1
nous guérit des fausses peurs Au dessert nous
étions
d’accord : ce qui manque le plus aux démocraties en général, et à l’A
2
rte de l’ascenseur s’ouvrait, nous entrâmes. — Ce
serait
enfin une situation tragique nouvelle : se faire diable soi-même pour
3
iquait à son auditoire de paysans que les martyrs
sont
nos meilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Les pâtres de la Suisse a
4
auprès de Dieu. Les pâtres de la Suisse alpestre
sont
des gens simples et réalistes. Ils crurent l’apôtre. Ils le crurent s
5
ut de ces paraboles pour nous rappeler combien il
est
dangereux de dire la vérité en général, et la vérité chrétienne en pa
6
Dangereux pour celui qui la dit ! Si nous voulons
être
chrétiens, soit, mais sachons de quel prix cela se paye. Il y a dix-n
7
elui qui la dit ! Si nous voulons être chrétiens,
soit
, mais sachons de quel prix cela se paye. Il y a dix-neuf siècles que
8
la se paye. Il y a dix-neuf siècles que ce Prix a
été
fixé… On était arrivé au fumoir. Et tout le monde se remit à parler d
9
l y a dix-neuf siècles que ce Prix a été fixé… On
était
arrivé au fumoir. Et tout le monde se remit à parler des nouvelles du
10
e ? J’y songeais depuis quelques instants. ⁂ Ce n’
est
pas sans quelque inquiétude que j’ai senti ce livre se proposer à moi
11
isi l’autre ? Parler du diable, écrire sur lui, n’
était
-ce pas une manière imprudente de le provoquer publiquement ? Je songe
12
it. » Mais on n’écrit jamais impunément, quel que
soit
le sujet en cause. Il est vrai que pour certains auteurs, l’acte d’éc
13
s impunément, quel que soit le sujet en cause. Il
est
vrai que pour certains auteurs, l’acte d’écrire résulte simplement d’
14
ossent toujours un certain risque. Nulle vérité n’
est
bonne à dire, dans ce sens que chaque vérité comporte une part d’accu
15
ait impossible »… L’eau, remarquait un humoriste,
est
ce liquide si impur qu’une seule goutte en suffit pour troubler une a
16
ndant, publier pose un autre problème. L’époque n’
est
-elle pas assez consternante et consternée, les esprits pas assez égar
17
Montrer la réalité du diable dans ce monde, ce n’
est
pas augmenter la peur, c’est lui donner son véritable Objet. C’est fa
18
ralysaient, ou de l’angoisse de faux périls. On n’
est
jamais plus en danger que dans les moments où l’on se trompe sur la v
19
e. Identifier l’Ennemi, mesurer sa puissance, tel
est
le sujet de ce petit ouvrage. Toutefois, qu’on ne s’attende pas à un
20
e s’attende pas à un portrait du diable : il faut
tenir
tous ses portraits pour autant de victoires qu’il remporte sur notre
21
r notre complaisance ou nos crédulités. Le diable
est
l’anti-modèle absolu, son essence étant précisément le déguisement, l
22
. Le diable est l’anti-modèle absolu, son essence
étant
précisément le déguisement, l’usurpation des apparences, le bluff ého
23
le grand Truquage. La plupart des auteurs qui se
sont
occupés du diable, au cours des siècles, me paraissent d’accord sur c
24
la délicatesse, à la grandeur, à l’âme, le Malin
est
un homme à trucs. C’est l’agent double, triple, centuple, l’agent mul
25
notre temps, en les rapportant à l’action du seul
être
qui s’en réjouisse. New York, janvier 1942. 1. Il s’agit de Jacque
26
moderne sur Satan : La plus belle ruse du diable
est
de nous persuader qu’il n’existe pas. 2. L’incognito Reconnaiss
27
onsacrer tout un livre. Le premier tour du diable
est
son incognito. Dieu dit : « Je suis celui qui suis. » Mais le diable
28
our du diable est son incognito. Dieu dit : « Je
suis
celui qui suis. » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu, fût-c
29
st son incognito. Dieu dit : « Je suis celui qui
suis
. » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu, fût-ce à rebours pui
30
. » Mais le diable toujours jaloux d’imiter Dieu,
fût
-ce à rebours puisqu’il voit tout d’en bas, nous dit comme Ulysse au C
31
mais dont le corps restait invisible. Et le titre
était
: Nobody. Comme le chat de Cheshire dans Alice, le diable a, de nos
32
mmes et de soufre avec ses faux prophètes, pour y
être
tourmenté nuit et jour aux siècles des siècles. La Bible — c’est un f
33
inaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il
est
impossible de douter un seul instant de la réalité du diable. Mais qu
34
rnes rouges ? Ou au vrai diable ? » Ces questions
sont
inévitables à notre époque. Elles traduisent fort exactement nos atti
35
pensée les plus courantes. Négliger d’y répondre
serait
se condamner à baser tout un livre sur un quiproquo. 3. Pour ceux
36
ère vue, il paraîtra rudimentaire, et pourtant il
est
fort habile : Satan se dissimule derrière sa propre image. Il choisit
37
x yeux des personnes instruites. Car si le diable
est
simplement le démon rouge armé d’un grand trident, ou le faune à barb
38
et médiévale qu’éveille en nous le nom du diable
est
devenue la Tarnkappe, le manteau qui rend invisible et que Satan lui-
39
te devant nos yeux pour nous faire croire qu’il n’
est
plus là depuis des siècles. Cette mascarade anachronique et bouffonne
40
ivernes d’un autre âge ? » Or il me semble que ce
sont
eux qui s’y laissent prendre ! Fascinés par l’image traditionnelle et
41
ains peut-être. Ce qui me paraît incroyable, ce n’
est
pas le diable, et ce ne sont pas les anges, mais bien la candeur et l
42
raît incroyable, ce n’est pas le diable, et ce ne
sont
pas les anges, mais bien la candeur et la crédulité des sceptiques, e
43
e dont ils se montrent les victimes : « Le diable
est
un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire
44
ux qui en restent aux contes de bonnes femmes, ce
sont
ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en
45
iable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui
est
tirée des contes de bonnes femmes. 4. Réalité du mythe Mais si
46
s. (Ou que le diable nous la pose.) — Le diable n’
est
qu’un mythe, nous dira l’historien. Preuve en soit que je puis vous t
47
est qu’un mythe, nous dira l’historien. Preuve en
soit
que je puis vous tracer son histoire, de sa naissance antique jusqu’à
48
s ont créé ce fantôme. Et tout d’abord, le diable
est
une invention juive. C’est-à-dire que le diable est juif comme l’auto
49
t une invention juive. C’est-à-dire que le diable
est
juif comme l’automobile est américaine, ou comme la Panzerdivision es
50
-à-dire que le diable est juif comme l’automobile
est
américaine, ou comme la Panzerdivision est allemande. En fait, l’idée
51
mobile est américaine, ou comme la Panzerdivision
est
allemande. En fait, l’idée première du diable fut donnée aux Juifs pa
52
est allemande. En fait, l’idée première du diable
fut
donnée aux Juifs par l’Orient et ses mystères dualistes, lorsqu’Israë
53
l’Orient et ses mystères dualistes, lorsqu’Israël
était
captif à Babylone. Mais ce sont les rabbins qui ont su tirer parti de
54
s, lorsqu’Israël était captif à Babylone. Mais ce
sont
les rabbins qui ont su tirer parti de la légende d’Ormuzd et d’Ahrima
55
ilés dont ils trouvaient le modèle en Assyrie. Ce
sont
les rabbins qui ont écrit le livre d’Énoch, où l’on voit des anges ma
56
es hommes et engendrer des géants malfaisants. Ce
sont
les rabbins encore qui ont popularisé les traditions relatives aux es
57
smodée, Bélial et Satan. Peu à peu, ces démons se
sont
fondus dans une entité collective : Satan, ou diabolos en grec, l’Acc
58
écits de la vie de Jésus. Et dans l’Apocalypse il
est
autorisé à régner sur le monde entier, avant sa chute grandiose dans
59
triomphante a dissipé notre illusion morbide. Tel
est
le point de vue de l’historien. Il est exact tant qu’il n’explique ri
60
rbide. Tel est le point de vue de l’historien. Il
est
exact tant qu’il n’explique rien, et qu’il se borne à réciter des fai
61
iter des faits tirés de documents écrits. Mais il
est
faux et dénué d’intérêt s’il prétend prouver quelque chose quant à la
62
iable. Car tout cela revient à dire que le diable
est
un être mythique, une réalité de l’esprit. Dès lors, si l’on me dit :
63
Car tout cela revient à dire que le diable est un
être
mythique, une réalité de l’esprit. Dès lors, si l’on me dit : « Le di
64
’esprit. Dès lors, si l’on me dit : « Le diable n’
est
qu’un mythe donc il n’existe pas » — formule rationaliste — je répond
65
— formule rationaliste — je réponds : « Le diable
est
un mythe, donc il existe et ne cesse pas d’agir. » C’est ici le foyer
66
s d’agir. » C’est ici le foyer du débat. Un mythe
est
une histoire qui décrit et illustre, sous une forme dramatisée, certa
67
structures littéralement fondamentales, car elles
sont
antérieures à notre distinction entre la matière et l’esprit. Elles i
68
rfois même prévoir leur développement. Les mythes
sont
les formules symboliques qui nous rappellent ou nous livrent le sens
69
énonçant des lois prétendues générales. Ces lois
sont
en réalité locales par rapport à l’ensemble de notre réalité. Par exe
70
ques énoncées par notre raison cessent aussitôt d’
être
valables si l’on passe au plan affectif, au plan moral, ou au plan sp
71
u au plan spirituel. De même les lois économiques
sont
souvent en contradiction avec les lois biologiques, etc. Or loin de s
72
e par la porte de l’incohérence. Le chaos où nous
sommes
en témoigne. Et la grande explosion de l’irrationalisme dans la premi
73
les mythes détenteurs du sens général. Le temps
est
venu de dépasser le faux dilemme rationalisme ou irrationalisme. Cett
74
ent. Elle a fait trop de bruit dans le siècle. Il
est
temps de réconcilier la raison et les forces qui lui échappent, dans
75
èse d’une sagesse nouvelle. Je crois que l’époque
est
mûre pour l’entreprise et que, dans les deux camps, on l’a senti. L’e
76
. Car lorsqu’il déclare par exemple : « Le diable
est
un mythe, donc il n’existe pas », il entend dire plus exactement : «
77
de maux indépendants les uns des autres. Mais je
suis
incapable de m’assurer qu’une intention quelconque, un plan ou une co
78
l, en personnifiant ou anthropomorphisant le Mal,
est
capable de lui découvrir une signification générale. Quant à moi, je
79
ui revient à dire, prenons-y garde, que le mal ne
serait
pas une réalité spirituelle, mais une multiplicité de fautes, d’erreu
80
essentiellement synthétique du mythe. Tout, ici,
est
« anthropomorphe », et tout doit l’être, en fin de compte, par cette
81
Tout, ici, est « anthropomorphe », et tout doit l’
être
, en fin de compte, par cette raison fondamentale : c’est que nous som
82
e, par cette raison fondamentale : c’est que nous
sommes
ici dans le monde de l’esprit, du sens, et des essences créatrices, d
83
dont l’idée lui vient de Dieu, cette idée dont il
est
formé, c’est par définition qu’il irait à l’erreur. (Il se trompe dan
84
ion corrigeant ses erreurs égoïstes. Celles-ci ne
sont
pas « trop » humaines — rien ne l’est trop — mais pas assez.) À vrai
85
lles-ci ne sont pas « trop » humaines — rien ne l’
est
trop — mais pas assez.) À vrai dire, l’homme moderne doit faire un g
86
de ce terme. Car dans le monde de l’esprit, tout
est
forme, intention, mouvement et finalité. Tout prend figure et nom, to
87
ement et finalité. Tout prend figure et nom, tout
est
personnifié. Ainsi, parler du diable ne sera pas ici quelque moyen f
88
tout est personnifié. Ainsi, parler du diable ne
sera
pas ici quelque moyen facile d’illustrer des idées. Le réel n’est pas
89
que moyen facile d’illustrer des idées. Le réel n’
est
pas fait d’idées et de matière. Je le conçois gouverné par des struct
90
rte le nom traditionnel de diable. Ce diable-là n’
est
pas sorti d’une série de textes plus ou moins authentiques ou anciens
91
tes plus ou moins authentiques ou anciens. Car il
est
un agent permanent de la réalité humaine, telle que nous la vivons qu
92
t de quelque chose d’autre que le bien. Sinon, où
seraient
le choix, la tragédie, la liberté ? Quand ce non-bien, quand ce mal p
93
Luc 10, 18. La Bible nous apprend que Lucifer
est
un ange tombé du ciel. Les anges sont des créatures spirituelles viva
94
que Lucifer est un ange tombé du ciel. Les anges
sont
des créatures spirituelles vivant et agissant sur les frontières de l
95
et de la Création, de l’éternité et du temps. Ce
sont
des intentions divines, des messagers, — comme le dit leur nom grec,
96
serviteurs à la fulgurante volée, dont la vitesse
est
celle de la pensée, et c’est pourquoi ils nous sont invisibles ; des
97
st celle de la pensée, et c’est pourquoi ils nous
sont
invisibles ; des intelligences sans fraude, participant à l’omniscien
98
est pourquoi nous les comprenons mal. « Tout ange
est
terrible ! » dit Rilke. Mais tout ange est bon, servant Dieu. Au somm
99
t ange est terrible ! » dit Rilke. Mais tout ange
est
bon, servant Dieu. Au sommet de leur hiérarchie sont les archanges. U
100
t bon, servant Dieu. Au sommet de leur hiérarchie
sont
les archanges. Un seul archange a trahi sa mission, son message et so
101
l archange a trahi sa mission, son message et son
être
même, c’est Lucifer, le Porteur de Lumière3. Satan s’est révolté, il
102
e, c’est Lucifer, le Porteur de Lumière3. Satan s’
est
révolté, il a refusé de servir, il a refusé de transmettre son messag
103
ières à lui. Et aussitôt, par les lois mêmes de l’
être
, il est « tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention de Dieu
104
ui. Et aussitôt, par les lois mêmes de l’être, il
est
« tombé » du Ciel, qui est le Royaume où l’intention de Dieu règne ab
105
is mêmes de l’être, il est « tombé » du Ciel, qui
est
le Royaume où l’intention de Dieu règne absolue. (Coupez la communica
106
oupez la communication, le courant « tombe ».) Il
est
devenu le messager de soi, et comme il n’est qu’un esprit pur, une fo
107
) Il est devenu le messager de soi, et comme il n’
est
qu’un esprit pur, une fois coupé de la source de l’Esprit, il est dev
108
pur, une fois coupé de la source de l’Esprit, il
est
devenu le messager du Néant et de ses mystères. Mais quoique déchu, i
109
, mais qui a conservé son « métier » et l’envie d’
être
à l’avant-garde, Satan connaît encore l’Esprit et les esprits, mais n
110
mais non plus la fin et la gloire à laquelle ils
sont
destinés. Ayant refusé de servir Dieu, de servir à Dieu, il est deven
111
Ayant refusé de servir Dieu, de servir à Dieu, il
est
devenu celui qui sert le Rien, ne sert à Rien. Et tout ce qui ne sert
112
mbé de l’éternel, Satan veut l’infini. Tombé de l’
Être
, il veut l’Avoir. Mais le problème est insoluble à tout jamais. Car p
113
ombé de l’Être, il veut l’Avoir. Mais le problème
est
insoluble à tout jamais. Car pour avoir et posséder, il faudrait être
114
t jamais. Car pour avoir et posséder, il faudrait
être
, et il n’est plus. Tout ce qu’il s’annexe, il le détruit. (Le Néant n
115
pour avoir et posséder, il faudrait être, et il n’
est
plus. Tout ce qu’il s’annexe, il le détruit. (Le Néant néantit, dit H
116
gger.) Et certes, il pourra tout avoir, puisqu’il
est
appelé Prince de ce monde dans l’Évangile — mais il n’aura jamais que
117
e monde-ci. Il ne reconquerra jamais le Ciel, qui
est
proprement l’âme de ce monde et le mystère du transcendant dans l’imm
118
gster obsédé par le kidnapping. Ses victoires, il
est
vrai, seront toujours stériles. Car on ne devient pas père en volant
119
dé par le kidnapping. Ses victoires, il est vrai,
seront
toujours stériles. Car on ne devient pas père en volant un enfant. On
120
mains, nous pouvons perdre toutes ces choses, qui
sont
notre héritage d’« enfants de Dieu ». C’est la seule chance du diable
121
a manquera pas… 7. Le Tentateur Le serpent
était
le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Éternel Dieu avait
122
res du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui
est
au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’
123
ous en mangerez vos yeux s’ouvriront, et que vous
serez
comme des Dieux, connaissant le bien et le mal.4 Voyez : avant la te
124
réellement dit ?… » Sitôt que cette incertitude s’
est
insinuée dans un esprit, la possibilité d’une tentation s’entrouvre.
125
. On dit bien : l’occasion fait le larron. Vous n’
êtes
pas tenté d’aller dans la Lune parce que vous savez que c’est actuell
126
avez que c’est actuellement impossible. Mais vous
seriez
probablement tenté d’y aller, si l’on vous suggérait quelque moyen de
127
temps de la tentation : La femme vit que l’arbre
était
bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvri
128
était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il
était
précieux pour ouvrir l’intelligence : elle prit de son fruit et en ma
129
le prit de son fruit et en mangea.6 Voyez : ce n’
est
pas le mal en soi qui tente, mais c’est toujours un bien qu’on imagin
130
ue l’on se figure « mieux fait pour soi ». Ève ne
fut
pas tentée par une chose mauvaise, mais par une fort belle et bonne p
131
able à la vue et précieuse pour l’esprit. Elle ne
fut
pas tentée par le désir de nuire, mais par l’idée de se diviniser, ce
132
», dira Pascal à leur propos. Ainsi la tentation
est
toujours utopie, — si l’utopie est l’imagination, puis le désir, d’un
133
i la tentation est toujours utopie, — si l’utopie
est
l’imagination, puis le désir, d’un bien que le réel condamne et que l
134
r du Golgotha. À l’origine donc, le « méchant » n’
est
pas celui qui agit par méchanceté (à ses propres yeux tout au moins).
135
ité méprisée se vengera automatiquement. Le péché
est
une faute, mais faute signifie tout à la fois erreur et chute. 8.
136
nes, en nous montrant que notre bien et notre mal
sont
relatifs, ont prouvé qu’ils n’étaient pas des dieux, qu’ils ne préten
137
n et notre mal sont relatifs, ont prouvé qu’ils n’
étaient
pas des dieux, qu’ils ne prétendaient point se mettre à la place de D
138
ent point se mettre à la place de Dieu, et qu’ils
étaient
par suite capables de bon sens. Le bien et le mal, tels que l’homme l
139
Le bien et le mal, tels que l’homme les conçoit,
sont
des coutumes relatives au temps, aux civilisations, et souvent même a
140
physiques d’un pays. Le Bien et le Mal en soi ne
sont
réellement distincts qu’aux yeux de Dieu — pas même aux yeux du diabl
141
able, toujours la dupe d’un acte de charité qu’il
tiendra
pour sottise. C’est que Dieu seul connaît le plan d’ensemble et l’int
142
révélés — que les actes des créatures pourraient
être
jugés sans erreur. « Ne jugez pas », dit l’Évangile. Cette perspectiv
143
le nous porte à croire que certains actes humains
sont
malfaisants en soi et constituent le mal. Celui-ci prend alors une va
144
ou de combattre comme un ennemi extérieur à notre
être
. Pour dissiper cette illusion magique, reportons-nous à ce que la Bib
145
ient de nous apprendre au sujet de Satan. Lucifer
est
tombé du Ciel pour avoir voulu singer Dieu. Il est devenu le messager
146
st tombé du Ciel pour avoir voulu singer Dieu. Il
est
devenu le messager qui n’a plus de message réel, l’agent du Néant par
147
ue le Rien, qui n’a pas d’existence. Créer le mal
est
impossible. Ce qui revient à dire que le mal n’existe pas. Pour agir,
148
ire que le mal n’existe pas. Pour agir, le diable
est
forcé d’utiliser ce qui existe, et qui est bon par définition, ayant
149
diable est forcé d’utiliser ce qui existe, et qui
est
bon par définition, ayant été créé par Dieu. Par lui-même, Satan ne p
150
qui existe, et qui est bon par définition, ayant
été
créé par Dieu. Par lui-même, Satan ne peut rien faire, mais il lui re
151
ns du Créateur. Il ne peut pas créer un fruit qui
soit
« du mal », mais il peut manger un bon fruit d’une manière malfaisant
152
e pas au titre où le Bien existe en soi. Le mal n’
est
qu’un mauvais usage du bien, entendons de ce qui existe. Telle est la
153
usage du bien, entendons de ce qui existe. Telle
est
la situation fondamentale et primitive. Cependant, le diable étant ja
154
n fondamentale et primitive. Cependant, le diable
étant
jaloux de Dieu, il entend nous faire croire qu’il peut aussi créer. E
155
ient en nous l’illusion d’un mal objectif dont il
serait
évidemment l’auteur. Ce mal en soi n’est pas décrit ni mentionné par
156
nt il serait évidemment l’auteur. Ce mal en soi n’
est
pas décrit ni mentionné par la Genèse. Il n’est qu’un mirage du démon
157
n’est pas décrit ni mentionné par la Genèse. Il n’
est
qu’un mirage du démon, une projection de nos erreurs hors de nous-mêm
158
, et que la volupté dont parle Baudelaire devrait
être
plutôt nommée : douleur aimée, désir inconscient de la mort. Car ici
159
r aimée, désir inconscient de la mort. Car ici se
sont
déclenchés les mécanismes compliqués de la perversion, de l’autopunit
160
iable arrive à s’insérer dans les structures de l’
être
, donc du bien. J’ai dit qu’il doit passer par l’homme pour agir sur l
161
seul, dans toute la Création, peut dire ce qui n’
est
pas, et mentir par un acte de sa volonté réfléchie. Le minéral repose
162
de sa volonté réfléchie. Le minéral repose où il
fut
composé, la plante pousse où se fixa la graine, les animaux muets son
163
te pousse où se fixa la graine, les animaux muets
sont
prisonniers de l’ordre intarissablement prodigue de l’instinct. Mais
164
il peut aussi créer à tort et à travers. Il peut
être
un agent responsable de la nature naturante, mais il peut aussi faire
165
de nos pouvoirs constitue notre liberté. Elle en
est
à la fois le signe et la condition nécessaire. Elle est notre gloire
166
la fois le signe et la condition nécessaire. Elle
est
notre gloire équivoque. C’est par la liberté, à cause d’elle, et dans
167
ou l’opérer. Par le langage, l’homme prouve qu’il
est
libre. Par le langage, il peut mentir. Par sa liberté seule il peut p
168
ar sa liberté seule il peut pécher. Et le péché n’
est
qu’un mensonge. Mais le mensonge proféré nous lie. La liberté jouée s
169
sissant la proie, l’on perd l’ombre, mais l’ombre
était
la créativité, le foisonnement enthousiasmant, c’est-à-dire « endieus
170
u’il agit en nous et nous lie. Si Ève n’avait pas
été
libre de manger cette pomme interdite, Ève n’aurait pu pécher, ni Ada
171
r, ni Adam après elle. Ainsi la gloire de l’homme
étant
sa liberté, il est clair que c’est en ce point que le Malin devait at
172
. Ainsi la gloire de l’homme étant sa liberté, il
est
clair que c’est en ce point que le Malin devait atteindre notre orgue
173
ns nos défenses les plus secrètes. La parole nous
étant
donnée pour répondre à la vérité, et pour l’étendre et confirmer par
174
endre et confirmer par la vertu du témoignage, il
est
clair que la grande ambition satanique devait être de s’emparer de la
175
est clair que la grande ambition satanique devait
être
de s’emparer de la parole dans notre bouche, pour altérer le témoigna
176
qui « tire sa langue dans notre langue ». Mais il
est
deux manières de mentir, comme il est deux manières de tromper un cli
177
». Mais il est deux manières de mentir, comme il
est
deux manières de tromper un client. Si la balance indique 980 grammes
178
a balance elle-même, c’est le critère du vrai qui
est
dénaturé, il n’y a plus de contrôle possible. Et peu à peu vous oubli
179
a mesure même de la vérité, toutes vos « vertus »
sont
au service du mal et sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
180
, toutes vos « vertus » sont au service du mal et
sont
complices de l’œuvre du Malin. « Le diable est menteur et le Père du
181
t sont complices de l’œuvre du Malin. « Le diable
est
menteur et le Père du mensonge », dit l’Évangile tel qu’on le cite d’
182
d’exister). Mais le texte original de ce passage
est
infiniment plus étrange. « Le diable est menteur, nous dit-on, et il
183
passage est infiniment plus étrange. « Le diable
est
menteur, nous dit-on, et il est le père de son propre mensonge. » Par
184
ange. « Le diable est menteur, nous dit-on, et il
est
le père de son propre mensonge. » Par ici nous entrons au mystère du
185
ntrons au mystère du mal. Le père de son mensonge
est
celui qui l’engendre, le conçoit par ses propres œuvres, en abusant d
186
tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’
est
pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
187
tion bâtarde et de l’art inauthentique. Le diable
est
le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne sont « ni bien ni ma
188
le père du faux art, de toutes ces œuvres qui ne
sont
« ni bien ni mal », parce que l’acte dont elles naquirent supprime le
189
sir d’innocence utopique. Le mensonge ordinaire n’
était
que l’omission ou bien la négation d’une vérité qui subsistait ailleu
190
. Mais ce mouvement de l’âme créatrice, dès qu’il
est
détourné des fins prévues par Dieu, nous jette au mal, qui est la tor
191
des fins prévues par Dieu, nous jette au mal, qui
est
la torsion du bien et du réel vers le néant. Ce mal fait, Satan se dé
192
r place à la pensée d’une possible réparation. Il
est
au monde une seule chose pire que de douter du bien et du réel, et c’
193
n’en connaîtra jamais toute l’étendue. Le diable
est
cet Accusateur qui veut nous faire douter de notre pardon pour nous f
194
prendre à ses pièges, sitôt qu’il nous a pris il
est
le premier à nous dénoncer devant Dieu de la manière la plus impitoya
195
stérile plaisir d’avoir raison. C’est qu’il s’en
tient
à la légalité, au bien qu’il connaissait à l’origine ; un bien tout f
196
s fautes, par la vertu recréatrice d’une mort qui
est
le centre de l’Histoire, et de chacune de nos histoires individuelles
197
’on condamne sans pitié son prochain ou soi-même,
soyons
sûrs que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui tient le pardon
198
s que c’est le diable qui parle, l’Accusateur qui
tient
le pardon pour une simple faute de logique, la grâce pour une erreur
199
s suivrons tout au travers du livre. Si le diable
est
Légion, cela signifie d’abord que tout en étant un, il peut revêtir a
200
ble est Légion, cela signifie d’abord que tout en
étant
un, il peut revêtir autant d’aspects divers qu’il y a d’individus de
201
nde. Mais cela peut signifier aussi que le diable
est
la masse anonyme. Et finalement, qu’étant tout le monde, ou n’importe
202
le diable est la masse anonyme. Et finalement, qu’
étant
tout le monde, ou n’importe qui, il va nous apparaître comme n’étant
203
, ou n’importe qui, il va nous apparaître comme n’
étant
Personne en particulier. Et ceci nous ramène au premier de ses tours,
204
Et ceci nous ramène au premier de ses tours, qui
était
de nous faire douter de son existence même. Le nom de Légion évoque p
205
rincipaux que le diable revêt dans la Bible : ils
sont
tous, en quelque manière, des déguisements de son malheur originel. S
206
ur originel. Satan craint de se montrer tel qu’il
est
, c’est évident, puisqu’il craint même d’exister à nos yeux. Il ne pré
207
à tour rassurants ou flatteurs. « Déguisement, tu
es
, je le vois, une vilaine ruse par où notre Ennemi, fertile en artific
208
»7 Nous pouvons comprendre cette ruse. Pourquoi
sommes
-nous parfois tentés de vivre par délégation, et sous un masque ? Parc
209
au-delà de nos possibilités. Chose étrange, nous
sommes
ainsi faits que nous nous prévalons intimement d’un succès remporté «
210
que nous attribuerons au masque nos méfaits. Nous
sommes
prêts à nous approprier les mérites d’un bien dont nous n’avons été q
211
pproprier les mérites d’un bien dont nous n’avons
été
que les acteurs, alors que nous nous empressons de projeter sur les C
212
le Destin, ou les Autres, un mal dont les racines
sont
réellement en nous. Ainsi chacun de nous, en tant que patriote, se se
213
signifie plus rien. Le phénomène du déguisement s’
est
intériorisé en évasion morale. C’est devant soi-même d’abord, et comm
214
’on joue un rôle dans l’impunité. Le monde actuel
est
plein d’individus qui portent à l’intérieur un costume de louage. Ils
215
nt-ils Satan, puisqu’ils ne veulent pas voir leur
être
véritable, celui qui prend ses décisions, le seul auquel pourrait se
216
12. Le sophisme L’Ange déchu nous dit : je
suis
ton ciel, il n’y a pas d’autre espérance. Le Prince de ce monde nous
217
e vie, moins nous pouvons le reconnaître. Plus il
est
effectif, moins il paraît dangereux. Sa propre action le dissimule au
218
e. Il s’évanouit dans son succès, et son triomphe
est
son incognito. La preuve que le diable existe, agit et réussit, c’est
219
que nous n’y croyons plus. Mais à l’inverse, il n’
est
pas douteux que ce Dissimulé ne perde sa puissance à mesure qu’on le
220
prédicateurs et les moralistes d’aujourd’hui. Ce
serait
un excellent calcul, pour les deux raisons que voici : tout d’abord,
221
r les deux raisons que voici : tout d’abord, nous
serions
induits à croire que le diable n’est « rien d’autre » qu’une figurati
222
rd, nous serions induits à croire que le diable n’
est
« rien d’autre » qu’une figuration naïve du péché ; en second lieu, n
223
le diable dans nos vertus. En vérité, le diable n’
est
pas dangereux là où il se montre et nous fait peur, mais là seulement
224
i nous savions voir le diable dans le péché, nous
serions
beaucoup plus prudents. Son astuce sera donc de se rendre invisible a
225
, nous serions beaucoup plus prudents. Son astuce
sera
donc de se rendre invisible au sein même de nos vraies tentations. C’
226
qui d’ailleurs mentent sans le moindre scrupule,
sont
égoïstes avec passion, et n’ont en général aucune espèce de trouble d
227
eut du mal. Elles ne se doutent pas que le diable
est
sans aucun pouvoir sur nous ailleurs que dans notre péché, et par lui
228
-mêmes et tout extérieur à nos fautes, celui-là n’
est
vraiment « rien d’autre » qu’une projection, hors de nous-mêmes, du p
229
rojection, hors de nous-mêmes, du péché dont nous
sommes
les auteurs et que nous refusons d’assumer. Ce subterfuge de l’incons
230
e, c’est parce que l’idée même que nous pourrions
être
coupables nous apparaît étrange et fantastique. Mais d’autres vont me
231
action plus vraie que la figure mythique. Le tour
est
subtil et requiert un peu d’astuce spirituelle, de notre part, pour l
232
de notre part, pour le déjouer. Certes, le péché
étant
devenu notre seconde nature, il peut sembler qu’il agit de soi-même e
233
des péchés, qui n’ont rien de très mystérieux et
sont
exactement catalogués : lâchetés et mensonges, actes d’orgueil ou d’é
234
le pointue : c’est au moment précis où le péché n’
est
plus reconnu pour tel et veut se justifier. Dans les mécanismes hérit
235
uations extrêmes, sans issue. Les cas de ce genre
seront
les seuls où j’essaierai de décrire l’action du diable dans nos péché
236
aux et dans l’insignifiance de nos actes. Et ce n’
est
point par amour du paradoxe, mais au contraire par une raison fondame
237
peut donc que tordre et déformer ce qui existe et
fut
bien fait par Dieu. Nos vices mêmes ne sont pas de véritables créatio
238
ste et fut bien fait par Dieu. Nos vices mêmes ne
sont
pas de véritables créations du diable, mais seulement des vertus mal
239
nsignifiance. C’était le bien, mais le diable s’y
est
mis, à l’instant même où nous avions le choix entre l’usage légal et
240
le ou conditionnement social insuffisant. Nous ne
sommes
responsables de rien. Nous ne sommes pas méchants, mais malades… La p
241
ant. Nous ne sommes responsables de rien. Nous ne
sommes
pas méchants, mais malades… La psychanalyse, considérée dans son ense
242
endance générale — sans doute inconsciente — peut
être
définie comme une tentative de ramener le péché et le Mal à des mécan
243
able dans les eaux troubles du subconscient. Ce n’
est
encore qu’une variante scientifique du sophisme de l’incognito. Point
244
royance au diable, ni donc de diable. Le démon ne
serait
qu’une image de névrose, quelque chose qui se soigne, se guérit, et s
245
par ses complexes. Or la chute de l’ange Lucifer
est
justement l’Accident absolu qui survint dans l’histoire du monde. J’a
246
re vraie, et que je trouve trop belle pour ne pas
être
vraie. Comme on demandait à C. G. Jung s’il croyait aux phénomènes oc
247
attaquée par les oiseaux. Depuis des mois elle en
était
réduite à ne sortir qu’en voiture fermée. Jugeant elle-même qu’il s’a
248
eux ou trois mois, l’état général de cette dame s’
était
notablement amélioré. Elle dormait mieux, l’appétit revenait, les mig
249
e d’un psychanalyste !) Enfin, par un beau jour d’
été
, la malade vint pour une dernière tentative. Il faisait une chaleur t
250
Dans le Livre d’Énoch, antérieur à la Genèse, il
est
dit que les mauvais anges qui descendirent se mêler aux humains ensei
251
toutes leurs voies » (Énoch VIII 2). Leurs yeux s’
étaient
ouverts sur les pouvoirs que leur offrait la faculté de créer, c’est-
252
i 15. Où paraît la nécessité d’un alibi Il
est
étrange de constater que depuis la fin du Moyen Âge, depuis que Luthe
253
coup de bombes, qui ne prouvaient rien de ce qui
était
en cause. Ils somnolaient dans des églises presque aussi vides de fid
254
ème toutes les échelles de valeurs. Tout le monde
était
contre la guerre et tout le monde acceptait de la faire sur le slogan
255
les, et que l’on savait mensongères. La politique
était
devenue gâteuse, l’économie incontrôlable et délirante, la morale en
256
oujours. Or il faut que cela continue, mais je ne
tiens
pas à ce que l’on me reconnaisse. Délaissons donc cet insoutenable in
257
à partir de 1933, le diable nous fit croire qu’il
était
simplement M. Adolf Hitler, et personne d’autre. Ce fut son second to
258
mplement M. Adolf Hitler, et personne d’autre. Ce
fut
son second tour. 17. Hitler est-il l’Antéchrist ? Je tiens l’ac
259
ne d’autre. Ce fut son second tour. 17. Hitler
est
-il l’Antéchrist ? Je tiens l’action d’Hitler pour plus réellement
260
d tour. 17. Hitler est-il l’Antéchrist ? Je
tiens
l’action d’Hitler pour plus réellement diabolique que ne l’imaginaien
261
u voir en lui le diable en personne. Si le Führer
était
le diable ou l’Antéchrist, ce serait peut-être un peu trop simple. Il
262
Si le Führer était le diable ou l’Antéchrist, ce
serait
peut-être un peu trop simple. Il suffirait de le supprimer pour suppr
263
it de le supprimer pour supprimer tout le mal qui
est
dans ce monde. Et, qu’on me pardonne, si le diable était le Führer, i
264
ans ce monde. Et, qu’on me pardonne, si le diable
était
le Führer, il ne serait qu’un assez pauvre diable. Quand nous nous fi
265
me pardonne, si le diable était le Führer, il ne
serait
qu’un assez pauvre diable. Quand nous nous figurons qu’Hitler est le
266
pauvre diable. Quand nous nous figurons qu’Hitler
est
le diable, nous faisons évidemment trop d’honneur à l’ex-caporal autr
267
réelle stature de Satan. N’oublions pas que Satan
est
Légion ! Supprimer un dictateur ne suffirait nullement à débarrasser
268
arl Barth répondre à la fameuse question : Hitler
est
-il l’Antéchrist ? Voici ce qu’il disait en substance, et pour autant
269
ma mémoire ne le trahit pas : — « Cet homme qu’il
est
inutile de nommer, et dont la censure d’ailleurs m’a fait oublier le
270
censure d’ailleurs m’a fait oublier le nom, ce n’
est
certainement pas l’Antéchrist. Car il n’a pas de pouvoir sur notre sa
271
hrist lui-même. Mais l’homme auquel vous pensez n’
est
encore qu’un petit monsieur, un premier avant-coureur de l’Antéchrist
272
il mène contre les Églises et le monde chrétien n’
est
qu’un premier avertissement à nous armer pour le Combat final, pour l
273
ce « petit monsieur » et cet avertissement, nous
fûmes
bien forcés de les prendre au sérieux ! Pour n’être pas le diable en
274
es bien forcés de les prendre au sérieux ! Pour n’
être
pas le diable en personne, on peut être tout de même passablement dia
275
! Pour n’être pas le diable en personne, on peut
être
tout de même passablement diabolique. Et je vois peu d’aspects de l’a
276
8. Le diable en chemise brune Certes Hitler ne
fut
pas le grand ange déchu. Mais certains pensent pour l’avoir éprouvé e
277
par une espèce de frisson d’horreur sacrée, qu’il
était
le siège d’une « domination », d’un « trône » ou d’une « puissance »,
278
Une seule chaîne de SS le séparait de la foule. J’
étais
au premier rang, à deux mètres de lui. Un bon tireur l’eût descendu t
279
descendu très facilement. Mais ce bon tireur ne s’
est
jamais trouvé, dans cent occasions analogues. Voilà le principal de c
280
u même délirer. On ne tire pas sur un homme qui n’
est
rien et qui est tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est l
281
On ne tire pas sur un homme qui n’est rien et qui
est
tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui est le rêve de 60 mil
282
t tout. On ne tire pas sur un petit-bourgeois qui
est
le rêve de 60 millions d’hommes. On tire sur un tyran, ou sur un roi,
283
n, ou sur un roi, mais les fondateurs de religion
sont
réservés à d’autres catastrophes. Certes, il y a des fous, des accide
284
tège. Il faut croire un homme qui dit cela. Qu’il
soit
un instrument de la Providence comme il l’affirme, ou qu’il soit un f
285
ent de la Providence comme il l’affirme, ou qu’il
soit
un fléau de Dieu (c’est une nuance !) son destin ne dépend plus des h
286
À plus forte raison, notre jugement sur lui doit
être
indépendant des mérites qu’il a ou n’a pas, des fascinations ou des h
287
fester qu’autant que l’individu ne compte plus, n’
est
que le support d’une puissance qui échappe à nos psychologies. Ce que
288
qui échappe à nos psychologies. Ce que je dis là
serait
du romantisme de la plus déplorable espèce si l’œuvre accomplie par c
289
ntends bien par cette puissance à travers lui — n’
était
pas une réalité qui provoque la stupeur du siècle. On demande s’il es
290
ui provoque la stupeur du siècle. On demande s’il
est
intelligent. Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, qu’il le soit tr
291
Ne voit-on pas qu’un homme intelligent, qu’il le
soit
très peu ou follement, si cela compte en lui le moins du monde, il ne
292
il ne vaut rien pour un destin pareil. Un génie n’
est
ni fou, ni bête, ni sensé, ni intelligent. Il ne s’appartient pas, n’
293
de compte en banque, et à peine un état civil. Il
est
le lieu de passage des forces de l’Histoire, le catalyseur de ces for
294
l’Histoire, le catalyseur de ces forces qui déjà
sont
dressées devant vous ; et après cela, vous pouvez le supprimer sans r
295
ouvez le supprimer sans rien détruire de ce qui s’
est
fait par lui. Qu’il y ait eu dans ces temps aveugles à toute réalité
296
ar un trône… On a ri. On a cessé de rire. Et ce n’
était
pourtant qu’un petit envoyé… 19. Le Directeur d’inconscience L’
297
19. Le Directeur d’inconscience L’hitlérisme s’
est
présenté à nous comme une catastrophe cosmique, comme un malheur plus
298
e 1939, la majorité des hommes savaient qu’Hitler
était
le nom d’un désastre imminent et mondial. Pourtant on ne l’a pas arrê
299
ors à l’inquiétude de quelques rares observateurs
était
la suivante : « Comment se peut-il que des individus deviennent volon
300
» Je me répondais de la manière suivante. Hitler
est
assez démoniaque pour avoir su réveiller nos démons, par une espèce d
301
slogans du diable : « Vous ne mourrez pas ! Vous
serez
comme des Dieux ! » En combattant le traité de Versailles, « cette Go
302
ocence première. Enfin, en condamnant tout ce qui
est
universel ou du moins supranational, le christianisme, le judaïsme, l
303
nce somnambulique, dans lequel le moins courageux
sera
capable d’exécuter des actes étonnants d’énergie et de discipline méc
304
uide », le directeur de l’inconscience allemande,
est
en même temps conscient de ce qu’il fait, maître de sa technique, luc
305
pérer. « Tous les grands mouvements de l’Histoire
sont
des éruptions volcaniques de passions et de sensations spirituelles p
306
passions et de sensations spirituelles provoquées
soit
par la cruelle déesse de la Misère, soit par la torche de la parole j
307
ovoquées soit par la cruelle déesse de la Misère,
soit
par la torche de la parole jetée dans les masses. Seule une tempête d
308
uit les plus grands changements dans le monde ont
été
trouvées non pas dans la connaissance scientifique, mais dans le fana
309
atanique, le terme d’État totalitaire. Un régime
est
totalitaire lorsqu’il prétend centraliser radicalement tous les pouvo
310
ace, la tradition, les morts. Voilà pourquoi elle
est
intolérante au suprême degré, et plus qu’intolérante : on ne peut mêm
311
rigines, on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’
est
pas de sang aryen, par exemple — car cette religion n’admet pas que «
312
te religion n’admet pas que « les choses vieilles
sont
passées » selon la parole de l’Apôtre. Elle n’admet pas la conversion
313
is-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : quels
sont
tes morts ? Religion du sang, religion de la terre et des morts, reli
314
il n’a rien gagné. Car les religions de la terre
sont
religions de la mort. Vieille vérité théologique, que les malheurs du
315
découvert le sens de cette parole quand le Führer
est
entré dans Paris. Pour ma part, j’écrivis ce jour-là une page qui tro
316
ile sa face d’un nuage, et se tait, que son deuil
soit
le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous sommes tous atteints.
317
it le deuil du monde ! Nous sentons bien que nous
sommes
tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris est détruit, j’en perdrai
318
sommes tous atteints. Quelqu’un disait : Si Paris
est
détruit, j’en perdrai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’
319
it : Si Paris est détruit, j’en perdrai le goût d’
être
un Européen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’est éteinte
320
ai le goût d’être un Européen. La Ville Lumière n’
est
pas détruite : elle s’est éteinte. Désert des hautes pierres sans âme
321
éen. La Ville Lumière n’est pas détruite : elle s’
est
éteinte. Désert des hautes pierres sans âme, cimetière… L’envahisseur
322
trerai dans Paris. Il y entre en effet, mais ce n’
est
plus Paris. Et telle est sa défaite irrémédiable devant l’esprit, dev
323
ntre en effet, mais ce n’est plus Paris. Et telle
est
sa défaite irrémédiable devant l’esprit, devant le sentiment, devant
324
jamais. Il ne verra que d’aveugles façades. Il s’
est
privé à tout jamais de quelque chose d’irremplaçable, de quelque chos
325
tation stupéfiante de cet homme et de cette Ville
était
peut-être nécessaire pour faire comprendre au monde entier qu’il est
326
saire pour faire comprendre au monde entier qu’il
est
des victoires impossibles. On ne conquiert pas avec des chars les don
327
l-socialisme nous enseignait de le mépriser. Ce n’
est
pas l’aspect le moins diabolique de l’œuvre du Führer, que le caractè
328
hitlérienne. La tactique et la stratégie d’Hitler
furent
en sommes très simples. Il est apparu dans le monde comme un maniaque
329
e. La tactique et la stratégie d’Hitler furent en
sommes
très simples. Il est apparu dans le monde comme un maniaque qui entre
330
atégie d’Hitler furent en sommes très simples. Il
est
apparu dans le monde comme un maniaque qui entrerait dans une maison
331
qu’il s’écroule. Ainsi, partout où quelque chose
était
vermoulu dans notre monde, dans son économie ou dans sa morale, Hitle
332
ce que tout s’écroule. Partout où une faiblesse s’
est
révélée, il l’a châtiée sans scrupules ni pardon. Il a été le châtime
333
ée, il l’a châtiée sans scrupules ni pardon. Il a
été
le châtiment automatique, l’Attila de notre civilisation, — son Fléau
334
up de gens pensaient vers 1940 : « Le Führer doit
être
très méchant pour faire ainsi la guerre à tout le monde. » Mais ce n’
335
aire ainsi la guerre à tout le monde. » Mais ce n’
était
pas sa plus ou moins grande méchanceté qui était en cause. Ce n’est p
336
’était pas sa plus ou moins grande méchanceté qui
était
en cause. Ce n’est pas elle qui fut particulièrement diabolique, mais
337
moins grande méchanceté qui était en cause. Ce n’
est
pas elle qui fut particulièrement diabolique, mais bien les justifica
338
hanceté qui était en cause. Ce n’est pas elle qui
fut
particulièrement diabolique, mais bien les justifications qu’il en do
339
es pour bien d’autres époques de l’histoire. Ce n’
est
pas d’envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’est fait de to
340
istoire. Ce n’est pas d’envahir un petit pays qui
est
diabolique, cela s’est fait de tous les temps, c’était si l’on peut d
341
’envahir un petit pays qui est diabolique, cela s’
est
fait de tous les temps, c’était si l’on peut dire, égoïsme normal, so
342
soif de richesses, vulgaire impérialisme ; ce qui
est
diabolique, c’est d’appeler cela « consolider la paix » ou « fonder l
343
der la paix » ou « fonder le nouvel ordre ». Ce n’
est
pas d’annexer la Tchécoslovaquie qui est diabolique, mais c’est de le
344
». Ce n’est pas d’annexer la Tchécoslovaquie qui
est
diabolique, mais c’est de le faire au lendemain d’un discours où l’on
345
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ce n’
est
pas de transformer le territoire du voisin en champ de carnage et de
346
d’appeler ce champ de mort « espace vital ». Ce n’
est
pas de violer les traités, mais c’est de vouloir s’innocenter en proc
347
proclamant en tête d’un nouveau Code : « Le Droit
est
ce qui sert le peuple allemand. » Ce n’est pas d’attaquer les Églises
348
Droit est ce qui sert le peuple allemand. » Ce n’
est
pas d’attaquer les Églises, mais c’est de le faire en nationalisant l
349
ationalisant la Providence, et en son nom. Ce qui
est
proprement diabolique, c’est moins de faire le mal que de le baptiser
350
le de vérité ! 23. Après Hitler10 Hitler s’
est
tu. L’aventure a pris fin dans la catastrophe prévue. Et devant le ca
351
avec une stupéfaction mêlée de honte : « Comme il
était
petit ! » Il n’était grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur
352
mêlée de honte : « Comme il était petit ! » Il n’
était
grand, comme Satan lui-même, que de la grandeur de nos misères secrèt
353
le temps pour lui, si Dieu garde l’éternité. Quel
sera
le nouveau plan stratégique du Malin ? Comment va-t-il tirer de sa dé
354
le, qui se frotte les mains. La paix, pour lui, n’
est
pas le malheur que l’on croit. C’est le temps où l’esprit va reprendr
355
dre ses droits, pensent les hommes. Mais quand je
suis
fort, dit saint Paul, c’est alors justement que je suis faible… Si no
356
ort, dit saint Paul, c’est alors justement que je
suis
faible… Si nous avons saisi le geste intime, le mouvement, la structu
357
l du siècle — et le miracle continu de la charité
sera
seul cause d’une création de liberté qui le démente. Après Hitler, ap
358
te religion synthétique (comme le caoutchouc) que
fut
le national-socialisme. Je ne parle pas ici du christianisme, mais de
359
aussi fondamental et naturel que la sexualité. Il
est
incontestable que le rationalisme11 a déprimé depuis des siècles le s
360
s périmées (c’était son droit et son devoir) il s’
est
méthodiquement refusé à laisser naître des coutumes nouvelles (en cec
361
oi). Or les coutumes religieuses quelles qu’elles
soient
, sacrifices, fêtes, orgies ou jeûnes, disciplines morales ou mystique
362
sciplines morales ou mystiques, prières ou rites,
sont
les moyens qu’a trouvés l’homme pour capter ses puissances obscures e
363
, exigeaient que nous les adorions : leur révolte
serait
notre carence. Le rationalisme régnant a pu produire des avions en ma
364
sottises et les thaumaturgies les plus grossières
sont
destinées à susciter dans l’après-guerre l’enthousiasme éperdu des fo
365
iques les plus sains des réalistes et des experts
seront
vidés d’un coup par ces lames de fond. Certains intellectuels incrimi
366
oncera vainement des délires collectifs dont elle
sera
la première responsable, aussi vrai que le régime de la prohibition f
367
sable, aussi vrai que le régime de la prohibition
fut
responsable des méfaits de l’alcool frelaté, en Amérique. ⁂ Viendront
368
ice ? Pour qui ? Pour quoi ? Jamais l’humanité ne
fut
moins préparée pour la paix, car jamais elle ne fut plus dépourvue de
369
t moins préparée pour la paix, car jamais elle ne
fut
plus dépourvue de respect pour les vertus que l’esprit seul sait port
370
t vivre s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre
était
pour nous la grande permission, le grand ajournement de nos problèmes
371
ns sans le savoir, pour une raison précise : elle
était
l’état d’exception proclamé sur la terre entière et dans tous les dom
372
râce. Telle la Fête chez les primitifs, la guerre
était
le « grand Temps » de l’humanité moderne, la seule excuse que notre e
373
mir les peuples, les classes ou les individus qui
seraient
tentés de causer quelque turbulence. C’est calculer sans l’homme, san
374
thment notre Histoire. Le diable, admettons-le, n’
est
pas si court de vue. Il n’oublie pas que l’homme a toujours su produi
375
perdu à cette crise de compensation délirante que
fut
la première guerre totale et planétaire. Il va se baigner avec délice
376
xe siècle. Un des dilemmes fameux de notre temps
fut
posé aux Allemands par Goering : c’était du beurre ou des canons. Ils
377
idés à nous offrir du beurre à satiété. Mais nous
serons
occupés à fabriquer des monstres. Non point parce que nous sommes méc
378
fabriquer des monstres. Non point parce que nous
sommes
méchants, mais parce que nous sommes créateurs. Quand les usines de c
379
rce que nous sommes méchants, mais parce que nous
sommes
créateurs. Quand les usines de canons et d’avions auront fermé leurs
380
rminée par une dialectique irrésistible, menace d’
être
aussi meurtrière, en fin de compte, que la névrose créée par le ratio
381
névrose créée par le rationalisme. (Mais l’homme
tient
à varier ses plaisirs, ou les prétextes du plaisir.) Elle risque de n
382
ue où l’homme n’adore que son propre reflet. » Ce
sera
le temps de regretter les dictatures qui tuent les corps mais qui ne
383
choses. Mais l’un des grands plaisirs de l’homme
est
de prévoir. Il s’imagine, et je ne sais s’il a tort, que la lucidité
384
1. Les méfaits de la psychologie rationaliste ont
été
patents dans la morale sexuelle et la conception du mariage au siècle
385
à dépister Légion, celui qui dit toujours : ce n’
est
pas moi, c’est l’autre ! c’est la masse ! je n’y étais pas ! Celui qu
386
pas moi, c’est l’autre ! c’est la masse ! je n’y
étais
pas ! Celui qui n’est jamais où vous croyez le prendre, où les sancti
387
! c’est la masse ! je n’y étais pas ! Celui qui n’
est
jamais où vous croyez le prendre, où les sanctions l’attendent, où le
388
s l’attendent, où le mal se confesse. Eh bien, ce
sera
vite fait, nous connaissons le tour : ce qu’il y eut finalement de pl
389
ses délégués. Mais ici, prenons garde ! Ce livre
est
plein de pièges. Si l’on vient d’accepter les phrases qui précèdent,
390
carnait seul tout le mal de notre temps, et qu’il
était
un monstre avec lequel nous n’avions vraiment rien de commun. « Voyez
391
n’avions vraiment rien de commun. « Voyez, je ne
suis
qu’Hitler ! », disait Satan. Nous n’avons vu qu’Hitler. Nous l’avons
392
n’avons plus su voir le démon parmi nous. Le tour
est
joué. Nous voilà pris. Si le diable est Hitler, nous sommes du bon cô
393
. Le tour est joué. Nous voilà pris. Si le diable
est
Hitler, nous sommes du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous sommes
394
é. Nous voilà pris. Si le diable est Hitler, nous
sommes
du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous sommes donc quittes ? Le di
395
sommes du bon côté ? C’est un ennemi battu, nous
sommes
donc quittes ? Le diable n’en demandait pas plus ; il adore notre bon
396
accidents, de la stérilité ou de la mort. Que ce
soit
un sorcier, un profanateur du sacré, un animal, un nuage, un bout de
397
jours la cause du mal dont souffrent ces sauvages
est
indépendante d’eux-mêmes, et doit donc être combattue et anéantie hor
398
uvages est indépendante d’eux-mêmes, et doit donc
être
combattue et anéantie hors d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme
399
hors d’eux-mêmes. À l’inverse, le christianisme s’
est
efforcé depuis des siècles de nous faire comprendre que le Royaume de
400
s de nous faire comprendre que le Royaume de Dieu
est
en nous, que le Mal aussi est en nous, et que le champ de leur batail
401
le Royaume de Dieu est en nous, que le Mal aussi
est
en nous, et que le champ de leur bataille n’est pas ailleurs que dans
402
i est en nous, et que le champ de leur bataille n’
est
pas ailleurs que dans nos cœurs. Cette éducation a largement échoué.
403
n face, toujours, ou la force des choses. Si nous
sommes
révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de cert
404
pprimerons les causes des maux du siècle. Si nous
sommes
des capitalistes, nous croyons qu’en déplaçant vers nous ces mêmes ob
405
us ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si nous
sommes
de braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôti
406
, nous rétablirons la paix et la prospérité. Nous
sommes
encore en pleine mentalité magique. Comme de petits enfants en colère
407
olère, nous battons la table à laquelle nous nous
sommes
heurtés. Ou comme Xerxès, nous flagellons les eaux de l’Hellespont, à
408
s. Anéantir les signes extérieurs de la menace ne
serait
nullement suffisant pour nous en délivrer. Ces signes — Hitler, Stali
409
onfessons donc la vérité compromettante. Hitler n’
était
pas en dehors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’était pas
410
hors de l’humanité, mais en elle. Bien plus, il n’
était
pas seulement devant nous, mais en nous. Il était en nous avant d’êtr
411
était pas seulement devant nous, mais en nous. Il
était
en nous avant d’être contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s
412
vant nous, mais en nous. Il était en nous avant d’
être
contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s’est dressé contre no
413
contre nous. C’est en nous-mêmes d’abord qu’il s’
est
dressé contre nous. Et mort, il va nous occuper sans coup férir si no
414
per sans coup férir si nous n’admettons pas qu’il
est
une part de nous, la part du diable dans nos cœurs. L’adversaire est
415
s, la part du diable dans nos cœurs. L’adversaire
est
toujours en nous. Et c’est pourquoi je pense que le chrétien véritabl
416
e pense que le chrétien véritable, s’il existait,
serait
cet homme qui n’aurait d’autre ennemi à craindre que celui qu’il loge
417
e que celui qu’il loge en lui-même. 26. « Nous
sommes
tous coupables » Voici une remarque des plus simples : personne n’
418
rétendu qu’il agissait par mauvaise volonté. Nous
sommes
tous, nos ennemis y compris, des « hommes de bonne volonté »13. Pourt
419
des inégalités dans la responsabilité. Mais nous
sommes
tous dans le mal, nous sommes tous les complices des plus grands resp
420
sabilité. Mais nous sommes tous dans le mal, nous
sommes
tous les complices des plus grands responsables du monde. Cependant,
421
menaçant. L’intention des remarques précédentes n’
est
nullement de justifier « les autres », que l’on avait d’abord accusés
422
tulait non sans une curieuse présomption : « Nous
sommes
tous coupables. » Je veux dire ceci : nous sommes tous coupables dans
423
sommes tous coupables. » Je veux dire ceci : nous
sommes
tous coupables dans la mesure où nous ne reconnaissons pas et ne cond
424
et qui juge nos intérêts « vitaux » (comme ils le
sont
toujours…). Il est juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’es
425
rêts « vitaux » (comme ils le sont toujours…). Il
est
juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’est pas seulement hit
426
t juste et nécessaire de dire que le diabolisme n’
est
pas seulement hitlérien, que l’hitlérisme n’est pas seulement alleman
427
n’est pas seulement hitlérien, que l’hitlérisme n’
est
pas seulement allemand, que nous aussi, nous sommes déjà plus ou moin
428
’est pas seulement allemand, que nous aussi, nous
sommes
déjà plus ou moins hitlérisés dans nos mœurs et dans nos pensées. Mai
429
r empêcher le criminel de poursuivre ses méfaits,
sont
une seule et même lutte. Que servirait de gagner cette lutte en moi s
430
zis et chez nous. C’est le même diable. Et ceci n’
est
qu’un post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous sommes tous c
431
post-scriptum à l’adresse des pacifistes : « Nous
sommes
tous coupables, me disent-ils, donc nous n’avons pas le droit moral d
432
roit moral de nous battre contre Hitler. » — Nous
sommes
tous coupables, certes, mais si nous en sommes persuadés, il ne nous
433
us sommes tous coupables, certes, mais si nous en
sommes
persuadés, il ne nous reste plus qu’à combattre le mal, en nous et ho
434
ous des saints. Cela n’implique même pas que nous
soyons
meilleurs que les autres. Mais nous serons sûrement pires si nous ne
435
e nous soyons meilleurs que les autres. Mais nous
serons
sûrement pires si nous ne faisons pas notre métier. 27. Signalemen
436
out le mal à l’étranger, pour s’innocenter — nous
sommes
tombés dans la même erreur que lui : nous avons fait d’Hitler une ima
437
endant que nous la regardions, fascinés, le démon
est
revenu par-derrière nous tourmenter sous des déguisements qui ne pouv
438
uasi universelle dans les masses et l’élite, l’on
est
induit à reconnaître que le Progrès automatique n’était qu’un déguise
439
induit à reconnaître que le Progrès automatique n’
était
qu’un déguisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel soit diabo
440
uisement du diable. Non pas qu’aucun progrès réel
soit
diabolique en soi ! Mais si l’on s’abandonne au rêve du Progrès, lais
441
libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal
était
relatif à l’ordre social, qu’il provenait d’une mauvaise répartition
442
ou de refoulements et d’injustices qui pouvaient
être
éliminés par des mesures adroites. Toutes ces croyances, en grande pa
443
dans la définition même de l’homme en tant qu’il
est
humain. Nous avons été optimistes par principe, et presque par savoir
444
e de l’homme en tant qu’il est humain. Nous avons
été
optimistes par principe, et presque par savoir-vivre, dirait-on, malg
445
tous les démentis de la réalité. Cet optimisme n’
était
pas la confiance naïve de l’enfant, mais une espèce de mensonge. Exac
446
e celui qui dénonce le mal comme fondamental doit
être
lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le cré
447
e la compensation fatale de nos défauts, Hitler a
été
le négatif exact de nos idéaux optimistes, dans la mesure où ils étai
448
t de nos idéaux optimistes, dans la mesure où ils
étaient
irréalistes, utopiques comme tout ce qui néglige le tragique, plateme
449
avaient plus l’air de rien, et leur insignifiance
était
leur diabolisme. Il est trop clair que les démocraties, en tant que t
450
, et leur insignifiance était leur diabolisme. Il
est
trop clair que les démocraties, en tant que telles, n’ont pas produit
451
Ce qui a paru de grand, dans notre camp, n’a pas
été
le fait de la démocratie bourgeoise, mais de chrétiens comme Niemölle
452
out, dira-t-on, c’est normal, car la démocratie n’
est
rien en soi. Elle n’est que le régime qui permet aux croyants comme a
453
rmal, car la démocratie n’est rien en soi. Elle n’
est
que le régime qui permet aux croyants comme aux incroyants, de se man
454
yants comme aux incroyants, de se manifester sans
être
massacrés15. Oui, mais encore faut-il qu’il y ait des croyants ! Or n
455
encore faut-il qu’il y ait des croyants ! Or nous
étions
devenus d’incurables sceptiques. De même que nous disions, en présenc
456
en présence d’un miracle du bien : trop beau pour
être
vrai ! nous disions en présence de certaines descriptions du mal : tr
457
certaines descriptions du mal : trop affreux pour
être
vrai 16 ! Cependant, c’était vrai, mais cela nous gênait. Nous l’écar
458
nt de nos pensées… Car si ce « trop affreux » eût
été
vraiment vrai, il eût fallu agir d’urgence et sans réserve ; et si no
459
agir d’urgence et sans réserve ; et si nous nous
étions
mis à agir sans réserve, nous aurions vu très vite que ce mal avait d
460
le mal, qu’ils ne le désiraient nullement, qu’ils
étaient
bons et les autres méchants, et que c’était tellement simple !… Comme
461
it tellement simple !… Comme je voudrais que cela
soit
aussi simple ! Ne fût-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’a
462
Comme je voudrais que cela soit aussi simple ! Ne
fût
-ce que pour le moral militaire. Car, ainsi qu’aimait à le répéter un
463
trichien, Conrad von Hötzendorf : « Tout ce qui n’
est
pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. » C’est sa
464
C’est une espèce de guerre civile mondiale. Elle
sera
perdue si nous perdons d’abord le sens de la réalité morale. Et certa
465
ocratique et de conversion au fascisme. La France
était
démocratique dans son ensemble en 1939 ; presque chacun de ses citoye
466
Il avait sa bonne conscience de démocrate. Hitler
est
venu, Pétain a capitulé, et aussitôt, certains ci-devant « intellectu
467
» de Paris ont découvert qu’au fond, le nazisme n’
était
pas si mal que cela ; qu’en somme, ils avaient toujours désiré quelqu
468
lait assez à cela ; et qu’après tout, « les nazis
étaient
des hommes comme nous ». Voilà le danger que court la démocratie amér
469
toutes les autres. Elle aussi a cru que les nazis
étaient
des animaux d’une tout autre race que les Américains. Elle aussi risq
470
risque de découvrir un jour qu’« après tout, ils
sont
des hommes comme nous ». Et c’est bien vrai : ils sont des hommes com
471
des hommes comme nous ». Et c’est bien vrai : ils
sont
des hommes comme nous dans ce sens que leur péché est aussi en nous,
472
des hommes comme nous dans ce sens que leur péché
est
aussi en nous, secrètement. L’une des leçons claires qui se dégagent
473
ui se dégagent des événements européens me paraît
être
celle-ci : la haine purement sentimentale du mal qui est chez autrui
474
le-ci : la haine purement sentimentale du mal qui
est
chez autrui peut aveugler sur le mal que l’on porte en soi, et sur le
475
néral. La condamnation trop facile du méchant qui
est
en face peut recouvrir et favoriser beaucoup de complaisance intime à
476
inavouée. Devant des antifascistes qui ne veulent
être
que des antis — sans méfiance pour leur propre cas ! —, je ne puis m’
477
aux braves démocrates : — Regardez le diable qui
est
parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à Hitler ou
478
le prendrez sur le fait. Et alors seulement, vous
serez
en état de le dépister chez autrui, et de l’y combattre avec succès.
479
combattre avec succès. Car alors seulement, vous
serez
guéris de votre naïveté invraisemblable devant le danger totalitaire.
480
d’y croire. Puis nous avons imaginé que le diable
était
Hitler. Et le diable s’est frotté les mains (Hitler aussi). Peut-êtr
481
maginé que le diable était Hitler. Et le diable s’
est
frotté les mains (Hitler aussi). Peut-être serait-il plus fécond mai
482
s’est frotté les mains (Hitler aussi). Peut-être
serait
-il plus fécond maintenant, plus amusant aussi, et finalement plus vra
483
et optimiste vierge de toute pensée. Ou, si nous
sommes
par hasard des intellectuels libéraux, sous les traits d’un intellect
484
se moquer de la démocratie. D’abord parce qu’elle
est
le seul régime qui tolère une critique railleuse. Ensuite, parce que
485
e critique railleuse. Ensuite, parce que l’humour
est
nécessaire pour la bonne marche des institutions, dans un ordre socia
486
que entièrement profane. Voici comment. Le diable
est
sardonique et ironique à souhait, mais il ne supporte pas l’humour, e
487
rde le moins avec notre régime. Car la Démocratie
étant
basée sur cette supposition, elle-même humoristique, que tous les hom
488
tion, elle-même humoristique, que tous les hommes
sont
égaux, elle ne peut fonctionner sans humour, non plus qu’une machine
489
sauve-t-il ? De l’asphyxie par la proximité, qui
serait
le résultat fatal de notre destruction des hiérarchies. Grâce au sens
490
mour, une distance respirable et respectable peut
être
rétablie entre voisins, entre maris et femmes, ou entre fonctionnaire
491
vous obtiendrez au terme de l’opération, si elle
est
énergiquement poussée, l’État totalitaire dans sa splendeur native. L
492
re dans sa splendeur native. L’auteur de ce livre
étant
intimement persuadé que la démocratie dépérit sans critique, dénonce
493
célébré la Liberté autant qu’à l’époque moderne ?
Serait
-ce qu’elle est plus que jamais lointaine ? Ou au contraire parce qu’o
494
autant qu’à l’époque moderne ? Serait-ce qu’elle
est
plus que jamais lointaine ? Ou au contraire parce qu’on la sent enfin
495
matiques. La liberté pour laquelle nous mourons n’
est
pas celle que l’État nous garantit. Celle que nous revendiquons perd
496
riste la formule. Ainsi la star que l’on épouse n’
est
plus une star pour son mari. Voilà le grand malentendu que symbolise
497
tion tous les humains. Regardez-la : cette déesse
est
abstraite, mais elle n’en est pas moins sentimentale. Elle fait appel
498
z-la : cette déesse est abstraite, mais elle n’en
est
pas moins sentimentale. Elle fait appel à des sentiments religieux qu
499
pleuré en passant devant elle ! Sa seule présence
était
le gage d’une aisance de pensée et de vie qu’ils venaient de perdre e
500
contre l’époque entière, la liberté-en-général n’
est
pas une Cause, — même pas dans le domaine politique, malgré tant d’él
501
nt désigner l’objet d’une revendication, car elle
est
le signe primordial de notre condition humaine. L’homme est libre, et
502
ne primordial de notre condition humaine. L’homme
est
libre, et cela signifie qu’il est placé à chaque instant dans une dou
503
umaine. L’homme est libre, et cela signifie qu’il
est
placé à chaque instant dans une double possibilité : faire le bien qu
504
sa convoitise, et il se trouve aussitôt enchaîné.
Soyez
libres « pour rien », sans condition ni but, soyez libres de faire ce
505
oyez libres « pour rien », sans condition ni but,
soyez
libres de faire ce qu’il vous plaît, et vous ferez probablement ce qu
506
s ferez probablement ce qui plaît au diable. Mais
soyez
libres de rejoindre et d’accomplir la vocation que Dieu vous donne, a
507
, vos fautes, et l’opinion régnante. La liberté n’
est
pas un droit, mais un risque à courir à chaque instant — sur le plan
508
politique aussi bien qu’en esprit. Non seulement,
étant
ce qu’elle est, il serait fou de la revendiquer, mais encore il est d
509
ien qu’en esprit. Non seulement, étant ce qu’elle
est
, il serait fou de la revendiquer, mais encore il est de sa nature qu’
510
n esprit. Non seulement, étant ce qu’elle est, il
serait
fou de la revendiquer, mais encore il est de sa nature qu’elle se per
511
, il serait fou de la revendiquer, mais encore il
est
de sa nature qu’elle se perde aussitôt qu’utilisée, soit vers le mal,
512
sa nature qu’elle se perde aussitôt qu’utilisée,
soit
vers le mal, soit vers le bien, — pour renaître aussitôt avec un risq
513
se perde aussitôt qu’utilisée, soit vers le mal,
soit
vers le bien, — pour renaître aussitôt avec un risque neuf. Mais nous
514
, de liberté politique. J’y viendrai donc. Ce qui
est
en cause dans ce plan, ce n’est point la liberté réelle des hommes, q
515
drai donc. Ce qui est en cause dans ce plan, ce n’
est
point la liberté réelle des hommes, qu’aucun tyran jamais n’a pu susp
516
ît point de vocation, la liberté qu’il revendique
est
vide ; le diable s’y mettra sous mille formes diverses, dont l’Opinio
517
us mille formes diverses, dont l’Opinion publique
est
la plus ordinaire. Mais si l’homme se reconnaît une vocation, il ne d
518
honte et la révolte. Sa révolte peut le conduire
soit
au martyre soit au rétablissement de lois humaines : dans ces deux ca
519
olte. Sa révolte peut le conduire soit au martyre
soit
au rétablissement de lois humaines : dans ces deux cas il reste libre
520
, il perdra par sa faute la liberté du choix, qui
était
toute sa dignité d’homme. Alors sans doute, il entrera dans la masse
521
t la Liberté. Ils la revendiquent parce qu’ils ne
sont
plus libres. Le simple fait qu’ils se sont mis à l’exiger sans condit
522
ils ne sont plus libres. Le simple fait qu’ils se
sont
mis à l’exiger sans condition ni but grand et définissant, prouve qu’
523
n ni but grand et définissant, prouve qu’ils s’en
sont
rendus proprement incapables. Autrement, ils l’eussent affirmée, préf
524
raies raisons de vivre. La liberté sans condition
est
un fantôme, annonciateur des pires tyrannies. J’en nommerai une. 3
525
cohérence, plus s’estompait en moi la sensation d’
être
identique à mes données légales. C’était chaque fois un procès à gagn
526
ous ces documents, elle allait me démontrer que j’
étais
un Rouge, pire encore, que j’étais un Blanc… Autour de moi régnait un
527
émontrer que j’étais un Rouge, pire encore, que j’
étais
un Blanc… Autour de moi régnait un religieux silence. Chacun savait q
528
chargée de tampons. Bien entendu, ces procédures
sont
justifiables en temps de guerre. Une société démocratique doit se pro
529
vos capacités, vos opinions et vos réflexes. Vous
serez
classé, étiqueté, estimé ; vous serez pisté dans le passé jusqu’au ve
530
lexes. Vous serez classé, étiqueté, estimé ; vous
serez
pisté dans le passé jusqu’au ventre de votre mère, affublé d’un numér
531
rofessionnelles — leurs bienfaits par ailleurs ne
sont
que trop visibles — c’est l’irresponsabilité de leurs agents. Suppose
532
sse les Rouges. Personne ne sait exactement ce qu’
est
un Rouge. Ni le chef qui d’ailleurs demeure inaccessible ; ni les che
533
n’y aura pas de pétitions dans les journaux. Vous
serez
un rebut social. Vous rappelez-vous l’intrigue centrale du Wilhelm Me
534
ves en surprises, par une volonté mystérieuse qui
est
celle du chef d’une société secrète. On veut amener Wilhelm à son sal
535
alors comme une figuration de la Providence. C’en
est
une aujourd’hui de la Police. À cette différence près, toutefois, que
536
ce près, toutefois, que l’intention spirituelle s’
est
évanouie et que le nom du chef, à toutes fins utiles, demeure sans im
537
re sans importance pratique, ou inconnu. Quand il
serait
le diable en personne, vous n’en sauriez pas davantage et n’auriez pa
538
oir de protester. Le vrai mythe de notre Police a
été
formulé par Kafka. Dans son Procès, il nous conte l’histoire d’un emp
539
rte de prêtre, qui prétend connaître le Juge et n’
est
pas mieux en cour que son client. Je dis que le diable a toutes les c
540
bien il cherche à supprimer le péril. Notre choix
est
fait dès longtemps : c’est le désir de supprimer le péril plutôt que
541
ous célébrons se résument dans le mot stériliser.
Soit
en amour (mesures anticonceptionnelles) ; soit dans la vie profession
542
r. Soit en amour (mesures anticonceptionnelles) ;
soit
dans la vie professionnelle (assurances) ; soit dans l’éducation de l
543
; soit dans la vie professionnelle (assurances) ;
soit
dans l’éducation de la jeunesse ; soit dans la médecine ; soit dans l
544
urances) ; soit dans l’éducation de la jeunesse ;
soit
dans la médecine ; soit dans la politique internationale, nous sommes
545
ducation de la jeunesse ; soit dans la médecine ;
soit
dans la politique internationale, nous sommes en train de pousser à f
546
ine ; soit dans la politique internationale, nous
sommes
en train de pousser à fond une expérience sans précédent d’asepsie gé
547
rances-contre-tous-risques. Et qui dira qu’elle n’
est
pas notre religion, que nos religions elles-mêmes ne s’y rangent pas
548
riposte, l’abîme et le sublime ? Aucune époque ne
fut
plus antispirituelle, car aucune ne s’est tant préoccupée d’éliminer
549
oque ne fut plus antispirituelle, car aucune ne s’
est
tant préoccupée d’éliminer le mal à moindre prix, au lieu de le compe
550
des stratèges, qui veut que la meilleure défense
soit
dans l’attaque. Ignorant les magies protectrices, négligeant les forc
551
vos objections, mais il vous fait sentir qu’elles
sont
banales, statistiques. Il vous promet enfin ce pur néant de l’âme : s
552
— prospérité — jovialité et vérité viagère. Vous
serez
comme des dieux un peu idiots mais perpétuellement hilares. Vous ne m
553
manité, mais non pas y éteindre le mal, si le mal
est
au premier chef l’absence de vertus créatrices. Dans une passion viol
554
ssion violente et dans un conflit déclaré, le mal
est
facilement reconnaissable : c’est à l’avantage du bien. Mais lorsque
555
érité du cœur humain, ses abîmes et ses miracles.
Soyez
nice, dit la bourgeoisie. Pour être nice, elle ne se rend pas compte
556
es miracles. Soyez nice, dit la bourgeoisie. Pour
être
nice, elle ne se rend pas compte qu’elle paye un prix exorbitant : la
557
8. Nous oublions que la conséquence de ce culte n’
est
autre que l’insignifiance de nos vertus autant que de nos vices. Or l
558
ntes, privées de sens et qui n’ont l’air de rien,
sont
en réalité le Royaume du Rien. Elles ne s’acquièrent qu’au prix de la
559
So lovely, really… » d’un air indifférent, cela n’
est
rien, vous vous êtes trompé, servez un drink. Mais il est juste aussi
560
d’un air indifférent, cela n’est rien, vous vous
êtes
trompé, servez un drink. Mais il est juste aussi de remarquer qu’une
561
, vous vous êtes trompé, servez un drink. Mais il
est
juste aussi de remarquer qu’une qualité vient de se perdre quelque pa
562
lité vient de se perdre quelque part. Ces gens ne
sont
pas méchants, ils n’ont fait aucun mal, il leur manque simplement un
563
. Mais l’entropie de l’univers augmente : or il n’
est
rien de plus catastrophique au monde. On passe. C’est la vie, c’est l
564
s rendre contemporain de son éternité. Le diable
est
insignifiant, au sens propre du mot, et sa plus grande victoire dans
565
u’on étonne un moderne en lui demandant quel peut
être
le sens de son nom, des formes et des couleurs dont il s’entoure, des
566
d’autres encore, pourraient signifier quoi que ce
soit
dans un ensemble spirituel. Je dis que tout ce qui n’a pas de sens ap
567
mporte quelque bien, le nonsense y compris, qui n’
est
qu’une allusion à des sens imprévus ou cachés. Quant à l’absurde pur1
568
rde aux yeux de la raison, la foi l’accepte comme
étant
la position d’une réalité éternelle dans le temps : ainsi l’Incarnati
569
t le miracle. Caricaturé par le diable, l’absurde
est
au contraire la fixation d’une réalité temporelle dans l’infini ou da
570
soi, de puissance ou de richesse en soi. L’Enfer
est
là. Mais je voudrais donner un autre exemple des méfaits de l’insigni
571
istoire d’un couple correct Monsieur et Madame
sont
parfaitement corrects et presque suaves en famille. Scrupuleusement,
572
On n’injurie jamais les bonnes, d’ailleurs elles
sont
si rares. On ne fesse pas les enfants ! cela pourrait leur donner des
573
ur, ne cherchez pas de ce côté. Si ma petite Mary
est
folle, vraiment, ce n’est pas qu’elle souffre de l’atmosphère familia
574
côté. Si ma petite Mary est folle, vraiment, ce n’
est
pas qu’elle souffre de l’atmosphère familiale. Mais je vais vous dire
575
s dire : du côté de mon mari, on n’a pas toujours
été
très équilibré. Entre nous, une de ses tantes est morte à l’asile. Ce
576
été très équilibré. Entre nous, une de ses tantes
est
morte à l’asile. Cela se sent parfois chez lui. Hier encore, pour vou
577
encore, pour vous citer un seul exemple, à peine
étions
-nous dans notre chambre, il entre en fureur parce que je lui demande
578
, c’est tout ce que vous ne dites pas, quand vous
êtes
devant eux à table, si polis. La petite Mary n’est pas folle, mais co
579
es devant eux à table, si polis. La petite Mary n’
est
pas folle, mais comment les nerfs d’un enfant supporteraient-ils le b
580
les créatures qui aient jamais existé, le diable
est
celle qui sait le mieux « how to win friends and influence people ».
581
ce people ». C’est pourquoi la démocratie moderne
est
spécialement tentée d’écouter ses conseils. Le pouvoir d’un régime fo
582
fatalement que le problème majeur des dirigeants
sera
de rendre populaires, plutôt que justes ou efficaces, les mesures gou
583
ilier les inférieurs en les flattant, puisqu’il n’
est
plus permis de les dominer ; enfin d’appeler par leur prénom le plus
584
de service, la marque du prestige démocratique n’
étant
plus la hauteur d’allure, mais au contraire la familiarité. Il serait
585
ur d’allure, mais au contraire la familiarité. Il
serait
amusant de comparer sous ce rapport le fameux livre de Mr. Dale Carne
586
pert en popularité, d’immenses progrès semblent s’
être
opérés au point de vue de la moralité. Gracián vous apprend à tromper
587
intéressée des grands. Mr. Carnegie au contraire
est
d’une irréprochable correction morale. Il estime en effet que la Règl
588
’or des relations humaines, dans tous les ordres,
fut
donnée par cette phrase de l’Évangile : « Faites aux autres ce que vo
589
ond besoin de l’homme, selon le professeur Dewey,
étant
de se sentir important, ne perdez pas une occasion de faire sentir à
590
ochain toute l’importance que vous lui accordez :
soyez
certain qu’il vous le rendra bien. C’est le bon sens même. Mais c’est
591
assablement déversée sur tout voisin qui pourrait
être
, un jour ou l’autre, utilisable. Gracián, du moins, ne prétendait pas
592
d’entretenir des contacts faciles et agréables. »
Serait
-ce que j’ai l’esprit mal fait ? Ou dira-t-on demain que l’esprit est
593
sprit mal fait ? Ou dira-t-on demain que l’esprit
est
immoral, antisocial, et nuisible aux affaires ? Que le sel de la terr
594
et nuisible aux affaires ? Que le sel de la terre
est
malsain ? Et que la sagesse démocratique se résume dans une « techniq
595
imbéciles n’ont rien à perdre. Les âmes fortes y
sont
éliminées par le ressentiment brutal des plébéiens, les âmes faibles
596
lisées. Comme on le voit, le régime totalitaire n’
est
que la forme basse de la démocratie. Déchaînez parmi nous les démons
597
. La démocratie saine pour laquelle je lutterai n’
est
, comme la santé, qu’une utopie. Je l’imagine de la manière suivante :
598
gence n’aurait rien à y perdre, les âmes fortes y
seraient
à l’aise, les âmes faibles y seraient éduquées, les âmes moyennes s’y
599
es fortes y seraient à l’aise, les âmes faibles y
seraient
éduquées, les âmes moyennes s’y sentiraient gênées d’être moyennes et
600
quées, les âmes moyennes s’y sentiraient gênées d’
être
moyennes et de faire nombre. On y verrait des élites dures, aux disci
601
st un programme complet, si l’on y réfléchit : il
serait
aisé d’en développer les conséquences sur tous les plans, pour l’écon
602
de nous, et donc de moi aussi. Mais si le diable
est
partout, sa figure se brouille. Et les définitions que j’en ai donnée
603
penser, finissent par se neutraliser. Le diable n’
est
pas Hitler, qui pourtant est démoniaque ; il n’est pas non plus la dé
604
raliser. Le diable n’est pas Hitler, qui pourtant
est
démoniaque ; il n’est pas non plus la démocratie, qui pourtant n’est
605
st pas Hitler, qui pourtant est démoniaque ; il n’
est
pas non plus la démocratie, qui pourtant n’est pas sainte ; mais il a
606
n’est pas non plus la démocratie, qui pourtant n’
est
pas sainte ; mais il agit partout, il est dans tout… Vos descriptions
607
rtant n’est pas sainte ; mais il agit partout, il
est
dans tout… Vos descriptions, me dira-t-on, ne sont pas bien claires.
608
est dans tout… Vos descriptions, me dira-t-on, ne
sont
pas bien claires. Pourquoi ne pas nous peindre une image nette et fac
609
ne de Satan ? C’est que le diable, par nature, ne
sera
jamais clairement et honnêtement définissable. Il est celui qui s’arr
610
jamais clairement et honnêtement définissable. Il
est
celui qui s’arrange toujours pour être à la fois juge et partie dans
611
issable. Il est celui qui s’arrange toujours pour
être
à la fois juge et partie dans le procès de sa définition. Paradoxal p
612
radoxal par essence, il existe, bien sûr, mais il
est
dans tout être ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhait
613
sence, il existe, bien sûr, mais il est dans tout
être
ce qui n’est pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement l
614
te, bien sûr, mais il est dans tout être ce qui n’
est
pas, ce qui tend au néant, ce qui souhaite secrètement la destruction
615
des autres, ou la sienne propre. Sa qualité de n’
être
pas ceci ou cela de positif lui donne une liberté indéfinie d’action,
616
la fois, repoussant mais non moins fascinant, il
est
sans doute la créature la plus poétique du monde. Il est beau aux yeu
617
s doute la créature la plus poétique du monde. Il
est
beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit toujours être lai
618
ux des naïfs qui croient que le mal doit toujours
être
laid ; et il est d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux de
619
roient que le mal doit toujours être laid ; et il
est
d’une laideur irrésistiblement attirante aux yeux des désabusés ou de
620
yeux des désabusés ou des raffinés. En bref, il n’
est
jamais où vous pensiez le trouver. Il imite en la caricaturant l’acti
621
ies : le maître du confusionnisme dirigé ! Hitler
fut
l’âme de la cinquième colonne du siècle, mais Satan reste l’essence m
622
t me rendre prudent, personnellement —, le diable
est
l’être qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette,
623
endre prudent, personnellement —, le diable est l’
être
qui, lorsqu’une dénonciation le fait déguerpir de sa cachette, va se
624
préférence chez celui qui l’a dénoncé, et qui se
tient
pour assuré dans sa bonne conscience. Au moment où vous croyez l’attr
625
z un autre et lui régler son compte — voici qu’il
est
devenu vous-même ! — Mais alors ?… 37. Une bonne adresse — Si v
626
diable, et son second tour du même coup, si vous
tenez
sérieusement à l’attraper, je vais vous dire où vous le trouverez le
627
verez le plus sûrement : dans le fauteuil où vous
êtes
assis. 13. Expression empruntée à l’Évangile par une erreur de tr
628
nne volonté (de Dieu) envers les hommes ». Ce qui
est
complètement différent. 14. Je ne parle pas des héros de la guerre,
629
pas des héros de la guerre, mais de la paix. 15.
Est
-ce un si grand bien ? Pour le grand nombre, oui, probablement. Pour l
630
œurs totalitaires. Notre incrédulité bourgeoise a
été
l’une des meilleures chances d’Hitler. 17. Dans sa tête on tient des
631
meilleures chances d’Hitler. 17. Dans sa tête on
tient
des banquets. 18. Celle-ci le compense par un culte en apparence con
632
de village. Mais l’incognito et l’alibi du diable
sont
exactement inverses : c’est dans l’image de nos dieux qu’il va se dis
633
ient pas ont renié la Révélation. Dès lors ils en
étaient
réduits à inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on est sans l
634
inventer Dieu. Mais on n’invente que ce que l’on
est
sans le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui était le moi con
635
s le savoir. Ils ont donc inventé un « Dieu » qui
était
le moi conscient ou inconscient de ses croyants. Une image de leur im
636
ou une compensation rêvée de leurs défauts. Et ce
fut
le Dieu de la Raison pour les tempéraments rationalistes, le Dieu de
637
asse. Dans ces trois entités divinisées, le moi n’
est
plus déguisé qu’en un nous. Et ces trois entités ont ceci de commun
638
t ces trois entités ont ceci de commun : elles ne
sont
responsables de rien devant personne, s’étant faites elles-mêmes les
639
s ne sont responsables de rien devant personne, s’
étant
faites elles-mêmes les critères de toute vérité purement humaine, et
640
ute vérité purement humaine, et décrétant qu’il n’
est
plus d’autre vérité. Or aux yeux de ceux qui les servent, l’homme n’e
641
s. Dans la mesure où nous leur obéissons, nous ne
sommes
donc plus responsables de nos actes, mais elles le sont à notre place
642
onc plus responsables de nos actes, mais elles le
sont
à notre place. Et comme elles-mêmes n’ont à répondre auprès d’aucune
643
dons pas avec l’entité divinisée — parce que nous
sommes
d’une autre race, d’une autre classe, ou d’une autre génération physi
644
le que celle qui détient le pouvoir —, alors nous
sommes
des « vipères lubriques » et nous devons le confesser publiquement. A
645
us recevons une balle dans la nuque, ou bien nous
sommes
décapités à la hache, selon qu’il s’agit respectivement du dieu Class
646
dieu Classe ou du dieu Race. Les dieux des hommes
sont
sans pardon. Ce sont des diables. Toutefois, le diable est sans doute
647
u Race. Les dieux des hommes sont sans pardon. Ce
sont
des diables. Toutefois, le diable est sans doute moins dangereux lors
648
pardon. Ce sont des diables. Toutefois, le diable
est
sans doute moins dangereux lorsqu’il nous tue que lorsqu’il prétend n
649
us tue que lorsqu’il prétend nous faire vivre. Il
est
moins dangereux dans nos vices que dans nos vertus satisfaites. Il es
650
ans nos vices que dans nos vertus satisfaites. Il
est
moins dangereux dans les antres des dictateurs évidemment méchants, q
651
39. Le diable dans l’Église Un jour l’Église a
été
qualifiée de « Satan » par Jésus lui-même. Ce fut quelques minutes ap
652
été qualifiée de « Satan » par Jésus lui-même. Ce
fut
quelques minutes après sa fondation, et dans la personne même de celu
653
ses disciples : — Et vous, qui dites-vous que je
suis
? « Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils de Dieu vivant.
654
s-vous que je suis ? « Simon Pierre répondit : Tu
es
le Christ, le Fils de Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui di
655
vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu
es
heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le san
656
: Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne
sont
pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qu
657
ng qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui
est
dans les deux » (Matthieu 16). Sur cet acte de foi, Jésus fonde l’Égl
658
Jésus fonde l’Église : « Et moi, je te dis que tu
es
Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Le Seigneur
659
voirs vicariaux : « Ce que tu lieras sur la terre
sera
lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dan
660
ans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre
sera
délié dans les cieux. » Mais voici qu’aussitôt après — au paragraphe
661
it dire par Jésus : « Arrière de moi Satan ! Tu m’
es
en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu mais ce
662
Satan ! Tu m’es en scandale ; car tes pensées ne
sont
pas les pensées de Dieu mais celles des hommes. » Qu’est-il donc arri
663
les pensées de Dieu mais celles des hommes. » Qu’
est
-il donc arrivé ? Comment cette « pierre » sur qui l’Église vient à pe
664
cette « pierre » sur qui l’Église vient à peine d’
être
posée est-elle déjà devenue pierre d’achoppement ? Pourquoi cet homme
665
rre » sur qui l’Église vient à peine d’être posée
est
-elle déjà devenue pierre d’achoppement ? Pourquoi cet homme, auquel l
666
mort prochaine et sa résurrection. Alors Pierre s’
est
mis à le reprendre : « À Dieu ne plaise, Seigneur ! cela ne t’arriver
667
e l’Église à Pierre, car lorsque Pierre croit, il
est
l’Église. (Tout homme qui croit, dans l’instant de la foi devient Pie
668
résultat, mais sans la condition… Car notre rôle
est
de durer, et nos responsabilités sont écrasantes, et nous n’allons pa
669
r notre rôle est de durer, et nos responsabilités
sont
écrasantes, et nous n’allons pas jouer comme un illuminé avec le trés
670
n de folie, c’est le sûr moyen de la trahir. Ce n’
était
pas la vie du monde, ni l’ordre ou la justice, ni la moralité que Pie
671
rituel et de la catastrophe salutaire. Si Jésus n’
est
pas supplicié, il ne ressuscitera pas non plus. L’Église n’aura plus
672
ise n’aura plus rien à dire, le pouvoir de Pierre
sera
vide. L’Église est posée dans l’Histoire pour y représenter le perman
673
à dire, le pouvoir de Pierre sera vide. L’Église
est
posée dans l’Histoire pour y représenter le permanent rappel au drame
674
de nouveau. Étrange institution dont le seul but
est
de planter au sein du monde un principe de bouleversement, de scandal
675
t de tragédie ! Car tout le sens du christianisme
tient
en trois actes essentiellement tragiques : prendre sur soi le mal qui
676
tiellement tragiques : prendre sur soi le mal qui
est
dans le monde, mourir avec ce mal, ressusciter en pureté. Ce drame es
677
urir avec ce mal, ressusciter en pureté. Ce drame
est
figuré dans le sacrement de la communion. Il est rappelé dans le Cred
678
est figuré dans le sacrement de la communion. Il
est
rappelé dans le Credo. Mais peut-on dire qu’il est mis en action par
679
st rappelé dans le Credo. Mais peut-on dire qu’il
est
mis en action par les Églises modernes dans leur ensemble ? En fait,
680
lumer des foyers éclatants de purification. Elles
sont
devenues des forces de conservation, s’opposant par leur esprit même
681
nimer. Or dans toute la mesure où une Église s’en
tient
à de pieuses prudences, sous prétexte de sauvegarder quelques « valeu
682
Jésus disait : « Arrière de moi Satan ! Car tu m’
es
en scandale. » 40. Le diable théologien Mais tout cela, dira-t-
683
istes. La pensée de l’Occident et son vocabulaire
sont
nés des grands débats théologiques aux siècles de la primitive Église
684
e. Notre musique, notre sculpture, notre peinture
sont
nées dans le chœur des églises, tandis que notre poétique se composai
685
t dans l’atmosphère des sectes manichéennes. Il n’
est
pas jusqu’aux grandes philosophies modernes, Descartes et Kant, Hegel
686
t Kant, Hegel, Auguste Comte et Marx, qui n’aient
été
, à l’origine, des prises de position théologiques. Ignorer la théolog
687
érétiques. La naïveté théologique de notre siècle
est
l’un des avantages les plus considérables de la nouvelle barbarie. Je
688
pirituelles. Tout porte à croire que le diable en
est
ravi. Car selon le dicton médiéval et renaissant, « le diable est bon
689
lon le dicton médiéval et renaissant, « le diable
est
bon théologien ». Notre inculture lui donne une chance inespérée. En
690
it bientôt du sophisme, tandis qu’à coup sûr nous
sommes
pris si nous ignorons même l’existence du problème. Un certain nombr
691
nombre de tendances théologiques traditionnelles
sont
très probablement d’origine satanique : le pélagianisme, par exemple,
692
atoniciens. Sous des formes vulgarisées jusqu’à n’
être
qu’à peine identifiables, ces hérésies dûment cataloguées depuis des
693
« excitantes » de l’avant-garde. Mais sans doute
sont
-elles moins déprimantes que le préjugé de l’homme moderne, qui ne sai
694
, dont la fumée montait comme un encens et devait
être
en bonne odeur à l’Éternel, car cet homme avait le cœur pur. À quelq
695
ble, il m’a l’air terriblement bon ! Et ses plans
sont
irréprochables, paraît-il : intelligents et généreux, idéalistes, réa
696
aissé tomber en donnant un dollar au mendiant. Il
est
parfait, ce plan, comme tu le craignais. Mais moi je vais l’organiser
697
e homme du monde Qui donc disait que le diable
est
un monsieur très bien ? Entre les gens du monde et le Prince de ce mo
698
noclé. Le diable, affirme un proverbe espagnol, n’
est
pas à craindre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il est si vi
699
overbe espagnol, n’est pas à craindre parce qu’il
est
si méchant, mais parce qu’il est si vieux. C’est ce que l’on peut pen
700
ndre parce qu’il est si méchant, mais parce qu’il
est
si vieux. C’est ce que l’on peut penser aussi des gens du monde, et d
701
ral. Elle a son charme et son utilité ; mais elle
est
vieille, elle est trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées
702
arme et son utilité ; mais elle est vieille, elle
est
trop avertie, elle offre trop de recettes éprouvées : elle finit par
703
compris ». La fonction normale de la vie mondaine
serait
de maintenir et d’illustrer un certain nombre de devises d’élégance m
704
abolique, tout au contraire. Le jeu mondain, s’il
est
bien joué, ménage autant de liberté qu’il suppose, dit-on, d’hypocris
705
reposant des formes fixes. Mais le mondain qui n’
est
que cela inspire une sorte d’effroi furtif, révélateur d’une présence
706
nces ; sa capacité d’éliminer froidement ce qui n’
est
pas conforme aux goûts appris ; sa propension presque maniaque à n’at
707
er de l’importance qu’à un détail fortuit dans un
être
ou une œuvre ; tous ces traits qui pourraient dénoter l’exigence d’un
708
s stérilisants qu’entraîne sa fréquentation. Ce n’
est
pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui est satanique, c’es
709
pas le goût ni même le pédantisme de la forme qui
est
satanique, c’est le goût de la forme imitée. Le milieu mondain le plu
710
le plus suavement correct et moral peut fort bien
être
préféré par le diable à ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui
711
coup d’argent et pourtant il n’a jamais le temps.
Serait
-ce qu’il n’a de temps que pour l’argent, ce Mr. Time ? Ou bien la réc
712
. Time ? Ou bien la réciproque du fameux dicton n’
est
-elle pas vraie ? Assurément, elle ne l’est pas. L’argent n’est pas du
713
cton n’est-elle pas vraie ? Assurément, elle ne l’
est
pas. L’argent n’est pas du temps, il en prend au contraire. Nous somm
714
vraie ? Assurément, elle ne l’est pas. L’argent n’
est
pas du temps, il en prend au contraire. Nous sommes donc en présence
715
’est pas du temps, il en prend au contraire. Nous
sommes
donc en présence d’un phénomène à sens unique : la transmutation du t
716
ent en un rien de temps. Peu nous importe. Ce qui
est
frappant, c’est que Mr. Time peut gaspiller trente-six-millions mais
717
e : c’est le temps qui l’a. On sait que le diable
est
le Prince du Temps, comme Dieu le Roi de l’Éternité. Le temps sans fi
718
Boehme raconte qu’on demandait à Satan : Pourquoi
es
-tu sorti du Paradis ? — J’ai voulu me faire auteur, dit-il. Réponse g
719
sens du nom d’auteur. L’Auteur de toutes choses
est
leur autorité. Il s’autorise à l’infini dans Sa Création déployée. Il
720
mains. Et c’est pourquoi, l’artiste et l’écrivain
sont
terriblement exposés : dès qu’ils prennent le pinceau ou la plume, le
721
qu’ils prennent le pinceau ou la plume, le diable
est
là pour les guider. Et comment faire la part de son incitation ? Tout
722
re auteur, s’autoriser dans un monde autonome. Il
est
fatal que le diable s’en mêle, et que les meilleurs se voient tentés
723
et très bien les cohortes infernales. C’est qu’il
était
un vrai poète et du parti du diable sans le savoir ». Cette opinion s
724
parti du diable sans le savoir ». Cette opinion s’
est
curieusement vulgarisée, dans notre siècle. Et l’on apporte à son app
725
cile d’innombrables ouvrages édifiants. Non, ce n’
est
pas la vraie beauté des sentiments mais leur fausse beauté (donc leur
726
ts pervertis, tout aussi faux que ceux dont ils n’
étaient
que l’inversion. Nous ne savions plus concevoir et illustrer de vrais
727
ttérature immoraliste sécrétée par la bourgeoisie
est
tributaire de la morale bourgeoise : elle reste hélas au niveau de l’
728
a rêverie aux yeux fixes qui la médite, le diable
est
là. Il n’est pas seul, mais il est là. La solution, c’est de le faire
729
yeux fixes qui la médite, le diable est là. Il n’
est
pas seul, mais il est là. La solution, c’est de le faire travailler a
730
ite, le diable est là. Il n’est pas seul, mais il
est
là. La solution, c’est de le faire travailler autrement qu’il ne l’en
731
plendissant, dans l’espace et le temps consacrés.
Serait
-ce un mystérieux écho de la rédemption dans son abîme d’ennui sans fi
732
e ? Pourrons-nous un jour concevoir que le diable
est
finalement un mystère du Bien ? Peut-être Dante a-t-il raison lorsqu’
733
diable même y collabore, qu’importe : la dédicace
est
le vrai sens de l’œuvre, pour autant que l’homme peut en juger. Elle
734
e nous donne la mesure absolue. Un écrivain, s’il
est
bon artisan, vaudra tout juste ce que vaut la mission qu’il accepte e
735
a mission qu’il accepte et s’assigne. Le diable y
sera
sans doute encore, dans tous les artifices du délire créateur, mais e
736
ers un but qu’il ignore ; car sa faiblesse unique
est
de ne pas croire au bien. 45. Le pacte avec le diable Peter Sch
737
es plus tristes dans sa fantaisie géniale, et peu
sont
plus profondes avec autant de grâce. Que signifie cette ombre dans le
738
ourquoi l’un des premiers malheurs de notre héros
est
de ne plus pouvoir aimer ni être aimé.) J’ai dit que la liberté de l’
739
rs de notre héros est de ne plus pouvoir aimer ni
être
aimé.) J’ai dit que la liberté de l’homme réside dans son pouvoir uni
740
e mentir. Mais une fois que vous avez menti, vous
êtes
lié par le mensonge, et les vérités mêmes que vous articulerez servir
741
e en termes physiques et corporels. Tant que vous
êtes
en train de gravir la montagne, à grand effort, vous conservez la pos
742
de la vallée, où vit le commun des mortels. Vous
êtes
délivré de votre effort, tout est facile, il n’y a qu’à se laisser al
743
mortels. Vous êtes délivré de votre effort, tout
est
facile, il n’y a qu’à se laisser aller. Vous « arriverez » plus vite
744
rté de monter ou de descendre à votre choix. Vous
êtes
pris dans un mécanisme à sens unique, vous n’êtes qu’un corps abandon
745
êtes pris dans un mécanisme à sens unique, vous n’
êtes
qu’un corps abandonné aux lois de la gravitation et toutes vos gestic
746
onclu avec le Prince de ce monde, et dont le prix
est
notre liberté. Et c’est pourquoi la morale du succès, qui fut la vrai
747
berté. Et c’est pourquoi la morale du succès, qui
fut
la vraie morale américaine depuis un siècle, m’a toujours paru diabol
748
toujours paru diabolique20. Ses signes extérieurs
sont
propres à donner le change : optimisme et cordialité, confiance en so
749
e humeur et ce goût de mieux vivre pourraient-ils
être
diaboliques ? Les démons, ce sont les nazis, vêtus de noir, grinçant
750
pourraient-ils être diaboliques ? Les démons, ce
sont
les nazis, vêtus de noir, grinçant des dents, mal nourris et semant l
751
Vous pensez que le premier système a l’avantage d’
être
plus hygiénique. C’est peut-être vrai. Mais je doute que ce soit moin
752
nique. C’est peut-être vrai. Mais je doute que ce
soit
moins dangereux pour vos âmes. Ah, j’aimerais tant votre assurance, s
753
rais tant votre assurance, si seulement ses bases
étaient
sûres ! Je ne vais pas prêcher une morale de l’échec. Succès ou insuc
754
que le plus grand succès de toute l’Histoire, ce
fut
la mort ignominieuse du Christ en croix. Ce sacrifice a rompu le Pact
755
t assez facilement pourquoi les arts divinatoires
sont
liés, dans l’imagination des peuples, avec un pacte satanique. Le dev
756
des peuples, avec un pacte satanique. Le devin en
serait
à la fois la victime et le bénéficiaire. En échange de sa pureté d’âm
757
uvoirs extraordinaires, dont la source ne saurait
être
— ainsi pense-t-on communément — que dans les royaumes d’en bas. C’es
758
que l’on rend à la science angélique de Satan. Il
est
vrai que sous le nom de Python, il représente le Devin, et sous le vo
759
oyance en général avec cette puissance diabolique
est
une erreur que le diable lui-même entretient soigneusement dans nos e
760
igneusement dans nos esprits. Car la divination n’
est
pas mauvaise en soi, bien au contraire. La Bible la condamne dans ses
761
iers à découvrir et saluer le Christ naissant, ce
furent
les Mages. Il serait vain de nier les faits sous prétexte qu’ils sont
762
aluer le Christ naissant, ce furent les Mages. Il
serait
vain de nier les faits sous prétexte qu’ils sont encore inexplicables
763
erait vain de nier les faits sous prétexte qu’ils
sont
encore inexplicables : les tables tournent, les cartes parlent, les p
764
e rendre sourd à ces invites ? Si la divination n’
est
encore aujourd’hui que la science incertaine de découvrir l’avenir, c
765
me du charlatan de comprendre que ses malheurs ne
sont
pas le Mal, ni même nécessairement les conséquences du Mal, mais sont
766
même nécessairement les conséquences du Mal, mais
sont
peut-être les moyens du Bien, pour ne rien dire des vrais bonheurs qu
767
es vrais bonheurs qui peuvent en naître. Le Mal n’
est
pas nécessairement la guerre par exemple, mais l’utilisation de la gu
768
en termes d’obstacles ou de succès21 ne sauraient
être
définis en vérité que par rapport au but suprême d’une existence, en
769
ttitudes intérieures. La seconde chance du diable
est
de flatter notre tendance à nous sentir irresponsables, par le moyen
770
et l’homme qui réussit, cette galerie de victimes
est
classique au point d’en être presque démodée. Car Satan marche avec s
771
e galerie de victimes est classique au point d’en
être
presque démodée. Car Satan marche avec son temps, et paraît se soucie
772
prétation des phénomènes collectifs d’aujourd’hui
fut
donnée vers 1848 par l’écrivain danois Søren Kierkegaard, le penseur
773
més et hors d’eux-mêmes. Les scènes du Blocksberg
sont
le pendant exact de ces plaisirs démoniaques, qui consistent à se per
774
ayant perdu son moi, on ne sait plus ce que l’on
est
en train de faire ou de dire, on ne sait plus ce qui parle à travers
775
créateur de la masse : fuir sa propre personne, n’
être
plus responsable, donc plus coupable, et devenir du même coup partici
776
e de l’Anonyme. Or l’Anonyme a bien des chances d’
être
celui qui aime à dire : Je ne suis Personne… La foule, c’est le lieu
777
des chances d’être celui qui aime à dire : Je ne
suis
Personne… La foule, c’est le lieu de rendez-vous des hommes qui se f
778
ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’
est
personne et tire de là son assurance dans le crime. Il ne s’est pas
779
tire de là son assurance dans le crime. Il ne s’
est
pas trouvé un seul soldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
780
oldat pour porter la main sur Caius Marius, telle
est
la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
781
é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’
être
une foule, et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
782
ient eu, ce courage ! Ô mensonge !… Car une foule
est
une abstraction qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans
783
et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce
sont
ses mains, non celles du voisin, et non celles de la foule qui n’a pa
784
unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’
est
pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi est douteuse, qu
785
responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que la Loi
est
douteuse, qu’on ne saura pas, et que d’ailleurs, une fois le coup réu
786
s, et que d’ailleurs, une fois le coup réussi, on
sera
Dieu soi-même, donc maître de fixer le Bien et le Mal à sa guise. Al
787
ais l’Éternel Dieu appela l’homme et lui dit : Où
es
-tu ? Il répondit : J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu pe
788
oix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je
suis
nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que t
789
, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me
suis
caché. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce q
790
hé. Et l’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu
es
nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de man
791
’Éternel Dieu dit : Qui t’a appris que tu es nu ?
Est
-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? L’h
792
ai mangé.23 Voyez : ils vont se cacher, ils n’y
sont
plus. Et quand on les attrape, ils disent que c’était l’autre. Ainsi
793
dire : c’était l’autre ! Et dans le lieu où l’on
est
, à coup sûr, le plus « loin de la face de l’Éternel ». Pour qu’il n’y
794
éponse, je dis qu’il n’y a personne ; la personne
est
en nous ce qui répond de nos actes, ce qui est « capable de réponse »
795
ne est en nous ce qui répond de nos actes, ce qui
est
« capable de réponse », ou responsable ; dans une foule il n’y a plus
796
t une masse. Satan va donc créer les masses. Nous
tenons
ici le secret de sa grande stratégie : produire le péché en série et
797
e cadre de nos vies, à nous priver du sentiment d’
être
une personne responsable. Nous vivons tous, de plus en plus, dans un
798
maux en patience. D’une part, l’individu moderne
est
incité à juger sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il est as
799
r sa vie mesquine, et à la fuir ; d’autre part il
est
aspiré par les grandes émotions collectives. Cette répulsion et cette
800
les poussent l’homme à rechercher les occasions d’
être
dépossédé de soi. Elles font de chacun de nous un sujet prédisposé à
801
tout fait : l’homme les a faits d’abord, et ce n’
est
point par hasard qu’il a fait ceux-là et non d’autres. Les véritables
802
causes et racines du phénomène moderne des masses
sont
dans notre attitude spirituelle. La foule n’est pas dans la rue seule
803
sont dans notre attitude spirituelle. La foule n’
est
pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
804
e. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
est
dans la pensée des hommes de ce temps, elle a ses sources au plus int
805
perd dans le monde moderne, c’est que les cadres
sont
devenus trop grands. Mais pourquoi les avoir agrandis, depuis un sièc
806
omme le montre l’histoire de la tour de Babel qui
est
le grand mythe de notre temps. Bien qu’il ne soit pas mentionné dans
807
est le grand mythe de notre temps. Bien qu’il ne
soit
pas mentionné dans le récit du chapitre onze de la Genèse, le diable
808
le récit du chapitre onze de la Genèse, le diable
est
de toute évidence le principal Entrepreneur de la Tour primitive et d
809
au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne
soyons
pas dispersés sur la face de toute la terre. » Vous reconnaissez Sata
810
. Le résultat, que l’Ange pervers devait prévoir,
sera
nécessairement l’inverse de ce qu’ils voulaient. Si vous mangez la po
811
de toute la terre ». Cette déconvenue mémorable
est
attribuée par le récit biblique à la colère de l’Éternel, qui « desce
812
nt entrepris ! » On dirait qu’il veut les punir d’
être
aussi bêtes. Mais le Dante imagine qu’ils se seraient bien punis tous
813
être aussi bêtes. Mais le Dante imagine qu’ils se
seraient
bien punis tous seuls. Il n’y avait qu’à les laisser aller ! Dans son
814
ène de confusion des langues. Si les hommes ne se
sont
plus entendus lors de la construction de ce premier gratte-ciel, c’es
815
de ce premier gratte-ciel, c’est que l’entreprise
était
trop vaste, simplement. En effet, pour mener à chef l’édification de
816
, pour mener à chef l’édification de la tour, ils
furent
obligés de se diviser en équipes spécialisées. Il y avait les archite
817
me qui leur servait de ciment ; d’autres encore n’
étaient
chargés que de monter les matériaux, d’autres de bâtir les murs, de c
818
e se comprirent plus. La multiplicité des langues
était
née du travail lui-même. Mais ce travail bientôt traîna, puis s’arrêt
819
dans un langage commun. Il me paraît que nous en
sommes
à peu près là. L’anarchie sans précédent de notre vocabulaire, en pol
820
emin la règle d’or, l’étalon-homme. Et pour avoir
été
trop vite en tout, nous avons perdu de vue la mesure et le sens des f
821
mène le plus notable des débuts du siècle dernier
fut
, en effet, le brusque agrandissement, ou pour mieux dire la babélisat
822
issait depuis des millénaires. Dans ces villes se
sont
entassées des masses humaines informes, noyant et dissolvant les grou
823
tites entreprises. Les richesses, elles aussi, se
sont
tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues
824
grandies qu’elles ont échappé aux regards : elles
sont
devenues chiffres abstraits, puissances lointaines, dont les économis
825
s, puissances lointaines, dont les économistes se
sont
mis à étudier les mœurs étranges, plus mystérieuses que celles des mo
826
a plus que doublé en cent ans ; ses richesses ont
été
décuplées ; sa production industrielle centuplée. Et le concours enfi
827
dans l’espace de cinquante à cent ans, la société
est
devenue trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard. Une seul
828
ans, la société est devenue trop gigantesque pour
être
dominée d’un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comp
829
oit de voter et de dire leur mot sur tout : ce ne
sera
pas pire.) Alors le vertige de Babel s’empare de l’esprit humain. Com
830
qu’en termes de contradiction. Jamais l’homme ne
fut
plus puissant, et jamais il ne s’est senti, en tant qu’individu, plus
831
s l’homme ne fut plus puissant, et jamais il ne s’
est
senti, en tant qu’individu, plus impuissant. Jamais il ne fut plus sa
832
n tant qu’individu, plus impuissant. Jamais il ne
fut
plus savant, et jamais il n’eut l’impression de comprendre aussi mal
833
e pour les détruire. « Montez ! dit le diable, et
soyez
comme des dieux, oubliez votre mesure d’hommes ! » Mais, plus on mont
834
olique. « En effet, disait-il, une maison devrait
être
conçue normalement pour abriter les hommes. Il n’est pas naturel de l
835
conçue normalement pour abriter les hommes. Il n’
est
pas naturel de lui ajouter des étages. Car en tombant du quatrième, p
836
u quatrième, par exemple, on se tue. Mais cela ne
serait
rien. Ce qui est grave, c’est que l’invention des étages a permis la
837
mple, on se tue. Mais cela ne serait rien. Ce qui
est
grave, c’est que l’invention des étages a permis la grande ville. La
838
a permis la formation des masses. Avec les masses
sont
nés les grands problèmes sociaux. Et ceux-ci sont à l’origine des gue
839
sont nés les grands problèmes sociaux. Et ceux-ci
sont
à l’origine des guerres du xxe siècle. Tout le mal vient des étages
840
La somme du bien et du mal dans chaque siècle
est
vraisemblablement la même : notre temps n’est pas pire qu’un autre, e
841
cle est vraisemblablement la même : notre temps n’
est
pas pire qu’un autre, en dépit des triomphes du Progrès. Seule, la di
842
Il faut croire que cela nous arrange, — quels que
soient
les prétextes que nous offrent les historiens de l’économie matériali
843
le défi d’une vocation sans précédent, — elles le
sont
toutes. Allez demander aux jeunes gens d’aujourd’hui quel est le sen
844
Allez demander aux jeunes gens d’aujourd’hui quel
est
le sens de leur vie, le goût de leur existence. S’ils trouvent quelqu
845
ombre un sentiment fondamental d’ennui, mais ce n’
est
encore qu’un camouflage. On fait cela pour faire quelque chose, parce
846
tion chrétienne. Essayez de l’appliquer. » Car il
est
clair que cet effort, s’il est sincère, va vous réintroduire dans la
847
ppliquer. » Car il est clair que cet effort, s’il
est
sincère, va vous réintroduire dans la réalité, là où les vrais confli
848
cise instantanément : plus une seconde d’ennui ne
sera
possible. Et votre plainte sera de n’avoir qu’une seule vie. Ennui :
849
econde d’ennui ne sera possible. Et votre plainte
sera
de n’avoir qu’une seule vie. Ennui : chasse gardée du démon. Parce q
850
ir s’échapper pour ne point s’avouer responsable,
soit
que l’on courre se cacher dans les arbres avec le sot espoir que Dieu
851
arbres avec le sot espoir que Dieu nous y oublie,
soit
que l’on monte dans les nues ou qu’à l’inverse on se renfonce dans la
852
ir irresponsable. Tout lui sert d’alibi, tout lui
est
bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’est pas lui, qu’il n’y
853
d’alibi, tout lui est bon pour prouver qu’il n’y
était
pas, que ce n’est pas lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit :
854
st bon pour prouver qu’il n’y était pas, que ce n’
est
pas lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit : tu étais déterminé
855
lui, qu’il n’y peut rien. Sa science lui dit : tu
étais
déterminé, ce n’est pas ta faute ; et sa passion lui dit : c’était vi
856
en. Sa science lui dit : tu étais déterminé, ce n’
est
pas ta faute ; et sa passion lui dit : c’était vital, il n’y a pas de
857
utonome et responsable. Le mal ou le « péché » ne
sont
plus, à leur vue, que les effets d’un trouble temporaire ou chronique
858
s découvrons un nouveau mécanisme de la vie, nous
sommes
aussitôt obsédés par l’idée que « cela explique tout ». Étrange névro
859
ge le foie, tout aussi bien. Qui a commencé ? Qui
est
responsable de cette méchante décision ? L’homme ou son foie ? Nous s
860
te méchante décision ? L’homme ou son foie ? Nous
sommes
bien trop intéressés à nier le péché personnel pour que j’accorde à l
861
les époques classiques, on considère qu’une chose
est
vraie ou fausse, bonne ou mauvaise. Si l’on dit un mensonge, on sait
862
cesse de relever de la vérité ou du mensonge. Il
est
admis, de nos jours, que la passion, l’émotion et l’hystérie même vou
863
, elles n’ont plus à se justifier. J’avais juré d’
être
fidèle, dit un conjoint, mais je m’aperçois que c’est incompatible av
864
u’il lèse mes intérêts vitaux. Alors plus rien ne
tient
, naturellement. Mais voici qui est nouveau : l’on s’en vante, avec l’
865
plus rien ne tient, naturellement. Mais voici qui
est
nouveau : l’on s’en vante, avec l’appui de tous les romanciers, des j
866
nt : notre respect de la passion et de « la vie »
sont
des signes de décadence des passions mêmes et de la vraie vie. J’empr
867
al » au secret d’une conscience moderne : Mais j’
étais
scrupuleux et, devant que je m’abandonne, le démon qui m’entreprenait
868
avait à me persuader que ce qui me sollicitait m’
était
permis, que ce permis m’était nécessaire. Parfois le Malin retournait
869
ui me sollicitait m’était permis, que ce permis m’
était
nécessaire. Parfois le Malin retournait les propositions, commençait
870
le Malin c’est le Raisonneur : « Comment ce qui t’
est
nécessaire ne te serait-il pas permis ? Consens à appeler nécessaire
871
sonneur : « Comment ce qui t’est nécessaire ne te
serait
-il pas permis ? Consens à appeler nécessaire ce dont tu ne peux te pa
872
xhortation, de diabolique. Je croyais alors que j’
étais
le seul à parler et que ce dialogue spécieux je l’engageais avec moi-
873
la théorie de l’espace vital. « Comment ce qui t’
est
nécessaire ne te serait-il pas permis ? Qu’est-ce que le bien, sinon
874
ce vital. « Comment ce qui t’est nécessaire ne te
serait
-il pas permis ? Qu’est-ce que le bien, sinon ta plus grande soif ? Un
875
t’est nécessaire ne te serait-il pas permis ? Qu’
est
-ce que le bien, sinon ta plus grande soif ? Une grande force te viend
876
ande force te viendrait si plutôt que de t’user à
tenir
tes engagements, tu ne luttais plus que contre l’étranger qui t’a for
877
contre l’étranger qui t’a forcé à les signer. Qu’
est
-ce que la vérité contre ton dynamisme ? Qu’est-ce que le droit figé c
878
Qu’est-ce que la vérité contre ton dynamisme ? Qu’
est
-ce que le droit figé contre la vie changeante ? Je vais te le dire :
879
m deutschen Volke nützt. » Autrement dit : ce qui
est
légal, c’est ce qui sert tes intérêts, qui sont les intérêts de la na
880
ui est légal, c’est ce qui sert tes intérêts, qui
sont
les intérêts de la nation. N’est-ce pas ici le lieu de se demander a
881
intérêts, qui sont les intérêts de la nation. N’
est
-ce pas ici le lieu de se demander au nom de quoi nos moralistes de la
882
in very times of weakness. Francis Bacon. Il n’
est
pas de domaine où l’argument de l’espace vital, individuel cette fois
883
n’y a d’unions à jamais légitimes que celles qui
sont
commandées par la vraie passion.24 » La chanson dit plus simplement q
884
on.24 » La chanson dit plus simplement que « tout
est
permis quand on s’aime ». La première conséquence de cette grande per
885
a première conséquence de cette grande permission
est
de faire sauter l’alliance du mariage. Dans la morale que pratiquent
886
branle le monde. Car attaquer au plus intime de l’
être
le sens de l’alliance jurée, c’est faire le lit d’une éthique de barb
887
iendront que l’amour excuse et magnifie ce qui ne
serait
ailleurs qu’impérialisme pur. Il est vrai que l’Évangile lui-même par
888
ce qui ne serait ailleurs qu’impérialisme pur. Il
est
vrai que l’Évangile lui-même pardonne beaucoup à celle qui a beaucoup
889
si cet amour, dont on prétend qu’il permet tout,
est
véritablement de l’amour, ou s’il n’est pas plutôt quelque hantise ab
890
met tout, est véritablement de l’amour, ou s’il n’
est
pas plutôt quelque hantise abusivement parée de ce beau nom. Or chacu
891
beau nom. Or chacun voit que « l’amour » moderne
est
une immense faillite intime de notre civilisation. C’est une affaire
892
ffaire si tragiquement confuse que le diable seul
est
sûr de s’y retrouver. Niera-t-on qu’il s’en donne à cœur joie ? Mais
893
dans « l’amour », c’est simplement tout ce qui n’
est
pas de l’amour. C’est tout ce qui se glisse en nous sous le couvert d
894
sse en nous sous le couvert du mot. Car le diable
est
celui qui n’aime pas, et qui n’aime pas qu’on aime, et dont tout le p
895
ui n’aime pas qu’on aime, et dont tout le plaisir
est
d’altérer nos vertus dans leur source. Vous le sentirez présent, dans
896
, dans sa force immobile, derrière le regard de l’
être
sans amour. Et partout où l’amour est contrefait, vous le reconnaître
897
egard de l’être sans amour. Et partout où l’amour
est
contrefait, vous le reconnaîtrez à ses fruits. S’il est vrai que tout
898
ntrefait, vous le reconnaîtrez à ses fruits. S’il
est
vrai que tout ordre humain repose sur l’alliance, et si l’alliance pr
899
c’est que le plus beau mot de toutes les langues
est
pipé sur nos lèvres par Satan. Nulle époque n’a parlé davantage de l’
900
sion contagieuse dont le foyer dans l’ère moderne
fut
la littérature romantique, et dont les romans et les films sont les a
901
ature romantique, et dont les romans et les films
sont
les agents de diffusion. Cette obsession était devenue la grande affa
902
lms sont les agents de diffusion. Cette obsession
était
devenue la grande affaire de notre civilisation en temps de paix, — l
903
ion de ceux qui n’en voulaient plus. Son empire s’
est
étendu sur les domaines les plus hétéroclites, du mysticisme littérai
904
es vertus viriles et dures. Le bonheur individuel
est
devenu notre tabou : signe de décadence d’une civilisation. Auguste o
905
’approbation des foules. La décadence de la vertu
est
un thème millénaire de l’éloquence sacrée. Mais je signale ici un tra
906
naissante, on espère, on provoque sa fièvre : ce
serait
vivre ! (Faut-il qu’on vive peu.) Plus tard on dit : « C’était fatal.
907
u.) Plus tard on dit : « C’était fatal. Voilà, je
suis
un obsédé. » On y voit une excuse et non plus une défaite, — et moins
908
ridicule. Certes l’amour, de tous les sentiments,
est
celui qui se prête le mieux à justifier l’abdication de soi, puisqu’à
909
plus d’une pente insensible. Il sait que l’amour
est
le domaine par excellence des quiproquos entre le vice et la vertu. N
910
’ailleurs, l’un des premiers effets de la passion
est
de nous empêcher de nous sentir coupables dans l’instant même où nous
911
’instant même où nous savons le mieux que nous le
sommes
. Voyez cette héroïne de Stendhal : « Je ne me fais plus aucune illusi
912
nts où elle osait se livrer à tout son amour : je
suis
damnée, irrémissiblement damnée… Mais au fond, je ne me repens point.
913
point. Je commettrais de nouveau ma faute si elle
était
à commettre. » C’est l’un des plus vieux cris de l’humanité, le plus
914
me, bêtise ou lâcheté, vous avez fait souffrir un
être
, vous pouvez éprouver du remords et le désir de réparer la faute. Mai
915
eussiez-vous fait souffrir dix fois plus le même
être
. Vous voyez le mal, vous le déplorez sans doute, mais « honnêtement »
916
ou même de la haine. Non seulement la lucidité y
est
plus rare et difficile qu’au sein de toute autre passion, mais elle y
917
le qu’au sein de toute autre passion, mais elle y
est
de surcroît parfaitement inutile. « Je vois bien le mal que je fais e
918
u de maladie psychique tout amour dont les fruits
sont
amers, le privant aussitôt de ses droits absolus. Mais nous avons une
919
romantique exaltant la passion « fatale » : c’en
est
fait de la toute petite chance de liberté qui nous restait. Cette « f
920
nous restait. Cette « fatalité » de la passion n’
est
qu’une manière de parler romanesque, mais combien d’amoureux s’en aut
921
volontés secrètes ? C’est l’alibi rêvé : « Je n’y
étais
pas, la fatalité seule est responsable. » Il faudrait un critère abso
922
libi rêvé : « Je n’y étais pas, la fatalité seule
est
responsable. » Il faudrait un critère absolu… Mais justement le diabl
923
la loi ou devant Dieu, vous prenez l’engagement d’
être
fidèle « dans les bons et les mauvais jours » quoi qu’il advienne, po
924
té, quand elle s’oppose à la loi même de la Vie ?
Est
-il “sincère” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais je ne suis plu
925
? Est-il “sincère” de s’y cramponner ? J’ai juré,
soit
, mais je ne suis plus le même. Et dès l’instant que j’aime une autre
926
” de s’y cramponner ? J’ai juré, soit, mais je ne
suis
plus le même. Et dès l’instant que j’aime une autre femme, rester fid
927
ne autre femme, rester fidèle à la fiction légale
serait
une pure hypocrisie.25 » Par malheur, ce beau raisonnement détruit le
928
t de la possibilité de s’entendre sur quoi que ce
soit
. Car pourquoi fait-on des serments ? Précisément parce que l’on sait
929
acent l’intérêt général. Mais si l’on pense qu’il
est
plus « sincère » de suivre son instinct que de garder parole, que le
930
loi, alors on entre dans un monde où l’hitlérisme
est
justifié. L’ordre et la paix n’ont jamais existé qu’en vertu d’un eff
931
r le cœur que le diable nous a pris. Certes, ce n’
est
pas d’hier qu’on trompe sa femme, et qu’on trahit ses serments par am
932
oaths are straw to the fire in the blood. » Ce n’
est
pas la faute qui me paraît nouvelle, c’est la manière de l’accepter a
933
de névrose ou de vertige épidémique : le besoin d’
être
dépossédé de soi, donc possédé par l’extérieur ou l’étranger, par une
934
u contraire par les faiblesses qu’il autorise, il
est
grand temps de le disqualifier au nom et pour l’amour de l’amour même
935
lifier au nom et pour l’amour de l’amour même. Il
est
temps de décourager les innombrables amateurs sans vocation qui l’app
936
magazines à gros tirage. Car cette insignifiance
est
en train de dissoudre les structures qui nous protégeaient contre les
937
les paniques de l’instinct. La morale bourgeoise
est
trop faible. Quand les romanciers attardés attaquent encore ses étroi
938
glante, des démons de la jungle intérieure. Telle
est
la leçon de notre crise. C’est une question de physique sociale plus
939
notre civilisation et pour tout ordre, quel qu’il
soit
, qui mérite l’épithète d’humain. 52. La passion Je parlerai mai
940
sion, signe particulier de la psyché occidentale,
est
né d’un retour de flamme du christianisme dans les marges de l’hérési
941
uée par la croyance en la valeur unique de chaque
être
. Il suppose un objet irremplaçable, et comme prédestiné par un acte d
942
de sang pour toi. » Mais l’idée du divin dans un
être
, source et objet de tout amour profond, va faire naître l’idolâtrie p
943
e souffre l’infini désir, séduit et arrêté par un
être
fini, ne peut se résoudre que dans l’évasion vers le néant. Cette ori
944
rigine et cette catastrophe ne cesseront jamais d’
être
instantes au cœur secret de la passion occidentale. L’une, ignorée ou
945
m de passion. C’est pourquoi la passion peut bien
être
le lieu de la plus grande intensité vitale, en même temps qu’elle se
946
s terrestres et du bonheur. Ce composé ne saurait
être
aussi commun que les romans et l’opéra nous l’ont fait croire. Je met
947
grands amants que de vrais mystiques, la passion
étant
au sentimentalisme normal ce que la mystique est à la religion moyenn
948
tant au sentimentalisme normal ce que la mystique
est
à la religion moyenne. Mais la passion comme la mystique sont de ces
949
ligion moyenne. Mais la passion comme la mystique
sont
de ces attitudes capitales dont les très rares moments de pureté suff
950
e présence et d’absence infinie, créent chez tout
être
passionné l’illusion d’un transport mystique dans l’au-delà du bien e
951
, et la nature elle-même, — que ces interdictions
soient
« légitimes » ou non. Passer outre est le fait de la passion. Mais sa
952
ictions soient « légitimes » ou non. Passer outre
est
le fait de la passion. Mais sacrifie-t-on l’autre ou soi ? Et dans so
953
s soi, le meilleur ou le pire ? Tous les critères
sont
annulés par l’intensité même des paradoxes qui sont l’amour humain da
954
nt annulés par l’intensité même des paradoxes qui
sont
l’amour humain dans sa réalité magnifique et désespérée. Considérez c
955
métamorphose. Celui qui aime veut tout donner à l’
être
aimé. Il donne ce qu’il a de plus beau, il donne ce qu’il n’a pas en
956
qui naît de l’exaltation, il donne enfin ce qu’il
est
, sans réserve. Mais à ce point, il donne aussi le pire. Le pire en lu
957
t, il donne aussi le pire. Le pire en lui, il s’y
était
accoutumé, établissant une sorte d’équilibre du microbe et de la mala
958
be et de la maladie. Mais s’il le communique à un
être
plus faible, ou plus pur, ou qui n’est pas armé pour composer avec ce
959
ique à un être plus faible, ou plus pur, ou qui n’
est
pas armé pour composer avec cette espèce-là de mal, il risque d’altér
960
gnorés de nous-mêmes, que notre passion livre à l’
être
aimé dans la contagion du délire, voici qu’ils apparaissent comme des
961
u’ils apparaissent comme des dons de la haine. Il
est
rare que l’amour ne soit pas criminel, d’une manière invisible peut-ê
962
des dons de la haine. Il est rare que l’amour ne
soit
pas criminel, d’une manière invisible peut-être, quand il dépasse les
963
ser les bornes… Ainsi l’extrême du don, si l’on n’
est
pas un saint, rejoint le viol spirituel. Et si l’on veut tout posséde
964
iol spirituel. Et si l’on veut tout posséder d’un
être
, on risque bien d’en faire un possédé. Où donc le diable est-il inter
965
que bien d’en faire un possédé. Où donc le diable
est
-il intervenu ? Ce Désir qui prenait son essor comme une question arde
966
cible Vérité, comme un élan vers la guérison de l’
être
blessé, vers la plénitude et vers la rédemption, voici qu’il se fait
967
s plus épuisantes tortures. À quel moment l’amour
est
-il devenu souffrance ? Dans le langage de la théologie, il est aisé d
968
souffrance ? Dans le langage de la théologie, il
est
aisé de définir le point : c’est à l’instant où la passion transgress
969
à la diviniser, que le Tentateur a parlé. « Vous
serez
comme des dieux, vous êtes seuls au monde, désormais tout vous est pe
970
ateur a parlé. « Vous serez comme des dieux, vous
êtes
seuls au monde, désormais tout vous est permis… » Mais encore, ce mou
971
ux, vous êtes seuls au monde, désormais tout vous
est
permis… » Mais encore, ce mouvement de l’orgueil fantastique, comment
972
oi… Poursuivons cette analogie. Le coup de foudre
est
le reflet d’une conversion. Il ne se discute pas davantage. Vous êtes
973
conversion. Il ne se discute pas davantage. Vous
êtes
élu « parce que c’est vous, parce que c’est elle ». L’amour accepte a
974
ugustinienne de l’élection. Pour la passion, tout
est
destin, rien n’est mérite, et le « scandale » de la double prédestina
975
lection. Pour la passion, tout est destin, rien n’
est
mérite, et le « scandale » de la double prédestination, au salut ou à
976
ue fois que l’on accueille ou que l’on rejette un
être
, dans le temps d’un premier regard. Voici l’accueil, et l’on entre en
977
clot avec l’image de l’objet aimé. Mais le diable
est
assis dans un coin de la cellule. Il ne fait rien, il vous attend. Il
978
france, son seul baume. Il a cessé de sourire, il
est
à son affaire, guettant les premiers plis de la panique à votre front
979
front. Que va devenir votre bonheur ? Pourquoi l’
être
aimé vous manque-t-il ? Pourquoi s’éloigne-t-il de l’image adorée ? S
980
Alors vous l’accuserez d’une injustice dont il n’
est
pas plus responsable que vous ne l’étiez de votre choix. Qu’il se dét
981
dont il n’est pas plus responsable que vous ne l’
étiez
de votre choix. Qu’il se détourne de vous pour un temps, voici le mon
982
alité. Mais il y a pire. La passion la plus forte
est
celle qui se nourrit d’obstacles, et qui bientôt les crée s’ils vienn
983
faut. Cet usage mystifiant de la réalité, qu’elle
soit
sociale, morale ou naturelle, entraîne un mensonge essentiel qui corr
984
que ; mais qu’elle ne voulait pas que ses laquais
fussent
mis dans le cas de répéter ce même mensonge, car, dit-elle avec naïve
985
t peu dire, car les vrais tourments de la passion
sont
indicibles par essence, ou ne trouveraient à s’exprimer que par les p
986
endresse avide tyrannise ou méprise, que ses dons
sont
autant de violences intimes, et qu’il en vient à souffrir davantage p
987
en vient à souffrir davantage par l’absence de l’
être
aimé qu’il n’a de joie par sa présence. Dans ce dédale de nos enfers
988
r pour déjouer les ruses sataniques ? Il faudrait
être
un saint pour traverser une grande passion sans réjouir le diable ou
989
ait une abnégation dont les plus grands mystiques
furent
seuls capables. Il faudrait surtout conserver la règle d’or de l’amou
990
es de la déficiente réalité, avec la liberté de l’
être
aimé et le respect de son mystère. Rien de moins ne suffirait pour co
991
chef-d’œuvre de l’amour vrai : l’alliance de deux
êtres
qui s’acceptent, qui ne sont plus l’un pour l’autre des prétextes, ou
992
l’alliance de deux êtres qui s’acceptent, qui ne
sont
plus l’un pour l’autre des prétextes, ou des images du délire intime,
993
u délire intime, mais des amis jurés dont l’amour
est
confiance. Contre cette alliance-là, le diable ne peut rien. « L’amou
994
que je n’aie déjà dites sous d’autres formes. Il
est
vrai que tout le monde s’imagine que le péché par excellence réside d
995
perçoit d’une manière assez simple : la sexualité
est
le domaine des tentations à la fois les plus sensibles et les plus co
996
ensibles et les plus communes. Assez peu d’hommes
sont
réellement tentés de voler le portefeuille du voisin, mais presque to
997
portefeuille du voisin, mais presque tout homme s’
est
vu tenté de prendre la femme du voisin, soit en recourant aux raisons
998
mme s’est vu tenté de prendre la femme du voisin,
soit
en recourant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » — soit en se
999
ant aux raisons pathétiques — « c’est vital ! » —
soit
en se persuadant « ça n’a pas d’importance » ; ou les deux ensemble.
1000
s deux ensemble. En vérité, la sexualité en soi n’
est
pas plus diabolique que la digestion ou la respiration. Si la majorit
1001
des Occidentaux se figurent que le péché originel
fut
l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme serait le symbole, c’
1002
t l’acte sexuel, dont la consommation de la pomme
serait
le symbole, c’est parce qu’ils assimilent le péché en général à la te
1003
éral à la tentation par excellence, qui se trouve
être
à leurs yeux la sexualité. C’est une vue bien bornée du péché ! Car m
1004
ve signifierait ce que l’on croit, notez que ce n’
est
pas le geste de manger une pomme qui était mauvais aux yeux de l’Éter
1005
que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui
était
mauvais aux yeux de l’Éternel, ni la pomme en soi (au contraire), mai
1006
tour source de perversion. La paillardise joyeuse
est
certainement l’une des formes les moins diaboliques du péché. Je n’en
1007
naturelles par un certain manque de nécessité. Il
est
nécessaire de manger et de respirer, et il est nécessaire que le sang
1008
Il est nécessaire de manger et de respirer, et il
est
nécessaire que le sang circule, mais on peut vivre en restant chaste.
1009
on peut vivre en restant chaste. L’usage du sexe
est
donc en grande partie libre et conscient. D’autre part, il est lié à
1010
rande partie libre et conscient. D’autre part, il
est
lié à la créativité de l’homme, il en est l’aspect corporel, le symbo
1011
art, il est lié à la créativité de l’homme, il en
est
l’aspect corporel, le symbole ou le signe physique. Or nous savons qu
1012
l’homme peut pécher, c’est uniquement parce qu’il
est
libre, c’est-à-dire parce qu’il peut choisir de créer selon l’ordre d
1013
que dans nos créations les plus abstraites. Il y
est
même plus aisément reconnaissable, et dans cette mesure moins dangere
1014
pruderie morbide du langage et des bonnes mœurs,
est
certes pour beaucoup dans la crise sexuelle dont souffre encore la bo
1015
atanique et les névroses nées de troubles sexuels
serait
simplement la franchise, non pas « scientifique » mais gaillarde. Mai
1016
rime secrètement l’humanité de l’homme. Le sexe n’
est
pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il est lié intimement aux fo
1017
de l’homme. Le sexe n’est pas plus divin qu’il n’
est
honteux, mais il est lié intimement aux fonctions les plus humaines d
1018
n’est pas plus divin qu’il n’est honteux, mais il
est
lié intimement aux fonctions les plus humaines de l’homme, à ses pouv
1019
damentaux. En présence de cet affadissement, l’on
serait
tenté de regretter le temps où Satan proposait des combats plus fécon
1020
us féconds. 54. L’Éternel féminin L’amour n’
est
pas un crime, mais le diable s’en sert, et de préférence à toute autr
1021
, pour aveugler notre sens des valeurs. Le sexe n’
est
pas une honte, mais le diable y trouve l’occasion la plus commune de
1022
traîne vers les hauteurs »… En vérité, la femme n’
est
porte de l’Enfer que pour ceux qui se laissent aller à voir en elle u
1023
romantiques de tous les temps : « Entre nous, ce
sont
choses que j’ai toujours vues de singulier accord : les opinions supe
1024
lle, ou de laisser les autres s’y tromper. Quelle
soit
moins bien armée que l’homme contre Satan, c’est ce que fait voir le
1025
t voir le récit de la Chute. Croyez bien que ce n’
est
point par politesse que le serpent s’adresse à Ève en premier lieu. I
1026
mord dans la pomme. C’est à ce moment que le mal
est
vraiment « consommé ». La femme n’est pas plus diabolique que l’homme
1027
que le mal est vraiment « consommé ». La femme n’
est
pas plus diabolique que l’homme, mais plus facilement égarée, parce q
1028
ses ont si mal tourné. Saint Paul dit que le mari
est
le chef de la femme, et que la femme sans l’homme ne peut être sauvée
1029
de la femme, et que la femme sans l’homme ne peut
être
sauvée. C’est une constatation bien plus qu’une prescription. (Saint
1030
tation bien plus qu’une prescription. (Saint Paul
est
le plus grand réaliste de tous les temps.) Mais le culte romantique d
1031
r son rôle de chef. La femme l’a persuadé qu’elle
était
opprimée. Il la croit, par fatigue, par gain de paix, ou par idéalism
1032
multiplient des conflits inextricables. « L’amour
est
à réinventer », comme toujours, mais pourra-t-on restaurer le mariage
1033
passer à l’échelle de la société. La femme qui n’
est
plus dominée par l’homme — que la faute en soit à l’homme ou à elle-m
1034
n’est plus dominée par l’homme — que la faute en
soit
à l’homme ou à elle-même — perd sa féminité ou devient son esclave. D
1035
-vis d’elle-même et d’autrui, sa première défense
est
de dire « qu’elle ne sait pas ce qui lui arrive. » C’est une feinte,
1036
mant romantique parle ici comme une femme, s’il n’
est
plus maîtrisé par l’homme en lui. Contre les romans et les films, et
1037
lles-mêmes finiront par s’y tromper, et le gâchis
sera
sans remède. Qu’elles rusent, bien, mais cela doit vous amuser. Si vo
1038
près quelques semaines, il dit : — Mon œil gauche
est
perdu, et mes côtes cassées me font encore souffrir, ne m’en veux pas
1039
en t’embrassant. — Ah ! fit-elle, j’ai peut-être
été
sotte, mais les épreuves nous grandissent. Dis-moi maintenant pourquo
1040
a un coup de poing sur l’œil droit. Maintenant il
est
presque aveugle. — Pourquoi donc t’ai-je battu ? lui dit-elle chaque
1041
t’ai-je battu ? lui dit-elle chaque matin. Je ne
suis
pas méchante, et je t’aimais. Pourtant je t’ai battu, je te battrai e
1042
elle le croira. Si je lui dis : — « Cesse donc d’
être
méchante », elle me demandera pourquoi elle est méchante. Or je l’ign
1043
’être méchante », elle me demandera pourquoi elle
est
méchante. Or je l’ignore. Elle me battra de nouveau. Quand elle m’aur
1044
me battra de nouveau. Quand elle m’aura tué, elle
sera
désespérée et je ne veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux serait
1045
é, elle sera désespérée et je ne veux pas qu’elle
soit
désespérée. Le mieux serait de la quitter. Mais alors nous ne saurons
1046
je ne veux pas qu’elle soit désespérée. Le mieux
serait
de la quitter. Mais alors nous ne saurons jamais. Il se tait. « Cet h
1047
s issue L’histoire que l’on vient de lire peut
être
celle d’un couple, mais aussi, d’une certaine manière, celle des rela
1048
sources, avec la crise de nos vies privées. Nous
sommes
au centre de tout le mal dès que nous l’atteignons dans notre cœur. L
1049
lance d’un saint. Ah ! mais jamais un saint ne se
fût
laissé tomber dans une situation pareille ! Descendons maintenant au
1050
oup de pistolet Je me crois en Enfer, donc j’y
suis
. Rimbaud. Évidemment, je n’aurais pas dû entrer. On fait de ces bê
1051
e ces bêtises, par négligence, croit-on. Bref, je
suis
entré, c’était tout juste pour voir si par hasard elle était là. Vous
1052
, c’était tout juste pour voir si par hasard elle
était
là. Vous savez que c’est compliqué, ce bâtiment. Des couloirs et des
1053
r les tables, et tout le monde lisait. Je dis : —
Est
-elle ici ? quelqu’un l’a-t-il vue ? Ils me regardent d’un air vexé. U
1054
ement et me dit à voix basse : — Puisque Monsieur
est
venu, et puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y est évidemm
1055
eur est venu, et puisque Monsieur demande si elle
est
ici, elle y est évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du c
1056
puisque Monsieur demande si elle est ici, elle y
est
évidemment. Mais je rappelle à Monsieur la règle du club : ni questio
1057
même si je n’avais dit que Fine day to day, c’eût
été
une sorte de question ou de réponse. Je pensais que le mieux serait d
1058
e question ou de réponse. Je pensais que le mieux
serait
de m’en aller sans bruit. Mais vous connaissez ces couloirs. Et je ne
1059
ous connaissez ces couloirs. Et je ne voulais pas
être
mis à la porte ! Naturellement, j’aurais dû pousser la première porte
1060
ser la première porte venue, sans y penser, et je
serais
sorti comme j’étais entré. Mais le fait est que je pensais à sortir,
1061
venue, sans y penser, et je serais sorti comme j’
étais
entré. Mais le fait est que je pensais à sortir, et par la bonne port
1062
je serais sorti comme j’étais entré. Mais le fait
est
que je pensais à sortir, et par la bonne porte. Voilà la faute. L’iné
1063
itable se produisit au bout de quelques heures. J’
étais
épuisé, j’avais faim, j’avais soif, je ne rencontrais plus personne.
1064
j’avais soif, je ne rencontrais plus personne. Je
suis
un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette était brûlée. Je me dis : —
1065
Je suis un fumeur invétéré. Ma dernière cigarette
était
brûlée. Je me dis : — Puisque c’est absurde, pourquoi ménager quoi qu
1066
isque c’est absurde, pourquoi ménager quoi que ce
soit
? C’était la question par excellence ! Le résumé de toutes mes erreur
1067
comme fou et je crie : — Pourquoi ? Le directeur
était
assis face à la porte et me regardait comme s’il n’avait rien entendu
1068
ardait comme s’il n’avait rien entendu. Nous nous
sommes
dévisagés un certain temps : je ne trouvais pas son regard, il me sem
1069
où je l’ai compris, il a tiré. — Eh bien oui, je
suis
là, dit-elle. (Je tenais sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.)
1070
a tiré. — Eh bien oui, je suis là, dit-elle. (Je
tenais
sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.) Je suis là parce que tu
1071
s sa main. Je sentis qu’elle avait la fièvre.) Je
suis
là parce que tu es venu, tout simplement. Nous étions couchés chez no
1072
qu’elle avait la fièvre.) Je suis là parce que tu
es
venu, tout simplement. Nous étions couchés chez nous. Je ne sais comb
1073
is là parce que tu es venu, tout simplement. Nous
étions
couchés chez nous. Je ne sais combien de temps cela va durer. Elle dé
1074
e c’est une vraie balle que j’ai dans le cœur, il
est
évident que je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas
1075
alle que j’ai dans le cœur, il est évident que je
suis
mort. Et si vous me dites que la balle n’est pas plus réelle que ce q
1076
je suis mort. Et si vous me dites que la balle n’
est
pas plus réelle que ce qui s’est passé dans la maison, vous supprimez
1077
s que la balle n’est pas plus réelle que ce qui s’
est
passé dans la maison, vous supprimez à la fois toutes les questions p
1078
t donc toute possibilité de réponse à quoi que ce
soit
. Laissez-moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas,
1079
ne me croyez pas, je vais tirer ! 58. Ce livre
est
-il sans issue ? Le monde va finir. La seule raison pour laquelle i
1080
rrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison
est
faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particul
1081
nt le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’
est
-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Baudelaire. Que
1082
à faire sous le ciel ? Baudelaire. Que ce Rien
soit
enfin mon ordre ! C’est le cri même du désespoir, et c’est l’autosadi
1083
espoir, et c’est l’autosadisme de ce siècle. Tout
est
faux mais tout est réel. Puisqu’on en meurt de plus en plus. C’est un
1084
autosadisme de ce siècle. Tout est faux mais tout
est
réel. Puisqu’on en meurt de plus en plus. C’est un cauchemar mais san
1085
la réalité. La guerre existe autour de nous, elle
est
fausse, impossible et réelle. Elle nous dépasse et nous l’avons créée
1086
ous n’y avons pas cru. Peut-être aussi que rien n’
était
possible. Ces pensées augmentent l’amertume. Elles nous suggèrent l’i
1087
me. Elles nous suggèrent l’idée d’une possession…
Est
-ce nous vraiment qui avons laissé les choses en venir là ? Si ce n’es
1088
qui avons laissé les choses en venir là ? Si ce n’
est
pas nous, qui d’Autre ? Ah, nous sommes tous complices ! Mais alors p
1089
là ? Si ce n’est pas nous, qui d’Autre ? Ah, nous
sommes
tous complices ! Mais alors pourquoi mourrons-nous ? Pour ce passé qu
1090
surprenant. Cela paraît absurde et révoltant. Il
est
dur de se défaire de l’idée qu’on était né pour vivre heureux. Jadis
1091
voltant. Il est dur de se défaire de l’idée qu’on
était
né pour vivre heureux. Jadis la tragédie n’était qu’un accident, une
1092
était né pour vivre heureux. Jadis la tragédie n’
était
qu’un accident, une chose qui arrive aux autres, et dans les livres ;
1093
n of casualties… », les familles des victimes ont
été
informées. (Grand développement de l’information dans notre siècle !)
1094
nous informe donc, une fois pour toutes, que nous
sommes
tous de la famille, et que nous sommes aussi les victimes. « Vous ête
1095
, que nous sommes tous de la famille, et que nous
sommes
aussi les victimes. « Vous êtes tous membres les uns des autres », di
1096
le, et que nous sommes aussi les victimes. « Vous
êtes
tous membres les uns des autres », dit l’Évangile. Nous sommes tous d
1097
embres les uns des autres », dit l’Évangile. Nous
sommes
tous dans le bateau qui coule, et en même temps nous sommes tous dans
1098
s dans le bateau qui coule, et en même temps nous
sommes
tous dans le bateau qui vient d’envoyer la torpille. Ce n’est pas une
1099
s le bateau qui vient d’envoyer la torpille. Ce n’
est
pas une image, hélas, c’est simplement une vue d’ensemble. (Tôt et ta
1100
mprenions l’étendue de la catastrophe, et qu’elle
est
vraiment sans limites ? Et qu’il n’y a qu’une humanité ? Et que c’est
1101
elle qui se torpille et se bombarde ? Et que tout
est
inextricable et sans issue ? Que tout est faux, impossible, et réel.
1102
ue tout est inextricable et sans issue ? Que tout
est
faux, impossible, et réel. On me dit : « Il y a les bons et les mécha
1103
me dit : « Il y a les bons et les méchants, nous
sommes
les bons, n’embrouillez donc pas tout. » Je sais, nous sommes en guer
1104
ons, n’embrouillez donc pas tout. » Je sais, nous
sommes
en guerre, et il s’agit de gagner. Mais à quel Bien et à quel Mal avo
1105
quoi lutterez-vous jusqu’à la mort ? Car la mort
est
un absolu… Avec quel bien pensez-vous triompher du mal immense qui en
1106
mal immense qui envahit la terre ? Le moindre mal
sera-t
-il plus fort que le mal même dans son éclat ? Et si vous croyez à Sat
1107
Et si vous croyez à Satan, vous savez bien qu’il
est
aussi dans vous : intelligence avec l’ennemi ! Et si j’y crois, je sa
1108
ce avec l’ennemi ! Et si j’y crois, je sais qu’il
est
aussi dans moi. Il est donc aussi dans mon livre. Alors pourquoi l’éc
1109
i j’y crois, je sais qu’il est aussi dans moi. Il
est
donc aussi dans mon livre. Alors pourquoi l’écrire ? Comment s’en dél
1110
écrire ? Comment s’en délivrer ? Dira-t-on que je
suis
un fou qui croit voir le diable partout ? D’autres ne savent le voir
1111
N’auraient-ils pas regardé l’époque ? Or ce livre
est
l’époque, je le crains. Un peu plus clair seulement, un peu plus dépo
1112
on — c’est peut-être sa cruauté. Mais si l’époque
est
sans issue, si le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’est plus de r
1113
Mais si l’époque est sans issue, si le cauchemar
est
vrai cette fois, s’il n’est plus de réveil possible, pourquoi le dire
1114
ssue, si le cauchemar est vrai cette fois, s’il n’
est
plus de réveil possible, pourquoi le dire et troubler davantage ? « Ô
1115
ah ! taisons-nous, le voici qui revient, et ce n’
est
pas encore notre consolation, mais il est plus dur que la mort et le
1116
et ce n’est pas encore notre consolation, mais il
est
plus dur que la mort et le mutisme de la mort, il est plus pur que no
1117
plus dur que la mort et le mutisme de la mort, il
est
plus pur que nos douleurs, je l’ai nommé : cantique au bleu du ciel.
1118
morale du succès, dans l’Amérique contemporaine,
est
une laïcisation de l’hérésie des puritains, qui déformèrent le calvin
1119
au point de lui faire dire que le succès matériel
est
une marque d’élection. Il se peut que les grandes fortunes puritaines
1120
n. Il se peut que les grandes fortunes puritaines
soient
nées d’un pacte avec le diable, béni et enregistré par les pasteurs.
1121
ravail et la vertu. 21. À cet égard, Hitler aura
été
le plus grand diseur de bonne aventure du siècle. 22. Kierkegaard.
1122
l. 25. Selon cette conception de la sincérité il
serait
hypocrite de dire la vérité quand on a fort envie de mentir. 26. Pro
1123
r méchants, c’est-à-dire que plus vous cherchez à
être
forts à la manière du diable, plus vous lui donnez d’avantages, son b
1124
diable, plus vous lui donnez d’avantages, son but
étant
de vous rendre semblables à lui. Mais si vous ne le faites pas, vous
1125
lables à lui. Mais si vous ne le faites pas, vous
serez
joués, le mal triomphera, et il se fera passer pour le bien. Alors to
1126
ra, et il se fera passer pour le bien. Alors tout
sera
perdu. Si les démocraties opposent aux dictateurs des tanks, des avio
1127
litaires, c’est-à-dire que plus elles cherchent à
être
fortes à la manière des dictateurs, plus elles leur donnent raison en
1128
en principe. Mais si elles ne le font pas, elles
seront
annexées, le « nouvel ordre » se fera passer pour l’ordre. Tout sera
1129
nouvel ordre » se fera passer pour l’ordre. Tout
sera
perdu. La solution est de répondre à l’insensé à la fois selon sa fol
1130
passer pour l’ordre. Tout sera perdu. La solution
est
de répondre à l’insensé à la fois selon sa folie et selon la sagesse
1131
s nous, nous ne deviendrons pas fous. La solution
est
de résister au diable par la ruse et la subtilité, par l’ironie et l’
1132
é, dont il ignore la puissance. Car ainsi nous ne
serons
pas joués, mais les trois grandes Vertus sauront nous préserver de l’
1133
où le diable pourrait nous asservir. La solution
est
d’attaquer le tyran — puisqu’il nous attaque — avec des tanks, des av
1134
’attaquer avec un nouvel idéal. Car ainsi nous ne
serons
pas annexés par l’extérieur, mais nous ne le serons pas non plus par
1135
rons pas annexés par l’extérieur, mais nous ne le
serons
pas non plus par l’intérieur. J’ai tenté jusqu’ici de dénoncer l’acti
1136
souffle doucement sur le visage du patient. Ce n’
est
peut-être que d’un souffle de l’Esprit, passant sur le visage torturé
1137
des hommes… Mais cette attente encore, qu’elle ne
soit
point passive parmi les vigilants, les survivants ! Que l’Esprit vien
1138
it vienne, certes je parlerai ! Mais si je parle,
est
-il déjà venu ? Lui seul le sait. Somnium narrare vigilantis est, dis
1139
u ? Lui seul le sait. Somnium narrare vigilantis
est
, disait Sénèque : conter le rêve est le fait de l’homme qui ne dort p
1140
e vigilantis est, disait Sénèque : conter le rêve
est
le fait de l’homme qui ne dort plus. C’est un écho lointain du grand
1141
r ce peu que j’ai pu dire de nos maux ? Et quelle
est
la vision qui m’éveille ? Je m’essaierai à la décrire, parlant désorm
1142
irituel Le secret de la seule confiance qui ne
soit
pas une illusion réside dans la simple certitude que nous ne sommes p
1143
usion réside dans la simple certitude que nous ne
sommes
pas des dieux, et que nous ne sommes pas Dieu. Car alors, tout ne dép
1144
que nous ne sommes pas des dieux, et que nous ne
sommes
pas Dieu. Car alors, tout ne dépend pas de nous ! Le principe et la f
1145
t la fin de l’Ordre, la sommation, le sens final,
sont
dans la main de Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout était da
1146
on, le sens final, sont dans la main de Dieu, qui
est
le Bien. Si au contraire, tout était dans nos mains, comme le serpent
1147
n de Dieu, qui est le Bien. Si au contraire, tout
était
dans nos mains, comme le serpent tentait de nous en persuader, tout s
1148
mme le serpent tentait de nous en persuader, tout
serait
bientôt gâché et dans les mains du diable. Si nous étions des dieux,
1149
ientôt gâché et dans les mains du diable. Si nous
étions
des dieux, il n’y aurait plus d’espoir : la catastrophe présente étan
1150
’y aurait plus d’espoir : la catastrophe présente
étant
notre œuvre à tous, l’échec des dieux serait avéré, leur faillibilité
1151
sente étant notre œuvre à tous, l’échec des dieux
serait
avéré, leur faillibilité démontrée sans recours. C’est pourquoi l’aid
1152
change Michel, chef suprême des milices célestes,
est
la plus grande qui nous fut donnée dans le combat contre Satan. Car s
1153
des milices célestes, est la plus grande qui nous
fut
donnée dans le combat contre Satan. Car saint Michel irrésistiblement
1154
e son nom qui veut dire : Quis sicut Deus ? « Qui
est
comme Dieu ? » Et ce cri terrasse le diable, cette lance transperce l
1155
lance transperce le serpent qui sifflait : « Vous
serez
comme des dieux. » Le nom même de Michel formule et définit l’ordre c
1156
: Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel. Ton cœur s’
est
élevé et tu as dit : Je suis Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu
1157
l’Éternel. Ton cœur s’est élevé et tu as dit : Je
suis
Dieu, Je suis assis sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu es
1158
cœur s’est élevé et tu as dit : Je suis Dieu, Je
suis
assis sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu es homme, et non
1159
is sur le siège de Dieu au sein des mers ! Toi tu
es
homme, et non Dieu. Par ta sagesse et par ton intelligence Tu t’es ac
1160
Dieu. Par ta sagesse et par ton intelligence Tu t’
es
acquis des richesses Tu as amassé de l’or et de l’argent Dans tes cof
1161
ccru tes capitaux, Et par tes capitaux ton cœur s’
est
élevé. C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Parce que
1162
des mers. En face de ton meurtrier, diras-tu : Je
suis
Dieu ? Tu seras homme, et non Dieu Sous la main de celui qui te tuera
1163
ce de ton meurtrier, diras-tu : Je suis Dieu ? Tu
seras
homme, et non Dieu Sous la main de celui qui te tuera. Face aux Tyra
1164
pour tout l’or du monde je ne souhaiterais pas d’
être
né dans un autre temps ! Tout signifie, autour de nous, tout s’amplif
1165
imensions de la plus vaste poésie ! Tout ce qui m’
est
arrivé ces jours-ci est à l’image de l’histoire mondiale. Jamais nos
1166
te poésie ! Tout ce qui m’est arrivé ces jours-ci
est
à l’image de l’histoire mondiale. Jamais nos objectifs ne furent plus
1167
e de l’histoire mondiale. Jamais nos objectifs ne
furent
plus manifestes. Hitler m’indique en lettres gigantesques tout ce qu’
1168
ons toutes nos batailles, le destin de Satan n’en
est
pas moins scellé. Tout ce qui nous est demandé, c’est de coïncider av
1169
Satan n’en est pas moins scellé. Tout ce qui nous
est
demandé, c’est de coïncider avec l’esprit de cette victoire finale. L
1170
qu’il arrive, le grand Ordre subsiste, la Partie
est
déjà gagnée, — le bleu du ciel n’est pas terni par les nuées de notre
1171
e, la Partie est déjà gagnée, — le bleu du ciel n’
est
pas terni par les nuées de notre angoisse. Et voyez : le jugement fin
1172
qu’ils savent naturellement, comme des brutes… Ce
sont
des nuées sans eau, poussées par les vents ; des arbres d’automne san
1173
astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbres
est
réservée pour l’éternité. » Mais de qui parle-t-il ainsi ? Il tient à
1174
r l’éternité. » Mais de qui parle-t-il ainsi ? Il
tient
à nous que ce ne soit pas de nous… 61. L’exorcisme, ou l’ordre per
1175
qui parle-t-il ainsi ? Il tient à nous que ce ne
soit
pas de nous… 61. L’exorcisme, ou l’ordre personnel Le diable et
1176
gnité, mais qui ont déserté leur propre demeure »
sont
déjà dans l’étang de feu. Du point de vue de l’éternité, c’en est fai
1177
étang de feu. Du point de vue de l’éternité, c’en
est
fait, la partie est gagnée. Mais ce qui nous importe dans ce siècle,
1178
nt de vue de l’éternité, c’en est fait, la partie
est
gagnée. Mais ce qui nous importe dans ce siècle, c’est de nous rendre
1179
danger commun. Mais dans le fond, ces plaintes ne
sont
pas fondées. Une coalition entre souverains, faite sur les principes
1180
les principes d’une morale pure et désintéressée,
serait
un miracle. Dieu, qui ne doit de miracle à personne et qui n’en fait
1181
tacle irréductible, c’est le Saint. Seul un saint
serait
à la hauteur de cette espèce d’héroïsme dans le mal que déploie de no
1182
us éclaire, mais nous condamne aussi, car nous ne
sommes
pas des saints. Et qui donc oserait même, sérieusement, souhaiter d’e
1183
re avec passion vers la sainteté : autrement nous
serons
balayés ! Qu’est-ce que se sanctifier ? L’action du diable étant d’ob
1184
la sainteté : autrement nous serons balayés ! Qu’
est
-ce que se sanctifier ? L’action du diable étant d’obnubiler en nous l
1185
Qu’est-ce que se sanctifier ? L’action du diable
étant
d’obnubiler en nous le sentiment de la culpabilité, et de nous faire
1186
lité qui ont fait tout le mal, l’action contraire
sera
seule sanctifiante. Baudelaire disait que la vraie civilisation consi
1187
consiste dans l’augmentation de notre sentiment d’
être
complices de tout le mal qui se fait dans le monde. Dans la Confessio
1188
umain non équivoque28. Le sommet de la sainteté n’
est
pas dans la certitude illusoire d’être sans péché. Il nous est au con
1189
sainteté n’est pas dans la certitude illusoire d’
être
sans péché. Il nous est au contraire révélé par le Christ lorsqu’il a
1190
la certitude illusoire d’être sans péché. Il nous
est
au contraire révélé par le Christ lorsqu’il accepte de mourir en assu
1191
urir en assumant tout le péché du monde. Le monde
est
plein de démons, ils sévissent par millions, et nous n’arriverons pas
1192
n homme, c’est d’en devenir un soi-même. (Si ce n’
est
pas le seul moyen, c’est assurément le plus court.) Chaque homme viva
1193
rt.) Chaque homme vivant une vie plus responsable
est
une défaite pour le diable, d’ores et déjà, pour les Tyrans aussi ; u
1194
e réaliser dans un ordre social ; le premier nous
étant
donné, le second étant à donner ; le premier figurant la condition de
1195
e social ; le premier nous étant donné, le second
étant
à donner ; le premier figurant la condition de possibilité de tout or
1196
st-à-dire la conscience immédiate d’un absolu qui
serait
, hors de nous, le gage universel du bien et du mal. Et nous voici cou
1197
ous voici coupés des deux sources de l’Ordre, qui
sont
les lois ordonnées de la Création et les interventions ordonnatrices
1198
réées, et de notre dépendance de Dieu. Alors nous
sommes
entrés dans le monde de l’arbitraire, où l’Arbitre tricheur nous affo
1199
n vu que la philosophie de ce monde-là ne pouvait
être
que le nihilisme. Et tôt après, son peuple en a tiré des conséquences
1200
irai la réponse « chrétienne » — le christianisme
est
à réinventer — comme la seule que je sente admirable au-delà des fasc
1201
ondamentale, déterminée et révélée par Dieu comme
étant
l’ordre de sa Création. Et nous avons à redécouvrir l’absolu d’un bie
1202
et d’un mal déterminés et révélés par Dieu comme
étant
l’ordre de sa Volonté. Toute ma confiance repose dans la certitude q
1203
l point qu’un savant, un peintre, un visionnaire,
sont
capables de réinventer le « réel » à sa ressemblance ; mais nous ne p
1204
t l’existant à la quête éternelle d’un accord qui
sera
le nom secret de Dieu. Ah ! nous pouvons mentir, tuer, et nous exclur
1205
, et provoquer ma catastrophe particulière, ce ne
sera
qu’au prix de ma perte, et sans le savoir, que je contribuerai au pla
1206
aincu, me voici relié ! Avec les choses, avec les
êtres
, avec leur science, avec leur mystère, et le mien, — un voisinage m’e
1207
, avec leur mystère, et le mien, — un voisinage m’
est
rendu. 63. L’ordre social C’est au désert que le démon entra da
1208
porte un cœur dénué d’amour et d’espérance. Il n’
est
pas bon que l’homme soit seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme
1209
mour et d’espérance. Il n’est pas bon que l’homme
soit
seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être s
1210
nce. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il n’
est
pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est être seul encore, c’e
1211
soit seul. Il n’est pas bon non plus que l’homme
soit
foule : c’est être seul encore, c’est être seuls en masse. La solitud
1212
t pas bon non plus que l’homme soit foule : c’est
être
seul encore, c’est être seuls en masse. La solitude est un état divin
1213
’homme soit foule : c’est être seul encore, c’est
être
seuls en masse. La solitude est un état divin qui chez l’homme tourne
1214
ul encore, c’est être seuls en masse. La solitude
est
un état divin qui chez l’homme tourne vite au diabolique. « En la sol
1215
verse avec lui-même, et comme a dit un sage, il n’
est
pas toujours sûr qu’il ne converse point là avec son ennemi. »29 Tou
1216
ocial véritable repose sur le voisinage vécu, qui
est
la relation de prochain à prochain30. Sans voisinage réel, vous n’ête
1217
rochain à prochain30. Sans voisinage réel, vous n’
êtes
plus responsable de rien ni de personne. Mais sans le sentiment de la
1218
e la responsabilité de chacun envers autrui, il n’
est
point de liberté civique possible : la dictature devient inévitable d
1219
ient inévitable dans toute société dont la maxime
est
le « chacun pour soi et Dieu pour tous » de ceux qui ne croient pas e
1220
randes distances, des masses et de l’anonymat, ne
sont
plus que d’abstraites contraintes, qui d’ailleurs ne contraignent bie
1221
la police. Mais cet ordre imposé par l’extérieur
est
en réalité le souverain désordre. Il n’y a d’ordre vrai que dans la
1222
leur vocation et qui la servent. Et l’homme libre
est
le seul qui respecte la liberté de ses semblables. Tout cela se tient
1223
specte la liberté de ses semblables. Tout cela se
tient
. Sens du prochain, responsabilité, et liberté sont choses intimement
1224
ent. Sens du prochain, responsabilité, et liberté
sont
choses intimement liées ; elles s’engendrent mutuellement et ne peuve
1225
Ceux qui n’ont pas encore compris que la liberté
est
le fondement vivant de l’ordre ; qu’elle ne peut être donnée à person
1226
le fondement vivant de l’ordre ; qu’elle ne peut
être
donnée à personne, mais seulement assumée par chacun comme un risque
1227
r chacun comme un risque sans précédent ; qu’elle
est
« incompatible avec la faiblesse », comme le disait Vauvenargues, c’e
1228
ceux qui n’ont pas encore compris que la liberté
est
foncièrement incompatible avec tout cela ; ceux qui ne savent pas pro
1229
u’envie s’ils en savaient les conditions. Mais il
serait
insuffisant de démasquer l’hypocrisie, et Dieu sait si les mots démoc
1230
et Dieu sait si les mots démocratie et liberté en
sont
une, pitoyable ou scandaleuse, dans la bouche de milliers de nigauds
1231
de nigauds ou de cyniques qui s’en prévalent. Ce
serait
insuffisant et même dangereux. Car cette hypocrisie est encore un hom
1232
suffisant et même dangereux. Car cette hypocrisie
est
encore un hommage que la faiblesse des foules rend à quelque idéal tr
1233
echerche de moyens d’incorporer cet idéal, qui ne
soient
point eux-mêmes des trahisons de leur fin. Il faut aider les hommes s
1234
ir un peu plus responsables, un peu plus dignes d’
être
libres, un peu plus dignes de se faire tuer ou de tuer, nous en somme
1235
plus dignes de se faire tuer ou de tuer, nous en
sommes
là, au nom de la liberté et de la démocratie. Cet « un peu » représen
1236
ssant le ton, sans nul effort de persuader. Je me
tiens
l’argument suivant : le gigantisme moderne prive les hommes de la pos
1237
isme moderne prive les hommes de la possibilité d’
être
et de se sentir responsables dans la société et dans la politique, do
1238
bles dans la société et dans la politique, donc d’
être
libres ; cette irresponsabilité anxieuse appelle la dictature par l’i
1239
changer de méthodes ou d’attitude ; mais quelles
sont
les méthodes et l’attitude contraires au gigantisme et capables de le
1240
u se faire entendre. Les conséquences des actions
sont
visibles, l’amour et la haine sont tangibles, et les pouvoirs peuvent
1241
es des actions sont visibles, l’amour et la haine
sont
tangibles, et les pouvoirs peuvent être contrôlés et soutenus par le
1242
la haine sont tangibles, et les pouvoirs peuvent
être
contrôlés et soutenus par le citoyen, en connaissance de cause et de
1243
e cette « utopie », qui s’appelle le fédéralisme,
est
la seule qui permette aux mots de liberté, d’ordre, d’humanité et de
1244
hors de la guerre et de l’État totalitaire, qui n’
est
rien d’autre que l’état de guerre en permanence ? Beaucoup de choses
1245
ses impossibles nous arrivent. Un beau jour elles
sont
là, malgré nous. Ne serait-il pas temps de vouloir ce qui arrive, de
1246
vent. Un beau jour elles sont là, malgré nous. Ne
serait
-il pas temps de vouloir ce qui arrive, de vouloir l’impossible favora
1247
dans nos volontés égarées : tous les mots clairs
sont
des mots d’ordre. Or que voyons-nous aujourd’hui ? « Liberté », « or
1248
démocrate « véritable ». Mais l’autre dictateur s’
est
dressé contre lui au nom de la « vraie » démocratie, celle des Soviet
1249
titulent très sincèrement démocraties, mais qu’il
tient
pour des ploutocraties. Faut-il penser qu’on se tue pour des malente
1250
a-t-il derrière ces mots des réalités simples qui
seraient
d’une part la tyrannie et d’autre part la liberté ? Mais dites-moi do
1251
autre part la liberté ? Mais dites-moi donc ce qu’
est
la liberté, pour vous ? Vous hésitez, c’est compliqué, et plus vous y
1252
garder cette liberté, et c’est très bien. Mais ce
serait
mieux encore si le mot avait un sens que l’on pût déclarer sans hésit
1253
ennemis aussi se font tuer.) Les mots ne peuvent
être
efficaces que s’ils ont un sens défini. Et ce qui définit le sens d’u
1254
ent des actes. Or cette correspondance ne cesse d’
être
arbitraire qu’en vertu d’un accord unanime. C’est dire qu’elle ne peu
1255
tion, un droit, une foi et une autorité communes,
sont
seules capables de définir le sens de ce qu’on appelle les mots coura
1256
urent partout ne mènent nulle part. Notre langage
est
débrayé. Plus on parle, moins on s’entend. La mort seule met tout le
1257
uvent plus se taire ni nuit ni jour, où la parole
est
débitée à tant la seconde, qu’il y ait ou non des auditeurs, qu’il y
1258
la grande prostitution de cette parole qui devait
être
la mesure du vrai, et dont l’Évangile dit que dans sa source elle est
1259
i, et dont l’Évangile dit que dans sa source elle
est
« la vie et la lumière des hommes » ! Hélas, qu’avons-nous fait de la
1260
ait plus même mentir dans certaines bouches, elle
est
tombée plus bas que le mensonge, je veux dire dans l’insignifiance. A
1261
u bavardage aimable ou ému des speakers ! Lui qui
est
le grand confusionniste, lui qui n’aime rien tant que l’équivoque fla
1262
l, le gâtisme des fins de banquet ; et quand nous
sommes
abêtis de discours, lui, le romantique qui nous suggère que l’indicib
1263
i, le romantique qui nous suggère que l’indicible
est
peut-être plus vrai que la parole claire et nette ! Il sait qu’en con
1264
rganise enfin cette inflation verbale, les mots n’
étant
plus « couverts » par des actes, dont il espère, non sans raison, qu’
1265
re sens moral… J’allais écrire que le seul remède
serait
de lui opposer la sémantique, qui est la science des significations,
1266
l remède serait de lui opposer la sémantique, qui
est
la science des significations, du langage précis et nuancé, gagé par
1267
e entièrement fondé sur les mots31. (Ce ministère
était
jadis l’Église. Une analyse de nos vocabulaires montrerait que le peu
1268
gt remèdes de ce genre : mais je sais trop qu’ils
seront
sans vertu dans le monde informe et gigantique où nous vivons. Et pui
1269
proposer après mille autres mes réformes. Le mal
est
trop profond, le désespoir trop vrai, les hommes trop occupés à se dé
1270
ment, trop dépourvus de prises pour qu’un conseil
soit
encore entendu. Mais voici la confiance indestructible qui remonte à
1271
rumeurs et rétablit le silence adorant : nous ne
sommes
pas maîtres de détruire la vraie Parole ! Tous les mensonges du diabl
1272
s qu’on ne pourrait plus s’entendre. Mais si deux
êtres
communiquent, si ces mots tout d’un coup me mettent en mouvement, si
1273
à me rendre à ma force, par ce miracle le langage
est
restauré dans sa puissance originelle et créatrice. Un tyran ou l’Éta
1274
étouffer la libre parole » : au point où elle en
est
, ce ne serait pas un grand mal. Mais ils ne pourront rien sur le myst
1275
a libre parole » : au point où elle en est, ce ne
serait
pas un grand mal. Mais ils ne pourront rien sur le mystère qui fait q
1276
nts, certains mots nous parlent, et non d’autres,
fût
-ce à voix basse, au secret d’un cachot. Ils pourront réduire au silen
1277
is aller plus loin. Car voici Pâques où la Parole
est
à jamais ressuscitée ; et dans la confusion des langues et des menson
1278
temps, et peut-être nous fait pleurer, puis tout
est
clair et juste de nouveau. N’opposons pas au diable des injures, qu’i
1279
e désir. Il nous suffit de retrouver le courage d’
être
vertueux. Il nous suffit de rendre à la vertu sa gloire. Certes, nou
1280
u si triste chose qu’il paraissait mesquin de s’y
tenir
. Personne n’osait plus en parler : elle n’était plus que la moralité.
1281
y tenir. Personne n’osait plus en parler : elle n’
était
plus que la moralité. Je ne sais quel ridicule s’attachait au mot mêm
1282
trisé jadis les héros de la Révolution. La morale
était
ennuyeuse, et le gangster plein de prestige. Le bon ton consistait en
1283
’une manière convaincante que l’homme « moral » n’
était
qu’un hypocrite, un faible, un refoulé ou un raseur. Mais la guerre n
1284
foules, la démission sans élégance de nos élites,
est
-ce que c’est cela qu’il faut sauver au prix de sa vie ? Je réponds pa
1285
Je réponds paisiblement non. Que tout ce qui peut
être
détruit, le soit. Que tous les sourds trop sourds pour entendre l’ale
1286
lement non. Que tout ce qui peut être détruit, le
soit
. Que tous les sourds trop sourds pour entendre l’alerte périssent dan
1287
nt dans la surdité. Qu’y pouvons-nous ? La bêtise
est
inexorable : rien au monde ne saurait l’empêcher de se détruire. Et s
1288
l’empêcher de se détruire. Et si l’on tue ce qui
était
déjà mort, je n’y vois pas d’inconvénient. Tout cela ne m’empêchera p
1289
plus doucement et sans rien condamner : l’heure n’
est
-elle pas trop grande pour nos cris ? Je voudrais dire le bien et les
1290
de vivre et d’assumer un destin neuf. La vertu n’
est
plus ennuyeuse quand les vertueux ont disparu avec les vieilles quere
1291
e ce ton : « L’égoïsme a aussi sa niaiserie, il n’
est
pas moins ignorant sur ce qui est bon que l’honnêteté sur ce qui est
1292
niaiserie, il n’est pas moins ignorant sur ce qui
est
bon que l’honnêteté sur ce qui est mauvais. » « Pour connaître les ho
1293
ant sur ce qui est bon que l’honnêteté sur ce qui
est
mauvais. » « Pour connaître les hommes, il ne suffit pas de les mépri
1294
mépriser. »35 « Les personnes faibles ne peuvent
être
sincères. »36 Et je rêve d’une anthologie de ces maximes d’une fierté
1295
et nos vanités faibles, et qu’elle nous permet d’
être
libres comme ceux qui n’ont plus rien à perdre. Je pense à cette pure
1296
e malheur nous rendra sobres, et que l’empire qui
était
échu aux plus bavards sera restitué aux taciturnes par l’éducation du
1297
, et que l’empire qui était échu aux plus bavards
sera
restitué aux taciturnes par l’éducation du danger et la coutume de la
1298
e avait raison, « les hommes ne savent rien, tout
est
devant eux, tout arrive également à tous : même sort pour le juste et
1299
et le Sang, « qui rendent témoignage et les trois
sont
d’accord »38. Je lui oppose le Feu des langues, le Sel et l’Huile. Je
1300
lui oppose aussi les œuvres d’hommes où sa part a
été
consumée. Je lui oppose le bleu du ciel. Le bleu des ciels que j’ai a
1301
éfutent les sophismes de l’Abîme comme une aube d’
été
évapore les brumes ! On dit que le démon aime l’heure de minuit. Ah !
1302
ue lui donne la parabole du bon Samaritain. — Qui
est
mon prochain ? — Celui qui a besoin de ton aide, ou celui qui t’en do
1303
oin de ton aide, ou celui qui t’en donne. Ce peut
être
n’importe quel homme, celui qui passe sur ton chemin et qui s’arrête…
1304
presse libre, meetings, conférences. La monarchie
était
fondée sur le rite, les formules consacrées, la cérémonie plastique.
1305
consacrées, la cérémonie plastique. La dictature
est
le régime des coups et la parole n’y est plus que mensonge dirigé. 3
1306
ictature est le régime des coups et la parole n’y
est
plus que mensonge dirigé. 32. Je ne parle pas de l’immoralité, j’ign
1307
Je ne parle pas de l’immoralité, j’ignore si elle
était
plus grande qu’en d’autres temps. Je dis seulement qu’on n’avait même
1308
d’un blanc rosé, et la moitié du plafond incliné
est
en vitrage, noir la nuit, strié de joints blancs. Deux larges et bass
1309
ormant terrasse, d’une maison de trois étages qui
est
un couvent. Les nonnes deux par deux vont et viennent sur ce toit en
1310
oindre prétexte. À deux heures aujourd’hui, je me
suis
enfermé sans plus bouger, entre mon fauteuil et ma table — les deux b
1311
Aires40, des notes éparses. À sept heures, je me
suis
mis à écrire. Il est dix heures et j’ai devant moi l’introduction et
1312
arses. À sept heures, je me suis mis à écrire. Il
est
dix heures et j’ai devant moi l’introduction et les trois premiers ch
1313
ers chapitres terminés. J’ai faim, j’ai froid, je
suis
heureux et cours dîner pour 50 cents à la cafétéria du coin. 22 févri
1314
x signes m’ont prouvé que jusqu’à nouvel ordre je
suis
le prisonnier de mon livre et ferais bien de ne plus m’en échapper. J
1315
La salle étroite et profonde paraît vide. Il doit
être
environ neuf heures et demie. J’hésite sur le seuil : va-t-on me serv
1316
fui. Pas d’autre restaurant dans ce quartier. Je
suis
monté sans dîner chez mes amis. Je n’en ai pas de plus charmants dans
1317
rien fait qui vaille de toute la nuit. Voilà qui
est
clair : ou écrire, ou sortir. 26 février À Town Hall, Wanda Landowska
1318
llé toute la nuit et l’émotion me fait dormir. Je
suis
sorti pénétré d’une ivresse dont j’imagine qu’elle est l’état normal
1319
orti pénétré d’une ivresse dont j’imagine qu’elle
est
l’état normal des anges, et décidé à tout recommencer. Je ne puis ent
1320
, sans relâche et sans repentir, d’une pensée qui
soit
digne encore d’être pensée, d’être reçue, dans le monde établi par un
1321
ns repentir, d’une pensée qui soit digne encore d’
être
pensée, d’être reçue, dans le monde établi par une seule fugue de Bac
1322
une pensée qui soit digne encore d’être pensée, d’
être
reçue, dans le monde établi par une seule fugue de Bach ? 1er mars Je
1323
eu le matin ou l’après-midi. La femme de ménage n’
est
plus venue. Suie sur les meubles, dans les tasses. 5 mars Quand je me
1324
les meubles, dans les tasses. 5 mars Quand je me
suis
endormi au matin, si le téléphone appelle un peu plus tard et que je
1325
fth Avenue dans la foule ralentie du samedi. Ce n’
est
pas encore le printemps, mais la saison s’émeut obscurément. Un vent
1326
beau ciel de nuées atlantiques, pour que le monde
soit
de nouveau plus grand que la guerre, et le cœur plus libre d’aimer ?
1327
es ? Vous avez encore une vie intérieure ? Moi je
suis
mort depuis deux ans. Je me sens posthume. » Bien que nous soyons à p
1328
is deux ans. Je me sens posthume. » Bien que nous
soyons
à peu près du même âge, voilà un homme plus moderne que moi. 16 mars
1329
moi. 16 mars Réveillé il y a quelques minutes, il
est
onze heures du matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre est-el
1330
lques minutes, il est onze heures du matin, je me
suis
dit : « Pourquoi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boîte est b
1331
u matin, je me suis dit : « Pourquoi cette lettre
est
-elle pliée en deux ? Ma boîte est bien assez profonde pour ce format,
1332
oi cette lettre est-elle pliée en deux ? Ma boîte
est
bien assez profonde pour ce format, le facteur devrait le savoir ! »
1333
oîte métallique. J’ai passé ma robe de chambre et
suis
descendu les trois étages jusqu’au vestibule : oui, c’est cela, l’env
1334
au vestibule : oui, c’est cela, l’enveloppe grise
est
là, pliée. (Une facture de blanchisseur !) Il me semble que la chose
1335
de blanchisseur !) Il me semble que la chose ne m’
était
plus arrivée depuis douze ou treize ans, depuis Calw41. Ma faculté de
1336
sément, chaque fois qu’elle se manifestait, que j’
étais
déconnecté du monde de l’utile. 20 mars Pluie torrentielle et fonte d
1337
fonte des neiges. Les nonnes ne sortent plus, ou
sont
peut-être tombées dans la cour. Des gouttes chargées de suie s’écrase
1338
suie s’écrasent sur mon papier, la verrière doit
être
fendue ou mal jointe. Raccommodé avec un ligament de ficelle verte le
1339
s du matin. José Bergamin assure que le printemps
est
la saison du diable. Mais j’aurai terminé dans peu. 23 mars Une lettr
1340
me plaît d’ajouter le récit d’une soirée où nous
fûmes
« visités », dans notre maison de Ferney, le 29 juin 1954. Après le d
1341
ès le dîner, sentant l’atmosphère favorable, nous
étions
six, heureusement accordés, je suggérai que l’on joue aux questions e
1342
hérien de langue française ». L’une des questions
était
: « Qu’arriverait-il si Jean-Paul devenait pape ? » Réponse : « Le pa
1343
i Jean-Paul devenait pape ? » Réponse : « Le pape
serait
luthérien. » Deuxième échange : « Qu’est-ce que la mystique ? » Répon
1344
pape serait luthérien. » Deuxième échange : « Qu’
est
-ce que la mystique ? » Réponse : « C’est un petit jardin fermé qui s’
1345
uvrira à Pâques. » (On sait que le hortus clausus
est
un symbole fondamental du mysticisme, flamand et rhénan notamment.) M
1346
rt de siècle, la première question que je me pose
est
celle de son sujet et de sa réalité. Est-ce que je crois encore à l’e
1347
me pose est celle de son sujet et de sa réalité.
Est
-ce que je crois encore à l’existence du diable ? Je crains bien de ne
1348
question directe une réponse sans détour, et cela
tient
à la nature même du sujet, ambiguë jusqu’à la contradiction, jusqu’au
1349
par non-être, néantit42. Mon scepticisme, ainsi,
serait
une preuve de l’existence précisément qu’il met en doute ? En revanch
1350
revanche, si je dis que je crois au diable, ce n’
est
nullement une preuve qu’il existe, ou qu’il n’ait plus ni rien de moi
1351
ien de moi ni rien en moi. Par où l’on voit qu’il
est
presque impossible de parler de lui d’une manière innocente ou détach
1352
n consiste à convaincre les intellectuels qu’il n’
est
que l’expression mythique des terreurs intimes d’hommes simples et qu
1353
les et qui n’ont pas lu Freud. Ainsi le diable ne
serait
rien qu’une projection. Si vous voulez savoir le sens du terme, consu
1354
la connaissance en autrui de ce qui, précisément,
est
méconnu dans le sujet. b) Comme un processus d’expulsion quasi réelle
1355
ne pas vouloir connaître », mais « ne pas vouloir
être
». La première perspective ramène la projection à une illusion, la se
1356
engendré Jésus-Christ. » Et quand le pauvre homme
était
dans le feu, il criait à l’aide et toujours disait qu’il n’était rien
1357
eu, il criait à l’aide et toujours disait qu’il n’
était
rien de tout cela. Par quoi le dit Roma le mit cinq fois sur le feu,
1358
quoi le dit Roma le mit cinq fois sur le feu, et
fut
le pauvre homme tellement brûlé que jamais depuis ne se soutint sur s
1359
que jamais depuis ne se soutint sur ses pieds et
est
mort en prison pour les pieds et les nerfs qu’il avait brûlés.43 Un
1360
traiter d’« illusion » cette projection : car il
est
clair que le moine se trompait sur lui-même plus encore que sur sa vi
1361
sa victime et sur la location de Lucifer. Mais ce
serait
une illusion au second degré que de croire que le diable n’est rien p
1362
ion au second degré que de croire que le diable n’
est
rien parce que Jean de Roma se trompait, alors que son erreur témoign
1363
n erreur témoigne du contraire, révèle le diable,
est
typiquement œuvre du diable. La projection est illusion, dit-on. Si l
1364
e, est typiquement œuvre du diable. La projection
est
illusion, dit-on. Si le diable est projection, il est donc illusoire.
1365
La projection est illusion, dit-on. Si le diable
est
projection, il est donc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; ell
1366
illusion, dit-on. Si le diable est projection, il
est
donc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; elle est, par suite, r
1367
nc illusoire. Mais cette illusion-là opère ; elle
est
, par suite, réalité… Réalité de quoi, sinon de ce qui n’est pas ? Réa
1368
uite, réalité… Réalité de quoi, sinon de ce qui n’
est
pas ? Réalité du diable, donc. Quant à la seconde forme de projection
1369
onde forme de projection, on ne peut dire qu’elle
soit
trompeuse : elle n’est pas illusion sur moi-même mais action, elle es
1370
, on ne peut dire qu’elle soit trompeuse : elle n’
est
pas illusion sur moi-même mais action, elle est refus délibéré de ce
1371
n’est pas illusion sur moi-même mais action, elle
est
refus délibéré de ce que mon vrai moi désavoue tout en sachant que c’
1372
nt que c’est réel et que c’est en moi. Que le mal
est
en nous, non de nous, voilà ce qu’implique la croyance au diable. Il
1373
s, voilà ce qu’implique la croyance au diable. Il
est
à l’œuvre dans l’intimité la mieux gardée de mon individu, mais non p
1374
t qui me permet de prendre mes distances avec mon
être
naturel, de le juger, et d’abord de le voir. Je me vois mauvais, qu’e
1375
er, et d’abord de le voir. Je me vois mauvais, qu’
est
-ce à dire ? Sinon que le mal que je vois agit en moi sans être moi. C
1376
e ? Sinon que le mal que je vois agit en moi sans
être
moi. C’est un personnage étranger qui parasite mon individu. Je l’exp
1377
éconnaissance » : je sais très bien que le diable
est
en moi et que c’est là que je puis l’attraper. Il s’agit encore moins
1378
tion le mécanisme de cette conjuration du mal qui
est
en moi, n’autorise pas à nier la réalité du mal, mais ne suffit pas d
1379
ne suffit pas davantage à établir la réalité de l’
être
spirituel qui en serait le fauteur. Un processus psychologique ne pro
1380
e à établir la réalité de l’être spirituel qui en
serait
le fauteur. Un processus psychologique ne prouve rien que l’efficacit
1381
en que l’efficacité de sa structure. Mais il n’en
est
pas moins indispensable à toute saisie d’une éventuelle transcendance
1382
entuelle transcendance. En d’autres termes : — Un
être
spirituel n’est rien pour l’homme qui n’en a jamais fait l’expérience
1383
dance. En d’autres termes : — Un être spirituel n’
est
rien pour l’homme qui n’en a jamais fait l’expérience. Même si cet êt
1384
qui n’en a jamais fait l’expérience. Même si cet
être
existe en soi dans ce monde ou dans l’anti-monde, dans l’immanence ou
1385
« objective » d’une entité correspondante : elle
est
seulement la condition sine qua non d’une ouverture à sa réalité hypo
1386
existence du diable (ou de l’existence de Dieu) n’
est
donc pas une question détachée, détachable d’une expérience, fût-elle
1387
e question détachée, détachable d’une expérience,
fût
-elle l’éclair de la Révélation. — Mais jamais l’expérience n’a tranch
1388
e du diable : j’ai fait sentir seulement que ce n’
est
pas si simple… En ce point, une méthode négative peut aider : je vais
1389
ilité trompeuse. — J’ai écrit ce livre comme s’il
était
plus facile, ou moins radicalement impossible de connaître le diable
1390
sible de connaître le diable que Dieu. Comme si j’
étais
donc dans l’idée que nous avons tous une expérience plus concrète et
1391
t de l’erreur que du bien et de la vérité. Ceci n’
est
guère défendable en logique, mais correspond à quelque chose que le m
1392
rreur ne suffisent pas à rendre nulle à mes yeux.
Est
-ce la logique qui est insuffisante ? Ou disposerais-je d’une connaiss
1393
à rendre nulle à mes yeux. Est-ce la logique qui
est
insuffisante ? Ou disposerais-je d’une connaissance du Bien assez imm
1394
concevoir et même dire, sans trop de crainte d’en
être
atteint, ce qui pèche ? Or je sais que l’homme n’est pas bon. Il naît
1395
atteint, ce qui pèche ? Or je sais que l’homme n’
est
pas bon. Il naît tel que l’a fait son programme génétique, lequel ne
1396
a fait son programme génétique, lequel ne saurait
être
« bon », que par une chance sur, mettons, dix milliards. Mais cette c
1397
ables : ce nombre représentant le Mal. (Le diable
est
Légion.) Mal est ce qui empêche le bien de s’épanouir. Je me forme ai
1398
représentant le Mal. (Le diable est Légion.) Mal
est
ce qui empêche le bien de s’épanouir. Je me forme ainsi une connaissa
1399
indispensable dans cette conjoncture. Sinon tout
est
absurde, et mon livre d’abord dans toute la mesure où il est cohérent
1400
, et mon livre d’abord dans toute la mesure où il
est
cohérent et ne traite que de son sujet. C’est le plus grave reproche
1401
aire, et je m’étonne que si peu de critiques s’en
soient
avisés jusqu’ici… diable et Invention. — À Madrid, dans le parc du R
1402
-on, se jeta dans le volcan pour se prouver qu’il
était
dieu et n’en revint pas. Je parlais d’un ordre du monde, voulu par Di
1403
nous incite à contrevenir. Mais aujourd’hui je ne
suis
plus sûr du tout que cet ordre du monde, par hypothèse, soit nécessai
1404
ûr du tout que cet ordre du monde, par hypothèse,
soit
nécessairement immuable ou éternel, et qu’il ne prévoie pas l’action
1405
re, mais pour lui, comme agent de son évolution —
soit
vers une progressive transfiguration, ou vers une lente dégradation d
1406
, semeur de doute et négateur, censeur et juge ? (
Étant
maintenu que cette efficacité ne devient telle qu’à travers nous et p
1407
re VIII. Méphisto ne peut rien que par Faust.) Il
est
clair que le diable inspire les techniques, c’est-à-dire les moyens d
1408
ns, formulations ou certitudes provisoires qui ne
soit
née de la mise en question, voire de la négation de celles qui précéd
1409
e la négation de celles qui précédaient. Le doute
est
le premier temps de toute recherche, la première condition de l’inven
1410
la première condition de l’invention — la seconde
étant
la passion de s’exposer à l’inconnu — comme un film s’expose à la lum
1411
ais cette passion qui anime le jeu de massacre qu’
est
la vie intellectuelle, c’est celle d’un meilleur bien, d’une qualité
1412
, le négateur crée malgré lui, dans le sens où il
est
écrit que « le méchant fait une œuvre qui le trompe » : s’il fait œuv
1413
L’Administrateur. — Cioran écrit que le diable n’
est
« qu’un administrateur, qu’un préposé aux basses besognes, à l’histoi
1414
et leurs émules dans le zèle imbécile. Mais nous
étions
en guerre, tout voyage interdit. Ce chapitre eût alors introduit celu
1415
fait d’autre qu’obéir aux ordres d’En Haut : il n’
était
qu’un exécutant, qu’un fonctionnaire, qu’un administrateur des « dure
1416
qu’un administrateur des « dures nécessités » (ce
sont
les seules qu’il admette), un agent du Sens de l’Histoire et de ses c
1417
es catastrophes moralisantes. C’est le rôle qu’il
tenait
déjà dans l’affaire Job. Plus malin que démon. — Au total, ce qui pe
1418
ndues sensibles par celles du châtiment. Je ne me
suis
attaché qu’aux ruses du Malin, dans leurs versions contemporaines. On
1419
s versions contemporaines. On dira que mon diable
est
« bien intellectuel »… Mais ma seule crainte est d’avoir laissé croir
1420
est « bien intellectuel »… Mais ma seule crainte
est
d’avoir laissé croire qu’il pourrait être, s’il existe, autre chose q
1421
crainte est d’avoir laissé croire qu’il pourrait
être
, s’il existe, autre chose qu’un intellectuel, et j’entends bien, un i
1422
ends bien, un intellectuel d’opposition ! (Ils le
sont
tous, en tant que tels, même s’ils servent ou croient servir les Banq
1423
ction, ou un social-fascisme.) L’action du diable
est
le modèle de l’action des intellectuels : ils n’ont jamais le pouvoir
1424
intellectuels n’ont jamais le pouvoir, et s’il n’
est
pas question qu’ils le prennent, ce n’est point par accident mais par
1425
s’il n’est pas question qu’ils le prennent, ce n’
est
point par accident mais par définition. Que servirait à une oppositio
1426
gagner le pouvoir, si elle y perdait sa raison d’
être
, qui est d’être contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tou
1427
pouvoir, si elle y perdait sa raison d’être, qui
est
d’être contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tout au moin
1428
ir, si elle y perdait sa raison d’être, qui est d’
être
contre ? C’est sa manière à elle de le créer. (Ou tout au moins d’y c
1429
itique, pour des siècles, aurait toutes chances d’
être
déterminé par le camp qui avait le plus d’avions, j’oubliais sans dou
1430
taline persévère dans sa ligne actuelle » (p. 77)
est
une de ces erreurs inévitables quand on veut illustrer des prévisions
1431
recours à l’imagerie courante, or c’est elle qui
sera
la première démodée, à coup sûr. Mais je puis aussi marquer un point
1432
religions aberrantes ». Si l’on me dit qu’elle n’
est
pas en vue, c’est qu’on ignore à peu près tout du phénomène religieux
1433
de Vatican II et des progrès de l’œcuménisme, il
est
patent que les Églises organisées ont perdu le contrôle des instincts
1434
espèces de religions gnostiques, dont la fonction
sera
de libérer l’esprit des horaires de travail et des loisirs conditionn
1435
ons qui l’entretient et le rend immuable. L’ennui
sera
le produit principal de la régulation de nos vies par l’État. Il sera
1436
cipal de la régulation de nos vies par l’État. Il
sera
la mesure morale de l’accroissement de l’entropie sur la planète. Les
1437
tropie sur la planète. Les religions qui viennent
seront
donc subversives, violemment négatives, irrationnelles, anarchisantes
1438
ivan remplacera le lit de torture. Mais le diable
sera
, comme avant, chez les Inquisiteurs et non chez leurs victimes — ces
1439
et non chez leurs victimes — ces « névrosés » qui
sont
le sel de la Terre ! Très curieuse omission. — À l’époque où j’écriv
1440
quoi cette étrange omission ? Parce que le diable
était
mort depuis longtemps déjà, et qu’on n’avait même plus l’idée de le r
1441
? Ou parce qu’il avait réussi mieux que jamais, s’
était
fait oublier totalement, ou encore s’était fait passer pour communist
1442
ais, s’était fait oublier totalement, ou encore s’
était
fait passer pour communiste chez les libéraux et pour fasciste chez t
1443
l n’empêche que je me sens honteux de n’avoir pas
été
le premier à proclamer : « Le diable est mort ! » Ou bien devrais-je
1444
voir pas été le premier à proclamer : « Le diable
est
mort ! » Ou bien devrais-je m’en féliciter ? Et d’avoir été le premie
1445
» Ou bien devrais-je m’en féliciter ? Et d’avoir
été
le premier à dire que c’eût été son triomphe majeur ? Se garder de h
1446
iter ? Et d’avoir été le premier à dire que c’eût
été
son triomphe majeur ? Se garder de haïr le diable. — La plus grave,
1447
l’anarchiste, ou un communiste le bourgeois, l’un
étant
le cauchemar de l’autre, c’est-à-dire une projection de la part honte
1448
que qui nous ordonne d’aimer nos ennemis, dont il
est
sans conteste le premier — Satan signifiant en hébreu l’Adversaire pa
1449
u mépriser foncièrement que ses agents. Non qu’il
soit
à mes yeux ce personnage « grandiose » ou ce profond génie mélancoliq
1450
ous peint la littérature depuis Milton. Mais haïr
est
sentimental, par suite inadéquat à la situation qu’il a créée et à sa
1451
a peur, l’indignation ou la fatigue, sa vigilance
est
presque sans défaut, et nous ne pourrons que la rendre plus parfaite
1452
Non moins futile que de se fouetter pour le haïr
serait
de condamner ce diable sans lequel nous n’irions pas loin. Car en fai
1453
r sans son agrément dédaigneux. Tant que le monde
est
ce qu’il est — et n’est rien d’autre — le diable en est le Prince iné
1454
rément dédaigneux. Tant que le monde est ce qu’il
est
— et n’est rien d’autre — le diable en est le Prince inéluctable. Une
1455
igneux. Tant que le monde est ce qu’il est — et n’
est
rien d’autre — le diable en est le Prince inéluctable. Une longue pat
1456
qu’il est — et n’est rien d’autre — le diable en
est
le Prince inéluctable. Une longue patience et une maîtrise intime des
1457
: elle escompte l’extinction finale des raisons d’
être
du démon par l’effet de sa propre action. Par la dégradation des éner
1458
gnifiance et d’inertie finale où les déchets de l’
être
lentement se consument — dans ce ravin de la Géhenne dont nous parlen
1459
a Géhenne dont nous parlent les évangiles, et qui
était
en réalité le lieu de la décharge municipale aux portes de Jérusalem.
1460
portes de Jérusalem. Gé-Hinnom ou val de Hinnom
était
en effet le nom de l’une des trois vallées qui entourent Jérusalem. E
1461
ns l’insomnie, jusqu’à ce que naisse au sein de l’
être
dénudé l’invocation, l’élan, le soulèvement vers le loisir profond de
1462
III Je n’ai pas encore répondu… Mais je me
suis
repris au jeu, on vient de le voir : dès que j’essaie de serrer de pl
1463
er de plus près son action supposée dans ma vie —
fût
-ce dans l’idée de la « démystifier » —, l’Hypothèse reprend consistan
1464
ndrai maintenant d’une manière analogue : oui, je
suis
bien forcé de croire au diable quand j’éprouve son action dans la nôt
1465
ai deux exemples, développant des indications qui
étaient
restées trop elliptiques dans mon petit livre. La décréation Je
1466
première version que le diable, selon l’Évangile,
est
« le père de son propre mensonge ». Et j’ajoutais : « Par ici nous en
1467
tion du mensonge, car le mensonge, par essence, n’
est
pas ! C’est une espèce de décréation. C’est le trompe-l’œil et le son
1468
te morale, finalement bluff impardonnable ! Je ne
suis
plus très sûr de ce que je lui répondis, mais comme nos entretiens de
1469
un instinct de mort. Le phénomène de la vie peut
être
expliqué par la convergence ou par l’action antinomique de ces deux i
1470
le diable lui-même désigne son adversaire : ce n’
est
pas ce qui est saint et bon, mais c’est le pouvoir qu’a la Nature de
1471
même désigne son adversaire : ce n’est pas ce qui
est
saint et bon, mais c’est le pouvoir qu’a la Nature de créer, de multi
1472
nt : Car toutes choses tirées du Vide Méritent d’
être
détruites… Et tout ce que vous nommez péché — Destruction — bref, le
1473
out court C’est mon véritable élément. Si je ne m’
étais
pas réservé la flamme. Vraiment, qu’aurais-je encore en propre ?45
1474
ipe qu’on ne peut aimer ni accepter, mais qu’il n’
est
pas question de ne point subir : l’instinct de mort, qui n’est sans d
1475
ion de ne point subir : l’instinct de mort, qui n’
est
sans doute que l’aspect psycho-somatique de l’entropie. Il nous mène
1476
celle des personnes, celle de l’espèce. Le diable
est
là. On craignait l’incendie, on attendait l’éruption volcanique, on e
1477
ù et qui ennuie. En arrêtant le criminel, vous ne
tiendrez
jamais le diable. Pas plus qu’en brûlant le martyr vous n’atteindrez
1478
ue j’en ai fait une espèce d’abstraction. Mais ce
sont
là ses voies et ses déguisements. Il ne laisse pas d’empreintes, de t
1479
rrémédiable. Saint Augustin croyait que le Mal n’
est
que le non-être. Pour Goethe, il est « celui qui toujours nie ». Mais
1480
que le Mal n’est que le non-être. Pour Goethe, il
est
« celui qui toujours nie ». Mais encore faut-il être pour dire non, u
1481
t « celui qui toujours nie ». Mais encore faut-il
être
pour dire non, un peu, du moins. Le diable augustinien serait forcéme
1482
dire non, un peu, du moins. Le diable augustinien
serait
forcément muet, le méphistophélique est négateur. Dans le Livre de Jo
1483
tinien serait forcément muet, le méphistophélique
est
négateur. Dans le Livre de Job, il est bavard, un peu rhéteur à l’ath
1484
tophélique est négateur. Dans le Livre de Job, il
est
bavard, un peu rhéteur à l’athénienne. Mais l’important, c’est que se
1485
e la dénaturer. Par où l’on voit que l’entropie n’
est
pas seulement la dégradation de l’énergie, mais la disqualification d
1486
de la vertu, de la vérité et de la vie. Le diable
est
le Néantissant, le devenir du Rien, pôle d’anti-Esprit. Dieu sujet pu
1487
se proposent ici. 1. Définir le bien ou le vrai
est
toujours une victoire sur l’entropie. L’amour actif et créateur46, l’
1488
dmiration, la position d’une métaphore affective,
sont
facteurs d’organisation aux niveaux les plus élevés et au prix d’une
1489
anthropométrique. Le mal décrit comme tel cesse d’
être
diabolique. Il peut encore détruire, tuer ou torturer, mais il ne peu
1490
torturer, mais il ne peut plus « décréer ». Il s’
est
avoué, s’est fait reconnaître et du même coup, il a perdu son pouvoir
1491
is il ne peut plus « décréer ». Il s’est avoué, s’
est
fait reconnaître et du même coup, il a perdu son pouvoir de séduire e
1492
énaturer le mouvement même de toute création, qui
est
amour. Le diable se retire du crime admis pour tel, et il renie le cr
1493
mourir sans lui sur la chaise électrique. Ce qui
est
proprement diabolique, c’est la dépravation du bien lui-même chez les
1494
les criminels. 2. Consumer le mal par son excès
fut
la recette du salut dans la secte des carpocratiens47 (ive siècle).
1495
xténuer les vices à force d’y céder. L’orgie leur
tenait
lieu d’ascèse et la communauté des femmes de remède contre l’adultère
1496
de Sade, m’écrivait dans sa dédicace : « Le pire
est
l’ennemi du mal. » Retournement carpocratien du vieux proverbe qui di
1497
ocratien du vieux proverbe qui dit que « le mieux
est
l’ennemi du bien ». 3. Pardonner. G. Papini, dans un bon livre sur l
1498
t final de Lucifer. Je n’ai rien contre cela, qui
est
généreux et se trouvait être scandaleux aux yeux de l’Église d’alors,
1499
rien contre cela, qui est généreux et se trouvait
être
scandaleux aux yeux de l’Église d’alors, qui condamna le livre. Mais
1500
, qui condamna le livre. Mais enfin, pour pouvoir
être
sauvé, le diable devrait exister en tant que personne. Or on a vu qu’
1501
exister en tant que personne. Or on a vu qu’il n’
est
qu’un ange déchu, réduit à une fonction relative à l’homme. En tant q
1502
nous, et l’on ne voit pas comment sa salvation ne
serait
pas ipso facto sa suppression. Le pacte avec le diable Newton a
1503
ns l’espace intersidéral. Mais j’ai rappelé ce qu’
était
la Géhenne dont Jésus parle à mainte reprise. Je ne connais pas de me
1504
uction des déchets de ce qui n’a plus de raison d’
être
. L’homme qui n’a pas de vocation — c’est-à-dire qui refuse de cherche
1505
cevoir, et qu’il a peut-être reçue —, sa punition
sera
donc d’être jeté « là où le feu ne s’éteint point ». Le néant retourn
1506
u’il a peut-être reçue —, sa punition sera donc d’
être
jeté « là où le feu ne s’éteint point ». Le néant retourne au néant.
1507
e du pardon. Mais comment pardonner à l’absence d’
être
? Le mal est ce qui m’empêche de voir ma fin, de distinguer ma vocati
1508
ais comment pardonner à l’absence d’être ? Le mal
est
ce qui m’empêche de voir ma fin, de distinguer ma vocation, et d’y te
1509
et d’y tendre de toutes mes vraies forces. Le mal
est
ce qui s’oppose à mon utilité en tant que personne distincte aux yeux
1510
ersonne distincte aux yeux du Créateur ; le péché
est
ce qui me fait rebut, à rejeter dans le feu perpétuel du ravin Gé-Hin
1511
détritus de la ville sainte. « Deviens ce que tu
es
! » dit la parole orphique répercutée par les philosophes grecs, et p
1512
niforme. Mais le diable nous dit : Et d’abord qui
es
-tu ? Es-tu sûr d’être ? Vas-tu passer ta vie trop courte à te cherche
1513
Mais le diable nous dit : Et d’abord qui es-tu ?
Es
-tu sûr d’être ? Vas-tu passer ta vie trop courte à te chercher dans l
1514
ble nous dit : Et d’abord qui es-tu ? Es-tu sûr d’
être
? Vas-tu passer ta vie trop courte à te chercher dans l’inconnu quand
1515
cette fumée si elle existe, libère-toi du souci d’
être
en soi et d’être toi, possiblement… (Rien n’est moins sûr.) Tu auras
1516
le existe, libère-toi du souci d’être en soi et d’
être
toi, possiblement… (Rien n’est moins sûr.) Tu auras en échange la for
1517
’être en soi et d’être toi, possiblement… (Rien n’
est
moins sûr.) Tu auras en échange la force et la richesse, le prestige,
1518
sance utile. L’arrangement décrit dans ces termes
est
la figuration plus ou moins dramatique, condensée en un seul événemen
1519
ait ma vocation, l’avantage immédiat et concret n’
est
qu’une prime publicitaire destinée à me convaincre de signer avec cel
1520
nvaincre de signer avec celui qui dit que l’avoir
est
tout : je gagne ce qui n’est pas moi. Le pouvoir d’asservir autrui m’
1521
qui dit que l’avoir est tout : je gagne ce qui n’
est
pas moi. Le pouvoir d’asservir autrui m’asservirait, comme toute rich
1522
n méritée, non exigée par ma personne, et que mon
être
même rejetterait comme une greffe. Le désir même de traiter avec le d
1523
coups de promesses impossibles. Tous ces calculs
sont
faux, quoi qu’il advienne. Car je ne puis garder mon âme intacte si j
1524
e puissance, à des amours, à des richesses qui me
sont
attribuées de l’extérieur par quelque hasard du destin. Mais si je re
1525
si je la garde pour moi et « pour Dieu », que me
sont
alors cette puissance, et ces amours et ces richesses que je ne puis
1526
ent par procuration grâce aux héros auxquels il m’
est
possible de m’identifier le temps de mon rêve, sans qu’aucun pacte m’
1527
reprendre quand il me plaira. Mais si mon « âme »
est
ce qui m’est propre absolument, si elle est en moi ce qui relève immé
1528
nd il me plaira. Mais si mon « âme » est ce qui m’
est
propre absolument, si elle est en moi ce qui relève immédiatement de
1529
âme » est ce qui m’est propre absolument, si elle
est
en moi ce qui relève immédiatement de ma vocation, et si le « péché »
1530
immédiatement de ma vocation, et si le « péché »
est
cela qui me détourne de l’œuvre essentielle qu’est ma vie, tout ce qu
1531
st cela qui me détourne de l’œuvre essentielle qu’
est
ma vie, tout ce qui vient me tenter d’accepter du tout-fait — us et c
1532
e vivre ? On voit ici que le pacte avec le diable
est
non seulement inévitable mais vital, et de fait, presque universel. U
1533
resque universel. Une part de chacune de nos vies
est
nécessairement aliénée, et c’est tout ce qu’il faut faire pour un sal
1534
; ou pour gagner sa vie au prix de ses raisons d’
être
; tout ce qui est induit en nous par la publicité, la mode, l’imitati
1535
a vie au prix de ses raisons d’être ; tout ce qui
est
induit en nous par la publicité, la mode, l’imitation des « bons » mo
1536
un procès perpétuel, qui semble continu, mais qui
est
fait de milliards de retraits presque imperceptibles à l’œil nu dans
1537
’Attrait universel. L’irréductible part du diable
est
en fin de compte celle de la dure nécessité de prolonger dans le temp
1538
onger dans le temps nos existences — « persévérer
est
diabolique » — de regarder l’élan des forces qui, par grâce, nous sou
1539
il fallait bien que j’affronte un jour, voilà qui
est
fait, si je me demande non pas ce que j’ai voulu dire mais ce que ce
1540
« l’esprit qui toujours nie » et sans lequel nous
serions
comme les singes — mais aussi dans la décréation, qui est l’accroisse
1541
e les singes — mais aussi dans la décréation, qui
est
l’accroissement du règne des fatalités par la seule faute de nos libe
1542
s, des dogmes non réinventés intérieurement. Ce n’
est
pas dans le crime pendable, dans la profanation ou le blasphème, ni d
1543
ut attrait. Mais le Dieu que l’on prie en vérité
est
celui qui s’est fait connaître par cela justement que la science ne c
1544
s le Dieu que l’on prie en vérité est celui qui s’
est
fait connaître par cela justement que la science ne connaît pas et ne
1545
donnée par sa révélation en Jésus-Christ : « Dieu
est
Amour. » 39. Il s’agit de La Part du diable , qui devait paraîtr
1546
htet », le Néant néantit, dit Heidegger. Cf. « Qu’
est
-ce que la Métaphysique ? » Trad. franç. par Henry Corbin, Gallimard,
1547
antique. Dans le même sens, Nietzsche : « Nous ne
sommes
pas non plus de ceux qui nient que la foi « sauve » : mais pour cette
1548
-passion, en revanche, qui se dégrade en chaleur,
est
un accroissement de l’entropie (voir là-dessus mon Amour et l’Occide
1549
’Occident ). 47. Karpokraces, selon une légende,
fut
le fils d’Épiphane et d’Alexandrie, c’est-à-dire d’un génial hérétiqu
1550
ique communiste mort à 17 ans, et d’une ville qui
est
restée le symbole de la grande civilisation hellénistique. (Cf. Hans