1 1988, Inédits (extraits de cours). « L’heure est venue. Allons-y » [préface d’Alexandre Marc]
1 « L’heure est venue. Allons-y » [préface d’Alexandre Marc] Und solang Du es nich
2 s-y » [préface d’Alexandre Marc] Und solang Du es nicht hast Dieses : Stirb und Werde… Grand Européen, citoyen du mond
3 il convient de préciser tout de suite que ce qui est authentiquement national déborde l’État, à la fois — si dire se peut
4 ut — par le haut et par le bas. C’est pourquoi il serait erroné de parler de culture suisse : « par la langue, l’ethnie, la co
5 le compte de l’État […] — selon laquelle l’Europe serait une addition de « cultures nationales » coïncidant, comme par miracle
6 n, bonapartiste, laïque et obligatoire, la Suisse est -elle devenue un pays abâtardi, débilité, culturellement sous-développ
7 e suite, jusqu’à 19° URSS 0,03 ! Curieusement, ce sont les petits pays — et non les Super-Grands — qui se placent en tête du
8 chir nos intellocrates mégalomanes. Quoi qu’il en soit , Denis de Rougemont se plaisait à rappeler que depuis la fondation de
9 Bâle, l’apport de la Suisse à la culture, compte tenu de ses dimensions géodémographiques, a été supérieur à celui de ses v
10 ompte tenu de ses dimensions géodémographiques, a été supérieur à celui de ses voisins. Au xxe siècle encore, n’est-ce pas
11 à celui de ses voisins. Au xxe siècle encore, n’ est -ce pas en Suisse qu’un dénommé Einstein, devenu citoyen de ce pays, a
12 ajouter à la liste, ainsi esquissée, le sien. Qui est appelé du reste à y occuper une place particulière, parce que sa pers
13 u politique, au sens le plus élevé du terme. Il s’ est efforcé d’apaiser les angoisses et les obsessions de notre temps, san
14 r au pédagogue sourcilleux et chagrin. Lui, qui n’ était pas historien, il a su explorer, avec une belle maîtrise, Vingt-huit
15 induire en erreur : Denis de Rougemont n’a jamais été un modéré ; c’était un dangereux extrémiste, un extrémiste du déséqui
16 miste, un extrémiste du déséquilibre maîtrisé. Il était trop pénétré de dialectique (non hégélienne) pour ignorer que le et –
17 re — que l’on relise la revue Hic et nunc —, il est resté fidèle jusqu’au bout à sa précoce conversion au maximalisme chr
18 . Écrivain, homme d’action, Denis de Rougemont a été aussi un enseignant. Dans les cours professés un peu partout, notamme
19 e formation européenne (dont Denis de Rougemont a été , pendant longtemps, l’un des présidents), il n’a cessé de dispenser l
20 de départ d’un examen de conscience radical dont est né, au début des années 1930, le groupe de l’Ordre nouveau. Si j’ai p
21 s, Jean Jardin — sans même parler de ceux qui s’y sont agrégés ensuite —, c’est que les uns et les autres, à l’instar de Den
22 s, à l’instar de Denis de Rougemont lui-même, ont été frappés par une révélation, encore confuse, de la gravité de la crise
23 onfuse, de la gravité de la crise à laquelle nous serions inexorablement confrontés. Ignorer ce point de départ, c’est rendre p
24 ent, en attendant de les engloutir. Toute société étant conflictuelle, l’histoire de l’humanité est faite de tensions subies
25 été étant conflictuelle, l’histoire de l’humanité est faite de tensions subies ou maîtrisées, fécondes ou destructrices. Pr
26 ipel du Goulag. Une cité non tensionnelle ne peut être qu’une préfiguration de l’enfer. Si l’homme a une chance d’y échapper
27 enfer. Si l’homme a une chance d’y échapper, ce n’ est point en méconnaissant les contradictions de l’existence, mais bien e
28 umaine. Mais la Crise qui nous menace aujourd’hui est d’une autre nature. Elle met tout en question ; elle atteint simultan
29 ut en question ; elle atteint simultanément notre être et nos raisons d’être ; elle vise tous les secteurs et toutes les dim
30 atteint simultanément notre être et nos raisons d’ être  ; elle vise tous les secteurs et toutes les dimensions de la vie soci
31 ts qui ont beaucoup servi, le terme de révolution est trompeur. Les révoltes, les émeutes, les combats de rue, les barricad
32 ps d’État ou les prises de pouvoir. Ainsi qu’il a été déjà observé, Denis de Rougemont a volontiers recours à des référence
33 ecours à des références théologiques. Pour ce qui est de la révolution, son essence ne se laisse saisir qu’à la lumière du
34 umière du concept de conversion : « la révolution est une traduction collective de la conversion chrétienne », sa projectio
35 Denis de Rougemont l’ait adopté. En revanche, il était en quelque sorte prédisposé à saisir d’emblée la thèse selon laquelle
36 e passé. Depuis la fin du xve siècle, l’Occident est entré dans une zone de turbulences révolutionnaires : Royaume-Uni, Am
37 , a-t-elle multiplié les espaces de liberté, ou s’ est -elle contentée de parfaire l’effort de centralisation, homogénéisatio
38 longue date ? Tout bien considéré, n’a-t-elle pas été l’un des maillons d’une longue chaîne, dont les étapes se déroulent,
39 nent-ils pas une seule et même réalité ? Ou, pour être plus précis, une seule et même absence de réalité ? C’est contre cet
40 tés : la personne. L’œuvre de Denis de Rougemont est si riche, si variée que, pour la caractériser, aucun mot ne saurait s
41 illustrer. Dans notre génération, je crois avoir été le premier à utiliser ce terme en français, en l’empruntant, si ma mé
42 lliam Stern. Mais ce vocable, un peu pédant, ne s’ est imposé que grâce aux efforts conjugués d’une petite avant-garde — Emm
43 aisait partie Denis de Rougemont et à laquelle il est resté fidèle jusqu’à la fin. Peu de temps avant sa mort, lors de nos
44 enir, à plusieurs reprises, sur un projet qui lui était cher : republier toute la collection de la revue de L’Ordre nouveau
45 se démoder, n’ont fait que se bonifier. Tel qu’il est aujourd’hui, notre monde sans phare ni boussole leur confère une actu
46 este encore tant à faire… » Denis de Rougemont n’ est plus, mais tout reste encore à faire, à par-achever. Notamment pour s
47 ncore à faire, à par-achever. Notamment pour s’en tenir à la perspective philosophique, il convient d’insister sans cesse sur
48 ù je rédige ces lignes, le soi-disant libéralisme serait proprement inconcevable. À quel niveau situer le terme d’individu ? U
49 ] concéder à Karol Wojtyla, c’est que plus grande est la perfection ontique d’une espèce, plus grandes sont aussi les diffé
50 la perfection ontique d’une espèce, plus grandes sont aussi les différences distinguant entre eux ses individus », et que,
51 anit et lavande, mais non les animaux : l’homme n’ est -il pas lui-même un animal sur lequel un esprit a été greffé ? Denis d
52 -il pas lui-même un animal sur lequel un esprit a été greffé ? Denis de Rougemont préfère réserver le terme d’individu à l’
53 ougemont préfère réserver le terme d’individu à l’ être humain qui s’arrache à la pesanteur de la masse, de la tribu ; à l’ho
54 aissance, dont on peut même se demander si elle n’ est pas triple : en effet, autant les personnalistes sont convaincus qu’i
55 pas triple : en effet, autant les personnalistes sont convaincus qu’il importe de distinguer individu et personne, autant i
56 personne par rapport à celui de l’individu. Ce n’ est qu’en acceptant pleinement cette réserve méthodologique que l’on a le
57 évolution judéo-chrétienne – personne. Quelle que soit la valeur historique de ce schéma, il s’impose, d’une certaine manièr
58 manière, dans la perspective ontique. Tout homme est à la fois individu et personne (le citoyen relevant d’une autre inter
59 ou vecteurs — d’une même réalité, ils ne peuvent être distingués que pour être unis. Et même lorsqu’on les oppose, c’est au
60 réalité, ils ne peuvent être distingués que pour être unis. Et même lorsqu’on les oppose, c’est au modeste adverbe plutôt q
61 lutôt qu’il convient d’avoir recours : l’individu est plutôt donné, la personne reste plutôt à conquérir ; celle-ci est plu
62 , la personne reste plutôt à conquérir ; celle-ci est plutôt tournée vers l’à-venir, celui-là vers le passé ; l’individu re
63 on, au statisme, à la société, la personne, elle, étant aimantée par la transcendance, la construction, le dynamisme, la comm
64 e, la construction, le dynamisme, la communauté ; être individu est plutôt un état, être personne un acte. Et ainsi de suite
65 tion, le dynamisme, la communauté ; être individu est plutôt un état, être personne un acte. Et ainsi de suite. L’essentiel
66 la communauté ; être individu est plutôt un état, être personne un acte. Et ainsi de suite. L’essentiel est de ne jamais per
67 personne un acte. Et ainsi de suite. L’essentiel est de ne jamais perdre de vue l’unité concrète, unique et non réitérable
68 unité concrète, unique et non réitérable, de tout être humain. C’est du reste le seul concret véritable — l’autre n’étant qu
69 st du reste le seul concret véritable — l’autre n’ étant qu’un concret de départ —, le seul qui participe de l’être en tant qu
70 n concret de départ —, le seul qui participe de l’ être en tant qu’être ; le seul dont l’émergence signifie dépassement, mais
71 art —, le seul qui participe de l’être en tant qu’ être  ; le seul dont l’émergence signifie dépassement, mais aussi transdesc
72 au moins la prémonition lorsqu’il parle (dans Qui est moi aujourd’hui, p. 268) de la « factualité transcendantale, concept
73 (et donc plutôt individualiste) de ce propos, il est permis de croire qu’il n’aurait point déplu à Denis de Rougemont. N’a
74 on envol ? Mais le concept de personne, pour lui, était indissolublement lié au mystère du Dieu un et trine. En ayant parlé d
75 i — bien que certain que sa pensée risque ainsi d’ être mutilée ou, tout au moins, appauvrie — sur l’importance de cette liai
76 aison onto-lectique. Non pas que le personnalisme soit déductible d’une théologie, quelle qu’elle soit. Les non-conformistes
77 e soit déductible d’une théologie, quelle qu’elle soit . Les non-conformistes des années 1930 étaient au contraire convaincus
78 u’elle soit. Les non-conformistes des années 1930 étaient au contraire convaincus que le personnalisme pouvait réunir chrétiens
79 , évoluer, en hommes libres et responsables, sans être gênés, encore moins entravés, par leur engagement dans la mouvance pe
80 ence, toute certitude terminologique risquerait d’ être trompeuse. On ne peut dé-finir, en rigueur de terme, ce qui échappe p
81 e, ce qui échappe précisément à la finitude. Ce n’ est qu’à partir de la personne que s’ordonne, s’éclaire, se dévoile l’œuv
82 audra du temps pour en établir l’inventaire. Ce n’ est que plus tard que l’on pourra prétendre à proposer une syn-thèse (non
83 , qu’il ne pouvait déserter un tel combat qui lui était , en un sens, consubstantiel. Pouvait-il oublier que l’individu ne dev
84 qu’il diversifie, enrichit et féconde ? Lui qui a été , avec Dandieu et ses amis, le chantre de la diversité libératrice, po
85 ! Il convient d’insister in fine sur ce point, ne fût -ce que pour dénoncer les terribles simplificateurs, stigmatisés tant
86 passer pour un nationaliste européen. Certes, il fut attaché toute sa vie à sa patrie ou, plus exactement, à ses patries,
87 e l’universel —, mais de toutes les fibres de son être , il refusait le stato-nationalisme au front bas. L’Europe pour laquel
88 pe pour laquelle il n’a jamais cessé de militer n’ était pas celle du cosmopolitisme, mais non plus celle des frontières, doua
89 u, ne saurait dépendre, de quelque manière que ce soit , ni de l’histoire, ni de la géographie, tout en étant façonnée par el
90 t, ni de l’histoire, ni de la géographie, tout en étant façonnée par elles. Mais quelque chose s’est accompli, dans la petite
91 en étant façonnée par elles. Mais quelque chose s’ est accompli, dans la petite péninsule de l’Asie, secouée par des affront
92 incessantes, quelque chose d’ineffaçable qu’il n’ est pas interdit de rapprocher d’une prise de conscience de la personne p
93 : en rigueur de termes, toutes les révolutions se sont déroulées en Europe ou ont été inspirées par elle —, on pourrait appl
94 es révolutions se sont déroulées en Europe ou ont été inspirées par elle —, on pourrait appliquer, mutatis mutandis, ce que
95 odestie, de l’exploration de notre planète : ce n’ est vraiment pas notre faute si c’est l’Europe qui a découvert le reste d
96 (Robert Aron et Arnaud Dandieu), pages dont je me suis laissé dire qu’elles avaient été dictées par Arnaud Dandieu, peu de t
97 ages dont je me suis laissé dire qu’elles avaient été dictées par Arnaud Dandieu, peu de temps avant sa mort, et reprises e
98 Rougemont eût apprécié que ce message — car c’en est un — qui exprimait les convictions communes de toute l’équipe de l’Or
99 ussi de conclusion à un choix de textes dont nous sommes redevables à deux de ses anciens étudiants — grâce leur en soit rendu
100 s à deux de ses anciens étudiants — grâce leur en soit rendue : Appuyé sur la technique […] que l’Occident avait su diffus
101 gogie… L’Europe s’engourdit dans une agonie qui n’ est même pas grandiose. En dépit d’un préjugé romantique, la décadence n’
102 En dépit d’un préjugé romantique, la décadence n’ est pas belle, ni la mort. Ce qui est beau, c’est la lutte contre la mort
103 la décadence n’est pas belle, ni la mort. Ce qui est beau, c’est la lutte contre la mort. Ce qui est grandiose, c’est la v
104 i est beau, c’est la lutte contre la mort. Ce qui est grandiose, c’est la victoire de l’homme. Le long des côtes de la Médi
105 érialisme, racisme ou tyrannie ; mais son essence est plus profonde… Ce n’est pas notre faute si la France est, aujourd’hui
106 rannie ; mais son essence est plus profonde… Ce n’ est pas notre faute si la France est, aujourd’hui comme hier, la dernière
107 s profonde… Ce n’est pas notre faute si la France est , aujourd’hui comme hier, la dernière écluse… Ce n’est pas notre faute
108 aujourd’hui comme hier, la dernière écluse… Ce n’ est pas notre faute si, pour sauver l’Occident et l’Europe, nous devons [
109 , d’affirmation, de création, de Révolution. Nous sommes sur la terre décisive. L’heure est venue. Allons-y. Arnaud Dandieu n
110 ution. Nous sommes sur la terre décisive. L’heure est venue. Allons-y. Arnaud Dandieu nous a quittés, il y a plus d’un dem
111 ttés, il y a plus d’un demi-siècle. Robert Aron n’ est plus. Après beaucoup d’autres compagnons qui ont continué le combat,
112 rseurs, ces pionniers morts : Stirb und Werde, ne sont pas sur le point de devenir. De devenir vraiment ce qu’ils sont. Ils
113 e point de devenir. De devenir vraiment ce qu’ils sont . Ils ont labouré et ensemencé la terre décisive. L’heure de la moisso
114 nsemencé la terre décisive. L’heure de la moisson est venue. Allons-y. Alexandre Marc 1. Sauf indication contraire, les t
115 indication contraire, les textes entre guillemets sont de Denis de Rougemont.
2 1988, Inédits (extraits de cours). Introduction [par François Saint-Ouen et Jean Mantzouranis]
116 t-Ouen et Jean Mantzouranis] Le présent ouvrage est le fruit d’un travail effectué sur les cours, professés entre 1963 et
117 lle, et c’est souligner combien elle mériterait d’ être mieux connue. Certains textes importants ne sont plus aisément access
118 ’être mieux connue. Certains textes importants ne sont plus aisément accessibles au grand public2. De plus, il manque encore
119 mi-siècle. C’est dans cet esprit que ce travail a été effectué, du vivant de Denis de Rougemont et avec son appui. Notre ma
120 philosophico-politiques de sa pensée. Un cours n’ est pas souvent représentatif de son auteur, car il est nécessairement di
121 t pas souvent représentatif de son auteur, car il est nécessairement didactique et descriptif : il y a des connaissances à
122 l’intérêt qu’il leur portait, il ne pouvait s’en tenir là. Tout notre problème a été en fait de repérer les instants, parfoi
123 l ne pouvait s’en tenir là. Tout notre problème a été en fait de repérer les instants, parfois très brefs, où s’exprimait l
124 de Rougemont enseignait au moins autant ce qu’il était que ce qu’il savait. Il y avait non seulement l’érudition d’un homme,
125 connaître tout cela ? En bref, tous ceux qui ont été marqués par son enseignement, l’ont été par cette tension particulièr
126 x qui ont été marqués par son enseignement, l’ont été par cette tension particulièrement vivante entre l’homme et ce qu’il
127 vivante entre l’homme et ce qu’il exposait, qui n’ était rien d’autre que l’ensemble de la culture européenne, dans laquelle i
128 ulture qu’il voulait faire connaître. Tel devrait être , à notre sens, une des fonctions de cet ouvrage, que d’en garder la t
129 et d’en diffuser l’acquis. Les fragments qui ont été sélectionnés font apparaître un certain nombre de thèmes qui ont été
130 nt apparaître un certain nombre de thèmes qui ont été distribués en autant de chapitres. Cette classification, édifiée pour
131 et ouvrage, si elle se veut profitable, ne pourra être qu’une lecture croisée. Il nous semble, par exemple, impossible de ne
132 on ». Notre travail a débuté en décembre 1983. Il fut achevé en août 1985, et Denis de Rougemont en prit connaissance en oc
133 n effet, un travail de mise en forme pour pouvoir être publiés sous forme écrite. Cela ne pouvait être fait que par Denis de
134 r être publiés sous forme écrite. Cela ne pouvait être fait que par Denis de Rougemont, qui est non seulement un penseur, ma
135 pouvait être fait que par Denis de Rougemont, qui est non seulement un penseur, mais un écrivain, la forme et le fond étant
136 un penseur, mais un écrivain, la forme et le fond étant chez lui indissociables. Après avoir longuement débattu et envisagé p
137 eût semblé imparfaite), nous décidâmes de nous en tenir à des corrections minimales, nous contentant d’éliminer les redites e
138 ’homme , Vingt-huit siècles d’Europe , L’Avenir est notre affaire , tous épuisés. 3. Cette facette de la pensée de Denis
139 Cette facette de la pensée de Denis de Rougemont est illustrée notamment par L’Amour et l’Occident , La Part du diable ,
3 1988, Inédits (extraits de cours). Communautés, communes
140 dans l’Antiquité, la polis grecque, dont l’image était restée dans les esprits des hommes malgré tous les bouleversements de
141 d’équilibre, ou moment civique, ou personnalisme, étant réalisé au moment où les libertés et les devoirs s’appuient l’un l’au
142 t les devoirs s’appuient l’un l’autre, où l’homme est libre parce qu’il est responsable, et responsable parce qu’il est lib
143 nt l’un l’autre, où l’homme est libre parce qu’il est responsable, et responsable parce qu’il est libre : ce sont des momen
144 qu’il est responsable, et responsable parce qu’il est libre : ce sont des moments très brefs, qui sont un idéal, mais qui a
145 nsable, et responsable parce qu’il est libre : ce sont des moments très brefs, qui sont un idéal, mais qui apparaissent à ce
146 l est libre : ce sont des moments très brefs, qui sont un idéal, mais qui apparaissent à certaines périodes d’équilibre poli
147 sse chrétienne. La troisième catégorie de sources est germanique. Elle se manifeste dans la cité du Moyen Âge par la divers
148 unautés de forme spécifiquement européenne qui se sont formées au Moyen Âge est la Sippe germanique. Une autre origine est l
149 ement européenne qui se sont formées au Moyen Âge est la Sippe germanique. Une autre origine est la cité, la cité antique,
150 en Âge est la Sippe germanique. Une autre origine est la cité, la cité antique, civitas romaine, qui est une réalité non pa
151 st la cité, la cité antique, civitas romaine, qui est une réalité non pas de sang, de consanguinité ni de race, mais de dro
152 de droit. Une troisième source de communauté, qui est introduite, elle, par le christianisme, par l’Église, est la paroisse
153 oduite, elle, par le christianisme, par l’Église, est la paroisse, communauté dont le principe est spirituel. Il y a donc t
154 ise, est la paroisse, communauté dont le principe est spirituel. Il y a donc trois origines des communautés médiévales : l’
155 s la version germanique de la communauté, l’homme est défini par sa force et par son rang. Dans la version latine antique,
156 par son rang. Dans la version latine antique, il est défini par sa fonction dans la cité. 14 janvier 1977 L’esprit des com
157 collège de prud’hommes, non par un seul chef qui serait tout de suite un tyran, un dictateur, mais par un collège ou un conse
158 contre toute espèce de pouvoir personnel, que ce soit donc celui d’un dictateur ou celui d’un seigneur voisin, qui serait t
159 d’un dictateur ou celui d’un seigneur voisin, qui serait tenté de faire main basse sur la cité, sur la commune. C’est aussi un
160 e peut pas dire que c’est déjà démocratique, ça l’ est seulement dans la mesure où, étant une petite communauté, beaucoup de
161 mocratique, ça l’est seulement dans la mesure où, étant une petite communauté, beaucoup de citoyens peuvent se manifester com
162 s l’état économique de l’époque : les commerçants tiennent le haut du pavé. 27 janvier 1967 « Moyen Âge » ne veut rien dire, c’
163 certaine administration. On sait également ce que sont la Renaissance individualiste, l’absolutisme, mais le Moyen Âge ne di
164 us générale. Toute la vie de l’homme du Moyen Âge est faite dans et par des communautés, dont la municipalité n’est qu’une
165 ns et par des communautés, dont la municipalité n’ est qu’une des formes, les autres formes étant : — les ordres religieux q
166 palité n’est qu’une des formes, les autres formes étant  : — les ordres religieux qui ont existé au départ avec les grands cou
167 ouvents, les grandes abbayes autour desquelles se sont recréés toutes les branches de la culture en Europe et même, à en cro
168 rations et, sur un plan déjà plus profane, quoiqu’ étant coloré de sacré, les ordres de chevalerie ; — la Table ronde, connue
169 a Table ronde, connue par les romans bretons, qui est une commune, une communauté autour du roi Arthur ; — puis, naturellem
170 s, les municipalités. 25 octobre 1968 Puisqu’elle est sacrée, et qu’elle est le centre du monde, ma patrie est supérieure à
171 5 octobre 1968 Puisqu’elle est sacrée, et qu’elle est le centre du monde, ma patrie est supérieure à toutes les autres. Les
172 rée, et qu’elle est le centre du monde, ma patrie est supérieure à toutes les autres. Les ethnographes ont partout remarqué
173 ités 20 février 1970 Deux types de communautés sont très typiques du Moyen Âge : les universités et les communes urbaines
174 ersités et les communes urbaines. Les universités sont des communautés qui sont plus proches par l’esprit et par leurs struc
175 rbaines. Les universités sont des communautés qui sont plus proches par l’esprit et par leurs structures des communautés mon
176 és militaires chevaleresques. Car les universités sont des communautés dans l’ordre de la liberté plus que dans l’ordre de l
177 ie commune, communauté. Les premières universités sont des unités autonomes, constituées comme des communes politiques, qui
178 et dans les pays hors de l’empire, du pape. Elles sont donc, dans les deux cas, immédiates à l’instance supérieure. L’univer
179 ie , du xiiie et parfois encore du xive siècle, est caractérisée par la souveraineté, l’exterritorialité et le droit de s
180 mmune, en allemand par Gemeinde. Ces trois termes étaient complètement synonymes. Ainsi, le pacte qui a créé la Suisse, en 1291
181 , le pacte qui a créé la Suisse, en 1291, n’a pas été fait entre trois cantons, mais entre trois communes qui y sont désign
182 re trois cantons, mais entre trois communes qui y sont désignées dans ce texte latin comme des universitates, désignant les
183 e des universitates, désignant les communes qui s’ étaient établies dans les trois vallées autour du Gothard. C’est seulement pl
184 s, pour ce qui concerne l’Europe. Cette naissance est absolument contemporaine de la naissance des communes et des corporat
185 communes et des corporations au Moyen Âge ; ce n’ est pas par hasard, puisque les premières universités ont été des commune
186 par hasard, puisque les premières universités ont été des communes et des corporations : les communes, au début, cherchaien
187 es, même locales. 20 janvier 1967 Les universités sont un modèle communal de deux manières : d’abord historiquement puisqu’e
188 anières : d’abord historiquement puisqu’elles ont été de vraies communes ; ensuite, il se trouve qu’elles pourraient être l
189 munes ; ensuite, il se trouve qu’elles pourraient être le lieu où la question des communes serait non seulement étudiée théo
190 urraient être le lieu où la question des communes serait non seulement étudiée théoriquement et scientifiquement, mais presque
191 ion, problèmes de multiplication des compétences, sont les problèmes qui se posent spécialement aux communes et aux universi
192 spécialement aux communes et aux universités. Ils sont des problèmes par nature interdisciplinaires et il semble que, si les
193 sciplinaires et il semble que, si les universités étaient ce qu’elles doivent être, ce que leur nom indique, ce serait une de l
194 e, si les universités étaient ce qu’elles doivent être , ce que leur nom indique, ce serait une de leurs tâches privilégiées
195 u’elles doivent être, ce que leur nom indique, ce serait une de leurs tâches privilégiées que de les étudier et d’essayer d’y
196 petites dimensions universitaires. Cela me paraît être une des règles d’or de la culture européenne qui a toujours été — dep
197 gles d’or de la culture européenne qui a toujours été — depuis la Grèce — de chercher une certaine mesure, de ne pas dépass
198 ement gigantesque des effectifs universitaires ne serait pas de gonfler à l’infini les universités existantes, ce qu’on est en
199 r à l’infini les universités existantes, ce qu’on est en train de faire, mais au contraire de multiplier les petites univer
200 de conseil municipal d’une commune d’aujourd’hui, est aussi difficile que celui d’un homme cultivé qui voudrait se rendre c
201 re compte de toutes les spécialités à la fois. Il est obligé de prendre des décisions, l’un dans le domaine de la culture o
202 es théoriciens de la Révolution française, elle a été appliquée à un grand pays de vingt-trois-millions d’habitants. 27 jui
203 s par Rousseau contre le fait que, si sa doctrine était transposée dans un grand pays comme la France, elle serait absolument
204 ansposée dans un grand pays comme la France, elle serait absolument dénaturée, et cela donnerait lieu à la tyrannie. C’est pou
205 ue j’appelle électives, les anciennes communautés étant des communautés natives. 17 février 1967 L’homme est à la fois libre
206 des communautés natives. 17 février 1967 L’homme est à la fois libre et responsable ; donc, il n’est pas seulement respons
207 e est à la fois libre et responsable ; donc, il n’ est pas seulement responsable, il n’est pas seulement un citoyen engagé d
208  ; donc, il n’est pas seulement responsable, il n’ est pas seulement un citoyen engagé dans la vie civique, il doit aussi êt
209 citoyen engagé dans la vie civique, il doit aussi être libre, et pouvoir manifester cette liberté. Il le fera dans les group
210 rdent très largement la petite cellule sociale qu’ est l’unité d’habitation ou la cité-satellite. Ces groupes sociaux électi
211 u la cité-satellite. Ces groupes sociaux électifs sont donc définis par des idées, des préoccupations et des besoins moraux,
212 x, culturels, et non plus par la localité où l’on est né, par les traditions familiales ou villageoises, par le territoire,
213 es les associations locales, il y a une chose qui est très sensible, c’est que chacun a besoin de tous, et que tous ont bes
214 ’un troupeau. La définition de cet état de choses est devenue la devise des Suisses dès le Moyen Âge, « Un pour tous et tou
215 imension de la cité 3 décembre 1976 Si la cité est mesurée, l’homme peut s’y manifester en tant que citoyen ; citoyen, c
216 citoyen, c’est-à-dire libre et responsable, l’un étant le complément et la condition de l’autre. Si la cité devient trop gra
217 mme qui correspond aux dimensions « petite cité » est le citoyen actif, libre et responsable. 2. Puis vient l’étape de la c
218 s traditionnelles des petites cités grecques, qui étaient bâties en damier — selon le plan de Milet — avec de grandes avenues e
219 le quadrillage, et des dimensions telles qu’il n’ était plus question de réunir toute la population sur l’agora, de sorte que
220 t. Le type d’individu qui correspond à cette cité est donc l’individu civiquement passif. Cette décadence civique de la ci
221 yens, qu’on peut dire que la devise de ces villes est « un tyran pour tous et chacun pour soi ». 26 novembre 1976 Les homme
222 grandes cités s’habituent, tout naturellement, à être gouvernés au lieu de se gouverner. L’homme de la polis se gouvernait.
223 a polis se gouvernait. L’homme de la grande ville est gouverné de l’extérieur, d’une manière passive, il assiste aux luttes
224 artis, beaucoup plus qu’il n’y prend sa part ; il est là vraiment en spectateur, pour marquer les points, pour applaudir ou
225 blic devant les grands ténors de la politique. Il est passionné parfois, mais lui-même ne joue pas, c’est-à-dire qu’il est
226 is, mais lui-même ne joue pas, c’est-à-dire qu’il est citoyen comme on dit aujourd’hui qu’est sportif celui qui va voir les
227 ire qu’il est citoyen comme on dit aujourd’hui qu’ est sportif celui qui va voir les matchs le dimanche ou les regarde à la
228 imanche ou les regarde à la TV. 20 janvier1967 Il est évident que personne ne peut participer à la vie d’une commune comme
229 ue et fédéralisme 10 février 1967 Megalopolis est une sorte de limite, qu’on est en train d’atteindre, au-delà de laque
230 1967 Megalopolis est une sorte de limite, qu’on est en train d’atteindre, au-delà de laquelle on ne pourra plus aller. C’
231 ller. C’est la fin d’une évolution, dont le début était la Grèce. C’est la destruction de la possibilité humaine de participe
232 sens du mot, au sens étymologique, puisque polis était la ville en grec — s’occuper de politique signifiait s’occuper des af
233 enève, la démocratie pouvait jouer. Quand un pays est très petit, il y a pratiquement autant de magistrats que de citoyens.
234 ateur. C’est une conclusion logique. Plus un pays est petit, plus il sera libre. 26 novembre 1976 De même qu’on peut défini
235 nclusion logique. Plus un pays est petit, plus il sera libre. 26 novembre 1976 De même qu’on peut définir le prolétaire comm
236 ceaux, on peut dire que l’homme des grandes cités est un prolétaire politique : il est soumis à des mécanismes qui échappen
237 es grandes cités est un prolétaire politique : il est soumis à des mécanismes qui échappent complètement à ses prises de dé
238 participation, ce triomphe de l’impérialisme, ce fut en même temps la ruine de la civilisation, de la culture grecque. Et
239 de la culture grecque. Et de même que l’hégémonie était à la fois cause et résultat de la faiblesse politique des ligues, de
240 e du citoyen, ce vide social, comme je l’appelle, sera à la fois la cause et le résultat des grands empires militaires qui s
241 nt après la mort d’Alexandre. Car là où l’homme n’ est plus total, ne veut plus être total, l’État peut devenir totalitaire 
242 Car là où l’homme n’est plus total, ne veut plus être total, l’État peut devenir totalitaire ; et là seulement. 26 novembre
243 viennent matériellement impossibles quand la cité est trop grande. 29 octobre 1965 La santé du fédéralisme dépend des dimen
244 petites unités de recherche ou d’enseignement qui soient vivables et vivantes. C’est donc le problème, posé par les Grecs, de
245 ’économie de l’époque. Ce problème des dimensions est absolument fondamental pour toute la définition du fédéralisme. 6.
246 cipation civique 27 janvier 1967 La banlieue n’ est ni la cité, ni la campagne : c’est l’endroit où la campagne et la cit
247 nt, mais se détruisent l’une l’autre, parce qu’il est évident que la banlieue n’a plus aucun des avantages de la campagne —
248 es alignements de maisons toutes pareilles qui ne sont rien d’autre que la rationalisation du chaos social, du taudis, et qu
249 onalisation du chaos social, du taudis, et qui ne sont pas vraiment de nouvelles communes ajoutées aux anciennes villes, mai
250 de la place et dans la rue de la polis primitive sont nées toutes les catégories de la vie politique qui sont encore les nô
251 ées toutes les catégories de la vie politique qui sont encore les nôtres. Autour de l’agora se dressent tous les bâtiments i
252 isent les composantes de la vie publique. L’agora est généralement un espace rectangulaire, autour duquel se dressent l’hôt
253 gens discutent ; sur la place, le marché. L’agora sera transposée par les Romains sans aucun changement : ce sera le forum.
254 sposée par les Romains sans aucun changement : ce sera le forum. Quand le forum sera trop petit pour réunir tous les citoyen
255 cun changement : ce sera le forum. Quand le forum sera trop petit pour réunir tous les citoyens, ceux-ci nommeront les délég
256 es délégués qui siégeront dans le Sénat. La place est donc le centre de la vie politique, c’est là que se forme l’opinion e
257 se font les décisions de l’assemblée. La question est de savoir si dans les villes d’aujourd’hui, qui sont devenues trop gr
258 t de savoir si dans les villes d’aujourd’hui, qui sont devenues trop grandes, on peut parler de démocratie réelle, de partic
259 me la rue ne peut plus jouer son rôle. La réponse est évidemment non. 26 novembre 1965 Toutes les tensions dans la vie soci
260 . Prenez, par exemple, l’église et la mairie, qui sont traditionnellement en opposition, dans les pays où il y a de l’anticl
261 ticléricalisme ; entre l’église et la mairie, qui sont toutes les deux sur la place du bourg, du village ou de la petite vil
262 les cafés qu’elle se discutait, que les articles étaient rédigés, et ensuite que l’on commençait à vendre, à diffuser les jour
263 s donné naissance à nos parlements modernes. Elle est vraiment la cellule mère de notre civilisation occidentale, et nous p
264 er 1976 Quand une ville devient trop grande, il n’ est plus question qu’elle ait pour centre une grande place avec tous les
265 viiie siècle surtout, la place des communes, qui était la manifestation même de la démocratie, devient tout à fait autre cho
266 Dans la grande ville moderne, la place (l’agora) est devenue un parking très souvent, tandis que les rues sont envahies pa
267 enue un parking très souvent, tandis que les rues sont envahies par les autos, c’est-à-dire qu’elle n’est plus livrée aux ci
268 nt envahies par les autos, c’est-à-dire qu’elle n’ est plus livrée aux citoyens, à leurs rencontres, à leurs manifestations
269 ns au conseil de la ville. 10 février 1967 Ce qui est frappant dans la plupart des ouvrages sur l’urbanisme, sur la cité de
270 n état de s’en occuper, aux affaires publiques, n’ est pas pris en compte par les auteurs. 7. Cités, régions, fédération
271 ntisse les droits de la cité. Les lois de la cité sont une sorte de conquête sur ces petits génies têtus et myopes qu’étaien
272 conquête sur ces petits génies têtus et myopes qu’ étaient les petits dieux du clan sacré, qui étaient toujours des dieux méchan
273 es qu’étaient les petits dieux du clan sacré, qui étaient toujours des dieux méchants. Désormais, avec les lois de la cité, les
274 stauration des libertés communales, telle qu’elle est , trop souvent à mon gré, revendiquée par de grandes associations comm
275 ouvoirs locaux, qui me semblent vouloir trop s’en tenir à ce modèle du village ou de la petite cité que nous avons hérité du
276 une quantité de services, les tâches des communes sont déjà régionales, dépassent les limites de la commune. Pensez à l’eau 
277 nt les limites de la commune. Pensez à l’eau : il est très rare qu’une commune puisse avoir son eau ; en général, elle vien
278 unes anciennes. Le système des hôpitaux également est trop cher pour une commune, et il demande la mise en coopérative de p
279 tes les études de prospective, qui ne peuvent pas être faites à l’échelle d’un maire de village paysan, fût-il un très bon a
280 faites à l’échelle d’un maire de village paysan, fût -il un très bon agronome. Tous ces services débordent la dimension de
281 ne, et on ne peut rien y faire. Le cadre communal est dépassé en fait, et d’une manière irréversible. On en vient à la noti
282 e d’assez petit pour l’engagement civique ne peut être obtenu qu’en groupant des petites communes. 3 février 1967 Les variat
283 des communautés locales, les cellules de base qui sont indispensables si on veut faire une société fédéraliste, par rapport
284 èrement important de l’histoire européenne. Elles sont la base de tout essai de construction fédérale pour maintenant et pou
285 pour maintenant et pour l’avenir. Les communes se sont nourries des apports grecs avec la polis, romains avec la civitas (fo
286 sur les droits personnels). L’esprit des communes est une caractéristique majeure du Moyen Âge : c’est un esprit frondeur b
287 ntérieur de frontières. Ces communautés électives seront , elles, définies par leurs buts consistant à fournir un cadre appropr
288 e notamment un problème de dimensions. Si la cité est trop grande, à l’instar des mégalopoles hellénistiques, le citoyen pe
289 ntiment de sa responsabilité civique, s’habitue à être gouverné. Sa liberté se retranche dans la sphère de sa vie privée, su
290 ossibilité du totalitarisme, car “là où l’homme n’ est plus total, l’État peut devenir totalitaire ; et là seulement”. Dans
291 ançaise a faite des théories de Rousseau, ne peut être effectif que dans une petite dimension. Le point d’équilibre se trouv
292 ées. » b. Il y a ici une confusion, car Aristote fut le disciple de Platon et non l’inverse.
4 1988, Inédits (extraits de cours). Culture
293 ême du singulier que l’on a quelques chances, qui sont les chances de la création, de déboucher sur le général, sur l’univer
294 urs beaucoup frappé dans ma jeunesse et que je me suis toujours rappelé ; un des théorèmes de l’Éthique de Spinoza dit : « d
295 intuitive à cet intellectualisme. En somme, Marx est l’un des premiers à dénoncer les camouflages du réel par la raison, l
296 e : il doit crier fort pour se faire entendre. Il est l’un des premiers à dénoncer les tours de passe-passe de la raison pu
297 ’explication de la société et des motifs humains, soit à l’argent, soit au sexe, Marx et Freud ont produit un effet d’illumi
298 a société et des motifs humains, soit à l’argent, soit au sexe, Marx et Freud ont produit un effet d’illumination sur les bo
299 ourgeois élevés au xixe siècle dans l’idée qu’il était malséant de parler d’argent ou de parler de sexe : ces deux sujets ét
300 r d’argent ou de parler de sexe : ces deux sujets étaient tabous. 11 février 1972 Aujourd’hui, la prétention scientifique à la
301 ntion scientifique à la direction de la société n’ est plus le fait d’usurpateurs et de doctrinaires délirants ; même pas de
302 univers du savoir humain, facultés et spécialités sont en train de s’éloigner les unes des autres, et font penser à ces gala
303 aussi que la commune mesure de notre civilisation est en train de se perdre. J’entends par commune mesure, par exemple, une
304 onception commune de l’homme, de ce qu’il devrait être dans la société, de l’homme universel, idéal capable d’inspirer à la
305 e, aux sources vives de la culture qui maintenant est devenue mondiale ; ils viennent apprendre ces secrets en Europe, et n
306 nt oubliés. 9 décembre 1966 Le monopole de l’État est devenu de plus en plus grand pendant tout le xixe siècle sur les uni
307 xe siècle sur les universités. Finalement, seule est restée l’unité visible des universités : l’unité locale, l’unité par
308 iversités : l’unité locale, l’unité par le cadre, soit de la nation, soit de la cité, soit du canton en Suisse. La réalité m
309 locale, l’unité par le cadre, soit de la nation, soit de la cité, soit du canton en Suisse. La réalité même de l’enseigneme
310 par le cadre, soit de la nation, soit de la cité, soit du canton en Suisse. La réalité même de l’enseignement, tel qu’il éta
311 sse. La réalité même de l’enseignement, tel qu’il était conçu au début, a disparu, c’est-à-dire que l’universitas n’existe pl
312 é non seulement des maîtres et des disciples, qui était la première définition de l’université, mais aussi de l’ensemble des
313 de bâtiments : les différentes branches du savoir sont réunies en une série de bâtiments, qu’on appelle l’université. Ce son
314 érie de bâtiments, qu’on appelle l’université. Ce sont une localité, une autorité locale ou nationale au mieux, puis une adm
315 préhensibles pour leurs voisines. Or, quand on en est au point où il n’y a plus d’universalité, il n’y a pas non plus d’uni
316 salité, il n’y a pas non plus d’université, et on est exactement dans la situation de la tour de Babel. 9 décembre 1966 L’œ
317 e de notre culture et de nos universités, devrait être confiée à des groupes de chercheurs, qui représenteraient des discipl
318 tre différentes disciplines. Ces hommes devraient être d’abord des spécialistes qui auraient démontré leur excellence dans u
319 c’est une sorte de description de l’histoire qui est en train de se faire, c’est très technique et ne touche pas du tout l
320 ération, d’éduquer, de former un type d’homme qui soit une personne. C’est le problème de l’éducation d’une manière tout à f
321 ors. C’est aussi le contraire de l’initiation qui était conduire dedans, faire entrer dans une certaine structure. On veut co
322 isques. 17 janvier 1969 Initiation et initiative sont en fait deux tendances contradictoires, puisque par la première on ve
323 ropéenne, ces deux tendances antinomiques doivent être combinées. On ne peut pas exclure l’une au profit de l’autre. Il y a
324 ’initiation et l’éducation pour l’initiative, qui sont assez radicalement contraires d’intentions ; bien entendu, dans chaqu
325 ons ; bien entendu, dans chaque éducation doivent être présentes initiation et initiative à doses différentes. 4. Alignem
326 1966 Si on pense que le but de la vie d’un homme est de participer à la puissance et à la grandeur de sa nation (et je ne
327 tous les Européens, pendant des générations), on est porté tout naturellement — je dirais même nécessairement — à vouloir
328 on pense, au contraire, que le but de la société est d’offrir à chacun de courir sa chance, de s’exprimer, de « se réalise
329 exprimer, de « se réaliser » au maximum, alors on est porté à vouloir et à promouvoir un régime pluraliste, qui ménage les
330 idéale — de même que la limite du régime unitaire était le totalitarisme —, limite qui n’est jamais atteinte, serait l’an-arc
331 e unitaire était le totalitarisme —, limite qui n’ est jamais atteinte, serait l’an-archie, l’anarchie au sens étymologique 
332 otalitarisme —, limite qui n’est jamais atteinte, serait l’an-archie, l’anarchie au sens étymologique : la privation d’autorit
333 d’autorité. 20 mai 1977 L’instruction publique a été le principal moyen d’aligner les esprits, et ensuite, il y a eu la pr
334 s curiosités. Ça, c’est le fin du fin ! La presse est , en effet, le seul moyen d’entrer jusque dans l’esprit des gens, par
335 esprit des gens, par leur curiosité. Cette presse est nourrie par les agences de presse, qui sont toutes des agences d’État
336 presse est nourrie par les agences de presse, qui sont toutes des agences d’État ; au xixe siècle, il y avait les grandes a
337 ule et dirige les esprits comme on veut, quand on est maître de dire « voilà les faits importants d’hier » et qu’on ne choi
338 presse objective, annonçant les faits tels qu’ils sont , car les faits ne sont pas, ils sont fabriqués. Un fait, c’est un fac
339 çant les faits tels qu’ils sont, car les faits ne sont pas, ils sont fabriqués. Un fait, c’est un factum, c’est ce qui est f
340 tels qu’ils sont, car les faits ne sont pas, ils sont fabriqués. Un fait, c’est un factum, c’est ce qui est fait. On oublie
341 fabriqués. Un fait, c’est un factum, c’est ce qui est fait. On oublie toujours ça : qu’il est fabriqué. Il n’y a pas de fai
342 st ce qui est fait. On oublie toujours ça : qu’il est fabriqué. Il n’y a pas de fait en soi. 24 janvier 1969 L’irréalité de
343  réalité » à laquelle nous croyons chaque matin n’ est faite que par la presse et la radio, et n’est souvent faite que pour
344 n n’est faite que par la presse et la radio, et n’ est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maî
345 t n’est souvent faite que pour elles. Les agences seraient donc nos vrais maîtres ? C’est trop dire, car elles sont irresponsabl
346 nc nos vrais maîtres ? C’est trop dire, car elles sont irresponsables. Je ne soupçonne pas la presse occidentale de suivre u
347 elle-même, sans nulle enquête sérieuse, de ce qui sera vendable ou non. Elle ne se trompe qu’une fois sur deux. À ce taux, e
348 stance critique des esprits exposés à la presse n’ est pas seulement possible, mais indispensable. Je demande qu’on institue
349 que nationale en France, sous la IIIe République, sont devenus le suffrage universel et l’opinion — la presse ; or tous les
350 ur tour formeraient des électeurs. Le but dernier étant donc de servir l’État et la nation, et pas du tout de servir les pers
351 sait à peu près de même : il pensait que l’État n’ était pas là pour le citoyen, mais qu’au contraire, le citoyen était là pou
352 pour le citoyen, mais qu’au contraire, le citoyen était là pour l’État. L’école napoléonienne, pourrait-on dire d’après la mê
353 urrait-on dire d’après la même forme de pensée, n’ est pas là pour les élèves, mais les élèves y sont pour la nation. Ainsi,
354 , n’est pas là pour les élèves, mais les élèves y sont pour la nation. Ainsi, le nationalisme devient la religion réelle, ét
355 e en force, et qui a des moyens de répression qui sont l’armée et la police — ce que n’ont plus les autres religions. 5.
356 1969 Il faut relever préalablement que la langue est très liée à la nation, mais pas du tout à l’État. Je vous rappelle qu
357 arlant une même langue, la langue de l’université étant le latin ; on appelait aussi « nations » les châteaux réservés aux ch
358 dit que les vitraux et les peintures des églises étaient le catéchisme du Moyen Âge ; avec l’invention de l’imprimerie, le cat
359 ale condition d’agrégation d’un peuple à l’empire est celle-ci : ce peuple doit rendre hommage au dieu universel qui régit
360 age au dieu universel qui régit l’histoire et qui est le principe vital de l’empire. Il en allait ainsi en Akkad, nous le s
361 dans l’Empire d’Alexandre et à Rome : Alexandre s’ est déifié de son vivant, César est devenu Auguste. C’est parce que les p
362 ome : Alexandre s’est déifié de son vivant, César est devenu Auguste. C’est parce que les premiers chrétiens avaient compri
363 ent d’adorer César en tant qu’Auguste, qu’ils ont été persécutés. 25 octobre 1968 Pour les gens d’Akkad, pour les Égyptiens
364 C’est pourquoi l’insigne impérial par excellence est le globe. L’empereur participe du pouvoir mystique comme le chef rass
365 mystique comme le chef rassembleur de tribus. Il est l’intermédiaire entre le dieu et l’homme qui vit dans l’empire. D’où
366 s empereurs romains. Ce caractère de vénération s’ est étendu aussi à Charlemagne, et surtout aux empereurs du Saint-Empire
367 u, du fait qu’il y a plusieurs empires connus. Il est difficile de maintenir cette mythologie, quand on sait qu’en fait, il
368 se développer contre lui et contre la papauté qui est l’autre symbole d’universalisme au Moyen Âge. 1er novembre 1968 Penda
369 1er novembre 1968 Pendant des siècles, l’Église s’ est vue exercer toutes sortes de fonctions : état civil (baptêmes, mariag
370 iages), taxes et impôts, banque. L’administration est donc exercée par l’Église. L’empire n’a pas d’État à sa disposition.
371 ition. Les seules institutions impériales connues étaient la Diète d’Empire, qui ne se réunissait guère que pour élire un nouve
372 reur. Il a fallu attendre le xve siècle pour que soit proposée la création d’un conseil d’empire, sans que l’on sache quell
373 il d’empire, sans que l’on sache quelles auraient été ses attributions. Cette proposition n’a pas été suivie d’effets réels
374 t été ses attributions. Cette proposition n’a pas été suivie d’effets réels. L’empire ne disposait pas d’appareil étatique.
375 e. L’empereur n’avait pas de trésor important. Il était souvent moins riche que ses vassaux. Il était donc dans une situation
376 Il était souvent moins riche que ses vassaux. Il était donc dans une situation très particulière, moins chef d’État qu’arbit
377 ès particulière, moins chef d’État qu’arbitre. Il était un symbole vivant. Il garantissait dans sa personne l’idée d’unité, d
378 ue l’on a traduit par cette phrase : l’Angleterre était autrefois le pays qu’habitaient les Anglais ; aujourd’hui, les Anglai
379 habitaient les Anglais ; aujourd’hui, les Anglais sont le peuple qui habite l’Angleterre. 14 novembre 1968 La civilisation e
380 te l’Angleterre. 14 novembre 1968 La civilisation est née dans la cité — civitas — et ce n’est pas par hasard que la philos
381 lisation est née dans la cité — civitas — et ce n’ est pas par hasard que la philosophie et la science grecques, c’est-à-dir
382 t la science grecques, c’est-à-dire occidentales, sont nées dans les premières cités ioniennes, avec Thalès de Milet, Héracl
383 de valeurs de base de la civilisation occidentale sont les valeurs celtes, qu’il convient donc d’ajouter aux valeurs grecque
384 ire que toutes les valeurs affectives de l’Europe sont déterminées par cette origine celtique, ainsi que les valeurs individ
385 uelle. Le triomphe des Celtes, dans leur échec, a été de parvenir à intérioriser le sens de l’aventure, là où les Grecs et
386 ration sauvegarde même. 16 janvier 1969 Quels que soient les termes que l’on retient, personne, hypostase, ousia, relation, ce
387 éelle des personnes ? En somme, on essaie (ce qui est à peu près impossible logiquement) de penser ensemble des réalités qu
388 logiquement) de penser ensemble des réalités qui sont , aux yeux de la raison, antinomiques, contradictoires, exclusives les
389 la communauté nouvelle — amour du prochain qui n’ est pas un sentiment, mais une action de solidarité envers les autres — q
390 s, cette harmonie des libertés humaines qui avait été la nostalgie des plus grands penseurs grecs et aussi des stoïciens et
391 oïciens et de Marc-Aurèle. Le génie de saint Paul est d’avoir pu résumer tout cela dans l’antithèse la plus frappante et la
392 gle sacrée, sociale. 24 avril 1970 Je pense qu’il est possible d’unir nos pays pour cette raison littéralement fondamentale
393 e laquelle participent tous les Européens, qu’ils soient d’ailleurs « cultivés » ou non, conscients ou non de ce qu’ils doiven
394 au zéro précédant la suite des nombres, mais qui est l’une des sources principales de la poésie amoureuse, donc de l’amour
395 nfini, mais dont la plus fréquente, de très loin, est le couple d’antinomies inséparables : autorité et liberté, individual
396 nes et les jette dans des villes chaotiques où, n’ étant plus organisés en véritables communautés, ils n’offrent plus de résis
397 plus de résistance à l’alignement des esprits qui est le phénomène dominant du siècle — alignement par l’école, le recrutem
398 seule protestation personnaliste du xixe siècle est celle de quelques grands hommes aberrants, comme Kierkegaard, Nietzsc
399 autant plus perçants qu’ils ont l’impression de n’ être pas entendus. 15 mai 1970 L’homme de la Renaissance, c’est l’individu
400 semble à certains types grecs de l’individu, mais est plus franchement prométhéen, démesuré, qui veut toujours aller plus l
401 ites. Pour l’homme de la Renaissance, l’ici-bas n’ est plus, comme pour l’homme du Moyen Âge, un lieu d’attente. C’est ici e
402 maintenant que tout se passe. Toutes les valeurs sont centrées sur l’individu. Ainsi, l’homme renaissant s’oppose à l’humil
403 nsi, l’homme renaissant s’oppose à l’humilité qui était la grande vertu médiévale. Il y oppose la virtu, qui signifie énergie
404 nergie, gloire, supériorité, autorité. La virtu a été exaltée par Nietzsche ; l’individu porteur de toutes les valeurs, l’i
405 ». C’est une sorte d’impérialisme individuel, qui est créateur chez un artiste ou chez un homme de science, qui deviendra t
406 de science, qui deviendra très dangereux quand ce sera l’impérialisme individuel d’un prince, d’un général ou d’un homme d’É
407 . D’un côté, l’État s’empare de tout ce qui avant était activité responsable de la personne : la souveraineté de la personne
408 e de la personne : la souveraineté de la personne est déléguée à l’État. Si bien que l’homme ainsi créé devient de plus en
409 12 décembre 1969 Descartes aurait voulu que tout soit complètement géométrique — sinon, c’était le hasard, les accidents, e
410 était le hasard, les accidents, et alors la ville était livrée au règne de la force et non au règne de la raison. En faisant
411 chizophrénie dans la conception de l’homme, qui a été fort utile à la technique. Cette dichotomie a permis de se livrer à l
412 rer à la technique d’une manière qui n’aurait pas été possible auparavant. Avant lui, on faisait toujours attention à un to
413 le. 9 novembre 1970 La culture européenne ne peut être expliquée et comprise, comme l’histoire, que sur deux bases : celle d
414 ersé tout le continent et dans tous les sens, qui sont communs à presque tous les peuples du continent ; et les foyers locau
415 ntion. J’exclus totalement la troisième base, qui est celle qu’on a enseignée jusqu’ici : la base nationale. Aucune entité
416 coïncidé avec les frontières d’une nation. Cela a été ou bien des grands courants comme l’art gothique ou le surréalisme, o
417 ovembre 1976 Les sources de la culture européenne sont très différenciées et nombreuses, la source grecque en formant une pa
418 oli paquet de contradictions et d’éléments qui ne sont pas près de s’harmoniser, mais qui font la richesse et les tensions i
419 s traditions judéo-chrétiennes naturellement, qui sont communes à tous nos peuples. Donc, à la fois grande diversité et pare
420 . Grâce aux découvertes géographiques, l’Europe a été amenée à admettre, peu à peu, le fait d’une très grande diversité des
421 t ainsi se trouvent posés les principes de ce qui sera l’ethnographie, l’anthropologie. Cela posera aussi les problèmes de l
422 opéens que parce qu’il y a une unité de base, qui est une unité culturelle, sur laquelle on peut bâtir une union, librement
423 ment constituée. L’unité, c’est quelque chose qui est donné, ou qui n’est pas donné. L’union, c’est quelque chose que l’on
424 nité, c’est quelque chose qui est donné, ou qui n’ est pas donné. L’union, c’est quelque chose que l’on fait, qui résulte d’
425 lture non unitaire et si hautement diversifiée qu’ est la culture européenne, je répondrais que la solution se trouve dans l
426 sauvegarde de nos autonomies. Car ces autonomies seront perdues une à une, si nous refusons l’union qui ferait leur force ; m
427 ur force ; mais en retour, cette union ne saurait être acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. Rien de plus
428 saurait être acquise au prix des libertés qu’elle est censée servir. Rien de plus limpide que la déduction qui fait toute m
429 impide que la déduction qui fait toute ma thèse : étant donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne pe
430 ma thèse : étant donné que la base de notre unité est une culture pluraliste, on ne peut fonder sur elle qu’une union fédér
431 introduction suivante des éditeurs : « La culture est sans doute l’élément principal sur lequel peut se fonder une union eu
432 bes et des Slaves. C’est dire comme cette culture est un assemblage complexe. Un moment important est celui des grands conc
433 e est un assemblage complexe. Un moment important est celui des grands conciles dont les débats inaugurent un mode de pensé
434 ouverte de l’Un et du Divers, dont le fédéralisme est la transposition politique. L’idée d’empire est un autre produit marq
435 e est la transposition politique. L’idée d’empire est un autre produit marquant de la culture et de l’histoire européennes 
436 tique, le Saint-Empire (dont l’Empire napoléonien est tout le contraire) a fait coexister des communautés extrêmement diver
437 éens dans leur diversité, car cette culture, une, est aussi plurale. Alors que l’unité de la culture nous est donnée, l’uni
438 ssi plurale. Alors que l’unité de la culture nous est donnée, l’union est de l’ordre du faire, de la tâche à accomplir. Le
439 ue l’unité de la culture nous est donnée, l’union est de l’ordre du faire, de la tâche à accomplir. Le fédéralisme correspo
440 la culture européenne une et diverse : l’union y est conçue non pour unifier ou uniformiser, mais pour sauvegarder et prot
441 particulièrement important. L’État-nation ne s’y est pas trompé, qui a cherché à unifier les langues parlées sur son terri
5 1988, Inédits (extraits de cours). État-nation
442 ions 30 octobre 1970 L’État-nation. Ce terme a été lancé par les groupes Esprit et l’Ordre nouveau pendant les années 19
443 t et l’Ordre nouveau pendant les années 1930 ; il est actuellement tout à fait reconnu par l’historiographie et la sociolog
444 l étatique sur des réalités dites nationales, qui sont d’ordre culturel, spirituel, ethnique, moral, des réalités de but com
445 parfois des réalités d’origine commune. La nation est beaucoup plus vague, et pas nécessairement délimitée par des frontièr
446 es. La combinaison entre l’État et la nation ne s’ est produite véritablement qu’à partir de la Révolution française, et not
447 ise, et notamment de sa période jacobine, et ne s’ est véritablement réalisée pour la première fois que par l’action de Napo
448 is que par l’action de Napoléon. 24 avril 1970 Qu’ est -ce, en somme, qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une
449 1968 La Révolution française, c’est l’État qui s’ est emparé de la nation unitaire, produite par la dissolution des ancienn
450 litique — l’État —, confiscation dont le résultat est l’État-nation moderne. 27 mai 1966 L’État des rois de France, d’une p
451 es de Hollande surtout, ces deux formes d’État ne sont pas identiques. L’État imposé par les rois sera de plus en plus un bu
452 e sont pas identiques. L’État imposé par les rois sera de plus en plus un but en soi, comme l’État-nation moderne. Tandis qu
453 uement. Il y a donc l’État de type préfédéral qui est un État instrumental, simplement, qui s’oppose à l’État royal par sa
454 peut réaliser cette mission ; donc, l’État-nation sera impérialiste par définition, et sera belliciste par la force des chos
455 ’État-nation sera impérialiste par définition, et sera belliciste par la force des choses. 13 novembre 1964 On assiste avec
456 disparaître. 22 novembre 1968 Bonaparte, après s’ être fait élire consul à vie, prend, en 1804, le titre d’empereur. C’est b
457 du fonder un véritable empire, notamment quand il était en Égypte, et qu’il a pensé se tourner vers l’Asie et reprendre les a
458 Grand. Mais ce qu’il a effectivement créé en 1804 est un État-nation de type nouveau, réalisant les ambitions de la Révolut
459 nt les ambitions de la Révolution française. Ce n’ est pas un empire, puisqu’on ne trouve dans l’État qu’il domine ni la plu
460 il domine ni la pluralité, ni l’universalité, qui sont les caractères distinctifs d’un empire. 22 novembre 1968 L’État-natio
461 évrier 1977 Pour le roi, pour l’État absolu, il n’ est pas question de dire que le but de la société c’est que les hommes vi
462 de la société c’est que les hommes vivent bien et soient heureux, il est question de dire que le but de l’État, c’est l’État,
463 que les hommes vivent bien et soient heureux, il est question de dire que le but de l’État, c’est l’État, c’est la puissan
464 e que la Révolution française, c’est l’État qui s’ est emparé de la nation unitaire produite par la dissolution des ancienne
465 propos de la langue et de la religion, que ce ne sont pas des facteurs décisifs, surtout pas suffisants pour déterminer le
466 distinction entre les langues et les confessions est plutôt un effet qu’une cause des différenciations nationales. Alors,
467 ause des différenciations nationales. Alors, quel est le facteur principal — sinon décisif à lui tout seul — de la formatio
468 ne ? Je pense que c’est un troisième facteur, qui est l’organisation territoriale : la formation de territoires, plus ou mo
469 és par une dynastie en général, en attendant de l’ être , dès la Révolution française, par l’appareil administratif de l’État.
470 ire les reproches les plus virulents, ce que l’on est beaucoup tenté de faire dans notre siècle. Bien entendu, les deux cho
471 dans notre siècle. Bien entendu, les deux choses sont vraies, elles ne sont pas du tout exclusives l’une de l’autre. Ce qui
472 en entendu, les deux choses sont vraies, elles ne sont pas du tout exclusives l’une de l’autre. Ce qui m’intéresse dans cett
473 ribus suffit à suggérer irrésistiblement qu’elles sont les origines de nos nations modernes. Voici une liste des traits cara
474 actéristiques des tribus primitives : 1. La tribu est une totalité. 2. Son principe d’union est d’abord religieux. 3. Son t
475 a tribu est une totalité. 2. Son principe d’union est d’abord religieux. 3. Son territoire est considéré comme le centre du
476 d’union est d’abord religieux. 3. Son territoire est considéré comme le centre du monde. 4. Tout ce qui est hors de la tri
477 onsidéré comme le centre du monde. 4. Tout ce qui est hors de la tribu est impur. 5. Tout ce qui est dans la tribu est sacr
478 tre du monde. 4. Tout ce qui est hors de la tribu est impur. 5. Tout ce qui est dans la tribu est sacré. 6. La tribu dont j
479 ui est hors de la tribu est impur. 5. Tout ce qui est dans la tribu est sacré. 6. La tribu dont je fais partie est supérieu
480 tribu est impur. 5. Tout ce qui est dans la tribu est sacré. 6. La tribu dont je fais partie est supérieure à toutes les au
481 tribu est sacré. 6. La tribu dont je fais partie est supérieure à toutes les autres. 7. Annexer l’étranger impur est un ac
482 à toutes les autres. 7. Annexer l’étranger impur est un acte religieux. Ces sept caractéristiques de la tribu méritent d’ê
483 Ces sept caractéristiques de la tribu méritent d’ être examinées de plus près, car elles correspondent toutes à nos nations
484 nation avant le xiiie siècle. Avant, les nations étaient les empires, qui sont nés de la réunion — plus ou moins forcée — de p
485 ècle. Avant, les nations étaient les empires, qui sont nés de la réunion — plus ou moins forcée — de plusieurs tribus réunie
486 pparaissent à partir du xive siècle. Ces nations sont comme une résurgence des tribus qui avaient été préalablement digérée
487 sont comme une résurgence des tribus qui avaient été préalablement digérées par les empires. 1er novembre 1968 Les nations
488 es par les empires. 1er novembre 1968 Les nations sont la résurgence des tribus, qui s’étaient fondues dans les empires, mai
489 Les nations sont la résurgence des tribus, qui s’ étaient fondues dans les empires, mais qui, pendant leur longue vie latente d
490 pendant leur longue vie latente dans l’empire, se sont pénétrées de l’idée qu’elles avaient chacune une vocation universelle
491 ours. 25 octobre 1968 Littéralement, chaque tribu est religieusement convaincue que le territoire qu’elle a choisi est le n
492 ent convaincue que le territoire qu’elle a choisi est le nombril du monde. Ce n’est pas une façon de parler : l’omphalos (n
493 re qu’elle a choisi est le nombril du monde. Ce n’ est pas une façon de parler : l’omphalos (nombril) désignait la capitale,
494 nationalistes de nos nations modernes : ma nation est le centre du monde, c’est par là que l’on touche au ciel, et cela ne
495 t par là que l’on touche au ciel, et cela ne peut être que par là. Même le christianisme médiéval avait cette conviction. D
496 et sur la nécessité d’avoir un centre sacré, qui était , pour les jacobins, la commune de Paris (chez Anacharsis Cloots, par
497 oots, par exemple). 25 octobre 1968 L’État-nation est une combinaison relativement moderne de deux réalités, sociale et pol
498 nnes, d’origines complètement différentes — l’une étant la nation, et l’autre l’État. À proprement parler, c’est à partir de
499 Révolution française, et surtout de Napoléon qu’a été créé ce composé qui se proclame souverain absolu et immortel — ceci e
500 Renan dans un discours à la Sorbonne intitulé Qu’ est -ce qu’une nation ? : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éterne
501 tulé Qu’est-ce qu’une nation ? : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé. Elles finiront. La c
502 , les remplacera. » « Les nations ont commencé », est la phrase importante. Il s’agit pour nous de savoir quand et comment
503 t comment elles ont commencé, et comment elles se sont développées ensuite. La notion d’État a une genèse que l’on peut retr
504 et qui s’affirme indépendant. Cette conception s’ est formée au xixe siècle, et il se trouve qu’elle est en crise au xxe
505 t formée au xixe siècle, et il se trouve qu’elle est en crise au xxe siècle ; elle a même abouti à des crises convulsives
506 rtout de fédération, je pense que leur opposition est motivée par une confusion qu’ils font entre nation et patrie. La patr
507 entre nation et patrie. La patrie, à laquelle ils sont très attachés — et ils ont raison — est une réalité physique, sentime
508 elle ils sont très attachés — et ils ont raison — est une réalité physique, sentimentale, instinctive, native et locale ; q
509 nctive, native et locale ; qui, par conséquent, n’ est pas très grande. Ce qui a détruit les patries réelles en Europe, ce s
510 e qui a détruit les patries réelles en Europe, ce sont les nations. Vous voyez à quel point il est grave de confondre patrie
511 , ce sont les nations. Vous voyez à quel point il est grave de confondre patrie et nation comme on le fait couramment. 29 a
512 nations qui ont détruit l’attachement à la patrie sont de formation très récente. Elles ne remontent pas plus haut que la Ré
513 t que la Révolution française. Les nations qui se sont créées ainsi, au début du xixe siècle, à la suite de la Révolution e
514 , et aussi contre l’unité vivante de l’Europe. Il est vrai que beaucoup des traditions qui ont été ainsi effacées par l’eff
515 . Il est vrai que beaucoup des traditions qui ont été ainsi effacées par l’effort, par la violence de la Révolution françai
516 fort, par la violence de la Révolution française, étaient devenues sclérosées et auraient mené à des routines dangereuses. Mais
517 vrait défendre un traditionaliste digne de ce nom sont beaucoup plus anciennes que les nations, et ont été détruites par les
518 t beaucoup plus anciennes que les nations, et ont été détruites par les nations. Il est étrange à ce propos de constater qu
519 nations, et ont été détruites par les nations. Il est étrange à ce propos de constater que si tant de traditionalistes se r
520 rce qu’ils manquent de sens de l’histoire, ce qui est particulièrement grave pour des traditionalistes. Ils se figurent que
521 traditionalistes. Ils se figurent que leur nation est éternelle ou immortelle. 1er novembre 1968 Pour le xixe siècle, lang
522 s colonies américaines, qui parlaient anglais, se sont -elles séparées de l’Angleterre ? Pourquoi les États-Unis et le Canada
523 Canada ne font-ils pas un seul pays ? Pourquoi s’ est -on opposé aux volontés d’Anschluss proclamées par Hitler ? Au nom de
524 tatisation de l’existence humaine au xixe siècle étaient l’armée, l’école, la presse et la technique. Vous trouverez ces quatr
525 ites par des Allemands ou des Européens de l’Est) sont fondées sur le critère de la langue. Cela correspond d’ailleurs à un
526 fet beaucoup, plusieurs révolutions populaires se sont fait au nom de la liberté linguistique (surtout en Europe centrale et
527 à la fois) avec la Première Guerre mondiale, 1914 étant une charnière. Le xixe siècle, à dater de 1815, s’achève en 1914. 25
528 68 Le passage de la tribu totémique aux empires s’ est fait par l’impérialisme mystique, c’est-à-dire par l’absorption relig
529 tribu sur les tribus voisines qui joue. Si l’État est une machine de guerre, on peut dire que l’empire est le résultat d’un
530 une machine de guerre, on peut dire que l’empire est le résultat d’une croisade. C’est une réalité spirituelle et mystique
531 es et les nations au sens moderne. Si les empires sont nés de tribus englobées et fixées sur un territoire de plus en plus d
532 ont d’abord voulu s’extraire du tout englobant qu’ était l’empire ; aussitôt après, elles ont voulu, à leur tour, englober des
533 modèle de l’État moderne, commencé par la France, sera reproduit avec différentes variantes, un peu plus tard, par l’Espagne
534 n’a gardé que le droit et l’idée d’institutions — est liée au territoire, au domaine d’un roi et d’une dynastie. Plus tard,
535 e. Plus tard, à la Révolution française, cet État sera lié au territoire de l’ensemble du pays, de la nation. Ce n’est plus
536 itoire de l’ensemble du pays, de la nation. Ce n’ est plus l’administration d’un domaine privé du roi, cela devient l’admin
537 ologique. L’idéologie devient très importante, et est imposée pratiquement par le parti ou les partis qui se sont substitué
538 ée pratiquement par le parti ou les partis qui se sont substitués au roi — qui tiennent le pouvoir dans la capitale, qui occ
539 ou les partis qui se sont substitués au roi — qui tiennent le pouvoir dans la capitale, qui occupent les bureaux centralisés, qu
540 t sur un territoire donné. L’État devient comme l’ était le roi le superior in terris, la suprema potestas, et il exerce le po
541 Napoléon. 1er novembre 1968 Le rôle de l’empereur est essentiellement celui de garant moral. Quand l’empereur cessera d’êtr
542 celui de garant moral. Quand l’empereur cessera d’ être reconnu comme cette garantie suprême, les nations commenceront à se m
543 e le Bel l’ont exprimé ainsi : « Le Roy de France est empereur en son royaume. » Je date la naissance des nations de ce mom
544 se considère comme empereur, déclare donc qu’il n’ est plus le vassal de personne, qu’il se suffit à lui-même comme seul un
545 lle qu’un des traits caractéristiques de l’empire est la totalité.) Dans le cas de la France, et plus tard de l’Angleterre
546 re 1968 Les premières nations, telles qu’elles se sont dessinées à partir du xive siècle, sont nées et se sont constituées
547 elles se sont dessinées à partir du xive siècle, sont nées et se sont constituées en s’affirmant contre l’empire, mais en s
548 ssinées à partir du xive siècle, sont nées et se sont constituées en s’affirmant contre l’empire, mais en se définissant da
549 tratif de l’Église. Les provinces ecclésiastiques sont une préfiguration des futures nations. L’héritage administratif de l’
550 ns. L’héritage administratif de l’Empire romain a été repris par l’Église. 3. De l’individualisme au totalitarisme 27
551 phrases sur lesquelles je reviens le plus souvent est celle-ci : c’est avec la poussière des individus que l’État totalitai
552 faut d’abord broyer les individus car, quand ils sont vivants, on ne peut pas les organiser d’une manière géométrique. 29 m
553 s total se rejoignent dans cette phrase où l’État est assimilé à l’individu, avec tous les droits que l’on pourrait refuser
554 tes, extrêmement solide. Mais, dès lors qu’elle s’ est mise à déborder du domaine administratif et qu’elle a voulu interveni
555 olitiques de base, cette centralisation a cessé d’ être efficace ; elle est devenue une sorte de démence, elle a créé toutes
556 tte centralisation a cessé d’être efficace ; elle est devenue une sorte de démence, elle a créé toutes les données d’un tot
557 e nation qu’il entend discipliner entièrement. Il est en effet normal et presque fatal qu’un pouvoir stato-national ait une
558 enthousiaste de toute la nation. Et pour cela, il est fatal et nécessaire qu’il s’en prenne en premier lieu à l’université,
559 en Europe, depuis sa création au xiiie siècle, a été dans tous les siècles la force de contestation par excellence. La con
560 de contestation par excellence. La contestation a été depuis le début le mode d’enseignement et de discussion, le sic et no
561 bligera les révolutionnaires à se demander qui va être le porteur de la volonté générale de vingt-cinq-millions de Français.
562 é générale de vingt-cinq-millions de Français. Ce sera évidemment l’État, qui apparaît ainsi comme le complément concret et
563 plément concret et nécessaire de la nation, qui s’ est presque évanouie dans l’abstrait. 12 juin 1970 L’État-nation a été un
564 uie dans l’abstrait. 12 juin 1970 L’État-nation a été une des créations de l’Europe et doit nécessairement, par sa logique
565 es fatales, en 1914-1918 et en 1939-1945. Ainsi a été démontrée la nocivité de cette valeur de l’État-nation. Mais cela ne
566 l’Europe, et notamment à la forme fédérale qu’ils tiennent pour un déguisement plus ou moins hypocrite de l’ambition unitariste 
567 t la réponse à la question que je viens de poser, est très bien exprimé par une phrase que j’ai entendu prononcer à la télé
568 d’un journaliste qui lui demandait pourquoi il s’ était opposé, par exemple, à la création du Marché commun — en son temps, q
569 ation du Marché commun — en son temps, quand il n’ était pas encore ministre — il répondait qu’il était contre des mesures de
570 n’était pas encore ministre — il répondait qu’il était contre des mesures de ce genre parce qu’elles tendaient « à réduire l
571 le a unifiées de force. Car ce type d’esprit, qui est en somme jacobin, ne peut rien imaginer d’autre qu’une uniformisation
572 rmisation autoritaire, ou alors il pense que ce n’ est pas sérieux. 13 juin 1969 Y avait-il vraiment, entre les deux guerres
573 mocrates à l’Ouest, et les États totalitaires à l’ Est  ? N’était-ce pas plutôt une différence entre États-nations — qu’ils é
574 à l’Ouest, et les États totalitaires à l’Est ? N’ était -ce pas plutôt une différence entre États-nations — qu’ils étaient les
575 lutôt une différence entre États-nations — qu’ils étaient les uns et les autres — riches et à peu près équilibrés d’un côté, pa
576 plutôt deux types d’États-nations, les uns ayant été conduits à la dictature par une crise très profonde, les autres ayant
577 a souveraineté 25 octobre 1968 La souveraineté est religieuse, de religio, religare = relier. La religion, c’est ce qui
578 e dans tous les cas de fondation d’empire, que ce soient les deux premiers empires d’Akkad et d’Égypte, ou plus tard l’Empire
579 mpire de Byzance. 18 avril 1969 Le dogme clé, qui est l’équivalent de celui de la toute-puissance divine, c’est le dogme de
580 neté s’exerçant d’abord sur la nation (les hommes étant considérés comme les sujets de l’État) et aussi à l’égard des autres
581 Philippe le Bel, selon lesquels le roi de France est souverain en son royaume, et ne reconnaît aucun pouvoir au monde qui
582 yaume, et ne reconnaît aucun pouvoir au monde qui soit supérieur au sien, ni le pouvoir de l’empereur, ni celui du pape. Ce
583 république, il y a la justice, dont l’interprète est le souverain, au service duquel est le droit, le général de Gaulle di
584 l’interprète est le souverain, au service duquel est le droit, le général de Gaulle dit ceci : Trois choses comptent en m
585 ent salus patriae, cela prime tout, et de cela je suis le seul juge ; deuxièmement, loin derrière, il y a les circonstances
586 re, c’est même tertiaire. La hiérarchie de Bodin est exactement reproduite. Le chef de l’État est le seul juge, le seul in
587 odin est exactement reproduite. Le chef de l’État est le seul juge, le seul interprète des intérêts supérieurs de la nation
588 roit romain ; idée que la souveraineté ne saurait être limitée en rien. 15 janvier 1965 Ce qui a déclenché donc la guerre de
589 965 Ce qui a déclenché donc la guerre de 1939, ce sont au total, dans les très grandes lignes, les mêmes forces qui avaient
590 ration. 29 avril 1967 En réalité, la souveraineté est un concept devenu inopérant de nos jours. Il y a un exemple célèbre t
591 nationale — avec le droit de signer des traités — est que le gouvernement, l’État d’une nation souveraine peut déclarer la
592 n et opportun de déclencher la guerre de Suez, se sont vues stoppées brutalement — comme on stoppe des joueurs de rugby — pa
593 États-Unis, et ont dû arrêter la guerre qu’elles étaient en train de gagner militairement, après quelques jours, parce qu’on l
594 plus traditionnelle. La souveraineté nationale n’ est plus une force réelle, elle est encore une force négative, c’est-à-di
595 ineté nationale n’est plus une force réelle, elle est encore une force négative, c’est-à-dire que c’est en l’invoquant que
596 . État-nation et guerre 3 juin 1966 Les États sont nés de la guerre : voilà ce qu’ont très bien vu Machiavel et Bodin. I
597 là ce qu’ont très bien vu Machiavel et Bodin. Ils sont nés d’abord de la guerre de Cent Ans ; ils sont nés des guerres entre
598 s sont nés d’abord de la guerre de Cent Ans ; ils sont nés des guerres entre les deux premiers États bien constitués, la Fra
599 des guerres entre les autres États européens ont été causées par le besoin de les raffermir, de raffermir le pouvoir de l’
600 it fait, par exemple, cette entreprise commune qu’ étaient les croisades. 1er novembre 1968 Il importe de rappeler la manière ré
601 er la manière réelle dont les nations modernes se sont constituées. Elles se sont constituées par l’impérialisme d’un petit
602 es nations modernes se sont constituées. Elles se sont constituées par l’impérialisme d’un petit État central, qui a, peu à
603 l faut noter que les guerres nationales, qu’elles soient civiles ou étrangères, qu’il s’agisse d’une guerre « froide » comme o
604 à l’intérieur du pays. Or, on s’aperçoit qu’il n’ est presque aucune de ces mesures d’urgence, d’union sacrée, prise par l’
605 rgence, d’union sacrée, prise par l’État, qui ait été rapportée une fois que la paix est revenue. Ainsi, le mécanisme de l’
606 ’État, qui ait été rapportée une fois que la paix est revenue. Ainsi, le mécanisme de l’État-nation conduit non seulement à
607 uvoir. 22 novembre 1968 La nation révolutionnaire est conçue dès le début comme une religion missionnaire : il s’agit « d’i
608 enforcer l’État, car pendant une guerre — qu’elle soit civile ou étrangère — on suspend toujours un certain nombre de libert
609 ertés, en affirmant que c’est temporaire, mais il est extrêmement rare que l’on rétablisse ces libertés, une fois la paix r
610 e Bonaparte, on se rend compte que la nation, qui était une mystique qu’elle est restée en partie, deviendra beaucoup plus au
611 pte que la nation, qui était une mystique qu’elle est restée en partie, deviendra beaucoup plus autoritaire : que son noyau
612 ur sauver la nation, qui oblige à des mesures qui sont données comme des mesures de guerre, et qui ne sont jamais rapportées
613 nt données comme des mesures de guerre, et qui ne sont jamais rapportées une fois la guerre finie. 27 juin 1969 Dans les gra
614 7 juin 1969 Dans les grands États qui se trouvent être en crise à la suite de la guerre — la Russie, l’Italie et l’Allemagne
615 aisons différentes —, la logique de l’État-nation est portée à son comble de démence et cela donne l’État totalitaire. La r
616 donne l’État totalitaire. La religion nationale y est poussée à son extrême, contre la confession chrétienne régnante (surt
617 fleurit vers 1880. Au début du xxe siècle, tout est prêt pour que les théories de Hegel puissent se manifester, pour que
618 nom de toutes les philosophies politiques qui ont été inculquées depuis cent-cinquante ans. Ainsi, la véritable cause de la
619 s. Ainsi, la véritable cause de la guerre de 1914 est le nationalisme, on pourrait même dire la religion du nationalisme, c
620 a religion du nationalisme, car le nationalisme s’ est substitué de plus en plus à la religion chrétienne. 16 mai 1969 La gu
621 es règles du prestige stato-national, qui avaient été admises et consolidées sans cesse pendant cent ans. La guerre de 1914
622 erne, s’imposant aux hommes d’État, quelle qu’ait été leur volonté personnelle. Les hommes d’État et les ministres n’ont pa
623 lle. Les hommes d’État et les ministres n’ont pas été les seules victimes de cette fatalité logique du régime nationaliste.
624 qu’il la voulait, mais qu’un mécanisme inexorable était en train d’agir : tous les mécanismes stato-nationaux qui s’étaient a
625 ’agir : tous les mécanismes stato-nationaux qui s’ étaient accumulés depuis un siècle semblaient avoir été réglés pour provoquer
626 aient accumulés depuis un siècle semblaient avoir été réglés pour provoquer cette explosion, qu’on le veuille ou non. À par
627 e l’Autriche-Hongrie, personne n’a voulu ce qui s’ est passé. 20 juin 1969 Pour réaliser une autarcie — qui est le problème
628 sé. 20 juin 1969 Pour réaliser une autarcie — qui est le problème de base d’un État totalitaire —, il faut un gouvernement
629 a que l’État qui puisse les contrôler, le comble étant la bombe atomique, qui est devenue le symbole de la puissance de l’Ét
630 contrôler, le comble étant la bombe atomique, qui est devenue le symbole de la puissance de l’État. 6. Dimension de l’ét
631 européens. Aucun de nos États-nations européens n’ est assez grand pour jouer un rôle à l’échelle internationale. En même te
632 la culture, la vie de ses régions. L’État-nation est donc, aujourd’hui, à la fois trop grand et trop petit. Ce qui conduit
633 point par Napoléon — a fait son temps, qu’elle n’ est plus adaptée aux conditions, ni politiques, ni économiques, encore mo
634 s sociales de la fin du xxe siècle. Mais qu’elle est encore assez solide pour résister à d’autres formes d’union imaginabl
635 ote tous les sept ans, ou tous les cinq ans, ce n’ est pas l’exercice d’une vie civique. De même, on peut dire que l’univers
636 e entoure un territoire à l’intérieur duquel tout est soumis à l’État, pas seulement les questions d’état civil, d’armée et
637 peut accepter tout le reste : l’État totalitaire est là en puissance. Le comble de la prétention absolutiste se manifeste
638 moderne. Le véritable absolu pour l’homme moderne sera désormais l’État, être collectif plus ou moins mystique, qui se matér
639 bsolu pour l’homme moderne sera désormais l’État, être collectif plus ou moins mystique, qui se matérialise sous la forme de
640 e la justice. 14 janvier 1977 L’origine de ce qui sera la nation imposant les mêmes frontières à toutes les facultés humaine
641 à tous les domaines de l’activité humaine, que ce soit économie, état civil, culture, langue, religion ou idéologie, c’est l
642 imposer la même frontière à toutes les choses qui sont , par nature, complètement différentes et n’ont aucune raison de coïnc
643 est féodal, c’est l’esprit de la féodalité, qui n’ est absolument pas l’esprit de la fédération. 27 juin 1969 Après la guerr
644 ations dans les frontières desquels on veut faire tenir la langue, l’état civil, l’administration, la fiscalité, l’économie,
645 les restes de la conception impériale, qui avait été celle du Saint-Empire romain germanique, et qui était représentée enc
646 é celle du Saint-Empire romain germanique, et qui était représentée encore par l’Autriche-Hongrie, qui réunissait onze nation
647 nationalités différentes. Cette désintégration s’ est opérée en 1919 et 1920, lors de la signature d’une série de traités d
648 raités de banlieue ». Ces traités de banlieue ont été inspirés par toutes les théories nationalitaires romantiques du xixe
649 nne, et les principes sur lesquels on les fondait étaient complètement dépassés. 24 avril 1970 Les États-nations sont encore ef
650 ètement dépassés. 24 avril 1970 Les États-nations sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : l
651 1970 Les États-nations sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : les échanges culturels, le
652 t absolument à rien pour arrêter ce qui devrait l’ être  : les tempêtes et les épidémies, la pollution de l’air et des fleuves
653 . Ce statut des frontières, doublement déficient, est caractéristique de tout ce qui touche à l’État-nation : néfaste dans
654 he à l’État-nation : néfaste dans la mesure où il est encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui. d. Avec
655 t — la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne — est loin d’être une chose qui a toujours existé et qui existera toujours,
656 ce, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne — est loin d’ être une chose qui a toujours existé et qui existera toujours, mais le fru
657 e l’autorité de l’empereur et du pape, puis qui s’ est développée sous sa forme actuelle à la suite de la Révolution françai
658 ystème du nom d’État-nation. Ses caractéristiques sont une uniformisation, une centralisation, une confiscation du pouvoir a
659 des aspects, le nationalisme ou l’esprit national est une religion laïcisée, qui s’apparente au sacré sur lequel la tribu p
660 pseudo-divinité anthropomorphique, l’État fédéral est conçu uniquement comme un instrument administratif nécessaire pour ga
661 État-nation (dont procède l’“Empire” napoléonien) est la notion d’empire (dont l’exemple est le Saint-Empire) basée sur l’u
662 poléonien) est la notion d’empire (dont l’exemple est le Saint-Empire) basée sur l’universalité et le pluralisme symbolisés
663 eur. Les moyens d’action de l’État stato-national sont principalement l’armée, l’école, l’information, la technique. Son emp
664 l’école, l’information, la technique. Son emprise est proportionnelle à la dégradation du civisme : Denis de Rougemont y in
665 l’individualisme des citoyens, et l’État-nation s’ est développé en pulvérisant les communautés existantes, dans lesquelles
666 urs repères et leurs motifs d’agir. L’État-nation est un produit de l’histoire européenne dont l’Europe a souvent pâti (les
667 uelle). De nos jours, la souveraineté nationale n’ est plus qu’une fiction, car dans les faits, aucun des États d’Europe n’a
668 s d’agir à sa guise même s’il le voulait, aucun n’ est réellement indépendant, même s’il se refuse à le dire. L’État-nation
669 ant, même s’il se refuse à le dire. L’État-nation est à la fois trop petit et trop grand : trop petit à l’échelle internati
670 ait que se produise, au niveau européen, ce qui s’ est produit à l’intérieur de ses frontières. À cette supranationalité, sy
6 1988, Inédits (extraits de cours). Europe
671 re européenne 17 février 1964 Si l’Europe ne s’ est pas unie avant cette deuxième moitié du xxe siècle, ce n’est pas la
672 avant cette deuxième moitié du xxe siècle, ce n’ est pas la faute des penseurs et des hommes politiques qui en ont proposé
673 es politiques qui en ont proposé les moyens, ce n’ est pas la faute des systèmes proposés, bons ou mauvais, chimériques ou r
674 ions souveraines, finalement du totalitarisme qui est , en quelque sorte, la somme de toutes ces folies. Les Européens ont é
675 la somme de toutes ces folies. Les Européens ont été non seulement les créateurs et les inventeurs de tous ces systèmes, m
676 les inventeurs de tous ces systèmes, mais ils ont été leurs cobayes — tous ces systèmes qui s’opposaient, ils le voyaient b
677 r aux Européens avant que toutes les folies aient été essayées par eux, aient prouvé qu’elles étaient véritablement des fol
678 aient été essayées par eux, aient prouvé qu’elles étaient véritablement des folies, aient épuisé tous leurs effets. 11 novembre
679 mais aussi les corporations et les communes, qui étaient opposées au régime féodal, mais étaient le même genre de pluralisme d
680 unes, qui étaient opposées au régime féodal, mais étaient le même genre de pluralisme de choses extrêmement complexes, plus ou
681 onseils d’ouvriers et de paysans, qu’on dit avoir été inspirés à Lénine par l’exemple des communes suisses. Bien que publié
682 nes suisses. Bien que publié plusieurs fois, cela est absolument faux ; la vérité est que Lénine se méfiait énormément des
683 sieurs fois, cela est absolument faux ; la vérité est que Lénine se méfiait énormément des soviets, où il voyait, à juste t
684 r le fait qu’aucune des deux tendances n’a jamais été réalisée ni même isolée à l’état pur. On ne peut pas avoir une libert
685 moins près de l’une, ou près de l’autre, et ainsi tient des deux. Mais on remarque tout de même chez les initiateurs de mouve
686 confiance qu’au règlement uniforme, à la loi qui est la même pour tous. 30 octobre 1970 Par culture, j’entends une grande
687 i montré que les sources de notre culture commune sont nombreuses, souvent contradictoires entre elles, ce qui donne une uni
688 disait qu’il appelait « européen » tout ce qui a été formé par Athènes, Rome et Jérusalem. À ces trois sources, s’ajoutent
689 s a duré des siècles, les croisades ont également été l’occasion d’échanges culturels entre le monde arabe et le monde chré
690 xe : la base d’unité réelle de tous les Européens est leur culture ; cette culture est formée de sources si diverses que be
691 us les Européens est leur culture ; cette culture est formée de sources si diverses que beaucoup de ses valeurs se trouvent
692 écembre 1976 Si on veut se rendre compte de ce qu’ est l’unité européenne dans sa diversité, il faut bien comprendre les dif
693 Jérusalem, de la grande plaine du Nord, car elles sont partiellement contradictoires, ce qui fait de l’homme européen un êtr
694 ntradictoires, ce qui fait de l’homme européen un être profondément et essentiellement de conflit, de contradiction, de dive
695 ble. 21 avril 1967 Le premier motif de résistance est la diversité telle qu’elle est donnée par une longue histoire de nos
696 otif de résistance est la diversité telle qu’elle est donnée par une longue histoire de nos pays. Nous avons dit que cette
697 de nos pays. Nous avons dit que cette diversité n’ est pas seulement un obstacle à l’union, mais qu’elle est absolument vala
698 pas seulement un obstacle à l’union, mais qu’elle est absolument valable en soi, et précieuse. Autant on peut dire que l’un
699 euse. Autant on peut dire que l’union de nos pays est nécessaire pour le salut de chacun d’eux et le salut de l’ensemble, a
700 l nous faut dire du même souffle que la diversité est la caractéristique profonde de l’Europe et qu’elle rend compte des ri
701 s grand nombre d’écoles de pensée, d’art, qui s’y sont manifestées, de l’extrême richesse en individualités fortes, prononcé
702 e dans toute l’histoire de l’humanité ; tout cela tient à la diversité que les Européens ont entretenue entre eux, qui, de te
703 opéen, mais qui, quand on réussit à les empêcher, est la condition même de la richesse culturelle et des libertés des Europ
704 même pour la sauver, mais cette union ne saurait être obtenue par le sacrifice des diversités, car si c’était le cas, on ne
705 , qu’on pourrait appeler l’Europe, mais qui ne le serait plus. C’est dire que le problème européen est, par définition, un pro
706 serait plus. C’est dire que le problème européen est , par définition, un problème fédéraliste, n’admettant qu’une solution
707 t qu’une solution fédéraliste. 29 octobre 1965 Il est évident que l’Europe, considérée comme un ensemble, comme une possibl
708 lture ; d’autre part, un besoin vital d’union, ne fût -ce que pour sauver ces diversités, qui sont chacune trop petites à l’
709 on, ne fût-ce que pour sauver ces diversités, qui sont chacune trop petites à l’échelle du monde actuel pour se défendre tou
710 68 Le plus grand problème européen du xxe siècle est sans discussion possible celui de l’union de l’Europe. Mais le princi
711 ’Europe. Mais le principal obstacle à cette union est dans l’existence des États-nations et dans l’attachement des hommes p
712 possible, par elle-même (c’est ce qu’elle appelle être indépendante) en État fermé, plus ou moins autarcique. 24 avril 1970
713 é, plus ou moins autarcique. 24 avril 1970 Rien n’ est plus hostile à toute espèce d’union, tant soit peu sérieuse ou sincèr
714 n n’est plus hostile à toute espèce d’union, tant soit peu sérieuse ou sincère, que cet État-nation qui, par ailleurs, se ré
715 aux exigences concrètes de notre temps, puisqu’il est à la fois trop petit pour agir à l’échelle mondiale, trop grand pour
716 s artistiques et intellectuelles me paraît devoir être refaite de fond en comble, sur cette double donnée : l’Europe n’a jam
717 le, sur cette double donnée : l’Europe n’a jamais été le résultat d’une addition de cultures nationales ; la culture europé
718 on de cultures nationales ; la culture européenne est le résultat de deux phénomènes : des grands courants et des foyers lo
719 ers locaux de création. Ces foyers locaux peuvent être de petites cités ou des régions. Ils sont toujours plus petits que to
720 peuvent être de petites cités ou des régions. Ils sont toujours plus petits que tous nos États-nations actuels. Les grands c
721 de faire comme tout le monde. Le goût de différer est très typiquement européen. On peut dire, en continuant le parallèle,
722 édération européenne 20 mai 1966 La fédération est le dernier régime apparu dans l’histoire des régimes en Europe, elle
723 ne pouvait apparaître qu’après que les nations se soient constituées, que l’État se soit constitué. Au point de vue européen,
724 les nations se soient constituées, que l’État se soit constitué. Au point de vue européen, il faut reconnaître que l’évolut
725 faut reconnaître que l’évolution vers la nation n’ est pas seulement cette espèce de maladie que l’on dénonce aujourd’hui tr
726 chez les fédéralistes, c’était une évolution qui était indispensable. Je voudrais la décrire comme, au fond, l’évolution pré
727 de l’autre, mais seulement de l’Empire romain. Il est curieux de relever que ces distances entre les royaumes et l’empire p
728 plus chauds partisans de la CEE — cinq sur six — sont des États dont les ancêtres faisaient partie du Saint-Empire : RFA, I
729 t les trois pays du Benelux. 14 janvier 1977 On s’ est souvent demandé ce qui serait arrivé en Europe si de Gaulle s’était p
730 . 14 janvier 1977 On s’est souvent demandé ce qui serait arrivé en Europe si de Gaulle s’était porté candidat à la première pr
731 ndé ce qui serait arrivé en Europe si de Gaulle s’ était porté candidat à la première présidence des États-Unis d’Europe. Il a
732 is tout de même, son côté nationaliste français a été plus fort que l’attraction de ce mythe. Je dois dire que, personnelle
733 s de faire l’Europe que d’élire un président, qui serait un empereur sans couronne), le général de Gaulle aurait été le meille
734 ereur sans couronne), le général de Gaulle aurait été le meilleur et il aurait fait gagner beaucoup de temps à cette constr
735 ne si difficile. 27 juin 1969 Mon pronostic — qui est aussi celui de beaucoup d’observateurs — est que l’on essaiera plus o
736 qui est aussi celui de beaucoup d’observateurs — est que l’on essaiera plus ou moins sincèrement de faire certaines allian
737 ainetés nationales. Et, en même temps, comme on y est amené par le développement de l’économie et de la technique, les régi
738 téraux ou multilatéraux) auront créé un tissu qui sera plus fort que les liens entre chacune de ces régions et la capitale d
739 se vide de son contenu par un organisme neuf, qui sera celui des régions et de leur tissu organisé à l’échelle européenne. 2
740 ar l’intérieur, tendent à la réduire à ce qu’elle est en Suisse entre nos cantons : une simple limite administrative, qui n
741 rquoi, si l’Europe veut vraiment se fédérer, ce n’ est pas sur la base de ses États-nations qu’elle devra établir ses struct
742 ue et électronique, et que les unités de base que sont les régions, sont, elles, les produits des réalités socioéconomiques
743 , et que les unités de base que sont les régions, sont , elles, les produits des réalités socioéconomiques et culturelles de
744 la civilisation d’aujourd’hui. Et, en retour, il est clair qu’une Europe fédérale dans laquelle les frontières nationales
745 fédérale dans laquelle les frontières nationales seraient dévalorisées, verrait la renaissance immédiate des régions, et une gr
746 anges. La politique d’union et la régionalisation sont liées. 22 avril 1977 Ce qui est le plus probable dans l’évolution de
747 régionalisation sont liées. 22 avril 1977 Ce qui est le plus probable dans l’évolution de la Grande-Bretagne actuelle, c’e
748 lement une seconde chambre, une chambre haute qui sera la succession de la Chambre des lords, tombée plus ou moins en désuét
749 mbre dans laquelle les États-nations, tant qu’ils sont encore en place, seraient représentés d’une manière égale, tandis qu’
750 États-nations, tant qu’ils sont encore en place, seraient représentés d’une manière égale, tandis qu’il y aurait le parlement e
751 is qu’il y aurait le parlement européen qui, lui, serait élu au suffrage universel d’une manière proportionnelle aux populatio
752 nservant leur souveraineté absolument intacte. Il est évident que ni l’un ni l’autre de ces points de vue ne va triompher d
753 ue redoutent les promoteurs du Marché commun, qui est la faiblesse du lien que l’on propose, alliance ou coopération des go
754 à l’Europe ? Il faut éviter ces deux extrêmes. Il est évident que parmi toutes les méthodes qui existent ou qui ont jamais
755 outes les méthodes qui existent ou qui ont jamais été imaginées, il y en a une seule qui répond à ce que l’on attend, c’est
756 t c’est un but qu’on se donne. C’est un passé qui est peut-être mythique (il l’est certainement en partie), et c’est un ave
757 . C’est un passé qui est peut-être mythique (il l’ est certainement en partie), et c’est un avenir qui est peut-être utopiqu
758 t certainement en partie), et c’est un avenir qui est peut-être utopique. Tous les deux sont assez lointains, mais agissent
759 avenir qui est peut-être utopique. Tous les deux sont assez lointains, mais agissent sur le présent, l’un à titre de nostal
760 l’autre à titre d’espérance ; mais tous les deux sont moteurs. L’unité est toujours conçue comme la condition de la force,
761 érance ; mais tous les deux sont moteurs. L’unité est toujours conçue comme la condition de la force, et en même temps comm
762 it « faire l’Europe », comme on disait. Cela ne s’ est pas réalisé, parce que les fédéralistes européens, connaissant mal l’
763 s, Montreux, La Haye et beaucoup d’autres, ils se sont distingués par leur radicalisme et leur acharnement à demander aux Ét
764 es souverainetés de nos États, qui, actuellement, sont sans défense contre l’extérieur, et n’ont même pas la ressource d’une
765 , mais on vous la garantit ». Jusqu’alors, elle n’ était garantie par personne. La transposition est tentante sur le niveau eu
766 e n’était garantie par personne. La transposition est tentante sur le niveau européen d’aujourd’hui, où on imagine mal un p
767 comme la Suède ou la Norvège, ou le Danemark, il serait bien agréable, pour eux, d’avoir leur souveraineté garantie par un or
768 tie de leur souveraineté, mais tout le reste leur serait garanti, alors que cela n’est pas du tout le cas aujourd’hui, par per
769 ut le reste leur serait garanti, alors que cela n’ est pas du tout le cas aujourd’hui, par personne. 26 juin 1970 Si l’on me
770 umanité : nous lui devons cela. Une Europe qui ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche, mais bien ce c
771 és communautaires et personnelles. Si sérieux que soient les problèmes du prix du lait, du prix du blé ou même du prix du vin,
772 u lait, du prix du blé ou même du prix du vin, il est clair que l’Europe des marchandages entre économies étatiques ne peut
773 s enthousiastes. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne seront pas convaincus par des avantages matériels. La vraie réponse à la con
774 la jeunesse d’aujourd’hui ne peut évidemment pas être trouvée au niveau économique, encore moins au niveau de la politique
775 peut seule en offrir le modèle. 21 avril 1967 Il est clair que l’absence actuelle d’union rend pratiquement impossible le
776 que de l’ensemble de nos pays, leur indépendance, soit individuelle, soit globale ; que l’absence d’union empêche nos pays d
777 e nos pays, leur indépendance, soit individuelle, soit globale ; que l’absence d’union empêche nos pays de jouer un rôle au
778 Europe (donc non compris la Russie soviétique qui est presque un continent en elle-même), elle pourrait devenir la première
779 de Rougemont, la base de l’union des Européens n’ est pas l’économie, comme le croyaient les fondateurs du Marché commun, m
780 rait les diversités au profit de l’uniformisation est inconcevable : on arriverait alors à une entité qui n’aurait plus d’e
781 e problème européen de l’unité et de la diversité est typiquement un problème fédéraliste : il s’agit d’unir sans unifier.
782 e principal obstacle à la réalisation de l’Europe est l’État-nation. L’échec de la construction européenne s’explique notam
783 n niant les diversités sans lesquelles l’Europe n’ est plus elle-même), le nationalisme (qui refuse l’union durable et n’acc
784 sident des États-Unis d’Europe, dont l’importance serait symbolique. L’étape de l’État-nation est, pense Denis de Rougemont, e
785 tance serait symbolique. L’étape de l’État-nation est , pense Denis de Rougemont, en voie d’être peu à peu dépassée par les
786 t-nation est, pense Denis de Rougemont, en voie d’ être peu à peu dépassée par les liens nombreux et les solidarités concrète
787 jacente mais néanmoins effective, bien qu’elle ne soit pas toujours perçue par les hommes politiques et la plupart des obser
788 plupart des observateurs. L’Europe des régions ne sera pas le fruit d’un acte spectaculaire, auquel les États-nations s’oppo
7 1988, Inédits (extraits de cours). Fédéralisme
789 pacte, nous avons les trois éléments de base qui sont indispensables à tout système fédéraliste pour qu’il puisse prendre n
790 ste pour qu’il puisse prendre naissance, mais qui sont aussi indispensables pour que le système apparaisse nécessaire. Les d
791 . Les deux premiers éléments, unité et diversité, sont logiquement antinomiques, mais cependant, il n’y a fédération possibl
792 cependant, il n’y a fédération possible que s’ils sont là tous les deux, en tension, que si l’un des deux ne parvient pas à
793 ne parvient pas à éliminer complètement l’autre, est donc obligé de composer avec lui. Pour que cette tension, cette compo
794 une résultante positive, il faut un pacte, qui n’ est pas une synthèse (au sens hégélien) de l’unité et de la diversité. 19
795 il protège leur liberté, leur autonomie. Le pacte est dit fédéral quand il est un pacte juré (du mot latin fœdus qui veut d
796 leur autonomie. Le pacte est dit fédéral quand il est un pacte juré (du mot latin fœdus qui veut dire le serment). Donc, le
797 environ vingt-cinq siècles, avant que le mot ait été conçu et prononcé au xviiie siècle seulement, notamment dans les œuv
798 Rousseau et un peu avant dans Montesquieu. Le mot est donc moderne, il n’a existé ni dans les Ligues grecques ni dans les L
799 e sorte que la solution du problème ne puisse pas être trouvée dans la suppression d’un des deux termes, ni dans la neutrali
800 e telle manière que la résultante de leur tension soit positive. L’ensemble des problèmes et des solutions ainsi défini, éta
801 mble des problèmes et des solutions ainsi défini, étant donc de ce type bipolaire, constitue ce que j’appellerai maintenant l
802 tique fédéraliste. Dans les deux cas, le problème est toujours de définir ce qui distingue et unit à la fois, qu’il s’agiss
803 omie, de la liberté et de la participation, l’une étant formellement contradictoire avec l’autre, mais pratiquement la condit
804 Aux yeux de la plupart des auteurs contemporains, soit qu’ils le décrivent en purs savants, soit qu’ils s’en déclarent les a
805 orains, soit qu’ils le décrivent en purs savants, soit qu’ils s’en déclarent les adeptes et les militants, le fédéralisme es
806 rent les adeptes et les militants, le fédéralisme est une attitude de pensée et une méthode de conduite plus qu’une doctrin
807 e définir d’entrée de jeu et une fois pour toutes serait donc s’exposer à trahir méthodiquement sa nature même. Voilà sans dou
808 ment sa nature même. Voilà sans doute pourquoi ce sont des adversaires qui éprouvent le moins de scrupules à en donner des c
809 ce à se laisser définir que montre le fédéralisme est très normale, puisqu’il n’est justement pas un système simple, décrét
810 ntre le fédéralisme est très normale, puisqu’il n’ est justement pas un système simple, décrété par un dictateur, ou par un
811 imposé comme un carcan aux réalités humaines qui sont toujours récalcitrantes, insuffisantes et illogiques (qui ne se laiss
812 définitions). Le fédéralisme, bien au contraire, est une manière d’arranger les relations entre les groupes, les cités, le
813 ut donc y avoir une définition du fédéralisme qui serait la seule vraie. Il y a d’une part, des expériences déjà réalisées dan
814 s les exemples réussis ou non, besoin qui ne peut être assuré que collectivement, parce que chacun est trop faible pour se d
815 être assuré que collectivement, parce que chacun est trop faible pour se défendre seul. Deuxième motif : le besoin d’assur
816 i de prise de pouvoir par un dictateur, chose qui serait impossible dans l’Europe du xxe siècle, qui a pu arriver quelquefois
817 les deux autres motifs, sécurité et autonomie. Il est important de voir qu’aucun de ces motifs ne peut vraiment exister si
818 s ne peut vraiment exister si les deux autres n’y sont pas, simultanément. Chacun peut faire cette analyse : s’il y a sécuri
819 ec chacune de ces trois composantes : si elles ne sont pas là simultanément, l’ensemble ne fonctionne pas. 17 juin 1966 Il a
820 6 Il a fallu passer tout un cycle d’épreuves où s’ est manifestée la dialectique individu-collectivité, puis personne-commun
821 es caractères absolus de l’empire, alors qu’elles étaient plusieurs et qu’un empire, pour être valable, doit être unique, les n
822 qu’elles étaient plusieurs et qu’un empire, pour être valable, doit être unique, les nations voulant aussi avoir les caract
823 lusieurs et qu’un empire, pour être valable, doit être unique, les nations voulant aussi avoir les caractères d’une Église,
824 i avoir les caractères d’une Église, c’est-à-dire être sacrées et avoir le droit de condamner les hérétiques. Il a fallu tra
825 erser toute cette longue et sanglante histoire qu’ est l’histoire des Européens jusqu’au xxe siècle pour qu’on arrive à la
826 un pacte juré librement. Mais ces trois éléments sont très inégalement représentés dans ces deux expériences, ils sont mal
827 lement représentés dans ces deux expériences, ils sont mal équilibrés. À tel point qu’il est difficile de parler vraiment de
828 ences, ils sont mal équilibrés. À tel point qu’il est difficile de parler vraiment de fédération dans le cas des Ligues sui
829 , c’était un pouvoir central organisé, qui aurait été la traduction institutionnelle du pacte juré. Je proposerais, de ces
830 it axe de diversité ; dans ce cas, les diversités sont très solidement reliées à la base unitaire. Cas de la Suisse : une ba
831 haut ; le pacte ou des réseaux de pactes inégaux tenaient ensemble les différentes pièces de ce mât, mais le mât lui-même n’éta
832 férentes pièces de ce mât, mais le mât lui-même n’ était pas arrimé, il n’y avait pas de cordages représentant les liens insti
833 institutionnels de l’État (c’est ainsi que cela a été renversé assez facilement par le choc des armées françaises de la Rév
834 même schéma, que la forme idéale d’une fédération serait un triangle équilatéral, base d’unité, axe de diversité solidement te
835 atéral, base d’unité, axe de diversité solidement tenu par des institutions. 6 février 1969 La fédération est le dernier
836 des institutions. 6 février 1969 La fédération est le dernier régime apparu dans l’histoire des régimes en Europe. Elle
837 ne pouvait apparaître qu’après que les nations se soient constituées, que l’État se soit constitué et qu’il ait déployé tous s
838 les nations se soient constituées, que l’État se soit constitué et qu’il ait déployé tous ses effets, conduisant à la crise
839 s ses effets, conduisant à la crise actuelle, qui est , en somme, un appel à la fédération. Mais, cette fédération, comment
840 fédération, comment la réaliser si l’idée même en est confuse ? Si la doctrine reste ambiguë au point que pour certains, fé
841 ci, le mot de fédération, de mouvement fédératif, est employé pour désigner le grand mouvement unitaire qui se fait sentir
842 rties de la France. D’où les grandes fêtes qui se sont appelées « Fêtes de la Fédération ». C’était donc le sens unitaire, q
843 es nationales de toutes les provinces françaises, est une fête exactement de l’unité, plus même que de l’union. C’est la fê
844 nitaire français. À ce moment-là, « fédéralisme » est pris dans un sens favorable, mais erroné. Et puis, cela change deux a
845 nd le nom de « fédéralisme ». C’est-à-dire que ce sont les jacobins qui accusent les girondins, défenseurs des libertés prov
846 irondins, défenseurs des libertés provinciales, d’ être des fédéralistes dans le sens séparatiste ; donc, il y a eu un change
847 se et créatrice première période de la Révolution est dominée par l’éloge de l’union fédérale, les projets d’organisation f
848 e la Fédération. Mais dans la deuxième partie, ce sont les jacobins unitaires qui triomphent. Les girondins sont décapités à
849 jacobins unitaires qui triomphent. Les girondins sont décapités à cause de leur fédéralisme, et dès lors, le terme sera aff
850 cause de leur fédéralisme, et dès lors, le terme sera affecté, en France, d’un arrière-goût de trahison nationale. 20 janvi
851 ratistes, bien loin de créer des fédérations ou d’ être un élément fédérateur. Non seulement l’État hégémonique échoue dans s
852 ’unir. Je distingue bien unifier et unir, unifier étant l’acte impérialiste, unir étant l’acte fédéraliste. 22 avril 1966 L’u
853 et unir, unifier étant l’acte impérialiste, unir étant l’acte fédéraliste. 22 avril 1966 L’unité, c’est l’objet de la vision
854 de l’amour créateur, irrationnel. Mais l’unité n’ est pas vraiment réelle, et la diversité n’est pas saine, si on les disso
855 nité n’est pas vraiment réelle, et la diversité n’ est pas saine, si on les dissocie entièrement, ou bien si une des deux ab
856 lisme et de tolérance. Le principe de tolérance s’ est trouvé ouvrir la voie aux premiers théoriciens du fédéralisme, c’est-
857 beaucoup plus près. 17 février 1964 La fédération est faite de tensions, entre des diversités qui sont supposées maintenues
858 n est faite de tensions, entre des diversités qui sont supposées maintenues, protégées. C’est aussi l’ambition, sur le plan
859 . 28 janvier 1977 Le problème de toute fédération est le suivant : comment sauvegarder les autonomies locales, les diversit
860 onomies locales, les diversités réelles, qu’elles soient de régimes, de langues, d’ethnies, de coutumes ou de conditions écono
861 onomiques et comment, pour sauver ces autonomies, est -il nécessaire de s’unir et d’arriver à une unité supérieure qui puiss
862 e intervenir dans le cas où une de ces autonomies est menacée ? 4. Les finalités : puissance ou liberté ? 11 février
863 té ? 11 février 1977 Le but de la fédération n’ est pas la puissance, mais l’autonomie des groupes fédérés, c’est-à-dire
864 pour les protéger tous et chacun. Donc, le but n’ est pas la puissance, la puissance est simplement le moyen de garantir l’
865 Donc, le but n’est pas la puissance, la puissance est simplement le moyen de garantir l’autonomie de chacun des composants
866 on, c’est le serment de confiance réciproque, qui est seul capable d’assurer les libertés qu’on appelle aussi les privilège
867 les privilèges et les libertés des composants qui sont fédérés. 24 avril 1970 D’une façon plus précise, en Europe, il nous f
868 te de troisième Grand préoccupé principalement de tenir tête aux deux autres, alors il faut créer un super-État-nation contin
869 mie des communautés (la production industrielle n’ étant qu’un des moyens de ces libertés), alors il faut reconnaître que l’Ét
870 s), alors il faut reconnaître que l’État-nation n’ est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait, aujourd’hui,
871 n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait, aujourd’hui, radicalement incompatible avec les fins de l’Eu
872 n, à l’échelle fédérale continentale, tout ce qui est nécessaire pour garantir les autonomies de tous ordres, régionales, c
873 ais rien de plus. 4 février 1977 Une fédération n’ est pas née pour une puissance collective, mais pour des libertés locales
874 ollective, mais pour des libertés locales, elle n’ est pas faite pour la puissance, mais pour la liberté. Est-elle un pouvoi
875 as faite pour la puissance, mais pour la liberté. Est -elle un pouvoir ? Oui : mais à la limite, l’État-nation est le pouvoi
876 n pouvoir ? Oui : mais à la limite, l’État-nation est le pouvoir sur autrui ; dans le fédéralisme, il s’agit de pouvoir sur
877 e, d’où liberté. Dans la mesure où le fédéralisme est authentique, c’est-à-dire liant par pacte des communes diverses, la f
878 nt par pacte des communes diverses, la fédération est condamnée à la neutralité, donc à la paix ou à l’éclatement. L’État-n
879 nquillité (stabilité) qui lui manque au-dedans », est condamné à la guerre ou à l’éclatement. 5. Moyens et stratégies d’
880 Le lieu où la personne se forme en s’actualisant est le groupe le plus proche réunissant librement les individus : la comm
881 -ci s’identifie au clan, et l’individu occidental est apparu au moment où il s’arrachait au clan). Mais beaucoup d’entrepri
882 s sur le monde. Cette construction de bas en haut est proudhonienne certes, mais pas en vue de détruire l’État. Seulement d
883 ique à quel niveau de compétence cette tâche doit être attribuée : soit à la petite unité de base, soit au groupement d’unit
884 u de compétence cette tâche doit être attribuée : soit à la petite unité de base, soit au groupement d’unités, soit encore à
885 être attribuée : soit à la petite unité de base, soit au groupement d’unités, soit encore à des groupements de groupes d’un
886 etite unité de base, soit au groupement d’unités, soit encore à des groupements de groupes d’unités, à l’échelle de l’État n
887 faires des régions ou des communes autonomes ; il est au contraire là pour assurer cette autonomie, pour créer une force d’
888 r, à la fois, ces deux maxima contradictoires que sont l’autonomie des parties et l’unité de l’ensemble. Voilà ce qui est fo
889 es parties et l’unité de l’ensemble. Voilà ce qui est fondamental pour toute fédération digne du nom ; et son but n’est pas
890 pour toute fédération digne du nom ; et son but n’ est pas de créer une nouvelle puissance qui, finalement, s’exercerait aux
891 nnant pour ce faire au pouvoir fédéral que ce qui est nécessaire et indispensable pour assurer la sécurité de chacun. 17 ju
892 énine avait coutume de dire : « le communisme, ce sont les soviets plus l’électricité », moi je dirais volontiers : « le féd
893 , moi je dirais volontiers : « le fédéralisme, ce sont les pouvoirs locaux plus les machines électroniques ». Et voilà pourq
894 p moins de passé que d’avenir. 29 octobre 1965 Qu’ est -ce que nous voyons dans ce monde moderne ? Qu’il est toujours plus co
895 -ce que nous voyons dans ce monde moderne ? Qu’il est toujours plus complexe, mais qu’il devient tellement complexe que c’e
896 goût des diversités et des complexités, se trouve être beaucoup mieux adapté ou adaptable aux conditions nouvelles de la soc
897 s situations d’une folle complexité, qui auraient été simplement impensables il y a seulement trente ou cinquante ans et en
898 le problème : on ne peut pas la garder fermée. Il est très difficile de l’arrêter à un certain moment, sinon on devient une
899 ration » qu’évoquait le général de Gaulle, et qui serait formée d’États-nations conservant jalousement leurs prétentions à la
900 n suivante des éditeurs : « L’idée du fédéralisme est très ancienne et caractéristique de la culture européenne, bien que l
901 la culture européenne, bien que le terme lui-même soit relativement récent (fin du xviiie siècle). Le fédéralisme n’est en
902 récent (fin du xviiie siècle). Le fédéralisme n’ est en aucune manière un système figé, définissable une fois pour toutes,
903 tamment réduit, et l’on tend toujours à le faire, soit à l’unitarisme (la Fête dite de la “Fédération” en 1790), soit au sép
904 arisme (la Fête dite de la “Fédération” en 1790), soit au séparatisme (l’accusation de “fédéralisme” contre les girondins en
905 un mode d’organisation politique, le fédéralisme est une attitude, une manière d’aborder les problèmes. Lorsqu’une questio
906 ardant chacun des termes. Ainsi, le pacte fédéral est un acte volontaire, exprimant le souci de garantir, à la fois, la sol
907 e qu’il faudrait copier ; les solutions fédérales sont aussi variables que les problèmes, les époques, les sociétés… La cons
908 ase ne délègue à l’instance supérieure que ce qui est étroitement nécessaire pour garantir son autonomie. Selon Denis de Ro
909 n, le critère de la répartition des compétences n’ est pas la souveraineté, mais la dimension des tâches. L’État fédéral se
8 1988, Inédits (extraits de cours). Histoire
910 Dans les cosmogonies traditionnelles, l’homme n’ était pas, ne pouvait pas être le créateur de son histoire, il n’était que
911 ditionnelles, l’homme n’était pas, ne pouvait pas être le créateur de son histoire, il n’était que le jouet, l’objet de lois
912 ouvait pas être le créateur de son histoire, il n’ était que le jouet, l’objet de lois fatales. Le christianisme aura d’ailleu
913 le ; l’idée de changement instantané de tous, qui était pour la personne la conversion, qui sera pour la société la révolutio
914 us, qui était pour la personne la conversion, qui sera pour la société la révolution, contre le refus fondamental de toute e
915 fameuse dialectique thèse-antithèse-synthèse ; il est curieux que Proudhon, qui ne savait pas l’allemand, qui ne pouvait pa
916 l’allemand, qui ne pouvait pas lire Hegel (qui n’ était pas traduit encore, qui commençait à peine de l’être dans les univers
917 t pas traduit encore, qui commençait à peine de l’ être dans les universités où Proudhon n’avait jamais été), ait découvert H
918 e dans les universités où Proudhon n’avait jamais été ), ait découvert Hegel dans ses conversations avec Marx. Marx a essayé
919 ’expliquer la doctrine de Hegel à Proudhon, qui a été séduit au début, et qui a cru pendant longtemps qu’il était hégélien.
920 it au début, et qui a cru pendant longtemps qu’il était hégélien. Il n’avait pas fait attention à quelque chose de radicaleme
921 dans la sienne, qui refusait la synthèse. Il s’en tenait à une dialectique en deux points, thèse et antithèse, autorité et lib
922 antithèse, autorité et liberté, et pour lui, il n’ était pas question par des acrobaties de langage ou de logique, d’arriver à
923 de révolution en révolution. Pour lui, la réalité était antithétique, antinomique, il fallait s’en tenir à cela, car, comme i
924 était antithétique, antinomique, il fallait s’en tenir à cela, car, comme il le disait, la réalité est ainsi, il faut se déb
925 tenir à cela, car, comme il le disait, la réalité est ainsi, il faut se débrouiller avec ce qu’on a. Pour lui, l’histoire n
926 rythme ternaire, thèse-antithèse-synthèse ; elle est faite d’une pluralité d’éléments irréductibles l’un à l’autre, antago
927 de ces falsifications repose sur le fait qu’on s’ est mis à interpréter le passé en termes anachroniques de projection des
928 oniques de projection des nations telles qu’elles étaient devenues au xixe siècle. On disait « la France » en parlant du Langu
929 , à une époque où le Languedoc n’avait pas encore été conquis par les Français. On oubliait de dire que la nation n’avait p
930 réparation à la création des nations modernes. On était , par exemple, obligé de dire que certaines parties de la France actue
931 ties de la France actuelle n’avaient pas toujours été françaises ; mais on se rattrapait en disant qu’on pouvait voir, dès
932 n inévitable. 9 novembre 1970 « La France ne peut être la France sans la grandeur. » Cette phrase définit tout l’esprit qui
933 ndeur. » Cette phrase définit tout l’esprit qui a été celui de la politique étrangère du général de Gaulle de 1958 à 1969,
934 , mère de Dieu pour les catholiques). La France a été créée par la Providence, non par les hommes. Quant aux hommes, ils so
935 idence, non par les hommes. Quant aux hommes, ils sont responsables des bêtises que le pays a pu faire. L’idée de la patrie
936 tises que le pays a pu faire. L’idée de la patrie est intacte, immortelle, inaccessible. C’est le comble de l’enseignement
937 gne a dit la même chose : que l’Allemagne ne peut être l’Allemagne qu’en étant au premier rang : Deutschland über alles ! C’
938  : que l’Allemagne ne peut être l’Allemagne qu’en étant au premier rang : Deutschland über alles ! C’est exactement la même p
939 que nous connaissons bien aujourd’hui ; les unes étaient les communes, les communes et leurs ligues ou confédérations, qui von
940 tions de métiers, et finalement la féodalité, qui est sortie de là. La féodalité, c’est-à-dire l’ensemble des liens personn
941 me, d’autre part, ils apportent quelque chose qui sera l’ennemi numéro un de tout fédéralisme. 14 janvier 1972 Le moment rév
942 1972 Le moment révolutionnaire du christianisme n’ est qu’un aspect de l’influence de l’Évangile et des communautés chrétien
943 ation européenne. L’aspect contraire, inévitable, sera aspect institutionnel. L’Église naît de la Rome impériale. Elle en re
944 es structures, en revendique l’autorité. L’Église est du côté de ce qui dure, non de ce qui change ; organe de tradition, n
945 vation, de stabilité, non de finalité. Celle-ci n’ est jamais absente, certes, mais tend à devenir mythique, perpétuellement
946 le de Hegel et de Marx. L’histoire, ainsi conçue, est la réalisation progressive d’une idée d’essence supérieure, telle que
947 nale projettent sur les réalités passées (qui lui sont bien souvent étrangères) une idée du présent, la nation, dont on cher
948 nation” se réaliser peu à peu, telle qu’elle doit être , suivant la définition qu’on en a, sans possibilité qu’il en ait été
949 inition qu’on en a, sans possibilité qu’il en ait été autrement. C’est ainsi qu’on peut parler de frontières “naturelles” q
950 elle. À l’inverse, il faut considérer que l’homme est créateur de son histoire, qu’il n’est pas soumis à des “lois” histori
951 que l’homme est créateur de son histoire, qu’il n’ est pas soumis à des “lois” historiques ou des fatalités qui le dépassent
952 et révolution, sécurité et liberté. La tradition est l’institutionnalisation d’un ordre de valeurs, tandis que la révoluti
953 n d’un ordre de valeurs, tandis que la révolution est la remise en cause de toutes les valeurs, une façon radicalement nouv
954 voir les choses. De cette manière, le fédéralisme est révolutionnaire par rapport à l’ordre traditionnel que constitue, à l
955 -nation et les visions qui en procèdent, qu’elles soient de “gauche” ou de “droite”, capitalistes ou communistes. »
9 1988, Inédits (extraits de cours). Liberté
956 sponsabilité 28 janvier 1966 Seul un homme qui est autonome, qui est libre, peut vraiment aimer, être responsable d’aime
957 janvier 1966 Seul un homme qui est autonome, qui est libre, peut vraiment aimer, être responsable d’aimer son prochain. Ce
958 est autonome, qui est libre, peut vraiment aimer, être responsable d’aimer son prochain. Ceci jouera un très grand rôle dans
959 istoire de l’Occident, où on dira que si un homme est reconnu irresponsable, il ne peut être condamné pour un de ses actes.
960 si un homme est reconnu irresponsable, il ne peut être condamné pour un de ses actes. Il faut qu’il l’ait commis librement p
961 actes. Il faut qu’il l’ait commis librement pour être responsable. Responsabilité et liberté sont deux concepts absolument
962 pour être responsable. Responsabilité et liberté sont deux concepts absolument liés et non pas qui s’opposent. 21 novembre
963 ’il reçoit dans la cité. Libre et responsable, ce sont des adjectifs qui sont en interaction, qui se commandent l’un l’autre
964 . Libre et responsable, ce sont des adjectifs qui sont en interaction, qui se commandent l’un l’autre. Un homme n’est pas co
965 ction, qui se commandent l’un l’autre. Un homme n’ est pas concrètement libre s’il ne peut pas le manifester en prenant ses
966 e manifester en prenant ses responsabilités. Il n’ est pas vraiment responsable de ce qu’il fait s’il ne le fait pas libreme
967 d’hui la fourmilière, la cité des robots, où tout est complètement réglé. Il n’y a plus de tension entre l’individu et la c
968 ns l’individualisme : l’homme va n’importe où, il est complètement détaché et ne peut plus rien faire de sa liberté, c’est
969 é, c’est le stade de l’anarchie. La cité en santé est un bon équilibre en tension entre liberté et responsabilité. 11 novem
970 libre de son propre destin. Vouloir la liberté n’ est qu’une phrase démagogique, c’est-à-dire rien du tout, ou bien cela si
971 et pas l’État pour eux —, d’une manière qui peut être mauvaise pour les intérêts de la cité, de la nation, ou de l’État : c
972 nation, ou de l’État : ce risque, ce danger, doit être admis d’avance ; donc des hommes créateurs de conflits virtuels dans
973 eurs de conflits virtuels dans la société, et qui sont eux-mêmes le siège de conflits. En effet, pour être libre, l’homme do
974 nt eux-mêmes le siège de conflits. En effet, pour être libre, l’homme doit être responsable. S’il ne l’est pas, sa liberté e
975 conflits. En effet, pour être libre, l’homme doit être responsable. S’il ne l’est pas, sa liberté est parfaitement illusoire
976 e libre, l’homme doit être responsable. S’il ne l’ est pas, sa liberté est parfaitement illusoire, il ne peut pas l’exercer,
977 t être responsable. S’il ne l’est pas, sa liberté est parfaitement illusoire, il ne peut pas l’exercer, il ne peut pas en d
978 n civique ou fédérale s’il n’y a pas d’autonomie, soit personnelle, soit de la cité, de la petite patrie ; pour la même rais
979 ale s’il n’y a pas d’autonomie, soit personnelle, soit de la cité, de la petite patrie ; pour la même raison qu’on ne peut p
980 te patrie ; pour la même raison qu’on ne peut pas être responsable si l’on n’est pas libre. 26 novembre 1971 Jusqu’à notre â
981 ison qu’on ne peut pas être responsable si l’on n’ est pas libre. 26 novembre 1971 Jusqu’à notre âge, le xxe siècle, on peu
982 bles pour tous les autres risques de la liberté n’ est applicable. C’est toujours le même, mais qui se pose dans des termes
983 vivre mieux, c’est antinomique. Ou encore, ce qui est presque la même chose : accroître le niveau de vie quantitatif ou amé
984 la paix. Uniformiser au maximum tout ce qui peut être uniformisé à l’intérieur des frontières d’un pays ou au contraire uni
985 conditionnée ou la recréation des communautés qui soient liées par une foi commune ou des espoirs communs. Cela revient finale
986 la revient finalement à ce très vieux dilemme qui est dans l’Évangile : gagner le monde ou sauver son âme, c’est-à-dire gag
987 ous Louis XI et Louis XIV. Là où les rois avaient été gênés par la parole qu’ils avaient donnée de respecter les chartes de
988 te à la fois de la liberté et de l’autorité. Nous sommes très souvent, en réalité, un mauvais mélange d’éléments autoritaires
989 ’éléments autoritaires et libertaires, jusqu’à en être anarchiques. Nos démocraties de l’Ouest peuvent être décrites comme u
990 e anarchiques. Nos démocraties de l’Ouest peuvent être décrites comme un mélange d’anarchie dans certains domaines et de tyr
991 s. La voie idéale que devrait poursuivre l’Europe serait une mise en tension productive de l’autorité et de la liberté. h.
992 uivante des éditeurs : « Vouloir la liberté, ce n’ est pas désirer une chose abstraite, c’est vouloir que l’homme soit l’age
993 er une chose abstraite, c’est vouloir que l’homme soit l’agent de son propre destin. Ce n’est pas un pur désir utopique, mai
994 e l’homme soit l’agent de son propre destin. Ce n’ est pas un pur désir utopique, mais bien une nécessité à notre époque où
995 s sociétés d’hier dans lesquelles le comportement était dicté par les valeurs, les coutumes, l’appartenance à telle couche so
996 en mesure, et donc en position, de choisir ce que sera sa vie. Cela pose, au niveau individuel et au niveau collectif, un pr
997 tes les plus quotidiens. Ce que nous faisons doit être en accord avec des buts clairement définis et assumés. L’avenir est d
998 des buts clairement définis et assumés. L’avenir est désormais “notre affaire”. Voulons-nous la puissance (c’est-à-dire l’
999 dangereuse, sans responsabilité. Les deux termes sont liés en tension dialectique : ils ne s’excluent ni ne s’abolissent en
1000 ure. Il faut composer entre ces deux extrêmes que sont la fourmilière et l’individualisme débridé : cela signifie, au niveau
1001 la signifie, au niveau politique, que l’autonomie est profondément souhaitable, mais qu’elle ne doit pas être absolutisée,
1002 rofondément souhaitable, mais qu’elle ne doit pas être absolutisée, qu’elle doit aller de pair avec une participation du cit
1003 les deux pôles contraires mais irréductibles que sont l’autorité de l’État et la liberté concrète de chacun. Ainsi, elles s
1004 ie (liberté sans frein). Cette opposition ne peut être éliminée. Elle doit être préservée, contre toute tendance d’en élimin
1005 Cette opposition ne peut être éliminée. Elle doit être préservée, contre toute tendance d’en éliminer un des deux termes ou
10 1988, Inédits (extraits de cours). Moyens et fins
1006 et pour quelle fin ultime les faire marcher ? Ce sont d’énormes questions, qui caractérisent le paradoxe fondamental de l’é
1007 pour la première fois dans l’histoire, l’humanité est contrainte de choisir librement son avenir. 26 novembre 1971 Autrefo
1008 ent son avenir. 26 novembre 1971 Autrefois, tout était tracé d’avance. Hier, un nouveau code de déterminismes commençait à s
1009 nération me paraissent avoir choisi le métier qui était à la fois le moins éloigné de leurs goûts (dans la mesure où ils avai
1010 adjectif. Aujourd’hui, quelque chose de nouveau s’ est produit. Au lieu des traditions remontant au Moyen Âge, au lieu des g
1011 tions. Prenons l’exemple de l’ingénieur. Hier, il était ingénieur pour produire, pour bâtir et organiser, pour dominer la nat
1012 e pillage. Et l’idée se fait jour en lui que ce n’ est plus aux seuls « besoins de l’économie » qu’il s’agit désormais de ré
1013 omie » qu’il s’agit désormais de répondre (ils ne sont trop souvent que le profit des firmes et de leurs actionnaires), mais
1014 maintenant on peut prévoir et choisir, et l’on y est forcé, dès l’instant où on le peut. 3 février 1972 Les écocatastrophe
1015 etc. Et nous voyons bien que les premiers termes sont collectifs et quantitatifs. Et que les seconds se ramènent tous à une
1016 nent tous à une mesure, ou unité, ou réalité, qui est personnelle et qualitative. 26 novembre 1971 Hier, parce que tout éta
1017 ualitative. 26 novembre 1971 Hier, parce que tout était réglé par la société, la question de ses fins dernières était raremen
1018 par la société, la question de ses fins dernières était rarement posée ; on n’en prenait pas nécessairement conscience, on se
1019 ner par les conduites communes. Aujourd’hui, tout est libre, mais tout devient problème, occasion de doute, d’anxiété. Tout
1020 dans un conditionnement artificiel, extrême, qui sera selon les cas : la mode (vestimentaire, artistique, idéologique), la
1021 eune homme ou à la jeune fille l’impression qu’il est « engagé » alors qu’il n’est qu’embrigadé, qu’il s’est déchargé de la
1022 e l’impression qu’il est « engagé » alors qu’il n’ est qu’embrigadé, qu’il s’est déchargé de la peine de réfléchir et de cho
1023  engagé » alors qu’il n’est qu’embrigadé, qu’il s’ est déchargé de la peine de réfléchir et de choisir sur le parti ou la mo
1024 e politique donnée, c’est de savoir d’abord quels étaient ou quels sont ses buts humains — sont-ils bons ou mauvais en tant que
1025 e, c’est de savoir d’abord quels étaient ou quels sont ses buts humains — sont-ils bons ou mauvais en tant que tels ? — et a
1026 rd quels étaient ou quels sont ses buts humains — sont -ils bons ou mauvais en tant que tels ? — et après, de se poser la que
1027 plus tard pour quelles excellentes raisons on s’y est résolu. Ou dire que « la mobilisation n’est pas la guerre ». Ou procl
1028 n s’y est résolu. Ou dire que « la mobilisation n’ est pas la guerre ». Ou proclamer, si on déclare la guerre, que c’est par
1029 société ne s’en porte que mieux, etc. Bien rares sont les hommes politiques qui déclarent leurs vraies finalités. La plupar
1030 conseils de direction et les parlements dont elle était , à l’origine, la principale fonction : l’établissement du budget. Car
1031 nction : l’établissement du budget. Car le budget est la traduction financière d’une politique, c’est-à-dire la manière don
1032 de faire croire que la politique que l’on adopte est « dictée par le budget », alors qu’il est clair que c’est l’inverse q
1033 adopte est « dictée par le budget », alors qu’il est clair que c’est l’inverse qui est vrai. 2. Finalités et monde mode
1034  », alors qu’il est clair que c’est l’inverse qui est vrai. 2. Finalités et monde moderne 29 octobre 1971 Il y a quel
1035 derne 29 octobre 1971 Il y a quelque chose qui est peut-être plus effrayant que les prévisions apocalyptiques des écolog
1036 apocalyptiques des écologistes, quelque chose qui est déjà parmi nous, bel et bien là, qui est la question du siècle, une q
1037 hose qui est déjà parmi nous, bel et bien là, qui est la question du siècle, une question pure, béante, qui ne se posait du
1038 au mois de mai 1968 : Que faisons-nous là ? Quel est le sens de cette société, quel est le sens de ma vie dans cette socié
1039 nous là ? Quel est le sens de cette société, quel est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, qui n’est
1040 est le sens de ma vie dans cette société qui n’en est pas une, qui n’est pas une communauté ? Que vaut son niveau de vie ca
1041 ie dans cette société qui n’en est pas une, qui n’ est pas une communauté ? Que vaut son niveau de vie calculé en termes pur
1042 l’essor industriel et l’urbanisation sauvage qui sont en train de bouleverser les équilibres écologiques du continent europ
1043 des airs qui l’entourent. Par un juste retour, n’ est -ce point aux scientifiques, aux techniciens, aux urbanistes qu’il inc
1044 trouver d’urgence les moyens de restaurer ce qui fut compromis par le génie civil et militaire, j’entends les moyens de pr
1045 re le reste, au technicien du seul rendement (qui est , en fin de compte, la rentabilité), nous pouvons et nous devons oppos
1046 rtel de notre société occidentale, c’est que tout est réglé en fonction du profit, que le profit, le recours à la notion de
1047 s en dernier ressort. Admettons cela en tout cas. Est -ce que cela veut dire que le profit doit être complètement éliminé ?
1048 cas. Est-ce que cela veut dire que le profit doit être complètement éliminé ? qu’il faut y renoncer ? au profit de théories
1049 s, et au détriment des capitalistes ? Eh bien, ce serait une vision irréaliste et naïve de la société. Dire que la priorité de
1050 que la priorité de fait donnée au motif du profit est la cause des maux les plus graves de nos sociétés n’équivaut pas du t
1051 t-on faire les choix nécessaires ? Si la finalité est le profit, alors tant pis pour la pollution, le bruit, les fumées, le
1052 ) coûteront très cher, c’est entendu. La question sera , de plus en plus, de savoir si la finalité dernière que l’on sert est
1053 , de savoir si la finalité dernière que l’on sert est un certain équilibre entre les groupes humains et entre l’homme et la
1054 donc aussi la pollution du globe, par 200, ce qui est matériellement impossible. En effet, les ressources naturelles — char
1055 on, pétrole, métaux, bois, eau potable, etc. — ne sont pas du tout inépuisables comme tous les hommes l’ont cru naïvement ju
1056 mation, tout le pétrole de la terre semble devoir être brûlé d’ici trente ans. On trouvera autre chose, pensez-vous ? Voire 
1057 . Tout cela peut sembler délirant. Mais tout cela est impitoyablement calculé par les écologistes américains, soviétiques e
1058 23 janvier 1970 Une communauté des personnes n’ est pas la fin de l’homme, mais un moyen pour les personnes de se réalise
1059 pour les personnes de se réaliser. Le but final n’ est pas une plus grande puissance de la communauté, mais une plus grande
1060 ne meilleure réalisation de chacun. La communauté est donc le lieu de dépassement des égoïsmes individuels, alors que le na
1061 e nationalisme voudrait nous faire croire qu’elle est la somme de tous ces égoïsmes additionnés en un super-égoïsme collect
1062 sonne, c’est ce qui, dans l’homme, ne peut jamais être utilisé comme instrument. 3 février 1964 Les réalistes transigent tou
1063 n guide des hommes ; ils supposent que les moyens seront donnés et souvent oublient finalement d’en parler. À d’autres de les
1064 adoxale : la plupart des utopies ont le tort de n’ être pas assez nouvelles, pas assez neuves. C’est-à-dire qu’elles sont con
1065 ouvelles, pas assez neuves. C’est-à-dire qu’elles sont conçues à partir de ce que nous connaissons et voyons aujourd’hui, qu
1066 nous connaissons et voyons aujourd’hui, qu’elles sont trop étroitement liées à nos propres connaissances présentes limitées
1067 i vingt ans ou cent ans, ou d’ici sept-cents ans, seront très probablement, on pourrait dire certainement, beaucoup plus impor
1068 imprévisibles par exemple que la bombe atomique l’ était à la fin du xixe siècle, quand Jules Verne imaginait des armes terri
1069 ore beaucoup plus imprévisibles que la bombe ne l’ était en 1939, quand tous les états-majors et tous les gouvernements mettai
1070 rd’hui presque un jeu, en comparaison de ce qui a été trouvé quatre ans plus tard. En somme, les utopies sont le plus souve
1071 rouvé quatre ans plus tard. En somme, les utopies sont le plus souvent trop courtes, trop modestes, on pourrait dire trop pe
1072 ons possibles de l’utopie, des conceptions qui ne sont pas négatives, qui ne sont pas polémiques, qui ne sont pas liées aux
1073 des conceptions qui ne sont pas négatives, qui ne sont pas polémiques, qui ne sont pas liées aux insuffisances actuelles pou
1074 pas négatives, qui ne sont pas polémiques, qui ne sont pas liées aux insuffisances actuelles pour les critiquer, qui ne sont
1075 nsuffisances actuelles pour les critiquer, qui ne sont pas non plus une évasion devant les conditions pratiques de l’action,
1076 ions pratiques de l’action, mais au contraire qui sont des descriptions d’un nouvel ordre à établir, d’une société plus cohé
1077 aujourd’hui, mais à partir de ce but cohérent. Ce sont des descriptions positives, éclairantes, qui désignent le but à attei
1078 diteurs : « Autrefois, le comportement des gens n’ était pas aussi libre qu’aujourd’hui, il était largement déterminé par le p
1079 s gens n’était pas aussi libre qu’aujourd’hui, il était largement déterminé par le poids des traditions sociales, des précept
1080 vit, du sens de la part de chacun aux choix qui y sont faits. La notion de communauté doit être réhabilitée comme moyen pour
1081 ix qui y sont faits. La notion de communauté doit être réhabilitée comme moyen pour la personne de se réaliser, c’est-à-dire
1082 ’idée de profit, il faudrait que celui-ci cesse d’ être la seule finalité effectivement déterminante : la destruction progres
1083 e : la destruction progressive de l’environnement est au cœur de ce problème, tout comme la destruction instantanée qui rés
1084 de la course aux armements. Un régime quel qu’il soit se juge d’après ses buts confrontés à son efficacité à les réaliser.
1085 rdres de priorité réels orientant leur action. Ce sont les finalités effectivement poursuivies qui déterminent le vrai visag
1086 onner à la vie politicienne, les choix politiques sont globalement une affaire d’adéquation de moyens et de fins, aussi bien
1087 une croissance uniquement quantitative, quels que soient les effets sur les ressources naturelles et l’environnement, ou reche
1088 sées dans les choix politiques : les “idéalistes” seront seulement préoccupés des fins sans se donner les moyens de les réalis
1089 nt des moyens appropriés pour les réaliser, telle serait la définition de la meilleure politique. On a souvent qualifié Denis
1090 omprend généralement. Pour la plupart, l’utopiste est celui qui imagine une société future à partir de celle dans laquelle
1091 Rougemont, ce genre d’utopie couramment répandu n’ est “pas assez utopique”. L’utopie qu’il revendique consiste, elle, à s’i
11 1988, Inédits (extraits de cours). Occident
1092 aclite écrivait cette phrase décisive, qu’il faut tenir pour la formule même de l’unité européenne : « Ce qui s’oppose coopèr
1093 ut concourt à nourrir ce paradoxe qui paraît bien être la loi constitutive de notre histoire et le ressort de notre pensée :
1094 , en tout cas en théorie, idéalement, la personne était l’absolu, la société n’étant que son instrument, la société étant là
1095 alement, la personne était l’absolu, la société n’ étant que son instrument, la société étant là pour le service des personnes
1096 la société n’étant que son instrument, la société étant là pour le service des personnes, le moyen de la réalisation des pers
1097 oyen de la réalisation des personnes. La personne est donc le but de la société, pour cette tradition constante européenne
1098 alisme se définit comme un paradoxe continuel. Il est à la fois l’autonomie des communautés et leur union ; il suppose quel
1099 emble que la définition de l’homme comme personne soit précisément la définition de l’homme qu’il faut à un système fédérali
1100 tème fédéraliste. 7 novembre 1969 Quand l’homme s’ est mis à calculer, à prévoir, à avoir sa politique à lui, est née l’idée
1101 calculer, à prévoir, à avoir sa politique à lui, est née l’idée de recherche à tout prix et de progrès. Voilà qui distingu
1102 ulture, l’Occident de l’Orient. L’esprit oriental est , avant tout, un esprit qui accepte les commandements des dieux, des l
1103 9 On peut dire que « conscience » et « individu » sont presque des synonymes, et que leur condition commune est précisément
1104 sque des synonymes, et que leur condition commune est précisément ce passage du sacré au profane, qu’on appelle « sécularis
1105 voulait qu’on en pense. C’est dans ce passage qu’ est né l’individu au sens occidental du terme. 21 novembre 1969 Imaginons
1106 ande s’il n’y a pas de possibilité que les choses soient autrement, il ne comprend plus ce qu’on lui a toujours dit. Il réfléc
1107 aux liens du groupe, au principe de tyrannie qui est très fort dans la tribu. Mais il a aussitôt besoin d’une nouvelle pro
1108 dra plus tard l’Europe. L’Europe — par la Grèce — sera la première à s’en détacher, après que la civilisation minoenne — de
1109 rès que la civilisation minoenne — de Crète — ait été transmise à Mycènes, dans le Péloponnèse. Le mythe de l’enlèvement d’
1110 éveloppement de l’alphabet à Sidon et Tyr. Europe est enlevée à Tyr. Elle est emmenée en Crète, où se fait la première gran
1111 et à Sidon et Tyr. Europe est enlevée à Tyr. Elle est emmenée en Crète, où se fait la première grande civilisation, à mi-ch
1112 ivilisation, à mi-chemin entre l’Orient et ce qui sera l’Occident. De Crète, la civilisation se transmet à Mycènes. Sociolo
1113 quement, ce passage du Proche-Orient à l’Occident est un passage du sacral primitif au légal, au régime des contrats librem
1114 régime des contrats librement consentis qui vont être la cité. Cela se passe souvent sous une forme violente, non seulement
1115 d’un crime ou d’un accident qui font qu’un homme est chassé de la tribu et devient une espèce de paria. Il se réunit alors
1116 s. 14 novembre 1969 L’invention majeure des Grecs est celle de l’individu, qui va être le support des valeurs et en même te
1117 majeure des Grecs est celle de l’individu, qui va être le support des valeurs et en même temps la mesure de ces valeurs, com
1118 comme unité de base des nouvelles communautés. Il sera , comme le dit Protagoras, considéré comme la mesure de toute chose, d
1119 novembre 1969 Il semble que le mythe de Prométhée soit digne d’être le grand mythe à l’origine de la civilisation occidental
1120 Il semble que le mythe de Prométhée soit digne d’ être le grand mythe à l’origine de la civilisation occidentale et européen
1121 européenne au sens étroit du terme, car Prométhée est le héros de la révolte : c’est l’homme en révolte contre tous les tab
1122 t de curiosité et de l’esprit d’aventure qui vont être si caractéristiques des débuts de la Grèce, que l’on retrouve si bien
1123 au repos final et au bonheur dans Ithaque. Ulysse est le deuxième mythe de la tradition occidentale. 3. L’apport chrétie
1124 16 janvier 1969 La théologie des conciles qui se sont passés pendant les ive , ve et vie siècles, a consisté à fixer les
1125 s grandes catégories, mais par rapport à elles se sont définies les principales hérésies, c’est-à-dire des interprétations d
1126 ique de l’Occident. Ainsi, ces grandes catégories sont définies théologiquement, mais plus tard, au Moyen Âge, par le détour
1127 peu leurs conséquences politiques ; l’ère moderne sera de plus en plus l’ère des idéologies politiques, et ces idéologies so
1128 ’ère des idéologies politiques, et ces idéologies sont bien souvent des théologies laïcisées ; elles reproduisent les mêmes
1129 r de l’édit de Milan en 313, le facteur spirituel est devenu décisif pour la société occidentale. Très concrètement, à part
1130 , la formule de la nouvelle communauté humaine va être donnée non plus par les cadres administratifs ou par les fonctions so
1131 iales, mais par une réalité d’ordre religieux qui est la personne, la nouvelle définition de l’homme, de l’homme en relatio
1132 vin, ce prodigieux remue-ménage de concepts qui s’ est produit dans l’Église pendant ses premiers siècles, tout cela va se r
1133 troduction suivante des éditeurs : « L’Occident n’ est pas un concept artificiel et arbitraire, mais une réalité qui s’est f
1134 artificiel et arbitraire, mais une réalité qui s’ est forgée dans l’histoire depuis l’Antiquité. L’Occident s’est pourvu de
1135 dans l’histoire depuis l’Antiquité. L’Occident s’ est pourvu de caractéristiques culturelles qui le distinguent notamment d
1136 les qui le distinguent notamment de l’Orient : il est des mythes spécifiquement occidentaux tels que Prométhée (révolte con
1137 ns qui existent entre eux). C’est en Grèce que se sont constitués les fondements de l’évolution occidentale. C’est en Grèce,
1138 : ces associations d’individus détachés des clans seront à la base des cités ayant leurs propres lois, librement consenties. U
1139 tre moment important dans l’évolution occidentale est d’origine théologique : c’est la formulation de la notion de personne
1140 conciles se définit en raison de son objectif qui est la personne humaine. Il se réalise à travers des moyens qui sont fort
1141 e humaine. Il se réalise à travers des moyens qui sont fort divers : en Occident, il existe une grande variété de communauté
1142 ste une grande variété de communautés qui, loin d’ être des fins en soi, sont autant d’instruments de réalisation de cet idéa
1143 de communautés qui, loin d’être des fins en soi, sont autant d’instruments de réalisation de cet idéal commun que constitue
1144 nne. Ainsi, par-delà toutes les différences qui y sont cultivées, la culture occidentale trouve son unité à travers les élém
12 1988, Inédits (extraits de cours). La personne
1145 qui prend conscience. 23 janvier 1970 La personne est distincte de l’individu, mais ne peut pas exister sans lui. L’individ
1146 , mais ne peut pas exister sans lui. L’individu n’ est pas le contraire de la personne, c’est plutôt la condition nécessaire
1147 , la personne n’existe que dans ses actes. Elle n’ est pas une essence, elle est une existence. 11 novembre 1966 Quand l’ind
1148 dans ses actes. Elle n’est pas une essence, elle est une existence. 11 novembre 1966 Quand l’individu apparaît, c’est au m
1149 d’autres, qui ont commis des fautes moins graves, sont expulsés ; certains s’en vont comme un jeune homme qui fait des fugue
1150 sortent de la molécule et de leur combinaison. Ce sont eux qui vont créer les premières cités, les cités grecques que l’on c
1151 ner volontairement des liens nouveaux. Les autres étaient des liens du sang, de la naissance. Ils se donneront des lois, des li
1152 nt, de ce fait, des hommes à la fois libres — ils sont libérés des liens du sang, de la tribu — et responsables, puisqu’ils
1153 u sang, de la tribu — et responsables, puisqu’ils sont ceux qui, réunis dans les conseils, dirigent la cité. Le deuxième sta
1154 les conseils, dirigent la cité. Le deuxième stade est , comme idée de l’homme, comme formule de l’homme, le citoyen. Ensuit
1155 se groupent d’après des professions surtout ; ils sont très éloignés du centre et subissent ce que celui-ci décide. Ils devi
1156 i siège près de l’agora doivent se faire élire ou tiennent à un semblant d’élection ; ils veulent en tout cas avoir un parti, do
1157 pelle un sentiment de vide social. L’individu qui est trop loin du pouvoir est devenu passif, il n’a plus de responsabilité
1158 e social. L’individu qui est trop loin du pouvoir est devenu passif, il n’a plus de responsabilités, il se sent devant une
1159 beaucoup trop grands. C’est l’Empire de Rome qui est venu remettre de l’ordre dans toutes ces cités qui se défaisaient par
1160 des graves questions d’État, mais le citoyen qui est au service du despote, de l’empereur et de sa machine étatique (autre
1161 faire résonner des paroles à travers. Per-sonare était donc le masque. Pourquoi applique-t-on alors au citoyen romain cette
1162 e notion de persona ? C’est justement parce qu’il est défini uniquement par sa fonction, son rôle, au sens du rôle d’un act
1163 ne pièce. Il devient persona dans la mesure où il est un citoyen romain reconnu par l’empereur et par l’empire. S’il ne l’e
1164 reconnu par l’empereur et par l’empire. S’il ne l’ est pas, il est un servus, un esclave ; et un des adages de base du droit
1165 l’empereur et par l’empire. S’il ne l’est pas, il est un servus, un esclave ; et un des adages de base du droit romain est
1166 sclave ; et un des adages de base du droit romain est que l’esclave n’est pas une personne (servus non est persona), parce
1167 dages de base du droit romain est que l’esclave n’ est pas une personne (servus non est persona), parce qu’il n’est pas déte
1168 que l’esclave n’est pas une personne (servus non est persona), parce qu’il n’est pas déterminé par l’empereur. 25 février
1169 personne (servus non est persona), parce qu’il n’ est pas déterminé par l’empereur. 25 février 1966 À la notion grecque d’i
1170 vidu. Dans le monde romain, la notion humaine qui est apparue comme nouveauté était la notion de citoyen, d’homme défini pa
1171 la notion humaine qui est apparue comme nouveauté était la notion de citoyen, d’homme défini par ses liens sociaux, et la not
1172 liens sociaux, et la notion qui lui a correspondu était le règne de la loi réglant les relations entre les hommes au niveau d
1173 omaine de citoyen, puisque la personne chrétienne est à la fois l’homme unique, distinct, et l’homme en relation avec son p
1174 avec le corps sacré que formait la tribu, où il n’ était pas distinct des autres, mais en symbiose, comme dans le rêve, où les
1175 en symbiose, comme dans le rêve, où les choses ne sont pas vraiment distinguées, où les animaux et les hommes se métamorphos
1176 s’absorbent, se mélangent. Une deuxième dimension sera introduite, quand l’individu se détachera du clan, deuxième dimension
1177 rsonnelle, et en même temps mieux engagé que ne l’ était le citoyen romain, parce qu’il n’est pas engagé seulement au service
1178 é que ne l’était le citoyen romain, parce qu’il n’ est pas engagé seulement au service impersonnel de l’empereur ou des lois
1179 ais au service concret du prochain. Cet homme qui est à la fois mieux individualisé et mieux relié par la même vocation, c’
1180 de couples d’antinomies logiques, qui se trouvent être des complémentaires réels : dans la conception de l’homme européen, l
1181 le, de la culture et des universités, les couples étaient culture générale et savoir spécialisé, ou encore sens commun et créat
1182 le qui fasse sens et connaissance spécialisée qui soit efficace. Nous allons y ajouter maintenant, au niveau de la cité, une
1183 de la cellule à l’organe et des organes au corps, est faite de tensions en équilibre mouvant. 18 février 1966 La personne s
1184 init comme une réalité paradoxale, toujours. Elle est à la fois distincte et reliéel ; elle est à la fois libre et responsa
1185 s. Elle est à la fois distincte et reliéel ; elle est à la fois libre et responsable ; elle est à la fois autonome et parti
1186  ; elle est à la fois libre et responsable ; elle est à la fois autonome et participante ; elle est maîtresse d’elle-même,
1187 lle est à la fois autonome et participante ; elle est maîtresse d’elle-même, mais elle est en relation avec autrui ; elle e
1188 pante ; elle est maîtresse d’elle-même, mais elle est en relation avec autrui ; elle est définie par sa vocation unique, ma
1189 ême, mais elle est en relation avec autrui ; elle est définie par sa vocation unique, mais cette vocation lui donne une fon
1190 18 novembre 1966 La personne ou la fédération ne sont pas des synthèses de deux termes, ni des solutions qu’on obtiendrait
1191 xemple de la dialectique de Hegel : la thèse, qui est niée ensuite par l’antithèse, et les deux sont assumées par la synthè
1192 qui est niée ensuite par l’antithèse, et les deux sont assumées par la synthèse. Dans la synthèse, ni la thèse, ni l’antithè
1193 l’antithèse n’existent plus comme telles : elles sont , dit-on en allemand, aufgehoben ; elles ont été prises, digérées, et
1194 sont, dit-on en allemand, aufgehoben ; elles ont été prises, digérées, et donnent la synthèse, qui peut être une chose uni
1195 rises, digérées, et donnent la synthèse, qui peut être une chose unique ; il n’est plus question de tension. Dans le fédéral
1196 a synthèse, qui peut être une chose unique ; il n’ est plus question de tension. Dans le fédéralisme ou dans la notion de la
1197 intact. Il devient même encore plus lui-même, il est chargé d’une énergie du fait de sa mise en tension. L’individu se tro
1198 ue élément social entrant en composition fédérale est amené à renforcer ses caractères spécifiques, lesquels sont en même t
1199 à renforcer ses caractères spécifiques, lesquels sont en même temps garantis par le fait de la fédération. Chaque canton su
1200 de la fédération. Chaque canton suisse se trouve être lui-même, du fait qu’il est entré dans une fédération qui défend son
1201 ton suisse se trouve être lui-même, du fait qu’il est entré dans une fédération qui défend son existence ; sinon, il aurait
1202 ation qui défend son existence ; sinon, il aurait été absorbé depuis longtemps par un des États voisins, il aurait perdu so
1203 rois traditions — Athènes, Rome et Jérusalem — se sont confondues dans un même grand débat qui a produit, comme un précipité
1204 e un précipité, cette doctrine de la personne. Il est évident que le fait que l’on croie ou que l’on ne croie pas à la Trin
1205 à la définition de la personne de Jésus-Christ n’ est pas important. Il est indéniable que cela définit une certaine forme
1206 personne de Jésus-Christ n’est pas important. Il est indéniable que cela définit une certaine forme de pensée, qui veut qu
1207 certaine forme de pensée, qui veut que les choses sont à la fois en mouvement et obéissant à une loi fixe : dans les grands
1208 les grands conciles, comme autrefois en Ionie, s’ est illustrée une forme d’esprit — l’esprit occidental — qui sera très im
1209 ée une forme d’esprit — l’esprit occidental — qui sera très importante pour toute définition de l’Europe et qui trouve ici u
1210 sion, une vocation, dans le vocabulaire chrétien, était un appel qui s’adressait à une personne seule. Dans le christianisme,
1211 ersonne seule. Dans le christianisme, la vocation est un appel (vocare : appeler) adressé à un individu et qui le personnal
1212 au nom de quelque chose qui vient d’ailleurs, qui est transcendant. Il est donc citoyen de deux mondes différents. Le monde
1213 se qui vient d’ailleurs, qui est transcendant. Il est donc citoyen de deux mondes différents. Le monde de l’au-delà, le mon
1214 s qui l’oblige ensuite à agir dans le monde, ce n’ est pas un au-delà spatial, comme on se l’imaginera bientôt, irrésistible
1215 ment, et surtout pendant tout le Moyen Âge ; ce n’ est pas un au-delà de la voûte céleste, ce n’est même pas un tout là-haut
1216 ce n’est pas un au-delà de la voûte céleste, ce n’ est même pas un tout là-haut vers les étoiles, comme le peuple le croit n
1217 C’est un au-delà qualitatif, qui peut aussi bien être en nous que très loin. 23 janvier 1970 La doctrine de la personne imp
1218 ons de formation et de fonctionnement. Les termes étant équivalents, on peut dire que la morale est une politique de la perso
1219 mes étant équivalents, on peut dire que la morale est une politique de la personne, tandis que la politique est une morale
1220 politique de la personne, tandis que la politique est une morale de la communauté. 3 février 1972 L’écologie et la personne
1221 le et des disciplines que tout cela implique, qui sont à la fois aliénantes, anonymisantes, dépersonnalisantes. Les mêmes cr
1222 30 janvier 1970 Ces deux maladies de la cité que sont l’individualisme et la collectivisation, correspondent à deux maladie
1223 es traduisent dans l’histoire. L’individualisme s’ est traduit une première fois dans l’histoire lors de la cité hellénistiq
1224 de la cité hellénistique, la réaction collective étant l’Empire romain. Rome a été la remise au pas du monde hellénistique d
1225 réaction collective étant l’Empire romain. Rome a été la remise au pas du monde hellénistique dissocié, la restauration for
1226 1969 Les deux maladies mortelles de toute société sont la bureaucratie et l’ennui, c’est-à-dire le manque de sens général po
1227 d’Althusius, c’est que, pour lui, le citoyen ne l’ est pas en tant qu’individu, mais en tant que « symbiote », c’est-à-dire
1228 même, en termes plus modernes, une personne. Ce n’ est donc pas un simple homme, individu de l’espèce, mais un compagnon, un
1229 unauté. 23 janvier 1970 Si l’invention de la cité est l’invention majeure de la civilisation européenne, la personne est l’
1230 ajeure de la civilisation européenne, la personne est l’invention majeure de la culture européenne, la civilisation étant l
1231 majeure de la culture européenne, la civilisation étant l’application des valeurs de la culture. La différence est donc du mê
1232 lication des valeurs de la culture. La différence est donc du même genre qu’entre technique et science. Cette distinction p
1233 ion peut aussi s’exprimer ainsi : la civilisation est l’ensemble des formes, tandis que la culture est l’ensemble des valeu
1234 est l’ensemble des formes, tandis que la culture est l’ensemble des valeurs. Si on comprend bien la personne, qui est la v
1235 des valeurs. Si on comprend bien la personne, qui est la valeur de base, on comprendra du même coup les formes politiques q
1236 personne se retrouvera dans la cité. La personne est donc l’individu totalisé et orienté par ce que les chrétiens appellen
1237 ités. La définition la plus simple de la personne est que c’est l’individu libre et responsable. 20 janvier 1967 La partici
1238 à la culture générale, telle que je l’ai définie, est pour moi la participation de tout l’homme à un sens général de la vie
1239 és. De même, la participation dans la vie civique sera la participation de la personne complète — individu plus vocation, ou
1240 ducation spécifiquement européenne ou fédéraliste serait donc de former et de promouvoir des hommes à la fois libres et respon
1241 équilibre dynamique que j’appelle personne et qui est le module de tout régime fédéraliste. 4 février 1966 C’est au Moyen Â
1242 vie politique, et que la notion qu’il représente est devenue l’un des fondements de la forme de pensée et d’aménagement pu
1243 de la forme de pensée et d’aménagement public qu’ est le fédéralisme. 18 novembre 1966 Après Boèce, il y eut toutes sortes
1244 pe d’homme nouveau, bipolaire, se manifeste. Ce n’ est plus tout à fait le citoyen des cités grecques, ce n’est pas non plus
1245 s tout à fait le citoyen des cités grecques, ce n’ est pas non plus la persona de l’Empire romain, car c’est un homme qui es
1246 ersona de l’Empire romain, car c’est un homme qui est à la fois défini par la fonction qu’il a reçue de l’Église ou de l’Es
1247 s matériel, dans la communauté humaine. Cet homme est responsable devant la cité ou l’empereur d’une part, et devant l’Égli
1248 de substance en lui-même que l’homme romain, qui était défini uniquement par l’extérieur, mais il est aussi mieux relié que
1249 était défini uniquement par l’extérieur, mais il est aussi mieux relié que l’individu grec. 11 novembre 1966 Le type d’hom
1250 égime bien articulé que j’appelle le fédéralisme, est ce que toute une école de philosophes de la vie politique entre les d
1251 e entre les deux guerres mondiales a défini comme étant la personne, l’homme à la fois libre et engagé. Un homme antinomique,
1252 oute solution de type fédéraliste. Cet homme doit être en fait continuellement en garde contre une double déviation toujours
1253 ante, celle vers le pôle individualiste, quand il est tenté de renier ses responsabilités communautaires, ou l’autre, inver
1254 ce moment-là, il s’offre à la tyrannie, qui peut être celle de la mode, celle des routines ou celle imposée par un parti un
1255 la personne ou dans le fédéralisme, parce que ce sont deux réalités bipolaires, les mêmes possibilités de double déviation
1256 correspond à l’engagement total chez l’individu, est la déviation vers l’unitarisme : on ne veut plus assumer les risques
1257 n suivante des éditeurs : « La notion de personne est primordiale chez Denis de Rougemont et conditionne chacune des facett
1258 environnement, la course aux armements, tout cela est la traduction, en termes variés, d’une même préoccupation : la person
1259 nce d’un individu, mais ne s’y réduit pas. Elle n’ est pas une notion arbitraire ni purement abstraite, mais un produit typi
1260 es : l’un individuel, l’autre communautaire. Elle est à la fois sans confusion ni fusion, libre et responsable, solitaire e
1261 e elle-même en se réalisant avec les autres, elle est un individu qui se découvre une vocation et cherche à la concrétiser
1262 onne. En effet, comme la personne, le fédéralisme est le produit d’une tension entre deux pôles antinomiques et irréductibl
1263 érence du tout. Comme la personne, le fédéralisme est confronté à deux déviations majeures : le renoncement à la responsabi
13 1988, Inédits (extraits de cours). Politique
1264 1968 La grande nouveauté, c’est que la politique est considérée par Rousseau comme l’affaire de tous et de chacun, alors q
1265 t à la vie de la cité et en tant que la politique est soumise à une certaine morale civique et n’est pas seulement, comme c
1266 ue est soumise à une certaine morale civique et n’ est pas seulement, comme chez Machiavel et jusqu’à Montesquieu, l’art de
1267 66 Les deux termes, « politique » et « civique », sont absolument équivalents, l’un étant tiré de la racine grecque du mot q
1268 et « civique », sont absolument équivalents, l’un étant tiré de la racine grecque du mot qui désigne « ville », l’autre de la
1269 la personne du Léviathan, et dès ce moment-là, il est souverain et tous les hommes deviennent ses sujets. Il ne s’agit donc
1270 nent ses sujets. Il ne s’agit donc pas pour eux d’ être des citoyens. 21 novembre 1969 Civisme et politique désignent les mêm
1271 olitique désignent les mêmes réalités, les termes sont tirés l’un du latin et l’autre du grec. « L’homme est un animal polit
1272 tirés l’un du latin et l’autre du grec. « L’homme est un animal politique », cela signifie qu’il est fait essentiellement p
1273 me est un animal politique », cela signifie qu’il est fait essentiellement pour vivre dans une cité. Pendant les premiers s
1274 libertés d’un homme. Au début donc, la politique est simplement l’art d’aménager les rapports entre les hommes dans la cit
1275 majesté, majestas, des institutions, qui ensuite est transférée à n’importe quelle administration d’État, c’est-à-dire l’e
1276 , des fonctionnaires, il n’y a pas de mystère, ce sont des fonctionnaires qui sont désignés par les plus forts. 1er novembre
1277 a pas de mystère, ce sont des fonctionnaires qui sont désignés par les plus forts. 1er novembre 1968 Au xve siècle, l’État
1278 forts. 1er novembre 1968 Au xve siècle, l’État n’ est pas très développé, c’est un appareil rudimentaire, et froid. Tandis
1279 reil rudimentaire, et froid. Tandis que la nation est un phénomène affectif, presque sentimental et mystique selon les cas,
1280 ue et passionnel. 25 octobre 1968 Les empires ont été au nombre d’une quinzaine. On peut mettre au rang des empires, aujour
1281 tion d’un empire, dont les deux traits principaux sont  : la pluralité des éléments constitutifs et le caractère d’universali
1282 homme que nous connaissons en réalité en Occident est ordinairement un mélange impur, non seulement de revendication de lib
1283 té, la vocation et les responsabilités. Cet homme est un peu libre, dans la mesure où il est un peu responsable. Cela donne
1284 Cet homme est un peu libre, dans la mesure où il est un peu responsable. Cela donne des régimes qui sont un peu anarchique
1285 st un peu responsable. Cela donne des régimes qui sont un peu anarchiques dans certains domaines, et un peu tyranniques dans
1286 ines, et un peu tyranniques dans d’autres, ce qui est une assez bonne définition de nos démocraties de l’Europe de l’Ouest,
1287 et de tyrannie. 10 juin 1966 La volonté générale est interprétée par les jacobins uniquement dans le sens de l’unanimité,
1288 les sociétés partielles ou les sectes politiques sont impitoyablement liquidées et accusées de trahison ; les jacobins n’ad
1289 été, que Rousseau acceptait à condition que ce ne soit pas une variété fanatique qui veuille s’imposer aux autres. 15 novemb
1290 théorie la pratique qu’en ont tirée les jacobins. Est -ce qu’on peut considérer Rousseau à juste titre — comme l’ont fait be
1291 8 novembre 1968 La doctrine de la souveraineté est ce qui sépare le plus nettement deux groupes de pays européens : les
1292 es de pays européens : les pays du Centre et de l’ Est , et les pays de l’Ouest : des cités-États, des principautés, des roya
1293 des royaumes et le Saint-Empire au centre et à l’ est , qui vivent sans doctrine politique bien définie de la souveraineté.
1294 ype même de l’écrivain politique qui y correspond est Machiavel, qui donne des descriptions des vertus et des vices qui con
1295 u pouvoir royal). 16 janvier 1969 L’ère moderne a été de plus en plus l’ère des idéologies politiques, et nous verrons que
1296 es politiques, et nous verrons que ces idéologies sont bien souvent des théologies laïcisées ; qu’elles reproduisent les mêm
1297 acré se déplace d’un seul coup, visiblement. Il n’ est plus dans l’Église, il est dans la nation. Il n’est plus dans la reli
1298 oup, visiblement. Il n’est plus dans l’Église, il est dans la nation. Il n’est plus dans la religion, il est dans l’idéolog
1299 t plus dans l’Église, il est dans la nation. Il n’ est plus dans la religion, il est dans l’idéologie. 15 novembre 1968 Cett
1300 ans la nation. Il n’est plus dans la religion, il est dans l’idéologie. 15 novembre 1968 Cette sorte de pulvérisation de la
1301 l’esprit des jacobins, que ceux des Français qui sont conformes à l’idéologie que l’on veut faire aboutir. Dès le début de
1302 union des états généraux à Paris, le tiers état s’ était proclamé Assemblée nationale — à l’exclusion de l’ordre de la nobless
1303 olonté générale. C’est dans ce sens qu’il pouvait être l’État. C’est à ce moment qu’on voit se préciser la définition de la
1304 facer le plus possible les groupes constitués qui sont des opposants possibles, avec qui on ne peut pas transiger, et à tran
1305 tout au nom de cette espèce de religion laïque qu’ est la nation. Ce parti au pouvoir confond dans une même répression, d’un
1306 acculés à la nécessité d’une politique. Nous nous sommes libérés de la nature, mais nous sommes condamnés désormais à assumer,
1307 Nous nous sommes libérés de la nature, mais nous sommes condamnés désormais à assumer, en toute conscience, nos responsabilit
1308 che des buts réels que suit une politique, qui ne sont pas nécessairement, qui ne sont presque jamais ses buts déclarés faci
1309 politique, qui ne sont pas nécessairement, qui ne sont presque jamais ses buts déclarés facilement, alors il faut savoir ce
1310 s déclarés facilement, alors il faut savoir ce qu’ est une bonne politique ou une politique efficace, et cela se ramène à de
1311 s et réduction de nombreuses autres possibilités, être simplement la puissance, ou bien la liberté. Ce sont au fond les deux
1312 e simplement la puissance, ou bien la liberté. Ce sont au fond les deux passions fondamentales de l’homme occidental. Il veu
1313 amentales de l’homme occidental. Il veut, ou bien être puissant, ou bien être libre ; quelquefois, il veut les deux choses à
1314 cidental. Il veut, ou bien être puissant, ou bien être libre ; quelquefois, il veut les deux choses à la fois, mais cela dev
1315 structures mentales et sociales, qui se trouvent être à la fois les conditions de réalisation et les résultats de l’applica
1316 es résultats de l’application de cette politique, soit de puissance, soit de liberté. Par exemple, chez tous les penseurs de
1317 pplication de cette politique, soit de puissance, soit de liberté. Par exemple, chez tous les penseurs de la tradition unita
1318 du prince, le fait que l’administration ou l’État est au service des citoyens au lieu que ceux-ci soient au service de l’Ét
1319 t est au service des citoyens au lieu que ceux-ci soient au service de l’État. 9 février 1968 La puissance et la liberté sont
1320 l’État. 9 février 1968 La puissance et la liberté sont évidemment antinomiques, mais n’en sont pas moins inséparables. Ce so
1321 a liberté sont évidemment antinomiques, mais n’en sont pas moins inséparables. Ce sont des maxima contradictoires dont la po
1322 miques, mais n’en sont pas moins inséparables. Ce sont des maxima contradictoires dont la politique consiste à rechercher l’
1323 ainsi un certain nombre de familles d’esprit qui sont réfractaires congénitalement à une bonne compréhension du fédéralisme
1324 ment à une bonne compréhension du fédéralisme. Ce sont les familles d’esprit nationalistes, traditionalistes et communistes.
1325 abord la puissance, celle qui vise la liberté. Ce sont les formes de pensée unitaire et dialectique, insistant sur l’unité o
1326 de police, s’il perd l’autorité, ou s’il cesse d’ être le délégué de l’autorité, si les agents ne lui obéissent pas, lui ne
1327 peut même plus s’exercer. 14 janvier 1977 Ce qui est au fond très beau dans la construction assez spontanée qu’est le Sain
1328 très beau dans la construction assez spontanée qu’ est le Saint-Empire romain de nations germaniques, c’est que cela existe
1329 il n’a pas de pouvoir et que beaucoup de gens qui sont ses vassaux tirent de lui l’autorité nécessaire à l’exercice de leur
1330 re les deux choses : l’autorité sans pouvoir ce n’ est pas grand-chose, mais le pouvoir sans autorité, ce n’est rien du tout
1331 grand-chose, mais le pouvoir sans autorité, ce n’ est rien du tout. 6. Totalitarisme 11 novembre 1966 L’idéal totalit
1332 11 novembre 1966 L’idéal totalitaire semble avoir été plus près de se réaliser à certains moments, parce que c’est aussi be
1333 aucoup plus facile : il joue davantage sur ce qui est le plus bas, le plus lourd, le plus organisable mécaniquement, aussi
1334 malgré cela, les expériences totalitaires qui ont été faites en Europe ont été extrêmement courtes. Qu’on se rappelle l’hit
1335 ces totalitaires qui ont été faites en Europe ont été extrêmement courtes. Qu’on se rappelle l’hitlérisme, le national-soci
1336 lle ans, comme le répétait toujours Hitler ; il s’ est instauré en 1933 et a été définitivement renversé en 1945. Ce régime
1337 toujours Hitler ; il s’est instauré en 1933 et a été définitivement renversé en 1945. Ce régime a donc duré douze ans et e
1338 versé en 1945. Ce régime a donc duré douze ans et est un des plus courts de l’histoire. Le régime fasciste italien a duré u
1339 ’est-à-dire 23 ans. Quant au communisme russe, il est très difficile de dire sa durée, parce qu’il a tellement changé. Il s
1340 re sa durée, parce qu’il a tellement changé. Il s’ est instauré en 1917 ; jusqu’au règne de Staline y compris, il a eu une p
1341 devenait de plus en plus totalitaire — ce qu’il n’ était pas au départ ; puis, il y a eu un changement, un reflux, un « dégel 
1342 libérales. Ce régime dure depuis 49 ans, ce qui n’ est pas très vieux ; le cinquantième anniversaire sera célébré l’année pr
1343 est pas très vieux ; le cinquantième anniversaire sera célébré l’année prochaine et on ne saura pas si on célèbre l’annivers
1344 a la tradition jacobine qui, à beaucoup d’égards, est la suite de l’absolutisme centralisateur ; elle représente la même fo
1345 s Hitler le soldat politique. Le soldat politique est en quelque sorte une persona romaine ; c’est un être qui, comme le so
1346 t en quelque sorte une persona romaine ; c’est un être qui, comme le soldat, est entièrement défini par sa tâche, dans une h
1347 ona romaine ; c’est un être qui, comme le soldat, est entièrement défini par sa tâche, dans une hiérarchie, dans une discip
1348 , dans une hiérarchie, dans une discipline ; il n’ est que ce que le cadre veut qu’il soit : idéal. L’autre descendance de l
1349 cipline ; il n’est que ce que le cadre veut qu’il soit  : idéal. L’autre descendance de la Révolution française est la « démo
1350 l. L’autre descendance de la Révolution française est la « démocratie », le jacobinisme étant plutôt une forme de despotism
1351 n française est la « démocratie », le jacobinisme étant plutôt une forme de despotisme, de tyrannie, même s’il prend souvent
1352 souvent l’étiquette de démocratie. La démocratie est définie par le pluralisme des partis et leur lutte, ce qui permet la
1353 ond à la démocratie pluraliste et aux fédérations est la personne, au sens approfondi par toute la philosophie des mouvemen
1354 964 Le politicien part de l’idée que la politique est l’art du possible. L’utopiste, dans le meilleur sens du terme, part d
1355 politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ; les plus grands sont ceux qui ont réussi à susciter les
1356 possible ce qui est nécessaire ; les plus grands sont ceux qui ont réussi à susciter les moyens pratiques de leur but idéal
1357 t elle qui définit une politique. Cela a toujours été le cas, mais je pense que dans la vie publique et politique d’aujourd
1358 c’est plus vrai que jamais. Le rôle de la parole est infiniment plus grand au xxe siècle, et notamment dans la seconde pa
1359 a seconde partie du xxe siècle, qu’il l’a jamais été dans l’histoire auparavant. Prenons les grands potentats mongols ou a
1360 ls faisaient la politique à coup de discours. Ils étaient des hommes de peu de mots, c’est souvent comme cela qu’on les décrit
1361 s prenons un grand potentat comme Louis XIV, ce n’ est certainement pas à coup de discours qu’il a gouverné la France ; je n
1362 ce que l’on sait de Louis XIV et de son règne, ce sont les guerres qu’il a faites, les traités, les constructions, les jardi
1363 upranationalité, coopération, comme si ces termes étaient pratiquement équivalents, synonymes, comme s’il n’y avait pas à se me
1364 on a décidé d’employer aux dépens des autres. Il est extrêmement rare qu’un homme d’État se préoccupe d’opposer nommément,
1365 archie sémantique qui domine la situation, et qui est au fond très grave. Car comment voulez-vous établir, adopter, discute
1366 dopter, discuter une politique d’union, si vous n’ êtes pas capable de lui donner un nom ; un nom qui la distingue d’autres p
1367 rs, à tout le reste, au nom d’un nationalisme qui est aussi fort que son fédéralisme interne. À gauche, on voit se développ
1368 combinaison qui répond point par point, mais qui est l’inverse de la précédente : un homme comme Jean Monnet, qui est un s
1369 e la précédente : un homme comme Jean Monnet, qui est un socialiste planificateur, qui ne se préoccupe pas du tout de fédér
1370 conomique par l’Ouest et politico-militaire par l’ Est , qui sera la rançon fatale de nos attachements maniaques aux fictions
1371 par l’Ouest et politico-militaire par l’Est, qui sera la rançon fatale de nos attachements maniaques aux fictions de l’indé
1372 t, mais s’épaulent mutuellement : si la politique est l’art de choisir entre plusieurs alternatives, l’utopie est l’art de
1373 de choisir entre plusieurs alternatives, l’utopie est l’art de rendre possible telle ou telle option souhaitable. Ainsi, l’
1374 umées. Plutôt qu’“art de gouverner”, la politique est l’affaire de tous. En l’absence de civisme en effet, les citoyens ne
1375 En l’absence de civisme en effet, les citoyens ne sont plus que des sujets passifs d’un pouvoir souverain. La politique étan
1376 jets passifs d’un pouvoir souverain. La politique étant fondée sur l’engagement de tous, elle ne peut être exercée réellement
1377 ant fondée sur l’engagement de tous, elle ne peut être exercée réellement qu’à l’intérieur de communautés petites où peuvent
1378 entre elles. Comme Proudhon l’avait discerné, ce sont des fédérations de communes, puis de régions, qui constitueront la fé
1379 n européenne dans un mouvement de bas en haut qui est le meilleur moyen de garantir les libertés et les diversités de chacu
1380 libertés et les diversités de chacun. Mais qu’en est -il de l’État, qu’on fait trop souvent l’agent exclusif de toute polit
1381 -à-dire débarrassé de son aura sacrée, celui-ci n’ est guère plus qu’un instrument concret, un ensemble de fonctionnaires ch
1382 ux au profane, de l’Église à la nation. La nation est devenue un nouveau dogme en vertu duquel on réprime les hérétiques et
1383 la communauté de naissance. La pensée occidentale est marquée par des antinomies irréductibles. Toute politique se voit not
1384 at politique et citoyen. Le choix de la puissance est un choix collectif : c’est celui de l’État-nation. Le choix de la lib
1385 st celui de l’État-nation. Le choix de la liberté est un choix individuel et communautaire : c’est celui du fédéralisme qui
1386 t l’existence de différences entre les parties et sont conclues pour les garantir. Le plus grand obstacle peut-être, actuell
14 1988, Inédits (extraits de cours). Région
1387 1. Définitions 24 février 1967 La région n’ est pas une province (au sens ancien). La région est définie par la densi
1388 ’est pas une province (au sens ancien). La région est définie par la densité de population, l’accroissement de la productio
1389 ayonnement. C’est un foyer, alors que la province était un territoire bien délimité, une unité administrative (disparue) défi
1390 s frontières (comme nos États-nations). La région est la vraie unité socioéconomique de l’Europe d’aujourd’hui ; on l’étudi
1391 et on doit aller beaucoup plus loin. La région n’ est pas seulement une réalité économique et même culturelle, elle peut de
1392 e l’Europe de demain. 24 février 1967 Les régions sont , en puissance, les vraies autonomies de la fin du xxe et du xxie si
1393 omie. Au Moyen Âge, la cité, en tant que commune, est une auto-nomie. Mais les communes n’ont pu subsister autonomes que là
1394 unes n’ont pu subsister autonomes que là où elles étaient liguées (la Suisse). Au xixe siècle, l’État-nation seul est autonome
1395 (la Suisse). Au xixe siècle, l’État-nation seul est autonome. (Dans les nations centralisées, les autonomies locales et r
1396 entralisées, les autonomies locales et régionales sont inexistantes : simple délégation de pouvoirs du centre.) Au xxe sièc
1397 rmeture des frontières (autarcie). Les autonomies sont contraires au droit des gens. La nation est une unité trop dure pour
1398 mies sont contraires au droit des gens. La nation est une unité trop dure pour la coopération et les échanges. Elle est tro
1399 op dure pour la coopération et les échanges. Elle est trop grande pour permettre la participation civique (elle tue le civi
1400 les provinces de leur vie propre, autonome). Elle est trop petite pour les tâches internationales. Alors, où trouver des au
1401 icipation civique d’autre part ? Les régions vont être ces nouvelles unités d’autonomie. 6 novembre 1970 La participation ré
1402 ubliques en tant que joueur, et non spectateur, n’ étant possible et praticable en général que dans le cadre communal et régio
1403 tous les étages décisionnels. 13 novembre 1970 Il est évident que si l’on veut que le jeune citoyen s’intéresse aux affaire
1404 e faire qu’à travers sa région, le cadre national étant trop vaste. C’est une vérité que les Grecs connaissaient très bien, a
1405 j’ai traités au cours de ces dernières années. Il est par exemple indispensable que j’aie traité de la genèse, de l’essor e
1406 tats-nations. De même, la culture européenne, qui est faite de sources très différentes et de valeurs souvent très antinomi
1407 ’Europe sur la base des États-nations actuels qui sont les obstacles à toute union ; on unira l’Europe sur la base des régio
1408 l’Europe sur la base des régions telles qu’elles sont en train de se constituer. 24 avril 1970 Il faut défaire et dépasser
1409 té vivante, civique, économique ou culturelle, et être contrôlé par l’usager, distribuer et répartir l’État, de la commune e
1410 fédérales, du type de la Communauté de Bruxelles, seront chargées de la concertation des grandes tâches d’intérêt public, tâch
1411 s États-nations miniatures. Les régions nouvelles seront distribuées de toutes sortes de manières, en toutes sortes de réseaux
1412 érentes façons dans l’ensemble de l’Europe. Ce ne seront pas des mini-États-nations enfermant toutes sortes de réalités hétéro
1413 lontiers que la fédération future de l’Europe, ce sera le fédéralisme plus les ordinateurs. 30 mai 1969 Les réalités ethniqu
1414 mai 1969 Les réalités ethniques et linguistiques sont fluctuantes : il est absurde de vouloir les fixer par des frontières.
1415 ethniques et linguistiques sont fluctuantes : il est absurde de vouloir les fixer par des frontières. De plus, il est rare
1416 vouloir les fixer par des frontières. De plus, il est rare que ces frontières correspondent à des réalités économiques, ce
1417 avaient pas du tout compris que la guerre de 1914 était l’éclatement de l’Europe des États-nations, éclatement logique résult
1418 pas vu que le véritable responsable de la guerre était le stato-nationalisme. 30 octobre 1970 Passer aux régions, ce serait
1419 ionalisme. 30 octobre 1970 Passer aux régions, ce serait passer des mythes de la souveraineté nationale absolue aux réalités q
1420 lue aux réalités que les régions peuvent épouser, étant plus petites, plus complexes et plus variées. L’étude des régions en
1421 n d’avoir la même extension, toutes ces régions n’ étant pas définies par leurs frontières, mais par leurs fonctions — me para
1422 disciplines avec encore bien d’autres, la région est aujourd’hui l’unité opérationnelle de base du fédéralisme européen, e
1423 on, unité opérationnelle du fédéralisme européen, sera sans doute le thème politique le plus important des prochaines décenn
1424 les impératifs du stato-nationalisme tel qu’il s’ est constitué de Napoléon à Hitler : régime anémiant des « cultures natio
1425 ies particulières. 30 octobre 1970 L’université n’ est qu’une des malades de la société européenne du xxe siècle. Ces malad
1426 nt de mal à nos échanges culturels. Toute culture est faite d’échanges, et tout obstacle à ces échanges est un affaiblissem
1427 faite d’échanges, et tout obstacle à ces échanges est un affaiblissement pour la culture. Donc, la diminution progressive d
1428 ressive de l’emprise nationale sur l’enseignement est le remède à proposer à la plupart de ces maux. 30 avril 1971 Sauf rév
1429 ne se passe pas de cette manière raisonnable — ce serait une nouveauté complète dans l’histoire espagnole que quelque chose s’
1430 , avec dans les deux cas cet horizon européen qui est très nettement affirmé dans les manifestes régionalistes espagnols. Q
1431 rritoire fixe comme les anciennes provinces. Elle est une réalité multifonctionnelle — à la fois économique, sociale, cultu
15 1988, Inédits (extraits de cours). Révolution
1432 1. Définitions 12 juin 1970 La révolution est essentiellement mouvement. Le concept de révolution évoque tout de su
1433 s, a amené la révolution politique. La révolution est explosive, expansive, innovatrice, aventurière, et surtout, elle prov
1434 ur et garant de toutes les valeurs, la révolution est au contraire un acte de réévaluation de toutes les valeurs. Tout ce q
1435 vation, relativisation de toutes choses. L’État s’ est institué en Europe en réaction au vertige, à la décentration, à la dé
1436 ilisation caractéristique de la Renaissance. Il a été rassurant, sécurisant, ordonnateur, cadre fixe — et finalement oppres
1437 terre et des planètes autour du Soleil. Mais cela est symbolique de toutes les autres transformations : Galilée, qui est le
1438 toutes les autres transformations : Galilée, qui est le véritable héros de ce qu’on nomme la « révolution copernicienne »,
1439 e ce qu’on nomme la « révolution copernicienne », est le symbole de l’homme découvrant un nouvel ordre, un centre plus « vr
1440 version des chrétiens. 26 juin 1970 La révolution est une traduction collective de la conversion chrétienne, avec les mêmes
1441 chie. Cela peut réussir pour un individu, mais il est difficile de faire changer complètement toute la hiérarchie des valeu
1442 anière instantanée, pour une société. Une société est beaucoup trop lourde, formée de trop d’inerties, pour être retournée
1443 coup trop lourde, formée de trop d’inerties, pour être retournée d’un seul coup — sauf s’il y a une très longue préparation,
1444 uf s’il y a une très longue préparation, ce qui n’ est généralement pas le cas dans une révolution. À cause de ce poids d’in
1445 onté de changement révolutionnaire, la révolution est violente. Elle traduit ainsi son manque de maturation. D’où l’échec d
1446 comme la société, c’est tenter quelque chose qui est impossible. Une conversion individuelle peut être brusque parce qu’il
1447 est impossible. Une conversion individuelle peut être brusque parce qu’il y a une longue préparation intime dans la psychol
1448 ’expliquent aussi par le fait qu’elles ont toutes été mal préparées. Dans le groupe l’Ordre nouveau, dès 1932, nous avions
1449 mis au point la théorie suivante : une révolution est sanglante dans la mesure où elle est mal préparée (mal organisée, imp
1450 e révolution est sanglante dans la mesure où elle est mal préparée (mal organisée, improvisée, ou dans la mesure où elle dé
1451 rdre nouveau à un désordre établi. 1848 a surtout été de l’agitation négative ou une reprise d’idées un peu anciennes, cell
1452 ationalisme. 14 janvier 1972 L’idée de révolution est née du christianisme, et l’on peut vérifier qu’elle a la même extensi
1453 s théologies, de sa morale sociale. La révolution est la transposition au plan social de la conversion individuelle. Elle g
1454 et finalités nouvelles. Ce processus, peu à peu, sera transposé au niveau collectif, et c’est là qu’apparaîtra enfin la fin
1455 de vocation personnelle. 19 juin 1970 Le progrès est intimement lié à la révolution, en ce sens que c’est une version étal
1456 lution — ce qui se dit : évolution. La différence étant donc uniquement le facteur temps, le remplacement de la soudaineté, d
1457 e au concept d’État-nation. L’État-nation voulait être le porteur et le garant de toutes les valeurs. Il y a donc dans l’Éta
1458 dée de stabilisation. Au contraire, la révolution est un acte de « réévaluation » de toutes les valeurs (formule de Nietzsc
1459 ont provoqué le système de valeurs contraires qu’ est la révolution. 27 mai 1977 Pendant huit siècles, « nation » n’a pas v
1460 ne armés, qu’on appelait les sans-culottes et qui étaient d’ailleurs de bons bourgeois de Paris, vaincre les meilleures troupes
1461 aris, vaincre les meilleures troupes d’Europe qui étaient celles de Brunswick, par ce cri et par cette manière absolument non c
1462 conformiste de livrer une bataille ! Goethe, qui était témoin, a été si stupéfait qu’il a noté dans son carnet, le même soir
1463 livrer une bataille ! Goethe, qui était témoin, a été si stupéfait qu’il a noté dans son carnet, le même soir : « De ce jou
1464 positions, si bien que le cri « Vive la nation » est devenu très vite « Vive la France révolutionnaire » et puis ensuite «
1465 euse en la toute-puissance du pouvoir étatique va être la révolution. En effet, si l’État peut tout, et si on souffre de son
1466 t tout, et si on souffre de son pouvoir, comme il est absolu et qu’il n’y a pas de recours possible contre lui, il faudra d
1467 faudra donc s’en emparer par la force : alors, on sera tout-puissant, on pourra réaliser tout ce qu’on désire. S’emparer du
1468 onnaires, en précisant que la révolution dont ils étaient les avocats était à la fois anticapitaliste et antitotalitaire, qu’il
1469 nt que la révolution dont ils étaient les avocats était à la fois anticapitaliste et antitotalitaire, qu’il s’agisse de total
1470 nstitutions « à hauteur d’homme », dont le module serait la personne, le module et le but final. Je m’explique : ces groupes é
1471 dule et le but final. Je m’explique : ces groupes étaient à la fois contre l’individualisme, contre l’individu isolé qu’avait s
1472 re part des penseurs de droite comme Maurras, ils étaient contre cet individualisme « atomisé », mais ils étaient également con
1473 t contre cet individualisme « atomisé », mais ils étaient également contre le collectivisme, contre ce que Hitler appelait le «
1474 t embrigadé, qui n’avait plus aucune liberté, qui était purement au service de la collectivité ; tandis que l’individualiste
1475 ue l’individualiste de nos démocraties de l’Ouest était , lui, trop libre, engagé dans rien du tout. Ces groupes demandaient q
1476 Ces groupes demandaient que l’homme, le citoyen, soit à la fois — c’est une des formules qui revenaient le plus souvent — «
1477 sable et responsable parce que libre (formule qui sera reprise après la guerre par Sartre, Sartre sachant d’ailleurs très bi
1478 nt d’ailleurs très bien où il l’avait prise). Ils étaient pour une morale civique communautaire. 19 juin 1970 Je pense qu’il n’
1479 e série de changements souhaitables ne pourra pas être réalisée. On ne pourra pas établir la paix tant qu’il y aura des État
1480 qui se prétendent souverains, indépendants et qui sont armés : c’est du gangstérisme transposé au niveau international. Si o
1481 e la hiérarchie des valeurs consisterait à dire : est -il vrai que le but de l’humanité consiste à élever continuellement le
1482 re possible de gens (PNB, taux de croissance, qui sont le sacré des hommes politiques d’aujourd’hui) ? L’attitude révolution
1483 iques d’aujourd’hui) ? L’attitude révolutionnaire serait de mettre le niveau de vie en question et de lui opposer le mode de v
1484 le mode de vie doit triompher et le niveau de vie être un peu sacrifié, il y aurait une révolution. o. Avec l’introductio
1485 roduction suivante des éditeurs : « La révolution est “la substitution d’un ordre nouveau à un désordre établi”. Elle se ca
1486 ion s’oppose directement à l’État, et plus l’État sera absolu, plus la révolution tendra à être violente. Dans une société o
1487 s l’État sera absolu, plus la révolution tendra à être violente. Dans une société où l’État est omnipotent, les révolutionna
1488 endra à être violente. Dans une société où l’État est omnipotent, les révolutionnaires viseront en premier lieu à s’emparer
1489 de l’État (armée, police, etc.) : c’est ce qui s’ est passé, par exemple, pour la Révolution française et pour la Révolutio
1490 ransformation de toutes les valeurs d’une société est un objectif difficile à atteindre. Il réclame en tout cas un long pro
1491 au collectif. Au niveau individuel, la révolution est l’équivalent de la conversion chrétienne : le converti rejette l’ordr
1492 la liberté et de la responsabilité du citoyen que sont les communes et les régions. »