premiers poètes français et le
4490 s premiers poètes français et les troubadours, et de trois volumes (anonymes) de mémoires sur Pétrarque. 150. « On a de S
4491 t les troubadours, et de trois volumes (anonymes) de mémoires sur Pétrarque. 150. « On a de Sade : Juliette ou les malheu
4492 anonymes) de mémoires sur Pétrarque. 150. « On a de Sade : Juliette ou les malheurs de la vertu (1791), puis Justine ou l
4493 . 150. « On a de Sade : Juliette ou les malheurs de la vertu (1791), puis Justine ou les prospérités du vice. C’est le co
4494 ctement (donc en psychanalyse, le contraire aussi de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fort
4495 yse, le contraire aussi de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A.
4496 i de ce contraire, et ainsi de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A. Cingria, Pétrarque.)
4497 de suite) des Remèdes de l’une et l’autre fortune de Pétrarque. » (C.-A. Cingria, Pétrarque.) 151. Voir Appendice 13. 1
4498 Appendice 13. 152. Rappelons que l’amour fameux d’ Abélard et Héloïse est le premier exemple historique de la passion don
4499 lard et Héloïse est le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Voici le Chant funèbre d’Héloïse co
4500 ion dont nous parlons ici. Voici le Chant funèbre d’ Héloïse composé (par elle-même ?) en vers latins (cité par Rémusat : A
4501 : Abélard, t. I). L’amante supplie : Soulage-moi de ma croix, Conduis vers la lumière Mon âme délivrée ! Et le chœur des
4502 œur des religieuses reprend : Qu’ils se reposent de leur labeur Et de leur douloureux amour ! Ils demandaient l’union des
4503 s reprend : Qu’ils se reposent de leur labeur Et de leur douloureux amour ! Ils demandaient l’union des habitants des cie
4504 hérétique, se rapproche sur des points essentiels de la doctrine spiritualiste des cathares. Et dans ses Lamentations, il
4505 il laisse échapper le grand cri du romantisme et de Tristan : « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 153. Est-ce la f
4506 eau ? Ou plutôt au symbolisme ? Beaucoup de dames d’ aujourd’hui croient que « mystique » signifie sentimental. Vitraux, pé
4507 tal. Vitraux, pénombre bleue, arpèges, somnolence de l’esprit, rêverie des sens… 154. W. Schlegel commença en 1808 une ré
4508 chlegel commença en 1808 une rédaction modernisée de Tristan. Puis Rückert, Immermann, Platen, bien d’autres, esquissèrent
4509 issèrent des Tristan (poèmes et drames). Le poème de Platen débute ainsi : « Celui dont les yeux ont une fois contemplé la
4510 re Saisons, devait représenter les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui est l’éclairage illimité de l’univers ; le j
4511 l’esprit : le matin, qui est l’éclairage illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la créature ; le soir, négati
4512 illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la créature ; le soir, négation illimitée de l’existence à l’origine
4513 itée de la créature ; le soir, négation illimitée de l’existence à l’origine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée
4514 ir, négation illimitée de l’existence à l’origine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu,
4515 gine de l’univers ; la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu, existence absolue. (Cf. Ricarda Huch, Les Ro
4516 la nuit, profondeur illimitée de la connaissance de Dieu, existence absolue. (Cf. Ricarda Huch, Les Romantiques allemands
4517 dre un siècle pour en voir un : Bergson, disciple de Schelling. 159. Voir le Journal de Novalis, et le portrait qu’il don
4518 son, disciple de Schelling. 159. Voir le Journal de Novalis, et le portrait qu’il donne de sa fiancée perdue, Sophie von
4519 le Journal de Novalis, et le portrait qu’il donne de sa fiancée perdue, Sophie von Kühn, morte à 16 ans. Il note « ses pla
4520 s du vin ». Le Français hausse les épaules devant de tels enfantillages. 160. On lit dans le Cantique des Cantiques : « L
4521 s en scène s’obstinent à conserver (la décoration de la tente au premier acte, le lierre peint sur les murailles du burg a
4522 ques, et non pas cette interminable gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… No
4523 gesticulation de Tristan essoufflé sur sa couche, d’ Isolde entravée par ses voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvel
4524 sa couche, d’Isolde entravée par ses voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wiel
4525 voiles… Note de 1954 : la mise en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’ex
4526 se en scène nouvelle de Tristan à Bayreuth, œuvre de Wieland Wagner, comble les vœux que j’exprimais dans la première édit
4527 les vœux que j’exprimais dans la première édition de ce livre ; elle permet d’assister les yeux ouverts au deuxième acte.
4528 ans la première édition de ce livre ; elle permet d’ assister les yeux ouverts au deuxième acte. 165. Gwyon (d’où guyon :
4529 les yeux ouverts au deuxième acte. 165. Gwyon ( d’ où guyon : guide, en vieux français) c’est le Führer qui détient les s
4530 français) c’est le Führer qui détient les secrets d’ initiation à la voie divinisante. 166. Scène d’un roman de Caldwell i
4531 s d’initiation à la voie divinisante. 166. Scène d’ un roman de Caldwell intitulé la Route au tabac. 167. On connaît la p
4532 ion à la voie divinisante. 166. Scène d’un roman de Caldwell intitulé la Route au tabac. 167. On connaît la phrase d’un
4533 ulé la Route au tabac. 167. On connaît la phrase d’ un officier hitlérien : « Chaque fois que j’entends prononcer le mot “
7 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre V. Amour et guerre
4534 ommes tributaires — inconsciemment bien entendu — d’ un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé
4535 res — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé les symboles.
4536 ciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et de coutumes dont la mystique courtoise a créé les symboles. Or passion s
4537 les. Or passion signifie souffrance. Notre notion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc
4538 tion de l’amour, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc liée à une notion de la souffrance féconde q
4539 ons de la femme, se trouve donc liée à une notion de la souffrance féconde qui flatte ou légitime obscurément, au plus sec
4540 ui flatte ou légitime obscurément, au plus secret de la conscience occidentale, le goût de la guerre. Cette liaison singul
4541 plus secret de la conscience occidentale, le goût de la guerre. Cette liaison singulière d’une certaine idée de la femme e
4542 e, le goût de la guerre. Cette liaison singulière d’ une certaine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerr
4543 rre. Cette liaison singulière d’une certaine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerre, en Occident, entr
4544 son singulière d’une certaine idée de la femme et d’ une idée correspondante de la guerre, en Occident, entraîne de profond
4545 ine idée de la femme et d’une idée correspondante de la guerre, en Occident, entraîne de profondes conséquences pour la mo
4546 orrespondante de la guerre, en Occident, entraîne de profondes conséquences pour la morale, l’éducation, la politique. Un
4547 n, la politique. Un fort gros livre ne serait pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre soit
4548 rit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche. Car en effet, pour la mener à bien, il s’agirait de posséde
4549 Car en effet, pour la mener à bien, il s’agirait de posséder à fond la matière rapidement explorée dans les pages qui pré
4550 ntreprises depuis le xixe siècle sur la question de l’« instinct combatif » dans ses relations avec l’instinct sexuel168.
4551 ns ses relations avec l’instinct sexuel168. Faute de quoi, je me bornerai à soulever un certain nombre de questions, et su
4552 quoi, je me bornerai à soulever un certain nombre de questions, et surtout à les situer dans la logique du mythe, qui est
4553 ins trompeur. Il n’est pas nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour constater que l’instinct de guerr
4554 s nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour constater que l’instinct de guerre et l’érotisme sont fond
4555 x théories de Freud pour constater que l’instinct de guerre et l’érotisme sont fondamentalement liés : les figures courant
4556 gures courantes du langage le font voir avec plus d’ évidence. Laissant donc de côté les hypothèses multiples et changeante
4557 le font voir avec plus d’évidence. Laissant donc de côté les hypothèses multiples et changeantes relatives à la genèse de
4558 à quelques rapprochements formels entre les arts d’ aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos ét
4559 rapprochements formels entre les arts d’aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplem
4560 le jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplement de marquer un parallélisme entre l’évolution du mythe et l’évolution de
4561 lélisme entre l’évolution du mythe et l’évolution de la guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’a
4562 ’évolution de la guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour
4563 a guerre, sans préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiqu
4564 ns préjuger d’ailleurs de la priorité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiquité, les poè
4565 ité de l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’amour Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrièr
4566 de l’amour Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrières pour décrire les effets de l’amour naturel. Le
4567 de métaphores guerrières pour décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’amour est un archer qui décoche des flèche
4568 ur décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’ amour est un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se ren
4569 ert parce qu’il est le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’une femme. Et l’un des plus an
4570 il est le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’une femme. Et l’un des plus anciens romans
4571 . L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’ une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous possédions, le Thé
4572 ’Héliodore (iiie siècle) parle déjà des « luttes d’ amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les
4573 iie siècle) parle déjà des « luttes d’amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les traits inévit
4574  luttes d’amour » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les traits inévitables d’Éros ». Plutarque fai
4575 de celui « qui tombe sous les traits inévitables d’ Éros ». Plutarque fait voir que la morale sexuelle des Spartiates s’or
4576 des Spartiates s’ordonnait au rendement militaire de ce peuple. L’eugénisme de Lycurgue, et ses lois minutieuses réglant l
4577 au rendement militaire de ce peuple. L’eugénisme de Lycurgue, et ses lois minutieuses réglant les relations des époux, n’
4578 inutieuses réglant les relations des époux, n’ont d’ autre but que d’augmenter l’agressivité des soldats. Tout cela confirm
4579 nt les relations des époux, n’ont d’autre but que d’ augmenter l’agressivité des soldats. Tout cela confirme la liaison nat
4580 la liaison naturelle, c’est-à-dire physiologique, de l’instinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de c
4581 est-à-dire physiologique, de l’instinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de chercher des ressemblance
4582 el et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de chercher des ressemblances entre la tactique des Anciens et leur conc
4583 entre la tactique des Anciens et leur conception de l’amour. Les deux domaines restent soumis à des lois tout à fait dist
4584 mis à des lois tout à fait distinctes, et privées de commune mesure. Il n’en va plus de même dans notre histoire à partir
4585 les. On voit alors le langage amoureux s’enrichir de tournures qui ne désignent plus seulement les gestes élémentaires du
4586 lémentaires du guerrier, mais qui sont empruntées d’ une façon très précise à l’art des batailles, à la tactique militaire
4587 se à l’art des batailles, à la tactique militaire de l’époque. Il ne s’agit plus, désormais, d’une origine commune plus ou
4588 itaire de l’époque. Il ne s’agit plus, désormais, d’ une origine commune plus ou moins obscurément ressentie, mais bien d’u
4589 ne plus ou moins obscurément ressentie, mais bien d’ un minutieux parallélisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre
4590 ’un minutieux parallélisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre d’amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près,
4591 lisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre d’ amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près, il la poursuit, il c
4592 livre d’amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près, il la poursuit, il cherche à vaincre les dernières défenses de
4593 suit, il cherche à vaincre les dernières défenses de sa pudeur, et à les tourner par surprise ; enfin la dame se rend à me
4594 is alors, par une curieuse inversion bien typique de la courtoisie, c’est l’amant qui sera son prisonnier en même temps qu
4595 e temps que son vainqueur. Il deviendra le vassal de cette suzeraine, selon la règle des guerres féodales, tout comme si c
4596 te 169. Il ne lui reste plus qu’à faire la preuve de sa vaillance, etc. Tout ceci pour le beau langage. Mais l’argot solda
4597 oldatesque et civil nous fournirait une profusion d’ exemples d’une verdeur encore plus significative. Et plus tard, l’intr
4598 et civil nous fournirait une profusion d’exemples d’ une verdeur encore plus significative. Et plus tard, l’introduction de
4599 introduction des armes à feu devait donner lieu à d’ innombrables plaisanteries à double sens. Ce parallélisme d’ailleurs e
4600 amment exploité par les écrivains. C’est un thème de rhétorique inépuisable. « Ô ! trop heureux capitaine, écrit Brantôme1
4601 écrit Brantôme170, qui avez combattu et tué tant d’ hommes ennemis de Dieu dans les armées et dans les villes ! Ô ! trop h
4602 0, qui avez combattu et tué tant d’hommes ennemis de Dieu dans les armées et dans les villes ! Ô ! trop heureux encore une
4603 vez combattu et vaincu à tant d’autres assauts et de reprises une si belle Dame entre les pavillons de votre lit ! » Il ne
4604 de reprises une si belle Dame entre les pavillons de votre lit ! » Il ne faudra pas s’étonner si les auteurs mystiques rep
4605 on le processus décrit plus haut, dans le domaine de l’amour divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérès
4606 mour divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérèse les plus imbus de rhétorique courtoise) écrit dans son
4607 l’un des maîtres de sainte Thérèse les plus imbus de rhétorique courtoise) écrit dans son Ley de Amor : « Ne pense pas que
4608 ns son Ley de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’amour soit comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’u
4609 me les autres batailles où la fureur et le fracas d’ une guerre épouvantable sévit des deux côtés, car l’amour ne combat qu
4610 bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande efficacité. Les soupirs composent son artillerie. Sa prise de
4611 é. Les soupirs composent son artillerie. Sa prise de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l
4612 de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise tr
4613 urtoise traduit, à l’origine, la lutte du Jour et de la Nuit. La mort y joue un rôle central : elle est la défaite du mond
4614 ral : elle est la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l
4615 , ni cette complicité physiologique des instincts de combat et de procréation ne suffisent à déterminer l’usage précis des
4616 mplicité physiologique des instincts de combat et de procréation ne suffisent à déterminer l’usage précis des expressions
4617 pressions guerrières dans la littérature érotique d’ Occident. Ce qui explique tout, c’est l’existence au Moyen Âge d’une r
4618 qui explique tout, c’est l’existence au Moyen Âge d’ une règle effectivement commune à l’art d’aimer et à l’art militaire,
4619 yen Âge d’une règle effectivement commune à l’art d’ aimer et à l’art militaire, et qui s’appelle la chevalerie. 3.La ch
4620 s’appelle la chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’amour et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est,
4621 chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’amour et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est, selon J. Huizi
4622 elle est, selon J. Huizinga, l’aspiration suprême de la société médiévale dans l’ordre éthique. « C’est une nécessité soci
4623 éthique. « C’est une nécessité sociale, un besoin d’ autant plus impérieux que les mœurs sont plus féroces. Il faut élever
4624 plus féroces. Il faut élever l’amour à la hauteur d’ un rite, la violence débordante de la passion l’exige. À moins que les
4625 ur à la hauteur d’un rite, la violence débordante de la passion l’exige. À moins que les émotions ne se laissent encadrer
4626 les, c’est la barbarie. L’Église avait pour tâche de réprimer la brutalité et la licence du peuple, mais elle n’y suffisai
4627 sait pas. L’aristocratie, en dehors des préceptes de la religion, avait sa culture à elle, à savoir la courtoisie, et elle
4628 avoir la courtoisie, et elle y puisait les normes de sa conduite. »171 (Nous savons en effet que la courtoisie non seuleme
4629 éviser bien des jugements sur l’unité spirituelle de la société médiévale !) Or s’il est vrai que cette morale courtoise n
4630 mœurs privées des hautes classes, qui demeuraient d’ « une rudesse étonnante », du moins joua-t-elle le rôle d’un idéal cr
4631 rudesse étonnante », du moins joua-t-elle le rôle d’ un idéal créateur de belles apparences. Elle triompha dans la littérat
4632 du moins joua-t-elle le rôle d’un idéal créateur de belles apparences. Elle triompha dans la littérature. Et par ailleurs
4633 ser à la réalité la plus violente du temps, celle de la guerre. Exemple unique d’un ars amandi, qui donne naissance à un a
4634 ente du temps, celle de la guerre. Exemple unique d’ un ars amandi, qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’est pas seu
4635 Ce n’est pas seulement dans le détail des règles de combat individuel que se fait sentir l’action de l’idéal chevaleresqu
4636 de combat individuel que se fait sentir l’action de l’idéal chevaleresque, mais dans la conduite même des batailles, et j
4637 malisme militaire revêt à cette époque une valeur d’ absolu religieux. Il est fréquent qu’on se laisse tuer pour respecter
4638 ’on se laisse tuer pour respecter des conventions d’ une merveilleuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile
4639 d’une merveilleuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile jurent que dans le combat ils ne reculeront jamai
4640 illeuse extravagance. « Les chevaliers de l’ordre de l’Étoile jurent que dans le combat ils ne reculeront jamais de plus d
4641 e dans le combat ils ne reculeront jamais de plus de quatre arpents ; sinon ils devront mourir ou se rendre. Et cette règl
4642 on en croit Froissart, coûta la vie, dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessit
4643 rt, coûta la vie, dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessités de la stratégie
4644 tre-vingts d’entre eux. » De même, les nécessités de la stratégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur
4645 cessités de la stratégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 1415, Henri V d’Angleterr
4646 tégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 1415, Henri V d’Angleterre va à la rencontre
4647 va à la rencontre des Français avant la bataille d’ Azincourt. Par erreur, le soir, il dépasse le village que les fourrage
4648 « comme celuy qui gardoit le plus les cérémonies d’ honneur très loable » vient justement d’ordonner que les chevaliers en
4649 érémonies d’honneur très loable » vient justement d’ ordonner que les chevaliers en reconnaissance abandonnent la cotte d’a
4650 chevaliers en reconnaissance abandonnent la cotte d’ armes afin de ne pas être, en revenant, obligés de reculer en vêtement
4651 d’armes afin de ne pas être, en revenant, obligés de reculer en vêtements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’arme
4652 eculer en vêtements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’armes, il ne peut donc revenir sur ses pas ; il passe la n
4653 tements guerriers. Maintenant, revêtu de sa cotte d’ armes, il ne peut donc revenir sur ses pas ; il passe la nuit dans l’e
4654 mément à ce nouveau plan. » Les exemples abondent de carnages inutiles provoqués par des vœux d’une folle outrecuidance et
4655 ndent de carnages inutiles provoqués par des vœux d’ une folle outrecuidance et que l’on tente d’accomplir au plus grand de
4656 vœux d’une folle outrecuidance et que l’on tente d’ accomplir au plus grand des périls possibles. C’est bien le péril qu’o
4657 es engagements. La casuistique courtoise en offre d’ excellents. Cette casuistique « ne régit pas seulement la morale et le
4658 nte sur le droit des gens à sa naissance. « Droit de butin, droit d’attaque — fidélité à la parole donnée sont régis par d
4659 des gens à sa naissance. « Droit de butin, droit d’ attaque — fidélité à la parole donnée sont régis par des règles sembla
4660 le tournoi et la chasse. » L’Arbre des Batailles d’ Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discu
4661 tailles d’Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à coups de textes bibliques
4662 guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à coups de textes bibliques et d’articles de droit canonique des questions de ce
4663 iscutées pêle-mêle à coups de textes bibliques et d’ articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd
4664 le-mêle à coups de textes bibliques et d’articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd dans la mê
4665 es et d’articles de droit canonique des questions de ce genre : « Si l’on perd dans la mêlée une armure empruntée, est-on
4666 d dans la mêlée une armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Va
4667 untée, est-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se battre après les
4668 ndre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se battre après les repas ou à jeun ? — Dans q
4669 pas ou à jeun ? — Dans quels cas peut-on s’évader de captivité ? » Dans un autre ouvrage, on voit deux capitaines se dispu
4670 iverselle basée sur l’union des rois, la conquête de Jérusalem et l’expulsion des Turcs. Idées chimériques mais dont l’emp
4671 . Idées chimériques mais dont l’empire ne cessera de s’exercer sur les princes jusqu’au xve siècle, en dépit des transfor
4672 usqu’au xve siècle, en dépit des transformations de tous ordres survenues entre-temps en Europe, et à l’encontre des inté
4673 i que se marque le mieux le caractère particulier de l’idéal courtois, radicalement contradictoire avec la « dure réalité 
4674 icalement contradictoire avec la « dure réalité » de l’époque : il représente un pôle d’attraction pour les aspirations sp
4675 ure réalité » de l’époque : il représente un pôle d’ attraction pour les aspirations spirituelles brimées. C’est une forme
4676 aspirations spirituelles brimées. C’est une forme d’ évasion romantique, en même temps qu’un frein aux instincts. Le formal
4677 u’un frein aux instincts. Le formalisme minutieux de la guerre s’oppose aux violences du sang féodal comme le culte de la
4678 ppose aux violences du sang féodal comme le culte de la chasteté, chez les troubadours, s’oppose à l’exaltation érotique d
4679 nsi dire l’une à côté de l’autre deux conceptions de la vie : la conception pieuse, ascétique, attire à elle tous les sent
4680 iable, se venge terriblement. Que l’un ou l’autre de ces penchants prédomine, nous avons le saint ou le pécheur ; mais en
4681 néral, ils se tiennent en équilibre instable avec d’ énormes écarts de la balance. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte
4682 nnent en équilibre instable avec d’énormes écarts de la balance. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte II est pourta
4683 parfaite des instincts érotiques et guerriers et de la règle courtoise idéale : c’est le terrain nettement circonscrit de
4684 e idéale : c’est le terrain nettement circonscrit de la lice où se jouent les tournois. Là, les fureurs du sang se donnent
4685 mais sous l’égide et dans les cadres symboliques d’ une cérémonie sacrale. C’est un équivalent sportif de la fonction myth
4686 ne cérémonie sacrale. C’est un équivalent sportif de la fonction mythique du Tristan telle que nous la définissions : expr
4687 nt, de manière à la rendre acceptable au jugement de la société. Le tournoi « joue » le mythe, physiquement : — « Les tran
4688 oue » le mythe, physiquement : — « Les transports de l’amour romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous form
4689 ation dramatique et le sport. Celui-ci est, au e, de beaucoup le plus important. Le drame ne traitait encore, en général,
4690 haut point et contenait, en outre, une forte dose d’ érotisme. Partout et toujours, le sport a associé ces deux facteurs :
4691 que retournés à la simplicité grecque, le tournoi de la fin du Moyen Âge, avec ses riches ornements et sa mise en scène, p
4692 ne me paraît plus propre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut
4693 propre à restituer l’atmosphère de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuv
4694 de rêve du Roman de Tristan que les descriptions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de Chastellain et les mémoir
4695 tions de tournois qu’on peut lire dans les œuvres de Chastellain et les mémoires d’Olivier de la Marche, tous deux histori
4696 re dans les œuvres de Chastellain et les mémoires d’ Olivier de la Marche, tous deux historiographes du fastueux et chevale
4697 istoriographes du fastueux et chevaleresque duché de Bourgogne au xve siècle. L’amour et la mort s’y marient dans un pays
4698 marient dans un paysage artificiel et symbolique de très haute mélancolie. « L’héroïsme par amour — voilà le motif romane
4699 mation immédiate du désir sensuel en un sacrifice de soi-même qui semble faire partie du domaine de l’éthique… L’expressio
4700 ce de soi-même qui semble faire partie du domaine de l’éthique… L’expression et la satisfaction du désir, qui paraissent t
4701 complissement du désir, et la délivrance est donc de toute manière assurée. » La mise en scène des tournois emprunte ses i
4702 scène des tournois emprunte ses idées aux romans de la Table ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’Armes dit de la Fonta
4703 de la Table ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’ Armes dit de la Fontaine des Pleurs est basé sur une aventure romanesq
4704 ronde. Ainsi, au xve siècle, le Pas d’Armes dit de la Fontaine des Pleurs est basé sur une aventure romanesque imaginair
4705 conditions décrites par les « chapitres » du pas d’ armes. C’est à cheval qu’il faut toucher les boucliers : les chevalier
4706 er à la pèlerine » ; parfois il apparaît en héros de roman et s’appelle le chevalier au cygne ou porte les armes de Lancel
4707 ’appelle le chevalier au cygne ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mé
4708 hevalier au cygne ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est
4709 gne ou porte les armes de Lancelot, de Tristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu sur to
4710 ristan ou de Palamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu sur toute l’action ; le nom de la Fontaine des
4711 élancolie est répandu sur toute l’action ; le nom de la Fontaine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus sont blancs
4712 if. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés de larmes blanches ; on les touche par pitié pour la « Dame des pleurs »
4713 emprise du Dragon, célébré à l’occasion du départ de sa fille Marguerite devenue reine d’Angleterre, le roi René apparaît
4714 apparaît en noir, sur un cheval noir caparaçonné de noir, avec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’argent… Po
4715 paraçonné de noir, avec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus sont no
4716 vec une lance noire et un écu de sable aux larmes d’ argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus sont noirs et violets aux l
4717 rnoi apparaît encore dans la coutume du chevalier de porter le voile ou une pièce du vêtement de sa dame, qu’il lui remet
4718 alier de porter le voile ou une pièce du vêtement de sa dame, qu’il lui remet parfois, après le combat, tout maculé de son
4719 l lui remet parfois, après le combat, tout maculé de son sang. (Ainsi fait Lancelot dans les romans de la Table ronde.) « 
4720 de son sang. (Ainsi fait Lancelot dans les romans de la Table ronde.) « L’atmosphère de passion qui entourait les tournois
4721 ans les romans de la Table ronde.) « L’atmosphère de passion qui entourait les tournois explique l’hostilité de l’Église p
4722 n qui entourait les tournois explique l’hostilité de l’Église pour ces sports. Ceux-ci provoquaient parfois d’éclatants ad
4723 ise pour ces sports. Ceux-ci provoquaient parfois d’ éclatants adultères, comme le témoigne, à propos du tournoi de 1389, l
4724 adultères, comme le témoigne, à propos du tournoi de 1389, le Religieux de Saint-Denis et, sur la foi de celui-ci, Jean Ju
4725 moigne, à propos du tournoi de 1389, le Religieux de Saint-Denis et, sur la foi de celui-ci, Jean Juvénal des Ursins. » ⁂
4726 1389, le Religieux de Saint-Denis et, sur la foi de celui-ci, Jean Juvénal des Ursins. » ⁂ Cependant, la grande vogue des
4727 endant, la grande vogue des tournois est l’indice d’ un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le début du xve si
4728 rande vogue des tournois est l’indice d’un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le début du xve siècle (batail
4729 i se heurte dès le début du xve siècle (bataille d’ Azincourt) à des réalités de plus en plus brutales et matérielles qui
4730 la guerre, aux xive et xve siècles, était faite d’ approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « vers l’an
4731 t xve siècles, était faite d’approches furtives, d’ incursions et de raids. » Cependant « vers l’an 1400 encore, les cimie
4732 était faite d’approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « vers l’an 1400 encore, les cimiers et les blason
4733 cimiers et les blasons, les bannières et les cris de guerre conservent aux combats un caractère individuel et l’apparence
4734 ux combats un caractère individuel et l’apparence d’ un noble sport ». Mais dans le courant du xve siècle, l’on se met à c
4735 les lansquenets introduisent l’usage du tambour, d’ origine orientale. « Avec son effet hypnotique et inharmonieux, le tam
4736 le tambour symbolise la transition entre l’époque de la chevalerie et celle de l’art militaire moderne ; il est un élément
4737 ansition entre l’époque de la chevalerie et celle de l’art militaire moderne ; il est un élément dans la mécanisation de l
4738 moderne ; il est un élément dans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce sera porté à la chevalerie par l’
4739 ans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce sera porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « E
4740 grâce sera porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’est-ce pas une ironie du sort qui fit que cette
4741 que cette fleur des chevaliers errants à la mode de Bourgogne, Jacques de Lalaing, fut tué par un boulet de canon ? » ⁂ I
4742 rgogne, Jacques de Lalaing, fut tué par un boulet de canon ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conventions de la guerre
4743 ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conventions de la guerre et de l’amour courtois ont marqué les coutumes occidentales
4744 ste pas moins que les conventions de la guerre et de l’amour courtois ont marqué les coutumes occidentales d’une empreinte
4745 our courtois ont marqué les coutumes occidentales d’ une empreinte qui ne s’effacera guère qu’au xxe siècle. L’idée de val
4746 qui ne s’effacera guère qu’au xxe siècle. L’idée de valeur individuelle, ou d’exploit guerrier, représentée par le duel e
4747 au xxe siècle. L’idée de valeur individuelle, ou d’ exploit guerrier, représentée par le duel et la « prouesse » (tournoi,
4748 at singulier des deux chefs en présence) ; l’idée de régler les batailles d’après un protocole quasi sacral ; la conceptio
4749 protocole quasi sacral ; la conception ascétique de la vie militaire (jeûnes prolongés avant l’épreuve des armes) ; les c
4750 l’épreuve des armes) ; les conventions permettant de déterminer le vainqueur (c’est par exemple celui qui passe la nuit su
4751 rotiques et militaires — tout cela ne cessera pas de déterminer les modes de guerroyer à travers les siècles suivants. Si
4752  tout cela ne cessera pas de déterminer les modes de guerroyer à travers les siècles suivants. Si bien que l’on pourra con
4753 omme relatif à un changement dans les conceptions de l’amour, ou inversement. 5.Condottieri et canons « L’Italie n’a
4754 s ; riche, bien peuplée et ne reconnaissant point de domination étrangère, elle tirait encore un nouveau lustre de la magn
4755 n étrangère, elle tirait encore un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand
4756 irait encore un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes cé
4757 un nouveau lustre de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de
4758 e de la magnificence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Si
4759 ficence de plusieurs de ses Princes, de la beauté d’ un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Rel
4760 rs de ses Princes, de la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Religion. Les Science
4761 la beauté d’un grand nombre de villes célèbres et de la majesté du Siège de la Religion. Les Sciences et les Arts fleuriss
4762 Arts fleurissaient dans son sein, elle possédait de grands hommes d’État, et même d’excellents capitaines pour ce temps-l
4763 , elle possédait de grands hommes d’État, et même d’ excellents capitaines pour ce temps-là. »173 Ces capitaines, c’étaien
4764 es capitaines, c’étaient les condottieri. Soldats de métier au service des Princes et des papes, ils avaient pour coutume
4765 et des papes, ils avaient pour coutume bien moins de faire la guerre que d’empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers
4766 nt pour coutume bien moins de faire la guerre que d’ empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers étaient avant tout d’a
4767 tuât du monde. Ces aventuriers étaient avant tout d’ avisés diplomates, d’astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’un
4768 enturiers étaient avant tout d’avisés diplomates, d’ astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’un soldat. Leur tactique
4769 es, d’astucieux commerçants. Ils savaient le prix d’ un soldat. Leur tactique consistait essentiellement à faire des prison
4770 réussite — ils parvenaient à battre l’adversaire d’ une manière vraiment radicale : ils détruisaient l’ensemble de ses for
4771 e vraiment radicale : ils détruisaient l’ensemble de ses forces en achetant d’un bloc son armée. Quand ils n’y arrivaient
4772 détruisaient l’ensemble de ses forces en achetant d’ un bloc son armée. Quand ils n’y arrivaient pas, il fallait se résoudr
4773 n danger : « On combat toujours à cheval, couvert d’ armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vai
4774 mbat toujours à cheval, couvert d’armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus et presque to
4775 propriétés ; tout ce qu’ils ont à craindre, c’est de payer une contribution. »174 Cet art de guerre exprimait dans son pl
4776 e, c’est de payer une contribution. »174 Cet art de guerre exprimait dans son plan — alors considéré comme inférieur — un
4777 une « civilisation » profonde, donc le contraire d’ une « militarisation ». L’État était devenu une œuvre d’art, selon l’e
4778 était devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre elle-même s’était civilisée dans toute la mesur
4779 mpagne. (Ce n’était plus d’ailleurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’une personnalité). On réprouvait l’usage d
4780 illeurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’ une personnalité). On réprouvait l’usage des armes à feu comme contrai
4781 sage des armes à feu comme contraire à la dignité de l’individu. (Le condottiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’
4782 ondottiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’ un de ses adversaires parce que le misérable avait osé soutenir la lég
4783 tiere Paolo Vitelli fit même crever les yeux d’un de ses adversaires parce que le misérable avait osé soutenir la légitimi
4784 que le misérable avait osé soutenir la légitimité de l’emploi des canons.) Et comment concevait-on l’amour ? Burckhardt in
4785 que les mariages se concluaient sans drame, après de très courtes fiançailles, et que le droit du mari à la fidélité de l’
4786 iançailles, et que le droit du mari à la fidélité de l’épouse ne revêtait pas ce caractère absolu qu’il avait pris dans le
4787 il avait pris dans les pays nordiques. Les femmes de la haute société recevaient une éducation aussi complète que celle de
4788 ssi complète que celle des hommes, et jouissaient d’ une entière égalité morale, à l’inverse de ce qui se passait en France
4789 ssaient d’une entière égalité morale, à l’inverse de ce qui se passait en France et dans les Allemagnes. Si par ailleurs,
4790 et vénale dans la pratique, il en allait de même de l’amour. Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes
4791 llait de même de l’amour. Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes jouaient un rôle parfois considérab
4792 eur culture, récitant et faisant des vers, jouant d’ un instrument, tenant conversation. Cette paganisation de la vie sexue
4793 strument, tenant conversation. Cette paganisation de la vie sexuelle dénote un recul sensible des influences courtoises, u
4794 niste. La « courtoisie » prenait son sens moderne de politesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vi
4795 toisie » prenait son sens moderne de politesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vie. Et « l’instin
4796 olitesse et de civilité. Il n’était plus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait neutralisé. ⁂ C’
4797 lus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait neutralisé. ⁂ C’est sur cette Italie heureuse, immora
4798 ue176 qu’allaient se jeter les troupes françaises de Charles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoq
4799 s troupes françaises de Charles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoqua dans la péninsule une pani
4800 rles VIII. Le tonnerre de leurs trente-six canons de bronze provoqua dans la péninsule une panique de fin du monde. « Le p
4801 de bronze provoqua dans la péninsule une panique de fin du monde. « Le passage de ce prince en Italie, dit Guichardin, fu
4802 ninsule une panique de fin du monde. « Le passage de ce prince en Italie, dit Guichardin, fut la source d’une infinité de
4803 e prince en Italie, dit Guichardin, fut la source d’ une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à co
4804 lie, dit Guichardin, fut la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à coup de face, les
4805 ichardin, fut la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèrent tout à coup de face, les provinces
4806 les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L’Italie apprit aussi une nouvelle mais sanglante méthode de fa
4807 apprit aussi une nouvelle mais sanglante méthode de faire la guerre… qui troubla tellement la paix et l’harmonie de nos p
4808 erre… qui troubla tellement la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la
4809 onie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’ y rétablir l’ordre et la tranquillité. »177 Ce n’était pas que les It
4810 était pas que les Italiens eussent ignoré l’usage de l’artillerie jusqu’à cette date, mais ils la méprisaient, comme je l’
4811 i dit, et comme le prouvent encore les invectives de l’Arioste contre les armes à feu. Au surplus, « les Français avaient
4812 es pièces qu’ils appelaient canons étaient toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu’elles fai
4813 s les combats que dans les sièges… ». Autre sujet d’ effroi pour l’Italie : tandis que dans la milice des condottieri « la
4814 la milice des condottieri « la plupart des hommes d’ armes étaient ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours suje
4815 plupart des hommes d’armes étaient ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’un autre prince que celui
4816 s ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’ un autre prince que celui pour lequel ils faisaient la guerre », et n’
4817 et n’étaient donc animés « ni par aucun sentiment de gloire ni par aucun motif extérieur », l’armée française se présentai
4818 présentait comme une armée nationale : « Les gens d’ armes étaient presque tous sujets du Roi et gentilshommes » ce qui les
4819 ts du Roi et gentilshommes » ce qui les empêchait de « changer de maître par ambition ou par avarice ». On pressentit dès
4820 gentilshommes » ce qui les empêchait de « changer de maître par ambition ou par avarice ». On pressentit dès lors d’inévit
4821 ambition ou par avarice ». On pressentit dès lors d’ inévitables carnages. Et en effet au combat de Rapallo, tout au début
4822 ors d’inévitables carnages. Et en effet au combat de Rapallo, tout au début de la campagne, sur les 3000 hommes engagés, p
4823 . Et en effet au combat de Rapallo, tout au début de la campagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100 furent tués : «
4824 de la campagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100 furent tués : « Nombre considérable par rapport à la manière dont
4825 les Espagnols « chez lesquels peut-être un apport de sang non occidental, ou peut-être l’habitude des spectacles de l’Inqu
4826 ccidental, ou peut-être l’habitude des spectacles de l’Inquisition avaient déchaîné les instincts démoniaques ». Artilleri
4827 linées et uniformes. Évolution qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à mesure que l
4828 qui devait aboutir de nos jours à l’annihilation de toute passion guerrière, à mesure que les hommes desservant les machi
4829 êmes des machines, n’exécutant qu’un petit nombre de mouvements automatiques, destinés à donner la mort à grande distance,
4830 . 6.La guerre classique L’effort des hommes de guerre, aux xviie et xviiie siècles, sera de dominer le monstre méc
4831 es de guerre, aux xviie et xviiie siècles, sera de dominer le monstre mécanique, afin de sauver autant que possible le c
4832 de sauver autant que possible le caractère humain de la guerre. On ne peut pas renoncer aux inventions techniques, à l’art
4833 fications. Du moins va-t-on multiplier les règles de la tactique et de la stratégie, afin que l’intelligence, et la « vale
4834 s va-t-on multiplier les règles de la tactique et de la stratégie, afin que l’intelligence, et la « valeur » des chefs gar
4835 nt apparemment le premier rang parmi les facteurs de la lutte. La chevalerie représentait un effort pour donner un style à
4836 nserver et recréer ce style malgré l’intervention de facteurs inhumains. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de
4837 tyle malgré l’intervention de facteurs inhumains. D’ où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles.178 Avec
4838 e facteurs inhumains. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles.178 Avec Vauban, le siège d’une plac
4839 s. D’où le formalisme étonnant de l’art militaire de ces siècles.178 Avec Vauban, le siège d’une place forte devient une
4840 itaire de ces siècles.178 Avec Vauban, le siège d’ une place forte devient une sorte d’opération de l’esprit dont les pér
4841 ban, le siège d’une place forte devient une sorte d’ opération de l’esprit dont les péripéties se déroulent, on l’a bien di
4842 e d’une place forte devient une sorte d’opération de l’esprit dont les péripéties se déroulent, on l’a bien dit, comme les
4843 déroulent, on l’a bien dit, comme les cinq actes d’ une tragédie classique. « C’est alors que la guerre ressemble vraiment
4844 ors que la guerre ressemble vraiment à une partie d’ échecs. Lorsque après des manœuvres compliquées, un des adversaires a
4845 rtes — alors vient la grande bataille : du sommet de quelque coteau, où lui apparaît tout le terrain du combat, tout l’éch
4846 leur boîte ou les régiments dans leurs quartiers d’ hiver, et chacun va à ses petites affaires en attendant la partie ou l
4847 uivante. »179 Chaque fois que reparaît l’élément de jeu dans la guerre, on peut en déduire que la société et sa culture f
4848 t sa culture font un effort pour recréer le mythe de la passion, c’est-à-dire pour rendre à la puissance anarchique un cad
4849 à la puissance anarchique un cadre et des moyens d’ expression rituels. Et c’est bien ce qui se vérifie dans le cas du xvi
4850 viiie siècle.180 Mot étonnant, d’ailleurs repris de von der Goltz, dans un passage qu’il vaut la peine de citer : « L’err
4851 on der Goltz, dans un passage qu’il vaut la peine de citer : « L’erreur (des généraux « formalistes ») consistait à placer
4852 raux « formalistes ») consistait à placer l’objet de la guerre dans l’exécution de manœuvres finement combinées et non dan
4853 it à placer l’objet de la guerre dans l’exécution de manœuvres finement combinées et non dans l’anéantissement des forces
4854 combinées et non dans l’anéantissement des forces de l’adversaire. Le monde militaire est toujours tombé dans ces erreurs
4855 à abandonner la notion droite et simple des lois de la guerre, à spiritualiser la matière, en négligeant le sens naturel
4856 t peut-être excessif : il ne s’agissait guère que de rationaliser. Mais l’expression (méprisante !) est bien typique de la
4857 Mais l’expression (méprisante !) est bien typique de la psychologie qui apparaîtra dès la Révolution française — ce déchaî
4858 ue reprochent les stratèges modernes aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en
4859 s stratèges modernes aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins
4860 aux généraux de Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’ avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’hommes qu’ils pouv
4861 e Louis XIV et de Louis XV ? C’est d’avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’hommes qu’ils pouvaient. Or c’éta
4862 avoir essayé de faire la guerre en tuant le moins d’ hommes qu’ils pouvaient. Or c’était là le triomphe d’une civilisation
4863 ommes qu’ils pouvaient. Or c’était là le triomphe d’ une civilisation dont tout l’effort tendait à ordonner la Nature, la m
4864 Nature, la matière, et leurs fatalités, aux lois de la raison humaine et de l’intérêt personnel. Illusion si l’on veut, m
4865 leurs fatalités, aux lois de la raison humaine et de l’intérêt personnel. Illusion si l’on veut, mais sans laquelle nulle
4866 pouvait faire des tragédies sans crime. Le refus de trouver belles les catastrophes, voilà qui peut définir l’âge classiq
4867 d’ailleurs secrètement désirés ; mais la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utilise
4868 ètement désirés ; mais la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait mê
4869 la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à
4870 me est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à une diplomatie, art
4871 les canaliser et de les utiliser, on dirait même de les subordonner à une diplomatie, art de civils. Louis XIV déclare la
4872 ait même de les subordonner à une diplomatie, art de civils. Louis XIV déclare la guerre sous des prétextes juridiques et
4873 où l’honneur national n’a rien à voir. Querelles de gendre et de beau-père au sujet de la dot promise. Et c’est de même q
4874 national n’a rien à voir. Querelles de gendre et de beau-père au sujet de la dot promise. Et c’est de même que l’on « tra
4875 iècle est le plus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiqu
4876 lus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don Juan s
4877 parallèle de l’amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don Juan succède à Tristan, la volu
4878 re en même temps se « profanise » : aux Jugements de Dieu, à la chevalerie sacrée, bardée de fer, ascétique et sanglante,
4879 Jugements de Dieu, à la chevalerie sacrée, bardée de fer, ascétique et sanglante, succède une diplomatie retorse, une armé
4880 , libertins et bien décidés à sauver « la douceur de vivre ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multipl
4881 ur de vivre ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multiplient les récits de tueries inouïes ; la gloire
4882 s romans de la Table ronde multiplient les récits de tueries inouïes ; la gloire d’un chevalier est faite du nombre de ses
4883 iplient les récits de tueries inouïes ; la gloire d’ un chevalier est faite du nombre de ses adversaires pourfendus et déca
4884 es ; la gloire d’un chevalier est faite du nombre de ses adversaires pourfendus et décapités, et si possible tranchés en d
4885 dus et décapités, et si possible tranchés en deux de la tête au sexe d’un formidable coup d’épée. Les exagérations sauvage
4886 t si possible tranchés en deux de la tête au sexe d’ un formidable coup d’épée. Les exagérations sauvages de ces récits ne
4887 formidable coup d’épée. Les exagérations sauvages de ces récits ne laissent pas de doute sur ce qui flatte la vraie passio
4888 agérations sauvages de ces récits ne laissent pas de doute sur ce qui flatte la vraie passion de l’homme du Moyen Âge. Glo
4889 t pas de doute sur ce qui flatte la vraie passion de l’homme du Moyen Âge. Gloire du sang ! Mais le xviiie siècle considé
4890 ie siècle considéra comme une réussite glorieuse d’ avoir pris une ville assiégée et ne faisant de part et d’autre que tro
4891 use d’avoir pris une ville assiégée et ne faisant de part et d’autre que trois morts. C’est l’art savant qui est à l’honne
4892 pris une ville assiégée et ne faisant de part et d’ autre que trois morts. C’est l’art savant qui est à l’honneur. Maurice
4893 e suis point pour les batailles, surtout au début d’ une guerre. Je suis persuadé qu’un bon général pourra la faire toute s
4894 t parmi les troupes ennemies — en véritable héros de l’Astrée qu’il fut. Et cette suprême politesse devant la mort, à Font
4895 Fontenoy. ⁂ Mais voici la totale « profanation » de la guerre et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Rég
4896 s voici la totale « profanation » de la guerre et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Régence qui la prop
4897 et de sa passion sacrée : c’est Law, le financier de la Régence qui la propose, reprenant, et sans doute à son insu, la mé
4898 2 milliards pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre en outre, nous m
4899 pour vingt ans. Nous n’avons pas plus de cinq ans de guerre chaque vingt ans, et cette guerre en outre, nous met en arrièr
4900 incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000 ennemis par le feu, le fer, l’eau, la faim, les fati
4901 adies. Ainsi, la destruction directe ou indirecte d’ un soldat allemand nous coûte 20 000 livres sans compter la perte sur
4902 cet attirail dispendieux, incommode et dangereux, d’ une armée permanente, ne vaudrait-il pas mieux en épargner les frais e
4903 actuel, on perd celui qu’on avait, sans profiter de celui qu’on a détruit si dispendieusement. » ⁂ Les Goncourt ont très
4904 rès bien senti l’identité foncière des phénomènes de la guerre et de l’amour au xviiie . Voici dans quels termes ils décri
4905 ’identité foncière des phénomènes de la guerre et de l’amour au xviiie . Voici dans quels termes ils décrivent la « tactiq
4906 ls termes ils décrivent la « tactique » des roués de l’époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’amour que le sièc
4907 de l’époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’amour que le siècle révèle peut-être ses qualités les plus profonde
4908 s ressources les plus secrètes, et comme un génie de duplicité tout inattendu du caractère français. Que de grands diploma
4909 plicité tout inattendu du caractère français. Que de grands diplomates, que de grands politiques sans nom, plus habiles qu
4910 caractère français. Que de grands diplomates, que de grands politiques sans nom, plus habiles que Dubois, plus insinuants
4911 s insinuants que Bernis, parmi cette petite bande d’ hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et
4912 ernis, parmi cette petite bande d’hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire
4913 te petite bande d’hommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Qu
4914 ommes qui font de la séduction de la femme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons d
4915 emme le but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un
4916 urs pensées et la grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une fe
4917 a grande affaire de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une femme sans avoir f
4918 de leur vie… Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaque une femme sans avoir fait ce qu’on app
4919 dissimulé… « N’omettre rien », c’est le précepte de l’un d’eux.181 » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’o
4920 lé… « N’omettre rien », c’est le précepte de l’un d’ eux.181 » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’oubliaien
4921 n », c’est le précepte de l’un d’eux.181 » Devise de général, que les Soubise, par malheur, n’oubliaient guère que sur le
4922 , il y a la Révolution française et les campagnes de Bonaparte, c’est-à-dire le retour dans la guerre de la passion catast
4923 Bonaparte, c’est-à-dire le retour dans la guerre de la passion catastrophique. Du point de vue proprement militaire, qu’a
4924 e, qu’apportait la Révolution ? « Un déchaînement de passion inconnu avant elle », répond Foch. L’hérésie de l’ancienne éc
4925 sion inconnu avant elle », répond Foch. L’hérésie de l’ancienne école, précise-t-il, c’était d’avoir voulu « faire de la g
4926 érésie de l’ancienne école, précise-t-il, c’était d’ avoir voulu « faire de la guerre une science exacte, méconnaissant sa
4927 cole, précise-t-il, c’était d’avoir voulu « faire de la guerre une science exacte, méconnaissant sa nature même de drame e
4928 une science exacte, méconnaissant sa nature même de drame effrayant et passionné (Jomini) ». On sait par ailleurs quelle
4929 (Jomini) ». On sait par ailleurs quelle explosion de sentimentalisme précéda et accompagna la Révolution, phénomène beauco
4930 182 Longtemps contenue dans les formes classiques de la guerre, la violence, après le meurtre du Roi — action sacrée et ri
4931 les sociétés primitives — redevient quelque chose d’ horrifiant et d’attirant à la fois. C’est le culte et le mystère sangl
4932 mitives — redevient quelque chose d’horrifiant et d’ attirant à la fois. C’est le culte et le mystère sanglant autour duque
4933 la Nation. Or la Nation, c’est la transposition de la passion sur le plan collectif. À vrai dire, il est plus facile de
4934 e plan collectif. À vrai dire, il est plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute passion, dira-t-o
4935 À vrai dire, il est plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute passion, dira-t-on, suppose deux ê
4936 r la Nation… Nous savons toutefois que la passion d’ amour, par exemple, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de
4937 e, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’amant, bien plus que relation avec l’aimée. Ce que désire Tristan,
4938 l’aimée. Ce que désire Tristan, c’est la brûlure d’ amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûlure intense et dévora
4939 , c’est la brûlure d’amour plus que la possession d’ Iseut. Car la brûlure intense et dévorante de la passion le divinise,
4940 sion d’Iseut. Car la brûlure intense et dévorante de la passion le divinise, et comme Wagner l’a vu, l’égale au monde. « M
4941 t que Dieu. Elle veut (sans le savoir) qu’au-delà de cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L’ardeur nat
4942 e cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est une autoexaltation, un a
4943 premier lieu, et qu’on proclame. Mais cette haine de l’autre, n’est-elle pas toujours présente dans les transports de l’am
4944 st-elle pas toujours présente dans les transports de l’amour-passion ? Il n’y a donc qu’un déplacement d’accent. Ensuite,
4945 l’amour-passion ? Il n’y a donc qu’un déplacement d’ accent. Ensuite, que veut la passion nationale ? L’exaltation de la fo
4946 ite, que veut la passion nationale ? L’exaltation de la force collective ne peut mener qu’à ce dilemme : ou l’impérialisme
4947 e : ou l’impérialisme triomphe — c’est l’ambition de s’égaler au monde — ou le voisin s’y oppose énergiquement, et c’est l
4948 ainsi sans se l’avouer qu’elle préfère le risque de mort, et la mort même, à l’abandon de sa passion. « La liberté ou la
4949 e le risque de mort, et la mort même, à l’abandon de sa passion. « La liberté ou la mort », hurlaient les jacobins à l’heu
4950 s, à l’heure où liberté et mort étaient bien près d’ avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont liées comme l’Am
4951 sormais le fait national sera le facteur dominant de la guerre. « Celui qui écrit sur la stratégie et sur la tactique devr
4952 e et une tactique nationales, seules susceptibles d’ être profitables à la nation pour laquelle il écrit. » Ainsi s’exprime
4953 insi s’exprime le général von der Goltz, disciple de Clausewitz, lequel n’a cessé d’affirmer que toute la théorie prussien
4954 r Goltz, disciple de Clausewitz, lequel n’a cessé d’ affirmer que toute la théorie prussienne de la guerre devait se fonder
4955 cessé d’affirmer que toute la théorie prussienne de la guerre devait se fonder sur l’expérience des campagnes de la Révol
4956 e devait se fonder sur l’expérience des campagnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la
4957 ur l’expérience des campagnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « 
4958 gnes de la Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « science exacte ». C’est a
4959 assion contre la « science exacte ». C’est au cri de Vive la Nation ! que les sans-culottes repoussèrent l’armée « classiq
4960 armée « classique » des alliés. On connaît le mot de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une è
4961 des alliés. On connaît le mot de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’
4962 naît le mot de Goethe, au soir de la bataille : «  De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’histoire du monde. 
4963 de Goethe, au soir de la bataille : « De ce lieu, de ce jour, date une ère nouvelle dans l’histoire du monde. » Et Foch co
4964 laient consacrer à la lutte toutes les ressources de la nation ; parce qu’elles allaient se donner comme but non un intérê
4965 êt dynastique, mais la conquête ou la propagation d’ idées philosophiques… d’avantages immatériels… parce qu’elles allaient
4966 onquête ou la propagation d’idées philosophiques… d’ avantages immatériels… parce qu’elles allaient mettre en jeu des senti
4967 ntiments, des passions, c’est-à-dire des éléments de force jusqu’alors inexploités. » ⁂ Il serait assez curieux de précise
4968 qu’alors inexploités. » ⁂ Il serait assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon
4969 curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis
4970 r le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis d’Autriche, d’aut
4971 rte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’ Italie puis d’Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille corr
4972 poléon d’une part, et les campagnes d’Italie puis d’ Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille correspond à la sé
4973 ie puis d’Autriche, d’autre part. Un certain type de bataille correspond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’aud
4974 ertain type de bataille correspond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’audace de l’inférieur qui jette toutes se
4975 spond à la séduction de Joséphine — c’est le coup d’ audace de l’inférieur qui jette toutes ses forces au point décisif, et
4976 a séduction de Joséphine — c’est le coup d’audace de l’inférieur qui jette toutes ses forces au point décisif, et bluffe ;
4977 orces au point décisif, et bluffe ; un autre type de bataille correspond au mariage dynastique avec l’archiduchesse Marie-
4978 e, brutale… Et il n’est pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perdue par excès de science, peut
4979 er que Waterloo fut une bataille perdue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’élan national-révolutionnaire… Ce
4980 ue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’ élan national-révolutionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon
4981 acteur passionnel dans la conduite des batailles. D’ où ce cri d’un des généraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’
4982 onnel dans la conduite des batailles. D’où ce cri d’ un des généraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’est pas poss
4983 ait de battre en Italie : « Il n’est pas possible de méconnaître, comme ce Bonaparte, les principes les plus élémentaires
4984 ce Bonaparte, les principes les plus élémentaires de l’art de guerre. » 9.La guerre nationale À partir de la Révolut
4985 rte, les principes les plus élémentaires de l’art de guerre. » 9.La guerre nationale À partir de la Révolution, l’on
4986 battre « avec le cœur des soldats » c’est-à-dire d’ une façon « farouche et tragique » (Foch). Il faudrait préciser : ce n
4987 och). Il faudrait préciser : ce n’est pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du sort d’une gue
4988 dat considéré comme un héros qui décidera du sort d’ une guerre, mais bien le cœur collectif, si l’on ose dire, la puissanc
4989 ctif, si l’on ose dire, la puissance passionnelle de la Nation. Les poètes romantiques jouèrent un rôle notable dans les g
4990 ntiques jouèrent un rôle notable dans les guerres de libération que mena la Prusse contre Napoléon. Et les philosophies d’
4991 na la Prusse contre Napoléon. Et les philosophies d’ essence passionnelle d’un Fichte et d’un Hegel, par exemple, furent le
4992 oléon. Et les philosophies d’essence passionnelle d’ un Fichte et d’un Hegel, par exemple, furent les premiers appuis du na
4993 hilosophies d’essence passionnelle d’un Fichte et d’ un Hegel, par exemple, furent les premiers appuis du nationalisme alle
4994 ent les premiers appuis du nationalisme allemand. D’ où le caractère de plus en plus sanglant des guerres du xixe siècle.
4995 nt des guerres du xixe siècle. Il ne s’agit plus d’ intérêts, mais de « religions » antagonistes. Or les religions ne tran
4996 xixe siècle. Il ne s’agit plus d’intérêts, mais de « religions » antagonistes. Or les religions ne transigent point, à l
4997 des intérêts : elles préfèrent la mort héroïque. ( De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus viole
4998 rent la mort héroïque. (De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les
4999 e. (De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les trois premiers quart
5000 siècle et particulièrement pour la période qui va de 1848 à 1870. Après quoi, les passions nationales, provisoirement apai
5001 italisme et du commerce. La violence ne cesse pas de s’exercer au nom de la Nation, mais ce sont bel et bien des intérêts
5002 bien marqué le maréchal Foch, dans ses Principes de la guerre : La guerre fut nationale au début pour conquérir et garant
5003 et garantir l’indépendance des peuples : Français de 1792-1793, Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813,
5004 ce des peuples : Français de 1792-1793, Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comp
5005 çais de 1792-1793, Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comporta alors ces manife
5006 Espagnols de 1804-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comporta alors ces manifestations glorieuses
5007 4-1814, Russes de 1812, Allemands de 1813, Europe de 1814, et comporta alors ces manifestations glorieuses et puissantes d
5008 alors ces manifestations glorieuses et puissantes de la passion des peuples qui s’appellent : Valmy, Saragosse, Tarancon,
5009 ité. C’est la thèse des Italiens et des Prussiens de 1866, 1870. Ce sera la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse deve
5010 nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’ Allemagne, revendiquera les provinces allemandes de l’Autriche. Mais n
5011 ’Allemagne, revendiquera les provinces allemandes de l’Autriche. Mais nous la voyons maintenant (1903) encore nationale, e
5012 conquérir des avantages commerciaux, des traités de commerce avantageux. Après avoir été le moyen violent que les peuples
5013 ) que cette période, du point de vue des mœurs et de leur littérature, se définit par une dernière tentative de mythificat
5014 ittérature, se définit par une dernière tentative de mythification de la passion. Réaction que l’on n’oserait pas comparer
5015 finit par une dernière tentative de mythification de la passion. Réaction que l’on n’oserait pas comparer à la chevalerie,
5016 emplît la même fonction sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’était plus, en effet, un principe spirituel qui
5017 s « formes » et les conventions, mais des calculs d’ intérêts privés, incapables de fournir les bases d’une communauté soli
5018 s, mais des calculs d’intérêts privés, incapables de fournir les bases d’une communauté solide. La nation même que l’on in
5019 ’intérêts privés, incapables de fournir les bases d’ une communauté solide. La nation même que l’on invoquait avait perdu d
5020 de. La nation même que l’on invoquait avait perdu de son prestige romantique : le pavillon couvrait les intérêts de l’État
5021 ge romantique : le pavillon couvrait les intérêts de l’État, non les passions ou l’honneur des élites. Et l’État ne jouait
5022 État ne jouait plus guère que le rôle honorifique d’ un conseil d’administration, faisant la guerre pour des motifs bancair
5023 ant la guerre pour des motifs bancaires (conquête de Madagascar). La guerre coloniale n’est en somme que la continuation d
5024 erre coloniale n’est en somme que la continuation de la concurrence capitaliste par des moyens plus onéreux pour le pays,
5025 les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots 
5026 n bien bizarre mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’
5027 re mélange de sentimentalisme à fleur de nerfs et d’ histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd
5028 e sentimentalisme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd’hui dans le
5029 isme à fleur de nerfs et d’histoires de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’être aujourd’hui dans les annonces ma
5030 res de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’ être aujourd’hui dans les annonces matrimoniales. La sexualité pure n’
5031  » ces petits calculs et ces « beaux sentiments » de série. (Comme une goutte d’eau « trouble » l’absinthe, et c’est pourq
5032 « beaux sentiments » de série. (Comme une goutte d’ eau « trouble » l’absinthe, et c’est pourquoi Jarry dit que l’eau est
5033 u est impure.) De même la guerre était un composé d’ excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « revanche », sin
5034 De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « revanche », sinon un sentimen
5035 anche », sinon un sentimentalisme national ? — et de plans commerciaux ou financiers. L’élément proprement guerrier n’y tr
5036 ir liquider sans dommages le formidable potentiel de frénésie et de grandeurs sanglantes qu’avaient accumulé en Occident d
5037 s dommages le formidable potentiel de frénésie et de grandeurs sanglantes qu’avaient accumulé en Occident des siècles de c
5038 antes qu’avaient accumulé en Occident des siècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les p
5039 aient accumulé en Occident des siècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les plus notable
5040 t des siècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance
5041 de 1914 fut l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance du mythe. 10.La guerre totale À partir de
5042 lisme institué par la chevalerie entre les formes de l’amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la gue
5043 par la chevalerie entre les formes de l’amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujou
5044 de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant
5045 Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant sa force armée. (Forcer l
5046 détruisant sa force armée. (Forcer la résistance de la femme par la séduction, c’est la paix ; par le viol, c’est la guer
5047 re ses défenses. Bataille rangée contre une armée de métier, siège des ouvrages fortifiés, capture du chef : un système de
5048 ouvrages fortifiés, capture du chef : un système de règles précises, donc un art, désignait le vainqueur. Et ce vainqueur
5049 ésignait le vainqueur. Et ce vainqueur triomphait d’ un vivant, d’un pays ou d’un peuple encore désirables. L’intervention
5050 ainqueur. Et ce vainqueur triomphait d’un vivant, d’ un pays ou d’un peuple encore désirables. L’intervention d’une techniq
5051 ce vainqueur triomphait d’un vivant, d’un pays ou d’ un peuple encore désirables. L’intervention d’une technique inhumaine,
5052 ou d’un peuple encore désirables. L’intervention d’ une technique inhumaine, qui met en œuvre toutes les forces d’un État,
5053 que inhumaine, qui met en œuvre toutes les forces d’ un État, changea la face de la guerre à Verdun. Car dès que la guerre
5054 uvre toutes les forces d’un État, changea la face de la guerre à Verdun. Car dès que la guerre devient « totale » — et non
5055 armées signifie l’anéantissement des forces vives de l’ennemi : des ouvriers embrigadés dans les usines, des mères qui pro
5056 usines, des mères qui procréent des soldats, bref de tous les « moyens de production », choses et personnes assimilées. La
5057 procréent des soldats, bref de tous les « moyens de production », choses et personnes assimilées. La guerre n’est plus un
5058 . La guerre n’est plus un viol mais un assassinat de l’objet convoité et hostile — c’est-à-dire un acte « total », détruis
5059 emparer. Verdun ne fut d’ailleurs qu’un prodrome de cette guerre nouvelle, puisque le procédé se limita à la destruction
5060 le procédé se limita à la destruction méthodique d’ un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de met
5061 e limita à la destruction méthodique d’un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point
5062 struction méthodique d’un million de soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point un instrument qu
5063 soldats, non de civils. Mais ce Kriegspiel permit de mettre au point un instrument qui, par la suite, devait se trouver en
5064 nt qui, par la suite, devait se trouver en mesure d’ opérer sur des étendues bien plus vastes, comme Londres et Berlin ; no
5065 comme Londres et Berlin ; non plus seulement sur de la chair à canon, mais sur la chair qui fabrique les canons, ce qui e
5066 e qui est évidemment plus efficace. La technique de la mort à grande distance ne trouve son équivalent dans nulle éthique
5067 ouve son équivalent dans nulle éthique imaginable de l’amour. C’est que la guerre échappe à l’homme et à l’instinct ; elle
5068 contact avec la civilisation technique. Une sorte de visite dirigée de l’exposition universelle des industries et arts app
5069 vilisation technique. Une sorte de visite dirigée de l’exposition universelle des industries et arts appliqués de la mort,
5070 tion universelle des industries et arts appliqués de la mort, avec démonstrations quotidiennes sur le vif. b) Cette colle
5071 des moyens destructifs, mécanisés, eut pour effet de neutraliser la passion proprement belliqueuse des combattants. Il ne
5072 elliqueuse des combattants. Il ne s’agissait plus de violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées l
5073 . Il ne s’agissait plus de violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées les unes contre les autres
5074 violence du sang, mais de brutalité quantitative, de masses lancées les unes contre les autres non plus par des mouvements
5075 nes contre les autres non plus par des mouvements de délire passionnel, mais bien par des intelligences calculatrices d’in
5076 el, mais bien par des intelligences calculatrices d’ ingénieurs. Désormais, l’homme n’est plus que le servant du matériel ;
5077 servant du matériel ; il passe lui-même à l’état de matériel, d’autant plus efficace qu’il sera moins humain dans ses réf
5078 atériel ; il passe lui-même à l’état de matériel, d’ autant plus efficace qu’il sera moins humain dans ses réflexes individ
5079 nde, la victoire dépend en fin de compte des lois de la mécanique plutôt que des prévisions de la psychologie. L’instinct
5080 es lois de la mécanique plutôt que des prévisions de la psychologie. L’instinct combatif est déçu. De 1914 à 1918, l’explo
5081 de la psychologie. L’instinct combatif est déçu. De 1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompagnait les
5082 est déçu. De 1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompagnait les grands conflits ne s’est guère produit
5083 iviles. En dépit des efforts du lyrisme officiel, d’ une certaine littérature et de l’imagerie populaire, le retour du perm
5084 u lyrisme officiel, d’une certaine littérature et de l’imagerie populaire, le retour du permissionnaire ne ressemble à rie
5085 mâle longtemps privé. Des témoignages sans nombre de médecins et de soldats prouvent que la guerre du matériel s’est tradu
5086 privé. Des témoignages sans nombre de médecins et de soldats prouvent que la guerre du matériel s’est traduite en réalité
5087 et homosexualité, tel fut le résultat statistique de quatre années passées dans les tranchées. Et de là vient que pour la
5088 e de quatre années passées dans les tranchées. Et de là vient que pour la première fois, l’on ait assisté à une révolte gé
5089 rant plus l’exutoire des passions, mais une sorte d’ immense castration de l’Europe. c) La guerre totale suppose la destru
5090 des passions, mais une sorte d’immense castration de l’Europe. c) La guerre totale suppose la destruction de toutes les f
5091 rope. c) La guerre totale suppose la destruction de toutes les formes conventionnelles de la lutte. À partir de 1920, on
5092 destruction de toutes les formes conventionnelles de la lutte. À partir de 1920, on ne se soumettra plus aux « simagrées d
5093 se soumettra plus aux « simagrées diplomatiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront
5094 aux « simagrées diplomatiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront plus la solennell
5095 atiques » de l’ultimatum et de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront plus la solennelle conclusion des hosti
5096 t villes fortifiées, civils et militaires, moyens de destruction permis ou condamnés, tomberont. D’où résulte que la défai
5097 ns de destruction permis ou condamnés, tomberont. D’ où résulte que la défaite d’un pays ne sera plus symbolique, métaphori
5098 condamnés, tomberont. D’où résulte que la défaite d’ un pays ne sera plus symbolique, métaphorique, c’est-à-dire limitée à
5099 s signes convenus, mais sera concrètement la mort de ce pays. Encore une fois, dès que l’on abandonne l’idée de règles, la
5100 s. Encore une fois, dès que l’on abandonne l’idée de règles, la guerre ne traduit plus l’acte du viol sur le plan des nati
5101 mais bien l’acte du crime sadique, la possession d’ une victime morte, donc en fait la non-possession. Elle n’exprime plus
5102 et le transcende, mais seulement cette perversion de la passion — d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’est le
5103 , nous l’avons vu ailleurs — qu’est le « complexe de castration ». 11.La passion transportée dans la politique Chass
5104 transportée dans la politique Chassée du champ de la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’être clos comme doi
5105 e la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’ être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une
5106 mp cesse d’être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles, mais un secteu
5107 rain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement — la passion a cherché et t
5108 lus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement — la passion a cherché et trouvé d’autres modes d’expres
5109 t — la passion a cherché et trouvé d’autres modes d’ expression en actes. Elle y était d’ailleurs contrainte par la dépréci
5110 les et privées, non moins que par la dénaturation de la guerre. D’une part, dans les pays démocratiques, les mœurs se sont
5111 lies à tel point qu’elles tendent à n’offrir plus d’ obstacles absolus, donc exaltants pour la passion ; d’autre part, dans
5112 le dressage des jeunes par l’État tend à éliminer de la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sen
5113 tat tend à éliminer de la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sentimentale. L’anarchie des mœur
5114 la vie privée toute espèce de tragique intime et de problématique sentimentale. L’anarchie des mœurs et l’hygiène autorit
5115 rès dans le même sens : elles déçoivent le besoin de passion, héréditaire ou acquis par la culture ; elles détendent ses r
5116 dans l’entre-deux-guerres, fut un curieux mélange d’ intellectualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchi
5117 mélange d’intellectualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste
5118 tualisme angoissé (littérature de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste (Neue Sachlichkeit
5119 e de l’inquiétude et de l’anarchie bourgeoise) et de cynisme matérialiste (Neue Sachlichkeit des Allemands). L’on vit bien
5120 t bien que la passion romantique ne trouvait plus de quoi se composer un mythe ; ne trouvait plus de résistances choisies
5121 s de quoi se composer un mythe ; ne trouvait plus de résistances choisies au sein d’une atmosphère d’orageuse et secrète d
5122 de résistances choisies au sein d’une atmosphère d’ orageuse et secrète dévotion. La crainte morbide des entraînements « n
5123 s « duperies du cœur », alliée à un désir fébrile d’ aventure, voilà le climat des principaux romans de cette période. Et c
5124 d’aventure, voilà le climat des principaux romans de cette période. Et cela signifie sans équivoque que les relations indi
5125 e les relations individuelles des sexes ont cessé d’ être le lieu par excellence où se réalise la passion. Celle-ci paraît
5126 e réalise la passion. Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous sommes entrés dans l’ère des libidos errantes, en q
5127 entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’ un théâtre nouveau. Et le premier qui s’est offert, c’est le théâtre p
5128 offert, c’est le théâtre politique. La politique de masses, telle qu’on l’a pratiquée depuis 1917 n’est que la continuati
5129 a pratiquée depuis 1917 n’est que la continuation de la guerre totale par d’autres moyens (pour reprendre une fois de plus
5130 fois de plus, en l’inversant, la célèbre formule de Clausewitz). Le terme de « fronts » l’indique déjà. Et par ailleurs,
5131 sant, la célèbre formule de Clausewitz). Le terme de « fronts » l’indique déjà. Et par ailleurs, l’État totalitaire n’est
5132 par ailleurs, l’État totalitaire n’est que l’état de guerre prolongé, ou recréé, et entretenu en permanence dans la nation
5133 is si la guerre totale anéantit toute possibilité de passion, la politique ne fait que transposer les passions individuell
5134 elle (ou lui) qui assume désormais la dialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mo
5135 désormais la dialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mort héroïque, divinisante
5136 ialectique de l’obstacle exaltant, de l’ascèse et de la course inconsciente à la mort héroïque, divinisante. Tandis qu’à l
5137 rsonnels, à l’extérieur et au sommet le potentiel de passion s’accroît de jour en jour. L’eugénisme triomphe dans la moral
5138 ur et au sommet le potentiel de passion s’accroît de jour en jour. L’eugénisme triomphe dans la morale qui concerne les ci
5139 yens : et l’eugénisme est la négation rationnelle de toute espèce d’aventure privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la ten
5140 nisme est la négation rationnelle de toute espèce d’ aventure privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la tension de l’ensemb
5141 privée. Mais cela ne peut qu’augmenter la tension de l’ensemble, personnifié dans la Nation. De 1933 à 1939, l’État-nation
5142 ension de l’ensemble, personnifié dans la Nation. De 1933 à 1939, l’État-nation d’Hitler dit aux Allemands : Procréez ! — 
5143 ux Allemands : Procréez ! — et c’est une négation de la passion ; mais il dit aux peuples voisins : — Nous sommes trop nom
5144 muler au sommet. Or il est clair que ces volontés de puissance affrontées — il y a déjà plusieurs États totalitaires — ne
5145 r l’autre l’obstacle. Le but réel, tacite, fatal, de ces exaltations totalitaires est donc la guerre, qui signifie la mort
5146 signifie la mort. Et comme on le voit dans le cas de la passion d’amour, ce but est non seulement nié avec vigueur par les
5147 rt. Et comme on le voit dans le cas de la passion d’ amour, ce but est non seulement nié avec vigueur par les intéressés, m
5148 ’on exalte y trouve son sens réel. Il serait aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la politique
5149 ns réel. Il serait aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la politique et la passion. L’ascèse co
5150 ules réagissent au dictateur, dans un pays donné, de la même manière que la femme, dans ce pays, réagit aux sollicitations
5151 la femme, dans ce pays, réagit aux sollicitations de l’homme. J’écrivais en 1938 : « Le Français s’étonne des succès d’Hit
5152 ivais en 1938 : « Le Français s’étonne des succès d’ Hitler auprès de la masse germanique, mais il ne s’étonnerait pas moin
5153 atins, faire la cour à une femme c’est l’étourdir de paroles flatteuses : ainsi nos hommes politiques quand ils courtisent
5154 e enfin le destin et affirme qu’il est ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc
5155 l est ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa cu
5156 a sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa culpabilité morale. Ell
5157 bilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de sa culpabilité morale. Elle se rend au sauveur terrible et le nomme s
5158 le terme populaire désignant en Allemagne l’acte d’ épouser, c’est freien, verbe qui signifie littéralement : libérer… Hit
5159 a plus facilement dans le domaine des sentiments… De tous temps, la force qui a mis en mouvement les révolutions les plus
5160 iolentes a résidé bien moins dans la proclamation d’ une idée scientifique qui s’emparait des foules que dans un fanatisme
5161 ui les emballait follement. (Mein Kampf.) Oui, «  de tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est qu
5162 « de tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionnelle sur les masses, telle qu
5163 telle que la définit Hitler, se double désormais d’ une action rationalisante sur les individus. En outre, cette action n’
5164 elconque, mais par le chef qui incarne la Nation. D’ où la puissance sans précédent du transfert qui s’opère du privé au pu
5165 public. Quel Wagner surhumain sera donc en mesure d’ orchestrer la grandiose catastrophe de la passion devenue totalitaire 
5166 c en mesure d’orchestrer la grandiose catastrophe de la passion devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conc
5167 n devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’ une conclusion que j’étais loin de prévoir en commençant ce livre. Que
5168 e. Que l’on suive l’évolution du mythe occidental de la passion dans l’histoire de la littérature ou dans l’histoire des m
5169 du mythe occidental de la passion dans l’histoire de la littérature ou dans l’histoire des méthodes de la guerre, c’est la
5170 de la littérature ou dans l’histoire des méthodes de la guerre, c’est la même courbe qui apparaît. Et l’on aboutit pareill
5171 ’on aboutit pareillement à cet aspect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituée
5172 pareillement à cet aspect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituées par la che
5173 stituées par la chevalerie. C’est dans le domaine de la guerre, où toute évolution est pratiquement irréversible — alors q
5174 a des « retours » littéraires — que la nécessité d’ une solution nouvelle est apparue en premier lieu. Cette solution s’ap
5175 totalitaire. C’est la réponse du xxe siècle, né de la guerre, à la menace permanente que la passion et l’instinct de mor
5176 la menace permanente que la passion et l’instinct de mort font peser sur toute société. La réponse du xiie siècle avait é
5177 lassique186. La réponse du xviiie fut le cynisme de Don Juan et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme ne fut pas une
5178 ces nocturnes du mythe n’ait été un dernier moyen de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soit, cette défense éta
5179 se répandirent dans les domaines les plus divers, d’ où résulta une dissociation, au sens précis de relâchement des liens s
5180 rs, d’où résulta une dissociation, au sens précis de relâchement des liens sociaux. La première guerre européenne fut le j
5181 ux. La première guerre européenne fut le jugement d’ un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d’une
5182 ait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d’ une manière anarchique le « contenu » mortel du mythe. Cependant, je n
5183 mythe. Cependant, je ne pense pas que le drainage de toute passion par la nation soit autre chose qu’une mesure de détress
5184 sion par la nation soit autre chose qu’une mesure de détresse. C’est repousser la menace immédiate, mais l’aggraver alors
5185 omplexe des hommes, même militarisés. Des mesures de police ne font pas une culture, des slogans ne font pas une morale. E
5186 e quotidienne des hommes, il subsiste encore trop de jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résol
5187 des hommes, il subsiste encore trop de jeu, trop d’ angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résolu. Dès lors :
5188 siste encore trop de jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la
5189 désintégration physique et morale, et le problème de la passion sera supprimé avec la civilisation qui l’a fait naître ; O
5190 tra dans les pays totalitaires, comme il ne cesse de nous travailler dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de l
5191 dans nos sociétés libérales. C’est l’éventualité de la paix que j’envisageai dans les deux livres terminaux : le premier
5192 168. On en aura un aperçu en lisant les ouvrages de Freud, et l’Instinct combatif de Pierre Bovet. 169. Défaite se dit
5193 ant les ouvrages de Freud, et l’Instinct combatif de Pierre Bovet. 169. Défaite se dit en allemand Niederlage, littérale
5194 en allemand Niederlage, littéralement : position de qui gît à terre, de qui est couché au-dessous. (Cf. l’expression « av
5195 age, littéralement : position de qui gît à terre, de qui est couché au-dessous. (Cf. l’expression « avoir le dessous ».) R
5196 voir le dessous ».) Rappelons aussi le symbolisme de la Tour assiégée dans le Roman de la Rose, et l’expression « se faire
5197 i le symbolisme de la Tour assiégée dans le Roman de la Rose, et l’expression « se faire des alliés dans la place ». 170.
5198 ion autant que par l’intelligence et la fécondité de ses vues critiques renouvelle notre conception du Moyen Âge en nous f
5199 ns la vie quotidienne des bourgeois et des nobles de l’époque. Les passages entre guillemets de ce chapitre et du suivant
5200 nobles de l’époque. Les passages entre guillemets de ce chapitre et du suivant sont des citations de la traduction françai
5201 s de ce chapitre et du suivant sont des citations de la traduction française. (Paris, 1932.) 172. Je serais assez tenté d
5202 çaise. (Paris, 1932.) 172. Je serais assez tenté de voir dans la fonction dramatique du tournoi l’une des origines de la
5203 fonction dramatique du tournoi l’une des origines de la tragédie moderne. Celle-ci s’est constituée précisément à l’époque
5204 précisément à l’époque où les tournois passaient de mode, et où se dissociaient leurs éléments guerrier, sportif et théât
5205 sique que comportait le tournoi mais satisfaisant d’ autant mieux le besoin d’émotion sentimentale et spirituelle. 173. G
5206 ournoi mais satisfaisant d’autant mieux le besoin d’ émotion sentimentale et spirituelle. 173. Guichardin, Histoire des g
5207 rituelle. 173. Guichardin, Histoire des guerres d’ Italie, I, p. 2. 174. Cité par Fred Bérence, Raphaël ou la puissance
5208 . Cité par Fred Bérence, Raphaël ou la puissance de l’esprit. 175. J. Burckhardt, Die Kultur der Renaissance, VI, p. 1.
5209 naissance, VI, p. 1. 176. Il est juste toutefois de rappeler qu’on tuait facilement dans ce pays. Mais le meurtre y resta
5210 ans le monde militarisé, l’individu se voit privé de cette possibilité passionnelle, transférée à la seule collectivité. C
5211 a suite des dévastations qui marquèrent la guerre de Trente Ans, les armées s’imposèrent « des règles et des limites qui r
5212 oral et à une nécessité pratique ». Il s’agissait d’ éviter des dépenses excessives — les hommes coûtant cher — et de ne pa
5213 épenses excessives — les hommes coûtant cher — et de ne pas effrayer les peuples au point de rendre impossible tout recrut
5214 cher — et de ne pas effrayer les peuples au point de rendre impossible tout recrutement des volontaires… 179. J. Bouleng
5215 er, Le Grand Siècle. 180. F. Foch, DesPrincipes de la guerre (1903, réédité en 1929). 181. E. et J. de Concourt, La Fem
5216 compagna la Terreur, voir le très curieux ouvrage d’ André Monglond, Le Préromantisme français. 183. Je parle de cette cho
5217 nglond, Le Préromantisme français. 183. Je parle de cette chose abstraite et frappante, irréelle mais signifiante, qu’est
5218 iante, qu’est la moyenne des expressions typiques de l’amour à une époque donnée — aussi irréelle et aussi signifiante dan
5219 ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’une époque plutôt que d’une autre. 184. Concl
5220 que — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’ une époque plutôt que d’une autre. 184. Conclusion de l’enquête menée
5221 a de tout — mais qui sont d’une époque plutôt que d’ une autre. 184. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Mag
5222 e époque plutôt que d’une autre. 184. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzain
5223 4. Conclusion de l’enquête menée sous la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzaine de savants allemands et autrichien
5224 la conduite de Magnus Hirschfeld par une douzaine de savants allemands et autrichiens, et publiée sous le titre de Sitteng
5225 llemands et autrichiens, et publiée sous le titre de Sittengeschichte des Weltkriegs (Histoire des mœurs pendant la guerre
5226 , éprouvant que la guerre totale est une négation de la passion guerrière, se jette alors dans des aventures absurdes, qu’
5227 Guerre notre mère d’Ernst Jünger et Les Réprouvés d’ Ernst von Salomon). On va se battre pour le plaisir, ou plutôt pour le
5228 e, Chine). C’est la débauche désespérée et vénale de celui qu’a déçu la passion. Revanche sadique. 186. Bachofen (auteur
8 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre VI. Le mythe contre le mariage
5229 Deux morales s’affrontaient au Moyen Âge : celle de la société christianisée, et celle de la courtoisie hérétique. L’une
5230 Âge : celle de la société christianisée, et celle de la courtoisie hérétique. L’une impliquait le mariage, dont elle fit m
5231 même un sacrement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’où résultait — en principe tout au moins — la condamnation
5232 crement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’ où résultait — en principe tout au moins — la condamnation du mariage.
5233 rouvait donc sanctifier les intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce trip
5234 intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce triple engagement ne se rendait
5235 ou méprisable. La synthèse catholique s’efforçait de marier l’eau et le feu, car on pouvait tirer des Écritures et des Pèr
5236 s thèses les plus contradictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité
5237 dictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour
5238 rocréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple,
5239 espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple, une descendance nombr
5240 par exemple, une descendance nombreuse est signe d’ élection tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge « fait mie
5241 nt, comme n’étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile187. Elle condamnait la procréation comme relevant de la lo
5242 87. Elle condamnait la procréation comme relevant de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du mon
5243 du vouloir-vivre collectif188. Mais le fondement de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire
5244 nt de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et ang
5245 it en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et angoissé avec la créature de
5246 , en conflit éternel et angoissé avec la créature de chair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Am
5247 hair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Amour devait donc transformer radicalement le jugement p
5248 stincts asservissants. L’apparition de la passion d’ Amour devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adu
5249 é. Mais nous avons montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame (spirituelle), amour évidemment incompatible av
5250 èmes provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute189, mais il se trouve revêtir en même temps l
5251 mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect d’ une aventure plus belle que la morale. Ce qui, pour le croyant maniché
5252 anichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur une « poésie » équi
5253 sie » équivoque et brûlante. Poésie toute profane d’ apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait qu
5254 sie toute profane d’apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait que l’on ignore la signification m
5255 du fait que l’on ignore la signification mystique de ses symboles, et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’un
5256 et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’ un mystère vague et flatteur. Comment expliquer autrement qu’à partir
5257 ieu qu’à des commentaires édifiants sur le danger de pécher et le remords, devient soudain vertu mystique (dans le symbole
5258 rectement la crise actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme te
5259 actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’ une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme telle, n’existe plus 
5260 r qu’elle ne joue plus un rôle direct dans la vie de nos sociétés, qu’elle a tant contribué à former. Ce qui explique, à m
5261 rmer. Ce qui explique, à mon sens, l’état présent de dé-moralisation générale, c’est la confuse dissension, au sein de laq
5262 fuse dissension, au sein de laquelle nous vivons, de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais
5263 s vivons, de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi vivante, e
5264 plus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’ une hérésie dont l’expression, « essentiellement lyrique » aux origine
5265 i les forces en présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de
5266 présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’e
5267 société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’est ce que l’on nomme la morale bourgeoise ; d’autre par
5268 passionnelle ou romanesque. Tous les adolescents de la bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais e
5269 es. Leurs origines et leurs finalités s’excluent. De leur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes inso
5270 n d’autres temps, ce fut la fonction du mythe que d’ ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans
5271 du mythe que d’ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’exutoi
5272 symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’ exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’est déprimé et profané en
5273 ses éléments plastiques. Si maintenant il tentait de se recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances as
5274 recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. U
5275 plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur
5276 tances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur la « crise d
5277 Mais je doute fort qu’il en résulte aucune espèce de solution pratique : car seul le mythe, c’est-à-dire l’inconscience, p
5278 science, pourrait fournir à la passion une espèce de modus vivendi, et tous ces livres, aggravant au contraire notre consc
5279 ibuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadre
5280 uble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadres actuels. L’institution
5281 atrimoniale se fondait en effet sur trois groupes de valeurs qui lui fournissaient ses « contraintes » — et c’est précisém
5282  contraintes » — et c’est précisément dans le jeu de ces contraintes que le mythe puisait ses moyens d’expression (comme o
5283 e ces contraintes que le mythe puisait ses moyens d’ expression (comme on l’a vu au livre I). Or voici que ces contraintes
5284 , chez les peuples païens, s’est toujours entouré d’ un rituel dont nos institutions gardèrent longtemps les éléments : rit
5285 itutions gardèrent longtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, l
5286 ngtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son imp
5287 ments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par su
5288 hat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité
5289 et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité économique. Les coutumes r
5290 es paysannes. La demande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi dém
5291 mande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi démodée que le corset.
5292 s n’éprouve plus même le besoin « superstitieux » d’ aller se faire bénir par un prêtre. 2. — Contraintes sociales. — Les q
5293 rêtre. 2. — Contraintes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent, sont en train d
5294 — Contraintes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent, sont en train de passer
5295 intes sociales. — Les questions de rang, de sang, d’ intérêts familiaux et même d’argent, sont en train de passer au second
5296 ns de rang, de sang, d’intérêts familiaux et même d’ argent, sont en train de passer au second plan dans les pays démocrati
5297 e plus en plus le choix réciproque des conjoints. D’ où le nombre croissant des divorces. En même temps, les cérémonies épi
5298 s se simplifient ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telles que la « 
5299 aissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’ origine lointaine et sacrée telles que la « quasi-publicité du lit nup
5300 es originels, mais les rites gardaient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communau
5301 aient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communautaire. À partir du xviiie siècle
5302 À partir du xviiie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’anodines galanteries pictura
5303 Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’ anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de no
5304 u’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste e
5305 eries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste et garde une signification, repré
5306 signification, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de
5307 n, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on app
5308 une volonté de s’évader de l’ambiance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux
5309 biance sociale et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux. 3. — Contraintes religieuses.
5310 à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne
5311 tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas d
5312 mpte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire
5313 iations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l
5314 s et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tou
5315 n jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justement, que les modernes font dépendre leur « bonheur »
5316 des obstacles institutionnels entraîne une chute de tension morale d’où résulte une immense confusion. L’adultère devient
5317 titutionnels entraîne une chute de tension morale d’ où résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délic
5318 ne immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesque
5319 un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesques. La fidélité dans le mariage paraît lég
5320 ge paraît légèrement ridicule : elle prend figure de conformisme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux mora
5321 isme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on
5322 flit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuell
5323 r suite plus de mythe possible — mais on approche d’ un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des viei
5324 us de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeu
5325 che d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeurs non transcendées mais déprimées.
5326 2.Idée moderne du bonheur Le mariage cessant d’ être garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fo
5327 Le mariage cessant d’être garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fonder, désormais, que sur des d
5328 as le plus favorable. Or s’il est assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient insoluble dès que
5329 t insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’ être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de
5330 ue s’y ajoute la volonté moderne d’être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi i
5331 son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pou
5332 r, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’amé
5333 peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouc
5334 , de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouches bien calculée
5335 nheur, répètent les prêches des magazines, dépend de ceci, exige cela — et ceci ou cela, c’est toujours quelque chose qu’i
5336 t toujours quelque chose qu’il faut acquérir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fo
5337 rir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheu
5338 nt. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous
5339 opagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’ un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséde
5340 r par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nou
5341 e qu’on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme
5342 t meurt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont rép
5343 evendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre tem
5344 pend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive
5345 temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’ avis. Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut tenir à sa merc
5346 ur » suppose de la part des modernes une capacité d’ ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est prob
5347 d’ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est probable que cette intention ou cet espoir expliquent
5348 lle on se marie encore « sans y croire ». Le rêve de la passion possible agit comme une distraction permanente, anesthésia
5349 distraction permanente, anesthésiant les révoltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on p
5350 dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mariage en tant qu’institution sociale dé
5351 qui les traitait comme des égaux. C’est peut-être de là que nous vient, par le canal de la littérature, cette idée toute m
5352 ’est peut-être de là que nous vient, par le canal de la littérature, cette idée toute moderne et romantique que la passion
5353 u-dessus des lois et des coutumes. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où les barrières sociales s
5354 e mécano épouser l’héritière190. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est un
5355 e190. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adaptation » moderne — 
5356 langage du cinéma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion prof
5357 ma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit en réa
5358 Que la passion profane soit en réalité une forme d’ intoxication, une « maladie de l’âme », comme pensaient les Anciens, t
5359 n réalité une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme », comme pensaient les Anciens, tout le monde est prêt à le rec
5360 et cette nuance est décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même
5361 cisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général :
5362 ur lui-même ou la vie en général : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion
5363 énéral : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion c’est toujours l’aventure
5364 nture. C’est ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’ imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes
5365 t ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteus
5366 vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteuses. C’est tout le poss
5367  ! — la plus « naturelle » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerai libre un homme qui se
5368  » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerai libre un homme qui se possède. Mais l’homme de
5369 merai libre un homme qui se possède. Mais l’homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors
5370 é, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’est déjà sa nostalgie qui le « démeine » — dont il ignore l’o
5371  dont il ignore l’origine et la fin. Son illusion de liberté repose sur cette double ignorance. Le passionné, c’est l’homm
5372 sionné, c’est l’homme qui veut trouver son « type de femme » et n’aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’appari
5373 le. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’ une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’enfance : Blonde, aux
5374 on d’une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’ enfance : Blonde, aux yeux noirs, en ses habits anciens Que dans une
5375 tre J’ai déjà vue, et dont je me souviens… Image de la Mère, sans nul doute, et la psychanalyse nous apprend quels empêch
5376 nts tragiques cela peut signifier. Mais l’exemple d’ un poète ne vaut rien ou vaut trop. J’entends décrire une illusion app
5377 ommes du xxe siècle : or plus encore que l’image de la Mère, ce qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos j
5378 qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passio
5379 — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est un névrosé qu
5380 ra soigner.) Certes, la standardisation des types de femmes admis pour « beaux » se produit normalement dans chaque généra
5381 dans chaque génération, de même que chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la
5382 e sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours une puissance inconnue, développée par tous les moyens tech
5383 ues, et parfois politiques, en sorte que le choix d’ un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se t
5384 rfois politiques, en sorte que le choix d’un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se trouve déte
5385 r « Hollywood » — ou par l’État. Double influence de la beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dé
5386 le influence de la beauté-standard : elle définit d’ avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et d
5387 a beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et disqualifie le mar
5388 à la star la plus obsédante. Ainsi la « liberté » de la passion relève des statistiques publicitaires. L’homme qui croit d
5389 icitaires. L’homme qui croit désirer « son » type de femme se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de c
5390 e se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce, c’est-à-dire par la nouveauté. 4.Épouser Iseu
5391 intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce, c’est-à-dire par la nouveauté. 4.Épouser Iseut ? Supp
5392 entre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’ aimer Il rencontre cette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme
5393 ette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et de sa plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve191 ; elle
5394 a reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et de sa plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve191 ; elle est mariée, natu
5395 e sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne
5396 a couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’ amour » moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît un
5397 eut, c’est toujours l’étrangère, l’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’éternellement fuyant, évanouissant e
5398 ’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’ éternellement fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être, ce
5399 ui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de posséder, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en
5400 der, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en proie au mythe. C’est la femme-dont-on-est-séparé : on la
5401 désirer et pour exalter ce désir aux proportions d’ une passion consciente, intense, infiniment intéressante… Or c’est la
5402 , où plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la passion dépose entre leurs corps une épée nue. Descendons quelques
5403 endons quelques siècles et toute l’échelle qui va de l’héroïsme religieux à la confusion sans grandeur où se débattent les
5404 emme perd son « attrait », parce qu’il n’est plus d’ obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe dont l’hor
5405 ’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’ un mythe dont l’horizon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
5406 espace et le temps sans lesquelles il n’est point de « créatures » — alors que le seul But de l’amour infini ne peut être
5407 st point de « créatures » — alors que le seul But de l’amour infini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu,
5408 fini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Moi déifié. Mais pour celui que le mythe vient tourmenter
5409 ter sans lui révéler son secret, il n’est au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment nouveau d
5410 s une passion nouvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nat
5411 uvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’ apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle
5412 te d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin — et c’e
5413 plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin — et c’est par là que cette passi
5414 t de la nature essentielle de la passion mystique d’ être sans fin — et c’est par là que cette passion se détachait des ryt
5415 moderne, ce n’est plus que le retour sempiternel d’ une ardeur constamment déçue. Le mythe décrivait une fatalité dont ses
5416 dénoue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’ un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il con
5417 Iseut ? Pourtant ce n’est pas lui qu’il convient d’ accuser, mais il est la victime d’un ordre social où les obstacles se
5418 qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’ un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vit
5419 . Sans cesse, il faut recommencer cette ascension de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse v
5420 oderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amours successives. Les catégories se détruisent, l’avent
5421 à cette consomption. Mais Don Juan ne connaît pas d’ Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déch
5422 omption. Mais Don Juan ne connaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements vol
5423 nnaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dan
5424 Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’ avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat
5425 passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat, il n’a jama
5426 toujours dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’ aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne l
5427 dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’aimer —  d’ attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste
5428 t, il n’a jamais le temps d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’
5429 d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’aime pas ce qui lui résis
5430 l n’aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissem
5431 , au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà,
5432 le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent s
5433 t, une fuite sans fin devant la possession. Aimer d’ amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan, car la vraie vie qu’i
5434 et du film apparaissent comme les signes certains d’ une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de mal
5435 aissent comme les signes certains d’une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être.
5436 ne décadence de la personne chez les modernes, et d’ une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui
5437 de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’int
5438 nne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à no
5439 tre. Presque toutes les complications qui servent d’ intrigues à nos auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la
5440 auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’une passion débile po
5441 de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’ une passion débile pour s’inventer de plus secrets obstacles. Je songe
5442 plus secrets obstacles. Je songe à la psychologie de la jalousie, qui envahit nos analyses : jalousie désirée, provoquée,
5443 n — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes d
5444 esse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffre
5445 et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffrent de jalousie », dit un poème tibétain192. C’est que, passant « leur seuil
5446 in192. C’est que, passant « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d
5447 t du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’ accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudrait tout d’abord s’ac
5448 r, qualités dont ils se sentent privés, et motifs de comparaisons qui toujours tournent à leur détriment. Le mari souffre
5449 l. Il a perdu la seule chose nécessaire : le sens de la fidélité. Car voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’u
5450 voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’ un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à
5451 non comme prétexte à s’exalter, ou comme « objet de contemplation », mais comme une existence incomparable et autonome à
5452 incomparable et autonome à son côté, une exigence d’ amour actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion : je me borne
5453 comment cette passion développe un certain nombre de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Q
5454 ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée mêm
5455 contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée même du mariage
5456 mariage dans une époque où l’on tente la gageure de fonder le mariage, précisément, sur les valeurs élaborées par une éth
5457 sément, sur les valeurs élaborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la plupart de no
5458 éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’ estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de
5459 part de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois
5460 ythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien ne répugne a
5461 ne répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’ une limitation volontairement assumée ; et rien ne le flatte davantage
5462 ée ; et rien ne le flatte davantage que le mirage d’ infini dépassement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de pren
5463 ement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume
5464 souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume l’ambition des analyse
5465 spirituel que fait courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « 
5466 ne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’ où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles
5467 est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles nous avons assisté depuis la P
5468 assisté depuis la Première Guerre mondiale, début de l’ère totalitaire. Les Églises font un honorable effort de redéfiniti
5469 totalitaire. Les Églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique1
5470 Églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique193. Les humanist
5471 lique193. Les humanistes reprennent les arguments d’ un Goethe ou d’un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il f
5472 umanistes reprennent les arguments d’un Goethe ou d’ un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il faut y voir la g
5473 lon le premier, il faut y voir la grande conquête de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnel
5474 de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnelle ; selon le second, l’union monogamique serait l
5475 s sexes, dans une société libérée des contraintes de classes et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science
5476 une société libérée des contraintes de classes et d’ argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports
5477 e classes et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports conjugaux. Jung analyse le « conflit
5478 les « névroses » qui seraient à l’origine du mal ( d’ où l’on déduit que la médecine mentale guérirait tout). Van de Velde o
5479 lgarisée des phénomènes sexuels. L’abondance même de ces recherches194 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur e
5480 sexuels. L’abondance même de ces recherches194 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur efficacité : elle révèle
5481 l’étendue du désastre, sans apporter les éléments d’ une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que
5482 révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quelques lignes
5483 ages auteurs donnent quelques lignes à la louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raiso
5484 louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’a
5485 r des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’ attaquer le lecteur dans ses croyances les plus intimes et les plus so
5486 intimes et les plus solidement ancrées. On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on
5487 On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de
5488 feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de présenter la passion amoureuse comme le couronnement d’un hymen idéal
5489 senter la passion amoureuse comme le couronnement d’ un hymen idéalement réalisé (d’après les recettes). Personne, que je s
5490 a encore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage que l’on prétend
5491 e sait pas au juste ce qu’est l’amour-passion, ni d’ où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’in
5492 où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’ inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un phili
5493 e d’inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un philistin. (Ce qui se produirait fatalement !) Ainsi
5494 agner la confiance ; on ne remonte pas le courant de toute l’époque ; la passion a toujours existé, elle existera donc tou
5495 C’est même à cause de cela que vous ne ferez rien de sérieux. Et comme il faut pourtant que quelque chose se fasse, la seu
5496 n qui se pose à l’historien, au sociologue, c’est de savoir quel mécanisme va se déclencher pour rétablir la situation — o
5497 uation — ou quel réflexe collectif. Deux exemples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut
5498 emples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La Russie de la Révolutio
5499 e la Révolution connut un « déchaînement » sexuel de la jeunesse que l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre
5500 ent » sexuel de la jeunesse que l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne195. Quant au mari
5501 traduisit dans la réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tou
5502 réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait
5503 généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux pr
5504 , de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux préjugés réactionnaires, qu’on se
5505 re des mœurs, et il proteste avec toute l’énergie d’ un « révolutionnaire professionnel » — donc puritain — contre cette an
5506 n — contre cette anarchie sexuelle qu’il qualifie de « petite-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’express
5507 e-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’expression.) Vingt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’e
5508 ar quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’ une ligue philanthropique, mais par les soins d’une dictature exacteme
5509 e d’une ligue philanthropique, mais par les soins d’ une dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Stalin
5510 ne dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadr
5511 sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans cadres, l’économie périclita
5512 sion précisément que l’on entendait « liquider ». D’ où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l
5513 entendait « liquider ». D’où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l’élément statique et stab
5514 emier chef qu’est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit socialiste à éd
5515 raignit l’État dit socialiste à édicter une série de lois contre le divorce (qu’on rendit beaucoup plus onéreux), contre l
5516 n des enfants nés hors mariage. La rigueur subite de ces lois, le choc psychologique qu’elles provoquèrent, la propagande,
5517 elles provoquèrent, la propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent notablement l’ambiance
5518 a propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent notablement l’ambiance morale de la Russie
5519 privée, changèrent notablement l’ambiance morale de la Russie dans les années 1930. Le mariage se trouva restauré sur des
5520 lèmes individuels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avan
5521 duels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avant Hitler att
5522 à perdre toute espèce de dignité, de légitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’avant Hitler atteignit-elle un
5523 égitimité, de virulence anarchisante. L’Allemagne d’ avant Hitler atteignit-elle un stade d’anarchie sexuelle comparable à
5524 ’Allemagne d’avant Hitler atteignit-elle un stade d’ anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le
5525 e un stade d’anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le processus de ruine des obstacles socia
5526 celui de la Russie jusqu’à Staline ? Le processus de ruine des obstacles sociaux, pour s’y être développé sans violences e
5527 it que plus gravement miné l’éthique matrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du ro
5528 atrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du romantisme entraînait d’autre part des c
5529 onséquences bien plus complexes que chez nous, et d’ apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre all
5530 ’apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre allemande, la Neue Sachlichkeit des avant-gardes litté
5531 rimes dits « politiques » exécutés par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai
5532 s par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume nor
5533 certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’ essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sér
5534 isme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sérieux accordé aux conflits
5535 sionnels « à trois » ou « à quatre » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle prov
5536 » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la double décadence des c
5537 elés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la double décadence des contraintes
5538 cadence des contraintes matrimoniales et du mythe de l’amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond du désespoir et d’
5539 éjà l’on voyait affleurer le fond du désespoir et d’ anarchie intime que suppose toute morale du « bonheur » strictement in
5540 t militaire, devait se donner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On commença par opposer à l’idéal ant
5541 nner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et
5542 urs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnu
5543 ar opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnutz geht vor Eigenn
5544 ul objet légitime et possible à la passion l’idée de nation symbolisée par le Führer. D’abord on priva la femme de son aur
5545 mbolisée par le Führer. D’abord on priva la femme de son auréole romantique : on la réduisit à sa fonction matrimoniale :
5546 uatre ou cinq ans). Puis on en vint à des mesures d’ ordre eugénique. On ouvrit une « école de fiancées » pour les futures
5547 mesures d’ordre eugénique. On ouvrit une « école de fiancées » pour les futures femmes des SS (Schütz Staffeln : escouade
5548 utures femmes des SS (Schütz Staffeln : escouades de protection du régime, troupe sélectionnée incarnant l’idéal racial).
5549 ’idéal racial). Ces femmes devaient être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type de femme » se
5550 ryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type de femme » se trouva prescrit non par les souvenirs inconscients, ni par
5551 res mais par la section scientifique du ministère de la propagande. En 1938, on institua des écoles analogues pour toutes
5552 s dorénavant « au nom de l’État ». Le but dernier de l’entreprise ne faisait pas de doute : on en viendrait à n’autoriser
5553  ». Le but dernier de l’entreprise ne faisait pas de doute : on en viendrait à n’autoriser plus que les unions contractées
5554 dividuels, donc des passions. À chacun sa « fiche de mariage ». Alors la science matrimoniale eût trouvé sa juste applicat
5555 ale eût trouvé sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la prépa
5556 sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la préparation militair
5557 et de Sparte : on en eût fait l’un des chapitres de la préparation militaire. L’expérience stalinienne n’a qu’à moitié ré
5558 à moitié réussi si l’on en croit les descriptions de l’état présent des mœurs de la jeunesse en URSS. Le nazisme appartien
5559 roit les descriptions de l’état présent des mœurs de la jeunesse en URSS. Le nazisme appartient au passé. Pourtant la tent
5560 ation totalitaire subsiste. Il n’est pas interdit d’ imaginer qu’un jour nos démocraties y succombent, au nom d’une « scien
5561 craties y succombent, au nom d’une « science » ou d’ une hygiène sociologique. La pratique forcée de l’eugénisme peut réuss
5562 ou d’une hygiène sociologique. La pratique forcée de l’eugénisme peut réussir, là où toutes nos morales échouent, entraîna
5563 tion du besoin « spirituel », et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe d
5564 et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occ
5565 le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans
5566 évisible, naîtra dans les laboratoires. 6.Sens de la crise Pour mieux voir notre état, regardons l’Amérique — cette
5567 tat, regardons l’Amérique — cette Europe délivrée de ses routines, mais aussi de ses freins traditionnels. Nulle autre civ
5568 cette Europe délivrée de ses routines, mais aussi de ses freins traditionnels. Nulle autre civilisation connue, depuis prè
5569 vec cette naïve assurance l’entreprise périlleuse de faire coïncider le mariage et « l’amour » ainsi compris, et de baser
5570 cider le mariage et « l’amour » ainsi compris, et de baser le premier sur le second. Pendant une grève des téléphones, en
5571 ne grève des téléphones, en 1947, les opératrices de la petite ville de White Plains reçurent l’appel suivant : « Mon amie
5572 ones, en 1947, les opératrices de la petite ville de White Plains reçurent l’appel suivant : « Mon amie et moi voulons nou
5573 on amie et moi voulons nous marier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’est-ce pas une urgence »197 ? Les opératri
5574 ire l’intitula : L’Amour est classé parmi les cas d’ urgence. Ce petit fait banal illustre des croyances toutes naturelles
5575 là qu’il nous intéresse. Il montre que les termes d’ « amour » et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « 
5576 ntéresse. Il montre que les termes d’« amour » et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « aime » il faut
5577 ; qu’enfin « l’amour » doit normalement triompher de tous les obstacles, ainsi que le font voir journellement films, roman
5578 journellement films, romans et bandes dessinées. De fait, si l’amour romanesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il e
5579 essinées. De fait, si l’amour romanesque triomphe d’ une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera pre
5580 it, si l’amour romanesque triomphe d’une quantité d’ obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours :
5581 est une institution faite pour durer — ou n’a pas de sens. Voilà le premier secret de la crise actuelle, crise qui peut se
5582 rer — ou n’a pas de sens. Voilà le premier secret de la crise actuelle, crise qui peut se mesurer simplement par les stati
5583 i peut se mesurer simplement par les statistiques de divorce, où l’Amérique tient le premier rang. Vouloir fonder le maria
5584 ier rang. Vouloir fonder le mariage sur une forme d’ amour instable par définition, c’est travailler en fait pour l’État de
5585 travailler en fait pour l’État de Nevada. Exiger de n’importe quel film, fût-il sur la bombe atomique, qu’il tienne une c
5586 la bombe atomique, qu’il tienne une certaine dose de la drogue romanesque (plus encore qu’érotique) nommée love interest,
5587 re qu’érotique) nommée love interest, c’est faire de la publicité pour le virus, non pour le remède, de la maladie du mari
5588 e la publicité pour le virus, non pour le remède, de la maladie du mariage. La romance se nourrit d’obstacles, de brèves e
5589 , de la maladie du mariage. La romance se nourrit d’ obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au co
5590 ie du mariage. La romance se nourrit d’obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au contraire, est
5591 se nourrit d’obstacles, de brèves excitations et de séparations ; le mariage, au contraire, est fait d’accoutumance, de p
5592 séparations ; le mariage, au contraire, est fait d’ accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de l
5593 e mariage, au contraire, est fait d’accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de loin » des trouba
5594 proximité quotidienne. La romance veut « l’amour de loin » des troubadours ; le mariage, l’amour du « prochain ». Si donc
5595 du « prochain ». Si donc l’on s’est marié à cause d’ une romance, une fois celle-ci évaporée, il est normal qu’à la premièr
5596 orée, il est normal qu’à la première constatation d’ un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-
5597 normal qu’à la première constatation d’un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et
5598 emière constatation d’un conflit de caractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et il est non moins
5599 our la romance, l’on admette la première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il est parfaitement logique
5600 n admette la première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il est parfaitement logique qu’on décide aussit
5601 première occasion de tomber amoureux de quelqu’un d’ autre. Et il est parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorce
5602 il est parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorcer pour trouver dans le nouvel « amour », qui entraîne un nouve
5603 ntraîne un nouveau mariage, une nouvelle promesse de bonheur ; les trois mots étant synonymes. Ainsi, guérissant son ennui
5604 serment. Il le cherche au contraire par le moyen d’ une nouvelle « expérience », considérée comme telle, et d’ailleurs aff
5605 ’ailleurs affectée dès le départ des mêmes motifs d’ échec que celles qui ont précédé. C’est pourquoi le divorce revêt en A
5606 ne rupture créant un désordre social, et la perte d’ un patrimoine de souvenirs et d’expériences communes, l’Américain a pl
5607 t un désordre social, et la perte d’un patrimoine de souvenirs et d’expériences communes, l’Américain a plutôt l’impressio
5608 cial, et la perte d’un patrimoine de souvenirs et d’ expériences communes, l’Américain a plutôt l’impression qu’il met de l
5609 unes, l’Américain a plutôt l’impression qu’il met de l’ordre dans sa vie et qu’il s’ouvre un nouvel avenir. L’économie de
5610 vie et qu’il s’ouvre un nouvel avenir. L’économie de l’épargne, une fois de plus, s’oppose ici à celle du gaspillage, comm
5611 ’oppose ici à celle du gaspillage, comme le souci de préserver le passé à celui de faire table rase pour construire quelqu
5612 age, comme le souci de préserver le passé à celui de faire table rase pour construire quelque chose de plus net, sans comp
5613 n est ennemi des compromis, il est contradictoire de se marier. Et si l’on veut tirer une traite sur son avenir, il est fo
5614 une traite sur son avenir, il est fort imprudent de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; c
5615 sur son avenir, il est fort imprudent de suggérer d’ avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; comme le fit
5616 nt de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne point l’honorer ; comme le fit cette jeune milliardaire disant aux
5617 e milliardaire disant aux journalistes, la veille de son mariage : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois 
5618 s, la veille de son mariage : « C’est merveilleux de se marier pour la première fois ! » (Un an plus tard, elle divorçait.
5619 d, elle divorçait.) Sur quoi, plusieurs proposent d’ interdire le divorce, ou de le rendre au moins très difficile. Mais c’
5620 i, plusieurs proposent d’interdire le divorce, ou de le rendre au moins très difficile. Mais c’est le mariage, à mon avis,
5621 r le conclure, au dédain des convenances démodées de milieu social et religieux, d’éducation et de fortune. On pourrait ce
5622 nvenances démodées de milieu social et religieux, d’ éducation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles cond
5623 ées de milieu social et religieux, d’éducation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles conditions à rempli
5624 cation et de fortune. On pourrait certes imaginer de nouvelles conditions à remplir par les candidats au mariage — cette v
5625 e à toute alliance humaine ses meilleures chances de durer : buts et rythmes de vie, vocations comparées, caractères et te
5626 ses meilleures chances de durer : buts et rythmes de vie, vocations comparées, caractères et tempéraments. Si l’on veut le
5627 mariage, c’est-à-dire la durée, il serait normal d’ en assurer les conditions. Mais ces réformes n’auraient que peu d’effe
5628 conditions. Mais ces réformes n’auraient que peu d’ effet dans un monde qui a gardé, sinon la vraie passion, du moins la n
5629 dé, sinon la vraie passion, du moins la nostalgie de la passion, devenue congénitale à l’homme occidental. Le mariage qui
5630 ur les convenances sociales, donc du point de vue de l’individu, sur le hasard, avait au moins autant de chances que le ma
5631 l’individu, sur le hasard, avait au moins autant de chances que le mariage fondé sur « l’amour » seul. Mais toute l’évolu
5632 ondé sur « l’amour » seul. Mais toute l’évolution de l’Occident va de la sagesse tribale au risque individuel ; elle est i
5633 r » seul. Mais toute l’évolution de l’Occident va de la sagesse tribale au risque individuel ; elle est irréversible et il
5634 du mariage, en Europe comme en Amérique, résulte d’ une pluralité de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la r
5635 Europe comme en Amérique, résulte d’une pluralité de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la romance n’est qu’
5636 de causes profondes ou prochaines, dont le culte de la romance n’est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner da
5637 a romance n’est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner dans cet ouvrage.) La recherche du bonheur individuel pr
5638 l primant sur la stabilité sociale, et le respect de l’évolution psychologique primant sur le sens du serment, peuvent êtr
5639 et dans d’autres domaines, ou à d’autres niveaux de la réalité, tantôt sociale, tantôt psychique. L’émancipation de la fe
5640 tantôt sociale, tantôt psychique. L’émancipation de la femme (son entrée dans la vie professionnelle et sa revendication
5641 e dans la vie professionnelle et sa revendication d’ égalité) est un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation
5642 ication d’égalité) est un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation des connaissances psychologiques en est un
5643 e du xxe siècle, même très sommairement informés de l’existence des complexes freudiens, du jeu des refoulements et de l’
5644 s complexes freudiens, du jeu des refoulements et de l’origine des névroses, sont portés à plus d’exigence que leurs ancêt
5645 et de l’origine des névroses, sont portés à plus d’ exigence que leurs ancêtres quant au mariage et à la vie matrimoniale.
5646 dont les premiers balbutiements ont déjà modifié d’ une manière perceptible la conscience de l’Occident. Enfin, certains s
5647 à modifié d’une manière perceptible la conscience de l’Occident. Enfin, certains signes annoncent un phénomène plus profon
5648 du xiie siècle, et que je qualifiais au livre II de « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dan
5649 e, et que je qualifiais au livre II de « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dans l’Église cat
5650 « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariologie dans l’Église catholique et ses masses populaires ; les
5651 ses masses populaires ; les travaux tout récents de C. G. Jung et de son école sur la Sophia, Sagesse et Vierge-Mère éter
5652 aires ; les travaux tout récents de C. G. Jung et de son école sur la Sophia, Sagesse et Vierge-Mère éternelle198 ; et par
5653 ailleurs (vraiment ailleurs !) dans l’avant-garde de la littérature européenne, le regain d’intérêt pour le catharisme, l’
5654 ant-garde de la littérature européenne, le regain d’ intérêt pour le catharisme, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvat
5655 regain d’intérêt pour le catharisme, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvatrice de l’homme rationnel, ou l’annonce rép
5656 e, l’exaltation de la « Femme-Enfant » salvatrice de l’homme rationnel, ou l’annonce répétée d’une revanche imminente du p
5657 atrice de l’homme rationnel, ou l’annonce répétée d’ une revanche imminente du principe féminin sur le patriarcat199 — tout
5658 cat199 — tout cela fait pressentir la possibilité d’ une vaste évolution de la psyché moderne, dont le principe et le sens
5659 t pressentir la possibilité d’une vaste évolution de la psyché moderne, dont le principe et le sens nous demeurent cachés,
5660 mais qui donnera peut-être aux historiens futurs de notre société occidentale, la clé d’une crise dont nous ne voyons enc
5661 riens futurs de notre société occidentale, la clé d’ une crise dont nous ne voyons encore que des symptômes superficiels, s
5662 « résoudre » les contradictions qu’endurent tant d’ hommes et de femmes dans leur mariage. Des synthèses se préparent, peu
5663 » les contradictions qu’endurent tant d’hommes et de femmes dans leur mariage. Des synthèses se préparent, peut-être, obsc
5664 individuelle. Toute solution que je serais tenté de proposer, fût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir, serait a
5665 par le siècle à venir, serait aujourd’hui frappée d’ inefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien.
5666 nefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien. Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l
5667 , ou si elle pouvait agir, ferait plus de mal que de bien. Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l’imposer à
5668 . Si je l’avais trouvée, et si j’avais le pouvoir de l’imposer à mes contemporains, je me garderais d’en rien faire. C’est
5669 de l’imposer à mes contemporains, je me garderais d’ en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’est pas un accident.
5670 me garderais d’en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’est pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fai
5671 crise de cet ordre n’est pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’une fièvre, serait bien moins la guérir
5672 n accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’ une fièvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances
5673 èvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même t
5674 en moins la guérir que nous priver de nos chances d’ en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même temps une sorte
5675 r le secret. Et ce serait en même temps une sorte de tricherie, soit que la solution n’apporte en vérité qu’un essai de re
5676 t que la solution n’apporte en vérité qu’un essai de retour à l’équilibre ancien, dont la crise même dénonce toute la préc
5677 e sauraient être évalués tant que le sens général de la crise nous échappe. Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message
5678 l de la crise nous échappe. Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message et de décoder patiemment les nouvelles ambiguës
5679 Il s’agit bien plutôt de déchiffrer le message et de décoder patiemment les nouvelles ambiguës que la crise nous apporte s
5680 voltes, nos illusions naïves, nos péchés. Essayer de résoudre notre crise du mariage par des mesures morales, sociales ou
5681 sociales ou scientifiques, déduites du seul désir d’ arrêter les dégâts, ne serait-ce pas lui dénier arbitrairement le cara
5682 irement le caractère qu’elle semble avoir : celui de la recherche, presque aveugle encore, d’un nouvel équilibre du couple
5683  : celui de la recherche, presque aveugle encore, d’ un nouvel équilibre du couple. Équilibre tendu entre les exigences tou
5684 es toujours simultanées, contraires et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin d
5685 nées, contraires et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement
5686 et légitimes, de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne
5687 de la stabilité et de l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu
5688 l’évolution, de l’espèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la suscite e
5689 pèce et de l’individu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la suscite et la juge. 187. Vo
5690 idu, enfin de l’accomplissement de la personne et de l’Absolu qui seul la suscite et la juge. 187. Voir sur ce point :
5691 ique se justifierait soit par le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit par le passage où Jé
5692 parer ce que Dieu a uni ; soit par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les Évangélistes et les Ac
5693  ; soit par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les Évangélistes et les Actes mentionnent sans le
5694 hares, nous l’avons vu, la véritable faute, c’est d’ avoir « consommé » dans la chair cet adultère. 190. L’aventure fameus
5695 s la chair cet adultère. 190. L’aventure fameuse de la princesse de C… donna lieu au début du siècle à toute une littérat
5696 toute une littérature romanesque. Quant au thème de l’ouvrier ou du chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il fut a
5697 film allemand, sous l’hitlérisme. 191. Le titre d’ un roman de Max Brod, Die Frau nach der man sich sehnt (la femme que l
5698 and, sous l’hitlérisme. 191. Le titre d’un roman de Max Brod, Die Frau nach der man sich sehnt (la femme que l’on désire,
5699 an sich sehnt (la femme que l’on désire, la femme de notre nostalgie), est la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passio
5700 de notre nostalgie), est la meilleure définition d’ Iseut. L’amour-passion veut « la Princesse lointaine » tandis que l’am
5701 répondu à la décision des évêques anglicans dite de Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les
5702 nglicans dite de Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les Églises non romaines) ont également
5703 Lambeth. Les Congrès œcuméniques de Stockholm et d’ Oxford (toutes les Églises non romaines) ont également touché le probl
5704 que l’amour sexuel pouvait avoir un autre but que de concourir à l’explosion démographique. 194. Il serait curieux de r
5705 xplosion démographique. 194. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le pre
5706 eur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’ un « problème sexuel ». Fourier peut-être ? Ou Proudhon ? Cela doit se
5707 aux environs des années 1820-1830, pour une série de raisons sociologiques et économiques que je ne saurais exposer ici.
5708 économiques que je ne saurais exposer ici. Note de 1970. Fourier, étonnant précurseur de Freud, parle beaucoup d’instinc
5709 ici. Note de 1970. Fourier, étonnant précurseur de Freud, parle beaucoup d’instinct, de passion, d’érotisme et d’amour «
5710 ier, étonnant précurseur de Freud, parle beaucoup d’ instinct, de passion, d’érotisme et d’amour « matériel » ou « tact »,
5711 t précurseur de Freud, parle beaucoup d’instinct, de passion, d’érotisme et d’amour « matériel » ou « tact », mais jamais
5712 de Freud, parle beaucoup d’instinct, de passion, d’ érotisme et d’amour « matériel » ou « tact », mais jamais de « sexuali
5713 le beaucoup d’instinct, de passion, d’érotisme et d’ amour « matériel » ou « tact », mais jamais de « sexualité » ou de « s
5714 et d’amour « matériel » ou « tact », mais jamais de « sexualité » ou de « sexuel » — termes auxquels recourt souvent Prou
5715 el » ou « tact », mais jamais de « sexualité » ou de « sexuel » — termes auxquels recourt souvent Proudhon dans La Pornocr
5716 he, Kierkegaard discute longuement les catégories de « sensualité » et « sexualité » (synonymes pour lui) dont il montre l
5717 désigne. C’est une combinaison à doses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché,
5718 mbinaison à doses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir
5719 ses variables de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, d
5720 les de sentimentalisme et de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale c
5721 de sexualité, de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure p
5722 de jeu et de tragique à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure personnelle. C’
5723 à bon marché, de glamour et de désir instinctif, de morale conformiste et d’aventure personnelle. C’est Hollywood. 197.
5724 et de désir instinctif, de morale conformiste et d’ aventure personnelle. C’est Hollywood. 197. My girl and I want to ge
5725 ied as an emergency. 198. Cf. Antwort auf Hiob, de C. G. Jung (1952), ouvrage dans lequel l’auteur n’hésite pas à écrire
5726 pas à écrire que la proclamation en 1950 du dogme de l’Assomption de la Vierge marque l’événement religieux le plus import
5727 la proclamation en 1950 du dogme de l’Assomption de la Vierge marque l’événement religieux le plus important depuis la Ré
5728 s important depuis la Réforme. Voir aussi l’étude d’ Henry Corbin sur la Sophia éternelle, in Revue de culture européenne,
5729 d’Henry Corbin sur la Sophia éternelle, in Revue de culture européenne, 5, 1953. 199. Voir notamment, outre les ouvrages
5730 e et l’amour courtois, des livres comme Arcane 17 d’ André Breton, les romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de R
5731 mme Arcane 17 d’André Breton, les romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de Robert Graves sur la Grande Déesse, e
5732 s romans lyriques de Julien Gracq, les recherches de Robert Graves sur la Grande Déesse, et d’Adrian Turel sur le matriarc
5733 herches de Robert Graves sur la Grande Déesse, et d’ Adrian Turel sur le matriarcat.
9 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre VII. L’amour action, ou de la fidélité
5734 Livre VIIL’amour action, ou de la fidélité 1.Nécessité d’un parti pris À l’heure où cet ouvra
5735 L’amour action, ou de la fidélité 1.Nécessité d’ un parti pris À l’heure où cet ouvrage touche à sa conclusion, il m
5736 core. L’aveu sera jugé insolite. Mais je pressens d’ assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion
5737 olite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion comme une entité historiq
5738 n décrire la passion ? On ne décrit pas une forme d’ existence sans y participer, fût-ce même par une révolte contre la déc
5739 ui se définirait elle-même comme une condamnation de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’observer que la passion,
5740 ion de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’ observer que la passion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut « avo
5741 on, dès l’instant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion est justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux
5742 mme de la passion est justement celui qui choisit d’ être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévo
5743 e tort majeur, irrévocable, que signifie le choix de la mort contre la vie. Et comment échapper au démon que l’on fixe d’u
5744 a vie. Et comment échapper au démon que l’on fixe d’ un œil fasciné ? Pour attaquer la passion dans l’amour il faudrait dév
5745 iolence spirituelle qui tuât mieux que la passion d’ amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mai
5746 uât mieux que la passion d’amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mais encore plus agressive,
5747 ns doute, puisqu’il n’est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter que la Croisade, au total, f
5748 avant tout et après tout, à l’origine et à la fin de la passion, il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a forti
5749 rreur « morale » — mais une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu200. La passion brûle dans no
5750 eté du moraliste qui prétendait détourner l’homme de cette voie mortelle, divinisante, en lui « prouvant » qu’elle débouch
5751 dans sa perte, en lui opposant toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la t
5752 t toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la
5753 ons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la fa
5754 e tuer autrement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion.
5755 trement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion. Quant à s
5756 era, c’est son hygiène. Il y a toutes les raisons de le prévoir, dans une époque où l’on confond thérapeutique et sotériol
5757 l’on confond thérapeutique et sotériologie (lois de l’hygiène et doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos
5758 doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos passions viendra de l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le po
5759 l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifi
5760 me qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom
5761 ids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peu
5762 i, ici et maintenant, le problème ne comporte pas d’ échappatoire dans le temps à venir. S’il n’est peut-être pas possible
5763 e pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences l
5764 me déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences les plus secrètes, du moins peut-il
5765 c un parti pris tout personnel que je vais tenter de définir maintenant, et après coup, tel que je le reconnais dans ma vi
5766 ce. 2.Critique du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’apparaît en secon
5767 meilleurs esprits demeurent absolument valables. De tout temps, les raisons du philistin ont eu mauvaise conscience devan
5768 use « paix du foyer » n’existe guère qu’au niveau d’ une certaine éloquence moyenne, politicienne, bourgeoise ou édifiante.
5769 iale, vous verrez que cela va, neuf fois sur dix, de l’agitation des petits soins à la criaillerie délirante. Enregistrez
5770 délirante. Enregistrez sur disque, au hasard, un de ces entretiens « paisibles » qui agrémentent le « foyer domestique »
5771 isibles » qui agrémentent le « foyer domestique » d’ un bourgeois ou d’un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se
5772 mentent le « foyer domestique » d’un bourgeois ou d’ un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se justifier. Oui, l
5773 larent au nom de leur vocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsc
5774 e étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmonte en exaltant le mariage, suprême valeur du «
5775 et le romantique, et leur donner raison au point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin, i
5776 t leur donner raison au point de leur faire honte d’ avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin, il n’écrase pas seule
5777 u point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’ eux-mêmes ; mais à la fin, il n’écrase pas seulement ce philistin qui
5778 écrase pas seulement ce philistin qui se contente d’ épouser la veuve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi
5779 re leur moralisme ; et les croyants aux arguments de saint Paul, qui valent contre leur humanisme. Que dit l’Apôtre ? Je
5780 l’Apôtre ? Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
5781 se qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme,
5782 rps, mais c’est la femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer
5783 . Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’ un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis reto
5784 n de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. Je dis cela par
5785 ais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler… Que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite,
5786 Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu… Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était
5787 sant du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe. (I, Cor., 7, 1-32.) Et voici le coup de grâce ; Cel
5788 onde passe. (I, Cor., 7, 1-32.) Et voici le coup de grâce ; Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur,
5789 rié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
5790 marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme (v. 32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le maria
5791 r, pour ceux qui croient. Il n’est possible alors d’ affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières critiques et en chem
5792 intenant sans cesse présente l’exigence inhumaine de perfection, comme une question perpétuelle, un aiguillon qui empêche
5793 ne question perpétuelle, un aiguillon qui empêche de retomber sous le coup des objections humaines. Si j’oublie cet au-del
5794 s. Si j’oublie cet au-delà du mariage, mais aussi de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’y aura pl
5795 si de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’y aura plus ni hommes ni femmes »), je borne ma vision e
5796 il ne me reste que la révolte contre ma condition de créature. ; et au contraire, si je l’atteins trop aisément, je devien
5797 ris dans les rets sociaux, et incapable désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche.
5798 e désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche. Mais si je sais que l’Apôtre a raison
5799 ision Si l’on songe à ce que signifie le choix d’ une femme pour toute la vie, l’on en vient à cette conclusion : choisi
5800 populaire et bourgeoise recommande au jeune homme de « réfléchir » avant de prendre une décision : elle l’entretient ainsi
5801 e l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d’ une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible
5802 i dans l’illusion que le choix d’une femme dépend d’ un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette err
5803 e le choix d’une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est
5804 n certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez
5805 est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que
5806 eau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calcule
5807 é — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calculer — jamais vous ne pourrez prévoir votre future évolution, et
5808 oir votre future évolution, et encore moins celle de l’épouse choisie, encore bien moins celle du couple formé. Les facteu
5809 si leur nombre était fini) et que vous disposiez d’ une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et
5810 t fini) et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et leur hiérarchie évi
5811 e évidente, encore ne sauriez-vous prévoir la fin d’ une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, plusieu
5812 prévoir la fin d’une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, plusieurs milliers de millénaires à la na
5813 de causes. Il a fallu, dit-on, plusieurs milliers de millénaires à la nature pour sélectionner les espèces qui nous parais
5814 araissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de
5815 aptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’ un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres p
5816 résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement org
5817 up, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est
5818 qu’un troisième essai le rapprochera sensiblement de son « bonheur ». Alors que tout nous montre que cent-mille essais ne
5819 remiers éléments, tout balbutiants et empiriques, d’ une science du « mariage heureux ».) Il faut le reconnaître honnêtemen
5820 osé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’ autant plus insoluble que l’on tient davantage à le « résoudre » au se
5821 ent davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il y a du sophisme dans mon raisonnement : car tout
5822 ophisme dans mon raisonnement : car tout se passe d’ ordinaire comme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’un nomb
5823 omme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’ un nombre fini de facteurs : caractère, physique, fortune, rang social
5824 r des époux dépendait en réalité d’un nombre fini de facteurs : caractère, physique, fortune, rang social… Mais pour peu q
5825 ncite les jeunes fiancés à calculer leurs chances de bonheur, on détourne leur attention du problème proprement éthique. E
5826 ention du problème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement
5827 lème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de c
5828 tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire
5829 aractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un s
5830 e qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’ une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la
5831 Et la seule garantie concevable est dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour toute la vie « advi
5832 esure où l’on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mar
5833 on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul. D’ où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au
5834 plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’ enseigner aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’une sorte d
5835 er aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’ une sorte d’arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heur
5836 s gens que leur choix relève toujours d’une sorte d’ arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heureuses ou non
5837 reuses ou non. Ce n’est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide
5838 ue l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raisonnable dans
5839 upide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’ une union raisonnable dans les apparences n’est jamais dans ces appare
5840 apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’ une décision prise en dépit de tout, et qui fonde une nouvelle existen
5841 n’est pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’Iseut
5842 êtes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’ une dot adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce serait là me
5843 il faut n’avoir connu que peu de solitude et peu d’ angoisse, très peu de solitaire angoisse.) Seule une décision de cet o
5844 ès peu de solitaire angoisse.) Seule une décision de cet ordre, irrationnelle mais non sentimentale, sobre mais sans aucun
5845 ntale, sobre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidéli
5846 bre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui so
5847 je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas
5848 lité On fausse l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait
5849 se l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à
5850 e on fausse la théologie en partant du « problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul
5851 croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle
5852 le n’est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passion !) Les moralistes et certains sociologues
5853 Les moralistes et certains sociologues ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est saluta
5854 la raison et l’intérêt : quand ils n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand
5855 ls n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inq
5856 référer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’homme, au sens actuel. Car pour ceux du
5857 quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’ homme, au sens actuel. Car pour ceux du siècle présent, je pense que l
5858 leur langage, la fidélité conjugale est le succès d’ un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale, leur religion
5859 ». Leur revendication fondamentale, leur religion de la Vie, s’y oppose diamétralement. Ils considèrent la fidélité comme
5860 stention prudente… Ou encore ils y voient l’effet d’ une impuissance à vivre largement ; d’un goût mesquin pour le confort
5861 ent l’effet d’une impuissance à vivre largement ; d’ un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’imagina
5862 ’un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’ un défaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’in
5863 quin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’ imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordid
5864 fort et le conforme ; d’un défaut d’imagination ; d’ une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordide… L’habitude de
5865 éfaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’ un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acqu
5866 ination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’ intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d
5867 habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d’ exploiter chaque situation au maximum et pour elle-même, sans plus se
5868 jouissance qu’on en tire. Seul un respect acquis de l’ordre social soutient encore, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’o
5869 e l’ordre social soutient encore, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les
5870 . Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoquées par le mari qui trompe sa
5871 trompe sa femme ; il dit tantôt : « Cela n’a pas d’ importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une
5872 rtant que toutes vos petites morales et garanties de bonheur bourgeois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas
5873 » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu, la gauloiserie n’étant pas m
5874 ue la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout en
5875 açon de l’idéaliser. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout engagement concret considéré comme une odieuse
5876 gie rationaliste ou hédoniste, je ne parlerai que d’ une fidélité observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engag
5877 e commune en la valeur révélatrice du spontané et de la multiplicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réuni
5878 être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur
5879 nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est a
5880 rité que l’on croit, et en second lieu la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de cons
5881 vre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins
5882 au moins autant que la passion, elle se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin co
5883 se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’être aimé, par
5884 nstant de subir ses rêves, par un besoin constant d’ agir pour l’être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle ch
5885 le s’édifie à la manière d’une œuvre, à la faveur d’ une œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à
5886 rois supposent un parti pris, ou mieux, une prise de parti, au sens actif de l’expression, une attitude fondamentale de cr
5887 pris, ou mieux, une prise de parti, au sens actif de l’expression, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la p
5888 actif de l’expression, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité int
5889 teur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan
5890 vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien
5891 fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette
5892 une chance de faire œuvre, et de s’élever au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas
5893 as faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si
5894 éserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de
5895 bles ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est faite une fois pour
5896 e la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et c’est dans la fidélité « absurde » qu’elle pourra la réa
5897 r : quand il y aurait toutes les raisons du monde de dire oui à cette passion éblouissante, — dire non en vertu de l’absur
5898 u de l’absurde, en vertu d’une promesse ancienne, d’ une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu
5899 d’une promesse ancienne, d’une déraison humaine, d’ une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et pe
5900 se ancienne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus
5901 nne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’ une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus tard, a
5902 compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours.) Mais s
5903 -nous encore imaginer une grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidél
5904 ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’ une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la
5905 lie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’est pas un héroïsme
5906 èle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des
5907 des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) O
5908 reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’initiation,
5909 gende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’ initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’acc
5910 les grandes épreuves d’initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’accueille par ces paroles : « J
5911 le par ces paroles : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, m
5912 is toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellem
5913 an n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-à-dire la seule délivrance du moi coupable
5914 us profonde et secrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le trans
5915 ecrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui do
5916 he s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui donnant un but essentiel
5917 re, mépriser son bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Is
5918 bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’ accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Isolde agonisante.
5919 accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’ Isolde agonisante. Fidélité qui consume la vie, mais qui consume aussi
5920 faute, et divinise un moi purifié, « innocent » ! De ces origines mystiques, la « fidélité passionnée » n’a gardé parmi no
5921 passionnée » n’a gardé parmi nous que l’illusion d’ accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cette illusion trahit
5922 n d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion prim
5923 cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion primitive. Religion antérieure à notre « instinct » moder
5924 nstinct » moderne, et qui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. « Notr
5925 ui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. « Notre engagement n’était pa
5926 nt à sa fiancée perdue. C’est l’émouvante formule de la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la f
5927 la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engageme
5928 ntraire un engagement pris pour ce monde. Partant d’ une déraison « mystique » (si l’on veut), indifférente, sinon hostile
5929 aime voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la
5930 de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’ exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde
5931 tait un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’envahir l’â
5932 exclure et de nier la création dans sa diversité, d’ empêcher le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil
5933 a création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’ envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la
5934 nvahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est, dans son in
5935 es époux est l’accueil de la créature, la volonté d’ accepter l’autre tel qu’il est, dans son intime singularité. Insistons
5936 t ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour.
5937 nter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’ indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bi
5938 per sa femme serait une preuve d’indigence et non d’ amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé,
5939 r. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle
5940 l’autre, que le moi rejoint sa personne — au-delà de son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle créa
5941 tuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individu et son naturel égoïsme, c
5942 uvrira que la fidélité dans le mariage est la loi d’ une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la poly
5943 iage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pou
5944 naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Trist
5945 n plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deu
5946 la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et son aboutisseme
5947 ait la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d’ Iseut c’était l’angoisse d’être deux\ et son aboutissement suprême, c’
5948 L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’ être deux\ et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illim
5949 les visages, les destins singuliers : « Non plus d’ Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut qu
5950 es destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse
5951 nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’ être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir
5952 être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais
5953 i-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appell
5954 u mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tou
5955 (Il y a toujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’une « liaison »). Mais combien d’hommes savent-ils la diffé
5956 ujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’ une « liaison »). Mais combien d’hommes savent-ils la différence entre
5957 hange de plaisir d’une « liaison »). Mais combien d’ hommes savent-ils la différence entre une obsession que l’on subit et
5958 age ne saurait honnêtement s’appliquer à l’avenir d’ un état où l’on se trouve aujourd’hui ; mais il peut et il doit impliq
5959 ’hui ; mais il peut et il doit impliquer l’avenir d’ actes conscients que l’on assume : aimer, rester fidèle, éduquer ses e
5960 nt différents les sens du mot aimer dans le monde de l’Éros et dans le monde de l’Agapè. On le voit mieux encore si l’on c
5961 ot aimer dans le monde de l’Éros et dans le monde de l’Agapè. On le voit mieux encore si l’on constate que le Dieu de l’Éc
5962 n constate que le Dieu de l’Écriture nous ordonne d’ aimer. Le premier commandant du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur t
5963 du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait co
5964 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait concerner que des ac
5965 ur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait concerner que des actes. Il serait total
5966 erner que des actes. Il serait totalement absurde d’ exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et t
5967 des actes. Il serait totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et ton procha
5968 it totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impératif : « Aime Dieu et ton prochain comme toi-même »
5969 ton prochain comme toi-même » crée des structures de relations actives. L’impératif : « Sois amoureux ! » serait vide de s
5970 es. L’impératif : « Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa liberté.
5971 ens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa liberté. 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’
5972 berté. 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa pleine
5973 fin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a
5974 i a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascèse idéaliste — tout ce qu’un Nietzsche injustement reproche au
5975 , et non pas Agapè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu l’« idéaliser ». Mais Agapè se venge d’Éros en l
5976 qui a voulu l’« idéaliser ». Mais Agapè se venge d’ Éros en le sauvant. Car Agapè ne sait pas détruire et ne veut même pas
5977 la mort parce qu’il veut exalter la vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvemen
5978 vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvement qui fait que nous adorons la vie n
5979 négation. C’est la profonde misère, le désespoir d’ Éros, sa servitude inexprimable : — en l’exprimant, Agapè l’en délivre
5980 que la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’ être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à
5981 à la mort. Mais l’homme qui croit à la révélation de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi d
5982 in le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espérer autre chose, il sai
5983 hé. Et voici que l’Éros à son tour se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être
5984 se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’être un démon
5985 ortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’ être un dieu, il cesse d’être un démon 202. Et il retrouve sa juste pl
5986 destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’ être un démon 202. Et il retrouve sa juste place dans l’économie provi
5987 etrouve sa juste place dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire
5988 place dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éro
5989 n, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus d
5990 e païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus dangereux et le pl
5991 plus mystérieux, le plus profondément lié au fait de vivre. Toutes les religions païennes divinisent le Désir. Toutes cher
5992 devient aussitôt, et par là même, le pire ennemi de la vie, la séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’est fait c
5993 eu qui l’a aimé le premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut dans l’ascension
5994 ? Il perd sa puissance absolue quand nous cessons de le diviniser. C’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans le
5995 de le diviniser. C’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans le mariage. Car cette fidélité se fonde justement su
5996 é se fonde justement sur le refus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte sec
5997 fus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mysté
5998 juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît
5999 de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’ en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire con
6000 e secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu.
6001 tendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu. Le christianisme a p
6002 e. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’ un fait connu. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexe
6003 a proclamé l’égalité parfaite des sexes, et cela de la manière la plus précise : La femme n’a pas autorité sur son propr
6004 t la femme. (I. Cor., 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme » comme le croira
6005 égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme » comme le croira cependant Novalis, renouvelant la mystique
6006 abaissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’ une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être e
6007 qui tôt ou tard est la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens mod
6008 moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’amour. Elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Ag
6009 ’est que le signe et la démonstration du triomphe d’ Agapè sur Éros. Car l’amour réellement réciproque exige et crée l’égal
6010 our réellement réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’aiment. Dieu manifeste son amour pour l’homme en exigeant
6011 t saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine to
6012 e une personne humaine totale — non comme une fée de la légende, mi-déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de c
6013 déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de ces prémisses générales à la psychologie la plus concrète de la relat
6014 isses générales à la psychologie la plus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme acc
6015 lus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme accoutume à considérer les autres femmes
6016 ne femme accoutume à considérer les autres femmes d’ une manière tout à fait nouvelle, inconnue du monde de l’Éros : comme
6017 e manière tout à fait nouvelle, inconnue du monde de l’Éros : comme des personnes, non plus comme des reflets ou des objet
6018 xercice spirituel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect203. Au contraire de l’ho
6019 tuel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect203. Au contraire de l’homme érotique,
6020 pe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect203. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la
6021 ultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect203. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité
6022 ect203. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité ne cherche plus à voir dans une femme seulement ce corps
6023 ent, à peine tenté, le mystère difficile et grave d’ une existence autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’a désiré
6024 ile et grave d’une existence autonome, étrangère, d’ une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif
6025 dité qu’elle développe. L’empire du mythe faiblit d’ autant ; et s’il reste improbable qu’il s’abolisse jamais sans laisser
6026 e improbable qu’il s’abolisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’un homme moderne, intoxiqué d’images — du moins
6027 olisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’ un homme moderne, intoxiqué d’images — du moins perd-il son efficace :
6028 traces dans le cœur d’un homme moderne, intoxiqué d’ images — du moins perd-il son efficace : ce n’est plus lui qui détermi
6029 up de foudre », et encore moins à la « fatalité » de la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accrédit
6030 de accréditée par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent
6031 rompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il serait a
6032 ables à ce titre, mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nou
6033 i l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y ét
6034 ce de ma personne. » Pieux mensonge204 du servant d’ Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatal
6035 onne. » Pieux mensonge204 du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant
6036 ux mensonge204 du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant au coup de
6037 coup de foudre, il est censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous engage à y voir la preuve d’une t
6038 ute la littérature nous engage à y voir la preuve d’ une très puissante nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de fo
6039 nte nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de su
6040 nsuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe
6041 oudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine l
6042 a vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine les contingenc
6043 , serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’ une puissance indéfinie et qui domine les contingences morales. Mais a
6044 s, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’une fidélité contrainte et détestée, soi
6045 pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’ une fidélité contrainte et détestée, soit d’une jalousie masochiste, s
6046  soit d’une fidélité contrainte et détestée, soit d’ une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’impuissance. Et en ef
6047 estée, soit d’une jalousie masochiste, soit enfin d’ un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien
6048 d’une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’ impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’u
6049 ’un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est d
6050 n effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’ une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue général
6051 e certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue générale, et sexuellement localisée, que le corps se voit por
6052 iots. Par contre, dans un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il appa
6053 un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monog
6054 st la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement charnel, et non du tout divinisé. Je répète toutefois
6055 riage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’observation qui réfu
6056 guments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’ un fait d’observation qui réfute les croyances courantes, nées du myth
6057 de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’ observation qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Trist
6058 qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tou
6059 croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait ineff
6060 i préfère le mythe et veut croire aux révélations de la passion. On objecte alors que le mariage ne serait plus que le « 
6061 rs que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fai
6062 ment, qui nous le fait croire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce
6063 session de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour
6064 s Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour sauvage »205 (et plus communément du sentimentalisme). L’amou
6065 uvage et naturel se manifeste par le viol, preuve d’ amour chez tous les barbares. Mais le viol, comme la polygamie, révèle
6066 ie, révèle que l’homme n’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire
6067 ’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire qu’il ne sait pas encore
6068 e aimer. Le viol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépe
6069 ol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’ égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépersonnalise les
6070 omine, ce n’est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il aime, justement, et qu’en vertu de cet
6071 justement, et qu’en vertu de cet amour, il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détruit la personne
6072 sonne. Il prouve ainsi qu’il veut d’abord le bien de l’autre. Son égoïsme passe par l’autre. On admettra que c’est une rév
6073 t dépasser la formule toute négative et privative de Croce, et définir enfin le mariage comme cette institution qui contie
6074 r la morale, mais par l’amour. 6.Les paradoxes de l’Occident Ces quelques remarques sur la passion et le mariage met
6075 iage mettent en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputen
6076 en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputent notre Occid
6077 qui se disputent notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enj
6078 t notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, m
6079 t, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’un cert
6080 spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’ un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique
6081 devoir entraîner la révision d’un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi
6082 ain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philo
6083 maine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira
6084 e d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dég
6085 elui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dégager le principe de correcti
6086 e. Au terme de cet ouvrage, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion p
6087 age, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion peuvent établir. ⁂ Les O
6088 y voient l’héritage du christianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme,
6089 namisme, correspondent aux trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraîn
6090 trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements.
6091 e la psyché occidentale. De là vient l’impression d’ évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclus
6092 De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du m
6093 pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensib
6094 justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’est pas le christianisme qui
6095 a fait naître la passion, mais c’est une hérésie d’ origine orientale. Cette hérésie s’est répandue d’abord dans les contr
6096 ous-produit du christianisme » ou le « changement d’ adresse d’une force que le christianisme a réveillée et orientée vers
6097 t du christianisme » ou le « changement d’adresse d’ une force que le christianisme a réveillée et orientée vers Dieu »206.
6098 tée vers Dieu »206. Il est plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité
6099 religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et
6100 enne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’h
6101 n avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’hérésie qui en résulta avec l’orthodoxie chrétienne. Première corre
6102 avec l’orthodoxie chrétienne. Première correction d’ importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynami
6103 correction d’importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sourc
6104 er que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sources distinctes. Si c’est notre délire guerrier que l’on ente
6105 ner par ce terme, nous avons vu qu’il se rattache de la manière la plus précise, historiquement, à la passion. Comme la pa
6106 iquement, à la passion. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masqu
6107 n. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’ une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. D
6108 on, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti,
6109 tion de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Mais l’autre aspect du d
6110 itude humaine qu’il révèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de
6111 hèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’e
6112 t une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passi
6113 choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passion ni la foi hérétique dont elle e
6114 raient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, puisque c’est là le but et la fonction originelle du Démiu
6115 le du Démiurge, et puisque le salut est justement d’ échapper à sa loi démoniaque207. Faut-il voir à la source de cet aspec
6116 à sa loi démoniaque207. Faut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempéram
6117 ut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelqu
6118 ct le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambitio
6119 ment continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambition chrétienne définie par l’Apôtre (Romains, 8), et qui tendr
6120 ve, troublée par le péché ? La volonté chrétienne de transformer le pécheur dans son âme et dans sa conduite a entraîné en
6121 et dans sa conduite a entraîné en Occident l’idée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), et l’i
6122 Occident l’idée de transformer le milieu humain ( d’ où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu natu
6123 ée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la t
6124 umain (d’où le mythe de la révolution), et l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la technique). Reste à savoir si
6125 ion), et l’idée de transformer le milieu naturel ( d’ où la technique). Reste à savoir si le christianisme, accueilli par le
6126 ais la réponse n’importe pas ici : il nous suffit de marquer que les éléments occidentaux-chrétiens (c’est-à-dire créateur
6127 ntés par une volonté exactement contraire à celle de la passion. Ce qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de f
6128 qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de fait une fatale erreur dans l’activisme moderne, c’est la collusion d
6129 reur dans l’activisme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la
6130 visme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la guerre devenant
6131 rre devenant « nationale » exige la collaboration de toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’es
6132 e toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’est alors la passion (guerrière) qui va devenir le pr
6133 on (guerrière) qui va devenir le principal moteur de la recherche mécanique : on l’a bien vu depuis 1915. Mais cette union
6134 is cette union tout à fait monstrueuse des forces de mort et des forces créatrices va dénaturer à la fois la guerre et le
6135 épètent tant de publicistes — qui est responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrét
6136 nsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrétien208. Il est tout au contraire manichéen.
6137 s cultivé la religion para ou même antichrétienne de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion serait la tentation ori
6138 lure que la passion serait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre his
6139 e et xiiie siècles, et par l’impulsion décisive de l’hérésie méridionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l
6140 ionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mo
6141 du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dir
6142 nt pas produit les mêmes effets parmi les peuples de l’Orient ? C’est qu’elles n’y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ai
6143 mes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’ avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter. Tel
6144 és à l’exalter. Telle fut la tentation permanente d’ où jaillirent nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie pr
6145 un accent se déplace pour que le dynamisme change de signe. ⁂ C’est en fin de compte dans l’attitude religieuse des Occide
6146 ccidentaux, et dans l’institution la plus typique de leur morale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer av
6147 orale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dép
6148 ’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il est certain qu
6149 de repérer avec assez de précision ce déplacement d’ accent dont tout dépend. Il est certain que l’Occidental christianisé
6150 ertain que l’Occidental christianisé se distingue de l’Oriental par son pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a
6151 ianisé se distingue de l’Oriental par son pouvoir d’ approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le
6152 pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orien
6153 s ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orientale cherche la connaissance dans l’a
6154 essive du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’être dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle
6155 distincte, sans cesse approfondie comme telle. «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
6156 t plus nous connaissons les choses particulières, d’ autant plus nous connaissons Dieu », dit Spinoza. Cette attitude, qui
6157 t, définit en même temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion.
6158 me temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion. Elle suppose l’a
6159 idélité, de la personne, du mariage — et du refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’inc
6160 Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’incomplet, la prise sur le concret dans ses limitations. Le chrétie
6161 moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’ une décadence occidentale. Il est en d’autres, certes, dans les domain
6162 s les plus divers : le culte du nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalist
6163 u nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalistes : tout ce qui tend à ruiner
6164 appent souvent aux prises individuelles. Le signe de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’est pl
6165 otidien, plus intimement vérifiable. 7.Au-delà de la tragédie Cet ouvrage, à bien des égards, peut apparaître comme
6166 à bien des égards, peut apparaître comme le bilan d’ une décadence : mythe dégradé, mariage en crise, formes et conventions
6167 aux domaines où il peut entraîner la destruction de notre civilisation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’autant
6168 isation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’ autant plus qu’on voudrait le nier. Cependant, à plusieurs reprises, l
6169 Cependant, à plusieurs reprises, la connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. P
6170 ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il se peut que l’Europe, après une crise
6171 osé qu’elle n’y succombe point), retrouve le sens d’ une fidélité gagée au moins sur des institutions solides, à la mesure
6172 u moins sur des institutions solides, à la mesure de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent
6173 re de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent des résistances, c’est-à-dire des formes nouvel
6174 ais après tout, n’est-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains qui obsède aujourd’hui tant de
6175 monde nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre
6176 aissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais notre vocation est toujours hic et nunc, dans
6177 re vocation est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amor
6178 l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexions, amorcés çà et là dans ces pages, pourront en constituer l
6179 t en constituer la conclusion ouverte. J’ai tenté de débrouiller certains problèmes posés en termes d’histoire et de psych
6180 certains problèmes posés en termes d’histoire et de psychologie : mais les constatations tout objectives auxquelles je me
6181 lemme passion-fidélité peut nous le faire croire. De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont on pressent au moin
6182 au moins la solution, le dépassement. Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de
6183 ilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la
6184 e saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la passion
6185 ncipe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. Le philisti
6186 primer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sor
6187 n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori toute passion, c’est qu’il n’en a connu aucune,
6188 e-là le seul progrès concevable est dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel209. Mais au-delà d
6189 -à-dire dans le drame passionnel209. Mais au-delà de la passion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons-nous désorma
6190 thèmes que je vais esquisser indiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématism
6191 ndiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématisme inhérent à tout exposé. ⁂ Le
6192 l’événement qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec
6193 nt qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La
6194 t de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous de
6195 e de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous demeure en partie mystérieuse : c’est « le secret 
6196 de. Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’ une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’on n
6197 ait en pressentir la gravité sans invoquer la foi de Kierkegaard. Selon lui, l’homme fini et pécheur ne saurait entretenir
6198 qui est l’Éternel et le Saint — que des relations d’ amour mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo » et celui q
6199 le réduire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». No
6200 heurtons ici à l’extrême limite, à l’origine pure de la passion — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la f
6201  mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort au monde, tué par l’am
6202 ant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’ autre tâche ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi »,
6203 che ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « i
6204 ier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit co
6205 a foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit comme n’im
6206 suite, c’est en vertu de l’absurde (c’est-à-dire de la foi). Il fait sans cesse le saut dans l’infini, mais avec une tell
6207 ans le fini, et qu’on ne remarque en lui rien que de fini »210… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une
6208 que en lui rien que de fini »210… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion n
6209 fini »210… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’ amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente
6210 , initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’ être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bie
6211 s que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion — quel que soit l’or
6212 au-delà réel, et son salut, que par cette action d’ obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le mon
6213 que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de l’a
6214  ressaisir » le monde fini que dans la conscience de sa perte, infiniment féconde pour son génie ; il ne recouvra pas Régi
6215 ; il ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cett
6216 ra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre était
6217 Et c’est peut-être que cette œuvre était le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que dans la vo
6218 vocation vraiment unique du Solitaire, le secret de son échec humain ? D’autres reçoivent une autre vocation, épousent Ré
6219 rtu de l’absurde ». Et ils s’étonnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là sont trop simples et totales pour qu’un
6220 re la question qu’elles nous posent et la réponse de notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d
6221 econd thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’ une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être con
6222 re conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’
6223 omme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension
6224 assion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus
6225 on spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus ardente passion, saint Jean de la Croix connaît que l’âme att
6226 ean de la Croix connaît que l’âme atteint un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomm
6227 int un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomme le mariage mystique. L’âme se compor
6228 rte alors à l’endroit de son amour avec une sorte d’ indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinct
6229 érence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne désire plus r
6230 ui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit a
6231 ualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’ obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé
6232 un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé sans cesse dans l’acte mêm
6233 se voit alors comblé sans cesse dans l’acte même d’ obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de consc
6234 même d’obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété
6235 rte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir.
6236 t plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analog
6237 e de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la p
6238 t la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion, née du mortel désir
6239 ors concevoir que la passion, née du mortel désir d’ union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la renco
6240 t être dépassée et accomplie que par la rencontre d’ un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout j
6241 que par la rencontre d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui of
6242 d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui offre une alliance sans
6243 nse, la nostalgie comblée par la présence cessent d’ appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour
6244 ce cessent d’appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nou
6245 dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas co
6246 ure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux.
6247 sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon
6248 on n’est plus le même. Une fidélité gardée au Nom de ce qui ne change pas comme nous, révèle peu à peu son mystère : c’est
6249 , révèle peu à peu son mystère : c’est qu’au-delà de la tragédie, il y a de nouveau le bonheur. Un bonheur qui ressemble à
6250 ion : 1954.) 200. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des
6251 en tiens au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage chrétien ; et des états de mariage dans la pa
6252 e passion dans le mariage chrétien ; et des états de mariage dans la passion… 201. Plus on s’écarte de l’espèce pour se r
6253 e mariage dans la passion… 201. Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient sin
6254 . Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient singulier. À cette personnalisatio
6255 choix devient singulier. À cette personnalisation de l’être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’i
6256 orrespond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct, à mesure que l’homme se virilise : c’est l’argument du Dr
6257 de la monogamie. 202. Voir le remarquable essai de R. de Pury, « Éros et Agapè » dans le recueil collectif intitulé Prob
6258 pè » dans le recueil collectif intitulé Problèmes de la sexualité (collection « Présences ») : « Un chrétien peut et doit
6259 ’est pas le péché ; le péché c’est la sublimation d’ Éros. » 203. En quoi consiste le respect, au sens où je le prends ici
6260 En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’ une personne. La personne, selon la fameuse définition kantienne, c’es
6261 ent. 204. Sur la liaison absolument fondamentale de la passion et du mensonge, voir supra chap. 10, livre I. 205. B. Cr
6262 tica. 206. Leo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion est admirablement défini par ce petit livre dans ses donné
6263 ice 4.) 207. « L’idée antique du travail indigne de l’homme libre se retrouve dans la chevalerie », écrit Henri Pirenne,
6264 ns la chevalerie », écrit Henri Pirenne, Histoire de l’Europe, p. 113. 208. Il y a l’Apocalypse, dira-t-on. Mais les cata
6265 la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la grâce fait par Dieu. 209. Faut-il aller encore plus loin que Kie
6266 le dépassement du « stade éthique » ? Il m’arrive de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a san
6267 tade éthique » ? Il m’arrive de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a sans doute aucun profit
6268 de le pressentir, et de penser : du point de vue de la foi, il n’y a sans doute aucun profit au « règlement des mœurs » p
6269 s mœurs » pour les non-chrétiens. C’est une façon de les mettre, au contraire, à l’abri du désespoir réel, humain, qui les
6270 el, humain, qui les conduirait à la foi. Une cure d’ âme comprise non pas au sens d’une hygiène morale bourgeoise, mais au
6271 à la foi. Une cure d’âme comprise non pas au sens d’ une hygiène morale bourgeoise, mais au sens chrétien — la guérison à o
6272 e non chrétien qu’il traverse tout le « bonheur » de la passion. Or on s’efforce de le retenir en deçà. Si bien que le seu
6273 out le « bonheur » de la passion. Or on s’efforce de le retenir en deçà. Si bien que le seul au-delà concret qu’il soit en
6274 en que le seul au-delà concret qu’il soit en état de désirer, d’imaginer, c’est le « dérèglement des passions ». Mais voil
6275 ul au-delà concret qu’il soit en état de désirer, d’ imaginer, c’est le « dérèglement des passions ». Mais voilà ce qu’il f
6276 Tremblement, traduit d’après la version allemande de E. Geismar et R. Marx.
10 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Appendices
6277 Appendices 1.Caractère sacré de la légende Pour éviter tout malentendu, je préciserai ici que mon
6278 ici que mon analyse se borne à la légende écrite de Tristan. C’est d’elle seule que je parle quand je parle du mythe « pr
6279 se se borne à la légende écrite de Tristan. C’est d’ elle seule que je parle quand je parle du mythe « primitif ». Il serai
6280 nd je parle du mythe « primitif ». Il serait aisé de se prévaloir du caractère sacré que certains auteurs du siècle dernie
6281 dernier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de Tristan et d’Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le vi
6282 u pouvoir attribuer aux personnages de Tristan et d’ Iseut (ou Essylt) dans la mythologie celtique. Dès le viie siècle, Tr
6283 rés », c’est-à-dire des élèves des druides, rival de son oncle Markh, le roi-cheval, et amant d’Essylt, dont on a pu suppo
6284 rival de son oncle Markh, le roi-cheval, et amant d’ Essylt, dont on a pu supposer que le nom signifiait « spectacle mystér
6285 e le nom signifiait « spectacle mystérieux, objet de contemplation », fée irlandaise, cavale aux crins blancs, ou encore f
6286 se, cavale aux crins blancs, ou encore figuration de l’eau de la chaudière de Cerridwen, qui donne l’inspiration aux barde
6287 e aux crins blancs, ou encore figuration de l’eau de la chaudière de Cerridwen, qui donne l’inspiration aux bardes, guérit
6288 cs, ou encore figuration de l’eau de la chaudière de Cerridwen, qui donne l’inspiration aux bardes, guérit et ressuscite,
6289 ressuscite, c’est-à-dire élève l’initié à la vie de l’esprit. Tout cela est vraisemblable, et contesté. Dans les Mabinogi
6290 brève sur la légende originelle : « Drystan, fils de Tallwch, gardien des porcs de Markh, amant d’Essylt. » (C’est dans un
6291 e : « Drystan, fils de Tallwch, gardien des porcs de Markh, amant d’Essylt. » (C’est dans une énumération des amants fameu
6292 ils de Tallwch, gardien des porcs de Markh, amant d’ Essylt. » (C’est dans une énumération des amants fameux de la Bretagne
6293 . » (C’est dans une énumération des amants fameux de la Bretagne.) On a voulu voir également dans la rivalité de Tristan e
6294 agne.) On a voulu voir également dans la rivalité de Tristan et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricai
6295 ulu voir également dans la rivalité de Tristan et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et les Gall
6296 dans la rivalité de Tristan et de Marc le symbole de la lutte entre les Bretons armoricains et les Gallo-Francs. Il est in
6297 -Francs. Il est incontestable que maints éléments de la tradition bardique (orale) sont incorporés dans la légende. (Cf. l
6298 mas, Eilhart, l’auteur du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignorai
6299 s. Et les traces qui subsistent, dans leur texte, d’ anciennes pratiques de magie montrent bien que l’usage de ces dernière
6300 ubsistent, dans leur texte, d’anciennes pratiques de magie montrent bien que l’usage de ces dernières est oublié, à l’époq
6301 nnes pratiques de magie montrent bien que l’usage de ces dernières est oublié, à l’époque et dans les pays où ils écrivent
6302 ù ils écrivent. Tout cela n’est plus qu’ornements d’ art, pittoresque, anecdotes interprétées par la fantaisie individuelle
6303 elle du poète. Les faits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’u
6304 s doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’ extravagances. Chaque parole et chaque geste du héros devaient corresp
6305 correspondre à des symboles déterminés. La maison de verre par exemple, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut, étai
6306 t, était dans la mythologie druidique le vaisseau de la mort qui s’en va par-delà les nuages jusqu’au cercle céleste du Gw
6307 este du Gwynfyd. Dans la Folie Tristan, la maison de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fantaisie poétique
6308 on de verre n’est plus qu’une image émouvante née de la fantaisie poétique de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ
6309 ’une image émouvante née de la fantaisie poétique de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de Tristan pour la Bretag
6310 ue de l’amoureux. De même, chez Thomas, le départ de Tristan pour la Bretagne n’a plus aucun sens « historique » défini ;
6311 ons que je ne tiens compte, dans mon analyse, que de la légende rédigée, et réinventée quant au sens, par les poètes du xi
6312 lle seule agit encore sur nous, en tant que mythe de l’amour-passion. 2.Chevalerie sacrée La pensée médiévale en gé
6313 ée La pensée médiévale en général est saturée de conceptions religieuses. De la même manière, dans une sphère plus res
6314 n général est saturée de conceptions religieuses. De la même manière, dans une sphère plus restreinte, la pensée de tous c
6315 nière, dans une sphère plus restreinte, la pensée de tous ceux qui vivent dans les cercles de la cour et de la noblesse es
6316 a pensée de tous ceux qui vivent dans les cercles de la cour et de la noblesse est imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cet
6317 us ceux qui vivent dans les cercles de la cour et de la noblesse est imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cette conception
6318 ercles de la cour et de la noblesse est imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cette conception envahit même le domaine de la
6319 eresque. Cette conception envahit même le domaine de la religion : la prouesse de l’archange saint Michel était « la premi
6320 ahit même le domaine de la religion : la prouesse de l’archange saint Michel était « la première milicie et prouesse cheva
6321 ureuse qui oncques fut mise en exploict » ; c’est de là que procède la chevalerie qui, en tant que « milicie terrienne et
6322 ne imitation des chœurs des anges autour du trône de Dieu. Le poète espagnol Juan Manuel l’appelle une espèce de sacrement
6323 e poète espagnol Juan Manuel l’appelle une espèce de sacrement, qu’il compare au Baptême et au Mariage. (J. Huizinga, Le D
6324 evaleresque constituait pour l’esprit superficiel de ces auteurs [Froissart, Monstrelet, Chastellain, La Marche…] une clef
6325 En réalité, les guerres, tout comme la politique de leur temps, étaient extrêmement informes, et apparemment incohérentes
6326 t incohérentes. La guerre était un état chronique d’ escarmouches isolées s’étendant sur un vaste domaine ; la diplomatie,
6327 es, et d’autre part, par un ensemble inextricable de questions de droit isolées et mesquines. L’histoire, n’étant pas en m
6328 e part, par un ensemble inextricable de questions de droit isolées et mesquines. L’histoire, n’étant pas en mesure de disc
6329 s et mesquines. L’histoire, n’étant pas en mesure de discerner un réel développement social, se servait de la fiction de l
6330 iscerner un réel développement social, se servait de la fiction de l’idéal chevaleresque à l’aide de laquelle elle réduisa
6331 el développement social, se servait de la fiction de l’idéal chevaleresque à l’aide de laquelle elle réduisait le monde au
6332 laquelle elle réduisait le monde aux proportions d’ une belle image d’honneur princier et de vertu courtoise, et créait l’
6333 uisait le monde aux proportions d’une belle image d’ honneur princier et de vertu courtoise, et créait l’illusion de l’ordr
6334 oportions d’une belle image d’honneur princier et de vertu courtoise, et créait l’illusion de l’ordre. (Ibid., p. 80.)
6335 ncier et de vertu courtoise, et créait l’illusion de l’ordre. (Ibid., p. 80.) 3.Chansons de geste et romans courtois
6336 lusion de l’ordre. (Ibid., p. 80.) 3.Chansons de geste et romans courtois Les chansons de geste sont nées au xie s
6337 nsons de geste et romans courtois Les chansons de geste sont nées au xie siècle, et pas avant comme l’a montré Joseph
6338 ondateurs. Il est compréhensible que ces chansons de clercs parlent très peu ou point d’amour. Une seule, la Légende de Gi
6339 ces chansons de clercs parlent très peu ou point d’ amour. Une seule, la Légende de Girard de Roussillon (composée entre 1
6340 très peu ou point d’amour. Une seule, la Légende de Girard de Roussillon (composée entre 1150 et 1180 selon Bédier) conti
6341 re 1150 et 1180 selon Bédier) contient un épisode d’ amour courtois. Elle est écrite dans un dialecte intermédiaire entre l
6342 ovençal. À tous égards, elle marque la transition de l’épopée française au « roman » proprement dit. L’épisode d’amour nou
6343 française au « roman » proprement dit. L’épisode d’ amour nous intéresse d’autant plus qu’il décrit une situation fort ana
6344 proprement dit. L’épisode d’amour nous intéresse d’ autant plus qu’il décrit une situation fort analogue — dans sa forme —
6345 fort analogue — dans sa forme — à celle du Roman de Tristan. Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une in
6346 on courtoise (elle tranche nettement sur le reste de la légende qui est cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan
6347 t subir au vieux mythe celtique. Elle nous permet de mesurer l’influence décisive de l’amour courtois sur les auteurs du c
6348 Elle nous permet de mesurer l’influence décisive de l’amour courtois sur les auteurs du cycle breton. Voici la donnée : l
6349 sera Charles, la cadette, Elissent, sera la femme de Girard. Lorsque Charles voit les deux princesses, il s’éprend d’Eliss
6350 que Charles voit les deux princesses, il s’éprend d’ Elissent, déjà fiancée à Girard. Après un long débat, Girard consent à
6351 consent à céder Elissent, à condition qu’il cesse d’ être vassal du roi. Il épouse Berthe, tandis qu’Elissent devient reine
6352 s, ainsi que Berthe sa femme, et la reine. Femme de roi, dit-il, que pensez-vous de l’échange que j’ai fait de vous ? Je
6353 la reine. Femme de roi, dit-il, que pensez-vous de l’échange que j’ai fait de vous ? Je sais bien que vous me tenez pour
6354 it-il, que pensez-vous de l’échange que j’ai fait de vous ? Je sais bien que vous me tenez pour méprisable. — Non, Seigneu
6355 r méprisable. — Non, Seigneur, mais pour un homme de valeur et de prix. Vous m’avez faite reine, et ma sœur, vous l’avez é
6356 — Non, Seigneur, mais pour un homme de valeur et de prix. Vous m’avez faite reine, et ma sœur, vous l’avez épousée pour l
6357 ine, et ma sœur, vous l’avez épousée pour l’amour de moi. Écoutez-moi, vous, comtes Bertolai et Gervais. Et vous, ma chère
6358 ne à jamais mon amour au duc Girard. Je lui donne de mon oscle la fleur, parce que je l’aime plus que mon père et plus que
6359 ari ; et le voyant partir, je ne puis me défendre de pleurer… » Dès ce moment, ajoute le poète, « dura toujours l’amour de
6360 moment, ajoute le poète, « dura toujours l’amour de Girard et d’Elissent, pur de tout reproche, sans qu’il y eût entre eu
6361 te le poète, « dura toujours l’amour de Girard et d’ Elissent, pur de tout reproche, sans qu’il y eût entre eux autre chose
6362 ura toujours l’amour de Girard et d’Elissent, pur de tout reproche, sans qu’il y eût entre eux autre chose que bon vouloir
6363 est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’ un vassal puissant chargé de la « quête » d’une fiancée lointaine — d’
6364 t dans les deux cas : D’un vassal puissant chargé de la « quête » d’une fiancée lointaine — d’une rivalité entre le vassal
6365 cas : D’un vassal puissant chargé de la « quête » d’ une fiancée lointaine — d’une rivalité entre le vassal et son suzerain
6366 chargé de la « quête » d’une fiancée lointaine —  d’ une rivalité entre le vassal et son suzerain ; — d’un conflit entre l’
6367 ’une rivalité entre le vassal et son suzerain ; —  d’ un conflit entre l’hommage dû au suzerain et l’hommage donné à la femm
6368 dû au suzerain et l’hommage donné à la femme ; —  d’ un mariage de consolation du vassal (ici avec la sœur de son amie, là
6369 in et l’hommage donné à la femme ; — d’un mariage de consolation du vassal (ici avec la sœur de son amie, là avec son homo
6370 ariage de consolation du vassal (ici avec la sœur de son amie, là avec son homonyme) — enfin dans les deux légendes, l’amo
6371 t sa fidélité triomphent idéalement du mariage et de sa fidélité, en même temps que des liens féodaux. Mais les différence
6372 s significatives. Dans Tristan, c’est la jalousie d’ Iseut aux blanches mains qui provoque la catastrophe, tandis que dans
6373 extes « courtois ». Ils nous permettent également de concevoir que Béroul et Thomas n’ont gardé du mythe druidique guère d
6374 ère davantage que les noms et le support matériel de l’action. 1. Sur le mariage en général : Jugement de la comtesse de
6375 ’action. 1. Sur le mariage en général : Jugement de la comtesse de Champagne : Par la teneur des présentes, nous disons
6376 roquement et gratuitement, sans aucune obligation de nécessité, tandis que les époux sont tenus par devoir à toutes les vo
6377 sont tenus par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugement que nous prononçons avec une extrême maturit
6378 gable. Donné l’an 1174, le troisième des calendes de mai, indiction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de Tristan : Ju
6379 indiction VII. 2. À rapprocher du mariage blanc de Tristan : Jugement de la reine Eléonore : Demande. Un amant heureux
6380 rapprocher du mariage blanc de Tristan : Jugement de la reine Eléonore : Demande. Un amant heureux avait demandé à sa da
6381 ant heureux avait demandé à sa dame la permission d’ offrir ses hommages à une autre : il y fut autorisé et cessa de sentir
6382 hommages à une autre : il y fut autorisé et cessa de sentir pour sa première amie la tendresse qu’il lui avait portée d’ab
6383 abord. Après un mois, il revient à elle, proteste de ne pas s’être épris ailleurs, et de n’avoir pris aucune liberté avec
6384 lle, proteste de ne pas s’être épris ailleurs, et de n’avoir pris aucune liberté avec l’autre dame, mais d’avoir voulu seu
6385 avoir pris aucune liberté avec l’autre dame, mais d’ avoir voulu seulement mettre à l’épreuve la constance de sa maîtresse.
6386 r voulu seulement mettre à l’épreuve la constance de sa maîtresse. Celle-ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en est
6387 la constance de sa maîtresse. Celle-ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en est rendu indigne en implorant et en acc
6388 mplorant et en acceptant pareille licence. Arrêt de la reine Éléonore. Telle est la nature de l’amour : les amants feigne
6389 Arrêt de la reine Éléonore. Telle est la nature de l’amour : les amants feignent souvent de souhaiter d’autres nœuds, po
6390 a nature de l’amour : les amants feignent souvent de souhaiter d’autres nœuds, pour s’assurer davantage de la fidélité et
6391 ouhaiter d’autres nœuds, pour s’assurer davantage de la fidélité et de la constance de la personne aimée. C’est léser le d
6392 nœuds, pour s’assurer davantage de la fidélité et de la constance de la personne aimée. C’est léser le droit des amants qu
6393 surer davantage de la fidélité et de la constance de la personne aimée. C’est léser le droit des amants que de refuser, so
6394 rsonne aimée. C’est léser le droit des amants que de refuser, sous un prétexte semblable, ses embrassements ou sa tendress
6395 ière le néglige. Ce n’est point tant la constance de son amie que la sienne propre qu’il veut mettre à l’épreuve. À cette
6396 t bien du même ordre. 4.Conceptions orientales de l’amour Il est bien entendu que j’appelle Orient une certaine atti
6397 que j’appelle Orient une certaine attitude totale de l’homme qui s’est manifestée principalement chez les peuples et dans
6398 cipalement chez les peuples et dans les religions de l’Asie. L’Iran, l’islam, l’Arabie et le judaïsme ne sont pas cet Orie
6399 x occidentaux. Il en va tout autrement des Indes, de la Chine, du Tibet, sinon peut-être du Japon médiéval (voir le célèbr
6400 gi), du Japon. Dans un très beau recueil posthume de poèmes et d’essais de Léo Ferrero : Désespoirs, je trouve cette relat
6401 . Dans un très beau recueil posthume de poèmes et d’ essais de Léo Ferrero : Désespoirs, je trouve cette relation d’un entr
6402 très beau recueil posthume de poèmes et d’essais de Léo Ferrero : Désespoirs, je trouve cette relation d’un entretien qu’
6403 éo Ferrero : Désespoirs, je trouve cette relation d’ un entretien qu’a eu l’auteur avec un jeune Chinois : Le concept d’am
6404 a eu l’auteur avec un jeune Chinois : Le concept d’ amour » n’existe pas en Chine. Le verbe « aimer » est employé seulemen
6405 et les fils. Le mari n’aime pas la femme : « il a de l’affection pour elle », plus ou moins. Quant aux rapports entre la f
6406 ils définissent leurs sentiments. La philosophie de Motse (taoïste) — la seule un peu chrétienne, qui a pour fondement qu
6407 iés très jeunes par leurs parents, et le problème de l’amour ne se pose pas. Ils n’ont pas à poursuivre toute la vie cette
6408 utres, et dont nous voulons être sûrs. L’attitude de l’Européen qui se demande toute sa vie : « Est-ce de l’amour ou non ?
6409 l’Européen qui se demande toute sa vie : « Est-ce de l’amour ou non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est-ce qu
6410 e j’aime vraiment cette femme, ou est-ce que j’ai de l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou est-ce que j’ai seu
6411 ue j’aime Dieu ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’amour ? »
6412 il n’aime pas cette femme ; il a seulement envie de l’aimer — cette attitude pourrait être considérée par un psychiatre c
6413 dérée par un psychiatre chinois comme un symptôme de folie. « Nous sommes fous sans nous en rendre compte ; toute notre vi
6414 x, la tranquillité ! Je suis moi-même le plus fou de tous les fous, hélas ! Mais au moins maintenant je le sais. Et encor
6415 ondée sur la famille, et la famille sur l’absence d’ amour. Les traditions chinoises insistent sur ce point. Toute manifest
6416 oises insistent sur ce point. Toute manifestation de tendresse entre mari et femme est jugée inconvenante. (Ces lignes da
6417 femme est jugée inconvenante. (Ces lignes datent de 1933. Elles sont entièrement confirmées par tout ce que j’ai pu lire
6418 que j’ai pu lire depuis sur l’érotique chinoise, de Sylvain Lévi et Tuccé à Filliozat, Maspero et Van Gulik.) (Note de 19
6419 t Tuccé à Filliozat, Maspero et Van Gulik.) (Note de 1971.) 5.Mystique et amour courtois Dans un appendice à son bea
6420 endice à son beau livre sur la Théologie mystique de saint Bernard (Paris, 1934, p. 193 à 216), M. Étienne Gilson examine
6421 193 à 216), M. Étienne Gilson examine le problème d’ une influence possible de la mystique cistercienne sur les troubadours
6422 lson examine le problème d’une influence possible de la mystique cistercienne sur les troubadours. En effet, « chronologiq
6423 fute cette hypothèse en montrant : 1° que l’objet de l’amour n’est pas le même pour saint Bernard et pour les troubadours,
6424 n lui, la sensualité naturelle ; 2° que la nature de l’amour est très différente dans les deux cas, malgré d’apparentes an
6425 our est très différente dans les deux cas, malgré d’ apparentes analogies d’expression. M. Gilson conclut qu’il ne peut don
6426 dans les deux cas, malgré d’apparentes analogies d’ expression. M. Gilson conclut qu’il ne peut donc s’agir que « de deux
6427 M. Gilson conclut qu’il ne peut donc s’agir que «  de deux produits indépendants de la civilisation du xiie siècle », ayan
6428 t donc s’agir que « de deux produits indépendants de la civilisation du xiie siècle », ayant tout au plus en commun quelq
6429  », ayant tout au plus en commun quelques figures de langage. Je souscris sans réserve à ce jugement. Mais je le rejoins p
6430 ans réserve à ce jugement. Mais je le rejoins par de tout autres voies. Car l’opposition évidente entre la courtoisie et l
6431 ition évidente entre la courtoisie et la mystique de saint Bernard n’est pas seulement, comme l’a vu M. Gilson, celle de l
6432 ’est pas seulement, comme l’a vu M. Gilson, celle de la « chair » et de l’« esprit » au sens paulinien de ces termes, mais
6433 comme l’a vu M. Gilson, celle de la « chair » et de l’« esprit » au sens paulinien de ces termes, mais surtout celle de l
6434 la « chair » et de l’« esprit » au sens paulinien de ces termes, mais surtout celle de l’hérésie et de l’orthodoxie. Cepen
6435 sens paulinien de ces termes, mais surtout celle de l’hérésie et de l’orthodoxie. Cependant certains arguments invoqués p
6436 de ces termes, mais surtout celle de l’hérésie et de l’orthodoxie. Cependant certains arguments invoqués par M. Gilson me
6437 r — écrit notre auteur — sur l’objet et la nature de l’amour mystique tel que le conçoit saint Bernard : c’est un amour sp
6438 rtois serait au contraire « l’expression poétique de la concupiscence » (p. 200). Certes, une opinion assez répandue prête
6439 rs une attitude idéaliste du même genre que celle de saint Bernard. Pour dissiper cette illusion, M. Gilson — après M. Jea
6440  Gilson — après M. Jeanroy — invoque le langage «  d’ une crudité intraduisible » d’un Marcabru et même d’un Rudel. Mais tir
6441 nvoque le langage « d’une crudité intraduisible » d’ un Marcabru et même d’un Rudel. Mais tirer argument de cette crudité e
6442 une crudité intraduisible » d’un Marcabru et même d’ un Rudel. Mais tirer argument de cette crudité en faveur de la thèse s
6443 Marcabru et même d’un Rudel. Mais tirer argument de cette crudité en faveur de la thèse sensualiste et contre la symbolis
6444 » des modernes qui n’est sans doute que le résidu de préjugés scientifiques dépassés. Il se pourrait que nous tenions là u
6445 Il se pourrait que nous tenions là un bel exemple d’ anachronisme. A-t-on seulement remarqué que les siècles passés usaient
6446 ué que les siècles passés usaient très couramment d’ un langage plus « grossier » que le nôtre — signe d’une sensibilité se
6447 un langage plus « grossier » que le nôtre — signe d’ une sensibilité sexuelle peu énervée — tandis que notre langage décolo
6448 œurs des troubadours, ma déduction serait inverse de celle des savants modernes. Marcabru n’hésite pas à nommer un chat un
6449 il joue le jeu le plus naturel, selon la coutume de son temps. Ou si l’on tient que le langage érotique traduit nécessair
6450 rement une sensualité déchaînée, que pensera-t-on d’ une sainte Thérèse, d’un Ruysbroek ! b) « On n’a jamais entendu saint
6451 déchaînée, que pensera-t-on d’une sainte Thérèse, d’ un Ruysbroek ! b) « On n’a jamais entendu saint Bernard souhaiter d’êt
6452 ) « On n’a jamais entendu saint Bernard souhaiter d’ être débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sou
6453 entendu saint Bernard souhaiter d’être débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le joug de l’Amo
6454 nt Bernard souhaiter d’être débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le joug de l’Amour. Donc ce
6455 Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le joug de l’Amour. Donc cet amour n’est pas spirituel. — Mais plus tard, d’autr
6456 les expressions des troubadours, et souhaiteront d’ être libérés des tourments de l’amour divin : c’est là bien entendu, c
6457 urs, et souhaiteront d’être libérés des tourments de l’amour divin : c’est là bien entendu, comme chez les troubadours, un
6458 entendu, comme chez les troubadours, une manière d’ exprimer la violence de leur passion, une sorte d’antiphrase. Mais enc
6459 s troubadours, une manière d’exprimer la violence de leur passion, une sorte d’antiphrase. Mais encore une fois, si l’on v
6460 d’exprimer la violence de leur passion, une sorte d’ antiphrase. Mais encore une fois, si l’on veut déduire d’un tel « refu
6461 hrase. Mais encore une fois, si l’on veut déduire d’ un tel « refus » que l’Amour courtois était purement sensuel, la déduc
6462 est immanent sans être transcendant, il n’y a pas de problème mystique au sens où les chrétiens l’entendent. Ce qu’ils ont
6463 . Ce qu’ils ont à expérimenter… c’est l’immanence d’ un Dieu qui est et reste transcendant. » Mais alors, lorsqu’une créatu
6464 rs, lorsqu’une créature aime son Dieu, l’obstacle de la transcendance introduit dans l’amour un malheur essentiel (quoi qu
6465 -à-vis de l’amour des êtres. Certes : « la pureté de l’amour courtois sépare les amants, au lieu que celle de l’amour myst
6466 our courtois sépare les amants, au lieu que celle de l’amour mystique les unit ». Mais il faut voir que les amants courtoi
6467 contraire, l’amour mystique orthodoxe n’unit pas de cette façon, mais fait seulement communier. d) Pour démontrer que l’
6468 is est sensuel, M. Gilson cite encore une strophe de Thibaut de Champagne : Douce dame, s’il vos plesoit un soir M’avriez
6469 dame, s’il vos plesoit un soir M’avriez vos plus de joie doné C’onques Tristans, qui en fist son pouvoir N’en pust avoir
6470 , qui en fist son pouvoir N’en pust avoir nul jor de son ané. Et il commente : « À moins de réformer sérieusement notre c
6471 r nul jor de son ané. Et il commente : « À moins de réformer sérieusement notre conception des amours d’Iseut et de Trist
6472 réformer sérieusement notre conception des amours d’ Iseut et de Tristan, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des
6473 rieusement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments
6474 ours d’Iseut et de Tristan, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature des sentiments dont Thibaut est animé. » Précisé
6475 ts dont Thibaut est animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage est, entre autres, de « réformer sérieusement notre conce
6476 sément, l’objet de mon ouvrage est, entre autres, de « réformer sérieusement notre conception des amours d’Iseut et de Tri
6477 réformer sérieusement notre conception des amours d’ Iseut et de Tristan »… 6.Freud et les surréalistes Sur les relat
6478 rieusement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan »… 6.Freud et les surréalistes Sur les relations entre
6479 eud et les surréalistes, voir dans Les Pas perdus d’ André Breton la relation de sa courte et décevante visite à Freud (Vie
6480 ir dans Les Pas perdus d’André Breton la relation de sa courte et décevante visite à Freud (Vienne, 1921), puis dans le Ma
6481 ation à la suite de Freud, mais aussi les limites de l’interprétation freudienne ; d’autre part, les déclarations de Freud
6482 ation freudienne ; d’autre part, les déclarations de Freud sur un mouvement littéraire qu’il jugeait aussi sévèrement que
6483 ig datée du 20 juillet 1938, qui relate la visite de Salvador Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’étais tenté de tenir les
6484 or Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’étais tenté de tenir les surréalistes, qui apparemment m’ont choisi comme saint patr
6485 bsolu). Le jeune Espagnol, avec ses candides yeux de fanatique et son indéniable maîtrise technique, m’a incité à reconsid
6486 mon opinion. Il serait en effet très intéressant d’ étudier analytiquement la genèse d’un tableau de ce genre. Du point de
6487 ès intéressant d’étudier analytiquement la genèse d’ un tableau de ce genre. Du point de vue critique, cependant, on pourra
6488 t d’étudier analytiquement la genèse d’un tableau de ce genre. Du point de vue critique, cependant, on pourrait toujours d
6489 ependant, on pourrait toujours dire que la notion d’ art se refuse à toute extension lorsque le rapport quantitatif entre l
6490 pas dans des limites déterminées.  7.Avènement de la Dame au jeu d’échecs On a tenté d’expliquer la transformation d
6491 es déterminées.  7.Avènement de la Dame au jeu d’ échecs On a tenté d’expliquer la transformation du jeu par l’avènem
6492 vènement de la Dame au jeu d’échecs On a tenté d’ expliquer la transformation du jeu par l’avènement de la Dame ou Reine
6493 xpliquer la transformation du jeu par l’avènement de la Dame ou Reine, qui survint dès l’introduction des échecs en Europe
6494 tion des échecs en Europe, en imaginant une série de mutations phoniques à partir du nom de la pièce originelle. Dans le s
6495 une série de mutations phoniques à partir du nom de la pièce originelle. Dans le shatranj (persan pour chaturanga, qui si
6496 n fercia, puis altéré par les Français en fierce, d’ où selon certains : Vierge. En Russie au contraire, le mot firz aurait
6497 aurait à peine changé, donnant fers, avec le sens de Premier ministre. Mais voilà qui recule simplement la difficulté. Le
6498 à qui recule simplement la difficulté. Le passage de « firz » à « fercia » n’apparaît pas plus convaincant que celui de « 
6499 ercia » n’apparaît pas plus convaincant que celui de « fercia » à « vierge » (latin « virgo »). La déviation du son est au
6500 rononcée que celle du sens. Il s’agit en tout cas d’ une erreur, qui eût aussi bien pu être toute différente, ou ne pas êtr
6501 où la pièce reste masculine. Ensuite, le passage de Vierge à Dame ou Reine ne va pas de soi, mais constitue, précisément
6502 — s’il s’est vraiment produit — un signe de plus de la révolution psychique du Moyen Âge. C’est l’erreur sur le sens d’ab
6503 , mais manifeste une attraction visible, un champ de force mesurable. 8.Dante hérétique Tout à fait indépendamment d
6504 ut à fait indépendamment des travaux très sérieux d’ un Asin Palacios sur une possible influence de la mystique soufiste da
6505 eux d’un Asin Palacios sur une possible influence de la mystique soufiste dans la Comédie, il peut être intéressant de men
6506 oufiste dans la Comédie, il peut être intéressant de mentionner la thèse hardie et quelque peu aventureuse de deux auteurs
6507 ionner la thèse hardie et quelque peu aventureuse de deux auteurs du siècle dernier : Eugène Aroux et, à sa suite, Péladan
6508 et, à sa suite, Péladan. Aroux expose le résultat de ses inductions dans un ouvrage aujourd’hui presque introuvable intitu
6509 aliste (1854). Non seulement Dante faisait partie de l’ordre des Templiers, mais encore cet ordre aurait été lié à l’hérés
6510 ès lors, toute la Comédie, le Convito, et même le De vulgari eloquentia devraient être interprétés symboliquement. Dans un
6511 n. La brochure porte un titre significatif : Clef de la Comédie anticatholique de Dante Alighieri, pasteur de l’Église alb
6512 significatif : Clef de la Comédie anticatholique de Dante Alighieri, pasteur de l’Église albigeoise de la ville de Floren
6513 omédie anticatholique de Dante Alighieri, pasteur de l’Église albigeoise de la ville de Florence, affilié à l’ordre du Tem
6514 e Dante Alighieri, pasteur de l’Église albigeoise de la ville de Florence, affilié à l’ordre du Temple — donnant l’explica
6515 hieri, pasteur de l’Église albigeoise de la ville de Florence, affilié à l’ordre du Temple — donnant l’explication du lang
6516 t l’explication du langage symbolique des fidèles d’ Amour dans les compositions lyriques, romans et épopées chevaleresques
6517 rs (1856). C’est un lexique donnant la traduction d’ environ 500 termes, comme par exemple : « Arbres morts ». — Les cathol
6518 dours traitaient les membres du clergé catholique d’ arbres automnals morts. « Albigéisme, albigeois ». — Mots introuvables
6519 risme albigeois, qui par un dédoublement mystique de l’âme et du corps, étaient censés avoir les deux sexes, hommes en tan
6520 en tant qu’intelligence et pensée libre des liens de la matière. « Lancelot ». — … Il faut toute la préoccupation de la le
6521 « Lancelot ». — … Il faut toute la préoccupation de la lettre, chez les déchiffreurs de vieux manuscrits, pour qu’une lit
6522 préoccupation de la lettre, chez les déchiffreurs de vieux manuscrits, pour qu’une littérature entière soit passée sous le
6523 out, obtenant une vogue européenne, et des amours d’ une pureté angélique à servir de modèle aux races futures ! (On dirait
6524 ne, et des amours d’une pureté angélique à servir de modèle aux races futures ! (On dirait que Rimbaud a lu cela…) Je ne p
6525 e n’a fait que confirmer, plus tard, l’exactitude de bien des vues d’Aroux. (Gaston Paris établissant vers 1880 la filiati
6526 nfirmer, plus tard, l’exactitude de bien des vues d’ Aroux. (Gaston Paris établissant vers 1880 la filiation troubadours-tr
6527 sin Palacios et Luigi Valli reprenant la question de l’hérésie chez Dante, etc.) 9.« Coup de foudre » et conversion
6528 estion de l’hérésie chez Dante, etc.) 9.« Coup de foudre » et conversion Le premier regard des amants, qui va change
6529 r toute leur vie, correspond à la première touche de l’amour divin, à la conversion du chrétien. Gottfried de Strasbourg p
6530 hrétien. Gottfried de Strasbourg peignant l’amour de Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan) accumule l
6531 de Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan) accumule les expressions religieuses les plus insistantes :
6532 ors la vraie Minne La fougueuse déesse Le pénétra de ses ardeurs Et son cœur brûlant Lui révéla la source Des peines dont
6533 omme. Tout ce qu’il faisait Était comme entremêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens étaient troublés Égarés par l
6534 faisait Était comme entremêlé de folie Et frappé d’ aveuglement. Ses sens étaient troublés Égarés par la Minne Et comme dé
6535 nt troublés Égarés par la Minne Et comme délivrés De leur frein naturel. Sa vie se consumait. (Traduction Bossert.) Les t
6536 rois derniers vers sont une parfaite confirmation de ma définition de la passion opposée à l’amour naturel. 10.Passion
6537 s sont une parfaite confirmation de ma définition de la passion opposée à l’amour naturel. 10.Passion et Ascèse Dans
6538 se réfugient les amants (correspondant à la forêt de Morois chez Béroul) est décrite en détail, et chaque détail comporte
6539 es géants. C’est une voûte dont la clef est faite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal, etc. Mais voic
6540 ite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal, etc. Mais voici ce qui nous intéresse : Ce n’est pas sans r
6541 cette contrée sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’amour N’est pas dans les routes battues Ni autour des habitations h
6542 ) Pour qui conserverait des doutes sur la nature de l’amour en question, précisons que Gottfried confesse qu’il a, lui au
6543 désert, mais sans y rencontrer la « récompense » de ses peines. (Il n’est pas devenu Parfait) : J’ai connu la fossure Qu
6544 allé en Cornouailles. Comment pourrait-il s’agir d’ amour physique ? Et le dernier vers indique bien que la « fossure » es
6545 er ailleurs qu’en Cornouailles. (Temple ou grotte d’ hérétiques ?) 11.Saint François d’Assise et les cathares Paul Sa
6546 ares Paul Sabatier, dans sa fameuse biographie de saint François, se pose la question d’une influence possible de l’hér
6547 biographie de saint François, se pose la question d’ une influence possible de l’hérésie courtoise sur la mystique francisc
6548 ois, se pose la question d’une influence possible de l’hérésie courtoise sur la mystique franciscaine. Il commence par nie
6549 Il commence par nier toute communication directe de l’une à l’autre. (L’argument avancé me convainc peu : l’hérésie était
6550 argument avancé me convainc peu : l’hérésie était de nature dogmatique, et saint François ne s’occupait pas de doctrine… M
6551 e dogmatique, et saint François ne s’occupait pas de doctrine… Mais croit-on que tous les cathares dogmatisaient ? Il y a
6552 dogmatisaient ? Il y a de plus sérieuses raisons de nier l’hérésie du saint.) Cependant, il décrit fort bien l’ambiance c
6553 Cependant, il décrit fort bien l’ambiance cathare de l’Italie au temps de la jeunesse de François. Les hérétiques, baptisé
6554 iance cathare de l’Italie au temps de la jeunesse de François. Les hérétiques, baptisés Gazzari en Italie (Bulgares ou Bou
6555 pays du Nord), s’étaient emparés du gouvernement de plusieurs municipalités. Le podestat d’Assise était un hérétique, ava
6556 vernement de plusieurs municipalités. Le podestat d’ Assise était un hérétique, avant 1204 ! Dans les cités avoisinantes, i
6557 vant 1204 ! Dans les cités avoisinantes, il y eut de nombreux soulèvements et émeutes occasionnés par le conflit religieux
6558 été le disciple enthousiaste des poètes français ( d’ où son nom même). Il partageait l’engouement des Italiens pour les tro
6559 ueiras, Bernard de Ventadour). Enfin, l’influence de Joachim de Flore sur saint François ne saurait faire de doute. Ce fam
6560 chim de Flore sur saint François ne saurait faire de doute. Ce fameux ermite annonçait le règne de l’Esprit, l’approche de
6561 ire de doute. Ce fameux ermite annonçait le règne de l’Esprit, l’approche de la troisième période de l’humanité, le régime
6562 ermite annonçait le règne de l’Esprit, l’approche de la troisième période de l’humanité, le régime de la grâce et de l’Amo
6563 e de l’Esprit, l’approche de la troisième période de l’humanité, le régime de la grâce et de l’Amour. Certains troubadours
6564 de la troisième période de l’humanité, le régime de la grâce et de l’Amour. Certains troubadours le connurent. (Richard C
6565 e période de l’humanité, le régime de la grâce et de l’Amour. Certains troubadours le connurent. (Richard Cœur de Lion par
6566 exemple.) Les deux doctrines ont certains points de ressemblance. Il reste que saint François, s’il fut influencé par l’a
6567 int François, s’il fut influencé par l’atmosphère de la religion d’Amour, en transporta toute la passion dans l’Église et
6568 ’il fut influencé par l’atmosphère de la religion d’ Amour, en transporta toute la passion dans l’Église et l’orthodoxie, a
6569 ne obtint sans faire couler le sang la résorption de l’hérésie en Italie, alors que la brutalité des cléricaux dans le Mid
6570 e Midi n’y parvint — et en apparence — qu’au prix d’ effroyables massacres. Seule Agapè peut triompher d’Éros. Mars déchaîn
6571 effroyables massacres. Seule Agapè peut triompher d’ Éros. Mars déchaîné, même contre Éros, n’est guère qu’un autre aspect
6572 nthousiasme des femmes pieuses, souvent affectées de phénomènes extatiques, vivant hors des cloîtres… mais finissant par c
6573 hors des cloîtres… mais finissant par constituer de nouvelles communautés religieuses. » Elles sont nombreuses — des cent
6574 igieuses. » Elles sont nombreuses — des centaines de mille, selon le pape Jean xxii, en 1321 — dans tout le Nord-Ouest de
6575 ment en Brabant. Leur mouvement est né « au point de rencontre de deux courants généraux » : le catharisme et les hérésies
6576 nt. Leur mouvement est né « au point de rencontre de deux courants généraux » : le catharisme et les hérésies voisines d’u
6577 ne part, le franciscanisme et la mystique du cœur de saint Bernard de Clairvaux d’autre part. Le nom de « béguine » provie
6578 e saint Bernard de Clairvaux d’autre part. Le nom de « béguine » provient du catharisme : on le dérive tantôt de « béguin 
6579 ne » provient du catharisme : on le dérive tantôt de « béguin », désignant le bonnet de laine que portaient les ascètes er
6580 dérive tantôt de « béguin », désignant le bonnet de laine que portaient les ascètes errants, tantôt de albigenses. (L’exp
6581 e laine que portaient les ascètes errants, tantôt de albigenses. (L’expression « avoir un béguin » signifie en français mo
6582 guin » signifie en français moderne « être coiffé de quelqu’un », être amoureux.) Les béguines, confondues avec les cathar
6583 où apparaissent les béguines « est non pas celle de l’affranchissement de la femme, mais celle où commence le règne de la
6584 éguines « est non pas celle de l’affranchissement de la femme, mais celle où commence le règne de la Dame, qui devait en v
6585 ment de la femme, mais celle où commence le règne de la Dame, qui devait en vérité former l’âme de l’Occident et fixer déf
6586 gne de la Dame, qui devait en vérité former l’âme de l’Occident et fixer définitivement les traits de sa culture ». Leur m
6587 de l’Occident et fixer définitivement les traits de sa culture ». Leur mouvement devait « emprunter ses expressions, dans
6588 esure, à la littérature courtoise ». Leurs poèmes d’ amour divin sont connus, publiés et traduits aujourd’hui en plusieurs
6589 autres mystiques flamands et rhénans. Les poèmes de la béguine Hadewych d’Anvers (milieu du xiiie siècle) ont été tradui
6590 introduction que j’emprunte toutes les citations de cet Appendice.) « Le recueil de Hadewych est par sa date comme par so
6591 tes les citations de cet Appendice.) « Le recueil de Hadewych est par sa date comme par son style, un témoin privilégié :
6592 l importe les thèmes, les mètres, les expressions de l’amour courtois… Parfois, le premier vers semble traduit d’un poème
6593 courtois… Parfois, le premier vers semble traduit d’ un poème provençal ou français… À la lisière des Flandres se trouvaien
6594 trouvaient alors en effet des centres importants de rhétorique et de poésie amoureuse : nous sommes à l’époque où la Prov
6595 en effet des centres importants de rhétorique et de poésie amoureuse : nous sommes à l’époque où la Provence vaincue ache
6596 ur le fait qu’un document contemporain (Chronique de Morosini, 1429) la déclare expressément béguine. » Est-il besoin de s
6597 la déclare expressément béguine. » Est-il besoin de souligner que la seule existence des poèmes des béguines réduit à néa
6598 es raisonnements des historiens qui s’efforçaient de démontrer, contre ma thèse, qu’un « abîme sépare » le catharisme, l’a
6599 13.Sur le sadisme Je trouve une confirmation de mon analyse du crime sadique dans deux études remarquables de Pierre
6600 se du crime sadique dans deux études remarquables de Pierre Klossowski : le Mal et la négation d’autrui dans la philosophi
6601 bles de Pierre Klossowski : le Mal et la négation d’ autrui dans la philosophie de D. A. F. de Sade et Temps et Agressivité
6602 e Mal et la négation d’autrui dans la philosophie de D. A. F. de Sade et Temps et Agressivité. (Recherches philosophiques,
6603 ontre que, pour Sade, le mal est l’unique élément de la Nature. On lit dans la Nouvelle Justine : « Oui, j’abhorre la Natu
6604 la connais trop bien que je la déteste : instruit de ses affreux secrets… j’ai éprouvé une sorte de plaisir à copier ses n
6605 it de ses affreux secrets… j’ai éprouvé une sorte de plaisir à copier ses noirceurs. » (D’où le désir sadique de se libére
6606 é une sorte de plaisir à copier ses noirceurs. » ( D’ où le désir sadique de se libérer des tyrannies sensuelles par l’excès
6607 à copier ses noirceurs. » (D’où le désir sadique de se libérer des tyrannies sensuelles par l’excès de débauche.) Autre c
6608 e se libérer des tyrannies sensuelles par l’excès de débauche.) Autre condamnation vraiment manichéenne de la Création : «
6609 ébauche.) Autre condamnation vraiment manichéenne de la Création : « Le principe de vie dans tous les êtres n’est autre qu
6610 aiment manichéenne de la Création : « Le principe de vie dans tous les êtres n’est autre que celui de la mort ; nous les r
6611 de vie dans tous les êtres n’est autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrissons dans nous tous deux à
6612 x à la fois. » P. Klossowski oppose cette opinion de Sade à celle de Freud, qui voit une antithèse entre l’instinct de mor
6613 . Klossowski oppose cette opinion de Sade à celle de Freud, qui voit une antithèse entre l’instinct de mort et Éros. L’ana
6614 de Freud, qui voit une antithèse entre l’instinct de mort et Éros. L’analyse du mythe nous a montré que cette antithèse es
6615 ictime. Ainsi la conscience sadique est l’inverse de la conscience romantique. Le romantique (Pétrarque) se châtie pour co
11 1972, L’Amour et l’Occident (1972). Post-scriptum
6616 livre écrit en peu de mois à 32 ans n’a pas fini de me poser des questions. Trente-deux ans plus tard j’y reviens, pour c
6617 pare. Ici, je ne veux que répondre à quelques-uns de mes critiques, et redresser quelques erreurs, qui ne sont pas toutes
6618 edresser quelques erreurs, qui ne sont pas toutes de leur côté, comme on s’en doute. Au plus haut point polyvalent et incl
6619 te. Au plus haut point polyvalent et inclassable, d’ une transdisciplinarité sauvage (comme certaines grèves), mon ouvrage
6620 certaines grèves), mon ouvrage ne pouvait manquer de provoquer des réactions contradictoires et difficilement comparables.
6621 et difficilement comparables. Traité tour à tour de « bel amusement » et de « livre le plus important de tous ceux qu’on
6622 ables. Traité tour à tour de « bel amusement » et de « livre le plus important de tous ceux qu’on a écrits et publiés sur
6623 « bel amusement » et de « livre le plus important de tous ceux qu’on a écrits et publiés sur l’amour », de « fragile autor
6624 ous ceux qu’on a écrits et publiés sur l’amour », de « fragile autorité » et de « bible du genre », il n’a cessé d’influen
6625 publiés sur l’amour », de « fragile autorité » et de « bible du genre », il n’a cessé d’influencer durant les trois derniè
6626 autorité » et de « bible du genre », il n’a cessé d’ influencer durant les trois dernières décennies nombre de romanciers,
6627 encer durant les trois dernières décennies nombre de romanciers, poètes et cinéastes, mais de choquer la plupart des érudi
6628 s nombre de romanciers, poètes et cinéastes, mais de choquer la plupart des érudits. C’est sans doute qu’il voulait décele
6629 omènes spirituels et affectifs qu’un certain type de spécialistes éminents sera toujours tenté de considérer comme autant
6630 type de spécialistes éminents sera toujours tenté de considérer comme autant de « difficultés », obscurités ou incongruité
6631 ts sera toujours tenté de considérer comme autant de « difficultés », obscurités ou incongruités dans la « position du pro
6632 s cesse élargie et la validité toujours contestée de mes thèses m’interdirait à elle seule de me désintéresser des conséqu
6633 ontestée de mes thèses m’interdirait à elle seule de me désintéresser des conséquences de l’ouvrage et de passer tranquill
6634 à elle seule de me désintéresser des conséquences de l’ouvrage et de passer tranquillement à l’ordre du jour. Il m’arrive
6635 me désintéresser des conséquences de l’ouvrage et de passer tranquillement à l’ordre du jour. Il m’arrive aussi d’éprouver
6636 anquillement à l’ordre du jour. Il m’arrive aussi d’ éprouver un vif besoin de me défouler en ne laissant pas plus longtemp
6637 jour. Il m’arrive aussi d’éprouver un vif besoin de me défouler en ne laissant pas plus longtemps impunies certaines inso
6638 insolences critiques. Je saisis donc le prétexte d’ une réédition en grand format pour alourdir mon livre d’un post-script
6639 réédition en grand format pour alourdir mon livre d’ un post-scriptum tout à la fois technique et polémique, par lequel, co
6640 é des influences Si j’en crois les confidences de quelques écrivains et les écrits de leurs commentateurs, mais plus en
6641 s confidences de quelques écrivains et les écrits de leurs commentateurs, mais plus encore les textes mêmes, c’est surtout
6642 r et l’Occident semble avoir influencé des œuvres de poètes et de romanciers, tandis que, sur le continent, des films, des
6643 nt semble avoir influencé des œuvres de poètes et de romanciers, tandis que, sur le continent, des films, des ballets et d
6644 manifestaient diverses « lectures » assez libres de mon ouvrage. Voilà qui pourrait être vérifié — et l’a été sur quelque
6645 é — et l’a été sur quelques points — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il est malaisé, en revanche, d’estimer les inf
6646 sur quelques points — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il est malaisé, en revanche, d’estimer les influences dialect
6647 plômes et de thèses. Il est malaisé, en revanche, d’ estimer les influences dialectiques, obliques ou négatives d’un livre,
6648 es influences dialectiques, obliques ou négatives d’ un livre, même si l’on se borne à l’examen des seules œuvres écrites o
6649 n des seules œuvres écrites ou plastiques. Ainsi, de jeunes romanciers m’ont fait savoir qu’ils renonçaient à tel ouvrage
6650 qu’ils étaient en train de faire. Enfin, certains de mes thèmes, explicités ou non, tels que le mariage comme facteur de n
6651 licités ou non, tels que le mariage comme facteur de néguentropie sociale, ou le respect de l’autre en tant que différent,
6652 me facteur de néguentropie sociale, ou le respect de l’autre en tant que différent, sont invoqués avec une fréquence crois
6653 ellement novateurs, et me reviennent comme autant d’ échos approbateurs renvoyés par les nouvelles générations et par certa
6654 yés par les nouvelles générations et par certains de leurs gourous. Des influences produites dans la vie de mes lecteurs,
6655 urs gourous. Des influences produites dans la vie de mes lecteurs, je ne puis rien dire, hors la correspondance où elles m
6656 ù elles m’entraînent parfois nolens volens. Dénué de l’autorité du confesseur, je n’en partage pas moins avec lui l’obliga
6657 tuelle du catharisme, toujours liée à l’évocation de l’amour courtois. La renaissance cathare au xxe siècle J’obser
6658 que ceux qui nient mes hypothèses jusqu’au point de supprimer toute mention de mon livre dans les leurs ne sont pas les d
6659 othèses jusqu’au point de supprimer toute mention de mon livre dans les leurs ne sont pas les derniers à s’ébattre sur le
6660 rencontre dans les mêmes lieux et les mêmes temps de la poésie des troubadours et du vaste complexe d’hérésies que symboli
6661 de la poésie des troubadours et du vaste complexe d’ hérésies que symbolise le nom de catharisme. Tout commence avec la pub
6662 du vaste complexe d’hérésies que symbolise le nom de catharisme. Tout commence avec la publication en 1937 de La Croisade
6663 arisme. Tout commence avec la publication en 1937 de La Croisade contre le Graal d’Otto Rahn, jeune Allemand fasciné par M
6664 ublication en 1937 de La Croisade contre le Graal d’ Otto Rahn, jeune Allemand fasciné par Montségur, où il croit reconnaît
6665 usement dans un désert alpestre, tout près du nid d’ aigle d’Hitler. Ses deux thèses extrêmes sont reprises d’Eugène Aroux
6666 dans un désert alpestre, tout près du nid d’aigle d’ Hitler. Ses deux thèses extrêmes sont reprises d’Eugène Aroux et du Sâ
6667 d’Hitler. Ses deux thèses extrêmes sont reprises d’ Eugène Aroux et du Sâr Péladan : a) « tous les troubadours étaient cat
6668 b) la rhétorique courtoise fut le langage secret de l’hérésie. Voilà qui est insoutenable en faculté, mais qui éveille da
6669 her, fût-ce à tâtons, le cœur du problème, et que d’ une manière ou d’une autre, dans la réalité fondamentale qui est celle
6670 ons, le cœur du problème, et que d’une manière ou d’ une autre, dans la réalité fondamentale qui est celle du symbole, on b
6671 fondamentale qui est celle du symbole, on brûle. De fait, les erreurs manifestes d’Otto Rahn vont se révéler plus féconde
6672 ymbole, on brûle. De fait, les erreurs manifestes d’ Otto Rahn vont se révéler plus fécondes pour la compréhension de l’amo
6673 nt se révéler plus fécondes pour la compréhension de l’amour courtois dans sa genèse socioreligieuse que la masse des trav
6674 conclu régulièrement au très peu de signification de leur objet. Partant de là, et de quelque autre chose qui répond, au s
6675 très peu de signification de leur objet. Partant de là, et de quelque autre chose qui répond, au secret de moi-même, à ce
6676 de signification de leur objet. Partant de là, et de quelque autre chose qui répond, au secret de moi-même, à ce qu’il y a
6677 , et de quelque autre chose qui répond, au secret de moi-même, à ce qu’il y a justement de délirant dans la thèse d’Otto R
6678 , au secret de moi-même, à ce qu’il y a justement de délirant dans la thèse d’Otto Rahn — j’indique seulement cette sensat
6679 ce qu’il y a justement de délirant dans la thèse d’ Otto Rahn — j’indique seulement cette sensation de reconnaissance enfi
6680 d’Otto Rahn — j’indique seulement cette sensation de reconnaissance enfiévrée qui m’a toujours saisi devant les ruines de
6681 nfiévrée qui m’a toujours saisi devant les ruines de certains châteaux du Midi dans un ciel d’aube, horizon spirituel de t
6682 ruines de certains châteaux du Midi dans un ciel d’ aube, horizon spirituel de tout l’amour courtois — j’écris pour une re
6683 ux du Midi dans un ciel d’aube, horizon spirituel de tout l’amour courtois — j’écris pour une revue de jeunes une esquisse
6684 de tout l’amour courtois — j’écris pour une revue de jeunes une esquisse de l’opposition passion-mariage. Daniel-Rops m’a
6685 s — j’écris pour une revue de jeunes une esquisse de l’opposition passion-mariage. Daniel-Rops m’a proposé, pour une colle
6686 ps m’a proposé, pour une collection qu’il dirige, de développer le sujet en un livre. Mais au jour dit pour la remise du m
6687 as une ligne n’est encore écrite, Rops me supplie de céder mon tour dans la série à un jeune lieutenant-colonel qui vient
6688 la série à un jeune lieutenant-colonel qui vient d’ écrire la France et son armée, livre très urgent, semble-t-il211. Soul
6689 is très vite. Après trois mois vécus dans un état de transe et d’allégresse quotidienne de découvrir ou d’inventer, le liv
6690 Après trois mois vécus dans un état de transe et d’ allégresse quotidienne de découvrir ou d’inventer, le livre est termin
6691 ans un état de transe et d’allégresse quotidienne de découvrir ou d’inventer, le livre est terminé pour le solstice d’été,
6692 ranse et d’allégresse quotidienne de découvrir ou d’ inventer, le livre est terminé pour le solstice d’été, triomphe du Jou
6693 d’inventer, le livre est terminé pour le solstice d’ été, triomphe du Jour, et le soir même je vais à l’Opéra, où l’on donn
6694 à l’Opéra, où l’on donne Tristan, cette revanche de la Nuit. Habet Acht ! Habet Acht ! Schon weicht dem Tag die Nacht !2
6695 Tag die Nacht !212 chante Brangaine sur la tour de l’aube, au point sublime du IIe Acte, et je ne l’entendrai plus jamai
6696 ais honte. Tôt après la publication, au printemps de 1939, je reçois plusieurs lettres de Joë Bousquet, le poète paralysé
6697 au printemps de 1939, je reçois plusieurs lettres de Joë Bousquet, le poète paralysé de Carcassonne, dont le prestige inve
6698 sieurs lettres de Joë Bousquet, le poète paralysé de Carcassonne, dont le prestige investit profondément le groupe des Cah
6699 e j’écrivais mon livre. Dans une lettre sans date de 1938, il m’écrit en effet : « Je suis trop près de la question qui vo
6700 rès de la question qui vous occupe pour la saisir d’ un coup d’œil. D’autre part, elle n’est qu’accessoirement pour moi mat
6701 rt, elle n’est qu’accessoirement pour moi matière d’ érudition… Je veux dire que la question cathare m’a intéressé en expli
6702 à m’assurer que nous sommes sur la même longueur d’ onde.) Puis, le livre paru, 25 mars 1939, nouvelle lettre : Mon cher
6703 ’est pas là. Je prépare une entreprise qui risque de donner beaucoup de retentissement à votre travail. Comme elle ne se f
6704 ntéresse au plus haut point la vie intellectuelle de notre région. Denis de Rougemont vient de publier une thèse d’une hau
6705 on. Denis de Rougemont vient de publier une thèse d’ une haute tenue spiritualiste, où il soutient que toute la poésie euro
6706 ur titre « L’Amour et l’Occident », est (…) plein de références à des faits inconnus et souvent appuyées sur la haute auto
6707 nconnus et souvent appuyées sur la haute autorité de notre éminent compatriote Déodat Roché, d’Arques, naguère encore magi
6708 torité de notre éminent compatriote Déodat Roché, d’ Arques, naguère encore magistrat à Carcassonne : il apporte une suite
6709 re magistrat à Carcassonne : il apporte une suite de révélations exaltantes à tous ceux qui se sont interrogés sur l’atmos
6710 s sur l’atmosphère poétique, morale et religieuse de notre pays à travers les siècles. Mais la guerre va suspendre tôt ap
6711 rès notre correspondance et, j’imagine, le projet de numéro spécial composé à partir de mon livre ou autour de lui. Ce n’e
6712 livre ou autour de lui. Ce n’est qu’à mon retour d’ Amérique que j’apprendrai que le Génie d’Oc a bel et bien paru, en 194
6713 n retour d’Amérique que j’apprendrai que le Génie d’ Oc a bel et bien paru, en 1943, qu’il a même initié la renaissance d’u
6714 paru, en 1943, qu’il a même initié la renaissance d’ une mystique occitane autour de Montségur, d’une « aventure nouvelle »
6715 ance d’une mystique occitane autour de Montségur, d’ une « aventure nouvelle » (selon Robert Lafont) et qu’avec les études
6716 lle » (selon Robert Lafont) et qu’avec les études de Simone Weil (signées alors Émile Novis) il explique que le catharisme
6717 risme soit soudain devenu l’un des thèmes favoris de journaux comme Combat, qui lancent les modes intellectuelles dans le
6718 ilà qui est normal, puisqu’il est, m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de disparaître des combinaisons qu’il amorç
6719 ormal, puisqu’il est, m’assure-t-on, de la nature d’ un catalyseur de disparaître des combinaisons qu’il amorça. L’ambivale
6720 est, m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de disparaître des combinaisons qu’il amorça. L’ambivalence d’un tel com
6721 ître des combinaisons qu’il amorça. L’ambivalence d’ un tel comportement — que je retrouve dans la plupart des livres consa
6722 s qui n’aime guère qu’un étranger vienne se mêler de cette immense et sombre affaire passionnelle — fût-ce en fervent ami
6723 mbre affaire passionnelle — fût-ce en fervent ami de la cause occitane —, je doute qu’il soit bien juste de le rationalise
6724 cause occitane —, je doute qu’il soit bien juste de le rationaliser, comme on tend à le faire aujourd’hui en invoquant le
6725 ux épreuves historiques qu’il a subies, une sorte de conduite d’échec ? On en trouve en tout cas trois motifs allégués par
6726 historiques qu’il a subies, une sorte de conduite d’ échec ? On en trouve en tout cas trois motifs allégués par Joë Bousque
6727 Bousquet, dans son beau texte liminaire du Génie d’ Oc : Les hommes d’Oc sont les héritiers d’une civilisation déchue… La
6728 beau texte liminaire du Génie d’Oc : Les hommes d’ Oc sont les héritiers d’une civilisation déchue… La religion de ces ho
6729 Génie d’Oc : Les hommes d’Oc sont les héritiers d’ une civilisation déchue… La religion de ces hommes [i.e. le catharisme
6730 héritiers d’une civilisation déchue… La religion de ces hommes [i.e. le catharisme] était, comme leur philosophie, une ép
6731 arisme] était, comme leur philosophie, une épopée de la chute. On dirait que le temps devait partager leur délire et faire
6732 r délire et faire entrer dans l’histoire le drame de leur esprit… Il est assez naturel que l’échec d’une doctrine de salut
6733 de leur esprit… Il est assez naturel que l’échec d’ une doctrine de salut engage le salut poétique de cette doctrine. En s
6734 … Il est assez naturel que l’échec d’une doctrine de salut engage le salut poétique de cette doctrine. En se brisant contr
6735 d’une doctrine de salut engage le salut poétique de cette doctrine. En se brisant contre les circonstances extérieures, e
6736 onstances extérieures, en se heurtant à la raison d’ État, la religion d’oc, plutôt que de se mutiler, devait s’idéaliser d
6737 s, en se heurtant à la raison d’État, la religion d’ oc, plutôt que de se mutiler, devait s’idéaliser dans le domaine de la
6738 à la raison d’État, la religion d’oc, plutôt que de se mutiler, devait s’idéaliser dans le domaine de la pensée pure et f
6739 de se mutiler, devait s’idéaliser dans le domaine de la pensée pure et fabulatrice… Cette religion devait transformer la p
6740 rt des découvreurs Galaad et Perceval… L’aventure de la Table ronde finit aussi par un échec complet… (p. 89). L’instinct
6741 t aussi par un échec complet… (p. 89). L’instinct de mort et de sexualité se trouve illustré dans la poésie gaélique bien
6742 un échec complet… (p. 89). L’instinct de mort et de sexualité se trouve illustré dans la poésie gaélique bien avant Freud
6743 l’affabulation, la mythification étant le propre de l’esprit celtique, il s’est produit une sorte de transfert : tout ce
6744 de l’esprit celtique, il s’est produit une sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’est transformé en une aventur
6745 mé en une aventure merveilleuse, où l’écroulement de la société celtique ne peut être dû qu’à des circonstances plus ou mo
6746 constances plus ou moins magiques (p. 253) Quoi de commun à ces deux vieilles nations annexées au Domaine par la force e
6747 u Domaine par la force et la ruse ? Outre le fait d’ avoir été soumises par les Saxons au nord, les Wisigoths au sud, bien
6748 Saxons au nord, les Wisigoths au sud, bien avant d’ être « mises en annexe » par les Français, il y a sans doute, dès l’or
6749 ar les Français, il y a sans doute, dès l’origine de la cortezia du Midi et des légendes arthuriennes, cette même nostalgi
6750 cette même nostalgie essentielle, cette même soif d’ une revanche idéale sur le réel bien plus encore que sur l’histoire ce
6751 une thèse, mais que l’on adopte un certain angle de vision qu’elle impliquait et les catégories qui s’y ordonnent. Ce qui
6752 y ordonnent. Ce qui importe, c’est qu’on s’occupe de cela qui auparavant n’était pas vu, ne comptait pas, restait refoulé.
6753 ture et la nature même du problème qu’on convient de considérer. Enfin, ce n’est pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu
6754 qu’on convient de considérer. Enfin, ce n’est pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu l’on est en train de jouer. Ceci m’
6755 is peu, m’attaquant à beaucoup, quand j’entrepris d’ écrire L’Amour et l’Occident. Si j’avais pu mesurer vraiment l’étendue
6756 ccident. Si j’avais pu mesurer vraiment l’étendue de mon ignorance, il n’y eût pas eu de livre, c’est certain ; mais aux i
6757 ent l’étendue de mon ignorance, il n’y eût pas eu de livre, c’est certain ; mais aux innocents les mains pleines. Je crois
6758 s mains pleines. Je crois bien que les deux tiers de mes lectures sur cathares et troubadours, depuis que je travaille le
6759 availle le sujet, je les ai faits après la sortie de l’ouvrage. Cela m’a permis de corriger bien des erreurs dans l’éditio
6760 its après la sortie de l’ouvrage. Cela m’a permis de corriger bien des erreurs dans l’édition de 1956, et me met en mesure
6761 ermis de corriger bien des erreurs dans l’édition de 1956, et me met en mesure de répondre aux censeurs les plus péremptoi
6762 reurs dans l’édition de 1956, et me met en mesure de répondre aux censeurs les plus péremptoires de mes hypothèses histori
6763 re de répondre aux censeurs les plus péremptoires de mes hypothèses historiques. La querelle au sujet des rapports entre c
6764 le complexe des hérésies gnostiques et l’hérésie de l’amour courtois — est devenue dans le milieu des érudits quelque cho
6765 a thèse à une grossière simplification permettant de l’écarter comme simpliste. Plutôt que de voir où bat le cœur de l’ouv
6766 rmettant de l’écarter comme simpliste. Plutôt que de voir où bat le cœur de l’ouvrage : dans le drame entre la Passion de
6767 omme simpliste. Plutôt que de voir où bat le cœur de l’ouvrage : dans le drame entre la Passion de la Nuit et la Norme du
6768 œur de l’ouvrage : dans le drame entre la Passion de la Nuit et la Norme du Jour, entre les structures essentielles du myt
6769 aire mais qui était le plus vulnérable : la thèse de Rahn qui veut que le trobar clus ait joué le rôle d’un langage secret
6770 Rahn qui veut que le trobar clus ait joué le rôle d’ un langage secret de l’hérésie. Voilà qui était aussi facile à citer d
6771 trobar clus ait joué le rôle d’un langage secret de l’hérésie. Voilà qui était aussi facile à citer dans un écho de journ
6772 Voilà qui était aussi facile à citer dans un écho de journal qu’à réfuter dans une revue spécialisée, sans toucher à ma th
6773 et tous deux condamnés par l’Église, n’ont « rien de commun », c’est à vous de le prouver. Voyons les preuves, ou à leur d
6774 l’Église, n’ont « rien de commun », c’est à vous de le prouver. Voyons les preuves, ou à leur défaut les arguments produi
6775 ofesseurs qui en rendirent compte dans les revues d’ histoire littéraire crurent que je me trompais de manière embarrassant
6776 d’histoire littéraire crurent que je me trompais de manière embarrassante, du seul fait que je semblais ignorer ce qu’il
6777 s me reprochaient surtout ce que je m’étais gardé de dire, et passaient à côté de mon apport, lequel intervenait sur un to
6778 quel intervenait sur un tout autre plan que celui de leurs expertises. Tout cela traîne encore dans des bibliographies mai
6779 que les « divagations » dénoncées par les maîtres d’ hier soient professées de nos jours par leurs anciens élèves dans un g
6780 énoncées par les maîtres d’hier soient professées de nos jours par leurs anciens élèves dans un grand nombre d’universités
6781 urs par leurs anciens élèves dans un grand nombre d’ universités. Sans revenir sur ces premières « réfutations », je mentio
6782  », je mentionnerai quelques récents récidivistes d’ une conduite intellectuelle qui n’est peut-être, en somme, que le subs
6783 ’est peut-être, en somme, que le substitut laïque de l’argument d’autorité, l’invocation du « sérieux scientifique », remp
6784 , en somme, que le substitut laïque de l’argument d’ autorité, l’invocation du « sérieux scientifique », remplaçant celle d
6785 ieux scientifique », remplaçant celle du dogme et de la tradition. Dans l’Histoire littéraire de la Pléiade214, Régine Per
6786 me et de la tradition. Dans l’Histoire littéraire de la Pléiade214, Régine Pernoud écarte avec dédain l’idée que la courto
6787 e la courtoisie et l’hérésie aient jamais eu rien de commun, même pas les lieux géographiques. Nous ne mentionnerons que
6788 s troubadours et la poésie courtoise comme autant d’ échos de l’hérésie cathare. Hypothèse certainement ingénieuse, mais qu
6789 dours et la poésie courtoise comme autant d’échos de l’hérésie cathare. Hypothèse certainement ingénieuse, mais qui a l’in
6790 ertainement ingénieuse, mais qui a l’inconvénient d’ être entièrement contredite par les faits : lorsque le catharisme comm
6791 dans les cités commerçantes du Midi, aux environs de 1165, la poésie courtoise connaît déjà plus d’un demi-siècle d’existe
6792 ns de 1165, la poésie courtoise connaît déjà plus d’ un demi-siècle d’existence. Cette théorie repose d’ailleurs sur une ra
6793 ésie courtoise connaît déjà plus d’un demi-siècle d’ existence. Cette théorie repose d’ailleurs sur une radicale méconnaiss
6794 ance tant de l’hérésie cathare elle-même, hérésie de bourgeois et de marchands essentiellement, que des données de la poés
6795 érésie cathare elle-même, hérésie de bourgeois et de marchands essentiellement, que des données de la poésie courtoise… P
6796 et de marchands essentiellement, que des données de la poésie courtoise… Pour le coup, me voilà tenté de retourner le co
6797 a poésie courtoise… Pour le coup, me voilà tenté de retourner le compliment à cet éminent historien de la bourgeoisie. Ca
6798 e retourner le compliment à cet éminent historien de la bourgeoisie. Car invoquer en guise de « fait », d’ailleurs unique,
6799 ique, et qui ruinerait ma théorie, la propagation de l’hérésie chez les marchands du Midi vers 1165, c’est méconnaître les
6800 1165, c’est méconnaître les données élémentaires de l’hérésie et de la poésie courtoise, j’entends leurs dates et leurs a
6801 onnaître les données élémentaires de l’hérésie et de la poésie courtoise, j’entends leurs dates et leurs aires de diffusio
6802 e courtoise, j’entends leurs dates et leurs aires de diffusion, tant géographique que sociale. C’est un fait que l’hérésie
6803 les méridionales cinquante ans après les chansons de Guillaume de Poitiers : c’est le type même du « petit fait vrai », in
6804 me du « petit fait vrai », incontestable et dénué d’ intérêt en l’occurrence. Qui donc, hormis Mme Pernoud, a jamais cru qu
6805 les troubadours composaient pour les commerçants de Carcassonne ? L’amour courtois, comme son nom l’indique, se chantait
6806 s, étaient généralement du côté de l’hérésie, non de l’Église. Et l’hérésie était bien plus ancienne que Mme Pernoud ne ve
6807 nne que Mme Pernoud ne veut le croire à seule fin d’ infirmer ma thèse. Pour elle, pas de preuves « sérieuses » que le cath
6808 e à seule fin d’infirmer ma thèse. Pour elle, pas de preuves « sérieuses » que le catharisme ait précédé les premiers trou
6809 ois des missions contre l’hérésie et jette un cri d’ alarme angoissé — mais par quoi ? Le malheureux ignore visiblement que
6810 rtout des « bourgeois » selon Mme Pernoud, mais «  de modestes paysans ou de pauvres artisans » selon M. Yves Dossat, des m
6811 selon Mme Pernoud, mais « de modestes paysans ou de pauvres artisans » selon M. Yves Dossat, des marchands riches et entr
6812 hes et entreprenants selon M. Charles Bru, mais «  de petites gens » selon Belperron, plusieurs de mes critiques déclarent
6813 is « de petites gens » selon Belperron, plusieurs de mes critiques déclarent que ces « humbles origines » excluent tout co
6814 s origines » excluent tout contact avec la poésie d’ oc sortie, elle, « des plus hautes classes de la société » (P. Belperr
6815 ésie d’oc sortie, elle, « des plus hautes classes de la société » (P. Belperron, Joie d’Amour, p. 227). Cependant, on ne p
6816 autes classes de la société » (P. Belperron, Joie d’ Amour, p. 227). Cependant, on ne peut nier que Raimond V de Toulouse a
6817 partout » : « Les personnages les plus importants de ma terre se sont laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple. »
6818 ne saurait imaginer qu’ils aient jamais pu parler de pair à égal avec les châtelains du Languedoc ni rien espérer des nobl
6819 ne s’entendent que pour exclure toute possibilité de rencontre entre cathares et troubadours, me paraissent frappées de la
6820 e cathares et troubadours, me paraissent frappées de la même faiblesse congénitale : elles raisonnent à partir de clichés
6821 ui ne leur appartenait pas socialement, par droit de naissance », et pour expliquer la soumission à la dame, il reprend la
6822  aime en trop haut lieu ». (C’est le fameux « ver de terre amoureux d’une étoile » de V. Hugo). Mais Nelli a coutume de no
6823 lieu ». (C’est le fameux « ver de terre amoureux d’ une étoile » de V. Hugo). Mais Nelli a coutume de nous fournir les fai
6824 le fameux « ver de terre amoureux d’une étoile » de V. Hugo). Mais Nelli a coutume de nous fournir les faits qui nous per
6825 d’une étoile » de V. Hugo). Mais Nelli a coutume de nous fournir les faits qui nous permettent de discuter ses propres di
6826 ume de nous fournir les faits qui nous permettent de discuter ses propres dires : en l’occurrence, les indications biograp
6827 les jongleurs aient pu former une forte minorité de leur cohorte, mais si René Nelli a choisi ces 43 là, c’est qu’il les
6828 , comte d’Orange, en passant par les quatre sires d’ Ussel, qui sont peut-être d’une branche des Ventadour215. C’est à un a
6829 par les quatre sires d’Ussel, qui sont peut-être d’ une branche des Ventadour215. C’est à un autre procédé d’intimidation,
6830 ranche des Ventadour215. C’est à un autre procédé d’ intimidation, plus cavalier que pédant, qu’a recours le chanoine Delar
6831 aurais-je dit, par exemple, que « l’amour-passion de Tristan n’est rien d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle d
6832 mple, que « l’amour-passion de Tristan n’est rien d’ autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réforme, c’est un
6833 d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réforme, c’est une erreur par mot que l’on devrait relever216. Mai
6834 hique ». Est-ce au nom de cette « cohérence », ou de l’esprit français, ou du dogme, que l’intrépide chanoine n’hésite pas
6835 oine n’hésite pas à écrire : « Il n’y a jamais eu de bûcher à Montségur » ? Voilà une bonne nouvelle, mais elle arrive tro
6836 e refouler, pratiquement), et cela par des moyens d’ autorité, par ce dogme qui « commande l’éthique » et à travers elle, q
6837 et à travers elle, qui sait, les vérités gênantes de l’histoire. Messieurs les intégristes de tous les systèmes, si vous c
6838 gênantes de l’histoire. Messieurs les intégristes de tous les systèmes, si vous croyez possible de fonder la cohérence de
6839 tes de tous les systèmes, si vous croyez possible de fonder la cohérence de votre personne sur un dogme qui lui est extéri
6840 s, si vous croyez possible de fonder la cohérence de votre personne sur un dogme qui lui est extérieur, et non sur ses don
6841 rûlez pas les hérétiques qui ont un autre système de cohérence intime, ou du moins ne dites pas que votre église, votre pa
6842 rûlés du tout. Troisième variante du même système de recours à l’autorité, que ce soit celle de la Science, de l’Église, d
6843 ystème de recours à l’autorité, que ce soit celle de la Science, de l’Église, du Parti, ou de simples coutumes que l’on ba
6844 rs à l’autorité, que ce soit celle de la Science, de l’Église, du Parti, ou de simples coutumes que l’on baptise Tradition
6845 it celle de la Science, de l’Église, du Parti, ou de simples coutumes que l’on baptise Tradition : elle m’est offerte par
6846 offerte par Mme Lot-Borodine. Dès avant la sortie de mon livre (dont elle avait lu des bonnes feuilles), elle a mené contr
6847 de pieuse indignation. Elle ne peut me pardonner d’ avoir assimilé la Maria de l’hérésie à la Sophia gnostique, et cette M
6848 le ne peut me pardonner d’avoir assimilé la Maria de l’hérésie à la Sophia gnostique, et cette Maria-Sophia à l’Église cat
6849 18, cette dame n’admet pas que l’on tienne compte d’ une vérité aussi choquante. André Gide a pu dire à Jean Delay que mon
6850 e mon livre lui avait expliqué ce que (sa lecture de ) Freud n’avait pu faire, et Jean Delay consacre à cela vingt-cinq pag
6851 consacre à cela vingt-cinq pages du premier tome de La Jeunesse d’André Gide. Mme Lot-Borodine, aussitôt, avertit le doct
6852 a vingt-cinq pages du premier tome de La Jeunesse d’ André Gide. Mme Lot-Borodine, aussitôt, avertit le docteur d’avoir à s
6853 e. Mme Lot-Borodine, aussitôt, avertit le docteur d’ avoir à se méfier, ce dont — visiblement impressionné — il fait part a
6854 iblement impressionné — il fait part aux lecteurs de son second tome. André Gide a sans doute eu tort d’imaginer se compre
6855 son second tome. André Gide a sans doute eu tort d’ imaginer se comprendre mieux à travers l’œuvre d’un auteur aussi suspe
6856 d’imaginer se comprendre mieux à travers l’œuvre d’ un auteur aussi suspect et aussi méchamment ignorant de ce que les spé
6857 auteur aussi suspect et aussi méchamment ignorant de ce que les spécialistes orthodoxes ont décidé que l’on doit penser de
6858 listes orthodoxes ont décidé que l’on doit penser de la Vierge. Mais que penser de quelqu’un qui ne conçoit pas l’identité
6859 ue l’on doit penser de la Vierge. Mais que penser de quelqu’un qui ne conçoit pas l’identité Maria-Sophia dans la psycholo
6860 so illustrera mieux que tout autre la possibilité de mes hypothèses sur la série d’analogies, voire d’assimilations, entre
6861 tre la possibilité de mes hypothèses sur la série d’ analogies, voire d’assimilations, entre Sagesse éternelle — Marie — Ve
6862 de mes hypothèses sur la série d’analogies, voire d’ assimilations, entre Sagesse éternelle — Marie — Vera Vergena — Sophia
6863 ternelle — Marie — Vera Vergena — Sophia — Église d’ Amour — Dame des pensées ; et sur la rhétorique courtoise comme langag
6864 r la rhétorique courtoise comme langage congénial de ce culte unique. Dans son excellent petit livre sur Suso et le Minnes
6865 e Sagesse » devint pour le jeune Suso (à la suite d’ une extase) « une manière de théophanie substituée à la pure notion de
6866 eune Suso (à la suite d’une extase) « une manière de théophanie substituée à la pure notion de la divinité ». Dès lors Sus
6867 manière de théophanie substituée à la pure notion de la divinité ». Dès lors Suso, dans ses ouvrages, notamment la Vita et
6868 a et l’Horologium sapientae, va célébrer le culte de la Sagesse, sa Dame. « Sa mystique courtoise… serait bien la réplique
6869 oise… serait bien la réplique en terre germanique de la « piété fleurie » que les derniers troubadours du Languedoc avaien
6870 ou à cette Clémence qui, croit-on, sous le masque de Clémence Isaure, ne serait qu’une autre personnification dévote » (p.
6871 te » (p. 139). Et l’on retrouvera dans ses œuvres de prose poétique non seulement toutes les épithètes et images spécifiqu
6872 spécifiques, mais tous les lieux communs obligés de la cortezia : — la quête de l’aimée (inquisicio amoris) où se reconna
6873 lieux communs obligés de la cortezia : — la quête de l’aimée (inquisicio amoris) où se reconnaît le thème de la princesse
6874 imée (inquisicio amoris) où se reconnaît le thème de la princesse lointaine. — le désir pour une Dame jamais vue, qu’on ne
6875 -je seulement voir la bien-aimée, entendre le son de sa voix ? Quelle est donc la figure de l’aimée, qui recèle tant de tr
6876 dre le son de sa voix ? Quelle est donc la figure de l’aimée, qui recèle tant de trésors charmants ? » (Vita.) — le doute
6877 ) — le doute sur la véritable identité ou essence de la Dame : « Est-elle Dieu ou créature humaine, femme ou homme, savoi
6878 (Vita.) (Que n’ai-je connu plus tôt cette phrase de Suso ! Elle eût fait la meilleure épigraphe à mon Livre II.) Mais il
6879 t ne pouvait la saisir… Elle étalait sa puissance d’ une extrémité à l’autre et pénétrait toutes choses de sa tendresse. Là
6880 ne extrémité à l’autre et pénétrait toutes choses de sa tendresse. Là où il croyait posséder une belle femme il trouvait u
6881 it un fier adolescent. Elle avait tantôt l’aspect d’ une sage éducatrice, et tantôt se comportait en maîtresse magnifique.
6882 e comportait en maîtresse magnifique. — le thème de l’anneau, gage de l’allégeance du chevalier désormais serviteur. (« O
6883 îtresse magnifique. — le thème de l’anneau, gage de l’allégeance du chevalier désormais serviteur. (« O belle, ô aimable
6884 , ô aimable Sagesse… ah ! puisse mon âme recevoir de Vous l’anneau ! ») — aimer le mal d’amour, « le doux mal qui m’agrée 
6885 âme recevoir de Vous l’anneau ! ») — aimer le mal d’ amour, « le doux mal qui m’agrée », comme dit un trouvère après tous l
6886 … une plaintive joie). — aimer en trop haut lieu, d’ où la nécessité de garder le secret et de se méfier des délateurs ou l
6887 ie). — aimer en trop haut lieu, d’où la nécessité de garder le secret et de se méfier des délateurs ou lauzengiers (merkae
6888 ut lieu, d’où la nécessité de garder le secret et de se méfier des délateurs ou lauzengiers (merkaere) ; — les ruses de la
6889 délateurs ou lauzengiers (merkaere) ; — les ruses de la Dame pour retarder le Prix et contrarier la satisfaction amoureuse
6890 tisfaction amoureuse, et c’est le principe du joy d’ amors ou joc, du minnespil des Allemands — ce ludus amoris qui est à l
6891 lor chez Suso ; — enfin, la nostalgie essentielle de toute passion qui s’adresse à l’absolu, à l’infini : le senen qui est
6892 pour nos naïfs érudits « prouvaient la réalité » de la Dame !) Ainsi Suso « tient cette gageure de chanter comme une femm
6893  » de la Dame !) Ainsi Suso « tient cette gageure de chanter comme une femme aimée le Bien insaisissable, le Dieu sans mod
6894 issable, le Dieu sans mode et sans nom » (p. 54). D’ autant plus le principe divin devient abstrait, d’autant plus il se fé
6895 D’autant plus le principe divin devient abstrait, d’ autant plus il se féminise. Bref, tout ce que nos experts en courtoisi
6896 experts en courtoisie d’une part, et en mystique de l’autre, décrètent depuis toujours et à jamais incompatible, tout est
6897 cela ne prouve pas que les troubadours parlaient de la Sophia quand ils louaient leur Dame ; mais cela prouve qu’il n’y a
6898 r Dame ; mais cela prouve qu’il n’y avait là rien d’ impossible, à supposer que leur disposition eût été telle. La thèse ma
6899 dominicain très fidèle aux disciplines et dogmes de son ordre ; et que rien ne permet de le relier à l’hérésie, sinon pré
6900 es et dogmes de son ordre ; et que rien ne permet de le relier à l’hérésie, sinon précisément son refus déclaré des thèses
6901 hérésie. Je distingue là, cependant, une pétition de principe quant à l’orthodoxie de Suso. De fait, sans qu’il soit même
6902 nt, une pétition de principe quant à l’orthodoxie de Suso. De fait, sans qu’il soit même besoin de rappeler son influence
6903 étition de principe quant à l’orthodoxie de Suso. De fait, sans qu’il soit même besoin de rappeler son influence sur la se
6904 xie de Suso. De fait, sans qu’il soit même besoin de rappeler son influence sur la secte des Amis de Dieu, nous savons qu’
6905 n de rappeler son influence sur la secte des Amis de Dieu, nous savons qu’il s’est formé dans l’atmosphère religieuse de C
6906 ns qu’il s’est formé dans l’atmosphère religieuse de Cologne, « bastion des Béghards hérétiques » (eux-mêmes héritiers des
6907 (eux-mêmes héritiers des cathares), et aux pieds de Maître Eckhart, où il rencontrait Tauler : tous les deux condamnés pa
6908 ns telle qu’il la concevait. Et surtout, ce culte de la Sagesse qui est un trait décisif de sa piété, ne le partage-t-il p
6909 , ce culte de la Sagesse qui est un trait décisif de sa piété, ne le partage-t-il pas avec les hérétiques ? Faudra-t-il en
6910 l que ne le feraient croire les jugements globaux d’ orthodoxie et d’hérésie ; étiquettes bien vaines d’ailleurs quand il s
6911 ient croire les jugements globaux d’orthodoxie et d’ hérésie ; étiquettes bien vaines d’ailleurs quand il s’agit de compren
6912 étiquettes bien vaines d’ailleurs quand il s’agit de comprendre un message spirituel. Origines iraniennes du Graal P
6913 igines iraniennes du Graal Peu après la sortie de L’Amour et l’Occident , Albert Béguin avait écrit de son auteur : « 
6914 L’Amour et l’Occident , Albert Béguin avait écrit de son auteur : « Ce qui est remarquable, c’est que ce virtuose soit en
6915 it en même temps un esprit désintéressé, soucieux de la seule vérité à laquelle il se dévoue »221. Dix ans plus tard, sous
6916 ard, sous la même signature, à propos de la pièce de Julien Gracq intitulée Le Roi pêcheur, je lis ceci : « Pour dénier au
6917 ienne (J. Gracq) s’appuie sur la fragile autorité de Denis de Rougemont, dont L’Amour et l’Occident est une suite de parad
6918 ugemont, dont L’Amour et l’Occident est une suite de paradoxes suggestifs, mais dénuée de tout sérieux historique et se bo
6919 st une suite de paradoxes suggestifs, mais dénuée de tout sérieux historique et se bornant à reprendre sans critique les h
6920 prendre sans critique les hypothèses aventureuses de Rahn. »222 Les motifs de cette évolution à 180° du remarquable auteu
6921 hypothèses aventureuses de Rahn. »222 Les motifs de cette évolution à 180° du remarquable auteur de L’Âme romantique et l
6922 s de cette évolution à 180° du remarquable auteur de L’Âme romantique et le Rêve tiennent, je crois, davantage à sa biogra
6923 ois, davantage à sa biographie qu’à une relecture de mon livre. Au sujet de la Quête du Graal, « d’inspiration cistercienn
6924 re de mon livre. Au sujet de la Quête du Graal, «  d’ inspiration cistercienne », il écrit : « La conception orthodoxe de l’
6925 tercienne », il écrit : « La conception orthodoxe de l’histoire et d’autre part la hiérarchie des états spirituels n’ont j
6926 ts spirituels n’ont jamais trouvé pour s’exprimer de forme meilleure que celle des aventures du Graal. » Or cette concepti
6927 que la déclare Béguin, n’en est pas moins ruinée de nos jours : d’un ensemble de travaux menés en toute indépendance les
6928 Béguin, n’en est pas moins ruinée de nos jours : d’ un ensemble de travaux menés en toute indépendance les uns des autres
6929 est pas moins ruinée de nos jours : d’un ensemble de travaux menés en toute indépendance les uns des autres il résulte que
6930 es — comme l’avait entrevu F. von Suhtschek — est d’ origine iranienne attestée, mithriaque, hermétique et en même temps pr
6931 s soufis. Je ne puis ici que renvoyer au monument de science passionnée que représentent les quatre gros volumes de l’isla
6932 ssionnée que représentent les quatre gros volumes de l’islam iranien d’Henry Corbin, œuvre aussi admirable par sa maîtrise
6933 entent les quatre gros volumes de l’islam iranien d’ Henry Corbin, œuvre aussi admirable par sa maîtrise technique que par
6934 it autre que Guilhem ou Guillot de Tudela (et non de Tolède, comme on l’a cru), représente, avec la famille royale des Pla
6935 le royale des Plantagenêts, le chaînon qui permet de relier non seulement les mystiques mais aussi les chevaleries de l’Ir
6936 eulement les mystiques mais aussi les chevaleries de l’Iran et de l’Europe médiévale, sans oublier « certaines doctrines c
6937 mystiques mais aussi les chevaleries de l’Iran et de l’Europe médiévale, sans oublier « certaines doctrines cathares » qui
6938 corroborer pour l’essentiel une importante étude de Déodat Roché : Le Graal pyrénéen, cathares et templiers (reprise dans
6939 rmétiques, mithriaques, manichéennes et soufistes de la légende du Graal, en y ajoutant la source cathare. D. Roché ne dis
6940 tant la source cathare. D. Roché ne disposait pas de la documentation considérable des Kahane224 et de Coyagee225, mais un
6941 de la documentation considérable des Kahane224 et de Coyagee225, mais une fois de plus, sa saisie intuitive du phénomène s
6942 sie intuitive du phénomène spirituel lui a permis de devancer les érudits. Troubadours et cathares Dans un tout autr
6943 ubadours et cathares Dans un tout autre climat de compréhension intellectuelle et spirituelle, gagée sur une connaissan
6944 trouve jamais sans plaisir ou profit deux esprits de qualité qui, de manières fort différentes, diffèrent de mes vues, l’u
6945 ns plaisir ou profit deux esprits de qualité qui, de manières fort différentes, diffèrent de mes vues, l’un en les attaqua
6946 lité qui, de manières fort différentes, diffèrent de mes vues, l’un en les attaquant de front avec une pétulance qui ne s’
6947 tes, diffèrent de mes vues, l’un en les attaquant de front avec une pétulance qui ne s’est pas démentie depuis trente ans,
6948 le professeur Henri I. Marrou (c’est le vrai nom de Davenson) résume dans son précieux petit livre intitulé Les Troubadou
6949 ntitulé Les Troubadours (1961 et 1971) l’argument de notre « tenson », inauguré par d’assez vifs assauts dans la revue Esp
6950 971) l’argument de notre « tenson », inauguré par d’ assez vifs assauts dans la revue Esprit dès 1939 : Je lui reprocherai
6951 rocherai cette fureur dialectique dans le creuset de laquelle s’abolissent les contradictoires et toute diversité se rédui
6952 (tant pis si celle-ci roule les flots contrastés d’ al-Hallâj et d’Ibn Dawoud) : tout cela ne vient-il pas de l’Orient, et
6953 elle-ci roule les flots contrastés d’al-Hallâj et d’ Ibn Dawoud) : tout cela ne vient-il pas de l’Orient, et pour finir rep
6954 llâj et d’Ibn Dawoud) : tout cela ne vient-il pas de l’Orient, et pour finir représente dans l’homme occidental le retour
6955 inir représente dans l’homme occidental le retour d’ un Orient symbolique ? Je conteste surtout la valeur d’une assimilatio
6956 Orient symbolique ? Je conteste surtout la valeur d’ une assimilation entre l’amour courtois des troubadours et une définit
6957 ’amour courtois des troubadours et une définition de la « passion » issue tout entière à travers le Tristan de Wagner et s
6958 et parfois « se mêle » en réalité et rien ne sert d’ ajouter que chez moi « tout se confond » : ce malheur n’ôterait pas le
6959 conclut que « faire des troubadours les chantres de l’amour réciproque malheureux, eux dont le maître mot est « Joie », n
6960 solu que l’on peut établir ici entre « nos poètes d’ Oc… qui ne cessent de parler de lum et de clartaz » et le « sombre apo
6961 ablir ici entre « nos poètes d’Oc… qui ne cessent de parler de lum et de clartaz » et le « sombre apologue nordique » ne r
6962 entre « nos poètes d’Oc… qui ne cessent de parler de lum et de clartaz » et le « sombre apologue nordique » ne repose sur
6963 s poètes d’Oc… qui ne cessent de parler de lum et de clartaz » et le « sombre apologue nordique » ne repose sur un cliché 
6964 ins chantent la Mort. C’est dans le grand ouvrage de René Nelli sur L’Érotique des troubadours (1963) que l’on puisera les
6965 troubadours (1963) que l’on puisera les éléments d’ une vision plus authentique. Je cite p. 52 : « L’idée de mort-par-amou
6966 vision plus authentique. Je cite p. 52 : « L’idée de mort-par-amour est l’un des traits qui nous paraissent constituer la
6967 i nous paraissent constituer la commune substance de l’amour arabe et de l’amour provençal. » Et certes, si l’on voit bien
6968 nstituer la commune substance de l’amour arabe et de l’amour provençal. » Et certes, si l’on voit bien que « l’amour insat
6969 ait par essence ne peut s’exprimer que sous forme d’ aspiration à la mort », on peut aussi soutenir que les troubadours « m
6970 ut aussi soutenir que les troubadours « mouraient d’ amour comme nous mourons de soif » (p. 73). Il n’en reste pas moins qu
6971 roubadours « mouraient d’amour comme nous mourons de soif » (p. 73). Il n’en reste pas moins que l’« amour-trépas des Arab
6972 es Arabes paraît correspondre à la mort-par-amour de l’érotique occitane » (p. 251), et que pour Guilhem Montanhagol « com
6973 ol « comme pour les anciens troubadours, le thème de la mort-par-désir — pour conventionnel qu’il soit — est le ressort de
6974 — pour conventionnel qu’il soit — est le ressort de Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d’amour, mourir au se
6975 e Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d’ amour, mourir au service de la Dame et, par ce service à l’extrême, te
6976 s il y a plus : mourir d’amour, mourir au service de la Dame et, par ce service à l’extrême, tendre au salut, aller à Dieu
6977 s, aux mystiques arabes, et sans nul doute à plus d’ une hérésie dualiste ou manichéisante du Moyen Âge ? Prenez ma vie en
6978 te du Moyen Âge ? Prenez ma vie en hommage Belle de dure merci, Pourvu que vous m’accordiez Que par vous au Ciel je tende
6979 roman provençal anonyme intitulé Flamenca, obligé de se déguiser en clerc pour approcher une dame trop bien surveillée, « 
6980 athare (s’apatarine) et il sert Dieu en intention de sa dame », ce qui semble bien signifier (au moins pour l’auteur du ro
6981 ni les troubadours ne sont très loin de l’endura d’ amour dont meurt Tristan et où Isolde le rejoint en « joie suprême ».
6982 « le Midi était familiarisé avec la riche matière de Bretagne… la Quête du Graal, Gauvain, Perceval, la belle histoire de
6983 te du Graal, Gauvain, Perceval, la belle histoire de Tristan et Iseut ». Aux exemples qu’il donne (Cercamon, Barbezieux, e
6984 es qu’il donne (Cercamon, Barbezieux, et le roman de Flamenca) on en ajouterait vingt sans se donner trop de mal227. Mais
6985 menca) on en ajouterait vingt sans se donner trop de mal227. Mais jouons la difficulté, qui a nom Bernard de Ventadour. Da
6986 sent battre le cœur du lyrisme occitan, le canso de l’Alouette, tout est d’abord lum et clartaz. Mais c’est précisément d
6987 d lum et clartaz. Mais c’est précisément du début de ce chant que Simone Weil écrit merveilleusement : « Quelques vers des
6988 ques vers des troubadours ont su exprimer la joie d’ une manière si pure qu’à travers elle transparaît la douleur poignante
6989 aît la douleur poignante, la douleur inconsolable de la créature finie » : Quand je vois l’alouette mouvoir De joie ses a
6990 ature finie » : Quand je vois l’alouette mouvoir De joie ses ailes à contrejour Qui s’oublie et se laisse choir Par la do
6991 t la même note, et rien dans les langues modernes d’ Europe n’a l’équivalent des délices qu’elle renferme. ») Mais dès la d
6992 raché par l’amour que le poète ne peut s’empêcher d’ éprouver pour celle « dont il n’aura jamais rien » : Elle m’a pris le
6993 ne. Et voici le recours à l’exil, toujours image de la mort : Puisqu’il ne lui agrée point que je l’aime, jamais ne le d
6994 ’aime, jamais ne le dirai plus. Ici, je me sépare de mon amour et le renie. Elle me tue et par mort je réponds229. Puisqu’
6995 l, ne sais où. Tristan230, vous n’aurez plus rien de moi, car je m’en vais, chétif, je ne sais où. Je renonce aux chansons
6996 enonce aux chansons et les renie. Loin de Joie et d’ Amour, je me cache. Ceci encore, dans un autre canso, qui commence ju
6997 commence justement par : « Tant ai le cœur plein de joie »… Du souci qui me hante Où m’abriterai-je ? La nuit il m’agite
6998 agite et jette Sur le bord du lit Je souffre plus d’ amour Que l’amoureux Tristan Qui endura maints tourments Pour Iseut la
6999 Dieu, que ne suis-je aronde Pour traverser l’air D’ un vol par la nuit profonde Jusque en sa demeure ? Et certes, rien n
7000 orages wagnériens dans la pure et dolente mélodie de Bernard, mais l’amour de désir infini, les tourments endurés, l’exil,
7001 pure et dolente mélodie de Bernard, mais l’amour de désir infini, les tourments endurés, l’exil, et l’instance obsédante
7002 ourments endurés, l’exil, et l’instance obsédante de la mort ne sont-ils pas ici, comme dans Tristan, liés par les complic
7003 mplicités profondes du vertige ? Le Ciel me garde d’ assimiler et d’uniformiser ce qui diffère ! (Ce serait contraire à ma
7004 ndes du vertige ? Le Ciel me garde d’assimiler et d’ uniformiser ce qui diffère ! (Ce serait contraire à ma théologie, à mo
7005 ute ma doctrine politique.) Je dis seulement que, de la mort d’amour tenue à grand honneur par les Banou Odrah, tribu bédo
7006 rine politique.) Je dis seulement que, de la mort d’ amour tenue à grand honneur par les Banou Odrah, tribu bédouine, jusqu
7007 les Banou Odrah, tribu bédouine, jusqu’aux amants de Cornouailles dont Béroul et Thomas, puis Gottfried et Richard nous ré
7008 nt nés « pour désirer et pour mourir, pour mourir de désirer », en passant par les grands troubadours du xii e siècle et l
7009 ne fut « attestée » ni ne le sera par certificats d’ origine, manifestes d’école ou expertises notariées, mais par l’éviden
7010 ne le sera par certificats d’origine, manifestes d’ école ou expertises notariées, mais par l’évidence des poèmes et la qu
7011 ées, mais par l’évidence des poèmes et la qualité de l’émotion par eux transmise ou inventée. Loin de vouloir qu’un systèm
7012 nsmise ou inventée. Loin de vouloir qu’un système d’ interprétation historique gagne et s’impose, je ne cherche qu’à mieux
7013 endre pour mieux vivre une certaine forme exaltée d’ exister, une certaine aventure de l’âme, un « voyage », diraient-ils,
7014 ne forme exaltée d’exister, une certaine aventure de l’âme, un « voyage », diraient-ils, où nous entraîne le vin herbé du
7015 périence poétique et musicale. C’est une question d’ oreille et non de preuves écrites ou de sources à vérifier, une questi
7016 et musicale. C’est une question d’oreille et non de preuves écrites ou de sources à vérifier, une question d’intuition et
7017 e question d’oreille et non de preuves écrites ou de sources à vérifier, une question d’intuition et d’accueil, et non pas
7018 es écrites ou de sources à vérifier, une question d’ intuition et d’accueil, et non pas de démonstration. Je lis la Vida de
7019 e sources à vérifier, une question d’intuition et d’ accueil, et non pas de démonstration. Je lis la Vida de Rudel, poète d
7020 une question d’intuition et d’accueil, et non pas de démonstration. Je lis la Vida de Rudel, poète de « l’amour de loin »
7021 de démonstration. Je lis la Vida de Rudel, poète de « l’amour de loin » et croisé sans esprit de retour, dont Pétrarque n
7022 tion. Je lis la Vida de Rudel, poète de « l’amour de loin » et croisé sans esprit de retour, dont Pétrarque nous dit « qu’
7023 oète de « l’amour de loin » et croisé sans esprit de retour, dont Pétrarque nous dit « qu’il mit la voile et prit les rame
7024 ’il mit la voile et prit les rames à la recherche de sa mort ». Je lis et je revis l’émotion de Tristan. Je propose que ce
7025 herche de sa mort ». Je lis et je revis l’émotion de Tristan. Je propose que cette émotion soit seule arbitre entre nos th
7026 os thèses. Jaufré Rudel de Blaye fut gentilhomme de grande noblesse et prince de Blaye ; et il s’énamoura de la comtesse
7027 de noblesse et prince de Blaye ; et il s’énamoura de la comtesse de Tripoli, sans la voir, pour le bien qu’il en entendit
7028 qu’il en entendit dire aux pèlerins qui venaient d’ Antioche ; et il fit d’elle maintes poésies avec bonne musique et pauv
7029 aux pèlerins qui venaient d’Antioche ; et il fit d’ elle maintes poésies avec bonne musique et pauvres paroles. Et par vol
7030 bonne musique et pauvres paroles. Et par volonté de la voir, il se croisa et prit la mer. Et dans la nef il tomba malade
7031 la vue, l’ouïe et l’odorat ; et il remercia Dieu d’ avoir soutenu sa vie jusqu’à ce qu’il l’eût vue. Et ainsi il mourut en
7032 elle se rendit nonne pour la douleur qu’elle eut de sa mort231. Mais comment ne pas songer ici à la fin d’une autre Vida
7033 mort231. Mais comment ne pas songer ici à la fin d’ une autre Vida, celle de Raimon Jordan, vicomte de Saint-Antonin (xiie
7034 e pas songer ici à la fin d’une autre Vida, celle de Raimon Jordan, vicomte de Saint-Antonin (xiie siècle), « où il nous
7035 d’une autre Vida, celle de Raimon Jordan, vicomte de Saint-Antonin (xiie siècle), « où il nous est conté que la dame de c
7036 xiie siècle), « où il nous est conté que la dame de ce troubadour, apprenant qu’il avait été tué dans un combat, alla s’e
7037 é dans un combat, alla s’enfermer dans une maison de femmes hérétiques ». Cette histoire, conclut René Nelli, « montre cla
7038 extraordinaire dans la bonne société qu’une dame de haut rang se fît cathare par désespoir d’amour »232. Pendant des anné
7039 ne dame de haut rang se fît cathare par désespoir d’ amour »232. Pendant des années, après la publication de mon livre, c’e
7040 ur »232. Pendant des années, après la publication de mon livre, c’est dans les ouvrages de René Nelli consacrés tantôt au
7041 publication de mon livre, c’est dans les ouvrages de René Nelli consacrés tantôt au catharisme233 et tantôt aux troubadour
7042 récises et sensibles confirmations ou corrections de mes hypothèses sur la nature des relations entre troubadours et catha
7043 xiiie siècles. Alors que Davenson ne craint pas d’ écrire qu’« aucun document ne permet de saisir la moindre collusion en
7044 craint pas d’écrire qu’« aucun document ne permet de saisir la moindre collusion entre troubadours et cathares » (Op. cit.
7045 rappelle non seulement le fait que je soulignais d’ entrée de jeu : que « l’amour provençal » s’est développé parallèlemen
7046 non seulement le fait que je soulignais d’entrée de jeu : que « l’amour provençal » s’est développé parallèlement au cath
7047 ené Nelli — outre l’épisode que je viens de citer de la Vida de R. Jordan : Les documents du xiiie siècle révèlent que p
7048 èlent que presque toutes les dames du Toulousain, de l’Albigeois, du Carcassès, du Comté de Foix, qui accueillaient et pro
7049 protégeaient les troubadours étaient, à la veille de la Croisade, sinon « parfaites » du moins « croyantes » (Op. cit., p.
7050 « croyantes » (Op. cit., p. 229). Une quinzaine de troubadours ont été cathares ou à tout le moins « catharisants », par
7051 herait en vain dans Les Fleurs du mal des phrases de catéchisme ou les canons du concile de Trente mis en vers.) Chaque tr
7052 es phrases de catéchisme ou les canons du concile de Trente mis en vers.) Chaque troubadour cathare — et peu m’importe leu
7053 uelle, mais surtout sur l’impossibilité théorique de « la moindre collusion »235. « Les prédicateurs cathares aimaient à c
7054 édicateurs cathares aimaient à citer le sirventes de Peire Cardenal Clergue si fan pastor » (R. Lavaud, cité dans E. T. p.
7055 t catholique) Matfre Ermengau, dans son Bréviaire d’ Amour, reprend les derniers cathares qui « par erreur d’hérésie ont co
7056 r, reprend les derniers cathares qui « par erreur d’ hérésie ont coutume de blâmer l’ordre matrimonial et d’en médire ». Or
7057 s cathares qui « par erreur d’hérésie ont coutume de blâmer l’ordre matrimonial et d’en médire ». Or c’est ce qu’ont fait
7058 ésie ont coutume de blâmer l’ordre matrimonial et d’ en médire ». Or c’est ce qu’ont fait tous les grands troubadours. Enfi
7059 les grands troubadours. Enfin, le roman courtois de Flamenca porte des traces certaines de catharisme, tandis que le Roma
7060 n courtois de Flamenca porte des traces certaines de catharisme, tandis que le Roman de Barlaam et Josaphat représente peu
7061 aces certaines de catharisme, tandis que le Roman de Barlaam et Josaphat représente peut-être en son entier une « collusio
7062 ier une « collusion » entre le gnosticisme hérité de ses origines orientales (voir plus haut p. 102) et la morale courtois
7063 is le poète y assimile si curieusement l’attitude de Guillem à celle d’un « patarin » qu’on est bien obligé de reconnaître
7064 ile si curieusement l’attitude de Guillem à celle d’ un « patarin » qu’on est bien obligé de reconnaître que, dans son espr
7065 em à celle d’un « patarin » qu’on est bien obligé de reconnaître que, dans son esprit, l’Amour et le catharisme pouvaient
7066 ur quelques points essentiels. » (E. T., p. 237.) De tout ceci résulte que la relation troubadours-cathares, si ardemment
7067 ation amour courtois-Tristan), présente une sorte d’ évidence spirituelle qu’aucune méthode dite objective ne parviendra ja
7068 rudit qui écrit sa thèse et qui s’est mis en tête de rivaliser avec les plus tatillons des « spécialistes »… Certes, il n’
7069 s »… Certes, il n’aura jamais la (fausse) naïveté de constater comme le fait Belperron « qu’aucune source ne nous décrit l
7070 on « qu’aucune source ne nous décrit la rencontre d’ un Parfait et d’un troubadour dans le même château » (La Croisade cont
7071 ource ne nous décrit la rencontre d’un Parfait et d’ un troubadour dans le même château » (La Croisade contre les albigeois
7072 les albigeois, p. 60), et que la possibilité même d’ une telle rencontre doit être exclue, s’agissant de « deux éléments ét
7073 ’une telle rencontre doit être exclue, s’agissant de « deux éléments étrangers et même antagonistes » (Joie d’Amour, p. 22
7074 x éléments étrangers et même antagonistes » (Joie d’ Amour, p. 220). Il sait bien que des rencontres comme celle que Belper
7075 (E. T., p. 228-229)236. Bien mieux, la rencontre d’ un cathare déclaré et d’un troubadour s’est attestée au moins une fois
7076 Bien mieux, la rencontre d’un cathare déclaré et d’ un troubadour s’est attestée au moins une fois dans un même homme, Gui
7077 , René Nelli, à propos de Durfort précisément, et de quelques autres présumés cathares, observe « qu’on chercherait en vai
7078 quement hérétique… Tous s’en tiennent aux données de l’érotique traditionnelle, ou plus exactement : les différences qui l
7079 tous les troubadours ont été cathares ou qu’aucun d’ eux ne l’a été. Or il est évident que tous les troubadours n’ont pas é
7080 pratiquement, aucun retentissement sur le contenu de la lyrique amoureuse ou qu’ils n’ont point voulu qu’elles y parussent
7081 théorique » (E. T., p. 234-235). Je serais tenté de souscrire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me tenir), si je n
7082 e souscrire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me tenir), si je ne m’avisais d’un très sérieux défaut dans la symétr
7083 ’il m’est arrivé de me tenir), si je ne m’avisais d’ un très sérieux défaut dans la symétrie qu’il propose : « tous ou aucu
7084 a symétrie qu’il propose : « tous ou aucun ». Car de fait quelques-uns furent cathares. Si leur croyance n’a pas modifié l
7085 ique, ne serait-ce pas qu’il n’y avait nul besoin de la modifier pour qu’elle convînt à cette croyance, tant elle lui étai
7086 r c’est en vain qu’on chercherait dans les poèmes de Tzara ou d’Éluard « la moindre proposition spécifiquement anarchiste 
7087 ain qu’on chercherait dans les poèmes de Tzara ou d’ Éluard « la moindre proposition spécifiquement anarchiste » (ni d’aill
7088 s spécifiquement communiste, quand ils changeront de camp), mais toute leur poésie est anarchie, depuis les « mots en libe
7089 et condamnait Jung sommairement pour avoir dévié de la doctrine (encore que sans le savoir ou sans l’admettre il fût plus
7090 tranche pas davantage que Nelli ; mais, contraint de choisir entre tous et aucun, je serais plus attiré par tous, lui peut
7091 stant également incroyables — ou enfin, presque… D’ où me vient cette ultime réticence ? De quel irréductible parti pris ?
7092 presque… D’où me vient cette ultime réticence ? De quel irréductible parti pris ? Je me sens moins sûr de mes raisons qu
7093 el irréductible parti pris ? Je me sens moins sûr de mes raisons que d’avoir senti juste, je le confesse. Quand Davenson,
7094 ti pris ? Je me sens moins sûr de mes raisons que d’ avoir senti juste, je le confesse. Quand Davenson, à propos de l’« hyp
7095 e que mon livre « fallacieux et charmeur ne cesse de flirter avec l’idée, si bien qu’elle finit par s’imposer au lecteur c
7096 ire voir et sentir qu’il est impossible à la fois de prouver la relation hérésie-courtoisie et de s’en passer, ou de la ni
7097 fois de prouver la relation hérésie-courtoisie et de s’en passer, ou de la nier. Oui, j’aime cette phrase parce que ce n’e
7098 relation hérésie-courtoisie et de s’en passer, ou de la nier. Oui, j’aime cette phrase parce que ce n’est pas seulement au
7099 orte une importante contribution : je veux parler de l’asag, ou assays, ou essai, c’est-à-dire de l’épreuve que la dame im
7100 rler de l’asag, ou assays, ou essai, c’est-à-dire de l’épreuve que la dame impose à son soupirant, et dont j’ai parlé p. 1
7101 venson a bien vu chez les Arabes comment le refus d’ accomplir totalement le désir est le moyen le plus « raffiné » de l’ét
7102 alement le désir est le moyen le plus « raffiné » de l’éterniser. Ainsi, Ibn Dawoud : Ah ! non, n’accomplis pas ta promes
7103 n Dawoud : Ah ! non, n’accomplis pas ta promesse de m’aimer de peur que vienne l’oubli !… Cependant, il ne veut plus voi
7104 Ah ! non, n’accomplis pas ta promesse de m’aimer de peur que vienne l’oubli !… Cependant, il ne veut plus voir que « mas
7105 me alambiqué », « raffinement morbide, bas calcul d’ une sensibilité détraquée » (p. 149) dans le même phénomène quand il s
7106 Ermengau (fin xiiie , début xive ) : Le plaisir de cet amour se détruit quand le désir trouve son rassasiement. En reva
7107 ement. En revanche, René Nelli, au lieu de faire de l’indignation morale, cherche à comprendre la nature et la fonction d
7108 le, cherche à comprendre la nature et la fonction de l’asag dans la conduite courtoise, et il se voit amené à en deviner l
7109 voit amené à en deviner le secret dans la « Joie d’ amour » elle-même. Suivons le trajet de cette recherche dans L’Érotiqu
7110 la « Joie d’amour » elle-même. Suivons le trajet de cette recherche dans L’Érotique des troubadours. La Joie d’amour, ou
7111 echerche dans L’Érotique des troubadours. La Joie d’ amour, ou Joy d’amors en occitan, est un mot masculin dont le sens var
7112 Érotique des troubadours. La Joie d’amour, ou Joy d’ amors en occitan, est un mot masculin dont le sens varie non seulement
7113 t le sens varie non seulement selon les époques —  de Guillaume IX à Montanhagol —, mais chez un même auteur selon la tonal
7114 r lui-même. C’est parfois tout simplement la joie de vivre en aimant, ou c’est un jeu — flirt ou « petting ». Mais déjà ch
7115 cette joie est dite « pure » parce qu’elle dépend d’ un bien que l’on désire sans l’avoir (encore) obtenu : joie de désirer
7116 e l’on désire sans l’avoir (encore) obtenu : joie de désirer. Le sens de joy oscille donc entre plaisir d’être amoureux et
7117 ’avoir (encore) obtenu : joie de désirer. Le sens de joy oscille donc entre plaisir d’être amoureux et vœu d’éterniser le
7118 ésirer. Le sens de joy oscille donc entre plaisir d’ être amoureux et vœu d’éterniser le désir, comme chez les Arabes. Chez
7119 oscille donc entre plaisir d’être amoureux et vœu d’ éterniser le désir, comme chez les Arabes. Chez Guillaume IX, le joy d
7120 joy devient aussi un influx mystérieux qui émane de la présence et des yeux de la dame : Toute la joie du monde est nôtr
7121 x mystérieux qui émane de la présence et des yeux de la dame : Toute la joie du monde est nôtre Dame, si l’un l’autre nou
7122 es s’exercent sur le corps autant que sur le cœur de l’amant : Par sa joie elle peut guérir le malade Et par sa colère le
7123 je la veux retenir Afin de rafraîchir mon cœur Et de renouveler mon corps Si bien qu’il ne puisse vieillir ou encore : E
7124 sse vieillir ou encore : Et un homme vivra plus de cent ans S’il peut saisir la joie de son amour c’est-à-dire si cet
7125 e vivra plus de cent ans S’il peut saisir la joie de son amour c’est-à-dire si cet homme parvient à maîtriser les lois d
7126 que lui impose la dame : Nul ne peut être assuré de triompher de l’amour, s’il ne se soumet en tout à sa volonté. Mais l
7127 e la dame : Nul ne peut être assuré de triompher de l’amour, s’il ne se soumet en tout à sa volonté. Mais le thème de la
7128 ne se soumet en tout à sa volonté. Mais le thème de la soumission à la dame conduit à celui de l’épreuve qu’elle fait sub
7129 thème de la soumission à la dame conduit à celui de l’épreuve qu’elle fait subir à son soupirant : Ma dame me met à l’es
7130 le, expressément cette fois, l’épreuve héroïsante de la chasteté gardée « au lit », nudus cum nuda, dont Mircea Eliade a d
7131 . 87 à 89). L’asag apparaît alors comme une sorte de technique du joy, ou encore : le joy devient le jeu érotique par exce
7132 l’amor imperfectus comme condition non seulement de fin’amors mais de joie « pure », c’est-à-dire de plaisir sans procréa
7133 s comme condition non seulement de fin’amors mais de joie « pure », c’est-à-dire de plaisir sans procréation. De là les in
7134 de fin’amors mais de joie « pure », c’est-à-dire de plaisir sans procréation. De là les innombrables scènes décrites dans
7135 pure », c’est-à-dire de plaisir sans procréation. De là les innombrables scènes décrites dans les deux grands romans court
7136 ans courtois, Flamenca et Jaufré, dans les romans de la Table ronde et dans le Parzifal de Wolfram d’Eschenbach, où les am
7137 au désir, c’est la preuve qu’ils ne s’aiment pas de fin’amors, de vrai amour. Peut-être croyait-on, comme Hindous et Chin
7138 st la preuve qu’ils ne s’aiment pas de fin’amors, de vrai amour. Peut-être croyait-on, comme Hindous et Chinois, que le dé
7139 rit René Nelli, qui ajoute en note, avec un point d’ interrogation qui est bien dans sa manière : « Théorie gnostique répan
7140 e s’est infiltré chez les béguines et les béguins de saint François, dès le xiiie siècle. (Cf. supra, p. 254, 255.) Au su
7141 ital sexuel », René Nelli écrit : « La déposition de Guillaume Roux dans le Liber sententiarum inquisitionis Tholosonae ne
7142 xistence réelle et la diffusion parmi les béguins d’ une semblable recherche de la tentation « méritoire » et « salutaire »
7143 usion parmi les béguins d’une semblable recherche de la tentation « méritoire » et « salutaire ». G. Roux déclare en effet
7144 badours, p. 272.) (« S’ils se révèlent incapables de se coucher dans un lit, nu contre nue, sans accomplir l’acte charnel.
7145 arnel. ») J’ai deux raisons également importantes d’ insister sur l’asag et sa liaison essentielle avec le joy courtois. 1°
7146 ois. 1° C’est dans et par l’asag que la rencontre de la cortezia des troubadours et du gnosticisme des cathares s’avère no
7147 bien que les motifs, on l’a vu, soient différents de part et d’autre : chez les troubadours, exalter le désir ; chez les g
7148 s motifs, on l’a vu, soient différents de part et d’ autre : chez les troubadours, exalter le désir ; chez les gnostiques,
7149 mposée aux amants par des dames croyantes combine d’ une manière exemplaire les deux motifs !) Et c’est bien cela que j’ent
7150 dmets entièrement sur ce chapitre les conclusions de René Nelli —, ne pouvaient guère manquer d’entrer en symbiose dans ma
7151 sions de René Nelli —, ne pouvaient guère manquer d’ entrer en symbiose dans maints domaines de conduite pratique — ce qui
7152 manquer d’entrer en symbiose dans maints domaines de conduite pratique — ce qui s’est produit en effet. 2° L’asag apparaît
7153 asag apparaît lié dès l’origine aux autres thèmes de la poésie courtoise tels que Guillaume de Poitiers les « invente » en
7154 onduit par Robert d’Arbrissel. Sur l’invention de l’amour au xiie siècle Dans sa grande étude sur Guillaume de Poit
7155 mes fondamentaux sur Les origines et la formation de la littérature courtoise en Occident, se pose l’une des questions les
7156 i soient dans l’histoire des lettres et des mœurs de l’Occident ; celle de l’apparition subite, dans cinq ou six chansons
7157 re des lettres et des mœurs de l’Occident ; celle de l’apparition subite, dans cinq ou six chansons de Guillaume de Poitie
7158 de l’apparition subite, dans cinq ou six chansons de Guillaume de Poitiers, des thèmes majeurs que vont traiter tous les p
7159 s thèmes majeurs que vont traiter tous les poètes d’ amour qui suivront — les troubadours — « et après eux, des centaines e
7160 s — « et après eux, des centaines et des milliers de poètes de l’Europe entière ». Pourquoi cette création totale (et qui
7161 près eux, des centaines et des milliers de poètes de l’Europe entière ». Pourquoi cette création totale (et qui paraît san
7162 romaniste zurichois Theophil Spoerri, précurseur de l’analyse structurelle des textes, relève au début de son étude sur G
7163 ’analyse structurelle des textes, relève au début de son étude sur Guillaume de Poitiers237 les treize systèmes d’explicat
7164 sur Guillaume de Poitiers237 les treize systèmes d’ explication de notre énigme, proposés (à la date de l’étude) par une q
7165 de Poitiers237 les treize systèmes d’explication de notre énigme, proposés (à la date de l’étude) par une quarantaine de
7166 ’explication de notre énigme, proposés (à la date de l’étude) par une quarantaine de savants. Chacun a vu un, deux ou troi
7167 oposés (à la date de l’étude) par une quarantaine de savants. Chacun a vu un, deux ou trois des nombreux aspects littérair
7168 ule n’embrasse le phénomène dans son ensemble. Or de quoi s’agit-il finalement ? Je répondrai : d’un processus à la fois h
7169 Or de quoi s’agit-il finalement ? Je répondrai : d’ un processus à la fois historique et psychique de convergence, de coll
7170 d’un processus à la fois historique et psychique de convergence, de collusion, et de mise en tension, voire de confusion
7171 à la fois historique et psychique de convergence, de collusion, et de mise en tension, voire de confusion aux limites (att
7172 que et psychique de convergence, de collusion, et de mise en tension, voire de confusion aux limites (atteintes par certai
7173 gence, de collusion, et de mise en tension, voire de confusion aux limites (atteintes par certaines mystiques) ; processus
7174 dans le Poitou ; et au cours duquel le sentiment de l’amour humain va se déclarer et se chanter, à la faveur de formes et
7175 humain va se déclarer et se chanter, à la faveur de formes et de rythmes empruntés à la liturgie. Et dès lors il ne cesse
7176 déclarer et se chanter, à la faveur de formes et de rythmes empruntés à la liturgie. Et dès lors il ne cessera plus de ri
7177 tés à la liturgie. Et dès lors il ne cessera plus de rivaliser avec le sentiment religieux. Ce processus unique, d’où naît
7178 avec le sentiment religieux. Ce processus unique, d’ où naît l’amour courtois, nous pouvons le suivre à la trace sous deux
7179 tois, nous pouvons le suivre à la trace sous deux de ses aspects les mieux connus (ou connaissables) soit par les textes,
7180 es textes, soit par la chronique : je veux parler de l’évolution des formes dans la poésie de Guillaume IX, évolution que
7181 x parler de l’évolution des formes dans la poésie de Guillaume IX, évolution que l’on découvre parallèle à certaines circo
7182 l’on découvre parallèle à certaines circonstances de sa biographie liées à l’abbaye de Fontevrault, c’est-à-dire à la long
7183 s circonstances de sa biographie liées à l’abbaye de Fontevrault, c’est-à-dire à la longue rivalité du comte-duc et du moi
7184 dans son temps et son lieu la personne fulgurante de Guillaume et le conflit merveilleusement fécond qui opposa le duc au
7185 Poitiers sont moins à l’origine qu’au lieu focal de l’histoire de l’amour en Occident, et de toute sa problématique. Derr
7186 moins à l’origine qu’au lieu focal de l’histoire de l’amour en Occident, et de toute sa problématique. Derrière les succè
7187 eu focal de l’histoire de l’amour en Occident, et de toute sa problématique. Derrière les succès missionnaires de Robert d
7188 problématique. Derrière les succès missionnaires de Robert d’Arbrissel, il y a l’évolution religieuse du xie siècle en A
7189 es, antiromaines, auxquelles l’arrière-grand-père de Guillaume IX — le VIIe duc, candidat à l’Empire — « s’intéresse très
7190 era le catharisme. Et derrière les dons poétiques de Guillaume, il y a la séculaire tradition littéraire des cours aquitai
7191 ire tradition littéraire des cours aquitaines238, de l’évêque Fortunat au vie siècle et de ses lettres galantes à la rein
7192 taines238, de l’évêque Fortunat au vie siècle et de ses lettres galantes à la reine Radegonde, abbesse du monastère de la
7193 lantes à la reine Radegonde, abbesse du monastère de la Sainte-Croix de Poitiers, jusqu’à la propre tante du duc : Agnès,
7194 rs, jusqu’à la propre tante du duc : Agnès, femme de l’empereur Henri III. Elle entretient avec Pierre Damien une correspo
7195 re « ces âmes raffinées déjà tout près du langage de saint Bernard mais aussi de celui de l’amour courtois dans sa phase l
7196 tout près du langage de saint Bernard mais aussi de celui de l’amour courtois dans sa phase la plus idéalisée »239. Du Po
7197 s du langage de saint Bernard mais aussi de celui de l’amour courtois dans sa phase la plus idéalisée »239. Du Poitevin Gu
7198 la plus idéalisée »239. Du Poitevin Guillaume et de ses proches amis, les Ventadour et les d’Ussel du Limousin, la poésie
7199 aume et de ses proches amis, les Ventadour et les d’ Ussel du Limousin, la poésie nouvelle va se répandre vers le sud toulo
7200 et le sud-est provençal, avec lesquels on confond de nos jours les troubadours — mais Dante, qui s’y connaît, les nomme « 
7201 les nomme « limousins ». La descendance nordique de Poitiers n’est pas moins féconde. Aliénor, petite-fille de Guillaume,
7202 rs n’est pas moins féconde. Aliénor, petite-fille de Guillaume, épousera Louis VII de France, puis Henri II Plantagenêt. D
7203 e Champagne et Aëlis de Blois, qui tiendront cour d’ amour et transmettront les secrets de la courtoisie aux auteurs des « 
7204 endront cour d’amour et transmettront les secrets de la courtoisie aux auteurs des « romans bretons », dont le plus grand
7205 tantes reines ou impératrices : du Saint-Empire, de l’Angleterre, de la Bourgogne. L’une de ses sœurs épouse le roi Pierr
7206 impératrices : du Saint-Empire, de l’Angleterre, de la Bourgogne. L’une de ses sœurs épouse le roi Pierre d’Aragon, l’aut
7207 t-Empire, de l’Angleterre, de la Bourgogne. L’une de ses sœurs épouse le roi Pierre d’Aragon, l’autre le roi Alfonse de Ca
7208 compte, le décrivent comme « prodigue et coureur d’ aventures », « enragé amateur de femmes », « ennemi de toute pudeur et
7209 odigue et coureur d’aventures », « enragé amateur de femmes », « ennemi de toute pudeur et sainteté », à tel point « qu’on
7210 entures », « enragé amateur de femmes », « ennemi de toute pudeur et sainteté », à tel point « qu’on aurait pensé qu’il cr
7211 dence »240, mais avec cela « audacieux, pieux, et d’ un caractère extrêmement joyeux ». Deux fois excommunié ; la seconde f
7212 à cause de sa liaison affichée avec la vicomtesse de Châtellerault, si bellement prénommée Dangereuse, qu’il installa dans
7213 rénommée Dangereuse, qu’il installa dans une tour de son château. Avec cela, et avant tout, il est poète. Ses premiers « v
7214 s » (ou cansos) « chantent ses aventures galantes d’ une manière grivoise, obscène même » pour un auditoire de « gais compa
7215 anière grivoise, obscène même » pour un auditoire de « gais compagnons de débauche » (p. 152). Principal événement de sa v
7216 ène même » pour un auditoire de « gais compagnons de débauche » (p. 152). Principal événement de sa vie : il se croise au
7217 gnons de débauche » (p. 152). Principal événement de sa vie : il se croise au printemps de 1101, subit une écrasante défai
7218 l événement de sa vie : il se croise au printemps de 1101, subit une écrasante défaite à Héraclée, et après plusieurs mois
7219 sante défaite à Héraclée, et après plusieurs mois de captivité à la cour de Tancrède et chez les Sarrasins, rentre à Poiti
7220 e, et après plusieurs mois de captivité à la cour de Tancrède et chez les Sarrasins, rentre à Poitiers, à l’automne de 110
7221 hez les Sarrasins, rentre à Poitiers, à l’automne de 1102. Entre-temps, Robert d’Arbrissel a fondé l’abbaye de Fontevrault
7222 Entre-temps, Robert d’Arbrissel a fondé l’abbaye de Fontevrault. Le duel commence. Qui est Robert d’Arbrissel ? Né vers 1
7223 ssel ? Né vers 1050 à l’Arbressec, ce Breton fils de prêtre se fait d’abord clerc vagabond, tient des sermons violents con
7224 s prêtres, puis se retire en ermite dans la forêt de Craon. Sa soif d’ascétisme et son éloquence ont attiré des disciples,
7225 retire en ermite dans la forêt de Craon. Sa soif d’ ascétisme et son éloquence ont attiré des disciples, qui le rejoignent
7226 . Des communes — dirions-nous — se forment autour d’ eux. On leur octroie des terres à cultiver. Mais voici Robert nommé « 
7227 . Il reprend la route, et ses sermons « empreints d’ un profond pessimisme » dénoncent la perversité de ce monde rempli de
7228 d’un profond pessimisme » dénoncent la perversité de ce monde rempli de mensonges et d’ignorance dans le peuple, de meurtr
7229 isme » dénoncent la perversité de ce monde rempli de mensonges et d’ignorance dans le peuple, de meurtres et d’adultères c
7230 la perversité de ce monde rempli de mensonges et d’ ignorance dans le peuple, de meurtres et d’adultères chez les princes,
7231 empli de mensonges et d’ignorance dans le peuple, de meurtres et d’adultères chez les princes, de simonie et d’hypocrisie
7232 ges et d’ignorance dans le peuple, de meurtres et d’ adultères chez les princes, de simonie et d’hypocrisie chez les prêtre
7233 ple, de meurtres et d’adultères chez les princes, de simonie et d’hypocrisie chez les prêtres. C’est déjà l’essentiel de l
7234 es et d’adultères chez les princes, de simonie et d’ hypocrisie chez les prêtres. C’est déjà l’essentiel de la prédication
7235 pocrisie chez les prêtres. C’est déjà l’essentiel de la prédication antiromaine des cathares, des Vaudois, et plus tard de
7236 t. Des foules se mettent à l’accompagner, formées de milliers de jeunes disciples que les chroniques nous décrivent tels d
7237 s se mettent à l’accompagner, formées de milliers de jeunes disciples que les chroniques nous décrivent tels des hippies a
7238 hippies américains « marchant pieds nus, couverts de vêtements bizarres et lacérés, et remarquables par l’abondance de leu
7239 arres et lacérés, et remarquables par l’abondance de leurs barbes » (barbarum prolixitate notabiles). Les femmes quittent
7240 les rumeurs du temps, Robert, « suivant l’exemple d’ ascètes orientaux, surtout syriens, aurait lui-même provoqué une telle
7241 iscuité en permettant aux femmes qui le suivaient d’ habiter familièrement avec lui et même de partager sa couche — tout ce
7242 uivaient d’habiter familièrement avec lui et même de partager sa couche — tout cela pour expier ses anciens péchés véniels
7243 s une contrée déserte pour y mener une sainte vie d’ ermites. En 1101, il décide de créer pour ses adeptes une colonie de «
7244 ener une sainte vie d’ermites. En 1101, il décide de créer pour ses adeptes une colonie de « cabanes » autour d’une église
7245 , il décide de créer pour ses adeptes une colonie de « cabanes » autour d’une église dédiée — bien entendu — à la Vierge.
7246 our ses adeptes une colonie de « cabanes » autour d’ une église dédiée — bien entendu — à la Vierge. L’ensemble va devenir
7247 ndu — à la Vierge. L’ensemble va devenir l’abbaye de Fontevrault, formée d’un grand couvent de femmes jouxtant trois autre
7248 semble va devenir l’abbaye de Fontevrault, formée d’ un grand couvent de femmes jouxtant trois autres maisons d’hommes. L’o
7249 ’abbaye de Fontevrault, formée d’un grand couvent de femmes jouxtant trois autres maisons d’hommes. L’ordre essaimera très
7250 d couvent de femmes jouxtant trois autres maisons d’ hommes. L’ordre essaimera très vite en Bretagne, dans le Limousin, le
7251 jusqu’à trois-mille moines et religieuses. Lettre de Robert : « Vous savez comment tout ce que j’ai érigé en ce monde, je
7252 , et c’est à elles que j’ai offert toute la force de mes talents et ce qui est beaucoup plus encore, je me suis soumis à e
7253 oumis à elles, moi et mes disciples, pour le bien de nos âmes. » Nouveauté inouïe et qui surpasse encore celle de donner à
7254 . » Nouveauté inouïe et qui surpasse encore celle de donner à l’abbesse le pouvoir supérieur non seulement sur les religie
7255 Paraclet dans le même temps) mais sur les hommes de la communauté. Très vite, le magnétisme qui émane de son fondateur at
7256 la communauté. Très vite, le magnétisme qui émane de son fondateur attire à Fontevrault « les plus célèbres beautés de l’é
7257 attire à Fontevrault « les plus célèbres beautés de l’époque », parmi lesquelles la reine Bertrade de France, et l’on ne
7258 cette Bertrade a provoqué le plus grand scandale de l’époque en obligeant son amant, Philippe Ier, à répudier sa femme po
7259 nication telle que « toutes les cloches cessaient de sonner lorsque le roi et la « reine » entraient dans une ville ou dan
7260 ; en 1112, Ermengarde de Bretagne, première femme de Guillaume IX, puis en 1115 Philippa de Toulouse, sa seconde femme, ac
7261 ilippa de Toulouse, sa seconde femme, accompagnée de leur fille Audéoude, passent dans le camp du moine, renient Guillaume
7262 me IX ne semble pas avoir pris au sérieux l’œuvre de réformateur qui s’attachait, paraît-il, à sauver de l’enfer des fille
7263 réformateur qui s’attachait, paraît-il, à sauver de l’enfer des filles débauchées… S’il est exact que Robert d’Arbrissel
7264 éconisait entre religieux et religieuse une sorte d’ assays mystique, destiné à mettre à l’épreuve dans un même lit leurs v
7265 ême lit leurs vertus chrétiennes et leur capacité de continence, on conçoit que Guillaume IX, peu religieux de tempérament
7266 nence, on conçoit que Guillaume IX, peu religieux de tempérament, n’ait vu dans ces manœuvres qu’une aimable et hypocrite
7267 duc d’Aquitaine, ait assisté à ce bouleversement de toute l’aristocratie de la région, à cet exode général des nobles dam
7268 sisté à ce bouleversement de toute l’aristocratie de la région, à cet exode général des nobles dames, y compris sa premièr
7269 es, ainsi que sa propre fille, sans s’en émouvoir de la moindre façon ?… Il nous paraît très probable que Guillaume fut vi
7270 llaume fut vivement impressionné par le mouvement de Fontevrault et par les succès éclatants qu’il remportait dans son voi
7271 n voisinage immédiat (p. 207). Première réaction de Guillaume au défi que lui portent ces « succès éclatants » : le sarca
7272 l’abbaye des filles perdues mais « relevées » par d’ Arbrissel, il fonde à Niort une colonie de petites maisons, habitacula
7273 s » par d’Arbrissel, il fonde à Niort une colonie de petites maisons, habitacula quaedam quasi monasteriola, imitant les «
7274 monasteriola, imitant les « cabanes » des débuts de Fontevrault, et il y loge des courtisanes aussi peu « relevées » que
7275 omme désire le plus », comme il le dit dans l’une de ses chansons. « Ne serait-ce pas dans cet état de malaise intérieur q
7276 de ses chansons. « Ne serait-ce pas dans cet état de malaise intérieur que naquit en lui le désir d’opposer au mysticisme
7277 t de malaise intérieur que naquit en lui le désir d’ opposer au mysticisme ascétique de l’époque un mysticisme mondain, une
7278 en lui le désir d’opposer au mysticisme ascétique de l’époque un mysticisme mondain, une élévation spirituelle de l’amour
7279 un mysticisme mondain, une élévation spirituelle de l’amour du chevalier, rivalisant avec l’attraction qu’exerçait sur le
7280 n à la domina que propageait Fontevrault ? » Tout d’ un coup, c’est l’efflorescence lyrique, dans les formes du conductus e
7281 tique, puis du zadjal arabe, et les grands thèmes de l’amour courtois : la soumission du chevalier par allégeance d’amour
7282 rtois : la soumission du chevalier par allégeance d’ amour pur à la dame, l’assai imposé par la dame comme épreuve de l’amo
7283 la dame, l’assai imposé par la dame comme épreuve de l’amour vrai, tout cela « pour le bien de nos âmes », disait Robert ;
7284 épreuve de l’amour vrai, tout cela « pour le bien de nos âmes », disait Robert ; « pour rafraîchir ma chair et renouveler
7285 u lyrisme occidental, il y a cette conversion non de l’esprit, ni même de la conscience peut-être, mais de l’âme soudain q
7286 il y a cette conversion non de l’esprit, ni même de la conscience peut-être, mais de l’âme soudain qui s’éveille « à la d
7287 ’esprit, ni même de la conscience peut-être, mais de l’âme soudain qui s’éveille « à la douceur du temps nouveau ». ⁂ C’es
7288 prosodiques que Theophil Spoerri, sur les traces de Bezzola, aborde le même problème, et il nous livre le principe de sa
7289 de le même problème, et il nous livre le principe de sa méthode dans une formule où je retrouve la lettre de notre maître
7290 méthode dans une formule où je retrouve la lettre de notre maître commun, Rudolf Kassner : « Bewusstwerdung ist identisch
7291 ng ». Ce qui veut dire que la prise de conscience d’ une réalité psychique est inséparable de sa mise en forme (plastique o
7292 onscience d’une réalité psychique est inséparable de sa mise en forme (plastique ou poétique), ou encore qu’on ne peut uti
7293 passage du vers latin au vers en langue vulgaire, d’ oïl ou d’oc. Et l’on découvre que ce passage s’est opéré par le moyen
7294 u vers latin au vers en langue vulgaire, d’oïl ou d’ oc. Et l’on découvre que ce passage s’est opéré par le moyen des forme
7295 s’est opéré par le moyen des formes liturgiques, de l’hymne ambrosien et de la séquence convergeant dans les tropes de No
7296 n des formes liturgiques, de l’hymne ambrosien et de la séquence convergeant dans les tropes de Notker, puis dans le condu
7297 ien et de la séquence convergeant dans les tropes de Notker, puis dans le conduit (conductus) bientôt autonomisé sous form
7298 bientôt autonomisé sous forme de vers (versus) ou de chanson (canso) : cette évolution séculaire vient culminer entre 1100
7299 entre 1100 et 1150 dans le prestigieux répertoire d’ un des hauts lieux de la musique médiévale, l’abbaye Saint-Martial de
7300 ns le prestigieux répertoire d’un des hauts lieux de la musique médiévale, l’abbaye Saint-Martial de Limoges. Or il se tro
7301 de Limoges. Or il se trouve que « l’abbé laïque » de Saint-Martial n’est autre que Guillaume, septième comte du Poitou, ne
7302 , neuvième duc d’Aquitaine, et premier troubadour d’ Europe. Guillaume commence par imiter, dans une intention parodique — 
7303 dans une intention parodique — contre l’ambiance de religiosité toujours plus exaltée qu’entretient Fontevrault — les for
7304 us exaltée qu’entretient Fontevrault — les formes de l’hymne ambrosien, de la séquence et du conduit. Il met en forme d’hy
7305 nt Fontevrault — les formes de l’hymne ambrosien, de la séquence et du conduit. Il met en forme d’hymne liturgique ses déc
7306 en, de la séquence et du conduit. Il met en forme d’ hymne liturgique ses déclarations d’amour profane241. Mais voici que p
7307 met en forme d’hymne liturgique ses déclarations d’ amour profane241. Mais voici que peu à peu, par la magie précise des r
7308 i que peu à peu, par la magie précise des rythmes de la mélodie et du verbe, ces formes se mettent à gagner sur la matière
7309 ant qu’à la fin, il fera passer le mouvement même de l’esprit dans la louange de la chair, la ferveur de l’élan vers l’au-
7310 ser le mouvement même de l’esprit dans la louange de la chair, la ferveur de l’élan vers l’au-delà (exprimé par les formes
7311 l’esprit dans la louange de la chair, la ferveur de l’élan vers l’au-delà (exprimé par les formes liturgiques) dans la « 
7312 é par les formes liturgiques) dans la « douceur » de l’élan amoureux vers l’ici-bas. Origine de la poésie occidentale ! Et
7313 ceur » de l’élan amoureux vers l’ici-bas. Origine de la poésie occidentale ! Et Spoerri nous fait suivre dans le détail de
7314 tale ! Et Spoerri nous fait suivre dans le détail de la métrique des chansons I à IX la dialectique de cette contamination
7315 de la métrique des chansons I à IX la dialectique de cette contamination et les progrès d’une sorte de spiritualité séculi
7316 dialectique de cette contamination et les progrès d’ une sorte de spiritualité séculière, absolument originale : il s’agit
7317 de cette contamination et les progrès d’une sorte de spiritualité séculière, absolument originale : il s’agit d’un profond
7318 alité séculière, absolument originale : il s’agit d’ un profond mouvement de transfert des élans de l’amour divin exprimés
7319 ment originale : il s’agit d’un profond mouvement de transfert des élans de l’amour divin exprimés dans la liturgie, à ceu
7320 git d’un profond mouvement de transfert des élans de l’amour divin exprimés dans la liturgie, à ceux de l’amour le plus fr
7321 e l’amour divin exprimés dans la liturgie, à ceux de l’amour le plus franchement, le plus insolemment humain. Sécularisati
7322 ement, le plus insolemment humain. Sécularisation de l’enthousiasme (au sens littéral « d’endieusement ») qui découvre la
7323 ularisation de l’enthousiasme (au sens littéral «  d’ endieusement ») qui découvre la plénitude et le « salut » dans l’amour
7324 écouvre la plénitude et le « salut » dans l’amour de la femme, le printemps et l’ivresse de vivre le temps neuf, cet épanc
7325 ns l’amour de la femme, le printemps et l’ivresse de vivre le temps neuf, cet épanchement de la grâce en la Nature. Et voi
7326 l’ivresse de vivre le temps neuf, cet épanchement de la grâce en la Nature. Et voici le chant fort et tremblant : Ab la d
7327 iseaux Chantent chacun en son langage Les versets de leur chanson neuve : Il faut bien qu’on se mette en quête De ce qu’ho
7328 nson neuve : Il faut bien qu’on se mette en quête De ce qu’homme désire le plus ! Et plus loin, dans la même chanson, le
7329 èbres : La nostr’ amor vai enaissi Com la branca de l’albespi… Ainsi va-t-il de notre amour Comme de la branche d’aubépi
7330 naissi Com la branca de l’albespi… Ainsi va-t-il de notre amour Comme de la branche d’aubépine Tant que dure la nuit sur
7331 de l’albespi… Ainsi va-t-il de notre amour Comme de la branche d’aubépine Tant que dure la nuit sur l’arbre, Elle tremble
7332 Ainsi va-t-il de notre amour Comme de la branche d’ aubépine Tant que dure la nuit sur l’arbre, Elle tremble à la pluie, a
7333 a feuille et le rameau vert. « Dans les chansons de Guillaume IX, conclut Theophil Spoerri, apparaît et prend forme ce qu
7334 ar sa forme elle rend sensible la tension infinie de la puissance qui transforme, que nul renoncement, nul désastre, ni mê
7335 es, si imparfaites soient-elles, révèle l’attrait de la perfection. » Aux belles analyses de Spoerri, je voudrais ajouter
7336 l’attrait de la perfection. » Aux belles analyses de Spoerri, je voudrais ajouter ceci : s’il est vrai que ce qu’il nomme
7337 dre la naissance du lyrisme courtois dans l’œuvre de Guillaume, il est un second facteur formel dont l’action n’a guère ét
7338 oindre sur la conscience du poète, je veux parler de la rhétorique arabe et de l’érotique si raffinée qu’elle transportait
7339 u poète, je veux parler de la rhétorique arabe et de l’érotique si raffinée qu’elle transportait — l’une des sources attes
7340 u’elle transportait — l’une des sources attestées de la courtoisie. Guillaume a certainement connu les procédés de composi
7341 isie. Guillaume a certainement connu les procédés de composition lyrique des poètes rencontrés au Proche-Orient pendant se
7342 ètes rencontrés au Proche-Orient pendant ses mois de captivité, puis en Espagne, aux cours d’Aragon ou de Castille, chez s
7343 ses mois de captivité, puis en Espagne, aux cours d’ Aragon ou de Castille, chez ses beaux-frères — que fréquentaient des l
7344 captivité, puis en Espagne, aux cours d’Aragon ou de Castille, chez ses beaux-frères — que fréquentaient des lettrés andal
7345 fréquentaient des lettrés andalous et des troupes de jongleurs toujours mixtes : chanteurs mauresques et chrétiens mêlés.
7346 poésie et l’érotique des Arabes étaient fort loin d’ être inconnues. On sait qu’en 1019, par exemple, vingt esclaves musulm
7347 qu’en 1019, par exemple, vingt esclaves musulmans d’ Espagne sont reçus par l’abbé, qui en retient deux à son service, et c
7348 etient deux à son service, et confie les autres à de grands seigneurs du pays auxquels ils servent d’interprètes242. (Ces
7349 de grands seigneurs du pays auxquels ils servent d’ interprètes242. (Ces esclaves sont souvent très versés dans les lettre
7350 jal si souvent relevée sur cinq des onze chansons de Guillaume. Mais encore : dans la lutte à jamais créatrice de toute my
7351 e. Mais encore : dans la lutte à jamais créatrice de toute mystique de la littérature jusqu’à nous, lutte qui opposa le mo
7352 ans la lutte à jamais créatrice de toute mystique de la littérature jusqu’à nous, lutte qui opposa le moine au comte-duc,
7353 r peu que l’on renonce aux clichés, il est facile de constater que l’orthodoxe en cette affaire, du point de vue de l’Égli
7354 que l’orthodoxe en cette affaire, du point de vue de l’Église d’alors, c’est Guillaume IX, pourtant deux fois excommunié ;
7355 oxe en cette affaire, du point de vue de l’Église d’ alors, c’est Guillaume IX, pourtant deux fois excommunié ; tandis que
7356 bert d’Arbrissel, honoré par le pape et fondateur d’ une vingtaine de couvents. Au surplus, l’hérésie cathare n’est pas abs
7357 , honoré par le pape et fondateur d’une vingtaine de couvents. Au surplus, l’hérésie cathare n’est pas absente du Poitou d
7358 athare n’est pas absente du Poitou dès les débuts de son expansion européenne. Elle y parvient à peu près dans le même tem
7359 siècle. En 1028, Guillaume V, inquiet du progrès de l’hérésie dans ses domaines, réunit un concile à Charroux pour étudie
7360 nit un concile à Charroux pour étudier les moyens de combattre les « manichéens ». En 1114, Robert d’Arbrissel prêche cont
7361 de gagner la Provence. Ces dates encadrent celles de la vie de Guillaume IX et de toute la première génération des troubad
7362 la Provence. Ces dates encadrent celles de la vie de Guillaume IX et de toute la première génération des troubadours, qui
7363 tes encadrent celles de la vie de Guillaume IX et de toute la première génération des troubadours, qui est poitevine, limo
7364 Or nous savons que Marcabru, protégé par le fils de Guillaume IX, fut l’élève des moines de Saint-Martial, et Déodat Roch
7365 r le fils de Guillaume IX, fut l’élève des moines de Saint-Martial, et Déodat Roché estime qu’il serait « opportun de rech
7366 l, et Déodat Roché estime qu’il serait « opportun de rechercher les rapports de ces moines bénédictins ou cisterciens avec
7367 u’il serait « opportun de rechercher les rapports de ces moines bénédictins ou cisterciens avec les cathares, puisque auss
7368 ciens avec les cathares, puisque aussi bien c’est de cette abbaye qu’on ferait sortir le Poème sur Boèce dont nous avons m
7369 ite ces « faits » pour essayer, une fois de plus, de faire sentir combien les prises de position devant l’hérésie — hostil
7370 fois de plus, de faire sentir combien les prises de position devant l’hérésie — hostiles, complices, ou positives — compt
7371 e en tension avec le phénomène, ou le simple fait d’ être pris dans son champ. Notons aussi que les grandes dames de l’Aqui
7372 ans son champ. Notons aussi que les grandes dames de l’Aquitaine se rallient totalement à Robert, allant plus loin dans l’
7373  croyantes » du catharisme toulousain vers la fin de ce xiie siècle. C’est aussi que Guillaume n’est pas encore « convert
7374 ti » à la courtoisie, et qu’elles ont des raisons de le fuir. Plus tard, un Peire Vidal sera du même côté que les « croyan
7375 dis qu’un Peire Cardenal condamnera les facilités de l’amour courtois et ridiculisera ses poètes plaintifs « qui chantent
7376 ntent comme s’ils avaient mal aux dents ». Autant de poètes, autant de situations différentes et de jugements contradictoi
7377 avaient mal aux dents ». Autant de poètes, autant de situations différentes et de jugements contradictoires sur l’Église,
7378 nt de poètes, autant de situations différentes et de jugements contradictoires sur l’Église, l’hérésie, la courtoisie, leu
7379 leurs liaisons secrètes. Les uns sont en relation de rivalité et les autres en consonance. Ce qui importe, c’est que ces o
7380 dans la même sphère englobante, dans le même jeu de forces psychiques, au sein du même complexe d’aspirations et d’interd
7381 eu de forces psychiques, au sein du même complexe d’ aspirations et d’interdits, d’hérésie libératrice des âmes et d’orthod
7382 hiques, au sein du même complexe d’aspirations et d’ interdits, d’hérésie libératrice des âmes et d’orthodoxie conservatric
7383 in du même complexe d’aspirations et d’interdits, d’ hérésie libératrice des âmes et d’orthodoxie conservatrice de la cité.
7384 et d’interdits, d’hérésie libératrice des âmes et d’ orthodoxie conservatrice de la cité. L’histoire de la naissance d’Amou
7385 ibératrice des âmes et d’orthodoxie conservatrice de la cité. L’histoire de la naissance d’Amour nous en laisse trois exem
7386 d’orthodoxie conservatrice de la cité. L’histoire de la naissance d’Amour nous en laisse trois exemples mémorables. Dans l
7387 servatrice de la cité. L’histoire de la naissance d’ Amour nous en laisse trois exemples mémorables. Dans le duel Robert d’
7388 que les jugements portés sur l’Amour, sur le sens de la retenue dans l’asag, sur la soumission et l’allégeance de l’homme
7389 ue dans l’asag, sur la soumission et l’allégeance de l’homme à la femme, sur la notion même de salut, sont souvent opposés
7390 égeance de l’homme à la femme, sur la notion même de salut, sont souvent opposés, parfois mal comparables, mais consacrent
7391 jets, qui font la nouveauté majeure et fascinante de l’époque. Concevons un rapport analogue, mais en tension plus dramati
7392 es deux sont les chantres et comme les inventeurs de l’Amour voilé et secret, chaste et brûlant, tourment délicieux et mal
7393 anouit dans la mort, car « celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre ». Mais pour al-Hallaj, l’Amour s’adresse
7394 fera condamner au supplice le mystique convaincu d’ hérésie… Les deux n’en sont pas moins liés par cela même, par leur pro
7395 un champ spirituel ou poétique244. Enfin, proches de Guillaume dans l’espace et le temps, une troisième paire d’adversaire
7396 me dans l’espace et le temps, une troisième paire d’ adversaires jurés, l’un et l’autre « servants d’Amour », va faire écla
7397 e d’adversaires jurés, l’un et l’autre « servants d’ Amour », va faire éclater sa querelle : Pierre Abélard et Bernard de C
7398 rre Abélard et Bernard de Clairvaux. Les chansons d’ amour d’Abélard pour Héloïse sont presque exactement contemporaines de
7399 ard et Bernard de Clairvaux. Les chansons d’amour d’ Abélard pour Héloïse sont presque exactement contemporaines des premiè
7400 contemporaines des premières chansons courtoises de Guillaume IX (environ 1110) ; elles sont toutes perdues, en dépit de
7401 larité à l’époque, mais il nous reste les lettres de ce Tristan châtié et repenti à cette Iseut devenue abbesse malgré ell
7402 actes, écrit-elle. Bernard de Clairvaux développe de son côté la première mystique chrétienne de l’Amour, sublimant la sen
7403 loppe de son côté la première mystique chrétienne de l’Amour, sublimant la sensualité du Cantique des Cantiques en piété m
7404 ut amem. Sa lutte impitoyable contre la théologie d’ Abélard (mort en 1142) précédera de peu sa mission dans le Midi contre
7405 e la théologie d’Abélard (mort en 1142) précédera de peu sa mission dans le Midi contre le catharisme (1145) cette hérésie
7406 Ventadour. Imprécation finale À la cohorte de mes adversaires, je répondrai maintenant d’une manière collective che
7407 horte de mes adversaires, je répondrai maintenant d’ une manière collective cherchant à dégager certaines formules d’erreur
7408 collective cherchant à dégager certaines formules d’ erreur qui me paraissent affecter leurs critiques. — Ils croient encor
7409 urs critiques. — Ils croient encore aux relations de cause à effet, chères à nos érudits qui se veulent « scientifiques »,
7410 s depuis longtemps par les physiciens nucléaires. De ces relations, je ne faisais pas grand-chose dans ma première version
7411 ules me paraissent signifiantes certaines grappes de relations, structures d’interaction, gerbes de forces, bref, certains
7412 iantes certaines grappes de relations, structures d’ interaction, gerbes de forces, bref, certains champs, tels que peuvent
7413 es de relations, structures d’interaction, gerbes de forces, bref, certains champs, tels que peuvent en définir les tensio
7414 al-Hallaj et Ibn Dawoud, où il s’agit bien moins de savoir qui se donne pour champion de quoi, que de saisir l’homologie
7415 t bien moins de savoir qui se donne pour champion de quoi, que de saisir l’homologie du phénomène avec celui des relations
7416 de savoir qui se donne pour champion de quoi, que de saisir l’homologie du phénomène avec celui des relations entre trouba
7417 morales et religieuses. — Ils veulent des preuves de type juridique (les preuves scientifiques ou expérimentales étant exc
7418 tention les coïncidences spatiales et temporelles de l’hérésie et de la courtoisie, dans les mêmes consciences et les même
7419 cidences spatiales et temporelles de l’hérésie et de la courtoisie, dans les mêmes consciences et les mêmes situations con
7420 n jugement rendu contre cinq assassins convaincus d’ avoir tué douze personnes : certains détails de l’instruction semblent
7421 us d’avoir tué douze personnes : certains détails de l’instruction semblent donner matière à quelque doute, c’est-à-dire à
7422 aient présentés devant nos historiens nécessiteux de preuves au soir même de la Pentecôte, ces tabellions eussent exigé un
7423 os historiens nécessiteux de preuves au soir même de la Pentecôte, ces tabellions eussent exigé un reçu notarié du Saint-E
7424 le dire, que la plupart d’entre eux ignorent tout de la genèse poétique et de la psychologie de l’œuvre que l’on crée. Ils
7425 ’entre eux ignorent tout de la genèse poétique et de la psychologie de l’œuvre que l’on crée. Ils ne croient qu’à ce qui e
7426 t tout de la genèse poétique et de la psychologie de l’œuvre que l’on crée. Ils ne croient qu’à ce qui est « attesté ». Or
7427 ls n’ignorent pas seulement les jeux et les ruses de l’amour et de la création, mais a fortiori la spécificité des problèm
7428 pas seulement les jeux et les ruses de l’amour et de la création, mais a fortiori la spécificité des problèmes poétiques,
7429 ls croient que tout a toujours existé, et partout de la même manière. « L’amour, avec des nuances, est le même sous toutes
7430 ment cela ne veut rien dire ? — Ils sont victimes d’ une psychologie au moins désuète, linéaire et rationaliste, n’admettan
7431  : tel troubadour a écrit exactement le contraire de ce qu’un Parfait devait professer, tel gnostique a déclaré son aversi
7432 on aversion pour l’amour et ses suites, tel éloge de la chasteté est conforme à la morale catholique puisqu’il tend à réfr
7433 r, je constate qu’ils n’ont pas compris la nature de l’objet dont ils traitent et sa dialectique intrinsèque. Ils n’ont pa
7434 ntiel, qui est l’union complémentaire indivisible de certaines réalités antinomiques — celles-là, justement, qui m’occupen
7435 tout homme qui se dit catholique, ou cathare, ou de gauche, l’est de ce fait et l’est en tous ses actes et ses dires ; no
7436 e dit catholique, ou cathare, ou de gauche, l’est de ce fait et l’est en tous ses actes et ses dires ; non seulement ils c
7437 ncore ils paraissent tout ignorer des complicités de l’amour et de la haine, de la chasteté et de l’érotisme, du désir et
7438 issent tout ignorer des complicités de l’amour et de la haine, de la chasteté et de l’érotisme, du désir et de l’angoisse,
7439 gnorer des complicités de l’amour et de la haine, de la chasteté et de l’érotisme, du désir et de l’angoisse, de l’attract
7440 ités de l’amour et de la haine, de la chasteté et de l’érotisme, du désir et de l’angoisse, de l’attraction et de la répul
7441 ine, de la chasteté et de l’érotisme, du désir et de l’angoisse, de l’attraction et de la répulsion, de l’indifférence aff
7442 teté et de l’érotisme, du désir et de l’angoisse, de l’attraction et de la répulsion, de l’indifférence affectée et de l’a
7443 me, du désir et de l’angoisse, de l’attraction et de la répulsion, de l’indifférence affectée et de l’affectivité refoulée
7444 e l’angoisse, de l’attraction et de la répulsion, de l’indifférence affectée et de l’affectivité refoulée. Ils n’ont pas v
7445 et de la répulsion, de l’indifférence affectée et de l’affectivité refoulée. Ils n’ont pas vu que l’opposition réelle n’es
7446 eux qui condamnent tel ou tel élément constitutif de la cortezia, mais entre ceux qui la créent ou la souffrent et ceux qu
7447 réent ou la souffrent et ceux qui en font l’objet de leurs dissertations. Ceux-là seuls croient que l’on peut en tel domai
7448 explication, comme on fait triompher la doctrine d’ un parti à la simple majorité. Mais seul pourra séduire la vérité celu
7449 nçant « Descartes ! » comme on se signe, refusent de voir les réalités de l’inconscient et tiennent pour assurée, au-delà
7450 comme on se signe, refusent de voir les réalités de l’inconscient et tiennent pour assurée, au-delà de toute critique, l’
7451 e l’inconscient et tiennent pour assurée, au-delà de toute critique, l’incompatibilité de la volonté de vivre et du désir
7452 rée, au-delà de toute critique, l’incompatibilité de la volonté de vivre et du désir de mort, pourtant unis dans le vertig
7453 e toute critique, l’incompatibilité de la volonté de vivre et du désir de mort, pourtant unis dans le vertige ; des Croisa
7454 ncompatibilité de la volonté de vivre et du désir de mort, pourtant unis dans le vertige ; des Croisades et du commerce sp
7455 avec l’islam ; des cathares et des troubadours ; de l’ascétisme et du brûlant désir ; du mysticisme délirant et de la com
7456 e et du brûlant désir ; du mysticisme délirant et de la complaisante chasteté ! Rien, ils n’ont rien compris à l’objet de
7457 chasteté ! Rien, ils n’ont rien compris à l’objet de leur étude, à ces pièges de la poésie, à cette béance de l’histoire,
7458 ien compris à l’objet de leur étude, à ces pièges de la poésie, à cette béance de l’histoire, à ce désir en quête d’un obj
7459 étude, à ces pièges de la poésie, à cette béance de l’histoire, à ce désir en quête d’un objet, — au xiie siècle, et à l
7460 à cette béance de l’histoire, à ce désir en quête d’ un objet, — au xiie siècle, et à l’amour en général, et à l’amour au
7461 nt sur tout cela ? Parlez-nous plutôt du mariage, de la morale du couple ou de l’érotisme ! Pourquoi donc, en effet, reven
7462 nous plutôt du mariage, de la morale du couple ou de l’érotisme ! Pourquoi donc, en effet, revenir sur tout cela ? Il y a
7463  » par les lettrés, je me suis senti parfois pris d’ une sorte d’angoisse, et je me suis sérieusement interrogé : n’avaient
7464 ettrés, je me suis senti parfois pris d’une sorte d’ angoisse, et je me suis sérieusement interrogé : n’avaient-ils pas rai
7465 t-ils pas raison, peut-être ? Sur bien des points de détail, c’était probable, et même certain sur deux ou trois, mais sur
7466 ison, car une partie d’entre eux dit le contraire de l’autre sur chaque sujet, et ces sujets sont fort nombreux, si bien q
7467 ux, si bien que leur consensus, qui est très près d’ être nul, le serait tout à fait n’était ce point unique de leur accord
7468 ul, le serait tout à fait n’était ce point unique de leur accord contre mes thèses. Je me suis piqué au jeu, je l’avoue. C
7469 leusement gratuit. On sait si peu ! Chaque miette d’ information nouvelle et tous les joueurs se précipitent : ça, c’est po
7470 ncien franglais. Quel sport ! dit l’anglo-normand d’ aujourd’hui. Mais voici plus sérieux. Certes, il n’y a pas seulement l
7471 le Verbe musical — et cela tient à la nature même de l’amour, de cet amour-passion que j’ai décrit, et c’en est une premiè
7472 ical — et cela tient à la nature même de l’amour, de cet amour-passion que j’ai décrit, et c’en est une première approche.
7473 tre les mieux armés : je crois avoir plutôt tenté d’ approfondir ma conception de l’amour, seul sujet de ce livre, et vérit
7474 is avoir plutôt tenté d’approfondir ma conception de l’amour, seul sujet de ce livre, et véritable objet de ma dispute ave
7475 ’approfondir ma conception de l’amour, seul sujet de ce livre, et véritable objet de ma dispute avec les érudits. Car ce q
7476 amour, seul sujet de ce livre, et véritable objet de ma dispute avec les érudits. Car ce qui nous sépare en fin de compte,
7477 e sont pas nos savoirs différents, nos inégalités d’ information, ce sont nos conceptions de l’amour, et plus que cela, nos
7478 inégalités d’information, ce sont nos conceptions de l’amour, et plus que cela, nos expériences différentes de la passion
7479 ur, et plus que cela, nos expériences différentes de la passion et de la poésie. Ce que l’on n’a pas cherché, subi, vécu s
7480 ela, nos expériences différentes de la passion et de la poésie. Ce que l’on n’a pas cherché, subi, vécu soi-même, comment
7481 ferait-on pour le reconnaître, à tant de siècles de distance, chez des hommes qui ne disaient pas tout comme nous le diri
7482 aisaient autrement ? Il faut entrer en consonance d’ âme, et cela ne se peut que par l’écoute ardente des œuvres où l’âme a
7483 ù l’âme a laissé dans des rythmes quelques traces de sa pulsation la plus secrète, et le sillage de ses élans. Malenten
7484 es de sa pulsation la plus secrète, et le sillage de ses élans. Malentendus sur la morale Les thèses morales de mon
7485 Malentendus sur la morale Les thèses morales de mon ouvrage ont soulevé beaucoup moins d’opposition — encore que les
7486 morales de mon ouvrage ont soulevé beaucoup moins d’ opposition — encore que les jugements contradictoires qu’elles motivèr
7487 catholiques m’ont approuvé à cause de la critique de l’hérésie que semblaient impliquer mes mises en garde contre la passi
7488 ies m’ont applaudi en Amérique pour mes peintures de la passion, et sans doute des effets du philtre, tout en regrettant q
7489 hiltre, tout en regrettant que j’assume sans trop de honte l’essence de ma culture occidentale. Les mal mariés y ont vu le
7490 rettant que j’assume sans trop de honte l’essence de ma culture occidentale. Les mal mariés y ont vu leur bréviaire, comme
7491 n, Jean-Paul Sartre, après la guerre, s’est servi de mon livre pour illustrer la thèse qu’il attaquait avant la guerre et
7492 taquait avant la guerre et m’accusait bien à tort de défendre. Voici les textes. Rendant compte de mon livre en juin 19392
7493 ort de défendre. Voici les textes. Rendant compte de mon livre en juin 1939245, Sartre annonce d’entrée de jeu que l’intér
7494 mpte de mon livre en juin 1939245, Sartre annonce d’ entrée de jeu que l’intérêt de mon ouvrage « réside avant tout en ceci
7495 on livre en juin 1939245, Sartre annonce d’entrée de jeu que l’intérêt de mon ouvrage « réside avant tout en ceci qu’il té
7496 245, Sartre annonce d’entrée de jeu que l’intérêt de mon ouvrage « réside avant tout en ceci qu’il témoigne d’un assouplis
7497 uvrage « réside avant tout en ceci qu’il témoigne d’ un assouplissement récent et profond des méthodes historiques sous la
7498 des méthodes historiques sous la triple influence de la psychanalyse, du marxisme et de la sociologie ». Puis il se demand
7499 iple influence de la psychanalyse, du marxisme et de la sociologie ». Puis il se demande si, à l’encontre de ce qu’il tien
7500 sociologie ». Puis il se demande si, à l’encontre de ce qu’il tient pour ma thèse, la passion réelle « n’aurait pas, en ta
7501 ropre » et si « certaines structures essentielles de la condition humaine ne pourraient pas se réaliser à travers des cond
7502 pas avoir dit autre chose.) Bref, il me reproche de n’avoir pas vu que la transcendance c’est justement la « structure ex
7503 ance c’est justement la « structure existentielle de l’homme ». Le désir « comporte naturellement sa contradiction propre,
7504 sa dialectique ». Il n’y aurait donc « nul besoin d’ un mythe courtois pour expliquer la passion »246. En somme, pour n’avo
7505 omme, pour n’avoir pas reconnu que la dialectique de l’amour est de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’
7506 oir pas reconnu que la dialectique de l’amour est de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’un bel amusemen
7507 nu que la dialectique de l’amour est de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’un bel amusement ». Sept ans
7508 les points essentiels » qui l’opposent à l’esprit d’ analyse proustien et à la « légende de l’irresponsabilité du poète »,
7509 à l’esprit d’analyse proustien et à la « légende de l’irresponsabilité du poète », et il écrit : En premier lieu, nous n
7510 e l’amour-passion soit une affection constitutive de l’esprit humain. Il se pourrait fort bien, comme l’a suggéré247 Denis
7511 rique en corrélation avec l’idéologie chrétienne. D’ une façon plus générale, nous estimons qu’un sentiment est toujours l’
7512 stimons qu’un sentiment est toujours l’expression d’ un certain mode de vie et d’une certaine conception du monde qui sont
7513 toujours l’expression d’un certain mode de vie et d’ une certaine conception du monde qui sont communs à toute une classe o
7514 une époque et que son évolution n’est pas l’effet de je ne sais quel mécanisme intérieur mais de ces facteurs historiques
7515 effet de je ne sais quel mécanisme intérieur mais de ces facteurs historiques et sociaux. Mon livre est donc devenu le pr
7516 ent que Les Temps modernes opposeront aux tenants d’ une « nature humaine » invariable et de ses « structures essentielles 
7517 ux tenants d’une « nature humaine » invariable et de ses « structures essentielles » — celles-là mêmes que Sartre me repro
7518 lles » — celles-là mêmes que Sartre me reprochait d’ avoir négligées, dans le tome précédent de Situations. ⁂ Ainsi, l’accu
7519 rochait d’avoir négligées, dans le tome précédent de Situations. ⁂ Ainsi, l’accueil fait à L’Amour et l’Occident par ses l
7520 identaux et orientaux a dépendu, comme il arrive, d’ une quantité de malentendus, dont je n’aurais au total qu’à me félicit
7521 entaux a dépendu, comme il arrive, d’une quantité de malentendus, dont je n’aurais au total qu’à me féliciter si je m’en t
7522 le livre vit, tant aimé que honni, après un tiers de siècle d’exposition à toute espèce d’intempéries critiques, personnel
7523 it, tant aimé que honni, après un tiers de siècle d’ exposition à toute espèce d’intempéries critiques, personnelles et pub
7524 ès un tiers de siècle d’exposition à toute espèce d’ intempéries critiques, personnelles et publiques, psychologiques et po
7525 moi la passion et le mariage sont exclusifs l’un de l’autre, comme l’avaient décidé les cours d’amour. Cette lecture de m
7526 l’un de l’autre, comme l’avaient décidé les cours d’ amour. Cette lecture de mon livre est erronée. Qu’on m’en félicite ou
7527 l’avaient décidé les cours d’amour. Cette lecture de mon livre est erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’est pa
7528 a nature des antinomies, loin de tenter vainement de les résoudre en éliminant l’un de leurs termes, il fallait décider de
7529 enter vainement de les résoudre en éliminant l’un de leurs termes, il fallait décider de vivre leur drame, et choisir d’ex
7530 liminant l’un de leurs termes, il fallait décider de vivre leur drame, et choisir d’exister dans leur tension toujours cha
7531 l fallait décider de vivre leur drame, et choisir d’ exister dans leur tension toujours changeante et surprenante. Je me fo
7532 te et surprenante. Je me fondais sur cette phrase d’ Héraclite, qui transparaît, citée ou non, dans tous mes livres : « Ce
7533 s tous mes livres : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède ta plus belle harmonie. » Sur tout ce
7534 et inceste Dans son ouvrage sur la Prohibition de l’inceste (1905), Durkheim, bien avant Freud (dans Totem et Tabou), s
7535 ’insisterais davantage, aujourd’hui, sur le thème de l’inceste dans Tristan, et sur ses aspects œdipiens (indiqués très ne
7536 par accident avec Iseut, qui est la femme promise de son « père », c’est-à-dire du roi Marc, son oncle maternel, lequel jo
7537 êve éveillé provoqués par le philtre, ce haschich de l’époque. Il a conquis Iseut de haute lutte. Il aurait droit (selon d
7538 ltre, ce haschich de l’époque. Il a conquis Iseut de haute lutte. Il aurait droit (selon d’anciennes coutumes) à sa posses
7539 quis Iseut de haute lutte. Il aurait droit (selon d’ anciennes coutumes) à sa possession intégrale, et il l’a déjà possédée
7540 même trop faible). Pourtant, parce qu’il a besoin d’ un père, il choisit d’observer le droit civil, où il redevient le plus
7541 rtant, parce qu’il a besoin d’un père, il choisit d’ observer le droit civil, où il redevient le plus faible, et il choisit
7542 il, où il redevient le plus faible, et il choisit de faire d’Iseut l’épouse de Marc, son véritable « père » coutumier. Du
7543 redevient le plus faible, et il choisit de faire d’ Iseut l’épouse de Marc, son véritable « père » coutumier. Du même coup
7544 s faible, et il choisit de faire d’Iseut l’épouse de Marc, son véritable « père » coutumier. Du même coup, il culpabilise
7545 se à une femme mariée. Mais l’inverse du complexe d’ Œdipe, sa réflexion dans un miroir, n’est pas moins bien décrit par le
7546 On y voit tout d’abord l’adolescent Tristan, âgé de 14 ou 15 ans, séjourner chez son oncle le roi Marc « comme un homme é
7547 soigné par Iseut, et lorsqu’il revient à la cour de Tintagel « le roi l’établit maître et seigneur de son hôtel et de tou
7548 de Tintagel « le roi l’établit maître et seigneur de son hôtel et de tout ce qu’il possède ». Or ici, sans la moindre tran
7549 roi l’établit maître et seigneur de son hôtel et de tout ce qu’il possède ». Or ici, sans la moindre transition, le Roman
7550 efois. » Il envoie donc son neveu à la « queste » d’ Iseut, qu’il veut pour femme, sachant bien que Tristan risque sa vie s
7551 tut du père décédé, est redoublée par le souvenir de sa mère, qu’il a fait mourir en venant au monde.) Conquis par les pro
7552 ir en venant au monde.) Conquis par les prouesses de Tristan, le roi d’Irlande lui dit enfin : « Tristan vous avez tant fa
7553 s ces géants, dragons et traîtres qui le blessent d’ une épée empoisonnée, et qu’il tue, ne sont-ils pas les symboles « pat
7554 l tue, ne sont-ils pas les symboles « paternels » de l’interdit à surmonter, non sans blessure ? La vengeance du « père »
7555 du dürfen allemand, ou permission) que si l’objet de son amour est éloigné (l’amors de lonh de Jaufré Rudel). Les principa
7556 que si l’objet de son amour est éloigné (l’amors de lonh de Jaufré Rudel). Les principaux moments dialectiques du complex
7557 l’objet de son amour est éloigné (l’amors de lonh de Jaufré Rudel). Les principaux moments dialectiques du complexe se ret
7558 sodes du roman, elles font le roman : alternances de séparations nostalgiques et de revoirs extatiques, nouvelles séparati
7559 oman : alternances de séparations nostalgiques et de revoirs extatiques, nouvelles séparations pour éviter la faute social
7560 e, mais aussi pour recréer la situation courtoise d’ amour de loin (tout vaut mieux que la vie quotidienne partagée). Si Tr
7561 aussi pour recréer la situation courtoise d’amour de loin (tout vaut mieux que la vie quotidienne partagée). Si Tristan dé
7562 la vie quotidienne partagée). Si Tristan décidait de garder Iseut pour lui, il violerait le tabou courtois. S’il couchait
7563 it avec elle mariée à Marc, il violerait le tabou de l’inceste, et tout s’effondrerait — l’ordre social — dans une extase
7564 t », soit qu’il retrouve Iseut ou qu’il se sépare d’ elle ; soit qu’il vive avec elle dans la forêt, ou qu’il la rende volo
7565 volontairement au roi. Les effets destructurants de l’inceste et les effets exaltants de la courtoisie convergent vers l’
7566 structurants de l’inceste et les effets exaltants de la courtoisie convergent vers l’extase dans la mort, terme de l’entro
7567 isie convergent vers l’extase dans la mort, terme de l’entropie passionnelle, chute voluptueuse dans l’indifférencié, qui
7568 ifférencié, qui est le néant. Il n’a voulu garder de l’amour que les moments éblouissants, ceux de la passion interdite, e
7569 der de l’amour que les moments éblouissants, ceux de la passion interdite, et le temps du désir nostalgique où l’on ressen
7570 on ne pourrait survivre à la disparition du tabou de l’inceste ; la courtoisie pas davantage, ni la passion, ajouterons-no
7571 e, ni la passion, ajouterons-nous. Mais si l’on a de bonnes raisons de croire que la prohibition de l’inceste est la loi m
7572 ajouterons-nous. Mais si l’on a de bonnes raisons de croire que la prohibition de l’inceste est la loi minimale pour qu’un
7573 a de bonnes raisons de croire que la prohibition de l’inceste est la loi minimale pour qu’une culture se différencie de l
7574 a loi minimale pour qu’une culture se différencie de la nature248, alors nous voyons que Tristan, poème du Triangle essent
7575 ème du Triangle essentiel (Père, Mère et Fils) et de la primordiale situation créatrice, est bien autre chose, et bien plu
7576 st bien autre chose, et bien plus qu’une « épopée de l’adultère » ; c’est le poème de la culture occidentale. Passion e
7577 qu’une « épopée de l’adultère » ; c’est le poème de la culture occidentale. Passion et allergie Ce qui se déclenche
7578 e chez les victimes angoissées, mais émerveillées d’ un coup de foudre, est caractérisé par les réactions hyperboliques de
7579 , est caractérisé par les réactions hyperboliques de tout l’être à une incitation des plus banales, qui serait chez tout a
7580 , par la réponse que chacun sait. Mais voici tout d’ un coup qu’à cette incitation tout l’être des amants se met à réagir,
7581 arythmies du cœur, ou au contraire par une espèce de catalepsie hiératique, les yeux rivés dans une mutuelle hypnose. Or i
7582 e telle fièvre, par ce bouleversement des sens et de l’âme. La passion est ce trouble effrayant mais délicieux que provoqu
7583 effrayant mais délicieux que provoque la présence de certains êtres, pour des raisons qu’eux-mêmes, comme ceux qui réagiss
7584 ment. Et je les crois. (Plus tard, ils essaieront de rationaliser, poétiser, moraliser, et là, je cesserai de les croire.)
7585 onaliser, poétiser, moraliser, et là, je cesserai de les croire.) Cherchant des analogues de ce phénomène à un niveau phys
7586 cesserai de les croire.) Cherchant des analogues de ce phénomène à un niveau physiologique, je ne trouve guère que le méc
7587 hysiologique, je ne trouve guère que le mécanisme de l’allergie : réaction excessive à un agent externe qui est d’ordinair
7588 e : réaction excessive à un agent externe qui est d’ ordinaire inoffensif, mais qui soudain, pour des raisons que nul ne co
7589 violente, par exemple une surabondante production d’ antihistaminiques suite à une simple piqûre de moustique. Ce premier c
7590 ion d’antihistaminiques suite à une simple piqûre de moustique. Ce premier contact, c’est, dans la légende, la première re
7591 mes et provoquer chez eux cette « réponse altérée de l’organisme à des substances normalement tolérées » qui caractérise l
7592 ssion et allergie, évoquent aussi la mobilisation de toute la nation pour un incident de frontière non vérifié, ou une gue
7593 mobilisation de toute la nation pour un incident de frontière non vérifié, ou une guerre qui tuera des millions d’hommes
7594 non vérifié, ou une guerre qui tuera des millions d’ hommes pour venger un assassinat, qui d’ailleurs arrangeait tout le mo
7595 citation du désir, la réaction passionnelle, tout d’ un coup, déborde immensément. Et que le désir soit ou non satisfait n’
7596 e rien dans les cas graves (au surplus compliqués de drogue) comme celui de Tristan et d’Iseut. La passion une fois déclar
7597 ves (au surplus compliqués de drogue) comme celui de Tristan et d’Iseut. La passion une fois déclarée exige beaucoup plus
7598 s compliqués de drogue) comme celui de Tristan et d’ Iseut. La passion une fois déclarée exige beaucoup plus que cette sati
7599 être fini. La réponse « normale » au désir étant de faire l’amour, ou de s’éloigner, la réponse passionnelle (allergique)
7600 e « normale » au désir étant de faire l’amour, ou de s’éloigner, la réponse passionnelle (allergique) est de se rendre la
7601 loigner, la réponse passionnelle (allergique) est de se rendre la proie d’une fièvre quasi mortelle dans certains cas, d’u
7602 ssionnelle (allergique) est de se rendre la proie d’ une fièvre quasi mortelle dans certains cas, d’un délire qui tour à to
7603 ie d’une fièvre quasi mortelle dans certains cas, d’ un délire qui tour à tour fait crier de douleur ou jette dans des exta
7604 tains cas, d’un délire qui tour à tour fait crier de douleur ou jette dans des extases, pousse au crime ou accule au suici
7605 te aux yeux du malade qui gémit, mais qui redoute de guérir et refuse qu’on le soigne. La cure consisterait dans une confr
7606 lent des antihistaminiques prescrits dans les cas d’ allergie serait d’amener le passionné à regarder et à voir l’autre tel
7607 miniques prescrits dans les cas d’allergie serait d’ amener le passionné à regarder et à voir l’autre tel qu’il est. Or c’e
7608 l est. Or c’est à quoi le passionné se refuse, et de toute sa passion, précisément. Il préfère s’éloigner de celle qu’il r
7609 te sa passion, précisément. Il préfère s’éloigner de celle qu’il risquerait de trop bien voir dans la sobre lumière des jo
7610 . Il préfère s’éloigner de celle qu’il risquerait de trop bien voir dans la sobre lumière des jours partagés. Ce n’est pa
7611 , psychologiques — qui tous écartent une occasion de mieux voir la réalité, écartent la proximité. Et quand les passionnés
7612 roximité. Et quand les passionnés sont contraints de vivre ensemble, le philtre cesse bientôt d’agir ! À l’extrême, il s’a
7613 aints de vivre ensemble, le philtre cesse bientôt d’ agir ! À l’extrême, il s’agit d’écarter la réalité physique de l’être
7614 tre cesse bientôt d’agir ! À l’extrême, il s’agit d’ écarter la réalité physique de l’être aimé — surtout celle de la femme
7615 ’extrême, il s’agit d’écarter la réalité physique de l’être aimé — surtout celle de la femme pour l’homme, car il n’y a pa
7616 a réalité physique de l’être aimé — surtout celle de la femme pour l’homme, car il n’y a pas ici de symétrie, et je n’ai p
7617 le de la femme pour l’homme, car il n’y a pas ici de symétrie, et je n’ai pas encore trouvé une seule femme qui ait chanté
7618 ore trouvé une seule femme qui ait chanté l’amour de loin 249. L’amour-passion serait-il une allergie que l’on aime, aller
7619 Passion et drogue La cause la plus fréquente de l’allergie est le contact avec certaines substances, ou leur ingestio
7620 es, ou leur ingestion. La passion naît en général de la seule mise en présence de deux êtres. Dans le cas de Tristan et d’
7621 seule mise en présence de deux êtres. Dans le cas de Tristan et d’Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas ; mais selon Bé
7622 présence de deux êtres. Dans le cas de Tristan et d’ Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas ; mais selon Béroul, c’est le
7623 ées sans effet (même la scène du bain, si chargée d’ érotisme : voir plus haut page 29). Et non seulement le philtre interv
7624 page 29). Et non seulement le philtre intervient de l’extérieur et par accident, mais encore Béroul en limite les effets
7625 en limite les effets dans le temps « à trois ans d’ amistié ». Béroul suit de très près « l’histoire » (comme disent les m
7626 s le temps « à trois ans d’amistié ». Béroul suit de très près « l’histoire » (comme disent les médecins) de cette intoxic
7627 s près « l’histoire » (comme disent les médecins) de cette intoxication caractérisée250 à laquelle il rapporte expressémen
7628 : Qu’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir N’ele de moi… Et Iseut : Il ne m’aime pas, ne je lui. Fo
7629 st par la poison Ge ne me pus de lié partir N’ele de moi… Et Iseut : Il ne m’aime pas, ne je lui. Fors par un herbe dont
7630 je bui Et il en but : ce fu péchiez. Le procédé de Béroul, qui revient en somme à isoler la passion légendaire, permet d
7631 t en somme à isoler la passion légendaire, permet d’ en suivre mieux la dialectique propre. On y retrouve le rythme du dict
7632 e agit, pour subitement tomber au « pas du tout » de la comptine. Comme si son ardeur consumait l’image d’un être aimé dan
7633 a comptine. Comme si son ardeur consumait l’image d’ un être aimé dans le rêve de la drogue (« S’il m’aime, c’est par la po
7634 eur consumait l’image d’un être aimé dans le rêve de la drogue (« S’il m’aime, c’est par la poison »…), et quand l’amant s
7635 égendes celtiques. Il y en a quatre dans le roman de Béroul, et chacun d’eux se trouve lié à une histoire de « venin » com
7636 y en a quatre dans le roman de Béroul, et chacun d’ eux se trouve lié à une histoire de « venin » comme dit le Roman en pr
7637 oul, et chacun d’eux se trouve lié à une histoire de « venin » comme dit le Roman en prose. Blessé par l’épée empoisonnée
7638 née du géant Morholt, qu’il a tué, et sans espoir de survivre à son mal, Tristan s’embarque à l’aventure dans une nacelle
7639 où Iseut le guérit. Le deuxième voyage, en quête de la fiancée de Marc, répète à peu près le premier. Le troisième ressem
7640 uérit. Le deuxième voyage, en quête de la fiancée de Marc, répète à peu près le premier. Le troisième ressemble le plus à
7641 philtre, « la poison » bue. Le dernier est celui d’ Iseut voguant vers son amant pour tenter de le guérir d’une nouvelle b
7642 celui d’Iseut voguant vers son amant pour tenter de le guérir d’une nouvelle blessure empoisonnée, mais cette fois-ci ell
7643 t voguant vers son amant pour tenter de le guérir d’ une nouvelle blessure empoisonnée, mais cette fois-ci elle ne le rejoi
7644 difficulté très curieuse se manifeste à l’examen de ces voyages. Lors des trois blessures liées à des navigations solitai
7645 vent ne peuvent communiquer, et qu’il n’y a point de passage du rêve de l’un au rêve de l’autre. Mais si les deux amants p
7646 muniquer, et qu’il n’y a point de passage du rêve de l’un au rêve de l’autre. Mais si les deux amants partagent cette illu
7647 il n’y a point de passage du rêve de l’un au rêve de l’autre. Mais si les deux amants partagent cette illusion, ne devient
7648 ent cette illusion, ne devient-elle pas la vérité de leur passion ? Vous dénoncerez à juste titre leur illusion de réalité
7649 ion ? Vous dénoncerez à juste titre leur illusion de réalité, sans les toucher le moins du monde : tant que le philtre agi
7650 git et maintient l’amistié, ils vivent la réalité de leur double illusion. Mais ce que l’analogie de la drogue fait bien s
7651 é de leur double illusion. Mais ce que l’analogie de la drogue fait bien sentir, c’est le caractère invinciblement solipsi
7652 inciblement solipsiste, narcissique et ségrégatif de la passion. Ceux qui « voyagent » sont toujours seuls. Leur passion n
7653 ours seuls. Leur passion n’atteint pas la réalité de l’autre, et n’aime en fait que son image. Et c’est pourquoi le mariag
7654 et mariage Un des plus grands malentendus nés de mon livre consiste à répéter qu’il condamne la passion — ce qui est f
7655 qui est faux — parce qu’elle est l’ennemie intime de l’institution matrimoniale et de son éthique — ce qui est exact ; d’o
7656 l’ennemie intime de l’institution matrimoniale et de son éthique — ce qui est exact ; d’où l’on déduit que « l’amour » ser
7657 trimoniale et de son éthique — ce qui est exact ; d’ où l’on déduit que « l’amour » serait incompatible avec le mariage — c
7658 ec le mariage — ce qui est ridicule. Il s’agit là d’ une de ces vues plus que sommaires qu’exigent les légendes sous les ph
7659 mariage — ce qui est ridicule. Il s’agit là d’une de ces vues plus que sommaires qu’exigent les légendes sous les photos d
7660 sommaires qu’exigent les légendes sous les photos de magazines, et il est superflu de redire ici que je la désavoue radica
7661 sous les photos de magazines, et il est superflu de redire ici que je la désavoue radicalement. Que dès sa genèse au xiie
7662 titue en hostilité au mariage ; que les finalités d’ Éros et d’Agapè soient en relation d’antinomie systématique, c’est ce
7663 ostilité au mariage ; que les finalités d’Éros et d’ Agapè soient en relation d’antinomie systématique, c’est ce que j’ai t
7664 es finalités d’Éros et d’Agapè soient en relation d’ antinomie systématique, c’est ce que j’ai tenté d’établir. J’ai voulu
7665 d’antinomie systématique, c’est ce que j’ai tenté d’ établir. J’ai voulu souligner des contrastes, indiquer des incompatibl
7666 es, en préalable aux choix que tout homme se doit de faire et s’imagine, à tort ou à raison, faire librement. J’ai tenté d
7667 , à tort ou à raison, faire librement. J’ai tenté d’ isoler la passion comme on le fait d’un corps chimique pour mieux conn
7668 . J’ai tenté d’isoler la passion comme on le fait d’ un corps chimique pour mieux connaître ses propriétés. Et j’ai montré
7669 onnaître ses propriétés. Et j’ai montré qu’isolée de son contraire (l’amour actif ou Agapè), à l’état pur, passif ou extat
7670 olère. Le chlore pur est mortel, mais le chlorure de sodium est le sel de nos repas — de nos agapes. Ni répressif ni marcu
7671 est mortel, mais le chlorure de sodium est le sel de nos repas — de nos agapes. Ni répressif ni marcusien, je n’entends ri
7672 s le chlorure de sodium est le sel de nos repas —  de nos agapes. Ni répressif ni marcusien, je n’entends rien interdire ni
7673 voilà ce que vous ferez en réalité, à quels types de comportement vous obéirez, dans quelles structures du mythe vous sere
7674 he vous serez engagé. Je n’écris pas pour feindre de légiférer, ni même pour conseiller, mais bien pour alerter. Et pour a
7675 er à prendre des vues justes. Si je mérite le nom de moraliste, c’est dans la mesure où j’ai cherché à rendre mon lecteur
7676 à rendre mon lecteur plus responsable, plus libre de choisir en connaissance de cause, bien mieux : en connaissance de fin
7677 nnaissance de cause, bien mieux : en connaissance de fins. Il n’est peut-être pas de domaine où ce travail paraisse plus n
7678 : en connaissance de fins. Il n’est peut-être pas de domaine où ce travail paraisse plus nécessaire, et où l’humanité cont
7679 temporaine se révèle plus nécessiteuse, que celui de l’affectivité, laissée en friche quand elle n’est pas vilipendée par
7680 t réduite à chercher son salut dans des conduites d’ évasion ou de régression infantile ou tribale — drogue, communautés hi
7681 hercher son salut dans des conduites d’évasion ou de régression infantile ou tribale — drogue, communautés hippies, commun
7682 tion, on comprendra peut-être mieux l’opiniâtreté de mon enquête sur les origines de l’amour : elle peut donner la clé de
7683 eux l’opiniâtreté de mon enquête sur les origines de l’amour : elle peut donner la clé de plus d’une tradition érotique ou
7684 ines de l’amour : elle peut donner la clé de plus d’ une tradition érotique ou sentimentale devenue réflexe ou nostalgie ch
7685 xe ou nostalgie chez l’homme moderne, et dès lors d’ autant plus envoûtante et contraignante qu’il n’en connaît plus le sen
7686 et ne sait plus en lire les symboles. J’ai tenté de réinventer la genèse de la passion d’amour. J’ai prouvé qu’elle dépen
7687 les symboles. J’ai tenté de réinventer la genèse de la passion d’amour. J’ai prouvé qu’elle dépend du mariage comme la my
7688 J’ai tenté de réinventer la genèse de la passion d’ amour. J’ai prouvé qu’elle dépend du mariage comme la mystique dépend
7689 d du mariage comme la mystique dépend du dogme et de l’institution ecclésiastique, et demeure orientée précisément par le
7690 ue, et demeure orientée précisément par le projet de les nier ou dépasser251. J’ai dit l’erreur du romantisme embourgeoisé
7691 l’origine. Une erreur à peine moins fatale serait de vouloir exclure la passion du mariage. Je l’avais dit assez clairemen
7692 t vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’ un amour exigeant le mystère le mieux défendu, — Éros et Agapè ne pour
7693 u nul tabou ne vient symboliser, pour les besoins de la fable et la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle e
7694 able et la commodité du romancier, l’essence même de l’obstacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même 
7695 stacle excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascina
7696 dépendra jamais que de l’être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ? » Cette recherche de l’
7697 mée, son étrangeté fascinante ? » Cette recherche de l’Ange, qui est le mystère de l’autre, excitant à la fois l’Éros et l
7698 ? » Cette recherche de l’Ange, qui est le mystère de l’autre, excitant à la fois l’Éros et l’Agapè, ne serait-ce pas une t
7699 et l’Agapè, ne serait-ce pas une troisième forme de l’amour, homologue des mystiques du mariage spirituel, aussi dites ép
7700 née, et que beaucoup confondent avec un règlement de police des mœurs, je ne sais quelle mesure répressive, ou au mieux un
7701 ’impose, est simplement la condition sine qua non de toute œuvre d’art ou de vie dont l’élaboration exige du temps et une
7702 la condition sine qua non de toute œuvre d’art ou de vie dont l’élaboration exige du temps et une concentration de toutes
7703 l’élaboration exige du temps et une concentration de toutes les facultés. (Rien là que le dogme révèle, ou qui ne se puiss
7704 sans ferveur, dans Comme toi-même , la nostalgie de la gnose et sa passion, qu’on pensait que j’avais condamnées. De fait
7705 sa passion, qu’on pensait que j’avais condamnées. De fait, je n’ai jamais « condamné la passion » et me suis expliqué sur
7706 expliqué sur ce point dans le chapitre conclusif de ma première version, où l’on peut lire : « Je l’ai dit et j’y insiste
7707 ncipe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. » En vérité
7708 primer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’est pas possible. » En vérité, je ne veux rien condamner
7709 ner et je ne propose aucune automutilation : trop de névrose déjà s’en chargent. J’ai tenté de faire voir et sentir les co
7710  : trop de névrose déjà s’en chargent. J’ai tenté de faire voir et sentir les contrastes vitaux, conflits, antinomies, qui
7711 , antinomies, qui sous-tendent notre réalité ; et d’ en mieux définir les termes. Il s’agit maintenant d’assumer leurs tens
7712 en mieux définir les termes. Il s’agit maintenant d’ assumer leurs tensions et de les équilibrer en création, loin de voulo
7713 Il s’agit maintenant d’assumer leurs tensions et de les équilibrer en création, loin de vouloir follement exclure l’un de
7714 création, loin de vouloir follement exclure l’un de leurs termes : nous n’avons pas ce pouvoir et le diable lui-même ne p
7715 pas même sa personne du jeu. Croire qu’il résulte de mon livre que la passion doive ou puisse être oblitérée afin que règn
7716 e règne Agapè triomphante, j’oserai dire au terme de ce Post-scriptum que ce serait méconnaître foncièrement la cohérence
7717 e ce serait méconnaître foncièrement la cohérence de ma pensée. Toute ma morale, et toute mon érotique, et toute ma politi
7718 e ma politique tiennent en effet dans le principe de la composition des opposés et de la mise en tension des pôles contrai
7719 dans le principe de la composition des opposés et de la mise en tension des pôles contraires. La personne, source et fin d
7720 des pôles contraires. La personne, source et fin de toute valeur morale, c’est l’homme libre et relié à la communauté par
7721 e vocation singulière, qui à la fois le distingue de la masse et le relie à la communauté, dans laquelle il est seul respo
7722 communauté, dans laquelle il est seul responsable de sa manière unique d’être avec tous. Le couple est la cellule sociale
7723 elle il est seul responsable de sa manière unique d’ être avec tous. Le couple est la cellule sociale originelle, dont les
7724 le, dont les forces constitutives sont deux êtres de lois singulières, différentes, mais qui choisissent de composer une «
7725 is singulières, différentes, mais qui choisissent de composer une « union sans fusion, sans séparation, et sans subordinat
7726 aration, et sans subordination » comme il est dit de l’union des deux natures en Jésus-Christ253 ; cependant que le confli
7727 res en Jésus-Christ253 ; cependant que le conflit d’ Éros et d’Agapè anime leurs journées et leurs rêves. Enfin la politiqu
7728 us-Christ253 ; cependant que le conflit d’Éros et d’ Agapè anime leurs journées et leurs rêves. Enfin la politique, qui est
7729 et leurs rêves. Enfin la politique, qui est l’art d’ aménager les relations humaines dans la cité (polis), se réduit au féd
7730 (polis), se réduit au fédéralisme, qui est l’art d’ unir des communautés là seulement où leur union seule peut sauver leur
7731 seule peut sauver leur autonomie. Toute tentative d’ éliminer l’un des deux pôles de ces tensions, de le confondre avec son
7732 e. Toute tentative d’éliminer l’un des deux pôles de ces tensions, de le confondre avec son opposé, de le réduire à la loi
7733 e d’éliminer l’un des deux pôles de ces tensions, de le confondre avec son opposé, de le réduire à la loi de l’autre (qu’i
7734 de ces tensions, de le confondre avec son opposé, de le réduire à la loi de l’autre (qu’il soit le plus fort ou le plus fi
7735 confondre avec son opposé, de le réduire à la loi de l’autre (qu’il soit le plus fort ou le plus fin) par annexion ou colo
7736 ou le plus fin) par annexion ou colonisation, ou d’ établir une subordination quelconque de l’un à l’autre, fonde et appel
7737 sation, ou d’établir une subordination quelconque de l’un à l’autre, fonde et appelle l’État totalitaire et détruit à mes
7738 ’État totalitaire et détruit à mes yeux l’intérêt de la vie, pour parler d’une manière très générale ; quant au sujet qui
7739 truit à mes yeux l’intérêt de la vie, pour parler d’ une manière très générale ; quant au sujet qui nous occupe : c’est dét
7740 ujet qui nous occupe : c’est détruire l’existence de l’Amour essentiel. 211. Urgent ? C’était déjà trop tard. Le livre
7741 211. Urgent ? C’était déjà trop tard. Le livre de Charles de Gaulle parut quelques mois plus tard, en juin 1938 : il n’
7742 s plus tard, en juin 1938 : il n’était plus temps de construire l’armée blindée qu’il demandait. 212. Prenez garde ! Pr
7743 i que la Nuit cède au Jour ! On connaît le thème de l’aube chez les troubadours : Gardez-vous, cher guetteur de la tour
7744 hez les troubadours : Gardez-vous, cher guetteur de la tour Du jaloux, votre méchant seigneur Ennuyeux plus que l’aube No
7745 nuyeux plus que l’aube Nous, en bas, nous parlons d’ amour Grande peur Nous fait l’aube, l’aube, oui l’aube. (Raimbaut de V
7746 yras, Alba.) 213. Elle paraîtra dans le numéro de juin 1939 des Cahiers du Sud. « Ce n’est pas d’étayer sa conjecture q
7747 o de juin 1939 des Cahiers du Sud. « Ce n’est pas d’ étayer sa conjecture que D. de R. a souci mais de la rendre plus forte
7748 Sud. « Ce n’est pas d’étayer sa conjecture que D. de R. a souci mais de la rendre plus forte que le jugement. Il est moins
7749 d’étayer sa conjecture que D. de R. a souci mais de la rendre plus forte que le jugement. Il est moins préoccupé de situe
7750 lus forte que le jugement. Il est moins préoccupé de situer le mythe que d’en évaluer la fatalité spirituelle par une très
7751 nt. Il est moins préoccupé de situer le mythe que d’ en évaluer la fatalité spirituelle par une très stricte analyse de l’â
7752 fatalité spirituelle par une très stricte analyse de l’âme. » 214. Tome III, p. 25 et 26. 215. Cf. Jean Audiac, Les poés
7753 . Jean Audiac, Les poésies des quatre troubadours d’ Ussel, Paris, 1922. 216. Il tient Socin, ce moine italien réformé qui
7754 ain ! », disait Luther.) 217. Sur l’assimilation de la Sophia et de Marie, pour les cathares, cf. Déodat Roché, Études ma
7755 Luther.) 217. Sur l’assimilation de la Sophia et de Marie, pour les cathares, cf. Déodat Roché, Études manichéennes et ca
7756 , Paris, 1966, le grand canso cathare (selon moi) de Peire Cardenal, Vera vergena Maria : Marie est la vraie Vierge, née «
7757 Syrie », mais devenue la Reine assise à la droite de Dieu, lequel « s’incline à ses prières » : c’est donc bien le rôle de
7758 incline à ses prières » : c’est donc bien le rôle de la Sophia aeterna qu’elle tient alors. 219. Cf. Antwort auf Hiob de
7759 ir aussi du même auteur : Henri Suso et le déclin de la scolastique, Paris, 1946. 221. Journal de Genève, 26 mai 1939.
7760 n de la scolastique, Paris, 1946. 221. Journal de Genève, 26 mai 1939. 222. Empédocle, mai 1949. 223. Henry Corbin,
7761 is, 1971, tome II, chapitre IV intitulé « Lumière de gloire et Saint-Graal », p. 141 à 210. 224. Henry et Renée Kahane, T
7762 Indian Analogous, Bombay, 1939. 226. « Le Génie d’ Oc », Cahiers du Sud, Marseille, 1943, article de René Nelli sur « L’A
7763 d’Oc », Cahiers du Sud, Marseille, 1943, article de René Nelli sur « L’Amour Provençal », p. 66. 227. Bleheri, barde bre
7764 7. Bleheri, barde breton, vit et chante à la cour de Guillaume IX de Poitiers : quelle preuve exigera-t-on, plus vivante e
7765 lle preuve exigera-t-on, plus vivante et créante, de contacts entre le Nord et le Sud qui ne doivent rien à Wagner ? 228.
7766 Sud qui ne doivent rien à Wagner ? 228. Je donne de ces quatre vers la traduction de Davenson, op. cit., p. 92, dans son
7767 ? 228. Je donne de ces quatre vers la traduction de Davenson, op. cit., p. 92, dans son excellent chapitre sur la Musique
7768 oème, j’ai repris et un peu modifié la traduction d’ Alfred Jeanroy. 229. « Mort m’a et per mort li respon. » 230. Ce sen
7769 ique des troubadours, p. 229. 233. Spiritualité de l’hérésie : le catharisme (ouvrage collectif), 1953 ; Écritures catha
7770 Amour et les Mythes du Cœur, 1952 ; puis la thèse d’ une extrême densité d’information intitulée L’Érotique des troubadours
7771 Cœur, 1952 ; puis la thèse d’une extrême densité d’ information intitulée L’Érotique des troubadours, 1963 ; enfin, en col
7772 dours : — X n’est pas cathare, car il ne dit rien d’ autre que Y, qui ne l’est pas. — Comment savez-vous qu’Y ne l’est pas 
7773  ? — Parce qu’il s’exprime comme X, dont je viens d’ établir qu’il ne fut pas cathare. 236. Par exemple dans les châteaux
7774 rien dire des petits poèmes latins, à la louange de nobles dames et de religieuses, de Marbode et de Baudry de Bourgueil,
7775 ts poèmes latins, à la louange de nobles dames et de religieuses, de Marbode et de Baudry de Bourgueil, dont Régine Pernou
7776 , à la louange de nobles dames et de religieuses, de Marbode et de Baudry de Bourgueil, dont Régine Pernoud après Albert-M
7777 de nobles dames et de religieuses, de Marbode et de Baudry de Bourgueil, dont Régine Pernoud après Albert-Marie Schmidt f
7778 Schmidt fait grand cas, encore qu’on ne voie pas de rapport entre le génie novateur de Guillaume et leurs platitudes rimé
7779 on ne voie pas de rapport entre le génie novateur de Guillaume et leurs platitudes rimées. Guillaume ne devait avoir que d
7780 . 239. R. Bezzola, Guillaume IX et les Origines de l’amour courtois, p. 166. 240. Historia regum Anglorum, de Guillaum
7781 courtois, p. 166. 240. Historia regum Anglorum, de Guillaume de Malmesbury. 241. Dans une lettre qu’il m’adressait le
7782 955, Roland-Manuel me donnait un précieux exemple de ces imitations : « Il est clair que les troubadours, musiciens avant
7783 Il est clair que les troubadours, musiciens avant d’ être poètes, modèlent leurs vers sur la mélodie. La forme strophique e
7784 eurs vers sur la mélodie. La forme strophique est d’ essence musicale… Le seul texte musical que nous possédions de Guillau
7785 sicale… Le seul texte musical que nous possédions de Guillaume de Poitiers use des mêmes formules mélodiques que nous trou
7786 ques que nous trouvons dans un versus du tropaire de Saint-Martial : 242. Cf. René Nelli, L’Érotique des troubadours,
7787 adours, p. 50, qui cite plusieurs autres exemples de l’influence directe des Arabes en pays d’Oc. 243. Cahiers d’études
7788 xemples de l’influence directe des Arabes en pays d’ Oc. 243. Cahiers d’études cathares, n° 9, 1952. 244. Voir supra, p.
7789 e directe des Arabes en pays d’Oc. 243. Cahiers d’ études cathares, n° 9, 1952. 244. Voir supra, p. 111 à 118. — Partout
7790 indou, en grec et en latin. 245. Cette chronique de revue sera reprise dans Situations I. 246. On notera le flottement d
7791 e décidément, c’est lorsqu’il donne comme exemple de ce qu’il appelle transcendance « le désir sexuel lui-même ». Le désir
7792 Le désir sexuel du chien ne ferait-il pas partie de sa « structure existentielle » ? Ne serait-il pas alors la transcenda
7793 tinguerait plus l’homme du chien, dans le domaine de la passion. Allons ! il est trop clair que Sartre abuse des mots, et
7794  pense-t-il — les théologiens, ce n’est guère que de l’exorbitance, c’est-à-dire un mouvement de l’homme pour se forcer co
7795 e que de l’exorbitance, c’est-à-dire un mouvement de l’homme pour se forcer courageusement (faute d’être attiré amoureusem
7796 t de l’homme pour se forcer courageusement (faute d’ être attiré amoureusement !) hors de lui-même ; pour passer à tous ris
7797 jeter dans le monde, en danger auprès de la chair d’ une femme, en danger dans la chair même de cette femme. » Certes, on n
7798 a chair d’une femme, en danger dans la chair même de cette femme. » Certes, on ne réfute pas une névrose, mais on a le dro
7799 on ne réfute pas une névrose, mais on a le droit de tenir pour suspect tout argument de portée générale qui en est tiré.
7800 on a le droit de tenir pour suspect tout argument de portée générale qui en est tiré. (Le reproche vaudrait aussi dans le
7801 est tiré. (Le reproche vaudrait aussi dans le cas de Kierkegaard, qui cependant s’en est expliqué avec un humour convainca
7802 mour convaincant.) C’est malheureusement ce genre d’ observations toutes personnelles qui va nourrir le chapitre central co
7803  Suggéré » ? Oui, par tout mon livre ! Si un pavé de près de 400 pages assez serrées est enregistré par Sartre comme une s
7804 le suggestion, on comprend mieux qu’il ait besoin de 5000 pages pour traiter vraiment un sujet, fût-il aussi considérable
7805 Cf. Cl. Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, 1949. 249. Voir là-dessus dans mon Amour III (en prépara
7806 la drogue au xiie siècle ? Probablement l’ergot de seigle, dont les effets ressemblent à ceux du LSD, mais sûrement plus
7807 aphrodisiaques. 251. Cf. Karl Barth, Dogmatique de l’Église, Tome I, 2** (4e volume de la trad. franç., p. 108 n.). 252
7808 h, Dogmatique de l’Église, Tome I, 2** (4e volume de la trad. franç., p. 108 n.). 252. Première édition chez Albin Michel
7809 ition chez Albin Michel, 1961. Réédition en livre de poche, intitulée selon l’ancien sous-titre : Les Mythes de l’amour, P
7810 intitulée selon l’ancien sous-titre : Les Mythes de l’amour, Paris, Gallimard, Idées, 1967. 253. Canons du concile de Ch
7811 , Gallimard, Idées, 1967. 253. Canons du concile de Chalcédoine en 456.