1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’ à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre p
2 ’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’ à ce jour au moins, cette inquiétude libératrice que produit la recherc
3 ne langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’ à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant
4 on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et c
5 un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans
6 bre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholiq
7 lontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. d
8 e à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du
9 d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disp
10 e du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaî
11 imile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la
12 en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’on me s
13 et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’ à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des
14 re. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyr
15 . « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du spo
16 oit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses 
17 i l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qualités, le reste
18 nt, qui a quitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’inté
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
19 la peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres f
20 ci revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils
21 blic), ils préparent l’avènement d’un classicisme nouveau . M. Meili a mis en évidence cette courbe de la peinture moderne avec
22 uable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de pei
23 mes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili.
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
24 les Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. T
25 à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Montherlant est
26 ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une aff
27 conds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’u
28 tête à tête avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légen
29 ennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétud
30 réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre à sa violence — le Paradis —, tantôt c’est l’autre qui impose son absol
31 éressants » ou « curieux » ; le « grand lyrisme » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui
32  ; le « grand lyrisme » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
33 révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à devenir notre poncif moderne, — si propre à égarer dans d’ingénieuses
34 tend à devenir notre poncif moderne, — si propre à égarer dans d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée l
35 là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passage
36 es — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient
37 tre une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, av
38 uis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique si scolaire ? À
39 rs, tout cet appareil psychologique si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’un art purement formel. Car c’est
40 fication : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire, mais savent admirablement parler. Ils érigent donc en doctrine
41 u’après faillite faite, les surréalistes trouvent à montrer leur talent en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d
42 . L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dom
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
43 Paul Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins
44 a courte biographie fournissent un meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu charger la « vie hér
45 e héroïque » de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant le specta
46 as cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’hom
47 n devant le spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talen
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
48 ue, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un
49 s faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur fl
50 arris. Certes, ce n’est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître : « La marquise sortit à cinq heure
51 — comme le fait son maître : « La marquise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indispensable, mais il
52  ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des s
53 entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de, « [Comp
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
54 le bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis que d’un mouvement
55 er le définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre e
56 it occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, Indes et Chi
57 tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une dén
58 nts. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qui cependant
59 à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce gen
60 moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer
61 e genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moye
62 as eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion romaine (ce christianisme méditerranéen si étr
63 iterranéen si étroitement particularisé pourtant, à l’usage des Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent de
64 unira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. M
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
65 de la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse,
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
66 sens et son sang-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficial
67 vers le passé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, ils forment un cort
68 é, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra
69 « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Deni
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
70 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est
71 uropéenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision,
72 s de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et
73 le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transpo
74 N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’i
75 nis de, « [Compte rendu] Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue  », Bibliothèque universelle et Revue de G
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
76 tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du
77 ère, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du romantisme. M
78 uver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans l’œuvre du penseur vaudois la substance originale de l
79 juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtan
80 antiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je cra
81 it été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée de Vinet pour lui ajuster sa terminologi
82 un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de p
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
83 mme l’on cherche les morts… « … Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry,
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
84 a libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libération, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
85 onné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans
86 claquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’ à l’angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les
87 dormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il r
15 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
88 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, ina
89 théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que
90 e. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances semblent s’êt
91 e de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de g
92 ’état de choses antérieur. Donc l’Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pou
93 lise. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de f
94 le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhen
95 on et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécurité dont trop souvent un brillant appareil
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
96 de course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — démences de fatigués, prophétismes, excessives lass
97 ophe ou révélation, brusque échappée sur des pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre un
98 eur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’une société affolée et ridiculement oppor
99 e veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? Nos penseurs, nos écrivains ont perdu le sens social. Cela
100 ocial. Cela devient frappant dans les générations nouvelles . Toute la jeune littérature décrit un type d’homme profondément antis
101 morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un for
102 l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est aussi pourquoi l’on ne
103 urquoi l’on ne saurait accorder trop d’importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — dont le grand
104 notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pou
105 de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace
106 seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et
107 le, Pensée et Action… Ces deux moralistes adonnés à la culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des
108 tion… Ces deux moralistes adonnés à la culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles génér
109 ibération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes
110 d’une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivièr
111 vera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelques conséquences. Connaiss
112 a vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelques conséquences. Connaissance intégrale et culture d
113 n’a pas fallu longtemps aux Français pour pousser à bout l’expérience3. Ingénieux équilibres entre la raison et les sens,
114 de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs rares ; et les dissonances les
115 ’honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essay
116 goût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisation qui aboutit logiquement
117 Dégoût d’une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspillage : la guerre. Certains s’en tiennen
118 né gaspillage : la guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui vo
119 a révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochelle. Mais il faudra bien se remettre à m
120 rieu la Rochelle. Mais il faudra bien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, et c’est très beau, Breton,
121 e moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût, un Montherlant s’abandonne au salut
122 mes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attention dans une sincérité si v
123 mmorale, parce qu’aucune ne s’est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’une éthique. Presque tous
124 ’ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expa
125 indéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nou
126 e de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues vies heureuses que nous avions jusqu’alors envié
127 le nous nous obstinions nous menait naturellement à repousser avec horreur tout argument d’utilité, et bien que nous niio
128 heté au prix d’un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé.
129 . De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu q
130 s montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volon
131 sonné parce que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’il méprise toutes également
132 « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus », les pousser jusqu’à l’absur
133 sification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus », les pousser jusqu’à l’absurde. Surenc
134 l’extrême certaines « vertus », les pousser jusqu’ à l’absurde. Surenchère morale dont le début de la Tentative amoureuse
135 si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à quel ge
136 rs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilis
137 s loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on renoncera à la vertu, sous prétexte qu’elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincér
138 enoncera à la vertu, sous prétexte qu’elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité qu’on mentira, puisque parfois nous s
139 , puisque parfois nous sommes spontanément portés à mentir. On en vient naturellement à considérer un certain immoralisme
140 nément portés à mentir. On en vient naturellement à considérer un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une él
141 it bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que les
142 icisme. Mais pousser une vertu particulière jusqu’ à ses dernières conséquences suppose qu’on ait perdu le sens des ensemb
143 oyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les machines
144 ain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations, à ses automatismes. En art, la fatigue est
145 ui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des éta
146 mi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches
147 tigue est un des états les plus riches de visions nouvelles , et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nous y perdons gradue
148 hes de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nous y perdons graduellement l’intelligence de n
149 imites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle
150 contre celle d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort p
151 de de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes une générati
152 aut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli —
153 avent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois nat
154 ncts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau . (Après tant de cocktails, quelle saveur a l’eau claire !) Quelques a
155 n et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions
156 de soi-même la méthode de l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en compose d’un seul coup une
157 les transformer totalement. — Alors, vous croyez à l’action sociale des écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien
158 eront les surréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’à Montparnasse. D’ailleurs leurs théories nous ramèneraient
159 rréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’ à Montparnasse. D’ailleurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge
160 éories nous ramèneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui perm
161 lisme. 10. Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois d
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
162 encore après tant d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant le rythm
163 observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cin
164 ue ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais to
165 a Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même ly
166 re et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de mo
167 gon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur
168 uvement purement lyrique, sa progression accordée à celle des événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paul
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
169 space (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelq
170 entilshommes archéologiques et les vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec
171 ouvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Wa
172 ires. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu patricien que dans la création d
19 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
173 d’étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innov
174 eu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la
175 -Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les
176 mystique une explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit
177 tique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions philosophiques provoqu
178 les milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont v
179 lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nous saurons nous compromettre, si nous écopons
180 ultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas connu l’atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de
181 sif à qui n’a pas connu l’atmosphère particulière à ces rencontres. Rien de plus aéré, au moral comme au physique. Chacun
182 français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Confé
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
183 qu’il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor mais ne
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
184 aisemblablement ignorante de toute religion jusqu’ à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par
185 toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à
186 peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un v
187 ée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent
188 ue l’abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agac
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
189 Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’i
190 ’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle
191 moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dép
192 les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais
193 a lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’a
194 du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs con
195 c. Cocteau le sait, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur Wagner, sur quelques fantômes
196 it, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur Wagner, sur quelques fantômes, sur le public.
197 t Denis de, « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à l’ordre  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
198 aliste. Mais tandis que la plupart en sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », —
199 , je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se
200 tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se refuser à l’éla
201 Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se refuser à l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude le l
202 e au point où elle « ne semble avoir rien d’autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoûte, tel
24 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
203 mina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des
204 ’une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’ à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors l
205 a froidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le
206 ans la recherche. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on ti
207 t lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémon
208 e vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’ à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plu
209 nt en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure a
210 if à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combi
211 prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’ à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelque
212 le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit
213 hère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
214 les et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande ville, phéno
215 humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues.
216 es quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en t
217 terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants des rues immenses livrées au
218 es plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceinte
219 terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé par l’Architecture avec les r
220 x lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre d
221 es de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville
222 Un labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expression du triomphe de l’homme sur la Nature. Archi
26 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
223 comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est pe
224 pe du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces e
225 onde devait voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses s
226 rave, si fondamentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importanc
227 je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cet
228 re quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul l
229 ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les personnages auxqu
230 liberté agissante. J’allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur tombe : agir ? d
231 : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a
232 herche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfois, heureux : « J’ai do
233 recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me re
234 je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatri
235 uction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire pr
236 élange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfa
237 nce de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites : la vie moderne, mécanique, nous les fait oubl
238 état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et
239 mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me
240 ends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai
241 e vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cess
242 malaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment
243 n… Reprendre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en son
244 mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’a
245 tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance au
246 être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un c
247 en quoi ma sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complèt
248 a sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’ét
27 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
249 oisonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œ
250 de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie son
251 « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-ell
252 e la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est
253 l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données modernes de la psychologi
254 la psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les
255 ans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qui fait sa véritab
256 s l’élan qui fait sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ces essais :
257 s impur qui soit. On n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant d
258 é les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression tro
259 s, et trop philosophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain recul par rapport à ses idées, on le sent un
260 ges de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rou
28 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
261 e taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque
262 ujet était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou
263 sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description la plus
264 tement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie an
265 faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’ à ces chats qui griffent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes
266 mme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (
267 u avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description de
268 se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « l
269 dirent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les articulations grinça
270 ’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et com
271 ec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son â
272 un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu
273 ion de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce
274 t de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être
275 de douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, n
276 l d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les s
277 ne solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abando
278 s, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’insti
279 elligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel
29 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
280 us méconnaître l’urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés — nous annoncent le « cr
281 ires. Beaucoup pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte su
282 rts de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visi
283 it l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de p
284 avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement une sensi
285 moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une p
286 rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’ à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ils désirent. Du diff
287 ’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence et celle de
288 ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si t
289 — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher
290 oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulman
291 s à chercher là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous
292 aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orien
293 ianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mê
294 t que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines pour garder dans ses dépaysements un point de vue fixe,
295 mparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’un sens artistique do
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
296 aires (septembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Mon
297 elque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans
298 uteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire
299 é sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien agaçants pour sa souveraine dési
31 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
300 le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (T
301 e atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleu
302 e ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. El
303 gtemps — où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’ à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humi
304 une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent
305 rit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’êtr
306 n silence. Nature ! qui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faci
307 t beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes
308 ur par personne et les devantures ne cherchent qu’ à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose un mystère qu’on oublie po
32 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
309 ur présentant les miroirs de personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des
310 simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pourtant l’on sourit : il faut bien croir
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
311 invraisemblable… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la do
312 ression ironique qui lui convient, mais ici mêlée à une émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regrette
313 etter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [C
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
314 nt (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lett
315 dre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non le monde, mais son ordre. Nous humilions sans trêve not
316 êlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action ; notre individualisme en naît logiquement, et toutes nos ca
317 es et nécessaires. Mais le monde échappe toujours à nos cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves de puissance :
318 e nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandis que M.
319 ose victorieusement sa méthode pour « réussir » — à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour une conscience plus c
35 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
320 re. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu
321 d’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois q
322 pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous
323 ur des profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nou
324 serons pas, lecteur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
325 ellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — et qui légitime tous les dénis de m
326 emière — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et certains dés
327 r excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’ à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définition
328  ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute impulsion spontanée (Gide), ou « perpétuel effort pour créer so
329 Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spec
330 de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’ à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. S
331 nfusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères aventures. Sincérité et spontanéité « Nos actes
332 de. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la
333 ais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide écrit ailleurs : « En chaque être
334 surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner.
335 x concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considé
336 de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les su
337 raire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a
338 l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : intéressé, tandis qu’en littérature je
339 mplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouv
340 li me tangere. Premier exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je t
341 e le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus longuement. Mais alors je le fausse, puisque je le pr
342 ement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’
343 xemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revi
344 tement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souve
345 t de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle se
346 . Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais
347 alais. C’est l’objection classique et irréfutable à toute introspection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux
348 ntonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le person
349 llonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les f
350 ’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à
351 . Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l
352 rien toucher en moi. En réalité, je n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un ins
353 oi. En réalité, je n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu sou
354 s du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il vo
355 e éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe com
356 dividualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu des remarques précédentes). Rivière
357 -même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la néga
358  : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et
359 issance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une
360 rquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les ret
361 c les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le montre clairement. En moral
362 our sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans quoi le saut paraît impossible, absur
363 ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Peut-être j
364 ement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Peut-être juste assez pour qu’ils vous aident
365 « mensonge », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vo
366 selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de s
367 le » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup
368 J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler si
369 ommes pas, nous nous créons. Certains se refusent à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’
370 ’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homme équivalait-elle
371 Ainsi la valeur morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jou
372 douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est mai
373 e ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’ à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel ef
374 re, jouent leur vie. Rien ne paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si
375 trop visiblement, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyr
376 e en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais su
377 nément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma
378 — qu’il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dérisoire vers quoi je me por
379 our des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-p
380 ales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et calculer rapidement le re
381 einte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles m
382 le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merveilleuses duperies cela suppose. Mai
37 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
383 e me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au
384 , aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus f
385 avait posé son journal. Soudain, portant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’il jeta sur la table. Les yeux b
386 t je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’une joie i
387 le que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses pa
388 t que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux m
389 ois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas trouvé ça tout seul, avec tes air
390 ion, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues
391 complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’ à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que
392 dées et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’ à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramp
393 ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’
394 nner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait
395 onheur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces g
396 ogie socialiste, gros farceur, va. Quand je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexpl
397 and je songe à tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales au
398 dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plai
399 leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et
400 s jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de dou
401 riblement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les
402 ait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose.
403 ire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il f
404 n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je
405 e me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’en délivrer. Ma vie m’a repris, je ne suis pas heureux. Je sais trè
406 e avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le même. Puis elle me laisse, parce que le lait va monter. Alors
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
407 abres et poux barbus », qui perdraient leur temps à recenser les incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceu
408 ncohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et hagardes pourraient enthou
409 ès une kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prestigieuse du poète : « Ils m’ont su
410 , les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : «  À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une fo
411 oir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon de ta propre dé
412 térature française. Il le proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi
413 des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en
414 pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau . J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez un Rousseau sans ten
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
415 ues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser. Automne au sourire absent, Or luisant, terreau qui fu
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
416 une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’e
417 s avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urba
418 ormale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’une hérédité judiciaire et fran
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
419 recevons d’un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circulaire pour Paul Morand, auteur de « L
420 mpris la Suède et la Norvège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8 janvier 1927, l’information suivante : Mardi derni
421 Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de, « 
42 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
422 isolement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pour
423 écisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. Mais il faudrait d’abor
424 orce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans
425 passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Bar
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
426 ité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’il ira demander la souffrance indispensable au perfectionn
427 lors quelle avidité cruelle, et peut-être tendre, à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fo
428 e, sagesse qui veut « que nous appelions les âmes à la vie après seulement toutes les morts du plaisir », car elle sait «
429 scence soit assez facile et « artiste » on hésite à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure es
430 cile et « artiste » on hésite à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sy
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
431 t là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois
432 i plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me p
433 re. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait don
434 s les détourniez soudain comme pour vous arracher à une obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de m
435 me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne sais quel dém
436 , et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne sais quel démon du malheur me paralys
437 tis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je désignais
438 ertaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le
439 e rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œ
440 fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’ à l’âme.) Convulsions d’oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard e
441 fallu courir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce te
442 t. Et le temps passait, à la fois si lent — jusqu’ à l’arrivée du prochain métro, du prochain autobus, — si rapide : déjà
443 s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des
444 it tant. Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité.
445 e d’une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt
446 té. Peut-être était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me
447 . Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec u
448 it souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de
449 e damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, t
450 les couloirs implacablement brillants, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais av
451 u bal. Cette constatation machinale ne correspond à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
452 e « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la l
453 , une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi le
454 t, cette équivoque des symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout. Je ne sais si ce malicieux G
455 s si ce malicieux Gagnebin (non pas Elie) pensait à quelqu’un lorsqu’il écrivit certains vers qu’on peut lire plus haut :
456 roit par où elle pèche contre les principes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — princi
457 bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fo
458 art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon peut-être cette indispensable « part de Dieu » — comme
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
459 e la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut faire quelque chose. Nous devons, nous pouvons fai
460 nt fardée, l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers se
461 es limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma Cinq bellettrie
462 s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la fo
463 de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre
464 vec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cin
465 étérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanche
466 ssoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff a
467 l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux actrices,
468 h et une mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À L
469 rdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut trente membres et cent doigts dans deux l
470 s. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. U
47 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
471 ier 1927)j Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande sal
472 aculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un
473 cation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la liberté religieuse, Henry I
474 a liberté religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer le
475 e Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses dro
476 ens conciliant fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation
477 vaincre. D’ailleurs, les jésuites ont déjà réussi à « tourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques
478 Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effra
479 ences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtou
480 u pape, les catholiques sont loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois,
481 révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs d
482 tient d’en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert
483 trouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si éléga
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
484 générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même
485 oïncide avec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il vient app
486 us confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencon
487 arisien, rencontre une femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser,
488 x a trouvé là un sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui un réalisme discret mais précis et
489 raison n’intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriq
490 car « nous avons dressé notre orgueilleuse raison à nous tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque g
491 qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’un réalisme trop amer e
492 iche et décantée, profonde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’amis inconnus. af. Rougemont Denis de, « [Co
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
493 mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une histori
494 Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’ à éclater, tandis que des villes passent au fond à toute vitesse. Rigue
495 ’à éclater, tandis que des villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’éch
496 ais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi
497 nt de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une b
498 es amis affligés mangent les couronnes et suivent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ron
499 de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbill
500 fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la c
501 nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le b
502 au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse
503 ndre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il f
504 mme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien
505 une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau , et l’espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle
506 minations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter les yeux… Peut-être, quand nos regards plus assurés saur
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
507 t souhaiter que ce témoignage sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dan
508 leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans la crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état
509 dans la crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée
510 les tendances que ses contemporains ont poussées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par G
511 t la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une ab
512  Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et
513 u d’analyse qui conduit à la dispersion autant qu’ à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout,
514 t ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible, notre incertitude paraît sa
515 mède. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsci
516 ’un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et
517 t de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… » ag. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Dan
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
518 s de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’anéantir. Hoffmann. I (Notes
519 quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas
520 ment splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaid
521 dide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tis
522 (?) et ci-devant morale qui protège votre paresse à concevoir en esprit. Ces trois mots vous ont délivré du plus absurde
523 assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ........................
524 r l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. .........................................................
525 ù t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique l
526 un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-n
527 t les problèmes métaphysiques ? »   Nous naissons à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’inconcevables compro
528 s où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais
529 ivilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos derniers atouts sur notre salut. Nous courons enfin l’Avent
530 ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en auc
531 lte qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême m
532 qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être s
533 oute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les
534 outant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment
535 rament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne
536 es cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de L
537 part, pensais-je : le salut n’est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette doctrine, dans ces œuvres, à dr
538 ensais-je : le salut n’est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette doctrine, dans ces œuvres, à droite, à
539 le salut n’est pas là, ou là, à Rome, à Athènes, à Moscou, dans cette doctrine, dans ces œuvres, à droite, à gauche, — n
540 , à Moscou, dans cette doctrine, dans ces œuvres, à droite, à gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil des homme
541 , dans cette doctrine, dans ces œuvres, à droite, à gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil des hommes croit po
542 us irrévocable désespoir n’est encore qu’un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par ridicule
543 retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’u
544 é vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ;
545 n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est desti
546 , mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certain
547 ’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre
548 27. « Nous avons dressé notre orgueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque g
549 l y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsieur en noir : Perm
550 n’avons pas le temps ces jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce q
551 trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : submergés,
552 votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plus vive. Mais décidément nous sommes débordés, voyez
553 s qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des t
554 nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans s
555 la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense so
556 onnaire. Vous tracez des frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nou
557 re raison. Et avec Aragon lorsqu’il vous crie : «  À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantona
558 clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne
559 l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radic
560 ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est même ceci que je ne puis pardonner a
561 battre cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce q
562 aurait vivre ailleurs… Mais non, il y aurait trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent
563 mpêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forc
564 t à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande jo
565 tion ; parce que cette révolution ne demandait qu’ à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui
566 ous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations par contumace. Il y a encore des gens pour qui les limi
567 mple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, enfin, à quoi nous en voulons, et finalement nous écraser par l’
568 our Moscou, ou encore pour demander à qui, enfin, à quoi nous en voulons, et finalement nous écraser par l’évidence défin
569 il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou n
570 rquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vrai
571 Libre-Échange, voici déjà s’avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir.
572 tte invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malg
573 superficielles et hâtives, comme cette prétention à la libération par le Rêve. « La liberté commence où naît le merveille
574 er que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est
575 ’est paradoxal. 11. Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches.
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
576 de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’ à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans t
577 it entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il n
578 son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’un luxe mécanique, le visage dans sa
579 e. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qu
580 nt à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nous nous compr
581 ussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nous nous comprenons. » On lui offrit immédi
582 joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marqui
583 P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui
584 e table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid q
585 ent, les ailes coupées. Puis le silence se reprit à ses songes désolés. Autre suicide ou la promenade en bateau À G
586 és. Autre suicide ou la promenade en bateau À Grego More. Il disait : « Je suis né pour la mort. » Il fait assez
587 e de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
588 u’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être
589 r que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quan
590 e : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendan
591 souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quit
592 retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable d’une consécration étra
593 s-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le tr
594 Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu’ à André Evard, qui en a près de 50, si les peintres dont nous allons pa
595 es avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est u
596 préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagio
597 me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplômé. Premier péch
598 tes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cette petite maison qu’on reconnaissait e
599 ts batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque daten
600 sse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’impe
601 ent. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais l
602 ecompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ce
603 i regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est m
604 tte « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée,
605 ine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des form
606 é n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le s
607 ourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses
608 s peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par
609 inture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neu
610 a grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures discrètes prom
611 u’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuc
612 eilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratiqu
613 tmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mysti
614 ant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toile
615 ert ou comment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne d
616 nait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie,
617 C’était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible.
618 l’enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait tr
619 ui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comm
620 de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il
621 rère Charles Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que l
622 ui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y refl
623 si beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’un œil regard
624 peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on
625 Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mê
626 essin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard 
627 que palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus
628 la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges
629 erfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C
630 ies ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention qu’André E
631 u’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour ch
632 est ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur da
633 plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le
634 ions décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D
635 s quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamme
636 iginale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation artistique. Pays o
637 artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
638 he présente le problème juif avec une obstination  à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive dans le Marais.
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
639 harnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. To
640 llusoire et livre l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette
641 élivrer peut-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce
642 de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son apaisement, pour Arthur, sa « maladie », c’est e
643 sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. J
644 nne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redi
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
645 rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un
646 tre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’ à l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un. Tous les autres
647 e dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent une « patte
648 divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté d’autres magnifiquement jetés. Mais cette imperfection, s’il ne
649 ez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de
650 des maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieux en France par quelques jeunes gens. Il faut lo
651 utisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notre civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de s
652 homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre
57 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
653 e par Mercure, dieu du commerce, qu’on m’a appris à voler. Aristophane (« Les Chevaliers »). Dès qu’on eut déposé devan
654 s. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’avais vin
655 . Je vivais chez mes parents, comme tant d’autres à cet âge, logé, nourri, blanchi, mais non point diverti. J’étais bon,
656 savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un
657 ans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je pa
658 ard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque.
659 icles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je c
660 t l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en
661 partis par les rues, une joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obscurément pour augmenter ma v
662 trai dans un établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu da
663 e danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur
664 billai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’était assez pour me permettre d’entreprendre quelques beaux
665 oduit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour
666 ncore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de décou
667 le, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j
668 sidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante
669 e charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — p
670 ce, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’un
671 itié pour Isidore dont la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’une timidité naturelle dont il paraissait lui-mê
672 illerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète
673 ises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
674 Conseils à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien des choses aux romant
675 e, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur A
676 quelques effets, nous donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La
677 de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent entraîner assez naturellement chez
678 ujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’est-ce pas, merci du cons
679 avait des autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui.
680 satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis de,
681 artificiel. u. Rougemont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fri
59 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
682 itre sur un air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise perdue par cet improbable et sympathiqu
683 ous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous
684 assants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. C
685 n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car il semble aujourd’hui
686 urd’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que P
687 antoches une malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraien
688 saurait vous ravir autant que ses impertinences. À ce moment s’approche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de We
689 ment concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fa
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
690 « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de
691 urir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se
692 resse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocl
693 monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au bar, le pa
694 s plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra jusqu’ à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les rais
695 u « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous é
696 ement. La bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Ma
697 café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance
698 vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît u
699 érature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des m
700 yen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrit
701 ndrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en ap
702 os poèmes les plus obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exig
703 états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mari
704 t on connaît la portée sociale, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’une autre, plus ils
705 Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de
706 le dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et primaire en particulier,
707 pour en circonscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet
708 alaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d
709 cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut 
710 e de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir que
711 dre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni
712 ion. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’elle exige me
713 en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie.
714 une autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’un
715 Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général),
716 son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, h
717 d, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’ à les écrire ». v. Rougemont Denis de, « La part du feu. Lettres sur
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
718 alisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévèr
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
719 ous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas
720 aités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si
721 Nous les additionnons : ils s’annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’une revue
722 scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse.
723 n de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune
724 r en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. D
725 a grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et
63 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
726 oyer, Premières amours (août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes ré
727 ’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous
728 sa nostalgie, de la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’aute
729 s une ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité
730 ée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le « charme » reprend
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
731 d Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)ao À ceux qui se contentent du mot fumeux pour caractériser tout lyrisme g
732 ce qu’il partage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, qui a rencontré plusieur
733 tage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, —  à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke
734 ’on y voit une préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement une clairvoyance exceptionnelle, suivan
735  expérience », je crois, ne peut être sensible qu’ à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent
736 me celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sem
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
737 927)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi
738 l n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène littéraire. La « 
739 re part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé da
740 p ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il
741 ble, mais ici décisive), une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui — entre autres. ap. R
66 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
742 situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement la femme, av
743 intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à
744 n du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, q
745 intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du r
67 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
746 ur peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement de cette organisation tou
747 ’une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près
748 magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il fa
749 é, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on
750 queroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper morte
751 vre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à
752 de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première automobile
753 nstruction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temps perdu,
754 osion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde
755 ès la Société des automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’automobile utilitaire »2. Dès lor
756 production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère,
757  » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
758 le plus riche, au point qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès sans p
759 s parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisat
760 des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive aux probl
761 ires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule méthode cap
762 netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit de succès mirobolants
763 ros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus grave question qu’on puisse poser à notre temps.
764 ? C’est la plus grave question qu’on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qu
765 ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante a
766 rce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisat
767 ette décision qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités
768 e de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou
769 s il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de r
770 l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet
771 u. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’ à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et
772 ait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le
773 ndustriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur
774 l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’ à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la pr
775 elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’ à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort.
776 e définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de
777 siste à travailler pendant le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant ma
778 e convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et c
779 est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la phil
780 is la réalisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonh
781 ut par l’auto. Philosophie réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique
782 séquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là
783 ont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le t
784 doxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance glorieuse
785 ts de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur se
786 phie la plus rudimentaire. Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée q
787 urront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de
788 plus que probable, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle q
789 urne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel un
790 us savons assez en quel mépris l’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favora
791 Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour a
792 e » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moder
793 re » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Espri
794 ue et s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1°
795 a fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fo
796 sse des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à
797 une nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’ à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de
798 ’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés,
799 r les liens les plus subtils et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le vo
800 , choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette harmonie universelle, incapable d’en comprendre les corresponda
801 respondances divines et humaines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois écono
802 maines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences le
803 lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne com
804 ntre les choses. Il ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occidental a prétendu maîtriser la mat
805 ental a prétendu maîtriser la matière et parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telle
806 iberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dign
807 n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces
808 vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centain
809 , parlant par la bouche de Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possibl
810 as qu’une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’u
811 actionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire utopi
812 se qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts —
813 ’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma v
814 rle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustrat
68 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
815 Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son ét
816 Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour
817 Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais
818 e Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mais les Viennois avaient fui dans les o
819 tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au v
820 éantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial,
821 centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept
822 ofesse qu’un désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’atteignant certain degré d’intensité, un
823 iments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, p
824 conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffmann. Je comprends aujourd’h
825 u théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonst
826 parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par i
827 end d’aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et me
828 ndonné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la
829 ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atte
830 is déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance
831 ait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y ava
832 nde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère
833 une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, d
834 tance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute cares
835 mais pour d’autres raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides,
836 les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la
837 gnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l
838 a de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. L
839 ’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’a
840 du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de
841 ouges en lui expliquant qu’elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non
842 ui passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps pré
843 n, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés
844 ner les corps précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure bru
845 ous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien genti
846 bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’ à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bi
847 quelque chose d’imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant était charmante, comme elles le sont p
848 e pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parle
849 osé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de
850 s lieux : cet orchestre triomphant suffit à peine à toucher leurs sens fatigués et épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou
851 s élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante
852 ’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau
853 noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux m
854 umeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’ à l’insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’o
855 Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’ à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caisso
856 puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est un ciel suspendu asse
857 vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui commencent
858 es, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes l
859 Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se
860 une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu
861 ine, de temps en temps, s’il parlait à voix basse à son homard, qui semblait d’ailleurs endormi. En passant par la Freyun
862 s cent pas dans la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au
863 he ou s’accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz
864 t la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en éta
865 e fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli 
866 illeurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descend
867 aux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassiè
868 is Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers
869 e femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint
870 les journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens
871 me fouettée ». m. Rougemont Denis de, « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littéraire, N
69 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
872 ur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les p
873 plus grande ruse que d’avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement
874 ts. Jules Verne a véritablement soumis la science à la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les
875 du seul écrivain dont l’influence soit comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de cor
70 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
876 le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mè
877 un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va
878 cations faciles à cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (
879 e (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien
880 Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Ara
881 « Messieurs les Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus
882  : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient ma
883 hercher plus loin, dans ce silence où l’on accède à des objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de, « 
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
884 ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc
885 ces dédaignées par les communistes, gens d’action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’étonnan
886 i les trouvent trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique univ
887 ; leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement déte
888 de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive d
889 monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
890 doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement ob
891 t précis, admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description
892 op aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un
893 à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premier rang
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
894 ustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui
895 de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais u
896 ainsi l’image d’un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su rehausser le tableau avec beauco
897 chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de
898 à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psych
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
899 e sa vie le plus grand mystère. Cependant il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été co
900 terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune
901 été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’esp
902 ssi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’ à la mort, inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu de semblabl
903 regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’
904 e dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à l’excès dans le caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de my
905 ’une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette ré
75 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
906 u’il n’est pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là
907 illet suivant, entraîne le lecteur par ruse jusqu’ à la dernière page, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a
908 ble de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pas à devenir obséd
909 instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pas à devenir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder da
910 enir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumièr
911 oup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué, il veut voir encore cette
912 ’aveu qu’il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaq
913 Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se
914 écor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se
915 opre regard ? Il n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’épuis
916 perstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer :
917 Cette histoire idiote, d’ailleurs vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’une aventure qui en a bien d’autres,
918 besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroi
919 e dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de p
920 comme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi
921 rt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bruyamment, b
922 i reçoivent en même temps leur réponse, il répète à plusieurs reprises : « Je ne sais pas : je suis !… Je ne sais plus… m
923 nt pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à la santé écrivait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une
924 vait : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comme
76 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
925 tonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne t
926 es en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[ à ] et là s’ouvrent des perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson
927 considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute le plus
928 avec sa verve doucement comique, si émouvant : «  À cette époque je croyais fortement en l’existence d’une espèce de secr
929 ster sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”, me disais
930 , et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’un ho
931 esque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’une femme quelconque, et disais “ho
932 é davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas
933 e de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le gr
934 nt c’est à coup sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamer
77 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
935 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’est com
936 u sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettriens qui ont perdu toute foi n
937  ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’elle enivre entrent en
938 lles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce o
78 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
939 s Le dire une bonne fois. Il ne faut pas songer à décrire en quarante petites pages tous les méfaits de l’instruction p
940 eine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique
941 Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et
942 ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie
943 liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à séc
944 je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de force, que les libé
945 e humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne
946 cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne p
947 ler au nom de ma génération, ne m’étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droi
948 pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à d
949 onner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’ à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux
950 bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d
951 x qui refusent d’être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus,
952 iscussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler
953 tite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du pr
954 ous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour
955 érants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avanc
956 s à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le comp
957 ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer
958 même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’ à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut
959 ne critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’A
960 mocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je tra
961 ue dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherche à démêler la vérité sans égard aux dérangements, même violents, que cel
79 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
962 eures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant.
963 es dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’aille
964 , et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les ch
965 tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette, avec une sœur aînée. L’ann
966 place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette, avec une sœur aînée. L’année suivante, on me mit à
967 avec une sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’
968 se fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres e
969 liers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas
970 phrases exemplaires. (J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rareme
971 aires. (J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en é
972 é et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hy
973 eux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certai
974 ue ces vérités-là n’ont aucune importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’e
975 se. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peu
976 s principes ». Je n’allai pas tout de suite jusqu’ à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que de
977 État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs be
978 es seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons,
979 s besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossiè
980 erstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect
80 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
981 es premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable. Mais c’est en caserne auss
982 jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de so
983 e plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étant
984 Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être
985 connaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliqu
986 iencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de
987 ur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatique
988 la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridi
989 loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de
990 les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifes
991 es en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous pa
992 le. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quara
993 ait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je s
994 section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à c
995 l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant que nous en sommes aux
996 publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes
997 s l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le sty
998 ixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en es
81 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
999 du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre
1000 n est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de di
1001 is celles-là sont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous qu
1002 je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoi
1003 le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’une ou deux générations. Pen
1004 urs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction publique,
1005 se les matières les plus hétéroclites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition
1006 clites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succè
1007 rs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition, da
1008 ignement en branches bien distinctes. On attribue à chacune un certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange
1009 ombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette classification le plus possible de « connaissa
1010 , et englobe la totalité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’
1011 articulièrement indiquée pour préparer les élèves à une composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. L
1012 u’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division horaire des journées… Monsieur, répondent les fon
1013 Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes épreuves cyclistes. Les partic
1014 trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen un peloton homogène, facile
1015 obtient par ce moyen un peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sport, la tricherie est difficile, tan
1016 e de sport, la tricherie est difficile, tandis qu’ à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses
1017 cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent
1018 l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordonne tout, plaisir, goût au travail, qualité du trava
1019 able et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre le
1020 tte exigence théorique : tous les enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « mat
1021 Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissanc
1022 s il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extension universelle et un caractère obligatoire. L’
1023 tures d’exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce cri
1024 dénominateur4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des co
1025 élicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse e
1026 sa réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on commence par apprendre le ré
1027 rs elle s’arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rie
1028 . Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’ à celui qui entre en commerce intime avec elles. On apprend plus de deu
1029 il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ?
1030 ui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à faire tenir les enfants immobiles et muets 6 heures par jour durant 8
1031 tend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encor
1032 à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération absurde, une généralisat
1033 vante, un système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peuple qui vraiment ne péchait poi
1034 ons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sérieux les innombrables défense de, petites crottes noire
1035 rtout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « L
1036 us n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absol
1037 t. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’â
1038 veau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement de leurs
1039 ent — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient « se
1040 onnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et pu
1041 tre flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Que
1042 aration à la vie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève
1043 e est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qui
1044 e de connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent de poche, ni plus ni moins.) Ou encore : que le
1045 . » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie Z pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme des petits
1046 ouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation.
1047 oria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un rassurant défaut
1048 tique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race dangereuse de ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève e
1049 é. L’école veut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légal
1050 ut la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6, un confor
1051 ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’ à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans d
1052 d’ex-forts-en-thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et
1053 daires » (témoignage suffisant de leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au passage un grade univ
1054 s. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion mét
1055 ne apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École de demain, Ge
1056 antageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner ce
82 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1057 on sens7 et retouchées par le pédantisme inhérent à toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une
1058 exemple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appel
1059 ’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école pratique.
1060  » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école pratique. Plus ta
1061 de l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et réciter par cœur et à rebours, les noms des rue
1062 de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique
1063 . Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationnell
1064 sa méthode rationnelle pour apprendre aux bambins à marcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’un métronome péda
1065 rbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ; un
1066 — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je so
1067 demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’ à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne tradui
1068 incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à tout jamais dans les campagnes, tirant le meilleur parti possible de
1069 r parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessaire pour que ç
1070 arce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner
1071 valer la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second dimanche, afin qu’ils con
1072 des connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second dimanche, afin qu’ils consomment deux fois plu
1073 ez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfan
1074 ne d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la
1075 décidément trop gros pour échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde n
1076 le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’ à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouve
1077 est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque
1078 cole nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’ à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réfor
1079 . Ou des appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
1080 lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
83 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1081 5. La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruc
1082 . La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on n
1083 ateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civ
1084 tager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver c
1085 re, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance
1086 s sœurs siamoises. Continuons. La démocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutri
1087 u de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’un gr
1088 nnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’un
1089 dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été décervelés e
1090 nt été décervelés et dotés d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civ
1091 s d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civique. Le cerveau standard
1092 ue les autorités compétentes n’aient point hésité à l’adopter, malgré ses ratés assez fréquents. Maintenant je vous deman
1093 t je vous demande un peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapter aux particularités psychologi
1094 intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapter aux particularités psychologiques, voire aux besoins pureme
1095 mblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’au
1096 artiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte
1097 et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette ave
1098 ure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’ à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution do
1099 he nécessaire11. On ne manquera pas d’insinuer qu’ à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites dou
1100 oupçonné ce que cela représente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’une
1101 une façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points d
1102 ent en tant de points — voilà qui m’inquiéterait, à votre place.
84 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1103 eur prit un ton plus grave.) L’école s’est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir, son uniq
1104 rvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs » décrite par M. Julien Benda. Notre époq
1105 lle réalise son ambition : soustraire les enfants à l’Église et à la famille. L’Église donnait des valeurs idéalistes, la
1106 n ambition : soustraire les enfants à l’Église et à la famille. L’Église donnait des valeurs idéalistes, la famille des v
1107 e poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théories non point fumeuses comme le veut le cliché, mais schémat
1108 oir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais pl
1109 et les normes sociales qu’on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne consti
1110 ole ne constitue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trah
1111 t négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans l’espr
1112 malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sa
1113 les besoins de l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où cette exigence
1114 a mesure où cette exigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. Or il sem
1115 un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’il fau
1116 ude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais en même temps que cette drogue, elle devrait
1117 s de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce
1118 te établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard a
1119 e donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce
1120 ’y laisse crever de faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle const
1121 e à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antireligieuse de ce t
85 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1122  l’instrument de progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On me fera observe
1123 xcrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la ré
1124 ce conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout
1125 destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservatri
1126 même pas. Car les forces de réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stimulent, vivifient. L’Éco
1127 contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépasser la Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre de l’év
1128 avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’instruction p
1129 être ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’emp
1130 que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avouent. Car détruire, débla
1131 ruire, déblayer, et faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération
1132 de à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devra limiter l’efficacité de ses efforts. Crit
1133 considération de régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre soi-disant progrès social correspond
1134 s, que notre soi-disant progrès social correspond à un recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé
1135 des intellectuels sont convertis depuis longtemps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cerc
1136 e étroit et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emportera toutes ces statis
1137 grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il en re
1138 t cela fait. Respirons. Mais déjà vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’
1139 nant, je vais m’y prendre pour préparer les temps nouveaux . Énorme question. Aurai-je la naïveté non moins énorme d’esquisser ic
1140 rflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère j
1141 moins. L’évolution de l’humanité paraît conforme à la dialectique hégélienne ; on y retrouve facilement les triades : êt
1142 à mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscienc
1143 s renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au
1144 Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je réclame l’expuls
1145 ituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe
1146 grossièrement. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté abs
1147 lle civilisation. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille de la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’il
1148 pelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie démocratique, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien
1149 nt ans plus tard à peine à la folie démocratique, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait
1150 ssibilités formidables que nous réserve le siècle à venir, et vous commencerez à comprendre que votre scepticisme à l’end
1151 us réserve le siècle à venir, et vous commencerez à comprendre que votre scepticisme à l’endroit de la forme sociale que
1152 dicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointain
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1153 Appendice. Utopie Un os à la meute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous faire
1154 rdent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire qu
1155 ce d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut dése
1156 . Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination dont les co
1157  : le sens technique qui tient lieu d’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spirituellement vivants, n
1158 ellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous au
1159 isé toutes les combinaisons de vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le Poète
1160 met des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’ à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau mir
1161 mour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupidement rassurée que vous vous dites : c’est tout à fa
1162 idement rassurée que vous vous dites : c’est tout à fait moi ! — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre
1163 eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles . Tenir compte du réel ne signifie pas s’y soumettre sans combat. L’ut
1164 ns combat. L’utopiste est celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « bien ». Sa
1165 . Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier pl
1166 ropos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier plus un seul article de fond où ne perce leur mépris pour
1167 z dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il f
1168 comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, préparer le terrain. D’autre part, il faut
1169 istante peut-on imaginer ? L’école devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles d
1170 mins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement d
1171 doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : toutes les fois qu’il veut obtenir une grande intensité avec un
1172 es de travail. Si chaque matin l’enfant parvenait à mettre sa pensée au garde-à-vous durant quelques instants, il s’éparg
1173 ent de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre beaucoup de choses q
1174 est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance intellectuelle, une meilleure mémo
1175 une sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est à cultiver ces facultés atrophiées que devrait s’employer l’école. Nous
1176 le bien supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mieux que le no
1177 1929.   NOTE A On est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment criminelles. Ce
1178 inventer des dessous pour redonner quelque saveur à ses jugements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer un fonctionn
1179 dées et leurs réalisations ont ait porté atteinte à la dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je
1180 la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur activité ? Un peu de rigueur dans la pensée empêcherait souvent
1181 E B La culture de notre sensibilité nous aiderait à retrouver l’accord avec l’ordre naturel. La culture de notre force de
1182 r juger. 14. Ces deux mots en effet, terrorisent à tel point les bourgeois qu’ils n’en distinguent plus même le sens. Il
1183 en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt de
1184 a pas bougé depuis. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
87 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1185 ci l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges pa
1186 adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un silence c
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1187 miel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai
1188 vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi in
1189 exciter un esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés
1190 s. Et qu’importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’
89 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1191 ma de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement d’atmosp
1192 r totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’u
1193 assitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agres
1194 à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’
1195 fés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le rest
1196 imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettr
1197 on, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien pa
1198 peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel semble d’ailleurs corresp
1199 au chômage, lequel semble d’ailleurs correspondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois
1200 ux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème foue
1201 d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Bu
1202 mporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’a
1203 notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le v
1204 rauques… Sortez pour en suivre une, arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin aux curieux dess
1205 s rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi).
1206 oici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, v
1207 encieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles dém
1208 is le charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande arti
1209 rtiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le
1210 mme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et
90 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1211 arches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à t
1212 certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettin
1213 ndément pour qu’aujourd’hui le hasard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte.
1214 isage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du
1215 où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « N
1216 udiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les cl
1217 ombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me con
1218 on de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Be
1219 it à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les
1220 cfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, simplement par
1221 adre les lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familière
1222 milier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec l
1223 au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau
1224 ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de
1225 de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes,
1226 rronniers. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Le
1227 dans la musique. Je n’aime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents
1228 fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergique
1229 s adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le B
1230 Lui aussi a vécu dans cette ville, tout semblable à ces théologiens aux yeux voilés, aux pantalons trop courts, qui se pr
1231 Il a eu tort, sans doute. Tout le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir.
1232 utorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains,
1233 onc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’
1234 comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes
1235 miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, p
1236 insuffisant, transitoire, allusif. Tout se remet à signifier l’absence. 11. Bettina von Arnim-Brentano : Die Günderod
91 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1237 (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on a
1238 qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de no
1239 remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive f
1240 des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui
1241 Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dè
1242 s par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils
92 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1243 de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’il établit entre le yogabb tel
1244 prétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais
1245 st une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qu
1246 on de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence
1247 ançaise. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par cet enthousiasme sacré que requi
1248 montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admis
1249 inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangélique. Je ne vois là que l’indice
93 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1250 ix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaissent la thè
1251 sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. B
1252 . Gabriel Marcel, qu’il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce q
1253 de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérité tout court. Celle-là même
1254 i paraît anarchique dans un monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à u
1255 ù rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. D
94 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1256 server, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que
1257 urs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant des parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers
1258 it couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit
1259 en complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya un
1260 Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaient la Démocratie outragée,
1261 ortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près d
1262 de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour att
1263 ous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait su
1264 « L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1265 Le dire une bonne fois.   Il ne faut pas songer à décrire en 50 petites pages tous les méfaits de l’instruction publiqu
1266 eine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique
1267 Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et
1268 ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie
1269 liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à séc
1270 je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de force, que les lib
1271 e humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne
1272 e cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne p
1273 ler au nom de ma génération, ne m’étant pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droi
1274 pas livré à l’enquête préalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à dr
1275 donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’ à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux
1276 bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d
1277 x qui refusent d’être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus,
1278 iscussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler
1279 tite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du pr
1280 ous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour
1281 érants par inertie, je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avanc
1282 s à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais régler le comp
1283 ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer
1284 même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’ à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut
1285 e critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’A
1286 mocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je tra
1287 ue dans leurs raisonnements. Pour moi qui cherche à démêler la vérité sans égards aux dérangements, même violents, que ce
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1288 eures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant.
1289 es dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleu
1290 , et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les ch
1291 tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette avec ma sœur aînée. L’année
1292 place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette avec ma sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l
1293 e avec ma sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la loi. La première classe fut agréable : j’
1294 se fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi ces petits êtres e
1295 liers bleus qui alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas
1296 phrases exemplaires. (J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rareme
1297 aires. (J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en é
1298 é et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hy
1299 eux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certai
1300 ue ces vérités-là n’ont aucune importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’e
1301 se. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peu
1302 s principes ». Je n’allai pas tout de suite jusqu’ à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que de
1303 État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs be
1304 es seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons,
1305 s besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossiè
1306 erstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1307 es premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable. Mais c’est en caserne auss
1308 jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de s
1309 e plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étai
1310 Qu’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être
1311 connaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliqu
1312 iencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de
1313 ur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatique
1314 la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridi
1315 loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de
1316 les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifes
1317 es en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieute
1318 nnelle. J’en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quara
1319 ait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je s
1320 section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à c
1321 l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendant que nous en sommes au
1322 publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes
1323 s l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le sty
1324 ixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en es
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
1325 du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre
1326 n est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de di
1327 : mais celle-là est la plus vive. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous, q
1328 je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoi
1329 le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’une ou deux générations. Pen
1330 urs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction publique,
1331 se les matières les plus hétéroclites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition
1332 clites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succè
1333 rs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition, da
1334 ignement en branches bien distinctes. On attribue à chacune un certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange
1335 , et englobe la totalité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’
1336 articulièrement indiquée pour préparer les élèves à une composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. L
1337 u’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division horaire des journées… Monsieur, répondent les fon
1338 Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes épreuves cyclistes. Les partic
1339 trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen un peloton homogène, facile
1340 obtient par ce moyen un peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sport, la tricherie est difficile, tan
1341 e de sport, la tricherie est difficile, tandis qu’ à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses
1342 cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent
1343 l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordonne tout, plaisir, goût du travail, qualité du trava
1344 able et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre le
1345 tte exigence théorique : tous les enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « mat
1346 Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissanc
1347 s il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extension universelle et un caractère obligatoire. L’
1348 tures d’exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur 4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce cr
1349 énominateur 4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des co
1350 élicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse e
1351 sa réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on commence par apprendre le ré
1352 rs elle s’arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rie
1353 . Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’ à celui qui entre en commerce intime avec elles. On apprend plus de deu
1354 il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ?
1355 ui amoindrissent. La discipline scolaire consiste à faire tenir les enfants immobiles et muets 6 heures par jour durant 8
1356 tend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encor
1357 à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore, il y a une exagération absurde, une généralisa
1358 vante, un système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peuple qui vraiment ne péchait poi
1359 ons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sérieux les innombrables défense de, petites crottes noire
1360 rtout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « L
1361 us n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absol
1362 t. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’â
1363 veau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 5 ans, favorise le développement de leurs
1364 ent — est essentiellement négative. Elle consiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient se « 
1365 onnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et pu
1366 tre flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Que
1367 aration à la vie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève
1368 e est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la famille ? 5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qu
1369 e de connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent de poche, ni plus ni moins). Ou encore : que le
1370 . » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie pour avoir trouvé : « Quand il neige, c’est comme des petits m
1371 ouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation.
1372 oria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un rassurant défaut
1373 tique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race dangereuse de ceux qui voient avec leurs yeux d’élèves. Le bo
1374 é. L’école veut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légal
1375 ut la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écoeurant 6, un conf
1376 ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’ à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans d
1377 ’ex-forts-en-thèmes, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et
1378 daires » (témoignage suffisant de leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au passage un grade univ
1379 s. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion mét
1380 ne apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au vice. » L’école de demain, page 12. 5. Il est pe
1381 antageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner ce
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
1382 sens 7, et retouchées par le pédantisme inhérent à toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une
1383 exemple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appel
1384 ’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle l’école pratique. Pl
1385  » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle l’école pratique. Plus tard,
1386 le l’école pratique. Plus tard, on fait apprendre à ces mêmes enfants, et réciter par cœur et à rebours, les noms des rue
1387 de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique
1388 . Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationnell
1389 sa méthode rationnelle pour apprendre aux bambins à marcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’un métronome péda
1390 rbes actifs sera active aussi, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ; un
1391 — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je so
1392 demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’ à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne tradui
1393 incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à tout jamais dans les campagnes, tirant le meilleur parti possible de
1394 r parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessaire pour que ç
1395 arce qu’elles sont comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner
1396 valer la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second dimanche afin qu’ils cons
1397 des connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second dimanche afin qu’ils consomment deux fois plus
1398 ez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfan
1399 ne d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la
1400 décidément trop gros pour échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde n
1401 le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’ à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse.) L’école nouve
1402 est qu’il progresse.) L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque
1403 cole nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’ à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réfor
1404 . Ou des appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot, p. 57.
1405 lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot, p. 57.
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 5. La machine à fabriquer des électeurs
1406 5. La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruc
1407 . La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on n
1408 ateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civ
1409 tager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver c
1410 re, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance
1411 s sœurs siamoises. Continuons. La démocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutri
1412 u de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’un gr
1413 onnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours et d’une
1414 dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été décervelés e
1415 nt été décervelés et dotés d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civ
1416 s d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civique. Le cerveau standard
1417 ue les autorités compétentes n’aient point hésité à l’adopter, malgré ses ratés assez fréquents. Maintenant je vous deman
1418 t je vous demande un peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapter aux particularités psychologi
1419 intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapter aux particularités psychologiques, voire aux besoins pureme
1420 mblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’au
1421 artiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte
1422 et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette ave
1423 ure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’ à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution do
1424 e nécessaire 11. On ne manquera pas d’insinuer qu’ à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites dou
1425 oupçonné ce que cela représente. 10. Voir note A à la fin du livre, p. 65. 11. Est-il besoin de déclarer formellement q
1426 une façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points d
1427 ent en tant de points — voilà qui m’inquiéterait, à votre place.