1 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Avertissement
1 passées, ou du moins celles dont on a pu toucher, fût -ce même sans les franchir, les limites. Quant aux livres intermédiair
2 age. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’amour est un prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’un volume aussi
3 e partager avec tant d’auteurs à succès. Aussi me suis -je donné quelques difficultés. Je n’ai pas voulu flatter ni déprécier
4 et même ils ne s’en lassent jamais, si commun que soit le discours ; mais ils redoutent que l’on définisse la passion, pour
5 ère me vaudra bien des reproches. Les amoureux me tiendront pour cynique, et ceux qui n’ont jamais connu la vraie passion s’étonn
6 atant et « banal » — comme on dit d’un four qu’il est banal, donc unique — si nous voulons comprendre dans nos vies le sens
7 dans nos vies le sens et la fin de la passion. Il est donc entendu que j’ai simplifié. Pourquoi perdre son temps et son sty
8 t son style à expliquer sans cesse que la réalité est plus complexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie soit confus
9 plexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie soit confuse ne saurait signifier qu’une œuvre écrite doit l’imiter. Si j’
10 e n’en ai cité qu’un nombre assez restreint, ce n’ est pas toujours par ignorance, mais par souci de m’en tenir à l’essentie
11 as toujours par ignorance, mais par souci de m’en tenir à l’essentiel. Les spécialistes me pardonneront-ils d’avoir tenté un
12 ’il faudrait plusieurs vies pour maîtriser, je me suis borné à rechercher ici et là des confirmations opportunes à certaines
13 ntuitives. J’en ai trouvé d’ailleurs plus qu’il n’ était besoin, et n’ai livré qu’un résumé de mes recherches. Ce compromis m’
14 ces si je n’avais pas donné des preuves. Et je me serais acquis l’estime des spécialistes si je n’avais pas tiré de leurs trav
2 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Préface à l’édition de 1956
15 s — qui par une chance dont je m’honore se trouve être T. S. Eliot — que je dois d’avoir entrepris la révision de cet ouvrag
16 lleurs, qu’en lisant mes critiques, car ceux-ci n’ étaient guère d’accord entre eux. Certains cependant m’ont convaincu : j’ai r
17 bservais entre cathares et troubadours : eux n’en sont pas troublés, faute de « preuves » suffisantes. Plusieurs théologiens
18 re. Aux historiens, je répondrai simplement que j’ étais à la recherche d’un sens existentiel. Je ne songeais donc nullement à
19 s que je cite, les rapprochements que je suggère, sont beaucoup moins des preuves que des illustrations. Cependant, des rech
20 s. Cependant, des recherches nouvelles, dès 1939, sont venues renforcer mes hypothèses : j’en ai largement profité pour récr
21 ait au sens même que j’ai cru pouvoir dégager, je suis tenté de leur donner raison sur plus d’un point : j’avais à déblayer
22 aire de la passion et du mariage en Occident, tel était mon dessein central ; et cela reste à mes yeux le vrai sujet, la vrai
23 vrai sujet, la vraie thèse de mon livre tel qu’il est devenu. Quant à l’actualité de ma recherche, après la Deuxième Guerre
24 he de la Passion — dégradée en simple romance — n’ est pas près d’épuiser ses effets ; le cinéma les propage au monde entier
25 que le mariage, dont dépend sa structure sociale, est plus grave que l’amour qu’elle cultive, et veut d’autres fondements q
26 belle fièvre. Les voies de cette révolution nous sont encore imprévisibles ; je m’en explique au livre VI. Mon ambition se
27 lques esprits à cette prise de conscience ne peut être tout à fait vain. Car s’il est vrai que les mutations du cœur se prép
28 onscience ne peut être tout à fait vain. Car s’il est vrai que les mutations du cœur se préparent et s’opèrent dans l’incon
3 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre premier. Le mythe de Tristan
29 dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes, c’est un
30 à première vue le succès prodigieux du roman. Il est d’autres raisons, plus secrètes, d’y voir comme une définition de la
31 ccidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’ est pas toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’il y a de populaire, t
32 hansons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’ est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et con
33 e même. Ce qui exalte le lyrisme occidental, ce n’ est pas le plaisir des sens, ni la paix féconde du couple. C’est moins l’
34 nous glorifie à tel point la passion que nous en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance
35 une puissance qui transfigure, quelque chose qui serait au-delà du bonheur et de la souffrance, une béatitude ardente. Dans «
36 ne sentons plus « ce qui souffre » mais « ce qui est passionnant ». Et pourtant, la passion d’amour signifie, de fait, un
37 ont tous les cas d’exception, mais la statistique est cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons-nous dans une telle illusi
38 se confondent le plus souvent dans la société qui est la nôtre, n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que
39 plus souvent dans la société qui est la nôtre, n’ est -ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la
40 un devoir et une commodité. Sans l’adultère, que seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il
41 res ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probable aussi qu’elles l’entretiennent, soit qu’elles « chantent » e
42 . Il est probable aussi qu’elles l’entretiennent, soit qu’elles « chantent » en prose et en vers ce que la religion tient po
43 chantent » en prose et en vers ce que la religion tient pour un crime, et la loi pour une contravention, soit au contraire qu
44 pour un crime, et la loi pour une contravention, soit au contraire qu’elles s’en amusent, et qu’elles en tirent un répertoi
45 psychologie mondaine, succès du trio au théâtre —  soit qu’on idéalise, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’est tra
46 se, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’ est trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour en rupture de l
47 ble et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne serait -ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réalité ? Tourner la
48 stique ou en farce, c’est toujours avouer qu’elle est insupportable… Mal mariés, déçus, révoltés, exaltés ou cyniques, infi
49 xaltés ou cyniques, infidèles ou trompés ; que ce soit en fait ou en rêve, dans le remords ou dans la crainte, dans le plais
50 ir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il est peu d’hommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catég
51 s questions des plus naïves, en ce domaine, aient été plus souvent résolues que posées… Par exemple, le mal constaté, faut-
52 se » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ? Est -ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la conception dite « chrétien
53 e qui cause tout notre tourment, ou au contraire, est -ce une conception de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle ren
54 ntradiction ? Si le secret de la crise du mariage est simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheu
55 médiate vérification. ⁂ Mais d’abord, dira-t-on, est -il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’es
56 , dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que d’ess
57 oman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’ est -ce pas détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en so
58 on charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop
59 alyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi
60 pourrait dire d’une manière générale qu’un mythe est une histoire, une fable symbolique, simple et frappante, résumant un
61 procèdent donc de l’élément sacré autour duquel s’ est constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des
62 ent : un mythe n’a pas d’auteur. Son origine doit être obscure. Et son sens même l’est en partie. Il se présente comme l’exp
63 Son origine doit être obscure. Et son sens même l’ est en partie. Il se présente comme l’expression tout anonyme de réalités
64 inte sur le public. Si belle et puissante qu’elle soit , on peut toujours la critiquer, ou la goûter pour des raisons individ
65 hevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce groupe est à vrai dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore l
66 dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore les nôtres d’une manière secrète et diffuse. Profanées et reni
67 ofanées et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
68 rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan sont de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur — à s
69 — à supposer qu’il y en eût un, et un seul — nous est totalement inconnu. Les cinq versions « originales » qui nous restent
70 Les cinq versions « originales » qui nous restent sont des remaniements artistiques d’un archétype dont on n’a pu trouver la
71 r) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’ est autre que la coutume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de
72 alerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie furent souvent appelés « religions ». Chastellain, chroniqueur de la Bourgog
73 e sacré, en un siècle où pourtant la chevalerie n’ était plus guère qu’une survivance (Appendice 2). Enfin la nature même de l
74 ral ne réside pas dans sa forme d’expression. (Ce serait ici le langage du poème : or on sait qu’il est des plus simples.) Ell
75 serait ici le langage du poème : or on sait qu’il est des plus simples.) Elle tient d’une part au mystère de son origine, e
76 me : or on sait qu’il est des plus simples.) Elle tient d’une part au mystère de son origine, et d’autre part à l’importance
77 des faits que le mythe symbolise. Si ces faits n’ étaient pas obscurs, ou s’il n’y avait quelque intérêt à obscurcir leur origi
78 résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière
79 e. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste ou directe.
80 directe. Au contraire, le mythe paraît lorsqu’il serait dangereux ou impossible d’avouer clairement un certain nombre de fait
81 u religieux, ou de relations affectives, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’av
82 s, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemp
83 rimer le fait obscur et inavouable que la passion est liée à la mort, et qu’elle entraîne la destruction pour ceux qui s’y
84 ignantes d’un vrai mythe ? Cette question ne peut être esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Pr
85 Il faut bien voir que ces « cérémonies » sociales sont des moyens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passio
86 yens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passion. Le mot « contenu » prend ici toute sa force : la passion
87 toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est à c
88 olérable. Il faut donc que les groupes constitués soient capables de lui opposer une structure fortement charpentée, pour qu’e
89 le lien social vienne à faiblir, ou que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’être un mythe au sens strict. Mais ce qu
90 u que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’ être un mythe au sens strict. Mais ce qu’il aura perdu en force contraigna
91 vre — les usages qu’il faut observer si l’on veut être un gentleman — perdra ses dernières vertus, la passion « contenue » d
92 es inventera au besoin… Car nous verrons que ce n’ est pas seulement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombr
93 une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan fut donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer en sa
94 raît, cette passion n’en subsiste pas moins. Elle est toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujou
95 ’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne sera plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il illustre, et dont l’
96 inte qui l’exalte, charme, terreur ou idéal : tel est le mythe qui nous tourmente. Qu’il ait perdu sa forme primitive voilà
97 miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fièvre maligne ; p
98 comme une fièvre maligne ; partout où sa fatalité est appelée, invoquée, imaginée comme une belle et désirable catastrophe,
99 it de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fond sur l’homme i
100 et ravi pour le consumer d’un feu pur ; et qu’il est plus fort et plus vrai que le bonheur, la société et la morale. Il vi
101 Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se
102 tte influence et de sa nature mythique, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine
103 ue, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine répugnance du lecteur à envisager mo
104 à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous est « sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je commets un « 
105 mort du coupable. Le sacré qui entre ici en jeu n’ est plus qu’une survivance obscure et déprimée. Je ne courrai donc guère
106 (Et certes, le sens inconscient d’un tel geste n’ est rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant il demeure sans e
107 faut-il croire que cela signifie que la passion n’ est point sacrée pour toi ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne
108 i ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne sont pas moins débiles dans leurs passions que dans leurs gestes de réprob
109 de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, où sera le courage que l’on réclame des écrivains ? Faudra-t-il qu’ils l’exer
110 définir « une épopée de l’adultère ». La formule est sans doute exacte, si l’on se borne à considérer la donnée sèche du R
111 restrictive. Peut-on soutenir que la faute morale est le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne se
112 la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne serait -il qu’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’est-ce que cel
113 ’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’ est -ce que cela ? Un vilain mot ? Une rupture de contrat ? C’est cela aus
114 ? Une rupture de contrat ? C’est cela aussi, ce n’ est que cela dans trop de cas ; mais c’est souvent bien davantage : une a
115 es raisons de persévérer, et l’on jugera si elles sont diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de dés
116 ’on jugera si elles sont diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme
117 elles sont diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèle plus
118 morales anciennes. Le culte de l’amour-passion s’ est tellement démocratisé qu’il perd ses vertus esthétiques et sa valeur
119 t, cette « vogue » d’allure commerciale de ce qui fut un secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût-ce même pour
120 secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût -ce même pour sauver le mythe des abus de son extrême vulgarisation. E
121 La poésie a d’autres chances. Ma seconde raison n’ est pas d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a
122 hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de
123 ampirique crescendo du second acte de Wagner, tel est le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’es
124 ela ! » ou bien : « Que Dieu m’en garde ! » Je ne suis pas sûr que la conscience claire soit utile d’une manière générale, e
125 e ! » Je ne suis pas sûr que la conscience claire soit utile d’une manière générale, et en soi. Ni que les vérités utiles so
126 re générale, et en soi. Ni que les vérités utiles soient avouables sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon ent
127 es soient avouables sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à
128 phe, du moraliste, du créateur de formes idéales, est simplement d’accroître la conscience, donc la mauvaise conscience des
129 Qui sait où cela peut nous mener ? Là-dessus, il est temps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite e
130 l’opération annoncée. La condition de sa réussite est sans doute une certaine froideur avec laquelle nous la mènerons. Sour
131 mission de le combattre, au moment où il pourrait être armé chevalier, donc peu après sa puberté. Il le tue, mais il en a re
132 remède qui peut le sauver. Mais le géant Morholt était le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom
133 un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan est soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre que le
134 Un jour, cette princesse découvre que le blessé n’ est autre que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et
135 ’a chargé. Et Iseut lui fait grâce, car elle veut être reine. (Selon certains auteurs, c’est aussi qu’elle admire la beauté
136 de Marc. En haute mer, le vent tombe, la chaleur est pesante. Ils ont soif. La servante Brangien leur donne à boire. Mais
137 e ces variantes, comme nous le verrons.) La faute est donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue d
138 ent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il con
139 sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan con
140 é. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade
141 Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il soit certain que Marc la traite bien. Puis, par une dernière ruse féminine
142 in de qui n’a pas menti, elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’aucun homme, hors ceux du roi son maître et du manant
143 ent au lit de Tristan et lui annonce que la voile est noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte a
144 es, on s’aperçoit que sa donnée ni son progrès ne sont dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’épisodes accessoires, ma
145 choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il est lié par la fidélité du chevalier ; — les amants se séparent, au terme
146 e que par une ruse improvisée in extremis, et qui est donnée comme trompant Dieu lui-même, puisque le miracle s’opère6 ! En
147 puisque le miracle s’opère6 ! Enfin, ce jugement étant acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l
148 acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’ est donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à son re
149 près du roi, donc auprès d’Iseut… D’autre part, n’ est -il pas fort étrange que les poètes du xiie siècle, si exigeants dès
150 s, ils n’ont du moins ni menti ni trompé, et ce n’ est pas le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même
151 on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupules sont bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne r
152 auprès d’Iseut… Et ce philtre qui cesse d’agir, n’ était -il pas destiné aux époux ? Alors, pourquoi limiter sa durée ? Trois a
153 lors, pourquoi limiter sa durée ? Trois ans, ce n’ est guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Is
154 ur sa beauté » mais cependant la laisse vierge, n’ est -il pas évident que rien ne l’oblige à ce mariage et à cette chasteté
155 ur et le devoir ». Cette interprétation classique est d’un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle par
156 s romans bretons la reflètent et la cultivent. Il est probable que la chevalerie courtoise ne fut guère qu’un idéal. Les pr
157 t. Il est probable que la chevalerie courtoise ne fut guère qu’un idéal. Les premiers auteurs qui en parlent ont l’habitude
158 elle vient à peine de naître dans leurs rêves. N’ est -il pas de l’essence d’un idéal que l’on déplore sa décadence à l’inst
159 se réaliser ? D’autre part, la chance du roman n’ est -elle pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités
160 ns « félons ». Selon la morale féodale, le vassal est tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneu
161  félons ». Selon la morale féodale, le vassal est tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : i
162 ur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : il est « félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan, les barons dénoncent
163 en vertu d’un autre code évidemment, qui ne peut être que celui de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de
164 idi. La décision des cours d’amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour cour
165 rs d’amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour courtois. Ce seul exemple suf
166 a fidélité et du mariage, selon l’amour courtois, est seule capable d’expliquer certaines contradictions frappantes du réci
167 la thèse officiellement admise, l’amour courtois est né d’une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodales. On sait qu
168 éodales. On sait que le mariage, au xiie siècle, était devenu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir,
169 ient même à déclarer que l’amour et le mariage ne sont pas compatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’amour tenue c
170 e telle manière de voir, la félonie et l’adultère sont excusés, et plus qu’excusés, magnifiés comme exprimant une intrépide
171 ui désire l’entière possession de sa dame. Cela n’ est plus amour, qui tourne à réalité. »7 Voilà qui nous met sur la voie d
172 toute liberté, car nous avons marqué plus haut qu’ étant plus fort que le roi et les barons, il pourrait, dans le plan féodal
173 ? Répondre : ainsi le veut l’amour courtois, ce n’ est pas encore répondre sur le fond, car il s’agit de savoir pourquoi l’o
174 notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’ être frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie et m
175 entrent en jeu, chevalerie et morale féodale, ne sont observées par l’auteur que dans les seules situations où elles permet
176 e une explication. À chacune de nos questions, il serait évidemment facile de répondre : les choses se passent ainsi parce qu’
177 nsciente sagesse : c’est qu’on pressent qu’elle n’ est pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème —
178 te volonté, il n’y aura plus de vraisemblance qui tienne  : c’est ce qui se passe dans le cas de l’Histoire scientifique. (Le l
179 cientifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux » sera d’autant plus exigeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doi
180 ’est le cas du conte. Entre ces deux extrêmes, il est autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : l
181 désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’une œuvre est révélé par la nature des « trucs » que l’auteur fait intervenir, et q
182 es extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à tout pr
183 un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont , à tout prendre, que des artifices romanesques. Or il résulte de nos
184 on qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout est symbole, tout se tient, tout se compose à la manière d’un rêve, et no
185 . Il faut sentir qu’ici tout est symbole, tout se tient , tout se compose à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos
186 qu’il suppose chez son lecteur. Les « faits » ne sont que les images ou les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, d
187 tent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent. Serait -ce alors pour le plaisir du romancier et du lecteur ? Mais c’est tout
188 du roman tel que l’aiment les Occidentaux. Quel est le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, mais au
189 cette passion qui ressemble au vertige… Mais ce n’ est plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le
190 Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le charme, nous co-naissons au « tourment dé
191 ons au « tourment délicieux ». Toute condamnation serait vaine : on ne condamne pas le vertige. Mais la passion du philosophe
192 e pas le vertige. Mais la passion du philosophe n’ est -elle point de méditer dans le vertige ? Il se peut que la connaissanc
193 ns le vertige ? Il se peut que la connaissance ne soit rien d’autre que l’effort d’un esprit qui résiste à la chute, et qui
194 re ; il me plaît ; je me réjouis de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quo
195 de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vi
196 éablement, et tant de joie dans ma douleur que je suis malade avec délices. Chrétien de Troyes. Il faut avoir l’audace de
197 de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est -il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent nous in
198 i passe pour évident cache quelque chose qui ne l’ est point, comme l’a dit à peu près Valéry.) Rien d’humain ne paraît rapp
199 lité. Tout porte à croire que librement ils ne se fussent jamais choisis. Mais ils ont bu le philtre, et voici la passion. Une
200 dolor. Dira-t-on que les poètes de cette époque furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus, et qu’ils n’éprouva
201 e époque furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’insister sur ce qui
202 ns la forêt. Ses deux scènes les plus belles, qui sont peut-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux vi
203 t-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux visites que les amants font à l’ermite Ogrin. La première fo
204 hiez. La situation dans laquelle ils se trouvent est donc passionnément contradictoire : ils aiment, mais ils ne s’aiment
205 mais ils ne peuvent s’en repentir, puisqu’ils ne sont pas responsables ; ils se confessent, mais ne veulent pas guérir, ni
206 gue, et où les contraires s’excluent. L’aveu n’en est pas moins formel : « Il ne m’aime pas, ne je lui. » Tout se passe com
207 de leurs désirs, au moins conscients, et de leur être tel qu’ils le connaissent. Les traits physiques et psychologiques de
208 et psychologiques de cet homme et de cette femme sont parfaitement conventionnels et rhétoriques. Lui, c’est « le plus fort
209 pes à ce point simplifiés ? L’« amistié » dont il est question à propos de la durée du philtre est le contraire d’une amiti
210 t il est question à propos de la durée du philtre est le contraire d’une amitié réelle. Bien plus, si l’amitié morale se fa
211 Bien plus, si l’amitié morale se fait jour, ce n’ est qu’au moment où la passion faiblit. Et le premier effet de cette amit
212 . Et le premier effet de cette amitié naissante n’ est pas du tout d’unir davantage les amants, mais au contraire de leur mo
213 plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli furent li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient
214 ! Il songe que dans cette aventure, elle pourrait être « en beles chambres… portendues de dras de soie ». Iseut de son côté,
215 l uson notre jovente »… La décision de se séparer est bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant,
216 Iseut : Dex ! dist Tristan, quel départie ! Mot est dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre peine qu’il s’apitoie.
217 et bien que le philtre n’agisse plus, les amants seront repris par la passion, jusqu’au point qu’ils en perdront la vie, « lu
218 l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut l
219 ’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il est  ; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence !
220 pothéose. Dualité irrémédiable et désirée ! « Mot est dolenz qui pert s’amie », soupire Tristan. Pourtant il sent déjà, au
221 aut pousser plus loin : l’amabam amare d’Augustin est une émouvante formule dont lui-même ne s’est pas satisfait. L’obstac
222 stin est une émouvante formule dont lui-même ne s’ est pas satisfait. L’obstacle dont nous avons souvent parlé, et la créat
223 sque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’ est -il qu’un prétexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’est-il p
224 étexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’ est -il pas lié à la passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’est-
225 passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’ est -il pas l’objet même de la passion, — si l’on descend au fond du mythe
226 ccessifs des amants9. Or les causes de séparation sont de deux sortes : circonstances extérieures adverses, entraves inventé
227 pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’ est pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le R
228 alectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce sont les circonstances sociales qui menacent les amants (présence de Marc,
229 -dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en est le symbole). Quitte à souffrir (sa blessure se rouvre) et à risquer s
230 risquer sa vie (il se sait épié). Mais la passion est alors si violente, si animale pourrait-on dire, qu’il oublie la doule
231 du péril pour lui-même. Mais tant que le péril n’ est qu’une menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le su
232 ure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la cout
233 s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’ être le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduirait à
234 ever la reine à son roi. Et que le droit établi n’ est soudain respecté, à ce moment, que parce qu’il fournit un prétexte à
235 un prétexte à faire rebondir le roman. Tout autre est l’attitude du chevalier lorsque rien d’extérieur à eux-mêmes ne sépar
236 is-ci contre lui-même, à ses dépens. Puisqu’il en est lui-même le fauteur, c’est un obstacle qu’il ne peut plus vaincre ! N
237 tive plus forte que la passion même. La mort, qui est le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’est pas encore l’expr
238 t le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’ est pas encore l’expression décisive du désir sombre, de la fin même de l
239 ns symbolique : l’action empêche la « passion » d’ être totale, car la passion, c’est « ce que l’on subit » — à la limite, c’
240 e, c’est la mort. En d’autres termes cette action est un nouveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂
241 es mains avec Tristan. Le premier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari
242 remier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari, méprisé par l’amour court
243 pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle est le type de femme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’ai
244 on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’ être ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de
245 l’aimer, puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle est . Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de la passion, au
246 amoureuse spontanée, couronnée et non combattue, est par essence peu durable. C’est une flambée qui ne peut pas survivre à
247 x qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier est telle qu’il les aura bientôt tous surmontés. C’est alors qu’il s’éloi
248 tte erreur provoquée par le nom des deux femmes —  est la seule « raison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait
249 ison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait aisé de s’expliquer. Mais une fois de plus, l’honneur interviendra, e
250 il ruine ainsi par l’intérieur). Prouesse dont il est la victime ! La chasteté du chevalier marié répond à la déposition de
251 dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui soit une transfiguration, et non pas un hasard brutal. Il s’agit donc touj
252 de la dialectique passion-obstacle. Vraiment ce n’ est plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au cont
253 n-obstacle. Vraiment ce n’est plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le b
254 ervice de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le but, la fin désirée pour elle-même. Et la passion n’a donc
255 ité même qui l’a créé. Le sens réel de la passion est tellement effrayant et inavouable, que non seulement ceux qui la vive
256 e savoir si les auteurs des cinq poèmes primitifs étaient ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause,
257 et l’objet reste inavoué, mais tout de même il y est fait allusion, et par là, dans une certaine mesure, des exigences inc
258 n », « qu’il n’y attache pas d’importance ». S’il est poète, il parlera d’inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne
259 inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne sera jamais à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’est responsab
260 à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’ est responsable de rien… Imaginons maintenant le problème qui se posait à
261 chevaleresque, comme d’ailleurs toute rhétorique, est le moyen de faire passer pour « naturelles » les plus obscures propos
262 ictions qu’elle impose. Pour la magie, voici quel sera son rôle. Il s’agit de dépeindre une passion dont la violence fascina
263 e une passion dont la violence fascinante ne peut être acceptée sans scrupule. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle e
264 pule. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle est proscrite par l’Église comme un péché ; par la raison comme un excès
265 yeux du moraliste. Inférieur en ceci à Béroul, il sera le premier responsable de la dégradation du mythe.) Qu’est-ce alors q
266 emier responsable de la dégradation du mythe.) Qu’ est -ce alors que le philtre ? C’est l’alibi de la passion. C’est ce qui p
267 lheureux amants de dire : « Vous voyez que je n’y suis pour rien, vous voyez que c’est plus fort que moi. » Et cependant, no
268 eur de cette fatalité trompeuse, tous leurs actes sont orientés vers le destin mortel qu’ils aiment, avec une sorte d’astuci
269 abri du jugement. Nos actions les moins calculées sont parfois les plus efficaces. La pierre qu’on lance « sans viser » va d
270 Et c’est pourquoi les plus belles scènes du Roman sont celles que les auteurs n’ont pas su commenter, et qu’ils décrivent co
271 roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle est la fin qu’ils se préparent de toute leur volonté profonde, et plus qu
272 Jour qui l’offusque ? et qu’il attend de tout son être l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucoup plus tard, o
273 l attend de tout son être l’anéantissement de son être  ? Certains poètes, beaucoup plus tard, ont osé cet aveu suprême. Mais
274 ont osé cet aveu suprême. Mais la foule dit : ce sont des fous. Et la passion que le romancier désire flatter chez l’audite
275 inaire, plus débile. Il y a peu de chance qu’elle soit jamais poussée à s’avouer par son excès indubitable, par une mort qui
276 tiques ont fait plus qu’avouer : ils ont su et se sont expliqués. Mais s’ils ont affronté « la Nuit obscure » avec la plus s
277 et « lumineuse » se substituerait à la leur. Ce n’ était pas le dieu sans nom du philtre, une force aveugle ou le Néant, qui s
278 dont il rejette avec horreur la connaissance. Il tient son excuse toute prête, et elle le trompe mieux que quiconque : c’est
279 r exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables au Jour10. Elles
280 s de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables au Jour10. Elles le méprisent. Tristan s’est fait p
281 nicables au Jour10. Elles le méprisent. Tristan s’ est fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sagesse, to
282 ute sagesse, toute « vérité », et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’insta
283 ce vers l’instant suprême où la totale jouissance est de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent décrire la Nuit, mais la « 
284 soir, lorsqu’en un temps lointain la mort du père fut annoncée au fils. Dans l’aube sinistre, tu me cherchais, de plus en p
285 t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin suis -je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : —Pour désir
286 maudire ses astres, sa naissance, mais la musique est savante, vraiment, et elle nous chante immensément le beau secret : c
287 n’a pas cessé de refouler, — de préserver ! Il en est peu de plus tragiques, et sa persistance nous invite à porter sur l’a
288 ? Pourquoi veut-il cet amour dont l’éclat ne peut être que son suicide ? C’est qu’il se connaît et s’éprouve sous le coup de
289 a limite, ce goût de la collision révélatrice qui est sans doute la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerr
290 eur. Que ce malheur, selon la force de notre âme, soit la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, ou la souff
291 nnonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie est absente », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le seul
292 La « vraie vie est absente », dit Rimbaud. Elle n’ est qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appel
293 la douleur, et spécialement la douleur amoureuse, est un moyen privilégié de connaissance. Certes, cela vaut pour les meill
294 vient retarder l’heureux accomplissement. Ainsi, soit qu’on désire l’amour le plus conscient, ou simplement l’amour le plus
295 t non pas la présence, nous émeuvent. La présence est inexprimable, elle ne possède aucune durée sensible, elle ne peut êtr
296 le ne possède aucune durée sensible, elle ne peut être qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on
297 dans la littérature occidentale. Et l’amour qui n’ est pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande trouvaill
298 t Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fid
299 t », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mai
300 , qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils sont , l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’e
301 malheur, c’est que l’amour qui les « demeine » n’ est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’
302  demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment, mais chacun n’aime l’aut
303 lande, où t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile, sont -ce tes soupirs ? Souffle, souffle ô vent ! Malheur, ah ! malheur, fil
304 ait — la jouissance de la vie. Mais cette perte n’ est pas sentie comme un appauvrissement, bien au contraire. On s’imagine
305 s magnifiquement. C’est que l’approche de la mort est l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens du terme, l
306 rète de l’obstacle favorable à l’amour. Mais ce n’ est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacl
307 ébut de la passion, la revanche sur le destin qui fut subi et qui est enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre
308 on, la revanche sur le destin qui fut subi et qui est enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre quelques secrets
309 primitif livre quelques secrets dont l’importance est appréciable — mais dont la conscience commune doit renier l’intime év
310 je le sens bien, et m’en console si les résultats sont exacts ; que certaines conjectures soient discutables, je l’admettrai
311 résultats sont exacts ; que certaines conjectures soient discutables, je l’admettrai sans peine devant les preuves ; mais quoi
312 Nous savons, par la fin du mythe, que la passion est une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’autant p
313 Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel amour n’ est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est v
314 profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la passion, sont des aspects de
315 vrai que la passion, et le besoin de la passion, sont des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en veni
316 e de toutes. Connaître à travers la souffrance, n’ est -ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ?
317 au sens noble, et mystique : que l’une de l’autre soit cause ou effet, ou qu’elles aient une commune origine — ces deux « pa
318 t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin suis -je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : — Pour dési
319 ons de dégager. 2. La raison dont je parle ici étant l’activité profanatrice qui s’exerce aux dépens du sacré collectif et
320 et qui en libère l’individu. Que le rationalisme soit passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier s
321 de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’ étaient couchés pour se reposer à cause de la forte chaleur, et dormaient ain
322 éparés l’un de l’autre parce que… ». Ici le texte est interrompu ! Et Bédier dit en note : « Passage inintelligible. » Quel
323 sage inintelligible. » Quelle puissance maléfique est donc intervenue pour brouiller le seul texte qui pût éclaircir le mys
324 ttfried de Strasbourg insiste avec cynisme : « Ce fut ainsi chose manifeste — Et avérée devant tous — Que le très glorieux
325 ont on s’habille — … Il se prête au gré de tous —  Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu
326 Il se prête au gré de tous — Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 7. Fa
327 us — Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 7. Fauriel, Histoire de la po
328 a tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il soit … » 7. Fauriel, Histoire de la poésie provençale, I, p. 512. 8. Pr
329 ovençale, I, p. 512. 8. Précisons que : 1° elles sont observées tour à tour, en vertu d’un calcul secret ; car si l’on choi
330 a situation se dénouerait trop vite ; 2° elles ne sont pas toujours observées : ainsi le péché consommé dès que les amants o
331 ché consommé dès que les amants ont bu le philtre est un péché aux yeux de l’amour courtois non moins qu’aux yeux de la mor
332 tan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils sont séparés. — Ils se retrouvent et passent trois ans dans la forêt, puis
333 emandes. » Et plus tard, quand il meurt : « Je ne suis pas resté au lieu de mon réveil. Mais où ai-je fait séjour ? Je ne sa
334 séjour ? Je ne saurais le dire… C’était là où je fus toujours, et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éterne
335 l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous est donnée : le divin, l’éternel, l’originel oubli… Oh ! si je pouvais le
4 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre II. Les origines religieuses du mythe
336 the 1.L’« obstacle » naturel et sacré Nous sommes tous plus ou moins matérialistes, nous autres héritiers du xixe . Qu’
337 es de faits « spirituels », aussitôt nous croyons tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C
338 a vu le jeu au cours de notre analyse du mythe, n’ est -il pas d’origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’est-ce pas
339 origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’ est -ce pas la ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’est-il pas
340 ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’ est -il pas « ainsi fait » qu’il s’impose parfois une certaine continence,
341 . « C’est afin — lui fait dire Plutarque — qu’ils soient toujours plus forts et dispos de leur corps, et qu’en ne jouissant pa
342 lus valeureux. Or la vertu d’une telle discipline est relative à la vie même, non à l’esprit. Elle cède au succès obtenu. E
343 cherche rien au-delà. L’eugénisme d’un Lycurgue n’ est nullement ascétique, puisqu’il vise au contraire à la meilleure propa
344 les tribus exogamiques. La morale de la prouesse est une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plus anciennes trad
345 la nécessité d’une sélection biologique. Et il n’ est pas jusqu’au désir de la mort que l’on ne puisse « ramener » à l’inst
346 assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour est une maladie (Ménandre) dans la mesure où il transcende la volupté qui
347 e) dans la mesure où il transcende la volupté qui est sa fin naturelle. C’est une « frénésie », dit Plutarque. « Aucuns ont
348 ont pensé que c’était une rage… Ainsi à ceux qui sont amoureux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’où vient al
349 x qui sont amoureux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’où vient alors cette glorification de la passion, qui es
350 ient alors cette glorification de la passion, qui est justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l
351 ire puisqu’il s’agit de savoir, précisément, quel est le facteur qui a pu causer cette déviation. 2.Éros, ou le Désir sa
352 l’âme, pour la troubler d’humeurs malignes. Ce n’ est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur
353 . Ce n’est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans
354 de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et
355 ort de l’âme, folie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie
356 lie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’ être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie qui monte par de
357 e l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie qui monte par degrés d’extase vers l’origine unique de tout c
358 ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’ être soi et d’être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c
359 et distingue, au-delà du malheur d’être soi et d’ être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Aspirat
360 ute puissance, à l’extrême exigence de pureté qui est l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’ê
361 l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’é
362 d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’ être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’élan suprême du dési
363 é. Ainsi l’élan suprême du désir aboutit à ce qui est non-désir. La dialectique d’Éros introduit dans la vie quelque chose
364 cension de l’homme vers son dieu. Et ce mouvement est sans retour. ⁂ Les origines iraniennes et orphiques du platonisme son
365 es origines iraniennes et orphiques du platonisme sont encore mal connues mais certaines. Et par Plotin et l’Aréopagite, cet
366 . Et par Plotin et l’Aréopagite, cette doctrine s’ est transmise au monde médiéval. Ainsi l’Orient vint rêver dans nos vies,
367 ou quelque harmonie ancestrale — toutes nos races sont venues ou revenues du Proche-Orient — ou simplement si la nature huma
368 che-Orient — ou simplement si la nature humaine n’ est point portée en tous lieux et tous temps à diviniser son Désir dans d
369 druides sur l’immortalité. La mythologie comparée est la plus périlleuse des sciences, si l’on excepte l’étymologie dont el
370 merci du calembour le plus tentant… Quoi qu’il en soit , certaines convergences générales se dégagent des travaux récents, re
371 péninsules italienne et grecque. Or les Celtes n’ étaient pas une nation. Ils n’avaient pas d’autre « unité » que celle d’une c
372 le d’une civilisation, dont le principe spirituel était maintenu par le collège sacerdotal des druides. Ce collège à son tour
373 e sacerdotal des druides. Ce collège à son tour n’ était nullement l’émanation des petits peuples ou tribus, mais « une instit
374 religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils étaient à la fois devins, magiciens, médecins, prêtres, confesseurs. Ils n’éc
375 rte d’ailleurs le même nom que le brahmane 14. Il est certain que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventur
376 mort. C’était une compagne familière dont ils se sont plu à déguiser le caractère inquiétant ». De même, dans leur mytholog
377 domine tout, et tout la découvre 15 ». Et cela n’ est pas sans inciter à des rapprochements très précis avec ce que l’on a
378 Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il est un dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, aut
379 vre : la conception de la femme chez les Celtes n’ est pas sans rappeler la dialectique platonicienne de l’Amour. La femme f
380 l’Amour. La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophétique. C’est la Velléda des Martyrs, le fantôme lumine
381 perdu dans sa rêverie nocturne : « Sais-tu que je suis fée ? », dit-elle. Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole
382 stérieux », c’était l’invitation à désirer ce qui est au-delà des formes incarnées. Mais elle est belle et désirable en soi
383 e qui est au-delà des formes incarnées. Mais elle est belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature est fuyante. « L’Éte
384 belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature est fuyante. « L’Éternel féminin nous entraîne », dira Goethe. Et Novalis
385 entraîne », dira Goethe. Et Novalis : « La femme est le but de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la lumière prend pour sy
386 es. Le grand Jour incréé, aux yeux de la chair, n’ est que la Nuit. Mais notre jour, aux yeux du dieu qui réside par-delà le
387 il souffre volupté, même quand il croit aimer un être … On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de l’opéra wagnér
388 les éléments les plus actifs de son philtre ! Il est frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de
389 et aux invasions germaniques. « Les Gallo-Romains sont restés pour la plupart des Celtes déguisés. Si bien qu’après les inva
390 aître en Gaule des modes et des goûts qui avaient été ceux des Celtes.16 » L’art roman et les langues romanes attestent l’i
391 ’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce furent des moines d’Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes b
392 la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y est répandue, d’une manière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle
393 le des mythes du Jour et de la Nuit tels qu’ils s’ étaient élaborés en Perse d’abord, puis dans les sectes gnostiques et orphiqu
394 éprouve de nos jours à définir cette religion ne sont pas sans nous renseigner sur sa nature profonde et sa portée humaine.
395 ature profonde et sa portée humaine. D’abord elle fut partout persécutée avec une violence inouïe par les pouvoirs ou les o
396 voir en elle la pire menace sociale. Ses fidèles furent massacrés, leurs écrits dispersés et brûlés. Si bien que les témoigna
397 . Si bien que les témoignages sur lesquels elle a été jugée jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversai
398 ite, il semble bien que la doctrine de Manès (qui était originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et leurs croyances, d
399 n hymne manichéen récemment retrouvé et traduit17 sont invoqués et loués successivement Jésus, Manès, Ormuzd, Çakyamouni, et
400 in Zarhust (Zarathustra ou Zoroastre). De plus il est permis de penser que les survivances celtiques dans le Midi languedoc
401 ppements qui suivront, deux faits surtout doivent être retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéennes,
402 t des dieux Me voici en exil et séparé d’eux. Je suis un dieu, et né des dieux Mais maintenant réduit à souffrir. Ainsi la
403 estin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’ est pas sans évoquer d’une part la « réminiscence du Beau » dont parlent
404 se souvient de l’île des immortels. Mais cet élan est sans cesse entravé par la jalousie de Vénus (Dîbat dans le premier hy
405 e matière l’amant en proie au lumineux Désir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse f
406 s anges déchus dans des corps trop humains… 2° Il est très important et significatif pour nous de remarquer que la structur
407 emarquer que la structure de la foi manichéenne «  est essentiellement lyrique »18. Autrement dit, qu’il est de la nature pr
408 essentiellement lyrique »18. Autrement dit, qu’il est de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition r
409 la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’ être né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse indistinction. Dè
410 u point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganisme oriental-occi
411 el Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganisme oriental-occidental sur lequel se détache
412 e détache notre mythe. Mais d’où vient qu’il s’en soit « détaché » justement ? Quelle menace, quelle interdiction a contrain
413 ologue de l’Évangile de Jean : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En
414 « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie ét
415 arole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. La
416 était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. La lumière lui dans les
417 Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. La lumière lui dans les ténèbres, et les ténèb
418 et les ténèbres ne l’ont pas reçue. » (I, 1-5.) Est -ce encore le dualisme éternel, sans rémission, l’irrévocable hostilit
419 car voici la suite du passage : « Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérit
420 le monde — de la Lumière dans les Ténèbres —, tel est l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le ce
421 t inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien q
422 lement » incroyable. Car le fait de l’Incarnation est la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême s
423 négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême scandale, non seulement pour notre raison qui n’admet poin
424 la non-vie, la mort du corps. La Nuit et le Jour étant incompatibles, l’homme créé qui appartient à la Nuit, ne peut trouver
425 la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’ être , en se « perdant » au sein de la divinité. Mais le christianisme, par
426 ialectique de fond en comble. Au lieu que la mort soit le terme dernier, elle devient la première condition. Ce que l’Évangi
427 st le début d’une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’ est pas la fuite de l’esprit hors du monde, mais son retour en force au s
428 e que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’ est fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbr
429 e et mort au monde en tant que le moi et le monde sont pécheurs, mais rendu à soi-même et au monde en tant que l’Esprit veut
430 ue l’Esprit veut les sauver. Désormais, l’amour n’ est plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mo
431 pparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’ était qu’un prétexte illusoire, une occasion de s’enflammer ; et il fallait
432 l fallait aussitôt s’en déprendre, puisque le but était de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particu
433 er toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’ être particulier n’était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Êtr
434 e brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulier n’ était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’
435 ait guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’ Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’étant
436 ’Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était  ? Le salut n’étant qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des cr
437 nt l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’ étant qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des créatures ignorées pa
438 eul, parmi tous les dieux que l’on connaît — ne s’ est pas détourné, au contraire ; « Il nous a aimés le premier » dans notr
439 emier » dans notre forme et nos limitations. Il a été jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition de l’homme pécheur et s
440 tification. Le contraire de la sublimation, qui n’ était que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors
441 chait le dépassement à l’infini. L’amour chrétien est obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui no
442 in. À ceux qui lui demandaient ironiquement : Qui est mon prochain ? Jésus répond : c’est l’homme qui a besoin de vous. Tou
443 ngent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour ce n’ est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le m
444 et là, le sanctifie par le mariage. Un tel amour, étant conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), p
445 our du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), peut être vraiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’ai
446 raiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûl
447 du point de vue de la vie, au malheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’est un malheur mortel que pour l’homme sé
448 lheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’ est un malheur mortel que pour l’homme séparé de Dieu, mais un malheur re
449 e « saisit le salut ». 4.Orient et Occident Est -il possible de définir l’Orient et l’Occident en dehors de la géograp
450  » une conception religieuse qui à vrai dire nous est venue du Proche-Orient mais qui n’a triomphé qu’en Occident : celle q
451 lle. Mais seulement une communion, dont le modèle est dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illu
452 ières, elles ne représentent que des défauts de l’ Être . Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera
453 onc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. Agapè
454 l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le
455 au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’êtr
456 terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’ est pas d’être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous
457 Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’ être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouver
458 ésir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne sera jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’optimisme humain, dans
459 me orthodoxe. Mais alors, c’est le désespoir ? Ce serait le désespoir, s’il n’y avait pas la Bonne Nouvelle ; et cette nouvell
460 r de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation est le signe historique d’une création renouvelée, où le croyant se trouv
461 ’est-à-dire réconcilié, l’homme reste un homme (n’ est pas divinisé) mais un homme qui ne vit plus pour lui seul. « Tu aimer
462 exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la commu
463 , il faut bien qu’il y ait deux sujets, et qu’ils soient présents l’un à l’autre : donc l’un pour l’autre le prochain. Si l’Ag
464 lus comme un prétexte à s’exalter, mais tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a
465 espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’ est -on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion do
466 ous oblige à le constater : c’est l’inverse qui s’ est réalisé. Nous voyons qu’en Orient (Appendice 4), et dans la Grèce con
467 la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain est très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupté physique.
468  au sens tragique et douloureux — non seulement y est rare, mais encore et surtout y est méprisée par la morale courante co
469 on seulement y est rare, mais encore et surtout y est méprisée par la morale courante comme une maladie frénétique. « Aucun
470 n Occident, au xiie siècle, c’est le mariage qui est en butte au mépris, tandis que la passion est glorifiée dans la mesur
471 qui est en butte au mépris, tandis que la passion est glorifiée dans la mesure même où elle est déraisonnable, où elle fait
472 passion est glorifiée dans la mesure même où elle est déraisonnable, où elle fait souffrir, où elle exerce ses ravages aux
473 ction flagrante entre les doctrines et les mœurs. Serait -ce alors dans le fait même de cette contradiction flagrante que résid
474 altée. Le principe d’explication de ce tableau est assez simple. Le platonisme, au temps de Platon et durant les siècles
475 emps de Platon et durant les siècles suivants, ne fut jamais une doctrine populaire, mais une sagesse ésotérique. Il en all
476 oi le christianisme triompha. La primitive Église fut une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin
477 r en lui s’exalter la révolte du sang barbare. Il était prêt à accueillir, sous le couvert de formes catholiques, toutes les
478 ion incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’ est devenue cette doctrine parmi nous ? « Personne ne saurait dire jusqu’
479 é physique — alors qu’en fait cette beauté même n’ est que l’attribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’amour. L’
480 it son objet », et que la beauté « officielle » n’ est pas un gage d’être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède
481 que la beauté « officielle » n’est pas un gage d’ être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugle
482 s rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à
483 Souvenons-nous du culte druidique pour la Femme, être prophétique, « éternel féminin », « but de l’homme ». Les Celtes, déj
484 simile d’instinct à la définition de la beauté, n’ est -ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si
485 re « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si telles sont bien les causes de la curieuse contradiction qui apparaît au xiie si
486 trines et les mœurs, une première conclusion peut être formulée dès à présent : L’amour-passion est apparu en Occident comme
487 eut être formulée dès à présent : L’amour-passion est apparu en Occident comme l’un des contrecoups du christianisme (et sp
488 resterait bien théorique et contestable si nous n’ étions pas en mesure de retracer les voies et moyens historiques de cette re
489 urs et cathares Que toute la poésie européenne soit issue de la poésie des troubadours au xiie siècle, c’est ce dont per
490 les xie et xiie siècles, la poésie d’où qu’elle fût (hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienne, toscane, gé
491 , picarde, champenoise, flamande, anglaise, etc.) était au préalable languedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant êt
492 uedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le s
493 ire que le poète, ne pouvant être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage
494 e le poète, ne pouvant être que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du t
495 it pas — le langage du troubadour, qui n’a jamais été que le provençal. »22 Qu’est-ce que la poésie des troubadours ? L’ex
496 our, qui n’a jamais été que le provençal. »22 Qu’ est -ce que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’amour malheureux
497 prend sa source dans un système fixe de lois, qui seront codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut dire aussi que ja
498 Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne fut plus exaltante et fervente. Ce qu’elle exalte, c’est l’amour hors du
499 que l’union des corps, tandis que l’« Amor », qui est l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-
500 s, tandis que l’« Amor », qui est l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour p
501 ait un baiser sur le front. Désormais, ces amants seront liés par les lois de la cortezia : le secret, la patience, et la mesu
502 zia : le secret, la patience, et la mesure, qui n’ est pas tout à fait synonyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt
503 s, mais plutôt de la retenue… Et surtout, l’homme sera le servant de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amo
504 mais encore faudrait-il expliquer pourquoi elle s’ est produite à tel moment et dans tels lieux bien définis ; ou bien tout
505 ors il s’agit de savoir pour quelles raisons elle est demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui est curieux au plus haut p
506 le est demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui est curieux au plus haut point, c’est l’embarras des romanistes les plus
507 ntradiction absolue avec ces conditions »24. « Il est évident qu’elle ne reflète aucunement la réalité, la condition de la
508 la réalité, la condition de la femme n’ayant pas été , dans les institutions féodales du Midi, moins humble et dépendante q
509 dépendante que dans celles du Nord. »25 Or, s’il est à ce point « évident » que les troubadours ne tiraient rien de la réa
510 eption de l’amour venait d’ailleurs. Quel pouvait être cet ailleurs ? La même question se pose pour leur art, j’entends pour
511 ’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’ être borné à raffiner des formes fixes et des lieux communs : mais encore
512 la lyrique arabe et la lyrique provençale : ce n’ est pas sérieux, nous dit-on. Brinkmann et d’autres ont supposé que la po
513 ournir des modèles : tout compte fait, cela ne se tient pas, car les troubadours, paraît-il, avaient trop peu de culture pour
514 u phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux27, a cru pouvoir tout écla
515 ntre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’ est vu traiter de « doctrinaire » — suprême injure — et plusieurs ont ins
516 utations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il est également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces
517 rmules vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai, pour un philologue qui se respecte et n’entend pas « solliciter
518 specte et n’entend pas « solliciter » les textes, fût -ce par le moindre essai de les comprendre. Je ne saurais me contenter
519 se à supposer un seul instant que les troubadours furent des faibles d’esprit, tout juste bons à répéter sans se lasser des fo
520 si le secret de toute cette poésie ne devrait pas être cherché beaucoup plus près d’elle qu’on ne l’a fait — tout près : sur
521 out près : sur place, dans le milieu même où elle est née. Et non pas dans le milieu purement « social » au sens moderne, m
522 cines dans la religion dualiste de l’Iran. Quelle était la doctrine des cathares ? On a répété très longtemps qu’« on ne le s
523 Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants étaient les interrogatoires des accusés, probablement « sollicités » par les
524 ion, en 1939, d’un ouvrage théologique (tardif il est vrai) le Livre des deux Principes 30 s’ajoutant à la restitution d’un
525 s comme dans la réflexion de millions d’individus fut et demeure le problème du Mal, tel que l’homme spirituel l’expériment
526 deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu est Amour, mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur
527 éations. En effet : Dieu est Amour, mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres
528 , mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres et du péché qui nous enserre. Sa c
529 première dans l’ordre spirituel, puis animique, a été achevée dans l’ordre matériel par l’Ange révolté, le Grand Arrogant,
530 anges, en leur disant : « Qu’il leur valait mieux être en bas, où ils pourraient faire le mal et le bien, qu’en haut, où Die
531 ivi Satan et la femme d’une beauté éclatante, ont été prises dans des corps matériels, qui leur étaient et leur demeurent é
532 ont été prises dans des corps matériels, qui leur étaient et leur demeurent étrangers. (Cette idée me paraît éclairer un sentim
533 s de la procréation et de la mort. Mais le Christ est venu parmi nous, pour nous montrer le chemin du retour à la Lumière.
534 emblable à celui des gnostiques et de Manès, ne s’ est pas vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’un homme. C’est
535 s’abstenir de tout contact avec leur femme, s’ils étaient mariés. Il semble qu’un jeûne de quarante jours34 précédait l’initiat
536 uprême de toute loi matérielle.) Le consolamentum était administré par les évêques, et comportait l’imposition des mains, au
537 paix, et la vénération des Élus (ou « purs »). Il est important de mentionner ici la vénération manichéenne s’adressant à l
538 age de son âme par un salut et un baiser. L’enfer étant la prison de la matière, Lucifer, l’ange révolté, n’y peut régner que
539 our les hommes non encore illuminés — la création sera réintégrée dans l’unité de l’Esprit originel, les pécheurs entraînés
540 Esprit originel, les pécheurs entraînés par Satan seront sauvés, et Satan lui-même rentrera dans l’obéissance du Très-Haut. Le
541 rigines. Notons enfin ce dernier trait : comme ce fut le cas pour tant de sectes et de religions orientales — jaïnisme, bou
542 mons plus chrétiens que les leurs, et leurs mœurs étaient pures… » Ce jugement rachète en partie les calomnies de l’Inquisition
543 voir aujourd’hui une caractéristique chrétienne, est en fait d’origine manichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel
544 it d’origine manichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel de le rappeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’e
545 ppeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’ est pas le corps physique, mais le tout de l’homme naturel, corps, raison
546 nt la civilisation très raffinée dont ils avaient été l’âme austère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses do
547 e culture et de ses doctrines fondamentales, nous sommes encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’espère l
548 raste avec celle où je crois pouvoir m’arrêter37, fut avancée par des esprits aventureux comme Otto Rahn38, qui l’ont, peut
549 a démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela tient à l’essence même du phénomène dont elle essaie de rendre compte : à l
550 littéraire et religieux. Les données du problème sont , en gros, les suivantes. D’une part, l’hérésie cathare et l’amour cou
551 France)39. Comment croire que ces deux mouvements soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul
552 soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne serait-ce pas plus étrange que tout ? M
553 ens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne serait -ce pas plus étrange que tout ? Mais en revanche, quelle espèce de lie
554 tres eux-mêmes cèdent à la tentation. Les églises sont désertes et tombent en ruine… Les personnages les plus importants de
555 es personnages les plus importants de ma terre se sont laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple et abandonné la foi
556 fait que je n’ose ni ne puis rien entreprendre. » Est -il imaginable que les troubadours aient vécu et chanté dans ce monde-
557 On a rétorqué à cela que les premiers troubadours sont apparus dans le Poitou et le Limousin, tandis que l’hérésie avait son
558 le comté de Toulouse. C’est oublier que l’hérésie est descendue du nord au sud, par Reims, Orléans, puis Limoges et le Poit
559 troubadours comme particulièrement accueillantes, étaient celles des seigneurs demeurés orthodoxes : mais cette observation n’e
560 rs demeurés orthodoxes : mais cette observation n’ est pas toujours exacte — il s’en faut de beaucoup, comme on va voir ! — 
561 que ces vers rendent un son « cathare » ? Mais qu’ est -ce que ce château de Fanjeaux ? L’une des maisons-mères des cathares 
562 dirigea en personne dès 1193 (notre poème pouvant être daté des environs de 1190) et c’est là qu’Esclarmonde de Foix, la plu
563 es et m’en dit honneur et louange. Et comme je ne suis pas au milieu d’elles et que je vais dans un autre pars, je me plains
564 re pars, je me plains, je soupire et je languis. Est -il vraiment possible, se demande le lecteur, d’imaginer que Peire Vid
565 se demande le lecteur, d’imaginer que Peire Vidal soit autre chose qu’un galant amuseur, un flatteur de femmes riches — cell
566 s qui forment son public ? Mais la suite du poème est troublante. Peire Vidal énumère les maisons qui l’ont bien reçu et le
567 hélas il doit quitter pour aller en Provence : ce sont les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce so
568 aurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce sont les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les chevaliers et les
569 rcassès « où les chevaliers et les femmes du pays sont courtois », et c’est aussi « Dame Louve, qui m’a si bien conquis, que
570 on cœur ! ». Or nous savons que tous ces châteaux sont des foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’hérétiques »
571 érétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés sont notoirement cathares ; et que cette « Louve » est la comtesse Stéphan
572 ont notoirement cathares ; et que cette « Louve » est la comtesse Stéphanie, dite la Loba, qui fait partie du groupe des hé
573 Ce doute et cette question renaissent à l’infini. Est -ce pure coïncidence, si les troubadours comme les cathares glorifient
574  sans toujours l’exercer — la vertu de chasteté ? Est -ce pure coïncidence si, comme les « purs », ils ne reçoivent de leur
575 expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne serait que trop facile de multiplier ces questions. Voyons plutôt les argume
576 nts adverses. Tous les troubadours, dira-t-on, ne furent pas dans le camp de l’hérésie. Plusieurs finirent leurs jours dans de
577 i passa-t-il pour un traître, jusqu’au jour où il fut accusé devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de cinq-cent
578 illeurs, quand on démontrerait, à supposer que ce fût possible en soi, que tels d’entre les troubadours ignoraient les anal
579 pas encore démontré que l’origine de ce lyrisme n’ est pas hérétique. N’oublions pas qu’ils composaient leurs coblas et leur
580 peut concevoir une poésie — même très belle — qui serait faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’
581 uns dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’ est -ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si l’on dit : ces troubad
582 de ne jamais trahir leur foi, et cela quelle que fût la mort dont ils se verraient menacés. C’est ainsi que les registres
583 e dans les cours d’amour : « Un chevalier peut-il être à la fois marié et fidèle à sa dame ? » voilà qui nous donne à penser
584 parent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils étaient les clercs, tout en servant dans leurs « pensées » une autre Dame, l’
585 e d’Auvergne fit pénitence ? Preuve de plus qu’il fut hérétique. Mais venons-en aux textes, et considérons-les dans la très
586 ait de son désir, si justement l’amour sans fin n’ était le mal qu’il aime, la « joy d’amor », le délire qui prévaut : … en f
587 e… S’il ne veut pas mourir encore, c’est qu’il n’ est pas assez détaché du désir, c’est qu’il craint de quitter son corps p
588 ois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’ est loin, plus la désire ? Et voici Guiraut de Bornheil qui prie la vrai
589 d’épreuves dans le monde. (Ces deux « copains », seraient -ce l’âme et le corps ? L’âme liée au corps, mais désirant l’esprit ?
590 eu, Seigneur, s’il vous agrée À mon copain fidèle soit aide et bienvenue Car ne l’ai plus revu depuis la nuit venue Et bient
591 e faut se séparer ? Beau doux copain, tant riche est ce séjour Que ne veux jamais plus voir aube ni jour Car la plus belle
592 our Car la plus belle fille qui de mère naquit La tient dedans mes bras, donc plus ne me soucie Ni de jaloux ni d’aube. Ce r
593 En un verger, sous une loge d’aubépine, la dame a tenu son ami dans ses bras jusqu’à ce que le guetteur ait crié : Dieu ! c’
594  encore que bien souvent le doute s’insinue — qui est -elle, femme ou symbole ? Pourquoi sont-ils tous à jurer que jamais il
595 sinue — qui est-elle, femme ou symbole ? Pourquoi sont -ils tous à jurer que jamais ils ne trahiront le secret de leur grande
596 s, accomplis en toute malice, à demander qui elle est , et quel est son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai
597 en toute malice, à demander qui elle est, et quel est son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché.
598 demander qui elle est, et quel est son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt
599 t son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle
600 ais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle est la « dame » qui mériterait ce sacrifice ? Ou ce cri de Guillaume de P
601 cri de Guillaume de Poitiers : Par elle seule je serai sauvé ! Ou cette invocation d’Uc de Saint-Circ à une Dame sans merci
602 S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée plato
603 sprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée platonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’Amour — cel
604 ers conviennent Noblesse et Merci ; et le premier est de telle élévation qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amour
605 en trois, ce principe féminin (Amor en provençal est du genre féminin) qui chez Dante va « mouvoir le ciel et toutes les é
606 nous dit ici qu’il plane « au-dessus du ciel », n’ est -ce point déjà la Divinité en soi des grands mystiques hétérodoxes, le
607 us des cieux », et dont « Noys » — de Noûs grec — est l’émanation intellectuelle et féminine ? Et d’où viendrait, sinon, l’
608 bien d’une femme réelle44 — le prétexte physique est là — mais comme dans le Cantique des Cantiques, le ton est réellement
609 mais comme dans le Cantique des Cantiques, le ton est réellement mystique. Les érudits nous ressassent leur formule : il n’
610 ris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’ est elle-même dérobée à moi, ne me laissant que mon désir et mon cœur ass
611 t, et dont les romanistes assurent que les poèmes sont « vides de pensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la m
612 ouvel An, elle me détruit et elle se damne. ⁂ Il est temps maintenant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cet
613 ition directrice de cette recherche. Si la Dame n’ est pas simplement l’Église d’Amour des cathares (comme ont pu le croire
614 ostiques (le Principe féminin de la divinité), ne serait -elle pas l’Anima, ou plus précisément encore : la part spirituelle de
615 enoncé au monde reçoit l’imposition des mains (ce sera chez les cathares le consolamentum, généralement donné à l’approche d
616 t, au moment de sa mort, la forme de Lumière, qui est son Esprit, lui apparaît et le console par un baiser ; comment son an
617  ». Il y eut aussi des dames « réelles »… Mais le furent -elles, en vérité, plus que cet événement psychique ? De l’énigme hist
618 té de l’Église hérétique, dont les poètes eussent été les agents, nous passons maintenant au mystère d’une passion propreme
619 on me dira : 1° que la religion des cathares nous est encore mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’y voir la so
620 des cathares nous est encore mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’y voir la source (ou l’une des sources prin
621 nt ; 3° qu’au contraire l’amour qu’ils exaltent n’ est que l’idéalisation ou la sublimation du désir sexuel ; 4° qu’on disti
622 à ces critiques. 1. Religion mal connue Si elle n’ était pas connue du tout, le problème du lyrisme provençal resterait totale
623 surde une poétique et une éthique de l’amour d’où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la litté
624 nes de l’hérésie. Or, si l’on se reporte à ce qui fut dit plus haut (II, 2) sur la nature essentiellement lyrique des dogme
625 it pas grand-chose pour ou contre ma thèse. Ce ne sont pas des équivalences rationnelles et exactes du dogme qu’il faut cher
626 chrétien » que l’on reconnaît chez un Baudelaire est autre chose qu’une transposition terme à terme des dogmes catholiques
627 utôt une certaine sensibilité (même formelle) qui serait inconcevable sans le dogme catholique ; à quoi s’ajoutent des élément
628 ments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine est nettement liturgique. On peut imaginer que les thèmes que nous avons
629 n spécialiste aussi sceptique que Jeanroy n’a pas été sans le remarquer. Parlant de la lyrique abstraite des troubadours du
630 -on, que figures de rhétorique sans conséquences. Soit . Mais les théories que les troubadours développaient avec une si grav
631 s développaient avec une si grave application, ne sont -elles pas aux antipodes du christianisme ? Ne devaient-ils pas s’en a
632 ie siècle une forme de conscience qui ne pouvait être la sienne. Si l’on essaie de se replacer dans l’atmosphère du Moyen Â
633 ’absence de signification symbolique d’une poésie serait un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’être à nos yeux, par e
634 it un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’ être à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de
635 oie, ni d’en prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d
636 stique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale est , dans toutes ses manifestations, saturée de représentations religieus
637 ieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaires soient -elles, dont on ne cherche constamment à établir le rapport avec la fo
638 anscendantale, l’élan vers le sublime, ne peuvent être toujours présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui était destiné
639 urs présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui était destiné à stimuler la conscience religieuse dégénère en profane banal
640 ublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il est sublime quand, par piété envers la Vierge, il rend hommage à toutes l
641 as leurs pommes. Après Noël, au temps où l’Enfant est trop jeune pour manger des fruits, Suso ne mange pas ce dernier quart
642 99). C’est dire que le « secret » des troubadours était en somme une évidence symbolique aux yeux des initiés et des sympathi
643 athisants de l’Église d’Amour. Normalement, il ne serait venu à personne cette idée, strictement moderne, que les symboles, po
644 idée, strictement moderne, que les symboles, pour être valables, dussent être commentés et expliqués d’une manière non symbo
645 ne, que les symboles, pour être valables, dussent être commentés et expliqués d’une manière non symbolique… Une objection in
646 e manière non symbolique… Une objection inverse a été faite : comment se peut-il que jamais un cathare converti n’ait dénon
647 urs de l’hérésie ? La réponse me paraît aisée. Il est clair que les troubadours n’étaient nullement considérés comme des pr
648 paraît aisée. Il est clair que les troubadours n’ étaient nullement considérés comme des prédicateurs ni comme des militants ;
649 ples sympathisants. Ces distinctions, d’ailleurs, étaient bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chanta
650 eurs, étaient bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chantaient, pour un public en majorité favorable à
651 pression de l’amour humain. »51 Le trobar clus ne serait ainsi qu’un jeu littéraire, un « tarabiscotage », « une perversion du
652 ers, qu’il s’avance et je lui dirai comment il me fut possible d’y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette ma
653 une énigme » ? On peut penser que les troubadours étaient mus par des passions moins puériles… « J’entrelace des mots rares, so
654 t Raimbaut d’Orange. Et Marcabru : « Pour sage je tiens sans nul doute celui qui dans mon chant devine ce que chaque mot sign
655 mon chant devine ce que chaque mot signifie. » Il est vrai qu’il ajoute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je suis
656 ute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je suis embarrassé pour éclaircir ma parole obscure ». Ici se poserait la plu
657 ent » symbolique des médiévaux : leurs symboles n’ étaient pas traduisibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’est donc
658 sibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’ est donc que sur le double sens allégorique que devrait porter la questio
659 ons que nous rapportent les chroniqueurs du temps sont parmi les plus folles, les plus « surréalistes » qu’ait connues l’his
660 même dogmatique à l’origine. 3. L’Amour courtois serait une idéalisation de l’amour charnel C’est la thèse la plus courante.
661 t aisée à relever : qu’à la longue, la chanson se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules
662 se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules creuses on le peut admettre. Mais au début et
663 u début et jusqu’à la fin du xiie siècle il n’en était pas ainsi : chez les poètes de cette époque, l’expression du désir ch
664 es de cette époque, l’expression du désir charnel est si vive et parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tro
665 r charnel est si vive et parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations.
666 la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il est obligé de reconnaître l’équivoque des expressions courtoises et leurs
667 ns courtoises et leurs résonances mystiques. « II est certain — doit-il avouer — que les idées religieuses d’une époque inf
668 ent que les « théories amoureuses du Moyen Âge ne sont qu’un reflet de ses idées religieuses » ? Et pourquoi vouloir à tout
669 , prince de Blaye, dit très nettement que sa Dame est une création de son esprit, et qu’elle s’évanouit avec l’aube. Ailleu
670 et que rien n’explique ». Exemples donnés : « Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est
671 Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est que tout ce que le frère me refuse, j’entends
672 car il y a d’autres sens encore que celui-ci, qui est franciscain avant la lettre). Et quant aux épithètes « réalistes » qu
673 il semblerait que toute la poésie des troubadours fût l’œuvre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette
674 vre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette expression « vive et brutale » d’un désir évidemment char
675  ? Dans la crudité de certains termes ? Mais elle était courante et naturelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument est
676 urelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument est anachronique. Voici par contre un document de poids à l’appui de la t
677 mmes. Si vous voulez faire leur conquête, dit-il, soyez brutaux, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez
678 x, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » ( est -ce assez « cru » ?), forcez-les : car c’est cela qu’elles aiment. Q
679 me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes étaient mes sœurs ; c’est pourquoi je suis envers elles humble, complaisant,
680 e si toutes étaient mes sœurs ; c’est pourquoi je suis envers elles humble, complaisant, loyal et doux, tendre, respectueux
681 et fidèle… Je n’aime rien, sauf cet anneau qui m’ est cher, parce qu’il a été au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma
682 en, sauf cet anneau qui m’est cher, parce qu’il a été au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma langue ! Car trop parle
683 venture trop : assez, ma langue ! Car trop parler est pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’a
684 leurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut) est le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle des corps. Soul
685 seut) est le signe d’une fidélité qui justement n’ est pas celle des corps. Soulignons enfin ce fait capital : que les vertu
686 ité, loyauté, respect et fidélité envers la Dame, sont ici rapportées expressément au refus de l’amour physique. Au surplus,
687 rplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs images que Béatr
688 leur Dame, Arnaut Daniel et l’Italien Guinizelli, sont placés au chant XXIV du Purgatoire dans le cercle des sodomistes !54
689 contesté. On a trop longtemps cru que la cortezia était une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait
690 déalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait excessif de soutenir que l’idéal mystique sur quoi elle se fondait à
691 éal mystique sur quoi elle se fondait à l’origine fût toujours et partout observé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltat
692 rigine fût toujours et partout observé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltation de la chasteté produit presque toujours
693 , mais par ailleurs divinisaient le sperme.55 Il est probable que des excès de ce genre se produisirent aussi chez les cat
694 stres de l’Inquisition. Notons toutefois qu’elles sont souvent contradictoires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares t
695 oires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares tiennent pour innocentes les voluptés les plus grossières, tantôt qu’ils répro
696 l, licite ou non. Mais des accusations semblables furent portées contre toutes les religions nouvelles, sans excepter le chris
697 s, sans excepter le christianisme primitif. Et il est juste de citer ici le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de
698 ), des excès sensuels. Or, si les religieux ne se sont pas tus par modestie, ce qui ne me paraît pas croyable de la part d’h
699 mes qui faisaient attention à tout, leurs erreurs étaient plutôt des erreurs d’intelligence que de sensualité. »56 Retenons d
700 passion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent
701 e mot — sont d’origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent flatter, par cela même qu’elles veulent
702 Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu être mes scrupules à l’origine — que le lyrisme courtois fut au moins insp
703 s scrupules à l’origine — que le lyrisme courtois fut au moins inspiré par l’atmosphère religieuse du catharisme57. C’est l
704 xemple dont je crois pouvoir dire que les données sont entièrement énumérables et très profondément connues (au sens total)
705 des textes connus. (Il semble bien que Freud ait été avant tout un savant ; qu’il ait soutenu une théorie de la libido ; e
706 ris une attitude déterministe : or le surréalisme fut une école littéraire avant tout ; on ne retrouve le terme de libido d
707 dans aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes sont de tendance idéaliste-anarchisante) ; 2° que les surréalistes n’ont j
708 alistes n’ont jamais dit dans leurs poèmes qu’ils étaient les disciples du freudisme ; 3° qu’au contraire la liberté qu’ils exa
709 e ; 3° qu’au contraire la liberté qu’ils exaltent est celle que devaient nier tous les psychanalystes ; 4° qu’enfin l’on di
710 siècle, comment toutes ces choses improbables se sont réellement produites ; nous savons que les initiateurs du mouvement s
711 sans lui, leurs théories et leur lyrisme eussent été tout différents ; nous savons que ces poètes n’éprouvaient nul besoin
712 fs de cette école lisent Freud : les disciples se sont bornés à imiter la rhétorique des maîtres… (Appendice 6). En outre, o
713 fournir aux savants futurs les apaisements qu’ils seront en droit d’attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur
714 éisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’ était bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’était exprimée par une po
715 était bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’ était exprimée par une poésie religieuse dont les métaphores érotiques offr
716 l prouvait de la sorte que cette double ignorance était précisément son fait. On l’excusera d’ailleurs si l’on tient compte d
717 un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme était par ailleurs très fortement pénétré de représentations mythiques iran
718 , il empruntait aux doctrines avestiques — dont s’ était inspiré Manès — l’opposition du monde de la Lumière et du monde des T
719 re et du monde des Ténèbres, dont on a vu qu’elle est fondamentale pour les cathares. Et tout cela se traduisait — tout com
720 imer que le fini. Il en résulta que les mystiques furent obligés de recourir à des symboles dont le sens restait secret. (Ains
721 it secret. (Ainsi la louange du vin, dont l’usage était interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compt
722 ymbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est d’ailleurs pas sans rapp
723 pte tenu de cette difficulté particulière — qui n’ est d’ailleurs pas sans rapport avec la situation courtoise — nous retrou
724 yer de leur vie cette accusation d’hérésie.58 Il est bien émouvant de constater que tous les termes d’une pareille polémiq
725 à la sortie du pont Chinvat et lui déclare : « Je suis toi-même ! » Or selon certains interprètes de la mystique des troubad
726 mystique des troubadours, la Dame des pensées ne serait autre que la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi.
727 . VIII du Livre Ier ). c) Le Familier des Amants est construit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différent
728 le que l’on apprend la magie ». (L’Iseut celtique était aussi une magicienne, « objet de contemplation, spectacle mystérieux 
729 esclave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe
730 ou’m. Quand Nou’m me gratifie d’un regard, cela m’ est égal que Sou’da ne soit pas complaisante.59 « Nou’m » est le nom c
731 atifie d’un regard, cela m’est égal que Sou’da ne soit pas complaisante.59 « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme
732 e Sou’da ne soit pas complaisante.59 « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme aimée, et signifie ici Dieu. Or les
733 er des personnages historiques… e) La salutation est le salut que l’initié voulait donner au Sage, mais que celui-ci, prév
734 leur foi. À l’interrogation d’un impatient : « Qu’ est -ce que le soufisme ? » Al-Hallaj répond : « Ne t’attaque pas à Nous,
735 ans le sang des amants. » De plus, les indiscrets sont soupçonnés d’intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les ama
736 crets sont soupçonnés d’intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les amants à l’autorité orthodoxe, c’est-à-dire qui
737 asser en affirmant que les amants du xiie siècle tenaient énormément au secret de leurs liaisons (ce qui les distinguerait, san
738 cles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn Al Faridh : Le repo
739 des Arabes. Ibn Al Faridh : Le repos de l’amour est une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort. Pour moi
740 in la mort. Pour moi cependant la mort par amour est une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celu
741 ir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des êtres contingents et le tourment de la matière ; mais la mort, c’est la nui
742 ’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’ Être absolu. Aussi Moïse est-il pour les mystiques arabes le symbole du pl
743 imé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est -il pour les mystiques arabes le symbole du plus grand Amant, puisqu’e
744 ie illuminative d’un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait été le martyre religieux au sommet de la joy d’amour : Al-Hallaj se rend
745 dait au supplice en riant. Je lui dis : Maître qu’ est cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à
746 ui dis : Maître qu’est cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à elle les amoureux.60 ⁂ On sa
747 ureux.60 ⁂ On sait enfin que l’amour platonique fut révéré par une tribu dont le prestige était grand dans le monde arabe
748 tonique fut révéré par une tribu dont le prestige était grand dans le monde arabe, celle des Banou Odrah où l’on mourait d’am
749 «  Celui qui aime, qui s’abstient de tout ce qui est interdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de son secret, cel
750 ourire. De Bagdad à l’Andalousie, la poésie arabe est une, par la langue et l’échange continu. L’Andalousie touche aux roya
751 t du lyrisme andalou aux xe et xie siècles nous est aujourd’hui bien connu. La prosodie précise du zadjal est celle-là mê
752 urd’hui bien connu. La prosodie précise du zadjal est celle-là même que reproduit le premier troubadour, Guillaume de Poiti
753 l’influence andalouse sur les poètes courtois ne sont plus à faire61. Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’A
754 s peine à deviner de quel côté des Pyrénées elles furent écrites. La cause est entendue. Mais voici ce qui m’importe. L’on ass
755 côté des Pyrénées elles furent écrites. La cause est entendue. Mais voici ce qui m’importe. L’on assiste au xiie siècle d
756 , ni dans le parler vulgaire. La poésie courtoise est née de cette rencontre. Et c’est ainsi qu’au dernier confluent des «
757 nière de beaucoup d’historiens pour qui le réel n’ est défini que par des documents écrits. J’irai maintenant un peu plus lo
758 re approfondir, tout en la précisant autant qu’il est possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la croi
759 ologiques : saint Bernard de Clairvaux et Abélard sont les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation.
760 res. En revanche, beaucoup professent que l’homme étant divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable —
761 e nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye d
762 m de Flore annonce que l’Esprit-Saint, dont l’ère est imminente, s’incarnera dans une Femme. Tout cela se passe dans la réa
763 Et les ordres monastiques qui apparaissent alors sont des répliques aux ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de
764 es répliques aux ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent un
765 re de la manière la plus précise : « Si Marie eût été conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jé
766 conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’ être rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une né
767 Enfin, voici un dernier trait dont on verra qu’il est tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au
768 ste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens est d’autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide,
769 autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide, la puissance du père plus assurée, et le dieu dont le pè
770 nce du père plus assurée, et le dieu dont le père tient ses pouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société
771 sée ; où la puissance divine se divise elle-même, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-dée
772 , soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte, soit enfin comme dans le m
773 , soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte, soit enfin comme dans le manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit et
774 fin comme dans le manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit et un Démiurge qui domine la matière et la chair. La compu
775 à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’ être virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de
776 ttéralement un enthousiasme libérateur unifiant l’ être , le « consolant »65. 3. Une illustration. — Au xiie siècle, l’on ass
777 èche. Du côté cathare, le mariage et la sexualité sont condamnés sans rémission par les Parfaits ou « consolés », mais demeu
778 té des hérétiques. Du côté catholique, le mariage est tenu pour sacrement, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’i
779 es hérétiques. Du côté catholique, le mariage est tenu pour sacrement, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’intérê
780 et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il soit tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’a
781 nt célébrée par les mêmes hommes qui persistent à tenir la sexualité pour « vilaine » ; et nous voyons souvent dans le même p
782 Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le ma
783 étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le mariage était condamné par leur Église. Beaucoup de
784 — bien qu’elles fussent mariées — que le mariage était condamné par leur Église. Beaucoup de troubadours —  cela n’est pas d
785 ar leur Église. Beaucoup de troubadours —  cela n’ est pas douteux — étaient cathares ou, du moins, très au courant des idée
786 aucoup de troubadours —  cela n’est pas douteux — étaient cathares ou, du moins, très au courant des idées qui étaient dans l’a
787 hares ou, du moins, très au courant des idées qui étaient dans l’air depuis deux-cents ans. Dans tous les cas, ils chantaient p
788 un antipode spirituel au mariage où elles avaient été contraintes. » Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas qu
789 es. » Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’ est pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude rée
790 ure normale, à laquelle la culture et la religion seraient venues surajouter leurs faux problèmes… Cette illusion touchante peut
791 as à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes , sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion prop
792 fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles furent tantôt des artifices cruels, tantôt des rites sacrés ou des gestes ma
793 ent les dieux (en premier lieu Shiva et Bouddha)… est fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse et Mère… Le dynamism
794 on de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme est commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moyen Âge indien…
795 rants mystiques du Moyen Âge indien… Le tantrisme est par excellence une technique, bien que fondamentalement il soit une m
796 lence une technique, bien que fondamentalement il soit une métaphysique et une mystique… La méditation éveille certaines for
797 li mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données par le text
798 dra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données par le texte fon
799 ue. Mais la plupart des textes qui la décrivent «  sont écrits dans un langage intentionnel, secret, obscur, à double sens, d
800 à double sens, dans lequel un état de conscience est exprimé par un terme érotique »69 — ou l’inverse aussi bien. À tel po
801 point « qu’on ne peut jamais préciser si maithuna est un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but
802 plement une allégorie ». De toute manière, le but est le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et
803 ’arrêt non du plaisir mais de son effet physique, est utilisée comme expérience immédiate pour obtenir l’état nirvanique. «
804 ’amante synthétise toute la nature féminine, elle est mère, sœur, épouse, fille… elle est le chemin du salut »70. Ainsi le
805 éminine, elle est mère, sœur, épouse, fille… elle est le chemin du salut »70. Ainsi le tantrisme apporte cette nouveauté qu
806 hé et de la mort : l’acte sexuel »71. Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive,
807 sexuel »71. Mais l’acte est toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe
808 e. l’arrêt séminal »72. Des pratiques similaires sont prescrites par le taoïsme, mais en vue de prolonger la jeunesse et la
809 ès le début du xiie siècle, ces « lois d’Amour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Service, Prouesse,
810 mour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Service, Prouesse, Longue Attente, Chasteté, Secret et Merci,
811 et Merci, et ces vertus conduisent à la Joie, qui est signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courto
812 abe Ibn Dawoud disait : « La soumission à l’aimée est la marque naturelle d’un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celu
813 érente : J’ai une amie, mais je ne sais qui elle est , car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’aime fort… Nulle joie
814 ion de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’ est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et Prouesse, ell
815 rice du désir dominé par Mesure et Prouesse, elle est aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraî
816 eront ce que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’ est plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend
817 alanson : Dans le palais où elle siège (la Dame) sont cinq portes : celui qui peut ouvrir les deux premières passe aisément
818 ères passe aisément les trois autres, mais il lui est difficile d’en sortir, il vit dans la joie, celui qui peut y rester.
819 là n’entrent ni vilains ni malotrus, ces gens-là sont logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Ce
820 vers le commentaire suivant : « Les cinq portes sont Désir, Prière, Servir, Baiser et Faire, par où Amour périt. » Les qua
821 et Faire, par où Amour périt. » Les quatre degrés sont « honorer, dissimuler, bien servir, patiemment attendre »76. Quant à
822 qui couve Faux Amour ». (Et en effet, le diable n’ est -il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon
823 on le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour sont les « homicides, traîtres, simoniaques, enchanteurs, luxurieux, usuri
824 x abbés, fausses recluses et faux reclus »77. Ils seront détruits, « soumis à toute ruine », et tourmentés en enfer. Noble Am
825 urmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là sera la lamentation des désespérés. Ah ! noble Amour, sourc
826 . Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là sera la lamentation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par
827 e Amour, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie merci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-
828 meurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne sois retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me tiens pour ton prisonn
829 is retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me tiens pour ton prisonnier et, réconforté par toi sur toutes choses, j’espèr
830 nforté par toi sur toutes choses, j’espère que tu seras mon guide. Enfin, contre certains des troubadours qui sans doute abu
831 pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames sont dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’un grand nombre abandonnen
832 Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. » Quelles que soient les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu co
833 eulement pour chanter ce que l’on pourrait encore tenir , chez les troubadours du Midi, pour une pure fantasmagorie sentimenta
834 ur sur certains faits que la « science sérieuse » tient aujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourri
835 La Pancha Tantra, recueil de contes bouddhistes, fut traduite au vie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Cho
836 arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat est encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’hi
837 t adopter le christianisme, dont les mystères lui sont communiqués par le « bonhomme » Barlaam. La version qui nous est rest
838 par le « bonhomme » Barlaam. La version qui nous est restée, en provençal du xive siècle, quoique orthodoxe dans les gran
839 et plus proche de l’original. Que cette hypothèse soit un jour vérifiée ou non, il n’en reste pas moins que l’origine manich
840 este pas moins que l’origine manichéenne du Roman est attestée par les fragments de son texte original (en langage ouigour
841 awhar va Budhâsaf » (var. Yudhâsaf). Innombrables sont les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai
842 tes arabes, homosexuels pour la plupart, comme le furent plusieurs troubadours. Il s’exprime dans des termes qui seront repris
843 urs troubadours. Il s’exprime dans des termes qui seront repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous s
844 s le goût des petites cours du Moyen Âge. Il peut être purement rêvé, et beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’un tou
845 Tout cela me paraît vraisemblable, tout cela peut être « vrai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs ma
846 quête à laquelle je viens de me livrer, et compte tenu des objections les plus sensées que firent à ma thèse minima les part
847 de mes premières constatations : l’amour courtois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il
848 u Nord et du Midi. Il semble bien que la question soit actuellement résolue : c’est bien le Midi roman qui a donné son style
849 de l’amour courtois79. Chrétien de Troyes déclare tenir le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne,
850 mpagne, célèbre par sa cour d’amour où le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrit
851 ait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la
852 e Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se
853 uscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largeme
854 ns. Nous avons vu que la religion druidique, d’où sont issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doctrine d
855 gir d’anciennes traditions autochtones, elle n’en était pas moins pour les trouvères une chose apprise : d’où les erreurs qu’
856 ’où les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il est d’ailleurs extrêmement délicat de préciser les causes et l’importance
857 les causes et l’importance exacte de ces erreurs. Est -ce un défaut d’initiation ? Est-ce une tradition imparfaite ? Ou enco
858 e de ces erreurs. Est-ce un défaut d’initiation ? Est -ce une tradition imparfaite ? Ou encore une tendance hérétique au sei
859 , bornons-nous à remarquer que les romans bretons sont tantôt plus « chrétiens » et tantôt plus « barbares » que les poèmes
860 rbares » que les poèmes des troubadours, dont ils sont cependant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savon
861 vons dans quelle mesure il a voulu que ses romans fussent des chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Pélada
862 j’inclinerais à le penser). Toutes les hypothèses sont permises en l’absence de documents dont on voit bien pourquoi ils fon
863 sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en soit , Chrétien de Troyes a notablement déformé la signification des mythes
864 oïde, femme du Castis, chez Wolfram d’Eschenbach, serait le comte Ramon Roger Trencavel, fils d’Adélaïde de Carcassonne et d’A
865 il penser, avec un transcripteur moderne, qu’« il est fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’était pas instruit du sen
866 l est fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’ était pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il r
867 rnement romanesque et la chronique réelle ? Si ce fut le cas, il n’y réussit que trop bien, puisque Robert de Boron, son co
868 ate de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie sont évidents, si saugrenues que puissent paraître les interprétations que
869 donne l’auteur lui-même, après chaque épisode. Il est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine
870 se. « Je vous dirai la signifiance de ce qui vous est advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous avez dédaignée
871 ie de droite que vous avez dédaignée au carrefour était celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; c
872 où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche était la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer
873 de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’ est répandue l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’étaient en s
874 e l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’ étaient en somme que des amuseurs un peu niais, dont le succès demeure incomp
875 us ferait voir au contraire que la vraie barbarie est dans la conception moderne du roman, photographie truquée de faits in
876 ignifie », dans ces aventures merveilleuses, tout est symbole ou délicate allégorie, et seuls les ignorants s’arrêtent à l’
877 , non avertis. Mais quand bien même les trouvères seraient inférieurs aux troubadours dans la connaissance mystique, ils n’ont p
878 hrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’amour, comme on le répète, mais de véritab
879 nitiale que Lancelot ne trouvera pas le Graal, et sera cent fois humilié quand il errera dans la voie céleste. Il a choisi l
880 voie terrienne, il a trahi l’Amour mystique, il n’ est pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sauvages » comme Bohor
881 erceval et Galaad parviendront à l’initiation. Il est clair que la description de ces errements et de leurs punitions exige
882 a simple chanson. Dans Tristan, la faute initiale est douloureusement rachetée par une longue pénitence des amants. C’est p
883 ens que la part épique — combats et intrigues — y est réduite au minimum, tandis que le développement tragique de la doctri
884 e et simple du récit. Mais en même temps, Tristan est le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve inc
885 nne des éléments de religion brittonique : elle s’ est formée dans un pays chrétien, romanisé, puis colonisé par les Irlanda
886 , puis colonisé par les Irlandais »85. Le miracle est cependant attesté par un grand nombre d’incidents mis en œuvre par Bé
887 re, le pouvoir poétique de ces éléments religieux était tel qu’on s’explique assez bien leur survivance, même dans un monde q
888 es morts. Ce héros, Bran, Cuchulainn, ou Oisin, «  est attiré par une mystérieuse beauté : il s’embarque sur une barque magi
889 mort les précède, empêchant leur réunion « car il était prédit par les druides qu’ils ne se rencontreraient pas dans leur vie
890 après la mort, pour ne jamais se séparer »87. Il serait aisé de multiplier ces comparaisons littéraires. Mais certains traits
891 ppelle que Tristan, après la mort de ses parents, fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était fréquent, chez les
892 fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était fréquent, chez les plus anciens Celtes, que l’on confiât les enfants
893 généralement du nom anglo-normand de fosterage s’ est maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfants confiés à des
894 ourricier… On recherchait comme pères nourriciers soit les membres de la famille maternelle, soit… des druides. »88 Trista
895 iciers soit les membres de la famille maternelle, soit … des druides. »88 Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devie
896 ouvent jusqu’à cinquante fils juridiques (le lien était donc assez faible), et surtout le fait que l’inceste était assez bien
897 c assez faible), et surtout le fait que l’inceste était assez bien toléré chez les Celtes, comme l’attestent de nombreux docu
898 d’Hubert : à savoir que la mythologie celtique s’ est transmise au cycle courtois non par des voies proprement religieuses,
899 lus clair et le plus précieux du génie celtique s’ est incorporé à l’esprit européen. (Hubert, II, p. 336.) Ce « son particu
900 rendre à sa moderne transcription de la légende, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler
901 blimation religieuse de la femme par les druides) est avant tout l’amour sensuel89. Le fait que dans certaines légendes cet
902 tériques, aide à comprendre que le fond breton se soit si aisément adapté au symbolisme du roman courtois. Mais cette analog
903 our son nom et pour sa beauté, car, quelle qu’eût été sa beauté sans ce nom, quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le dési
904 lle qu’eût été sa beauté sans ce nom, quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ains
905 ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peine
906 rment. » Du seul fait qu’Iseut aux blanches mains est devenue sa femme légitime, il ne doit plus et ne peut plus la désirer
907 il n’eût méprisé le bien qu’il a, s’il n’eût pas été le sien : son cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est cont
908 on cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa rech
909 st contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa recherche, pensant toujours trouver mieux, parce qu’il n’a
910 enfin la fantaisie individuelle des poètes : tels sont donc en fin de compte les éléments sur lesquels la doctrine hérétique
911 cette métamorphose : il nous échappe doublement, étant poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’où vient le mythe
912 ement conscient de ses implications théologiques, fut le fait de Gottfried de Strasbourg, vers le début du xiiie siècle. G
913 sbourg, vers le début du xiiie siècle. Gottfried était un clerc, qui lisait le français (il cite souvent des vers de Thomas
914 e » qui la compense. Angoisse : l’instinct sexuel est ressenti comme un destin cruel, une tyrannie ; orgueil : cette tyrann
915 in cruel, une tyrannie ; orgueil : cette tyrannie sera conçue comme une force divinisante — c’est-à-dire dressant l’homme co
916 s dans un au-delà de toute morale, qui ne saurait être que divin. Ainsi le philtre à la fois rive à la sexualité, qui est un
917 nsi le philtre à la fois rive à la sexualité, qui est une loi de la vie, et contraint à la dépasser dans un hybris libérate
918 riage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne fut pas « blanc », mais consommé. Son long poème inachevé — il nous en re
919 rs, mais la mort des amants, quoique annoncée, ne fut jamais écrite — est à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux
920 amants, quoique annoncée, ne fut jamais écrite — est à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Tho
921 gende sans auteur.91 a) Le « jugement de Dieu » est une coutume barbare, mais l’Église l’admettait au xiie siècle et ven
922 tée au rouge : seuls les menteurs ou les parjures étaient brûlés. On sait qu’Iseut, soupçonnée de trahir sa fidélité au roi Mar
923 eil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais été dans les bras d’un autre homme que son mari, si ce n’est, ajoute-t-el
924 s les bras d’un autre homme que son mari, si ce n’ est , ajoute-t-elle en riant, dans les bras du pauvre passeur qui vient de
925 t intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce fut ainsi chose manifeste et avérée devant tous que le très vertueux Chri
926 e chacun, à la sincérité comme à la tromperie… Il est toujours ce que l’on veut qu’il soit. »92 L’allusion au « cœur » est
927 tromperie… Il est toujours ce que l’on veut qu’il soit . »92 L’allusion au « cœur » est nettement dirigée contre Bernard de C
928 l’on veut qu’il soit. »92 L’allusion au « cœur » est nettement dirigée contre Bernard de Clairvaux, dont les écrits étaien
929 igée contre Bernard de Clairvaux, dont les écrits étaient si familiers au poète qu’il imite bien souvent leur dialectique de la
930 ans cet ordre le mariage. b) La Minnegrotte nous est décrite comme une église, avec une science réelle du symbolisme litur
931 ond avec l’esprit en unité transcendantale. Et ce sont les amants, non les croyants, qui vont être divinisés par la « consom
932 Et ce sont les amants, non les croyants, qui vont être divinisés par la « consommation » (spirituelle ou physique ? l’ambigu
933 pisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui sera celle des grands mystiques du xiiie et du xviie siècle : les trois
934 es trois voies purgative, illuminative et unitive sont ici très précisément préfigurées, quoique infléchies ou inverties par
935 nent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en sommes pas sortis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d’objet. Mais
936 plus d’objet. Mais on peut poser des repères. Il est bien évident que Gottfried de Strasbourg utilise à son gré la « matiè
937 encore si elle ne lui a pas coûté la vie. Mais il est non moins clair que le cadre du roman, son intrigue et ses thèmes dir
938 semblent confondre avec la « science ». Tristan est un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichéen qu
939 ndiscutablement manichéen que la Divine Comédie n’ est thomiste. Il reste que Gottfried explicite la légende d’une manière
940 rd. Même si l’on ignorait que la source de Wagner fut le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’établirait :
941 t, du temps, de l’espace et du malheur terrestre, est emprunté presque littéralement à divers passages du poème95. Mais bie
942 rtient au démon. Tout ce qui dépend de son empire est donc voué à la nécessité, et les corps sont voués au désir, dont le p
943 empire est donc voué à la nécessité, et les corps sont voués au désir, dont le philtre d’amour symbolise l’inéluctable tyran
944 amour symbolise l’inéluctable tyrannie. L’homme n’ est pas libre. Il est déterminé par le démon. Mais s’il assume son destin
945 inéluctable tyrannie. L’homme n’est pas libre. Il est déterminé par le démon. Mais s’il assume son destin de malheur jusqu’
946 ns n’avaient pas voulu dire, ou pas su dire, et s’ étaient curieusement contentés d’illustrer en actions romanesques : la nostal
947 ontradiction tragique entre le Bien — qui ne peut être que l’Amour — et le Mal triomphant dans le monde créé. Ce que Wagner,
948 ’un Bédier. 14.Premières conclusions Compte tenu du changement de registre qui s’opère dans les expressions poétiques
949 ubadours au Nord plus barbare des trouvères, nous sommes en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas e
950 ’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il est temps de tirer la conclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe
951 onclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe fut réellement au xiie siècle, date de son apparition, une religion dans
952 sée de nos jours par les romans et par le film, n’ est rien d’autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’u
953 que dans nos vies privées. La mystique d’Occident est une autre passion dont le langage métaphorique est parfois étrangemen
954 st une autre passion dont le langage métaphorique est parfois étrangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grande
955 lui de l’amour courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie des laïcisations du mythe, ou comme je préfère
956 19. Droit d’user et d’abuser des esclaves, qui ne sont pas des « personnes » pour le droit romain : persona est sui iuris ;
957 des « personnes » pour le droit romain : persona est sui iuris ; servus non est persona. 20. J. Ortega y Gasset, Über die
958 droit romain : persona est sui iuris ; servus non est persona. 20. J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 21. Ceci n’est pas
959 . J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 21. Ceci n’ est pas une boutade, on le verra bien par la suite. Le premier couple d’a
960 er couple d’amants « passionnés » dont l’histoire soit venue jusqu’à nous, c’est Héloïse et Abélard dont la rencontre se sit
961 e non point Dieu, mais le diable. 34. Ce chiffre est archétypique. Jésus est demeuré quarante jours au Désert. Les Hébreux
962 e diable. 34. Ce chiffre est archétypique. Jésus est demeuré quarante jours au Désert. Les Hébreux ont erré pendant quaran
963 ans entre l’Égypte et la Terre promise. Le Déluge est provoqué par une pluie de quarante jours. Dans le tantrisme bouddhiqu
964 tantrisme bouddhique, le « service » de la Femme est divisé en épreuves de quarante jours. Les contagieux sont mis en quar
965 isé en épreuves de quarante jours. Les contagieux sont mis en quarantaine, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve.
966 ieux sont mis en quarantaine, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve. 35. L’expression de « parfaits » ne se trouv
967 shommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir été utilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits » serait ironique.
968 ilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits » serait ironique. 36. Voir l’excellent ouvrage de Fernand Niel, Montségur, l
969 a montagne inspirée, 1955. « Si Montségur n’a pas été le château du Graal [comme l’affirmait Rahn] aucun autre en Europe ne
970 adversaires les plus virulents de cette hypothèse sont ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le choc émotif profond pr
971 1160. Mais dès 1145, selon Borst, le catharisme s’ est répandu de la Bulgarie à l’Angleterre ! Le nom apparaît cette année-l
972 pendant, un grand nombre de femmes de la noblesse étaient cathares, et les troubadours leur dédiaient leurs chansons ! 41. Déo
973 mot « vraie » devant Dieu, Lumière, Foi, Église, est tenu par certains (dont Péladan et Rahn) pour un indice probable de c
974 « vraie » devant Dieu, Lumière, Foi, Église, est tenu par certains (dont Péladan et Rahn) pour un indice probable de cathar
975 n significative pour l’initié. 43. Les « aubes » étaient un genre régulier. On conçoit sa nécessité dans une vision du monde d
976 badour, de basse extraction sociale en général, s’ est épris de la femme d’un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se v
977 xhalé dans ses poèmes cette même plainte ? Rien n’ est trop haut pour lui, c’est évident, s’il ne s’agit que de ce monde. En
978 nces entre doctrine cathare et poétique courtoise sont précises. Lucie Varga, dans une étude sur Peire Cardenal (ou Cardinal
979 , l’un des derniers troubadours (« Peire Cardenal était -il hérétique ? », Revue d’Histoire des Religions, juin 1938) va jusqu
980 adours, II, p. 306. 49. Par exemple, le médiéval serait trop « naïf » pour étudier une matière qu’il jugerait absurde, c’est-
981 Depuis quand ? Rudel utilisait ce procédé, et il est de la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première gé
982 onc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous tenons ici un bel exemple d’anachronisme tendancieux. On veut à tout prix qu
983 n veut à tout prix que le langage des troubadours soit le langage naturel de l’amour humain, transposé à l’amour divin. Alor
984 Alors qu’historiquement, c’est le contraire qui s’ est produit. 52. Un amoureux peu lettré qui écrit à sa fiancée des épîtr
985 e crois qu’ici encore, au moins à l’origine, tout est symbole religieux ou féodal, autant ou plus que traduction de relatio
986 ment, dans le plan sexuel, des déviations dont il serait difficile de nier que certains troubadours n’aient pas été victimes.
987 cile de nier que certains troubadours n’aient pas été victimes. 55. Textes traduits et commentés dans Wolfgang Schultz, Do
988 llaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement est le crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amour physique, p
989 , comme un aimant, le foyer de lumière dont elles sont venues. » 59. « C’est lui l’amour… » trad. Dermenghem, Hermès, décem
990 duction du Collier de la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ensemble, Hi
991 que les réfutations les plus virulentes qui aient été publiées portaient beaucoup moins sur cette thèse que sur sa réductio
992 à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catha
993 ication tout à fait abusive, dont mes adversaires sont plus responsables que moi — en dépit de certaines imprudences d’expre
994 dépit de certaines imprudences d’expression. (Ce sont elles, par malheur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’
995 atholique d’avoir inverti le nom même du Dieu qui est Amour. 64. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne d
996 beauté rythmique par cette double trahison. Qu’il soit bien entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 75. N
997 Sahajiyâ. Cette interprétation de Guiraut Riquier est exacte. On peut s’en assurer en lisant Ælius Donatus (commentaire sur
998 à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’amour peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, jusqu’à la Renai
999 le retrouve chez Marot et Ronsard. Les variations sont très légères. Mais en 1510, Jean Lemaire de Belges écrit dans son Ill
1000 ler, l’attouchement, le baiser, et le dernier qui est plus désiré, et auquel tous les autres tendent pour leur finale résol
1001 on de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois est clair. Et non moins le sens donné à mercy, que plusieurs auteurs assi
1002 xotérique » le plus complet que nous connaissions fut rédigé au commencement du xiiie siècle : c’est le De arte honeste am
1003 Graal aux rites secrets du culte d’Adonis. Ce qui est certain, c’est qu’un symbole comme celui du roi pêcheur (Amfortas che
1004 d’Eschenbach, « le roi Pescière » chez Chrétien) est commun aux orphiques, aux manichéens, et même aux premiers chrétiens 
1005 elon les cultes. Je ne pense pas qu’on doive s’en tenir à une seule interprétation. Il s’est produit toute une série de fusio
1006 doive s’en tenir à une seule interprétation. Il s’ est produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 82.
1007 » que les chevaliers du Graal doivent traverser n’ est autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenne, pont jeté sur
1008 rs), René Nelli formule quelques observations qui seront utilement rapprochées du chap. 10 de ce livre II : « Cette magie érot
1009 vres charnelles, sauf « l’acte »… L’amour contenu est bien le moteur intérieur de cette Quête, qui a bien tous les caractèr
1010 France, juin 1938). Le Tannhäuser du xvie siècle est une tardive adaptation allemande de légendes irlando-écossaises ; il
1011 toises. Le Montsalvat des chastes (ou cathares) y est remplacé par le Venusberg ! 90. Le Tristan et Iseut de Thomas, tradu
1012 abondance de « preuves scientifiques » dont je m’ étais fort bien passé en écrivant la première édition de ce livre, mais qui
1013 la « purgatio » de l’instinct tyrannique ne peut être obtenue qu’en cédant d’abord à l’instinct, mais en vue d’arriver à l’
5 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre III. Passion et mystique
1014 mystique, plus ou moins consciente et précise. Il est certain que ce seul exemple n’autorise pas à des conclusions générale
1015 er un problème que le xixe siècle matérialiste s’ était cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, j
1016 r au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne suis pas très sûr que ce problème comporte une solution définitive et simp
1017 avoir dans quelle mesure ce rapprochement ne nous est pas suggéré par la seule nature du langage. On a remarqué depuis long
1018 tière analogie des réalités qu’ils désignent ? Ne sommes -nous pas jusqu’à un certain point victimes d’une illusion verbale ? d
1019 te de « calembour continué » ? Quand bien même ce serait le cas, le problème ressurgit ailleurs. Marquons tout de suite ce qui
1020 drait plus rien au mythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l
1021 ythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus el
1022 m de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle est forte, moins elle se montre difficile quant aux objets qui peuvent la
1023 . Mais nous voyons ici une passion dont la nature est justement de refuser tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir.
1024 qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne sommes donc pas en présence d’une faim, mais bien d’une intoxication. Et l’o
1025 reuves les plus convaincantes, que tout intoxiqué est un mystique qui s’ignore96. Or, qu’elle soit physique, ou morale, tou
1026 xiqué est un mystique qui s’ignore96. Or, qu’elle soit physique, ou morale, toute intoxication suppose l’intervention d’un a
1027 ue Nous avons constaté que le Roman de Tristan est , à bien des égards, une première « profanation » de la mystique court
1028 , soufisme). La mythification a trop bien réussi, soit que Béroul, Thomas, et leur prédécesseur n’aient pas toujours très bi
1029 ien saisi l’enseignement courtois dans sa pureté, soit qu’ils aient été entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au
1030 nement courtois dans sa pureté, soit qu’ils aient été entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au sens moderne et
1031 ue ceux du Midi. Le caractère distinctif du Roman est en effet de reposer sur une faute contre les lois d’amour courtois, p
1032 nt de la pure tradition cathare, d’autres peuvent être rapprochés d’une expérience mystique plus générale, et qu’on retrouve
1033 u, selon les auteurs de la légende. Et la faute n’ est pas dans l’amour, mais dans sa « réalisation »… ⁂ Si délicate et péri
1034 épée symbolique du défi à la société constituée ! Est -il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur « amour mortel » ? Po
1035 ne se veulent responsables de rien, leur passion étant inavouable tant aux yeux de la société (qui la réprouve comme un crim
1036 crilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’ est pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachètera la faute com
1037 aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’ être né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final
1038 parfois étrangement confondues dans le Roman, il est toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réell
1039 e). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier était orendroit avec nous, je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien
1040 — et de la mystique en général — paraît ici. « On est seul avec tout ce qu’on aime », écrira plus tard Novalis, ce mystique
1041 observation purement psychologique : la passion n’ est nullement cette vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle est
1042 vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle est , bien au contraire, une sorte d’intensité nue et dénuante, oui vraime
1043 ors le monde s’évanouit, « les autres » cessent d’ être présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tiennent
1044 l n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tiennent , ni terre ni ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime. « Nous av
1045 irs, ni liens qui tiennent, ni terre ni ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime. « Nous avons perdu le monde, et le m
1046 a Croix ? « Éloigne les choses, amant ! — Ma voie est fuite. » Et Thérèse d’Avila disait, plusieurs siècles avant Novalis,
1047 êt les formes les plus rudimentaires ? Certes, ce serait une sorte de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’une pas
1048 sion d’amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mystica des « parfaits ». C’est alors le contenu des é
1049 urs souffrances. Plus la lumière et l’amour divin sont vifs, plus l’âme se voit souillée et misérable en sorte qu’ « elle se
1050 uillée et misérable en sorte qu’ « elle se figure être persécutée par Dieu comme son ennemie ». Cette impression provoque un
1051 Dieu, m’as-tu fait contraire à toi-même, pourquoi suis -je devenu à charge à moi-même ? »98 Or il ne s’agit plus ici des souf
1052 s de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’ est qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique courtois
1053 s plus apparemment « mystiques » du Roman doivent être interprétées — si l’on ne veut pas errer gravement — à partir de l’am
1054 our : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’ est loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follemen
1055 our n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame ». La psychologie la plus simple rendrait compte
1056 ne nécessité tout intérieure de la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amo
1057 la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre
1058 ces. Mais nous savons que c’est la souffrance qui est le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situati
1059 il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la tiendra un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le « mariage blanc » avec l
1060 éternelle fidélité et du secret. La soumission ne sera donc qu’apparente. Et le jugement par le fer rouge qu’exige la reine,
1061 e jugement par le fer rouge qu’exige la reine, ce sera sa vengeance contre le Dieu du roi, deux fois trompé. ⁂ Pour extérieu
1062 trompé. ⁂ Pour extérieures et formelles qu’elles soient , de telles correspondances ne sauraient être, en toute honnêteté, réd
1063 es soient, de telles correspondances ne sauraient être , en toute honnêteté, réduites à des coïncidences. Mais si les formes
1064 , réduites à des coïncidences. Mais si les formes sont pareilles, il importe de définir en quoi les contenus restent incompa
1065 uoi les contenus restent incompatibles, et quelle est la nature de l’abus qui par la suite a voulu les confondre. L’on pour
1066 n la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne serait qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à venir —, les sim
1067 militudes mystiques que nous venons de dégager ne seraient plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je n
1068 Je ne songe pas à nier cet aspect du problème, il sera traité en son lieu. Mais je crois qu’il y a bien autre chose. Car s’i
1069 bien autre chose. Car s’il n’y avait que cela, ce serait alors tout l’arrière-plan religieux de la légende qu’il faudrait nier
1070 istorique. On reviendrait donc à zéro pour ce qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’être un roman courtois ; ou
1071 qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’ être un roman courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’i
1072 n courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’ être ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoi
1073 u bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’il fut , pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il fu
1074 ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il fut . C’est autant dire qu’on ne comprendrait plus rien à rien. Encore une
1075 s’ensuivait — théoriquement — que l’amour profane était le malheur absolu, l’attachement impossible et condamnable à la créat
1076 faite ; tandis que pour le chrétien l’amour divin est un malheur recréateur. Loin de nier l’amour profane, il aboutit à le
1077 et non son apaisement heureux. Plus leur passion est vive et plus elle les détache des choses créées, et plus facilement i
1078 d’aliment des créatures ; et de cette façon, elle est remplie d’obscurité, et destituée des objets que les passions lui pré
1079 m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’ est elle-même dérobée à moi, ne me laissant rien que mon désir et mon cœu
1080 damnation des créatures. Maître Eckhart, que l’on tient cependant — à tort peut-être — pour platonicien, sait dire en termes
1081 n, sait dire en termes magnifiques que l’âme pure est le lieu de rédemption des créatures dénaturées par le péché. « Toutes
1082 « Toutes les créatures passent de leur vie à leur être . Toutes les créatures se portent dans ma raison afin d’être en moi ra
1083 es les créatures se portent dans ma raison afin d’ être en moi raisonnables. Moi seul, je ramène toutes les créatures à Dieu.
1084 ux. Mais il faut indiquer la dernière limite, qui est celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le
1085 l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphèr
1086 on est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphère celtique de l’orgueil chevaleresque : c’est l
1087 chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui est le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il a
1088 L’on s’aperçoit, à cette limite, que la prouesse était le signe matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques
1089 nisation. Les vrais mystiques, tout au contraire, sont la prudence même, la rigueur même, l’obéissance même dans la lucidité
1090 ’obéissance même dans la lucidité. Si « la mort m’ est un gain », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’est incarné,
1091 Si « la mort m’est un gain », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’est incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chr
1092 n », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’ est incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chrétien ne se jette pas dans
1093 saint Jean de la Croix, et cela « parce qu’il se tient au centre de son humilité ». 3.Transpositions curieuses, mais inév
1094 e, par la suite, le lecteur ignorant des mystères fut presque fatalement amené à transposer dans notre vie profane toutes c
1095 ofane toutes ces allégories trop bien voilées. Il est facile d’imaginer le processus. Saint Augustin écrit cette prière : «
1096 rs de moi, et je ne te trouvais pas, parce que tu étais en moi. » Il parle à Dieu, à l’amour éternel. Mais supposez qu’un tro
1097 ores mystiques, qu’il entend à leur sens profane, sera tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il
1098 non pas consciemment blasphématoire, et qui ne s’ est accomplie qu’après le xiie siècle, la conscience moderne a cru voir
1099 t ses métaphores devenues profanes comme si elles étaient toutes naturelles. Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. No
1100 grande répugnance à opérer ce renversement, qu’il est bon d’entrer plus avant dans le mécanisme des transpositions, et même
1101 ystique, au moins dans une de ses tendances, ne s’ est -elle pas prêtée à toutes les confusions ? N’a-t-elle pas abusé la pre
1102 t de l’Incarnation. Dès que l’on s’écarte un tant soit peu de ce foyer, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’
1103 us retrouverons dans la mystique universelle. Ils seront d’ailleurs rarement purs dans telle ou telle œuvre donnée. Même chez
1104 tre tendance, ils coexistent presque toujours, ne fût -ce qu’à la manière dont la tentation coexiste avec la volonté d’obéis
1105 sance chez le croyant. Historiquement parlant, il est donc malaisé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire
1106 isé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend
1107 iquement, la chose est claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et
1108 e l’âme et de la divinité. Le second courant peut être appelé celui de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’â
1109 ieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence est maintenue entre la créature et le Créateur. Quelques exemples individ
1110 : « l’abus » du langage amoureux en religion doit être rattaché, historiquement, au courant le plus orthodoxe. J’emprunterai
1111 re Eckhart, et le mystique hindou Sankara. Ce qui est intéressant pour notre objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orien
1112 l : le nirvana ne peut accueillir le samsara (qui est la vie diverse, infiniment mouvante). Au contraire, Eckhart verra Die
1113 me du croyant, elles « passent de leur vie à leur être  ». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il existe au M
1114 ssent de leur vie à leur être ». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il existe au Moyen Âge une tradition m
1115 Otto — à la faveur de laquelle le Je et le Tu des êtres unis par une forte émotion coulent l’un dans l’autre, donnant naissan
1116 ’un dans l’autre, donnant naissance à une unité d’ être . Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L
1117 prêche l’amour mystique, mais l’amour plotinien n’ est nullement l’Agapè chrétienne ; c’est l’Éros grec, qui est jouissance,
1118 ement l’Agapè chrétienne ; c’est l’Éros grec, qui est jouissance, et jouissance d’une naturelle et surnaturelle Beauté… gar
1119 fervent. » Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’ est pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment, mènerait à une union
1120 , et Dieu reste Dieu103. L’acte d’amour spirituel est initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même est le dé
1121 t non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même est le début d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce mond
1122 . D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart où il est question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : «
1123 « Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un est source et origine du fleurissant resplendissant amour. »104 Ce n’est
1124 e du fleurissant resplendissant amour. »104 Ce n’ est donc pas, conclut Otto, la plus haute joie mystique qui figure pour E
1125 doctrine chrétienne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean XXII condamna même ses thèses
1126 de 1329. L’une des thèses condamnées, la dixième, est ainsi reproduite dans la bulle : « Nous nous métamorphosons totalemen
1127 ns le sacrement se change en corps du Christ : je suis ainsi changé en lui parce que lui-même me fait être sien. Unité et no
1128 is ainsi changé en lui parce que lui-même me fait être sien. Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il est vrai qu’il
1129 . Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il est vrai qu’il n’y a plus là aucune distinction. » Cette thèse, extraite
1130 ement unitive, et par cela même hérétique… Ce qui est certain, c’est que Maître Eckhart est le dialecticien par excellence,
1131 que… Ce qui est certain, c’est que Maître Eckhart est le dialecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’extraire d
1132 hart est le dialecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’extraire de ses œuvres les vérités les plus contradicto
1133 firmation forment à elles deux la vérité. L’une n’ est pas vraie sans l’autre, et ne se peut concevoir que par rapport à l’a
1134 ue par rapport à l’autre. Affirmation et négation sont inséparables, n’étant que les deux aspects d’une même vérité »105. Il
1135 tre. Affirmation et négation sont inséparables, n’ étant que les deux aspects d’une même vérité »105. Il n’en est pas moins si
1136 les deux aspects d’une même vérité »105. Il n’en est pas moins significatif de constater que Eckhart souleva dans la mysti
1137 r l’union essentielle et l’abandon des œuvres. On est toujours à l’Orient de quelqu’un ! C’est ainsi que Maître Eckhart fig
1138 Ruysbroek se montre impitoyable contre celui qui fut son maître. Dans son Livre des douze béguines, il dénonce « ces faux
1139 khart et ses disciples — qui « s’imaginent qu’ils sont Dieu par nature ». « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement êt
1140 . « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus
1141 t être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus maudits que Lucifer et ses séides. » Et encore 
1142 lent la parfaite pauvreté d’esprit… Mais ceux qui sont nés du Saint-Esprit et chantent ses louanges, pratiquent toutes les v
1143 que toute distinction entre l’âme et Dieu puisse être abolie : l’âme ne peut se faire divine, mais seulement semblable à Di
1144 tièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perd
1145 purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa p
1146 ence, sans rien perdre de sa propre personnalité, est unie à la vérité divine qui respecte la distinction. » Et ailleurs :
1147 » Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu est perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distanc
1148 de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distance essentielle… » ⁂ Or voici le point qu’il importait de met
1149 ssentiellement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprime
1150 eu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprimer en termes de passion. Et c’est bien ce que l’H
1151 nne, il en résulte que l’amour de l’âme pour Dieu est , dans ce sens précis, un amour réciproque malheureux. On peut alors p
1152 s humaines. Car c’est sa rhétorique qui se trouve être la plus apte à traduire et à communiquer l’essence tout ineffable du
1153 isir l’insaisissable… Et l’objet du désir ne peut être ni abandonné ni saisi107. L’abandonner est chose intolérable, et il e
1154 peut être ni abandonné ni saisi107. L’abandonner est chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence m
1155 isi107. L’abandonner est chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force po
1156 l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je me suis perdue dans sa bouche », dit une autre. Et une troisième : « Boire le
1157 ards de l’amour et s’y engloutir enivrée… » Je me suis arrêté à l’exemple de Ruysbroek pour la commodité de l’exposé : le fa
1158 historique que Maître Eckhart et son disciple se soient opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une c
1159 ichement habillé, déclara que désormais Dieu seul serait son Père. « L’évêque lui jeta sur les épaules son propre manteau, et
1160 ois fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’ être son « chevalier »109. Cette forme de « dénuement », physique mais sym
1161 forme de « dénuement », physique mais symbolique, est encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combatta
1162 s (« combattants spirituels ») dont les croyances sont liées à celles des cathares et gnostiques. En 1929, les Doukhobors r
1163 sme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on était moins obtus. La chevalerie errante des Franciscains se répandit en It
1164 ins se répandit en Italie comme les troubadours s’ étaient répandus dans le Midi de la France : par les routes, sur les places,
1165 rhétorique des troubadours et des romans courtois sont les sources directes du lyrisme franciscain, lequel à son tour devait
1166 uivants. Souviens-toi, ô créature, que ta nature est celle des anges. Si plus longtemps tu demeures en cette boue, tu devr
1167 précise celui des cathares. D’autres laudes, pour être plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en sont que plus « éroti
1168 e plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en sont que plus « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fo
1169 e l’amour courtois. À défaut d’une anthologie qui tiendrait décidément trop de place113, bornons-nous à énumérer les principaux t
1170 l’amour. La passion qui « isole » du monde et des êtres . La passion qui décolore tout autre amour. Se plaindre d’un mal que l
1171 t que les conclusions des savants du xixe siècle sont devenues nos préjugés courants. Mais sans compter que le jugement mat
1172 er que le jugement matérialiste sur les mystiques est plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet
1173 on — tel qu’on le retrouve chez les mystiques — n’ est pas, à l’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au cont
1174 ’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au contraire la rhétorique d’une ascèse étroitement liée à l’hérésie
1175 es comme saint Jean de la Croix et sainte Thérèse étaient mieux avertis que quiconque des dangers de la « luxure spirituelle ».
1176 nons bien que le langage des mystiques ne saurait être confondu avec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue. J.
1177 u’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences furent plus réels que leurs paroles. Il ne s’agit donc, ici, que de tenir co
1178 ttéraire. Or s’il faut se borner à un exemple qui est à la fois le plus fameux, le mieux connu, et celui qui a le plus égar
1179 et celui qui a le plus égaré nos savants, le fait est que sainte Thérèse utilise constamment, et même raffine la rhétorique
1180 an de la Croix emprunte au Cantique des Cantiques sont extraites uniquement du poème biblique, ou ne sont pas en même temps
1181 ont extraites uniquement du poème biblique, ou ne sont pas en même temps des images retrouvées, vérifiées pour ainsi dire, t
1182 »116 Je ne pense pas que personne, de nos jours, soit en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialistes les mieu
1183 ux dont elle faisait sa nourriture intellectuelle étaient tous fortement imbus de rhétorique courtoise et chevaleresque. La que
1184 rtoise et chevaleresque. La question a d’ailleurs été traitée, par un auteur qui offre toutes les garanties de sérieux et d
1185 t à mettre l’humain et le divin sur le même plan, soit en contemplant le divin avec des yeux profanes, soit en considérant l
1186 t en contemplant le divin avec des yeux profanes, soit en considérant l’humain sous une interprétation divine. [C’est moi qu
1187 is de Gaule et celle de sainte Thérèse pourraient être également « aimer pour agir ». [Ici, je ferai quelques réserves : l’a
1188 re, aime pour souffrir, pour « pâtir »…] d) Ce n’ est pas dans les pauvres extravagances des romans de chevalerie mystique
1189 a jusqu’à confondre avec la poésie d’un amour qui serait tout profane ; les confusions qu’elle entretient de la sorte flattent
1190 tte préférence pour le langage passionnel, elle a été interprétée généralement selon la superstition matérialiste119. On a
1191 l « dévoyé ». Le xixe siècle, dans l’ensemble, n’ est jamais plus heureux que lorsqu’il peut « ramener » le supérieur à l’i
1192 . Et c’est ce qu’il appelle « expliquer ». Que ce soit , la plupart du temps, au prix des pires dénis du sens critique, je n’
1193 lleurs120 qu’à mon avis, cette propension moderne est le signe d’un ressentiment profond à l’endroit de la poésie, et en gé
1194 r les hommes du xvie siècle, le langage érotique était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héri
1195 était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’un xixe si
1196 mplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure, lorsque Thérèse écrit à un religie
1197 oir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où est la censure, lorsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de res
1198 ois qu’il entre en oraison : « Je trouve que cela est indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune atte
1199 cela est indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne
1200 d’une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne serais pas surprise que cela nous vînt à l’esprit. J’ai même entendu dire à
1201 taient de les entendre. O Dieu ! que notre misère est grande ! Il nous arrive comme à ces animaux venimeux qui changent en
1202 empruntées au langage courant par les mystiques n’ est pas sans d’étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur f
1203 carnation. Ruysbroek, Thérèse et Jean de la Croix sont très nettement « christocentriques ». Tout chez eux part du drame de
1204 l’homme séparé, c’est la passion — et la passion est partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eck
1205 ion est partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthod
1206 st absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthodoxe — la moins suspecte de troubles complaisances !
1207 re. 6.Note sur la métaphore Pourtant tout n’ est pas expliqué par ces considérations historiques. Car on peut reculer
1208 mpte, si c’est l’« esprit » ou la « matière » qui sont la cause des phénomènes où tous les deux sont impliqués. Par exemple,
1209 qui sont la cause des phénomènes où tous les deux sont impliqués. Par exemple, dans le cas du langage mystique : sommes-nous
1210 s. Par exemple, dans le cas du langage mystique : sommes -nous en présence d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci ser
1211 d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci serait alors la cause première — ou au contraire d’une sublimation de phénom
1212 ublimation de phénomènes physiologiques, lesquels seraient à la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu
1213 la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu’on donnera, une chose demeure certaine : c’est que nous
1214 nera, une chose demeure certaine : c’est que nous sommes en présence de deux facteurs qui n’existent jamais l’un sans l’autre.
1215 ais l’un sans l’autre. On pourrait fort bien s’en tenir à cette constatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y tient.
1216 tatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y tient . La conscience moderne, par exemple, victime des réflexes que lui a d
1217 , tranche toujours le débat au bénéfice de ce qui est le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il e
1218 ns le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est amère. Comment cela
1219 est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est amère. Comment cela peut-il s’expliquer ? Tout le monde répond, sans
1220 aphore, au figuré. Le sens propre du mot « amer » serait alors celui qui concerne la sensation physique, tenue pour primitive.
1221 cela, le croient-elles pour des raisons qu’elles seraient capables de donner ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement,
1222 ’un mot précède toujours le « spirituel », qui ne serait qu’une transposition, un à-peu-près, une erreur tolérée ? En vérité,
1223 nce. Ce préjugé consiste à croire que le physique est plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de
1224 t plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de tout ; que c’est par lui que tout s’explique. Le mé
1225 que tout s’explique. Le mécanisme de ce préjugé a été défini et critiqué par le Dr Minkowski121 et Arnaud Dandieu d’une man
1226 « propre » et le sens dit « figuré » ne sauraient être « ramenés » l’un à l’autre, car tous les deux traduisent « proprement
1227 l’autre par le même mot, c’est une même manière d’ être affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de n
1228 même mot, c’est une même manière d’être affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence
1229 e même manière d’être affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos méta
1230 métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à tenir ce raisonnement : « Amour désigne pour moi l’attrait sexuel — or sain
1231 se parle sans cesse d’amour — donc cette mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nous avons vu que sainte Thérèse n
1232 ien, et qu’au contraire les amants « passionnés » sont sans doute des mystiques qui s’ignorent… Ainsi les arguments s’annule
1233 ique veut exprimer ses expériences ineffables, il est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve e
1234 Il les prend où il les trouve et telles qu’elles sont , quitte à les modifier par la suite. Or à partir du xiie siècle, les
1235 partir du xiie siècle, les métaphores courantes sont celles de la rhétorique courtoise. Que les mystiques s’en emparent sa
1236 eux » entretenus par l’âme et son Dieu, qu’elle s’ est plus complètement humanisée, c’est-à-dire détachée de l’hérésie. Car
1237 humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union est impossible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’amour humain p
1238 s mystiques Cette décision tout arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’es
1239 de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle soit arbitraire en fin de compte, ou ce qui revient au même, avant tout co
1240 sur l’instinct. « L’amour existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel », disait le tr
1241 C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’ est -ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvo
1242 de mentir autant que le pouvoir d’exprimer ce qui est . Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait
1243 t que le pouvoir d’exprimer ce qui est. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller a
1244 inct. Le responsable d’un tel mensonge ne saurait être que « l’esprit ». (On sent ici à quelle profondeur l’amour-passion, l
1245 ’expression et le mensonge se trouvent liés. Et n’ est -elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se
1246 e la Croix, et même Ruysbroek, et saint François, sont évidemment postérieurs à la naissance de l’amour-passion, il n’en res
1247 our-passion, il n’en reste pas moins que celui-ci est postérieur à la mystique pseudo-chrétienne des cathares. 3° C’est san
1248 ute à tort qu’à la proposition : « Tout érotomane est un mystique qui s’ignore », on a cru pouvoir répondre : « Ou l’invers
1249 fois comme des érotomanes qui s’ignorent. Mais il est certain que l’érotomanie est une forme d’intoxication, et tout nous p
1250 s’ignorent. Mais il est certain que l’érotomanie est une forme d’intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbr
1251 es Eckhart, Ruysbroek, Thérèse, Jean de la Croix, sont exactement le contraire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué
1252 ire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué est la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilis
1253 ise pour s’exalter. Si l’origine de cette passion est un désir, conscient ou non, d’échapper à la condition terrestre insup
1254 la condition terrestre insupportable, et si l’on est en droit d’y voir le rudiment d’un appel mystique, il n’en reste pas
1255 mystique, il n’en reste pas moins que l’intoxiqué est avant tout l’esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être d
1256 esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être déchu, dont les sens s’émoussent, dont la lucidité s’affaiblit, et qu
1257 ssions dans la vie quotidienne. Sainte Thérèse ne tenait pour bonnes que les visions qui la poussaient à mieux agir, à mieux a
1258 a pas revêtu la forme de la Nuit : elle n’a pas «  été faite chair ». Ils ne veulent pas que le Jour parfait se communique à
1259 ns nul intermédiaire. Sombrant alors, comme Icare est tombé. (Celui qui veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui est
1260 i veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui est « le chemin », celui-là va au diable, disait énergiquement Luther.) I
1261 nergiquement Luther.) Ils pressentent que la Nuit est un mystère du Jour, dont le Jour seul détient le secret dernier123. M
1262 — et non pas l’œuvre d’un obscur démiurge. (Telle est du moins la doctrine de la Bible.) Refusant que le Jour les enseigne
1263 ature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre sans retour au mom
1264 ent lui échapper. Et de là vient que la confusion était fatale entre l’Éros divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De
1265 une soif que la mort seule pouvait éteindre : ce fut la « torture d’amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La pa
1266 de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’ être un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’
1267 ne illusion de gloire libératrice dont la douleur serait encore le signe ! Ainsi s’opère le renversement tragique : se dépasse
1268 er jusqu’à s’unir au transcendant, quand le but n’ est plus la Lumière, et quand on ignore le « chemin », c’est se précipite
1269 cipiter dans la Nuit. Le dépassement, dès lors, n’ est plus qu’exaltation du narcissisme. Il ne vise plus à la libération de
1270 s passionné, les « couleurs » de sa rhétorique ne seront jamais que les exaltations d’un crépuscule, promesses de gloire jamai
1271 es fourmis ne parleront pas toutes les hypothèses sont possibles. 98. La Nuit obscure, de saint Jean de la Croix, II, i, 1
1272 ix, II, i, 1er verset. Trad. Hoornaert. 99. Ce n’ est pas évident pour Eckhart (voir plus bas, chap. 4) mais bien pour sain
1273 evoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, que ces grâces passent par les mains de cette humanité sa
1274 ait d’un type homogène que dans la mesure où elle serait banale, dans la mesure aussi où nous échouerions à la saisir ». 101.
1275 anum frumenti… « L’âme échappe à sa nature, à son être et à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’est son devenir. E
1276 t à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’ est son devenir. Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste p
1277 t son devenir. Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste pas d’autre distinction que celle-ci : Lui demeure Die
1278 bsence du langage « épithalamique » pourrait-elle être proposée comme un critère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique
1279 ces que les prouesses des chevaliers errants. Ils sont d’ailleurs rapportés par les auteurs des Fioretti sous une forme narr
1280 , Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Freud, pour s’en tenir aux plus célèbres. 120. Dans Penser avec les mains, IIe partie. 12
6 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre IV. Le mythe dans la littérature
1281 la littérature On reconnaîtra maintenant ce qu’ est le péché ou comment procède le péché. C’est lorsque la volonté humain
1282 lorsque la volonté humaine se sépare de Dieu pour être une volonté à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et brûle de sa pr
1283 r et brûle de sa propre affection, ardeur qui lui est propre et qui n’a rien à voir avec l’ardeur divine. Jacob Boehme.
1284 ature sur les mœurs D’une manière générale, il est bien difficile de vérifier l’influence des arts sur la vie quotidienn
1285 it le démontrer. Et la peinture, quelle peut bien être son action ? L’architecture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais l
1286 ture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais là n’ est pas son caractère d’art. De même pour telle ou telle philosophie. Mai
1287 même pour telle ou telle philosophie. Mais le cas est tout différent lorsqu’il s’agit d’une littérature dont on peut démont
1288 que du mythe, héritage de l’amour provençal. Il n’ est pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir magique des sons et du
1289 emander, avec La Rochefoucauld : combien d’hommes seraient amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? ⁂ Passion et
1290 tendu parler d’amour ? ⁂ Passion et expression ne sont guère séparables. La passion prend sa source dans cet élan de l’espri
1291 du même mouvement à se raconter elle-même, que ce soit pour se justifier, pour s’exalter, ou simplement pour s’entretenir. (
1292 ou simplement pour s’entretenir. (Le double sens est significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments
1293 double sens est significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments qu’éprouvent l’élite, puis les masse
1294 éprouvent l’élite, puis les masses par imitation, sont des créations littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique est l
1295 littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique est la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscienc
1296 es mélancolies, et même pour se suicider, il faut être en mesure « d’expliquer » à soi-même ou aux autres ce qu’on sent. Plu
1297 i-même ou aux autres ce qu’on sent. Plus un homme est sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant
1298 mme est sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme est passionné, plu
1299 erbeux et bien disant. Et de même, plus un homme est passionné, plus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la r
1300 s peuples d’Occident : l’on peut admettre qu’elle est parallèle à ses métamorphoses littéraires. (Moyennant, cela va de soi
1301 rice du « charme ». La littérature, au contraire, est la voie qui descend aux mœurs. C’est donc la vulgarisation du mythe,
1302 es deux roses Le meilleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 en
1303 fidèlement conservée. Toutes ces sectes en effet sont caractérisées par leur opposition au dogme trinitaire (du moins sous
1304 du Libre-Esprit et les ortliebiens rhénans — qui furent peut-être en rapport avec les Vaudois, voisins des cathares — non seu
1305 s ont supposé qu’une élite cléricale du Moyen Âge fut initiée à ces doctrines. Ainsi pensent-ils expliquer mieux certaines
1306 de preuves presque impossibles à établir, je m’en tiendrai à un jugement certainement vrai pour la plupart des cas : dès le xive
1307 : dès le xive siècle, la littérature courtoise s’ est détachée de ses racines mystiques ; elle s’est alors trouvée réduite
1308 s’est détachée de ses racines mystiques ; elle s’ est alors trouvée réduite à une simple forme d’expression, c’est-à-dire à
1309 rises des galants. L’obstacle à l’union amoureuse est figuré par l’exigence morale, et non plus du tout religieuse : Ce n’e
1310 nce morale, et non plus du tout religieuse : Ce n’ est plus une ascèse mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit a
1311 Jean de Meung, qui terminera le Roman, la Rose n’ est plus que la volupté physique. Le réalisme le plus franc succède aux f
1312 au platonisme, le cynisme à l’exaltation. La Rose est emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison
1313 de l’amour malheureux. (Peut-être, pratiquement, est -elle bien proche d’une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occa
1314 s. Cependant qu’autour de Palerme, où Frédéric II tient sa cour, fleurit l’école dite des Siciliens. Dans quelle mesure cette
1315 ud s’inspira-t-elle des troubadours ? La question est encore obscure. On ne trouve à la cour de Palerme qu’un seul poète pr
1316 le mesure les Siciliens « savaient » encore ce qu’ est l’Amour. N’avaient-ils retenu du trobar clus que le procédé mystifian
1317 enu du trobar clus que le procédé mystifiant ? On serait assez tenté de le croire, lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti
1318 nes valables — oppose à ces rhétoriqueurs. Ce qui est frappant dans cette nouvelle école, c’est qu’elle rénove consciemment
1319 langage symbolique des troubadours. Les Siciliens étaient tombés dans un douteux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d
1320 rlaient de la dame comme d’une femme réelle, ce n’ était plus que galanterie mais froide et stéréotypée. Dante et Cavalcanti,
1321 en même temps, ils savent et disent (dans ce dire est la nouveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel est le secret
1322 isent (dans ce dire est la nouveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois 
1323 uveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois : guindé et froid quand il ne
1324  : c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’ est jamais plus passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’est quan
1325 passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’ est quand elle devient la Science sacrée. Sincérité bien propre aux troub
1326 jamais dit126. C’est parce que Dante et ses amis sont amenés à définir leur art qu’on surprend mieux qu’ailleurs chez les p
1327 écoute et l’entend s’écrie : — Malheureuse que je suis  ! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame 
1328 ntend s’écrie : — Malheureuse que je suis ! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui dou
1329 le salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’ est déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un b
1330 notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’ est qu’un blasphémateur lorsqu’il écrit au seuil de la Vita Nuova, cette
1331 ureux ! S’agit-il donc de Béatrice comme femme ? Est -ce sa présence que tous les saints implorent et qui serait « l’espéra
1332 sa présence que tous les saints implorent et qui serait « l’espérance des bienheureux » ? Ou s’agit-il plutôt de l’Esprit sai
1333 it de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour est -il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le second ré
1334 souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel… Comme il ne pr
1335 rpétuellement sur lui-même son propre effet. Il n’ est point un plaisir, mais une contemplation. » Aucun doute ne demeure po
1336 tion. » Aucun doute ne demeure possible : l’Amour est la passion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amour n
1337 anger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en sont qu’un reflet : De même que la tigresse, dans sa grande douleur, se s
1338 este là, et ne poursuit point ; de même celui qui est pénétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ai
1339 oint le cœur pitoyable, le jour passe et l’espoir est déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable est bien la femme qui détourn
1340 spoir est déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable est bien la femme qui détourne l’Amour à son profit. Dans un Bestiaire mo
1341 nous ; ses petits, qu’un chasseur lui a pris, ce sont les vertus, et le chasseur c’est le démon, qui nous fait voir ce qui
1342 sseur c’est le démon, qui nous fait voir ce qui n’ est pas. De là vient que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’alle
1343 ns voir Pétrarque se laisser prendre « à ce qui n’ est pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop longtemps — comme
1344 r une chose mortelle avec une foi Qui à Dieu seul est due et à lui seul convient… » « Tout le monde, et sur le moindre ro
1345 ndre rocher que trempe la mer, sait qu’un homme a été superlativement amoureux et c’est Pétrarque. Et ce qu’il y a de mieux
1346 omme simplement amoureux ? Rien d’analogue. Lui l’ était d’une façon extraordinaire, incendiaire, solaire. »128 Voilà ce qui
1347 itement païen, et non plus du tout hérétique ! On est aux antipodes du Dante, mais aussi des rhéteurs qu’il attaquait. Le «
1348 aquait. Le « secret » dont je parlais plus haut s’ est volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu
1349 latilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation » radi
1350 es meilleures métaphores. En vérité, la tentation était trop forte. (On en jugera par quelques exemples mis en note, et à vra
1351 dis : Ô mon âme, il te faut rendre grâce Toi qui fus jugée digne alors d’un tel honneur. D’Elle te vient cet amoureux pens
1352 e te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le suis , au plus haut Bien te mène Et te fait mépriser ce que l’homme désire
1353 s présente ou absente — ici encore —, la femme ne sera jamais que l’occasion d’une torture qu’il préfère à tout : Je sais,
1354 de loin — de près geler. Tout l’amour romantique est dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie, Pétrarque a s
1355 i !134 Et saint Augustin, avec lequel Pétrarque tient ce dialogue fictif, lui répond : Tu connais très bien ton mal. Tout
1356 ut à l’heure, tu en sauras la cause. Dis-moi : qu’ est -ce qui te rend triste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de
1357 s-moi : qu’est-ce qui te rend triste à ce point ? Est -ce bien le cours des choses de ce monde ? Est-ce une douleur physique
1358 t ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est -ce une douleur physique, où bien quelque rigueur injuste de fortune ?
1359 ppel à la mort : Que s’ouvre donc la geôle où je suis enfermé Qui me clôt le chemin vers une telle vie ! (Chanson 72.) La
1360 on espoir en « cette fausse douceur fugitive » qu’ est l’amour idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une
1361 une chose mortelle, avec une foi qui à Dieu seul est due et à lui seul convient est plus interdit à qui plus désire honneu
1362 oi qui à Dieu seul est due et à lui seul convient est plus interdit à qui plus désire honneur ! Mais comment s’arracher à
1363 qui tourne autour de toi immortel et paré ! S’il est vrai qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un co
1364 p d’œil, une parole, une chanson —  si ce plaisir est jà si grand… quel sera l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloi
1365 ne chanson —  si ce plaisir est jà si grand… quel sera l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloiserie Imposer un sty
1366 e. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul est due et à lui seul convient », avec l’amour d’« une chose mortelle »,
1367 ient », avec l’amour d’« une chose mortelle », en fut la conséquence inévitable. Et c’est bien de cette confusion — non de
1368 iste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle fut surtout sensible dans la bourgeoisie. Dès le début du xiie siècle, e
1369 et du corps qui date précisément de cette époque est le premier témoignage d’un conflit que le mariage chrétien était cens
1370 r témoignage d’un conflit que le mariage chrétien était censé résoudre. On y voit l’âme récemment séparée de son corps adress
1371 du dernier siècle. Mais je ne crois pas qu’ils se soient engendrés en ligne directe. Chaque moment de cette progression vers l
1372 mposition du romantisme, au moins autant, si ce n’ est beaucoup plus, que de Balzac (considéré alors comme réaliste). Pour e
1373 ourtoises ? Il me paraît que la « gauloiserie » n’ est qu’un pétrarquisme à rebours. « On aime à opposer — écrit J. Huizinga
1374 Or la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie, est une fiction romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur
1375 otique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous u
1376 entre autres, dans le Dit de Chiceface. Chiceface est le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi es
1377 ux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi est -il d’une maigreur effroyable, tandis que son confrère Bigorne, lequel
1378 re Bigorne, lequel ne mange que les maris soumis, est d’un embonpoint sans pareil. Parallèlement à ces deux courants du myt
1379 jusqu’à Cervantès L’influence du roman breton est attestée par des centaines de textes à travers les xiiie , xive et x
1380 s minnesänger (chanteurs de l’Amour) en Allemagne sont nourris de légendes cathares138 et par ailleurs ne font qu’adapter du
1381 se servir que d’une mythologie toute catholique —  soit prudence ou incompréhension — assez incompatible, on l’a bien vu, ave
1382 u’aux romans d’aventures profanes. Cette omission est mystérieuse. Elle militerait en faveur de la thèse selon laquelle Cer
1383 ont ils avaient perdu le secret. Don Quichotte ne serait grotesque que parce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’est
1384 arce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’ est pas initié, et suivre une voie que le malheur des temps rend totaleme
1385 on Cependant Rome n’a pas triomphé partout. Il est une île où son pouvoir est contesté. C’est la dernière patrie des bar
1386 s triomphé partout. Il est une île où son pouvoir est contesté. C’est la dernière patrie des bardes. En Cornouailles et en
1387 ittérature anglaise populaire et savante. Mais il est significatif qu’à la fin du xviie siècle, un bon lettré comme Robert
1388 akespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’ été . Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Juliet
1389 vons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui est la seule tragé
1390 atholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui est la seule tragédie courtoise, et la plus belle résurrection du mythe a
1391 de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il connaissait la tradition secrète des troubad
1392 adours. Mais on peut relever ce fait : que Vérone fut un des principaux centres du catharisme en Italie. Selon le moine Ran
1393 me en Italie. Selon le moine Ranieri Saccone, qui fut dix-sept ans hérétique, il y avait à Vérone près de cinq-cents « parf
1394 ouveau qui se dresse, à la lueur d’une torche que tient Roméo. Juliette repose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu
1395 ose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu est entré, et il parle : Combien souvent les hommes sur le point de mour
1396 bien souvent les hommes sur le point de mourir Se sont sentis joyeux ! Ceux qui veillent sur eux Disent : l’éclair avant la
1397 t n’a pas eu de prise encor sur ta beauté Et tu n’ es pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvre
1398 uté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la
1399 èvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la mort n’ est pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi es-tu si belle encore ? D
1400 n’est pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi es -tu si belle encore ? Dois-je penser Que la mort non substantielle est
1401 re ? Dois-je penser Que la mort non substantielle est amoureuse Et que le monstre maigre te conserve Ici pour être ton aman
1402 use Et que le monstre maigre te conserve Ici pour être ton amant dans la ténèbre ? Par crainte de cela je demeure avec toi E
1403 repartirai ; ici je veux rester Avec les vers qui sont tes serviteurs ; ici, ici Je vais fixer mon repos éternel, Secouer l
1404 mour ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta drogue est rapide. En un baiser je meurs. Le consolament de la Mort vient de sc
1405 ous entretenir encor de ces tristesses.140 ⁂ Il est certain que Milton quoique puritain subit l’influence de doctrines ca
1406 is : du moins pas sans de telles réticences qu’il serait vain de conclure sur ce point plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Av
1407 légendes. Et dans le De doctrina christiana, il s’ était insurgé « contre la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de
1408 qui malgré tout rattache Milton à la Réforme : n’ est -ce point la même et unique hérésie que nous trouvons partout et en to
1409 stiques et manichéennes montre bien que l’abîme n’ est pas infranchissable, surtout sur le plan de l’éthique. L’idéalisme et
1410 n maître en occultisme, enseignait que la lumière est la matière divine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est b
1411 ine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est bien plus « rationnelle » et sociale que celle des hérétiques du Midi
1412 omposer d’interminables romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc
1413 s romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman de
1414 e est Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman demeure les « contrariétés »
1415 es « contrariétés » de l’amour, mais l’obstacle n’ est plus la volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan : c’
1416 honneur, manie sociale. C’est l’héroïne, ici, qui est la plus astucieuse lorsqu’il s’agit d’imaginer des prétextes de sépar
1417 regard irrité de sa maîtresse. Au dénouement, il est encore à se demander si cette « reine de l’Île inaccessible » ne va p
1418 retardé jusqu’à la dix-millième lorsque l’auteur est un champion du genre. C’est le roman allégorique du xviie siècle qui
1419 l’emporte, et dès lors la fin du roman ne saurait être qu’un retour à ce qui n’est plus le roman : au bonheur. Les grands th
1420 du roman ne saurait être qu’un retour à ce qui n’ est plus le roman : au bonheur. Les grands thèmes tragiques du mythe n’év
1421 ratrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’ est plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se ramèn
1422 ue l’on n’ose nommer un roman-fleuve, puisqu’il n’ est parcouru que par les sinuosités d’un modeste ruisseau, le Lignon, Cél
1423 par des lions et des licornes : cette fontaine ne sera désenchantée, selon l’oracle, que par la mort du plus fidèle amant et
1424 et Céladon évanouis (c’est une mort métaphorique) sont transportés chez le druide Adamas où ils se réveillent, puis s’épouse
1425 s prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses charmes ne sont point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psycholog
1426 auprès de son hôtesse, elle lui dit que le Forez était un bon pays de forges et qu’on y travaillait fort bien le fer. « Cett
1427 es ressources d’une rhétorique plus savante n’ont été à ce point harmonisées. L’on n’imagine pas de roman mieux écrit ; plu
1428 est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous sommes en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets
1429 u moins indiscrets et de hasards immérités (comme sont les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle su
1430 nt les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle suppose un métier savant, et vingt-cinq ans d’applica
1431 d’application. Le snobisme qui lui fit un succès était mieux averti que le nôtre. Mais aussi ce caractère d’achèvement nous
1432 itif, dont l’Astrée reprend tous les thèmes, l’on est frappé de constater que chez d’Urfé le tragique se dégrade en émotion
1433 plus parfaite, en raison même de sa perfection, n’ est qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ?
1434 l’épuisement temporaire des sources profondes ? N’ est -ce point pour cette cause que la littérature, si fort qu’elle flatte
1435 réfutations et railleries qu’on leur oppose ? Ce fut assez d’un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les
1436 dre. D’où l’on conclut généralement que Corneille est le premier auteur qui ait voulu soumettre la passion à la raison, sin
1437 tre la passion à la raison, sinon à la morale. Il serait donc le premier qui ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ê
1438 i ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ être analysé. Voici comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’est qu’
1439 ci comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’ est qu’en m’aimant trop qu’elle me fait mourir ; Un moment de froideur, e
1440 rais soudain passé ma fantaisie : Mais las ! elle est parfaite, et sa perfection N’approche point encor de son affection ;
1441 ttirer notre méfiance. Quoi, c’est le bonheur qui serait fatal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’être trahi par
1442 l au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’ être trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un
1443 Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un curieux monstre ! Disons plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essa
1444 lains », dit-il plus bas. C’est donc la honte qui est cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstac
1445 ait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sé
1446 uer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’ être trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voit tout au contraire
1447 t tout au contraire qu’il désespère de ne point l’ être assez. Il proclame un besoin d’être libre qui traduit un profond dési
1448 de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’ être libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de dés
1449 in d’être libre qui traduit un profond désir de n’ être plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se passerai
1450 faisait mine de lui échapper. Mais voyez comme il est habile : Cléandre Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tî
1451 e Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour être trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre l
1452 de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour être trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre les ordinaires ? Pense
1453 rait bien voir que la vraie volonté du personnage est exactement opposée à ces hautaines déclarations. « Il ne faut point s
1454 ignifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’ être servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa fui
1455 e. » Les deux derniers mots : « … et l’éteindre » étant pur artifice de rhétorique, destiné à persuader le lecteur, ou Cléand
1456 , ou Corneille lui-même, que c’est la liberté qui est désirée, alors que c’est évidemment le « feu » ; et non pas le feu « 
1457 e j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne
1458 p plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vien
1459 int ce qu’on ne saurait nous refuser. » Voici qui est bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fa
1460 articles des Leys d’Amors). Et que cette exigence est polémique, dirigée contre le mariage. Or Alidor et son amante trop fi
1461 is pour l’amour de la passion. À tel prix que ce soit , il faut rompre mes chaînes De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pou
1462 e brûler ; donc en fait : sa crainte de guérir !) sont en effet couronnés de succès au cinquième acte. Corneille l’avoue plu
1463 e quand il lui a donné sujet de le haïr. » L’aveu est complet cette fois-ci. Mais dans le plan purement psychologique où Co
1464 Cela fait, conclut-il, une inégalité de mœurs qui est vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur
1465 aphorique). Bien mieux ; cette volonté de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait gué
1466 le récitent et le réciteront toujours ceux qui ne sont guère capables de l’aimer… 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’op
1467 ers engagements que Didon avait avec Énée, elle n’ est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. » L’on sent tout l’art
1468 i se voit opposé à la passion de la Nuit ! « Ce n’ est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédi
1469 ragédie, ajoute Racine, il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soien
1470 t que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressen
1471 s acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui
1472 e qui fait tout le plaisir de la tragédie », ce n’ est que la moitié du mythe, son aspect diurne, son reflet moral dans notr
1473 renversement dans la joie, acceptée telle qu’elle est dans le monde du jour, et qualifiée néanmoins de « plaisir », l’on ne
1474 moins de « plaisir », l’on ne voit pas en quoi ce serait davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on est fondé à conteste
1475 davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on est fondé à contester la vérité dernière de la croyance mystique (maniché
1476 ernière de la croyance mystique (manichéenne) qui est à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien rec
1477 le tourment qui en résulte, c’est que l’obstacle est un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguratio
1478 obstacle est un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se r
1479 e gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’atteindre cette limite
1480 ne lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre est un moment décisif non seulement dans la vie du poète, mais dans l’évo
1481 èdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort est écarté dans Bérénice par une « censure » morale évidemment chrétienne
1482 t chrétienne d’origine. Racine ne peut ni ne veut être pleinement lucide. Car sa lucidité l’obligerait à condamner ce qu’il
1483 r. Mais la crise de sa passion pour une femme qui fut peut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’une vraie foi v
1484 iguration : il a pris le parti du jour, la mort n’ est plus que le châtiment de ses trop longues complaisances. C’est la pas
1485 acle un inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’ est plus admissible de vouloir vaincre. L’opinion — à laquelle Racine se
1486 laquelle Racine se montre si sensible — l’opinion est toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le
1487 avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’ est jamais avec les amants incestueux. Ensuite, Racine se punit par perso
1488 ute réciprocité de la part d’Hippolyte. Or Phèdre était écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte,
1489 te. Or Phèdre était écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte, c’est Racine tel que maintenant il
1490 n, et il se démontre à lui-même que cette passion est condamnable sans appel. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre
1491 el. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre est encore en pleine crise, balançant devant la décision. D’où la duplici
1492 c cet amour incestueux, encore que cette reine ne soit que la belle-mère d’Hippolyte. Mais le vieil homme, le Racine naturel
1493 polyte amoureux d’Aricie, dont on va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour est très subtil. « Pour ce qui est du pe
1494 va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour est très subtil. « Pour ce qui est du personnage d’Hippolyte, écrit-il da
1495 déguisée. Le tour est très subtil. « Pour ce qui est du personnage d’Hippolyte, écrit-il dans la Préface, j’avais remarqué
1496 passion qu’il ressent malgré lui pour Aricie, qui est la fille et la sœur des ennemis mortels de son père. » Ainsi donc, Ar
1497 umés à des déguisements plus savants !) Mais ce n’ est pas l’inceste, c’est la passion qui intéresse — au sens fort — Racine
1498 elle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure est une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I,
1499 os raisons ne sait point s’informer. (I,1.) Ce n’ est pas ce ciel-là qu’eût adoré Corneille ! Ni ces dieux que l’on dupe, e
1500 t sur qui l’on rejette la faute : Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout
1501 on sang. (II, 3.) Et voici la servante Œnone qui tient à Phèdre le même langage que la servante Brangaine à Isolde : Vous a
1502 ut vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous fûtes entraînée… (IV, 6.) Duplicité, ai-je dit, mais à tel point essentiel
1503 la pièce, constitutive de la crise même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fall
1504 itutive de la crise même d’où elle est née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fallait Phèdre. Il fal
1505 ine a su faire mentir — j’en viens à croire qu’il est sincère dans sa Préface lorsqu’il écrit : « Ce que je puis assurer, c
1506 st que je n’ai point fait de tragédie où la vertu soit plus mise au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y sont sévè
1507 au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y sont sévèrement punies : la seule pensée du crime y est regardée avec auta
1508 nt sévèrement punies : la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de
1509 sent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pour démontrer tout le désordre dont elles so
1510 ux que pour démontrer tout le désordre dont elles sont cause… » On est loin du dessein d’« exciter les passions » pour « pla
1511 trer tout le désordre dont elles sont cause… » On est loin du dessein d’« exciter les passions » pour « plaire » à un besoi
1512 re » à un besoin de « tristesse majestueuse ». On est tout près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race de
1513 tout près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’amour : ceux
1514 n chapitre, mais son influence sur les mœurs ne s’ est guère fait sentir que deux siècles plus tard. (Il a fallu que les phi
1515 ul prévu par ce mystique : si la cause extérieure est un Dieu auquel notre âme pourrait s’identifier146. Mais Spinoza négli
1516 l’obstacle ». Dans le fait, nos passions humaines sont toujours liées à des passions contraires, notre amour toujours lié à
1517 notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’ est pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa
1518 s roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne sont plus même d’ordre moral, mais intellectuel et physique. La distinctio
1519 ’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’ être en intelligence et en sexe. À vrai dire, tout obstacle détruit, la pa
1520 ’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’ est plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’es
1521 n mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’ est défendu. De la pudeur, obstacle naturel, on garde ce qu’il faut pour
1522 es épingles ! » (Il me semble que ces épingles ne sont point citées par hasard : « Amour vous point », disait la rhétorique.
1523 le sang coulera sous la Terreur ; mais nous n’en sommes encore qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n
1524 rre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n’ est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les
1525 ncarner ce rêve des Richelieu et des Casanova, je suis moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce dési
1526 Nous en avons donné plus d’un exemple. Le xviiie est trop poli pour admettre la gauloiserie : il la remplace par une affec
1527 de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce n’ était encore, et ce ne sera jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Ju
1528 uvait encore étonner. Ce n’était encore, et ce ne sera jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Juan et Sade Comme on
1529 tre l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’ est pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
1530 de celui qui ne peut pas posséder, parce qu’il n’ est pas assez pour avoir… Mais cela nous entraînerait à quelques dévelop
1531 comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste est d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
1532 e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
1533 a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
1534 nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan est le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
1535 s en plus décevante et méprisable — quand Tristan est le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
1536 Casanova au niveau de l’aventure scélérate, tels sont les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie
1537 tal, et tout pouvoir de « sympathie ». La femme n’ est plus pour l’homme du xviiie qu’un « objet ». Mesurons l’un à l’autre
1538 t des corps, la réalité d’un « objet ». Sade, qui est un homme du xviiie , connaît trop bien sa monotone tyrannie. Ce que P
1539 t, c’est lui qui détient le plaisir et le plaisir est une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’est par l’excès, car tout
1540 r est une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’ est par l’excès, car tout excès vient de l’esprit ! Rien de plus glaciale
1541 euses » multipliées par la rage du Marquis. Là où est le plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’un
1542 par la rage du Marquis. Là où est le plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’un rachat. Purificatio
1543 plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’un rachat. Purification par le mal : péchons jusqu’à détru
1544 On ne tue bien que son amour, parce que lui seul est souverain. Le crime d’amour impur sauvera la pureté. Lisons maintenan
1545 ticuliers, nous ne pourrons pas sacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si
1546 un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ? Est -il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous
1547 moi qui ai souligné.) Si le marquis de Sade avait été interrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul do
1548 rrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul doute réfugié derrière un verbiage cynique. Mais tous ses ar
1549 ière un verbiage cynique. Mais tous ses arguments sont transparents : ils signifient avec exactitude le contraire de leur se
1550 eur sens littéral150. Cette glorification du sexe est une constante et rationnelle profanation de la morale profanée du xvi
1551 ifester en tuant le criminel151. Car là seulement serait la délivrance — selon la foi des troubadours… 14. La Nouvelle Hélo
1552 mpérament des complicités bien profondes et qui n’ est autre que le pétrarquisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n
1553 uisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n’ est pas une renaissance du mythe primitif de Tristan. Il n’a pas la viole
1554 rte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence est manifeste. L’Héloïse qui vécut au xiie 152 et dont nous possédons l
1555 renoncement à la passion, et cette mort de Julie est chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il insiste long
1556 ut que suspecter un « calvinisme » qui parle de l’ Être suprême et paraît ignorer le Christ…) Tout cela ne m’empêchera point
1557 man les croyances de ses personnages. Si Rousseau fut le premier à décrire ces erreurs, c’est qu’il en souffrit plus que d’
1558 complaisances qu’entraîne le genre romanesque. Il est visible que Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’es
1559 eau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’ est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Jul
1560 s intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une fois abandonné la vérit
1561 le, on s’en fait ensuite une à sa mode, et l’on y tient plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefo
1562 n y tient plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « clima
1563 ) qu’il se met à douter sombrement : « Non, ce ne sont point ces transports que je regrette le plus : ah non ! retire s’il l
1564 onnerais mille vies, mais rends-moi tout ce qui n’ était point elles, et les effaçait mille fois. Rends-moi cette étroite unio
1565 i pris pour toi des sentiments plus paisibles, il est vrai, mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les dou
1566 mble-t-il, sur la roture de Saint-Preux, laquelle est censée interdire toute possibilité d’union légale. D’où encore l’assi
1567 r » l’amour chaste qui les ravissait — bien qu’il fût dès ce moment condamnable — et « crime », « horreurs », « corruption 
1568 ise trop souvent invoquée. Et ainsi de suite : il serait aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégè
1569 forcé le dernier mystère de Tristan. Mon propos n’ est point de recenser les innombrables manifestations du mythe dans nos l
1570 bien mon sentiment : chercher cette satisfaction serait folie. Mourir ensemble ! (Mais silence ! ceci paraît exalté, et pourt
1571 ion.155 Journal intime de Novalis : Lorsque j’ étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donn
1572 ’étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’ est venue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité étern
1573 ouverte. Que Dieu me conserve cette douleur qui m’ est indiciblement chère… Notre engagement n’était pas pris pour ce monde…
1574 qui m’est indiciblement chère… Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions f
1575 assions finissent comme une tragédie, tout ce qui est limité finit par la mort, toute poésie a quelque chose de tragique. U
1576 poésie a quelque chose de tragique. Une union qui est conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne
1577 ique. Une union qui est conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne pour la Nuit. C’est dans la mo
1578 agne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’amour est le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secr
1579 ’amour est le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens app
1580 ut-être à l’amour comme le sommeil à la vie. Ce n’ est pas la plus noble part, et l’homme vigoureux préférera toujours veill
1581 Nature. Dieu n’a rien à faire avec la Nature, il est le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmon
1582 avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous sommes des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendro
1583 ivins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père est lui-même.156 Et dans les Hymnes à la Nuit, où l’Éros ténébreux supp
1584 profond de cette nouvelle hérésie albigeoise que fut le romantisme allemand. La mort est le but idéal des « hommes élevés 
1585 lbigeoise que fut le romantisme allemand. La mort est le but idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul.
1586 . Elle se confond avec l’amour chez Novalis. Elle fut pour Kleist « le seul accomplissement » possible d’une « passion d’am
1587 aquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne sont plus les seuls à tenter l’au-delà nocturne : un philosophe comme G. v
1588 tes de désir, tisse son filet autour de celle qui est apparue, et elle est à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif d
1589 on filet autour de celle qui est apparue, et elle est à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est
1590 lle qui est apparue, et elle est à lui… et elle n’ est jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable.
1591 n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable. C’est toute l’aventure des mystiques unitives q
1592 par le souvenir des cathares et de leur mystique fut composé par l’un des plus purs romantiques : c’est l’épopée des albig
1593 s albigeois de Lenau. On peut y lire ces vers qui sont une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par
1594 ue Dieu nous voile, Passera, la Nouvelle Alliance sera rompue ; Alors nous concevrons Dieu comme l’Esprit, Alors se célébre
1595 lors se célébrera l’Alliance éternelle. L’Esprit est Dieu ! ce cri puissant retentira Comme un tonnerre de joie à travers
1596 é divine, considéré du point de vue de ce monde n’ est plus qu’un élan vers la mort, une séparation essentielle. Tel est le
1597 lan vers la mort, une séparation essentielle. Tel est le tragique de l’Ironie transcendantale, ce mouvement perpétuel du ro
1598 s qu’elle peut concevoir et désirer (la nature, l’ être aimé, le moi), tout ce qui n’est pas l’Unité incréée, la dissolution
1599 r (la nature, l’être aimé, le moi), tout ce qui n’ est pas l’Unité incréée, la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasm
1600 la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasme est réel, c’est l’« endieusement » des troubadours, l’endiosada des mysti
1601 t défaut au romantisme français. Ici, les données sont les mêmes mais le rythme est moins ample et l’esprit va trop vite au
1602 s. Ici, les données sont les mêmes mais le rythme est moins ample et l’esprit va trop vite au but. La France de la Révoluti
1603 le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’ est point d’aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’a
1604 ie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’ est jamais transcendé, il se refuse à l’illusion dernière d’une libératio
1605 puissance lucide. Romantisme mûri, désabusé, l’on serait même tenté de dire : trop rigoureux… Auprès de lui, Jean-Paul et Nova
1606 exalte la saveur de vivre : c’est peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se
1607 son » qui conclut sur une épigramme : « Et encore est -il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d’au
1608 à leurs chimères les plus consolantes, l’amour ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E.
1609 prit, la purification abstraite du sentiment. Les êtres et les choses, ces prétextes, percés par un regard désabusé, cesseron
1610 ercés par un regard désabusé, cesseront bientôt d’ être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures,
1611 vri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il est en son principe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On est dé
1612 pe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On est détrompé sans avoir joui, dit René ; il reste encore des désirs et l’
1613 un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’ être le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Oberman d
1614 nnée. Dans l’Oberman de Sénancour, l’« obstacle » est purement intérieur, il est dans la dualité du moi qui ne peut ni s’af
1615 ancour, l’« obstacle » est purement intérieur, il est dans la dualité du moi qui ne peut ni s’affirmer ni se dissoudre, ni
1616 ni s’affirmer ni se dissoudre, ni se posséder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même,
1617 une image. Lui pourtant l’ignorait, et sa passion était naïve et forte. René et surtout Oberman ne peuvent même plus croire à
1618 de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares sont toutefois les romantiques français qui atteignirent cette connaissanc
1619 ourrait seule le combler. Aimer passionnément, ce serait vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la
1620 te.) Il rirait bien si je lui démontrais que ce n’ est là que l’empreinte du mythe dans son esprit, une habitude héritée de
1621 térature, puisque mystique et religion, pour lui, sont mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et l
1622 tique et religion, pour lui, sont mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même
1623 et la passion elle-même dans le monde où il vit, sont condamnés par la raison et par le scepticisme général. D’où le besoin
1624 « Quoiqu’il traite de l’amour, ce petit volume n’ est point un roman, et surtout n’est pas amusant comme un roman. C’est to
1625 e petit volume n’est point un roman, et surtout n’ est pas amusant comme un roman. C’est tout uniment une description exacte
1626 assion se trompe souvent, précise-t-il, mais elle est en soi une erreur… Le cas Stendhal n’est pas douteux : il s’agit d’un
1627 ais elle est en soi une erreur… Le cas Stendhal n’ est pas douteux : il s’agit d’un homme qui n’aimait pas réellement, et qu
1628 me qui n’aimait pas réellement, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais cel
1629 t pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la nostalgie, et du second q
1630 tradition antique, sauf qu’il s’affirme heureux d’ être malade. Le voici donc dans la situation d’un médecin qui étudie sur l
1631 re la cristallisation et l’idéalisation courtoise tient en ceci : Stendhal sait qu’il y aura décristallisation (retour à la l
1632 vaudeville. Une chose me frappe ; sa description est admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais ell
1633 , d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle est totalement pessimiste — puisque aussi bien il s’agit d’une erreur et
1634 ien il s’agit d’une erreur et dont il se désole d’ être tiré. D’où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conceptio
1635 incompatible avec la conception de la vie qu’il s’ était faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamais. Il note très bien 
1636 agrément dans la quantité d’émotion, la sympathie est au moins la moitié moins excitée par la peinture du bonheur que par c
1637 « Il y a peu de peines morales dans la vie qui ne soient rendues chères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai 
1638 ères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela
1639 viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne sont -ils pas contre nature ? Encore une fois, Stendhal ne se pose pas la q
1640 une fois, Stendhal ne se pose pas la question, n’ étant pas en mesure de la résoudre. En matérialiste grossier — c’est la bon
1641 rois, comme Ortega, que la solution stendhalienne est d’abord inexacte, au regard des faits. Il existe un amour qui, loin d
1642 aits. Il existe un amour qui, loin de se tromper, est seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s
1643 se tromper, est seul capable de découvrir dans l’ être aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’est-ce point là
1644 les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’ est -ce point là le type d’une solution verbale ? Car dire que la passion
1645 d’une solution verbale ? Car dire que la passion est une erreur — elle l’est parfois — ce n’est pas encore expliquer cette
1646 ? Car dire que la passion est une erreur — elle l’ est parfois — ce n’est pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou l
1647 assion est une erreur — elle l’est parfois — ce n’ est pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou la nature n’ont pas
1648 ir que de l’esprit. La vérité, c’est que Stendhal est la victime d’un phénomène spirituel que ses croyances matérialistes n
1649 mène spirituel que ses croyances matérialistes ne sont plus en mesure de justifier. Victime heureuse d’ailleurs, et cela suf
1650 l’empêcher de pousser plus avant son enquête. Qu’ est -ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’une inquiétude qu
1651 ent s’en libérer, mais il en a perdu la clé. Ce n’ est pas qu’au cours de sa recherche Stendhal n’ait plusieurs fois « brûlé
1652 la (dans Tristan et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle est une décision fondame
1653 est quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle est une décision fondamentale de l’être, un choix en faveur de la Mort, s
1654 reur : qu’elle est une décision fondamentale de l’ être , un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’un mon
1655 l’être, un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œ
1656 ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale mé
1657 udace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale méprise, organisée et entretenue
1658 es, on a fini par croire que le Tristan de Wagner est un drame du désir sensuel. Qu’un tel jugement ait pu s’accréditer en
1659 diter en dépit de flagrantes évidences, voilà qui est significatif au plus haut point de la nécessité sociale des mythes. (
1660 hanté la Nuit de la dissolution des formes et des êtres , la libération du désir, l’anathème sur le désir, la gloire crépuscul
1661 faut au bourgeois pour ressentir sa vie… Qu’on y soit parvenu si rapidement et complètement ne saurait d’ailleurs témoigner
1662 lité l’opération. Ainsi le Tristan de Wagner peut être impunément repris devant des salles émues en toute sécurité ; si fort
1663 ant des salles émues en toute sécurité ; si forte est la certitude générale que personne ne croira son message. ⁂ Le drame
1664 ’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan est destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne, d’u
1665 lois du jour, la haine, l’honneur et la vengeance sont devenues sans force sur leurs cœurs. Les initiés pénètrent au monde n
1666  — ils ont déjà pressenti l’autre mort, celle qui est le seul accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant
1667 l accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes prisonnières des formes. Tous les obs
1668 s. Tous les obstacles surmontés, quand les amants sont seuls enveloppés de ténèbres, c’est le désir charnel qui les sépare e
1669 c’est le désir charnel qui les sépare encore. Ils sont ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Is
1670 sépare encore. Ils sont ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité
1671 itude et la substance de cette double nostalgie d’ être un. Car seule elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de deux
1672 ce. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traître M
1673 ⁂ Cependant la forme d’art que Wagner a choisie n’ est pas sans recréer des possibilités de « méprise ». Il fallait que ce f
1674 es possibilités de « méprise ». Il fallait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui tiennent à l’essence même du mythe. D
1675 allait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui tiennent à l’essence même du mythe. De même que le péché du premier homme, et
1676 mier acte, introduisent la lutte et la durée, qui sont les éléments du drame. Mais le drame ne peut pas tout dire, la religi
1677 ne peut pas tout dire, la religion de la passion étant « essentiellement lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d
1678 entiellement lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d’exprimer la dialectique transcendantale, le caractère éperd
1679 re, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui est l’appel au Jour incréé. La définition même de la musique occidentale,
1680 achevé par la musique, c’est l’opéra. Ainsi, ce n’ est point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu
1681 seule peut bien parler de la tragédie, dont elle est la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan, l’élément pla
1682 fond de l’action. Tant qu’on regarde la scène, on est victime de l’illusion des formes — et des plus ridicules. Il n’y a là
1683 es mélodies révèle un monde où le désir charnel n’ est plus qu’une dernière et brûlante langueur dans l’âme qui se guérit de
1684 e annonce que le jour meurt, et que déjà l’aube n’ est plus qu’un crépuscule vainement exalté. ⁂ Un second lieu commun de la
1685 Wagner lui-même, il me paraît que cette influence est fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas d
1686 te ce qu’il faut retenir de la rencontre, et ce n’ est pas d’un immense intérêt. L’ascèse, la négation du monde créé, l’iden
1687 C’est parce qu’il la portait vivante en lui qu’il fut le premier à retrouver sa trace dans les symboles des minnesänger, da
1688 de la légende, dans sa virulence intégrale, ce n’ est point là une thèse à faire admettre, c’est l’évidence largement décla
1689 termes du vocabulaire de l’existence, décrivant l’ être en situation d’agir, non les objets. Achèvement désigne l’expression
1690 jets. Achèvement désigne l’expression totale d’un être , d’un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi l
1691 , enfin le film. Le vrai tragique de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors, implique la conn
1692 ent profané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’ être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que l
1693 passion dont le besoin revient nous tourmenter n’ est plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle, régulièrement t
1694 gradante, par rapport au mythe de Tristan, que le serait par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divine que chantaien
1695 ionnelle, donc admissible par l’ordre social — ce fut le théâtre de Dumas à Bataille. La fameuse « pièce à trois personnage
1696 an à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épou
1697 les s’affrontent. Les barons félons de la légende sont figurés par les tenants de la morale « conformiste ». Ils défendent l
1698 eois, l’héritage, les convenances et l’Ordre. Ils sont du côté du mari, et donc légèrement ridicules. Mais la morale contrai
1699 Mais la morale contraire triomphe régulièrement —  fût -ce au prix d’un coup de pistolet. C’est la morale du romantisme, des
1700 res victimes l’élaboration du vieux philtre. Elle est minutieusement décrite, jusque dans des ruses inconscientes, en des c
1701 ui feint de le renier, mais qui en vit. Le calcul est très simple, et bien entendu inconscient. L’idéal glorifié par la lit
1702 ale du mariage en souffre évidemment, mais cela n’ est pas d’une gravité urgente, puisqu’on sait bien que l’institution matr
1703 i, les seuls écarts considérés comme intolérables sont ceux qui entraînent une dilapidation du « patrimoine » de la famille.
1704 de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’ est pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa déchéance. El
1705 à trois, l’idéalisme tragique du mythe originel n’ est plus qu’une nostalgie assez vulgaire, idéalisation de désirs anodins,
1706 jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’ est plus le sentiment que l’on idéalise, c’est l’instinct. Je songe à une
1707 Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une femelle. Nous la ferons se traîner sur le ventre vers le
1708 dure, voilà ce qui peut nous purifier. Vos tabous sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie, c
1709 sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande pui
1710 lle brute déchaînée, etc. » L’un de ces prophètes est allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de vitalité qu’une vac
1711 sme solaire, mais la pratique de cette croyance n’ est pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « bell
1712 faillite — une dette que plus personne, là-bas, n’ est disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit
1713 comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est
1714 la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins clair : quand sous pr
1715 , voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins clair : quand sous prétexte de détruire l’artificiel — rhét
1716 lors, redescendre au-dessous de nos morales, ce n’ est pas nous libérer de leurs interdictions, descendre au-dessous de l’ex
1717 s, nous engageait dans les voies irréelles), ce n’ est pas revenir au réel, mais s’égarer dans la zone de terreur et dans le
1718 zone de terreur et dans les terrains vagues où se sont déversés tous les rebuts d’une civilisation intoxiquée. L’« authentiq
1719 s obsède, nous ne pourrons pas le retrouver. Il n’ est pas au terme d’un mouvement d’abandon à l’instinct énervé et au resse
1720 tinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’ est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’être recréé par un effort contrai
1721 air. Il n’est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’ être recréé par un effort contraire à la passion, c’est-à-dire par une act
1722 urification — un retour à la sobriété. Agir, ce n’ est pas s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’est pas tuer ce
1723 s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’ est pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’est pas non plus tirer son revolv
1724 que. Ce n’est pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’ est pas non plus tirer son revolver contre l’esprit sous prétexte qu’il n
1725 en vérité, c’est accepter les conditions qui nous sont faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter
1726 tte à l’esprit et retrouve par lui sa paix. Telle est la voie. Éros mortel, Éros vital — l’un appelle l’autre, et chacun d’
1727 à la guerre, la société devait la persécuter. Ce fut Rome qui porta le fer et le feu dans les provinces gagnées à l’hérési
1728 é elle, cette glorification de l’amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté à la fois essenti
1729 nnaissance mystique réprouvée, puis perdue. Telle fut la chance de la littérature en Occident ; et cela seul peut expliquer
1730 n se mettant au service de mystiques partisanes ? Serait -ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas ce
1731 et déjà s’exalte en « mystiques ». C’est que nous sommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de
1732 r en figures. Les dernières formes de l’amour ont été balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemple symbolique :
1733 a, Pétrarque. 129. Sainte Thérèse : « Ces grâces sont accompagnées d’un entier détachement des créatures, quant à l’esprit…
1734 r par Dieu lui-même, considère toutes choses sans être enchaînée par aucune. » 136. Le Déclin du Moyen Âge. 137. Selon A.
1735 e. 149. L’abbé de Sade, propre oncle du marquis, est l’auteur d’un ouvrage intitulé : Remarques sur les premiers poètes fr
1736 Rappelons que l’amour fameux d’Abélard et Héloïse est le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Vo
1737 daient l’union des habitants des cieux : Déjà ils sont entrés dans le sanctuaire du Sauveur. Abélard répondit assez mal à c
1738 : « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 153. Est -ce la faute à Rousseau ? Ou plutôt au symbolisme ? Beaucoup de dames
1739 ui dont les yeux ont une fois contemplé la beauté est déjà voué à la mort… » 155. Les italiques sont dans le texte origina
1740 té est déjà voué à la mort… » 155. Les italiques sont dans le texte original. 156. Autre vision manichéenne du monde : la
1741 er les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui est l’éclairage illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la cr
1742 lozengier. 163. Cf.chap. II, livre II. Le roman est un poème qui n’exprime plus l’instant mais la durée. 164. Surtout l
7 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre V. Amour et guerre
1743 ormes Du désir à la mort par la passion, telle est la voie du romantisme occidental ; et nous y sommes tous engagés pour
1744 est la voie du romantisme occidental ; et nous y sommes tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — inconsciemment
1745 t nous y sommes tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et
1746 l’éducation, la politique. Un fort gros livre ne serait pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce liv
1747 mêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre soit écrit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche. Car
1748 urtout à les situer dans la logique du mythe, qui est mon vrai sujet. On peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’e
1749 peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’ est pas moins instructif, en ce domaine, que la recherche des causes, et
1750 ce domaine, que la recherche des causes, et qu’il est certainement moins trompeur. Il n’est pas nécessaire par exemple de r
1751 s, et qu’il est certainement moins trompeur. Il n’ est pas nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour con
1752 constater que l’instinct de guerre et l’érotisme sont fondamentalement liés : les figures courantes du langage le font voir
1753 ntes relatives à la genèse des instincts, je m’en tiendrai à quelques rapprochements formels entre les arts d’aimer et de guerro
1754 yer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos étant simplement de marquer un parallélisme entre l’évolution du mythe et l
1755 re les effets de l’amour naturel. Le dieu d’amour est un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l’hom
1756 me se rend à l’homme qui la conquiert parce qu’il est le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession
1757 meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession d’une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous p
1758 nstinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il serait vain de chercher des ressemblances entre la tactique des Anciens et l
1759 ent les gestes élémentaires du guerrier, mais qui sont empruntées d’une façon très précise à l’art des batailles, à la tacti
1760 bien typique de la courtoisie, c’est l’amant qui sera son prisonnier en même temps que son vainqueur. Il deviendra le vassa
1761 nteries à double sens. Ce parallélisme d’ailleurs est complaisamment exploité par les écrivains. C’est un thème de rhétoriq
1762 de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’amour soit comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’une guerre épo
1763 que ses tendres paroles. Ses flèches et ses coups sont les bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande effic
1764 oups sont les bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande efficacité. Les soupirs composent son artillerie.
1765 composent son artillerie. Sa prise de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a
1766 rise de possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise
1767 de la Nuit. La mort y joue un rôle central : elle est la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort
1768 et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés désir et guerre
1769 rt sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés désir et guerre. Mais ni cette origine religieuse, ni cette co
1770 la guerre « Donner un style à l’amour », telle est , selon J. Huizinga, l’aspiration suprême de la société médiévale dans
1771 , un besoin d’autant plus impérieux que les mœurs sont plus féroces. Il faut élever l’amour à la hauteur d’un rite, la viole
1772 té spirituelle de la société médiévale !) Or s’il est vrai que cette morale courtoise ne parvint guère à transformer les mœ
1773 andi, qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’ est pas seulement dans le détail des règles de combat individuel que se f
1774 à cette époque une valeur d’absolu religieux. Il est fréquent qu’on se laisse tuer pour respecter des conventions d’une me
1775 re eux. » De même, les nécessités de la stratégie sont sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 14
1776 sance abandonnent la cotte d’armes afin de ne pas être , en revenant, obligés de reculer en vêtements guerriers. Maintenant,
1777 r ses pas ; il passe la nuit dans l’endroit où il est , et fait se ranger l’avant-garde conformément à ce nouveau plan. » Le
1778 le péril qu’on recherche pour lui-même, car on n’ est pas inapte en d’autres cas à trouver des prétextes pour esquiver ses
1779 étend à tous les domaines où le style et la forme sont choses essentielles ; les cérémonies, l’étiquette, les tournois, la c
1780 in, droit d’attaque — fidélité à la parole donnée sont régis par des règles semblables à celles qui gouvernent le tournoi et
1781 la chasse. » L’Arbre des Batailles d’Honoré Bonet est un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à
1782  Si l’on perd dans la mêlée une armure empruntée, est -on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de
1783 n perd dans la mêlée une armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? —
1784 ne armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? —  Est -il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se bat
1785 au Moyen Âge par la conception chevaleresque, ce sont essentiellement selon Huizinga : la lutte pour la paix universelle ba
1786 le saint ou le pécheur ; mais en général, ils se tiennent en équilibre instable avec d’énormes écarts de la balance. » 4.Les
1787 e. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte II est pourtant un domaine où s’opère la synthèse à peu près parfaite des in
1788 s de l’amour romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous forme de lecture, mais surtout donnés en spectacle. Ce
1789 a représentation dramatique et le sport. Celui-ci est , au e, de beaucoup le plus important. Le drame ne traitait encore, en
1790 que la matière sacrée ; l’aventure amoureuse n’y était qu’exceptionnelle. Le sport médiéval, au contraire, et surtout le tou
1791 rt médiéval, au contraire, et surtout le tournoi, était lui-même dramatique au plus haut point et contenait, en outre, une fo
1792 et amoureux ; mais tandis que les sports modernes sont presque retournés à la simplicité grecque, le tournoi de la fin du Mo
1793 ve à l’accomplissement du désir, et la délivrance est donc de toute manière assurée. » La mise en scène des tournois emprun
1794 cle, le Pas d’Armes dit de la Fontaine des Pleurs est basé sur une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine est constr
1795 une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine est construite à cet effet. Pendant une année entière, tous les premiers
1796 oyer, devant la fontaine, une tente dans laquelle est assise une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci tient une licor
1797 se une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci tient une licorne qui porte trois écus. Tout chevalier qui touche l’écu s’e
1798 s des chevaux prêts à cet usage. » « Le chevalier est toujours inconnu ; c’est « le blanc chevalier », « le chevalier mesco
1799 alamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie est répandu sur toute l’action ; le nom de la Fontaine des Pleurs est émi
1800 toute l’action ; le nom de la Fontaine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés d
1801 ine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés de larmes blanches ; on les touche pa
1802 rmes d’argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus sont noirs et violets aux larmes noires ou or. » L’élément érotique du tou
1803 sins. » ⁂ Cependant, la grande vogue des tournois est l’indice d’un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le débu
1804 . « En tant que principe militaire, la chevalerie était devenue insuffisante ; la tactique avait depuis longtemps renoncé à s
1805 es règles : la guerre, aux xive et xve siècles, était faite d’approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « v
1806 evalerie et celle de l’art militaire moderne ; il est un élément dans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâc
1807 canisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce sera porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’est-ce
1808 hevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’ est -ce pas une ironie du sort qui fit que cette fleur des chevaliers erra
1809 rants à la mode de Bourgogne, Jacques de Lalaing, fut tué par un boulet de canon ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conv
1810 ondottieri et canons « L’Italie n’avait jamais été si florissante ni si paisible qu’elle l’était vers l’année 1490. Une
1811 amais été si florissante ni si paisible qu’elle l’ était vers l’année 1490. Une paix profonde régnait dans ses provinces : les
1812 dans ses provinces : les montagnes et les plaines étaient également fertiles ; riche, bien peuplée et ne reconnaissant point de
1813 d’empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers étaient avant tout d’avisés diplomates, d’astucieux commerçants. Ils savaient
1814 des vaincus et presque toujours respectée. Ils ne sont pas longtemps prisonniers et ils recouvrent très aisément la liberté.
1815 . Une ville a beau se révolter vingt fois, elle n’ est jamais détruite ; les habitants conservent toutes leurs propriétés ;
1816 onc le contraire d’une « militarisation ». L’État était devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre e
1817 l’expression de Burckhardt. La guerre elle-même s’ était civilisée dans toute la mesure où le paradoxe est soutenable. Le duel
1818 ait civilisée dans toute la mesure où le paradoxe est soutenable. Le duel des chefs était fort en honneur, et suffisait à t
1819 où le paradoxe est soutenable. Le duel des chefs était fort en honneur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’était pl
1820 neur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’ était plus d’ailleurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’une perso
1821 t dans les Allemagnes. Si par ailleurs, la guerre était devenue diplomatique dans les hautes sphères, et vénale dans la prati
1822 on sens moderne de politesse et de civilité. Il n’ était plus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait
1823 e passage de ce prince en Italie, dit Guichardin, fut la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèr
1824 ats changèrent tout à coup de face, les provinces furent ravagées, les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L
1825 t ravagées, les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L’Italie apprit aussi une nouvelle mais sanglante mét
1826 ment la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il fut depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la tranquillité. »177 Ce n
1827 y rétablir l’ordre et la tranquillité. »177 Ce n’ était pas que les Italiens eussent ignoré l’usage de l’artillerie jusqu’à c
1828 gère, et dont les pièces qu’ils appelaient canons étaient toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu
1829 nt canons étaient toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu’elles faisaient en peu de temps ce qu’o
1830 s ; enfin cette machine plus infernale qu’humaine était aussi utile aux Français dans les combats que dans les sièges… ». Aut
1831 e des condottieri « la plupart des hommes d’armes étaient ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’un autre
1832 celui pour lequel ils faisaient la guerre », et n’ étaient donc animés « ni par aucun sentiment de gloire ni par aucun motif ext
1833 it comme une armée nationale : « Les gens d’armes étaient presque tous sujets du Roi et gentilshommes » ce qui les empêchait de
1834 ampagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100 furent tués : « Nombre considérable par rapport à la manière dont on faisait
1835 guerre en Italie », remarque Guichardin. Et ce n’ était vraiment qu’un début ! Burckhardt affirme que les dévastations frança
1836 urckhardt affirme que les dévastations françaises furent peu de chose en comparaison de celles commises un peu plus tard par l
1837 hommes de guerre, aux xviie et xviiie siècles, sera de dominer le monstre mécanique, afin de sauver autant que possible l
1838 donner un style à l’instinct. La guerre classique est un effort pour conserver et recréer ce style malgré l’intervention de
1839 nt des forces de l’adversaire. Le monde militaire est toujours tombé dans ces erreurs quand il s’est mis à abandonner la no
1840 re est toujours tombé dans ces erreurs quand il s’ est mis à abandonner la notion droite et simple des lois de la guerre, à
1841 les résolutions des hommes. » — « Spiritualiser » est peut-être excessif : il ne s’agissait guère que de rationaliser. Mais
1842 de rationaliser. Mais l’expression (méprisante !) est bien typique de la psychologie qui apparaîtra dès la Révolution franç
1843 s laquelle nulle civilisation et nulle culture ne sont proprement concevables. Racine aussi, nous l’avons vu, croyait qu’on
1844 secrètement désirés ; mais la grandeur de l’homme est de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait
1845 uerre en dentelles L’exemple du xviiie siècle est le plus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. I
1846 its de tueries inouïes ; la gloire d’un chevalier est faite du nombre de ses adversaires pourfendus et décapités, et si pos
1847 t d’autre que trois morts. C’est l’art savant qui est à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne suis point pour les bata
1848 est à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne suis point pour les batailles, surtout au début d’une guerre. Je suis pers
1849 les batailles, surtout au début d’une guerre. Je suis persuadé qu’un bon général pourra la faire toute sa vie sans s’y voir
1850 igé. » S’il faut cependant en venir aux mains, ce sera du moins pour une bataille « rangée », un siège « en règle », et la t
1851 s ennemies — en véritable héros de l’Astrée qu’il fut . Et cette suprême politesse devant la mort, à Fontenoy. ⁂ Mais voici
1852 ui nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en est le résultat ? Car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
1853 Quel en est le résultat ? Car le succès définitif est incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
1854 sans compter la perte sur notre population, qui n’ est réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
1855 erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne sont pas tous aussi chers, comme on sait ; mais enfin, il y aurait encore
1856 etourner la position… Et l’attaque commencée, ils sont jusqu’au bout des comédiens étonnants, pareils à ces livres du temps
1857 lesquels il n’y a pas un sentiment exprimé qui ne soit feint ou dissimulé… « N’omettre rien », c’est le précepte de l’un d’e
1858 la passion sur le plan collectif. À vrai dire, il est plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute pa
1859 nellement. Toute passion, dira-t-on, suppose deux êtres , et l’on ne voit pas à qui s’adresse la passion assumée par la Nation
1860 ns toutefois que la passion d’amour, par exemple, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’amant, bien plus que
1861 le au monde. « Mon regard ravi s’aveugle… Seul je suis — Moi le monde… » La passion veut que le moi devienne plus grand que
1862 ns le savoir) qu’au-delà de cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est
1863 a fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est une autoexaltation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vra
1864 tation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vrai que sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un amour : pr
1865 et qu’on proclame. Mais cette haine de l’autre, n’ est -elle pas toujours présente dans les transports de l’amour-passion ? I
1866 gt fois supérieures, à l’heure où liberté et mort étaient bien près d’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont lié
1867 ’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont liées comme l’Amour et la Mort. Désormais le fait national sera le fa
1868 me l’Amour et la Mort. Désormais le fait national sera le facteur dominant de la guerre. « Celui qui écrit sur la stratégie
1869 et une tactique nationales, seules susceptibles d’ être profitables à la nation pour laquelle il écrit. » Ainsi s’exprime le
1870 a Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « science exacte ». C’est au cri de V
1871 ainsi cette phrase fameuse : « Une ère nouvelle s’ était ouverte, celle des guerres nationales aux allures déchaînées parce qu
1872 éléments de force jusqu’alors inexploités. » ⁂ Il serait assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte
1873 étorique et la surprise massive, brutale… Et il n’ est pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perd
1874 t pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perdue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’
1875 ar défaut d’élan national-révolutionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon fut le premier à tenir compte du facteur
1876 tionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon fut le premier à tenir compte du facteur passionnel dans la conduite des
1877 énéraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’ est pas possible de méconnaître, comme ce Bonaparte, les principes les pl
1878 et tragique » (Foch). Il faudrait préciser : ce n’ est pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du
1879 sionnelle d’un Fichte et d’un Hegel, par exemple, furent les premiers appuis du nationalisme allemand. D’où le caractère de pl
1880 oïque. (De tous temps les guerres de religion ont été de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les trois premiers qu
1881 sse pas de s’exercer au nom de la Nation, mais ce sont bel et bien des intérêts qui mènent le jeu, ainsi que l’a fort bien m
1882 Foch, dans ses Principes de la guerre : La guerre fut nationale au début pour conquérir et garantir l’indépendance des peup
1883 , Saragosse, Tarancon, Moscou, Leipzig, etc. Elle fut nationale par la suite pour conquérir l’unité des races, la nationali
1884 e des Italiens et des Prussiens de 1866, 1870. Ce sera la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’Allema
1885 , des traités de commerce avantageux. Après avoir été le moyen violent que les peuples employaient pour se faire une place
1886 commerce suit le drapeau, disent les Anglais. Ce fut la période coloniale, la dernière « paix » méritée par l’Europe. On a
1887 sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’ était plus, en effet, un principe spirituel qui inspirait les « formes » et
1888 s (conquête de Madagascar). La guerre coloniale n’ est en somme que la continuation de la concurrence capitaliste par des mo
1889 mpagnies. Vers la fin du xixe siècle, l’amour183 était devenu ; dans les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sen
1890 s de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’ être aujourd’hui dans les annonces matrimoniales. La sexualité pure n’inte
1891 l’absinthe, et c’est pourquoi Jarry dit que l’eau est impure.) De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinio
1892 arry dit que l’eau est impure.) De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « r
1893 composé d’excitations de l’opinion publique — qu’ est -ce que la « revanche », sinon un sentimentalisme national ? — et de p
1894 ècles de culture de la passion. La guerre de 1914 fut l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance du mythe
1895 erie entre les formes de l’amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la
1896 , soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant sa force armé
1897 on », choses et personnes assimilées. La guerre n’ est plus un viol mais un assassinat de l’objet convoité et hostile — c’es
1898 sant cet objet au lieu de s’en emparer. Verdun ne fut d’ailleurs qu’un prodrome de cette guerre nouvelle, puisque le procéd
1899 mais sur la chair qui fabrique les canons, ce qui est évidemment plus efficace. La technique de la mort à grande distance
1900 elle se retourne contre la passion même dont elle est née. Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui est nouveau da
1901 Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui est nouveau dans l’histoire du monde. Là-dessus, trois remarques dont on
1902 dessus, trois remarques dont on verra qu’elles ne sont pas sans liens : a) La guerre est née dans les campagnes : elle a mê
1903 a qu’elles ne sont pas sans liens : a) La guerre est née dans les campagnes : elle a même porté leur nom jusqu’à nos jours
1904 des masses paysannes, la Première Guerre mondiale fut un premier contact avec la civilisation technique. Une sorte de visit
1905 calculatrices d’ingénieurs. Désormais, l’homme n’ est plus que le servant du matériel ; il passe lui-même à l’état de matér
1906 l’état de matériel, d’autant plus efficace qu’il sera moins humain dans ses réflexes individuels. Ainsi, malgré le dopage e
1907 prévisions de la psychologie. L’instinct combatif est déçu. De 1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompa
1908 xualité qui accompagnait les grands conflits ne s’ est guère produite qu’à l’arrière dans les populations civiles. En dépit
1909 t de soldats prouvent que la guerre du matériel s’ est traduite en réalité par une « catastrophe sexuelle »184. L’impuissanc
1910 tels qu’onanisme chronique et homosexualité, tel fut le résultat statistique de quatre années passées dans les tranchées.
1911 t de la « déclaration » de guerre. Les traités ne seront plus la solennelle conclusion des hostilités. Les distinctions arbitr
1912 mberont. D’où résulte que la défaite d’un pays ne sera plus symbolique, métaphorique, c’est-à-dire limitée à certains signes
1913 t-à-dire limitée à certains signes convenus, mais sera concrètement la mort de ce pays. Encore une fois, dès que l’on abando
1914  d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’ est le « complexe de castration ». 11.La passion transportée dans la p
1915 la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’ être clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lic
1916 , lorsque ce champ cesse d’être clos comme doit l’ être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles,
1917 s comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’ est plus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement — 
1918 ouvé d’autres modes d’expression en actes. Elle y était d’ailleurs contrainte par la dépréciation des résistances morales et
1919 e part, dans les pays démocratiques, les mœurs se sont assouplies à tel point qu’elles tendent à n’offrir plus d’obstacles a
1920 t personnels. L’amour, dans l’entre-deux-guerres, fut un curieux mélange d’intellectualisme angoissé (littérature de l’inqu
1921 les relations individuelles des sexes ont cessé d’ être le lieu par excellence où se réalise la passion. Celle-ci paraît se d
1922 Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous sommes entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’un théâtre nouveau
1923 n quête d’un théâtre nouveau. Et le premier qui s’ est offert, c’est le théâtre politique. La politique de masses, telle qu’
1924 e masses, telle qu’on l’a pratiquée depuis 1917 n’ est que la continuation de la guerre totale par d’autres moyens (pour rep
1925 dique déjà. Et par ailleurs, l’État totalitaire n’ est que l’état de guerre prolongé, ou recréé, et entretenu en permanence
1926 nsposer les passions individuelles au niveau de l’ être collectif. Tout ce que l’éducation totalitaire refuse aux individus i
1927 morale qui concerne les citoyens : et l’eugénisme est la négation rationnelle de toute espèce d’aventure privée. Mais cela
1928 assion ; mais il dit aux peuples voisins : — Nous sommes trop nombreux dans nos frontières, j’exige donc des terres nouvelles 
1929 s à la base viennent s’accumuler au sommet. Or il est clair que ces volontés de puissance affrontées — il y a déjà plusieur
1930 l, tacite, fatal, de ces exaltations totalitaires est donc la guerre, qui signifie la mort. Et comme on le voit dans le cas
1931 le voit dans le cas de la passion d’amour, ce but est non seulement nié avec vigueur par les intéressés, mais il est réelle
1932 ment nié avec vigueur par les intéressés, mais il est réellement inconscient. Personne n’ose dire : je veux la guerre ; non
1933 out ce que l’on exalte y trouve son sens réel. Il serait aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la po
1934 litique et la passion. L’ascèse collectivisée, ce sont les restrictions que l’État impose au nom de la grandeur nationale. L
1935 d ils courtisent une assemblée électorale. Hitler est plus brutal : il se fâche et se plaint en même temps ; il ne persuade
1936 ûte ; il invoque enfin le destin et affirme qu’il est ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de s
1937 tel point féminins que ses opinions et ses actes sont déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur les sens que p
1938 sur les sens que par la pure réflexion. La masse est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus
1939 llement. (Mein Kampf.) Oui, « de tous temps » ce fut ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionne
1940 sante sur les individus. En outre, cette action n’ est plus exercée par un meneur quelconque, mais par le chef qui incarne l
1941 s’opère du privé au public. Quel Wagner surhumain sera donc en mesure d’orchestrer la grandiose catastrophe de la passion de
1942 ⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conclusion que j’ étais loin de prévoir en commençant ce livre. Que l’on suive l’évolution du
1943 pect trop ignoré de la crise de notre époque, qui est la dissolution des formes instituées par la chevalerie. C’est dans le
1944 dans le domaine de la guerre, où toute évolution est pratiquement irréversible — alors qu’il y a des « retours » littérair
1945 raires — que la nécessité d’une solution nouvelle est apparue en premier lieu. Cette solution s’appelle l’État totalitaire.
1946 r toute société. La réponse du xiie siècle avait été la chevalerie courtoise, son éthique et ses mythes romanesques. La ré
1947 e la tragédie classique186. La réponse du xviiie fut le cynisme de Don Juan et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme n
1948 n et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme ne fut pas une réponse, à moins que l’on admette — et c’est possible — que s
1949 t abandon aux puissances nocturnes du mythe n’ait été un dernier moyen de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soi
1950 de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soit , cette défense était faible en regard du péril déchaîné. Les forces a
1951 un excès voulu. Quoi qu’il en soit, cette défense était faible en regard du péril déchaîné. Les forces antivitales longtemps
1952 des liens sociaux. La première guerre européenne fut le jugement d’un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, e
1953 as que le drainage de toute passion par la nation soit autre chose qu’une mesure de détresse. C’est repousser la menace immé
1954 les ainsi constitués en blocs. L’État totalitaire est bien une forme recréée, mais une forme trop vaste, trop rigide et tro
1955 jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’ est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la guerre atomique tota
1956 en n’est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la guerre atomique totale, la désintégration physique et morale, et l
1957 physique et morale, et le problème de la passion sera supprimé avec la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce sera l
1958 la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce sera la paix, et le problème renaîtra dans les pays totalitaires, comme il
1959 ttéralement : position de qui gît à terre, de qui est couché au-dessous. (Cf. l’expression « avoir le dessous ».) Rappelons
1960 ges entre guillemets de ce chapitre et du suivant sont des citations de la traduction française. (Paris, 1932.) 172. Je ser
1961 la traduction française. (Paris, 1932.) 172. Je serais assez tenté de voir dans la fonction dramatique du tournoi l’une des
1962 e des origines de la tragédie moderne. Celle-ci s’ est constituée précisément à l’époque où les tournois passaient de mode,
1963 éments guerrier, sportif et théâtral. La tragédie serait ainsi une « action » privée du risque physique que comportait le tour
1964 t, Die Kultur der Renaissance, VI, p. 1. 176. Il est juste toutefois de rappeler qu’on tuait facilement dans ce pays. Mais
1965 raite et frappante, irréelle mais signifiante, qu’ est la moyenne des expressions typiques de l’amour à une époque donnée — 
1966 dans le beau, pour le vice que pour la vertu. Il est des « signes » qui ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a d
1967 e que pour la vertu. Il est des « signes » qui ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’un
1968 l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’une époque plutôt que d’une autre. 184. Conclusion de l’enquête me
1969 ansquenet moderne, éprouvant que la guerre totale est une négation de la passion guerrière, se jette alors dans des aventur
8 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre VI. Le mythe contre le mariage
1970 en l’opposition. Aux yeux de l’Église, l’adultère était tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un cr
1971 Testament, par exemple, une descendance nombreuse est signe d’élection tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge «
1972 er. Elle niait tout d’abord le sacrement, comme n’ étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile187. Elle condamnait la
1973 ollectif188. Mais le fondement de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant,
1974 que la morale. Ce qui, pour le croyant manichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alor
1975 Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants s
1976 laquelle nous vivons, de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi
1977 ous les adolescents de la bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais en même temps se trouvent baignés
1978 ille allusions quotidiennes, dont le sous-entendu est à peu près : que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doi
1979 t le sous-entendu est à peu près : que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour la connaître, et que l
1980 it un jour la connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et
1981 « ont passé par là ». Or la passion et le mariage sont par essence incompatibles. Leurs origines et leurs finalités s’exclue
1982 nos « sécurités » sociales. En d’autres temps, ce fut la fonction du mythe que d’ordonner cette anarchie latente et de la c
1983 le d’exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’ est déprimé et profané en même temps que les formes sociales dont il tira
1984 problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire
1985 sacrées. — Le mariage, chez les peuples païens, s’ est toujours entouré d’un rituel dont nos institutions gardèrent longtemp
1986 s en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi démodée que le corset. Et la majorité des couples n’éprouve plu
1987 , de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent, sont en train de passer au second plan dans les pays démocratiques, et par
1988 pithalamiques se simplifient ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telle
1989 e siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’ est plus qu’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours
1990 repousse avec horreur. Car l’engagement religieux est pris « pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient auc
1991 r le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et
1992 2.Idée moderne du bonheur Le mariage cessant d’ être garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fonder
1993 conjoints dans le cas le plus favorable. Or s’il est assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient
1994 insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’ être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sen
1995 i revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par d
1996 le plus souvent. Le résultat de cette propagande est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même
1997 bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut l
1998 ir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivr
1999 rt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’ être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et
2000 Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instant
2001 tir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instantanément en une absence insuppo
2002 e morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est probable que cette intention ou cet espoir expliquent en partie la fa
2003 voltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et p
2004 ssion serait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exal
2005 bonheur »… Ou l’ennui résigné ou la passion : tel est le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela
2006 vre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour était considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encore il a
2007 e idée toute moderne et romantique que la passion est une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois et des coutu
2008 sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit en réalité une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme », comme
2009 âme », comme pensaient les Anciens, tout le monde est prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des m
2010 lus le croire, à l’âge du film et du roman — nous sommes tous plus ou moins intoxiqués — et cette nuance est décisive. Le mode
2011 s tous plus ou moins intoxiqués — et cette nuance est décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal
2012 r ! Je vais y entrer, je vais y monter, je vais y être « transporté » ! La sempiternelle illusion, la plus naïve et — j’ai b
2013 Mais l’homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’es
2014 st la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’ est qu’un début — un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il e
2015 omme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est un névrosé qui s’ignore. (Dans x années, on le
2016 ssion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est un névrosé qui s’ignore. (Dans x années, on le fera soigner.) Certes,
2017 ion, de même que chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais
2018 ue chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme
2019 e de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atte
2020 fère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours
2021 plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve191 ; elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle,
2022 Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte
2023 pousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie cac
2024 a révélation mythique. (Pas même la couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’amour » moderne : le mariage avec la
2025 fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait est -elle encore désirable une fois rejointe ? Car Iseut, c’est toujours l
2026 t fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être , cela même qui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de poss
2027 e combat. On imagine différente la femme que l’on tient dans ses bras, on la déguise et on l’éloigne en rêve, on s’acharne à
2028 rêve, on s’acharne à dépayser les sentiments qui sont en train de se nouer dans une durée étale et trop sereine. C’est qu’i
2029 s où la femme perd son « attrait », parce qu’il n’ est plus d’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe do
2030 les victimes d’un mythe dont l’horizon mystique s’ est refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut figurait le symbole du
2031 ce des liens terrestres. Il fallait donc qu’Iseut fût l’Impossible, car tout amour possible nous ramène à ces liens, nous r
2032 es dans l’espace et le temps sans lesquelles il n’ est point de « créatures » — alors que le seul But de l’amour infini ne p
2033 — alors que le seul But de l’amour infini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Moi déifié. Mais pour
2034 ient tourmenter sans lui révéler son secret, il n’ est au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourmen
2035 oursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin — et
2036 de la nature essentielle de la passion mystique d’ être sans fin — et c’est par là que cette passion se détachait des rythmes
2037 la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’ est plus que le retour sempiternel d’une ardeur constamment déçue. Le myt
2038 où se complaisent les modernes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’elle n’a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l
2039 ’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’ est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre s
2040 e n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils c
2041 la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vite, ils cèdent avant que l’expérience ait
2042 sives. Les catégories se détruisent, l’aventure n’ est plus même exemplaire. Seul, le Don Juan mythique échappait à cette co
2043 ontraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’ être , une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’i
2044 Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’ est plus qu’une lente consomption. À cette lumière, que jette sur nos ps
2045 hez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’ être . Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à nos auteu
2046 non plus chez l’autre seulement — la coquetterie est un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infid
2047 un peu simple — mais on en vient à désirer que l’ être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
2048 mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
2049 fois de plus, que le mythe des amants « ravis » s’ est dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’est plus qu’une sens
2050 dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’ est plus qu’une sensation — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde
2051 etombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur s
2052 ’est que, passant « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter
2053 de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudr
2054 st donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est , parce qu’il faudrait tout d’abord s’accepter, ils ne voient de toute
2055 i la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à s’exalt
2056 re de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il
2057 nt les effets ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruin
2058 aborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie
2059 sif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le
2060 pour boire le philtre, et j’en vois moins encore être élus par le sort pour succomber au tourment exemplaire. Mais tous ou
2061 en rêvassent. Et si brouillée, et défraîchie que soit l’empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de
2062 empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’ est le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien
2063 t intolérables pour tout ordre social, quel qu’il soit . (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la pe
2064 courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du m
2065 ersonnelle ; selon le second, l’union monogamique serait la forme la plus rationnelle des relations entre les sexes, dans une
2066 « conflit psychologique » et les « névroses » qui seraient à l’origine du mal (d’où l’on déduit que la médecine mentale guérirai
2067 éments d’une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quel
2068 dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage que l’on prétend fonder sur lui
2069 r sur lui. C’est qu’on ne sait pas au juste ce qu’ est l’amour-passion, ni d’où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y
2070 s existé, elle existera donc toujours, et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cel
2071 n « déchaînement » sexuel de la jeunesse que l’on serait tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne195. Quan
2072 otre histoire européenne195. Quant au mariage, il fut en principe balayé durant la période des Soviets. La morale des intel
2073 gt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’ est opéré, non par quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’une l
2074 consciente des conditions de sa durée. Staline s’ est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans
2075 ment statique et stabilisateur au premier chef qu’ est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui con
2076 abilisateur au premier chef qu’est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit
2077 rocessus de ruine des obstacles sociaux, pour s’y être développé sans violences extérieures, n’avait que plus gravement miné
2078 ée incarnant l’idéal racial). Ces femmes devaient être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type d
2079 mmes allemandes. Et l’on décréta que les mariages seraient contractés dorénavant « au nom de l’État ». Le but dernier de l’entre
2080 Pourtant la tentation totalitaire subsiste. Il n’ est pas interdit d’imaginer qu’un jour nos démocraties y succombent, au n
2081 de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévi
2082 rier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’ est -ce pas une urgence »197 ? Les opératrices décidèrent aussitôt que c’e
2083 97 ? Les opératrices décidèrent aussitôt que c’en était une. Et le journal qui rapportait l’histoire l’intitula : L’Amour est
2084 al qui rapportait l’histoire l’intitula : L’Amour est classé parmi les cas d’urgence. Ce petit fait banal illustre des croy
2085 l montre que les termes d’« amour » et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « aime » il faut se marier sur
2086 nesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Or
2087 presque toujours : c’est la durée. Or le mariage est une institution faite pour durer — ou n’a pas de sens. Voilà le premi
2088 nt par les statistiques de divorce, où l’Amérique tient le premier rang. Vouloir fonder le mariage sur une forme d’amour inst
2089 l’État de Nevada. Exiger de n’importe quel film, fût -il sur la bombe atomique, qu’il tienne une certaine dose de la drogue
2090 te quel film, fût-il sur la bombe atomique, qu’il tienne une certaine dose de la drogue romanesque (plus encore qu’érotique) n
2091 ons et de séparations ; le mariage, au contraire, est fait d’accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’am
2092 mariage, l’amour du « prochain ». Si donc l’on s’ est marié à cause d’une romance, une fois celle-ci évaporée, il est norma
2093 use d’une romance, une fois celle-ci évaporée, il est normal qu’à la première constatation d’un conflit de caractères ou de
2094 aractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi suis -je marié ? Et il est non moins naturel qu’obsédé par la propagande un
2095 l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et il est non moins naturel qu’obsédé par la propagande universelle pour la rom
2096 on de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il est parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorcer pour trouver d
2097 une nouvelle promesse de bonheur ; les trois mots étant synonymes. Ainsi, guérissant son ennui par une fièvre passagère, « lu
2098 e chose de plus net, sans compromis. Mais si l’on est ennemi des compromis, il est contradictoire de se marier. Et si l’on
2099 promis. Mais si l’on est ennemi des compromis, il est contradictoire de se marier. Et si l’on veut tirer une traite sur son
2100 si l’on veut tirer une traite sur son avenir, il est fort imprudent de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne p
2101 i l’on veut le mariage, c’est-à-dire la durée, il serait normal d’en assurer les conditions. Mais ces réformes n’auraient que
2102 de la sagesse tribale au risque individuel ; elle est irréversible et il faut l’approuver, dans la mesure où elle tend à or
2103 ollectif ou natif à la décision personnelle. ⁂ Il est clair que la crise présente du mariage, en Europe comme en Amérique,
2104 ndes ou prochaines, dont le culte de la romance n’ est qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner dans cet ouvrage.)
2105 hologique primant sur le sens du serment, peuvent être rattachés au complexe romanesque. Mais il y a plus, et dans d’autres
2106 ie professionnelle et sa revendication d’égalité) est un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation des connaiss
2107 vulgarisation des connaissances psychologiques en est un autre : l’homme et la femme du xxe siècle, même très sommairement
2108 eu des refoulements et de l’origine des névroses, sont portés à plus d’exigence que leurs ancêtres quant au mariage et à la
2109 ls, sporadiques et incohérents. ⁂ On sent combien serait vaine toute tentative actuelle pour « résoudre » les contradictions q
2110 la conscience individuelle. Toute solution que je serais tenté de proposer, fût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir,
2111 . Toute solution que je serais tenté de proposer, fût -elle jugée « la bonne » par le siècle à venir, serait aujourd’hui fra
2112 ût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir, serait aujourd’hui frappée d’inefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait p
2113 ’en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’ est pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’une fièvre,
2114 nter de la couper, comme on le fait d’une fièvre, serait bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre u
2115 chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce serait en même temps une sorte de tricherie, soit que la solution n’apporte
2116 t ce serait en même temps une sorte de tricherie, soit que la solution n’apporte en vérité qu’un essai de retour à l’équilib
2117 , dont la crise même dénonce toute la précarité ; soit qu’elle projette sur l’avenir collectif une théorie ou des préceptes
2118 bles, mais dont les effets lointains ne sauraient être évalués tant que le sens général de la crise nous échappe. Il s’agit
2119 , déduites du seul désir d’arrêter les dégâts, ne serait -ce pas lui dénier arbitrairement le caractère qu’elle semble avoir :
2120 , p. 186. Le sacrement catholique se justifierait soit par le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) 
2121 le de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit par le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce q
2122 e l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; soit par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les
2123 ont souvent exprimé cette opinion : « Les crimes sont un tribut payé à la vie. » (Carpocrate, cf. Schultz, Dokumente der Gn
2124 Dokumente der Gnosis.) 189. Encore que la faute soit alors considérée moins par rapport à la morale en soi, que sous l’asp
2125 u chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il fut abondamment exploité par le film allemand, sous l’hitlérisme. 191. L
2126 me que l’on désire, la femme de notre nostalgie), est la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passion veut « la Princesse
2127 concourir à l’explosion démographique. 194. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a p
2128 ique. 194. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’un « problèm
2129 des pays bourgeois après la guerre. La différence est qu’en Russie on affichait des principes « émancipés » — qu’ailleurs o
9 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Livre VII. L’amour action, ou de la fidélité
2130 n dessein le plus secret m’échappe encore. L’aveu sera jugé insolite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le conse
2131 ieux déterminés, et sous les astres dont le cours est calculable. J’ai cru cerner le secret du mythe. La découverte n’est p
2132 ai cru cerner le secret du mythe. La découverte n’ est pas négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas u
2133 crit pas une forme d’existence sans y participer, fût -ce même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour
2134 même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens :
2135 n sens : approuver ou rejeter la passion. Combien serait vaine l’attitude intellectuelle qui se définirait elle-même comme une
2136 cevoir, d’observer que la passion, quelle qu’elle soit , ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours rais
2137 ant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion est justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux yeux du monde —
2138 e de la passion est justement celui qui choisit d’ être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévocabl
2139 is encore plus agressive, sans doute, puisqu’il n’ est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter q
2140 éculier. (Sans compter que la Croisade, au total, fut un échec dont la passion sut profiter.) C’est qu’avant tout et après
2141 is une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu200. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le s
2142 tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme a
2143 nd c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il ne se tue, et le
2144 l ne se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’ être , c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpass
2145 ieu culturel où la passion plonge ses racines, il est probable que l’État s’en chargera, c’est son hygiène. Il y a toutes l
2146 pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’ est peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaîtr
2147 oup, tel que je le reconnais dans ma vie. Et ce n’ est à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle sol
2148 on probablement n’existe pas, si elle existait ce serait pour moi seul : on ne se décide jamais que pour son compte — et le re
2149 e décide jamais que pour son compte — et le reste est indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passio
2150 la passion ne peut exister — et alors en parler n’ est qu’un jeu — mais dans le choix qui détermine une existence. 2.Crit
2151 que du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’apparaît en second lieu que la rais
2152 ble, il m’apparaît en second lieu que la raison n’ est guère plus efficace pour légitimer le mariage ; et que les arguments
2153 ence devant les ironies du romantique. Mais elles sont mises en pleine déroute par la simple véracité. La fameuse « paix du
2154 « enfer ». Et je lui fais un plus large crédit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement
2155 nné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins — ou des névrosés, pourquoi seraient-ils des
2156 éralement des coquins — ou des névrosés, pourquoi seraient -ils des anges une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’a-t-on
2157 la première porte venue ! Ce silence que l’épouse est censée ménager autour du vaillant travailleur qui rentre le soir, har
2158 ux tous, lui qui d’abord exalte la passion, comme étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmont
2159 l’homme pieux qui estimait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur po
2160 e avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu est « essentiellement malheureux », et cette passion chrétienne est la se
2161 llement malheureux », et cette passion chrétienne est la seule vérité, et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne
2162 !) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants sont renvoyés aux arguments des romantiques, qui valent contre leur morali
2163 ur humanisme. Que dit l’Apôtre ? Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
2164 emme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’ est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis r
2165 un, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en u
2166 e devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, car la
2167 1-32.) Et voici le coup de grâce ; Celui qui n’ est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au
2168 r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
2169 32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiq
2170 e contre le mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut — s
2171 e mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut — soit du poi
2172 de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut — soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre — soit d
2173 ue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre — soit du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’est possib
2174 de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’ est possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières cr
2175 femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière
2176 erait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ tou
2177 ns celle du couple formé. Les facteurs mis en jeu sont trop hétéroclites. À supposer que vous puissiez les calculer dans le
2178 es calculer dans le présent (comme si leur nombre était fini) et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs
2179 telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et leur hiérarchie évidente, encore ne sauriez-vous prévoir l
2180 ne seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est pourtant à
2181 ors que tout nous montre que cent-mille essais ne seraient pas encore assez pour constituer les premiers éléments, tout balbutia
2182 le reconnaître honnêtement : le problème qui nous est posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus inso
2183 mariage apparaît d’autant plus insoluble que l’on tient davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il
2184 es impondérables deviennent décisifs. Le sophisme est alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné
2185 selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’ est pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle sup
2186 els. Mais enfin ce n’est pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle suppose. Lorsqu’on incite les je
2187 t non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant être qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une garantie. Et la
2188 r d’une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour to
2189 ’agit avant tout de calcul. D’où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’enseigner aux jeu
2190 gent à assumer les suites, heureuses ou non. Ce n’ est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer
2191 : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raiso
2192 tie d’une union raisonnable dans les apparences n’ est jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’u
2193 apparences n’est jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’une décision prise en dépit de tout, e
2194 Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’ est pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comble
2195 n épouse, ce n’est pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous ê
2196 es, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’une dot adéquate — dont
2197 able — et munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui
2198 adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’
2199 Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous êtes . » Car cela signifie en vérité : c’est vous que je choisis pour parta
2200 uve que je vous aime. (Vraiment, pour dire : Ce n’ est que cela ! — comme le diront beaucoup de jeunes gens qui s’attendent,
2201 lité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possibl
2202 ette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas compromise en germe par un calcul forcément ine
2203  », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’ étant pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4.Sur la
2204 érée comme absolue. La problématique du mariage n’ est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkeg
2205 s dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’ est pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il e
2206 e sa réalisation. » Ce n’est pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il entraîne. (De même on faus
2207 ne croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou e
2208 est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’est pas — comme tout ce qui porte une chance
2209 ir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’ est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passi
2210 ociologues ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infi
2211 ue la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus uti
2212 lutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus utiles dès que les hommes se régleront sur la raison et l’in
2213 yeux et dans leur langage, la fidélité conjugale est le succès d’un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale,
2214 e, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’ est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoqu
2215 ction profonde, nous l’avons vu, la gauloiserie n’ étant pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idé
2216 é observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engagé, simplement, et que c’est un fait absolu, sur quoi se fonde la
2217 e des époux. Il faut bien voir que cette fidélité est à contre-courant des valeurs aujourd’hui vénérées par presque tous. E
2218 e la multiplicité des expériences. Elle nie que l’ être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand no
2219 nces. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. El
2220 ités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est avant tout l’obéis
2221 la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’ est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construc
2222 est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins autant que la passion,
2223 r ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’ être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer,
2224 œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à quelque chose qui n’était pas, mais que l’on crée. Pers
2225 la première est la fidélité à quelque chose qui n’ était pas, mais que l’on crée. Personne, œuvre et fidélité : les trois mots
2226 . Personne, œuvre et fidélité : les trois mots ne sont point séparables ou concevables isolément. Et tous les trois supposen
2227 . (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jou
2228 paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est fait
2229 e de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vi
2230 st faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie, fût-elle la plus déshéritée, détient sa chance i
2231 utes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie, fût -elle la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et
2232 homme découvre que la folie du sacrifice consenti était la plus grande sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est re
2233 e sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pa
2234 onheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et il se peut aussi
2235 e peut aussi que rien ne compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’on
2236 ne grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une
2237 d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété q
2238 sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’ est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application.
2239 tiente et tendre application. ⁂ Cependant, tout n’ est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion vér
2240 t, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire de
2241 lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaison
2242 nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et
2243 ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplement
2244 ù est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait -ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsq
2245 uissante » qui l’accueille par ces paroles : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un n
2246 e, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a
2247 délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’ est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte
2248 Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte qui s’appelle Iseut, mais à sa plus prof
2249 psychologues peuvent y lire. « Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée perd
2250 etour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engagement pris pour ce monde. Partant d’une déraison
2251 sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans
2252 r le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est
2253 créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est , dans son intime singularité. Insistons : la fidélité dans le mariage
2254 sistons : la fidélité dans le mariage ne peut pas être cette attitude négative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut ê
2255 ative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une pre
2256 e action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : e
2257 fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’ être aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle le proc
2258 e son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-
2259 ersonne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individ
2260 me, on découvrira que la fidélité dans le mariage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce sera
2261 e nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passio
2262 ’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’ être deux\ et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illimité,
2263 m qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’ être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et
2264 Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus qu
2265 us que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’i
2266 iage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’ être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tourne ave
2267 r afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’ est alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui
2268 qui veut mon bien autant que le sien, parce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait
2269 arce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’ était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une
2270 le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange d
2271 ? Il faut donc la marquer par un exemple simple. Être amoureux n’est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ;
2272 a marquer par un exemple simple. Être amoureux n’ est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ; aimer, un acte.
2273 e. Être amoureux n’est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ; aimer, un acte. On subit un état, mais on déci
2274 eux n’est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ; aimer, un acte. On subit un état, mais on décide un acte. O
2275 fidèle, éduquer ses enfants. On voit ici combien sont différents les sens du mot aimer dans le monde de l’Éros et dans le m
2276 a pensée » ne saurait concerner que des actes. Il serait totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impéra
2277 structures de relations actives. L’impératif : «  Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverai
2278 ations actives. L’impératif : « Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa libe
2279 « Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa liberté. 5.Éros sauvé par Agap
2280 Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de
2281 t Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’am
2282 ans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’ être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu
2283 ue la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’ être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’É
2284 mérite pas d’être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’Éternel. Car après tout c’est ici-bas
2285 ur. L’homme naturel ne pouvait pas l’imaginer. Il était condamné à croire Éros, à se confier dans son désir le plus puissant,
2286 n de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espér
2287 eut maintenant espérer autre chose, il sait qu’il est une autre délivrance du péché. Et voici que l’Éros à son tour se voit
2288 telle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’ être un dieu, il cesse d’être un démon 202. Et il retrouve sa juste place
2289 estin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’ être un démon 202. Et il retrouve sa juste place dans l’économie provisoir
2290 a séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’ est fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris c
2291 humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’ est pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le
2292 ême, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’ est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut dans
2293 premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’ est plus au-delà, toujours plus haut dans l’ascension interminable du Dés
2294 rps, mais c’est la femme. (I. Cor., 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme » comm
2295 femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme » comme le croira cependant Novalis, renouvelant
2296 e échappe à l’abaissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne do
2297 on de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de
2298 ateur. Elle procède du mystère de l’amour. Elle n’ est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’
2299 te son amour pour l’homme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une
2300 mme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant
2301 é d’images — du moins perd-il son efficace : ce n’ est plus lui qui détermine la personne. En d’autres termes, on pourrait d
2302 Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exige pa
2303 « fatalité » de la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accréditée par Don Juan, comme la « fatalité »
2304 par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que ce
2305 t alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être trompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique roma
2306 romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre ana
2307 voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute
2308 alité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’ est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissan
2309 « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissance fatale qui agissait en lieu et place de ma
2310 se une « fatalité » ! Quant au coup de foudre, il est censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous eng
2311 me des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et
2312 ine les contingences morales. Mais alors, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’une
2313 is alors, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’une fidélité contrainte et détesté
2314 u’un pareil mythe est né de rêves compensateurs —  soit d’une fidélité contrainte et détestée, soit d’une jalousie masochiste
2315 urs — soit d’une fidélité contrainte et détestée, soit d’une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’impuissance. Et en
2316 inte et détestée, soit d’une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan
2317 impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de
2318 corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monogamie, normalisant l
2319 e la monogamie, normalisant les rapports sexuels, est la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement cha
2320 sé. Je répète toutefois que le mariage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d
2321 e son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait inefficace aux yeux de qui préfère le mythe et veut croir
2322 e la passion. On objecte alors que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, natur
2323 oire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombe
2324 ai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour sauvage »205 (et plus communément du sentimenta
2325 le viol, comme la polygamie, révèle que l’homme n’ est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la f
2326 humaines. Par contre, l’homme qui se domine, ce n’ est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il ai
2327 istianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme, passion, dynamisme, corres
2328 les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrét
2329 chéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’ est pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hér
2330 une hérésie d’origine orientale. Cette hérésie s’ est répandue d’abord dans les contrées les moins christianisées, précisém
2331 enaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’ est pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou
2332 anisme a réveillée et orientée vers Dieu »206. Il est plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, i
2333 t de la religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyance
2334 e. Première correction d’importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de
2335 re procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Ma
2336 ntal, j’entends notre génie technique, ne saurait être un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
2337 ené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur
2338 visible. La passion ni la foi hérétique dont elle est née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nat
2339 ction originelle du Démiurge, et puisque le salut est justement d’échapper à sa loi démoniaque207. Faut-il voir à la source
2340 s (c’est-à-dire créateurs) du dynamisme européen, sont orientés par une volonté exactement contraire à celle de la passion.
2341 devenant mortelle, trahit les ambitions dont elle est née. Il se peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’est forgé
2342 peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’ est forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le
2343 t succombe à ce destin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le répètent tant de p
2344 tin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’ est pas le christianisme — comme le répètent tant de publicistes — qui es
2345 sme — comme le répètent tant de publicistes — qui est responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident
2346 astrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’ est pas chrétien208. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’igno
2347 trophique de l’Occident n’est pas chrétien208. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’ignorent communément ceux qu
2348 stianisme et l’Occident, comme si tout l’Occident était chrétien. Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour
2349 Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour avoir trop longtemps cultivé la religion para ou même antichréti
2350 de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion serait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est
2351 erait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures
2352 entale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’ est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie
2353 l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyanc
2354 s mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter.
2355 ion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle fut la tentation permanente d’où jaillirent nos plus belles créations. Ma
2356 a plus typique de leur morale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement
2357 sion ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il est certain que l’Occidental christianisé se distingue de l’Oriental par
2358 gue de l’Oriental par son pouvoir d’approfondir l’ être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fi
2359 e du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’ être dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle. « D’a
2360 limitations. Le chrétien prend le monde tel qu’il est , et non point tel qu’il peut le rêver. Son activité « créatrice » con
2361 rt. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il est en d’a
2362 le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il est en d’autres, certes, dans les domaines les plus divers : le culte du
2363  : tout ce qui tend à ruiner la personne. Mais ce sont là des phénomènes complexes et collectifs, qui échappent souvent aux
2364 ariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’ est plus sensible et quotidien, plus intimement vérifiable. 7.Au-delà
2365 r la destruction de notre civilisation. Tout cela est , tout cela nous menace, et d’autant plus qu’on voudrait le nier. Cepe
2366 menant alors un âge classique… Mais après tout, n’ est -ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains
2367 a figure de ce monde passe », mais notre vocation est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fon
2368 es constatations tout objectives auxquelles je me suis vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines
2369 ut objectives auxquelles je me suis vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines décisions. Elles i
2370 troduisent à une problématique nouvelle, et qui n’ est pas toujours aussi simpliste que le dilemme passion-fidélité peut nou
2371 Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y
2372 ste encore : condamner la passion en principe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait
2373 pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’ est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori t
2374 assion, c’est qu’il n’en a connu aucune, et qu’il est en deçà du conflit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est
2375 lit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel20
2376 e inhérent à tout exposé. ⁂ Le premier thème peut être situé par rapport à un drame personnel dont les données biographiques
2377 ame personnel dont les données biographiques nous sont suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Kierkeg
2378 kegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette r
2379 monde. Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’o
2380 pécheur ne saurait entretenir avec son Dieu — qui est l’Éternel et le Saint — que des relations d’amour mortellement malheu
2381 igine pure de la passion — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort
2382 initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’ être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien pl
2383 , mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi,
2384 jaloux : car elle est bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que l
2385 on peut alors concevoir que la passion — quel que soit l’ordre où elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel, et son sal
2386 son salut, que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en ve
2387 hose qu’une « solution », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard n
2388 ute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre était le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que
2389 nnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là sont trop simples et totales pour qu’un discours vienne mettre ses délais
2390 notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’ est peut-être pas d’une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même
2391 ssentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passio
2392 avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement 
2393 e désire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce
2394 lle, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’ est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus
2395 cesse dans l’acte même d’obéir, en sorte qu’il n’ est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seul
2396 née du mortel désir d’union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la rencontre d’un autre, par l’admissio
2397 uffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le contentement. Une dernière fois po
2398 otre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le contentement. Une dernière fois pourtant nous reprendron
2399 s reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on
2400 Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’ est pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adop
2401 beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fi
2402 cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon n’ est plus le même. Une fidélité gardée au Nom de ce qui ne change pas comm
2403 1 juin 1938. (Révision : 1954.) 200. Je m’en tiens au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage c
2404 devient singulier. À cette personnalisation de l’ être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct
2405 et justement pas en tant qu’Éros sublimé. Éros n’ est pas le péché ; le péché c’est la sublimation d’Éros. » 203. En quoi
2406 le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’une personne. La personne, selon la fameuse définition
2407 ameuse définition kantienne, c’est ce qui ne peut être utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 204. Sur l
2408 eo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion est admirablement défini par ce petit livre dans ses données actuelles ps
2409 notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’ est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la
2410 nce. Ce n’est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la grâce fait par Dieu. 209. Faut-il alle
2411 n deçà. Si bien que le seul au-delà concret qu’il soit en état de désirer, d’imaginer, c’est le « dérèglement des passions »
2412 e peut très bien lui apparaître : la loi. Or ce n’ est que le renoncement à la loi ainsi comprise qui peut nous conduire à l
10 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Appendices
2413 je parle quand je parle du mythe « primitif ». Il serait aisé de se prévaloir du caractère sacré que certains auteurs du siècl
2414 gie celtique. Dès le viie siècle, Tristan aurait été un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gardien des mar
2415 re élève l’initié à la vie de l’esprit. Tout cela est vraisemblable, et contesté. Dans les Mabinogion, recueil des légendes
2416 e les Bretons armoricains et les Gallo-Francs. Il est incontestable que maints éléments de la tradition bardique (orale) so
2417 maints éléments de la tradition bardique (orale) sont incorporés dans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il est non
2418 ans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il est non moins certain que Béroul, Thomas, Eilhart, l’auteur du Roman en p
2419 du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’ étaient pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primitivement s
2420 magie montrent bien que l’usage de ces dernières est oublié, à l’époque et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’est
2421 que et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’ est plus qu’ornements d’art, pittoresque, anecdotes interprétées par la f
2422 aits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan étaient sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extravagances.
2423 le, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut, était dans la mythologie druidique le vaisseau de la mort qui s’en va par-d
2424 nfyd. Dans la Folie Tristan, la maison de verre n’ est plus qu’une image émouvante née de la fantaisie poétique de l’amoureu
2425 valerie sacrée La pensée médiévale en général est saturée de conceptions religieuses. De la même manière, dans une sphè
2426 ent dans les cercles de la cour et de la noblesse est imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cette conception envahit même le
2427 religion : la prouesse de l’archange saint Michel était « la première milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques fut mise
2428 ère milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques fut mise en exploict » ; c’est de là que procède la chevalerie qui, en ta
2429 que « milicie terrienne et chevalerie humaine », est une imitation des chœurs des anges autour du trône de Dieu. Le poète
2430 s guerres, tout comme la politique de leur temps, étaient extrêmement informes, et apparemment incohérentes. La guerre était un
2431 informes, et apparemment incohérentes. La guerre était un état chronique d’escarmouches isolées s’étendant sur un vaste doma
2432 ions de droit isolées et mesquines. L’histoire, n’ étant pas en mesure de discerner un réel développement social, se servait d
2433 geste et romans courtois Les chansons de geste sont nées au xie siècle, et pas avant comme l’a montré Joseph Bédier. Ell
2434 t pas avant comme l’a montré Joseph Bédier. Elles furent composées, pour la plupart, par des clercs, et dans des intentions pr
2435 ques miraculeuses et ses héroïques fondateurs. Il est compréhensible que ces chansons de clercs parlent très peu ou point d
2436 édier) contient un épisode d’amour courtois. Elle est écrite dans un dialecte intermédiaire entre le français et le provenç
2437 ans sa forme — à celle du Roman de Tristan. Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention courtoise (
2438 an. Or il est évident que cette situation ne peut être qu’une invention courtoise (elle tranche nettement sur le reste de la
2439 tranche nettement sur le reste de la légende qui est cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repè
2440 . Voici la donnée : le duc Girard de Roussillon a été quérir une fiancée pour Charles le Chauve, son suzerain. Accompagné d
2441 , Berthe, épousera Charles, la cadette, Elissent, sera la femme de Girard. Lorsque Charles voit les deux princesses, il s’ép
2442 nsent à céder Elissent, à condition qu’il cesse d’ être vassal du roi. Il épouse Berthe, tandis qu’Elissent devient reine. Au
2443 que j’ai fait de vous ? Je sais bien que vous me tenez pour méprisable. — Non, Seigneur, mais pour un homme de valeur et de
2444 par les plaines herbues… L’analogie avec Tristan est très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissant ch
2445 ps que des liens féodaux. Mais les différences ne sont pas moins significatives. Dans Tristan, c’est la jalousie d’Iseut aux
2446 ouement romanesque, tandis que dans le second, il est épique. Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce sont les in
2447 Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce sont les intérêts féodaux qui entraînent à des guerres sans fin. — Voici d
2448 une obligation de nécessité, tandis que les époux sont tenus par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugeme
2449 bligation de nécessité, tandis que les époux sont tenus par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugement que
2450 rmission d’offrir ses hommages à une autre : il y fut autorisé et cessa de sentir pour sa première amie la tendresse qu’il
2451 un mois, il revient à elle, proteste de ne pas s’ être épris ailleurs, et de n’avoir pris aucune liberté avec l’autre dame,
2452 elle-ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en est rendu indigne en implorant et en acceptant pareille licence. Arrêt d
2453 eille licence. Arrêt de la reine Éléonore. Telle est la nature de l’amour : les amants feignent souvent de souhaiter d’aut
2454 lors qu’il croit que la première le néglige. Ce n’ est point tant la constance de son amie que la sienne propre qu’il veut m
2455 sfert » au sens freudien — la situation juridique est bien du même ordre. 4.Conceptions orientales de l’amour Il est
2456 dre. 4.Conceptions orientales de l’amour Il est bien entendu que j’appelle Orient une certaine attitude totale de l’h
2457 ent une certaine attitude totale de l’homme qui s’ est manifestée principalement chez les peuples et dans les religions de l
2458 Asie. L’Iran, l’islam, l’Arabie et le judaïsme ne sont pas cet Orient-là, et se rattachent directement (Livre II, chap. 2 et
2459 amour » n’existe pas en Chine. Le verbe « aimer » est employé seulement pour définir les rapports entre la mère et les fils
2460 quelque chose qui se rapproche du mot « amour », est oubliée tout de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois sont marié
2461 out de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois sont mariés très jeunes par leurs parents, et le problème de l’amour ne se
2462 ndéfini que tous les autres, et dont nous voulons être sûrs. L’attitude de l’Européen qui se demande toute sa vie : « Est-ce
2463 ude de l’Européen qui se demande toute sa vie : «  Est -ce de l’amour ou non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est
2464 mande toute sa vie : « Est-ce de l’amour ou non ? Est -ce que j’aime vraiment cette femme, ou est-ce que j’ai de l’affection
2465 non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est -ce que j’ai de l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou est-
2466 me, ou est-ce que j’ai de l’affection pour elle ? Est -ce que j’aime Dieu ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Es
2467 l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou est -ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être o
2468 u ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Est -ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son dé
2469 eulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découv
2470 envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être ou est -ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découvre aprè
2471 lement envie de l’aimer — cette attitude pourrait être considérée par un psychiatre chinois comme un symptôme de folie. « No
2472 hiatre chinois comme un symptôme de folie. « Nous sommes fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie est fondée sur la p
2473 fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie est fondée sur la passion, et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je
2474 on, et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je suis moi-même le plus fou de tous les fous, hélas ! Mais au moins maintena
2475 e le sais. Et encore : La civilisation chinoise est fondée sur la famille, et la famille sur l’absence d’amour. Les tradi
2476 te manifestation de tendresse entre mari et femme est jugée inconvenante. (Ces lignes datent de 1933. Elles sont entièreme
2477 inconvenante. (Ces lignes datent de 1933. Elles sont entièrement confirmées par tout ce que j’ai pu lire depuis sur l’érot
2478 « chronologiquement parlant, les deux mouvements sont à peu près contemporains ». On a donc supposé une filiation des ciste
2479 pothèse en montrant : 1° que l’objet de l’amour n’ est pas le même pour saint Bernard et pour les troubadours, ces derniers
2480 ensualité naturelle ; 2° que la nature de l’amour est très différente dans les deux cas, malgré d’apparentes analogies d’ex
2481 e la courtoisie et la mystique de saint Bernard n’ est pas seulement, comme l’a vu M. Gilson, celle de la « chair » et de l’
2482 à tout amour charnel » (p. 195). L’amour courtois serait au contraire « l’expression poétique de la concupiscence » (p. 200).
2483 c’est flatter un « bon sens » des modernes qui n’ est sans doute que le résidu de préjugés scientifiques dépassés. Il se po
2484 s scientifiques dépassés. Il se pourrait que nous tenions là un bel exemple d’anachronisme. A-t-on seulement remarqué que les s
2485 ssières » aux mœurs des troubadours, ma déduction serait inverse de celle des savants modernes. Marcabru n’hésite pas à nommer
2486 ue cela ne choque personne — et non du tout qu’il est un débauché. Ayant choisi le symbolisme amoureux, il joue le jeu le p
2487 aturel, selon la coutume de son temps. Ou si l’on tient que le langage érotique traduit nécessairement une sensualité déchaîn
2488 « On n’a jamais entendu saint Bernard souhaiter d’ être débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le
2489 missent sous le joug de l’Amour. Donc cet amour n’ est pas spirituel. — Mais plus tard, d’autres mystiques catholiques, sain
2490 es expressions des troubadours, et souhaiteront d’ être libérés des tourments de l’amour divin : c’est là bien entendu, comme
2491 t déduire d’un tel « refus » que l’Amour courtois était purement sensuel, la déduction vaudrait aussi pour sainte Thérèse ; c
2492 iens obtient au contraire sa récompense. « On lui est uni (à la Béatitude) du fait même qu’on t’aime. » — Or M. Gilson dit
2493 it fort bien, deux pages plus loin, que « si Dieu est immanent sans être transcendant, il n’y a pas de problème mystique au
2494 pages plus loin, que « si Dieu est immanent sans être transcendant, il n’y a pas de problème mystique au sens où les chréti
2495 t à expérimenter… c’est l’immanence d’un Dieu qui est et reste transcendant. » Mais alors, lorsqu’une créature aime son Die
2496 situation du troubadour vis-à-vis de l’amour des êtres . Certes : « la pureté de l’amour courtois sépare les amants, au lieu
2497 t ». Mais il faut voir que les amants courtois ne sont séparés sur la terre qu’en vertu de cet amour mystique qui les unit à
2498 ommunier. d) Pour démontrer que l’amour courtois est sensuel, M. Gilson cite encore une strophe de Thibaut de Champagne :
2499 doutes sur la nature des sentiments dont Thibaut est animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage est, entre autres, de « 
2500 est animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage est , entre autres, de « réformer sérieusement notre conception des amours
2501 te de Salvador Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’ étais tenté de tenir les surréalistes, qui apparemment m’ont choisi comme s
2502 Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’étais tenté de tenir les surréalistes, qui apparemment m’ont choisi comme saint patron, po
2503 hnique, m’a incité à reconsidérer mon opinion. Il serait en effet très intéressant d’étudier analytiquement la genèse d’un tab
2504 conseiller, ministre ou un général. Le mot aurait été latinisé en fercia, puis altéré par les Français en fierce, d’où selo
2505 « vierge » (latin « virgo »). La déviation du son est aussi prononcée que celle du sens. Il s’agit en tout cas d’une erreur
2506 t en tout cas d’une erreur, qui eût aussi bien pu être toute différente, ou ne pas être, comme on le voit en Russie, où la p
2507 ût aussi bien pu être toute différente, ou ne pas être , comme on le voit en Russie, où la pièce reste masculine. Ensuite, le
2508 pas de soi, mais constitue, précisément — s’il s’ est vraiment produit — un signe de plus de la révolution psychique du Moy
2509 de la mystique soufiste dans la Comédie, il peut être intéressant de mentionner la thèse hardie et quelque peu aventureuse
2510 ordre des Templiers, mais encore cet ordre aurait été lié à l’hérésie cathare — en dépit de certaines apparences — comme le
2511 nvito, et même le De vulgari eloquentia devraient être interprétés symboliquement. Dans un opuscule postérieur, Aroux précis
2512 — Mots introuvables dans la Comédie, quand l’idée est partout présente. « Dames ». — Les initiés du templarisme albigeois,
2513 ar un dédoublement mystique de l’âme et du corps, étaient censés avoir les deux sexes, hommes en tant que corps et forme matéri
2514 vieux manuscrits, pour qu’une littérature entière soit passée sous leurs yeux sans qu’ils y aient vu autre chose que des con
2515 peignant l’amour de Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan) accumule les expressions religieuses les plus
2516 vie. Il entra dans une vie nouvelle Où tout son être fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était com
2517 Il entra dans une vie nouvelle Où tout son être fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était comme e
2518 . Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était comme entremêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens étaient tr
2519 remêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens étaient troublés Égarés par la Minne Et comme délivrés De leur frein naturel.
2520 t. (Traduction Bossert.) Les trois derniers vers sont une parfaite confirmation de ma définition de la passion opposée à l’
2521 (correspondant à la forêt de Morois chez Béroul) est décrite en détail, et chaque détail comporte un sens symbolique comme
2522 ymbolique commenté par l’auteur. La « fossure » a été construite par des géants. C’est une voûte dont la clef est faite de
2523 uite par des géants. C’est une voûte dont la clef est faite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal, etc.
2524 al, etc. Mais voici ce qui nous intéresse : Ce n’ est pas sans raison Que la fossure est reléguée Dans cette contrée sauvag
2525 éresse : Ce n’est pas sans raison Que la fossure est reléguée Dans cette contrée sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’
2526 sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’amour N’ est pas dans les routes battues Ni autour des habitations humaines. Il ha
2527 les déserts. Le chemin qui conduit à sa retraite Est dur et pénible. (Traduction Bossert.) Pour qui conserverait des dout
2528 rencontrer la « récompense » de ses peines. (Il n’ est pas devenu Parfait) : J’ai connu la fossure Quand je n’avais que 11
2529 la fossure Quand je n’avais que 11 ans Mais je ne suis jamais allé en Cornouailles. Comment pourrait-il s’agir d’amour phys
2530 t le dernier vers indique bien que la « fossure » est purement symbolique, puisqu’elle peut exister ailleurs qu’en Cornouai
2531 e. (L’argument avancé me convainc peu : l’hérésie était de nature dogmatique, et saint François ne s’occupait pas de doctrine
2532 ie (Bulgares ou Bougres dans les pays du Nord), s’ étaient emparés du gouvernement de plusieurs municipalités. Le podestat d’Ass
2533 de plusieurs municipalités. Le podestat d’Assise était un hérétique, avant 1204 ! Dans les cités avoisinantes, il y eut de n
2534 autre part, on sait bien que saint François avait été le disciple enthousiaste des poètes français (d’où son nom même). Il
2535 e ressemblance. Il reste que saint François, s’il fut influencé par l’atmosphère de la religion d’Amour, en transporta tout
2536 ompher d’Éros. Mars déchaîné, même contre Éros, n’ est guère qu’un autre aspect du « mal » qu’il veut détruire, et plus barb
2537 uer de nouvelles communautés religieuses. » Elles sont nombreuses — des centaines de mille, selon le pape Jean xxii, en 1321
2538 urope, et spécialement en Brabant. Leur mouvement est né « au point de rencontre de deux courants généraux » : le catharism
2539  avoir un béguin » signifie en français moderne «  être coiffé de quelqu’un », être amoureux.) Les béguines, confondues avec
2540 en français moderne « être coiffé de quelqu’un », être amoureux.) Les béguines, confondues avec les cathares au début, furen
2541 béguines, confondues avec les cathares au début, furent souvent persécutées par l’Église. L’une fut même brûlée vive en 1236,
2542 t, furent souvent persécutées par l’Église. L’une fut même brûlée vive en 1236, et plusieurs furent soumises à l’ordalie. L
2543 L’une fut même brûlée vive en 1236, et plusieurs furent soumises à l’ordalie. L’époque où apparaissent les béguines « est non
2544 ’ordalie. L’époque où apparaissent les béguines «  est non pas celle de l’affranchissement de la femme, mais celle où commen
2545 ttérature courtoise ». Leurs poèmes d’amour divin sont connus, publiés et traduits aujourd’hui en plusieurs langues. L’inspi
2546 e Hadewych d’Anvers (milieu du xiiie siècle) ont été traduits en français, annotés et remarquablement introduits par le Fr
2547 tions de cet Appendice.) « Le recueil de Hadewych est par sa date comme par son style, un témoin privilégié : il fait plus
2548 tants de rhétorique et de poésie amoureuse : nous sommes à l’époque où la Provence vaincue achevait la conquête esthétique du
2549 t que la thèse selon laquelle Jeanne d’Arc aurait été tertiaire franciscaine s’appuie exclusivement sur le fait qu’un docum
2550 orosini, 1429) la déclare expressément béguine. » Est -il besoin de souligner que la seule existence des poèmes des béguines
2551 IV et V.) L’auteur montre que, pour Sade, le mal est l’unique élément de la Nature. On lit dans la Nouvelle Justine : « Ou
2552 la Création : « Le principe de vie dans tous les êtres n’est autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrisso
2553 tion : « Le principe de vie dans tous les êtres n’ est autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrissons dan
2554 nalyse du mythe nous a montré que cette antithèse est purement apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne sont que noi
2555 t apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne sont que noirceurs et cruauté, il faut alors pour s’en délivrer renchérir
2556 r le prochain. Sade choisit le prochain : il veut être criminel plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique est l’invers
2557 l plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique est l’inverse de la conscience romantique. Le romantique (Pétrarque) se c
11 1972, L’Amour et l’Occident (1972). Post-scriptum
2558 critiques, et redresser quelques erreurs, qui ne sont pas toutes de leur côté, comme on s’en doute. Au plus haut point poly
2559 ctifs qu’un certain type de spécialistes éminents sera toujours tenté de considérer comme autant de « difficultés », obscuri
2560 » assez libres de mon ouvrage. Voilà qui pourrait être vérifié — et l’a été sur quelques points — à l’occasion de diplômes e
2561 ouvrage. Voilà qui pourrait être vérifié — et l’a été sur quelques points — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il est m
2562 oints — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il est malaisé, en revanche, d’estimer les influences dialectiques, obliques
2563 s m’avoir lu ils comprenaient trop bien ce qu’ils étaient en train de faire. Enfin, certains de mes thèmes, explicités ou non,
2564 , ou le respect de l’autre en tant que différent, sont invoqués avec une fréquence croissante par des psychanalystes, des so
2565 ais le phénomène le plus ample dont mon livre ait été le catalyseur — je ne dis pas un instant la cause —, c’est peut-être
2566 imer toute mention de mon livre dans les leurs ne sont pas les derniers à s’ébattre sur le terrain que j’avais jalonné : la
2567 du nid d’aigle d’Hitler. Ses deux thèses extrêmes sont reprises d’Eugène Aroux et du Sâr Péladan : a) « tous les troubadours
2568 oux et du Sâr Péladan : a) « tous les troubadours étaient cathares, tous les cathares étaient troubadours » ; et b) la rhétoriq
2569 s troubadours étaient cathares, tous les cathares étaient troubadours » ; et b) la rhétorique courtoise fut le langage secret d
2570 ent troubadours » ; et b) la rhétorique courtoise fut le langage secret de l’hérésie. Voilà qui est insoutenable en faculté
2571 ise fut le langage secret de l’hérésie. Voilà qui est insoutenable en faculté, mais qui éveille dans l’esprit une obscure é
2572 vidence : l’impression que l’on vient de toucher, fût -ce à tâtons, le cœur du problème, et que d’une manière ou d’une autre
2573 ou d’une autre, dans la réalité fondamentale qui est celle du symbole, on brûle. De fait, les erreurs manifestes d’Otto Ra
2574 a genèse socioreligieuse que la masse des travaux tenus pour « sérieux » qui jusqu’alors avaient conclu régulièrement au très
2575 pour la remise du manuscrit, dont pas une ligne n’ est encore écrite, Rops me supplie de céder mon tour dans la série à un j
2576 quotidienne de découvrir ou d’inventer, le livre est terminé pour le solstice d’été, triomphe du Jour, et le soir même je
2577 inventer, le livre est terminé pour le solstice d’ été , triomphe du Jour, et le soir même je vais à l’Opéra, où l’on donne T
2578 tre sans date de 1938, il m’écrit en effet : « Je suis trop près de la question qui vous occupe pour la saisir d’un coup d’œ
2579 r la saisir d’un coup d’œil. D’autre part, elle n’ est qu’accessoirement pour moi matière d’érudition… Je veux dire que la q
2580 Cette dernière phrase suffit à m’assurer que nous sommes sur la même longueur d’onde.) Puis, le livre paru, 25 mars 1939, nouv
2581 importante sur votre livre213. Mais la question n’ est pas là. Je prépare une entreprise qui risque de donner beaucoup de re
2582 te, où il soutient que toute la poésie européenne est sortie du Languedoc et qu’il n’est pas un poète, russe, allemand, dan
2583 sie européenne est sortie du Languedoc et qu’il n’ est pas un poète, russe, allemand, danois, anglais, etc. qui ne doive son
2584 ivre, qui a pour titre « L’Amour et l’Occident », est (…) plein de références à des faits inconnus et souvent appuyées sur
2585 uite de révélations exaltantes à tous ceux qui se sont interrogés sur l’atmosphère poétique, morale et religieuse de notre p
2586 posé à partir de mon livre ou autour de lui. Ce n’ est qu’à mon retour d’Amérique que j’apprendrai que le Génie d’Oc a bel e
2587 alors Émile Novis) il explique que le catharisme soit soudain devenu l’un des thèmes favoris de journaux comme Combat, qui
2588 ation. Je lis enfin le numéro fameux : ma thèse y est partout diffuse et implicite, en filigrane, mais promptement condamné
2589 e affleure en clair ; mon nom nulle part, si ce n’ est dans quelque note méfiante au bas d’une page. Et voilà qui est normal
2590 que note méfiante au bas d’une page. Et voilà qui est normal, puisqu’il est, m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de
2591 as d’une page. Et voilà qui est normal, puisqu’il est , m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de disparaître des combi
2592 es livres consacrés au catharisme, si leur auteur est occitan — me semble mériter quelque attention. Cet aspect ombrageux d
2593 de cette immense et sombre affaire passionnelle —  fût -ce en fervent ami de la cause occitane —, je doute qu’il soit bien ju
2594 ervent ami de la cause occitane —, je doute qu’il soit bien juste de le rationaliser, comme on tend à le faire aujourd’hui e
2595 texte liminaire du Génie d’Oc : Les hommes d’Oc sont les héritiers d’une civilisation déchue… La religion de ces hommes [i
2596 e… La religion de ces hommes [i.e. le catharisme] était , comme leur philosophie, une épopée de la chute. On dirait que le tem
2597 ntrer dans l’histoire le drame de leur esprit… Il est assez naturel que l’échec d’une doctrine de salut engage le salut poé
2598 e religion devait transformer la poésie qui avait été longtemps sa sœur siamoise. À quoi, dans Les Celtes et la civilisati
2599 2) D’autre part, l’affabulation, la mythification étant le propre de l’esprit celtique, il s’est produit une sorte de transfe
2600 cation étant le propre de l’esprit celtique, il s’ est produit une sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’est tran
2601 ’est produit une sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’est transformé en une aventure merveilleuse, où l’écrouleme
2602 sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’ est transformé en une aventure merveilleuse, où l’écroulement de la socié
2603 , où l’écroulement de la société celtique ne peut être dû qu’à des circonstances plus ou moins magiques (p. 253) Quoi de c
2604 e par la force et la ruse ? Outre le fait d’avoir été soumises par les Saxons au nord, les Wisigoths au sud, bien avant d’ê
2605 axons au nord, les Wisigoths au sud, bien avant d’ être « mises en annexe » par les Français, il y a sans doute, dès l’origin
2606 te qui, par-delà tous nos calculs, vaincra… Je me suis un peu attardé sur cet exemple parce qu’il fait voir que ce qui impor
2607 t voir que ce qui importe, en fin de compte, ce n’ est pas que l’on soit pour ou contre une thèse, mais que l’on adopte un c
2608 importe, en fin de compte, ce n’est pas que l’on soit pour ou contre une thèse, mais que l’on adopte un certain angle de vi
2609 te, c’est qu’on s’occupe de cela qui auparavant n’ était pas vu, ne comptait pas, restait refoulé. C’est moins la décision que
2610 roblème qu’on convient de considérer. Enfin, ce n’ est pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu l’on est en train de jouer.
2611 est pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu l’on est en train de jouer. Ceci m’amène à ma longue querelle avec les histori
2612 ies gnostiques et l’hérésie de l’amour courtois — est devenue dans le milieu des érudits quelque chose comme une cause célè
2613 à ce qui semblait le plus spectaculaire mais qui était le plus vulnérable : la thèse de Rahn qui veut que le trobar clus ait
2614 rôle d’un langage secret de l’hérésie. Voilà qui était aussi facile à citer dans un écho de journal qu’à réfuter dans une re
2615 demeure : que troubadours et cathares ne peuvent être compris séparément, hors du grand phénomène religieux (psychosocial s
2616 grand phénomène religieux (psychosocial si l’on y tient ) qui les englobe et qui les porte du xiie au xive siècle. Et si vou
2617 te, du seul fait que je semblais ignorer ce qu’il était admis que l’on sût ou non, à ce moment-là, au sujet de l’amour courto
2618 t sur le ton légèrement excédé du spécialiste qui est payé pour savoir où en est l’affaire, et n’admet pas qu’on vienne lui
2619 édé du spécialiste qui est payé pour savoir où en est l’affaire, et n’admet pas qu’on vienne lui raconter des fariboles. Il
2620 ariboles. Ils me reprochaient surtout ce que je m’ étais gardé de dire, et passaient à côté de mon apport, lequel intervenait
2621 « divagations » dénoncées par les maîtres d’hier soient professées de nos jours par leurs anciens élèves dans un grand nombre
2622 récidivistes d’une conduite intellectuelle qui n’ est peut-être, en somme, que le substitut laïque de l’argument d’autorité
2623 tainement ingénieuse, mais qui a l’inconvénient d’ être entièrement contredite par les faits : lorsque le catharisme commence
2624 phique que sociale. C’est un fait que l’hérésie s’ est répandue chez les marchands des villes méridionales cinquante ans apr
2625 s. Or, les seigneurs, mais surtout leurs épouses, étaient généralement du côté de l’hérésie, non de l’Église. Et l’hérésie étai
2626 côté de l’hérésie, non de l’Église. Et l’hérésie était bien plus ancienne que Mme Pernoud ne veut le croire à seule fin d’in
2627 ces contrées. À propos des cathares qui auraient été surtout des « bourgeois » selon Mme Pernoud, mais « de modestes paysa
2628 es personnages les plus importants de ma terre se sont laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple. » On se rabat alors
2629 pérer des nobles dames qu’ils célébraient, et qui étaient pour la plupart au moins « croyantes », dans la seconde moitié du xii
2630 e : elles raisonnent à partir de clichés qu’elles tiennent pour incompatibles, et qu’elles choisissent d’ailleurs à cette fin. M
2631 gie des Troubadours (Tome II, les Poètes). Quelle est la proportion des « jongleurs », des bourgeois où des chevaliers parm
2632 fois les meilleurs et les plus représentatifs. Ce sont eux qui ont dû donner le ton, à commencer par Guillaume IX, qui était
2633 donner le ton, à commencer par Guillaume IX, qui était « le plus grand prince de France », et son ami le vicomte Eble de Ven
2634 nge, en passant par les quatre sires d’Ussel, qui sont peut-être d’une branche des Ventadour215. C’est à un autre procédé d’
2635 eur par phrase ». Les échantillons qu’il en donne sont des caricatures où l’erreur vient de lui. (Comment aurais-je dit, par
2636 , par exemple, que « l’amour-passion de Tristan n’ est rien d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réforme,
2637 reur par mot que l’on devrait relever216. Mais ce serait peine perdue, car notre auteur annonce que le dogme aura le dernier m
2638 e, et à penser que le dogme commande l’éthique ». Est -ce au nom de cette « cohérence », ou de l’esprit français, ou du dogm
2639 cohérence de votre personne sur un dogme qui lui est extérieur, et non sur ses données psychiques ou sa vraie foi, voilà q
2640 ses données psychiques ou sa vraie foi, voilà qui est bel et bon, mais gardez-le pour vous. Ne brûlez pas les hérétiques qu
2641 e du même système de recours à l’autorité, que ce soit celle de la Science, de l’Église, du Parti, ou de simples coutumes qu
2642 ples coutumes que l’on baptise Tradition : elle m’ est offerte par Mme Lot-Borodine. Dès avant la sortie de mon livre (dont
2643 er que je n’ai rien inventé, que ces « horreurs » sont dans les textes218, cette dame n’admet pas que l’on tienne compte d’u
2644 de la Sagesse, sa Dame. « Sa mystique courtoise… serait bien la réplique en terre germanique de la « piété fleurie » que les
2645 , croit-on, sous le masque de Clémence Isaure, ne serait qu’une autre personnification dévote » (p. 139). Et l’on retrouvera d
2646 a bien-aimée, entendre le son de sa voix ? Quelle est donc la figure de l’aimée, qui recèle tant de trésors charmants ? » (
2647 la véritable identité ou essence de la Dame : «  Est -elle Dieu ou créature humaine, femme ou homme, savoir secret ou puiss
2648 même page, quand il croit voir la Sagesse : Elle était à la fois loin et près, en haut et en bas, présente et néanmoins cach
2649 du minnespil des Allemands — ce ludus amoris qui est à la fois gaudium et dolor chez Suso ; — enfin, la nostalgie essentie
2650 i s’adresse à l’absolu, à l’infini : le senen qui est le dezirar des troubadours, et qui sera le Sehnen de Wagner. (Et même
2651 senen qui est le dezirar des troubadours, et qui sera le Sehnen de Wagner. (Et même les « mots crus » ne manquent pas, qui
2652 rouvaient la réalité » de la Dame !) Ainsi Suso «  tient cette gageure de chanter comme une femme aimée le Bien insaisissable,
2653 nt depuis toujours et à jamais incompatible, tout est là mis ensemble, aussi merveilleusement mêlé que dans la lyrique occi
2654 d’impossible, à supposer que leur disposition eût été telle. La thèse maxima — celle que je ne défends pas — assimilant la
2655 r le fait que le procédé impliqué par cette thèse est possible et réalisable. À ceux qui reviendront me démontrer que la rh
2656 courtoises tendrait donc à montrer que celles-ci sont sans liens spécifiques ni congénialité avec l’hérésie. Je distingue l
2657 quant à l’orthodoxie de Suso. De fait, sans qu’il soit même besoin de rappeler son influence sur la secte des Amis de Dieu,
2658 ur la secte des Amis de Dieu, nous savons qu’il s’ est formé dans l’atmosphère religieuse de Cologne, « bastion des Béghards
2659 concevait. Et surtout, ce culte de la Sagesse qui est un trait décisif de sa piété, ne le partage-t-il pas avec les hérétiq
2660 iques ? Faudra-t-il en déduire que Suso, en cela, était hérétique — ou au contraire que les cathares en cela étaient orthodox
2661 étique — ou au contraire que les cathares en cela étaient orthodoxes ? Je retiens qu’ils ont en commun quelque chose de plus es
2662 lbert Béguin avait écrit de son auteur : « Ce qui est remarquable, c’est que ce virtuose soit en même temps un esprit désin
2663 : « Ce qui est remarquable, c’est que ce virtuose soit en même temps un esprit désintéressé, soucieux de la seule vérité à l
2664 de Denis de Rougemont, dont L’Amour et l’Occident est une suite de paradoxes suggestifs, mais dénuée de tout sérieux histor
2665 remarquable auteur de L’Âme romantique et le Rêve tiennent , je crois, davantage à sa biographie qu’à une relecture de mon livre.
2666 e, pour « orthodoxe » que la déclare Béguin, n’en est pas moins ruinée de nos jours : d’un ensemble de travaux menés en tou
2667 Troyes — comme l’avait entrevu F. von Suhtschek —  est d’origine iranienne attestée, mithriaque, hermétique et en même temps
2668 cerdoce celtique, à partir de la Perse antique, s’ est opérée par l’hermétisme et le soufisme. Un certain « Kyot le Provença
2669 nçal » (cité par Wolfram comme sa source), qui ne serait autre que Guilhem ou Guillot de Tudela (et non de Tolède, comme on l’
2670 es attaquant de front avec une pétulance qui ne s’ est pas démentie depuis trente ans, l’autre plutôt par des réserves impli
2671 our réciproque malheureux, eux dont le maître mot est « Joie », n’est qu’un étrange contresens ». Le contresens que je vois
2672 alheureux, eux dont le maître mot est « Joie », n’ est qu’un étrange contresens ». Le contresens que je vois est inverse : J
2673 n étrange contresens ». Le contresens que je vois est inverse : Joy est le maître mot des troubadours et ce n’est pas la jo
2674 ns ». Le contresens que je vois est inverse : Joy est le maître mot des troubadours et ce n’est pas la joie au sens françai
2675 e : Joy est le maître mot des troubadours et ce n’ est pas la joie au sens français du mot. Je crains que le contraste absol
2676 tique. Je cite p. 52 : « L’idée de mort-par-amour est l’un des traits qui nous paraissent constituer la commune substance d
2677 e de la mort-par-désir — pour conventionnel qu’il soit  — est le ressort de Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d
2678 mort-par-désir — pour conventionnel qu’il soit — est le ressort de Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d’amour
2679 ice à l’extrême, tendre au salut, aller à Dieu, n’ est -ce pas un thème commun aux troubadours, aux mystiques arabes, et sans
2680 de al-Hallaj : « Adorer Dieu par amour seulement est le crime des manichéens », et que dans le roman provençal anonyme int
2681 e à adorer Dieu à travers la femme ».226 S’il en est bien ainsi, ni les cathares ni les troubadours ne sont très loin de l
2682 bien ainsi, ni les cathares ni les troubadours ne sont très loin de l’endura d’amour dont meurt Tristan et où Isolde le rejo
2683 dique (p. 41 et suivantes) à quel point « le Midi était familiarisé avec la riche matière de Bretagne… la Quête du Graal, Gau
2684 i a nom Bernard de Ventadour. Dans le poème qu’on tient pour son chef-d’œuvre et où l’on sent battre le cœur du lyrisme occit
2685 du lyrisme occitan, le canso de l’Alouette, tout est d’abord lum et clartaz. Mais c’est précisément du début de ce chant q
2686 r lui va…228 (Simone Weil : « Quand ce pays eut été détruit, la poésie anglaise reprit la même note, et rien dans les lan
2687 ris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’ est dérobée elle-même, ne me laissant que mon désir et mon cœur assoiffé 
2688 qui tant me plaît. Miroir, depuis qu’en toi je me suis vu, mes soupirs profonds me tuent, et ainsi je me suis perdu, comme l
2689 vu, mes soupirs profonds me tuent, et ainsi je me suis perdu, comme le beau Narcisse à la fontaine. Et voici le recours à l
2690 ts tourments Pour Iseut la blonde Ah Dieu, que ne suis -je aronde Pour traverser l’air D’un vol par la nuit profonde Jusque e
2691 és, l’exil, et l’instance obsédante de la mort ne sont -ils pas ici, comme dans Tristan, liés par les complicités profondes d
2692 d’assimiler et d’uniformiser ce qui diffère ! (Ce serait contraire à ma théologie, à mon éthique, et à toute ma doctrine polit
2693 s, puis Gottfried et Richard nous répètent qu’ils sont nés « pour désirer et pour mourir, pour mourir de désirer », en passa
2694 llemands, il existe une continuité, qui jamais ne fut « attestée » ni ne le sera par certificats d’origine, manifestes d’éc
2695 ntinuité, qui jamais ne fut « attestée » ni ne le sera par certificats d’origine, manifestes d’école ou expertises notariées
2696 ’émotion de Tristan. Je propose que cette émotion soit seule arbitre entre nos thèses. Jaufré Rudel de Blaye fut gentilhomm
2697 arbitre entre nos thèses. Jaufré Rudel de Blaye fut gentilhomme de grande noblesse et prince de Blaye ; et il s’énamoura
2698 et prit la mer. Et dans la nef il tomba malade et fut conduit à Tripoli, dans une auberge, comme mort. On le fit savoir à l
2699 mte de Saint-Antonin (xiie siècle), « où il nous est conté que la dame de ce troubadour, apprenant qu’il avait été tué dan
2700 e la dame de ce troubadour, apprenant qu’il avait été tué dans un combat, alla s’enfermer dans une maison de femmes hérétiq
2701 ais d’entrée de jeu : que « l’amour provençal » s’ est développé parallèlement au catharisme, dans les mêmes régions, et que
2702 es troubadours, p. 228) ; mais il ajoute ceci qui est non moins évident : « En 1250, le catharisme était définitivement vai
2703 est non moins évident : « En 1250, le catharisme était définitivement vaincu mais l’Église trouvait encore devant elle cette
2704 qui accueillaient et protégeaient les troubadours étaient , à la veille de la Croisade, sinon « parfaites » du moins « croyantes
2705 cit., p. 229). Une quinzaine de troubadours ont été cathares ou à tout le moins « catharisants », parmi lesquels Raimon d
2706 re, je n’hésite pas à ajouter Peire Cardenal.) Il est vrai que Nelli admet qu’on chercherait en vain dans leurs œuvres « la
2707 on spécifiquement hérétique » (p. 234), mais ceci est une autre histoire et dont j’ai parlé en son temps. (On chercherait e
2708 e leur nombre dès lors qu’il y en a au moins un — est la réfutation vivante des théories multipliées non seulement sur l’ab
2709 dans E. T. p. 223, note). Que Peire Cardenal ait été hérétique comme je le crois avec Lucie Varga, ou seulement sympathisa
2710 u seulement sympathisant comme le pense Nelli, il fut en tout cas troubadour : il y a donc « collusion » là encore. Le trou
2711 écrit en 1963 : « Nous ne prétendrons pas, ce qui serait absurde, que ce roman trahit une inspiration cathare… Mais le poète y
2712 ttitude de Guillem à celle d’un « patarin » qu’on est bien obligé de reconnaître que, dans son esprit, l’Amour et le cathar
2713 il redevient l’érudit qui écrit sa thèse et qui s’ est mis en tête de rivaliser avec les plus tatillons des « spécialistes »
2714 ue la possibilité même d’une telle rencontre doit être exclue, s’agissant de « deux éléments étrangers et même antagonistes 
2715 ncontre d’un cathare déclaré et d’un troubadour s’ est attestée au moins une fois dans un même homme, Guillaume de Durfort,
2716 e proposition spécifiquement hérétique… Tous s’en tiennent aux données de l’érotique traditionnelle, ou plus exactement : les di
2717 admettre, dès lors, que tous les troubadours ont été cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a été. Or il est évident que tous les
2718 badours ont été cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a été . Or il est évident que tous les troubadours n’ont pas été cathares. »
2719 été cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a été. Or il est évident que tous les troubadours n’ont pas été cathares. » Nelli en c
2720 il est évident que tous les troubadours n’ont pas été cathares. » Nelli en conclut que « leurs idées religieuses n’ont eu,
2721 r singularité théorique » (E. T., p. 234-235). Je serais tenté de souscrire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me tenir)
2722 ais tenté de souscrire à ce raisonnement (qu’il m’ est arrivé de me tenir), si je ne m’avisais d’un très sérieux défaut dans
2723 crire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me tenir ), si je ne m’avisais d’un très sérieux défaut dans la symétrie qu’il
2724 ose : « tous ou aucun ». Car de fait quelques-uns furent cathares. Si leur croyance n’a pas modifié leur lyrique, ne serait-ce
2725 Si leur croyance n’a pas modifié leur lyrique, ne serait -ce pas qu’il n’y avait nul besoin de la modifier pour qu’elle convînt
2726 r qu’elle convînt à cette croyance, tant elle lui était congéniale, tant elle en dépendait intimement dès sa genèse, fût-ce m
2727 tant elle en dépendait intimement dès sa genèse, fût -ce même par réaction ? Et qu’en ce sens on pourrait bien soutenir que
2728 n soutenir que tous les troubadours nolens volens furent cathares, comme on peut dire que Victor Hugo, Baudelaire, Verlaine et
2729 que Victor Hugo, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud furent catholiques. Tous les surréalistes furent anarchistes, encore qu’il s
2730 Rimbaud furent catholiques. Tous les surréalistes furent anarchistes, encore qu’il soit probable que fort peu d’entre eux avai
2731 les surréalistes furent anarchistes, encore qu’il soit probable que fort peu d’entre eux avaient lu Bakounine et Proudhon ;
2732 tre eux avaient lu Bakounine et Proudhon ; et ils furent tous influencés par Freud, encore que, selon les sources, seuls Breto
2733 d ils changeront de camp), mais toute leur poésie est anarchie, depuis les « mots en liberté » jusqu’à « l’Amour libre ». E
2734 (encore que sans le savoir ou sans l’admettre il fût plus proche du second que du premier par son sens du sacré, des symbo
2735 ais, contraint de choisir entre tous et aucun, je serais plus attiré par tous, lui peut-être à son cœur défendant par aucun ;
2736 ation obsédante » (p. 142), je me dis : voilà qui est fort bien vu et très conforme à mon projet, s’il se ramène à faire vo
2737 ojet, s’il se ramène à faire voir et sentir qu’il est impossible à la fois de prouver la relation hérésie-courtoisie et de
2738 la nier. Oui, j’aime cette phrase parce que ce n’ est pas seulement au lecteur, mais à moi l’auteur qu’arrive toujours à ne
2739 comment le refus d’accomplir totalement le désir est le moyen le plus « raffiné » de l’éterniser. Ainsi, Ibn Dawoud : Ah 
2740 ours. La Joie d’amour, ou Joy d’amors en occitan, est un mot masculin dont le sens varie non seulement selon les époques — 
2741 « petting ». Mais déjà chez Guillaume IX, le joy est donné par l’Amour « à celui qui observe ses lois » ; et cette joie es
2742 « à celui qui observe ses lois » ; et cette joie est dite « pure » parce qu’elle dépend d’un bien que l’on désire sans l’a
2743 irer. Le sens de joy oscille donc entre plaisir d’ être amoureux et vœu d’éterniser le désir, comme chez les Arabes. Chez Gui
2744 et des yeux de la dame : Toute la joie du monde est nôtre Dame, si l’un l’autre nous aimons. et ses effets bénéfiques s’
2745 etenue même que lui impose la dame : Nul ne peut être assuré de triompher de l’amour, s’il ne se soumet en tout à sa volont
2746 eté — à condition que les esprits animaux eussent été au préalable excités — devenait une force bénéfique », écrit René Nel
2747 ajoute en note, avec un point d’interrogation qui est bien dans sa manière : « Théorie gnostique répandue peut-être, en Occ
2748 es ? » On sait, d’autre part, que le catharisme s’ est infiltré chez les béguines et les béguins de saint François, dès le x
2749 éclare en effet que selon les béguins nul ne doit être déclaré vertueux (ou vertueuse) nisi se possent ponere nudus cum nuda
2750 près inévitable, bien que les motifs, on l’a vu, soient différents de part et d’autre : chez les troubadours, exalter le dési
2751 s maints domaines de conduite pratique — ce qui s’ est produit en effet. 2° L’asag apparaît lié dès l’origine aux autres thè
2752 tiers les « invente » entre 1110 et 1120, mais il est attesté peu de temps auparavant dans les mêmes lieux, en Poitou, au s
2753 , se pose l’une des questions les plus ardues qui soient dans l’histoire des lettres et des mœurs de l’Occident ; celle de l’a
2754 création totale (et qui paraît sans précédent) s’ est -elle produite en ce lieu et à cette date ? Le grand romaniste zurich
2755 e ses aspects les mieux connus (ou connaissables) soit par les textes, soit par la chronique : je veux parler de l’évolution
2756 ux connus (ou connaissables) soit par les textes, soit par la chronique : je veux parler de l’évolution des formes dans la p
2757 uc au moine. ⁂ Le Poitou et Guillaume de Poitiers sont moins à l’origine qu’au lieu focal de l’histoire de l’amour en Occide
2758 imousins ». La descendance nordique de Poitiers n’ est pas moins féconde. Aliénor, petite-fille de Guillaume, épousera Louis
2759 filles Marie de Champagne et Aëlis de Blois, qui tiendront cour d’amour et transmettront les secrets de la courtoisie aux auteur
2760 uteurs des « romans bretons », dont le plus grand sera leur ami et obligé, Chrétien de Troyes. Guillaume est le prince le pl
2761 leur ami et obligé, Chrétien de Troyes. Guillaume est le prince le plus puissant sur les terres qu’on nomme France aujourd’
2762 s qu’on nomme France aujourd’hui. Tous ses oncles sont ducs ou rois, ses cousines et ses tantes reines ou impératrices : du
2763 tour de son château. Avec cela, et avant tout, il est poète. Ses premiers « vers » (ou cansos) « chantent ses aventures gal
2764 dé l’abbaye de Fontevrault. Le duel commence. Qui est Robert d’Arbrissel ? Né vers 1050 à l’Arbressec, ce Breton fils de pr
2765 on fils de prêtre se fait d’abord clerc vagabond, tient des sermons violents contre le mariage des prêtres, puis se retire en
2766 ai offert toute la force de mes talents et ce qui est beaucoup plus encore, je me suis soumis à elles, moi et mes disciples
2767 talents et ce qui est beaucoup plus encore, je me suis soumis à elles, moi et mes disciples, pour le bien de nos âmes. » Nou
2768 , à sauver de l’enfer des filles débauchées… S’il est exact que Robert d’Arbrissel préconisait entre religieux et religieus
2769 çon ?… Il nous paraît très probable que Guillaume fut vivement impressionné par le mouvement de Fontevrault et par les succ
2770 comme il le dit dans l’une de ses chansons. « Ne serait -ce pas dans cet état de malaise intérieur que naquit en lui le désir
2771 ue la prise de conscience d’une réalité psychique est inséparable de sa mise en forme (plastique ou poétique), ou encore qu
2772 ément une forme liturgique ou littéraire, sans en être affecté et transformé : nulle rhétorique n’est innocente pour un poèt
2773 n être affecté et transformé : nulle rhétorique n’ est innocente pour un poète. Le processus formel qui intervient ici consi
2774 d’oïl ou d’oc. Et l’on découvre que ce passage s’ est opéré par le moyen des formes liturgiques, de l’hymne ambrosien et de
2775 e trouve que « l’abbé laïque » de Saint-Martial n’ est autre que Guillaume, septième comte du Poitou, neuvième duc d’Aquitai
2776 cherche sa transformation. L’œuvre qui en résulte est finie, mais par sa forme elle rend sensible la tension infinie de la
2777 i au travers de toutes les formes, si imparfaites soient -elles, révèle l’attrait de la perfection. » Aux belles analyses de Sp
2778 lyses de Spoerri, je voudrais ajouter ceci : s’il est vrai que ce qu’il nomme très bien « la magie opératoire des formes li
2779 du lyrisme courtois dans l’œuvre de Guillaume, il est un second facteur formel dont l’action n’a guère été moindre sur la c
2780 un second facteur formel dont l’action n’a guère été moindre sur la conscience du poète, je veux parler de la rhétorique a
2781 e, la musique, la poésie et l’érotique des Arabes étaient fort loin d’être inconnues. On sait qu’en 1019, par exemple, vingt es
2782 ésie et l’érotique des Arabes étaient fort loin d’ être inconnues. On sait qu’en 1019, par exemple, vingt esclaves musulmans
2783 , par exemple, vingt esclaves musulmans d’Espagne sont reçus par l’abbé, qui en retient deux à son service, et confie les au
2784 quels ils servent d’interprètes242. (Ces esclaves sont souvent très versés dans les lettres, la poésie et la musique.) Voilà
2785 , me dites-vous, ni cathares ni jongleurs. Robert est catholique, Guillaume est grand seigneur… Pour peu que l’on renonce a
2786 es ni jongleurs. Robert est catholique, Guillaume est grand seigneur… Pour peu que l’on renonce aux clichés, il est facile
2787 igneur… Pour peu que l’on renonce aux clichés, il est facile de constater que l’orthodoxe en cette affaire, du point de vue
2788 aine de couvents. Au surplus, l’hérésie cathare n’ est pas absente du Poitou dès les débuts de son expansion européenne. Ell
2789 toute la première génération des troubadours, qui est poitevine, limousine, gasconne et charentaise par Cercamon, les Venta
2790 ue Marcabru, protégé par le fils de Guillaume IX, fut l’élève des moines de Saint-Martial, et Déodat Roché estime qu’il ser
2791 es de Saint-Martial, et Déodat Roché estime qu’il serait « opportun de rechercher les rapports de ces moines bénédictins ou ci
2792 en tension avec le phénomène, ou le simple fait d’ être pris dans son champ. Notons aussi que les grandes dames de l’Aquitain
2793 n de ce xiie siècle. C’est aussi que Guillaume n’ est pas encore « converti » à la courtoisie, et qu’elles ont des raisons
2794 des raisons de le fuir. Plus tard, un Peire Vidal sera du même côté que les « croyantes », tout en restant peut-être extérie
2795 ttes ouvertes et leurs liaisons secrètes. Les uns sont en relation de rivalité et les autres en consonance. Ce qui importe,
2796 l’homme à la femme, sur la notion même de salut, sont souvent opposés, parfois mal comparables, mais consacrent et privilég
2797 Dawoud, vers la fin du IXe siècle. Tous les deux sont les chantres et comme les inventeurs de l’Amour voilé et secret, chas
2798 ce le mystique convaincu d’hérésie… Les deux n’en sont pas moins liés par cela même, par leur problématique et par leur fana
2799 vaux. Les chansons d’amour d’Abélard pour Héloïse sont presque exactement contemporaines des premières chansons courtoises d
2800 courtoises de Guillaume IX (environ 1110) ; elles sont toutes perdues, en dépit de leur immense popularité à l’époque, mais
2801 Iseut devenue abbesse malgré elle, mais qui s’en tient avec obstination à sa morale du cœur. Deus cordis potiusquam operis i
2802 du cœur. Deus cordis potiusquam operis inspector est , Dieu regarde au cœur plus qu’aux actes, écrit-elle. Bernard de Clair
2803 idi contre le catharisme (1145) cette hérésie qui est descendue du Nord français (Arras, Reims, Orléans), par le Poitou, ve
2804 s grand-chose dans ma première version, et me les suis interdites dans la deuxième. Seules me paraissent signifiantes certai
2805 ique (les preuves scientifiques ou expérimentales étant exclues par la nature du phénomène en cause). Vous avez beau rappeler
2806 es et les mêmes situations conflictuelles, ils ne sont pas impressionnés. Ils me rappellent ces juges américains dont je lis
2807 c’est-à-dire à renvoi indéfini. Si les Apôtres s’ étaient présentés devant nos historiens nécessiteux de preuves au soir même d
2808 l’œuvre que l’on crée. Ils ne croient qu’à ce qui est « attesté ». Or la poésie ne l’est jamais. Ils ne veulent croire qu’a
2809 nt qu’à ce qui est « attesté ». Or la poésie ne l’ est jamais. Ils ne veulent croire qu’aux sources alléguées expressément p
2810 t par un auteur. Or les vraies sources en général sont inconscientes, ou refoulées, ou délibérément dissimulées. — Ils n’ign
2811 de la même manière. « L’amour, avec des nuances, est le même sous toutes les latitudes et à toutes les époques, surtout po
2812 i nous restent — n’a l’amour pour sujet. Pas une. Est -ce que vraiment cela ne veut rien dire ? — Ils sont victimes d’une ps
2813 st-ce que vraiment cela ne veut rien dire ? — Ils sont victimes d’une psychologie au moins désuète, linéaire et rationaliste
2814 r l’amour et ses suites, tel éloge de la chasteté est conforme à la morale catholique puisqu’il tend à réfréner la concupis
2815 uisqu’il tend à réfréner la concupiscence, ou lui est diamétralement opposé puisqu’il tend à exalter le désir, je constate
2816 trinsèque. Ils n’ont pas compris l’essentiel, qui est l’union complémentaire indivisible de certaines réalités antinomiques
2817 ui se dit catholique, ou cathare, ou de gauche, l’ est de ce fait et l’est en tous ses actes et ses dires ; non seulement il
2818 , ou cathare, ou de gauche, l’est de ce fait et l’ est en tous ses actes et ses dires ; non seulement ils croient à ce qui e
2819 et ses dires ; non seulement ils croient à ce qui est allégué, étiqueté, plutôt qu’à ce qui est vécu, expérimenté, mais enc
2820 ce qui est allégué, étiqueté, plutôt qu’à ce qui est vécu, expérimenté, mais encore ils paraissent tout ignorer des compli
2821 oulée. Ils n’ont pas vu que l’opposition réelle n’ est pas entre ceux qui exaltent et ceux qui condamnent tel ou tel élément
2822 refusent de voir les réalités de l’inconscient et tiennent pour assurée, au-delà de toute critique, l’incompatibilité de la volo
2823 as seulement les troubadours, et ces cathares qui furent ou non leurs frères. Pourquoi revenir si longuement sur tout cela ? P
2824 es dites « scientifiques » par les lettrés, je me suis senti parfois pris d’une sorte d’angoisse, et je me suis sérieusement
2825 nti parfois pris d’une sorte d’angoisse, et je me suis sérieusement interrogé : n’avaient-ils pas raison, peut-être ? Sur bi
2826 traire de l’autre sur chaque sujet, et ces sujets sont fort nombreux, si bien que leur consensus, qui est très près d’être n
2827 nt fort nombreux, si bien que leur consensus, qui est très près d’être nul, le serait tout à fait n’était ce point unique d
2828 , si bien que leur consensus, qui est très près d’ être nul, le serait tout à fait n’était ce point unique de leur accord con
2829 leur consensus, qui est très près d’être nul, le serait tout à fait n’était ce point unique de leur accord contre mes thèses.
2830 est très près d’être nul, le serait tout à fait n’ était ce point unique de leur accord contre mes thèses. Je me suis piqué au
2831 nt unique de leur accord contre mes thèses. Je me suis piqué au jeu, je l’avoue. C’est un jeu fascinant, merveilleusement gr
2832 veille en le disant, et c’est par là que le drame est arrivé, celui que nous attendions sans le savoir — mais dès l’instant
2833 et surtout l’expression lyrique — au commencement était le Chant, qui est le Verbe musical — et cela tient à la nature même d
2834 ion lyrique — au commencement était le Chant, qui est le Verbe musical — et cela tient à la nature même de l’amour, de cet
2835 tait le Chant, qui est le Verbe musical — et cela tient à la nature même de l’amour, de cet amour-passion que j’ai décrit, et
2836 ur, de cet amour-passion que j’ai décrit, et c’en est une première approche. En traitant à fond ce problème, je ne crois pa
2837 is pas avoir cédé à quelque manie obsessive, ni m’ être laissé entraîner sur un terrain où mes savants critiques seraient peu
2838 entraîner sur un terrain où mes savants critiques seraient peut-être les mieux armés : je crois avoir plutôt tenté d’approfondir
2839 e l’on pourrait croire purement techniques, ce ne sont pas nos savoirs différents, nos inégalités d’information, ce sont nos
2840 oirs différents, nos inégalités d’information, ce sont nos conceptions de l’amour, et plus que cela, nos expériences différe
2841 les jugements contradictoires qu’elles motivèrent soient amusants à confronter. Les catholiques m’ont approuvé à cause de la c
2842 a passion ; mais les gnostiques ont bien senti où était mon cœur. Les magazines féminins m’ont approuvé pour ma défense de la
2843 n. Et enfin, Jean-Paul Sartre, après la guerre, s’ est servi de mon livre pour illustrer la thèse qu’il attaquait avant la g
2844 . Puis il se demande si, à l’encontre de ce qu’il tient pour ma thèse, la passion réelle « n’aurait pas, en tant que phénomèn
2845 n’avoir pas reconnu que la dialectique de l’amour est de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’un bel amuse
2846 ». Sept ans plus tard, une guerre plus tard, et L’ Être et le Néant ayant paru, tout a changé. Dans sa « Présentation des Tem
2847 acceptons pas à priori l’idée que l’amour-passion soit une affection constitutive de l’esprit humain. Il se pourrait fort bi
2848 açon plus générale, nous estimons qu’un sentiment est toujours l’expression d’un certain mode de vie et d’une certaine conc
2849 de vie et d’une certaine conception du monde qui sont communs à toute une classe ou à toute une époque et que son évolution
2850 asse ou à toute une époque et que son évolution n’ est pas l’effet de je ne sais quel mécanisme intérieur mais de ces facteu
2851 e ces facteurs historiques et sociaux. Mon livre est donc devenu le premier argument que Les Temps modernes opposeront aux
2852 je n’aurais au total qu’à me féliciter si je m’en tenais à leur résultante positive : le livre vit, tant aimé que honni, après
2853 e à croire que selon moi la passion et le mariage sont exclusifs l’un de l’autre, comme l’avaient décidé les cours d’amour.
2854 idé les cours d’amour. Cette lecture de mon livre est erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’est pas ce que j’ai
2855 erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’ est pas ce que j’ai voulu dire. J’ai voulu souligner les contrastes, renf
2856 r des alliances fédérales, dont le premier modèle est le mariage. Passion et inceste Dans son ouvrage sur la Prohibit
2857 eud (dans Totem et Tabou), suppose que la culture est née des interdits jetés d’abord sur la femme du père, puis sur l’ense
2858 . Certes, Tristan n’a pas pu désirer sa mère, qui est morte en couches. Mais sa tristesse vient de cette mort, comme son no
2859 Et lorsqu’il couche par accident avec Iseut, qui est la femme promise de son « père », c’est-à-dire du roi Marc, son oncle
2860 ession intégrale, et il l’a déjà possédée, ce qui est juste, puisqu’il s’est montré le plus fort. Il semble qu’il échappe a
2861 l’a déjà possédée, ce qui est juste, puisqu’il s’ est montré le plus fort. Il semble qu’il échappe ainsi à la situation œdi
2862 happe ainsi à la situation œdipienne (où l’enfant est toujours le plus faible, et même trop faible). Pourtant, parce qu’il
2863 complexe d’Œdipe, sa réflexion dans un miroir, n’ est pas moins bien décrit par le Roman en Prose. On y voit tout d’abord l
2864 À ce moment donc, Marc aime Tristan, qu’il ignore être son neveu. Puis Tristan triomphe du Morholt, et révèle sa naissance r
2865 le. Mais, blessé, il s’en va vers l’Irlande où il est soigné par Iseut, et lorsqu’il revient à la cour de Tintagel « le roi
2866 re pas moins devant Dieu « qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir ». (Sa culpabilité œdipienne vis-à-vis de Marc, substi
2867 enne vis-à-vis de Marc, substitut du père décédé, est redoublée par le souvenir de sa mère, qu’il a fait mourir en venant a
2868 blessent d’une épée empoisonnée, et qu’il tue, ne sont -ils pas les symboles « paternels » de l’interdit à surmonter, non san
2869 ter, non sans blessure ? La vengeance du « père » étant la castration du fils symbolisée par la séparation (perte du sein mat
2870 emand, ou permission) que si l’objet de son amour est éloigné (l’amors de lonh de Jaufré Rudel). Les principaux moments dia
2871 entre Tristan, Marc et Iseut. Ces contradictions sont illustrées par tous les épisodes du roman, elles font le roman : alte
2872 deux tabous, c’est bien là son « âpre tourment », soit qu’il retrouve Iseut ou qu’il se sépare d’elle ; soit qu’il vive avec
2873 qu’il retrouve Iseut ou qu’il se sépare d’elle ; soit qu’il vive avec elle dans la forêt, ou qu’il la rende volontairement
2874 elle, chute voluptueuse dans l’indifférencié, qui est le néant. Il n’a voulu garder de l’amour que les moments éblouissants
2875 oi. Dès lors l’éblouissement suprême ne peut plus être que mortel : c’est la mort des Banou Odrah, la tribu légendaire où l’
2876 raisons de croire que la prohibition de l’inceste est la loi minimale pour qu’une culture se différencie de la nature248, a
2877 t Fils) et de la primordiale situation créatrice, est bien autre chose, et bien plus qu’une « épopée de l’adultère » ; c’es
2878 ngoissées, mais émerveillées d’un coup de foudre, est caractérisé par les réactions hyperboliques de tout l’être à une inci
2879 ctérisé par les réactions hyperboliques de tout l’ être à une incitation des plus banales, qui serait chez tout autre normale
2880 out l’être à une incitation des plus banales, qui serait chez tout autre normale, autrement dit facile à compenser, neutralise
2881 voici tout d’un coup qu’à cette incitation tout l’ être des amants se met à réagir, dans un branle-bas général, par une fièvr
2882 utuelle hypnose. Or ils disent tous qu’ils aiment être saisis par une telle fièvre, par ce bouleversement des sens et de l’â
2883 e bouleversement des sens et de l’âme. La passion est ce trouble effrayant mais délicieux que provoque la présence de certa
2884 is délicieux que provoque la présence de certains êtres , pour des raisons qu’eux-mêmes, comme ceux qui réagissent à leur prés
2885 ergie : réaction excessive à un agent externe qui est d’ordinaire inoffensif, mais qui soudain, pour des raisons que nul ne
2886 ons que nul ne connaît, provoque chez celui qui s’ est trouvé sensibilisé par un premier contact, une surcompensation violen
2887 t d’un coup, déborde immensément. Et que le désir soit ou non satisfait n’y change rien dans les cas graves (au surplus comp
2888 tout, et surtout l’impossible : l’infini dans un être fini. La réponse « normale » au désir étant de faire l’amour, ou de s
2889 ans un être fini. La réponse « normale » au désir étant de faire l’amour, ou de s’éloigner, la réponse passionnelle (allergiq
2890 s’éloigner, la réponse passionnelle (allergique) est de se rendre la proie d’une fièvre quasi mortelle dans certains cas,
2891 tihistaminiques prescrits dans les cas d’allergie serait d’amener le passionné à regarder et à voir l’autre tel qu’il est. Or
2892 passionné à regarder et à voir l’autre tel qu’il est . Or c’est à quoi le passionné se refuse, et de toute sa passion, préc
2893 r dans la sobre lumière des jours partagés. Ce n’ est pas amour, qui tourne à réalité. Cette sentence courtoise signifie qu
2894 . Cette sentence courtoise signifie que fin amors est jouissance du désir, non du plaisir ; mais on peut en étendre le sens
2895 é, écartent la proximité. Et quand les passionnés sont contraints de vivre ensemble, le philtre cesse bientôt d’agir ! À l’e
2896 ême, il s’agit d’écarter la réalité physique de l’ être aimé — surtout celle de la femme pour l’homme, car il n’y a pas ici d
2897 i ait chanté l’amour de loin 249. L’amour-passion serait -il une allergie que l’on aime, allergie positive, allergie délicieuse
2898 rogue La cause la plus fréquente de l’allergie est le contact avec certaines substances, ou leur ingestion. La passion n
2899 t en général de la seule mise en présence de deux êtres . Dans le cas de Tristan et d’Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas
2900 ébut délicieuse, qu’on appelle l’état amoureux, n’ est que sa forme encore voilée — « un peu, beaucoup » — qui se lie au dés
2901 ptine. Comme si son ardeur consumait l’image d’un être aimé dans le rêve de la drogue (« S’il m’aime, c’est par la poison »…
2902 uve devant l’Iseut réelle, il s’aperçoit que ce n’ est pas elle qu’il a aimée. On sait le rôle du voyage sur mer dans les lé
2903 a scène du philtre, « la poison » bue. Le dernier est celui d’Iseut voguant vers son amant pour tenter de le guérir d’une n
2904 our guérir Tristan des effets du poison, puis ils sont de nouveau séparés. Mais quand ils boivent ensemble le même philtre,
2905 le même philtre, font-ils le même « voyage », ou est -ce une illusion ? C’en est une certainement aux yeux de celui qui vei
2906 le même « voyage », ou est-ce une illusion ? C’en est une certainement aux yeux de celui qui veille, convaincu que ceux qui
2907 t ségrégatif de la passion. Ceux qui « voyagent » sont toujours seuls. Leur passion n’atteint pas la réalité de l’autre, et
2908 iste à répéter qu’il condamne la passion — ce qui est faux — parce qu’elle est l’ennemie intime de l’institution matrimonia
2909 amne la passion — ce qui est faux — parce qu’elle est l’ennemie intime de l’institution matrimoniale et de son éthique — ce
2910 stitution matrimoniale et de son éthique — ce qui est exact ; d’où l’on déduit que « l’amour » serait incompatible avec le
2911 qui est exact ; d’où l’on déduit que « l’amour » serait incompatible avec le mariage — ce qui est ridicule. Il s’agit là d’un
2912 ur » serait incompatible avec le mariage — ce qui est ridicule. Il s’agit là d’une de ces vues plus que sommaires qu’exigen
2913 les légendes sous les photos de magazines, et il est superflu de redire ici que je la désavoue radicalement. Que dès sa ge
2914 au mariage ; que les finalités d’Éros et d’Agapè soient en relation d’antinomie systématique, c’est ce que j’ai tenté d’établ
2915 u Agapè), à l’état pur, passif ou extatique, elle est mortelle, comme chez Tristan et quelques-uns des grands mystiques. Re
2916 en composition — si elle le tolère. Le chlore pur est mortel, mais le chlorure de sodium est le sel de nos repas — de nos a
2917 chlore pur est mortel, mais le chlorure de sodium est le sel de nos repas — de nos agapes. Ni répressif ni marcusien, je n’
2918 us obéirez, dans quelles structures du mythe vous serez engagé. Je n’écris pas pour feindre de légiférer, ni même pour consei
2919 cause, bien mieux : en connaissance de fins. Il n’ est peut-être pas de domaine où ce travail paraisse plus nécessaire, et o
2920 de l’affectivité, laissée en friche quand elle n’ est pas vilipendée par notre société scientifico-technique. À tel point q
2921 ie dès l’origine. Une erreur à peine moins fatale serait de vouloir exclure la passion du mariage. Je l’avais dit assez claire
2922 passion peut renaître au sein du mariage : « S’il est vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Au
2923 ai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exigeant l
2924 le au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’ est -il pas l’inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul in
2925 e excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’ être même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ? »
2926 eté fascinante ? » Cette recherche de l’Ange, qui est le mystère de l’autre, excitant à la fois l’Éros et l’Agapè, ne serai
2927 l’autre, excitant à la fois l’Éros et l’Agapè, ne serait -ce pas une troisième forme de l’amour, homologue des mystiques du mar
2928 ressive, ou au mieux une vertu que l’on s’impose, est simplement la condition sine qua non de toute œuvre d’art ou de vie d
2929 ait, je n’ai jamais « condamné la passion » et me suis expliqué sur ce point dans le chapitre conclusif de ma première versi
2930 ste encore : condamner la passion en principe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait
2931 pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’ est pas possible. » En vérité, je ne veux rien condamner et je ne propose
2932 sulte de mon livre que la passion doive ou puisse être oblitérée afin que règne Agapè triomphante, j’oserai dire au terme de
2933 j’oserai dire au terme de ce Post-scriptum que ce serait méconnaître foncièrement la cohérence de ma pensée. Toute ma morale,
2934 ale, et toute mon érotique, et toute ma politique tiennent en effet dans le principe de la composition des opposés et de la mise
2935 sse et le relie à la communauté, dans laquelle il est seul responsable de sa manière unique d’être avec tous. Le couple est
2936 le il est seul responsable de sa manière unique d’ être avec tous. Le couple est la cellule sociale originelle, dont les forc
2937 de sa manière unique d’être avec tous. Le couple est la cellule sociale originelle, dont les forces constitutives sont deu
2938 sociale originelle, dont les forces constitutives sont deux êtres de lois singulières, différentes, mais qui choisissent de
2939 iginelle, dont les forces constitutives sont deux êtres de lois singulières, différentes, mais qui choisissent de composer un
2940 sans séparation, et sans subordination » comme il est dit de l’union des deux natures en Jésus-Christ253 ; cependant que le
2941 journées et leurs rêves. Enfin la politique, qui est l’art d’aménager les relations humaines dans la cité (polis), se rédu
2942 ns la cité (polis), se réduit au fédéralisme, qui est l’art d’unir des communautés là seulement où leur union seule peut sa
2943 opposé, de le réduire à la loi de l’autre (qu’il soit le plus fort ou le plus fin) par annexion ou colonisation, ou d’établ
2944 arut quelques mois plus tard, en juin 1938 : il n’ était plus temps de construire l’armée blindée qu’il demandait. 212. Pre
2945 le numéro de juin 1939 des Cahiers du Sud. « Ce n’ est pas d’étayer sa conjecture que D. de R. a souci mais de la rendre plu
2946 mais de la rendre plus forte que le jugement. Il est moins préoccupé de situer le mythe que d’en évaluer la fatalité spiri
2947 quatre troubadours d’Ussel, Paris, 1922. 216. Il tient Socin, ce moine italien réformé qui alla prêcher son hérésie particul
2948 oi) de Peire Cardenal, Vera vergena Maria : Marie est la vraie Vierge, née « en Syrie », mais devenue la Reine assise à la
2949 st donc bien le rôle de la Sophia aeterna qu’elle tient alors. 219. Cf. Antwort auf Hiob de C. G. Jung. 220. J. A. Bizet,
2950 apitre sur la Musique des troubadours. La mélodie est notée sur la même page. Pour la suite du poème, j’ai repris et un peu
2951 phismes courants sur cathares-troubadours : — X n’ est pas cathare, car il ne dit rien d’autre que Y, qui ne l’est pas. — Co
2952 thare, car il ne dit rien d’autre que Y, qui ne l’ est pas. — Comment savez-vous qu’Y ne l’est pas ? — Parce qu’il s’exprime
2953 qui ne l’est pas. — Comment savez-vous qu’Y ne l’ est pas ? — Parce qu’il s’exprime comme X, dont je viens d’établir qu’il
2954 exprime comme X, dont je viens d’établir qu’il ne fut pas cathare. 236. Par exemple dans les châteaux du Cabardès, du Mine
2955 nait un précieux exemple de ces imitations : « Il est clair que les troubadours, musiciens avant d’être poètes, modèlent le
2956 est clair que les troubadours, musiciens avant d’ être poètes, modèlent leurs vers sur la mélodie. La forme strophique est d
2957 nt leurs vers sur la mélodie. La forme strophique est d’essence musicale… Le seul texte musical que nous possédions de Guil
2958 grec et en latin. 245. Cette chronique de revue sera reprise dans Situations I. 246. On notera le flottement dans les exc
2959 du désir » suffisait à créer la passion, celle-ci serait universelle, ce qu’elle n’a pas été et n’est pas. Et il est clair que
2960 , celle-ci serait universelle, ce qu’elle n’a pas été et n’est pas. Et il est clair que la courtoisie, facteur socioculture
2961 i serait universelle, ce qu’elle n’a pas été et n’ est pas. Et il est clair que la courtoisie, facteur socioculturel externe
2962 selle, ce qu’elle n’a pas été et n’est pas. Et il est clair que la courtoisie, facteur socioculturel externe, n’a pu agir q
2963 sur des structures internes latentes, mais qui le seraient restées — comme ailleurs — sans son intervention. (Il est remarquable
2964 ées — comme ailleurs — sans son intervention. (Il est remarquable que des flottements analogues, sur les mêmes objets, s’ob
2965 pas partie de sa « structure existentielle » ? Ne serait -il pas alors la transcendance canine ? Rien ne distinguerait plus l’h
2966 chien, dans le domaine de la passion. Allons ! il est trop clair que Sartre abuse des mots, et qu’ici c’est délibéré. Ce qu
2967 pour embêter — pense-t-il — les théologiens, ce n’ est guère que de l’exorbitance, c’est-à-dire un mouvement de l’homme pour
2968 de l’homme pour se forcer courageusement (faute d’ être attiré amoureusement !) hors de lui-même ; pour passer à tous risques
2969 ne réfute pas une névrose, mais on a le droit de tenir pour suspect tout argument de portée générale qui en est tiré. (Le re
2970 r suspect tout argument de portée générale qui en est tiré. (Le reproche vaudrait aussi dans le cas de Kierkegaard, qui cep
2971 si dans le cas de Kierkegaard, qui cependant s’en est expliqué avec un humour convaincant.) C’est malheureusement ce genre
2972 rir le chapitre central consacré à l’amour dans L’ Être et le Néant (1943). Presque aussi long à lui seul que mon livre, il n
2973 sque aussi long à lui seul que mon livre, il n’en est jamais loin par sa problématique. 247. « Suggéré » ? Oui, par tout m
2974 e ! Si un pavé de près de 400 pages assez serrées est enregistré par Sartre comme une simple suggestion, on comprend mieux
2975 oin de 5000 pages pour traiter vraiment un sujet, fût -il aussi considérable que sa haine pour Flaubert — déjà déclarée à l’
2976 hapitre sur « la Femme rêvée ». 250. Que pouvait être la drogue au xiie siècle ? Probablement l’ergot de seigle, dont les