1 1942, La Part du diable (1982). Introduction. Que la connaissance du vrai danger nous guérit des fausses peurs
1 nous guérit des fausses peurs Au dessert nous étions d’accord : ce qui manque le plus aux démocraties en général, et à l’A
2 rte de l’ascenseur s’ouvrait, nous entrâmes. — Ce serait enfin une situation tragique nouvelle : se faire diable soi-même pour
3 iquait à son auditoire de paysans que les martyrs sont nos meilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Les pâtres de la Suisse a
4 auprès de Dieu. Les pâtres de la Suisse alpestre sont des gens simples et réalistes. Ils crurent l’apôtre. Ils le crurent s
5 ut de ces paraboles pour nous rappeler combien il est dangereux de dire la vérité en général, et la vérité chrétienne en pa
6 Dangereux pour celui qui la dit ! Si nous voulons être chrétiens, soit, mais sachons de quel prix cela se paye. Il y a dix-n
7 elui qui la dit ! Si nous voulons être chrétiens, soit , mais sachons de quel prix cela se paye. Il y a dix-neuf siècles que
8 la se paye. Il y a dix-neuf siècles que ce Prix a été fixé… On était arrivé au fumoir. Et tout le monde se remit à parler d
9 l y a dix-neuf siècles que ce Prix a été fixé… On était arrivé au fumoir. Et tout le monde se remit à parler des nouvelles du
10 e ? J’y songeais depuis quelques instants. ⁂ Ce n’ est pas sans quelque inquiétude que j’ai senti ce livre se proposer à moi
11 isi l’autre ? Parler du diable, écrire sur lui, n’ était -ce pas une manière imprudente de le provoquer publiquement ? Je songe
12 it. » Mais on n’écrit jamais impunément, quel que soit le sujet en cause. Il est vrai que pour certains auteurs, l’acte d’éc
13 s impunément, quel que soit le sujet en cause. Il est vrai que pour certains auteurs, l’acte d’écrire résulte simplement d’
14 ossent toujours un certain risque. Nulle vérité n’ est bonne à dire, dans ce sens que chaque vérité comporte une part d’accu
15 ait impossible »… L’eau, remarquait un humoriste, est ce liquide si impur qu’une seule goutte en suffit pour troubler une a
16 ndant, publier pose un autre problème. L’époque n’ est -elle pas assez consternante et consternée, les esprits pas assez égar
17 Montrer la réalité du diable dans ce monde, ce n’ est pas augmenter la peur, c’est lui donner son véritable Objet. C’est fa
18 ralysaient, ou de l’angoisse de faux périls. On n’ est jamais plus en danger que dans les moments où l’on se trompe sur la v
19 e. Identifier l’Ennemi, mesurer sa puissance, tel est le sujet de ce petit ouvrage. Toutefois, qu’on ne s’attende pas à un
20 e s’attende pas à un portrait du diable : il faut tenir tous ses portraits pour autant de victoires qu’il remporte sur notre
21 r notre complaisance ou nos crédulités. Le diable est l’anti-modèle absolu, son essence étant précisément le déguisement, l
22 . Le diable est l’anti-modèle absolu, son essence étant précisément le déguisement, l’usurpation des apparences, le bluff ého
23 le grand Truquage. La plupart des auteurs qui se sont occupés du diable, au cours des siècles, me paraissent d’accord sur c
24 la délicatesse, à la grandeur, à l’âme, le Malin est un homme à trucs. C’est l’agent double, triple, centuple, l’agent mul
25 notre temps, en les rapportant à l’action du seul être qui s’en réjouisse. New York, janvier 1942. 1. Il s’agit de Jacque
2 1942, La Part du diable (1982). Première partie. L’Incognito et la révélation
26 moderne sur Satan : La plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’il n’existe pas. 2. L’incognito Reconnaiss
27 onsacrer tout un livre. Le premier tour du diable est son incognito. Dieu dit : « Je suis celui qui suis. » Mais le diable
28 our du diable est son incognito. Dieu dit : « Je suis celui qui suis. » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu, fût-c
29 st son incognito. Dieu dit : « Je suis celui qui suis . » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu, fût-ce à rebours pui
30 . » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu, fût -ce à rebours puisqu’il voit tout d’en bas, nous dit comme Ulysse au C
31 mais dont le corps restait invisible. Et le titre était  : Nobody. Comme le chat de Cheshire dans Alice, le diable a, de nos
32 mmes et de soufre avec ses faux prophètes, pour y être tourmenté nuit et jour aux siècles des siècles. La Bible — c’est un f
33 inaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant de la réalité du diable. Mais qu
34 rnes rouges ? Ou au vrai diable ? » Ces questions sont inévitables à notre époque. Elles traduisent fort exactement nos atti
35 pensée les plus courantes. Négliger d’y répondre serait se condamner à baser tout un livre sur un quiproquo. 3. Pour ceux
36 ère vue, il paraîtra rudimentaire, et pourtant il est fort habile : Satan se dissimule derrière sa propre image. Il choisit
37 x yeux des personnes instruites. Car si le diable est simplement le démon rouge armé d’un grand trident, ou le faune à barb
38 et médiévale qu’éveille en nous le nom du diable est devenue la Tarnkappe, le manteau qui rend invisible et que Satan lui-
39 te devant nos yeux pour nous faire croire qu’il n’ est plus là depuis des siècles. Cette mascarade anachronique et bouffonne
40 ivernes d’un autre âge ? » Or il me semble que ce sont eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés par l’image traditionnelle et
41 ains peut-être. Ce qui me paraît incroyable, ce n’ est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et l
42 raît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité des sceptiques, e
43 e dont ils se montrent les victimes : « Le diable est un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire
44 ux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en
45 iable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tirée des contes de bonnes femmes. 4. Réalité du mythe Mais si
46 s. (Ou que le diable nous la pose.) — Le diable n’ est qu’un mythe, nous dira l’historien. Preuve en soit que je puis vous t
47 est qu’un mythe, nous dira l’historien. Preuve en soit que je puis vous tracer son histoire, de sa naissance antique jusqu’à
48 s ont créé ce fantôme. Et tout d’abord, le diable est une invention juive. C’est-à-dire que le diable est juif comme l’auto
49 t une invention juive. C’est-à-dire que le diable est juif comme l’automobile est américaine, ou comme la Panzerdivision es
50 -à-dire que le diable est juif comme l’automobile est américaine, ou comme la Panzerdivision est allemande. En fait, l’idée
51 mobile est américaine, ou comme la Panzerdivision est allemande. En fait, l’idée première du diable fut donnée aux Juifs pa
52 est allemande. En fait, l’idée première du diable fut donnée aux Juifs par l’Orient et ses mystères dualistes, lorsqu’Israë
53 l’Orient et ses mystères dualistes, lorsqu’Israël était captif à Babylone. Mais ce sont les rabbins qui ont su tirer parti de
54 s, lorsqu’Israël était captif à Babylone. Mais ce sont les rabbins qui ont su tirer parti de la légende d’Ormuzd et d’Ahrima
55 ilés dont ils trouvaient le modèle en Assyrie. Ce sont les rabbins qui ont écrit le livre d’Énoch, où l’on voit des anges ma
56 es hommes et engendrer des géants malfaisants. Ce sont les rabbins encore qui ont popularisé les traditions relatives aux es
57 smodée, Bélial et Satan. Peu à peu, ces démons se sont fondus dans une entité collective : Satan, ou diabolos en grec, l’Acc
58 écits de la vie de Jésus. Et dans l’Apocalypse il est autorisé à régner sur le monde entier, avant sa chute grandiose dans
59 triomphante a dissipé notre illusion morbide. Tel est le point de vue de l’historien. Il est exact tant qu’il n’explique ri
60 rbide. Tel est le point de vue de l’historien. Il est exact tant qu’il n’explique rien, et qu’il se borne à réciter des fai
61 iter des faits tirés de documents écrits. Mais il est faux et dénué d’intérêt s’il prétend prouver quelque chose quant à la
62 iable. Car tout cela revient à dire que le diable est un être mythique, une réalité de l’esprit. Dès lors, si l’on me dit :
63 Car tout cela revient à dire que le diable est un être mythique, une réalité de l’esprit. Dès lors, si l’on me dit : « Le di
64 ’esprit. Dès lors, si l’on me dit : « Le diable n’ est qu’un mythe donc il n’existe pas » — formule rationaliste — je répond
65 — formule rationaliste — je réponds : « Le diable est un mythe, donc il existe et ne cesse pas d’agir. » C’est ici le foyer
66 s d’agir. » C’est ici le foyer du débat. Un mythe est une histoire qui décrit et illustre, sous une forme dramatisée, certa
67 structures littéralement fondamentales, car elles sont antérieures à notre distinction entre la matière et l’esprit. Elles i
68 rfois même prévoir leur développement. Les mythes sont les formules symboliques qui nous rappellent ou nous livrent le sens
69 énonçant des lois prétendues générales. Ces lois sont en réalité locales par rapport à l’ensemble de notre réalité. Par exe
70 ques énoncées par notre raison cessent aussitôt d’ être valables si l’on passe au plan affectif, au plan moral, ou au plan sp
71 u au plan spirituel. De même les lois économiques sont souvent en contradiction avec les lois biologiques, etc. Or loin de s
72 e par la porte de l’incohérence. Le chaos où nous sommes en témoigne. Et la grande explosion de l’irrationalisme dans la premi
73 les mythes détenteurs du sens général. Le temps est venu de dépasser le faux dilemme rationalisme ou irrationalisme. Cett
74 ent. Elle a fait trop de bruit dans le siècle. Il est temps de réconcilier la raison et les forces qui lui échappent, dans
75 èse d’une sagesse nouvelle. Je crois que l’époque est mûre pour l’entreprise et que, dans les deux camps, on l’a senti. L’e
76 . Car lorsqu’il déclare par exemple : « Le diable est un mythe, donc il n’existe pas », il entend dire plus exactement : « 
77 de maux indépendants les uns des autres. Mais je suis incapable de m’assurer qu’une intention quelconque, un plan ou une co
78 l, en personnifiant ou anthropomorphisant le Mal, est capable de lui découvrir une signification générale. Quant à moi, je
79 ui revient à dire, prenons-y garde, que le mal ne serait pas une réalité spirituelle, mais une multiplicité de fautes, d’erreu
80 essentiellement synthétique du mythe. Tout, ici, est « anthropomorphe », et tout doit l’être, en fin de compte, par cette
81 Tout, ici, est « anthropomorphe », et tout doit l’ être , en fin de compte, par cette raison fondamentale : c’est que nous som
82 e, par cette raison fondamentale : c’est que nous sommes ici dans le monde de l’esprit, du sens, et des essences créatrices, d
83 dont l’idée lui vient de Dieu, cette idée dont il est formé, c’est par définition qu’il irait à l’erreur. (Il se trompe dan
84 ion corrigeant ses erreurs égoïstes. Celles-ci ne sont pas « trop » humaines — rien ne l’est trop — mais pas assez.) À vrai
85 lles-ci ne sont pas « trop » humaines — rien ne l’ est trop — mais pas assez.) À vrai dire, l’homme moderne doit faire un g
86 de ce terme. Car dans le monde de l’esprit, tout est forme, intention, mouvement et finalité. Tout prend figure et nom, to
87 ement et finalité. Tout prend figure et nom, tout est personnifié. Ainsi, parler du diable ne sera pas ici quelque moyen f
88 tout est personnifié. Ainsi, parler du diable ne sera pas ici quelque moyen facile d’illustrer des idées. Le réel n’est pas
89 que moyen facile d’illustrer des idées. Le réel n’ est pas fait d’idées et de matière. Je le conçois gouverné par des struct
90 rte le nom traditionnel de diable. Ce diable-là n’ est pas sorti d’une série de textes plus ou moins authentiques ou anciens
91 tes plus ou moins authentiques ou anciens. Car il est un agent permanent de la réalité humaine, telle que nous la vivons qu
92 t de quelque chose d’autre que le bien. Sinon, où seraient le choix, la tragédie, la liberté ? Quand ce non-bien, quand ce mal p
93 Luc 10, 18. La Bible nous apprend que Lucifer est un ange tombé du ciel. Les anges sont des créatures spirituelles viva
94 que Lucifer est un ange tombé du ciel. Les anges sont des créatures spirituelles vivant et agissant sur les frontières de l
95 et de la Création, de l’éternité et du temps. Ce sont des intentions divines, des messagers, — comme le dit leur nom grec,
96 serviteurs à la fulgurante volée, dont la vitesse est celle de la pensée, et c’est pourquoi ils nous sont invisibles ; des
97 st celle de la pensée, et c’est pourquoi ils nous sont invisibles ; des intelligences sans fraude, participant à l’omniscien
98 est pourquoi nous les comprenons mal. « Tout ange est terrible ! » dit Rilke. Mais tout ange est bon, servant Dieu. Au somm
99 t ange est terrible ! » dit Rilke. Mais tout ange est bon, servant Dieu. Au sommet de leur hiérarchie sont les archanges. U
100 t bon, servant Dieu. Au sommet de leur hiérarchie sont les archanges. Un seul archange a trahi sa mission, son message et so
101 l archange a trahi sa mission, son message et son être même, c’est Lucifer, le Porteur de Lumière3. Satan s’est révolté, il
102 e, c’est Lucifer, le Porteur de Lumière3. Satan s’ est révolté, il a refusé de servir, il a refusé de transmettre son messag
103 ières à lui. Et aussitôt, par les lois mêmes de l’ être , il est « tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention de Dieu
104 ui. Et aussitôt, par les lois mêmes de l’être, il est « tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention de Dieu règne ab
105 is mêmes de l’être, il est « tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention de Dieu règne absolue. (Coupez la communica
106 oupez la communication, le courant « tombe ».) Il est devenu le messager de soi, et comme il n’est qu’un esprit pur, une fo
107 ) Il est devenu le messager de soi, et comme il n’ est qu’un esprit pur, une fois coupé de la source de l’Esprit, il est dev
108 pur, une fois coupé de la source de l’Esprit, il est devenu le messager du Néant et de ses mystères. Mais quoique déchu, i
109 , mais qui a conservé son « métier » et l’envie d’ être à l’avant-garde, Satan connaît encore l’Esprit et les esprits, mais n
110 mais non plus la fin et la gloire à laquelle ils sont destinés. Ayant refusé de servir Dieu, de servir à Dieu, il est deven
111 Ayant refusé de servir Dieu, de servir à Dieu, il est devenu celui qui sert le Rien, ne sert à Rien. Et tout ce qui ne sert
112 mbé de l’éternel, Satan veut l’infini. Tombé de l’ Être , il veut l’Avoir. Mais le problème est insoluble à tout jamais. Car p
113 ombé de l’Être, il veut l’Avoir. Mais le problème est insoluble à tout jamais. Car pour avoir et posséder, il faudrait être
114 t jamais. Car pour avoir et posséder, il faudrait être , et il n’est plus. Tout ce qu’il s’annexe, il le détruit. (Le Néant n
115 pour avoir et posséder, il faudrait être, et il n’ est plus. Tout ce qu’il s’annexe, il le détruit. (Le Néant néantit, dit H
116 gger.) Et certes, il pourra tout avoir, puisqu’il est appelé Prince de ce monde dans l’Évangile — mais il n’aura jamais que
117 e monde-ci. Il ne reconquerra jamais le Ciel, qui est proprement l’âme de ce monde et le mystère du transcendant dans l’imm
118 gster obsédé par le kidnapping. Ses victoires, il est vrai, seront toujours stériles. Car on ne devient pas père en volant
119 dé par le kidnapping. Ses victoires, il est vrai, seront toujours stériles. Car on ne devient pas père en volant un enfant. On
120 mains, nous pouvons perdre toutes ces choses, qui sont notre héritage d’« enfants de Dieu ». C’est la seule chance du diable
121 a manquera pas… 7. Le Tentateur Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait
122 res du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’
123 ous en mangerez vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des Dieux, connaissant le bien et le mal.4 Voyez : avant la te
124 réellement dit ?… » Sitôt que cette incertitude s’ est insinuée dans un esprit, la possibilité d’une tentation s’entrouvre.
125 . On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’ êtes pas tenté d’aller dans la Lune parce que vous savez que c’est actuell
126 avez que c’est actuellement impossible. Mais vous seriez probablement tenté d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de
127 temps de la tentation : La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvri
128 était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en ma
129 le prit de son fruit et en mangea.6 Voyez : ce n’ est pas le mal en soi qui tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagin
130 ue l’on se figure « mieux fait pour soi ». Ève ne fut pas tentée par une chose mauvaise, mais par une fort belle et bonne p
131 able à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne fut pas tentée par le désir de nuire, mais par l’idée de se diviniser, ce
132  », dira Pascal à leur propos. Ainsi la tentation est toujours utopie, — si l’utopie est l’imagination, puis le désir, d’un
133 i la tentation est toujours utopie, — si l’utopie est l’imagination, puis le désir, d’un bien que le réel condamne et que l
134 r du Golgotha. À l’origine donc, le « méchant » n’ est pas celui qui agit par méchanceté (à ses propres yeux tout au moins).
135 ité méprisée se vengera automatiquement. Le péché est une faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chute. 8.
136 nes, en nous montrant que notre bien et notre mal sont relatifs, ont prouvé qu’ils n’étaient pas des dieux, qu’ils ne préten
137 n et notre mal sont relatifs, ont prouvé qu’ils n’ étaient pas des dieux, qu’ils ne prétendaient point se mettre à la place de D
138 ent point se mettre à la place de Dieu, et qu’ils étaient par suite capables de bon sens. Le bien et le mal, tels que l’homme l
139 Le bien et le mal, tels que l’homme les conçoit, sont des coutumes relatives au temps, aux civilisations, et souvent même a
140 physiques d’un pays. Le Bien et le Mal en soi ne sont réellement distincts qu’aux yeux de Dieu — pas même aux yeux du diabl
141 able, toujours la dupe d’un acte de charité qu’il tiendra pour sottise. C’est que Dieu seul connaît le plan d’ensemble et l’int
142 révélés — que les actes des créatures pourraient être jugés sans erreur. « Ne jugez pas », dit l’Évangile. Cette perspectiv
143 le nous porte à croire que certains actes humains sont malfaisants en soi et constituent le mal. Celui-ci prend alors une va
144 ou de combattre comme un ennemi extérieur à notre être . Pour dissiper cette illusion magique, reportons-nous à ce que la Bib
145 ient de nous apprendre au sujet de Satan. Lucifer est tombé du Ciel pour avoir voulu singer Dieu. Il est devenu le messager
146 st tombé du Ciel pour avoir voulu singer Dieu. Il est devenu le messager qui n’a plus de message réel, l’agent du Néant par
147 ue le Rien, qui n’a pas d’existence. Créer le mal est impossible. Ce qui revient à dire que le mal n’existe pas. Pour agir,
148 ire que le mal n’existe pas. Pour agir, le diable est forcé d’utiliser ce qui existe, et qui est bon par définition, ayant
149 diable est forcé d’utiliser ce qui existe, et qui est bon par définition, ayant été créé par Dieu. Par lui-même, Satan ne p
150 qui existe, et qui est bon par définition, ayant été créé par Dieu. Par lui-même, Satan ne peut rien faire, mais il lui re
151 ns du Créateur. Il ne peut pas créer un fruit qui soit « du mal », mais il peut manger un bon fruit d’une manière malfaisant
152 e pas au titre où le Bien existe en soi. Le mal n’ est qu’un mauvais usage du bien, entendons de ce qui existe. Telle est la
153 usage du bien, entendons de ce qui existe. Telle est la situation fondamentale et primitive. Cependant, le diable étant ja
154 n fondamentale et primitive. Cependant, le diable étant jaloux de Dieu, il entend nous faire croire qu’il peut aussi créer. E
155 ient en nous l’illusion d’un mal objectif dont il serait évidemment l’auteur. Ce mal en soi n’est pas décrit ni mentionné par
156 nt il serait évidemment l’auteur. Ce mal en soi n’ est pas décrit ni mentionné par la Genèse. Il n’est qu’un mirage du démon
157 n’est pas décrit ni mentionné par la Genèse. Il n’ est qu’un mirage du démon, une projection de nos erreurs hors de nous-mêm
158 , et que la volupté dont parle Baudelaire devrait être plutôt nommée : douleur aimée, désir inconscient de la mort. Car ici
159 r aimée, désir inconscient de la mort. Car ici se sont déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunit
160 iable arrive à s’insérer dans les structures de l’ être , donc du bien. J’ai dit qu’il doit passer par l’homme pour agir sur l
161 seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’ est pas, et mentir par un acte de sa volonté réfléchie. Le minéral repose
162 de sa volonté réfléchie. Le minéral repose où il fut composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets son
163 te pousse où se fixa la graine, les animaux muets sont prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue de l’instinct. Mais
164 il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut être un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire
165 de nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en est à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire
166 la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans
167 ou l’opérer. Par le langage, l’homme prouve qu’il est libre. Par le langage, il peut mentir. Par sa liberté seule il peut p
168 ar sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’ est qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie. La liberté jouée s
169 sissant la proie, l’on perd l’ombre, mais l’ombre était la créativité, le foisonnement enthousiasmant, c’est-à-dire « endieus
170 u’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas été libre de manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Ada
171 r, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait at
172 . Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgue
173 ns nos défenses les plus secrètes. La parole nous étant donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par
174 endre et confirmer par la vertu du témoignage, il est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la
175 est clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoigna
176 qui « tire sa langue dans notre langue ». Mais il est deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un cli
177  ». Mais il est deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un client. Si la balance indique 980 grammes
178 a balance elle-même, c’est le critère du vrai qui est dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oubli
179 a mesure même de la vérité, toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
180 , toutes vos « vertus » sont au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du
181 t sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’
182 d’exister). Mais le texte original de ce passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-on, et il
183 passage est infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-on, et il est le père de son propre mensonge. » Par
184 ange. « Le diable est menteur, nous dit-on, et il est le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du
185 ntrons au mystère du mal. Le père de son mensonge est celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d
186 tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’ est pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
187 tion bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable est le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni ma
188 le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni mal », parce que l’acte dont elles naquirent supprime le
189 sir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’ était que l’omission ou bien la négation d’une vérité qui subsistait ailleu
190 . Mais ce mouvement de l’âme créatrice, dès qu’il est détourné des fins prévues par Dieu, nous jette au mal, qui est la tor
191 des fins prévues par Dieu, nous jette au mal, qui est la torsion du bien et du réel vers le néant. Ce mal fait, Satan se dé
192 r place à la pensée d’une possible réparation. Il est au monde une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’
193 n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable est cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon pour nous f
194 prendre à ses pièges, sitôt qu’il nous a pris il est le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoya
195 stérile plaisir d’avoir raison. C’est qu’il s’en tient à la légalité, au bien qu’il connaissait à l’origine ; un bien tout f
196 s fautes, par la vertu recréatrice d’une mort qui est le centre de l’Histoire, et de chacune de nos histoires individuelles
197 ’on condamne sans pitié son prochain ou soi-même, soyons sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon
198 s que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon pour une simple faute de logique, la grâce pour une erreur
199 s suivrons tout au travers du livre. Si le diable est Légion, cela signifie d’abord que tout en étant un, il peut revêtir a
200 ble est Légion, cela signifie d’abord que tout en étant un, il peut revêtir autant d’aspects divers qu’il y a d’individus de
201 nde. Mais cela peut signifier aussi que le diable est la masse anonyme. Et finalement, qu’étant tout le monde, ou n’importe
202 le diable est la masse anonyme. Et finalement, qu’ étant tout le monde, ou n’importe qui, il va nous apparaître comme n’étant
203 , ou n’importe qui, il va nous apparaître comme n’ étant Personne en particulier. Et ceci nous ramène au premier de ses tours,
204 Et ceci nous ramène au premier de ses tours, qui était de nous faire douter de son existence même. Le nom de Légion évoque p
205 rincipaux que le diable revêt dans la Bible : ils sont tous, en quelque manière, des déguisements de son malheur originel. S
206 ur originel. Satan craint de se montrer tel qu’il est , c’est évident, puisqu’il craint même d’exister à nos yeux. Il ne pré
207 à tour rassurants ou flatteurs. « Déguisement, tu es , je le vois, une vilaine ruse par où notre Ennemi, fertile en artific
208  »7 Nous pouvons comprendre cette ruse. Pourquoi sommes -nous parfois tentés de vivre par délégation, et sous un masque ? Parc
209 au-delà de nos possibilités. Chose étrange, nous sommes ainsi faits que nous nous prévalons intimement d’un succès remporté «
210 que nous attribuerons au masque nos méfaits. Nous sommes prêts à nous approprier les mérites d’un bien dont nous n’avons été q
211 pproprier les mérites d’un bien dont nous n’avons été que les acteurs, alors que nous nous empressons de projeter sur les C
212 le Destin, ou les Autres, un mal dont les racines sont réellement en nous. Ainsi chacun de nous, en tant que patriote, se se
213 signifie plus rien. Le phénomène du déguisement s’ est intériorisé en évasion morale. C’est devant soi-même d’abord, et comm
214 ’on joue un rôle dans l’impunité. Le monde actuel est plein d’individus qui portent à l’intérieur un costume de louage. Ils
215 nt-ils Satan, puisqu’ils ne veulent pas voir leur être véritable, celui qui prend ses décisions, le seul auquel pourrait se
216 12. Le sophisme L’Ange déchu nous dit : je suis ton ciel, il n’y a pas d’autre espérance. Le Prince de ce monde nous
217 e vie, moins nous pouvons le reconnaître. Plus il est effectif, moins il paraît dangereux. Sa propre action le dissimule au
218 e. Il s’évanouit dans son succès, et son triomphe est son incognito. La preuve que le diable existe, agit et réussit, c’est
219 que nous n’y croyons plus. Mais à l’inverse, il n’ est pas douteux que ce Dissimulé ne perde sa puissance à mesure qu’on le
220 prédicateurs et les moralistes d’aujourd’hui. Ce serait un excellent calcul, pour les deux raisons que voici : tout d’abord,
221 r les deux raisons que voici : tout d’abord, nous serions induits à croire que le diable n’est « rien d’autre » qu’une figurati
222 rd, nous serions induits à croire que le diable n’ est « rien d’autre » qu’une figuration naïve du péché ; en second lieu, n
223 le diable dans nos vertus. En vérité, le diable n’ est pas dangereux là où il se montre et nous fait peur, mais là seulement
224 i nous savions voir le diable dans le péché, nous serions beaucoup plus prudents. Son astuce sera donc de se rendre invisible a
225 , nous serions beaucoup plus prudents. Son astuce sera donc de se rendre invisible au sein même de nos vraies tentations. C’
226 qui d’ailleurs mentent sans le moindre scrupule, sont égoïstes avec passion, et n’ont en général aucune espèce de trouble d
227 eut du mal. Elles ne se doutent pas que le diable est sans aucun pouvoir sur nous ailleurs que dans notre péché, et par lui
228 -mêmes et tout extérieur à nos fautes, celui-là n’ est vraiment « rien d’autre » qu’une projection, hors de nous-mêmes, du p
229 rojection, hors de nous-mêmes, du péché dont nous sommes les auteurs et que nous refusons d’assumer. Ce subterfuge de l’incons
230 e, c’est parce que l’idée même que nous pourrions être coupables nous apparaît étrange et fantastique. Mais d’autres vont me
231 action plus vraie que la figure mythique. Le tour est subtil et requiert un peu d’astuce spirituelle, de notre part, pour l
232 de notre part, pour le déjouer. Certes, le péché étant devenu notre seconde nature, il peut sembler qu’il agit de soi-même e
233 des péchés, qui n’ont rien de très mystérieux et sont exactement catalogués : lâchetés et mensonges, actes d’orgueil ou d’é
234 le pointue : c’est au moment précis où le péché n’ est plus reconnu pour tel et veut se justifier. Dans les mécanismes hérit
235 uations extrêmes, sans issue. Les cas de ce genre seront les seuls où j’essaierai de décrire l’action du diable dans nos péché
236 aux et dans l’insignifiance de nos actes. Et ce n’ est point par amour du paradoxe, mais au contraire par une raison fondame
237 peut donc que tordre et déformer ce qui existe et fut bien fait par Dieu. Nos vices mêmes ne sont pas de véritables créatio
238 ste et fut bien fait par Dieu. Nos vices mêmes ne sont pas de véritables créations du diable, mais seulement des vertus mal
239 nsignifiance. C’était le bien, mais le diable s’y est mis, à l’instant même où nous avions le choix entre l’usage légal et
240 le ou conditionnement social insuffisant. Nous ne sommes responsables de rien. Nous ne sommes pas méchants, mais malades… La p
241 ant. Nous ne sommes responsables de rien. Nous ne sommes pas méchants, mais malades… La psychanalyse, considérée dans son ense
242 endance générale — sans doute inconsciente — peut être définie comme une tentative de ramener le péché et le Mal à des mécan
243 able dans les eaux troubles du subconscient. Ce n’ est encore qu’une variante scientifique du sophisme de l’incognito. Point
244 royance au diable, ni donc de diable. Le démon ne serait qu’une image de névrose, quelque chose qui se soigne, se guérit, et s
245 par ses complexes. Or la chute de l’ange Lucifer est justement l’Accident absolu qui survint dans l’histoire du monde. J’a
246 re vraie, et que je trouve trop belle pour ne pas être vraie. Comme on demandait à C. G. Jung s’il croyait aux phénomènes oc
247 attaquée par les oiseaux. Depuis des mois elle en était réduite à ne sortir qu’en voiture fermée. Jugeant elle-même qu’il s’a
248 eux ou trois mois, l’état général de cette dame s’ était notablement amélioré. Elle dormait mieux, l’appétit revenait, les mig
249 e d’un psychanalyste !) Enfin, par un beau jour d’ été , la malade vint pour une dernière tentative. Il faisait une chaleur t
250 Dans le Livre d’Énoch, antérieur à la Genèse, il est dit que les mauvais anges qui descendirent se mêler aux humains ensei
251 toutes leurs voies » (Énoch VIII 2). Leurs yeux s’ étaient ouverts sur les pouvoirs que leur offrait la faculté de créer, c’est-
3 1942, La Part du diable (1982). Deuxième partie. Hitler ou l’alibi
252 i 15. Où paraît la nécessité d’un alibi Il est étrange de constater que depuis la fin du Moyen Âge, depuis que Luthe
253 coup de bombes, qui ne prouvaient rien de ce qui était en cause. Ils somnolaient dans des églises presque aussi vides de fid
254 ème toutes les échelles de valeurs. Tout le monde était contre la guerre et tout le monde acceptait de la faire sur le slogan
255 les, et que l’on savait mensongères. La politique était devenue gâteuse, l’économie incontrôlable et délirante, la morale en
256 oujours. Or il faut que cela continue, mais je ne tiens pas à ce que l’on me reconnaisse. Délaissons donc cet insoutenable in
257 à partir de 1933, le diable nous fit croire qu’il était simplement M. Adolf Hitler, et personne d’autre. Ce fut son second to
258 mplement M. Adolf Hitler, et personne d’autre. Ce fut son second tour. 17. Hitler est-il l’Antéchrist ? Je tiens l’ac
259 ne d’autre. Ce fut son second tour. 17. Hitler est -il l’Antéchrist ? Je tiens l’action d’Hitler pour plus réellement
260 d tour. 17. Hitler est-il l’Antéchrist ? Je tiens l’action d’Hitler pour plus réellement diabolique que ne l’imaginaien
261 u voir en lui le diable en personne. Si le Führer était le diable ou l’Antéchrist, ce serait peut-être un peu trop simple. Il
262 Si le Führer était le diable ou l’Antéchrist, ce serait peut-être un peu trop simple. Il suffirait de le supprimer pour suppr
263 it de le supprimer pour supprimer tout le mal qui est dans ce monde. Et, qu’on me pardonne, si le diable était le Führer, i
264 ans ce monde. Et, qu’on me pardonne, si le diable était le Führer, il ne serait qu’un assez pauvre diable. Quand nous nous fi
265 me pardonne, si le diable était le Führer, il ne serait qu’un assez pauvre diable. Quand nous nous figurons qu’Hitler est le
266 pauvre diable. Quand nous nous figurons qu’Hitler est le diable, nous faisons évidemment trop d’honneur à l’ex-caporal autr
267 réelle stature de Satan. N’oublions pas que Satan est Légion ! Supprimer un dictateur ne suffirait nullement à débarrasser
268 arl Barth répondre à la fameuse question : Hitler est -il l’Antéchrist ? Voici ce qu’il disait en substance, et pour autant
269 ma mémoire ne le trahit pas : — « Cet homme qu’il est inutile de nommer, et dont la censure d’ailleurs m’a fait oublier le
270 censure d’ailleurs m’a fait oublier le nom, ce n’ est certainement pas l’Antéchrist. Car il n’a pas de pouvoir sur notre sa
271 hrist lui-même. Mais l’homme auquel vous pensez n’ est encore qu’un petit monsieur, un premier avant-coureur de l’Antéchrist
272 il mène contre les Églises et le monde chrétien n’ est qu’un premier avertissement à nous armer pour le Combat final, pour l
273 ce « petit monsieur » et cet avertissement, nous fûmes bien forcés de les prendre au sérieux ! Pour n’être pas le diable en
274 es bien forcés de les prendre au sérieux ! Pour n’ être pas le diable en personne, on peut être tout de même passablement dia
275  ! Pour n’être pas le diable en personne, on peut être tout de même passablement diabolique. Et je vois peu d’aspects de l’a
276 8. Le diable en chemise brune Certes Hitler ne fut pas le grand ange déchu. Mais certains pensent pour l’avoir éprouvé e
277 par une espèce de frisson d’horreur sacrée, qu’il était le siège d’une « domination », d’un « trône » ou d’une « puissance »,
278 Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’ étais au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu t
279 descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’ est jamais trouvé, dans cent occasions analogues. Voilà le principal de c
280 u même délirer. On ne tire pas sur un homme qui n’ est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est l
281 On ne tire pas sur un homme qui n’est rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 mil
282 t tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi,
283 n, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion sont réservés à d’autres catastrophes. Certes, il y a des fous, des accide
284 tège. Il faut croire un homme qui dit cela. Qu’il soit un instrument de la Providence comme il l’affirme, ou qu’il soit un f
285 ent de la Providence comme il l’affirme, ou qu’il soit un fléau de Dieu (c’est une nuance !) son destin ne dépend plus des h
286 À plus forte raison, notre jugement sur lui doit être indépendant des mérites qu’il a ou n’a pas, des fascinations ou des h
287 fester qu’autant que l’individu ne compte plus, n’ est que le support d’une puissance qui échappe à nos psychologies. Ce que
288 qui échappe à nos psychologies. Ce que je dis là serait du romantisme de la plus déplorable espèce si l’œuvre accomplie par c
289 ntends bien par cette puissance à travers lui — n’ était pas une réalité qui provoque la stupeur du siècle. On demande s’il es
290 ui provoque la stupeur du siècle. On demande s’il est intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, qu’il le soit tr
291 Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, qu’il le soit très peu ou follement, si cela compte en lui le moins du monde, il ne
292 il ne vaut rien pour un destin pareil. Un génie n’ est ni fou, ni bête, ni sensé, ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’
293 de compte en banque, et à peine un état civil. Il est le lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces for
294 l’Histoire, le catalyseur de ces forces qui déjà sont dressées devant vous ; et après cela, vous pouvez le supprimer sans r
295 ouvez le supprimer sans rien détruire de ce qui s’ est fait par lui. Qu’il y ait eu dans ces temps aveugles à toute réalité
296 ar un trône… On a ri. On a cessé de rire. Et ce n’ était pourtant qu’un petit envoyé… 19. Le Directeur d’inconscience L’
297 19. Le Directeur d’inconscience L’hitlérisme s’ est présenté à nous comme une catastrophe cosmique, comme un malheur plus
298 e 1939, la majorité des hommes savaient qu’Hitler était le nom d’un désastre imminent et mondial. Pourtant on ne l’a pas arrê
299 ors à l’inquiétude de quelques rares observateurs était la suivante : « Comment se peut-il que des individus deviennent volon
300  » Je me répondais de la manière suivante. Hitler est assez démoniaque pour avoir su réveiller nos démons, par une espèce d
301 slogans du diable : « Vous ne mourrez pas ! Vous serez comme des Dieux ! » En combattant le traité de Versailles, « cette Go
302 ocence première. Enfin, en condamnant tout ce qui est universel ou du moins supranational, le christianisme, le judaïsme, l
303 nce somnambulique, dans lequel le moins courageux sera capable d’exécuter des actes étonnants d’énergie et de discipline méc
304 uide », le directeur de l’inconscience allemande, est en même temps conscient de ce qu’il fait, maître de sa technique, luc
305 pérer. « Tous les grands mouvements de l’Histoire sont des éruptions volcaniques de passions et de sensations spirituelles p
306 passions et de sensations spirituelles provoquées soit par la cruelle déesse de la Misère, soit par la torche de la parole j
307 ovoquées soit par la cruelle déesse de la Misère, soit par la torche de la parole jetée dans les masses. Seule une tempête d
308 uit les plus grands changements dans le monde ont été trouvées non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le fana
309 atanique, le terme d’État totalitaire. Un régime est totalitaire lorsqu’il prétend centraliser radicalement tous les pouvo
310 ace, la tradition, les morts. Voilà pourquoi elle est intolérante au suprême degré, et plus qu’intolérante : on ne peut mêm
311 rigines, on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’ est pas de sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que «
312 te religion n’admet pas que « les choses vieilles sont passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion
313 is-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : quels sont tes morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, reli
314 il n’a rien gagné. Car les religions de la terre sont religions de la mort. Vieille vérité théologique, que les malheurs du
315 découvert le sens de cette parole quand le Führer est entré dans Paris. Pour ma part, j’écrivis ce jour-là une page qui tro
316 ile sa face d’un nuage, et se tait, que son deuil soit le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints.
317 it le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris est détruit, j’en perdrai
318 sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’
319 it : Si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’ être un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éteinte
320 ai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’ est pas détruite : elle s’est éteinte. Désert des hautes pierres sans âme
321 éen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’ est éteinte. Désert des hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur
322 trerai dans Paris. Il y entre en effet, mais ce n’ est plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, dev
323 ntre en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant
324 jamais. Il ne verra que d’aveugles façades. Il s’ est privé à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable, de quelque chos
325 tation stupéfiante de cet homme et de cette Ville était peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’il est
326 saire pour faire comprendre au monde entier qu’il est des victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les don
327 l-socialisme nous enseignait de le mépriser. Ce n’ est pas l’aspect le moins diabolique de l’œuvre du Führer, que le caractè
328 hitlérienne. La tactique et la stratégie d’Hitler furent en sommes très simples. Il est apparu dans le monde comme un maniaque
329 e. La tactique et la stratégie d’Hitler furent en sommes très simples. Il est apparu dans le monde comme un maniaque qui entre
330 atégie d’Hitler furent en sommes très simples. Il est apparu dans le monde comme un maniaque qui entrerait dans une maison
331 qu’il s’écroule. Ainsi, partout où quelque chose était vermoulu dans notre monde, dans son économie ou dans sa morale, Hitle
332 ce que tout s’écroule. Partout où une faiblesse s’ est révélée, il l’a châtiée sans scrupules ni pardon. Il a été le châtime
333 ée, il l’a châtiée sans scrupules ni pardon. Il a été le châtiment automatique, l’Attila de notre civilisation, — son Fléau
334 up de gens pensaient vers 1940 : « Le Führer doit être très méchant pour faire ainsi la guerre à tout le monde. » Mais ce n’
335 aire ainsi la guerre à tout le monde. » Mais ce n’ était pas sa plus ou moins grande méchanceté qui était en cause. Ce n’est p
336 ’était pas sa plus ou moins grande méchanceté qui était en cause. Ce n’est pas elle qui fut particulièrement diabolique, mais
337 moins grande méchanceté qui était en cause. Ce n’ est pas elle qui fut particulièrement diabolique, mais bien les justifica
338 hanceté qui était en cause. Ce n’est pas elle qui fut particulièrement diabolique, mais bien les justifications qu’il en do
339 es pour bien d’autres époques de l’histoire. Ce n’ est pas d’envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’est fait de to
340 istoire. Ce n’est pas d’envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’est fait de tous les temps, c’était si l’on peut d
341 ’envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’ est fait de tous les temps, c’était si l’on peut dire, égoïsme normal, so
342 soif de richesses, vulgaire impérialisme ; ce qui est diabolique, c’est d’appeler cela « consolider la paix » ou « fonder l
343 der la paix » ou « fonder le nouvel ordre ». Ce n’ est pas d’annexer la Tchécoslovaquie qui est diabolique, mais c’est de le
344  ». Ce n’est pas d’annexer la Tchécoslovaquie qui est diabolique, mais c’est de le faire au lendemain d’un discours où l’on
345 droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ce n’ est pas de transformer le territoire du voisin en champ de carnage et de
346 d’appeler ce champ de mort « espace vital ». Ce n’ est pas de violer les traités, mais c’est de vouloir s’innocenter en proc
347 proclamant en tête d’un nouveau Code : « Le Droit est ce qui sert le peuple allemand. » Ce n’est pas d’attaquer les Églises
348 Droit est ce qui sert le peuple allemand. » Ce n’ est pas d’attaquer les Églises, mais c’est de le faire en nationalisant l
349 ationalisant la Providence, et en son nom. Ce qui est proprement diabolique, c’est moins de faire le mal que de le baptiser
350 le de vérité ! 23. Après Hitler10 Hitler s’ est tu. L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue. Et devant le ca
351 avec une stupéfaction mêlée de honte : « Comme il était petit ! » Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur
352 mêlée de honte : « Comme il était petit ! » Il n’ était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrèt
353 le temps pour lui, si Dieu garde l’éternité. Quel sera le nouveau plan stratégique du Malin ? Comment va-t-il tirer de sa dé
354 le, qui se frotte les mains. La paix, pour lui, n’ est pas le malheur que l’on croit. C’est le temps où l’esprit va reprendr
355 dre ses droits, pensent les hommes. Mais quand je suis fort, dit saint Paul, c’est alors justement que je suis faible… Si no
356 ort, dit saint Paul, c’est alors justement que je suis faible… Si nous avons saisi le geste intime, le mouvement, la structu
357 l du siècle — et le miracle continu de la charité sera seul cause d’une création de liberté qui le démente. Après Hitler, ap
358 te religion synthétique (comme le caoutchouc) que fut le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de
359 aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il est incontestable que le rationalisme11 a déprimé depuis des siècles le s
360 s périmées (c’était son droit et son devoir) il s’ est méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvelles (en cec
361 oi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles soient , sacrifices, fêtes, orgies ou jeûnes, disciplines morales ou mystique
362 sciplines morales ou mystiques, prières ou rites, sont les moyens qu’a trouvés l’homme pour capter ses puissances obscures e
363 , exigeaient que nous les adorions : leur révolte serait notre carence. Le rationalisme régnant a pu produire des avions en ma
364 sottises et les thaumaturgies les plus grossières sont destinées à susciter dans l’après-guerre l’enthousiasme éperdu des fo
365 iques les plus sains des réalistes et des experts seront vidés d’un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimi
366 oncera vainement des délires collectifs dont elle sera la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition f
367 sable, aussi vrai que le régime de la prohibition fut responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Viendront
368 ice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne fut moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de
369 t moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait port
370 t vivre s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre était pour nous la grande permission, le grand ajournement de nos problèmes
371 ns sans le savoir, pour une raison précise : elle était l’état d’exception proclamé sur la terre entière et dans tous les dom
372 râce. Telle la Fête chez les primitifs, la guerre était le « grand Temps » de l’humanité moderne, la seule excuse que notre e
373 mir les peuples, les classes ou les individus qui seraient tentés de causer quelque turbulence. C’est calculer sans l’homme, san
374 thment notre Histoire. Le diable, admettons-le, n’ est pas si court de vue. Il n’oublie pas que l’homme a toujours su produi
375 perdu à cette crise de compensation délirante que fut la première guerre totale et planétaire. Il va se baigner avec délice
376 xe siècle. Un des dilemmes fameux de notre temps fut posé aux Allemands par Goering : c’était du beurre ou des canons. Ils
377 idés à nous offrir du beurre à satiété. Mais nous serons occupés à fabriquer des monstres. Non point parce que nous sommes méc
378 fabriquer des monstres. Non point parce que nous sommes méchants, mais parce que nous sommes créateurs. Quand les usines de c
379 rce que nous sommes méchants, mais parce que nous sommes créateurs. Quand les usines de canons et d’avions auront fermé leurs
380 rminée par une dialectique irrésistible, menace d’ être aussi meurtrière, en fin de compte, que la névrose créée par le ratio
381 névrose créée par le rationalisme. (Mais l’homme tient à varier ses plaisirs, ou les prétextes du plaisir.) Elle risque de n
382 ue où l’homme n’adore que son propre reflet. » Ce sera le temps de regretter les dictatures qui tuent les corps mais qui ne
383 choses. Mais l’un des grands plaisirs de l’homme est de prévoir. Il s’imagine, et je ne sais s’il a tort, que la lucidité
384 1. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont été patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle
4 1942, La Part du diable (1982). Troisième partie. Le diable démocrate
385 à dépister Légion, celui qui dit toujours : ce n’ est pas moi, c’est l’autre ! c’est la masse ! je n’y étais pas ! Celui qu
386 pas moi, c’est l’autre ! c’est la masse ! je n’y étais pas ! Celui qui n’est jamais où vous croyez le prendre, où les sancti
387 ! c’est la masse ! je n’y étais pas ! Celui qui n’ est jamais où vous croyez le prendre, où les sanctions l’attendent, où le
388 s l’attendent, où le mal se confesse. Eh bien, ce sera vite fait, nous connaissons le tour : ce qu’il y eut finalement de pl
389 ses délégués. Mais ici, prenons garde ! Ce livre est plein de pièges. Si l’on vient d’accepter les phrases qui précèdent,
390 carnait seul tout le mal de notre temps, et qu’il était un monstre avec lequel nous n’avions vraiment rien de commun. « Voyez
391 n’avions vraiment rien de commun. « Voyez, je ne suis qu’Hitler ! », disait Satan. Nous n’avons vu qu’Hitler. Nous l’avons
392 n’avons plus su voir le démon parmi nous. Le tour est joué. Nous voilà pris. Si le diable est Hitler, nous sommes du bon cô
393 . Le tour est joué. Nous voilà pris. Si le diable est Hitler, nous sommes du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous sommes
394 é. Nous voilà pris. Si le diable est Hitler, nous sommes du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous sommes donc quittes ? Le di
395 sommes du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous sommes donc quittes ? Le diable n’en demandait pas plus ; il adore notre bon
396 accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce soit un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout de
397 jours la cause du mal dont souffrent ces sauvages est indépendante d’eux-mêmes, et doit donc être combattue et anéantie hor
398 uvages est indépendante d’eux-mêmes, et doit donc être combattue et anéantie hors d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme
399 hors d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’ est efforcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de
400 s de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur batail
401 le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans
402 i est en nous, et que le champ de leur bataille n’ est pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation a largement échoué.
403 n face, toujours, ou la force des choses. Si nous sommes révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de cert
404 pprimerons les causes des maux du siècle. Si nous sommes des capitalistes, nous croyons qu’en déplaçant vers nous ces mêmes ob
405 us ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous sommes de braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôti
406 , nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous sommes encore en pleine mentalité magique. Comme de petits enfants en colère
407 olère, nous battons la table à laquelle nous nous sommes heurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à
408 s. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne serait nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces signes — Hitler, Stali
409 onfessons donc la vérité compromettante. Hitler n’ était pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’était pas
410 hors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’ était pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avant d’êtr
411 était pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avant d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s
412 vant nous, mais en nous. Il était en nous avant d’ être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s’est dressé contre no
413 contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s’ est dressé contre nous. Et mort, il va nous occuper sans coup férir si no
414 per sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il est une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. L’adversaire est
415 s, la part du diable dans nos cœurs. L’adversaire est toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritabl
416 e pense que le chrétien véritable, s’il existait, serait cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’il loge
417 e que celui qu’il loge en lui-même. 26. « Nous sommes tous coupables » Voici une remarque des plus simples : personne n’
418 rétendu qu’il agissait par mauvaise volonté. Nous sommes tous, nos ennemis y compris, des « hommes de bonne volonté »13. Pourt
419 des inégalités dans la responsabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grands resp
420 sabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grands responsables du monde. Cependant,
421 menaçant. L’intention des remarques précédentes n’ est nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés
422 tulait non sans une curieuse présomption : « Nous sommes tous coupables. » Je veux dire ceci : nous sommes tous coupables dans
423 sommes tous coupables. » Je veux dire ceci : nous sommes tous coupables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne cond
424 et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Il est juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’es
425 rêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Il est juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’est pas seulement hit
426 t juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’ est pas seulement hitlérien, que l’hitlérisme n’est pas seulement alleman
427 n’est pas seulement hitlérien, que l’hitlérisme n’ est pas seulement allemand, que nous aussi, nous sommes déjà plus ou moin
428 ’est pas seulement allemand, que nous aussi, nous sommes déjà plus ou moins hitlérisés dans nos mœurs et dans nos pensées. Mai
429 r empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits, sont une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi s
430 zis et chez nous. C’est le même diable. Et ceci n’ est qu’un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous c
431 post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous coupables, me disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral d
432 roit moral de nous battre contre Hitler. » — Nous sommes tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous
433 us sommes tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et ho
434 ous des saints. Cela n’implique même pas que nous soyons meilleurs que les autres. Mais nous serons sûrement pires si nous ne
435 e nous soyons meilleurs que les autres. Mais nous serons sûrement pires si nous ne faisons pas notre métier. 27. Signalemen
436 out le mal à l’étranger, pour s’innocenter — nous sommes tombés dans la même erreur que lui : nous avons fait d’Hitler une ima
437 endant que nous la regardions, fascinés, le démon est revenu par-derrière nous tourmenter sous des déguisements qui ne pouv
438 uasi universelle dans les masses et l’élite, l’on est induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguise
439 induit à reconnaître que le Progrès automatique n’ était qu’un déguisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabo
440 uisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabolique en soi ! Mais si l’on s’abandonne au rêve du Progrès, lais
441 libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif à l’ordre social, qu’il provenait d’une mauvaise répartition
442 ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient être éliminés par des mesures adroites. Toutes ces croyances, en grande pa
443 dans la définition même de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir
444 e de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir-vivre, dirait-on, malg
445 tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’ était pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exac
446 e celui qui dénonce le mal comme fondamental doit être lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le cré
447 e la compensation fatale de nos défauts, Hitler a été le négatif exact de nos idéaux optimistes, dans la mesure où ils étai
448 t de nos idéaux optimistes, dans la mesure où ils étaient irréalistes, utopiques comme tout ce qui néglige le tragique, plateme
449 avaient plus l’air de rien, et leur insignifiance était leur diabolisme. Il est trop clair que les démocraties, en tant que t
450 , et leur insignifiance était leur diabolisme. Il est trop clair que les démocraties, en tant que telles, n’ont pas produit
451 Ce qui a paru de grand, dans notre camp, n’a pas été le fait de la démocratie bourgeoise, mais de chrétiens comme Niemölle
452 out, dira-t-on, c’est normal, car la démocratie n’ est rien en soi. Elle n’est que le régime qui permet aux croyants comme a
453 rmal, car la démocratie n’est rien en soi. Elle n’ est que le régime qui permet aux croyants comme aux incroyants, de se man
454 yants comme aux incroyants, de se manifester sans être massacrés15. Oui, mais encore faut-il qu’il y ait des croyants ! Or n
455 encore faut-il qu’il y ait des croyants ! Or nous étions devenus d’incurables sceptiques. De même que nous disions, en présenc
456 en présence d’un miracle du bien : trop beau pour être vrai ! nous disions en présence de certaines descriptions du mal : tr
457 certaines descriptions du mal : trop affreux pour être vrai 16 ! Cependant, c’était vrai, mais cela nous gênait. Nous l’écar
458 nt de nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût été vraiment vrai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si no
459 agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous étions mis à agir sans réserve, nous aurions vu très vite que ce mal avait d
460 le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils étaient bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple !… Comme
461 it tellement simple !… Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’a
462 Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne fût -ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un
463 trichien, Conrad von Hötzendorf : « Tout ce qui n’ est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sa
464 C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle sera perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. Et certa
465 ocratique et de conversion au fascisme. La France était démocratique dans son ensemble en 1939 ; presque chacun de ses citoye
466 Il avait sa bonne conscience de démocrate. Hitler est venu, Pétain a capitulé, et aussitôt, certains ci-devant « intellectu
467 » de Paris ont découvert qu’au fond, le nazisme n’ était pas si mal que cela ; qu’en somme, ils avaient toujours désiré quelqu
468 lait assez à cela ; et qu’après tout, « les nazis étaient des hommes comme nous ». Voilà le danger que court la démocratie amér
469 toutes les autres. Elle aussi a cru que les nazis étaient des animaux d’une tout autre race que les Américains. Elle aussi risq
470 risque de découvrir un jour qu’« après tout, ils sont des hommes comme nous ». Et c’est bien vrai : ils sont des hommes com
471 des hommes comme nous ». Et c’est bien vrai : ils sont des hommes comme nous dans ce sens que leur péché est aussi en nous,
472 des hommes comme nous dans ce sens que leur péché est aussi en nous, secrètement. L’une des leçons claires qui se dégagent
473 ui se dégagent des événements européens me paraît être celle-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui
474 le-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le
475 néral. La condamnation trop facile du méchant qui est en face peut recouvrir et favoriser beaucoup de complaisance intime à
476 inavouée. Devant des antifascistes qui ne veulent être que des antis — sans méfiance pour leur propre cas ! —, je ne puis m’
477 aux braves démocrates : — Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à Hitler ou
478 le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous serez en état de le dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès.
479 combattre avec succès. Car alors seulement, vous serez guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire.
480 d’y croire. Puis nous avons imaginé que le diable était Hitler. Et le diable s’est frotté les mains (Hitler aussi). Peut-êtr
481 maginé que le diable était Hitler. Et le diable s’ est frotté les mains (Hitler aussi). Peut-être serait-il plus fécond mai
482 s’est frotté les mains (Hitler aussi). Peut-être serait -il plus fécond maintenant, plus amusant aussi, et finalement plus vra
483 et optimiste vierge de toute pensée. Ou, si nous sommes par hasard des intellectuels libéraux, sous les traits d’un intellect
484 se moquer de la démocratie. D’abord parce qu’elle est le seul régime qui tolère une critique railleuse. Ensuite, parce que
485 e critique railleuse. Ensuite, parce que l’humour est nécessaire pour la bonne marche des institutions, dans un ordre socia
486 que entièrement profane. Voici comment. Le diable est sardonique et ironique à souhait, mais il ne supporte pas l’humour, e
487 rde le moins avec notre régime. Car la Démocratie étant basée sur cette supposition, elle-même humoristique, que tous les hom
488 tion, elle-même humoristique, que tous les hommes sont égaux, elle ne peut fonctionner sans humour, non plus qu’une machine
489 sauve-t-il ? De l’asphyxie par la proximité, qui serait le résultat fatal de notre destruction des hiérarchies. Grâce au sens
490 mour, une distance respirable et respectable peut être rétablie entre voisins, entre maris et femmes, ou entre fonctionnaire
491 vous obtiendrez au terme de l’opération, si elle est énergiquement poussée, l’État totalitaire dans sa splendeur native. L
492 re dans sa splendeur native. L’auteur de ce livre étant intimement persuadé que la démocratie dépérit sans critique, dénonce
493 célébré la Liberté autant qu’à l’époque moderne ? Serait -ce qu’elle est plus que jamais lointaine ? Ou au contraire parce qu’o
494 autant qu’à l’époque moderne ? Serait-ce qu’elle est plus que jamais lointaine ? Ou au contraire parce qu’on la sent enfin
495 matiques. La liberté pour laquelle nous mourons n’ est pas celle que l’État nous garantit. Celle que nous revendiquons perd
496 riste la formule. Ainsi la star que l’on épouse n’ est plus une star pour son mari. Voilà le grand malentendu que symbolise
497 tion tous les humains. Regardez-la : cette déesse est abstraite, mais elle n’en est pas moins sentimentale. Elle fait appel
498 z-la : cette déesse est abstraite, mais elle n’en est pas moins sentimentale. Elle fait appel à des sentiments religieux qu
499 pleuré en passant devant elle ! Sa seule présence était le gage d’une aisance de pensée et de vie qu’ils venaient de perdre e
500 contre l’époque entière, la liberté-en-général n’ est pas une Cause, — même pas dans le domaine politique, malgré tant d’él
501 nt désigner l’objet d’une revendication, car elle est le signe primordial de notre condition humaine. L’homme est libre, et
502 ne primordial de notre condition humaine. L’homme est libre, et cela signifie qu’il est placé à chaque instant dans une dou
503 umaine. L’homme est libre, et cela signifie qu’il est placé à chaque instant dans une double possibilité : faire le bien qu
504 sa convoitise, et il se trouve aussitôt enchaîné. Soyez libres « pour rien », sans condition ni but, soyez libres de faire ce
505 oyez libres « pour rien », sans condition ni but, soyez libres de faire ce qu’il vous plaît, et vous ferez probablement ce qu
506 s ferez probablement ce qui plaît au diable. Mais soyez libres de rejoindre et d’accomplir la vocation que Dieu vous donne, a
507 , vos fautes, et l’opinion régnante. La liberté n’ est pas un droit, mais un risque à courir à chaque instant — sur le plan
508 politique aussi bien qu’en esprit. Non seulement, étant ce qu’elle est, il serait fou de la revendiquer, mais encore il est d
509 ien qu’en esprit. Non seulement, étant ce qu’elle est , il serait fou de la revendiquer, mais encore il est de sa nature qu’
510 n esprit. Non seulement, étant ce qu’elle est, il serait fou de la revendiquer, mais encore il est de sa nature qu’elle se per
511 , il serait fou de la revendiquer, mais encore il est de sa nature qu’elle se perde aussitôt qu’utilisée, soit vers le mal,
512 sa nature qu’elle se perde aussitôt qu’utilisée, soit vers le mal, soit vers le bien, — pour renaître aussitôt avec un risq
513 se perde aussitôt qu’utilisée, soit vers le mal, soit vers le bien, — pour renaître aussitôt avec un risque neuf. Mais nous
514 , de liberté politique. J’y viendrai donc. Ce qui est en cause dans ce plan, ce n’est point la liberté réelle des hommes, q
515 drai donc. Ce qui est en cause dans ce plan, ce n’ est point la liberté réelle des hommes, qu’aucun tyran jamais n’a pu susp
516 ît point de vocation, la liberté qu’il revendique est vide ; le diable s’y mettra sous mille formes diverses, dont l’Opinio
517 us mille formes diverses, dont l’Opinion publique est la plus ordinaire. Mais si l’homme se reconnaît une vocation, il ne d
518 honte et la révolte. Sa révolte peut le conduire soit au martyre soit au rétablissement de lois humaines : dans ces deux ca
519 olte. Sa révolte peut le conduire soit au martyre soit au rétablissement de lois humaines : dans ces deux cas il reste libre
520 , il perdra par sa faute la liberté du choix, qui était toute sa dignité d’homme. Alors sans doute, il entrera dans la masse
521 t la Liberté. Ils la revendiquent parce qu’ils ne sont plus libres. Le simple fait qu’ils se sont mis à l’exiger sans condit
522 ils ne sont plus libres. Le simple fait qu’ils se sont mis à l’exiger sans condition ni but grand et définissant, prouve qu’
523 n ni but grand et définissant, prouve qu’ils s’en sont rendus proprement incapables. Autrement, ils l’eussent affirmée, préf
524 raies raisons de vivre. La liberté sans condition est un fantôme, annonciateur des pires tyrannies. J’en nommerai une. 3
525 cohérence, plus s’estompait en moi la sensation d’ être identique à mes données légales. C’était chaque fois un procès à gagn
526 ous ces documents, elle allait me démontrer que j’ étais un Rouge, pire encore, que j’étais un Blanc… Autour de moi régnait un
527 émontrer que j’étais un Rouge, pire encore, que j’ étais un Blanc… Autour de moi régnait un religieux silence. Chacun savait q
528 chargée de tampons. Bien entendu, ces procédures sont justifiables en temps de guerre. Une société démocratique doit se pro
529 vos capacités, vos opinions et vos réflexes. Vous serez classé, étiqueté, estimé ; vous serez pisté dans le passé jusqu’au ve
530 lexes. Vous serez classé, étiqueté, estimé ; vous serez pisté dans le passé jusqu’au ventre de votre mère, affublé d’un numér
531 rofessionnelles — leurs bienfaits par ailleurs ne sont que trop visibles — c’est l’irresponsabilité de leurs agents. Suppose
532 sse les Rouges. Personne ne sait exactement ce qu’ est un Rouge. Ni le chef qui d’ailleurs demeure inaccessible ; ni les che
533 n’y aura pas de pétitions dans les journaux. Vous serez un rebut social. Vous rappelez-vous l’intrigue centrale du Wilhelm Me
534 ves en surprises, par une volonté mystérieuse qui est celle du chef d’une société secrète. On veut amener Wilhelm à son sal
535 alors comme une figuration de la Providence. C’en est une aujourd’hui de la Police. À cette différence près, toutefois, que
536 ce près, toutefois, que l’intention spirituelle s’ est évanouie et que le nom du chef, à toutes fins utiles, demeure sans im
537 re sans importance pratique, ou inconnu. Quand il serait le diable en personne, vous n’en sauriez pas davantage et n’auriez pa
538 oir de protester. Le vrai mythe de notre Police a été formulé par Kafka. Dans son Procès, il nous conte l’histoire d’un emp
539 rte de prêtre, qui prétend connaître le Juge et n’ est pas mieux en cour que son client. Je dis que le diable a toutes les c
540 bien il cherche à supprimer le péril. Notre choix est fait dès longtemps : c’est le désir de supprimer le péril plutôt que
541 ous célébrons se résument dans le mot stériliser. Soit en amour (mesures anticonceptionnelles) ; soit dans la vie profession
542 r. Soit en amour (mesures anticonceptionnelles) ; soit dans la vie professionnelle (assurances) ; soit dans l’éducation de l
543 ; soit dans la vie professionnelle (assurances) ; soit dans l’éducation de la jeunesse ; soit dans la médecine ; soit dans l
544 urances) ; soit dans l’éducation de la jeunesse ; soit dans la médecine ; soit dans la politique internationale, nous sommes
545 ducation de la jeunesse ; soit dans la médecine ; soit dans la politique internationale, nous sommes en train de pousser à f
546 ine ; soit dans la politique internationale, nous sommes en train de pousser à fond une expérience sans précédent d’asepsie gé
547 rances-contre-tous-risques. Et qui dira qu’elle n’ est pas notre religion, que nos religions elles-mêmes ne s’y rangent pas 
548 riposte, l’abîme et le sublime ? Aucune époque ne fut plus antispirituelle, car aucune ne s’est tant préoccupée d’éliminer
549 oque ne fut plus antispirituelle, car aucune ne s’ est tant préoccupée d’éliminer le mal à moindre prix, au lieu de le compe
550 des stratèges, qui veut que la meilleure défense soit dans l’attaque. Ignorant les magies protectrices, négligeant les forc
551 vos objections, mais il vous fait sentir qu’elles sont banales, statistiques. Il vous promet enfin ce pur néant de l’âme : s
552  — prospérité — jovialité et vérité viagère. Vous serez comme des dieux un peu idiots mais perpétuellement hilares. Vous ne m
553 manité, mais non pas y éteindre le mal, si le mal est au premier chef l’absence de vertus créatrices. Dans une passion viol
554 ssion violente et dans un conflit déclaré, le mal est facilement reconnaissable : c’est à l’avantage du bien. Mais lorsque
555 érité du cœur humain, ses abîmes et ses miracles. Soyez nice, dit la bourgeoisie. Pour être nice, elle ne se rend pas compte
556 es miracles. Soyez nice, dit la bourgeoisie. Pour être nice, elle ne se rend pas compte qu’elle paye un prix exorbitant : la
557 8. Nous oublions que la conséquence de ce culte n’ est autre que l’insignifiance de nos vertus autant que de nos vices. Or l
558 ntes, privées de sens et qui n’ont l’air de rien, sont en réalité le Royaume du Rien. Elles ne s’acquièrent qu’au prix de la
559 So lovely, really… » d’un air indifférent, cela n’ est rien, vous vous êtes trompé, servez un drink. Mais il est juste aussi
560 d’un air indifférent, cela n’est rien, vous vous êtes trompé, servez un drink. Mais il est juste aussi de remarquer qu’une
561 , vous vous êtes trompé, servez un drink. Mais il est juste aussi de remarquer qu’une qualité vient de se perdre quelque pa
562 lité vient de se perdre quelque part. Ces gens ne sont pas méchants, ils n’ont fait aucun mal, il leur manque simplement un
563 . Mais l’entropie de l’univers augmente : or il n’ est rien de plus catastrophique au monde. On passe. C’est la vie, c’est l
564 s rendre contemporain de son éternité. Le diable est insignifiant, au sens propre du mot, et sa plus grande victoire dans
565 u’on étonne un moderne en lui demandant quel peut être le sens de son nom, des formes et des couleurs dont il s’entoure, des
566 d’autres encore, pourraient signifier quoi que ce soit dans un ensemble spirituel. Je dis que tout ce qui n’a pas de sens ap
567 mporte quelque bien, le nonsense y compris, qui n’ est qu’une allusion à des sens imprévus ou cachés. Quant à l’absurde pur1
568 rde aux yeux de la raison, la foi l’accepte comme étant la position d’une réalité éternelle dans le temps : ainsi l’Incarnati
569 t le miracle. Caricaturé par le diable, l’absurde est au contraire la fixation d’une réalité temporelle dans l’infini ou da
570 soi, de puissance ou de richesse en soi. L’Enfer est là. Mais je voudrais donner un autre exemple des méfaits de l’insigni
571 istoire d’un couple correct Monsieur et Madame sont parfaitement corrects et presque suaves en famille. Scrupuleusement,
572 On n’injurie jamais les bonnes, d’ailleurs elles sont si rares. On ne fesse pas les enfants ! cela pourrait leur donner des
573 ur, ne cherchez pas de ce côté. Si ma petite Mary est folle, vraiment, ce n’est pas qu’elle souffre de l’atmosphère familia
574 côté. Si ma petite Mary est folle, vraiment, ce n’ est pas qu’elle souffre de l’atmosphère familiale. Mais je vais vous dire
575 s dire : du côté de mon mari, on n’a pas toujours été très équilibré. Entre nous, une de ses tantes est morte à l’asile. Ce
576 été très équilibré. Entre nous, une de ses tantes est morte à l’asile. Cela se sent parfois chez lui. Hier encore, pour vou
577 encore, pour vous citer un seul exemple, à peine étions -nous dans notre chambre, il entre en fureur parce que je lui demande
578 , c’est tout ce que vous ne dites pas, quand vous êtes devant eux à table, si polis. La petite Mary n’est pas folle, mais co
579 es devant eux à table, si polis. La petite Mary n’ est pas folle, mais comment les nerfs d’un enfant supporteraient-ils le b
580 les créatures qui aient jamais existé, le diable est celle qui sait le mieux « how to win friends and influence people ».
581 ce people ». C’est pourquoi la démocratie moderne est spécialement tentée d’écouter ses conseils. Le pouvoir d’un régime fo
582 fatalement que le problème majeur des dirigeants sera de rendre populaires, plutôt que justes ou efficaces, les mesures gou
583 ilier les inférieurs en les flattant, puisqu’il n’ est plus permis de les dominer ; enfin d’appeler par leur prénom le plus
584 de service, la marque du prestige démocratique n’ étant plus la hauteur d’allure, mais au contraire la familiarité. Il serait
585 ur d’allure, mais au contraire la familiarité. Il serait amusant de comparer sous ce rapport le fameux livre de Mr. Dale Carne
586 pert en popularité, d’immenses progrès semblent s’ être opérés au point de vue de la moralité. Gracián vous apprend à tromper
587 intéressée des grands. Mr. Carnegie au contraire est d’une irréprochable correction morale. Il estime en effet que la Règl
588 ’or des relations humaines, dans tous les ordres, fut donnée par cette phrase de l’Évangile : « Faites aux autres ce que vo
589 ond besoin de l’homme, selon le professeur Dewey, étant de se sentir important, ne perdez pas une occasion de faire sentir à
590 ochain toute l’importance que vous lui accordez : soyez certain qu’il vous le rendra bien. C’est le bon sens même. Mais c’est
591 assablement déversée sur tout voisin qui pourrait être , un jour ou l’autre, utilisable. Gracián, du moins, ne prétendait pas
592 d’entretenir des contacts faciles et agréables. » Serait -ce que j’ai l’esprit mal fait ? Ou dira-t-on demain que l’esprit est
593 sprit mal fait ? Ou dira-t-on demain que l’esprit est immoral, antisocial, et nuisible aux affaires ? Que le sel de la terr
594 et nuisible aux affaires ? Que le sel de la terre est malsain ? Et que la sagesse démocratique se résume dans une « techniq
595 imbéciles n’ont rien à perdre. Les âmes fortes y sont éliminées par le ressentiment brutal des plébéiens, les âmes faibles
596 lisées. Comme on le voit, le régime totalitaire n’ est que la forme basse de la démocratie. Déchaînez parmi nous les démons
597 . La démocratie saine pour laquelle je lutterai n’ est , comme la santé, qu’une utopie. Je l’imagine de la manière suivante :
598 gence n’aurait rien à y perdre, les âmes fortes y seraient à l’aise, les âmes faibles y seraient éduquées, les âmes moyennes s’y
599 es fortes y seraient à l’aise, les âmes faibles y seraient éduquées, les âmes moyennes s’y sentiraient gênées d’être moyennes et
600 quées, les âmes moyennes s’y sentiraient gênées d’ être moyennes et de faire nombre. On y verrait des élites dures, aux disci
601 st un programme complet, si l’on y réfléchit : il serait aisé d’en développer les conséquences sur tous les plans, pour l’écon
602 de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable est partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai donnée
603 penser, finissent par se neutraliser. Le diable n’ est pas Hitler, qui pourtant est démoniaque ; il n’est pas non plus la dé
604 raliser. Le diable n’est pas Hitler, qui pourtant est démoniaque ; il n’est pas non plus la démocratie, qui pourtant n’est
605 st pas Hitler, qui pourtant est démoniaque ; il n’ est pas non plus la démocratie, qui pourtant n’est pas sainte ; mais il a
606 n’est pas non plus la démocratie, qui pourtant n’ est pas sainte ; mais il agit partout, il est dans tout… Vos descriptions
607 rtant n’est pas sainte ; mais il agit partout, il est dans tout… Vos descriptions, me dira-t-on, ne sont pas bien claires.
608 est dans tout… Vos descriptions, me dira-t-on, ne sont pas bien claires. Pourquoi ne pas nous peindre une image nette et fac
609 ne de Satan ? C’est que le diable, par nature, ne sera jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arr
610 jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans
611 issable. Il est celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Paradoxal p
612 radoxal par essence, il existe, bien sûr, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhait
613 sence, il existe, bien sûr, mais il est dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement l
614 te, bien sûr, mais il est dans tout être ce qui n’ est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement la destruction
615 des autres, ou la sienne propre. Sa qualité de n’ être pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’action,
616 la fois, repoussant mais non moins fascinant, il est sans doute la créature la plus poétique du monde. Il est beau aux yeu
617 s doute la créature la plus poétique du monde. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit toujours être lai
618 ux des naïfs qui croient que le mal doit toujours être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux de
619 roient que le mal doit toujours être laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés ou de
620 yeux des désabusés ou des raffinés. En bref, il n’ est jamais où vous pensiez le trouver. Il imite en la caricaturant l’acti
621 ies : le maître du confusionnisme dirigé ! Hitler fut l’âme de la cinquième colonne du siècle, mais Satan reste l’essence m
622 t me rendre prudent, personnellement —, le diable est l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette,
623 endre prudent, personnellement —, le diable est l’ être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se
624 préférence chez celui qui l’a dénoncé, et qui se tient pour assuré dans sa bonne conscience. Au moment où vous croyez l’attr
625 z un autre et lui régler son compte — voici qu’il est devenu vous-même ! — Mais alors ?… 37. Une bonne adresse — Si v
626 diable, et son second tour du même coup, si vous tenez sérieusement à l’attraper, je vais vous dire où vous le trouverez le
627 verez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous êtes assis. 13. Expression empruntée à l’Évangile par une erreur de tr
628 nne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Ce qui est complètement différent. 14. Je ne parle pas des héros de la guerre,
629 pas des héros de la guerre, mais de la paix. 15. Est -ce un si grand bien ? Pour le grand nombre, oui, probablement. Pour l
630 œurs totalitaires. Notre incrédulité bourgeoise a été l’une des meilleures chances d’Hitler. 17. Dans sa tête on tient des
631 meilleures chances d’Hitler. 17. Dans sa tête on tient des banquets. 18. Celle-ci le compense par un culte en apparence con
5 1942, La Part du diable (1982). Quatrième partie. Le diable dans nos Dieux et dans nos maladies
632 de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable sont exactement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’il va se dis
633 ient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en étaient réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans l
634 inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi con
635 s le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur im
636 ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce fut le Dieu de la Raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de
637 asse. Dans ces trois entités divinisées, le moi n’ est plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun 
638 t ces trois entités ont ceci de commun : elles ne sont responsables de rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les
639 s ne sont responsables de rien devant personne, s’ étant faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et
640 ute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’ est plus d’autre vérité. Or aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’e
641 s. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne sommes donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place
642 onc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre auprès d’aucune
643 dons pas avec l’entité divinisée — parce que nous sommes d’une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physi
644 le que celle qui détient le pouvoir —, alors nous sommes des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. A
645 us recevons une balle dans la nuque, ou bien nous sommes décapités à la hache, selon qu’il s’agit respectivement du dieu Class
646 dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois, le diable est sans doute
647 u Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois, le diable est sans doute moins dangereux lors
648 pardon. Ce sont des diables. Toutefois, le diable est sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue que lorsqu’il prétend n
649 us tue que lorsqu’il prétend nous faire vivre. Il est moins dangereux dans nos vices que dans nos vertus satisfaites. Il es
650 ans nos vices que dans nos vertus satisfaites. Il est moins dangereux dans les antres des dictateurs évidemment méchants, q
651 39. Le diable dans l’Église Un jour l’Église a été qualifiée de « Satan » par Jésus lui-même. Ce fut quelques minutes ap
652 été qualifiée de « Satan » par Jésus lui-même. Ce fut quelques minutes après sa fondation, et dans la personne même de celu
653 ses disciples : — Et vous, qui dites-vous que je suis  ? « Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils de Dieu vivant.
654 s-vous que je suis ? « Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils de Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui di
655 vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le san
656 : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qu
657 ng qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les deux » (Matthieu 16). Sur cet acte de foi, Jésus fonde l’Égl
658 Jésus fonde l’Église : « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Le Seigneur
659 voirs vicariaux : « Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dan
660 ans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » Mais voici qu’aussitôt après — au paragraphe
661 it dire par Jésus : « Arrière de moi Satan ! Tu m’ es en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu mais ce
662 Satan ! Tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu mais celles des hommes. » Qu’est-il donc arri
663 les pensées de Dieu mais celles des hommes. » Qu’ est -il donc arrivé ? Comment cette « pierre » sur qui l’Église vient à pe
664 cette « pierre » sur qui l’Église vient à peine d’ être posée est-elle déjà devenue pierre d’achoppement ? Pourquoi cet homme
665 rre » sur qui l’Église vient à peine d’être posée est -elle déjà devenue pierre d’achoppement ? Pourquoi cet homme, auquel l
666 mort prochaine et sa résurrection. Alors Pierre s’ est mis à le reprendre : « À Dieu ne plaise, Seigneur ! cela ne t’arriver
667 e l’Église à Pierre, car lorsque Pierre croit, il est l’Église. (Tout homme qui croit, dans l’instant de la foi devient Pie
668 résultat, mais sans la condition… Car notre rôle est de durer, et nos responsabilités sont écrasantes, et nous n’allons pa
669 r notre rôle est de durer, et nos responsabilités sont écrasantes, et nous n’allons pas jouer comme un illuminé avec le trés
670 n de folie, c’est le sûr moyen de la trahir. Ce n’ était pas la vie du monde, ni l’ordre ou la justice, ni la moralité que Pie
671 rituel et de la catastrophe salutaire. Si Jésus n’ est pas supplicié, il ne ressuscitera pas non plus. L’Église n’aura plus
672 ise n’aura plus rien à dire, le pouvoir de Pierre sera vide. L’Église est posée dans l’Histoire pour y représenter le perman
673 à dire, le pouvoir de Pierre sera vide. L’Église est posée dans l’Histoire pour y représenter le permanent rappel au drame
674 de nouveau. Étrange institution dont le seul but est de planter au sein du monde un principe de bouleversement, de scandal
675 t de tragédie ! Car tout le sens du christianisme tient en trois actes essentiellement tragiques : prendre sur soi le mal qui
676 tiellement tragiques : prendre sur soi le mal qui est dans le monde, mourir avec ce mal, ressusciter en pureté. Ce drame es
677 urir avec ce mal, ressusciter en pureté. Ce drame est figuré dans le sacrement de la communion. Il est rappelé dans le Cred
678 est figuré dans le sacrement de la communion. Il est rappelé dans le Credo. Mais peut-on dire qu’il est mis en action par
679 st rappelé dans le Credo. Mais peut-on dire qu’il est mis en action par les Églises modernes dans leur ensemble ? En fait,
680 lumer des foyers éclatants de purification. Elles sont devenues des forces de conservation, s’opposant par leur esprit même
681 nimer. Or dans toute la mesure où une Église s’en tient à de pieuses prudences, sous prétexte de sauvegarder quelques « valeu
682 Jésus disait : « Arrière de moi Satan ! Car tu m’ es en scandale. » 40. Le diable théologien Mais tout cela, dira-t-
683 istes. La pensée de l’Occident et son vocabulaire sont nés des grands débats théologiques aux siècles de la primitive Église
684 e. Notre musique, notre sculpture, notre peinture sont nées dans le chœur des églises, tandis que notre poétique se composai
685 t dans l’atmosphère des sectes manichéennes. Il n’ est pas jusqu’aux grandes philosophies modernes, Descartes et Kant, Hegel
686 t Kant, Hegel, Auguste Comte et Marx, qui n’aient été , à l’origine, des prises de position théologiques. Ignorer la théolog
687 érétiques. La naïveté théologique de notre siècle est l’un des avantages les plus considérables de la nouvelle barbarie. Je
688 pirituelles. Tout porte à croire que le diable en est ravi. Car selon le dicton médiéval et renaissant, « le diable est bon
689 lon le dicton médiéval et renaissant, « le diable est bon théologien ». Notre inculture lui donne une chance inespérée. En
690 it bientôt du sophisme, tandis qu’à coup sûr nous sommes pris si nous ignorons même l’existence du problème. Un certain nombr
691 nombre de tendances théologiques traditionnelles sont très probablement d’origine satanique : le pélagianisme, par exemple,
692 atoniciens. Sous des formes vulgarisées jusqu’à n’ être qu’à peine identifiables, ces hérésies dûment cataloguées depuis des
693 « excitantes » de l’avant-garde. Mais sans doute sont -elles moins déprimantes que le préjugé de l’homme moderne, qui ne sai
694 , dont la fumée montait comme un encens et devait être en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelq
695 ble, il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans sont irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux, idéalistes, réa
696 aissé tomber en donnant un dollar au mendiant. Il est parfait, ce plan, comme tu le craignais. Mais moi je vais l’organiser
697 e homme du monde Qui donc disait que le diable est un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce mo
698 noclé. Le diable, affirme un proverbe espagnol, n’ est pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vi
699 overbe espagnol, n’est pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut pen
700 ndre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et d
701 ral. Elle a son charme et son utilité ; mais elle est vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées
702 arme et son utilité ; mais elle est vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées : elle finit par
703 compris ». La fonction normale de la vie mondaine serait de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance m
704 abolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il est bien joué, ménage autant de liberté qu’il suppose, dit-on, d’hypocris
705 reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’ est que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’une présence
706 nces ; sa capacité d’éliminer froidement ce qui n’ est pas conforme aux goûts appris ; sa propension presque maniaque à n’at
707 er de l’importance qu’à un détail fortuit dans un être ou une œuvre ; tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence d’un
708 s stérilisants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’ est pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’es
709 pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plu
710 le plus suavement correct et moral peut fort bien être préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui
711 coup d’argent et pourtant il n’a jamais le temps. Serait -ce qu’il n’a de temps que pour l’argent, ce Mr. Time ? Ou bien la réc
712 . Time ? Ou bien la réciproque du fameux dicton n’ est -elle pas vraie ? Assurément, elle ne l’est pas. L’argent n’est pas du
713 cton n’est-elle pas vraie ? Assurément, elle ne l’ est pas. L’argent n’est pas du temps, il en prend au contraire. Nous somm
714 vraie ? Assurément, elle ne l’est pas. L’argent n’ est pas du temps, il en prend au contraire. Nous sommes donc en présence
715 ’est pas du temps, il en prend au contraire. Nous sommes donc en présence d’un phénomène à sens unique : la transmutation du t
716 ent en un rien de temps. Peu nous importe. Ce qui est frappant, c’est que Mr. Time peut gaspiller trente-six-millions mais
717 e : c’est le temps qui l’a. On sait que le diable est le Prince du Temps, comme Dieu le Roi de l’Éternité. Le temps sans fi
718 Boehme raconte qu’on demandait à Satan : Pourquoi es -tu sorti du Paradis ? — J’ai voulu me faire auteur, dit-il. Réponse g
719 sens du nom d’auteur. L’Auteur de toutes choses est leur autorité. Il s’autorise à l’infini dans Sa Création déployée. Il
720 mains. Et c’est pourquoi, l’artiste et l’écrivain sont terriblement exposés : dès qu’ils prennent le pinceau ou la plume, le
721 qu’ils prennent le pinceau ou la plume, le diable est là pour les guider. Et comment faire la part de son incitation ? Tout
722 re auteur, s’autoriser dans un monde autonome. Il est fatal que le diable s’en mêle, et que les meilleurs se voient tentés
723 et très bien les cohortes infernales. C’est qu’il était un vrai poète et du parti du diable sans le savoir ». Cette opinion s
724 parti du diable sans le savoir ». Cette opinion s’ est curieusement vulgarisée, dans notre siècle. Et l’on apporte à son app
725 cile d’innombrables ouvrages édifiants. Non, ce n’ est pas la vraie beauté des sentiments mais leur fausse beauté (donc leur
726 ts pervertis, tout aussi faux que ceux dont ils n’ étaient que l’inversion. Nous ne savions plus concevoir et illustrer de vrais
727 ttérature immoraliste sécrétée par la bourgeoisie est tributaire de la morale bourgeoise : elle reste hélas au niveau de l’
728 a rêverie aux yeux fixes qui la médite, le diable est là. Il n’est pas seul, mais il est là. La solution, c’est de le faire
729 yeux fixes qui la médite, le diable est là. Il n’ est pas seul, mais il est là. La solution, c’est de le faire travailler a
730 ite, le diable est là. Il n’est pas seul, mais il est là. La solution, c’est de le faire travailler autrement qu’il ne l’en
731 plendissant, dans l’espace et le temps consacrés. Serait -ce un mystérieux écho de la rédemption dans son abîme d’ennui sans fi
732 e ? Pourrons-nous un jour concevoir que le diable est finalement un mystère du Bien ? Peut-être Dante a-t-il raison lorsqu’
733 diable même y collabore, qu’importe : la dédicace est le vrai sens de l’œuvre, pour autant que l’homme peut en juger. Elle
734 e nous donne la mesure absolue. Un écrivain, s’il est bon artisan, vaudra tout juste ce que vaut la mission qu’il accepte e
735 a mission qu’il accepte et s’assigne. Le diable y sera sans doute encore, dans tous les artifices du délire créateur, mais e
736 ers un but qu’il ignore ; car sa faiblesse unique est de ne pas croire au bien. 45. Le pacte avec le diable Peter Sch
737 es plus tristes dans sa fantaisie géniale, et peu sont plus profondes avec autant de grâce. Que signifie cette ombre dans le
738 ourquoi l’un des premiers malheurs de notre héros est de ne plus pouvoir aimer ni être aimé.) J’ai dit que la liberté de l’
739 rs de notre héros est de ne plus pouvoir aimer ni être aimé.) J’ai dit que la liberté de l’homme réside dans son pouvoir uni
740 e mentir. Mais une fois que vous avez menti, vous êtes lié par le mensonge, et les vérités mêmes que vous articulerez servir
741 e en termes physiques et corporels. Tant que vous êtes en train de gravir la montagne, à grand effort, vous conservez la pos
742 de la vallée, où vit le commun des mortels. Vous êtes délivré de votre effort, tout est facile, il n’y a qu’à se laisser al
743 mortels. Vous êtes délivré de votre effort, tout est facile, il n’y a qu’à se laisser aller. Vous « arriverez » plus vite
744 rté de monter ou de descendre à votre choix. Vous êtes pris dans un mécanisme à sens unique, vous n’êtes qu’un corps abandon
745 êtes pris dans un mécanisme à sens unique, vous n’ êtes qu’un corps abandonné aux lois de la gravitation et toutes vos gestic
746 onclu avec le Prince de ce monde, et dont le prix est notre liberté. Et c’est pourquoi la morale du succès, qui fut la vrai
747 berté. Et c’est pourquoi la morale du succès, qui fut la vraie morale américaine depuis un siècle, m’a toujours paru diabol
748 toujours paru diabolique20. Ses signes extérieurs sont propres à donner le change : optimisme et cordialité, confiance en so
749 e humeur et ce goût de mieux vivre pourraient-ils être diaboliques ? Les démons, ce sont les nazis, vêtus de noir, grinçant
750 pourraient-ils être diaboliques ? Les démons, ce sont les nazis, vêtus de noir, grinçant des dents, mal nourris et semant l
751 Vous pensez que le premier système a l’avantage d’ être plus hygiénique. C’est peut-être vrai. Mais je doute que ce soit moin
752 nique. C’est peut-être vrai. Mais je doute que ce soit moins dangereux pour vos âmes. Ah, j’aimerais tant votre assurance, s
753 rais tant votre assurance, si seulement ses bases étaient sûres ! Je ne vais pas prêcher une morale de l’échec. Succès ou insuc
754 que le plus grand succès de toute l’Histoire, ce fut la mort ignominieuse du Christ en croix. Ce sacrifice a rompu le Pact
755 t assez facilement pourquoi les arts divinatoires sont liés, dans l’imagination des peuples, avec un pacte satanique. Le dev
756 des peuples, avec un pacte satanique. Le devin en serait à la fois la victime et le bénéficiaire. En échange de sa pureté d’âm
757 uvoirs extraordinaires, dont la source ne saurait être — ainsi pense-t-on communément — que dans les royaumes d’en bas. C’es
758 que l’on rend à la science angélique de Satan. Il est vrai que sous le nom de Python, il représente le Devin, et sous le vo
759 oyance en général avec cette puissance diabolique est une erreur que le diable lui-même entretient soigneusement dans nos e
760 igneusement dans nos esprits. Car la divination n’ est pas mauvaise en soi, bien au contraire. La Bible la condamne dans ses
761 iers à découvrir et saluer le Christ naissant, ce furent les Mages. Il serait vain de nier les faits sous prétexte qu’ils sont
762 aluer le Christ naissant, ce furent les Mages. Il serait vain de nier les faits sous prétexte qu’ils sont encore inexplicables
763 erait vain de nier les faits sous prétexte qu’ils sont encore inexplicables : les tables tournent, les cartes parlent, les p
764 e rendre sourd à ces invites ? Si la divination n’ est encore aujourd’hui que la science incertaine de découvrir l’avenir, c
765 me du charlatan de comprendre que ses malheurs ne sont pas le Mal, ni même nécessairement les conséquences du Mal, mais sont
766 même nécessairement les conséquences du Mal, mais sont peut-être les moyens du Bien, pour ne rien dire des vrais bonheurs qu
767 es vrais bonheurs qui peuvent en naître. Le Mal n’ est pas nécessairement la guerre par exemple, mais l’utilisation de la gu
768 en termes d’obstacles ou de succès21 ne sauraient être définis en vérité que par rapport au but suprême d’une existence, en
769 ttitudes intérieures. La seconde chance du diable est de flatter notre tendance à nous sentir irresponsables, par le moyen
770 et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec s
771 e galerie de victimes est classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se soucie
772 prétation des phénomènes collectifs d’aujourd’hui fut donnée vers 1848 par l’écrivain danois Søren Kierkegaard, le penseur
773 més et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg sont le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se per
774 ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’on est en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à travers
775 créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’ être plus responsable, donc plus coupable, et devenir du même coup partici
776 e de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’ être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu
777 des chances d’être celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se f
778 ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’ est personne et tire de là son assurance dans le crime. Il ne s’est pas
779 tire de là son assurance dans le crime. Il ne s’ est pas trouvé un seul soldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
780 oldat pour porter la main sur Caius Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
781 é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
782 ient eu, ce courage ! Ô mensonge !… Car une foule est une abstraction qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans
783 et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pa
784 unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’ est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu
785 responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réu
786 s, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on sera Dieu soi-même, donc maître de fixer le Bien et le Mal à sa guise. Al
787 ais l’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où es -tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu pe
788 oix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que t
789 , et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce q
790 hé. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de man
791 ’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est -ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’h
792 ai mangé.23 Voyez : ils vont se cacher, ils n’y sont plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi
793 dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on est , à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y
794 éponse, je dis qu’il n’y a personne ; la personne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse »
795 ne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse », ou responsable ; dans une foule il n’y a plus
796 t une masse. Satan va donc créer les masses. Nous tenons ici le secret de sa grande stratégie : produire le péché en série et
797 e cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’ être une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans un
798 maux en patience. D’une part, l’individu moderne est incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est as
799 r sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est aspiré par les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette
800 les poussent l’homme à rechercher les occasions d’ être dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à
801 tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’ est point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables
802 causes et racines du phénomène moderne des masses sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seule
803 sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’ est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
804 e. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus int
805 perd dans le monde moderne, c’est que les cadres sont devenus trop grands. Mais pourquoi les avoir agrandis, depuis un sièc
806 omme le montre l’histoire de la tour de Babel qui est le grand mythe de notre temps. Bien qu’il ne soit pas mentionné dans
807 est le grand mythe de notre temps. Bien qu’il ne soit pas mentionné dans le récit du chapitre onze de la Genèse, le diable
808 le récit du chapitre onze de la Genèse, le diable est de toute évidence le principal Entrepreneur de la Tour primitive et d
809 au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre. » Vous reconnaissez Sata
810 . Le résultat, que l’Ange pervers devait prévoir, sera nécessairement l’inverse de ce qu’ils voulaient. Si vous mangez la po
811 de toute la terre ». Cette déconvenue mémorable est attribuée par le récit biblique à la colère de l’Éternel, qui « desce
812 nt entrepris ! » On dirait qu’il veut les punir d’ être aussi bêtes. Mais le Dante imagine qu’ils se seraient bien punis tous
813 être aussi bêtes. Mais le Dante imagine qu’ils se seraient bien punis tous seuls. Il n’y avait qu’à les laisser aller ! Dans son
814 ène de confusion des langues. Si les hommes ne se sont plus entendus lors de la construction de ce premier gratte-ciel, c’es
815 de ce premier gratte-ciel, c’est que l’entreprise était trop vaste, simplement. En effet, pour mener à chef l’édification de
816 , pour mener à chef l’édification de la tour, ils furent obligés de se diviser en équipes spécialisées. Il y avait les archite
817 me qui leur servait de ciment ; d’autres encore n’ étaient chargés que de monter les matériaux, d’autres de bâtir les murs, de c
818 e se comprirent plus. La multiplicité des langues était née du travail lui-même. Mais ce travail bientôt traîna, puis s’arrêt
819 dans un langage commun. Il me paraît que nous en sommes à peu près là. L’anarchie sans précédent de notre vocabulaire, en pol
820 emin la règle d’or, l’étalon-homme. Et pour avoir été trop vite en tout, nous avons perdu de vue la mesure et le sens des f
821 mène le plus notable des débuts du siècle dernier fut , en effet, le brusque agrandissement, ou pour mieux dire la babélisat
822 issait depuis des millénaires. Dans ces villes se sont entassées des masses humaines informes, noyant et dissolvant les grou
823 tites entreprises. Les richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues
824 grandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits, puissances lointaines, dont les économis
825 s, puissances lointaines, dont les économistes se sont mis à étudier les mœurs étranges, plus mystérieuses que celles des mo
826 a plus que doublé en cent ans ; ses richesses ont été décuplées ; sa production industrielle centuplée. Et le concours enfi
827 dans l’espace de cinquante à cent ans, la société est devenue trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard. Une seul
828 ans, la société est devenue trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comp
829 oit de voter et de dire leur mot sur tout : ce ne sera pas pire.) Alors le vertige de Babel s’empare de l’esprit humain. Com
830 qu’en termes de contradiction. Jamais l’homme ne fut plus puissant, et jamais il ne s’est senti, en tant qu’individu, plus
831 s l’homme ne fut plus puissant, et jamais il ne s’ est senti, en tant qu’individu, plus impuissant. Jamais il ne fut plus sa
832 n tant qu’individu, plus impuissant. Jamais il ne fut plus savant, et jamais il n’eut l’impression de comprendre aussi mal
833 e pour les détruire. « Montez ! dit le diable, et soyez comme des dieux, oubliez votre mesure d’hommes ! » Mais, plus on mont
834 olique. « En effet, disait-il, une maison devrait être conçue normalement pour abriter les hommes. Il n’est pas naturel de l
835 conçue normalement pour abriter les hommes. Il n’ est pas naturel de lui ajouter des étages. Car en tombant du quatrième, p
836 u quatrième, par exemple, on se tue. Mais cela ne serait rien. Ce qui est grave, c’est que l’invention des étages a permis la
837 mple, on se tue. Mais cela ne serait rien. Ce qui est grave, c’est que l’invention des étages a permis la grande ville. La
838 a permis la formation des masses. Avec les masses sont nés les grands problèmes sociaux. Et ceux-ci sont à l’origine des gue
839 sont nés les grands problèmes sociaux. Et ceux-ci sont à l’origine des guerres du xxe siècle. Tout le mal vient des étages 
840 La somme du bien et du mal dans chaque siècle est vraisemblablement la même : notre temps n’est pas pire qu’un autre, e
841 cle est vraisemblablement la même : notre temps n’ est pas pire qu’un autre, en dépit des triomphes du Progrès. Seule, la di
842 Il faut croire que cela nous arrange, — quels que soient les prétextes que nous offrent les historiens de l’économie matériali
843 le défi d’une vocation sans précédent, — elles le sont toutes. Allez demander aux jeunes gens d’aujourd’hui quel est le sen
844 Allez demander aux jeunes gens d’aujourd’hui quel est le sens de leur vie, le goût de leur existence. S’ils trouvent quelqu
845 ombre un sentiment fondamental d’ennui, mais ce n’ est encore qu’un camouflage. On fait cela pour faire quelque chose, parce
846 tion chrétienne. Essayez de l’appliquer. » Car il est clair que cet effort, s’il est sincère, va vous réintroduire dans la
847 ppliquer. » Car il est clair que cet effort, s’il est sincère, va vous réintroduire dans la réalité, là où les vrais confli
848 cise instantanément : plus une seconde d’ennui ne sera possible. Et votre plainte sera de n’avoir qu’une seule vie. Ennui :
849 econde d’ennui ne sera possible. Et votre plainte sera de n’avoir qu’une seule vie. Ennui : chasse gardée du démon. Parce q
850 ir s’échapper pour ne point s’avouer responsable, soit que l’on courre se cacher dans les arbres avec le sot espoir que Dieu
851 arbres avec le sot espoir que Dieu nous y oublie, soit que l’on monte dans les nues ou qu’à l’inverse on se renfonce dans la
852 ir irresponsable. Tout lui sert d’alibi, tout lui est bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’est pas lui, qu’il n’y
853 d’alibi, tout lui est bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’est pas lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit :
854 st bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’ est pas lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit : tu étais déterminé
855 lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit : tu étais déterminé, ce n’est pas ta faute ; et sa passion lui dit : c’était vi
856 en. Sa science lui dit : tu étais déterminé, ce n’ est pas ta faute ; et sa passion lui dit : c’était vital, il n’y a pas de
857 utonome et responsable. Le mal ou le « péché » ne sont plus, à leur vue, que les effets d’un trouble temporaire ou chronique
858 s découvrons un nouveau mécanisme de la vie, nous sommes aussitôt obsédés par l’idée que « cela explique tout ». Étrange névro
859 ge le foie, tout aussi bien. Qui a commencé ? Qui est responsable de cette méchante décision ? L’homme ou son foie ? Nous s
860 te méchante décision ? L’homme ou son foie ? Nous sommes bien trop intéressés à nier le péché personnel pour que j’accorde à l
861 les époques classiques, on considère qu’une chose est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise. Si l’on dit un mensonge, on sait
862 cesse de relever de la vérité ou du mensonge. Il est admis, de nos jours, que la passion, l’émotion et l’hystérie même vou
863 , elles n’ont plus à se justifier. J’avais juré d’ être fidèle, dit un conjoint, mais je m’aperçois que c’est incompatible av
864 u’il lèse mes intérêts vitaux. Alors plus rien ne tient , naturellement. Mais voici qui est nouveau : l’on s’en vante, avec l’
865 plus rien ne tient, naturellement. Mais voici qui est nouveau : l’on s’en vante, avec l’appui de tous les romanciers, des j
866 nt : notre respect de la passion et de « la vie » sont des signes de décadence des passions mêmes et de la vraie vie. J’empr
867 al » au secret d’une conscience moderne : Mais j’ étais scrupuleux et, devant que je m’abandonne, le démon qui m’entreprenait
868 avait à me persuader que ce qui me sollicitait m’ était permis, que ce permis m’était nécessaire. Parfois le Malin retournait
869 ui me sollicitait m’était permis, que ce permis m’ était nécessaire. Parfois le Malin retournait les propositions, commençait
870 le Malin c’est le Raisonneur : « Comment ce qui t’ est nécessaire ne te serait-il pas permis ? Consens à appeler nécessaire
871 sonneur : « Comment ce qui t’est nécessaire ne te serait -il pas permis ? Consens à appeler nécessaire ce dont tu ne peux te pa
872 xhortation, de diabolique. Je croyais alors que j’ étais le seul à parler et que ce dialogue spécieux je l’engageais avec moi-
873 la théorie de l’espace vital. « Comment ce qui t’ est nécessaire ne te serait-il pas permis ? Qu’est-ce que le bien, sinon
874 ce vital. « Comment ce qui t’est nécessaire ne te serait -il pas permis ? Qu’est-ce que le bien, sinon ta plus grande soif ? Un
875 t’est nécessaire ne te serait-il pas permis ? Qu’ est -ce que le bien, sinon ta plus grande soif ? Une grande force te viend
876 ande force te viendrait si plutôt que de t’user à tenir tes engagements, tu ne luttais plus que contre l’étranger qui t’a for
877 contre l’étranger qui t’a forcé à les signer. Qu’ est -ce que la vérité contre ton dynamisme ? Qu’est-ce que le droit figé c
878 Qu’est-ce que la vérité contre ton dynamisme ? Qu’ est -ce que le droit figé contre la vie changeante ? Je vais te le dire :
879 m deutschen Volke nützt. » Autrement dit : ce qui est légal, c’est ce qui sert tes intérêts, qui sont les intérêts de la na
880 ui est légal, c’est ce qui sert tes intérêts, qui sont les intérêts de la nation. N’est-ce pas ici le lieu de se demander a
881 intérêts, qui sont les intérêts de la nation. N’ est -ce pas ici le lieu de se demander au nom de quoi nos moralistes de la
882 in very times of weakness. Francis Bacon. Il n’ est pas de domaine où l’argument de l’espace vital, individuel cette fois
883 n’y a d’unions à jamais légitimes que celles qui sont commandées par la vraie passion.24 » La chanson dit plus simplement q
884 on.24 » La chanson dit plus simplement que « tout est permis quand on s’aime ». La première conséquence de cette grande per
885 a première conséquence de cette grande permission est de faire sauter l’alliance du mariage. Dans la morale que pratiquent
886 branle le monde. Car attaquer au plus intime de l’ être le sens de l’alliance jurée, c’est faire le lit d’une éthique de barb
887 iendront que l’amour excuse et magnifie ce qui ne serait ailleurs qu’impérialisme pur. Il est vrai que l’Évangile lui-même par
888 ce qui ne serait ailleurs qu’impérialisme pur. Il est vrai que l’Évangile lui-même pardonne beaucoup à celle qui a beaucoup
889 si cet amour, dont on prétend qu’il permet tout, est véritablement de l’amour, ou s’il n’est pas plutôt quelque hantise ab
890 met tout, est véritablement de l’amour, ou s’il n’ est pas plutôt quelque hantise abusivement parée de ce beau nom. Or chacu
891 beau nom. Or chacun voit que « l’amour » moderne est une immense faillite intime de notre civilisation. C’est une affaire
892 ffaire si tragiquement confuse que le diable seul est sûr de s’y retrouver. Niera-t-on qu’il s’en donne à cœur joie ? Mais
893 dans « l’amour », c’est simplement tout ce qui n’ est pas de l’amour. C’est tout ce qui se glisse en nous sous le couvert d
894 sse en nous sous le couvert du mot. Car le diable est celui qui n’aime pas, et qui n’aime pas qu’on aime, et dont tout le p
895 ui n’aime pas qu’on aime, et dont tout le plaisir est d’altérer nos vertus dans leur source. Vous le sentirez présent, dans
896 , dans sa force immobile, derrière le regard de l’ être sans amour. Et partout où l’amour est contrefait, vous le reconnaître
897 egard de l’être sans amour. Et partout où l’amour est contrefait, vous le reconnaîtrez à ses fruits. S’il est vrai que tout
898 ntrefait, vous le reconnaîtrez à ses fruits. S’il est vrai que tout ordre humain repose sur l’alliance, et si l’alliance pr
899 c’est que le plus beau mot de toutes les langues est pipé sur nos lèvres par Satan. Nulle époque n’a parlé davantage de l’
900 sion contagieuse dont le foyer dans l’ère moderne fut la littérature romantique, et dont les romans et les films sont les a
901 ature romantique, et dont les romans et les films sont les agents de diffusion. Cette obsession était devenue la grande affa
902 lms sont les agents de diffusion. Cette obsession était devenue la grande affaire de notre civilisation en temps de paix, — l
903 ion de ceux qui n’en voulaient plus. Son empire s’ est étendu sur les domaines les plus hétéroclites, du mysticisme littérai
904 es vertus viriles et dures. Le bonheur individuel est devenu notre tabou : signe de décadence d’une civilisation. Auguste o
905 ’approbation des foules. La décadence de la vertu est un thème millénaire de l’éloquence sacrée. Mais je signale ici un tra
906 naissante, on espère, on provoque sa fièvre : ce serait vivre ! (Faut-il qu’on vive peu.) Plus tard on dit : « C’était fatal.
907 u.) Plus tard on dit : « C’était fatal. Voilà, je suis un obsédé. » On y voit une excuse et non plus une défaite, — et moins
908 ridicule. Certes l’amour, de tous les sentiments, est celui qui se prête le mieux à justifier l’abdication de soi, puisqu’à
909 plus d’une pente insensible. Il sait que l’amour est le domaine par excellence des quiproquos entre le vice et la vertu. N
910 ’ailleurs, l’un des premiers effets de la passion est de nous empêcher de nous sentir coupables dans l’instant même où nous
911 ’instant même où nous savons le mieux que nous le sommes . Voyez cette héroïne de Stendhal : « Je ne me fais plus aucune illusi
912 nts où elle osait se livrer à tout son amour : je suis damnée, irrémissiblement damnée… Mais au fond, je ne me repens point.
913 point. Je commettrais de nouveau ma faute si elle était à commettre. » C’est l’un des plus vieux cris de l’humanité, le plus
914 me, bêtise ou lâcheté, vous avez fait souffrir un être , vous pouvez éprouver du remords et le désir de réparer la faute. Mai
915 eussiez-vous fait souffrir dix fois plus le même être . Vous voyez le mal, vous le déplorez sans doute, mais « honnêtement »
916 ou même de la haine. Non seulement la lucidité y est plus rare et difficile qu’au sein de toute autre passion, mais elle y
917 le qu’au sein de toute autre passion, mais elle y est de surcroît parfaitement inutile. « Je vois bien le mal que je fais e
918 u de maladie psychique tout amour dont les fruits sont amers, le privant aussitôt de ses droits absolus. Mais nous avons une
919 romantique exaltant la passion « fatale » : c’en est fait de la toute petite chance de liberté qui nous restait. Cette « f
920 nous restait. Cette « fatalité » de la passion n’ est qu’une manière de parler romanesque, mais combien d’amoureux s’en aut
921 volontés secrètes ? C’est l’alibi rêvé : « Je n’y étais pas, la fatalité seule est responsable. » Il faudrait un critère abso
922 libi rêvé : « Je n’y étais pas, la fatalité seule est responsable. » Il faudrait un critère absolu… Mais justement le diabl
923 la loi ou devant Dieu, vous prenez l’engagement d’ être fidèle « dans les bons et les mauvais jours » quoi qu’il advienne, po
924 té, quand elle s’oppose à la loi même de la Vie ? Est -il “sincère” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais je ne suis plu
925 ? Est-il “sincère” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit , mais je ne suis plus le même. Et dès l’instant que j’aime une autre
926 ” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais je ne suis plus le même. Et dès l’instant que j’aime une autre femme, rester fid
927 ne autre femme, rester fidèle à la fiction légale serait une pure hypocrisie.25 » Par malheur, ce beau raisonnement détruit le
928 t de la possibilité de s’entendre sur quoi que ce soit . Car pourquoi fait-on des serments ? Précisément parce que l’on sait
929 acent l’intérêt général. Mais si l’on pense qu’il est plus « sincère » de suivre son instinct que de garder parole, que le
930 loi, alors on entre dans un monde où l’hitlérisme est justifié. L’ordre et la paix n’ont jamais existé qu’en vertu d’un eff
931 r le cœur que le diable nous a pris. Certes, ce n’ est pas d’hier qu’on trompe sa femme, et qu’on trahit ses serments par am
932 oaths are straw to the fire in the blood. » Ce n’ est pas la faute qui me paraît nouvelle, c’est la manière de l’accepter a
933 de névrose ou de vertige épidémique : le besoin d’ être dépossédé de soi, donc possédé par l’extérieur ou l’étranger, par une
934 u contraire par les faiblesses qu’il autorise, il est grand temps de le disqualifier au nom et pour l’amour de l’amour même
935 lifier au nom et pour l’amour de l’amour même. Il est temps de décourager les innombrables amateurs sans vocation qui l’app
936 magazines à gros tirage. Car cette insignifiance est en train de dissoudre les structures qui nous protégeaient contre les
937 les paniques de l’instinct. La morale bourgeoise est trop faible. Quand les romanciers attardés attaquent encore ses étroi
938 glante, des démons de la jungle intérieure. Telle est la leçon de notre crise. C’est une question de physique sociale plus
939 notre civilisation et pour tout ordre, quel qu’il soit , qui mérite l’épithète d’humain. 52. La passion Je parlerai mai
940 sion, signe particulier de la psyché occidentale, est né d’un retour de flamme du christianisme dans les marges de l’hérési
941 uée par la croyance en la valeur unique de chaque être . Il suppose un objet irremplaçable, et comme prédestiné par un acte d
942 de sang pour toi. » Mais l’idée du divin dans un être , source et objet de tout amour profond, va faire naître l’idolâtrie p
943 e souffre l’infini désir, séduit et arrêté par un être fini, ne peut se résoudre que dans l’évasion vers le néant. Cette ori
944 rigine et cette catastrophe ne cesseront jamais d’ être instantes au cœur secret de la passion occidentale. L’une, ignorée ou
945 m de passion. C’est pourquoi la passion peut bien être le lieu de la plus grande intensité vitale, en même temps qu’elle se
946 s terrestres et du bonheur. Ce composé ne saurait être aussi commun que les romans et l’opéra nous l’ont fait croire. Je met
947 grands amants que de vrais mystiques, la passion étant au sentimentalisme normal ce que la mystique est à la religion moyenn
948 tant au sentimentalisme normal ce que la mystique est à la religion moyenne. Mais la passion comme la mystique sont de ces
949 ligion moyenne. Mais la passion comme la mystique sont de ces attitudes capitales dont les très rares moments de pureté suff
950 e présence et d’absence infinie, créent chez tout être passionné l’illusion d’un transport mystique dans l’au-delà du bien e
951 , et la nature elle-même, — que ces interdictions soient « légitimes » ou non. Passer outre est le fait de la passion. Mais sa
952 ictions soient « légitimes » ou non. Passer outre est le fait de la passion. Mais sacrifie-t-on l’autre ou soi ? Et dans so
953 s soi, le meilleur ou le pire ? Tous les critères sont annulés par l’intensité même des paradoxes qui sont l’amour humain da
954 nt annulés par l’intensité même des paradoxes qui sont l’amour humain dans sa réalité magnifique et désespérée. Considérez c
955 métamorphose. Celui qui aime veut tout donner à l’ être aimé. Il donne ce qu’il a de plus beau, il donne ce qu’il n’a pas en
956 qui naît de l’exaltation, il donne enfin ce qu’il est , sans réserve. Mais à ce point, il donne aussi le pire. Le pire en lu
957 t, il donne aussi le pire. Le pire en lui, il s’y était accoutumé, établissant une sorte d’équilibre du microbe et de la mala
958 be et de la maladie. Mais s’il le communique à un être plus faible, ou plus pur, ou qui n’est pas armé pour composer avec ce
959 ique à un être plus faible, ou plus pur, ou qui n’ est pas armé pour composer avec cette espèce-là de mal, il risque d’altér
960 gnorés de nous-mêmes, que notre passion livre à l’ être aimé dans la contagion du délire, voici qu’ils apparaissent comme des
961 u’ils apparaissent comme des dons de la haine. Il est rare que l’amour ne soit pas criminel, d’une manière invisible peut-ê
962 des dons de la haine. Il est rare que l’amour ne soit pas criminel, d’une manière invisible peut-être, quand il dépasse les
963 ser les bornes… Ainsi l’extrême du don, si l’on n’ est pas un saint, rejoint le viol spirituel. Et si l’on veut tout posséde
964 iol spirituel. Et si l’on veut tout posséder d’un être , on risque bien d’en faire un possédé. Où donc le diable est-il inter
965 que bien d’en faire un possédé. Où donc le diable est -il intervenu ? Ce Désir qui prenait son essor comme une question arde
966 cible Vérité, comme un élan vers la guérison de l’ être blessé, vers la plénitude et vers la rédemption, voici qu’il se fait
967 s plus épuisantes tortures. À quel moment l’amour est -il devenu souffrance ? Dans le langage de la théologie, il est aisé d
968 souffrance ? Dans le langage de la théologie, il est aisé de définir le point : c’est à l’instant où la passion transgress
969 à la diviniser, que le Tentateur a parlé. « Vous serez comme des dieux, vous êtes seuls au monde, désormais tout vous est pe
970 ateur a parlé. « Vous serez comme des dieux, vous êtes seuls au monde, désormais tout vous est permis… » Mais encore, ce mou
971 ux, vous êtes seuls au monde, désormais tout vous est permis… » Mais encore, ce mouvement de l’orgueil fantastique, comment
972 oi… Poursuivons cette analogie. Le coup de foudre est le reflet d’une conversion. Il ne se discute pas davantage. Vous êtes
973 conversion. Il ne se discute pas davantage. Vous êtes élu « parce que c’est vous, parce que c’est elle ». L’amour accepte a
974 ugustinienne de l’élection. Pour la passion, tout est destin, rien n’est mérite, et le « scandale » de la double prédestina
975 lection. Pour la passion, tout est destin, rien n’ est mérite, et le « scandale » de la double prédestination, au salut ou à
976 ue fois que l’on accueille ou que l’on rejette un être , dans le temps d’un premier regard. Voici l’accueil, et l’on entre en
977 clot avec l’image de l’objet aimé. Mais le diable est assis dans un coin de la cellule. Il ne fait rien, il vous attend. Il
978 france, son seul baume. Il a cessé de sourire, il est à son affaire, guettant les premiers plis de la panique à votre front
979 front. Que va devenir votre bonheur ? Pourquoi l’ être aimé vous manque-t-il ? Pourquoi s’éloigne-t-il de l’image adorée ? S
980 Alors vous l’accuserez d’une injustice dont il n’ est pas plus responsable que vous ne l’étiez de votre choix. Qu’il se dét
981 dont il n’est pas plus responsable que vous ne l’ étiez de votre choix. Qu’il se détourne de vous pour un temps, voici le mon
982 alité. Mais il y a pire. La passion la plus forte est celle qui se nourrit d’obstacles, et qui bientôt les crée s’ils vienn
983 faut. Cet usage mystifiant de la réalité, qu’elle soit sociale, morale ou naturelle, entraîne un mensonge essentiel qui corr
984 que ; mais qu’elle ne voulait pas que ses laquais fussent mis dans le cas de répéter ce même mensonge, car, dit-elle avec naïve
985 t peu dire, car les vrais tourments de la passion sont indicibles par essence, ou ne trouveraient à s’exprimer que par les p
986 endresse avide tyrannise ou méprise, que ses dons sont autant de violences intimes, et qu’il en vient à souffrir davantage p
987 en vient à souffrir davantage par l’absence de l’ être aimé qu’il n’a de joie par sa présence. Dans ce dédale de nos enfers
988 r pour déjouer les ruses sataniques ? Il faudrait être un saint pour traverser une grande passion sans réjouir le diable ou
989 ait une abnégation dont les plus grands mystiques furent seuls capables. Il faudrait surtout conserver la règle d’or de l’amou
990 es de la déficiente réalité, avec la liberté de l’ être aimé et le respect de son mystère. Rien de moins ne suffirait pour co
991 chef-d’œuvre de l’amour vrai : l’alliance de deux êtres qui s’acceptent, qui ne sont plus l’un pour l’autre des prétextes, ou
992 l’alliance de deux êtres qui s’acceptent, qui ne sont plus l’un pour l’autre des prétextes, ou des images du délire intime,
993 u délire intime, mais des amis jurés dont l’amour est confiance. Contre cette alliance-là, le diable ne peut rien. « L’amou
994 que je n’aie déjà dites sous d’autres formes. Il est vrai que tout le monde s’imagine que le péché par excellence réside d
995 perçoit d’une manière assez simple : la sexualité est le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus co
996 ensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes sont réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque to
997 portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’ est vu tenté de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons
998 mme s’est vu tenté de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » — soit en se
999 ant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —  soit en se persuadant « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemble.
1000 s deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’ est pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorit
1001 des Occidentaux se figurent que le péché originel fut l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’
1002 t l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la te
1003 éral à la tentation par excellence, qui se trouve être à leurs yeux la sexualité. C’est une vue bien bornée du péché ! Car m
1004 ve signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’ est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éter
1005 que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mai
1006 tour source de perversion. La paillardise joyeuse est certainement l’une des formes les moins diaboliques du péché. Je n’en
1007 naturelles par un certain manque de nécessité. Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang
1008 Il est nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste.
1009 on peut vivre en restant chaste. L’usage du sexe est donc en grande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à
1010 rande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbo
1011 art, il est lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons qu
1012 l’homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il est libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ordre d
1013 que dans nos créations les plus abstraites. Il y est même plus aisément reconnaissable, et dans cette mesure moins dangere
1014 pruderie morbide du langage et des bonnes mœurs, est certes pour beaucoup dans la crise sexuelle dont souffre encore la bo
1015 atanique et les névroses nées de troubles sexuels serait simplement la franchise, non pas « scientifique » mais gaillarde. Mai
1016 rime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’ est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fo
1017 de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’ est honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines d
1018 n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouv
1019 damentaux. En présence de cet affadissement, l’on serait tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus fécon
1020 us féconds. 54. L’Éternel féminin L’amour n’ est pas un crime, mais le diable s’en sert, et de préférence à toute autr
1021 , pour aveugler notre sens des valeurs. Le sexe n’ est pas une honte, mais le diable y trouve l’occasion la plus commune de
1022 traîne vers les hauteurs »… En vérité, la femme n’ est porte de l’Enfer que pour ceux qui se laissent aller à voir en elle u
1023 romantiques de tous les temps : « Entre nous, ce sont choses que j’ai toujours vues de singulier accord : les opinions supe
1024 lle, ou de laisser les autres s’y tromper. Quelle soit moins bien armée que l’homme contre Satan, c’est ce que fait voir le
1025 t voir le récit de la Chute. Croyez bien que ce n’ est point par politesse que le serpent s’adresse à Ève en premier lieu. I
1026 mord dans la pomme. C’est à ce moment que le mal est vraiment « consommé ». La femme n’est pas plus diabolique que l’homme
1027 que le mal est vraiment « consommé ». La femme n’ est pas plus diabolique que l’homme, mais plus facilement égarée, parce q
1028 ses ont si mal tourné. Saint Paul dit que le mari est le chef de la femme, et que la femme sans l’homme ne peut être sauvée
1029 de la femme, et que la femme sans l’homme ne peut être sauvée. C’est une constatation bien plus qu’une prescription. (Saint
1030 tation bien plus qu’une prescription. (Saint Paul est le plus grand réaliste de tous les temps.) Mais le culte romantique d
1031 r son rôle de chef. La femme l’a persuadé qu’elle était opprimée. Il la croit, par fatigue, par gain de paix, ou par idéalism
1032 multiplient des conflits inextricables. « L’amour est à réinventer », comme toujours, mais pourra-t-on restaurer le mariage
1033 passer à l’échelle de la société. La femme qui n’ est plus dominée par l’homme — que la faute en soit à l’homme ou à elle-m
1034 n’est plus dominée par l’homme — que la faute en soit à l’homme ou à elle-même — perd sa féminité ou devient son esclave. D
1035 -vis d’elle-même et d’autrui, sa première défense est de dire « qu’elle ne sait pas ce qui lui arrive. » C’est une feinte,
1036 mant romantique parle ici comme une femme, s’il n’ est plus maîtrisé par l’homme en lui. Contre les romans et les films, et
1037 lles-mêmes finiront par s’y tromper, et le gâchis sera sans remède. Qu’elles rusent, bien, mais cela doit vous amuser. Si vo
1038 près quelques semaines, il dit : — Mon œil gauche est perdu, et mes côtes cassées me font encore souffrir, ne m’en veux pas
1039 en t’embrassant. — Ah ! fit-elle, j’ai peut-être été sotte, mais les épreuves nous grandissent. Dis-moi maintenant pourquo
1040 a un coup de poing sur l’œil droit. Maintenant il est presque aveugle. — Pourquoi donc t’ai-je battu ? lui dit-elle chaque
1041 t’ai-je battu ? lui dit-elle chaque matin. Je ne suis pas méchante, et je t’aimais. Pourtant je t’ai battu, je te battrai e
1042 elle le croira. Si je lui dis : — « Cesse donc d’ être méchante », elle me demandera pourquoi elle est méchante. Or je l’ign
1043 ’être méchante », elle me demandera pourquoi elle est méchante. Or je l’ignore. Elle me battra de nouveau. Quand elle m’aur
1044 me battra de nouveau. Quand elle m’aura tué, elle sera désespérée et je ne veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux serait
1045 é, elle sera désespérée et je ne veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux serait de la quitter. Mais alors nous ne saurons
1046 je ne veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux serait de la quitter. Mais alors nous ne saurons jamais. Il se tait. « Cet h
1047 s issue L’histoire que l’on vient de lire peut être celle d’un couple, mais aussi, d’une certaine manière, celle des rela
1048 sources, avec la crise de nos vies privées. Nous sommes au centre de tout le mal dès que nous l’atteignons dans notre cœur. L
1049 lance d’un saint. Ah ! mais jamais un saint ne se fût laissé tomber dans une situation pareille ! Descendons maintenant au
1050 oup de pistolet Je me crois en Enfer, donc j’y suis . Rimbaud. Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de ces bê
1051 e ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je suis entré, c’était tout juste pour voir si par hasard elle était là. Vous
1052 , c’était tout juste pour voir si par hasard elle était là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et des
1053 r les tables, et tout le monde lisait. Je dis : —  Est -elle ici ? quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. U
1054 ement et me dit à voix basse : — Puisque Monsieur est venu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemm
1055 eur est venu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du c
1056 puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : ni questio
1057 même si je n’avais dit que Fine day to day, c’eût été une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait d
1058 e question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne
1059 ous connaissez ces couloirs. Et je ne voulais pas être mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte
1060 ser la première porte venue, sans y penser, et je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir,
1061 venue, sans y penser, et je serais sorti comme j’ étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne port
1062 je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’iné
1063 itable se produisit au bout de quelques heures. J’ étais épuisé, j’avais faim, j’avais soif, je ne rencontrais plus personne.
1064 j’avais soif, je ne rencontrais plus personne. Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette était brûlée. Je me dis : —
1065 Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette était brûlée. Je me dis : — Puisque c’est absurde, pourquoi ménager quoi qu
1066 isque c’est absurde, pourquoi ménager quoi que ce soit  ? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreur
1067 comme fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur était assis face à la porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu
1068 ardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous sommes dévisagés un certain temps : je ne trouvais pas son regard, il me sem
1069 où je l’ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.)
1070 a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.) Je suis là parce que tu
1071 s sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez no
1072 qu’elle avait la fièvre.) Je suis là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais comb
1073 is là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle dé
1074 e c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas
1075 alle que j’ai dans le cœur, il est évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce q
1076 je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’ est pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez
1077 s que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’ est passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions p
1078 t donc toute possibilité de réponse à quoi que ce soit . Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas,
1079 ne me croyez pas, je vais tirer ! 58. Ce livre est -il sans issue ? Le monde va finir. La seule raison pour laquelle i
1080 rrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particul
1081 nt le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’ est -ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Baudelaire. Que
1082 à faire sous le ciel ? Baudelaire. Que ce Rien soit enfin mon ordre ! C’est le cri même du désespoir, et c’est l’autosadi
1083 espoir, et c’est l’autosadisme de ce siècle. Tout est faux mais tout est réel. Puisqu’on en meurt de plus en plus. C’est un
1084 autosadisme de ce siècle. Tout est faux mais tout est réel. Puisqu’on en meurt de plus en plus. C’est un cauchemar mais san
1085 la réalité. La guerre existe autour de nous, elle est fausse, impossible et réelle. Elle nous dépasse et nous l’avons créée
1086 ous n’y avons pas cru. Peut-être aussi que rien n’ était possible. Ces pensées augmentent l’amertume. Elles nous suggèrent l’i
1087 me. Elles nous suggèrent l’idée d’une possession… Est -ce nous vraiment qui avons laissé les choses en venir là ? Si ce n’es
1088 qui avons laissé les choses en venir là ? Si ce n’ est pas nous, qui d’Autre ? Ah, nous sommes tous complices ! Mais alors p
1089 là ? Si ce n’est pas nous, qui d’Autre ? Ah, nous sommes tous complices ! Mais alors pourquoi mourrons-nous ? Pour ce passé qu
1090 surprenant. Cela paraît absurde et révoltant. Il est dur de se défaire de l’idée qu’on était né pour vivre heureux. Jadis
1091 voltant. Il est dur de se défaire de l’idée qu’on était né pour vivre heureux. Jadis la tragédie n’était qu’un accident, une
1092 était né pour vivre heureux. Jadis la tragédie n’ était qu’un accident, une chose qui arrive aux autres, et dans les livres ;
1093 n of casualties… », les familles des victimes ont été informées. (Grand développement de l’information dans notre siècle !)
1094 nous informe donc, une fois pour toutes, que nous sommes tous de la famille, et que nous sommes aussi les victimes. « Vous ête
1095 , que nous sommes tous de la famille, et que nous sommes aussi les victimes. « Vous êtes tous membres les uns des autres », di
1096 le, et que nous sommes aussi les victimes. « Vous êtes tous membres les uns des autres », dit l’Évangile. Nous sommes tous d
1097 embres les uns des autres », dit l’Évangile. Nous sommes tous dans le bateau qui coule, et en même temps nous sommes tous dans
1098 s dans le bateau qui coule, et en même temps nous sommes tous dans le bateau qui vient d’envoyer la torpille. Ce n’est pas une
1099 s le bateau qui vient d’envoyer la torpille. Ce n’ est pas une image, hélas, c’est simplement une vue d’ensemble. (Tôt et ta
1100 mprenions l’étendue de la catastrophe, et qu’elle est vraiment sans limites ? Et qu’il n’y a qu’une humanité ? Et que c’est
1101 elle qui se torpille et se bombarde ? Et que tout est inextricable et sans issue ? Que tout est faux, impossible, et réel.
1102 ue tout est inextricable et sans issue ? Que tout est faux, impossible, et réel. On me dit : « Il y a les bons et les mécha
1103 me dit : « Il y a les bons et les méchants, nous sommes les bons, n’embrouillez donc pas tout. » Je sais, nous sommes en guer
1104 ons, n’embrouillez donc pas tout. » Je sais, nous sommes en guerre, et il s’agit de gagner. Mais à quel Bien et à quel Mal avo
1105 quoi lutterez-vous jusqu’à la mort ? Car la mort est un absolu… Avec quel bien pensez-vous triompher du mal immense qui en
1106 mal immense qui envahit la terre ? Le moindre mal sera-t -il plus fort que le mal même dans son éclat ? Et si vous croyez à Sat
1107 Et si vous croyez à Satan, vous savez bien qu’il est aussi dans vous : intelligence avec l’ennemi ! Et si j’y crois, je sa
1108 ce avec l’ennemi ! Et si j’y crois, je sais qu’il est aussi dans moi. Il est donc aussi dans mon livre. Alors pourquoi l’éc
1109 i j’y crois, je sais qu’il est aussi dans moi. Il est donc aussi dans mon livre. Alors pourquoi l’écrire ? Comment s’en dél
1110 écrire ? Comment s’en délivrer ? Dira-t-on que je suis un fou qui croit voir le diable partout ? D’autres ne savent le voir
1111 N’auraient-ils pas regardé l’époque ? Or ce livre est l’époque, je le crains. Un peu plus clair seulement, un peu plus dépo
1112 on — c’est peut-être sa cruauté. Mais si l’époque est sans issue, si le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’est plus de r
1113 Mais si l’époque est sans issue, si le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’est plus de réveil possible, pourquoi le dire
1114 ssue, si le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’ est plus de réveil possible, pourquoi le dire et troubler davantage ? « Ô
1115 ah ! taisons-nous, le voici qui revient, et ce n’ est pas encore notre consolation, mais il est plus dur que la mort et le
1116 et ce n’est pas encore notre consolation, mais il est plus dur que la mort et le mutisme de la mort, il est plus pur que no
1117 plus dur que la mort et le mutisme de la mort, il est plus pur que nos douleurs, je l’ai nommé : cantique au bleu du ciel.
1118 morale du succès, dans l’Amérique contemporaine, est une laïcisation de l’hérésie des puritains, qui déformèrent le calvin
1119 au point de lui faire dire que le succès matériel est une marque d’élection. Il se peut que les grandes fortunes puritaines
1120 n. Il se peut que les grandes fortunes puritaines soient nées d’un pacte avec le diable, béni et enregistré par les pasteurs.
1121 ravail et la vertu. 21. À cet égard, Hitler aura été le plus grand diseur de bonne aventure du siècle. 22. Kierkegaard.
1122 l. 25. Selon cette conception de la sincérité il serait hypocrite de dire la vérité quand on a fort envie de mentir. 26. Pro
6 1942, La Part du diable (1982). Cinquième partie. Le Bleu du Ciel
1123 r méchants, c’est-à-dire que plus vous cherchez à être forts à la manière du diable, plus vous lui donnez d’avantages, son b
1124 diable, plus vous lui donnez d’avantages, son but étant de vous rendre semblables à lui. Mais si vous ne le faites pas, vous
1125 lables à lui. Mais si vous ne le faites pas, vous serez joués, le mal triomphera, et il se fera passer pour le bien. Alors to
1126 ra, et il se fera passer pour le bien. Alors tout sera perdu. Si les démocraties opposent aux dictateurs des tanks, des avio
1127 litaires, c’est-à-dire que plus elles cherchent à être fortes à la manière des dictateurs, plus elles leur donnent raison en
1128 en principe. Mais si elles ne le font pas, elles seront annexées, le « nouvel ordre » se fera passer pour l’ordre. Tout sera
1129  nouvel ordre » se fera passer pour l’ordre. Tout sera perdu. La solution est de répondre à l’insensé à la fois selon sa fol
1130 passer pour l’ordre. Tout sera perdu. La solution est de répondre à l’insensé à la fois selon sa folie et selon la sagesse
1131 s nous, nous ne deviendrons pas fous. La solution est de résister au diable par la ruse et la subtilité, par l’ironie et l’
1132 é, dont il ignore la puissance. Car ainsi nous ne serons pas joués, mais les trois grandes Vertus sauront nous préserver de l’
1133 où le diable pourrait nous asservir. La solution est d’attaquer le tyran — puisqu’il nous attaque — avec des tanks, des av
1134 ’attaquer avec un nouvel idéal. Car ainsi nous ne serons pas annexés par l’extérieur, mais nous ne le serons pas non plus par
1135 rons pas annexés par l’extérieur, mais nous ne le serons pas non plus par l’intérieur. J’ai tenté jusqu’ici de dénoncer l’acti
1136 souffle doucement sur le visage du patient. Ce n’ est peut-être que d’un souffle de l’Esprit, passant sur le visage torturé
1137 des hommes… Mais cette attente encore, qu’elle ne soit point passive parmi les vigilants, les survivants ! Que l’Esprit vien
1138 it vienne, certes je parlerai ! Mais si je parle, est -il déjà venu ? Lui seul le sait. Somnium narrare vigilantis est, dis
1139 u ? Lui seul le sait. Somnium narrare vigilantis est , disait Sénèque : conter le rêve est le fait de l’homme qui ne dort p
1140 e vigilantis est, disait Sénèque : conter le rêve est le fait de l’homme qui ne dort plus. C’est un écho lointain du grand
1141 r ce peu que j’ai pu dire de nos maux ? Et quelle est la vision qui m’éveille ? Je m’essaierai à la décrire, parlant désorm
1142 irituel Le secret de la seule confiance qui ne soit pas une illusion réside dans la simple certitude que nous ne sommes p
1143 usion réside dans la simple certitude que nous ne sommes pas des dieux, et que nous ne sommes pas Dieu. Car alors, tout ne dép
1144 que nous ne sommes pas des dieux, et que nous ne sommes pas Dieu. Car alors, tout ne dépend pas de nous ! Le principe et la f
1145 t la fin de l’Ordre, la sommation, le sens final, sont dans la main de Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout était da
1146 on, le sens final, sont dans la main de Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout était dans nos mains, comme le serpent
1147 n de Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout était dans nos mains, comme le serpent tentait de nous en persuader, tout s
1148 mme le serpent tentait de nous en persuader, tout serait bientôt gâché et dans les mains du diable. Si nous étions des dieux,
1149 ientôt gâché et dans les mains du diable. Si nous étions des dieux, il n’y aurait plus d’espoir : la catastrophe présente étan
1150 ’y aurait plus d’espoir : la catastrophe présente étant notre œuvre à tous, l’échec des dieux serait avéré, leur faillibilité
1151 sente étant notre œuvre à tous, l’échec des dieux serait avéré, leur faillibilité démontrée sans recours. C’est pourquoi l’aid
1152 change Michel, chef suprême des milices célestes, est la plus grande qui nous fut donnée dans le combat contre Satan. Car s
1153 des milices célestes, est la plus grande qui nous fut donnée dans le combat contre Satan. Car saint Michel irrésistiblement
1154 e son nom qui veut dire : Quis sicut Deus ? « Qui est comme Dieu ? » Et ce cri terrasse le diable, cette lance transperce l
1155 lance transperce le serpent qui sifflait : « Vous serez comme des dieux. » Le nom même de Michel formule et définit l’ordre c
1156  : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel. Ton cœur s’ est élevé et tu as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu
1157 l’Éternel. Ton cœur s’est élevé et tu as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu es
1158 cœur s’est élevé et tu as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu es homme, et non
1159 is sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu es homme, et non Dieu. Par ta sagesse et par ton intelligence Tu t’es ac
1160 Dieu. Par ta sagesse et par ton intelligence Tu t’ es acquis des richesses Tu as amassé de l’or et de l’argent Dans tes cof
1161 ccru tes capitaux, Et par tes capitaux ton cœur s’ est élevé. C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Parce que
1162 des mers. En face de ton meurtrier, diras-tu : Je suis Dieu ? Tu seras homme, et non Dieu Sous la main de celui qui te tuera
1163 ce de ton meurtrier, diras-tu : Je suis Dieu ? Tu seras homme, et non Dieu Sous la main de celui qui te tuera. Face aux Tyra
1164 pour tout l’or du monde je ne souhaiterais pas d’ être né dans un autre temps ! Tout signifie, autour de nous, tout s’amplif
1165 imensions de la plus vaste poésie ! Tout ce qui m’ est arrivé ces jours-ci est à l’image de l’histoire mondiale. Jamais nos
1166 te poésie ! Tout ce qui m’est arrivé ces jours-ci est à l’image de l’histoire mondiale. Jamais nos objectifs ne furent plus
1167 e de l’histoire mondiale. Jamais nos objectifs ne furent plus manifestes. Hitler m’indique en lettres gigantesques tout ce qu’
1168 ons toutes nos batailles, le destin de Satan n’en est pas moins scellé. Tout ce qui nous est demandé, c’est de coïncider av
1169 Satan n’en est pas moins scellé. Tout ce qui nous est demandé, c’est de coïncider avec l’esprit de cette victoire finale. L
1170 qu’il arrive, le grand Ordre subsiste, la Partie est déjà gagnée, — le bleu du ciel n’est pas terni par les nuées de notre
1171 e, la Partie est déjà gagnée, — le bleu du ciel n’ est pas terni par les nuées de notre angoisse. Et voyez : le jugement fin
1172 qu’ils savent naturellement, comme des brutes… Ce sont des nuées sans eau, poussées par les vents ; des arbres d’automne san
1173 astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbres est réservée pour l’éternité. » Mais de qui parle-t-il ainsi ? Il tient à
1174 r l’éternité. » Mais de qui parle-t-il ainsi ? Il tient à nous que ce ne soit pas de nous… 61. L’exorcisme, ou l’ordre per
1175 qui parle-t-il ainsi ? Il tient à nous que ce ne soit pas de nous… 61. L’exorcisme, ou l’ordre personnel Le diable et
1176 gnité, mais qui ont déserté leur propre demeure » sont déjà dans l’étang de feu. Du point de vue de l’éternité, c’en est fai
1177 étang de feu. Du point de vue de l’éternité, c’en est fait, la partie est gagnée. Mais ce qui nous importe dans ce siècle,
1178 nt de vue de l’éternité, c’en est fait, la partie est gagnée. Mais ce qui nous importe dans ce siècle, c’est de nous rendre
1179 danger commun. Mais dans le fond, ces plaintes ne sont pas fondées. Une coalition entre souverains, faite sur les principes
1180 les principes d’une morale pure et désintéressée, serait un miracle. Dieu, qui ne doit de miracle à personne et qui n’en fait
1181 tacle irréductible, c’est le Saint. Seul un saint serait à la hauteur de cette espèce d’héroïsme dans le mal que déploie de no
1182 us éclaire, mais nous condamne aussi, car nous ne sommes pas des saints. Et qui donc oserait même, sérieusement, souhaiter d’e
1183 re avec passion vers la sainteté : autrement nous serons balayés ! Qu’est-ce que se sanctifier ? L’action du diable étant d’ob
1184 la sainteté : autrement nous serons balayés ! Qu’ est -ce que se sanctifier ? L’action du diable étant d’obnubiler en nous l
1185 Qu’est-ce que se sanctifier ? L’action du diable étant d’obnubiler en nous le sentiment de la culpabilité, et de nous faire
1186 lité qui ont fait tout le mal, l’action contraire sera seule sanctifiante. Baudelaire disait que la vraie civilisation consi
1187 consiste dans l’augmentation de notre sentiment d’ être complices de tout le mal qui se fait dans le monde. Dans la Confessio
1188 umain non équivoque28. Le sommet de la sainteté n’ est pas dans la certitude illusoire d’être sans péché. Il nous est au con
1189 sainteté n’est pas dans la certitude illusoire d’ être sans péché. Il nous est au contraire révélé par le Christ lorsqu’il a
1190 la certitude illusoire d’être sans péché. Il nous est au contraire révélé par le Christ lorsqu’il accepte de mourir en assu
1191 urir en assumant tout le péché du monde. Le monde est plein de démons, ils sévissent par millions, et nous n’arriverons pas
1192 n homme, c’est d’en devenir un soi-même. (Si ce n’ est pas le seul moyen, c’est assurément le plus court.) Chaque homme viva
1193 rt.) Chaque homme vivant une vie plus responsable est une défaite pour le diable, d’ores et déjà, pour les Tyrans aussi ; u
1194 e réaliser dans un ordre social ; le premier nous étant donné, le second étant à donner ; le premier figurant la condition de
1195 e social ; le premier nous étant donné, le second étant à donner ; le premier figurant la condition de possibilité de tout or
1196 st-à-dire la conscience immédiate d’un absolu qui serait , hors de nous, le gage universel du bien et du mal. Et nous voici cou
1197 ous voici coupés des deux sources de l’Ordre, qui sont les lois ordonnées de la Création et les interventions ordonnatrices
1198 réées, et de notre dépendance de Dieu. Alors nous sommes entrés dans le monde de l’arbitraire, où l’Arbitre tricheur nous affo
1199 n vu que la philosophie de ce monde-là ne pouvait être que le nihilisme. Et tôt après, son peuple en a tiré des conséquences
1200 irai la réponse « chrétienne » — le christianisme est à réinventer — comme la seule que je sente admirable au-delà des fasc
1201 ondamentale, déterminée et révélée par Dieu comme étant l’ordre de sa Création. Et nous avons à redécouvrir l’absolu d’un bie
1202 et d’un mal déterminés et révélés par Dieu comme étant l’ordre de sa Volonté. Toute ma confiance repose dans la certitude q
1203 l point qu’un savant, un peintre, un visionnaire, sont capables de réinventer le « réel » à sa ressemblance ; mais nous ne p
1204 t l’existant à la quête éternelle d’un accord qui sera le nom secret de Dieu. Ah ! nous pouvons mentir, tuer, et nous exclur
1205 , et provoquer ma catastrophe particulière, ce ne sera qu’au prix de ma perte, et sans le savoir, que je contribuerai au pla
1206 aincu, me voici relié ! Avec les choses, avec les êtres , avec leur science, avec leur mystère, et le mien, — un voisinage m’e
1207 , avec leur mystère, et le mien, — un voisinage m’ est rendu. 63. L’ordre social C’est au désert que le démon entra da
1208 porte un cœur dénué d’amour et d’espérance. Il n’ est pas bon que l’homme soit seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme
1209 mour et d’espérance. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être s
1210 nce. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il n’ est pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être seul encore, c’e
1211 soit seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être seul encore, c’est être seuls en masse. La solitud
1212 t pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être seul encore, c’est être seuls en masse. La solitude est un état divin
1213 ’homme soit foule : c’est être seul encore, c’est être seuls en masse. La solitude est un état divin qui chez l’homme tourne
1214 ul encore, c’est être seuls en masse. La solitude est un état divin qui chez l’homme tourne vite au diabolique. « En la sol
1215 verse avec lui-même, et comme a dit un sage, il n’ est pas toujours sûr qu’il ne converse point là avec son ennemi. »29 Tou
1216 ocial véritable repose sur le voisinage vécu, qui est la relation de prochain à prochain30. Sans voisinage réel, vous n’ête
1217 rochain à prochain30. Sans voisinage réel, vous n’ êtes plus responsable de rien ni de personne. Mais sans le sentiment de la
1218 e la responsabilité de chacun envers autrui, il n’ est point de liberté civique possible : la dictature devient inévitable d
1219 ient inévitable dans toute société dont la maxime est le « chacun pour soi et Dieu pour tous » de ceux qui ne croient pas e
1220 randes distances, des masses et de l’anonymat, ne sont plus que d’abstraites contraintes, qui d’ailleurs ne contraignent bie
1221 la police. Mais cet ordre imposé par l’extérieur est en réalité le souverain désordre. Il n’y a d’ordre vrai que dans la
1222 leur vocation et qui la servent. Et l’homme libre est le seul qui respecte la liberté de ses semblables. Tout cela se tient
1223 specte la liberté de ses semblables. Tout cela se tient . Sens du prochain, responsabilité, et liberté sont choses intimement
1224 ent. Sens du prochain, responsabilité, et liberté sont choses intimement liées ; elles s’engendrent mutuellement et ne peuve
1225 Ceux qui n’ont pas encore compris que la liberté est le fondement vivant de l’ordre ; qu’elle ne peut être donnée à person
1226 le fondement vivant de l’ordre ; qu’elle ne peut être donnée à personne, mais seulement assumée par chacun comme un risque
1227 r chacun comme un risque sans précédent ; qu’elle est « incompatible avec la faiblesse », comme le disait Vauvenargues, c’e
1228 ceux qui n’ont pas encore compris que la liberté est foncièrement incompatible avec tout cela ; ceux qui ne savent pas pro
1229 u’envie s’ils en savaient les conditions. Mais il serait insuffisant de démasquer l’hypocrisie, et Dieu sait si les mots démoc
1230 et Dieu sait si les mots démocratie et liberté en sont une, pitoyable ou scandaleuse, dans la bouche de milliers de nigauds
1231 de nigauds ou de cyniques qui s’en prévalent. Ce serait insuffisant et même dangereux. Car cette hypocrisie est encore un hom
1232 suffisant et même dangereux. Car cette hypocrisie est encore un hommage que la faiblesse des foules rend à quelque idéal tr
1233 echerche de moyens d’incorporer cet idéal, qui ne soient point eux-mêmes des trahisons de leur fin. Il faut aider les hommes s
1234 ir un peu plus responsables, un peu plus dignes d’ être libres, un peu plus dignes de se faire tuer ou de tuer, nous en somme
1235 plus dignes de se faire tuer ou de tuer, nous en sommes là, au nom de la liberté et de la démocratie. Cet « un peu » représen
1236 ssant le ton, sans nul effort de persuader. Je me tiens l’argument suivant : le gigantisme moderne prive les hommes de la pos
1237 isme moderne prive les hommes de la possibilité d’ être et de se sentir responsables dans la société et dans la politique, do
1238 bles dans la société et dans la politique, donc d’ être libres ; cette irresponsabilité anxieuse appelle la dictature par l’i
1239 changer de méthodes ou d’attitude ; mais quelles sont les méthodes et l’attitude contraires au gigantisme et capables de le
1240 u se faire entendre. Les conséquences des actions sont visibles, l’amour et la haine sont tangibles, et les pouvoirs peuvent
1241 es des actions sont visibles, l’amour et la haine sont tangibles, et les pouvoirs peuvent être contrôlés et soutenus par le
1242 la haine sont tangibles, et les pouvoirs peuvent être contrôlés et soutenus par le citoyen, en connaissance de cause et de
1243 e cette « utopie », qui s’appelle le fédéralisme, est la seule qui permette aux mots de liberté, d’ordre, d’humanité et de
1244 hors de la guerre et de l’État totalitaire, qui n’ est rien d’autre que l’état de guerre en permanence ? Beaucoup de choses
1245 ses impossibles nous arrivent. Un beau jour elles sont là, malgré nous. Ne serait-il pas temps de vouloir ce qui arrive, de
1246 vent. Un beau jour elles sont là, malgré nous. Ne serait -il pas temps de vouloir ce qui arrive, de vouloir l’impossible favora
1247 dans nos volontés égarées : tous les mots clairs sont des mots d’ordre. Or que voyons-nous aujourd’hui ? « Liberté », « or
1248 démocrate « véritable ». Mais l’autre dictateur s’ est dressé contre lui au nom de la « vraie » démocratie, celle des Soviet
1249 titulent très sincèrement démocraties, mais qu’il tient pour des ploutocraties. Faut-il penser qu’on se tue pour des malente
1250 a-t-il derrière ces mots des réalités simples qui seraient d’une part la tyrannie et d’autre part la liberté ? Mais dites-moi do
1251 autre part la liberté ? Mais dites-moi donc ce qu’ est la liberté, pour vous ? Vous hésitez, c’est compliqué, et plus vous y
1252 garder cette liberté, et c’est très bien. Mais ce serait mieux encore si le mot avait un sens que l’on pût déclarer sans hésit
1253 ennemis aussi se font tuer.) Les mots ne peuvent être efficaces que s’ils ont un sens défini. Et ce qui définit le sens d’u
1254 ent des actes. Or cette correspondance ne cesse d’ être arbitraire qu’en vertu d’un accord unanime. C’est dire qu’elle ne peu
1255 tion, un droit, une foi et une autorité communes, sont seules capables de définir le sens de ce qu’on appelle les mots coura
1256 urent partout ne mènent nulle part. Notre langage est débrayé. Plus on parle, moins on s’entend. La mort seule met tout le
1257 uvent plus se taire ni nuit ni jour, où la parole est débitée à tant la seconde, qu’il y ait ou non des auditeurs, qu’il y
1258 la grande prostitution de cette parole qui devait être la mesure du vrai, et dont l’Évangile dit que dans sa source elle est
1259 i, et dont l’Évangile dit que dans sa source elle est « la vie et la lumière des hommes » ! Hélas, qu’avons-nous fait de la
1260 ait plus même mentir dans certaines bouches, elle est tombée plus bas que le mensonge, je veux dire dans l’insignifiance. A
1261 u bavardage aimable ou ému des speakers ! Lui qui est le grand confusionniste, lui qui n’aime rien tant que l’équivoque fla
1262 l, le gâtisme des fins de banquet ; et quand nous sommes abêtis de discours, lui, le romantique qui nous suggère que l’indicib
1263 i, le romantique qui nous suggère que l’indicible est peut-être plus vrai que la parole claire et nette ! Il sait qu’en con
1264 rganise enfin cette inflation verbale, les mots n’ étant plus « couverts » par des actes, dont il espère, non sans raison, qu’
1265 re sens moral… J’allais écrire que le seul remède serait de lui opposer la sémantique, qui est la science des significations,
1266 l remède serait de lui opposer la sémantique, qui est la science des significations, du langage précis et nuancé, gagé par
1267 e entièrement fondé sur les mots31. (Ce ministère était jadis l’Église. Une analyse de nos vocabulaires montrerait que le peu
1268 gt remèdes de ce genre : mais je sais trop qu’ils seront sans vertu dans le monde informe et gigantique où nous vivons. Et pui
1269 proposer après mille autres mes réformes. Le mal est trop profond, le désespoir trop vrai, les hommes trop occupés à se dé
1270 ment, trop dépourvus de prises pour qu’un conseil soit encore entendu. Mais voici la confiance indestructible qui remonte à
1271 rumeurs et rétablit le silence adorant : nous ne sommes pas maîtres de détruire la vraie Parole ! Tous les mensonges du diabl
1272 s qu’on ne pourrait plus s’entendre. Mais si deux êtres communiquent, si ces mots tout d’un coup me mettent en mouvement, si
1273 à me rendre à ma force, par ce miracle le langage est restauré dans sa puissance originelle et créatrice. Un tyran ou l’Éta
1274  étouffer la libre parole » : au point où elle en est , ce ne serait pas un grand mal. Mais ils ne pourront rien sur le myst
1275 a libre parole » : au point où elle en est, ce ne serait pas un grand mal. Mais ils ne pourront rien sur le mystère qui fait q
1276 nts, certains mots nous parlent, et non d’autres, fût -ce à voix basse, au secret d’un cachot. Ils pourront réduire au silen
1277 is aller plus loin. Car voici Pâques où la Parole est à jamais ressuscitée ; et dans la confusion des langues et des menson
1278 temps, et peut-être nous fait pleurer, puis tout est clair et juste de nouveau. N’opposons pas au diable des injures, qu’i
1279 e désir. Il nous suffit de retrouver le courage d’ être vertueux. Il nous suffit de rendre à la vertu sa gloire. Certes, nou
1280 u si triste chose qu’il paraissait mesquin de s’y tenir . Personne n’osait plus en parler : elle n’était plus que la moralité.
1281 y tenir. Personne n’osait plus en parler : elle n’ était plus que la moralité. Je ne sais quel ridicule s’attachait au mot mêm
1282 trisé jadis les héros de la Révolution. La morale était ennuyeuse, et le gangster plein de prestige. Le bon ton consistait en
1283 ’une manière convaincante que l’homme « moral » n’ était qu’un hypocrite, un faible, un refoulé ou un raseur. Mais la guerre n
1284 foules, la démission sans élégance de nos élites, est -ce que c’est cela qu’il faut sauver au prix de sa vie ? Je réponds pa
1285 Je réponds paisiblement non. Que tout ce qui peut être détruit, le soit. Que tous les sourds trop sourds pour entendre l’ale
1286 lement non. Que tout ce qui peut être détruit, le soit . Que tous les sourds trop sourds pour entendre l’alerte périssent dan
1287 nt dans la surdité. Qu’y pouvons-nous ? La bêtise est inexorable : rien au monde ne saurait l’empêcher de se détruire. Et s
1288 l’empêcher de se détruire. Et si l’on tue ce qui était déjà mort, je n’y vois pas d’inconvénient. Tout cela ne m’empêchera p
1289 plus doucement et sans rien condamner : l’heure n’ est -elle pas trop grande pour nos cris ? Je voudrais dire le bien et les
1290 de vivre et d’assumer un destin neuf. La vertu n’ est plus ennuyeuse quand les vertueux ont disparu avec les vieilles quere
1291 e ce ton : « L’égoïsme a aussi sa niaiserie, il n’ est pas moins ignorant sur ce qui est bon que l’honnêteté sur ce qui est
1292 niaiserie, il n’est pas moins ignorant sur ce qui est bon que l’honnêteté sur ce qui est mauvais. » « Pour connaître les ho
1293 ant sur ce qui est bon que l’honnêteté sur ce qui est mauvais. » « Pour connaître les hommes, il ne suffit pas de les mépri
1294 mépriser. »35 « Les personnes faibles ne peuvent être sincères. »36 Et je rêve d’une anthologie de ces maximes d’une fierté
1295 et nos vanités faibles, et qu’elle nous permet d’ être libres comme ceux qui n’ont plus rien à perdre. Je pense à cette pure
1296 e malheur nous rendra sobres, et que l’empire qui était échu aux plus bavards sera restitué aux taciturnes par l’éducation du
1297 , et que l’empire qui était échu aux plus bavards sera restitué aux taciturnes par l’éducation du danger et la coutume de la
1298 e avait raison, « les hommes ne savent rien, tout est devant eux, tout arrive également à tous : même sort pour le juste et
1299 et le Sang, « qui rendent témoignage et les trois sont d’accord »38. Je lui oppose le Feu des langues, le Sel et l’Huile. Je
1300 lui oppose aussi les œuvres d’hommes où sa part a été consumée. Je lui oppose le bleu du ciel. Le bleu des ciels que j’ai a
1301 éfutent les sophismes de l’Abîme comme une aube d’ été évapore les brumes ! On dit que le démon aime l’heure de minuit. Ah !
1302 ue lui donne la parabole du bon Samaritain. — Qui est mon prochain ? — Celui qui a besoin de ton aide, ou celui qui t’en do
1303 oin de ton aide, ou celui qui t’en donne. Ce peut être n’importe quel homme, celui qui passe sur ton chemin et qui s’arrête…
1304 presse libre, meetings, conférences. La monarchie était fondée sur le rite, les formules consacrées, la cérémonie plastique.
1305 consacrées, la cérémonie plastique. La dictature est le régime des coups et la parole n’y est plus que mensonge dirigé. 3
1306 ictature est le régime des coups et la parole n’y est plus que mensonge dirigé. 32. Je ne parle pas de l’immoralité, j’ign
1307 Je ne parle pas de l’immoralité, j’ignore si elle était plus grande qu’en d’autres temps. Je dis seulement qu’on n’avait même
7 1982, La Part du diable (1982). Postface après quarante ans
1308 d’un blanc rosé, et la moitié du plafond incliné est en vitrage, noir la nuit, strié de joints blancs. Deux larges et bass
1309 ormant terrasse, d’une maison de trois étages qui est un couvent. Les nonnes deux par deux vont et viennent sur ce toit en
1310 oindre prétexte. À deux heures aujourd’hui, je me suis enfermé sans plus bouger, entre mon fauteuil et ma table — les deux b
1311 Aires40, des notes éparses. À sept heures, je me suis mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devant moi l’introduction et
1312 arses. À sept heures, je me suis mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devant moi l’introduction et les trois premiers ch
1313 ers chapitres terminés. J’ai faim, j’ai froid, je suis heureux et cours dîner pour 50 cents à la cafétéria du coin. 22 févri
1314 x signes m’ont prouvé que jusqu’à nouvel ordre je suis le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. J
1315 La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit être environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me serv
1316 fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je suis monté sans dîner chez mes amis. Je n’en ai pas de plus charmants dans
1317 rien fait qui vaille de toute la nuit. Voilà qui est clair : ou écrire, ou sortir. 26 février À Town Hall, Wanda Landowska
1318 llé toute la nuit et l’émotion me fait dormir. Je suis sorti pénétré d’une ivresse dont j’imagine qu’elle est l’état normal
1319 orti pénétré d’une ivresse dont j’imagine qu’elle est l’état normal des anges, et décidé à tout recommencer. Je ne puis ent
1320 , sans relâche et sans repentir, d’une pensée qui soit digne encore d’être pensée, d’être reçue, dans le monde établi par un
1321 ns repentir, d’une pensée qui soit digne encore d’ être pensée, d’être reçue, dans le monde établi par une seule fugue de Bac
1322 une pensée qui soit digne encore d’être pensée, d’ être reçue, dans le monde établi par une seule fugue de Bach ? 1er mars Je
1323 eu le matin ou l’après-midi. La femme de ménage n’ est plus venue. Suie sur les meubles, dans les tasses. 5 mars Quand je me
1324 les meubles, dans les tasses. 5 mars Quand je me suis endormi au matin, si le téléphone appelle un peu plus tard et que je
1325 fth Avenue dans la foule ralentie du samedi. Ce n’ est pas encore le printemps, mais la saison s’émeut obscurément. Un vent
1326 beau ciel de nuées atlantiques, pour que le monde soit de nouveau plus grand que la guerre, et le cœur plus libre d’aimer ?
1327 es ? Vous avez encore une vie intérieure ? Moi je suis mort depuis deux ans. Je me sens posthume. » Bien que nous soyons à p
1328 is deux ans. Je me sens posthume. » Bien que nous soyons à peu près du même âge, voilà un homme plus moderne que moi. 16 mars
1329 moi. 16 mars Réveillé il y a quelques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-el
1330 lques minutes, il est onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boîte est b
1331 u matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est -elle pliée en deux ? Ma boîte est bien assez profonde pour ce format,
1332 oi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boîte est bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le savoir ! »
1333 oîte métallique. J’ai passé ma robe de chambre et suis descendu les trois étages jusqu’au vestibule : oui, c’est cela, l’env
1334 au vestibule : oui, c’est cela, l’enveloppe grise est là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose
1335 de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’ était plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw41. Ma faculté de
1336 sément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’ étais déconnecté du monde de l’utile. 20 mars Pluie torrentielle et fonte d
1337 fonte des neiges. Les nonnes ne sortent plus, ou sont peut-être tombées dans la cour. Des gouttes chargées de suie s’écrase
1338 suie s’écrasent sur mon papier, la verrière doit être fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle verte le
1339 s du matin. José Bergamin assure que le printemps est la saison du diable. Mais j’aurai terminé dans peu. 23 mars Une lettr
1340 me plaît d’ajouter le récit d’une soirée où nous fûmes « visités », dans notre maison de Ferney, le 29 juin 1954. Après le d
1341 ès le dîner, sentant l’atmosphère favorable, nous étions six, heureusement accordés, je suggérai que l’on joue aux questions e
1342 hérien de langue française ». L’une des questions était  : « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Réponse : « Le pa
1343 i Jean-Paul devenait pape ? » Réponse : « Le pape serait luthérien. » Deuxième échange : « Qu’est-ce que la mystique ? » Répon
1344 pape serait luthérien. » Deuxième échange : « Qu’ est -ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’
1345 uvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus est un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) M
1346 rt de siècle, la première question que je me pose est celle de son sujet et de sa réalité. Est-ce que je crois encore à l’e
1347 me pose est celle de son sujet et de sa réalité. Est -ce que je crois encore à l’existence du diable ? Je crains bien de ne
1348 question directe une réponse sans détour, et cela tient à la nature même du sujet, ambiguë jusqu’à la contradiction, jusqu’au
1349 par non-être, néantit42. Mon scepticisme, ainsi, serait une preuve de l’existence précisément qu’il met en doute ? En revanch
1350 revanche, si je dis que je crois au diable, ce n’ est nullement une preuve qu’il existe, ou qu’il n’ait plus ni rien de moi
1351 ien de moi ni rien en moi. Par où l’on voit qu’il est presque impossible de parler de lui d’une manière innocente ou détach
1352 n consiste à convaincre les intellectuels qu’il n’ est que l’expression mythique des terreurs intimes d’hommes simples et qu
1353 les et qui n’ont pas lu Freud. Ainsi le diable ne serait rien qu’une projection. Si vous voulez savoir le sens du terme, consu
1354 la connaissance en autrui de ce qui, précisément, est méconnu dans le sujet. b) Comme un processus d’expulsion quasi réelle
1355 ne pas vouloir connaître », mais « ne pas vouloir être  ». La première perspective ramène la projection à une illusion, la se
1356 engendré Jésus-Christ. » Et quand le pauvre homme était dans le feu, il criait à l’aide et toujours disait qu’il n’était rien
1357 eu, il criait à l’aide et toujours disait qu’il n’ était rien de tout cela. Par quoi le dit Roma le mit cinq fois sur le feu,
1358 quoi le dit Roma le mit cinq fois sur le feu, et fut le pauvre homme tellement brûlé que jamais depuis ne se soutint sur s
1359 que jamais depuis ne se soutint sur ses pieds et est mort en prison pour les pieds et les nerfs qu’il avait brûlés.43 Un
1360 traiter d’« illusion » cette projection : car il est clair que le moine se trompait sur lui-même plus encore que sur sa vi
1361 sa victime et sur la location de Lucifer. Mais ce serait une illusion au second degré que de croire que le diable n’est rien p
1362 ion au second degré que de croire que le diable n’ est rien parce que Jean de Roma se trompait, alors que son erreur témoign
1363 n erreur témoigne du contraire, révèle le diable, est typiquement œuvre du diable. La projection est illusion, dit-on. Si l
1364 e, est typiquement œuvre du diable. La projection est illusion, dit-on. Si le diable est projection, il est donc illusoire.
1365 La projection est illusion, dit-on. Si le diable est projection, il est donc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; ell
1366 illusion, dit-on. Si le diable est projection, il est donc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; elle est, par suite, r
1367 nc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; elle est , par suite, réalité… Réalité de quoi, sinon de ce qui n’est pas ? Réa
1368 uite, réalité… Réalité de quoi, sinon de ce qui n’ est pas ? Réalité du diable, donc. Quant à la seconde forme de projection
1369 onde forme de projection, on ne peut dire qu’elle soit trompeuse : elle n’est pas illusion sur moi-même mais action, elle es
1370 , on ne peut dire qu’elle soit trompeuse : elle n’ est pas illusion sur moi-même mais action, elle est refus délibéré de ce
1371 n’est pas illusion sur moi-même mais action, elle est refus délibéré de ce que mon vrai moi désavoue tout en sachant que c’
1372 nt que c’est réel et que c’est en moi. Que le mal est en nous, non de nous, voilà ce qu’implique la croyance au diable. Il
1373 s, voilà ce qu’implique la croyance au diable. Il est à l’œuvre dans l’intimité la mieux gardée de mon individu, mais non p
1374 t qui me permet de prendre mes distances avec mon être naturel, de le juger, et d’abord de le voir. Je me vois mauvais, qu’e
1375 er, et d’abord de le voir. Je me vois mauvais, qu’ est -ce à dire ? Sinon que le mal que je vois agit en moi sans être moi. C
1376 e ? Sinon que le mal que je vois agit en moi sans être moi. C’est un personnage étranger qui parasite mon individu. Je l’exp
1377 éconnaissance » : je sais très bien que le diable est en moi et que c’est là que je puis l’attraper. Il s’agit encore moins
1378 tion le mécanisme de cette conjuration du mal qui est en moi, n’autorise pas à nier la réalité du mal, mais ne suffit pas d
1379 ne suffit pas davantage à établir la réalité de l’ être spirituel qui en serait le fauteur. Un processus psychologique ne pro
1380 e à établir la réalité de l’être spirituel qui en serait le fauteur. Un processus psychologique ne prouve rien que l’efficacit
1381 en que l’efficacité de sa structure. Mais il n’en est pas moins indispensable à toute saisie d’une éventuelle transcendance
1382 entuelle transcendance. En d’autres termes : — Un être spirituel n’est rien pour l’homme qui n’en a jamais fait l’expérience
1383 dance. En d’autres termes : — Un être spirituel n’ est rien pour l’homme qui n’en a jamais fait l’expérience. Même si cet êt
1384 qui n’en a jamais fait l’expérience. Même si cet être existe en soi dans ce monde ou dans l’anti-monde, dans l’immanence ou
1385 « objective » d’une entité correspondante : elle est seulement la condition sine qua non d’une ouverture à sa réalité hypo
1386 existence du diable (ou de l’existence de Dieu) n’ est donc pas une question détachée, détachable d’une expérience, fût-elle
1387 e question détachée, détachable d’une expérience, fût -elle l’éclair de la Révélation. — Mais jamais l’expérience n’a tranch
1388 e du diable : j’ai fait sentir seulement que ce n’ est pas si simple… En ce point, une méthode négative peut aider : je vais
1389 ilité trompeuse. — J’ai écrit ce livre comme s’il était plus facile, ou moins radicalement impossible de connaître le diable
1390 sible de connaître le diable que Dieu. Comme si j’ étais donc dans l’idée que nous avons tous une expérience plus concrète et
1391 t de l’erreur que du bien et de la vérité. Ceci n’ est guère défendable en logique, mais correspond à quelque chose que le m
1392 rreur ne suffisent pas à rendre nulle à mes yeux. Est -ce la logique qui est insuffisante ? Ou disposerais-je d’une connaiss
1393 à rendre nulle à mes yeux. Est-ce la logique qui est insuffisante ? Ou disposerais-je d’une connaissance du Bien assez imm
1394 concevoir et même dire, sans trop de crainte d’en être atteint, ce qui pèche ? Or je sais que l’homme n’est pas bon. Il naît
1395 atteint, ce qui pèche ? Or je sais que l’homme n’ est pas bon. Il naît tel que l’a fait son programme génétique, lequel ne
1396 a fait son programme génétique, lequel ne saurait être « bon », que par une chance sur, mettons, dix milliards. Mais cette c
1397 ables : ce nombre représentant le Mal. (Le diable est Légion.) Mal est ce qui empêche le bien de s’épanouir. Je me forme ai
1398 représentant le Mal. (Le diable est Légion.) Mal est ce qui empêche le bien de s’épanouir. Je me forme ainsi une connaissa
1399 indispensable dans cette conjoncture. Sinon tout est absurde, et mon livre d’abord dans toute la mesure où il est cohérent
1400 , et mon livre d’abord dans toute la mesure où il est cohérent et ne traite que de son sujet. C’est le plus grave reproche
1401 aire, et je m’étonne que si peu de critiques s’en soient avisés jusqu’ici… diable et Invention. — À Madrid, dans le parc du R
1402 -on, se jeta dans le volcan pour se prouver qu’il était dieu et n’en revint pas. Je parlais d’un ordre du monde, voulu par Di
1403 nous incite à contrevenir. Mais aujourd’hui je ne suis plus sûr du tout que cet ordre du monde, par hypothèse, soit nécessai
1404 ûr du tout que cet ordre du monde, par hypothèse, soit nécessairement immuable ou éternel, et qu’il ne prévoie pas l’action
1405 re, mais pour lui, comme agent de son évolution —  soit vers une progressive transfiguration, ou vers une lente dégradation d
1406 , semeur de doute et négateur, censeur et juge ? ( Étant maintenu que cette efficacité ne devient telle qu’à travers nous et p
1407 re VIII. Méphisto ne peut rien que par Faust.) Il est clair que le diable inspire les techniques, c’est-à-dire les moyens d
1408 ns, formulations ou certitudes provisoires qui ne soit née de la mise en question, voire de la négation de celles qui précéd
1409 e la négation de celles qui précédaient. Le doute est le premier temps de toute recherche, la première condition de l’inven
1410 la première condition de l’invention — la seconde étant la passion de s’exposer à l’inconnu — comme un film s’expose à la lum
1411 ais cette passion qui anime le jeu de massacre qu’ est la vie intellectuelle, c’est celle d’un meilleur bien, d’une qualité
1412 , le négateur crée malgré lui, dans le sens où il est écrit que « le méchant fait une œuvre qui le trompe » : s’il fait œuv
1413 L’Administrateur. — Cioran écrit que le diable n’ est « qu’un administrateur, qu’un préposé aux basses besognes, à l’histoi
1414 et leurs émules dans le zèle imbécile. Mais nous étions en guerre, tout voyage interdit. Ce chapitre eût alors introduit celu
1415 fait d’autre qu’obéir aux ordres d’En Haut : il n’ était qu’un exécutant, qu’un fonctionnaire, qu’un administrateur des « dure
1416 qu’un administrateur des « dures nécessités » (ce sont les seules qu’il admette), un agent du Sens de l’Histoire et de ses c
1417 es catastrophes moralisantes. C’est le rôle qu’il tenait déjà dans l’affaire Job. Plus malin que démon. — Au total, ce qui pe
1418 ndues sensibles par celles du châtiment. Je ne me suis attaché qu’aux ruses du Malin, dans leurs versions contemporaines. On
1419 s versions contemporaines. On dira que mon diable est « bien intellectuel »… Mais ma seule crainte est d’avoir laissé croir
1420 est « bien intellectuel »… Mais ma seule crainte est d’avoir laissé croire qu’il pourrait être, s’il existe, autre chose q
1421 crainte est d’avoir laissé croire qu’il pourrait être , s’il existe, autre chose qu’un intellectuel, et j’entends bien, un i
1422 ends bien, un intellectuel d’opposition ! (Ils le sont tous, en tant que tels, même s’ils servent ou croient servir les Banq
1423 ction, ou un social-fascisme.) L’action du diable est le modèle de l’action des intellectuels : ils n’ont jamais le pouvoir
1424 intellectuels n’ont jamais le pouvoir, et s’il n’ est pas question qu’ils le prennent, ce n’est point par accident mais par
1425 s’il n’est pas question qu’ils le prennent, ce n’ est point par accident mais par définition. Que servirait à une oppositio
1426 gagner le pouvoir, si elle y perdait sa raison d’ être , qui est d’être contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tou
1427 pouvoir, si elle y perdait sa raison d’être, qui est d’être contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tout au moin
1428 ir, si elle y perdait sa raison d’être, qui est d’ être contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tout au moins d’y c
1429 itique, pour des siècles, aurait toutes chances d’ être déterminé par le camp qui avait le plus d’avions, j’oubliais sans dou
1430 taline persévère dans sa ligne actuelle » (p. 77) est une de ces erreurs inévitables quand on veut illustrer des prévisions
1431 recours à l’imagerie courante, or c’est elle qui sera la première démodée, à coup sûr. Mais je puis aussi marquer un point 
1432 religions aberrantes ». Si l’on me dit qu’elle n’ est pas en vue, c’est qu’on ignore à peu près tout du phénomène religieux
1433 de Vatican II et des progrès de l’œcuménisme, il est patent que les Églises organisées ont perdu le contrôle des instincts
1434 espèces de religions gnostiques, dont la fonction sera de libérer l’esprit des horaires de travail et des loisirs conditionn
1435 ons qui l’entretient et le rend immuable. L’ennui sera le produit principal de la régulation de nos vies par l’État. Il sera
1436 cipal de la régulation de nos vies par l’État. Il sera la mesure morale de l’accroissement de l’entropie sur la planète. Les
1437 tropie sur la planète. Les religions qui viennent seront donc subversives, violemment négatives, irrationnelles, anarchisantes
1438 ivan remplacera le lit de torture. Mais le diable sera , comme avant, chez les Inquisiteurs et non chez leurs victimes — ces
1439 et non chez leurs victimes — ces « névrosés » qui sont le sel de la Terre ! Très curieuse omission. — À l’époque où j’écriv
1440 quoi cette étrange omission ? Parce que le diable était mort depuis longtemps déjà, et qu’on n’avait même plus l’idée de le r
1441 ? Ou parce qu’il avait réussi mieux que jamais, s’ était fait oublier totalement, ou encore s’était fait passer pour communist
1442 ais, s’était fait oublier totalement, ou encore s’ était fait passer pour communiste chez les libéraux et pour fasciste chez t
1443 l n’empêche que je me sens honteux de n’avoir pas été le premier à proclamer : « Le diable est mort ! » Ou bien devrais-je
1444 voir pas été le premier à proclamer : « Le diable est mort ! » Ou bien devrais-je m’en féliciter ? Et d’avoir été le premie
1445  » Ou bien devrais-je m’en féliciter ? Et d’avoir été le premier à dire que c’eût été son triomphe majeur ? Se garder de h
1446 iter ? Et d’avoir été le premier à dire que c’eût été son triomphe majeur ? Se garder de haïr le diable. — La plus grave,
1447 l’anarchiste, ou un communiste le bourgeois, l’un étant le cauchemar de l’autre, c’est-à-dire une projection de la part honte
1448 que qui nous ordonne d’aimer nos ennemis, dont il est sans conteste le premier — Satan signifiant en hébreu l’Adversaire pa
1449 u mépriser foncièrement que ses agents. Non qu’il soit à mes yeux ce personnage « grandiose » ou ce profond génie mélancoliq
1450 ous peint la littérature depuis Milton. Mais haïr est sentimental, par suite inadéquat à la situation qu’il a créée et à sa
1451 a peur, l’indignation ou la fatigue, sa vigilance est presque sans défaut, et nous ne pourrons que la rendre plus parfaite
1452 Non moins futile que de se fouetter pour le haïr serait de condamner ce diable sans lequel nous n’irions pas loin. Car en fai
1453 r sans son agrément dédaigneux. Tant que le monde est ce qu’il est — et n’est rien d’autre — le diable en est le Prince iné
1454 rément dédaigneux. Tant que le monde est ce qu’il est — et n’est rien d’autre — le diable en est le Prince inéluctable. Une
1455 igneux. Tant que le monde est ce qu’il est — et n’ est rien d’autre — le diable en est le Prince inéluctable. Une longue pat
1456 qu’il est — et n’est rien d’autre — le diable en est le Prince inéluctable. Une longue patience et une maîtrise intime des
1457 : elle escompte l’extinction finale des raisons d’ être du démon par l’effet de sa propre action. Par la dégradation des éner
1458 gnifiance et d’inertie finale où les déchets de l’ être lentement se consument — dans ce ravin de la Géhenne dont nous parlen
1459 a Géhenne dont nous parlent les évangiles, et qui était en réalité le lieu de la décharge municipale aux portes de Jérusalem.
1460 portes de Jérusalem. Gé-Hinnom ou val de Hinnom était en effet le nom de l’une des trois vallées qui entourent Jérusalem. E
1461 ns l’insomnie, jusqu’à ce que naisse au sein de l’ être dénudé l’invocation, l’élan, le soulèvement vers le loisir profond de
1462 III Je n’ai pas encore répondu… Mais je me suis repris au jeu, on vient de le voir : dès que j’essaie de serrer de pl
1463 er de plus près son action supposée dans ma vie —  fût -ce dans l’idée de la « démystifier » —, l’Hypothèse reprend consistan
1464 ndrai maintenant d’une manière analogue : oui, je suis bien forcé de croire au diable quand j’éprouve son action dans la nôt
1465 ai deux exemples, développant des indications qui étaient restées trop elliptiques dans mon petit livre. La décréation Je
1466 première version que le diable, selon l’Évangile, est « le père de son propre mensonge ». Et j’ajoutais : « Par ici nous en
1467 tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’ est pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
1468 te morale, finalement bluff impardonnable ! Je ne suis plus très sûr de ce que je lui répondis, mais comme nos entretiens de
1469 un instinct de mort. Le phénomène de la vie peut être expliqué par la convergence ou par l’action antinomique de ces deux i
1470 le diable lui-même désigne son adversaire : ce n’ est pas ce qui est saint et bon, mais c’est le pouvoir qu’a la Nature de
1471 même désigne son adversaire : ce n’est pas ce qui est saint et bon, mais c’est le pouvoir qu’a la Nature de créer, de multi
1472 nt : Car toutes choses tirées du Vide Méritent d’ être détruites… Et tout ce que vous nommez péché — Destruction — bref, le
1473 out court C’est mon véritable élément. Si je ne m’ étais pas réservé la flamme. Vraiment, qu’aurais-je encore en propre ?45
1474 ipe qu’on ne peut aimer ni accepter, mais qu’il n’ est pas question de ne point subir : l’instinct de mort, qui n’est sans d
1475 ion de ne point subir : l’instinct de mort, qui n’ est sans doute que l’aspect psycho-somatique de l’entropie. Il nous mène
1476 celle des personnes, celle de l’espèce. Le diable est là. On craignait l’incendie, on attendait l’éruption volcanique, on e
1477 ù et qui ennuie. En arrêtant le criminel, vous ne tiendrez jamais le diable. Pas plus qu’en brûlant le martyr vous n’atteindrez
1478 ue j’en ai fait une espèce d’abstraction. Mais ce sont là ses voies et ses déguisements. Il ne laisse pas d’empreintes, de t
1479 rrémédiable. Saint Augustin croyait que le Mal n’ est que le non-être. Pour Goethe, il est « celui qui toujours nie ». Mais
1480 que le Mal n’est que le non-être. Pour Goethe, il est « celui qui toujours nie ». Mais encore faut-il être pour dire non, u
1481 t « celui qui toujours nie ». Mais encore faut-il être pour dire non, un peu, du moins. Le diable augustinien serait forcéme
1482 dire non, un peu, du moins. Le diable augustinien serait forcément muet, le méphistophélique est négateur. Dans le Livre de Jo
1483 tinien serait forcément muet, le méphistophélique est négateur. Dans le Livre de Job, il est bavard, un peu rhéteur à l’ath
1484 tophélique est négateur. Dans le Livre de Job, il est bavard, un peu rhéteur à l’athénienne. Mais l’important, c’est que se
1485 e la dénaturer. Par où l’on voit que l’entropie n’ est pas seulement la dégradation de l’énergie, mais la disqualification d
1486 de la vertu, de la vérité et de la vie. Le diable est le Néantissant, le devenir du Rien, pôle d’anti-Esprit. Dieu sujet pu
1487 se proposent ici. 1. Définir le bien ou le vrai est toujours une victoire sur l’entropie. L’amour actif et créateur46, l’
1488 dmiration, la position d’une métaphore affective, sont facteurs d’organisation aux niveaux les plus élevés et au prix d’une
1489 anthropométrique. Le mal décrit comme tel cesse d’ être diabolique. Il peut encore détruire, tuer ou torturer, mais il ne peu
1490 torturer, mais il ne peut plus « décréer ». Il s’ est avoué, s’est fait reconnaître et du même coup, il a perdu son pouvoir
1491 is il ne peut plus « décréer ». Il s’est avoué, s’ est fait reconnaître et du même coup, il a perdu son pouvoir de séduire e
1492 énaturer le mouvement même de toute création, qui est amour. Le diable se retire du crime admis pour tel, et il renie le cr
1493 mourir sans lui sur la chaise électrique. Ce qui est proprement diabolique, c’est la dépravation du bien lui-même chez les
1494 les criminels. 2. Consumer le mal par son excès fut la recette du salut dans la secte des carpocratiens47 (ive siècle).
1495 xténuer les vices à force d’y céder. L’orgie leur tenait lieu d’ascèse et la communauté des femmes de remède contre l’adultère
1496 de Sade, m’écrivait dans sa dédicace : « Le pire est l’ennemi du mal. » Retournement carpocratien du vieux proverbe qui di
1497 ocratien du vieux proverbe qui dit que « le mieux est l’ennemi du bien ». 3. Pardonner. G. Papini, dans un bon livre sur l
1498 t final de Lucifer. Je n’ai rien contre cela, qui est généreux et se trouvait être scandaleux aux yeux de l’Église d’alors,
1499 rien contre cela, qui est généreux et se trouvait être scandaleux aux yeux de l’Église d’alors, qui condamna le livre. Mais
1500 , qui condamna le livre. Mais enfin, pour pouvoir être sauvé, le diable devrait exister en tant que personne. Or on a vu qu’
1501 exister en tant que personne. Or on a vu qu’il n’ est qu’un ange déchu, réduit à une fonction relative à l’homme. En tant q
1502 nous, et l’on ne voit pas comment sa salvation ne serait pas ipso facto sa suppression. Le pacte avec le diable Newton a
1503 ns l’espace intersidéral. Mais j’ai rappelé ce qu’ était la Géhenne dont Jésus parle à mainte reprise. Je ne connais pas de me
1504 uction des déchets de ce qui n’a plus de raison d’ être . L’homme qui n’a pas de vocation — c’est-à-dire qui refuse de cherche
1505 cevoir, et qu’il a peut-être reçue —, sa punition sera donc d’être jeté « là où le feu ne s’éteint point ». Le néant retourn
1506 u’il a peut-être reçue —, sa punition sera donc d’ être jeté « là où le feu ne s’éteint point ». Le néant retourne au néant.
1507 e du pardon. Mais comment pardonner à l’absence d’ être  ? Le mal est ce qui m’empêche de voir ma fin, de distinguer ma vocati
1508 ais comment pardonner à l’absence d’être ? Le mal est ce qui m’empêche de voir ma fin, de distinguer ma vocation, et d’y te
1509 et d’y tendre de toutes mes vraies forces. Le mal est ce qui s’oppose à mon utilité en tant que personne distincte aux yeux
1510 ersonne distincte aux yeux du Créateur ; le péché est ce qui me fait rebut, à rejeter dans le feu perpétuel du ravin Gé-Hin
1511 détritus de la ville sainte. « Deviens ce que tu es  ! » dit la parole orphique répercutée par les philosophes grecs, et p
1512 niforme. Mais le diable nous dit : Et d’abord qui es -tu ? Es-tu sûr d’être ? Vas-tu passer ta vie trop courte à te cherche
1513 Mais le diable nous dit : Et d’abord qui es-tu ? Es -tu sûr d’être ? Vas-tu passer ta vie trop courte à te chercher dans l
1514 ble nous dit : Et d’abord qui es-tu ? Es-tu sûr d’ être  ? Vas-tu passer ta vie trop courte à te chercher dans l’inconnu quand
1515 cette fumée si elle existe, libère-toi du souci d’ être en soi et d’être toi, possiblement… (Rien n’est moins sûr.) Tu auras
1516 le existe, libère-toi du souci d’être en soi et d’ être toi, possiblement… (Rien n’est moins sûr.) Tu auras en échange la for
1517 ’être en soi et d’être toi, possiblement… (Rien n’ est moins sûr.) Tu auras en échange la force et la richesse, le prestige,
1518 sance utile. L’arrangement décrit dans ces termes est la figuration plus ou moins dramatique, condensée en un seul événemen
1519 ait ma vocation, l’avantage immédiat et concret n’ est qu’une prime publicitaire destinée à me convaincre de signer avec cel
1520 nvaincre de signer avec celui qui dit que l’avoir est tout : je gagne ce qui n’est pas moi. Le pouvoir d’asservir autrui m’
1521 qui dit que l’avoir est tout : je gagne ce qui n’ est pas moi. Le pouvoir d’asservir autrui m’asservirait, comme toute rich
1522 n méritée, non exigée par ma personne, et que mon être même rejetterait comme une greffe. Le désir même de traiter avec le d
1523 coups de promesses impossibles. Tous ces calculs sont faux, quoi qu’il advienne. Car je ne puis garder mon âme intacte si j
1524 e puissance, à des amours, à des richesses qui me sont attribuées de l’extérieur par quelque hasard du destin. Mais si je re
1525 si je la garde pour moi et « pour Dieu », que me sont alors cette puissance, et ces amours et ces richesses que je ne puis
1526 ent par procuration grâce aux héros auxquels il m’ est possible de m’identifier le temps de mon rêve, sans qu’aucun pacte m’
1527 reprendre quand il me plaira. Mais si mon « âme » est ce qui m’est propre absolument, si elle est en moi ce qui relève immé
1528 nd il me plaira. Mais si mon « âme » est ce qui m’ est propre absolument, si elle est en moi ce qui relève immédiatement de
1529 âme » est ce qui m’est propre absolument, si elle est en moi ce qui relève immédiatement de ma vocation, et si le « péché »
1530 immédiatement de ma vocation, et si le « péché » est cela qui me détourne de l’œuvre essentielle qu’est ma vie, tout ce qu
1531 st cela qui me détourne de l’œuvre essentielle qu’ est ma vie, tout ce qui vient me tenter d’accepter du tout-fait — us et c
1532 e vivre ? On voit ici que le pacte avec le diable est non seulement inévitable mais vital, et de fait, presque universel. U
1533 resque universel. Une part de chacune de nos vies est nécessairement aliénée, et c’est tout ce qu’il faut faire pour un sal
1534  ; ou pour gagner sa vie au prix de ses raisons d’ être  ; tout ce qui est induit en nous par la publicité, la mode, l’imitati
1535 a vie au prix de ses raisons d’être ; tout ce qui est induit en nous par la publicité, la mode, l’imitation des « bons » mo
1536 un procès perpétuel, qui semble continu, mais qui est fait de milliards de retraits presque imperceptibles à l’œil nu dans
1537 ’Attrait universel. L’irréductible part du diable est en fin de compte celle de la dure nécessité de prolonger dans le temp
1538 onger dans le temps nos existences — « persévérer est diabolique » — de regarder l’élan des forces qui, par grâce, nous sou
1539 il fallait bien que j’affronte un jour, voilà qui est fait, si je me demande non pas ce que j’ai voulu dire mais ce que ce
1540 « l’esprit qui toujours nie » et sans lequel nous serions comme les singes — mais aussi dans la décréation, qui est l’accroisse
1541 e les singes — mais aussi dans la décréation, qui est l’accroissement du règne des fatalités par la seule faute de nos libe
1542 s, des dogmes non réinventés intérieurement. Ce n’ est pas dans le crime pendable, dans la profanation ou le blasphème, ni d
1543 ut attrait. Mais le Dieu que l’on prie en vérité est celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne c
1544 s le Dieu que l’on prie en vérité est celui qui s’ est fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas et ne
1545 donnée par sa révélation en Jésus-Christ : « Dieu est Amour. » 39. Il s’agit de La Part du diable , qui devait paraîtr
1546 htet », le Néant néantit, dit Heidegger. Cf. « Qu’ est -ce que la Métaphysique ? » Trad. franç. par Henry Corbin, Gallimard,
1547 antique. Dans le même sens, Nietzsche : « Nous ne sommes pas non plus de ceux qui nient que la foi « sauve » : mais pour cette
1548 -passion, en revanche, qui se dégrade en chaleur, est un accroissement de l’entropie (voir là-dessus mon Amour et l’Occide
1549 ’Occident ). 47. Karpokraces, selon une légende, fut le fils d’Épiphane et d’Alexandrie, c’est-à-dire d’un génial hérétiqu
1550 ique communiste mort à 17 ans, et d’une ville qui est restée le symbole de la grande civilisation hellénistique. (Cf. Hans