1
passées, ou du moins celles dont on a pu toucher,
fût
-ce même sans les franchir, les limites. Quant aux livres intermédiair
2
age. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’amour
est
un prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’un volume aussi
3
e partager avec tant d’auteurs à succès. Aussi me
suis
-je donné quelques difficultés. Je n’ai pas voulu flatter ni déprécier
4
et même ils ne s’en lassent jamais, si commun que
soit
le discours ; mais ils redoutent que l’on définisse la passion, pour
5
ère me vaudra bien des reproches. Les amoureux me
tiendront
pour cynique, et ceux qui n’ont jamais connu la vraie passion s’étonn
6
atant et « banal » — comme on dit d’un four qu’il
est
banal, donc unique — si nous voulons comprendre dans nos vies le sens
7
dans nos vies le sens et la fin de la passion. Il
est
donc entendu que j’ai simplifié. Pourquoi perdre son temps et son sty
8
t son style à expliquer sans cesse que la réalité
est
plus complexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie soit confus
9
plexe que tout ce qu’on peut en dire ? Que la vie
soit
confuse ne saurait signifier qu’une œuvre écrite doit l’imiter. Si j’
10
e n’en ai cité qu’un nombre assez restreint, ce n’
est
pas toujours par ignorance, mais par souci de m’en tenir à l’essentie
11
as toujours par ignorance, mais par souci de m’en
tenir
à l’essentiel. Les spécialistes me pardonneront-ils d’avoir tenté un
12
’il faudrait plusieurs vies pour maîtriser, je me
suis
borné à rechercher ici et là des confirmations opportunes à certaines
13
ntuitives. J’en ai trouvé d’ailleurs plus qu’il n’
était
besoin, et n’ai livré qu’un résumé de mes recherches. Ce compromis m’
14
ces si je n’avais pas donné des preuves. Et je me
serais
acquis l’estime des spécialistes si je n’avais pas tiré de leurs trav
15
s — qui par une chance dont je m’honore se trouve
être
T. S. Eliot — que je dois d’avoir entrepris la révision de cet ouvrag
16
lleurs, qu’en lisant mes critiques, car ceux-ci n’
étaient
guère d’accord entre eux. Certains cependant m’ont convaincu : j’ai r
17
bservais entre cathares et troubadours : eux n’en
sont
pas troublés, faute de « preuves » suffisantes. Plusieurs théologiens
18
re. Aux historiens, je répondrai simplement que j’
étais
à la recherche d’un sens existentiel. Je ne songeais donc nullement à
19
s que je cite, les rapprochements que je suggère,
sont
beaucoup moins des preuves que des illustrations. Cependant, des rech
20
s. Cependant, des recherches nouvelles, dès 1939,
sont
venues renforcer mes hypothèses : j’en ai largement profité pour récr
21
ait au sens même que j’ai cru pouvoir dégager, je
suis
tenté de leur donner raison sur plus d’un point : j’avais à déblayer
22
aire de la passion et du mariage en Occident, tel
était
mon dessein central ; et cela reste à mes yeux le vrai sujet, la vrai
23
vrai sujet, la vraie thèse de mon livre tel qu’il
est
devenu. Quant à l’actualité de ma recherche, après la Deuxième Guerre
24
he de la Passion — dégradée en simple romance — n’
est
pas près d’épuiser ses effets ; le cinéma les propage au monde entier
25
que le mariage, dont dépend sa structure sociale,
est
plus grave que l’amour qu’elle cultive, et veut d’autres fondements q
26
belle fièvre. Les voies de cette révolution nous
sont
encore imprévisibles ; je m’en explique au livre VI. Mon ambition se
27
lques esprits à cette prise de conscience ne peut
être
tout à fait vain. Car s’il est vrai que les mutations du cœur se prép
28
onscience ne peut être tout à fait vain. Car s’il
est
vrai que les mutations du cœur se préparent et s’opèrent dans l’incon
29
dans nos cœurs ? Que l’accord d’amour et de mort
soit
celui qui émeuve en nous les résonances les plus profondes, c’est un
30
à première vue le succès prodigieux du roman. Il
est
d’autres raisons, plus secrètes, d’y voir comme une définition de la
31
ccidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’
est
pas toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’il y a de populaire, t
32
hansons. L’amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’
est
de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et con
33
e même. Ce qui exalte le lyrisme occidental, ce n’
est
pas le plaisir des sens, ni la paix féconde du couple. C’est moins l’
34
nous glorifie à tel point la passion que nous en
sommes
venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance
35
une puissance qui transfigure, quelque chose qui
serait
au-delà du bonheur et de la souffrance, une béatitude ardente. Dans «
36
ne sentons plus « ce qui souffre » mais « ce qui
est
passionnant ». Et pourtant, la passion d’amour signifie, de fait, un
37
ont tous les cas d’exception, mais la statistique
est
cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons-nous dans une telle illusi
38
se confondent le plus souvent dans la société qui
est
la nôtre, n’est-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que
39
plus souvent dans la société qui est la nôtre, n’
est
-ce pas une première preuve de ce fait paradoxal : que nous voulons la
40
un devoir et une commodité. Sans l’adultère, que
seraient
toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il
41
res ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il
est
probable aussi qu’elles l’entretiennent, soit qu’elles « chantent » e
42
. Il est probable aussi qu’elles l’entretiennent,
soit
qu’elles « chantent » en prose et en vers ce que la religion tient po
43
chantent » en prose et en vers ce que la religion
tient
pour un crime, et la loi pour une contravention, soit au contraire qu
44
pour un crime, et la loi pour une contravention,
soit
au contraire qu’elles s’en amusent, et qu’elles en tirent un répertoi
45
psychologie mondaine, succès du trio au théâtre —
soit
qu’on idéalise, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’est tra
46
se, ou subtilise, ou ironise, que fait-on si ce n’
est
trahir le tourment innombrable et obsédant de l’amour en rupture de l
47
ble et obsédant de l’amour en rupture de loi ? Ne
serait
-ce pas qu’on cherche à s’évader de son affreuse réalité ? Tourner la
48
stique ou en farce, c’est toujours avouer qu’elle
est
insupportable… Mal mariés, déçus, révoltés, exaltés ou cyniques, infi
49
xaltés ou cyniques, infidèles ou trompés ; que ce
soit
en fait ou en rêve, dans le remords ou dans la crainte, dans le plais
50
ir de la révolte ou l’anxiété de la tentation, il
est
peu d’hommes qui ne se reconnaissent dans l’une au moins de ces catég
51
s questions des plus naïves, en ce domaine, aient
été
plus souvent résolues que posées… Par exemple, le mal constaté, faut-
52
se » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ?
Est
-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, la conception dite « chrétien
53
e qui cause tout notre tourment, ou au contraire,
est
-ce une conception de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle ren
54
ntradiction ? Si le secret de la crise du mariage
est
simplement l’attrait de l’interdit, d’où nous vient ce goût du malheu
55
médiate vérification. ⁂ Mais d’abord, dira-t-on,
est
-il exact que le roman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’es
56
, dira-t-on, est-il exact que le roman de Tristan
soit
un mythe ? Et dans ce cas, n’est-ce pas détruire son charme que d’ess
57
oman de Tristan soit un mythe ? Et dans ce cas, n’
est
-ce pas détruire son charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en so
58
on charme que d’essayer de l’analyser ? Nous n’en
sommes
plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop
59
alyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe
est
synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes manifestent parmi
60
pourrait dire d’une manière générale qu’un mythe
est
une histoire, une fable symbolique, simple et frappante, résumant un
61
procèdent donc de l’élément sacré autour duquel s’
est
constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des
62
ent : un mythe n’a pas d’auteur. Son origine doit
être
obscure. Et son sens même l’est en partie. Il se présente comme l’exp
63
Son origine doit être obscure. Et son sens même l’
est
en partie. Il se présente comme l’expression tout anonyme de réalités
64
inte sur le public. Si belle et puissante qu’elle
soit
, on peut toujours la critiquer, ou la goûter pour des raisons individ
65
hevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce groupe
est
à vrai dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois sont encore l
66
dire dissous depuis longtemps. Pourtant ses lois
sont
encore les nôtres d’une manière secrète et diffuse. Profanées et reni
67
ofanées et reniées par nos codes officiels, elles
sont
devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir
68
rêves. ⁂ Bien des traits de la légende de Tristan
sont
de ceux qui signalent un mythe. Et d’abord le fait que l’auteur — à s
69
— à supposer qu’il y en eût un, et un seul — nous
est
totalement inconnu. Les cinq versions « originales » qui nous restent
70
Les cinq versions « originales » qui nous restent
sont
des remaniements artistiques d’un archétype dont on n’a pu trouver la
71
r) d’un ensemble de règles et de cérémonies qui n’
est
autre que la coutume de la chevalerie médiévale. Or les « ordres » de
72
alerie médiévale. Or les « ordres » de chevalerie
furent
souvent appelés « religions ». Chastellain, chroniqueur de la Bourgog
73
e sacré, en un siècle où pourtant la chevalerie n’
était
plus guère qu’une survivance (Appendice 2). Enfin la nature même de l
74
ral ne réside pas dans sa forme d’expression. (Ce
serait
ici le langage du poème : or on sait qu’il est des plus simples.) Ell
75
serait ici le langage du poème : or on sait qu’il
est
des plus simples.) Elle tient d’une part au mystère de son origine, e
76
me : or on sait qu’il est des plus simples.) Elle
tient
d’une part au mystère de son origine, et d’autre part à l’importance
77
des faits que le mythe symbolise. Si ces faits n’
étaient
pas obscurs, ou s’il n’y avait quelque intérêt à obscurcir leur origi
78
résumé mnémotechnique. Point de mythe tant qu’il
est
loisible de s’en tenir aux évidences et de les exprimer d’une manière
79
e. Point de mythe tant qu’il est loisible de s’en
tenir
aux évidences et de les exprimer d’une manière manifeste ou directe.
80
directe. Au contraire, le mythe paraît lorsqu’il
serait
dangereux ou impossible d’avouer clairement un certain nombre de fait
81
u religieux, ou de relations affectives, que l’on
tient
cependant à conserver, ou qu’il est impossible de détruire. Nous n’av
82
s, que l’on tient cependant à conserver, ou qu’il
est
impossible de détruire. Nous n’avons plus besoin de mythes, par exemp
83
rimer le fait obscur et inavouable que la passion
est
liée à la mort, et qu’elle entraîne la destruction pour ceux qui s’y
84
ignantes d’un vrai mythe ? Cette question ne peut
être
esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Pr
85
Il faut bien voir que ces « cérémonies » sociales
sont
des moyens de faire admettre un contenu antisocial, qui est la passio
86
yens de faire admettre un contenu antisocial, qui
est
la passion. Le mot « contenu » prend ici toute sa force : la passion
87
toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut
est
littéralement « contenue » par les règles de la chevalerie. C’est à c
88
olérable. Il faut donc que les groupes constitués
soient
capables de lui opposer une structure fortement charpentée, pour qu’e
89
le lien social vienne à faiblir, ou que le groupe
soit
dissocié, le mythe cessera d’être un mythe au sens strict. Mais ce qu
90
u que le groupe soit dissocié, le mythe cessera d’
être
un mythe au sens strict. Mais ce qu’il aura perdu en force contraigna
91
vre — les usages qu’il faut observer si l’on veut
être
un gentleman — perdra ses dernières vertus, la passion « contenue » d
92
es inventera au besoin… Car nous verrons que ce n’
est
pas seulement la nature de la société, mais l’ardeur même de la sombr
93
une réaction vive. Le succès du Roman de Tristan
fut
donc d’ordonner la passion dans un cadre où elle pût s’exprimer en sa
94
raît, cette passion n’en subsiste pas moins. Elle
est
toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujou
95
’il provoque. Le mythe de Tristan et Iseut, ce ne
sera
plus seulement le Roman, mais le phénomène qu’il illustre, et dont l’
96
inte qui l’exalte, charme, terreur ou idéal : tel
est
le mythe qui nous tourmente. Qu’il ait perdu sa forme primitive voilà
97
miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion
est
rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fièvre maligne ; p
98
comme une fièvre maligne ; partout où sa fatalité
est
appelée, invoquée, imaginée comme une belle et désirable catastrophe,
99
it de la vie même de ceux qui croient que l’amour
est
une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fond sur l’homme i
100
et ravi pour le consumer d’un feu pur ; et qu’il
est
plus fort et plus vrai que le bonheur, la société et la morale. Il vi
101
Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il
est
le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se
102
tte influence et de sa nature mythique, la preuve
est
d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine
103
ue, la preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous
sera
donnée ici même par une certaine répugnance du lecteur à envisager mo
104
à envisager mon projet. Le Roman de Tristan nous
est
« sacré » dans la mesure exacte où l’on estimera que je commets un «
105
mort du coupable. Le sacré qui entre ici en jeu n’
est
plus qu’une survivance obscure et déprimée. Je ne courrai donc guère
106
(Et certes, le sens inconscient d’un tel geste n’
est
rien moins que la mise à mort de l’auteur. Pourtant il demeure sans e
107
faut-il croire que cela signifie que la passion n’
est
point sacrée pour toi ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne
108
i ? Ou simplement que les hommes d’aujourd’hui ne
sont
pas moins débiles dans leurs passions que dans leurs gestes de réprob
109
de réprobation ? À défaut d’ennemis déclarés, où
sera
le courage que l’on réclame des écrivains ? Faudra-t-il qu’ils l’exer
110
définir « une épopée de l’adultère ». La formule
est
sans doute exacte, si l’on se borne à considérer la donnée sèche du R
111
restrictive. Peut-on soutenir que la faute morale
est
le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne se
112
la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne
serait
-il qu’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’est-ce que cel
113
’un opéra de l’adultère ? Et l’adultère, enfin, n’
est
-ce que cela ? Un vilain mot ? Une rupture de contrat ? C’est cela aus
114
? Une rupture de contrat ? C’est cela aussi, ce n’
est
que cela dans trop de cas ; mais c’est souvent bien davantage : une a
115
es raisons de persévérer, et l’on jugera si elles
sont
diaboliques. La première est que nous sommes parvenus au point de dés
116
’on jugera si elles sont diaboliques. La première
est
que nous sommes parvenus au point de désordre social où l’immoralisme
117
elles sont diaboliques. La première est que nous
sommes
parvenus au point de désordre social où l’immoralisme se révèle plus
118
morales anciennes. Le culte de l’amour-passion s’
est
tellement démocratisé qu’il perd ses vertus esthétiques et sa valeur
119
t, cette « vogue » d’allure commerciale de ce qui
fut
un secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela, fût-ce même pour
120
secret religieux… Il faut s’attaquer à tout cela,
fût
-ce même pour sauver le mythe des abus de son extrême vulgarisation. E
121
La poésie a d’autres chances. Ma seconde raison n’
est
pas d’un défenseur de la beauté, même maudite, mais d’un homme qui a
122
hâtive, notre culture et le ronron de nos morales
sont
en passe de nous faire oublier la sévère réalité. Dresser le mythe de
123
ampirique crescendo du second acte de Wagner, tel
est
le premier objet de cet ouvrage ; et le succès qu’il ambitionne, c’es
124
ela ! » ou bien : « Que Dieu m’en garde ! » Je ne
suis
pas sûr que la conscience claire soit utile d’une manière générale, e
125
e ! » Je ne suis pas sûr que la conscience claire
soit
utile d’une manière générale, et en soi. Ni que les vérités utiles so
126
re générale, et en soi. Ni que les vérités utiles
soient
avouables sur la place. Mais quelle que soit « l’utilité » de mon ent
127
es soient avouables sur la place. Mais quelle que
soit
« l’utilité » de mon entreprise, notre sort n’en demeure pas moins, à
128
phe, du moraliste, du créateur de formes idéales,
est
simplement d’accroître la conscience, donc la mauvaise conscience des
129
Qui sait où cela peut nous mener ? Là-dessus, il
est
temps de passer à l’opération annoncée. La condition de sa réussite e
130
l’opération annoncée. La condition de sa réussite
est
sans doute une certaine froideur avec laquelle nous la mènerons. Sour
131
mission de le combattre, au moment où il pourrait
être
armé chevalier, donc peu après sa puberté. Il le tue, mais il en a re
132
remède qui peut le sauver. Mais le géant Morholt
était
le frère de cette reine, aussi Tristan se garde-t-il d’avouer son nom
133
un jeune paladin.) Blessé par le monstre, Tristan
est
soigné de nouveau par Iseut. Un jour, cette princesse découvre que le
134
Un jour, cette princesse découvre que le blessé n’
est
autre que le meurtrier de son oncle. Elle saisit l’épée de Tristan et
135
’a chargé. Et Iseut lui fait grâce, car elle veut
être
reine. (Selon certains auteurs, c’est aussi qu’elle admire la beauté
136
de Marc. En haute mer, le vent tombe, la chaleur
est
pesante. Ils ont soif. La servante Brangien leur donne à boire. Mais
137
e ces variantes, comme nous le verrons.) La faute
est
donc consommée. Mais Tristan reste lié par la mission qu’il a reçue d
138
ent au roi l’amour de Tristan et d’Iseut. Tristan
est
banni. Mais à la faveur d’une nouvelle ruse (scène du verger), il con
139
sang sur la fleur de blé. La preuve de l’adultère
est
ainsi faite. Iseut sera livrée à une troupe de lépreux et Tristan con
140
é. La preuve de l’adultère est ainsi faite. Iseut
sera
livrée à une troupe de lépreux et Tristan condamné à mort. Il s’évade
141
Tristan de demeurer dans le pays jusqu’à ce qu’il
soit
certain que Marc la traite bien. Puis, par une dernière ruse féminine
142
in de qui n’a pas menti, elle jure n’avoir jamais
été
dans les bras d’aucun homme, hors ceux du roi son maître et du manant
143
ent au lit de Tristan et lui annonce que la voile
est
noire. Tristan meurt. Iseut la blonde débarque à cet instant, monte a
144
es, on s’aperçoit que sa donnée ni son progrès ne
sont
dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’épisodes accessoires, ma
145
choses : Tristan conduit Iseut au roi parce qu’il
est
lié par la fidélité du chevalier ; — les amants se séparent, au terme
146
e que par une ruse improvisée in extremis, et qui
est
donnée comme trompant Dieu lui-même, puisque le miracle s’opère6 ! En
147
puisque le miracle s’opère6 ! Enfin, ce jugement
étant
acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’est donc aussi, et l
148
acquis, la reine passe pour innocente. Tristan l’
est
donc aussi, et l’on ne voit plus du tout ce qui s’opposerait à son re
149
près du roi, donc auprès d’Iseut… D’autre part, n’
est
-il pas fort étrange que les poètes du xiie siècle, si exigeants dès
150
s, ils n’ont du moins ni menti ni trompé, et ce n’
est
pas le cas de Tristan… Enfin l’on en vient à douter de la valeur même
151
on ne peut s’empêcher de penser que ces scrupules
sont
bien tardifs et peu sincères, puisque Tristan n’a de cesse qu’il ne r
152
auprès d’Iseut… Et ce philtre qui cesse d’agir, n’
était
-il pas destiné aux époux ? Alors, pourquoi limiter sa durée ? Trois a
153
lors, pourquoi limiter sa durée ? Trois ans, ce n’
est
guère pour le bonheur d’un couple. Et quand Tristan épouse l’autre Is
154
ur sa beauté » mais cependant la laisse vierge, n’
est
-il pas évident que rien ne l’oblige à ce mariage et à cette chasteté
155
ur et le devoir ». Cette interprétation classique
est
d’un aimable anachronisme. Outre qu’elle abuse de Corneille, elle par
156
s romans bretons la reflètent et la cultivent. Il
est
probable que la chevalerie courtoise ne fut guère qu’un idéal. Les pr
157
t. Il est probable que la chevalerie courtoise ne
fut
guère qu’un idéal. Les premiers auteurs qui en parlent ont l’habitude
158
elle vient à peine de naître dans leurs rêves. N’
est
-il pas de l’essence d’un idéal que l’on déplore sa décadence à l’inst
159
se réaliser ? D’autre part, la chance du roman n’
est
-elle pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités
160
ns « félons ». Selon la morale féodale, le vassal
est
tenu de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneu
161
félons ». Selon la morale féodale, le vassal est
tenu
de dénoncer au seigneur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : i
162
ur tout ce qui lèse son droit ou son honneur : il
est
« félon » s’il ne le fait pas. Or, dans Tristan, les barons dénoncent
163
en vertu d’un autre code évidemment, qui ne peut
être
que celui de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’amour de
164
idi. La décision des cours d’amour de la Gascogne
est
bien connue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’amour cour
165
rs d’amour de la Gascogne est bien connue : félon
sera
celui qui révèle les secrets de l’amour courtois. Ce seul exemple suf
166
a fidélité et du mariage, selon l’amour courtois,
est
seule capable d’expliquer certaines contradictions frappantes du réci
167
la thèse officiellement admise, l’amour courtois
est
né d’une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodales. On sait qu
168
éodales. On sait que le mariage, au xiie siècle,
était
devenu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir,
169
ient même à déclarer que l’amour et le mariage ne
sont
pas compatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’amour tenue c
170
e telle manière de voir, la félonie et l’adultère
sont
excusés, et plus qu’excusés, magnifiés comme exprimant une intrépide
171
ui désire l’entière possession de sa dame. Cela n’
est
plus amour, qui tourne à réalité. »7 Voilà qui nous met sur la voie d
172
toute liberté, car nous avons marqué plus haut qu’
étant
plus fort que le roi et les barons, il pourrait, dans le plan féodal
173
? Répondre : ainsi le veut l’amour courtois, ce n’
est
pas encore répondre sur le fond, car il s’agit de savoir pourquoi l’o
174
notre résumé de la légende, on ne peut manquer d’
être
frappé de ce fait : les deux lois qui entrent en jeu, chevalerie et m
175
entrent en jeu, chevalerie et morale féodale, ne
sont
observées par l’auteur que dans les seules situations où elles permet
176
e une explication. À chacune de nos questions, il
serait
évidemment facile de répondre : les choses se passent ainsi parce qu’
177
nsciente sagesse : c’est qu’on pressent qu’elle n’
est
pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème —
178
te volonté, il n’y aura plus de vraisemblance qui
tienne
: c’est ce qui se passe dans le cas de l’Histoire scientifique. (Le l
179
cientifique. (Le lecteur d’un ouvrage « sérieux »
sera
d’autant plus exigeant qu’il sait que le déroulement des faits ne doi
180
’est le cas du conte. Entre ces deux extrêmes, il
est
autant de niveaux de vraisemblance que de sujets. Ou si l’on veut : l
181
désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’une œuvre
est
révélé par la nature des « trucs » que l’auteur fait intervenir, et q
182
es extérieurs qui s’opposent à l’amour de Tristan
sont
dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à tout pr
183
un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne
sont
, à tout prendre, que des artifices romanesques. Or il résulte de nos
184
on qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout
est
symbole, tout se tient, tout se compose à la manière d’un rêve, et no
185
. Il faut sentir qu’ici tout est symbole, tout se
tient
, tout se compose à la manière d’un rêve, et non point à celle de nos
186
qu’il suppose chez son lecteur. Les « faits » ne
sont
que les images ou les projections d’un désir, de ce qui s’y oppose, d
187
tent comme à plaisir, — bien qu’ils en souffrent.
Serait
-ce alors pour le plaisir du romancier et du lecteur ? Mais c’est tout
188
du roman tel que l’aiment les Occidentaux. Quel
est
le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, mais au
189
cette passion qui ressemble au vertige… Mais ce n’
est
plus l’heure de se détourner. Nous sommes atteints, nous subissons le
190
Mais ce n’est plus l’heure de se détourner. Nous
sommes
atteints, nous subissons le charme, nous co-naissons au « tourment dé
191
ons au « tourment délicieux ». Toute condamnation
serait
vaine : on ne condamne pas le vertige. Mais la passion du philosophe
192
e pas le vertige. Mais la passion du philosophe n’
est
-elle point de méditer dans le vertige ? Il se peut que la connaissanc
193
ns le vertige ? Il se peut que la connaissance ne
soit
rien d’autre que l’effort d’un esprit qui résiste à la chute, et qui
194
re ; il me plaît ; je me réjouis de lui ; mon mal
est
ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quo
195
de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur
est
ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vi
196
éablement, et tant de joie dans ma douleur que je
suis
malade avec délices. Chrétien de Troyes. Il faut avoir l’audace de
197
de poser la question : Tristan aime-t-il Iseut ?
Est
-il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent nous in
198
i passe pour évident cache quelque chose qui ne l’
est
point, comme l’a dit à peu près Valéry.) Rien d’humain ne paraît rapp
199
lité. Tout porte à croire que librement ils ne se
fussent
jamais choisis. Mais ils ont bu le philtre, et voici la passion. Une
200
dolor. Dira-t-on que les poètes de cette époque
furent
moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus, et qu’ils n’éprouva
201
e époque furent moins sentimentaux que nous ne le
sommes
devenus, et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’insister sur ce qui
202
ns la forêt. Ses deux scènes les plus belles, qui
sont
peut-être aussi les plus profondes de la légende, ce sont les deux vi
203
t-être aussi les plus profondes de la légende, ce
sont
les deux visites que les amants font à l’ermite Ogrin. La première fo
204
hiez. La situation dans laquelle ils se trouvent
est
donc passionnément contradictoire : ils aiment, mais ils ne s’aiment
205
mais ils ne peuvent s’en repentir, puisqu’ils ne
sont
pas responsables ; ils se confessent, mais ne veulent pas guérir, ni
206
gue, et où les contraires s’excluent. L’aveu n’en
est
pas moins formel : « Il ne m’aime pas, ne je lui. » Tout se passe com
207
de leurs désirs, au moins conscients, et de leur
être
tel qu’ils le connaissent. Les traits physiques et psychologiques de
208
et psychologiques de cet homme et de cette femme
sont
parfaitement conventionnels et rhétoriques. Lui, c’est « le plus fort
209
pes à ce point simplifiés ? L’« amistié » dont il
est
question à propos de la durée du philtre est le contraire d’une amiti
210
t il est question à propos de la durée du philtre
est
le contraire d’une amitié réelle. Bien plus, si l’amitié morale se fa
211
Bien plus, si l’amitié morale se fait jour, ce n’
est
qu’au moment où la passion faiblit. Et le premier effet de cette amit
212
. Et le premier effet de cette amitié naissante n’
est
pas du tout d’unir davantage les amants, mais au contraire de leur mo
213
plus près. L’endemain de la saint Jehan Aconpli
furent
li troi an. Tristan chassait dans la forêt. Soudain, il se souvient
214
! Il songe que dans cette aventure, elle pourrait
être
« en beles chambres… portendues de dras de soie ». Iseut de son côté,
215
l uson notre jovente »… La décision de se séparer
est
bientôt prise. Tristan propose de « gerpir » en Bretagne. Auparavant,
216
Iseut : Dex ! dist Tristan, quel départie ! Mot
est
dolenz qui pert s’amie… C’est sur sa propre peine qu’il s’apitoie.
217
et bien que le philtre n’agisse plus, les amants
seront
repris par la passion, jusqu’au point qu’ils en perdront la vie, « lu
218
l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui
est
la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut l
219
’autre pour brûler, mais non de l’autre tel qu’il
est
; et non de la présence de l’autre, mais bien plutôt de son absence !
220
pothéose. Dualité irrémédiable et désirée ! « Mot
est
dolenz qui pert s’amie », soupire Tristan. Pourtant il sent déjà, au
221
aut pousser plus loin : l’amabam amare d’Augustin
est
une émouvante formule dont lui-même ne s’est pas satisfait. L’obstac
222
stin est une émouvante formule dont lui-même ne s’
est
pas satisfait. L’obstacle dont nous avons souvent parlé, et la créat
223
sque et de l’attente du lecteur) — cet obstacle n’
est
-il qu’un prétexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’est-il p
224
étexte, nécessaire au progrès de la passion, ou n’
est
-il pas lié à la passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’est-
225
passion d’une manière beaucoup plus profonde ? N’
est
-il pas l’objet même de la passion, — si l’on descend au fond du mythe
226
ccessifs des amants9. Or les causes de séparation
sont
de deux sortes : circonstances extérieures adverses, entraves inventé
227
pas de la même manière dans les deux cas. Et il n’
est
pas sans intérêt de dégager cette dialectique de l’obstacle dans le R
228
alectique de l’obstacle dans le Roman. Lorsque ce
sont
les circonstances sociales qui menacent les amants (présence de Marc,
229
-dessus l’obstacle (le saut d’un lit à l’autre en
est
le symbole). Quitte à souffrir (sa blessure se rouvre) et à risquer s
230
risquer sa vie (il se sait épié). Mais la passion
est
alors si violente, si animale pourrait-on dire, qu’il oublie la doule
231
du péril pour lui-même. Mais tant que le péril n’
est
qu’une menace tout extérieure, la prouesse par laquelle Tristan le su
232
ure, la prouesse par laquelle Tristan le surmonte
est
une affirmation de la vie. En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la cout
233
s’agit de faire preuve de « valeur », il s’agit d’
être
le plus fort, ou le plus rusé. Nous avons vu que cela le conduirait à
234
ever la reine à son roi. Et que le droit établi n’
est
soudain respecté, à ce moment, que parce qu’il fournit un prétexte à
235
un prétexte à faire rebondir le roman. Tout autre
est
l’attitude du chevalier lorsque rien d’extérieur à eux-mêmes ne sépar
236
is-ci contre lui-même, à ses dépens. Puisqu’il en
est
lui-même le fauteur, c’est un obstacle qu’il ne peut plus vaincre ! N
237
tive plus forte que la passion même. La mort, qui
est
le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’est pas encore l’expr
238
t le but de la passion, la tue. Mais l’épée nue n’
est
pas encore l’expression décisive du désir sombre, de la fin même de l
239
ns symbolique : l’action empêche la « passion » d’
être
totale, car la passion, c’est « ce que l’on subit » — à la limite, c’
240
e, c’est la mort. En d’autres termes cette action
est
un nouveau délai de la passion, c’est-à-dire un retard de la Mort. ⁂
241
es mains avec Tristan. Le premier de ces mariages
est
l’obstacle de fait. Il est symbolisé par l’existence concrète du mari
242
remier de ces mariages est l’obstacle de fait. Il
est
symbolisé par l’existence concrète du mari, méprisé par l’amour court
243
pas que Tristan puisse jamais épouser Iseut. Elle
est
le type de femme qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’ai
244
on cesserait de l’aimer, puisqu’elle cesserait d’
être
ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de
245
l’aimer, puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle
est
. Imaginez cela : Madame Tristan ! C’est la négation de la passion, au
246
amoureuse spontanée, couronnée et non combattue,
est
par essence peu durable. C’est une flambée qui ne peut pas survivre à
247
x qu’ils vont défier. Mais la valeur du chevalier
est
telle qu’il les aura bientôt tous surmontés. C’est alors qu’il s’éloi
248
tte erreur provoquée par le nom des deux femmes —
est
la seule « raison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui serait
249
ison » du mariage de Tristan. L’on voit qu’il lui
serait
aisé de s’expliquer. Mais une fois de plus, l’honneur interviendra, e
250
il ruine ainsi par l’intérieur). Prouesse dont il
est
la victime ! La chasteté du chevalier marié répond à la déposition de
251
dont Tristan sortira purifié ; vers une mort qui
soit
une transfiguration, et non pas un hasard brutal. Il s’agit donc touj
252
de la dialectique passion-obstacle. Vraiment ce n’
est
plus l’obstacle qui est au service de la passion fatale, mais au cont
253
n-obstacle. Vraiment ce n’est plus l’obstacle qui
est
au service de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le b
254
ervice de la passion fatale, mais au contraire il
est
devenu le but, la fin désirée pour elle-même. Et la passion n’a donc
255
ité même qui l’a créé. Le sens réel de la passion
est
tellement effrayant et inavouable, que non seulement ceux qui la vive
256
e savoir si les auteurs des cinq poèmes primitifs
étaient
ou non conscients de la portée de leur œuvre. En tout état de cause,
257
et l’objet reste inavoué, mais tout de même il y
est
fait allusion, et par là, dans une certaine mesure, des exigences inc
258
n », « qu’il n’y attache pas d’importance ». S’il
est
poète, il parlera d’inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne
259
inspiration, ou au contraire de rhétorique. Il ne
sera
jamais à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’est responsab
260
à court de bonnes raisons pour démontrer qu’il n’
est
responsable de rien… Imaginons maintenant le problème qui se posait à
261
chevaleresque, comme d’ailleurs toute rhétorique,
est
le moyen de faire passer pour « naturelles » les plus obscures propos
262
ictions qu’elle impose. Pour la magie, voici quel
sera
son rôle. Il s’agit de dépeindre une passion dont la violence fascina
263
e une passion dont la violence fascinante ne peut
être
acceptée sans scrupule. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle e
264
pule. Elle apparaît barbare dans ses effets. Elle
est
proscrite par l’Église comme un péché ; par la raison comme un excès
265
yeux du moraliste. Inférieur en ceci à Béroul, il
sera
le premier responsable de la dégradation du mythe.) Qu’est-ce alors q
266
emier responsable de la dégradation du mythe.) Qu’
est
-ce alors que le philtre ? C’est l’alibi de la passion. C’est ce qui p
267
lheureux amants de dire : « Vous voyez que je n’y
suis
pour rien, vous voyez que c’est plus fort que moi. » Et cependant, no
268
eur de cette fatalité trompeuse, tous leurs actes
sont
orientés vers le destin mortel qu’ils aiment, avec une sorte d’astuci
269
abri du jugement. Nos actions les moins calculées
sont
parfois les plus efficaces. La pierre qu’on lance « sans viser » va d
270
Et c’est pourquoi les plus belles scènes du Roman
sont
celles que les auteurs n’ont pas su commenter, et qu’ils décrivent co
271
roman, si Tristan et Iseut pouvaient dire quelle
est
la fin qu’ils se préparent de toute leur volonté profonde, et plus qu
272
Jour qui l’offusque ? et qu’il attend de tout son
être
l’anéantissement de son être ? Certains poètes, beaucoup plus tard, o
273
l attend de tout son être l’anéantissement de son
être
? Certains poètes, beaucoup plus tard, ont osé cet aveu suprême. Mais
274
ont osé cet aveu suprême. Mais la foule dit : ce
sont
des fous. Et la passion que le romancier désire flatter chez l’audite
275
inaire, plus débile. Il y a peu de chance qu’elle
soit
jamais poussée à s’avouer par son excès indubitable, par une mort qui
276
tiques ont fait plus qu’avouer : ils ont su et se
sont
expliqués. Mais s’ils ont affronté « la Nuit obscure » avec la plus s
277
et « lumineuse » se substituerait à la leur. Ce n’
était
pas le dieu sans nom du philtre, une force aveugle ou le Néant, qui s
278
dont il rejette avec horreur la connaissance. Il
tient
son excuse toute prête, et elle le trompe mieux que quiconque : c’est
279
r exemplaire de sa vie. Les raisons de la Nuit ne
sont
pas celles du Jour, elles ne sont pas communicables au Jour10. Elles
280
s de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne
sont
pas communicables au Jour10. Elles le méprisent. Tristan s’est fait p
281
nicables au Jour10. Elles le méprisent. Tristan s’
est
fait prisonnier d’un délire auprès duquel pâlissent toute sagesse, to
282
ute sagesse, toute « vérité », et la vie même. Il
est
au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance vers l’insta
283
ce vers l’instant suprême où la totale jouissance
est
de sombrer. ⁂ Les mots du Jour ne peuvent décrire la Nuit, mais la «
284
soir, lorsqu’en un temps lointain la mort du père
fut
annoncée au fils. Dans l’aube sinistre, tu me cherchais, de plus en p
285
t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin
suis
-je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : —Pour désir
286
maudire ses astres, sa naissance, mais la musique
est
savante, vraiment, et elle nous chante immensément le beau secret : c
287
n’a pas cessé de refouler, — de préserver ! Il en
est
peu de plus tragiques, et sa persistance nous invite à porter sur l’a
288
? Pourquoi veut-il cet amour dont l’éclat ne peut
être
que son suicide ? C’est qu’il se connaît et s’éprouve sous le coup de
289
a limite, ce goût de la collision révélatrice qui
est
sans doute la plus inarrachable des racines de l’instinct de la guerr
290
eur. Que ce malheur, selon la force de notre âme,
soit
la « délicieuse tristesse » et le spleen de la décadence, ou la souff
291
nnonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie
est
absente », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le seul
292
La « vraie vie est absente », dit Rimbaud. Elle n’
est
qu’un des noms de la Mort, le seul nom par lequel nous osions l’appel
293
la douleur, et spécialement la douleur amoureuse,
est
un moyen privilégié de connaissance. Certes, cela vaut pour les meill
294
vient retarder l’heureux accomplissement. Ainsi,
soit
qu’on désire l’amour le plus conscient, ou simplement l’amour le plus
295
t non pas la présence, nous émeuvent. La présence
est
inexprimable, elle ne possède aucune durée sensible, elle ne peut êtr
296
le ne possède aucune durée sensible, elle ne peut
être
qu’un instant de grâce — le duo de Don Juan et Zerline. Ou bien l’on
297
dans la littérature occidentale. Et l’amour qui n’
est
pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande trouvaill
298
t Iseut « s’entr’aiment », ou du moins, qu’ils en
sont
persuadés. Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fid
299
t », ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il
est
vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mai
300
, qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils
sont
, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’e
301
malheur, c’est que l’amour qui les « demeine » n’
est
pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’
302
demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il
est
dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment, mais chacun n’aime l’aut
303
lande, où t’attardes-tu ? Ce qui gonfle ma voile,
sont
-ce tes soupirs ? Souffle, souffle ô vent ! Malheur, ah ! malheur, fil
304
ait — la jouissance de la vie. Mais cette perte n’
est
pas sentie comme un appauvrissement, bien au contraire. On s’imagine
305
s magnifiquement. C’est que l’approche de la mort
est
l’aiguillon de la sensualité. Elle aggrave, au plein sens du terme, l
306
rète de l’obstacle favorable à l’amour. Mais ce n’
est
encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacl
307
ébut de la passion, la revanche sur le destin qui
fut
subi et qui est enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre
308
on, la revanche sur le destin qui fut subi et qui
est
enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre quelques secrets
309
primitif livre quelques secrets dont l’importance
est
appréciable — mais dont la conscience commune doit renier l’intime év
310
je le sens bien, et m’en console si les résultats
sont
exacts ; que certaines conjectures soient discutables, je l’admettrai
311
résultats sont exacts ; que certaines conjectures
soient
discutables, je l’admettrai sans peine devant les preuves ; mais quoi
312
Nous savons, par la fin du mythe, que la passion
est
une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’autant p
313
Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel amour n’
est
pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est v
314
profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il
est
vrai que la passion, et le besoin de la passion, sont des aspects de
315
vrai que la passion, et le besoin de la passion,
sont
des aspects de notre mode occidental de connaissance, il faut en veni
316
e de toutes. Connaître à travers la souffrance, n’
est
-ce pas l’acte même, et l’audace, de nos mystiques les plus lucides ?
317
au sens noble, et mystique : que l’une de l’autre
soit
cause ou effet, ou qu’elles aient une commune origine — ces deux « pa
318
t voici qu’elle me parle encore. Pour quel destin
suis
-je né ? Pour quel destin ? La vieille mélodie me répète : — Pour dési
319
ons de dégager. 2. La raison dont je parle ici
étant
l’activité profanatrice qui s’exerce aux dépens du sacré collectif et
320
et qui en libère l’individu. Que le rationalisme
soit
passé au rang de doctrine officielle ne doit pas nous faire oublier s
321
de l’autre côté de la grotte, Isolt. Les amants s’
étaient
couchés pour se reposer à cause de la forte chaleur, et dormaient ain
322
éparés l’un de l’autre parce que… ». Ici le texte
est
interrompu ! Et Bédier dit en note : « Passage inintelligible. » Quel
323
sage inintelligible. » Quelle puissance maléfique
est
donc intervenue pour brouiller le seul texte qui pût éclaircir le mys
324
ttfried de Strasbourg insiste avec cynisme : « Ce
fut
ainsi chose manifeste — Et avérée devant tous — Que le très glorieux
325
ont on s’habille — … Il se prête au gré de tous —
Soit
à la sincérité soit à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu
326
Il se prête au gré de tous — Soit à la sincérité
soit
à la tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 7. Fa
327
us — Soit à la sincérité soit à la tromperie — Il
est
toujours ce qu’on veut qu’il soit… » 7. Fauriel, Histoire de la po
328
a tromperie — Il est toujours ce qu’on veut qu’il
soit
… » 7. Fauriel, Histoire de la poésie provençale, I, p. 512. 8. Pr
329
ovençale, I, p. 512. 8. Précisons que : 1° elles
sont
observées tour à tour, en vertu d’un calcul secret ; car si l’on choi
330
a situation se dénouerait trop vite ; 2° elles ne
sont
pas toujours observées : ainsi le péché consommé dès que les amants o
331
ché consommé dès que les amants ont bu le philtre
est
un péché aux yeux de l’amour courtois non moins qu’aux yeux de la mor
332
tan revient à la cour. Le « flagrant délit ». Ils
sont
séparés. — Ils se retrouvent et passent trois ans dans la forêt, puis
333
emandes. » Et plus tard, quand il meurt : « Je ne
suis
pas resté au lieu de mon réveil. Mais où ai-je fait séjour ? Je ne sa
334
séjour ? Je ne saurais le dire… C’était là où je
fus
toujours, et là où j’irai pour toujours : le vaste empire de l’éterne
335
l’éternelle nuit. Là-bas, une science unique nous
est
donnée : le divin, l’éternel, l’originel oubli… Oh ! si je pouvais le
336
the 1.L’« obstacle » naturel et sacré Nous
sommes
tous plus ou moins matérialistes, nous autres héritiers du xixe . Qu’
337
es de faits « spirituels », aussitôt nous croyons
tenir
une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai. C
338
a vu le jeu au cours de notre analyse du mythe, n’
est
-il pas d’origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’est-ce pas
339
origine toute naturelle ? Retarder le plaisir, n’
est
-ce pas la ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’est-il pas
340
ruse la plus élémentaire du désir ? Et l’homme n’
est
-il pas « ainsi fait » qu’il s’impose parfois une certaine continence,
341
. « C’est afin — lui fait dire Plutarque — qu’ils
soient
toujours plus forts et dispos de leur corps, et qu’en ne jouissant pa
342
lus valeureux. Or la vertu d’une telle discipline
est
relative à la vie même, non à l’esprit. Elle cède au succès obtenu. E
343
cherche rien au-delà. L’eugénisme d’un Lycurgue n’
est
nullement ascétique, puisqu’il vise au contraire à la meilleure propa
344
les tribus exogamiques. La morale de la prouesse
est
une sublimation non déguisée de coutumes beaucoup plus anciennes trad
345
la nécessité d’une sélection biologique. Et il n’
est
pas jusqu’au désir de la mort que l’on ne puisse « ramener » à l’inst
346
assez que pour les Grecs et les Romains, l’amour
est
une maladie (Ménandre) dans la mesure où il transcende la volupté qui
347
e) dans la mesure où il transcende la volupté qui
est
sa fin naturelle. C’est une « frénésie », dit Plutarque. « Aucuns ont
348
ont pensé que c’était une rage… Ainsi à ceux qui
sont
amoureux, il leur faut pardonner comme étant malades… » D’où vient al
349
x qui sont amoureux, il leur faut pardonner comme
étant
malades… » D’où vient alors cette glorification de la passion, qui es
350
ient alors cette glorification de la passion, qui
est
justement ce qui nous touche dans le Roman ? Parler de déviation de l
351
ire puisqu’il s’agit de savoir, précisément, quel
est
le facteur qui a pu causer cette déviation. 2.Éros, ou le Désir sa
352
l’âme, pour la troubler d’humeurs malignes. Ce n’
est
pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur
353
. Ce n’est pas l’amour tel qu’il le loue. Mais il
est
une autre espèce de fureur, ou de délire, qui ne s’engendre pas sans
354
de la divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel
est
l’amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et
355
ort de l’âme, folie et suprême raison. Et l’amant
est
auprès de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie
356
lie et suprême raison. Et l’amant est auprès de l’
être
aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie qui monte par de
357
e l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour
est
la voie qui monte par degrés d’extase vers l’origine unique de tout c
358
ce qui divise et distingue, au-delà du malheur d’
être
soi et d’être deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c
359
et distingue, au-delà du malheur d’être soi et d’
être
deux dans l’amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Aspirat
360
ute puissance, à l’extrême exigence de pureté qui
est
l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’ê
361
l’extrême exigence d’Unité. Mais l’unité dernière
est
négation de l’être actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’é
362
d’Unité. Mais l’unité dernière est négation de l’
être
actuel, dans sa souffrante multiplicité. Ainsi l’élan suprême du dési
363
é. Ainsi l’élan suprême du désir aboutit à ce qui
est
non-désir. La dialectique d’Éros introduit dans la vie quelque chose
364
cension de l’homme vers son dieu. Et ce mouvement
est
sans retour. ⁂ Les origines iraniennes et orphiques du platonisme son
365
es origines iraniennes et orphiques du platonisme
sont
encore mal connues mais certaines. Et par Plotin et l’Aréopagite, cet
366
. Et par Plotin et l’Aréopagite, cette doctrine s’
est
transmise au monde médiéval. Ainsi l’Orient vint rêver dans nos vies,
367
ou quelque harmonie ancestrale — toutes nos races
sont
venues ou revenues du Proche-Orient — ou simplement si la nature huma
368
che-Orient — ou simplement si la nature humaine n’
est
point portée en tous lieux et tous temps à diviniser son Désir dans d
369
druides sur l’immortalité. La mythologie comparée
est
la plus périlleuse des sciences, si l’on excepte l’étymologie dont el
370
merci du calembour le plus tentant… Quoi qu’il en
soit
, certaines convergences générales se dégagent des travaux récents, re
371
péninsules italienne et grecque. Or les Celtes n’
étaient
pas une nation. Ils n’avaient pas d’autre « unité » que celle d’une c
372
le d’une civilisation, dont le principe spirituel
était
maintenu par le collège sacerdotal des druides. Ce collège à son tour
373
e sacerdotal des druides. Ce collège à son tour n’
était
nullement l’émanation des petits peuples ou tribus, mais « une instit
374
religieuses douées de pouvoirs très étendus. Ils
étaient
à la fois devins, magiciens, médecins, prêtres, confesseurs. Ils n’éc
375
rte d’ailleurs le même nom que le brahmane 14. Il
est
certain que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventur
376
mort. C’était une compagne familière dont ils se
sont
plu à déguiser le caractère inquiétant ». De même, dans leur mytholog
377
domine tout, et tout la découvre 15 ». Et cela n’
est
pas sans inciter à des rapprochements très précis avec ce que l’on a
378
Nuit, et de leur lutte mortelle dans l’homme. Il
est
un dieu de Lumière incréée, intemporelle, et un dieu de Ténèbres, aut
379
vre : la conception de la femme chez les Celtes n’
est
pas sans rappeler la dialectique platonicienne de l’Amour. La femme f
380
l’Amour. La femme figure aux yeux des druides un
être
divin et prophétique. C’est la Velléda des Martyrs, le fantôme lumine
381
perdu dans sa rêverie nocturne : « Sais-tu que je
suis
fée ? », dit-elle. Éros a revêtu les apparences de la Femme, symbole
382
stérieux », c’était l’invitation à désirer ce qui
est
au-delà des formes incarnées. Mais elle est belle et désirable en soi
383
e qui est au-delà des formes incarnées. Mais elle
est
belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature est fuyante. « L’Éte
384
belle et désirable en soi… Et pourtant sa nature
est
fuyante. « L’Éternel féminin nous entraîne », dira Goethe. Et Novalis
385
entraîne », dira Goethe. Et Novalis : « La femme
est
le but de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la lumière prend pour sy
386
es. Le grand Jour incréé, aux yeux de la chair, n’
est
que la Nuit. Mais notre jour, aux yeux du dieu qui réside par-delà le
387
il souffre volupté, même quand il croit aimer un
être
… On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de l’opéra wagnér
388
les éléments les plus actifs de son philtre ! Il
est
frappant de constater d’ailleurs à quel point le celtisme originel de
389
et aux invasions germaniques. « Les Gallo-Romains
sont
restés pour la plupart des Celtes déguisés. Si bien qu’après les inva
390
aître en Gaule des modes et des goûts qui avaient
été
ceux des Celtes.16 » L’art roman et les langues romanes attestent l’i
391
’importance de l’héritage celtique. Plus tard, ce
furent
des moines d’Irlande et de Bretagne — derniers refuges des légendes b
392
la Bretagne, nous constatons qu’une religion s’y
est
répandue, d’une manière à vrai dire souterraine, dès le iiie siècle
393
le des mythes du Jour et de la Nuit tels qu’ils s’
étaient
élaborés en Perse d’abord, puis dans les sectes gnostiques et orphiqu
394
éprouve de nos jours à définir cette religion ne
sont
pas sans nous renseigner sur sa nature profonde et sa portée humaine.
395
ature profonde et sa portée humaine. D’abord elle
fut
partout persécutée avec une violence inouïe par les pouvoirs ou les o
396
voir en elle la pire menace sociale. Ses fidèles
furent
massacrés, leurs écrits dispersés et brûlés. Si bien que les témoigna
397
. Si bien que les témoignages sur lesquels elle a
été
jugée jusqu’à nos jours émanent presque exclusivement de ses adversai
398
ite, il semble bien que la doctrine de Manès (qui
était
originaire de l’Iran) a pris, selon les peuples et leurs croyances, d
399
n hymne manichéen récemment retrouvé et traduit17
sont
invoqués et loués successivement Jésus, Manès, Ormuzd, Çakyamouni, et
400
in Zarhust (Zarathustra ou Zoroastre). De plus il
est
permis de penser que les survivances celtiques dans le Midi languedoc
401
ppements qui suivront, deux faits surtout doivent
être
retenus : 1° Le dogme fondamental de toutes les sectes manichéennes,
402
t des dieux Me voici en exil et séparé d’eux. Je
suis
un dieu, et né des dieux Mais maintenant réduit à souffrir. Ainsi la
403
estin de l’Âme. L’élan de l’âme vers la Lumière n’
est
pas sans évoquer d’une part la « réminiscence du Beau » dont parlent
404
se souvient de l’île des immortels. Mais cet élan
est
sans cesse entravé par la jalousie de Vénus (Dîbat dans le premier hy
405
e matière l’amant en proie au lumineux Désir. Tel
est
le combat de l’amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse f
406
s anges déchus dans des corps trop humains… 2° Il
est
très important et significatif pour nous de remarquer que la structur
407
emarquer que la structure de la foi manichéenne «
est
essentiellement lyrique »18. Autrement dit, qu’il est de la nature pr
408
essentiellement lyrique »18. Autrement dit, qu’il
est
de la nature profonde de cette foi de se refuser à toute exposition r
409
la mort le bien dernier, le rachat de la faute d’
être
né, la réintégration dans l’Un et dans la lumineuse indistinction. Dè
410
u point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait
être
qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganisme oriental-occi
411
el Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel
est
le grand fond du paganisme oriental-occidental sur lequel se détache
412
e détache notre mythe. Mais d’où vient qu’il s’en
soit
« détaché » justement ? Quelle menace, quelle interdiction a contrain
413
ologue de l’Évangile de Jean : « Au commencement
était
la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En
414
« Au commencement était la Parole, et la Parole
était
avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie ét
415
arole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole
était
Dieu… En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. La
416
était avec Dieu, et la Parole était Dieu… En elle
était
la vie et la vie était la lumière des hommes. La lumière lui dans les
417
Parole était Dieu… En elle était la vie et la vie
était
la lumière des hommes. La lumière lui dans les ténèbres, et les ténèb
418
et les ténèbres ne l’ont pas reçue. » (I, 1-5.)
Est
-ce encore le dualisme éternel, sans rémission, l’irrévocable hostilit
419
car voici la suite du passage : « Et la Parole a
été
faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérit
420
le monde — de la Lumière dans les Ténèbres —, tel
est
l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel est le ce
421
t inouï qui nous délivre du malheur de vivre. Tel
est
le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour chrétien q
422
lement » incroyable. Car le fait de l’Incarnation
est
la négation radicale de toute espèce de religion. Il est le suprême s
423
négation radicale de toute espèce de religion. Il
est
le suprême scandale, non seulement pour notre raison qui n’admet poin
424
la non-vie, la mort du corps. La Nuit et le Jour
étant
incompatibles, l’homme créé qui appartient à la Nuit, ne peut trouver
425
la Nuit, ne peut trouver de salut qu’en cessant d’
être
, en se « perdant » au sein de la divinité. Mais le christianisme, par
426
ialectique de fond en comble. Au lieu que la mort
soit
le terme dernier, elle devient la première condition. Ce que l’Évangi
427
st le début d’une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’
est
pas la fuite de l’esprit hors du monde, mais son retour en force au s
428
e que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’
est
fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbr
429
e et mort au monde en tant que le moi et le monde
sont
pécheurs, mais rendu à soi-même et au monde en tant que l’Esprit veut
430
ue l’Esprit veut les sauver. Désormais, l’amour n’
est
plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de la mo
431
pparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’
était
qu’un prétexte illusoire, une occasion de s’enflammer ; et il fallait
432
l fallait aussitôt s’en déprendre, puisque le but
était
de brûler toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’être particu
433
er toujours plus, de brûler jusqu’à en mourir ! L’
être
particulier n’était guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Êtr
434
e brûler jusqu’à en mourir ! L’être particulier n’
était
guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’
435
ait guère qu’un défaut et un obscurcissement de l’
Être
unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’étant
436
’Être unique. Comment l’aimer vraiment, tel qu’il
était
? Le salut n’étant qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des cr
437
nt l’aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’
étant
qu’au-delà, l’homme religieux se détournait des créatures ignorées pa
438
eul, parmi tous les dieux que l’on connaît — ne s’
est
pas détourné, au contraire ; « Il nous a aimés le premier » dans notr
439
emier » dans notre forme et nos limitations. Il a
été
jusqu’à les revêtir. Et revêtant la condition de l’homme pécheur et s
440
tification. Le contraire de la sublimation, qui n’
était
que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors
441
chait le dépassement à l’infini. L’amour chrétien
est
obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui no
442
in. À ceux qui lui demandaient ironiquement : Qui
est
mon prochain ? Jésus répond : c’est l’homme qui a besoin de vous. Tou
443
ngent de sens. Le nouveau symbole de l’Amour ce n’
est
plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais c’est le m
444
et là, le sanctifie par le mariage. Un tel amour,
étant
conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), p
445
our du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), peut
être
vraiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’ai
446
raiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il
est
— au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûl
447
du point de vue de la vie, au malheur absolu, qui
est
la mort. Le christianisme n’est un malheur mortel que pour l’homme sé
448
lheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’
est
un malheur mortel que pour l’homme séparé de Dieu, mais un malheur re
449
e « saisit le salut ». 4.Orient et Occident
Est
-il possible de définir l’Orient et l’Occident en dehors de la géograp
450
» une conception religieuse qui à vrai dire nous
est
venue du Proche-Orient mais qui n’a triomphé qu’en Occident : celle q
451
lle. Mais seulement une communion, dont le modèle
est
dans le mariage de l’Église et de son Seigneur. Cela suppose une illu
452
ières, elles ne représentent que des défauts de l’
Être
. Nous n’avons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour sera
453
onc point de prochain. Et l’exaltation de l’Amour
sera
en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. Agapè
454
l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. « Dieu
est
au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le
455
au-delà de la vie. « Dieu est au ciel, et toi tu
es
sur la terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’êtr
456
terre. » Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’
est
pas d’être né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous
457
Et ton sort se joue ici-bas. Le péché n’est pas d’
être
né, mais d’avoir perdu Dieu en devenant autonome. Or, nous ne trouver
458
ésir. Nous aurons beau sublimer notre Éros, il ne
sera
jamais que nous-mêmes ! Point d’illusions ni d’optimisme humain, dans
459
me orthodoxe. Mais alors, c’est le désespoir ? Ce
serait
le désespoir, s’il n’y avait pas la Bonne Nouvelle ; et cette nouvell
460
r de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation
est
le signe historique d’une création renouvelée, où le croyant se trouv
461
’est-à-dire réconcilié, l’homme reste un homme (n’
est
pas divinisé) mais un homme qui ne vit plus pour lui seul. « Tu aimer
462
exaltée dissolution du moi en Dieu. L’Amour divin
est
l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la commu
463
, il faut bien qu’il y ait deux sujets, et qu’ils
soient
présents l’un à l’autre : donc l’un pour l’autre le prochain. Si l’Ag
464
lus comme un prétexte à s’exalter, mais tel qu’il
est
dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’Éros n’a
465
espérance ; et si l’Éros n’a pas de prochain — n’
est
-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion do
466
ous oblige à le constater : c’est l’inverse qui s’
est
réalisé. Nous voyons qu’en Orient (Appendice 4), et dans la Grèce con
467
la Grèce contemporaine de Platon, l’amour humain
est
très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupté physique.
468
au sens tragique et douloureux — non seulement y
est
rare, mais encore et surtout y est méprisée par la morale courante co
469
on seulement y est rare, mais encore et surtout y
est
méprisée par la morale courante comme une maladie frénétique. « Aucun
470
n Occident, au xiie siècle, c’est le mariage qui
est
en butte au mépris, tandis que la passion est glorifiée dans la mesur
471
qui est en butte au mépris, tandis que la passion
est
glorifiée dans la mesure même où elle est déraisonnable, où elle fait
472
passion est glorifiée dans la mesure même où elle
est
déraisonnable, où elle fait souffrir, où elle exerce ses ravages aux
473
ction flagrante entre les doctrines et les mœurs.
Serait
-ce alors dans le fait même de cette contradiction flagrante que résid
474
altée. Le principe d’explication de ce tableau
est
assez simple. Le platonisme, au temps de Platon et durant les siècles
475
emps de Platon et durant les siècles suivants, ne
fut
jamais une doctrine populaire, mais une sagesse ésotérique. Il en all
476
oi le christianisme triompha. La primitive Église
fut
une communauté de faibles et de méprisés. Mais à partir de Constantin
477
r en lui s’exalter la révolte du sang barbare. Il
était
prêt à accueillir, sous le couvert de formes catholiques, toutes les
478
ion incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’
est
devenue cette doctrine parmi nous ? « Personne ne saurait dire jusqu’
479
é physique — alors qu’en fait cette beauté même n’
est
que l’attribut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’amour. L’
480
it son objet », et que la beauté « officielle » n’
est
pas un gage d’être aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède
481
que la beauté « officielle » n’est pas un gage d’
être
aimé. Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugle
482
s rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il
est
dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à
483
Souvenons-nous du culte druidique pour la Femme,
être
prophétique, « éternel féminin », « but de l’homme ». Les Celtes, déj
484
simile d’instinct à la définition de la beauté, n’
est
-ce pas le souvenir de la mère « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si
485
re « fixé » dans sa mémoire secrète ? ⁂ Si telles
sont
bien les causes de la curieuse contradiction qui apparaît au xiie si
486
trines et les mœurs, une première conclusion peut
être
formulée dès à présent : L’amour-passion est apparu en Occident comme
487
eut être formulée dès à présent : L’amour-passion
est
apparu en Occident comme l’un des contrecoups du christianisme (et sp
488
resterait bien théorique et contestable si nous n’
étions
pas en mesure de retracer les voies et moyens historiques de cette re
489
urs et cathares Que toute la poésie européenne
soit
issue de la poésie des troubadours au xiie siècle, c’est ce dont per
490
les xie et xiie siècles, la poésie d’où qu’elle
fût
(hongroise, espagnole, portugaise, allemande, sicilienne, toscane, gé
491
, picarde, champenoise, flamande, anglaise, etc.)
était
au préalable languedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant êt
492
uedocienne, c’est-à-dire que le poète, ne pouvant
être
que troubadour, était tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le s
493
ire que le poète, ne pouvant être que troubadour,
était
tenu de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage
494
e le poète, ne pouvant être que troubadour, était
tenu
de parler — et de l’apprendre s’il ne le savait pas — le langage du t
495
it pas — le langage du troubadour, qui n’a jamais
été
que le provençal. »22 Qu’est-ce que la poésie des troubadours ? L’ex
496
our, qui n’a jamais été que le provençal. »22 Qu’
est
-ce que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’amour malheureux
497
prend sa source dans un système fixe de lois, qui
seront
codifiées sous le nom de leys d’amors. Mais il faut dire aussi que ja
498
Mais il faut dire aussi que jamais rhétorique ne
fut
plus exaltante et fervente. Ce qu’elle exalte, c’est l’amour hors du
499
que l’union des corps, tandis que l’« Amor », qui
est
l’Éros suprême, est l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-
500
s, tandis que l’« Amor », qui est l’Éros suprême,
est
l’élancement de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour p
501
ait un baiser sur le front. Désormais, ces amants
seront
liés par les lois de la cortezia : le secret, la patience, et la mesu
502
zia : le secret, la patience, et la mesure, qui n’
est
pas tout à fait synonyme de la chasteté, nous le verrons, mais plutôt
503
s, mais plutôt de la retenue… Et surtout, l’homme
sera
le servant de la femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’amo
504
mais encore faudrait-il expliquer pourquoi elle s’
est
produite à tel moment et dans tels lieux bien définis ; ou bien tout
505
ors il s’agit de savoir pour quelles raisons elle
est
demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui est curieux au plus haut p
506
le est demeurée obscure jusqu’à nos jours. Ce qui
est
curieux au plus haut point, c’est l’embarras des romanistes les plus
507
ntradiction absolue avec ces conditions »24. « Il
est
évident qu’elle ne reflète aucunement la réalité, la condition de la
508
la réalité, la condition de la femme n’ayant pas
été
, dans les institutions féodales du Midi, moins humble et dépendante q
509
dépendante que dans celles du Nord. »25 Or, s’il
est
à ce point « évident » que les troubadours ne tiraient rien de la réa
510
eption de l’amour venait d’ailleurs. Quel pouvait
être
cet ailleurs ? La même question se pose pour leur art, j’entends pour
511
’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’
être
borné à raffiner des formes fixes et des lieux communs : mais encore
512
la lyrique arabe et la lyrique provençale : ce n’
est
pas sérieux, nous dit-on. Brinkmann et d’autres ont supposé que la po
513
ournir des modèles : tout compte fait, cela ne se
tient
pas, car les troubadours, paraît-il, avaient trop peu de culture pour
514
u phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il
est
vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux27, a cru pouvoir tout écla
515
ntre elles l’ensemble de nos érudits. Wechssler s’
est
vu traiter de « doctrinaire » — suprême injure — et plusieurs ont ins
516
utations de tout ce qui prétend l’expliquer. « Il
est
également impossible — écrit un de nos professeurs — de voir dans ces
517
rmules vides de sens ». Excellent « matériel » il
est
vrai, pour un philologue qui se respecte et n’entend pas « solliciter
518
specte et n’entend pas « solliciter » les textes,
fût
-ce par le moindre essai de les comprendre. Je ne saurais me contenter
519
se à supposer un seul instant que les troubadours
furent
des faibles d’esprit, tout juste bons à répéter sans se lasser des fo
520
si le secret de toute cette poésie ne devrait pas
être
cherché beaucoup plus près d’elle qu’on ne l’a fait — tout près : sur
521
out près : sur place, dans le milieu même où elle
est
née. Et non pas dans le milieu purement « social » au sens moderne, m
522
cines dans la religion dualiste de l’Iran. Quelle
était
la doctrine des cathares ? On a répété très longtemps qu’« on ne le s
523
Hérésie, et que les seuls témoignages subsistants
étaient
les interrogatoires des accusés, probablement « sollicités » par les
524
ion, en 1939, d’un ouvrage théologique (tardif il
est
vrai) le Livre des deux Principes 30 s’ajoutant à la restitution d’un
525
s comme dans la réflexion de millions d’individus
fut
et demeure le problème du Mal, tel que l’homme spirituel l’expériment
526
deux mondes et de deux créations. En effet : Dieu
est
Amour, mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur
527
éations. En effet : Dieu est Amour, mais le monde
est
mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du monde, de ses ténèbres
528
, mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait
être
l’auteur du monde, de ses ténèbres et du péché qui nous enserre. Sa c
529
première dans l’ordre spirituel, puis animique, a
été
achevée dans l’ordre matériel par l’Ange révolté, le Grand Arrogant,
530
anges, en leur disant : « Qu’il leur valait mieux
être
en bas, où ils pourraient faire le mal et le bien, qu’en haut, où Die
531
ivi Satan et la femme d’une beauté éclatante, ont
été
prises dans des corps matériels, qui leur étaient et leur demeurent é
532
ont été prises dans des corps matériels, qui leur
étaient
et leur demeurent étrangers. (Cette idée me paraît éclairer un sentim
533
s de la procréation et de la mort. Mais le Christ
est
venu parmi nous, pour nous montrer le chemin du retour à la Lumière.
534
emblable à celui des gnostiques et de Manès, ne s’
est
pas vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’un homme. C’est
535
s’abstenir de tout contact avec leur femme, s’ils
étaient
mariés. Il semble qu’un jeûne de quarante jours34 précédait l’initiat
536
uprême de toute loi matérielle.) Le consolamentum
était
administré par les évêques, et comportait l’imposition des mains, au
537
paix, et la vénération des Élus (ou « purs »). Il
est
important de mentionner ici la vénération manichéenne s’adressant à l
538
age de son âme par un salut et un baiser. L’enfer
étant
la prison de la matière, Lucifer, l’ange révolté, n’y peut régner que
539
our les hommes non encore illuminés — la création
sera
réintégrée dans l’unité de l’Esprit originel, les pécheurs entraînés
540
Esprit originel, les pécheurs entraînés par Satan
seront
sauvés, et Satan lui-même rentrera dans l’obéissance du Très-Haut. Le
541
rigines. Notons enfin ce dernier trait : comme ce
fut
le cas pour tant de sectes et de religions orientales — jaïnisme, bou
542
mons plus chrétiens que les leurs, et leurs mœurs
étaient
pures… » Ce jugement rachète en partie les calomnies de l’Inquisition
543
voir aujourd’hui une caractéristique chrétienne,
est
en fait d’origine manichéenne et « hérétique ». Car il est essentiel
544
it d’origine manichéenne et « hérétique ». Car il
est
essentiel de le rappeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’e
545
ppeler ici : la « chair » dont parle saint Paul n’
est
pas le corps physique, mais le tout de l’homme naturel, corps, raison
546
nt la civilisation très raffinée dont ils avaient
été
l’âme austère et secrète. Et cependant, de cette culture et de ses do
547
e culture et de ses doctrines fondamentales, nous
sommes
encore tributaires, au-delà de ce que l’on imagine… (Comme j’espère l
548
raste avec celle où je crois pouvoir m’arrêter37,
fut
avancée par des esprits aventureux comme Otto Rahn38, qui l’ont, peut
549
a démontrer et de n’y pas croire du tout, et cela
tient
à l’essence même du phénomène dont elle essaie de rendre compte : à l
550
littéraire et religieux. Les données du problème
sont
, en gros, les suivantes. D’une part, l’hérésie cathare et l’amour cou
551
France)39. Comment croire que ces deux mouvements
soient
dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils étaient demeurés sans nul
552
soient dépourvus de toute espèce de liens ? S’ils
étaient
demeurés sans nul rapport, ne serait-ce pas plus étrange que tout ? M
553
ens ? S’ils étaient demeurés sans nul rapport, ne
serait
-ce pas plus étrange que tout ? Mais en revanche, quelle espèce de lie
554
tres eux-mêmes cèdent à la tentation. Les églises
sont
désertes et tombent en ruine… Les personnages les plus importants de
555
es personnages les plus importants de ma terre se
sont
laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple et abandonné la foi
556
fait que je n’ose ni ne puis rien entreprendre. »
Est
-il imaginable que les troubadours aient vécu et chanté dans ce monde-
557
On a rétorqué à cela que les premiers troubadours
sont
apparus dans le Poitou et le Limousin, tandis que l’hérésie avait son
558
le comté de Toulouse. C’est oublier que l’hérésie
est
descendue du nord au sud, par Reims, Orléans, puis Limoges et le Poit
559
troubadours comme particulièrement accueillantes,
étaient
celles des seigneurs demeurés orthodoxes : mais cette observation n’e
560
rs demeurés orthodoxes : mais cette observation n’
est
pas toujours exacte — il s’en faut de beaucoup, comme on va voir ! —
561
que ces vers rendent un son « cathare » ? Mais qu’
est
-ce que ce château de Fanjeaux ? L’une des maisons-mères des cathares
562
dirigea en personne dès 1193 (notre poème pouvant
être
daté des environs de 1190) et c’est là qu’Esclarmonde de Foix, la plu
563
es et m’en dit honneur et louange. Et comme je ne
suis
pas au milieu d’elles et que je vais dans un autre pars, je me plains
564
re pars, je me plains, je soupire et je languis.
Est
-il vraiment possible, se demande le lecteur, d’imaginer que Peire Vid
565
se demande le lecteur, d’imaginer que Peire Vidal
soit
autre chose qu’un galant amuseur, un flatteur de femmes riches — cell
566
s qui forment son public ? Mais la suite du poème
est
troublante. Peire Vidal énumère les maisons qui l’ont bien reçu et le
567
hélas il doit quitter pour aller en Provence : ce
sont
les châteaux de Laurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce so
568
aurac, de Gaillac, de Saissac et de Montréal ; ce
sont
les comtés de l’Albigeois et du Carcassès « où les chevaliers et les
569
rcassès « où les chevaliers et les femmes du pays
sont
courtois », et c’est aussi « Dame Louve, qui m’a si bien conquis, que
570
on cœur ! ». Or nous savons que tous ces châteaux
sont
des foyers connus de l’hérésie, ou même des « maisons d’hérétiques »
571
érétiques » (sortes de couvents) ; que ces comtés
sont
notoirement cathares ; et que cette « Louve » est la comtesse Stéphan
572
ont notoirement cathares ; et que cette « Louve »
est
la comtesse Stéphanie, dite la Loba, qui fait partie du groupe des hé
573
Ce doute et cette question renaissent à l’infini.
Est
-ce pure coïncidence, si les troubadours comme les cathares glorifient
574
sans toujours l’exercer — la vertu de chasteté ?
Est
-ce pure coïncidence si, comme les « purs », ils ne reçoivent de leur
575
expressions tirées de la liturgie cathare ? Il ne
serait
que trop facile de multiplier ces questions. Voyons plutôt les argume
576
nts adverses. Tous les troubadours, dira-t-on, ne
furent
pas dans le camp de l’hérésie. Plusieurs finirent leurs jours dans de
577
i passa-t-il pour un traître, jusqu’au jour où il
fut
accusé devant le pape Innocent III d’avoir causé la mort de cinq-cent
578
illeurs, quand on démontrerait, à supposer que ce
fût
possible en soi, que tels d’entre les troubadours ignoraient les anal
579
pas encore démontré que l’origine de ce lyrisme n’
est
pas hérétique. N’oublions pas qu’ils composaient leurs coblas et leur
580
peut concevoir une poésie — même très belle — qui
serait
faite de lieux communs dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’
581
uns dont le poète ne saurait d’où ils viennent. N’
est
-ce pas, sauf la beauté, plutôt courant ? Et si l’on dit : ces troubad
582
de ne jamais trahir leur foi, et cela quelle que
fût
la mort dont ils se verraient menacés. C’est ainsi que les registres
583
e dans les cours d’amour : « Un chevalier peut-il
être
à la fois marié et fidèle à sa dame ? » voilà qui nous donne à penser
584
parent « mariage » avec l’Église de Rome dont ils
étaient
les clercs, tout en servant dans leurs « pensées » une autre Dame, l’
585
e d’Auvergne fit pénitence ? Preuve de plus qu’il
fut
hérétique. Mais venons-en aux textes, et considérons-les dans la très
586
ait de son désir, si justement l’amour sans fin n’
était
le mal qu’il aime, la « joy d’amor », le délire qui prévaut : … en f
587
e… S’il ne veut pas mourir encore, c’est qu’il n’
est
pas assez détaché du désir, c’est qu’il craint de quitter son corps p
588
ois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’
est
loin, plus la désire ? Et voici Guiraut de Bornheil qui prie la vrai
589
d’épreuves dans le monde. (Ces deux « copains »,
seraient
-ce l’âme et le corps ? L’âme liée au corps, mais désirant l’esprit ?
590
eu, Seigneur, s’il vous agrée À mon copain fidèle
soit
aide et bienvenue Car ne l’ai plus revu depuis la nuit venue Et bient
591
e faut se séparer ? Beau doux copain, tant riche
est
ce séjour Que ne veux jamais plus voir aube ni jour Car la plus belle
592
our Car la plus belle fille qui de mère naquit La
tient
dedans mes bras, donc plus ne me soucie Ni de jaloux ni d’aube. Ce r
593
En un verger, sous une loge d’aubépine, la dame a
tenu
son ami dans ses bras jusqu’à ce que le guetteur ait crié : Dieu ! c’
594
encore que bien souvent le doute s’insinue — qui
est
-elle, femme ou symbole ? Pourquoi sont-ils tous à jurer que jamais il
595
sinue — qui est-elle, femme ou symbole ? Pourquoi
sont
-ils tous à jurer que jamais ils ne trahiront le secret de leur grande
596
s, accomplis en toute malice, à demander qui elle
est
, et quel est son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai
597
en toute malice, à demander qui elle est, et quel
est
son pays, s’il est loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché.
598
demander qui elle est, et quel est son pays, s’il
est
loin ou près, car je vous le tiendrai bien caché. Je mourrais plutôt
599
t son pays, s’il est loin ou près, car je vous le
tiendrai
bien caché. Je mourrais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle
600
ais plutôt que de faillir en un seul mot… Quelle
est
la « dame » qui mériterait ce sacrifice ? Ou ce cri de Guillaume de P
601
cri de Guillaume de Poitiers : Par elle seule je
serai
sauvé ! Ou cette invocation d’Uc de Saint-Circ à une Dame sans merci
602
S’il ne s’agit que de figures de rhétorique, quel
est
l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée plato
603
sprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en
fut
l’idée platonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’Amour — cel
604
ers conviennent Noblesse et Merci ; et le premier
est
de telle élévation qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amour
605
en trois, ce principe féminin (Amor en provençal
est
du genre féminin) qui chez Dante va « mouvoir le ciel et toutes les é
606
nous dit ici qu’il plane « au-dessus du ciel », n’
est
-ce point déjà la Divinité en soi des grands mystiques hétérodoxes, le
607
us des cieux », et dont « Noys » — de Noûs grec —
est
l’émanation intellectuelle et féminine ? Et d’où viendrait, sinon, l’
608
bien d’une femme réelle44 — le prétexte physique
est
là — mais comme dans le Cantique des Cantiques, le ton est réellement
609
mais comme dans le Cantique des Cantiques, le ton
est
réellement mystique. Les érudits nous ressassent leur formule : il n’
610
ris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’
est
elle-même dérobée à moi, ne me laissant que mon désir et mon cœur ass
611
t, et dont les romanistes assurent que les poèmes
sont
« vides de pensée » : n’y trouve-t-on pas la démarche précise de la m
612
ouvel An, elle me détruit et elle se damne. ⁂ Il
est
temps maintenant de pousser à l’extrême l’intuition directrice de cet
613
ition directrice de cette recherche. Si la Dame n’
est
pas simplement l’Église d’Amour des cathares (comme ont pu le croire
614
ostiques (le Principe féminin de la divinité), ne
serait
-elle pas l’Anima, ou plus précisément encore : la part spirituelle de
615
enoncé au monde reçoit l’imposition des mains (ce
sera
chez les cathares le consolamentum, généralement donné à l’approche d
616
t, au moment de sa mort, la forme de Lumière, qui
est
son Esprit, lui apparaît et le console par un baiser ; comment son an
617
». Il y eut aussi des dames « réelles »… Mais le
furent
-elles, en vérité, plus que cet événement psychique ? De l’énigme hist
618
té de l’Église hérétique, dont les poètes eussent
été
les agents, nous passons maintenant au mystère d’une passion propreme
619
on me dira : 1° que la religion des cathares nous
est
encore mal connue et qu’il est donc au moins prématuré d’y voir la so
620
des cathares nous est encore mal connue et qu’il
est
donc au moins prématuré d’y voir la source (ou l’une des sources prin
621
nt ; 3° qu’au contraire l’amour qu’ils exaltent n’
est
que l’idéalisation ou la sublimation du désir sexuel ; 4° qu’on disti
622
à ces critiques. 1. Religion mal connue Si elle n’
était
pas connue du tout, le problème du lyrisme provençal resterait totale
623
surde une poétique et une éthique de l’amour d’où
sont
issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres de la litté
624
nes de l’hérésie. Or, si l’on se reporte à ce qui
fut
dit plus haut (II, 2) sur la nature essentiellement lyrique des dogme
625
it pas grand-chose pour ou contre ma thèse. Ce ne
sont
pas des équivalences rationnelles et exactes du dogme qu’il faut cher
626
chrétien » que l’on reconnaît chez un Baudelaire
est
autre chose qu’une transposition terme à terme des dogmes catholiques
627
utôt une certaine sensibilité (même formelle) qui
serait
inconcevable sans le dogme catholique ; à quoi s’ajoutent des élément
628
ments de vocabulaire et de syntaxe dont l’origine
est
nettement liturgique. On peut imaginer que les thèmes que nous avons
629
n spécialiste aussi sceptique que Jeanroy n’a pas
été
sans le remarquer. Parlant de la lyrique abstraite des troubadours du
630
-on, que figures de rhétorique sans conséquences.
Soit
. Mais les théories que les troubadours développaient avec une si grav
631
s développaient avec une si grave application, ne
sont
-elles pas aux antipodes du christianisme ? Ne devaient-ils pas s’en a
632
ie siècle une forme de conscience qui ne pouvait
être
la sienne. Si l’on essaie de se replacer dans l’atmosphère du Moyen Â
633
’absence de signification symbolique d’une poésie
serait
un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’être à nos yeux, par e
634
it un fait beaucoup plus scandaleux que ne peut l’
être
à nos yeux, par exemple, le symbolisme de la Dame. Dans l’optique de
635
oie, ni d’en prendre une conscience distincte. Il
est
indemne de ce rationalisme qui nous permet, à nous autres modernes, d
636
stique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale
est
, dans toutes ses manifestations, saturée de représentations religieus
637
ieuses. Pas de choses ou d’actions, si ordinaires
soient
-elles, dont on ne cherche constamment à établir le rapport avec la fo
638
anscendantale, l’élan vers le sublime, ne peuvent
être
toujours présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui était destiné
639
urs présents. Viennent-ils à manquer, tout ce qui
était
destiné à stimuler la conscience religieuse dégénère en profane banal
640
ublime nous semble parfois frôler le ridicule. Il
est
sublime quand, par piété envers la Vierge, il rend hommage à toutes l
641
as leurs pommes. Après Noël, au temps où l’Enfant
est
trop jeune pour manger des fruits, Suso ne mange pas ce dernier quart
642
99). C’est dire que le « secret » des troubadours
était
en somme une évidence symbolique aux yeux des initiés et des sympathi
643
athisants de l’Église d’Amour. Normalement, il ne
serait
venu à personne cette idée, strictement moderne, que les symboles, po
644
idée, strictement moderne, que les symboles, pour
être
valables, dussent être commentés et expliqués d’une manière non symbo
645
ne, que les symboles, pour être valables, dussent
être
commentés et expliqués d’une manière non symbolique… Une objection in
646
e manière non symbolique… Une objection inverse a
été
faite : comment se peut-il que jamais un cathare converti n’ait dénon
647
urs de l’hérésie ? La réponse me paraît aisée. Il
est
clair que les troubadours n’étaient nullement considérés comme des pr
648
paraît aisée. Il est clair que les troubadours n’
étaient
nullement considérés comme des prédicateurs ni comme des militants ;
649
ples sympathisants. Ces distinctions, d’ailleurs,
étaient
bien moins tranchées qu’elles ne le seraient de nos jours. Ils chanta
650
eurs, étaient bien moins tranchées qu’elles ne le
seraient
de nos jours. Ils chantaient, pour un public en majorité favorable à
651
pression de l’amour humain. »51 Le trobar clus ne
serait
ainsi qu’un jeu littéraire, un « tarabiscotage », « une perversion du
652
ers, qu’il s’avance et je lui dirai comment il me
fut
possible d’y mettre deux (var. trois) mots de sens divers. » Cette ma
653
une énigme » ? On peut penser que les troubadours
étaient
mus par des passions moins puériles… « J’entrelace des mots rares, so
654
t Raimbaut d’Orange. Et Marcabru : « Pour sage je
tiens
sans nul doute celui qui dans mon chant devine ce que chaque mot sign
655
mon chant devine ce que chaque mot signifie. » Il
est
vrai qu’il ajoute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je suis
656
ute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je
suis
embarrassé pour éclaircir ma parole obscure ». Ici se poserait la plu
657
ent » symbolique des médiévaux : leurs symboles n’
étaient
pas traduisibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’est donc
658
sibles en concepts prosaïques et rationnels. Ce n’
est
donc que sur le double sens allégorique que devrait porter la questio
659
ons que nous rapportent les chroniqueurs du temps
sont
parmi les plus folles, les plus « surréalistes » qu’ait connues l’his
660
même dogmatique à l’origine. 3. L’Amour courtois
serait
une idéalisation de l’amour charnel C’est la thèse la plus courante.
661
t aisée à relever : qu’à la longue, la chanson se
soit
vidée de son contenu initial, n’ait plus été qu’un tissu de formules
662
se soit vidée de son contenu initial, n’ait plus
été
qu’un tissu de formules creuses on le peut admettre. Mais au début et
663
u début et jusqu’à la fin du xiie siècle il n’en
était
pas ainsi : chez les poètes de cette époque, l’expression du désir ch
664
es de cette époque, l’expression du désir charnel
est
si vive et parfois si brutale qu’il est vraiment impossible de se tro
665
r charnel est si vive et parfois si brutale qu’il
est
vraiment impossible de se tromper sur la nature de leurs aspirations.
666
la gêne et l’« agacement » de l’auteur lorsqu’il
est
obligé de reconnaître l’équivoque des expressions courtoises et leurs
667
ns courtoises et leurs résonances mystiques. « II
est
certain — doit-il avouer — que les idées religieuses d’une époque inf
668
ent que les « théories amoureuses du Moyen Âge ne
sont
qu’un reflet de ses idées religieuses » ? Et pourquoi vouloir à tout
669
, prince de Blaye, dit très nettement que sa Dame
est
une création de son esprit, et qu’elle s’évanouit avec l’aube. Ailleu
670
et que rien n’explique ». Exemples donnés : « Je
suis
en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est
671
Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur
est
dans l’angoisse : c’est que tout ce que le frère me refuse, j’entends
672
car il y a d’autres sens encore que celui-ci, qui
est
franciscain avant la lettre). Et quant aux épithètes « réalistes » qu
673
il semblerait que toute la poésie des troubadours
fût
l’œuvre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où est alors cette
674
vre d’un seul auteur louant une Dame unique !) Où
est
alors cette expression « vive et brutale » d’un désir évidemment char
675
? Dans la crudité de certains termes ? Mais elle
était
courante et naturelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument est
676
urelle avant le puritanisme bourgeois. L’argument
est
anachronique. Voici par contre un document de poids à l’appui de la t
677
mmes. Si vous voulez faire leur conquête, dit-il,
soyez
brutaux, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez
678
x, « donnez-leur des coups de poing sur le nez » (
est
-ce assez « cru » ?), forcez-les : car c’est cela qu’elles aiment. Q
679
me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes
étaient
mes sœurs ; c’est pourquoi je suis envers elles humble, complaisant,
680
e si toutes étaient mes sœurs ; c’est pourquoi je
suis
envers elles humble, complaisant, loyal et doux, tendre, respectueux
681
et fidèle… Je n’aime rien, sauf cet anneau qui m’
est
cher, parce qu’il a été au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma
682
en, sauf cet anneau qui m’est cher, parce qu’il a
été
au doigt… Mais je m’aventure trop : assez, ma langue ! Car trop parle
683
venture trop : assez, ma langue ! Car trop parler
est
pis que péché mortel. Or nous avons de ce même Raimbaut d’Orange d’a
684
leurs que l’anneau (échangé par Tristan et Iseut)
est
le signe d’une fidélité qui justement n’est pas celle des corps. Soul
685
seut) est le signe d’une fidélité qui justement n’
est
pas celle des corps. Soulignons enfin ce fait capital : que les vertu
686
ité, loyauté, respect et fidélité envers la Dame,
sont
ici rapportées expressément au refus de l’amour physique. Au surplus,
687
rplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante
être
d’autant plus passionnés et « réalistes » dans leurs images que Béatr
688
leur Dame, Arnaut Daniel et l’Italien Guinizelli,
sont
placés au chant XXIV du Purgatoire dans le cercle des sodomistes !54
689
contesté. On a trop longtemps cru que la cortezia
était
une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il serait
690
déalisation de l’instinct sexuel. À l’inverse, il
serait
excessif de soutenir que l’idéal mystique sur quoi elle se fondait à
691
éal mystique sur quoi elle se fondait à l’origine
fût
toujours et partout observé ; ou qu’il fût en soi univoque. L’exaltat
692
rigine fût toujours et partout observé ; ou qu’il
fût
en soi univoque. L’exaltation de la chasteté produit presque toujours
693
, mais par ailleurs divinisaient le sperme.55 Il
est
probable que des excès de ce genre se produisirent aussi chez les cat
694
stres de l’Inquisition. Notons toutefois qu’elles
sont
souvent contradictoires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares t
695
oires. Ainsi l’on affirme tantôt que les cathares
tiennent
pour innocentes les voluptés les plus grossières, tantôt qu’ils répro
696
l, licite ou non. Mais des accusations semblables
furent
portées contre toutes les religions nouvelles, sans excepter le chris
697
s, sans excepter le christianisme primitif. Et il
est
juste de citer ici le jugement d’un dominicain qui eut l’occasion de
698
), des excès sensuels. Or, si les religieux ne se
sont
pas tus par modestie, ce qui ne me paraît pas croyable de la part d’h
699
mes qui faisaient attention à tout, leurs erreurs
étaient
plutôt des erreurs d’intelligence que de sensualité. »56 Retenons d
700
passion — au sens précis que je donne à ce mot —
sont
d’origine religieuse et mystique, il est certain qu’elles se trouvent
701
e mot — sont d’origine religieuse et mystique, il
est
certain qu’elles se trouvent flatter, par cela même qu’elles veulent
702
Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu
être
mes scrupules à l’origine — que le lyrisme courtois fut au moins insp
703
s scrupules à l’origine — que le lyrisme courtois
fut
au moins inspiré par l’atmosphère religieuse du catharisme57. C’est l
704
xemple dont je crois pouvoir dire que les données
sont
entièrement énumérables et très profondément connues (au sens total)
705
des textes connus. (Il semble bien que Freud ait
été
avant tout un savant ; qu’il ait soutenu une théorie de la libido ; e
706
ris une attitude déterministe : or le surréalisme
fut
une école littéraire avant tout ; on ne retrouve le terme de libido d
707
dans aucun des poèmes subsistants ; et ces poèmes
sont
de tendance idéaliste-anarchisante) ; 2° que les surréalistes n’ont j
708
alistes n’ont jamais dit dans leurs poèmes qu’ils
étaient
les disciples du freudisme ; 3° qu’au contraire la liberté qu’ils exa
709
e ; 3° qu’au contraire la liberté qu’ils exaltent
est
celle que devaient nier tous les psychanalystes ; 4° qu’enfin l’on di
710
siècle, comment toutes ces choses improbables se
sont
réellement produites ; nous savons que les initiateurs du mouvement s
711
sans lui, leurs théories et leur lyrisme eussent
été
tout différents ; nous savons que ces poètes n’éprouvaient nul besoin
712
fs de cette école lisent Freud : les disciples se
sont
bornés à imiter la rhétorique des maîtres… (Appendice 6). En outre, o
713
fournir aux savants futurs les apaisements qu’ils
seront
en droit d’attendre, paraîtra contredire la thèse de mon littérateur
714
éisme iranien, de néo-platonisme et d’islamisme s’
était
bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’était exprimée par une po
715
était bel et bien opérée en Arabie, et de plus, s’
était
exprimée par une poésie religieuse dont les métaphores érotiques offr
716
l prouvait de la sorte que cette double ignorance
était
précisément son fait. On l’excusera d’ailleurs si l’on tient compte d
717
un continuateur de Zoroastre. Son néo-platonisme
était
par ailleurs très fortement pénétré de représentations mythiques iran
718
, il empruntait aux doctrines avestiques — dont s’
était
inspiré Manès — l’opposition du monde de la Lumière et du monde des T
719
re et du monde des Ténèbres, dont on a vu qu’elle
est
fondamentale pour les cathares. Et tout cela se traduisait — tout com
720
imer que le fini. Il en résulta que les mystiques
furent
obligés de recourir à des symboles dont le sens restait secret. (Ains
721
it secret. (Ainsi la louange du vin, dont l’usage
était
interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compt
722
ymbole de la divine ivresse d’amour.) Mais compte
tenu
de cette difficulté particulière — qui n’est d’ailleurs pas sans rapp
723
pte tenu de cette difficulté particulière — qui n’
est
d’ailleurs pas sans rapport avec la situation courtoise — nous retrou
724
yer de leur vie cette accusation d’hérésie.58 Il
est
bien émouvant de constater que tous les termes d’une pareille polémiq
725
à la sortie du pont Chinvat et lui déclare : « Je
suis
toi-même ! » Or selon certains interprètes de la mystique des troubad
726
mystique des troubadours, la Dame des pensées ne
serait
autre que la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi.
727
. VIII du Livre Ier ). c) Le Familier des Amants
est
construit sur l’allégorie du « Château de l’Âme » et de ses différent
728
le que l’on apprend la magie ». (L’Iseut celtique
était
aussi une magicienne, « objet de contemplation, spectacle mystérieux
729
esclave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il
été
pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe
730
ou’m. Quand Nou’m me gratifie d’un regard, cela m’
est
égal que Sou’da ne soit pas complaisante.59 « Nou’m » est le nom c
731
atifie d’un regard, cela m’est égal que Sou’da ne
soit
pas complaisante.59 « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme
732
e Sou’da ne soit pas complaisante.59 « Nou’m »
est
le nom conventionnel de la femme aimée, et signifie ici Dieu. Or les
733
er des personnages historiques… e) La salutation
est
le salut que l’initié voulait donner au Sage, mais que celui-ci, prév
734
leur foi. À l’interrogation d’un impatient : « Qu’
est
-ce que le soufisme ? » Al-Hallaj répond : « Ne t’attaque pas à Nous,
735
ans le sang des amants. » De plus, les indiscrets
sont
soupçonnés d’intentions mauvaises : ce sont eux qui dénoncent les ama
736
crets sont soupçonnés d’intentions mauvaises : ce
sont
eux qui dénoncent les amants à l’autorité orthodoxe, c’est-à-dire qui
737
asser en affirmant que les amants du xiie siècle
tenaient
énormément au secret de leurs liaisons (ce qui les distinguerait, san
738
cles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’amour
est
le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn Al Faridh : Le repo
739
des Arabes. Ibn Al Faridh : Le repos de l’amour
est
une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort. Pour moi
740
in la mort. Pour moi cependant la mort par amour
est
une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celu
741
ir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des
êtres
contingents et le tourment de la matière ; mais la mort, c’est la nui
742
’union de l’Âme et de l’Aimé, la communion avec l’
Être
absolu. Aussi Moïse est-il pour les mystiques arabes le symbole du pl
743
imé, la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse
est
-il pour les mystiques arabes le symbole du plus grand Amant, puisqu’e
744
ie illuminative d’un Sohrawardi, d’un Hallaj, ait
été
le martyre religieux au sommet de la joy d’amour : Al-Hallaj se rend
745
dait au supplice en riant. Je lui dis : Maître qu’
est
cela ? Il répondit : Telle est la coquetterie de la Beauté attirant à
746
ui dis : Maître qu’est cela ? Il répondit : Telle
est
la coquetterie de la Beauté attirant à elle les amoureux.60 ⁂ On sa
747
ureux.60 ⁂ On sait enfin que l’amour platonique
fut
révéré par une tribu dont le prestige était grand dans le monde arabe
748
tonique fut révéré par une tribu dont le prestige
était
grand dans le monde arabe, celle des Banou Odrah où l’on mourait d’am
749
« Celui qui aime, qui s’abstient de tout ce qui
est
interdit, qui garde son amour secret, et qui meurt de son secret, cel
750
ourire. De Bagdad à l’Andalousie, la poésie arabe
est
une, par la langue et l’échange continu. L’Andalousie touche aux roya
751
t du lyrisme andalou aux xe et xie siècles nous
est
aujourd’hui bien connu. La prosodie précise du zadjal est celle-là mê
752
urd’hui bien connu. La prosodie précise du zadjal
est
celle-là même que reproduit le premier troubadour, Guillaume de Poiti
753
l’influence andalouse sur les poètes courtois ne
sont
plus à faire61. Et je pourrais ici remplir des pages de citations d’A
754
s peine à deviner de quel côté des Pyrénées elles
furent
écrites. La cause est entendue. Mais voici ce qui m’importe. L’on ass
755
côté des Pyrénées elles furent écrites. La cause
est
entendue. Mais voici ce qui m’importe. L’on assiste au xiie siècle d
756
, ni dans le parler vulgaire. La poésie courtoise
est
née de cette rencontre. Et c’est ainsi qu’au dernier confluent des «
757
nière de beaucoup d’historiens pour qui le réel n’
est
défini que par des documents écrits. J’irai maintenant un peu plus lo
758
re approfondir, tout en la précisant autant qu’il
est
possible, la problématique de l’amour courtois — parce que je la croi
759
ologiques : saint Bernard de Clairvaux et Abélard
sont
les pôles de ce drame dans l’Église, et au niveau de la spéculation.
760
res. En revanche, beaucoup professent que l’homme
étant
divin, rien de ce qu’il fait avec son corps — cette part du diable —
761
e nombreux commentaires du Cantique des Cantiques
sont
écrits pour les nonnes des premiers couvents de femmes, de l’abbaye d
762
m de Flore annonce que l’Esprit-Saint, dont l’ère
est
imminente, s’incarnera dans une Femme. Tout cela se passe dans la réa
763
Et les ordres monastiques qui apparaissent alors
sont
des répliques aux ordres chevaleresques : le moine est « chevalier de
764
es répliques aux ordres chevaleresques : le moine
est
« chevalier de Marie ». En 1140, à Lyon, les chanoines établissent un
765
re de la manière la plus précise : « Si Marie eût
été
conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’être rachetée par Jé
766
conçue sans péché, elle n’aurait pas eu besoin d’
être
rachetée par Jésus-Christ. » Le culte de la Vierge répondait à une né
767
Enfin, voici un dernier trait dont on verra qu’il
est
tout impossible de le rattacher latéralement aux précédents. C’est au
768
ste « impur ». Ce complexe de sentiments œdipiens
est
d’autant plus contraignant que la structure sociale est plus solide,
769
autant plus contraignant que la structure sociale
est
plus solide, la puissance du père plus assurée, et le dieu dont le pè
770
nce du père plus assurée, et le dieu dont le père
tient
ses pouvoirs plus révéré. Imaginons maintenant un état de la société
771
sée ; où la puissance divine se divise elle-même,
soit
en une pluralité de dieux, comme en Grèce, soit en un couple dieu-dée
772
, soit en une pluralité de dieux, comme en Grèce,
soit
en un couple dieu-déesse, comme en Égypte, soit enfin comme dans le m
773
, soit en un couple dieu-déesse, comme en Égypte,
soit
enfin comme dans le manichéisme, en un Dieu bon qui est pur esprit et
774
fin comme dans le manichéisme, en un Dieu bon qui
est
pur esprit et un Démiurge qui domine la matière et la chair. La compu
775
à condition que cette Déesse-Mère ne cesse pas d’
être
virginale, qu’elle échappe donc à l’interdit maintenu sur la femme de
776
ttéralement un enthousiasme libérateur unifiant l’
être
, le « consolant »65. 3. Une illustration. — Au xiie siècle, l’on ass
777
èche. Du côté cathare, le mariage et la sexualité
sont
condamnés sans rémission par les Parfaits ou « consolés », mais demeu
778
té des hérétiques. Du côté catholique, le mariage
est
tenu pour sacrement, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’i
779
es hérétiques. Du côté catholique, le mariage est
tenu
pour sacrement, cependant qu’il repose en fait sur des bases d’intérê
780
et social, et se voit imposé aux époux sans qu’il
soit
tenu compte de leurs sentiments. En même temps, le relâchement de l’a
781
nt célébrée par les mêmes hommes qui persistent à
tenir
la sexualité pour « vilaine » ; et nous voyons souvent dans le même p
782
Carcassès, du Toulousain, du Foix, de l’Albigeois
étaient
« croyantes » et savaient — bien qu’elles fussent mariées — que le ma
783
étaient « croyantes » et savaient — bien qu’elles
fussent
mariées — que le mariage était condamné par leur Église. Beaucoup de
784
— bien qu’elles fussent mariées — que le mariage
était
condamné par leur Église. Beaucoup de troubadours — cela n’est pas d
785
ar leur Église. Beaucoup de troubadours — cela n’
est
pas douteux — étaient cathares ou, du moins, très au courant des idée
786
aucoup de troubadours — cela n’est pas douteux —
étaient
cathares ou, du moins, très au courant des idées qui étaient dans l’a
787
hares ou, du moins, très au courant des idées qui
étaient
dans l’air depuis deux-cents ans. Dans tous les cas, ils chantaient p
788
un antipode spirituel au mariage où elles avaient
été
contraintes. » Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’est pas qu
789
es. » Le même auteur ajoute qu’à son avis, « il n’
est
pas question de voir dans la chasteté, ainsi feinte, une habitude rée
790
ure normale, à laquelle la culture et la religion
seraient
venues surajouter leurs faux problèmes… Cette illusion touchante peut
791
as à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous
sommes
, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion prop
792
fait, aisément confondues avec l’instinct. Elles
furent
tantôt des artifices cruels, tantôt des rites sacrés ou des gestes ma
793
ent les dieux (en premier lieu Shiva et Bouddha)…
est
fortement personnifiée : c’est la Déesse, Épouse et Mère… Le dynamism
794
on de la Mère. L’apothéose religieuse de la femme
est
commune d’ailleurs à tous les courants mystiques du Moyen Âge indien…
795
rants mystiques du Moyen Âge indien… Le tantrisme
est
par excellence une technique, bien que fondamentalement il soit une m
796
lence une technique, bien que fondamentalement il
soit
une métaphysique et une mystique… La méditation éveille certaines for
797
li mudra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit
être
tenu pour le secret des secrets. » Les précisions données par le text
798
dra) qui détruit la Ténèbre du monde et doit être
tenu
pour le secret des secrets. » Les précisions données par le texte fon
799
ue. Mais la plupart des textes qui la décrivent «
sont
écrits dans un langage intentionnel, secret, obscur, à double sens, d
800
à double sens, dans lequel un état de conscience
est
exprimé par un terme érotique »69 — ou l’inverse aussi bien. À tel po
801
point « qu’on ne peut jamais préciser si maithuna
est
un acte réel ou simplement une allégorie ». De toute manière, le but
802
plement une allégorie ». De toute manière, le but
est
le « suprême grand bonheur… la joie de l’anéantissement du moi ». Et
803
’arrêt non du plaisir mais de son effet physique,
est
utilisée comme expérience immédiate pour obtenir l’état nirvanique. «
804
’amante synthétise toute la nature féminine, elle
est
mère, sœur, épouse, fille… elle est le chemin du salut »70. Ainsi le
805
éminine, elle est mère, sœur, épouse, fille… elle
est
le chemin du salut »70. Ainsi le tantrisme apporte cette nouveauté qu
806
hé et de la mort : l’acte sexuel »71. Mais l’acte
est
toujours décrit comme étant celui de l’homme. La femme reste passive,
807
sexuel »71. Mais l’acte est toujours décrit comme
étant
celui de l’homme. La femme reste passive, impersonnelle, pur principe
808
e. l’arrêt séminal »72. Des pratiques similaires
sont
prescrites par le taoïsme, mais en vue de prolonger la jeunesse et la
809
ès le début du xiie siècle, ces « lois d’Amour »
sont
donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Service, Prouesse,
810
mour » sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce
sont
Mesure, Service, Prouesse, Longue Attente, Chasteté, Secret et Merci,
811
et Merci, et ces vertus conduisent à la Joie, qui
est
signe et garantie de Vray Amor. Voici Mesure et Patience : De courto
812
abe Ibn Dawoud disait : « La soumission à l’aimée
est
la marque naturelle d’un homme courtois. ») Voici la Chasteté : Celu
813
érente : J’ai une amie, mais je ne sais qui elle
est
, car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’aime fort… Nulle joie
814
ion de cet amour lointain. La « joie d’Amour » n’
est
pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et Prouesse, ell
815
rice du désir dominé par Mesure et Prouesse, elle
est
aussi fontaine de Jouvence : Je veux garder (ma dame) pour me rafraî
816
eront ce que leurs modèles avaient chanté. « Ce n’
est
plus de l’amour courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend
817
alanson : Dans le palais où elle siège (la Dame)
sont
cinq portes : celui qui peut ouvrir les deux premières passe aisément
818
ères passe aisément les trois autres, mais il lui
est
difficile d’en sortir, il vit dans la joie, celui qui peut y rester.
819
là n’entrent ni vilains ni malotrus, ces gens-là
sont
logés dans le faubourg, lequel occupe plus de la moitié du monde. Ce
820
vers le commentaire suivant : « Les cinq portes
sont
Désir, Prière, Servir, Baiser et Faire, par où Amour périt. » Les qua
821
et Faire, par où Amour périt. » Les quatre degrés
sont
« honorer, dissimuler, bien servir, patiemment attendre »76. Quant à
822
qui couve Faux Amour ». (Et en effet, le diable n’
est
-il pas le père de la création matérielle… et de la procréation, selon
823
on le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour
sont
les « homicides, traîtres, simoniaques, enchanteurs, luxurieux, usuri
824
x abbés, fausses recluses et faux reclus »77. Ils
seront
détruits, « soumis à toute ruine », et tourmentés en enfer. Noble Am
825
urmentés en enfer. Noble Amour a promis qu’il en
serait
ainsi, là sera la lamentation des désespérés. Ah ! noble Amour, sourc
826
. Noble Amour a promis qu’il en serait ainsi, là
sera
la lamentation des désespérés. Ah ! noble Amour, source de bonté, par
827
e Amour, source de bonté, par qui le monde entier
est
illuminé, je te crie merci. Contre ces clameurs gémissantes, défends-
828
meurs gémissantes, défends-moi, de peur que je ne
sois
retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me tiens pour ton prisonn
829
is retenu là-bas (en enfer) ; en tous lieux je me
tiens
pour ton prisonnier et, réconforté par toi sur toutes choses, j’espèr
830
nforté par toi sur toutes choses, j’espère que tu
seras
mon guide. Enfin, contre certains des troubadours qui sans doute abu
831
pourquoi les maris deviennent jaloux et les dames
sont
dans l’angoisse… Ces faux servants font qu’un grand nombre abandonnen
832
Mérite et éloignent d’eux Jeunesse. » Quelles que
soient
les réalités ou l’absence de réalités « matérielles » qui aient pu co
833
eulement pour chanter ce que l’on pourrait encore
tenir
, chez les troubadours du Midi, pour une pure fantasmagorie sentimenta
834
ur sur certains faits que la « science sérieuse »
tient
aujourd’hui pour établis. Simplement, je les crois de nature à nourri
835
La Pancha Tantra, recueil de contes bouddhistes,
fut
traduite au vie siècle du sanscrit en pehlevi, par un médecin de Cho
836
arabe. Le périple du Roman de Barlaam et Josaphat
est
encore plus surprenant. Sous sa forme connue de nos jours, c’est l’hi
837
t adopter le christianisme, dont les mystères lui
sont
communiqués par le « bonhomme » Barlaam. La version qui nous est rest
838
par le « bonhomme » Barlaam. La version qui nous
est
restée, en provençal du xive siècle, quoique orthodoxe dans les gran
839
et plus proche de l’original. Que cette hypothèse
soit
un jour vérifiée ou non, il n’en reste pas moins que l’origine manich
840
este pas moins que l’origine manichéenne du Roman
est
attestée par les fragments de son texte original (en langage ouigour
841
awhar va Budhâsaf » (var. Yudhâsaf). Innombrables
sont
les exemples de relations entre l’Orient et l’Occident médiéval. J’ai
842
tes arabes, homosexuels pour la plupart, comme le
furent
plusieurs troubadours. Il s’exprime dans des termes qui seront repris
843
urs troubadours. Il s’exprime dans des termes qui
seront
repris par presque tous les grands mystiques de l’Occident. Il nous s
844
s le goût des petites cours du Moyen Âge. Il peut
être
purement rêvé, et beaucoup se refusent à y voir autre chose qu’un tou
845
Tout cela me paraît vraisemblable, tout cela peut
être
« vrai » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs ma
846
quête à laquelle je viens de me livrer, et compte
tenu
des objections les plus sensées que firent à ma thèse minima les part
847
de mes premières constatations : l’amour courtois
est
né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché occidentale. Il
848
u Nord et du Midi. Il semble bien que la question
soit
actuellement résolue : c’est bien le Midi roman qui a donné son style
849
de l’amour courtois79. Chrétien de Troyes déclare
tenir
le fond et l’esprit de ses romans de la comtesse Marie de Champagne,
850
mpagne, célèbre par sa cour d’amour où le mariage
fut
condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrit
851
ait écrit un Roman de Tristan dont les manuscrits
sont
perdus. Béroul était Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la
852
e Tristan dont les manuscrits sont perdus. Béroul
était
Normand, Thomas était Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se
853
uscrits sont perdus. Béroul était Normand, Thomas
était
Anglais. Et en retour, la légende de Tristan se répandit très largeme
854
ns. Nous avons vu que la religion druidique, d’où
sont
issues les traditions des bardes et filids, enseignait une doctrine d
855
gir d’anciennes traditions autochtones, elle n’en
était
pas moins pour les trouvères une chose apprise : d’où les erreurs qu’
856
’où les erreurs qu’ils commirent bien souvent. Il
est
d’ailleurs extrêmement délicat de préciser les causes et l’importance
857
les causes et l’importance exacte de ces erreurs.
Est
-ce un défaut d’initiation ? Est-ce une tradition imparfaite ? Ou enco
858
e de ces erreurs. Est-ce un défaut d’initiation ?
Est
-ce une tradition imparfaite ? Ou encore une tendance hérétique au sei
859
, bornons-nous à remarquer que les romans bretons
sont
tantôt plus « chrétiens » et tantôt plus « barbares » que les poèmes
860
rbares » que les poèmes des troubadours, dont ils
sont
cependant inspirés de la manière la plus incontestable. Nous ne savon
861
vons dans quelle mesure il a voulu que ses romans
fussent
des chroniques secrètes de l’Église persécutée (thèse de Rahn, Pélada
862
j’inclinerais à le penser). Toutes les hypothèses
sont
permises en l’absence de documents dont on voit bien pourquoi ils fon
863
sa volonté de demeurer ésotérique. Quoi qu’il en
soit
, Chrétien de Troyes a notablement déformé la signification des mythes
864
oïde, femme du Castis, chez Wolfram d’Eschenbach,
serait
le comte Ramon Roger Trencavel, fils d’Adélaïde de Carcassonne et d’A
865
il penser, avec un transcripteur moderne, qu’« il
est
fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’était pas instruit du sen
866
l est fort vraisemblable que Chrétien de Troyes n’
était
pas instruit du sens païen et secret de ces traits mystérieux qu’il r
867
rnement romanesque et la chronique réelle ? Si ce
fut
le cas, il n’y réussit que trop bien, puisque Robert de Boron, son co
868
ate de 1225 environ) le symbolisme et l’allégorie
sont
évidents, si saugrenues que puissent paraître les interprétations que
869
donne l’auteur lui-même, après chaque épisode. Il
est
une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine
870
se. « Je vous dirai la signifiance de ce qui vous
est
advenu, dit le prud’homme. La voie de droite que vous avez dédaignée
871
ie de droite que vous avez dédaignée au carrefour
était
celle de la chevalerie terrienne, où vous avez longtemps triomphé ; c
872
où vous avez longtemps triomphé ; celle de gauche
était
la voie de la chevalerie célestielle, et il ne s’agit plus là de tuer
873
de leurs meilleurs adaptateurs modernes ! Ainsi s’
est
répandue l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’étaient en s
874
e l’opinion fort étrange que les poètes bretons n’
étaient
en somme que des amuseurs un peu niais, dont le succès demeure incomp
875
us ferait voir au contraire que la vraie barbarie
est
dans la conception moderne du roman, photographie truquée de faits in
876
ignifie », dans ces aventures merveilleuses, tout
est
symbole ou délicate allégorie, et seuls les ignorants s’arrêtent à l’
877
, non avertis. Mais quand bien même les trouvères
seraient
inférieurs aux troubadours dans la connaissance mystique, ils n’ont p
878
hrétienne.) Les ouvrages de Chrétien de Troyes ne
sont
pas seulement des poèmes d’amour, comme on le répète, mais de véritab
879
nitiale que Lancelot ne trouvera pas le Graal, et
sera
cent fois humilié quand il errera dans la voie céleste. Il a choisi l
880
voie terrienne, il a trahi l’Amour mystique, il n’
est
pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sauvages » comme Bohor
881
erceval et Galaad parviendront à l’initiation. Il
est
clair que la description de ces errements et de leurs punitions exige
882
a simple chanson. Dans Tristan, la faute initiale
est
douloureusement rachetée par une longue pénitence des amants. C’est p
883
ens que la part épique — combats et intrigues — y
est
réduite au minimum, tandis que le développement tragique de la doctri
884
e et simple du récit. Mais en même temps, Tristan
est
le plus « breton » des romans courtois, en ce sens qu’on y trouve inc
885
nne des éléments de religion brittonique : elle s’
est
formée dans un pays chrétien, romanisé, puis colonisé par les Irlanda
886
, puis colonisé par les Irlandais »85. Le miracle
est
cependant attesté par un grand nombre d’incidents mis en œuvre par Bé
887
re, le pouvoir poétique de ces éléments religieux
était
tel qu’on s’explique assez bien leur survivance, même dans un monde q
888
es morts. Ce héros, Bran, Cuchulainn, ou Oisin, «
est
attiré par une mystérieuse beauté : il s’embarque sur une barque magi
889
mort les précède, empêchant leur réunion « car il
était
prédit par les druides qu’ils ne se rencontreraient pas dans leur vie
890
après la mort, pour ne jamais se séparer »87. Il
serait
aisé de multiplier ces comparaisons littéraires. Mais certains traits
891
ppelle que Tristan, après la mort de ses parents,
fut
élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il était fréquent, chez les
892
fut élevé à la cour du roi Marc son oncle. Or il
était
fréquent, chez les plus anciens Celtes, que l’on confiât les enfants
893
généralement du nom anglo-normand de fosterage s’
est
maintenue en pays celtique : nous trouvons les enfants confiés à des
894
ourricier… On recherchait comme pères nourriciers
soit
les membres de la famille maternelle, soit… des druides. »88 Trista
895
iciers soit les membres de la famille maternelle,
soit
… des druides. »88 Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devie
896
ouvent jusqu’à cinquante fils juridiques (le lien
était
donc assez faible), et surtout le fait que l’inceste était assez bien
897
c assez faible), et surtout le fait que l’inceste
était
assez bien toléré chez les Celtes, comme l’attestent de nombreux docu
898
d’Hubert : à savoir que la mythologie celtique s’
est
transmise au cycle courtois non par des voies proprement religieuses,
899
lus clair et le plus précieux du génie celtique s’
est
incorporé à l’esprit européen. (Hubert, II, p. 336.) Ce « son particu
900
rendre à sa moderne transcription de la légende,
est
si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler
901
blimation religieuse de la femme par les druides)
est
avant tout l’amour sensuel89. Le fait que dans certaines légendes cet
902
tériques, aide à comprendre que le fond breton se
soit
si aisément adapté au symbolisme du roman courtois. Mais cette analog
903
our son nom et pour sa beauté, car, quelle qu’eût
été
sa beauté sans ce nom, quel qu’eût été ce nom sans sa beauté, le dési
904
lle qu’eût été sa beauté sans ce nom, quel qu’eût
été
ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y fût pas porté. Ains
905
ce nom sans sa beauté, le désir de Tristan ne s’y
fût
pas porté. Ainsi Tristan veut se venger de sa douleur et de ses peine
906
rment. » Du seul fait qu’Iseut aux blanches mains
est
devenue sa femme légitime, il ne doit plus et ne peut plus la désirer
907
il n’eût méprisé le bien qu’il a, s’il n’eût pas
été
le sien : son cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est cont
908
on cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il
est
contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se serait lancé à sa rech
909
st contraint d’avoir. Le lui eût-on refusé, il se
serait
lancé à sa recherche, pensant toujours trouver mieux, parce qu’il n’a
910
enfin la fantaisie individuelle des poètes : tels
sont
donc en fin de compte les éléments sur lesquels la doctrine hérétique
911
cette métamorphose : il nous échappe doublement,
étant
poétique et mystique. Mais nous savons maintenant d’où vient le mythe
912
ement conscient de ses implications théologiques,
fut
le fait de Gottfried de Strasbourg, vers le début du xiiie siècle. G
913
sbourg, vers le début du xiiie siècle. Gottfried
était
un clerc, qui lisait le français (il cite souvent des vers de Thomas
914
e » qui la compense. Angoisse : l’instinct sexuel
est
ressenti comme un destin cruel, une tyrannie ; orgueil : cette tyrann
915
in cruel, une tyrannie ; orgueil : cette tyrannie
sera
conçue comme une force divinisante — c’est-à-dire dressant l’homme co
916
s dans un au-delà de toute morale, qui ne saurait
être
que divin. Ainsi le philtre à la fois rive à la sexualité, qui est un
917
nsi le philtre à la fois rive à la sexualité, qui
est
une loi de la vie, et contraint à la dépasser dans un hybris libérate
918
riage de Tristan avec Iseut aux blanches mains ne
fut
pas « blanc », mais consommé. Son long poème inachevé — il nous en re
919
rs, mais la mort des amants, quoique annoncée, ne
fut
jamais écrite — est à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux
920
amants, quoique annoncée, ne fut jamais écrite —
est
à la fois plus religieux et plus sensuel que ceux de Béroul et de Tho
921
gende sans auteur.91 a) Le « jugement de Dieu »
est
une coutume barbare, mais l’Église l’admettait au xiie siècle et ven
922
tée au rouge : seuls les menteurs ou les parjures
étaient
brûlés. On sait qu’Iseut, soupçonnée de trahir sa fidélité au roi Mar
923
eil et de défi démesuré. Elle jure n’avoir jamais
été
dans les bras d’un autre homme que son mari, si ce n’est, ajoute-t-el
924
s les bras d’un autre homme que son mari, si ce n’
est
, ajoute-t-elle en riant, dans les bras du pauvre passeur qui vient de
925
t intacte de l’épreuve. Gottfried commente : « Ce
fut
ainsi chose manifeste et avérée devant tous que le très vertueux Chri
926
e chacun, à la sincérité comme à la tromperie… Il
est
toujours ce que l’on veut qu’il soit. »92 L’allusion au « cœur » est
927
tromperie… Il est toujours ce que l’on veut qu’il
soit
. »92 L’allusion au « cœur » est nettement dirigée contre Bernard de C
928
l’on veut qu’il soit. »92 L’allusion au « cœur »
est
nettement dirigée contre Bernard de Clairvaux, dont les écrits étaien
929
igée contre Bernard de Clairvaux, dont les écrits
étaient
si familiers au poète qu’il imite bien souvent leur dialectique de la
930
ans cet ordre le mariage. b) La Minnegrotte nous
est
décrite comme une église, avec une science réelle du symbolisme litur
931
ond avec l’esprit en unité transcendantale. Et ce
sont
les amants, non les croyants, qui vont être divinisés par la « consom
932
Et ce sont les amants, non les croyants, qui vont
être
divinisés par la « consommation » (spirituelle ou physique ? l’ambigu
933
pisode de la Minnegrotte toute la dialectique qui
sera
celle des grands mystiques du xiiie et du xviie siècle : les trois
934
es trois voies purgative, illuminative et unitive
sont
ici très précisément préfigurées, quoique infléchies ou inverties par
935
nent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en
sommes
pas sortis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d’objet. Mais
936
plus d’objet. Mais on peut poser des repères. Il
est
bien évident que Gottfried de Strasbourg utilise à son gré la « matiè
937
encore si elle ne lui a pas coûté la vie. Mais il
est
non moins clair que le cadre du roman, son intrigue et ses thèmes dir
938
semblent confondre avec la « science ». Tristan
est
un roman bien plus profondément et plus indiscutablement manichéen qu
939
ndiscutablement manichéen que la Divine Comédie n’
est
thomiste. Il reste que Gottfried explicite la légende d’une manière
940
rd. Même si l’on ignorait que la source de Wagner
fut
le poème de Gottfried, la seule comparaison des textes l’établirait :
941
t, du temps, de l’espace et du malheur terrestre,
est
emprunté presque littéralement à divers passages du poème95. Mais bie
942
rtient au démon. Tout ce qui dépend de son empire
est
donc voué à la nécessité, et les corps sont voués au désir, dont le p
943
empire est donc voué à la nécessité, et les corps
sont
voués au désir, dont le philtre d’amour symbolise l’inéluctable tyran
944
amour symbolise l’inéluctable tyrannie. L’homme n’
est
pas libre. Il est déterminé par le démon. Mais s’il assume son destin
945
inéluctable tyrannie. L’homme n’est pas libre. Il
est
déterminé par le démon. Mais s’il assume son destin de malheur jusqu’
946
ns n’avaient pas voulu dire, ou pas su dire, et s’
étaient
curieusement contentés d’illustrer en actions romanesques : la nostal
947
ontradiction tragique entre le Bien — qui ne peut
être
que l’Amour — et le Mal triomphant dans le monde créé. Ce que Wagner,
948
’un Bédier. 14.Premières conclusions Compte
tenu
du changement de registre qui s’opère dans les expressions poétiques
949
ubadours au Nord plus barbare des trouvères, nous
sommes
en mesure de voir dorénavant dans le chef-d’œuvre de Béroul, Thomas e
950
’un mythe. De l’ensemble de ces convergences, il
est
temps de tirer la conclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe
951
onclusion : L’amour-passion glorifié par le mythe
fut
réellement au xiie siècle, date de son apparition, une religion dans
952
sée de nos jours par les romans et par le film, n’
est
rien d’autre que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’u
953
que dans nos vies privées. La mystique d’Occident
est
une autre passion dont le langage métaphorique est parfois étrangemen
954
st une autre passion dont le langage métaphorique
est
parfois étrangement semblable à celui de l’amour courtois. Nos grande
955
lui de l’amour courtois. Nos grandes littératures
sont
pour une bonne partie des laïcisations du mythe, ou comme je préfère
956
19. Droit d’user et d’abuser des esclaves, qui ne
sont
pas des « personnes » pour le droit romain : persona est sui iuris ;
957
des « personnes » pour le droit romain : persona
est
sui iuris ; servus non est persona. 20. J. Ortega y Gasset, Über die
958
droit romain : persona est sui iuris ; servus non
est
persona. 20. J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 21. Ceci n’est pas
959
. J. Ortega y Gasset, Über die Liebe. 21. Ceci n’
est
pas une boutade, on le verra bien par la suite. Le premier couple d’a
960
er couple d’amants « passionnés » dont l’histoire
soit
venue jusqu’à nous, c’est Héloïse et Abélard dont la rencontre se sit
961
e non point Dieu, mais le diable. 34. Ce chiffre
est
archétypique. Jésus est demeuré quarante jours au Désert. Les Hébreux
962
e diable. 34. Ce chiffre est archétypique. Jésus
est
demeuré quarante jours au Désert. Les Hébreux ont erré pendant quaran
963
ans entre l’Égypte et la Terre promise. Le Déluge
est
provoqué par une pluie de quarante jours. Dans le tantrisme bouddhiqu
964
tantrisme bouddhique, le « service » de la Femme
est
divisé en épreuves de quarante jours. Les contagieux sont mis en quar
965
isé en épreuves de quarante jours. Les contagieux
sont
mis en quarantaine, etc., etc. Quarante est le nombre de l’Épreuve.
966
ieux sont mis en quarantaine, etc., etc. Quarante
est
le nombre de l’Épreuve. 35. L’expression de « parfaits » ne se trouv
967
shommes (ou simplement de chrétiens) paraît avoir
été
utilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits » serait ironique.
968
ilisé par les cathares eux-mêmes, et « parfaits »
serait
ironique. 36. Voir l’excellent ouvrage de Fernand Niel, Montségur, l
969
a montagne inspirée, 1955. « Si Montségur n’a pas
été
le château du Graal [comme l’affirmait Rahn] aucun autre en Europe ne
970
adversaires les plus virulents de cette hypothèse
sont
ceux qui n’ont pas vu le site de Montségur. Le choc émotif profond pr
971
1160. Mais dès 1145, selon Borst, le catharisme s’
est
répandu de la Bulgarie à l’Angleterre ! Le nom apparaît cette année-l
972
pendant, un grand nombre de femmes de la noblesse
étaient
cathares, et les troubadours leur dédiaient leurs chansons ! 41. Déo
973
mot « vraie » devant Dieu, Lumière, Foi, Église,
est
tenu par certains (dont Péladan et Rahn) pour un indice probable de c
974
« vraie » devant Dieu, Lumière, Foi, Église, est
tenu
par certains (dont Péladan et Rahn) pour un indice probable de cathar
975
n significative pour l’initié. 43. Les « aubes »
étaient
un genre régulier. On conçoit sa nécessité dans une vision du monde d
976
badour, de basse extraction sociale en général, s’
est
épris de la femme d’un haut baron, qui le dédaigne. Certes, cela se v
977
xhalé dans ses poèmes cette même plainte ? Rien n’
est
trop haut pour lui, c’est évident, s’il ne s’agit que de ce monde. En
978
nces entre doctrine cathare et poétique courtoise
sont
précises. Lucie Varga, dans une étude sur Peire Cardenal (ou Cardinal
979
, l’un des derniers troubadours (« Peire Cardenal
était
-il hérétique ? », Revue d’Histoire des Religions, juin 1938) va jusqu
980
adours, II, p. 306. 49. Par exemple, le médiéval
serait
trop « naïf » pour étudier une matière qu’il jugerait absurde, c’est-
981
Depuis quand ? Rudel utilisait ce procédé, et il
est
de la première moitié du xiie siècle, c’est-à-dire de la première gé
982
onc l’un des inventeurs de ces « formules ». Nous
tenons
ici un bel exemple d’anachronisme tendancieux. On veut à tout prix qu
983
n veut à tout prix que le langage des troubadours
soit
le langage naturel de l’amour humain, transposé à l’amour divin. Alor
984
Alors qu’historiquement, c’est le contraire qui s’
est
produit. 52. Un amoureux peu lettré qui écrit à sa fiancée des épîtr
985
e crois qu’ici encore, au moins à l’origine, tout
est
symbole religieux ou féodal, autant ou plus que traduction de relatio
986
ment, dans le plan sexuel, des déviations dont il
serait
difficile de nier que certains troubadours n’aient pas été victimes.
987
cile de nier que certains troubadours n’aient pas
été
victimes. 55. Textes traduits et commentés dans Wolfgang Schultz, Do
988
llaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement
est
le crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amour physique, p
989
, comme un aimant, le foyer de lumière dont elles
sont
venues. » 59. « C’est lui l’amour… » trad. Dermenghem, Hermès, décem
990
duction du Collier de la colombe d’Ibn Hazm — qui
est
une théorie de l’amour courtois arabe — et son ouvrage d’ensemble, Hi
991
que les réfutations les plus virulentes qui aient
été
publiées portaient beaucoup moins sur cette thèse que sur sa réductio
992
à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient
être
— selon Rahn, Aroux et Péladan — une sorte de langage secret du catha
993
ication tout à fait abusive, dont mes adversaires
sont
plus responsables que moi — en dépit de certaines imprudences d’expre
994
dépit de certaines imprudences d’expression. (Ce
sont
elles, par malheur, qui ont le plus fait pour assurer le succès de l’
995
atholique d’avoir inverti le nom même du Dieu qui
est
Amour. 64. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne d
996
beauté rythmique par cette double trahison. Qu’il
soit
bien entendu que je n’épingle ici que des dépouilles de sens… 75. N
997
Sahajiyâ. Cette interprétation de Guiraut Riquier
est
exacte. On peut s’en assurer en lisant Ælius Donatus (commentaire sur
998
à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’amour peut
être
suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, jusqu’à la Renai
999
le retrouve chez Marot et Ronsard. Les variations
sont
très légères. Mais en 1510, Jean Lemaire de Belges écrit dans son Ill
1000
ler, l’attouchement, le baiser, et le dernier qui
est
plus désiré, et auquel tous les autres tendent pour leur finale résol
1001
on de mercy. » Le contraste avec l’amour courtois
est
clair. Et non moins le sens donné à mercy, que plusieurs auteurs assi
1002
xotérique » le plus complet que nous connaissions
fut
rédigé au commencement du xiiie siècle : c’est le De arte honeste am
1003
Graal aux rites secrets du culte d’Adonis. Ce qui
est
certain, c’est qu’un symbole comme celui du roi pêcheur (Amfortas che
1004
d’Eschenbach, « le roi Pescière » chez Chrétien)
est
commun aux orphiques, aux manichéens, et même aux premiers chrétiens
1005
elon les cultes. Je ne pense pas qu’on doive s’en
tenir
à une seule interprétation. Il s’est produit toute une série de fusio
1006
doive s’en tenir à une seule interprétation. Il s’
est
produit toute une série de fusions et de confusions de symboles. 82.
1007
» que les chevaliers du Graal doivent traverser n’
est
autre que le pont Chinvat de la mythologie manichéenne, pont jeté sur
1008
rs), René Nelli formule quelques observations qui
seront
utilement rapprochées du chap. 10 de ce livre II : « Cette magie érot
1009
vres charnelles, sauf « l’acte »… L’amour contenu
est
bien le moteur intérieur de cette Quête, qui a bien tous les caractèr
1010
France, juin 1938). Le Tannhäuser du xvie siècle
est
une tardive adaptation allemande de légendes irlando-écossaises ; il
1011
toises. Le Montsalvat des chastes (ou cathares) y
est
remplacé par le Venusberg ! 90. Le Tristan et Iseut de Thomas, tradu
1012
abondance de « preuves scientifiques » dont je m’
étais
fort bien passé en écrivant la première édition de ce livre, mais qui
1013
la « purgatio » de l’instinct tyrannique ne peut
être
obtenue qu’en cédant d’abord à l’instinct, mais en vue d’arriver à l’
1014
mystique, plus ou moins consciente et précise. Il
est
certain que ce seul exemple n’autorise pas à des conclusions générale
1015
er un problème que le xixe siècle matérialiste s’
était
cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, j
1016
r au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne
suis
pas très sûr que ce problème comporte une solution définitive et simp
1017
avoir dans quelle mesure ce rapprochement ne nous
est
pas suggéré par la seule nature du langage. On a remarqué depuis long
1018
tière analogie des réalités qu’ils désignent ? Ne
sommes
-nous pas jusqu’à un certain point victimes d’une illusion verbale ? d
1019
te de « calembour continué » ? Quand bien même ce
serait
le cas, le problème ressurgit ailleurs. Marquons tout de suite ce qui
1020
drait plus rien au mythe de Tristan. La sexualité
est
une faim. Or il est de la nature d’une faim de chercher à tout prix l
1021
ythe de Tristan. La sexualité est une faim. Or il
est
de la nature d’une faim de chercher à tout prix l’apaisement. Plus el
1022
m de chercher à tout prix l’apaisement. Plus elle
est
forte, moins elle se montre difficile quant aux objets qui peuvent la
1023
. Mais nous voyons ici une passion dont la nature
est
justement de refuser tout ce qui pourrait la satisfaire et la guérir.
1024
qui pourrait la satisfaire et la guérir. Nous ne
sommes
donc pas en présence d’une faim, mais bien d’une intoxication. Et l’o
1025
reuves les plus convaincantes, que tout intoxiqué
est
un mystique qui s’ignore96. Or, qu’elle soit physique, ou morale, tou
1026
xiqué est un mystique qui s’ignore96. Or, qu’elle
soit
physique, ou morale, toute intoxication suppose l’intervention d’un a
1027
ue Nous avons constaté que le Roman de Tristan
est
, à bien des égards, une première « profanation » de la mystique court
1028
, soufisme). La mythification a trop bien réussi,
soit
que Béroul, Thomas, et leur prédécesseur n’aient pas toujours très bi
1029
ien saisi l’enseignement courtois dans sa pureté,
soit
qu’ils aient été entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au
1030
nement courtois dans sa pureté, soit qu’ils aient
été
entraînés par l’ardeur proprement « romanesque » (au sens moderne et
1031
ue ceux du Midi. Le caractère distinctif du Roman
est
en effet de reposer sur une faute contre les lois d’amour courtois, p
1032
nt de la pure tradition cathare, d’autres peuvent
être
rapprochés d’une expérience mystique plus générale, et qu’on retrouve
1033
u, selon les auteurs de la légende. Et la faute n’
est
pas dans l’amour, mais dans sa « réalisation »… ⁂ Si délicate et péri
1034
épée symbolique du défi à la société constituée !
Est
-il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur « amour mortel » ? Po
1035
ne se veulent responsables de rien, leur passion
étant
inavouable tant aux yeux de la société (qui la réprouve comme un crim
1036
crilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’
est
pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachètera la faute com
1037
aussi et surtout délivrer l’homme du fait même d’
être
né dans ce monde de ténèbres. Elle doit conduire au détachement final
1038
parfois étrangement confondues dans le Roman, il
est
toujours possible de reconnaître, à de tels traits, la tendance réell
1039
e). Et Tristan de répondre : « Si le monde entier
était
orendroit avec nous, je ne verrois fors vous seule. » Il s’agit bien
1040
— et de la mystique en général — paraît ici. « On
est
seul avec tout ce qu’on aime », écrira plus tard Novalis, ce mystique
1041
observation purement psychologique : la passion n’
est
nullement cette vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle est
1042
vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle
est
, bien au contraire, une sorte d’intensité nue et dénuante, oui vraime
1043
ors le monde s’évanouit, « les autres » cessent d’
être
présents, il n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui tiennent
1044
l n’y a plus ni prochain ni devoirs, ni liens qui
tiennent
, ni terre ni ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime. « Nous av
1045
irs, ni liens qui tiennent, ni terre ni ciel : on
est
seul avec tout ce que l’on aime. « Nous avons perdu le monde, et le m
1046
a Croix ? « Éloigne les choses, amant ! — Ma voie
est
fuite. » Et Thérèse d’Avila disait, plusieurs siècles avant Novalis,
1047
êt les formes les plus rudimentaires ? Certes, ce
serait
une sorte de blasphème s’il ne s’agissait dans le Roman que d’une pas
1048
sion d’amour sensuel : mais tout indique que nous
sommes
ici sur la via mystica des « parfaits ». C’est alors le contenu des é
1049
urs souffrances. Plus la lumière et l’amour divin
sont
vifs, plus l’âme se voit souillée et misérable en sorte qu’ « elle se
1050
uillée et misérable en sorte qu’ « elle se figure
être
persécutée par Dieu comme son ennemie ». Cette impression provoque un
1051
Dieu, m’as-tu fait contraire à toi-même, pourquoi
suis
-je devenu à charge à moi-même ? »98 Or il ne s’agit plus ici des souf
1052
s de l’état de purification ». (Ibid.) Tristan n’
est
qu’une impure et parfois équivoque traduction de la mystique courtois
1053
s plus apparemment « mystiques » du Roman doivent
être
interprétées — si l’on ne veut pas errer gravement — à partir de l’am
1054
our : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’
est
loin plus la désire ? Jamais l’amour n’enflamme Tristan si follemen
1055
our n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il
est
séparé de sa « dame ». La psychologie la plus simple rendrait compte
1056
ne nécessité tout intérieure de la passion. Iseut
est
une femme aimée, mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amo
1057
la passion. Iseut est une femme aimée, mais elle
est
aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Quand Tristan erre
1058
ces. Mais nous savons que c’est la souffrance qui
est
le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situati
1059
il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la
tiendra
un temps pour ennemie, et qu’il acceptera le « mariage blanc » avec l
1060
éternelle fidélité et du secret. La soumission ne
sera
donc qu’apparente. Et le jugement par le fer rouge qu’exige la reine,
1061
e jugement par le fer rouge qu’exige la reine, ce
sera
sa vengeance contre le Dieu du roi, deux fois trompé. ⁂ Pour extérieu
1062
trompé. ⁂ Pour extérieures et formelles qu’elles
soient
, de telles correspondances ne sauraient être, en toute honnêteté, réd
1063
es soient, de telles correspondances ne sauraient
être
, en toute honnêteté, réduites à des coïncidences. Mais si les formes
1064
, réduites à des coïncidences. Mais si les formes
sont
pareilles, il importe de définir en quoi les contenus restent incompa
1065
uoi les contenus restent incompatibles, et quelle
est
la nature de l’abus qui par la suite a voulu les confondre. L’on pour
1066
n la formule des manuels. Dans le cas où Iseut ne
serait
qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à venir —, les sim
1067
militudes mystiques que nous venons de dégager ne
seraient
plus que de l’ordre du langage, et spécialement de la métaphore. Je n
1068
Je ne songe pas à nier cet aspect du problème, il
sera
traité en son lieu. Mais je crois qu’il y a bien autre chose. Car s’i
1069
bien autre chose. Car s’il n’y avait que cela, ce
serait
alors tout l’arrière-plan religieux de la légende qu’il faudrait nier
1070
istorique. On reviendrait donc à zéro pour ce qui
est
du sens du mythe, et le Roman cesserait d’être un roman courtois ; ou
1071
qui est du sens du mythe, et le Roman cesserait d’
être
un roman courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’i
1072
n courtois ; ou bien l’amour courtois cesserait d’
être
ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoi
1073
u bien l’amour courtois cesserait d’être ce qu’il
fut
, pour se mettre à ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il fu
1074
ressembler à ce que nos érudits conçoivent qu’il
fut
. C’est autant dire qu’on ne comprendrait plus rien à rien. Encore une
1075
s’ensuivait — théoriquement — que l’amour profane
était
le malheur absolu, l’attachement impossible et condamnable à la créat
1076
faite ; tandis que pour le chrétien l’amour divin
est
un malheur recréateur. Loin de nier l’amour profane, il aboutit à le
1077
et non son apaisement heureux. Plus leur passion
est
vive et plus elle les détache des choses créées, et plus facilement i
1078
d’aliment des créatures ; et de cette façon, elle
est
remplie d’obscurité, et destituée des objets que les passions lui pré
1079
m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’
est
elle-même dérobée à moi, ne me laissant rien que mon désir et mon cœu
1080
damnation des créatures. Maître Eckhart, que l’on
tient
cependant — à tort peut-être — pour platonicien, sait dire en termes
1081
n, sait dire en termes magnifiques que l’âme pure
est
le lieu de rédemption des créatures dénaturées par le péché. « Toutes
1082
« Toutes les créatures passent de leur vie à leur
être
. Toutes les créatures se portent dans ma raison afin d’être en moi ra
1083
es les créatures se portent dans ma raison afin d’
être
en moi raisonnables. Moi seul, je ramène toutes les créatures à Dieu.
1084
ux. Mais il faut indiquer la dernière limite, qui
est
celle de l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition est dans le
1085
l’humilité. Et là encore, la clé de l’opposition
est
dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman est baigné par l’atmosphèr
1086
on est dans le mystère de l’Incarnation. Le Roman
est
baigné par l’atmosphère celtique de l’orgueil chevaleresque : c’est l
1087
chevaleresque : c’est le désir de la prouesse qui
est
le moteur des hauts faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il a
1088
L’on s’aperçoit, à cette limite, que la prouesse
était
le signe matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques
1089
nisation. Les vrais mystiques, tout au contraire,
sont
la prudence même, la rigueur même, l’obéissance même dans la lucidité
1090
’obéissance même dans la lucidité. Si « la mort m’
est
un gain », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’est incarné,
1091
Si « la mort m’est un gain », c’est que « Christ
est
ma vie », et Christ s’est incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chr
1092
n », c’est que « Christ est ma vie », et Christ s’
est
incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chrétien ne se jette pas dans
1093
saint Jean de la Croix, et cela « parce qu’il se
tient
au centre de son humilité ». 3.Transpositions curieuses, mais inév
1094
e, par la suite, le lecteur ignorant des mystères
fut
presque fatalement amené à transposer dans notre vie profane toutes c
1095
ofane toutes ces allégories trop bien voilées. Il
est
facile d’imaginer le processus. Saint Augustin écrit cette prière : «
1096
rs de moi, et je ne te trouvais pas, parce que tu
étais
en moi. » Il parle à Dieu, à l’amour éternel. Mais supposez qu’un tro
1097
ores mystiques, qu’il entend à leur sens profane,
sera
tenté de voir dans cette même phrase l’expression de la passion qu’il
1098
non pas consciemment blasphématoire, et qui ne s’
est
accomplie qu’après le xiie siècle, la conscience moderne a cru voir
1099
t ses métaphores devenues profanes comme si elles
étaient
toutes naturelles. Et nous ferons de même ensuite, et nos savants. No
1100
grande répugnance à opérer ce renversement, qu’il
est
bon d’entrer plus avant dans le mécanisme des transpositions, et même
1101
ystique, au moins dans une de ses tendances, ne s’
est
-elle pas prêtée à toutes les confusions ? N’a-t-elle pas abusé la pre
1102
t de l’Incarnation. Dès que l’on s’écarte un tant
soit
peu de ce foyer, l’on encourt le double péril de l’humanisme et de l’
1103
us retrouverons dans la mystique universelle. Ils
seront
d’ailleurs rarement purs dans telle ou telle œuvre donnée. Même chez
1104
tre tendance, ils coexistent presque toujours, ne
fût
-ce qu’à la manière dont la tentation coexiste avec la volonté d’obéis
1105
sance chez le croyant. Historiquement parlant, il
est
donc malaisé de les isoler. Mais théologiquement, la chose est claire
1106
isé de les isoler. Mais théologiquement, la chose
est
claire. Le premier courant est celui de la mystique unitive : il tend
1107
iquement, la chose est claire. Le premier courant
est
celui de la mystique unitive : il tend à la fusion totale de l’âme et
1108
e l’âme et de la divinité. Le second courant peut
être
appelé celui de la mystique épithalamique : il tend au mariage de l’â
1109
ieu, et suppose donc qu’une distinction d’essence
est
maintenue entre la créature et le Créateur. Quelques exemples individ
1110
: « l’abus » du langage amoureux en religion doit
être
rattaché, historiquement, au courant le plus orthodoxe. J’emprunterai
1111
re Eckhart, et le mystique hindou Sankara. Ce qui
est
intéressant pour notre objet, c’est que Rudolf Otto distingue l’Orien
1112
l : le nirvana ne peut accueillir le samsara (qui
est
la vie diverse, infiniment mouvante). Au contraire, Eckhart verra Die
1113
me du croyant, elles « passent de leur vie à leur
être
». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il existe au M
1114
ssent de leur vie à leur être ». La confrontation
est
rendue possible par le fait qu’il existe au Moyen Âge une tradition m
1115
Otto — à la faveur de laquelle le Je et le Tu des
êtres
unis par une forte émotion coulent l’un dans l’autre, donnant naissan
1116
’un dans l’autre, donnant naissance à une unité d’
être
. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L
1117
prêche l’amour mystique, mais l’amour plotinien n’
est
nullement l’Agapè chrétienne ; c’est l’Éros grec, qui est jouissance,
1118
ement l’Agapè chrétienne ; c’est l’Éros grec, qui
est
jouissance, et jouissance d’une naturelle et surnaturelle Beauté… gar
1119
fervent. » Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’
est
pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment, mènerait à une union
1120
, et Dieu reste Dieu103. L’acte d’amour spirituel
est
initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même est le dé
1121
t non final. Pour le chrétien, la mort à soi-même
est
le début d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce mond
1122
. D’ailleurs Otto cite un passage d’Eckhart où il
est
question non plus d’union mais bien d’égalité de l’âme et de Dieu : «
1123
« Et cette égalité de l’un dans l’un et avec l’un
est
source et origine du fleurissant resplendissant amour. »104 Ce n’est
1124
e du fleurissant resplendissant amour. »104 Ce n’
est
donc pas, conclut Otto, la plus haute joie mystique qui figure pour E
1125
doctrine chrétienne de l’amour. ⁂ Mais Eckhart ne
fut
pas en odeur de sainteté. Le pape Jean XXII condamna même ses thèses
1126
de 1329. L’une des thèses condamnées, la dixième,
est
ainsi reproduite dans la bulle : « Nous nous métamorphosons totalemen
1127
ns le sacrement se change en corps du Christ : je
suis
ainsi changé en lui parce que lui-même me fait être sien. Unité et no
1128
is ainsi changé en lui parce que lui-même me fait
être
sien. Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il est vrai qu’il
1129
. Unité et non similitude. Par le Dieu vivant, il
est
vrai qu’il n’y a plus là aucune distinction. » Cette thèse, extraite
1130
ement unitive, et par cela même hérétique… Ce qui
est
certain, c’est que Maître Eckhart est le dialecticien par excellence,
1131
que… Ce qui est certain, c’est que Maître Eckhart
est
le dialecticien par excellence, et qu’il est trop facile d’extraire d
1132
hart est le dialecticien par excellence, et qu’il
est
trop facile d’extraire de ses œuvres les vérités les plus contradicto
1133
firmation forment à elles deux la vérité. L’une n’
est
pas vraie sans l’autre, et ne se peut concevoir que par rapport à l’a
1134
ue par rapport à l’autre. Affirmation et négation
sont
inséparables, n’étant que les deux aspects d’une même vérité »105. Il
1135
tre. Affirmation et négation sont inséparables, n’
étant
que les deux aspects d’une même vérité »105. Il n’en est pas moins si
1136
les deux aspects d’une même vérité »105. Il n’en
est
pas moins significatif de constater que Eckhart souleva dans la mysti
1137
r l’union essentielle et l’abandon des œuvres. On
est
toujours à l’Orient de quelqu’un ! C’est ainsi que Maître Eckhart fig
1138
Ruysbroek se montre impitoyable contre celui qui
fut
son maître. Dans son Livre des douze béguines, il dénonce « ces faux
1139
khart et ses disciples — qui « s’imaginent qu’ils
sont
Dieu par nature ». « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement êt
1140
. « Quant à ces gens qui ne veulent pas seulement
être
les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils sont plus méchants et plus
1141
t être les égaux de Dieu, mais Dieu lui-même, ils
sont
plus méchants et plus maudits que Lucifer et ses séides. » Et encore
1142
lent la parfaite pauvreté d’esprit… Mais ceux qui
sont
nés du Saint-Esprit et chantent ses louanges, pratiquent toutes les v
1143
que toute distinction entre l’âme et Dieu puisse
être
abolie : l’âme ne peut se faire divine, mais seulement semblable à Di
1144
tièrement purifié. « Nous contemplons ce que nous
sommes
et sommes ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perd
1145
purifié. « Nous contemplons ce que nous sommes et
sommes
ce que nous contemplons ; car notre essence, sans rien perdre de sa p
1146
ence, sans rien perdre de sa propre personnalité,
est
unie à la vérité divine qui respecte la distinction. » Et ailleurs :
1147
» Et ailleurs : « L’abîme qui nous sépare de Dieu
est
perçu de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il est la distanc
1148
de nous au lieu le plus secret de nous-mêmes. Il
est
la distance essentielle… » ⁂ Or voici le point qu’il importait de met
1149
ssentiellement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu
est
un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprime
1150
eu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne
sera
pas porté à s’exprimer en termes de passion. Et c’est bien ce que l’H
1151
nne, il en résulte que l’amour de l’âme pour Dieu
est
, dans ce sens précis, un amour réciproque malheureux. On peut alors p
1152
s humaines. Car c’est sa rhétorique qui se trouve
être
la plus apte à traduire et à communiquer l’essence tout ineffable du
1153
isir l’insaisissable… Et l’objet du désir ne peut
être
ni abandonné ni saisi107. L’abandonner est chose intolérable, et il e
1154
peut être ni abandonné ni saisi107. L’abandonner
est
chose intolérable, et il est impossible de le conserver. Le silence m
1155
isi107. L’abandonner est chose intolérable, et il
est
impossible de le conserver. Le silence même n’a pas assez de force po
1156
l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je me
suis
perdue dans sa bouche », dit une autre. Et une troisième : « Boire le
1157
ards de l’amour et s’y engloutir enivrée… » Je me
suis
arrêté à l’exemple de Ruysbroek pour la commodité de l’exposé : le fa
1158
historique que Maître Eckhart et son disciple se
soient
opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une c
1159
ichement habillé, déclara que désormais Dieu seul
serait
son Père. « L’évêque lui jeta sur les épaules son propre manteau, et
1160
ois fit de la Pauvreté sa « Dame », et s’honora d’
être
son « chevalier »109. Cette forme de « dénuement », physique mais sym
1161
forme de « dénuement », physique mais symbolique,
est
encore pratiquée de nos jours par la secte des Doukhobors (« combatta
1162
s (« combattants spirituels ») dont les croyances
sont
liées à celles des cathares et gnostiques. En 1929, les Doukhobors r
1163
sme et de communisme sexuel. Au xiiie siècle, on
était
moins obtus. La chevalerie errante des Franciscains se répandit en It
1164
ins se répandit en Italie comme les troubadours s’
étaient
répandus dans le Midi de la France : par les routes, sur les places,
1165
rhétorique des troubadours et des romans courtois
sont
les sources directes du lyrisme franciscain, lequel à son tour devait
1166
uivants. Souviens-toi, ô créature, que ta nature
est
celle des anges. Si plus longtemps tu demeures en cette boue, tu devr
1167
précise celui des cathares. D’autres laudes, pour
être
plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en sont que plus « éroti
1168
e plus évidemment catholiques d’inspiration, n’en
sont
que plus « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fo
1169
e l’amour courtois. À défaut d’une anthologie qui
tiendrait
décidément trop de place113, bornons-nous à énumérer les principaux t
1170
l’amour. La passion qui « isole » du monde et des
êtres
. La passion qui décolore tout autre amour. Se plaindre d’un mal que l
1171
t que les conclusions des savants du xixe siècle
sont
devenues nos préjugés courants. Mais sans compter que le jugement mat
1172
er que le jugement matérialiste sur les mystiques
est
plus révélateur de l’obsession de ceux qui le portent que de l’objet
1173
on — tel qu’on le retrouve chez les mystiques — n’
est
pas, à l’origine, celui des sens et de la nature, mais il est au cont
1174
’origine, celui des sens et de la nature, mais il
est
au contraire la rhétorique d’une ascèse étroitement liée à l’hérésie
1175
es comme saint Jean de la Croix et sainte Thérèse
étaient
mieux avertis que quiconque des dangers de la « luxure spirituelle ».
1176
nons bien que le langage des mystiques ne saurait
être
confondu avec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue. J.
1177
u’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences
furent
plus réels que leurs paroles. Il ne s’agit donc, ici, que de tenir co
1178
ttéraire. Or s’il faut se borner à un exemple qui
est
à la fois le plus fameux, le mieux connu, et celui qui a le plus égar
1179
et celui qui a le plus égaré nos savants, le fait
est
que sainte Thérèse utilise constamment, et même raffine la rhétorique
1180
an de la Croix emprunte au Cantique des Cantiques
sont
extraites uniquement du poème biblique, ou ne sont pas en même temps
1181
ont extraites uniquement du poème biblique, ou ne
sont
pas en même temps des images retrouvées, vérifiées pour ainsi dire, t
1182
»116 Je ne pense pas que personne, de nos jours,
soit
en mesure de trancher toutes ces questions. Les spécialistes les mieu
1183
ux dont elle faisait sa nourriture intellectuelle
étaient
tous fortement imbus de rhétorique courtoise et chevaleresque. La que
1184
rtoise et chevaleresque. La question a d’ailleurs
été
traitée, par un auteur qui offre toutes les garanties de sérieux et d
1185
t à mettre l’humain et le divin sur le même plan,
soit
en contemplant le divin avec des yeux profanes, soit en considérant l
1186
t en contemplant le divin avec des yeux profanes,
soit
en considérant l’humain sous une interprétation divine. [C’est moi qu
1187
is de Gaule et celle de sainte Thérèse pourraient
être
également « aimer pour agir ». [Ici, je ferai quelques réserves : l’a
1188
re, aime pour souffrir, pour « pâtir »…] d) Ce n’
est
pas dans les pauvres extravagances des romans de chevalerie mystique
1189
a jusqu’à confondre avec la poésie d’un amour qui
serait
tout profane ; les confusions qu’elle entretient de la sorte flattent
1190
tte préférence pour le langage passionnel, elle a
été
interprétée généralement selon la superstition matérialiste119. On a
1191
l « dévoyé ». Le xixe siècle, dans l’ensemble, n’
est
jamais plus heureux que lorsqu’il peut « ramener » le supérieur à l’i
1192
. Et c’est ce qu’il appelle « expliquer ». Que ce
soit
, la plupart du temps, au prix des pires dénis du sens critique, je n’
1193
lleurs120 qu’à mon avis, cette propension moderne
est
le signe d’un ressentiment profond à l’endroit de la poésie, et en gé
1194
r les hommes du xvie siècle, le langage érotique
était
plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui sommes des névrosés, héri
1195
était plus innocent qu’à nos yeux. C’est nous qui
sommes
des névrosés, héritiers du « puritanisme » embourgeoisé d’un xixe si
1196
mplement refuser de savoir de quoi l’on parle. Où
est
le refoulement, où est la censure, lorsque Thérèse écrit à un religie
1197
oir de quoi l’on parle. Où est le refoulement, où
est
la censure, lorsque Thérèse écrit à un religieux qui se plaint de res
1198
ois qu’il entre en oraison : « Je trouve que cela
est
indifférent à l’oraison, et que le mieux est de n’y faire aucune atte
1199
cela est indifférent à l’oraison, et que le mieux
est
de n’y faire aucune attention. » De même, à l’un de ses frères qui ne
1200
d’une autre manière. Vu notre grossièreté, je ne
serais
pas surprise que cela nous vînt à l’esprit. J’ai même entendu dire à
1201
taient de les entendre. O Dieu ! que notre misère
est
grande ! Il nous arrive comme à ces animaux venimeux qui changent en
1202
empruntées au langage courant par les mystiques n’
est
pas sans d’étroites relations avec leur doctrine de l’union ou leur f
1203
carnation. Ruysbroek, Thérèse et Jean de la Croix
sont
très nettement « christocentriques ». Tout chez eux part du drame de
1204
l’homme séparé, c’est la passion — et la passion
est
partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle est absente de celles d’Eck
1205
ion est partout dans leurs œuvres, tandis qu’elle
est
absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce fut la mystique orthod
1206
st absente de celles d’Eckhart. Voilà pourquoi ce
fut
la mystique orthodoxe — la moins suspecte de troubles complaisances !
1207
re. 6.Note sur la métaphore Pourtant tout n’
est
pas expliqué par ces considérations historiques. Car on peut reculer
1208
mpte, si c’est l’« esprit » ou la « matière » qui
sont
la cause des phénomènes où tous les deux sont impliqués. Par exemple,
1209
qui sont la cause des phénomènes où tous les deux
sont
impliqués. Par exemple, dans le cas du langage mystique : sommes-nous
1210
s. Par exemple, dans le cas du langage mystique :
sommes
-nous en présence d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci ser
1211
d’une matérialisation du spirituel — et celui-ci
serait
alors la cause première — ou au contraire d’une sublimation de phénom
1212
ublimation de phénomènes physiologiques, lesquels
seraient
à la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu
1213
la base de ce qui se trouve exprimé ? Quelle que
soit
la réponse qu’on donnera, une chose demeure certaine : c’est que nous
1214
nera, une chose demeure certaine : c’est que nous
sommes
en présence de deux facteurs qui n’existent jamais l’un sans l’autre.
1215
ais l’un sans l’autre. On pourrait fort bien s’en
tenir
à cette constatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y tient.
1216
tatation empirique. Mais en fait, personne ne s’y
tient
. La conscience moderne, par exemple, victime des réflexes que lui a d
1217
, tranche toujours le débat au bénéfice de ce qui
est
le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il e
1218
ns le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il
est
amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle est amère. Comment cela
1219
est amer mais on dira aussi d’une douleur qu’elle
est
amère. Comment cela peut-il s’expliquer ? Tout le monde répond, sans
1220
aphore, au figuré. Le sens propre du mot « amer »
serait
alors celui qui concerne la sensation physique, tenue pour primitive.
1221
cela, le croient-elles pour des raisons qu’elles
seraient
capables de donner ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement,
1222
’un mot précède toujours le « spirituel », qui ne
serait
qu’une transposition, un à-peu-près, une erreur tolérée ? En vérité,
1223
nce. Ce préjugé consiste à croire que le physique
est
plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de
1224
t plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il
est
donc à la base de tout ; que c’est par lui que tout s’explique. Le mé
1225
que tout s’explique. Le mécanisme de ce préjugé a
été
défini et critiqué par le Dr Minkowski121 et Arnaud Dandieu d’une man
1226
« propre » et le sens dit « figuré » ne sauraient
être
« ramenés » l’un à l’autre, car tous les deux traduisent « proprement
1227
l’autre par le même mot, c’est une même manière d’
être
affecté, soit par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de n
1228
même mot, c’est une même manière d’être affecté,
soit
par les sens, soit par la pensée, dans la totalité de notre existence
1229
e même manière d’être affecté, soit par les sens,
soit
par la pensée, dans la totalité de notre existence. Ainsi de nos méta
1230
métaphores amoureuses. Le moderne n’hésite pas à
tenir
ce raisonnement : « Amour désigne pour moi l’attrait sexuel — or sain
1231
se parle sans cesse d’amour — donc cette mystique
est
une érotomane qui s’ignore. » Mais nous avons vu que sainte Thérèse n
1232
ien, et qu’au contraire les amants « passionnés »
sont
sans doute des mystiques qui s’ignorent… Ainsi les arguments s’annule
1233
ique veut exprimer ses expériences ineffables, il
est
contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve e
1234
Il les prend où il les trouve et telles qu’elles
sont
, quitte à les modifier par la suite. Or à partir du xiie siècle, les
1235
partir du xiie siècle, les métaphores courantes
sont
celles de la rhétorique courtoise. Que les mystiques s’en emparent sa
1236
eux » entretenus par l’âme et son Dieu, qu’elle s’
est
plus complètement humanisée, c’est-à-dire détachée de l’hérésie. Car
1237
humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union
est
impossible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’amour humain p
1238
s mystiques Cette décision tout arbitraire, il
est
temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’es
1239
de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle
soit
arbitraire en fin de compte, ou ce qui revient au même, avant tout co
1240
sur l’instinct. « L’amour existe lorsque le désir
est
si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel », disait le tr
1241
C’est ce fait seul qui nous permet de parler. Qu’
est
-ce que le langage en effet ? Le pouvoir de mentir autant que le pouvo
1242
de mentir autant que le pouvoir d’exprimer ce qui
est
. Un animal est incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait
1243
t que le pouvoir d’exprimer ce qui est. Un animal
est
incapable de mentir, de dire ce que l’instinct ne fait pas, d’aller a
1244
inct. Le responsable d’un tel mensonge ne saurait
être
que « l’esprit ». (On sent ici à quelle profondeur l’amour-passion, l
1245
’expression et le mensonge se trouvent liés. Et n’
est
-elle pas typique de toute passion, cette volonté de s’exprimer, de se
1246
e la Croix, et même Ruysbroek, et saint François,
sont
évidemment postérieurs à la naissance de l’amour-passion, il n’en res
1247
our-passion, il n’en reste pas moins que celui-ci
est
postérieur à la mystique pseudo-chrétienne des cathares. 3° C’est san
1248
ute à tort qu’à la proposition : « Tout érotomane
est
un mystique qui s’ignore », on a cru pouvoir répondre : « Ou l’invers
1249
fois comme des érotomanes qui s’ignorent. Mais il
est
certain que l’érotomanie est une forme d’intoxication, et tout nous p
1250
s’ignorent. Mais il est certain que l’érotomanie
est
une forme d’intoxication, et tout nous prouve que les Eckhart, Ruysbr
1251
es Eckhart, Ruysbroek, Thérèse, Jean de la Croix,
sont
exactement le contraire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué
1252
ire de ce qu’on nomme des intoxiqués. L’intoxiqué
est
la victime non de sa passion, mais de l’agent matériel qu’elle utilis
1253
ise pour s’exalter. Si l’origine de cette passion
est
un désir, conscient ou non, d’échapper à la condition terrestre insup
1254
la condition terrestre insupportable, et si l’on
est
en droit d’y voir le rudiment d’un appel mystique, il n’en reste pas
1255
mystique, il n’en reste pas moins que l’intoxiqué
est
avant tout l’esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un être d
1256
esclave de sa drogue. Psychologiquement, c’est un
être
déchu, dont les sens s’émoussent, dont la lucidité s’affaiblit, et qu
1257
ssions dans la vie quotidienne. Sainte Thérèse ne
tenait
pour bonnes que les visions qui la poussaient à mieux agir, à mieux a
1258
a pas revêtu la forme de la Nuit : elle n’a pas «
été
faite chair ». Ils ne veulent pas que le Jour parfait se communique à
1259
ns nul intermédiaire. Sombrant alors, comme Icare
est
tombé. (Celui qui veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui est
1260
i veut aller à Dieu sans passer par le Christ qui
est
« le chemin », celui-là va au diable, disait énergiquement Luther.) I
1261
nergiquement Luther.) Ils pressentent que la Nuit
est
un mystère du Jour, dont le Jour seul détient le secret dernier123. M
1262
— et non pas l’œuvre d’un obscur démiurge. (Telle
est
du moins la doctrine de la Bible.) Refusant que le Jour les enseigne
1263
ature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils
tiennent
pour le péché, ils courent le risque de s’y perdre sans retour au mom
1264
ent lui échapper. Et de là vient que la confusion
était
fatale entre l’Éros divinisant et l’Éros prisonnier de l’instinct. De
1265
une soif que la mort seule pouvait éteindre : ce
fut
la « torture d’amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La pa
1266
de même, l’amour de la Dame, dès qu’il cessera d’
être
un symbole de l’union avec le Jour incréé, deviendra le symbole de l’
1267
ne illusion de gloire libératrice dont la douleur
serait
encore le signe ! Ainsi s’opère le renversement tragique : se dépasse
1268
er jusqu’à s’unir au transcendant, quand le but n’
est
plus la Lumière, et quand on ignore le « chemin », c’est se précipite
1269
cipiter dans la Nuit. Le dépassement, dès lors, n’
est
plus qu’exaltation du narcissisme. Il ne vise plus à la libération de
1270
s passionné, les « couleurs » de sa rhétorique ne
seront
jamais que les exaltations d’un crépuscule, promesses de gloire jamai
1271
es fourmis ne parleront pas toutes les hypothèses
sont
possibles. 98. La Nuit obscure, de saint Jean de la Croix, II, i, 1
1272
ix, II, i, 1er verset. Trad. Hoornaert. 99. Ce n’
est
pas évident pour Eckhart (voir plus bas, chap. 4) mais bien pour sain
1273
evoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle
est
sa volonté, que ces grâces passent par les mains de cette humanité sa
1274
ait d’un type homogène que dans la mesure où elle
serait
banale, dans la mesure aussi où nous échouerions à la saisir ». 101.
1275
anum frumenti… « L’âme échappe à sa nature, à son
être
et à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’est son devenir. E
1276
t à sa vie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’
est
son devenir. Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste p
1277
t son devenir. Elle devient si totalement un seul
être
qu’il ne reste pas d’autre distinction que celle-ci : Lui demeure Die
1278
bsence du langage « épithalamique » pourrait-elle
être
proposée comme un critère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique
1279
ces que les prouesses des chevaliers errants. Ils
sont
d’ailleurs rapportés par les auteurs des Fioretti sous une forme narr
1280
, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Freud, pour s’en
tenir
aux plus célèbres. 120. Dans Penser avec les mains, IIe partie. 12
1281
la littérature On reconnaîtra maintenant ce qu’
est
le péché ou comment procède le péché. C’est lorsque la volonté humain
1282
lorsque la volonté humaine se sépare de Dieu pour
être
une volonté à soi, qu’elle suscite sa propre ardeur et brûle de sa pr
1283
r et brûle de sa propre affection, ardeur qui lui
est
propre et qui n’a rien à voir avec l’ardeur divine. Jacob Boehme.
1284
ature sur les mœurs D’une manière générale, il
est
bien difficile de vérifier l’influence des arts sur la vie quotidienn
1285
it le démontrer. Et la peinture, quelle peut bien
être
son action ? L’architecture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais l
1286
ture, au moins, nous pouvons l’habiter, mais là n’
est
pas son caractère d’art. De même pour telle ou telle philosophie. Mai
1287
même pour telle ou telle philosophie. Mais le cas
est
tout différent lorsqu’il s’agit d’une littérature dont on peut démont
1288
que du mythe, héritage de l’amour provençal. Il n’
est
pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir magique des sons et du
1289
emander, avec La Rochefoucauld : combien d’hommes
seraient
amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’amour ? ⁂ Passion et
1290
tendu parler d’amour ? ⁂ Passion et expression ne
sont
guère séparables. La passion prend sa source dans cet élan de l’espri
1291
du même mouvement à se raconter elle-même, que ce
soit
pour se justifier, pour s’exalter, ou simplement pour s’entretenir. (
1292
ou simplement pour s’entretenir. (Le double sens
est
significatif.) En ce domaine, il est aisé de vérifier. Les sentiments
1293
double sens est significatif.) En ce domaine, il
est
aisé de vérifier. Les sentiments qu’éprouvent l’élite, puis les masse
1294
éprouvent l’élite, puis les masses par imitation,
sont
des créations littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique est l
1295
littéraires en ce sens qu’une certaine rhétorique
est
la condition suffisante de leur aveu, donc de leur prise de conscienc
1296
es mélancolies, et même pour se suicider, il faut
être
en mesure « d’expliquer » à soi-même ou aux autres ce qu’on sent. Plu
1297
i-même ou aux autres ce qu’on sent. Plus un homme
est
sentimental, plus il y a de chances qu’il soit verbeux et bien disant
1298
mme est sentimental, plus il y a de chances qu’il
soit
verbeux et bien disant. Et de même, plus un homme est passionné, plu
1299
erbeux et bien disant. Et de même, plus un homme
est
passionné, plus il y a de chances qu’il réinvente les figures de la r
1300
s peuples d’Occident : l’on peut admettre qu’elle
est
parallèle à ses métamorphoses littéraires. (Moyennant, cela va de soi
1301
rice du « charme ». La littérature, au contraire,
est
la voie qui descend aux mœurs. C’est donc la vulgarisation du mythe,
1302
es deux roses Le meilleur point de départ nous
est
donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 en
1303
fidèlement conservée. Toutes ces sectes en effet
sont
caractérisées par leur opposition au dogme trinitaire (du moins sous
1304
du Libre-Esprit et les ortliebiens rhénans — qui
furent
peut-être en rapport avec les Vaudois, voisins des cathares — non seu
1305
s ont supposé qu’une élite cléricale du Moyen Âge
fut
initiée à ces doctrines. Ainsi pensent-ils expliquer mieux certaines
1306
de preuves presque impossibles à établir, je m’en
tiendrai
à un jugement certainement vrai pour la plupart des cas : dès le xive
1307
: dès le xive siècle, la littérature courtoise s’
est
détachée de ses racines mystiques ; elle s’est alors trouvée réduite
1308
s’est détachée de ses racines mystiques ; elle s’
est
alors trouvée réduite à une simple forme d’expression, c’est-à-dire à
1309
rises des galants. L’obstacle à l’union amoureuse
est
figuré par l’exigence morale, et non plus du tout religieuse : Ce n’e
1310
nce morale, et non plus du tout religieuse : Ce n’
est
plus une ascèse mystique, mais un raffinement de l’esprit, qui doit a
1311
Jean de Meung, qui terminera le Roman, la Rose n’
est
plus que la volupté physique. Le réalisme le plus franc succède aux f
1312
au platonisme, le cynisme à l’exaltation. La Rose
est
emportée de haute lutte. La Nature triomphe de l’Esprit, et la raison
1313
de l’amour malheureux. (Peut-être, pratiquement,
est
-elle bien proche d’une vision chrétienne réaliste. Nous aurons l’occa
1314
s. Cependant qu’autour de Palerme, où Frédéric II
tient
sa cour, fleurit l’école dite des Siciliens. Dans quelle mesure cette
1315
ud s’inspira-t-elle des troubadours ? La question
est
encore obscure. On ne trouve à la cour de Palerme qu’un seul poète pr
1316
le mesure les Siciliens « savaient » encore ce qu’
est
l’Amour. N’avaient-ils retenu du trobar clus que le procédé mystifian
1317
enu du trobar clus que le procédé mystifiant ? On
serait
assez tenté de le croire, lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti
1318
nes valables — oppose à ces rhétoriqueurs. Ce qui
est
frappant dans cette nouvelle école, c’est qu’elle rénove consciemment
1319
langage symbolique des troubadours. Les Siciliens
étaient
tombés dans un douteux allégorisme : ils parlaient de la dame comme d
1320
rlaient de la dame comme d’une femme réelle, ce n’
était
plus que galanterie mais froide et stéréotypée. Dante et Cavalcanti,
1321
en même temps, ils savent et disent (dans ce dire
est
la nouveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel est le secret
1322
isent (dans ce dire est la nouveauté) que la Dame
est
purement symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’amour courtois
1323
uveauté) que la Dame est purement symbolique. Tel
est
le secret paradoxal de l’amour courtois : guindé et froid quand il ne
1324
: c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’
est
jamais plus passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’est quan
1325
passionné qu’en chantant la Philosophie, si ce n’
est
quand elle devient la Science sacrée. Sincérité bien propre aux troub
1326
jamais dit126. C’est parce que Dante et ses amis
sont
amenés à définir leur art qu’on surprend mieux qu’ailleurs chez les p
1327
écoute et l’entend s’écrie : — Malheureuse que je
suis
! Je ne suis pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame
1328
ntend s’écrie : — Malheureuse que je suis ! Je ne
suis
pas capable de répéter ce que j’entends dire de ma Dame ! Et qui dou
1329
le salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’
est
déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’est qu’un b
1330
notre foi, l’y amène. Faut-il penser que Dante n’
est
qu’un blasphémateur lorsqu’il écrit au seuil de la Vita Nuova, cette
1331
ureux ! S’agit-il donc de Béatrice comme femme ?
Est
-ce sa présence que tous les saints implorent et qui serait « l’espéra
1332
sa présence que tous les saints implorent et qui
serait
« l’espérance des bienheureux » ? Ou s’agit-il plutôt de l’Esprit sai
1333
it de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour
est
-il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le second ré
1334
souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir
est
si grand qu’il dépasse les limites de l’amour naturel… Comme il ne pr
1335
rpétuellement sur lui-même son propre effet. Il n’
est
point un plaisir, mais une contemplation. » Aucun doute ne demeure po
1336
tion. » Aucun doute ne demeure possible : l’Amour
est
la passion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amour n
1337
anger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en
sont
qu’un reflet : De même que la tigresse, dans sa grande douleur, se s
1338
este là, et ne poursuit point ; de même celui qui
est
pénétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ai
1339
oint le cœur pitoyable, le jour passe et l’espoir
est
déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable est bien la femme qui détourn
1340
spoir est déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable
est
bien la femme qui détourne l’Amour à son profit. Dans un Bestiaire mo
1341
nous ; ses petits, qu’un chasseur lui a pris, ce
sont
les vertus, et le chasseur c’est le démon, qui nous fait voir ce qui
1342
sseur c’est le démon, qui nous fait voir ce qui n’
est
pas. De là vient que bien des hommes ont péri pour avoir tardé d’alle
1343
ns voir Pétrarque se laisser prendre « à ce qui n’
est
pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop longtemps — comme
1344
r une chose mortelle avec une foi Qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient… » « Tout le monde, et sur le moindre ro
1345
ndre rocher que trempe la mer, sait qu’un homme a
été
superlativement amoureux et c’est Pétrarque. Et ce qu’il y a de mieux
1346
omme simplement amoureux ? Rien d’analogue. Lui l’
était
d’une façon extraordinaire, incendiaire, solaire. »128 Voilà ce qui
1347
itement païen, et non plus du tout hérétique ! On
est
aux antipodes du Dante, mais aussi des rhéteurs qu’il attaquait. Le «
1348
aquait. Le « secret » dont je parlais plus haut s’
est
volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu
1349
latilisé : il ne joue plus. Le langage de l’Amour
est
enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation » radi
1350
es meilleures métaphores. En vérité, la tentation
était
trop forte. (On en jugera par quelques exemples mis en note, et à vra
1351
dis : Ô mon âme, il te faut rendre grâce Toi qui
fus
jugée digne alors d’un tel honneur. D’Elle te vient cet amoureux pens
1352
e te vient cet amoureux penser Qui tant que tu le
suis
, au plus haut Bien te mène Et te fait mépriser ce que l’homme désire
1353
s présente ou absente — ici encore —, la femme ne
sera
jamais que l’occasion d’une torture qu’il préfère à tout : Je sais,
1354
de loin — de près geler. Tout l’amour romantique
est
dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie, Pétrarque a s
1355
i !134 Et saint Augustin, avec lequel Pétrarque
tient
ce dialogue fictif, lui répond : Tu connais très bien ton mal. Tout
1356
ut à l’heure, tu en sauras la cause. Dis-moi : qu’
est
-ce qui te rend triste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de
1357
s-moi : qu’est-ce qui te rend triste à ce point ?
Est
-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est-ce une douleur physique
1358
t ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ?
Est
-ce une douleur physique, où bien quelque rigueur injuste de fortune ?
1359
ppel à la mort : Que s’ouvre donc la geôle où je
suis
enfermé Qui me clôt le chemin vers une telle vie ! (Chanson 72.) La
1360
on espoir en « cette fausse douceur fugitive » qu’
est
l’amour idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une
1361
une chose mortelle, avec une foi qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient est plus interdit à qui plus désire honneu
1362
oi qui à Dieu seul est due et à lui seul convient
est
plus interdit à qui plus désire honneur ! Mais comment s’arracher à
1363
qui tourne autour de toi immortel et paré ! S’il
est
vrai qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un co
1364
p d’œil, une parole, une chanson — si ce plaisir
est
jà si grand… quel sera l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloi
1365
ne chanson — si ce plaisir est jà si grand… quel
sera
l’autre ! 5.Un idéal à rebours : la gauloiserie Imposer un sty
1366
e. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul
est
due et à lui seul convient », avec l’amour d’« une chose mortelle »,
1367
ient », avec l’amour d’« une chose mortelle », en
fut
la conséquence inévitable. Et c’est bien de cette confusion — non de
1368
iste » qui ne pouvait manquer de s’ensuivre. Elle
fut
surtout sensible dans la bourgeoisie. Dès le début du xiie siècle, e
1369
et du corps qui date précisément de cette époque
est
le premier témoignage d’un conflit que le mariage chrétien était cens
1370
r témoignage d’un conflit que le mariage chrétien
était
censé résoudre. On y voit l’âme récemment séparée de son corps adress
1371
du dernier siècle. Mais je ne crois pas qu’ils se
soient
engendrés en ligne directe. Chaque moment de cette progression vers l
1372
mposition du romantisme, au moins autant, si ce n’
est
beaucoup plus, que de Balzac (considéré alors comme réaliste). Pour e
1373
ourtoises ? Il me paraît que la « gauloiserie » n’
est
qu’un pétrarquisme à rebours. « On aime à opposer — écrit J. Huizinga
1374
Or la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie,
est
une fiction romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur
1375
otique, pour acquérir une valeur de culture, doit
être
stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous u
1376
entre autres, dans le Dit de Chiceface. Chiceface
est
le monstre fabuleux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi es
1377
ux qui ne se nourrit que de femmes fidèles, aussi
est
-il d’une maigreur effroyable, tandis que son confrère Bigorne, lequel
1378
re Bigorne, lequel ne mange que les maris soumis,
est
d’un embonpoint sans pareil. Parallèlement à ces deux courants du myt
1379
jusqu’à Cervantès L’influence du roman breton
est
attestée par des centaines de textes à travers les xiiie , xive et x
1380
s minnesänger (chanteurs de l’Amour) en Allemagne
sont
nourris de légendes cathares138 et par ailleurs ne font qu’adapter du
1381
se servir que d’une mythologie toute catholique —
soit
prudence ou incompréhension — assez incompatible, on l’a bien vu, ave
1382
u’aux romans d’aventures profanes. Cette omission
est
mystérieuse. Elle militerait en faveur de la thèse selon laquelle Cer
1383
ont ils avaient perdu le secret. Don Quichotte ne
serait
grotesque que parce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’est
1384
arce qu’il veut imiter une ascèse à laquelle il n’
est
pas initié, et suivre une voie que le malheur des temps rend totaleme
1385
on Cependant Rome n’a pas triomphé partout. Il
est
une île où son pouvoir est contesté. C’est la dernière patrie des bar
1386
s triomphé partout. Il est une île où son pouvoir
est
contesté. C’est la dernière patrie des bardes. En Cornouailles et en
1387
ittérature anglaise populaire et savante. Mais il
est
significatif qu’à la fin du xviie siècle, un bon lettré comme Robert
1388
akespeare — mais nous avons le Songe d’une Nuit d’
été
. Et l’on dit qu’il était catholique — mais nous avons Roméo et Juliet
1389
vons le Songe d’une Nuit d’été. Et l’on dit qu’il
était
catholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui est la seule tragé
1390
atholique — mais nous avons Roméo et Juliette qui
est
la seule tragédie courtoise, et la plus belle résurrection du mythe a
1391
de la vie, voire de l’identité de Shakespeare, il
est
vain de se demander s’il connaissait la tradition secrète des troubad
1392
adours. Mais on peut relever ce fait : que Vérone
fut
un des principaux centres du catharisme en Italie. Selon le moine Ran
1393
me en Italie. Selon le moine Ranieri Saccone, qui
fut
dix-sept ans hérétique, il y avait à Vérone près de cinq-cents « parf
1394
ouveau qui se dresse, à la lueur d’une torche que
tient
Roméo. Juliette repose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu
1395
ose, endormie par le philtre. Le fils de Montaigu
est
entré, et il parle : Combien souvent les hommes sur le point de mour
1396
bien souvent les hommes sur le point de mourir Se
sont
sentis joyeux ! Ceux qui veillent sur eux Disent : l’éclair avant la
1397
t n’a pas eu de prise encor sur ta beauté Et tu n’
es
pas conquise. L’enseigne de beauté Est encore cramoisie sur tes lèvre
1398
uté Et tu n’es pas conquise. L’enseigne de beauté
Est
encore cramoisie sur tes lèvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la
1399
èvres, tes joues, Et le pâle drapeau de la mort n’
est
pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi es-tu si belle encore ? D
1400
n’est pas avancé. … Ah ! chère Juliette Pourquoi
es
-tu si belle encore ? Dois-je penser Que la mort non substantielle est
1401
re ? Dois-je penser Que la mort non substantielle
est
amoureuse Et que le monstre maigre te conserve Ici pour être ton aman
1402
use Et que le monstre maigre te conserve Ici pour
être
ton amant dans la ténèbre ? Par crainte de cela je demeure avec toi E
1403
repartirai ; ici je veux rester Avec les vers qui
sont
tes serviteurs ; ici, ici Je vais fixer mon repos éternel, Secouer l
1404
mour ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta drogue
est
rapide. En un baiser je meurs. Le consolament de la Mort vient de sc
1405
ous entretenir encor de ces tristesses.140 ⁂ Il
est
certain que Milton quoique puritain subit l’influence de doctrines ca
1406
is : du moins pas sans de telles réticences qu’il
serait
vain de conclure sur ce point plus nettement qu’il ne l’a voulu.) Av
1407
légendes. Et dans le De doctrina christiana, il s’
était
insurgé « contre la puissance créatrice de Dieu, contre les dogmes de
1408
qui malgré tout rattache Milton à la Réforme : n’
est
-ce point la même et unique hérésie que nous trouvons partout et en to
1409
stiques et manichéennes montre bien que l’abîme n’
est
pas infranchissable, surtout sur le plan de l’éthique. L’idéalisme et
1410
n maître en occultisme, enseignait que la lumière
est
la matière divine… Il reste cependant que la doctrine de Milton est b
1411
ine… Il reste cependant que la doctrine de Milton
est
bien plus « rationnelle » et sociale que celle des hérétiques du Midi
1412
omposer d’interminables romans à clef. Polexandre
est
Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc
1413
s romans à clef. Polexandre est Louis XIII, Cyrus
est
le Grand Condé, Diane est Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman de
1414
e est Louis XIII, Cyrus est le Grand Condé, Diane
est
Marie de Médicis, etc. Le sujet du roman demeure les « contrariétés »
1415
es « contrariétés » de l’amour, mais l’obstacle n’
est
plus la volonté de mort, si secrète et métaphysique dans Tristan : c’
1416
honneur, manie sociale. C’est l’héroïne, ici, qui
est
la plus astucieuse lorsqu’il s’agit d’imaginer des prétextes de sépar
1417
regard irrité de sa maîtresse. Au dénouement, il
est
encore à se demander si cette « reine de l’Île inaccessible » ne va p
1418
retardé jusqu’à la dix-millième lorsque l’auteur
est
un champion du genre. C’est le roman allégorique du xviie siècle qui
1419
l’emporte, et dès lors la fin du roman ne saurait
être
qu’un retour à ce qui n’est plus le roman : au bonheur. Les grands th
1420
du roman ne saurait être qu’un retour à ce qui n’
est
plus le roman : au bonheur. Les grands thèmes tragiques du mythe n’év
1421
ratrice. Mais la dialectique sauvage de Tristan n’
est
plus ici que coquetterie, et le combat du Jour et de la Nuit se ramèn
1422
ue l’on n’ose nommer un roman-fleuve, puisqu’il n’
est
parcouru que par les sinuosités d’un modeste ruisseau, le Lignon, Cél
1423
par des lions et des licornes : cette fontaine ne
sera
désenchantée, selon l’oracle, que par la mort du plus fidèle amant et
1424
et Céladon évanouis (c’est une mort métaphorique)
sont
transportés chez le druide Adamas où ils se réveillent, puis s’épouse
1425
s prodigieux de l’Astrée. Pourtant ses charmes ne
sont
point inégaux à ceux de nos récents romans féeriques. Et la psycholog
1426
auprès de son hôtesse, elle lui dit que le Forez
était
un bon pays de forges et qu’on y travaillait fort bien le fer. « Cett
1427
es ressources d’une rhétorique plus savante n’ont
été
à ce point harmonisées. L’on n’imagine pas de roman mieux écrit ; plu
1428
est l’art et non « la vie » qui mène le jeu. Nous
sommes
en face d’une création de l’esprit, et non d’une confusion de reflets
1429
u moins indiscrets et de hasards immérités (comme
sont
les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée est une œuvre. Elle su
1430
nt les romans d’aujourd’hui). En un mot, l’Astrée
est
une œuvre. Elle suppose un métier savant, et vingt-cinq ans d’applica
1431
d’application. Le snobisme qui lui fit un succès
était
mieux averti que le nôtre. Mais aussi ce caractère d’achèvement nous
1432
itif, dont l’Astrée reprend tous les thèmes, l’on
est
frappé de constater que chez d’Urfé le tragique se dégrade en émotion
1433
plus parfaite, en raison même de sa perfection, n’
est
qu’un sous-produit des mystiques créatrices de formes et de mythes ?
1434
l’épuisement temporaire des sources profondes ? N’
est
-ce point pour cette cause que la littérature, si fort qu’elle flatte
1435
réfutations et railleries qu’on leur oppose ? Ce
fut
assez d’un décret de l’officieux Boileau — le court Dialogue sur les
1436
dre. D’où l’on conclut généralement que Corneille
est
le premier auteur qui ait voulu soumettre la passion à la raison, sin
1437
tre la passion à la raison, sinon à la morale. Il
serait
donc le premier qui ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’ê
1438
i ait échappé à l’emprise du mythe. Le cas vaut d’
être
analysé. Voici comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’est qu’
1439
ci comme Alidor se plaint au premier acte : Ce n’
est
qu’en m’aimant trop qu’elle me fait mourir ; Un moment de froideur, e
1440
rais soudain passé ma fantaisie : Mais las ! elle
est
parfaite, et sa perfection N’approche point encor de son affection ;
1441
ttirer notre méfiance. Quoi, c’est le bonheur qui
serait
fatal au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’être trahi par
1442
l au repos de cet étrange amant ? Et le malheur d’
être
trahi par Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor serait un
1443
Angélique le guérirait de son amour ? Cet Alidor
serait
un curieux monstre ! Disons plutôt qu’on voit trop bien ce qu’il essa
1444
lains », dit-il plus bas. C’est donc la honte qui
est
cause de son mensonge. En vérité, il souffre de l’absence d’un obstac
1445
ait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor
est
contraint d’inventer un rival. Souffrant de ce que plus rien ne le sé
1446
uer cette souffrance, il imagine de se plaindre d’
être
trop enchaîné par cette fidélité — alors qu’on voit tout au contraire
1447
t tout au contraire qu’il désespère de ne point l’
être
assez. Il proclame un besoin d’être libre qui traduit un profond dési
1448
de ne point l’être assez. Il proclame un besoin d’
être
libre qui traduit un profond désir de n’être plus même en état de dés
1449
in d’être libre qui traduit un profond désir de n’
être
plus même en état de désirer aucune liberté. C’est ce qui se passerai
1450
faisait mine de lui échapper. Mais voyez comme il
est
habile : Cléandre Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se tî
1451
e Vit-on jamais amant de la sorte enflammé Qui se
tînt
malheureux pour être trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre l
1452
de la sorte enflammé Qui se tînt malheureux pour
être
trop aimé ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre les ordinaires ? Pense
1453
rait bien voir que la vraie volonté du personnage
est
exactement opposée à ces hautaines déclarations. « Il ne faut point s
1454
ignifie en réalité : « Le seul objet qui vaille d’
être
servi, c’est celui qui nous posséderait totalement et qui, par sa fui
1455
e. » Les deux derniers mots : « … et l’éteindre »
étant
pur artifice de rhétorique, destiné à persuader le lecteur, ou Cléand
1456
, ou Corneille lui-même, que c’est la liberté qui
est
désirée, alors que c’est évidemment le « feu » ; et non pas le feu «
1457
e j’ai appris que l’amour d’un honnête homme doit
être
toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne
1458
p plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle
est
toujours l’effet de notre choix et de son mérite, que quand elle vien
1459
int ce qu’on ne saurait nous refuser. » Voici qui
est
bel et bon. Mais nous n’oublions pas que ce refus de la contrainte fa
1460
articles des Leys d’Amors). Et que cette exigence
est
polémique, dirigée contre le mariage. Or Alidor et son amante trop fi
1461
is pour l’amour de la passion. À tel prix que ce
soit
, il faut rompre mes chaînes De crainte qu’un hymen, m’en ôtant le pou
1462
e brûler ; donc en fait : sa crainte de guérir !)
sont
en effet couronnés de succès au cinquième acte. Corneille l’avoue plu
1463
e quand il lui a donné sujet de le haïr. » L’aveu
est
complet cette fois-ci. Mais dans le plan purement psychologique où Co
1464
Cela fait, conclut-il, une inégalité de mœurs qui
est
vicieuse. » Ne nous étonnons point de cet aveuglement de l’auteur sur
1465
aphorique). Bien mieux ; cette volonté de liberté
est
devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait gué
1466
le récitent et le réciteront toujours ceux qui ne
sont
guère capables de l’aimer… 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’op
1467
ers engagements que Didon avait avec Énée, elle n’
est
pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie. » L’on sent tout l’art
1468
i se voit opposé à la passion de la Nuit ! « Ce n’
est
point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédi
1469
ragédie, ajoute Racine, il suffit que l’action en
soit
grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soien
1470
t que l’action en soit grande, que les acteurs en
soient
héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressen
1471
s acteurs en soient héroïques, que les passions y
soient
excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui
1472
e qui fait tout le plaisir de la tragédie », ce n’
est
que la moitié du mythe, son aspect diurne, son reflet moral dans notr
1473
renversement dans la joie, acceptée telle qu’elle
est
dans le monde du jour, et qualifiée néanmoins de « plaisir », l’on ne
1474
moins de « plaisir », l’on ne voit pas en quoi ce
serait
davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on est fondé à conteste
1475
davantage qu’une morosa delectatio. Certes, l’on
est
fondé à contester la vérité dernière de la croyance mystique (maniché
1476
ernière de la croyance mystique (manichéenne) qui
est
à l’origine de la passion et de son mythe : du moins faut-il bien rec
1477
le tourment qui en résulte, c’est que l’obstacle
est
un masque de la mort, et que la mort est le gage d’une transfiguratio
1478
obstacle est un masque de la mort, et que la mort
est
le gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui était la Nuit se r
1479
e gage d’une transfiguration, l’instant où ce qui
était
la Nuit se révèle le Jour absolu. Mais faute d’atteindre cette limite
1480
ne lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre
est
un moment décisif non seulement dans la vie du poète, mais dans l’évo
1481
èdre, ou le mythe « puni » Le thème de la mort
est
écarté dans Bérénice par une « censure » morale évidemment chrétienne
1482
t chrétienne d’origine. Racine ne peut ni ne veut
être
pleinement lucide. Car sa lucidité l’obligerait à condamner ce qu’il
1483
r. Mais la crise de sa passion pour une femme qui
fut
peut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’une vraie foi v
1484
iguration : il a pris le parti du jour, la mort n’
est
plus que le châtiment de ses trop longues complaisances. C’est la pas
1485
acle un inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’
est
plus admissible de vouloir vaincre. L’opinion — à laquelle Racine se
1486
laquelle Racine se montre si sensible — l’opinion
est
toujours avec Tristan contre le roi Marc, avec le séducteur contre le
1487
avec le séducteur contre le mari trompé ; elle n’
est
jamais avec les amants incestueux. Ensuite, Racine se punit par perso
1488
ute réciprocité de la part d’Hippolyte. Or Phèdre
était
écrite pour Champmeslé, qui y tint le rôle de la reine. Et Hippolyte,
1489
te. Or Phèdre était écrite pour Champmeslé, qui y
tint
le rôle de la reine. Et Hippolyte, c’est Racine tel que maintenant il
1490
n, et il se démontre à lui-même que cette passion
est
condamnable sans appel. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre
1491
el. Mais je l’ai dit, Racine à l’époque de Phèdre
est
encore en pleine crise, balançant devant la décision. D’où la duplici
1492
c cet amour incestueux, encore que cette reine ne
soit
que la belle-mère d’Hippolyte. Mais le vieil homme, le Racine naturel
1493
polyte amoureux d’Aricie, dont on va voir qu’elle
est
une Phèdre déguisée. Le tour est très subtil. « Pour ce qui est du pe
1494
va voir qu’elle est une Phèdre déguisée. Le tour
est
très subtil. « Pour ce qui est du personnage d’Hippolyte, écrit-il da
1495
déguisée. Le tour est très subtil. « Pour ce qui
est
du personnage d’Hippolyte, écrit-il dans la Préface, j’avais remarqué
1496
passion qu’il ressent malgré lui pour Aricie, qui
est
la fille et la sœur des ennemis mortels de son père. » Ainsi donc, Ar
1497
umés à des déguisements plus savants !) Mais ce n’
est
pas l’inceste, c’est la passion qui intéresse — au sens fort — Racine
1498
elle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heure
est
une fois marquée Le ciel de nos raisons ne sait point s’informer. (I,
1499
os raisons ne sait point s’informer. (I,1.) Ce n’
est
pas ce ciel-là qu’eût adoré Corneille ! Ni ces dieux que l’on dupe, e
1500
t sur qui l’on rejette la faute : Les dieux m’en
sont
témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout
1501
on sang. (II, 3.) Et voici la servante Œnone qui
tient
à Phèdre le même langage que la servante Brangaine à Isolde : Vous a
1502
ut vaincre sa destinée : Par un charme fatal vous
fûtes
entraînée… (IV, 6.) Duplicité, ai-je dit, mais à tel point essentiel
1503
la pièce, constitutive de la crise même d’où elle
est
née, qu’il serait bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fall
1504
itutive de la crise même d’où elle est née, qu’il
serait
bien vain d’en faire reproche à son auteur. Il fallait Phèdre. Il fal
1505
ine a su faire mentir — j’en viens à croire qu’il
est
sincère dans sa Préface lorsqu’il écrit : « Ce que je puis assurer, c
1506
st que je n’ai point fait de tragédie où la vertu
soit
plus mise au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y sont sévè
1507
au jour que dans celle-ci ; les moindres fautes y
sont
sévèrement punies : la seule pensée du crime y est regardée avec auta
1508
nt sévèrement punies : la seule pensée du crime y
est
regardée avec autant d’horreur que le crime même ; les faiblesses de
1509
sent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y
sont
présentées aux yeux que pour démontrer tout le désordre dont elles so
1510
ux que pour démontrer tout le désordre dont elles
sont
cause… » On est loin du dessein d’« exciter les passions » pour « pla
1511
trer tout le désordre dont elles sont cause… » On
est
loin du dessein d’« exciter les passions » pour « plaire » à un besoi
1512
re » à un besoin de « tristesse majestueuse ». On
est
tout près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque, était de la race de
1513
tout près de Port-Royal. Racine, comme Pétrarque,
était
de la race des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’amour : ceux
1514
n chapitre, mais son influence sur les mœurs ne s’
est
guère fait sentir que deux siècles plus tard. (Il a fallu que les phi
1515
ul prévu par ce mystique : si la cause extérieure
est
un Dieu auquel notre âme pourrait s’identifier146. Mais Spinoza négli
1516
l’obstacle ». Dans le fait, nos passions humaines
sont
toujours liées à des passions contraires, notre amour toujours lié à
1517
notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’
est
pas de cause isolée qui nous détermine purement. Entre la joie et sa
1518
s roués de la Régence et du règne de Louis XV, ne
sont
plus même d’ordre moral, mais intellectuel et physique. La distinctio
1519
’esprit et de l’âme croyante, aboutit à diviser l’
être
en intelligence et en sexe. À vrai dire, tout obstacle détruit, la pa
1520
’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’
est
plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’es
1521
n mais un enfant impertinent. Presque plus rien n’
est
défendu. De la pudeur, obstacle naturel, on garde ce qu’il faut pour
1522
es épingles ! » (Il me semble que ces épingles ne
sont
point citées par hasard : « Amour vous point », disait la rhétorique.
1523
le sang coulera sous la Terreur ; mais nous n’en
sommes
encore qu’à la « guerre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n
1524
rre en dentelles ».) Or ce siècle de la Volupté n’
est
pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les
1525
ncarner ce rêve des Richelieu et des Casanova, je
suis
moins sûr de leur réalité que de celle du désir qui les crée. Ce dési
1526
Nous en avons donné plus d’un exemple. Le xviiie
est
trop poli pour admettre la gauloiserie : il la remplace par une affec
1527
de la publier. Cela pouvait encore étonner. Ce n’
était
encore, et ce ne sera jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Ju
1528
uvait encore étonner. Ce n’était encore, et ce ne
sera
jamais, qu’un idéalisme à rebours. 13.Don Juan et Sade Comme on
1529
tre l’antithèse absolue de Tristan. Si Don Juan n’
est
pas, historiquement, une invention du xviiie , du moins ce siècle a-t
1530
de celui qui ne peut pas posséder, parce qu’il n’
est
pas assez pour avoir… Mais cela nous entraînerait à quelques dévelop
1531
comme le reflet inversé de Tristan. Le contraste
est
d’abord dans l’allure extérieure des personnages, dans leur rythme. O
1532
e une seule femme. Mais c’est la multiplicité qui
est
pauvre, tandis que dans un être unique et possédé à l’infini se conce
1533
a multiplicité qui est pauvre, tandis que dans un
être
unique et possédé à l’infini se concentre le monde entier. Tristan n’
1534
nfin tout se ramène à cette opposition : Don Juan
est
le démon de l’immanence pure, le prisonnier des apparences du monde,
1535
s en plus décevante et méprisable — quand Tristan
est
le prisonnier d’un au-delà du jour et de la nuit, le martyr d’un ravi
1536
Casanova au niveau de l’aventure scélérate, tels
sont
les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie
1537
tal, et tout pouvoir de « sympathie ». La femme n’
est
plus pour l’homme du xviiie qu’un « objet ». Mesurons l’un à l’autre
1538
t des corps, la réalité d’un « objet ». Sade, qui
est
un homme du xviiie , connaît trop bien sa monotone tyrannie. Ce que P
1539
t, c’est lui qui détient le plaisir et le plaisir
est
une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’est par l’excès, car tout
1540
r est une fatalité. Comment s’en libérer, si ce n’
est
par l’excès, car tout excès vient de l’esprit ! Rien de plus glaciale
1541
euses » multipliées par la rage du Marquis. Là où
est
le plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance est le signe d’un
1542
par la rage du Marquis. Là où est le plaisir, là
sera
la souffrance, et la souffrance est le signe d’un rachat. Purificatio
1543
plaisir, là sera la souffrance, et la souffrance
est
le signe d’un rachat. Purification par le mal : péchons jusqu’à détru
1544
On ne tue bien que son amour, parce que lui seul
est
souverain. Le crime d’amour impur sauvera la pureté. Lisons maintenan
1545
ticuliers, nous ne pourrons pas sacrifier un seul
être
à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si
1546
un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ?
Est
-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous
1547
moi qui ai souligné.) Si le marquis de Sade avait
été
interrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se fût sans nul do
1548
rrogé sur les mobiles secrets de sa morale, il se
fût
sans nul doute réfugié derrière un verbiage cynique. Mais tous ses ar
1549
ière un verbiage cynique. Mais tous ses arguments
sont
transparents : ils signifient avec exactitude le contraire de leur se
1550
eur sens littéral150. Cette glorification du sexe
est
une constante et rationnelle profanation de la morale profanée du xvi
1551
ifester en tuant le criminel151. Car là seulement
serait
la délivrance — selon la foi des troubadours… 14. La Nouvelle Hélo
1552
mpérament des complicités bien profondes et qui n’
est
autre que le pétrarquisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n
1553
uisme. Le roman de Rousseau à proprement parler n’
est
pas une renaissance du mythe primitif de Tristan. Il n’a pas la viole
1554
rte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence
est
manifeste. L’Héloïse qui vécut au xiie 152 et dont nous possédons l
1555
renoncement à la passion, et cette mort de Julie
est
chrétienne — autant qu’il peut dépendre de Rousseau. (Il insiste long
1556
ut que suspecter un « calvinisme » qui parle de l’
Être
suprême et paraît ignorer le Christ…) Tout cela ne m’empêchera point
1557
man les croyances de ses personnages. Si Rousseau
fut
le premier à décrire ces erreurs, c’est qu’il en souffrit plus que d’
1558
complaisances qu’entraîne le genre romanesque. Il
est
visible que Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’es
1559
eau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie, n’
est
dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre de Jul
1560
s intéressées de l’Éros et de l’Agapè. « La vertu
est
si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une fois abandonné la vérit
1561
le, on s’en fait ensuite une à sa mode, et l’on y
tient
plus fortement peut-être, parce qu’elle est de notre choix. » Toutefo
1562
n y tient plus fortement peut-être, parce qu’elle
est
de notre choix. » Toutefois, l’on n’a pas tort d’attribuer au « clima
1563
) qu’il se met à douter sombrement : « Non, ce ne
sont
point ces transports que je regrette le plus : ah non ! retire s’il l
1564
onnerais mille vies, mais rends-moi tout ce qui n’
était
point elles, et les effaçait mille fois. Rends-moi cette étroite unio
1565
i pris pour toi des sentiments plus paisibles, il
est
vrai, mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les dou
1566
mble-t-il, sur la roture de Saint-Preux, laquelle
est
censée interdire toute possibilité d’union légale. D’où encore l’assi
1567
r » l’amour chaste qui les ravissait — bien qu’il
fût
dès ce moment condamnable — et « crime », « horreurs », « corruption
1568
ise trop souvent invoquée. Et ainsi de suite : il
serait
aisé de reprendre, à propos de la Nouvelle Héloïse, toute notre exégè
1569
forcé le dernier mystère de Tristan. Mon propos n’
est
point de recenser les innombrables manifestations du mythe dans nos l
1570
bien mon sentiment : chercher cette satisfaction
serait
folie. Mourir ensemble ! (Mais silence ! ceci paraît exalté, et pourt
1571
ion.155 Journal intime de Novalis : Lorsque j’
étais
sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donn
1572
’étais sur le tombeau [de sa fiancée] la pensée m’
est
venue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité étern
1573
ouverte. Que Dieu me conserve cette douleur qui m’
est
indiciblement chère… Notre engagement n’était pas pris pour ce monde…
1574
qui m’est indiciblement chère… Notre engagement n’
était
pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions f
1575
assions finissent comme une tragédie, tout ce qui
est
limité finit par la mort, toute poésie a quelque chose de tragique. U
1576
poésie a quelque chose de tragique. Une union qui
est
conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne
1577
ique. Une union qui est conclue même pour la mort
est
un mariage qui nous donne une compagne pour la Nuit. C’est dans la mo
1578
agne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’amour
est
le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un secr
1579
’amour est le plus doux ; pour le vivant, la mort
est
une nuit de noces, un secret de doux mystères. L’ivresse des sens app
1580
ut-être à l’amour comme le sommeil à la vie. Ce n’
est
pas la plus noble part, et l’homme vigoureux préférera toujours veill
1581
Nature. Dieu n’a rien à faire avec la Nature, il
est
le but de la Nature, l’élément avec lequel elle doit un jour s’harmon
1582
avec lequel elle doit un jour s’harmoniser. Nous
sommes
des esprits émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendro
1583
ivins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père
est
lui-même.156 Et dans les Hymnes à la Nuit, où l’Éros ténébreux supp
1584
profond de cette nouvelle hérésie albigeoise que
fut
le romantisme allemand. La mort est le but idéal des « hommes élevés
1585
lbigeoise que fut le romantisme allemand. La mort
est
le but idéal des « hommes élevés » de la Loge invisible de Jean-Paul.
1586
. Elle se confond avec l’amour chez Novalis. Elle
fut
pour Kleist « le seul accomplissement » possible d’une « passion d’am
1587
aquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne
sont
plus les seuls à tenter l’au-delà nocturne : un philosophe comme G. v
1588
tes de désir, tisse son filet autour de celle qui
est
apparue, et elle est à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif d
1589
on filet autour de celle qui est apparue, et elle
est
à lui… et elle n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration est
1590
lle qui est apparue, et elle est à lui… et elle n’
est
jamais à lui, car la soif de son aspiration est à jamais insatiable.
1591
n’est jamais à lui, car la soif de son aspiration
est
à jamais insatiable. C’est toute l’aventure des mystiques unitives q
1592
par le souvenir des cathares et de leur mystique
fut
composé par l’un des plus purs romantiques : c’est l’épopée des albig
1593
s albigeois de Lenau. On peut y lire ces vers qui
sont
une sorte de profession de foi de la « religion nouvelle » rêvée par
1594
ue Dieu nous voile, Passera, la Nouvelle Alliance
sera
rompue ; Alors nous concevrons Dieu comme l’Esprit, Alors se célébre
1595
lors se célébrera l’Alliance éternelle. L’Esprit
est
Dieu ! ce cri puissant retentira Comme un tonnerre de joie à travers
1596
é divine, considéré du point de vue de ce monde n’
est
plus qu’un élan vers la mort, une séparation essentielle. Tel est le
1597
lan vers la mort, une séparation essentielle. Tel
est
le tragique de l’Ironie transcendantale, ce mouvement perpétuel du ro
1598
s qu’elle peut concevoir et désirer (la nature, l’
être
aimé, le moi), tout ce qui n’est pas l’Unité incréée, la dissolution
1599
r (la nature, l’être aimé, le moi), tout ce qui n’
est
pas l’Unité incréée, la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasm
1600
la dissolution sans retour. Mais cet enthousiasme
est
réel, c’est l’« endieusement » des troubadours, l’endiosada des mysti
1601
t défaut au romantisme français. Ici, les données
sont
les mêmes mais le rythme est moins ample et l’esprit va trop vite au
1602
s. Ici, les données sont les mêmes mais le rythme
est
moins ample et l’esprit va trop vite au but. La France de la Révoluti
1603
le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’
est
point d’aube mystique à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’a
1604
ie d’amour au sommet de ces élancements. Le moi n’
est
jamais transcendé, il se refuse à l’illusion dernière d’une libératio
1605
puissance lucide. Romantisme mûri, désabusé, l’on
serait
même tenté de dire : trop rigoureux… Auprès de lui, Jean-Paul et Nova
1606
exalte la saveur de vivre : c’est peut-être qu’il
est
plus « naïf », plus assuré de la réalité de son au-delà. Voyez-les se
1607
son » qui conclut sur une épigramme : « Et encore
est
-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d’au
1608
à leurs chimères les plus consolantes, l’amour ne
sera
pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E.
1609
prit, la purification abstraite du sentiment. Les
êtres
et les choses, ces prétextes, percés par un regard désabusé, cesseron
1610
ercés par un regard désabusé, cesseront bientôt d’
être
les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures,
1611
vri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il
est
en son principe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On est dé
1612
pe : une autodestruction voluptueuse du moi. « On
est
détrompé sans avoir joui, dit René ; il reste encore des désirs et l’
1613
un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’
être
le symbole indispensable de la nostalgie passionnée. Dans l’Oberman d
1614
nnée. Dans l’Oberman de Sénancour, l’« obstacle »
est
purement intérieur, il est dans la dualité du moi qui ne peut ni s’af
1615
ancour, l’« obstacle » est purement intérieur, il
est
dans la dualité du moi qui ne peut ni s’affirmer ni se dissoudre, ni
1616
ni s’affirmer ni se dissoudre, ni se posséder ni
être
possédé. Nous savions que Tristan n’aimait pas Iseut pour elle-même,
1617
une image. Lui pourtant l’ignorait, et sa passion
était
naïve et forte. René et surtout Oberman ne peuvent même plus croire à
1618
de nos limites, mortelle mais divinisante. Rares
sont
toutefois les romantiques français qui atteignirent cette connaissanc
1619
ourrait seule le combler. Aimer passionnément, ce
serait
vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la
1620
te.) Il rirait bien si je lui démontrais que ce n’
est
là que l’empreinte du mythe dans son esprit, une habitude héritée de
1621
térature, puisque mystique et religion, pour lui,
sont
mortes. Mais il est obligé de constater que ce désir de passion, et l
1622
tique et religion, pour lui, sont mortes. Mais il
est
obligé de constater que ce désir de passion, et la passion elle-même
1623
et la passion elle-même dans le monde où il vit,
sont
condamnés par la raison et par le scepticisme général. D’où le besoin
1624
« Quoiqu’il traite de l’amour, ce petit volume n’
est
point un roman, et surtout n’est pas amusant comme un roman. C’est to
1625
e petit volume n’est point un roman, et surtout n’
est
pas amusant comme un roman. C’est tout uniment une description exacte
1626
assion se trompe souvent, précise-t-il, mais elle
est
en soi une erreur… Le cas Stendhal n’est pas douteux : il s’agit d’un
1627
ais elle est en soi une erreur… Le cas Stendhal n’
est
pas douteux : il s’agit d’un homme qui n’aimait pas réellement, et qu
1628
me qui n’aimait pas réellement, et qui surtout ne
fut
pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais cel
1629
t pas réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan
était
aimé ; mais celui qui n’a du premier que la nostalgie, et du second q
1630
tradition antique, sauf qu’il s’affirme heureux d’
être
malade. Le voici donc dans la situation d’un médecin qui étudie sur l
1631
re la cristallisation et l’idéalisation courtoise
tient
en ceci : Stendhal sait qu’il y aura décristallisation (retour à la l
1632
vaudeville. Une chose me frappe ; sa description
est
admirable de vivacité, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais ell
1633
, d’exactitude, parfois de profondeur ; mais elle
est
totalement pessimiste — puisque aussi bien il s’agit d’une erreur et
1634
ien il s’agit d’une erreur et dont il se désole d’
être
tiré. D’où peut provenir ce pessimisme incompatible avec la conceptio
1635
incompatible avec la conception de la vie qu’il s’
était
faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamais. Il note très bien
1636
agrément dans la quantité d’émotion, la sympathie
est
au moins la moitié moins excitée par la peinture du bonheur que par c
1637
« Il y a peu de peines morales dans la vie qui ne
soient
rendues chères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai
1638
ères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui
est
vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela
1639
viennent donc ce goût et ce dégoût bizarres ? Ne
sont
-ils pas contre nature ? Encore une fois, Stendhal ne se pose pas la q
1640
une fois, Stendhal ne se pose pas la question, n’
étant
pas en mesure de la résoudre. En matérialiste grossier — c’est la bon
1641
rois, comme Ortega, que la solution stendhalienne
est
d’abord inexacte, au regard des faits. Il existe un amour qui, loin d
1642
aits. Il existe un amour qui, loin de se tromper,
est
seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s
1643
se tromper, est seul capable de découvrir dans l’
être
aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’est-ce point là
1644
les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’
est
-ce point là le type d’une solution verbale ? Car dire que la passion
1645
d’une solution verbale ? Car dire que la passion
est
une erreur — elle l’est parfois — ce n’est pas encore expliquer cette
1646
? Car dire que la passion est une erreur — elle l’
est
parfois — ce n’est pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou l
1647
assion est une erreur — elle l’est parfois — ce n’
est
pas encore expliquer cette erreur. L’instinct ou la nature n’ont pas
1648
ir que de l’esprit. La vérité, c’est que Stendhal
est
la victime d’un phénomène spirituel que ses croyances matérialistes n
1649
mène spirituel que ses croyances matérialistes ne
sont
plus en mesure de justifier. Victime heureuse d’ailleurs, et cela suf
1650
l’empêcher de pousser plus avant son enquête. Qu’
est
-ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’une inquiétude qu
1651
ent s’en libérer, mais il en a perdu la clé. Ce n’
est
pas qu’au cours de sa recherche Stendhal n’ait plusieurs fois « brûlé
1652
la (dans Tristan et Isolde) savait que la passion
est
quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle est une décision fondame
1653
est quelque chose de plus que l’erreur : qu’elle
est
une décision fondamentale de l’être, un choix en faveur de la Mort, s
1654
reur : qu’elle est une décision fondamentale de l’
être
, un choix en faveur de la Mort, si la Mort est la libération d’un mon
1655
l’être, un choix en faveur de la Mort, si la Mort
est
la libération d’un monde ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œ
1656
ordonné par le mal. Mais l’audace de cette œuvre
est
de celles qui ne peuvent être tolérées qu’à la faveur d’une totale mé
1657
udace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent
être
tolérées qu’à la faveur d’une totale méprise, organisée et entretenue
1658
es, on a fini par croire que le Tristan de Wagner
est
un drame du désir sensuel. Qu’un tel jugement ait pu s’accréditer en
1659
diter en dépit de flagrantes évidences, voilà qui
est
significatif au plus haut point de la nécessité sociale des mythes. (
1660
hanté la Nuit de la dissolution des formes et des
êtres
, la libération du désir, l’anathème sur le désir, la gloire crépuscul
1661
faut au bourgeois pour ressentir sa vie… Qu’on y
soit
parvenu si rapidement et complètement ne saurait d’ailleurs témoigner
1662
lité l’opération. Ainsi le Tristan de Wagner peut
être
impunément repris devant des salles émues en toute sécurité ; si fort
1663
ant des salles émues en toute sécurité ; si forte
est
la certitude générale que personne ne croira son message. ⁂ Le drame
1664
’affront subi. Le philtre qu’elle offre à Tristan
est
destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’Amour condamne, d’u
1665
lois du jour, la haine, l’honneur et la vengeance
sont
devenues sans force sur leurs cœurs. Les initiés pénètrent au monde n
1666
— ils ont déjà pressenti l’autre mort, celle qui
est
le seul accomplissement de leur amour. Le deuxième acte est le chant
1667
l accomplissement de leur amour. Le deuxième acte
est
le chant de la passion des âmes prisonnières des formes. Tous les obs
1668
s. Tous les obstacles surmontés, quand les amants
sont
seuls enveloppés de ténèbres, c’est le désir charnel qui les sépare e
1669
c’est le désir charnel qui les sépare encore. Ils
sont
ensemble et pourtant ils sont deux. Il y a ce et de Tristan « et » Is
1670
sépare encore. Ils sont ensemble et pourtant ils
sont
deux. Il y a ce et de Tristan « et » Isolde qui signifie leur dualité
1671
itude et la substance de cette double nostalgie d’
être
un. Car seule elle détient le pouvoir d’harmoniser la plainte de deux
1672
ce. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’amour
est
déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traître M
1673
⁂ Cependant la forme d’art que Wagner a choisie n’
est
pas sans recréer des possibilités de « méprise ». Il fallait que ce f
1674
es possibilités de « méprise ». Il fallait que ce
fût
un opéra, pour deux raisons qui tiennent à l’essence même du mythe. D
1675
allait que ce fût un opéra, pour deux raisons qui
tiennent
à l’essence même du mythe. De même que le péché du premier homme, et
1676
mier acte, introduisent la lutte et la durée, qui
sont
les éléments du drame. Mais le drame ne peut pas tout dire, la religi
1677
ne peut pas tout dire, la religion de la passion
étant
« essentiellement lyrique ». Dès lors la musique seule sera capable d
1678
entiellement lyrique ». Dès lors la musique seule
sera
capable d’exprimer la dialectique transcendantale, le caractère éperd
1679
re, contrapuntique de la passion de la Nuit — qui
est
l’appel au Jour incréé. La définition même de la musique occidentale,
1680
achevé par la musique, c’est l’opéra. Ainsi, ce n’
est
point un hasard si le mythe de Tristan et celui de Don Juan n’ont pu
1681
seule peut bien parler de la tragédie, dont elle
est
la mère et la fille. Toutefois, dans le cas de Tristan, l’élément pla
1682
fond de l’action. Tant qu’on regarde la scène, on
est
victime de l’illusion des formes — et des plus ridicules. Il n’y a là
1683
es mélodies révèle un monde où le désir charnel n’
est
plus qu’une dernière et brûlante langueur dans l’âme qui se guérit de
1684
e annonce que le jour meurt, et que déjà l’aube n’
est
plus qu’un crépuscule vainement exalté. ⁂ Un second lieu commun de la
1685
Wagner lui-même, il me paraît que cette influence
est
fortement surestimée. Un créateur de la taille de Wagner ne met pas d
1686
te ce qu’il faut retenir de la rencontre, et ce n’
est
pas d’un immense intérêt. L’ascèse, la négation du monde créé, l’iden
1687
C’est parce qu’il la portait vivante en lui qu’il
fut
le premier à retrouver sa trace dans les symboles des minnesänger, da
1688
de la légende, dans sa virulence intégrale, ce n’
est
point là une thèse à faire admettre, c’est l’évidence largement décla
1689
termes du vocabulaire de l’existence, décrivant l’
être
en situation d’agir, non les objets. Achèvement désigne l’expression
1690
jets. Achèvement désigne l’expression totale d’un
être
, d’un mythe ou d’une œuvre ; d’autre part, désigne leur mort. Ainsi l
1691
, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque
est
diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors, implique la conn
1692
ent profané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’
être
un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que l
1693
passion dont le besoin revient nous tourmenter n’
est
plus qu’une maladie de l’instinct, rarement mortelle, régulièrement t
1694
gradante, par rapport au mythe de Tristan, que le
serait
par exemple l’alcoolisme par rapport à l’ivresse divine que chantaien
1695
ionnelle, donc admissible par l’ordre social — ce
fut
le théâtre de Dumas à Bataille. La fameuse « pièce à trois personnage
1696
an à la mesure d’une société moderne. Le roi Marc
est
devenu le Cocu ; Tristan, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épou
1697
les s’affrontent. Les barons félons de la légende
sont
figurés par les tenants de la morale « conformiste ». Ils défendent l
1698
eois, l’héritage, les convenances et l’Ordre. Ils
sont
du côté du mari, et donc légèrement ridicules. Mais la morale contrai
1699
Mais la morale contraire triomphe régulièrement —
fût
-ce au prix d’un coup de pistolet. C’est la morale du romantisme, des
1700
res victimes l’élaboration du vieux philtre. Elle
est
minutieusement décrite, jusque dans des ruses inconscientes, en des c
1701
ui feint de le renier, mais qui en vit. Le calcul
est
très simple, et bien entendu inconscient. L’idéal glorifié par la lit
1702
ale du mariage en souffre évidemment, mais cela n’
est
pas d’une gravité urgente, puisqu’on sait bien que l’institution matr
1703
i, les seuls écarts considérés comme intolérables
sont
ceux qui entraînent une dilapidation du « patrimoine » de la famille.
1704
de tentures luxueuses. Or cette figure de style n’
est
pas sans relations avec le mythe au dernier stade de sa déchéance. El
1705
à trois, l’idéalisme tragique du mythe originel n’
est
plus qu’une nostalgie assez vulgaire, idéalisation de désirs anodins,
1706
jours une révolte qui se veut « primitive ». Ce n’
est
plus le sentiment que l’on idéalise, c’est l’instinct. Je songe à une
1707
Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme
est
d’abord une femelle. Nous la ferons se traîner sur le ventre vers le
1708
dure, voilà ce qui peut nous purifier. Vos tabous
sont
des sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie, c
1709
sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qui
est
la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande pui
1710
lle brute déchaînée, etc. » L’un de ces prophètes
est
allé jusqu’à dire : « Je voudrais avoir autant de vitalité qu’une vac
1711
sme solaire, mais la pratique de cette croyance n’
est
pas de nature à nous tromper un seul instant : il n’y a pas de « bell
1712
faillite — une dette que plus personne, là-bas, n’
est
disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit
1713
comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il
était
cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui est
1714
la confusion, et il l’a payé de sa vie, voilà qui
est
clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins clair : quand sous pr
1715
, voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui
est
non moins clair : quand sous prétexte de détruire l’artificiel — rhét
1716
lors, redescendre au-dessous de nos morales, ce n’
est
pas nous libérer de leurs interdictions, descendre au-dessous de l’ex
1717
s, nous engageait dans les voies irréelles), ce n’
est
pas revenir au réel, mais s’égarer dans la zone de terreur et dans le
1718
zone de terreur et dans les terrains vagues où se
sont
déversés tous les rebuts d’une civilisation intoxiquée. L’« authentiq
1719
s obsède, nous ne pourrons pas le retrouver. Il n’
est
pas au terme d’un mouvement d’abandon à l’instinct énervé et au resse
1720
tinct énervé et au ressentiment de la chair. Il n’
est
pas caché mais perdu. Il ne peut qu’être recréé par un effort contrai
1721
air. Il n’est pas caché mais perdu. Il ne peut qu’
être
recréé par un effort contraire à la passion, c’est-à-dire par une act
1722
urification — un retour à la sobriété. Agir, ce n’
est
pas s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’est pas tuer ce
1723
s’évader hors d’un monde déclaré diabolique. Ce n’
est
pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’est pas non plus tirer son revolv
1724
que. Ce n’est pas tuer ce corps gênant. Mais ce n’
est
pas non plus tirer son revolver contre l’esprit sous prétexte qu’il n
1725
en vérité, c’est accepter les conditions qui nous
sont
faites, dans le conflit de l’esprit et de la chair ; et c’est tenter
1726
tte à l’esprit et retrouve par lui sa paix. Telle
est
la voie. Éros mortel, Éros vital — l’un appelle l’autre, et chacun d’
1727
à la guerre, la société devait la persécuter. Ce
fut
Rome qui porta le fer et le feu dans les provinces gagnées à l’hérési
1728
é elle, cette glorification de l’amour humain qui
était
l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté à la fois essenti
1729
nnaissance mystique réprouvée, puis perdue. Telle
fut
la chance de la littérature en Occident ; et cela seul peut expliquer
1730
n se mettant au service de mystiques partisanes ?
Serait
-ce la fin du romantisme ? Le spectacle de nos mœurs n’autorise pas ce
1731
et déjà s’exalte en « mystiques ». C’est que nous
sommes
devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de
1732
r en figures. Les dernières formes de l’amour ont
été
balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemple symbolique :
1733
a, Pétrarque. 129. Sainte Thérèse : « Ces grâces
sont
accompagnées d’un entier détachement des créatures, quant à l’esprit…
1734
r par Dieu lui-même, considère toutes choses sans
être
enchaînée par aucune. » 136. Le Déclin du Moyen Âge. 137. Selon A.
1735
e. 149. L’abbé de Sade, propre oncle du marquis,
est
l’auteur d’un ouvrage intitulé : Remarques sur les premiers poètes fr
1736
Rappelons que l’amour fameux d’Abélard et Héloïse
est
le premier exemple historique de la passion dont nous parlons ici. Vo
1737
daient l’union des habitants des cieux : Déjà ils
sont
entrés dans le sanctuaire du Sauveur. Abélard répondit assez mal à c
1738
: « Amoris impulsio, culpæ justificatio. » 153.
Est
-ce la faute à Rousseau ? Ou plutôt au symbolisme ? Beaucoup de dames
1739
ui dont les yeux ont une fois contemplé la beauté
est
déjà voué à la mort… » 155. Les italiques sont dans le texte origina
1740
té est déjà voué à la mort… » 155. Les italiques
sont
dans le texte original. 156. Autre vision manichéenne du monde : la
1741
er les quatre saisons de l’esprit : le matin, qui
est
l’éclairage illimité de l’univers ; le jour, forme illimitée de la cr
1742
lozengier. 163. Cf.chap. II, livre II. Le roman
est
un poème qui n’exprime plus l’instant mais la durée. 164. Surtout l
1743
ormes Du désir à la mort par la passion, telle
est
la voie du romantisme occidental ; et nous y sommes tous engagés pour
1744
est la voie du romantisme occidental ; et nous y
sommes
tous engagés pour autant que nous sommes tributaires — inconsciemment
1745
t nous y sommes tous engagés pour autant que nous
sommes
tributaires — inconsciemment bien entendu — d’un ensemble de mœurs et
1746
l’éducation, la politique. Un fort gros livre ne
serait
pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce liv
1747
mêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre
soit
écrit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche. Car
1748
urtout à les situer dans la logique du mythe, qui
est
mon vrai sujet. On peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’e
1749
peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’
est
pas moins instructif, en ce domaine, que la recherche des causes, et
1750
ce domaine, que la recherche des causes, et qu’il
est
certainement moins trompeur. Il n’est pas nécessaire par exemple de r
1751
s, et qu’il est certainement moins trompeur. Il n’
est
pas nécessaire par exemple de recourir aux théories de Freud pour con
1752
constater que l’instinct de guerre et l’érotisme
sont
fondamentalement liés : les figures courantes du langage le font voir
1753
ntes relatives à la genèse des instincts, je m’en
tiendrai
à quelques rapprochements formels entre les arts d’aimer et de guerro
1754
yer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos
étant
simplement de marquer un parallélisme entre l’évolution du mythe et l
1755
re les effets de l’amour naturel. Le dieu d’amour
est
un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l’hom
1756
me se rend à l’homme qui la conquiert parce qu’il
est
le meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie est la possession
1757
meilleur guerrier. L’enjeu de la guerre de Troie
est
la possession d’une femme. Et l’un des plus anciens romans que nous p
1758
nstinct sexuel et de l’instinct combatif. Mais il
serait
vain de chercher des ressemblances entre la tactique des Anciens et l
1759
ent les gestes élémentaires du guerrier, mais qui
sont
empruntées d’une façon très précise à l’art des batailles, à la tacti
1760
bien typique de la courtoisie, c’est l’amant qui
sera
son prisonnier en même temps que son vainqueur. Il deviendra le vassa
1761
nteries à double sens. Ce parallélisme d’ailleurs
est
complaisamment exploité par les écrivains. C’est un thème de rhétoriq
1762
de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’amour
soit
comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’une guerre épo
1763
que ses tendres paroles. Ses flèches et ses coups
sont
les bienfaits et les dons. Sa rencontre est une offre de grande effic
1764
oups sont les bienfaits et les dons. Sa rencontre
est
une offre de grande efficacité. Les soupirs composent son artillerie.
1765
composent son artillerie. Sa prise de possession
est
un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a
1766
rise de possession est un embrassement. Sa tuerie
est
de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise
1767
de la Nuit. La mort y joue un rôle central : elle
est
la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort
1768
et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort
sont
reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés désir et guerre
1769
rt sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct
sont
reliés désir et guerre. Mais ni cette origine religieuse, ni cette co
1770
la guerre « Donner un style à l’amour », telle
est
, selon J. Huizinga, l’aspiration suprême de la société médiévale dans
1771
, un besoin d’autant plus impérieux que les mœurs
sont
plus féroces. Il faut élever l’amour à la hauteur d’un rite, la viole
1772
té spirituelle de la société médiévale !) Or s’il
est
vrai que cette morale courtoise ne parvint guère à transformer les mœ
1773
andi, qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’
est
pas seulement dans le détail des règles de combat individuel que se f
1774
à cette époque une valeur d’absolu religieux. Il
est
fréquent qu’on se laisse tuer pour respecter des conventions d’une me
1775
re eux. » De même, les nécessités de la stratégie
sont
sacrifiées à celles de l’esthétique ou de l’honneur courtois. « En 14
1776
sance abandonnent la cotte d’armes afin de ne pas
être
, en revenant, obligés de reculer en vêtements guerriers. Maintenant,
1777
r ses pas ; il passe la nuit dans l’endroit où il
est
, et fait se ranger l’avant-garde conformément à ce nouveau plan. » Le
1778
le péril qu’on recherche pour lui-même, car on n’
est
pas inapte en d’autres cas à trouver des prétextes pour esquiver ses
1779
étend à tous les domaines où le style et la forme
sont
choses essentielles ; les cérémonies, l’étiquette, les tournois, la c
1780
in, droit d’attaque — fidélité à la parole donnée
sont
régis par des règles semblables à celles qui gouvernent le tournoi et
1781
la chasse. » L’Arbre des Batailles d’Honoré Bonet
est
un traité sur le droit de guerre où l’on trouve discutées pêle-mêle à
1782
Si l’on perd dans la mêlée une armure empruntée,
est
-on tenu de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de
1783
n perd dans la mêlée une armure empruntée, est-on
tenu
de la rendre ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? —
1784
ne armure empruntée, est-on tenu de la rendre ? —
Est
-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieux se bat
1785
au Moyen Âge par la conception chevaleresque, ce
sont
essentiellement selon Huizinga : la lutte pour la paix universelle ba
1786
le saint ou le pécheur ; mais en général, ils se
tiennent
en équilibre instable avec d’énormes écarts de la balance. » 4.Les
1787
e. » 4.Les tournois, ou le mythe en acte II
est
pourtant un domaine où s’opère la synthèse à peu près parfaite des in
1788
s de l’amour romanesque ne devaient pas seulement
être
présentés sous forme de lecture, mais surtout donnés en spectacle. Ce
1789
a représentation dramatique et le sport. Celui-ci
est
, au e, de beaucoup le plus important. Le drame ne traitait encore, en
1790
que la matière sacrée ; l’aventure amoureuse n’y
était
qu’exceptionnelle. Le sport médiéval, au contraire, et surtout le tou
1791
rt médiéval, au contraire, et surtout le tournoi,
était
lui-même dramatique au plus haut point et contenait, en outre, une fo
1792
et amoureux ; mais tandis que les sports modernes
sont
presque retournés à la simplicité grecque, le tournoi de la fin du Mo
1793
ve à l’accomplissement du désir, et la délivrance
est
donc de toute manière assurée. » La mise en scène des tournois emprun
1794
cle, le Pas d’Armes dit de la Fontaine des Pleurs
est
basé sur une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine est constr
1795
une aventure romanesque imaginaire. « La fontaine
est
construite à cet effet. Pendant une année entière, tous les premiers
1796
oyer, devant la fontaine, une tente dans laquelle
est
assise une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci tient une licor
1797
se une dame (en effigie naturellement) ; celle-ci
tient
une licorne qui porte trois écus. Tout chevalier qui touche l’écu s’e
1798
s des chevaux prêts à cet usage. » « Le chevalier
est
toujours inconnu ; c’est « le blanc chevalier », « le chevalier mesco
1799
alamedes… Le plus souvent, un voile de mélancolie
est
répandu sur toute l’action ; le nom de la Fontaine des Pleurs est émi
1800
toute l’action ; le nom de la Fontaine des Pleurs
est
éminemment suggestif. Les écus sont blancs, violets et noirs, semés d
1801
ine des Pleurs est éminemment suggestif. Les écus
sont
blancs, violets et noirs, semés de larmes blanches ; on les touche pa
1802
rmes d’argent… Pour l’Arbre Charlemagne, les écus
sont
noirs et violets aux larmes noires ou or. » L’élément érotique du tou
1803
sins. » ⁂ Cependant, la grande vogue des tournois
est
l’indice d’un déclin de la chevalerie. Celle-ci se heurte dès le débu
1804
. « En tant que principe militaire, la chevalerie
était
devenue insuffisante ; la tactique avait depuis longtemps renoncé à s
1805
es règles : la guerre, aux xive et xve siècles,
était
faite d’approches furtives, d’incursions et de raids. » Cependant « v
1806
evalerie et celle de l’art militaire moderne ; il
est
un élément dans la mécanisation de la guerre. » Enfin le coup de grâc
1807
canisation de la guerre. » Enfin le coup de grâce
sera
porté à la chevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’est-ce
1808
hevalerie par l’invention de l’artillerie. « Et n’
est
-ce pas une ironie du sort qui fit que cette fleur des chevaliers erra
1809
rants à la mode de Bourgogne, Jacques de Lalaing,
fut
tué par un boulet de canon ? » ⁂ Il n’en reste pas moins que les conv
1810
ondottieri et canons « L’Italie n’avait jamais
été
si florissante ni si paisible qu’elle l’était vers l’année 1490. Une
1811
amais été si florissante ni si paisible qu’elle l’
était
vers l’année 1490. Une paix profonde régnait dans ses provinces : les
1812
dans ses provinces : les montagnes et les plaines
étaient
également fertiles ; riche, bien peuplée et ne reconnaissant point de
1813
d’empêcher qu’on y tuât du monde. Ces aventuriers
étaient
avant tout d’avisés diplomates, d’astucieux commerçants. Ils savaient
1814
des vaincus et presque toujours respectée. Ils ne
sont
pas longtemps prisonniers et ils recouvrent très aisément la liberté.
1815
. Une ville a beau se révolter vingt fois, elle n’
est
jamais détruite ; les habitants conservent toutes leurs propriétés ;
1816
onc le contraire d’une « militarisation ». L’État
était
devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre e
1817
l’expression de Burckhardt. La guerre elle-même s’
était
civilisée dans toute la mesure où le paradoxe est soutenable. Le duel
1818
ait civilisée dans toute la mesure où le paradoxe
est
soutenable. Le duel des chefs était fort en honneur, et suffisait à t
1819
où le paradoxe est soutenable. Le duel des chefs
était
fort en honneur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’était pl
1820
neur, et suffisait à terminer une campagne. (Ce n’
était
plus d’ailleurs un « jugement de Dieu », mais le triomphe d’une perso
1821
t dans les Allemagnes. Si par ailleurs, la guerre
était
devenue diplomatique dans les hautes sphères, et vénale dans la prati
1822
on sens moderne de politesse et de civilité. Il n’
était
plus question de condamner la vie. Et « l’instinct de mort » semblait
1823
e passage de ce prince en Italie, dit Guichardin,
fut
la source d’une infinité de maux et de révolutions. Les États changèr
1824
ats changèrent tout à coup de face, les provinces
furent
ravagées, les villes détruites, et tout le pays fut inondé de sang… L
1825
t ravagées, les villes détruites, et tout le pays
fut
inondé de sang… L’Italie apprit aussi une nouvelle mais sanglante mét
1826
ment la paix et l’harmonie de nos provinces qu’il
fut
depuis impossible d’y rétablir l’ordre et la tranquillité. »177 Ce n
1827
y rétablir l’ordre et la tranquillité. »177 Ce n’
était
pas que les Italiens eussent ignoré l’usage de l’artillerie jusqu’à c
1828
gère, et dont les pièces qu’ils appelaient canons
étaient
toutes de bronze… Les décharges étaient si fréquentes et si fortes qu
1829
nt canons étaient toutes de bronze… Les décharges
étaient
si fréquentes et si fortes qu’elles faisaient en peu de temps ce qu’o
1830
s ; enfin cette machine plus infernale qu’humaine
était
aussi utile aux Français dans les combats que dans les sièges… ». Aut
1831
e des condottieri « la plupart des hommes d’armes
étaient
ou paysans ou de la lie du peuple, presque toujours sujets d’un autre
1832
celui pour lequel ils faisaient la guerre », et n’
étaient
donc animés « ni par aucun sentiment de gloire ni par aucun motif ext
1833
it comme une armée nationale : « Les gens d’armes
étaient
presque tous sujets du Roi et gentilshommes » ce qui les empêchait de
1834
ampagne, sur les 3000 hommes engagés, plus de 100
furent
tués : « Nombre considérable par rapport à la manière dont on faisait
1835
guerre en Italie », remarque Guichardin. Et ce n’
était
vraiment qu’un début ! Burckhardt affirme que les dévastations frança
1836
urckhardt affirme que les dévastations françaises
furent
peu de chose en comparaison de celles commises un peu plus tard par l
1837
hommes de guerre, aux xviie et xviiie siècles,
sera
de dominer le monstre mécanique, afin de sauver autant que possible l
1838
donner un style à l’instinct. La guerre classique
est
un effort pour conserver et recréer ce style malgré l’intervention de
1839
nt des forces de l’adversaire. Le monde militaire
est
toujours tombé dans ces erreurs quand il s’est mis à abandonner la no
1840
re est toujours tombé dans ces erreurs quand il s’
est
mis à abandonner la notion droite et simple des lois de la guerre, à
1841
les résolutions des hommes. » — « Spiritualiser »
est
peut-être excessif : il ne s’agissait guère que de rationaliser. Mais
1842
de rationaliser. Mais l’expression (méprisante !)
est
bien typique de la psychologie qui apparaîtra dès la Révolution franç
1843
s laquelle nulle civilisation et nulle culture ne
sont
proprement concevables. Racine aussi, nous l’avons vu, croyait qu’on
1844
secrètement désirés ; mais la grandeur de l’homme
est
de limiter leur champ, de les canaliser et de les utiliser, on dirait
1845
uerre en dentelles L’exemple du xviiie siècle
est
le plus propre à illustrer le parallèle de l’amour et de la guerre. I
1846
its de tueries inouïes ; la gloire d’un chevalier
est
faite du nombre de ses adversaires pourfendus et décapités, et si pos
1847
t d’autre que trois morts. C’est l’art savant qui
est
à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne suis point pour les bata
1848
est à l’honneur. Maurice de Saxe écrit : « Je ne
suis
point pour les batailles, surtout au début d’une guerre. Je suis pers
1849
les batailles, surtout au début d’une guerre. Je
suis
persuadé qu’un bon général pourra la faire toute sa vie sans s’y voir
1850
igé. » S’il faut cependant en venir aux mains, ce
sera
du moins pour une bataille « rangée », un siège « en règle », et la t
1851
s ennemies — en véritable héros de l’Astrée qu’il
fut
. Et cette suprême politesse devant la mort, à Fontenoy. ⁂ Mais voici
1852
ui nous en coûte pour guerroyer cinq ans. Quel en
est
le résultat ? Car le succès définitif est incertain. Avec bien du bon
1853
Quel en est le résultat ? Car le succès définitif
est
incertain. Avec bien du bonheur, on peut espérer de détruire 150 000
1854
sans compter la perte sur notre population, qui n’
est
réparée qu’au bout de vingt-cinq ans. Au lieu de cet attirail dispend
1855
erling. C’est la plus forte évaluation, et ils ne
sont
pas tous aussi chers, comme on sait ; mais enfin, il y aurait encore
1856
etourner la position… Et l’attaque commencée, ils
sont
jusqu’au bout des comédiens étonnants, pareils à ces livres du temps
1857
lesquels il n’y a pas un sentiment exprimé qui ne
soit
feint ou dissimulé… « N’omettre rien », c’est le précepte de l’un d’e
1858
la passion sur le plan collectif. À vrai dire, il
est
plus facile de le sentir que de l’expliquer rationnellement. Toute pa
1859
nellement. Toute passion, dira-t-on, suppose deux
êtres
, et l’on ne voit pas à qui s’adresse la passion assumée par la Nation
1860
ns toutefois que la passion d’amour, par exemple,
est
en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’amant, bien plus que
1861
le au monde. « Mon regard ravi s’aveugle… Seul je
suis
— Moi le monde… » La passion veut que le moi devienne plus grand que
1862
ns le savoir) qu’au-delà de cette gloire, sa mort
soit
véritablement la fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi, est
1863
a fin de tout. L’ardeur nationaliste, elle aussi,
est
une autoexaltation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vra
1864
tation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il
est
vrai que sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un amour : pr
1865
et qu’on proclame. Mais cette haine de l’autre, n’
est
-elle pas toujours présente dans les transports de l’amour-passion ? I
1866
gt fois supérieures, à l’heure où liberté et mort
étaient
bien près d’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre sont lié
1867
’avoir le même sens… Ainsi la nation et la Guerre
sont
liées comme l’Amour et la Mort. Désormais le fait national sera le fa
1868
me l’Amour et la Mort. Désormais le fait national
sera
le facteur dominant de la guerre. « Celui qui écrit sur la stratégie
1869
et une tactique nationales, seules susceptibles d’
être
profitables à la nation pour laquelle il écrit. » Ainsi s’exprime le
1870
a Révolution et de l’Empire. La bataille de Valmy
fut
gagnée par la passion contre la « science exacte ». C’est au cri de V
1871
ainsi cette phrase fameuse : « Une ère nouvelle s’
était
ouverte, celle des guerres nationales aux allures déchaînées parce qu
1872
éléments de force jusqu’alors inexploités. » ⁂ Il
serait
assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte
1873
étorique et la surprise massive, brutale… Et il n’
est
pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo fut une bataille perd
1874
t pas sans intérêt non plus de noter que Waterloo
fut
une bataille perdue par excès de science, peut-être, ou par défaut d’
1875
ar défaut d’élan national-révolutionnaire… Ce qui
est
certain, c’est que Napoléon fut le premier à tenir compte du facteur
1876
tionnaire… Ce qui est certain, c’est que Napoléon
fut
le premier à tenir compte du facteur passionnel dans la conduite des
1877
énéraux qu’il venait de battre en Italie : « Il n’
est
pas possible de méconnaître, comme ce Bonaparte, les principes les pl
1878
et tragique » (Foch). Il faudrait préciser : ce n’
est
pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du
1879
sionnelle d’un Fichte et d’un Hegel, par exemple,
furent
les premiers appuis du nationalisme allemand. D’où le caractère de pl
1880
oïque. (De tous temps les guerres de religion ont
été
de beaucoup les plus violentes.) Ceci vaut pour les trois premiers qu
1881
sse pas de s’exercer au nom de la Nation, mais ce
sont
bel et bien des intérêts qui mènent le jeu, ainsi que l’a fort bien m
1882
Foch, dans ses Principes de la guerre : La guerre
fut
nationale au début pour conquérir et garantir l’indépendance des peup
1883
, Saragosse, Tarancon, Moscou, Leipzig, etc. Elle
fut
nationale par la suite pour conquérir l’unité des races, la nationali
1884
e des Italiens et des Prussiens de 1866, 1870. Ce
sera
la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’Allema
1885
, des traités de commerce avantageux. Après avoir
été
le moyen violent que les peuples employaient pour se faire une place
1886
commerce suit le drapeau, disent les Anglais. Ce
fut
la période coloniale, la dernière « paix » méritée par l’Europe. On a
1887
sociale (mais à la mesure de notre société). Ce n’
était
plus, en effet, un principe spirituel qui inspirait les « formes » et
1888
s (conquête de Madagascar). La guerre coloniale n’
est
en somme que la continuation de la concurrence capitaliste par des mo
1889
mpagnies. Vers la fin du xixe siècle, l’amour183
était
devenu ; dans les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sen
1890
s de rentes et de dots : ce qu’il n’a pas cessé d’
être
aujourd’hui dans les annonces matrimoniales. La sexualité pure n’inte
1891
l’absinthe, et c’est pourquoi Jarry dit que l’eau
est
impure.) De même la guerre était un composé d’excitations de l’opinio
1892
arry dit que l’eau est impure.) De même la guerre
était
un composé d’excitations de l’opinion publique — qu’est-ce que la « r
1893
composé d’excitations de l’opinion publique — qu’
est
-ce que la « revanche », sinon un sentimentalisme national ? — et de p
1894
ècles de culture de la passion. La guerre de 1914
fut
l’un des résultats les plus notables de cette méconnaissance du mythe
1895
erie entre les formes de l’amour et de la guerre,
soit
rompu. Certes, le but concret de la guerre fut toujours de forcer la
1896
, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre
fut
toujours de forcer la résistance ennemie, en détruisant sa force armé
1897
on », choses et personnes assimilées. La guerre n’
est
plus un viol mais un assassinat de l’objet convoité et hostile — c’es
1898
sant cet objet au lieu de s’en emparer. Verdun ne
fut
d’ailleurs qu’un prodrome de cette guerre nouvelle, puisque le procéd
1899
mais sur la chair qui fabrique les canons, ce qui
est
évidemment plus efficace. La technique de la mort à grande distance
1900
elle se retourne contre la passion même dont elle
est
née. Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui est nouveau da
1901
Et c’est cela, non l’envergure des massacres, qui
est
nouveau dans l’histoire du monde. Là-dessus, trois remarques dont on
1902
dessus, trois remarques dont on verra qu’elles ne
sont
pas sans liens : a) La guerre est née dans les campagnes : elle a mê
1903
a qu’elles ne sont pas sans liens : a) La guerre
est
née dans les campagnes : elle a même porté leur nom jusqu’à nos jours
1904
des masses paysannes, la Première Guerre mondiale
fut
un premier contact avec la civilisation technique. Une sorte de visit
1905
calculatrices d’ingénieurs. Désormais, l’homme n’
est
plus que le servant du matériel ; il passe lui-même à l’état de matér
1906
l’état de matériel, d’autant plus efficace qu’il
sera
moins humain dans ses réflexes individuels. Ainsi, malgré le dopage e
1907
prévisions de la psychologie. L’instinct combatif
est
déçu. De 1914 à 1918, l’explosion habituelle de sexualité qui accompa
1908
xualité qui accompagnait les grands conflits ne s’
est
guère produite qu’à l’arrière dans les populations civiles. En dépit
1909
t de soldats prouvent que la guerre du matériel s’
est
traduite en réalité par une « catastrophe sexuelle »184. L’impuissanc
1910
tels qu’onanisme chronique et homosexualité, tel
fut
le résultat statistique de quatre années passées dans les tranchées.
1911
t de la « déclaration » de guerre. Les traités ne
seront
plus la solennelle conclusion des hostilités. Les distinctions arbitr
1912
mberont. D’où résulte que la défaite d’un pays ne
sera
plus symbolique, métaphorique, c’est-à-dire limitée à certains signes
1913
t-à-dire limitée à certains signes convenus, mais
sera
concrètement la mort de ce pays. Encore une fois, dès que l’on abando
1914
d’ailleurs fatale, nous l’avons vu ailleurs — qu’
est
le « complexe de castration ». 11.La passion transportée dans la p
1915
la guerre chevaleresque, lorsque ce champ cesse d’
être
clos comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lic
1916
, lorsque ce champ cesse d’être clos comme doit l’
être
un terrain de jeu, et qu’il n’est plus une lice décorée de symboles,
1917
s comme doit l’être un terrain de jeu, et qu’il n’
est
plus une lice décorée de symboles, mais un secteur de bombardement —
1918
ouvé d’autres modes d’expression en actes. Elle y
était
d’ailleurs contrainte par la dépréciation des résistances morales et
1919
e part, dans les pays démocratiques, les mœurs se
sont
assouplies à tel point qu’elles tendent à n’offrir plus d’obstacles a
1920
t personnels. L’amour, dans l’entre-deux-guerres,
fut
un curieux mélange d’intellectualisme angoissé (littérature de l’inqu
1921
les relations individuelles des sexes ont cessé d’
être
le lieu par excellence où se réalise la passion. Celle-ci paraît se d
1922
Celle-ci paraît se détacher de son support. Nous
sommes
entrés dans l’ère des libidos errantes, en quête d’un théâtre nouveau
1923
n quête d’un théâtre nouveau. Et le premier qui s’
est
offert, c’est le théâtre politique. La politique de masses, telle qu’
1924
e masses, telle qu’on l’a pratiquée depuis 1917 n’
est
que la continuation de la guerre totale par d’autres moyens (pour rep
1925
dique déjà. Et par ailleurs, l’État totalitaire n’
est
que l’état de guerre prolongé, ou recréé, et entretenu en permanence
1926
nsposer les passions individuelles au niveau de l’
être
collectif. Tout ce que l’éducation totalitaire refuse aux individus i
1927
morale qui concerne les citoyens : et l’eugénisme
est
la négation rationnelle de toute espèce d’aventure privée. Mais cela
1928
assion ; mais il dit aux peuples voisins : — Nous
sommes
trop nombreux dans nos frontières, j’exige donc des terres nouvelles
1929
s à la base viennent s’accumuler au sommet. Or il
est
clair que ces volontés de puissance affrontées — il y a déjà plusieur
1930
l, tacite, fatal, de ces exaltations totalitaires
est
donc la guerre, qui signifie la mort. Et comme on le voit dans le cas
1931
le voit dans le cas de la passion d’amour, ce but
est
non seulement nié avec vigueur par les intéressés, mais il est réelle
1932
ment nié avec vigueur par les intéressés, mais il
est
réellement inconscient. Personne n’ose dire : je veux la guerre ; non
1933
out ce que l’on exalte y trouve son sens réel. Il
serait
aisé de multiplier les preuves de ce nouveau parallélisme entre la po
1934
litique et la passion. L’ascèse collectivisée, ce
sont
les restrictions que l’État impose au nom de la grandeur nationale. L
1935
d ils courtisent une assemblée électorale. Hitler
est
plus brutal : il se fâche et se plaint en même temps ; il ne persuade
1936
ûte ; il invoque enfin le destin et affirme qu’il
est
ce destin… De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de s
1937
tel point féminins que ses opinions et ses actes
sont
déterminés beaucoup plus par l’impression produite sur les sens que p
1938
sur les sens que par la pure réflexion. La masse
est
peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l’empoignera plus
1939
llement. (Mein Kampf.) Oui, « de tous temps » ce
fut
ainsi. Mais la nouveauté de notre temps, c’est que l’action passionne
1940
sante sur les individus. En outre, cette action n’
est
plus exercée par un meneur quelconque, mais par le chef qui incarne l
1941
s’opère du privé au public. Quel Wagner surhumain
sera
donc en mesure d’orchestrer la grandiose catastrophe de la passion de
1942
⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conclusion que j’
étais
loin de prévoir en commençant ce livre. Que l’on suive l’évolution du
1943
pect trop ignoré de la crise de notre époque, qui
est
la dissolution des formes instituées par la chevalerie. C’est dans le
1944
dans le domaine de la guerre, où toute évolution
est
pratiquement irréversible — alors qu’il y a des « retours » littérair
1945
raires — que la nécessité d’une solution nouvelle
est
apparue en premier lieu. Cette solution s’appelle l’État totalitaire.
1946
r toute société. La réponse du xiie siècle avait
été
la chevalerie courtoise, son éthique et ses mythes romanesques. La ré
1947
e la tragédie classique186. La réponse du xviiie
fut
le cynisme de Don Juan et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme n
1948
n et l’ironie rationaliste. Mais le romantisme ne
fut
pas une réponse, à moins que l’on admette — et c’est possible — que s
1949
t abandon aux puissances nocturnes du mythe n’ait
été
un dernier moyen de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en soi
1950
de le déprimer par un excès voulu. Quoi qu’il en
soit
, cette défense était faible en regard du péril déchaîné. Les forces a
1951
un excès voulu. Quoi qu’il en soit, cette défense
était
faible en regard du péril déchaîné. Les forces antivitales longtemps
1952
des liens sociaux. La première guerre européenne
fut
le jugement d’un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, e
1953
as que le drainage de toute passion par la nation
soit
autre chose qu’une mesure de détresse. C’est repousser la menace immé
1954
les ainsi constitués en blocs. L’État totalitaire
est
bien une forme recréée, mais une forme trop vaste, trop rigide et tro
1955
jeu, trop d’angoisse et trop de possible. Rien n’
est
réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce sera la guerre atomique tota
1956
en n’est réellement résolu. Dès lors : Ou bien ce
sera
la guerre atomique totale, la désintégration physique et morale, et l
1957
physique et morale, et le problème de la passion
sera
supprimé avec la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce sera l
1958
la civilisation qui l’a fait naître ; Ou bien ce
sera
la paix, et le problème renaîtra dans les pays totalitaires, comme il
1959
ttéralement : position de qui gît à terre, de qui
est
couché au-dessous. (Cf. l’expression « avoir le dessous ».) Rappelons
1960
ges entre guillemets de ce chapitre et du suivant
sont
des citations de la traduction française. (Paris, 1932.) 172. Je ser
1961
la traduction française. (Paris, 1932.) 172. Je
serais
assez tenté de voir dans la fonction dramatique du tournoi l’une des
1962
e des origines de la tragédie moderne. Celle-ci s’
est
constituée précisément à l’époque où les tournois passaient de mode,
1963
éments guerrier, sportif et théâtral. La tragédie
serait
ainsi une « action » privée du risque physique que comportait le tour
1964
t, Die Kultur der Renaissance, VI, p. 1. 176. Il
est
juste toutefois de rappeler qu’on tuait facilement dans ce pays. Mais
1965
raite et frappante, irréelle mais signifiante, qu’
est
la moyenne des expressions typiques de l’amour à une époque donnée —
1966
dans le beau, pour le vice que pour la vertu. Il
est
des « signes » qui ne sont pas toute l’époque — dans chacune il y a d
1967
e que pour la vertu. Il est des « signes » qui ne
sont
pas toute l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui sont d’un
1968
l’époque — dans chacune il y a de tout — mais qui
sont
d’une époque plutôt que d’une autre. 184. Conclusion de l’enquête me
1969
ansquenet moderne, éprouvant que la guerre totale
est
une négation de la passion guerrière, se jette alors dans des aventur
1970
en l’opposition. Aux yeux de l’Église, l’adultère
était
tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un cr
1971
Testament, par exemple, une descendance nombreuse
est
signe d’élection tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge «
1972
er. Elle niait tout d’abord le sacrement, comme n’
étant
établi par aucun texte univoque de l’Évangile187. Elle condamnait la
1973
ollectif188. Mais le fondement de ces trois refus
était
en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant,
1974
que la morale. Ce qui, pour le croyant manichéen,
était
l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alor
1975
Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui
était
« faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants s
1976
laquelle nous vivons, de deux morales, dont l’une
est
héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi
1977
ous les adolescents de la bourgeoisie occidentale
sont
élevés dans l’idée du mariage, mais en même temps se trouvent baignés
1978
ille allusions quotidiennes, dont le sous-entendu
est
à peu près : que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doi
1979
t le sous-entendu est à peu près : que la passion
est
l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour la connaître, et que l
1980
it un jour la connaître, et que la vie ne saurait
être
à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et
1981
« ont passé par là ». Or la passion et le mariage
sont
par essence incompatibles. Leurs origines et leurs finalités s’exclue
1982
nos « sécurités » sociales. En d’autres temps, ce
fut
la fonction du mythe que d’ordonner cette anarchie latente et de la c
1983
le d’exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’
est
déprimé et profané en même temps que les formes sociales dont il tira
1984
problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils
sont
les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire
1985
sacrées. — Le mariage, chez les peuples païens, s’
est
toujours entouré d’un rituel dont nos institutions gardèrent longtemp
1986
s en haut de forme et « déclaration » officielle,
est
aussi démodée que le corset. Et la majorité des couples n’éprouve plu
1987
, de sang, d’intérêts familiaux et même d’argent,
sont
en train de passer au second plan dans les pays démocratiques, et par
1988
pithalamiques se simplifient ou disparaissent. Il
est
curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telle
1989
e siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’
est
plus qu’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours
1990
repousse avec horreur. Car l’engagement religieux
est
pris « pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient auc
1991
r le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne
tient
aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et
1992
2.Idée moderne du bonheur Le mariage cessant d’
être
garanti par un système de contraintes sociales ne peut plus se fonder
1993
conjoints dans le cas le plus favorable. Or s’il
est
assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient
1994
insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’
être
le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sen
1995
i revient peut-être au même, de sentir de quoi il
est
fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par d
1996
le plus souvent. Le résultat de cette propagande
est
à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même
1997
bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne
sera
pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut l
1998
ir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur
est
une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivr
1999
rt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’
être
et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et
2000
Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut
tenir
à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instant
2001
tir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y
être
comme par grâce — se transforme instantanément en une absence insuppo
2002
e morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il
est
probable que cette intention ou cet espoir expliquent en partie la fa
2003
voltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion
serait
un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et p
2004
ssion serait un malheur — mais on pressent que ce
serait
un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exal
2005
bonheur »… Ou l’ennui résigné ou la passion : tel
est
le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela
2006
vre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour
était
considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encore il a
2007
e idée toute moderne et romantique que la passion
est
une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois et des coutu
2008
sur l’ordre social établi. Que la passion profane
soit
en réalité une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme », comme
2009
âme », comme pensaient les Anciens, tout le monde
est
prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des m
2010
lus le croire, à l’âge du film et du roman — nous
sommes
tous plus ou moins intoxiqués — et cette nuance est décisive. Le mode
2011
s tous plus ou moins intoxiqués — et cette nuance
est
décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal
2012
r ! Je vais y entrer, je vais y monter, je vais y
être
« transporté » ! La sempiternelle illusion, la plus naïve et — j’ai b
2013
Mais l’homme de la passion cherche au contraire à
être
possédé, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’es
2014
st la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’
est
qu’un début — un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il e
2015
omme qui se prend de passion pour une femme qu’il
est
seul à voir belle, est un névrosé qui s’ignore. (Dans x années, on le
2016
ssion pour une femme qu’il est seul à voir belle,
est
un névrosé qui s’ignore. (Dans x années, on le fera soigner.) Certes,
2017
ion, de même que chaque époque de la mode préfère
soit
la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais
2018
ue chaque époque de la mode préfère soit la tête,
soit
le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme
2019
e de la mode préfère soit la tête, soit le buste,
soit
la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atte
2020
fère soit la tête, soit le buste, soit la croupe,
soit
la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours
2021
plus secrète nostalgie, l’Iseut du rêve191 ; elle
est
mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle,
2022
Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle, ce
sera
la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte
2023
pousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce
sera
l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie cac
2024
a révélation mythique. (Pas même la couronne s’il
est
roi.) Voilà le vrai « mariage d’amour » moderne : le mariage avec la
2025
fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait
est
-elle encore désirable une fois rejointe ? Car Iseut, c’est toujours l
2026
t fuyant, évanouissant et presque hostile dans un
être
, cela même qui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de poss
2027
e combat. On imagine différente la femme que l’on
tient
dans ses bras, on la déguise et on l’éloigne en rêve, on s’acharne à
2028
rêve, on s’acharne à dépayser les sentiments qui
sont
en train de se nouer dans une durée étale et trop sereine. C’est qu’i
2029
s où la femme perd son « attrait », parce qu’il n’
est
plus d’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe do
2030
les victimes d’un mythe dont l’horizon mystique s’
est
refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut figurait le symbole du
2031
ce des liens terrestres. Il fallait donc qu’Iseut
fût
l’Impossible, car tout amour possible nous ramène à ces liens, nous r
2032
es dans l’espace et le temps sans lesquelles il n’
est
point de « créatures » — alors que le seul But de l’amour infini ne p
2033
— alors que le seul But de l’amour infini ne peut
être
que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Moi déifié. Mais pour
2034
ient tourmenter sans lui révéler son secret, il n’
est
au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourmen
2035
oursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il
était
de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin — et
2036
de la nature essentielle de la passion mystique d’
être
sans fin — et c’est par là que cette passion se détachait des rythmes
2037
la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’
est
plus que le retour sempiternel d’une ardeur constamment déçue. Le myt
2038
où se complaisent les modernes, ne sait plus même
être
fidèle, puisqu’elle n’a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l
2039
’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Pourtant ce n’
est
pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre s
2040
e n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il
est
la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils c
2041
la victime d’un ordre social où les obstacles se
sont
dégradés. Ils cèdent trop vite, ils cèdent avant que l’expérience ait
2042
sives. Les catégories se détruisent, l’aventure n’
est
plus même exemplaire. Seul, le Don Juan mythique échappait à cette co
2043
ontraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’
être
, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’i
2044
Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’
est
plus qu’une lente consomption. À cette lumière, que jette sur nos ps
2045
hez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’
être
. Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à nos auteu
2046
non plus chez l’autre seulement — la coquetterie
est
un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infid
2047
un peu simple — mais on en vient à désirer que l’
être
aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
2048
mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé
soit
infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
2049
fois de plus, que le mythe des amants « ravis » s’
est
dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’est plus qu’une sens
2050
dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’
est
plus qu’une sensation — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde
2051
etombe sans cesse au monde de la comparaison, qui
est
le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur s
2052
’est que, passant « leur seuil », sortant de leur
être
propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter
2053
de leur être propre et du présent tel qu’il leur
est
donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudr
2054
st donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il
est
, parce qu’il faudrait tout d’abord s’accepter, ils ne voient de toute
2055
i la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’un
être
en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à s’exalt
2056
re de fatalités psychologiques dont les effets ne
sont
plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il
2057
nt les effets ne sont plus contestables. Que l’on
soit
partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruin
2058
aborées par une éthique de la passion. Certes, il
serait
excessif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie
2059
sif d’estimer que la plupart de nos contemporains
sont
en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le
2060
pour boire le philtre, et j’en vois moins encore
être
élus par le sort pour succomber au tourment exemplaire. Mais tous ou
2061
en rêvassent. Et si brouillée, et défraîchie que
soit
l’empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de
2062
empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’
est
le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien
2063
t intolérables pour tout ordre social, quel qu’il
soit
. (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la pe
2064
courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui
est
née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du m
2065
ersonnelle ; selon le second, l’union monogamique
serait
la forme la plus rationnelle des relations entre les sexes, dans une
2066
« conflit psychologique » et les « névroses » qui
seraient
à l’origine du mal (d’où l’on déduit que la médecine mentale guérirai
2067
éments d’une révolution à sa mesure. En outre, il
est
frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quel
2068
dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours
est
la négation pure et simple du mariage que l’on prétend fonder sur lui
2069
r sur lui. C’est qu’on ne sait pas au juste ce qu’
est
l’amour-passion, ni d’où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y
2070
s existé, elle existera donc toujours, et nous ne
sommes
pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cel
2071
n « déchaînement » sexuel de la jeunesse que l’on
serait
tenté de juger sans précédent dans notre histoire européenne195. Quan
2072
otre histoire européenne195. Quant au mariage, il
fut
en principe balayé durant la période des Soviets. La morale des intel
2073
gt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’
est
opéré, non par quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’une l
2074
consciente des conditions de sa durée. Staline s’
est
assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans
2075
ment statique et stabilisateur au premier chef qu’
est
la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui con
2076
abilisateur au premier chef qu’est la famille. Ce
fut
le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit
2077
rocessus de ruine des obstacles sociaux, pour s’y
être
développé sans violences extérieures, n’avait que plus gravement miné
2078
ée incarnant l’idéal racial). Ces femmes devaient
être
blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type d
2079
mmes allemandes. Et l’on décréta que les mariages
seraient
contractés dorénavant « au nom de l’État ». Le but dernier de l’entre
2080
Pourtant la tentation totalitaire subsiste. Il n’
est
pas interdit d’imaginer qu’un jour nos démocraties y succombent, au n
2081
de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois
sera
fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévi
2082
rier. Nous essayons de trouver un juge de paix. N’
est
-ce pas une urgence »197 ? Les opératrices décidèrent aussitôt que c’e
2083
97 ? Les opératrices décidèrent aussitôt que c’en
était
une. Et le journal qui rapportait l’histoire l’intitula : L’Amour est
2084
al qui rapportait l’histoire l’intitula : L’Amour
est
classé parmi les cas d’urgence. Ce petit fait banal illustre des croy
2085
l montre que les termes d’« amour » et de mariage
sont
pratiquement équivalents ; que si l’on « aime » il faut se marier sur
2086
nesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en
est
un contre lequel il se brisera presque toujours : c’est la durée. Or
2087
presque toujours : c’est la durée. Or le mariage
est
une institution faite pour durer — ou n’a pas de sens. Voilà le premi
2088
nt par les statistiques de divorce, où l’Amérique
tient
le premier rang. Vouloir fonder le mariage sur une forme d’amour inst
2089
l’État de Nevada. Exiger de n’importe quel film,
fût
-il sur la bombe atomique, qu’il tienne une certaine dose de la drogue
2090
te quel film, fût-il sur la bombe atomique, qu’il
tienne
une certaine dose de la drogue romanesque (plus encore qu’érotique) n
2091
ons et de séparations ; le mariage, au contraire,
est
fait d’accoutumance, de proximité quotidienne. La romance veut « l’am
2092
mariage, l’amour du « prochain ». Si donc l’on s’
est
marié à cause d’une romance, une fois celle-ci évaporée, il est norma
2093
use d’une romance, une fois celle-ci évaporée, il
est
normal qu’à la première constatation d’un conflit de caractères ou de
2094
aractères ou de goûts, l’on se demande : pourquoi
suis
-je marié ? Et il est non moins naturel qu’obsédé par la propagande un
2095
l’on se demande : pourquoi suis-je marié ? Et il
est
non moins naturel qu’obsédé par la propagande universelle pour la rom
2096
on de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Et il
est
parfaitement logique qu’on décide aussitôt de divorcer pour trouver d
2097
une nouvelle promesse de bonheur ; les trois mots
étant
synonymes. Ainsi, guérissant son ennui par une fièvre passagère, « lu
2098
e chose de plus net, sans compromis. Mais si l’on
est
ennemi des compromis, il est contradictoire de se marier. Et si l’on
2099
promis. Mais si l’on est ennemi des compromis, il
est
contradictoire de se marier. Et si l’on veut tirer une traite sur son
2100
si l’on veut tirer une traite sur son avenir, il
est
fort imprudent de suggérer d’avance qu’on se réserve le droit de ne p
2101
i l’on veut le mariage, c’est-à-dire la durée, il
serait
normal d’en assurer les conditions. Mais ces réformes n’auraient que
2102
de la sagesse tribale au risque individuel ; elle
est
irréversible et il faut l’approuver, dans la mesure où elle tend à or
2103
ollectif ou natif à la décision personnelle. ⁂ Il
est
clair que la crise présente du mariage, en Europe comme en Amérique,
2104
ndes ou prochaines, dont le culte de la romance n’
est
qu’un exemple. (Mais je me devais de le souligner dans cet ouvrage.)
2105
hologique primant sur le sens du serment, peuvent
être
rattachés au complexe romanesque. Mais il y a plus, et dans d’autres
2106
ie professionnelle et sa revendication d’égalité)
est
un facteur non négligeable de la crise. La vulgarisation des connaiss
2107
vulgarisation des connaissances psychologiques en
est
un autre : l’homme et la femme du xxe siècle, même très sommairement
2108
eu des refoulements et de l’origine des névroses,
sont
portés à plus d’exigence que leurs ancêtres quant au mariage et à la
2109
ls, sporadiques et incohérents. ⁂ On sent combien
serait
vaine toute tentative actuelle pour « résoudre » les contradictions q
2110
la conscience individuelle. Toute solution que je
serais
tenté de proposer, fût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir,
2111
. Toute solution que je serais tenté de proposer,
fût
-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir, serait aujourd’hui fra
2112
ût-elle jugée « la bonne » par le siècle à venir,
serait
aujourd’hui frappée d’inefficacité, ou si elle pouvait agir, ferait p
2113
’en rien faire. C’est qu’une crise de cet ordre n’
est
pas un accident. Tenter de la couper, comme on le fait d’une fièvre,
2114
nter de la couper, comme on le fait d’une fièvre,
serait
bien moins la guérir que nous priver de nos chances d’en comprendre u
2115
chances d’en comprendre un jour le secret. Et ce
serait
en même temps une sorte de tricherie, soit que la solution n’apporte
2116
t ce serait en même temps une sorte de tricherie,
soit
que la solution n’apporte en vérité qu’un essai de retour à l’équilib
2117
, dont la crise même dénonce toute la précarité ;
soit
qu’elle projette sur l’avenir collectif une théorie ou des préceptes
2118
bles, mais dont les effets lointains ne sauraient
être
évalués tant que le sens général de la crise nous échappe. Il s’agit
2119
, déduites du seul désir d’arrêter les dégâts, ne
serait
-ce pas lui dénier arbitrairement le caractère qu’elle semble avoir :
2120
, p. 186. Le sacrement catholique se justifierait
soit
par le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur)
2121
le de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ;
soit
par le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce q
2122
e l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ;
soit
par des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les
2123
ont souvent exprimé cette opinion : « Les crimes
sont
un tribut payé à la vie. » (Carpocrate, cf. Schultz, Dokumente der Gn
2124
Dokumente der Gnosis.) 189. Encore que la faute
soit
alors considérée moins par rapport à la morale en soi, que sous l’asp
2125
u chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il
fut
abondamment exploité par le film allemand, sous l’hitlérisme. 191. L
2126
me que l’on désire, la femme de notre nostalgie),
est
la meilleure définition d’Iseut. L’amour-passion veut « la Princesse
2127
concourir à l’explosion démographique. 194. Il
serait
curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a p
2128
ique. 194. Il serait curieux de retrouver quel
est
l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’un « problèm
2129
des pays bourgeois après la guerre. La différence
est
qu’en Russie on affichait des principes « émancipés » — qu’ailleurs o
2130
n dessein le plus secret m’échappe encore. L’aveu
sera
jugé insolite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le conse
2131
ieux déterminés, et sous les astres dont le cours
est
calculable. J’ai cru cerner le secret du mythe. La découverte n’est p
2132
ai cru cerner le secret du mythe. La découverte n’
est
pas négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas u
2133
crit pas une forme d’existence sans y participer,
fût
-ce même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour
2134
même par une révolte contre la décision dont elle
est
née. Et pour tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens :
2135
n sens : approuver ou rejeter la passion. Combien
serait
vaine l’attitude intellectuelle qui se définirait elle-même comme une
2136
cevoir, d’observer que la passion, quelle qu’elle
soit
, ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours rais
2137
ant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion
est
justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux yeux du monde —
2138
e de la passion est justement celui qui choisit d’
être
dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévocabl
2139
is encore plus agressive, sans doute, puisqu’il n’
est
plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter q
2140
éculier. (Sans compter que la Croisade, au total,
fut
un échec dont la passion sut profiter.) C’est qu’avant tout et après
2141
is une décision fondamentale de l’homme, qui veut
être
lui-même son dieu200. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le s
2142
tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui
est
méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme a
2143
nd c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui
est
la faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il ne se tue, et le
2144
l ne se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’
être
, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpass
2145
ieu culturel où la passion plonge ses racines, il
est
probable que l’État s’en chargera, c’est son hygiène. Il y a toutes l
2146
pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’
est
peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaîtr
2147
oup, tel que je le reconnais dans ma vie. Et ce n’
est
à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle sol
2148
on probablement n’existe pas, si elle existait ce
serait
pour moi seul : on ne se décide jamais que pour son compte — et le re
2149
e décide jamais que pour son compte — et le reste
est
indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passio
2150
la passion ne peut exister — et alors en parler n’
est
qu’un jeu — mais dans le choix qui détermine une existence. 2.Crit
2151
que du mariage Si je ne vois pas de raison qui
tienne
contre la passion véritable, il m’apparaît en second lieu que la rais
2152
ble, il m’apparaît en second lieu que la raison n’
est
guère plus efficace pour légitimer le mariage ; et que les arguments
2153
ence devant les ironies du romantique. Mais elles
sont
mises en pleine déroute par la simple véracité. La fameuse « paix du
2154
« enfer ». Et je lui fais un plus large crédit !
Étant
donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement
2155
nné que les humains des deux sexes, pris un à un,
sont
généralement des coquins — ou des névrosés, pourquoi seraient-ils des
2156
éralement des coquins — ou des névrosés, pourquoi
seraient
-ils des anges une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’a-t-on
2157
la première porte venue ! Ce silence que l’épouse
est
censée ménager autour du vaillant travailleur qui rentre le soir, har
2158
ux tous, lui qui d’abord exalte la passion, comme
étant
la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmont
2159
l’homme pieux qui estimait que la religion devait
être
un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur po
2160
e avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu
est
« essentiellement malheureux », et cette passion chrétienne est la se
2161
llement malheureux », et cette passion chrétienne
est
la seule vérité, et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne
2162
!) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants
sont
renvoyés aux arguments des romantiques, qui valent contre leur morali
2163
ur humanisme. Que dit l’Apôtre ? Je pense qu’il
est
bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
2164
emme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’
est
d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis r
2165
un, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il
était
lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en u
2166
e devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a
été
appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, car la
2167
1-32.) Et voici le coup de grâce ; Celui qui n’
est
pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au
2168
r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui
est
marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
2169
32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le mariage
est
vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiq
2170
e contre le mariage est vrai, par conséquent doit
être
dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut — s
2171
e mariage est vrai, par conséquent doit être dit,
soit
du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut — soit du poi
2172
de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —
soit
du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre — soit d
2173
ue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —
soit
du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’est possib
2174
de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’
est
possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières cr
2175
femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il
serait
possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière
2176
erait possible de peser. Cette erreur du bon sens
est
tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ tou
2177
ns celle du couple formé. Les facteurs mis en jeu
sont
trop hétéroclites. À supposer que vous puissiez les calculer dans le
2178
es calculer dans le présent (comme si leur nombre
était
fini) et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs
2179
telle science de l’humain que leurs valeurs vous
soient
connues et leur hiérarchie évidente, encore ne sauriez-vous prévoir l
2180
ne seule vie, le problème de l’adaptation de deux
êtres
physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est pourtant à
2181
ors que tout nous montre que cent-mille essais ne
seraient
pas encore assez pour constituer les premiers éléments, tout balbutia
2182
le reconnaître honnêtement : le problème qui nous
est
posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus inso
2183
mariage apparaît d’autant plus insoluble que l’on
tient
davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il
2184
es impondérables deviennent décisifs. Le sophisme
est
alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné
2185
selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’
est
pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle sup
2186
els. Mais enfin ce n’est pas l’erreur logique qui
est
grave, c’est l’erreur morale qu’elle suppose. Lorsqu’on incite les je
2187
t non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant
être
qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une garantie. Et la
2188
r d’une garantie. Et la seule garantie concevable
est
dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour to
2189
’agit avant tout de calcul. D’où je conclus qu’il
serait
plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’enseigner aux jeu
2190
gent à assumer les suites, heureuses ou non. Ce n’
est
pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer
2191
: car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il
est
stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raiso
2192
tie d’une union raisonnable dans les apparences n’
est
jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’u
2193
apparences n’est jamais dans ces apparences. Elle
est
dans l’événement irrationnel d’une décision prise en dépit de tout, e
2194
Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’
est
pas dire à Mlle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comble
2195
n épouse, ce n’est pas dire à Mlle Untel : « Vous
êtes
l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous ê
2196
es, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous
êtes
l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’une dot adéquate — dont
2197
able — et munie d’une dot adéquate — dont je veux
être
le Tristan. » Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui
2198
adéquate — dont je veux être le Tristan. » Car ce
serait
là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’
2199
Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous
êtes
. » Car cela signifie en vérité : c’est vous que je choisis pour parta
2200
uve que je vous aime. (Vraiment, pour dire : Ce n’
est
que cela ! — comme le diront beaucoup de jeunes gens qui s’attendent,
2201
lité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui
soit
une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possibl
2202
ette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui
soit
possible, n’étant pas compromise en germe par un calcul forcément ine
2203
», mais bien à une fidélité qui soit possible, n’
étant
pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4.Sur la
2204
érée comme absolue. La problématique du mariage n’
est
pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkeg
2205
s dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’
est
pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il e
2206
e sa réalisation. » Ce n’est pas l’engagement qui
est
problématique, mais les conséquences qu’il entraîne. (De même on faus
2207
ne croyait pas — alors que le seul vrai problème
est
de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou e
2208
est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité
est
sans raisons — ou elle n’est pas — comme tout ce qui porte une chance
2209
ir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’
est
pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passi
2210
ociologues ont essayé de prouver que la monogamie
est
naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infi
2211
ue la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle
est
salutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus uti
2212
lutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous
sera
des plus utiles dès que les hommes se régleront sur la raison et l’in
2213
yeux et dans leur langage, la fidélité conjugale
est
le succès d’un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale,
2214
e, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’
est
pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoqu
2215
ction profonde, nous l’avons vu, la gauloiserie n’
étant
pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idé
2216
é observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y
est
engagé, simplement, et que c’est un fait absolu, sur quoi se fonde la
2217
e des époux. Il faut bien voir que cette fidélité
est
à contre-courant des valeurs aujourd’hui vénérées par presque tous. E
2218
e la multiplicité des expériences. Elle nie que l’
être
aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand no
2219
nces. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour
être
ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. El
2220
ités possible. Elle nie que le but de la fidélité
soit
le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est avant tout l’obéis
2221
la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’
est
pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construc
2222
est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle
est
plutôt une construction. « Absurde » au moins autant que la passion,
2223
r ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’
être
aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer,
2224
œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première
est
la fidélité à quelque chose qui n’était pas, mais que l’on crée. Pers
2225
la première est la fidélité à quelque chose qui n’
était
pas, mais que l’on crée. Personne, œuvre et fidélité : les trois mots
2226
. Personne, œuvre et fidélité : les trois mots ne
sont
point séparables ou concevables isolément. Et tous les trois supposen
2227
. (À condition bien entendu que cette promesse ne
soit
pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jou
2228
paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage
est
le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est fait
2229
e de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle
est
faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vi
2230
st faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable
est
sérieux.) Toute vie, fût-elle la plus déshéritée, détient sa chance i
2231
utes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie,
fût
-elle la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et
2232
homme découvre que la folie du sacrifice consenti
était
la plus grande sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est re
2233
e sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui
est
rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pa
2234
onheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac
fut
rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et il se peut aussi
2235
e peut aussi que rien ne compense la perte : nous
sommes
ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’on
2236
ne grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui
soit
le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une
2237
d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle
est
une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété q
2238
sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’
est
pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application.
2239
tiente et tendre application. ⁂ Cependant, tout n’
est
pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion vér
2240
t, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi
fut
fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire de
2241
lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable
est
fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaison
2242
nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne
sont
au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et
2243
ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où
est
alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplement
2244
ù est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne
serait
-ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsq
2245
uissante » qui l’accueille par ces paroles : « Je
suis
toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un n
2246
e, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit
être
un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a
2247
délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’
est
pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte
2248
Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet
être
symbolique, ce beau prétexte qui s’appelle Iseut, mais à sa plus prof
2249
psychologues peuvent y lire. « Notre engagement n’
était
pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée perd
2250
etour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage
est
au contraire un engagement pris pour ce monde. Partant d’une déraison
2251
sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan
était
un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans
2252
r le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux
est
l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est
2253
créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il
est
, dans son intime singularité. Insistons : la fidélité dans le mariage
2254
sistons : la fidélité dans le mariage ne peut pas
être
cette attitude négative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut ê
2255
ative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut
être
qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une pre
2256
e action. Se contenter de ne pas tromper sa femme
serait
une preuve d’indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : e
2257
fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’
être
aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle le proc
2258
e son propre bonheur. Ainsi la personne des époux
est
une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-
2259
ersonne des époux est une mutuelle création, elle
est
le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individ
2260
me, on découvrira que la fidélité dans le mariage
est
la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce sera
2261
e nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce
serait
la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passio
2262
’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’
être
deux\ et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illimité,
2263
m qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’
être
l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et
2264
Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne
soit
plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus qu
2265
us que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage
est
la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’i
2266
iage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’
être
limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tourne ave
2267
r afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’
est
alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui
2268
qui veut mon bien autant que le sien, parce qu’il
est
confondu avec le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait
2269
arce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’
était
pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une
2270
le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce
serait
encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange d
2271
? Il faut donc la marquer par un exemple simple.
Être
amoureux n’est pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ;
2272
a marquer par un exemple simple. Être amoureux n’
est
pas nécessairement aimer. Être amoureux est un état ; aimer, un acte.
2273
e. Être amoureux n’est pas nécessairement aimer.
Être
amoureux est un état ; aimer, un acte. On subit un état, mais on déci
2274
eux n’est pas nécessairement aimer. Être amoureux
est
un état ; aimer, un acte. On subit un état, mais on décide un acte. O
2275
fidèle, éduquer ses enfants. On voit ici combien
sont
différents les sens du mot aimer dans le monde de l’Éros et dans le m
2276
a pensée » ne saurait concerner que des actes. Il
serait
totalement absurde d’exiger de l’homme un état de sentiment. L’impéra
2277
structures de relations actives. L’impératif : «
Sois
amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverai
2278
ations actives. L’impératif : « Sois amoureux ! »
serait
vide de sens ; ou s’il était réalisable, priverait l’homme de sa libe
2279
« Sois amoureux ! » serait vide de sens ; ou s’il
était
réalisable, priverait l’homme de sa liberté. 5.Éros sauvé par Agap
2280
Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui
est
Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de
2281
t Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il
est
l’affirmation de l’être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’am
2282
ans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’
être
en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu
2283
ue la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’
être
adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’É
2284
mérite pas d’être adorée, ni même tuée, mais peut
être
acceptée dans l’obéissance à l’Éternel. Car après tout c’est ici-bas
2285
ur. L’homme naturel ne pouvait pas l’imaginer. Il
était
condamné à croire Éros, à se confier dans son désir le plus puissant,
2286
n de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il
est
délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espér
2287
eut maintenant espérer autre chose, il sait qu’il
est
une autre délivrance du péché. Et voici que l’Éros à son tour se voit
2288
telle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’
être
un dieu, il cesse d’être un démon 202. Et il retrouve sa juste place
2289
estin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’
être
un démon 202. Et il retrouve sa juste place dans l’économie provisoir
2290
a séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’
est
fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris c
2291
humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’
est
pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le
2292
ême, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’
est
approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut dans
2293
premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’
est
plus au-delà, toujours plus haut dans l’ascension interminable du Dés
2294
rps, mais c’est la femme. (I. Cor., 7.) La femme
étant
l’égale de l’homme, elle ne peut donc être « le but de l’homme » comm
2295
femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc
être
« le but de l’homme » comme le croira cependant Novalis, renouvelant
2296
e échappe à l’abaissement bestial qui tôt ou tard
est
la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne do
2297
on de la créature. Mais cette égalité ne doit pas
être
entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de
2298
ateur. Elle procède du mystère de l’amour. Elle n’
est
que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’
2299
te son amour pour l’homme en exigeant que l’homme
soit
saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une
2300
mme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu
est
saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant
2301
é d’images — du moins perd-il son efficace : ce n’
est
plus lui qui détermine la personne. En d’autres termes, on pourrait d
2302
Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour
est
lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exige pa
2303
« fatalité » de la passion. Le « coup de foudre »
est
sans doute une légende accréditée par Don Juan, comme la « fatalité »
2304
par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion
est
accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que ce
2305
t alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut
être
trompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique roma
2306
romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il
serait
assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre ana
2307
voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui
est
l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute
2308
alité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’
est
pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissan
2309
« Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y
étais
pas, c’est cette puissance fatale qui agissait en lieu et place de ma
2310
se une « fatalité » ! Quant au coup de foudre, il
est
censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous eng
2311
me des coups de foudre et de la vie « orageuse »,
serait
une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et
2312
ine les contingences morales. Mais alors, on peut
être
certain qu’un pareil mythe est né de rêves compensateurs — soit d’une
2313
is alors, on peut être certain qu’un pareil mythe
est
né de rêves compensateurs — soit d’une fidélité contrainte et détesté
2314
u’un pareil mythe est né de rêves compensateurs —
soit
d’une fidélité contrainte et détestée, soit d’une jalousie masochiste
2315
urs — soit d’une fidélité contrainte et détestée,
soit
d’une jalousie masochiste, soit enfin d’un début d’impuissance. Et en
2316
inte et détestée, soit d’une jalousie masochiste,
soit
enfin d’un début d’impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan
2317
impuissance. Et en effet, la conduite de Don Juan
est
bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de
2318
corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre
est
à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monogamie, normalisant l
2319
e la monogamie, normalisant les rapports sexuels,
est
la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement cha
2320
sé. Je répète toutefois que le mariage ne saurait
être
fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d
2321
e son négatif donjuanesque. Mais cette « raison »
est
tout à fait inefficace aux yeux de qui préfère le mythe et veut croir
2322
e la passion. On objecte alors que le mariage ne
serait
plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, natur
2323
oire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il
serait
plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombe
2324
ai de dire après Benedetto Croce que « le mariage
est
le tombeau de l’amour sauvage »205 (et plus communément du sentimenta
2325
le viol, comme la polygamie, révèle que l’homme n’
est
pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la f
2326
humaines. Par contre, l’homme qui se domine, ce n’
est
pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il ai
2327
istianisme et le secret de notre dynamisme. Et il
est
vrai que ces trois termes : christianisme, passion, dynamisme, corres
2328
les conclusions de notre examen du mythe courtois
sont
justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrét
2329
chéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’
est
pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hér
2330
une hérésie d’origine orientale. Cette hérésie s’
est
répandue d’abord dans les contrées les moins christianisées, précisém
2331
enaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’
est
pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou
2332
anisme a réveillée et orientée vers Dieu »206. Il
est
plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, i
2333
t de la religion manichéenne. Plus exactement, il
est
né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyance
2334
e. Première correction d’importance. Ensuite, il
est
urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de
2335
re procède d’une conception de la vie ardente qui
est
un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Ma
2336
ntal, j’entends notre génie technique, ne saurait
être
un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
2337
ené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
est
l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur
2338
visible. La passion ni la foi hérétique dont elle
est
née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nat
2339
ction originelle du Démiurge, et puisque le salut
est
justement d’échapper à sa loi démoniaque207. Faut-il voir à la source
2340
s (c’est-à-dire créateurs) du dynamisme européen,
sont
orientés par une volonté exactement contraire à celle de la passion.
2341
devenant mortelle, trahit les ambitions dont elle
est
née. Il se peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’est forgé
2342
peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’
est
forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le
2343
t succombe à ce destin qu’il s’est forgé. Mais il
est
clair que ce n’est pas le christianisme — comme le répètent tant de p
2344
tin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’
est
pas le christianisme — comme le répètent tant de publicistes — qui es
2345
sme — comme le répètent tant de publicistes — qui
est
responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident
2346
astrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’
est
pas chrétien208. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’igno
2347
trophique de l’Occident n’est pas chrétien208. Il
est
tout au contraire manichéen. C’est ce qu’ignorent communément ceux qu
2348
stianisme et l’Occident, comme si tout l’Occident
était
chrétien. Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour
2349
Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce
sera
pour avoir trop longtemps cultivé la religion para ou même antichréti
2350
de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion
serait
la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est
2351
erait la tentation orientale de l’Occident ? S’il
est
vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures
2352
entale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’
est
développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie
2353
l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous
sont
venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyanc
2354
s mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique
est
d’avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter.
2355
ion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle
fut
la tentation permanente d’où jaillirent nos plus belles créations. Ma
2356
a plus typique de leur morale : le mariage, qu’il
sera
désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement
2357
sion ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il
est
certain que l’Occidental christianisé se distingue de l’Oriental par
2358
gue de l’Oriental par son pouvoir d’approfondir l’
être
créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fi
2359
e du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’
être
dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle. « D’a
2360
limitations. Le chrétien prend le monde tel qu’il
est
, et non point tel qu’il peut le rêver. Son activité « créatrice » con
2361
rt. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage
est
le signe le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il est en d’a
2362
le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il
est
en d’autres, certes, dans les domaines les plus divers : le culte du
2363
: tout ce qui tend à ruiner la personne. Mais ce
sont
là des phénomènes complexes et collectifs, qui échappent souvent aux
2364
ariage nous parle et nous avertit mieux : aucun n’
est
plus sensible et quotidien, plus intimement vérifiable. 7.Au-delà
2365
r la destruction de notre civilisation. Tout cela
est
, tout cela nous menace, et d’autant plus qu’on voudrait le nier. Cepe
2366
menant alors un âge classique… Mais après tout, n’
est
-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains
2367
a figure de ce monde passe », mais notre vocation
est
toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fon
2368
es constatations tout objectives auxquelles je me
suis
vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines
2369
ut objectives auxquelles je me suis vu conduit ne
sont
pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines décisions. Elles i
2370
troduisent à une problématique nouvelle, et qui n’
est
pas toujours aussi simpliste que le dilemme passion-fidélité peut nou
2371
Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait
être
la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y
2372
ste encore : condamner la passion en principe, ce
serait
vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait
2373
pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’
est
pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori t
2374
assion, c’est qu’il n’en a connu aucune, et qu’il
est
en deçà du conflit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est
2375
lit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable
est
dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel20
2376
e inhérent à tout exposé. ⁂ Le premier thème peut
être
situé par rapport à un drame personnel dont les données biographiques
2377
ame personnel dont les données biographiques nous
sont
suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Kierkeg
2378
kegaard le point de départ de toute sa réflexion,
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette r
2379
monde. Ici l’obstacle indispensable à la passion
est
d’une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’o
2380
pécheur ne saurait entretenir avec son Dieu — qui
est
l’Éternel et le Saint — que des relations d’amour mortellement malheu
2381
igine pure de la passion — mais du même coup nous
sommes
jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort
2382
initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’
être
présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien pl
2383
, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle
est
bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi,
2384
jaloux : car elle est bien plus que royale, elle
est
divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que l
2385
on peut alors concevoir que la passion — quel que
soit
l’ordre où elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel, et son sal
2386
son salut, que par cette action d’obéissance qui
est
la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en ve
2387
hose qu’une « solution », pour qui croit que Dieu
est
fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard n
2388
ute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre
était
le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que
2389
nnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là
sont
trop simples et totales pour qu’un discours vienne mettre ses délais
2390
notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’
est
peut-être pas d’une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même
2391
ssentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il
être
conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passio
2392
avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle
est
au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement
2393
e désire plus rien que son amour ne veuille, elle
est
une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce
2394
lle, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’
est
plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus
2395
cesse dans l’acte même d’obéir, en sorte qu’il n’
est
plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seul
2396
née du mortel désir d’union mystique, ne saurait
être
dépassée et accomplie que par la rencontre d’un autre, par l’admissio
2397
uffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage
est
possible. Nous sommes deux dans le contentement. Une dernière fois po
2398
otre jour. Et alors le mariage est possible. Nous
sommes
deux dans le contentement. Une dernière fois pourtant nous reprendron
2399
s reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne
sont
pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on
2400
Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’
est
pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adop
2401
beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous
sommes
sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fi
2402
cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon n’
est
plus le même. Une fidélité gardée au Nom de ce qui ne change pas comm
2403
1 juin 1938. (Révision : 1954.) 200. Je m’en
tiens
au cas-limite de Tristan. Il y a des cas de passion dans le mariage c
2404
devient singulier. À cette personnalisation de l’
être
aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct
2405
et justement pas en tant qu’Éros sublimé. Éros n’
est
pas le péché ; le péché c’est la sublimation d’Éros. » 203. En quoi
2406
le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un
être
la totalité d’une personne. La personne, selon la fameuse définition
2407
ameuse définition kantienne, c’est ce qui ne peut
être
utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 204. Sur l
2408
eo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion
est
admirablement défini par ce petit livre dans ses données actuelles ps
2409
notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’
est
pas la mort, la désincarnation, qui est le salut ; mais l’acte de la
2410
nce. Ce n’est pas la mort, la désincarnation, qui
est
le salut ; mais l’acte de la grâce fait par Dieu. 209. Faut-il alle
2411
n deçà. Si bien que le seul au-delà concret qu’il
soit
en état de désirer, d’imaginer, c’est le « dérèglement des passions »
2412
e peut très bien lui apparaître : la loi. Or ce n’
est
que le renoncement à la loi ainsi comprise qui peut nous conduire à l
2413
je parle quand je parle du mythe « primitif ». Il
serait
aisé de se prévaloir du caractère sacré que certains auteurs du siècl
2414
gie celtique. Dès le viie siècle, Tristan aurait
été
un demi-dieu, le héraut symbolique des mystères, le « gardien des mar
2415
re élève l’initié à la vie de l’esprit. Tout cela
est
vraisemblable, et contesté. Dans les Mabinogion, recueil des légendes
2416
e les Bretons armoricains et les Gallo-Francs. Il
est
incontestable que maints éléments de la tradition bardique (orale) so
2417
maints éléments de la tradition bardique (orale)
sont
incorporés dans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il est non
2418
ans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il
est
non moins certain que Béroul, Thomas, Eilhart, l’auteur du Roman en p
2419
du Roman en prose et celui de la Folie Tristan n’
étaient
pas initiés à cette tradition. Ils ignoraient le sens primitivement s
2420
magie montrent bien que l’usage de ces dernières
est
oublié, à l’époque et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’est
2421
que et dans les pays où ils écrivent. Tout cela n’
est
plus qu’ornements d’art, pittoresque, anecdotes interprétées par la f
2422
aits que nous décrit l’auteur de la Folie Tristan
étaient
sans doute à l’origine tout autre chose qu’une suite d’extravagances.
2423
le, dans laquelle Tristan fou veut emmener Iseut,
était
dans la mythologie druidique le vaisseau de la mort qui s’en va par-d
2424
nfyd. Dans la Folie Tristan, la maison de verre n’
est
plus qu’une image émouvante née de la fantaisie poétique de l’amoureu
2425
valerie sacrée La pensée médiévale en général
est
saturée de conceptions religieuses. De la même manière, dans une sphè
2426
ent dans les cercles de la cour et de la noblesse
est
imprégnée de l’idéal chevaleresque. Cette conception envahit même le
2427
religion : la prouesse de l’archange saint Michel
était
« la première milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques fut mise
2428
ère milicie et prouesse chevaleureuse qui oncques
fut
mise en exploict » ; c’est de là que procède la chevalerie qui, en ta
2429
que « milicie terrienne et chevalerie humaine »,
est
une imitation des chœurs des anges autour du trône de Dieu. Le poète
2430
s guerres, tout comme la politique de leur temps,
étaient
extrêmement informes, et apparemment incohérentes. La guerre était un
2431
informes, et apparemment incohérentes. La guerre
était
un état chronique d’escarmouches isolées s’étendant sur un vaste doma
2432
ions de droit isolées et mesquines. L’histoire, n’
étant
pas en mesure de discerner un réel développement social, se servait d
2433
geste et romans courtois Les chansons de geste
sont
nées au xie siècle, et pas avant comme l’a montré Joseph Bédier. Ell
2434
t pas avant comme l’a montré Joseph Bédier. Elles
furent
composées, pour la plupart, par des clercs, et dans des intentions pr
2435
ques miraculeuses et ses héroïques fondateurs. Il
est
compréhensible que ces chansons de clercs parlent très peu ou point d
2436
édier) contient un épisode d’amour courtois. Elle
est
écrite dans un dialecte intermédiaire entre le français et le provenç
2437
ans sa forme — à celle du Roman de Tristan. Or il
est
évident que cette situation ne peut être qu’une invention courtoise (
2438
an. Or il est évident que cette situation ne peut
être
qu’une invention courtoise (elle tranche nettement sur le reste de la
2439
tranche nettement sur le reste de la légende qui
est
cléricale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repè
2440
. Voici la donnée : le duc Girard de Roussillon a
été
quérir une fiancée pour Charles le Chauve, son suzerain. Accompagné d
2441
, Berthe, épousera Charles, la cadette, Elissent,
sera
la femme de Girard. Lorsque Charles voit les deux princesses, il s’ép
2442
nsent à céder Elissent, à condition qu’il cesse d’
être
vassal du roi. Il épouse Berthe, tandis qu’Elissent devient reine. Au
2443
que j’ai fait de vous ? Je sais bien que vous me
tenez
pour méprisable. — Non, Seigneur, mais pour un homme de valeur et de
2444
par les plaines herbues… L’analogie avec Tristan
est
très frappante. Il s’agit dans les deux cas : D’un vassal puissant ch
2445
ps que des liens féodaux. Mais les différences ne
sont
pas moins significatives. Dans Tristan, c’est la jalousie d’Iseut aux
2446
ouement romanesque, tandis que dans le second, il
est
épique. Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce sont les in
2447
Là, c’est l’amour qui conduit à la mort ; ici, ce
sont
les intérêts féodaux qui entraînent à des guerres sans fin. — Voici d
2448
une obligation de nécessité, tandis que les époux
sont
tenus par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugeme
2449
bligation de nécessité, tandis que les époux sont
tenus
par devoir à toutes les volontés l’un de l’autre. Que ce jugement que
2450
rmission d’offrir ses hommages à une autre : il y
fut
autorisé et cessa de sentir pour sa première amie la tendresse qu’il
2451
un mois, il revient à elle, proteste de ne pas s’
être
épris ailleurs, et de n’avoir pris aucune liberté avec l’autre dame,
2452
elle-ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en
est
rendu indigne en implorant et en acceptant pareille licence. Arrêt d
2453
eille licence. Arrêt de la reine Éléonore. Telle
est
la nature de l’amour : les amants feignent souvent de souhaiter d’aut
2454
lors qu’il croit que la première le néglige. Ce n’
est
point tant la constance de son amie que la sienne propre qu’il veut m
2455
sfert » au sens freudien — la situation juridique
est
bien du même ordre. 4.Conceptions orientales de l’amour Il est
2456
dre. 4.Conceptions orientales de l’amour Il
est
bien entendu que j’appelle Orient une certaine attitude totale de l’h
2457
ent une certaine attitude totale de l’homme qui s’
est
manifestée principalement chez les peuples et dans les religions de l
2458
Asie. L’Iran, l’islam, l’Arabie et le judaïsme ne
sont
pas cet Orient-là, et se rattachent directement (Livre II, chap. 2 et
2459
amour » n’existe pas en Chine. Le verbe « aimer »
est
employé seulement pour définir les rapports entre la mère et les fils
2460
quelque chose qui se rapproche du mot « amour »,
est
oubliée tout de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois sont marié
2461
out de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois
sont
mariés très jeunes par leurs parents, et le problème de l’amour ne se
2462
ndéfini que tous les autres, et dont nous voulons
être
sûrs. L’attitude de l’Européen qui se demande toute sa vie : « Est-ce
2463
ude de l’Européen qui se demande toute sa vie : «
Est
-ce de l’amour ou non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est
2464
mande toute sa vie : « Est-ce de l’amour ou non ?
Est
-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est-ce que j’ai de l’affection
2465
non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou
est
-ce que j’ai de l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou est-
2466
me, ou est-ce que j’ai de l’affection pour elle ?
Est
-ce que j’aime Dieu ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Es
2467
l’affection pour elle ? Est-ce que j’aime Dieu ou
est
-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être o
2468
u ou est-ce que j’ai seulement envie de l’aimer ?
Est
-ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son dé
2469
eulement envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet
être
ou est-ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découv
2470
envie de l’aimer ? Est-ce que j’aime cet être ou
est
-ce que j’aime l’amour ? », etc., son désespoir quand il découvre aprè
2471
lement envie de l’aimer — cette attitude pourrait
être
considérée par un psychiatre chinois comme un symptôme de folie. « No
2472
hiatre chinois comme un symptôme de folie. « Nous
sommes
fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie est fondée sur la p
2473
fous sans nous en rendre compte ; toute notre vie
est
fondée sur la passion, et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je
2474
on, et nous voulons la paix, la tranquillité ! Je
suis
moi-même le plus fou de tous les fous, hélas ! Mais au moins maintena
2475
e le sais. Et encore : La civilisation chinoise
est
fondée sur la famille, et la famille sur l’absence d’amour. Les tradi
2476
te manifestation de tendresse entre mari et femme
est
jugée inconvenante. (Ces lignes datent de 1933. Elles sont entièreme
2477
inconvenante. (Ces lignes datent de 1933. Elles
sont
entièrement confirmées par tout ce que j’ai pu lire depuis sur l’érot
2478
« chronologiquement parlant, les deux mouvements
sont
à peu près contemporains ». On a donc supposé une filiation des ciste
2479
pothèse en montrant : 1° que l’objet de l’amour n’
est
pas le même pour saint Bernard et pour les troubadours, ces derniers
2480
ensualité naturelle ; 2° que la nature de l’amour
est
très différente dans les deux cas, malgré d’apparentes analogies d’ex
2481
e la courtoisie et la mystique de saint Bernard n’
est
pas seulement, comme l’a vu M. Gilson, celle de la « chair » et de l’
2482
à tout amour charnel » (p. 195). L’amour courtois
serait
au contraire « l’expression poétique de la concupiscence » (p. 200).
2483
c’est flatter un « bon sens » des modernes qui n’
est
sans doute que le résidu de préjugés scientifiques dépassés. Il se po
2484
s scientifiques dépassés. Il se pourrait que nous
tenions
là un bel exemple d’anachronisme. A-t-on seulement remarqué que les s
2485
ssières » aux mœurs des troubadours, ma déduction
serait
inverse de celle des savants modernes. Marcabru n’hésite pas à nommer
2486
ue cela ne choque personne — et non du tout qu’il
est
un débauché. Ayant choisi le symbolisme amoureux, il joue le jeu le p
2487
aturel, selon la coutume de son temps. Ou si l’on
tient
que le langage érotique traduit nécessairement une sensualité déchaîn
2488
« On n’a jamais entendu saint Bernard souhaiter d’
être
débarrassé de l’amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le
2489
missent sous le joug de l’Amour. Donc cet amour n’
est
pas spirituel. — Mais plus tard, d’autres mystiques catholiques, sain
2490
es expressions des troubadours, et souhaiteront d’
être
libérés des tourments de l’amour divin : c’est là bien entendu, comme
2491
t déduire d’un tel « refus » que l’Amour courtois
était
purement sensuel, la déduction vaudrait aussi pour sainte Thérèse ; c
2492
iens obtient au contraire sa récompense. « On lui
est
uni (à la Béatitude) du fait même qu’on t’aime. » — Or M. Gilson dit
2493
it fort bien, deux pages plus loin, que « si Dieu
est
immanent sans être transcendant, il n’y a pas de problème mystique au
2494
pages plus loin, que « si Dieu est immanent sans
être
transcendant, il n’y a pas de problème mystique au sens où les chréti
2495
t à expérimenter… c’est l’immanence d’un Dieu qui
est
et reste transcendant. » Mais alors, lorsqu’une créature aime son Die
2496
situation du troubadour vis-à-vis de l’amour des
êtres
. Certes : « la pureté de l’amour courtois sépare les amants, au lieu
2497
t ». Mais il faut voir que les amants courtois ne
sont
séparés sur la terre qu’en vertu de cet amour mystique qui les unit à
2498
ommunier. d) Pour démontrer que l’amour courtois
est
sensuel, M. Gilson cite encore une strophe de Thibaut de Champagne :
2499
doutes sur la nature des sentiments dont Thibaut
est
animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage est, entre autres, de «
2500
est animé. » Précisément, l’objet de mon ouvrage
est
, entre autres, de « réformer sérieusement notre conception des amours
2501
te de Salvador Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’
étais
tenté de tenir les surréalistes, qui apparemment m’ont choisi comme s
2502
Dali, Freud écrit : Jusqu’alors, j’étais tenté de
tenir
les surréalistes, qui apparemment m’ont choisi comme saint patron, po
2503
hnique, m’a incité à reconsidérer mon opinion. Il
serait
en effet très intéressant d’étudier analytiquement la genèse d’un tab
2504
conseiller, ministre ou un général. Le mot aurait
été
latinisé en fercia, puis altéré par les Français en fierce, d’où selo
2505
« vierge » (latin « virgo »). La déviation du son
est
aussi prononcée que celle du sens. Il s’agit en tout cas d’une erreur
2506
t en tout cas d’une erreur, qui eût aussi bien pu
être
toute différente, ou ne pas être, comme on le voit en Russie, où la p
2507
ût aussi bien pu être toute différente, ou ne pas
être
, comme on le voit en Russie, où la pièce reste masculine. Ensuite, le
2508
pas de soi, mais constitue, précisément — s’il s’
est
vraiment produit — un signe de plus de la révolution psychique du Moy
2509
de la mystique soufiste dans la Comédie, il peut
être
intéressant de mentionner la thèse hardie et quelque peu aventureuse
2510
ordre des Templiers, mais encore cet ordre aurait
été
lié à l’hérésie cathare — en dépit de certaines apparences — comme le
2511
nvito, et même le De vulgari eloquentia devraient
être
interprétés symboliquement. Dans un opuscule postérieur, Aroux précis
2512
— Mots introuvables dans la Comédie, quand l’idée
est
partout présente. « Dames ». — Les initiés du templarisme albigeois,
2513
ar un dédoublement mystique de l’âme et du corps,
étaient
censés avoir les deux sexes, hommes en tant que corps et forme matéri
2514
vieux manuscrits, pour qu’une littérature entière
soit
passée sous leurs yeux sans qu’ils y aient vu autre chose que des con
2515
peignant l’amour de Rivalen pour Blanchefleur (ce
sont
les parents de Tristan) accumule les expressions religieuses les plus
2516
vie. Il entra dans une vie nouvelle Où tout son
être
fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était com
2517
Il entra dans une vie nouvelle Où tout son être
fut
changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était comme e
2518
. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait
Était
comme entremêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens étaient tr
2519
remêlé de folie Et frappé d’aveuglement. Ses sens
étaient
troublés Égarés par la Minne Et comme délivrés De leur frein naturel.
2520
t. (Traduction Bossert.) Les trois derniers vers
sont
une parfaite confirmation de ma définition de la passion opposée à l’
2521
(correspondant à la forêt de Morois chez Béroul)
est
décrite en détail, et chaque détail comporte un sens symbolique comme
2522
ymbolique commenté par l’auteur. La « fossure » a
été
construite par des géants. C’est une voûte dont la clef est faite de
2523
uite par des géants. C’est une voûte dont la clef
est
faite de pierres précieuses. Au milieu trône un lit de cristal, etc.
2524
al, etc. Mais voici ce qui nous intéresse : Ce n’
est
pas sans raison Que la fossure est reléguée Dans cette contrée sauvag
2525
éresse : Ce n’est pas sans raison Que la fossure
est
reléguée Dans cette contrée sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’
2526
sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’amour N’
est
pas dans les routes battues Ni autour des habitations humaines. Il ha
2527
les déserts. Le chemin qui conduit à sa retraite
Est
dur et pénible. (Traduction Bossert.) Pour qui conserverait des dout
2528
rencontrer la « récompense » de ses peines. (Il n’
est
pas devenu Parfait) : J’ai connu la fossure Quand je n’avais que 11
2529
la fossure Quand je n’avais que 11 ans Mais je ne
suis
jamais allé en Cornouailles. Comment pourrait-il s’agir d’amour phys
2530
t le dernier vers indique bien que la « fossure »
est
purement symbolique, puisqu’elle peut exister ailleurs qu’en Cornouai
2531
e. (L’argument avancé me convainc peu : l’hérésie
était
de nature dogmatique, et saint François ne s’occupait pas de doctrine
2532
ie (Bulgares ou Bougres dans les pays du Nord), s’
étaient
emparés du gouvernement de plusieurs municipalités. Le podestat d’Ass
2533
de plusieurs municipalités. Le podestat d’Assise
était
un hérétique, avant 1204 ! Dans les cités avoisinantes, il y eut de n
2534
autre part, on sait bien que saint François avait
été
le disciple enthousiaste des poètes français (d’où son nom même). Il
2535
e ressemblance. Il reste que saint François, s’il
fut
influencé par l’atmosphère de la religion d’Amour, en transporta tout
2536
ompher d’Éros. Mars déchaîné, même contre Éros, n’
est
guère qu’un autre aspect du « mal » qu’il veut détruire, et plus barb
2537
uer de nouvelles communautés religieuses. » Elles
sont
nombreuses — des centaines de mille, selon le pape Jean xxii, en 1321
2538
urope, et spécialement en Brabant. Leur mouvement
est
né « au point de rencontre de deux courants généraux » : le catharism
2539
avoir un béguin » signifie en français moderne «
être
coiffé de quelqu’un », être amoureux.) Les béguines, confondues avec
2540
en français moderne « être coiffé de quelqu’un »,
être
amoureux.) Les béguines, confondues avec les cathares au début, furen
2541
béguines, confondues avec les cathares au début,
furent
souvent persécutées par l’Église. L’une fut même brûlée vive en 1236,
2542
t, furent souvent persécutées par l’Église. L’une
fut
même brûlée vive en 1236, et plusieurs furent soumises à l’ordalie. L
2543
L’une fut même brûlée vive en 1236, et plusieurs
furent
soumises à l’ordalie. L’époque où apparaissent les béguines « est non
2544
’ordalie. L’époque où apparaissent les béguines «
est
non pas celle de l’affranchissement de la femme, mais celle où commen
2545
ttérature courtoise ». Leurs poèmes d’amour divin
sont
connus, publiés et traduits aujourd’hui en plusieurs langues. L’inspi
2546
e Hadewych d’Anvers (milieu du xiiie siècle) ont
été
traduits en français, annotés et remarquablement introduits par le Fr
2547
tions de cet Appendice.) « Le recueil de Hadewych
est
par sa date comme par son style, un témoin privilégié : il fait plus
2548
tants de rhétorique et de poésie amoureuse : nous
sommes
à l’époque où la Provence vaincue achevait la conquête esthétique du
2549
t que la thèse selon laquelle Jeanne d’Arc aurait
été
tertiaire franciscaine s’appuie exclusivement sur le fait qu’un docum
2550
orosini, 1429) la déclare expressément béguine. »
Est
-il besoin de souligner que la seule existence des poèmes des béguines
2551
IV et V.) L’auteur montre que, pour Sade, le mal
est
l’unique élément de la Nature. On lit dans la Nouvelle Justine : « Ou
2552
la Création : « Le principe de vie dans tous les
êtres
n’est autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrisso
2553
tion : « Le principe de vie dans tous les êtres n’
est
autre que celui de la mort ; nous les recevons et les nourrissons dan
2554
nalyse du mythe nous a montré que cette antithèse
est
purement apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne sont que noi
2555
t apparente. Mais si la vie et la Nature créée ne
sont
que noirceurs et cruauté, il faut alors pour s’en délivrer renchérir
2556
r le prochain. Sade choisit le prochain : il veut
être
criminel plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique est l’invers
2557
l plutôt que victime. Ainsi la conscience sadique
est
l’inverse de la conscience romantique. Le romantique (Pétrarque) se c
2558
critiques, et redresser quelques erreurs, qui ne
sont
pas toutes de leur côté, comme on s’en doute. Au plus haut point poly
2559
ctifs qu’un certain type de spécialistes éminents
sera
toujours tenté de considérer comme autant de « difficultés », obscuri
2560
» assez libres de mon ouvrage. Voilà qui pourrait
être
vérifié — et l’a été sur quelques points — à l’occasion de diplômes e
2561
ouvrage. Voilà qui pourrait être vérifié — et l’a
été
sur quelques points — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il est m
2562
oints — à l’occasion de diplômes et de thèses. Il
est
malaisé, en revanche, d’estimer les influences dialectiques, obliques
2563
s m’avoir lu ils comprenaient trop bien ce qu’ils
étaient
en train de faire. Enfin, certains de mes thèmes, explicités ou non,
2564
, ou le respect de l’autre en tant que différent,
sont
invoqués avec une fréquence croissante par des psychanalystes, des so
2565
ais le phénomène le plus ample dont mon livre ait
été
le catalyseur — je ne dis pas un instant la cause —, c’est peut-être
2566
imer toute mention de mon livre dans les leurs ne
sont
pas les derniers à s’ébattre sur le terrain que j’avais jalonné : la
2567
du nid d’aigle d’Hitler. Ses deux thèses extrêmes
sont
reprises d’Eugène Aroux et du Sâr Péladan : a) « tous les troubadours
2568
oux et du Sâr Péladan : a) « tous les troubadours
étaient
cathares, tous les cathares étaient troubadours » ; et b) la rhétoriq
2569
s troubadours étaient cathares, tous les cathares
étaient
troubadours » ; et b) la rhétorique courtoise fut le langage secret d
2570
ent troubadours » ; et b) la rhétorique courtoise
fut
le langage secret de l’hérésie. Voilà qui est insoutenable en faculté
2571
ise fut le langage secret de l’hérésie. Voilà qui
est
insoutenable en faculté, mais qui éveille dans l’esprit une obscure é
2572
vidence : l’impression que l’on vient de toucher,
fût
-ce à tâtons, le cœur du problème, et que d’une manière ou d’une autre
2573
ou d’une autre, dans la réalité fondamentale qui
est
celle du symbole, on brûle. De fait, les erreurs manifestes d’Otto Ra
2574
a genèse socioreligieuse que la masse des travaux
tenus
pour « sérieux » qui jusqu’alors avaient conclu régulièrement au très
2575
pour la remise du manuscrit, dont pas une ligne n’
est
encore écrite, Rops me supplie de céder mon tour dans la série à un j
2576
quotidienne de découvrir ou d’inventer, le livre
est
terminé pour le solstice d’été, triomphe du Jour, et le soir même je
2577
inventer, le livre est terminé pour le solstice d’
été
, triomphe du Jour, et le soir même je vais à l’Opéra, où l’on donne T
2578
tre sans date de 1938, il m’écrit en effet : « Je
suis
trop près de la question qui vous occupe pour la saisir d’un coup d’œ
2579
r la saisir d’un coup d’œil. D’autre part, elle n’
est
qu’accessoirement pour moi matière d’érudition… Je veux dire que la q
2580
Cette dernière phrase suffit à m’assurer que nous
sommes
sur la même longueur d’onde.) Puis, le livre paru, 25 mars 1939, nouv
2581
importante sur votre livre213. Mais la question n’
est
pas là. Je prépare une entreprise qui risque de donner beaucoup de re
2582
te, où il soutient que toute la poésie européenne
est
sortie du Languedoc et qu’il n’est pas un poète, russe, allemand, dan
2583
sie européenne est sortie du Languedoc et qu’il n’
est
pas un poète, russe, allemand, danois, anglais, etc. qui ne doive son
2584
ivre, qui a pour titre « L’Amour et l’Occident »,
est
(…) plein de références à des faits inconnus et souvent appuyées sur
2585
uite de révélations exaltantes à tous ceux qui se
sont
interrogés sur l’atmosphère poétique, morale et religieuse de notre p
2586
posé à partir de mon livre ou autour de lui. Ce n’
est
qu’à mon retour d’Amérique que j’apprendrai que le Génie d’Oc a bel e
2587
alors Émile Novis) il explique que le catharisme
soit
soudain devenu l’un des thèmes favoris de journaux comme Combat, qui
2588
ation. Je lis enfin le numéro fameux : ma thèse y
est
partout diffuse et implicite, en filigrane, mais promptement condamné
2589
e affleure en clair ; mon nom nulle part, si ce n’
est
dans quelque note méfiante au bas d’une page. Et voilà qui est normal
2590
que note méfiante au bas d’une page. Et voilà qui
est
normal, puisqu’il est, m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de
2591
as d’une page. Et voilà qui est normal, puisqu’il
est
, m’assure-t-on, de la nature d’un catalyseur de disparaître des combi
2592
es livres consacrés au catharisme, si leur auteur
est
occitan — me semble mériter quelque attention. Cet aspect ombrageux d
2593
de cette immense et sombre affaire passionnelle —
fût
-ce en fervent ami de la cause occitane —, je doute qu’il soit bien ju
2594
ervent ami de la cause occitane —, je doute qu’il
soit
bien juste de le rationaliser, comme on tend à le faire aujourd’hui e
2595
texte liminaire du Génie d’Oc : Les hommes d’Oc
sont
les héritiers d’une civilisation déchue… La religion de ces hommes [i
2596
e… La religion de ces hommes [i.e. le catharisme]
était
, comme leur philosophie, une épopée de la chute. On dirait que le tem
2597
ntrer dans l’histoire le drame de leur esprit… Il
est
assez naturel que l’échec d’une doctrine de salut engage le salut poé
2598
e religion devait transformer la poésie qui avait
été
longtemps sa sœur siamoise. À quoi, dans Les Celtes et la civilisati
2599
2) D’autre part, l’affabulation, la mythification
étant
le propre de l’esprit celtique, il s’est produit une sorte de transfe
2600
cation étant le propre de l’esprit celtique, il s’
est
produit une sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’est tran
2601
’est produit une sorte de transfert : tout ce qui
était
défaite s’est transformé en une aventure merveilleuse, où l’écrouleme
2602
sorte de transfert : tout ce qui était défaite s’
est
transformé en une aventure merveilleuse, où l’écroulement de la socié
2603
, où l’écroulement de la société celtique ne peut
être
dû qu’à des circonstances plus ou moins magiques (p. 253) Quoi de c
2604
e par la force et la ruse ? Outre le fait d’avoir
été
soumises par les Saxons au nord, les Wisigoths au sud, bien avant d’ê
2605
axons au nord, les Wisigoths au sud, bien avant d’
être
« mises en annexe » par les Français, il y a sans doute, dès l’origin
2606
te qui, par-delà tous nos calculs, vaincra… Je me
suis
un peu attardé sur cet exemple parce qu’il fait voir que ce qui impor
2607
t voir que ce qui importe, en fin de compte, ce n’
est
pas que l’on soit pour ou contre une thèse, mais que l’on adopte un c
2608
importe, en fin de compte, ce n’est pas que l’on
soit
pour ou contre une thèse, mais que l’on adopte un certain angle de vi
2609
te, c’est qu’on s’occupe de cela qui auparavant n’
était
pas vu, ne comptait pas, restait refoulé. C’est moins la décision que
2610
roblème qu’on convient de considérer. Enfin, ce n’
est
pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu l’on est en train de jouer.
2611
est pas de savoir qui gagne, mais à quel jeu l’on
est
en train de jouer. Ceci m’amène à ma longue querelle avec les histori
2612
ies gnostiques et l’hérésie de l’amour courtois —
est
devenue dans le milieu des érudits quelque chose comme une cause célè
2613
à ce qui semblait le plus spectaculaire mais qui
était
le plus vulnérable : la thèse de Rahn qui veut que le trobar clus ait
2614
rôle d’un langage secret de l’hérésie. Voilà qui
était
aussi facile à citer dans un écho de journal qu’à réfuter dans une re
2615
demeure : que troubadours et cathares ne peuvent
être
compris séparément, hors du grand phénomène religieux (psychosocial s
2616
grand phénomène religieux (psychosocial si l’on y
tient
) qui les englobe et qui les porte du xiie au xive siècle. Et si vou
2617
te, du seul fait que je semblais ignorer ce qu’il
était
admis que l’on sût ou non, à ce moment-là, au sujet de l’amour courto
2618
t sur le ton légèrement excédé du spécialiste qui
est
payé pour savoir où en est l’affaire, et n’admet pas qu’on vienne lui
2619
édé du spécialiste qui est payé pour savoir où en
est
l’affaire, et n’admet pas qu’on vienne lui raconter des fariboles. Il
2620
ariboles. Ils me reprochaient surtout ce que je m’
étais
gardé de dire, et passaient à côté de mon apport, lequel intervenait
2621
« divagations » dénoncées par les maîtres d’hier
soient
professées de nos jours par leurs anciens élèves dans un grand nombre
2622
récidivistes d’une conduite intellectuelle qui n’
est
peut-être, en somme, que le substitut laïque de l’argument d’autorité
2623
tainement ingénieuse, mais qui a l’inconvénient d’
être
entièrement contredite par les faits : lorsque le catharisme commence
2624
phique que sociale. C’est un fait que l’hérésie s’
est
répandue chez les marchands des villes méridionales cinquante ans apr
2625
s. Or, les seigneurs, mais surtout leurs épouses,
étaient
généralement du côté de l’hérésie, non de l’Église. Et l’hérésie étai
2626
côté de l’hérésie, non de l’Église. Et l’hérésie
était
bien plus ancienne que Mme Pernoud ne veut le croire à seule fin d’in
2627
ces contrées. À propos des cathares qui auraient
été
surtout des « bourgeois » selon Mme Pernoud, mais « de modestes paysa
2628
es personnages les plus importants de ma terre se
sont
laissés corrompre. La foule a suivi leur exemple. » On se rabat alors
2629
pérer des nobles dames qu’ils célébraient, et qui
étaient
pour la plupart au moins « croyantes », dans la seconde moitié du xii
2630
e : elles raisonnent à partir de clichés qu’elles
tiennent
pour incompatibles, et qu’elles choisissent d’ailleurs à cette fin. M
2631
gie des Troubadours (Tome II, les Poètes). Quelle
est
la proportion des « jongleurs », des bourgeois où des chevaliers parm
2632
fois les meilleurs et les plus représentatifs. Ce
sont
eux qui ont dû donner le ton, à commencer par Guillaume IX, qui était
2633
donner le ton, à commencer par Guillaume IX, qui
était
« le plus grand prince de France », et son ami le vicomte Eble de Ven
2634
nge, en passant par les quatre sires d’Ussel, qui
sont
peut-être d’une branche des Ventadour215. C’est à un autre procédé d’
2635
eur par phrase ». Les échantillons qu’il en donne
sont
des caricatures où l’erreur vient de lui. (Comment aurais-je dit, par
2636
, par exemple, que « l’amour-passion de Tristan n’
est
rien d’autre que le catharisme » ?) Et quand il parle de la Réforme,
2637
reur par mot que l’on devrait relever216. Mais ce
serait
peine perdue, car notre auteur annonce que le dogme aura le dernier m
2638
e, et à penser que le dogme commande l’éthique ».
Est
-ce au nom de cette « cohérence », ou de l’esprit français, ou du dogm
2639
cohérence de votre personne sur un dogme qui lui
est
extérieur, et non sur ses données psychiques ou sa vraie foi, voilà q
2640
ses données psychiques ou sa vraie foi, voilà qui
est
bel et bon, mais gardez-le pour vous. Ne brûlez pas les hérétiques qu
2641
e du même système de recours à l’autorité, que ce
soit
celle de la Science, de l’Église, du Parti, ou de simples coutumes qu
2642
ples coutumes que l’on baptise Tradition : elle m’
est
offerte par Mme Lot-Borodine. Dès avant la sortie de mon livre (dont
2643
er que je n’ai rien inventé, que ces « horreurs »
sont
dans les textes218, cette dame n’admet pas que l’on tienne compte d’u
2644
de la Sagesse, sa Dame. « Sa mystique courtoise…
serait
bien la réplique en terre germanique de la « piété fleurie » que les
2645
, croit-on, sous le masque de Clémence Isaure, ne
serait
qu’une autre personnification dévote » (p. 139). Et l’on retrouvera d
2646
a bien-aimée, entendre le son de sa voix ? Quelle
est
donc la figure de l’aimée, qui recèle tant de trésors charmants ? » (
2647
la véritable identité ou essence de la Dame : «
Est
-elle Dieu ou créature humaine, femme ou homme, savoir secret ou puiss
2648
même page, quand il croit voir la Sagesse : Elle
était
à la fois loin et près, en haut et en bas, présente et néanmoins cach
2649
du minnespil des Allemands — ce ludus amoris qui
est
à la fois gaudium et dolor chez Suso ; — enfin, la nostalgie essentie
2650
i s’adresse à l’absolu, à l’infini : le senen qui
est
le dezirar des troubadours, et qui sera le Sehnen de Wagner. (Et même
2651
senen qui est le dezirar des troubadours, et qui
sera
le Sehnen de Wagner. (Et même les « mots crus » ne manquent pas, qui
2652
rouvaient la réalité » de la Dame !) Ainsi Suso «
tient
cette gageure de chanter comme une femme aimée le Bien insaisissable,
2653
nt depuis toujours et à jamais incompatible, tout
est
là mis ensemble, aussi merveilleusement mêlé que dans la lyrique occi
2654
d’impossible, à supposer que leur disposition eût
été
telle. La thèse maxima — celle que je ne défends pas — assimilant la
2655
r le fait que le procédé impliqué par cette thèse
est
possible et réalisable. À ceux qui reviendront me démontrer que la rh
2656
courtoises tendrait donc à montrer que celles-ci
sont
sans liens spécifiques ni congénialité avec l’hérésie. Je distingue l
2657
quant à l’orthodoxie de Suso. De fait, sans qu’il
soit
même besoin de rappeler son influence sur la secte des Amis de Dieu,
2658
ur la secte des Amis de Dieu, nous savons qu’il s’
est
formé dans l’atmosphère religieuse de Cologne, « bastion des Béghards
2659
concevait. Et surtout, ce culte de la Sagesse qui
est
un trait décisif de sa piété, ne le partage-t-il pas avec les hérétiq
2660
iques ? Faudra-t-il en déduire que Suso, en cela,
était
hérétique — ou au contraire que les cathares en cela étaient orthodox
2661
étique — ou au contraire que les cathares en cela
étaient
orthodoxes ? Je retiens qu’ils ont en commun quelque chose de plus es
2662
lbert Béguin avait écrit de son auteur : « Ce qui
est
remarquable, c’est que ce virtuose soit en même temps un esprit désin
2663
: « Ce qui est remarquable, c’est que ce virtuose
soit
en même temps un esprit désintéressé, soucieux de la seule vérité à l
2664
de Denis de Rougemont, dont L’Amour et l’Occident
est
une suite de paradoxes suggestifs, mais dénuée de tout sérieux histor
2665
remarquable auteur de L’Âme romantique et le Rêve
tiennent
, je crois, davantage à sa biographie qu’à une relecture de mon livre.
2666
e, pour « orthodoxe » que la déclare Béguin, n’en
est
pas moins ruinée de nos jours : d’un ensemble de travaux menés en tou
2667
Troyes — comme l’avait entrevu F. von Suhtschek —
est
d’origine iranienne attestée, mithriaque, hermétique et en même temps
2668
cerdoce celtique, à partir de la Perse antique, s’
est
opérée par l’hermétisme et le soufisme. Un certain « Kyot le Provença
2669
nçal » (cité par Wolfram comme sa source), qui ne
serait
autre que Guilhem ou Guillot de Tudela (et non de Tolède, comme on l’
2670
es attaquant de front avec une pétulance qui ne s’
est
pas démentie depuis trente ans, l’autre plutôt par des réserves impli
2671
our réciproque malheureux, eux dont le maître mot
est
« Joie », n’est qu’un étrange contresens ». Le contresens que je vois
2672
alheureux, eux dont le maître mot est « Joie », n’
est
qu’un étrange contresens ». Le contresens que je vois est inverse : J
2673
n étrange contresens ». Le contresens que je vois
est
inverse : Joy est le maître mot des troubadours et ce n’est pas la jo
2674
ns ». Le contresens que je vois est inverse : Joy
est
le maître mot des troubadours et ce n’est pas la joie au sens françai
2675
e : Joy est le maître mot des troubadours et ce n’
est
pas la joie au sens français du mot. Je crains que le contraste absol
2676
tique. Je cite p. 52 : « L’idée de mort-par-amour
est
l’un des traits qui nous paraissent constituer la commune substance d
2677
e de la mort-par-désir — pour conventionnel qu’il
soit
— est le ressort de Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d
2678
mort-par-désir — pour conventionnel qu’il soit —
est
le ressort de Fin’Amors » (p. 242). Mais il y a plus : mourir d’amour
2679
ice à l’extrême, tendre au salut, aller à Dieu, n’
est
-ce pas un thème commun aux troubadours, aux mystiques arabes, et sans
2680
de al-Hallaj : « Adorer Dieu par amour seulement
est
le crime des manichéens », et que dans le roman provençal anonyme int
2681
e à adorer Dieu à travers la femme ».226 S’il en
est
bien ainsi, ni les cathares ni les troubadours ne sont très loin de l
2682
bien ainsi, ni les cathares ni les troubadours ne
sont
très loin de l’endura d’amour dont meurt Tristan et où Isolde le rejo
2683
dique (p. 41 et suivantes) à quel point « le Midi
était
familiarisé avec la riche matière de Bretagne… la Quête du Graal, Gau
2684
i a nom Bernard de Ventadour. Dans le poème qu’on
tient
pour son chef-d’œuvre et où l’on sent battre le cœur du lyrisme occit
2685
du lyrisme occitan, le canso de l’Alouette, tout
est
d’abord lum et clartaz. Mais c’est précisément du début de ce chant q
2686
r lui va…228 (Simone Weil : « Quand ce pays eut
été
détruit, la poésie anglaise reprit la même note, et rien dans les lan
2687
ris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’
est
dérobée elle-même, ne me laissant que mon désir et mon cœur assoiffé
2688
qui tant me plaît. Miroir, depuis qu’en toi je me
suis
vu, mes soupirs profonds me tuent, et ainsi je me suis perdu, comme l
2689
vu, mes soupirs profonds me tuent, et ainsi je me
suis
perdu, comme le beau Narcisse à la fontaine. Et voici le recours à l
2690
ts tourments Pour Iseut la blonde Ah Dieu, que ne
suis
-je aronde Pour traverser l’air D’un vol par la nuit profonde Jusque e
2691
és, l’exil, et l’instance obsédante de la mort ne
sont
-ils pas ici, comme dans Tristan, liés par les complicités profondes d
2692
d’assimiler et d’uniformiser ce qui diffère ! (Ce
serait
contraire à ma théologie, à mon éthique, et à toute ma doctrine polit
2693
s, puis Gottfried et Richard nous répètent qu’ils
sont
nés « pour désirer et pour mourir, pour mourir de désirer », en passa
2694
llemands, il existe une continuité, qui jamais ne
fut
« attestée » ni ne le sera par certificats d’origine, manifestes d’éc
2695
ntinuité, qui jamais ne fut « attestée » ni ne le
sera
par certificats d’origine, manifestes d’école ou expertises notariées
2696
’émotion de Tristan. Je propose que cette émotion
soit
seule arbitre entre nos thèses. Jaufré Rudel de Blaye fut gentilhomm
2697
arbitre entre nos thèses. Jaufré Rudel de Blaye
fut
gentilhomme de grande noblesse et prince de Blaye ; et il s’énamoura
2698
et prit la mer. Et dans la nef il tomba malade et
fut
conduit à Tripoli, dans une auberge, comme mort. On le fit savoir à l
2699
mte de Saint-Antonin (xiie siècle), « où il nous
est
conté que la dame de ce troubadour, apprenant qu’il avait été tué dan
2700
e la dame de ce troubadour, apprenant qu’il avait
été
tué dans un combat, alla s’enfermer dans une maison de femmes hérétiq
2701
ais d’entrée de jeu : que « l’amour provençal » s’
est
développé parallèlement au catharisme, dans les mêmes régions, et que
2702
es troubadours, p. 228) ; mais il ajoute ceci qui
est
non moins évident : « En 1250, le catharisme était définitivement vai
2703
est non moins évident : « En 1250, le catharisme
était
définitivement vaincu mais l’Église trouvait encore devant elle cette
2704
qui accueillaient et protégeaient les troubadours
étaient
, à la veille de la Croisade, sinon « parfaites » du moins « croyantes
2705
cit., p. 229). Une quinzaine de troubadours ont
été
cathares ou à tout le moins « catharisants », parmi lesquels Raimon d
2706
re, je n’hésite pas à ajouter Peire Cardenal.) Il
est
vrai que Nelli admet qu’on chercherait en vain dans leurs œuvres « la
2707
on spécifiquement hérétique » (p. 234), mais ceci
est
une autre histoire et dont j’ai parlé en son temps. (On chercherait e
2708
e leur nombre dès lors qu’il y en a au moins un —
est
la réfutation vivante des théories multipliées non seulement sur l’ab
2709
dans E. T. p. 223, note). Que Peire Cardenal ait
été
hérétique comme je le crois avec Lucie Varga, ou seulement sympathisa
2710
u seulement sympathisant comme le pense Nelli, il
fut
en tout cas troubadour : il y a donc « collusion » là encore. Le trou
2711
écrit en 1963 : « Nous ne prétendrons pas, ce qui
serait
absurde, que ce roman trahit une inspiration cathare… Mais le poète y
2712
ttitude de Guillem à celle d’un « patarin » qu’on
est
bien obligé de reconnaître que, dans son esprit, l’Amour et le cathar
2713
il redevient l’érudit qui écrit sa thèse et qui s’
est
mis en tête de rivaliser avec les plus tatillons des « spécialistes »
2714
ue la possibilité même d’une telle rencontre doit
être
exclue, s’agissant de « deux éléments étrangers et même antagonistes
2715
ncontre d’un cathare déclaré et d’un troubadour s’
est
attestée au moins une fois dans un même homme, Guillaume de Durfort,
2716
e proposition spécifiquement hérétique… Tous s’en
tiennent
aux données de l’érotique traditionnelle, ou plus exactement : les di
2717
admettre, dès lors, que tous les troubadours ont
été
cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a été. Or il est évident que tous les
2718
badours ont été cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a
été
. Or il est évident que tous les troubadours n’ont pas été cathares. »
2719
été cathares ou qu’aucun d’eux ne l’a été. Or il
est
évident que tous les troubadours n’ont pas été cathares. » Nelli en c
2720
il est évident que tous les troubadours n’ont pas
été
cathares. » Nelli en conclut que « leurs idées religieuses n’ont eu,
2721
r singularité théorique » (E. T., p. 234-235). Je
serais
tenté de souscrire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me tenir)
2722
ais tenté de souscrire à ce raisonnement (qu’il m’
est
arrivé de me tenir), si je ne m’avisais d’un très sérieux défaut dans
2723
crire à ce raisonnement (qu’il m’est arrivé de me
tenir
), si je ne m’avisais d’un très sérieux défaut dans la symétrie qu’il
2724
ose : « tous ou aucun ». Car de fait quelques-uns
furent
cathares. Si leur croyance n’a pas modifié leur lyrique, ne serait-ce
2725
Si leur croyance n’a pas modifié leur lyrique, ne
serait
-ce pas qu’il n’y avait nul besoin de la modifier pour qu’elle convînt
2726
r qu’elle convînt à cette croyance, tant elle lui
était
congéniale, tant elle en dépendait intimement dès sa genèse, fût-ce m
2727
tant elle en dépendait intimement dès sa genèse,
fût
-ce même par réaction ? Et qu’en ce sens on pourrait bien soutenir que
2728
n soutenir que tous les troubadours nolens volens
furent
cathares, comme on peut dire que Victor Hugo, Baudelaire, Verlaine et
2729
que Victor Hugo, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud
furent
catholiques. Tous les surréalistes furent anarchistes, encore qu’il s
2730
Rimbaud furent catholiques. Tous les surréalistes
furent
anarchistes, encore qu’il soit probable que fort peu d’entre eux avai
2731
les surréalistes furent anarchistes, encore qu’il
soit
probable que fort peu d’entre eux avaient lu Bakounine et Proudhon ;
2732
tre eux avaient lu Bakounine et Proudhon ; et ils
furent
tous influencés par Freud, encore que, selon les sources, seuls Breto
2733
d ils changeront de camp), mais toute leur poésie
est
anarchie, depuis les « mots en liberté » jusqu’à « l’Amour libre ». E
2734
(encore que sans le savoir ou sans l’admettre il
fût
plus proche du second que du premier par son sens du sacré, des symbo
2735
ais, contraint de choisir entre tous et aucun, je
serais
plus attiré par tous, lui peut-être à son cœur défendant par aucun ;
2736
ation obsédante » (p. 142), je me dis : voilà qui
est
fort bien vu et très conforme à mon projet, s’il se ramène à faire vo
2737
ojet, s’il se ramène à faire voir et sentir qu’il
est
impossible à la fois de prouver la relation hérésie-courtoisie et de
2738
la nier. Oui, j’aime cette phrase parce que ce n’
est
pas seulement au lecteur, mais à moi l’auteur qu’arrive toujours à ne
2739
comment le refus d’accomplir totalement le désir
est
le moyen le plus « raffiné » de l’éterniser. Ainsi, Ibn Dawoud : Ah
2740
ours. La Joie d’amour, ou Joy d’amors en occitan,
est
un mot masculin dont le sens varie non seulement selon les époques —
2741
« petting ». Mais déjà chez Guillaume IX, le joy
est
donné par l’Amour « à celui qui observe ses lois » ; et cette joie es
2742
« à celui qui observe ses lois » ; et cette joie
est
dite « pure » parce qu’elle dépend d’un bien que l’on désire sans l’a
2743
irer. Le sens de joy oscille donc entre plaisir d’
être
amoureux et vœu d’éterniser le désir, comme chez les Arabes. Chez Gui
2744
et des yeux de la dame : Toute la joie du monde
est
nôtre Dame, si l’un l’autre nous aimons. et ses effets bénéfiques s’
2745
etenue même que lui impose la dame : Nul ne peut
être
assuré de triompher de l’amour, s’il ne se soumet en tout à sa volont
2746
eté — à condition que les esprits animaux eussent
été
au préalable excités — devenait une force bénéfique », écrit René Nel
2747
ajoute en note, avec un point d’interrogation qui
est
bien dans sa manière : « Théorie gnostique répandue peut-être, en Occ
2748
es ? » On sait, d’autre part, que le catharisme s’
est
infiltré chez les béguines et les béguins de saint François, dès le x
2749
éclare en effet que selon les béguins nul ne doit
être
déclaré vertueux (ou vertueuse) nisi se possent ponere nudus cum nuda
2750
près inévitable, bien que les motifs, on l’a vu,
soient
différents de part et d’autre : chez les troubadours, exalter le dési
2751
s maints domaines de conduite pratique — ce qui s’
est
produit en effet. 2° L’asag apparaît lié dès l’origine aux autres thè
2752
tiers les « invente » entre 1110 et 1120, mais il
est
attesté peu de temps auparavant dans les mêmes lieux, en Poitou, au s
2753
, se pose l’une des questions les plus ardues qui
soient
dans l’histoire des lettres et des mœurs de l’Occident ; celle de l’a
2754
création totale (et qui paraît sans précédent) s’
est
-elle produite en ce lieu et à cette date ? Le grand romaniste zurich
2755
e ses aspects les mieux connus (ou connaissables)
soit
par les textes, soit par la chronique : je veux parler de l’évolution
2756
ux connus (ou connaissables) soit par les textes,
soit
par la chronique : je veux parler de l’évolution des formes dans la p
2757
uc au moine. ⁂ Le Poitou et Guillaume de Poitiers
sont
moins à l’origine qu’au lieu focal de l’histoire de l’amour en Occide
2758
imousins ». La descendance nordique de Poitiers n’
est
pas moins féconde. Aliénor, petite-fille de Guillaume, épousera Louis
2759
filles Marie de Champagne et Aëlis de Blois, qui
tiendront
cour d’amour et transmettront les secrets de la courtoisie aux auteur
2760
uteurs des « romans bretons », dont le plus grand
sera
leur ami et obligé, Chrétien de Troyes. Guillaume est le prince le pl
2761
leur ami et obligé, Chrétien de Troyes. Guillaume
est
le prince le plus puissant sur les terres qu’on nomme France aujourd’
2762
s qu’on nomme France aujourd’hui. Tous ses oncles
sont
ducs ou rois, ses cousines et ses tantes reines ou impératrices : du
2763
tour de son château. Avec cela, et avant tout, il
est
poète. Ses premiers « vers » (ou cansos) « chantent ses aventures gal
2764
dé l’abbaye de Fontevrault. Le duel commence. Qui
est
Robert d’Arbrissel ? Né vers 1050 à l’Arbressec, ce Breton fils de pr
2765
on fils de prêtre se fait d’abord clerc vagabond,
tient
des sermons violents contre le mariage des prêtres, puis se retire en
2766
ai offert toute la force de mes talents et ce qui
est
beaucoup plus encore, je me suis soumis à elles, moi et mes disciples
2767
talents et ce qui est beaucoup plus encore, je me
suis
soumis à elles, moi et mes disciples, pour le bien de nos âmes. » Nou
2768
, à sauver de l’enfer des filles débauchées… S’il
est
exact que Robert d’Arbrissel préconisait entre religieux et religieus
2769
çon ?… Il nous paraît très probable que Guillaume
fut
vivement impressionné par le mouvement de Fontevrault et par les succ
2770
comme il le dit dans l’une de ses chansons. « Ne
serait
-ce pas dans cet état de malaise intérieur que naquit en lui le désir
2771
ue la prise de conscience d’une réalité psychique
est
inséparable de sa mise en forme (plastique ou poétique), ou encore qu
2772
ément une forme liturgique ou littéraire, sans en
être
affecté et transformé : nulle rhétorique n’est innocente pour un poèt
2773
n être affecté et transformé : nulle rhétorique n’
est
innocente pour un poète. Le processus formel qui intervient ici consi
2774
d’oïl ou d’oc. Et l’on découvre que ce passage s’
est
opéré par le moyen des formes liturgiques, de l’hymne ambrosien et de
2775
e trouve que « l’abbé laïque » de Saint-Martial n’
est
autre que Guillaume, septième comte du Poitou, neuvième duc d’Aquitai
2776
cherche sa transformation. L’œuvre qui en résulte
est
finie, mais par sa forme elle rend sensible la tension infinie de la
2777
i au travers de toutes les formes, si imparfaites
soient
-elles, révèle l’attrait de la perfection. » Aux belles analyses de Sp
2778
lyses de Spoerri, je voudrais ajouter ceci : s’il
est
vrai que ce qu’il nomme très bien « la magie opératoire des formes li
2779
du lyrisme courtois dans l’œuvre de Guillaume, il
est
un second facteur formel dont l’action n’a guère été moindre sur la c
2780
un second facteur formel dont l’action n’a guère
été
moindre sur la conscience du poète, je veux parler de la rhétorique a
2781
e, la musique, la poésie et l’érotique des Arabes
étaient
fort loin d’être inconnues. On sait qu’en 1019, par exemple, vingt es
2782
ésie et l’érotique des Arabes étaient fort loin d’
être
inconnues. On sait qu’en 1019, par exemple, vingt esclaves musulmans
2783
, par exemple, vingt esclaves musulmans d’Espagne
sont
reçus par l’abbé, qui en retient deux à son service, et confie les au
2784
quels ils servent d’interprètes242. (Ces esclaves
sont
souvent très versés dans les lettres, la poésie et la musique.) Voilà
2785
, me dites-vous, ni cathares ni jongleurs. Robert
est
catholique, Guillaume est grand seigneur… Pour peu que l’on renonce a
2786
es ni jongleurs. Robert est catholique, Guillaume
est
grand seigneur… Pour peu que l’on renonce aux clichés, il est facile
2787
igneur… Pour peu que l’on renonce aux clichés, il
est
facile de constater que l’orthodoxe en cette affaire, du point de vue
2788
aine de couvents. Au surplus, l’hérésie cathare n’
est
pas absente du Poitou dès les débuts de son expansion européenne. Ell
2789
toute la première génération des troubadours, qui
est
poitevine, limousine, gasconne et charentaise par Cercamon, les Venta
2790
ue Marcabru, protégé par le fils de Guillaume IX,
fut
l’élève des moines de Saint-Martial, et Déodat Roché estime qu’il ser
2791
es de Saint-Martial, et Déodat Roché estime qu’il
serait
« opportun de rechercher les rapports de ces moines bénédictins ou ci
2792
en tension avec le phénomène, ou le simple fait d’
être
pris dans son champ. Notons aussi que les grandes dames de l’Aquitain
2793
n de ce xiie siècle. C’est aussi que Guillaume n’
est
pas encore « converti » à la courtoisie, et qu’elles ont des raisons
2794
des raisons de le fuir. Plus tard, un Peire Vidal
sera
du même côté que les « croyantes », tout en restant peut-être extérie
2795
ttes ouvertes et leurs liaisons secrètes. Les uns
sont
en relation de rivalité et les autres en consonance. Ce qui importe,
2796
l’homme à la femme, sur la notion même de salut,
sont
souvent opposés, parfois mal comparables, mais consacrent et privilég
2797
Dawoud, vers la fin du IXe siècle. Tous les deux
sont
les chantres et comme les inventeurs de l’Amour voilé et secret, chas
2798
ce le mystique convaincu d’hérésie… Les deux n’en
sont
pas moins liés par cela même, par leur problématique et par leur fana
2799
vaux. Les chansons d’amour d’Abélard pour Héloïse
sont
presque exactement contemporaines des premières chansons courtoises d
2800
courtoises de Guillaume IX (environ 1110) ; elles
sont
toutes perdues, en dépit de leur immense popularité à l’époque, mais
2801
Iseut devenue abbesse malgré elle, mais qui s’en
tient
avec obstination à sa morale du cœur. Deus cordis potiusquam operis i
2802
du cœur. Deus cordis potiusquam operis inspector
est
, Dieu regarde au cœur plus qu’aux actes, écrit-elle. Bernard de Clair
2803
idi contre le catharisme (1145) cette hérésie qui
est
descendue du Nord français (Arras, Reims, Orléans), par le Poitou, ve
2804
s grand-chose dans ma première version, et me les
suis
interdites dans la deuxième. Seules me paraissent signifiantes certai
2805
ique (les preuves scientifiques ou expérimentales
étant
exclues par la nature du phénomène en cause). Vous avez beau rappeler
2806
es et les mêmes situations conflictuelles, ils ne
sont
pas impressionnés. Ils me rappellent ces juges américains dont je lis
2807
c’est-à-dire à renvoi indéfini. Si les Apôtres s’
étaient
présentés devant nos historiens nécessiteux de preuves au soir même d
2808
l’œuvre que l’on crée. Ils ne croient qu’à ce qui
est
« attesté ». Or la poésie ne l’est jamais. Ils ne veulent croire qu’a
2809
nt qu’à ce qui est « attesté ». Or la poésie ne l’
est
jamais. Ils ne veulent croire qu’aux sources alléguées expressément p
2810
t par un auteur. Or les vraies sources en général
sont
inconscientes, ou refoulées, ou délibérément dissimulées. — Ils n’ign
2811
de la même manière. « L’amour, avec des nuances,
est
le même sous toutes les latitudes et à toutes les époques, surtout po
2812
i nous restent — n’a l’amour pour sujet. Pas une.
Est
-ce que vraiment cela ne veut rien dire ? — Ils sont victimes d’une ps
2813
st-ce que vraiment cela ne veut rien dire ? — Ils
sont
victimes d’une psychologie au moins désuète, linéaire et rationaliste
2814
r l’amour et ses suites, tel éloge de la chasteté
est
conforme à la morale catholique puisqu’il tend à réfréner la concupis
2815
uisqu’il tend à réfréner la concupiscence, ou lui
est
diamétralement opposé puisqu’il tend à exalter le désir, je constate
2816
trinsèque. Ils n’ont pas compris l’essentiel, qui
est
l’union complémentaire indivisible de certaines réalités antinomiques
2817
ui se dit catholique, ou cathare, ou de gauche, l’
est
de ce fait et l’est en tous ses actes et ses dires ; non seulement il
2818
, ou cathare, ou de gauche, l’est de ce fait et l’
est
en tous ses actes et ses dires ; non seulement ils croient à ce qui e
2819
et ses dires ; non seulement ils croient à ce qui
est
allégué, étiqueté, plutôt qu’à ce qui est vécu, expérimenté, mais enc
2820
ce qui est allégué, étiqueté, plutôt qu’à ce qui
est
vécu, expérimenté, mais encore ils paraissent tout ignorer des compli
2821
oulée. Ils n’ont pas vu que l’opposition réelle n’
est
pas entre ceux qui exaltent et ceux qui condamnent tel ou tel élément
2822
refusent de voir les réalités de l’inconscient et
tiennent
pour assurée, au-delà de toute critique, l’incompatibilité de la volo
2823
as seulement les troubadours, et ces cathares qui
furent
ou non leurs frères. Pourquoi revenir si longuement sur tout cela ? P
2824
es dites « scientifiques » par les lettrés, je me
suis
senti parfois pris d’une sorte d’angoisse, et je me suis sérieusement
2825
nti parfois pris d’une sorte d’angoisse, et je me
suis
sérieusement interrogé : n’avaient-ils pas raison, peut-être ? Sur bi
2826
traire de l’autre sur chaque sujet, et ces sujets
sont
fort nombreux, si bien que leur consensus, qui est très près d’être n
2827
nt fort nombreux, si bien que leur consensus, qui
est
très près d’être nul, le serait tout à fait n’était ce point unique d
2828
, si bien que leur consensus, qui est très près d’
être
nul, le serait tout à fait n’était ce point unique de leur accord con
2829
leur consensus, qui est très près d’être nul, le
serait
tout à fait n’était ce point unique de leur accord contre mes thèses.
2830
est très près d’être nul, le serait tout à fait n’
était
ce point unique de leur accord contre mes thèses. Je me suis piqué au
2831
nt unique de leur accord contre mes thèses. Je me
suis
piqué au jeu, je l’avoue. C’est un jeu fascinant, merveilleusement gr
2832
veille en le disant, et c’est par là que le drame
est
arrivé, celui que nous attendions sans le savoir — mais dès l’instant
2833
et surtout l’expression lyrique — au commencement
était
le Chant, qui est le Verbe musical — et cela tient à la nature même d
2834
ion lyrique — au commencement était le Chant, qui
est
le Verbe musical — et cela tient à la nature même de l’amour, de cet
2835
tait le Chant, qui est le Verbe musical — et cela
tient
à la nature même de l’amour, de cet amour-passion que j’ai décrit, et
2836
ur, de cet amour-passion que j’ai décrit, et c’en
est
une première approche. En traitant à fond ce problème, je ne crois pa
2837
is pas avoir cédé à quelque manie obsessive, ni m’
être
laissé entraîner sur un terrain où mes savants critiques seraient peu
2838
entraîner sur un terrain où mes savants critiques
seraient
peut-être les mieux armés : je crois avoir plutôt tenté d’approfondir
2839
e l’on pourrait croire purement techniques, ce ne
sont
pas nos savoirs différents, nos inégalités d’information, ce sont nos
2840
oirs différents, nos inégalités d’information, ce
sont
nos conceptions de l’amour, et plus que cela, nos expériences différe
2841
les jugements contradictoires qu’elles motivèrent
soient
amusants à confronter. Les catholiques m’ont approuvé à cause de la c
2842
a passion ; mais les gnostiques ont bien senti où
était
mon cœur. Les magazines féminins m’ont approuvé pour ma défense de la
2843
n. Et enfin, Jean-Paul Sartre, après la guerre, s’
est
servi de mon livre pour illustrer la thèse qu’il attaquait avant la g
2844
. Puis il se demande si, à l’encontre de ce qu’il
tient
pour ma thèse, la passion réelle « n’aurait pas, en tant que phénomèn
2845
n’avoir pas reconnu que la dialectique de l’amour
est
de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’un bel amuse
2846
». Sept ans plus tard, une guerre plus tard, et L’
Être
et le Néant ayant paru, tout a changé. Dans sa « Présentation des Tem
2847
acceptons pas à priori l’idée que l’amour-passion
soit
une affection constitutive de l’esprit humain. Il se pourrait fort bi
2848
açon plus générale, nous estimons qu’un sentiment
est
toujours l’expression d’un certain mode de vie et d’une certaine conc
2849
de vie et d’une certaine conception du monde qui
sont
communs à toute une classe ou à toute une époque et que son évolution
2850
asse ou à toute une époque et que son évolution n’
est
pas l’effet de je ne sais quel mécanisme intérieur mais de ces facteu
2851
e ces facteurs historiques et sociaux. Mon livre
est
donc devenu le premier argument que Les Temps modernes opposeront aux
2852
je n’aurais au total qu’à me féliciter si je m’en
tenais
à leur résultante positive : le livre vit, tant aimé que honni, après
2853
e à croire que selon moi la passion et le mariage
sont
exclusifs l’un de l’autre, comme l’avaient décidé les cours d’amour.
2854
idé les cours d’amour. Cette lecture de mon livre
est
erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’est pas ce que j’ai
2855
erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’
est
pas ce que j’ai voulu dire. J’ai voulu souligner les contrastes, renf
2856
r des alliances fédérales, dont le premier modèle
est
le mariage. Passion et inceste Dans son ouvrage sur la Prohibit
2857
eud (dans Totem et Tabou), suppose que la culture
est
née des interdits jetés d’abord sur la femme du père, puis sur l’ense
2858
. Certes, Tristan n’a pas pu désirer sa mère, qui
est
morte en couches. Mais sa tristesse vient de cette mort, comme son no
2859
Et lorsqu’il couche par accident avec Iseut, qui
est
la femme promise de son « père », c’est-à-dire du roi Marc, son oncle
2860
ession intégrale, et il l’a déjà possédée, ce qui
est
juste, puisqu’il s’est montré le plus fort. Il semble qu’il échappe a
2861
l’a déjà possédée, ce qui est juste, puisqu’il s’
est
montré le plus fort. Il semble qu’il échappe ainsi à la situation œdi
2862
happe ainsi à la situation œdipienne (où l’enfant
est
toujours le plus faible, et même trop faible). Pourtant, parce qu’il
2863
complexe d’Œdipe, sa réflexion dans un miroir, n’
est
pas moins bien décrit par le Roman en Prose. On y voit tout d’abord l
2864
À ce moment donc, Marc aime Tristan, qu’il ignore
être
son neveu. Puis Tristan triomphe du Morholt, et révèle sa naissance r
2865
le. Mais, blessé, il s’en va vers l’Irlande où il
est
soigné par Iseut, et lorsqu’il revient à la cour de Tintagel « le roi
2866
re pas moins devant Dieu « qu’il fera tout ce qui
est
en son pouvoir ». (Sa culpabilité œdipienne vis-à-vis de Marc, substi
2867
enne vis-à-vis de Marc, substitut du père décédé,
est
redoublée par le souvenir de sa mère, qu’il a fait mourir en venant a
2868
blessent d’une épée empoisonnée, et qu’il tue, ne
sont
-ils pas les symboles « paternels » de l’interdit à surmonter, non san
2869
ter, non sans blessure ? La vengeance du « père »
étant
la castration du fils symbolisée par la séparation (perte du sein mat
2870
emand, ou permission) que si l’objet de son amour
est
éloigné (l’amors de lonh de Jaufré Rudel). Les principaux moments dia
2871
entre Tristan, Marc et Iseut. Ces contradictions
sont
illustrées par tous les épisodes du roman, elles font le roman : alte
2872
deux tabous, c’est bien là son « âpre tourment »,
soit
qu’il retrouve Iseut ou qu’il se sépare d’elle ; soit qu’il vive avec
2873
qu’il retrouve Iseut ou qu’il se sépare d’elle ;
soit
qu’il vive avec elle dans la forêt, ou qu’il la rende volontairement
2874
elle, chute voluptueuse dans l’indifférencié, qui
est
le néant. Il n’a voulu garder de l’amour que les moments éblouissants
2875
oi. Dès lors l’éblouissement suprême ne peut plus
être
que mortel : c’est la mort des Banou Odrah, la tribu légendaire où l’
2876
raisons de croire que la prohibition de l’inceste
est
la loi minimale pour qu’une culture se différencie de la nature248, a
2877
t Fils) et de la primordiale situation créatrice,
est
bien autre chose, et bien plus qu’une « épopée de l’adultère » ; c’es
2878
ngoissées, mais émerveillées d’un coup de foudre,
est
caractérisé par les réactions hyperboliques de tout l’être à une inci
2879
ctérisé par les réactions hyperboliques de tout l’
être
à une incitation des plus banales, qui serait chez tout autre normale
2880
out l’être à une incitation des plus banales, qui
serait
chez tout autre normale, autrement dit facile à compenser, neutralise
2881
voici tout d’un coup qu’à cette incitation tout l’
être
des amants se met à réagir, dans un branle-bas général, par une fièvr
2882
utuelle hypnose. Or ils disent tous qu’ils aiment
être
saisis par une telle fièvre, par ce bouleversement des sens et de l’â
2883
e bouleversement des sens et de l’âme. La passion
est
ce trouble effrayant mais délicieux que provoque la présence de certa
2884
is délicieux que provoque la présence de certains
êtres
, pour des raisons qu’eux-mêmes, comme ceux qui réagissent à leur prés
2885
ergie : réaction excessive à un agent externe qui
est
d’ordinaire inoffensif, mais qui soudain, pour des raisons que nul ne
2886
ons que nul ne connaît, provoque chez celui qui s’
est
trouvé sensibilisé par un premier contact, une surcompensation violen
2887
t d’un coup, déborde immensément. Et que le désir
soit
ou non satisfait n’y change rien dans les cas graves (au surplus comp
2888
tout, et surtout l’impossible : l’infini dans un
être
fini. La réponse « normale » au désir étant de faire l’amour, ou de s
2889
ans un être fini. La réponse « normale » au désir
étant
de faire l’amour, ou de s’éloigner, la réponse passionnelle (allergiq
2890
s’éloigner, la réponse passionnelle (allergique)
est
de se rendre la proie d’une fièvre quasi mortelle dans certains cas,
2891
tihistaminiques prescrits dans les cas d’allergie
serait
d’amener le passionné à regarder et à voir l’autre tel qu’il est. Or
2892
passionné à regarder et à voir l’autre tel qu’il
est
. Or c’est à quoi le passionné se refuse, et de toute sa passion, préc
2893
r dans la sobre lumière des jours partagés. Ce n’
est
pas amour, qui tourne à réalité. Cette sentence courtoise signifie qu
2894
. Cette sentence courtoise signifie que fin amors
est
jouissance du désir, non du plaisir ; mais on peut en étendre le sens
2895
é, écartent la proximité. Et quand les passionnés
sont
contraints de vivre ensemble, le philtre cesse bientôt d’agir ! À l’e
2896
ême, il s’agit d’écarter la réalité physique de l’
être
aimé — surtout celle de la femme pour l’homme, car il n’y a pas ici d
2897
i ait chanté l’amour de loin 249. L’amour-passion
serait
-il une allergie que l’on aime, allergie positive, allergie délicieuse
2898
rogue La cause la plus fréquente de l’allergie
est
le contact avec certaines substances, ou leur ingestion. La passion n
2899
t en général de la seule mise en présence de deux
êtres
. Dans le cas de Tristan et d’Iseut, il en va bien ainsi, selon Thomas
2900
ébut délicieuse, qu’on appelle l’état amoureux, n’
est
que sa forme encore voilée — « un peu, beaucoup » — qui se lie au dés
2901
ptine. Comme si son ardeur consumait l’image d’un
être
aimé dans le rêve de la drogue (« S’il m’aime, c’est par la poison »…
2902
uve devant l’Iseut réelle, il s’aperçoit que ce n’
est
pas elle qu’il a aimée. On sait le rôle du voyage sur mer dans les lé
2903
a scène du philtre, « la poison » bue. Le dernier
est
celui d’Iseut voguant vers son amant pour tenter de le guérir d’une n
2904
our guérir Tristan des effets du poison, puis ils
sont
de nouveau séparés. Mais quand ils boivent ensemble le même philtre,
2905
le même philtre, font-ils le même « voyage », ou
est
-ce une illusion ? C’en est une certainement aux yeux de celui qui vei
2906
le même « voyage », ou est-ce une illusion ? C’en
est
une certainement aux yeux de celui qui veille, convaincu que ceux qui
2907
t ségrégatif de la passion. Ceux qui « voyagent »
sont
toujours seuls. Leur passion n’atteint pas la réalité de l’autre, et
2908
iste à répéter qu’il condamne la passion — ce qui
est
faux — parce qu’elle est l’ennemie intime de l’institution matrimonia
2909
amne la passion — ce qui est faux — parce qu’elle
est
l’ennemie intime de l’institution matrimoniale et de son éthique — ce
2910
stitution matrimoniale et de son éthique — ce qui
est
exact ; d’où l’on déduit que « l’amour » serait incompatible avec le
2911
qui est exact ; d’où l’on déduit que « l’amour »
serait
incompatible avec le mariage — ce qui est ridicule. Il s’agit là d’un
2912
ur » serait incompatible avec le mariage — ce qui
est
ridicule. Il s’agit là d’une de ces vues plus que sommaires qu’exigen
2913
les légendes sous les photos de magazines, et il
est
superflu de redire ici que je la désavoue radicalement. Que dès sa ge
2914
au mariage ; que les finalités d’Éros et d’Agapè
soient
en relation d’antinomie systématique, c’est ce que j’ai tenté d’établ
2915
u Agapè), à l’état pur, passif ou extatique, elle
est
mortelle, comme chez Tristan et quelques-uns des grands mystiques. Re
2916
en composition — si elle le tolère. Le chlore pur
est
mortel, mais le chlorure de sodium est le sel de nos repas — de nos a
2917
chlore pur est mortel, mais le chlorure de sodium
est
le sel de nos repas — de nos agapes. Ni répressif ni marcusien, je n’
2918
us obéirez, dans quelles structures du mythe vous
serez
engagé. Je n’écris pas pour feindre de légiférer, ni même pour consei
2919
cause, bien mieux : en connaissance de fins. Il n’
est
peut-être pas de domaine où ce travail paraisse plus nécessaire, et o
2920
de l’affectivité, laissée en friche quand elle n’
est
pas vilipendée par notre société scientifico-technique. À tel point q
2921
ie dès l’origine. Une erreur à peine moins fatale
serait
de vouloir exclure la passion du mariage. Je l’avais dit assez claire
2922
passion peut renaître au sein du mariage : « S’il
est
vrai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il est vrai que l’Au
2923
ai que la passion cherche l’inaccessible, et s’il
est
vrai que l’Autre en tant que tel reste aux yeux d’un amour exigeant l
2924
le au sein même du mariage accepté ? Tout Autre n’
est
-il pas l’inaccessible, et toute femme aimée une Iseut, même si nul in
2925
e excitant, celui qui ne dépendra jamais que de l’
être
même : l’autonomie de la personne aimée, son étrangeté fascinante ? »
2926
eté fascinante ? » Cette recherche de l’Ange, qui
est
le mystère de l’autre, excitant à la fois l’Éros et l’Agapè, ne serai
2927
l’autre, excitant à la fois l’Éros et l’Agapè, ne
serait
-ce pas une troisième forme de l’amour, homologue des mystiques du mar
2928
ressive, ou au mieux une vertu que l’on s’impose,
est
simplement la condition sine qua non de toute œuvre d’art ou de vie d
2929
ait, je n’ai jamais « condamné la passion » et me
suis
expliqué sur ce point dans le chapitre conclusif de ma première versi
2930
ste encore : condamner la passion en principe, ce
serait
vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait
2931
pôles de notre tension créatrice. De fait cela n’
est
pas possible. » En vérité, je ne veux rien condamner et je ne propose
2932
sulte de mon livre que la passion doive ou puisse
être
oblitérée afin que règne Agapè triomphante, j’oserai dire au terme de
2933
j’oserai dire au terme de ce Post-scriptum que ce
serait
méconnaître foncièrement la cohérence de ma pensée. Toute ma morale,
2934
ale, et toute mon érotique, et toute ma politique
tiennent
en effet dans le principe de la composition des opposés et de la mise
2935
sse et le relie à la communauté, dans laquelle il
est
seul responsable de sa manière unique d’être avec tous. Le couple est
2936
le il est seul responsable de sa manière unique d’
être
avec tous. Le couple est la cellule sociale originelle, dont les forc
2937
de sa manière unique d’être avec tous. Le couple
est
la cellule sociale originelle, dont les forces constitutives sont deu
2938
sociale originelle, dont les forces constitutives
sont
deux êtres de lois singulières, différentes, mais qui choisissent de
2939
iginelle, dont les forces constitutives sont deux
êtres
de lois singulières, différentes, mais qui choisissent de composer un
2940
sans séparation, et sans subordination » comme il
est
dit de l’union des deux natures en Jésus-Christ253 ; cependant que le
2941
journées et leurs rêves. Enfin la politique, qui
est
l’art d’aménager les relations humaines dans la cité (polis), se rédu
2942
ns la cité (polis), se réduit au fédéralisme, qui
est
l’art d’unir des communautés là seulement où leur union seule peut sa
2943
opposé, de le réduire à la loi de l’autre (qu’il
soit
le plus fort ou le plus fin) par annexion ou colonisation, ou d’établ
2944
arut quelques mois plus tard, en juin 1938 : il n’
était
plus temps de construire l’armée blindée qu’il demandait. 212. Pre
2945
le numéro de juin 1939 des Cahiers du Sud. « Ce n’
est
pas d’étayer sa conjecture que D. de R. a souci mais de la rendre plu
2946
mais de la rendre plus forte que le jugement. Il
est
moins préoccupé de situer le mythe que d’en évaluer la fatalité spiri
2947
quatre troubadours d’Ussel, Paris, 1922. 216. Il
tient
Socin, ce moine italien réformé qui alla prêcher son hérésie particul
2948
oi) de Peire Cardenal, Vera vergena Maria : Marie
est
la vraie Vierge, née « en Syrie », mais devenue la Reine assise à la
2949
st donc bien le rôle de la Sophia aeterna qu’elle
tient
alors. 219. Cf. Antwort auf Hiob de C. G. Jung. 220. J. A. Bizet,
2950
apitre sur la Musique des troubadours. La mélodie
est
notée sur la même page. Pour la suite du poème, j’ai repris et un peu
2951
phismes courants sur cathares-troubadours : — X n’
est
pas cathare, car il ne dit rien d’autre que Y, qui ne l’est pas. — Co
2952
thare, car il ne dit rien d’autre que Y, qui ne l’
est
pas. — Comment savez-vous qu’Y ne l’est pas ? — Parce qu’il s’exprime
2953
qui ne l’est pas. — Comment savez-vous qu’Y ne l’
est
pas ? — Parce qu’il s’exprime comme X, dont je viens d’établir qu’il
2954
exprime comme X, dont je viens d’établir qu’il ne
fut
pas cathare. 236. Par exemple dans les châteaux du Cabardès, du Mine
2955
nait un précieux exemple de ces imitations : « Il
est
clair que les troubadours, musiciens avant d’être poètes, modèlent le
2956
est clair que les troubadours, musiciens avant d’
être
poètes, modèlent leurs vers sur la mélodie. La forme strophique est d
2957
nt leurs vers sur la mélodie. La forme strophique
est
d’essence musicale… Le seul texte musical que nous possédions de Guil
2958
grec et en latin. 245. Cette chronique de revue
sera
reprise dans Situations I. 246. On notera le flottement dans les exc
2959
du désir » suffisait à créer la passion, celle-ci
serait
universelle, ce qu’elle n’a pas été et n’est pas. Et il est clair que
2960
, celle-ci serait universelle, ce qu’elle n’a pas
été
et n’est pas. Et il est clair que la courtoisie, facteur socioculture
2961
i serait universelle, ce qu’elle n’a pas été et n’
est
pas. Et il est clair que la courtoisie, facteur socioculturel externe
2962
selle, ce qu’elle n’a pas été et n’est pas. Et il
est
clair que la courtoisie, facteur socioculturel externe, n’a pu agir q
2963
sur des structures internes latentes, mais qui le
seraient
restées — comme ailleurs — sans son intervention. (Il est remarquable
2964
ées — comme ailleurs — sans son intervention. (Il
est
remarquable que des flottements analogues, sur les mêmes objets, s’ob
2965
pas partie de sa « structure existentielle » ? Ne
serait
-il pas alors la transcendance canine ? Rien ne distinguerait plus l’h
2966
chien, dans le domaine de la passion. Allons ! il
est
trop clair que Sartre abuse des mots, et qu’ici c’est délibéré. Ce qu
2967
pour embêter — pense-t-il — les théologiens, ce n’
est
guère que de l’exorbitance, c’est-à-dire un mouvement de l’homme pour
2968
de l’homme pour se forcer courageusement (faute d’
être
attiré amoureusement !) hors de lui-même ; pour passer à tous risques
2969
ne réfute pas une névrose, mais on a le droit de
tenir
pour suspect tout argument de portée générale qui en est tiré. (Le re
2970
r suspect tout argument de portée générale qui en
est
tiré. (Le reproche vaudrait aussi dans le cas de Kierkegaard, qui cep
2971
si dans le cas de Kierkegaard, qui cependant s’en
est
expliqué avec un humour convaincant.) C’est malheureusement ce genre
2972
rir le chapitre central consacré à l’amour dans L’
Être
et le Néant (1943). Presque aussi long à lui seul que mon livre, il n
2973
sque aussi long à lui seul que mon livre, il n’en
est
jamais loin par sa problématique. 247. « Suggéré » ? Oui, par tout m
2974
e ! Si un pavé de près de 400 pages assez serrées
est
enregistré par Sartre comme une simple suggestion, on comprend mieux
2975
oin de 5000 pages pour traiter vraiment un sujet,
fût
-il aussi considérable que sa haine pour Flaubert — déjà déclarée à l’
2976
hapitre sur « la Femme rêvée ». 250. Que pouvait
être
la drogue au xiie siècle ? Probablement l’ergot de seigle, dont les