1 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). Note liminaire
1 es de discours et conférences que l’on va lire ne sont sans doute que les approches d’un même thème, varié selon les circons
2 tentatives « pour y voir clair ensemble » qu’ont été les congrès de septembre et d’octobre dont j’essaie de tirer ici les
2 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). L’Europe au miroir des congrès en 1974
3 tes ou de cohues intellectuelles, mais ce n’avait été jusqu’ici qu’au rythme d’une manifestation tous les deux ou trois ans
4 upart des cas, de colloques internationaux dont j’ étais soit l’initiateur et le rapporteur principal, soit l’un des responsab
5 des cas, de colloques internationaux dont j’étais soit l’initiateur et le rapporteur principal, soit l’un des responsables p
6 ais soit l’initiateur et le rapporteur principal, soit l’un des responsables politiques ou intellectuels. Ma situation devai
7 politiques ou intellectuels. Ma situation devait être bien différente dans les congrès de septembre et d’octobre 1974, auxq
8 ’un livre que j’avais en train — sur l’Avenir ! — serait achevé, de même que ma nouvelle maison. Pronostic faux dans les deux
3 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). I. Alpbach : le trentième anniversaire du Forum européen
9 le, à 7 km de là, qu’il a fallu rebâtir et rien n’ est prêt. J’ai 8200 livres à déballer, 80 cartons de manuscrits à rouvrir
10 e. Mon absence, en tant que seul orateur français est simplement impossible, s’écrie-t-il en allemand dans l’appareil. Le p
11 itaires et étudiants de tous les pays de l’Europe seront là pour cette plus grande fête du Collège. Il est donc impensable que
12 ont là pour cette plus grande fête du Collège. Il est donc impensable que…, etc. Bref, le 4 septembre au matin, me voici d
13 le Collège d’Autriche y a réuni trente sessions d’ été d’études européennes. Les cours et séminaires se tenaient au début su
14 d’études européennes. Les cours et séminaires se tenaient au début sur une terrasse d’auberge, sur un pré, dans une salle de ba
15 u seul hôtel. Depuis, Molden et ses amis1 — qui n’ étaient encore, en 1945, que d’heureux rescapés de la Résistance — ont fait c
16 ) héberge les activités du Forum européen. Chaque été , des centaines d’étudiants et une cinquantaine de professeurs étudien
17 zaine de disciplines. L’atmosphère intellectuelle est d’une alpestre alacrité. Tous les problèmes de pointe, réels ou à la
18 Tous les problèmes de pointe, réels ou à la mode, sont traités par de très hautes autorités : Schrödinger, prix Nobel de phy
19 ntellectuel autant que par la beauté du lieu, s’y est fait bâtir une belle maison paysanne. Dans la piscine communale, mini
20 urope, en relation avec l’idée d’union européenne est le type même du sujet impossible à traiter : c’est ce qu’il me faudra
21 c’est ce qu’il me faudra dire d’abord, mais ce n’ est guère intéressant en soi. Plus instructif sera de contraster les effo
22 e n’est guère intéressant en soi. Plus instructif sera de contraster les efforts pour l’Europe déployés depuis 30 ans par no
23 König, l’assemblée, président fédéral en tête, se sera transportée dans la maison Paula von Preradovic. La culture en Euro
24 : « J’ai à peine commencé à me battre ! » De quoi sommes -nous partis au lendemain de la guerre ? Qu’avons-nous réussi ou raté 
25 l’inverse — comme celles dont le Forum d’Alpbach fut l’un des premiers exemples, un consensus général s’est dégagé : l’Eur
26 ’un des premiers exemples, un consensus général s’ est dégagé : l’Europe que nous voulons unir n’est pas d’abord une express
27 l s’est dégagé : l’Europe que nous voulons unir n’ est pas d’abord une expression géographique, ou économique, et encore moi
28 c une culture, au sens le plus large du terme. Il serait vain de rêver d’union là où n’existe pas d’unité préalable sur quoi b
29 our préserver ce mode de vie et cette culture qui sont les raisons d’être de l’Europe. Et il faut restaurer l’unité culturel
30 de de vie et cette culture qui sont les raisons d’ être de l’Europe. Et il faut restaurer l’unité culturelle si l’on veut que
31 ion politique devienne possible. Les deux actions sont les aspects d’un seul et même processus historique dont nous sommes l
32 d’un seul et même processus historique dont nous sommes les agents responsables. À partir de cette plate-forme commune, nous
33 nce de Lausanne a voté 23 résolutions dont 21 ont été réalisées. Quelques exemples. À l’instar de foyers d’enseignement du
34 Instituts universitaires d’études européennes ont été créés, puis réunis en une association, l’AIEE. Cela représente une so
35 de thèses. Mais pour autant, bien sûr, l’Europe n’ est pas faite. Un problème urgent se pose à l’Europe dans les années 1946
36 t rester Européens, mais l’Europe, pour autant, n’ est pas faite. Les manuels d’histoire, créant et entretenant les national
37 iciels entretenant la haine entre nos peuples ont été effacés. C’est beaucoup pour la paix — mais l’Europe pour autant n’es
38 aucoup pour la paix — mais l’Europe pour autant n’ est pas faite. Dans les années 1950, il était difficile de faire passer l
39 autant n’est pas faite. Dans les années 1950, il était difficile de faire passer le moindre article sur l’Europe dans la gra
40 pe dans la grande presse. Quand le mot « Europe » était imprimé, on pavoisait ! Plusieurs Agences européennes de presse ont é
41 ait ! Plusieurs Agences européennes de presse ont été créées pour diffuser non seulement des informations mais aussi des ar
42 eurs du Continent. Succès total : les agences ont été dissoutes l’une après l’autre, parce que toute la presse ne parlait p
43 que de l’Europe — de cette Europe qui pourtant n’ est pas faite. Convaincus comme nous l’étions tous que l’Europe devait se
44 pourtant n’est pas faite. Convaincus comme nous l’ étions tous que l’Europe devait se faire d’abord dans les esprits et constat
45 rd dans les esprits et constatant que les esprits étaient faits à l’École, par les maîtres du primaire et du secondaire surtout
46 re, la géographie, l’économie, les langues, etc., soient enseignées dans un esprit européen. Beaucoup dépend du succès de cett
47 , voire de sacrifices personnels. Tous ou presque sont des exemples de succès, parfois complets, et cela dans un domaine déc
48 sif pour l’union fédérale. Et pourtant l’Europe n’ est pas faite. Pourquoi ? À mon avis, pour deux raisons : 1. La mentalité
49 lle des gouvernants et celle des peuples, n’a pas été transformée. Le concept napoléonien d’État-nation, souverain comme un
50 a conjoncture politico-économique du continent, s’ est développée dans le même temps contre l’Europe. Prenez les trois grand
51 une contribution à l’union de l’Europe, mais elle serait , au mieux, très indirecte, exagérément « dialectique »a. L’École de F
52 rxiste (Adorno, Horkheimer, Habermas, Marcuse), n’ est certes pas antieuropéenne par principe, au départ. Mais il se trouve,
53 ai 68 » a ébranlé un régime nationaliste, il n’en est rien résulté de constructif pour l’Europe. Toutes ces jeunes énergies
54 ’Europe. Toutes ces jeunes énergies déchaînées se sont épuisées en slogans clamés sur des barricades désespérément anachroni
55 tend à substituer des structures à l’homme, et ne tient aucun compte de la personne, « pauvre trésor » raillé par Lévi-Straus
56 e de slogan dans les années 1940 et 1950, et ce n’ était souvent qu’une manière « dramatisée » de justifier une incroyance des
57 nt cru pouvoir en tirer la conclusion que si Dieu est mort, l’homme aussi. Mais qu’est-ce à dire ? Si c’était vrai, qui ser
58 sion que si Dieu est mort, l’homme aussi. Mais qu’ est -ce à dire ? Si c’était vrai, qui serait là pour le dire ? Et par quel
59 ssi. Mais qu’est-ce à dire ? Si c’était vrai, qui serait là pour le dire ? Et par quel improbable privilège posthume ? Les str
60 n ce point, déclarent que l’homme n’existe pas, n’ est qu’illusion, « constituée » au xviiie siècle. Le sujet humain se voi
61 e le phénomène de la mort de Dieu et de l’homme n’ est en fait qu’une manière de parler, ou plus exactement : d’écrire. En m
62 générale, que les États font tout, que l’avenir n’ est pas notre affaire, mais celle des ordinateurs. Où sont les grands écr
63 pas notre affaire, mais celle des ordinateurs. Où sont les grands écrivains, les grands philosophes, les grands artistes, da
64 dominant du xxe siècle, c’est la nation — ce qui est bien vrai, mais l’est autant, et dans le même sens, du cancer… Je vo
65 e, c’est la nation — ce qui est bien vrai, mais l’ est autant, et dans le même sens, du cancer… Je vous dirai maintenant me
66 ux de la culture et de la vie politique en Europe sont produits par l’action imprévue de facteurs extérieurs à la dialectiqu
67 dustrielle. L’action extraculturelle imprévue qui est en train de bouleverser la conjoncture culturelle et politique, c’est
68 a crise de l’environnement et de l’énergie, qui s’ est déclarée dès 1973, et qui nous ramène avec la force de la nécessité à
69 le christianisme, le germanisme et le celtisme, s’ est formée à partir de foyers locaux (cités italiennes, flamandes, rhénan
70 , surréaliste, etc.). Aucune culture vivante ne s’ est formée à partir de l’État-nation. Toute culture typiquement européenn
71  : dans les deux cas, la formule de l’État-nation est dépassée. Grâce à la crise de l’environnement et à la prise de consci
72 ui ont marqué ces dernières années, les Européens sont en train de découvrir le vice le plus profond de l’État-nation centra
73 auration de communautés réelles parmi nous. Elles seront d’abord spirituelles (l’immense rassemblement de jeunes qui se réalis
74 ci autour de la communauté œcuménique de Taizé en est l’exemple). Mais l’homme ne vit pas de l’esprit seulement. Il faut re
75 l’instruction publique obligatoire dans nos pays) est basé sur l’État-nation : histoire, géographie, économie sont enseigné
76 ur l’État-nation : histoire, géographie, économie sont enseignées à partir de l’État où l’on est né. Le nationalisme antieur
77 onomie sont enseignées à partir de l’État où l’on est né. Le nationalisme antieuropéen nous est donc inculqué dès l’école p
78 où l’on est né. Le nationalisme antieuropéen nous est donc inculqué dès l’école primaire. Je propose ici une réforme profon
79 rofonde : que tout l’enseignement parte de ce qui est le plus proche de l’enfant : commune, région (souvent à cheval sur un
80 ns lesquelles ni culture vivante ni fédération ne sont possibles. Dernière remarque. Je voudrais qu’il soit bien compris qu
81 possibles. Dernière remarque. Je voudrais qu’il soit bien compris que l’Europe que nous voulons n’est pas une superpuissan
82 soit bien compris que l’Europe que nous voulons n’ est pas une superpuissance ni un super État-nation, et n’a pas pour fin l
83 ersonnes et des groupes. Le but de l’Europe, ce n’ est pas la puissance, mais la personne et la communauté, sans lesquelles
84 taire anglo-saxon et les savants occidentaux tant soit peu soucieux de critiquer leur propre attitude scientifique2, esquiss
85 que dans deux séminaires, un quart des étudiants étaient les fils et filles des fondateurs du Forum européen. Petite observati
86 faire l’Europe dans l’espace d’une génération, qu’ est -ce au juste qui s’est transmis ? L’idée elle-même ou son échec — jusq
87 espace d’une génération, qu’est-ce au juste qui s’ est transmis ? L’idée elle-même ou son échec — jusqu’ici ? 1. Simon Mo
4 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). II. Strasbourg : la deuxième table ronde du Conseil de l’Europe (« Promesses du xxe siècle »)
88 au 22 septembre 1974 À l’automne de 1953, j’avais été appelé à présider la première table ronde du Conseil de l’Europe. Ell
89 Université de Lund. Une seconde session devait se tenir à Strasbourg deux ans plus tard, pour approfondir les résultats de la
90 arski et W. Groth. Le prof. Max Beloff, d’Oxford, fut chargé de condenser en un volume la substance des débats et les concl
91 te de rapports, notes et documents préparatoires, fut élaborée et distribuée aux participants de mai à septembre. La sessio
92 organismes européens et internationaux. Le public était limité aux diplomates accrédités auprès du Conseil de l’Europe et à u
93 avons fait le 5 mai — un air de fête, assombri il est vrai par le grand deuil de la France, mais aussi un moment de méditat
94 d’œuvrer pour un humanisme de développement, n’a été plus évidente et plus nécessaire qu’aujourd’hui où, dans le grand ébr
95 e secrétaire général le rappela, aucun discours n’ était prévu, à l’exception de celui qu’il m’avait prié de prononcer pour in
96 La première table ronde, tenue à Rome en 1953, s’ était demandé : d’où vient l’Europe, et sur quelles bases d’unité culturell
97 des effets politiques, mais c’est l’inverse qui s’ est produit. Celle d’aujourd’hui veut affronter les premières manifestati
98 re union politique. Or, la cause de cette carence est en interaction précise avec les causes de la crise mondiale, dont le
99 oix concrets, dans les finalités dont ces valeurs sont en définitive les moyens. De la première table ronde sont nés, nous d
100 définitive les moyens. De la première table ronde sont nés, nous dit un document récent émanant du Conseil de l’Europe, « la
101 tière d’éducation et de culture ». Je crois qu’il serait juste d’ajouter à ces dispositions techniques la diffusion discrète,
102 s évidents et ceux que j’ai le mieux connus. Ce n’ est pas rien, mais il faut bien admettre que cela n’a pas suffi pour « fa
103 c une logique infernale (le nom l’indique et ce n’ est pas un hasard) ce « Pentagone de la Puissance » ou mieux : de l’obses
104 e Conseil de l’Europe a fait un acte qui mérite d’ être qualifié de politique, au sens du terme le plus éminent, le plus larg
105 rapports humains dans la cité. Que le Conseil en soit remercié par les Douze en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité
106 cié par les Douze en tant qu’invités, et qu’il en soit félicité par nous tous en tant que citoyens. Car le Conseil ne tente
107 il créer l’union des gens de l’Europe tels qu’ils sont , ou tels qu’ils peuvent devenir dans une société rénovée ? Selon quel
108 alement obéi par la communauté dans laquelle nous sommes nés ? Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théo
109 Devant ces problèmes de destin, notre approche ne sera pas théorique. Nous ne partons pas à la recherche de définitions sati
110 ns satisfaisantes ou simplement provocantes. Nous sommes confrontés à une crise, à des scandales, que tous ressentent, à des d
111 pas faire autrement. Car la pensée, en général, n’ est peut-être que le feed-back d’une surprise ou d’une blessure, d’une ag
112 ière, annoncent un passage dangereux, quand ce ne sont pas déjà les disques rouge et blanc de la voie barrée, de l’impasse.
113 ision ; les ravages de la division du travail qui est en réalité une division de l’homme, comme l’avait annoncé Kropotkine 
114 ar c’est lui qui les rendra vraies, quand elles n’ étaient que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’être démenties ! On y d
115 ent que monitoires et n’ambitionnaient rien que d’ être démenties ! On y décrirait enfin quelque chose qui me paraît beaucoup
116 apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle : Quel est
117 que chose qui est là déjà, bel et bien là, et qui est la Question du siècle : Quel est le sens de ma vie dans cette société
118 bien là, et qui est la Question du siècle : Quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’ell
119 est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’est plus une communauté ? […] Cette crise mor
120 cette société qui n’en est pas une, puisqu’elle n’ est plus une communauté ? […] Cette crise morale affecte l’Occident tout
121 rielle, scientifico-technique, quantitative. Elle est née de l’Europe, de ses valeurs et de leurs conflits ; et des guerres
122 îné toute la planète. Or à leur tour, ces guerres sont nées de nos nationalismes. Et voici qu’apparaît clairement le sujet d
123 es, il faut des choix. Il faut savoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à
124 avoir ce que l’on est prêt à sacrifier et quelles sont les priorités. Veut-on d’abord et à tout prix la Puissance, ou la Lib
125 aguère avait tenté de décréter l’inexistence. Qu’ est -ce qu’une valeur, dans le contexte de notre crise ? Ce n’est pas une
126 ne valeur, dans le contexte de notre crise ? Ce n’ est pas une entité philosophique. C’est ce qui nous permet de choisir, or
127 iale, nous avons l’impression que quelque chose a été faussé dans l’échelle des priorités, que la justice, la santé, la lib
128 e et qui vaut plus que tout ? Bien sûr, les choix sont rarement aussi simples. Mais ils se ramènent dans l’ensemble à un dil
129 me fondamental entre l’impératif catégorique, qui est moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de g
130 est moral, et les impératifs technocratiques, qui sont des questions de gros sous, quand ce n’est pas de puissance militaire
131 , qui sont des questions de gros sous, quand ce n’ est pas de puissance militaire. Or, ces choix de finalités, et les sacrif
132 gage les valeurs, de l’évaluant fondamental. Il n’ est pas toujours bien conscient, même chez celui dont il gouverne le juge
133 son vocabulaire le terme de justice, décidé qu’il est à ne décrire que des enchaînements nécessaires et qui échappent à tou
134 orale. Cependant, la passion qui anime Le Capital est celle de la justice, ou je n’y ai rien compris. C’est la justice, non
135 compris. C’est la justice, non la nécessité, qui est le vrai référentiel de l’œuvre. Pour l’homme d’Europe, qu’il le sache
136 rdonnées spatiales. Notre notion de la personne s’ est constituée au cours des grands conciles œcuméniques, de Nicée en 325
137 enue de la Judée. Le problème majeur des conciles est celui de la Trinité : comment définir et distinguer en un seul Dieu,
138 nt en fait, ou comme diront les scolastiques, qui sont « distinguées par la raison mais unies par la réalité ». En formulant
139 dhon, et les dialectiques d’aujourd’hui, qu’elles soient marxistes, existentialistes ou physico-mathématiques. Et c’est aussi,
140 autonomies locales — cette pensée en tension qui est vraiment l’idée formatrice de l’Europe parce qu’elle engendre l’homme
141 opéen, à partir de l’extraordinaire création qu’a été le concept de personne, cette notion théomorphe de l’homme et anthrop
142 n quelque sorte, de la notion, qui ne tarda pas à être transposée du plan théologique à celui de l’humain, par Augustin d’ab
143 par Augustin d’abord, lequel estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce,
144 estime que l’homme, étant fait à l’image de Dieu, est lui aussi une personne ; puis par Boèce, philosophe non chrétien, qui
145 n termes laïques les définitions conciliaires, et sera commenté par tout le Moyen Âge. Homologue du « vrai Dieu et vrai homm
146 la Deuxième Personne divine, la personne humaine est devenue la coexistence en tension de l’individu naturel et de ce qui
147 tes, les siècles ont ajouté à cette formule. Elle est devenue autre chose qu’un modèle, qu’une structure. Aux notions grecq
148 our actif, de liberté, de justice et de vocation, sont venues s’ajouter les valeurs germaniques de fidélité, de communauté,
149 nt, et de Quête spirituelle. Mais aujourd’hui, qu’ est -ce donc que la personne ? Il semble qu’à une telle question je ne pou
150 . Car chacun naît de quelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’est exactement pareil à rien, croisement de chromos
151 uelque chose qui n’a jamais été auparavant, qui n’ est exactement pareil à rien, croisement de chromosomes eux-mêmes sans pr
152 eux-mêmes sans précédent, de sorte que la chance est quasi nulle qu’il naisse jamais deux individus pareils. Chacun de nou
153 sse jamais deux individus pareils. Chacun de nous est donc le point de départ d’un chemin particulier vers le But qui l’app
154 l’Absolu, la Vérité ou le Bonheur. Le But suprême est le même pour tous, mais chacun pour le joindre doit créer sa propre v
155 ant, à savoir si je découvre mon chemin tel qu’il était prévu pour moi depuis toujours, ou si je l’invente en osant y avancer
156 te forme de confiance dont saint Paul dit qu’elle est « ferme assurance des choses qu’on ne voit pas ». Le chemin qui se cr
157 t commencé par répéter, après Nietzsche, que Dieu est mort, et que cela signifiait la « mort de l’homme », et donc de toute
158 nc de toute identité, de toute personne. Or, ce n’ est là qu’une métaphore. Ce qui peut provoquer la mort de l’homme, c’est
159 lysse au Cyclope : « Je me nomme personne, je n’y suis pas », c’est qu’on prépare un mauvais coup, ou qu’on tente d’échapper
160 t pratiquement, vous y croyez, tous tant que vous êtes . Car si vous protestez comme vous le faites tous, chaque jour, contre
161 iénation, j’ose vous demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction
162 demander ce qui, selon vous, est aliéné ? Si ce n’ est pas la personne, alors quoi ? Quelle abstraction politicienne ? Ceux
163 politicienne ? Ceux qui prétendent que l’homme n’ est qu’une illusion, que le sujet n’existe pas, même dans le discours, qu
164 ation de l’homme par l’homme, disent-ils. Mais ce serait l’exploitation d’une illusion par une inexistence, à les en croire ?
165 à la fois selon le naturel et selon le divin qui est en lui. L’aliéner, c’est le mécaniser — au sens argotique qu’a pris l
166 t qui même très bénéfique, très bien payé, ne lui serait pas propre, ne pourrait que l’altérer, le détourner de sa vocation —
167 r soi-même, la Liberté. Le pouvoir sur autrui, il est fatal que l’État s’en empare un jour ou l’autre. Car l’État réclame e
168 s, et ne peut tolérer que des pouvoirs collectifs soient détenus par des particuliers : qu’on se rappelle la lutte des rois co
169 e du domaine réservé ou revendiqué par l’État, et sera tôt ou tard monopolisé par l’État. Tout pouvoir qui s’exerce sur autr
170 is cette vocation personnelle, je le répète, nous est le plus souvent inconnue. La découvrir comme si on l’inventait est la
171 nt inconnue. La découvrir comme si on l’inventait est la tâche singulière de chacune de nos vies. La tyrannie se définit al
172 itions de vie, de dignité, de santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste,
173 santé et de loisirs sont à peu près les mêmes à l’ Est dit socialiste et à l’Ouest capitaliste, mais de nous tous, habitants
174 Au surplus, elle crée tant de liens avec ce qui n’ est pas ma vocation, que toutes les religions de la Terre l’ont condamnée
175 là-dessus tout l’essentiel : « L’orgueil national est loin de la vie quotidienne. » Les notions d’impératif technique et d’
176 usses et même d’un ridicule moliéresque. Elles ne sont , trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des
177 . Elles ne sont, trop évidemment, que les alibis, soit de la volonté de puissance des États et de leurs grandes Agences tech
178 des États et de leurs grandes Agences techniques, soit du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de no
179 es techniques, soit du profit privé des sociétés, soit encore, en dernière analyse, de notre propre choix matérialiste. Lequ
180 énéré par le xixe siècle et réputé irrésistible, est le type même de l’antivaleur s’il n’est que l’accroissement des pouvo
181 sistible, est le type même de l’antivaleur s’il n’ est que l’accroissement des pouvoirs matériels, qui conduisent à la guerr
182 au gaspillage des ressources terrestres ; s’il n’ est pas un progrès spirituel, une aventure de la liberté, un accroissemen
183 iels, croissance dont on a remarqué que le rythme est celui de la prolifération des cellules cancéreuses. En revanche, l’am
184 on des cellules cancéreuses. En revanche, l’amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que pa
185 amour est une valeur fondamentale, qui ne saurait être niée ou contestée que par des infirmes de l’âme ou des débiles du spi
186 à la radio. Car aimer son prochain comme soi-même est un commandement de la Bible. Puisque les sentiments ne se commandent
187 e prochain comme soi-même, dès lors que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que
188 lors que cela nous est commandé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la
189 dé, ne saurait donc être qu’un acte : le prochain est celui que je puis aider en fait. Mais la notion même de prochain supp
190 géographique. Si le principe de toute communauté est de nature spirituelle et touche l’élément transcendant dans la person
191 de toute la terre, la vie communautaire concrète est proximiste, c’est-à-dire communale, locale et régionale. L’universel
192 , locale et régionale. L’universel et le local ne sont pas en contradiction pas plus que l’Église et la paroisse puisqu’ils
193 mplique sa responsabilité, et que la réciproque n’ est pas moins vraie. La vocation dont l’appel me libère, c’est elle aussi
194 ’État-nation imposé par Napoléon : par en bas, ce sont les régions, par en haut, la fédération continentale. Et nous venons
195 titutives de la personne. Les hommes ne sauraient être unis par l’imposition uniforme d’un même corpus de lois et de règleme
196 es communautés qui, pour défendre leur autonomie, seront amenées à se fédérer et donc à pratiquer la seule méthode capable, se
197 bertés. C’est à cause de cela, finalement, que je suis venu une fois de plus, ici, parler de l’Europe, de son union, et de l
198 bles »… La table ronde qui se termine aujourd’hui est née de la crise qui vient, pour tenter d’y répondre. La crise qui vie
199 nationale », il a tranquillement affirmé ce qu’il tenait pour juste et bon — que cela passe pour « réaliste » ou non. Il y a d
200 le Monde, comme quelqu’un proposait qu’une séance fût consacrée au fédéralisme, le représentant du Conseil de l’Europe avai
201 as, contraint de s’en aller, « le mot fédéralisme étant tabou à Strasbourg ». Aujourd’hui non seulement le mot, mais la chose
202 . Aujourd’hui non seulement le mot, mais la chose est admise, voire applaudie par le secrétaire général en personne, et sou
203 ue, passion égalitaire et besoin « sécurisant » d’ être mené. Pour amorcer cette mutation, il a fallu l’éveil de la conscienc
204 onne grâce que de rigueur par Robert Allen (et il est juste de souligner le rôle peut-être décisif joué sur ce plan par le
205 dans les fondations de l’État-nation souverain ne sont pas dénoués, aucune planification rationnelle à l’échelle du globe n’
206 dès lors, « la liberté de pensée et d’expression est une condition biologique de notre survie ». James Fawcett s’interroge
207 ames Fawcett s’interroge : la société occidentale est -elle encore gouvernable ? A-t-elle encore une volonté politique génér
208 un de notre temps. Giuseppe Petrilli estime qu’il est grand temps de priver l’État de son aura, et de lui rappeler qu’il es
209 iver l’État de son aura, et de lui rappeler qu’il est service public. Enfin, l’un des deux fondateurs du club de Rome, Alex
210 remarquer, une fois de plus, que décentraliser n’ est encore que le fait du Centre, et qu’il nous faut repartir d’en bas, d
211 Rio : « Sur vos derniers travaux, sur ce que vous tenez pour le plus important aujourd’hui. » Puis me parvient une photocopie
212 145 : « La futilité d’un nationalisme étroit doit être reconnue et prise pour axiome dans tout processus de décision. Toute
213 l’aide de mesures limitées à son seul territoire serait condamnée à l’échec. » Je reçois également copie du rapport présenté
214 Parlement italien. Le poète Pierre Emmanuel avait été retenu à Paris par sa nomination, la veille, au poste de président du
5 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). III. Venise : colloque sur le fédéralisme, modèle de l’Europe
215 ances. Au surplus, une année sans séjour à Venise est déséquilibrée du point de vue émotif, j’entends du point de vue de l’
216 occupe aujourd’hui la moitié de la petite place, était fermé. Le troisième jour, je me suis vu nommé président du Bureau dir
217 tite place, était fermé. Le troisième jour, je me suis vu nommé président du Bureau directeur du Centre international de for
218 i, j’ai introduit la séance par ces mots : Nous sommes ici à Venise… …il serait sacrilège de l’oublier, et de parler comm
219 par ces mots : Nous sommes ici à Venise… …il serait sacrilège de l’oublier, et de parler comme si nous étions n’importe o
220 acrilège de l’oublier, et de parler comme si nous étions n’importe où. En me promenant hier soir j’ai repensé à la question qu
221 it posée la veille le président Jean Rey : Venise est -elle vraiment une ville européenne ? Voyez Venise, vivez Venise, et p
222 ago ou à Novossibirsk, et vous me direz si Venise est d’Europe, avec ses marbres si doux au toucher, ses trésors bien dissi
223 en l’honneur de Saint-Marc, j’ai vu l’auteur, qui était Stravinsky, s’incliner et tomber dans les bras étendus du Patriarche
224 autres, et je me disais : comme c’est curieux, je suis d’accord avec chacun d’entre eux successivement. Je ne crois pas un i
225 ive. Je crois que les points de vue exprimés hier étaient en relation de complémentarité : tout le monde avait raison dans le m
226 l’action des Communautés ; sur quoi, Orio Giarini est venu rappeler qu’à côté et au-delà de cette action, il y a une crise
227 n parlement ou d’un sénat européen), l’autre, qui est le ministre belge François Périn, chargé de la réforme constitutionne
228 is Périn, chargé de la réforme constitutionnelle, tenait pour un exécutif collégial, inspiré du modèle suisse (et j’avais les
229 e les deux discours) consiste en ceci : de Gaulle était un homme d’État, ses successeurs ne sont que des hommes de l’État. »
230 Gaulle était un homme d’État, ses successeurs ne sont que des hommes de l’État. » Quand nous avons commencé à parler de rég
231 e officielle nous ont dit : « Malheureux que vous êtes  ! Comme si ce n’était pas assez difficile de faire l’Europe avec les
232 dit : « Malheureux que vous êtes ! Comme si ce n’ était pas assez difficile de faire l’Europe avec les gouvernements ! » J’ai
233 avec les gouvernements ! » J’ai répondu : — Ce n’ est pas difficile, c’est impossible. La preuve ? Depuis 25 ans que chefs
234 s ministres nous répètent que l’union de l’Europe est urgente, ils ne l’ont pas faite. Si l’on ne veut pas les régions, ce
235 utonium créé par les centrales nucléaires, et qui est le produit le plus durable — 24 000 ans de demi-vie — qu’ait inventé
236 e ou la Liberté ? La devise du fédéralisme suisse est bien connue : Un pour tous, tous pour un. En tant que fédéraliste et
237 tous pour un. Le but de notre union européenne n’ est pas de constituer une puissance mondiale écrasante, mais de créer une
238 rs la misère. » Le second orateur de cette séance fut Paul Delouvrier, PDG de l’EDF et brillant défenseur des centrales nuc
239 r. Si l’on parvient cependant à s’y introduire il est très difficile d’en sortir. Les progrès du tourisme italien aboutiron
240 , à la paralysie générale des « égarés » que nous serons tous. Le 13 octobre 1974 Retour à Pouilly vers 17 h. Le 14 octobre 19
6 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). IV. Berlin : le second Rapport au club de Rome
241 amphithéâtre de la Kongresshalle où l’Assemblée s’ est ouverte depuis quelques heures, il me semble qu’une bonne moitié des
242 uzaine de Japonais et d’Australiens tout le reste est occidental, Américains et Canadiens, Européens de l’Ouest et de l’Est
243 icains et Canadiens, Européens de l’Ouest et de l’ Est . Je parcours le recueil des textes présentés pour m’orienter dans les
244 bien fait voir que les problèmes de la croissance sont en interactions mondiales, il fallait montrer aussitôt que ces problè
245 umain, il y a de cela tout juste 180 ans, et nous sommes encore loin du but. On a pu le voir lors des dernières campagnes élec
246 e majeur à tout établissement d’un système global est l’existence de l’État-nation Le principe de la crise mondiale rési
247 our des villes, et de larges vallées fluviales ne sont plus que poubelles de l’industrie, cimetières de détritus non recycla
248 téralement, l’Enfer né du Progrès, la Géhenne qui était , au temps de Jésus, la décharge municipale de la ville de Jérusalem,
249 où l’on rejette ce qui n’a pas trouvé sa raison d’ être ou qui a refusé sa vocation, et, faute d’être devenu soi-même, ne ser
250 n d’être ou qui a refusé sa vocation, et, faute d’ être devenu soi-même, ne sert à rien. [De cette comparaison, de ce feu per
251 rien. [De cette comparaison, de ce feu perpétuel sont nées les légendes médiévales sur « l’Enfer où damnés sont bouillus »
252 s les légendes médiévales sur « l’Enfer où damnés sont bouillus » (Villon).] L’homme est en train de faire mourir la Terre s
253 nfer où damnés sont bouillus » (Villon).] L’homme est en train de faire mourir la Terre sensible. C’est une sombre histoire
254 ursuit à travers la croissance industrielle — qui est une croissance non régulée, contrairement à la croissance organique d
255 ésultats ! Brillante gestion ! Mais au fait : qui était le gérant ? La réponse est dangereusement simple, elle aussi : les re
256 ! Mais au fait : qui était le gérant ? La réponse est dangereusement simple, elle aussi : les responsables sont les États-n
257 gereusement simple, elle aussi : les responsables sont les États-nations dont les premiers sont apparus au début de cette mê
258 onsables sont les États-nations dont les premiers sont apparus au début de cette même période, qui se sont rapidement multip
259 nt apparus au début de cette même période, qui se sont rapidement multipliés pendant le deuxième tiers de notre siècle, et q
260 ourd’hui la totalité des territoires du globe. Ce sont eux, et eux seuls, qui ont géré la Terre, qui s’en sont octroyé le dr
261 ux, et eux seuls, qui ont géré la Terre, qui s’en sont octroyé le droit. Eux seuls en avaient les moyens. Ils ont exploité s
262 stige, c’est-à-dire en vue de la guerre dont tous sont nés. Il me paraît que jusqu’ici, l’on n’a pas accordé l’importance dé
263 e fonctionnement, que cet ordre global d’ailleurs soit ou non différencié par grandes régions continentales. La conférence s
264 onférence sur le droit de la mer, qui vient de se tenir à Caracas, fournit la plus récente illustration de l’incompatibilité
265 toute forme de gestion globale, comme devraient l’ être celles de la pêche, de l’exploitation des nodules métalliques et des
266 er des mesures toujours plus tyranniques. Et ce n’ est certes pas le fait incontestable que la formule de l’État-nation est
267 ait incontestable que la formule de l’État-nation est imitée par tous les peuples de la Terre qui peut la rendre moins absu
268 echnique, d’une méthode ou d’une procédure. Or il est très frappant de constater que si, dans toutes les branches des scien
269 et de méthodes présentées comme révolutionnaires est la condition même du succès, non seulement académique mais commercial
270 ficielle, capitaliste, libérale ou marxiste, s’en tient aux recettes et doctrines du siècle de Napoléon, de Bismarck et de Ma
271 tion de la formule de l’État-nation, par exemple, est aussitôt stigmatisée comme non sérieuse ou utopique, si ce n’est gauc
272 igmatisée comme non sérieuse ou utopique, si ce n’ est gauchiste ou « médiévale », voire toutes ces belles choses à la fois.
273 ses » en vue du maintien de « l’ordre » tel qu’il est (même si ce n’est qu’un « désordre établi »), selon les principes et
274 intien de « l’ordre » tel qu’il est (même si ce n’ est qu’un « désordre établi »), selon les principes et tabous de l’État-n
275 araît voué à l’impuissance la plus abjecte, et le serait sans le moindre doute, si certaines lois, certaines nécessités ne nou
276 et maintenu en vue de guerres futures — qu’elles soient redoutées ou souhaitées — ne saurait survivre longtemps à sa raison d
277 ées — ne saurait survivre longtemps à sa raison d’ être principale. Toute nouvelle guerre, atomique, biologique ou chimique —
278 l’anéantirait certainement ; et si la guerre qui est sa « raison » venait à manquer, son inadaptation constitutive aux réa
279 aptation constitutive aux réalités du xxe siècle serait sans tarder mise à nu. Seul, en effet, le recours au sacré que consti
280 ste à l’intérieur de ses frontières sacralisées — était l’aboutissement inévitable de l’Histoire, et que nulle autre évolutio
281 ble de l’Histoire, et que nulle autre évolution n’ était possible, ou ne saurait être imaginée impunément. Les peuples ont éme
282 e autre évolution n’était possible, ou ne saurait être imaginée impunément. Les peuples ont émergé de la nuit des origines p
283 nt un gouvernement qui assure leur indépendance — fût -ce au prix de leur vie ou de leurs libertés — et qui affirme sa souve
284 ’École, de mettre en question leur formule : elle est tabou. Rechercher d’où ils viennent dans le temps et l’espace, les si
285 situer dans l’histoire, donc les relativiser, ce serait les exorciser : car ce qui a commencé finira. Il faut donc qu’ils soi
286 car ce qui a commencé finira. Il faut donc qu’ils soient éternels, et au moins justifiés par une fatalité. Contingents, donc s
287 critique des interrogations les plus naïves, ils seraient aussitôt sans excuses. Or c’est un fait que le plus ancien d’entre eu
288 c’est un fait que le plus ancien d’entre eux, qui est leur modèle, a moins de deux siècles d’âge ; et l’on voit bien que le
289 elle de leur rayonnement dans les esprits actifs, est en train de s’achever parmi nous. Devant la crise universelle provoqu
290 t qu’il ne peut que nous répondre piteusement : «  Suis -je le gardien de la Terre ? », nous en tirons la conclusion qu’il a f
291 ous reste à enregistrer sa démission. Bien loin d’ être la seule réalité possible, comme le proclament beaucoup d’hommes poli
292 ’énonce comme une simple évidence : l’État-nation est aujourd’hui à la fois trop petit et trop grand. À la seule exception
293 fense militaire ou sa prospérité. En revanche, il est trop grand pour animer la vie civique et l’économie de ses régions, p
294 r l’état national, dans les pays comme la France, est à la fois trop grand et trop petit. Il est trop grand par rapport aux
295 rance, est à la fois trop grand et trop petit. Il est trop grand par rapport aux communautés de base que la centralisation
296 en attendant de les transformer en “désert” ; il est trop petit par rapport aux problèmes dont dépend notre survie, qui se
297 lculs les plus catastrophiques ont seuls chance d’ être vérifiés ; — ou bien l’État-nation se voit progressivement dessaisi d
298 s dangers majeurs qu’entretient cette institution sont le gigantisme, la centralisation uniformisante, et la simplification
299 e assez clairement les petites unités de base que sont les communes (au sens de municipalités, mais aussi de communautés agr
300 grappes de municipalités autonomes que pourraient être les régions. Mais ces régions ne seront vivantes et vivables, n’échap
301 pourraient être les régions. Mais ces régions ne seront vivantes et vivables, n’échapperont à l’esprit de clocher, que si ell
302 raît la plus urgente dans la conjoncture actuelle étant ainsi déterminée, je me bornerai à clarifier autant que possible les
303 d’abord, écartons l’idée que l’État-nation puisse être « renversé » par la violence, la terreur, l’anarchie systématique, ou
304 s les pays hautement industrialisés. S’il pouvait être renversé — ce que sa nature même exclut — il nous entraînerait tous d
305 tie sans cesse croissante des mers. Il ne saurait être question que de chercher, de trouver, d’inventer d’autres formules d’
306 ien à renverser, tout à construire, et force nous sera de le faire dans les cadres existants de l’État-nation : ils sont mau
307 dans les cadres existants de l’État-nation : ils sont mauvais et nous gêneront beaucoup, mais hors d’eux, il n’est plus d’e
308 et nous gêneront beaucoup, mais hors d’eux, il n’ est plus d’espace libre. Il n’y a plus que l’avenir qui leur échappe. 2.
309 geurs du territoire », les régions ne doivent pas être conçues uniquement ou en premier lieu comme des problèmes ou des enti
310 illeurs, la solution de nos problèmes économiques est à chercher sur un tout autre plan que celui où la crise se déclare, à
311 responsable de la mauvaise gestion de la Planète, est aussi le fauteur de la crise dans la mesure où l’obsession de la puis
312 ise dans la mesure où l’obsession de la puissance est l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient-il sa puissance ? Je
313 ce est l’ultima ratio de ses décisions. Mais d’où tient -il sa puissance ? Je pense que c’est du vide civique créé par l’urba
314 t : « ils » font tout et décident de tout, que ce soit bien ou mal on n’y peut rien. Voilà qui est fataliste mais sécurisant
315 e ce soit bien ou mal on n’y peut rien. Voilà qui est fataliste mais sécurisant. C’est aussi démoralisant. Perdu, noyé dans
316 er sa dimension communautaire, sans laquelle il n’ est pas une vraie personne, telle est pour moi la fonction primordiale de
317 s laquelle il n’est pas une vraie personne, telle est pour moi la fonction primordiale de la région. 4. Si la région ne doi
318 ordiale de la région. 4. Si la région ne doit pas être « économique d’abord », elle ne saurait être non plus « ethnique d’ab
319 pas être « économique d’abord », elle ne saurait être non plus « ethnique d’abord ». Les partisans les plus passionnés de l
320 es partisans les plus passionnés de la région qui sont les militants séparatistes de la Bretagne ou du Sud-Tyrol, du Pays ba
321 ue culturels, et d’une souveraineté politique qui serait aussi jalouse, sinon plus, que celle des grands États que l’on dénonc
322 omme meurt de froid, dans un mini État-nation, ce serait plutôt d’asphyxie… Ni purement économique, ni purement ethnique, la r
323 ement de finalités. 5. Les avantages de la région sont évidents : renaissance du civisme et de la responsabilité des citoyen
324 ion. Un facteur d’autorégulation de la croissance serait ainsi introduit à la base par l’autonomie régionale. Mais les difficu
325 ie régionale. Mais les difficultés ne doivent pas être tues. La principale réside dans la complexité de l’administration des
326 (Le rôle d’agence fédérale de l’économie pouvant être tenu en Europe par la CEE de Bruxelles, l’Agence fédérale pour l’écol
327 rôle d’agence fédérale de l’économie pouvant être tenu en Europe par la CEE de Bruxelles, l’Agence fédérale pour l’écologie
328 t la formation d’administrateurs régionaux qui ne soient pas de petits politiciens… Et cela supposerait avant tout l’accélérat
329 en Europe, qui font un travail de pionniers, mais sont fort peu soutenus par les États, comme bien l’on pense. 6. « Votre po
330 s, comme bien l’on pense. 6. « Votre point de vue est typiquement européen, me dira-t-on, mais que vaut-il pour le tiers-mo
331 t qui ont adopté le modèle d’État-nation qui leur était livré dans le même paquet que la technologie et le DDT ? » Deux répon
332 t plus de mal au tiers-monde qu’aux Européens. Il est grand temps de le dépouiller de son prestige, d’en dénoncer l’absurdi
333  planned obsolescence ». ⁂ Deux objections m’ont été présentées. Le professeur polonais Pajestka soutient que l’État-natio
334 seur polonais Pajestka soutient que l’État-nation est la sauvegarde des libertés des petits États neufs, contre le néo-colo
335 -colonialisme. Je pense que le stato-nationalisme est plutôt le cadeau piégé que nous avons fait au tiers-monde. Le recteur
336 dent pas de l’homme, tandis que les États-nations sont nés de nos œuvres… Par ailleurs je reçois l’adhésion chaleureuse d’un
337 jeunes États africains : « Savez-vous que nous en sommes à nous battre pour des frontières que les puissances coloniales ont t
338 rtugal qui a près de 600 ans à Malte qui en a 10, est d’environ 88 ans. 6. Alexandre Marc, « Au-delà des faux dilemmes : l
7 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). V. Grandvaux : assemblée annuelle du Pen-Club de Suisse romande
339 Le 18 octobre 1974 Le privilège d’un président est de pouvoir déterminer l’ordre du jour. Aux quelque cinquante écrivain
340 nté ce qui précède, ce qu’on vient de lire. Je me suis un peu étonné du fait que dans quatre congrès européens ou intéressan
341 iaga, Ignazio Silone, et qui d’autre ? L’Europe n’ est pas une mode intellectuelle. Sur quoi le président de la Fondation PE
342 l’Europe, qui jusqu’ici ne compte pas un martyr. Serait -ce une cause trop raisonnable ?
8 1974, Journal d’un Européen (fragments 1974). VI. Dubrovnik : assemblée générale annuelle de l’Association européenne des festivals de musique
343 ehenge aux cygnes chanteurs. Et l’an prochain, ce sera sans doute Athènes. Ou Helsinki ? Nous sommes très loin, dans nos déb
344 n, ce sera sans doute Athènes. Ou Helsinki ? Nous sommes très loin, dans nos débats, des affrontements politiques officiels. P
345 ses, ou œuvres classiques-expérimentation. L’AEFM est la première institution européenne qui ait accueilli l’Europe entière
346 de participer. Régions, fédéralisme, autogestion sont depuis vingt ans les mots-clés de la Yougoslavie contemporaine comme
347 clés de la Yougoslavie contemporaine comme ils le seront de l’Europe de demain. Régions contre centralisation politique : la Y
348 et de deux provinces autonomes, dont les rapports sont déterminés par une constitution fédérale. On y parle autant de langue
349 est-à-dire le statut des usines [où l’autogestion est acquise, officiellement, et n’en marche pas mieux] mais encore le sta
350 mie, le troisième jour, pour revoir la Plaça, qui est la longue rue centrale de la cité, dallée de marbre bien usé, où je m
351 nous marchions à pieds nus, par les beaux soirs d’ été . Sur toutes les places, on jouait des opéras dans des décors de marbr
352 uvent ici leur illustration. La devise de la cité est Libertas ; la doctrine de l’État : Autogestion. Répondant au Syndic d