1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 nergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libératrice que produit la recherche
2 Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les
3 christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, l
4 e, pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, r
5 , rien d’original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ;
6 ion, que Maurras n’a pas faite aussi franchement, du catholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même
7 a pas faite aussi franchement, du catholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réform
8 s de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport
9 i, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier
10 t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rent
11 é le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le mond
12 rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers q
13 pération faite, il a pourtant fallu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admira
14 cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « f
15 des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-
16 le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire
17 pas indispensable : « Ces simplifications valent ce que valent toutes les simplifications, qu’on les appelle ou non idées
18 M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un style de
19 Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » —
20 n mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but vér
21 t c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’es
22 ave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si l’on con
23 pensables au bon équipier deviennent les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation, sentiment d
24 juste vision de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le
25 ut servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êtes pas c
26 d’olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le reg
27 moin. L’épaule connaît l’épaule dans le talonnage du ballon. Le regard connaît le regard dans la course d’équipe. Le cœur
28 pées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de l
29 évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien ce qu’on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de
30 ui fait lever la haine ». « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait
31 sme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthod
32 it cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mi
33 n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale constructive » : porter l’effort
34 une « morale constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi
35 tive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraîn
36 e est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais
37 avons qu’il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de Montherl
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
38 » (30 octobre 1924)b Lundi soir, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent la peinture
39 ui représentent la peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres,
40 e, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli,
41 e, une exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin
42 ion merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impass
43 . Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils préparent l’avènement d’un classici
44 façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin de soul
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
45 s s’appellent : collège, guerre, sport… la Relève du Matin, le Songe, les Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à l
46 pour de nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Montherlant est dur pour ses erreurs plus encore q
47 eurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne sais quel rel
48 is quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase te
49 étant de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne bea
50 sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il just
51 s grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’est- ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’u
52 e éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre pa
53 du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas une pathétique signif
54 oudain… Mais Montherlant se redresse vite, frappe du pied et repart. Vers quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est
55 ain des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-ê
56 ercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourr
57 Une soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient s
58 voilà ce que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je n
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
59 André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique,
60 agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un manifeste dont la pseudo-nouvea
61 liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un manifeste dont la pseudo-nouveauté nous
62 e sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule attitude littéraire aujourd’hui c
63 Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est inco
64 e fait d’une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui de
65 que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieiller
66 tre encore pour une grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation…
67 d — dont ils se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surr
68 de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impr
69 enis de, « [Compte rendu] André Breton, Manifeste du surréalisme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
70 en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu intéressant.
71 : « Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’est- ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Mil
72 de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’une œuv
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
73 t rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonn
74 romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître :
75 n peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mis
76 rtrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitude du peuple rustique
77 arramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitude du peuple rustique de France ». En effet — le phénomène n’est pas partic
78 listes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vivace fait que les
79 paysans gardent une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Rolan
80 lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre », qui va susciter un f
81 endant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement
82 ement, le gouvernement cède. Mais la même inertie du peuple qui donnait tant de mal lorsqu’il fallait l’éveiller, l’entraî
83 lorsqu’il fallait l’éveiller, l’entraîne au-delà du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente
84 le livre on a presque l’impression qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-
85 anque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est- ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
86 siècle s’annonce comme le siècle de la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequ
87 Mais, de même que la France interrogeant l’Europe du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’au
88 urces pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre, autant et plu
89 nu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réactions de l’E
90 et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antid
91 out ce qui est opposé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond
92 rsité — peut-être trop nombreuses — qui composent ce gros volume. Les points de vue sont si différents, si différentes mêm
93 es. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et qu
94 s in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation histori
95 s amener l’Asie à comprendre la religion romaine ( ce christianisme méditerranéen si étroitement particularisé pourtant, à
96 ec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que les autres entendent vaguement par Orient : l’Asie est le subcons
97 vaguement par Orient : l’Asie est le subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d
98 la première fois le rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-c
99 endu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septemb
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
100 ait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui
101 être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous portons tous en
102 soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, —  ce fou que nous portons tous en nous, — il l’a isolé, incarné, nommé : R
103 n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ; mais, puissante de
104 théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
105 sque définition de M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnaires y faisaient pourtant bon ménag
106 t pourtant bon ménage avec les derniers champions du naturalisme puisqu’au début Fischer publia Zola et Ibsen, Tolstoï, Ha
107 uropéenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les ex
108 sent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la m
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
109 qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
110 uggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
111 k Peut-être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à
112 rop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapp
113 ient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du romantisme. M. Seillière cherchait dans l’époque
114 grande étude sur les rapports du christianisme et du romantisme. M. Seillière cherchait dans l’époque romantique un témoin
115 j’imagine son étonnement à découvrir dans l’œuvre du penseur vaudois la substance originale de la plupart des idées dont l
116 ont lui-même s’est fait le moderne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de pei
117 brûlante les richesses intellectuelles et morales du grand vaudois. Vraiment, tout ce qui semble viable et humain dans la
118 elles et morales du grand vaudois. Vraiment, tout ce qui semble viable et humain dans la critique moderne du romantisme, V
119 semble viable et humain dans la critique moderne du romantisme, Vinet l’avait trouvé. Mais sa position purement chrétienn
120 et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus ton
121 sée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Ern
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
122 1925)l « Quel est celui-là qui s’avance » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où se reflète le passage incessant
123 appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicités étranges pour assembler un sourire ». Co
124 ais banal, il est parfois facile : la description du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-
125 fés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur originalité se retrouve dans la manière dont ils tentent
126  Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. » Le gaucho a dompté Pégase et caracole dans les étoiles. J’avo
127 t plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jules Supervielle, G
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
128 e parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter l’e
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
129 Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même
130 du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette tr
131 raduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. Pour les causes
132 si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle imprudenc
133 Quelle imprudence ! Avec la lumière et peut-être du monde dans l’appartement. Il avait si froid que ses dents claquaient.
134 enêtre, se traîna jusqu’à l’angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les yeux grands ouverts dans le
135 nverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplifiée pour l’exploitat
136 is ses personnages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov,
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
137 rs souffrances semblent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par
138 teur à qui doit s’adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comm
139 l’Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là no
140 lus qu’un sens relatif pour nous protestants. Est- ce là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’avoir méconnu l’élé
141 Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était- ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y
142 ifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestan
143 qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints,
144 e sait produire que l’illusion. C’est la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’es
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
145 uelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes sans
146 sans culture qui se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que
147 en de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? N
148 et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de t
149 oralistes adonnés à la culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros d
150 goïstes avec une profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de l
151 rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créate
152 t vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se vo
153 contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoû
154 jours » — tant qu’il y a des gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde,
155 c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre
156 le voilà reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouva
157 est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamph
158 mais jusqu’au point d’y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes modernes 
159 goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues vies heureu
160 prix d’un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’ét
161 te lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’était émoussé en nous, m
162 ssé en nous, mais pouvions-nous faire abstraction du plan intellectuel sur lequel tout apparaît inutile et vain ? Je cite
163 Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude, de
164 ettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieur
165 ffrait déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la p
166 effroi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si fo
167 . On voit assez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus lo
168 mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites.
169 ts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer un
170 bles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réac
171 compose d’un seul coup une grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de D
172 écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en améliorer les conditions, ou
173 st une manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en no
174 gnificatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7. Le « goût du désastre » qui est au fond du romantisme moderne nous empêche secrète
175 cit. 7. Le « goût du désastre » qui est au fond du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire et de nous
176 ue des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est
177 évost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o. Rougemont D
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
178 fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… «  Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre
179 s cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est
180 p « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyriqu
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
181 s et les vieilles dames à principes. Voilà, n’est- ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu con
182 teville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu patricien que dans la création d’un caractère de grand peintre
183 malgré des longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme appeler en vain le vent du large, parmi d
184 vre où l’on voit un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont De
20 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
185 qui se fit avec beaucoup d’intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religieux admettent à côté de
186 on descendit — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le
187 ats. Cercle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradant
188 plus aéré, au moral comme au physique. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands rec
189 égourdir sur un ballon ou bien l’on poursuit hors du village une discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
190 paon dédaigne encor mais ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour —
191  » Ce poète — qui fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se pe
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
192 révèlera peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
193 ean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’il ait trouvé, Jean Cocteau a ré
194 peut-être qu’il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’
195 fessionnel, etc.) Sans doute faudrait-il préciser ce qu’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada,
196 oins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dépass
197 qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poè
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
198 il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable désordre
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
199 érence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à q
200 gérer l’importance des conditions météorologiques du succès d’une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la
201 ne telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le m
202 ndit. Le miracle, c’est l’esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais oui, M. Journet —
203 , c’est l’esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois
204  » pas mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus important, on eut l’impression, durant les dis
205 bat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intellige
206 re la liberté d’un culte moins platonique : n’est- ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’à leur
207 à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore :
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
208 de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui
209 es les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert
210 eprésentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus
211 struire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de c
212 lumineux à la place de nos cités congestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des in
213 génieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur pré
214 concourt obscurément à cette parfaite expression du triomphe de l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est a
215 e de l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. Roug
216 Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. Rougemont Denis de, « [
217 chitecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. Rougemont Denis de, « [Compte rend
218 ce qui est au-delà du calcul… Ce sera la passion du siècle ». v. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Le Corbusier, Ur
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
219 en ! je sens très bien cette force — ici, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des ami
220 cette force — ici, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore,
221 corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faiblesses, t
222 es, tant d’autres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étr
223 ie, comme ils disent. Je me suis abandonné au jeu du hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le je
224 en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était- ce ma fatigue seulement qui me rendait toutes choses si méticuleusement
225 uir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les personnages auxquels je me prêtais. Mais en mê
226 être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus quelle confiance
227 anisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un de
228 nant, m’écriai-je — c’était un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeunes tempêtes, lavez
229 gue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de t
230 ée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — t
231 t ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’
232 oi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’éta
233 mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’
234 e m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrêt
235 je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’i
236 oin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de connaît
237 vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse r
238 l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que
239 rète espérance m’emporte de nouveau, premier gage du divin… Reprendre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des ét
240 in la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies d
241 ls l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horiz
242 légèreté puissante, quelle confiance vont guider ce corps et cet esprit… Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes-vous belle,
243 , mais je vous aime moins que je ne vous désire. ( Ce désir qui me rend fort pour — autre chose…) Ô luxe, ne pas aimer son
244 . 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expérien
245 enis de, « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926, p. 144-148.
28 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
246 Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante d
247 M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeun
248 sonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvr
249 os, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cett
250 es confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœ
251 sai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive. Et c’est justement
252 ient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule une théorie assez proche du cubisme litté
253 an. Fernandez en formule une théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’adopter, si l’on veu
254 es neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au
29 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
255 Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un ry
256 s forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur
257 , l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en ré
258 mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyri
259 e orchestration de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le s
260 tion la plus réaliste de la vie animale. Et n’est- ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à pareille i
261 éalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’
262 donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous ; en prise directe sur notre éne
263 -dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dress
264 divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il
265 cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’ell
266 a bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce q
267 e, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers
268 r la lumière descendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de
269 dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grande
270 scription des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici l
271 n lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-trai
272 de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrific
273 oleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pou
274 ment un peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plu
275 peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour
276 s les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dan
277 qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des
278 e et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce qui s’élève en
279 ui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de p
280 d’Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les souc
281 croche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il
282 t entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est- ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y
283 sa victime « une sympathie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilit
284 ie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évol
285 r ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de, « [C
286 autres passages qui préciseraient ce parallélisme du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hen
287 ges qui préciseraient ce parallélisme du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Monthe
30 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
288 s désillusionnés — nous annoncent le « crépuscule du monde occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités
289 ants, ses tombeaux et son passé, en curieux avide du secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comm
290 é. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous renseignent p
291 ste une « préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « rel
292 ofond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attra
293 « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’il nous inflige ». « Ils mette
294 sme, partout c’est une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont
295 isir. » Et encore ceci que je trouve si juste : «  Ce qui définit le plus profondément l’Occidental, c’est peut-être la fid
296 e comprendre, et si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter le conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré l’«
297 e j’aurais voulu le faire des deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peu
298 stes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop
299 hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout romantisme pour édi
300 tir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude
301 un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’être séduit que pour « mieux co
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
302 quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore
303 e nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédentes, on voit beaucoup m
304 beaucoup moins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherl
305 ier, il faudrait sans doute être né sous le signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de défauts bien
306 onné une grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit naguère sur les Fontaines du désir certaines
307 jeune homme qui écrivit naguère sur les Fontaines du désir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la n
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
308 mbre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville présente au
309 s longues que la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle dev
310 derrière nous qui suivions maintenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur les eaux, com
311 e nous qui suivions maintenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur les eaux, comme immob
312 laise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous marchions vers ces hauts arbres clairs, au tournant du fl
313 rchions vers ces hauts arbres clairs, au tournant du fleuve, parmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeur
314 ison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous acc
315 atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur.
316 te volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est son parfum, le soleil rouge sa douleur. Les bœufs blancs,
317 e sa douleur. Les bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une bea
318 roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tant de souvenirs n
319 lus proches, les syllabes nous parviennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel es
320 du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vi
321 emps — où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humide,
322 ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San
323 parmi la foule, lève les yeux, au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir de Florence », La Semaine lit
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
324 contradictoires d’un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, q
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
325 Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphè
326 urait été si délicieusement invraisemblable… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenir
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
327 rançais qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigre
328 C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe « 
329 milions sans trêve notre sensibilité au profit de ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaît d
330 échappe toujours à nos cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves de puissance : notre ambition la plus haute échou
331 La tristesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse :
332 nce européenne libre peut souscrire aux critiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deu
333 Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne l
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
334 ter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en général, et sur celles en particulier qu’implique la public
335 revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons q
336 ns doute, les différences s’accusent : mais n’est- ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment en
337 après tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboît
338 « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le
339 ils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle faire réfléchir utilement sur ses causes…   Nous
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
340 voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on ne
341 s pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout le monde en parle, et chacun s’en autorise pour excuser
342 Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subtil abbé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personn
343 gine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pou
344 u’il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous a
345 ateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait
346 dans une certaine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de
347 ent : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide éc
348 ait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, celui-là m
349 n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi
350 ltat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit q
351 gratuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de
352 ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être
353 le, d’un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la
354 au, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, désirs, élans, hé
355 délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon e
356 t à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   S
357 tis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de fair
358 tion physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages
359 stesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’éclairage,
360 classique et irréfutable à toute introspection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendr
361 irréfutable à toute introspection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chos
362 est un cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est- ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de co
363 e met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une
364 uement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan
365 éant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne
366 n la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfondir — il était
367 nnée comme raison d’une perpétuelle attente »), —  ce que l’auteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vi
368 elle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’il nomme élan mortel — g
369 ine littérature d’aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite d
370 alyse psychologique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprou
371 t du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous cr
372 t tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est- ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus po
373 e plus pouvoir même souhaiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée
374 nce, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites
375 nt maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine littéraire que dans
376 orte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait faus
377 e volontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs
378 dit Ramon Fernandez, « retient tous les éléments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libéra
379 un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est- ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on p
380 a recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon bes
381 ère). Mais on ne peut se maintenir dans cet état. Ce « mensonge », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce p
382 peut se maintenir dans cet état. Ce « mensonge », ce choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est-ce pas être sincère a
383 e choix faux mais bon, nécessaire à la vie, n’est- ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt
384  » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup co
385 J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincé
386 oint de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inin
387 e leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ignorent en tant que personnes. Comment se trouv
388 e d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de fo
389 ec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que cer
390 Si j’en crois l’intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que
391 ne analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle.
392 s lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les
393 , il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie cons
394 lle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous l
395 d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dérisoire vers quoi je me portais, mais bien ces figura
396 lus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et jongleries verbales. Regards au-dess
397 être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exige une politique
398 ter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce
399 c’est celle qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus pré
400 que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La vé
401 Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description d
402 iption de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester
38 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
403 bre où m’attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, les gages insupportablement familiers d’une vie honnête de ty
404 ête commençait à osciller vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cess
405 d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais très clairem
406 igurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérabl
407 morales et douleurs d’amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’une
408 deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train de me soutirer les quelque billets de mi
409 s je songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient- ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suf
39 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
410 qu’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est
411 temps à recenser les incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et hagar
412 eur à l’imagination d’autres fois si prestigieuse du poète : « Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rir
413 l ; et sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se
414 surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de
415 les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques sombres dél
416 la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’
417 boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un d
418 ’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez u
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
419 it à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom dans sa famille,
420 du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom dans sa famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que d’authen
421 dait pourtant considérables, au sens étymologique du terme. Il loucha vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
422 comme un fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté
423 vège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8 janvier 1927, l’information suivante : Mardi dernier a été célébré
424 marié : M. Philippe Berthelot, secrétaire général du ministre des Affaires étrangères ; et pour la mariée : Son Excellence
42 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
425 oires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait plu
426 orale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes ép
427 rd qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’on les at
428 s se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’on les attendrait
429 les attendrait, plus franche d’allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il so
430 de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combien cette analyse
431  : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysag
432 e les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à
433 ge, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une c
434 plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc avant l’orage, le rose somb
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
435 auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette faç
436 nifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Officiellement comblé, et par
437 et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne pe
438 isfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptueuse et assez désordonnée. Pou
439 est-il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exténués. Mais alors quelle avidité cruelle, et peut-
440 ntement leur amour, à force de petites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu so
441 es âmes à la vie après seulement toutes les morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien
442 malies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie com
443 ité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquièt
444 le. Pourtant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureu
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
445 Lettre du survivant (février 1927)i j « Triste, mais vrai. » (Les journaux.
446 plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me prés
447 à ma présence… Mais, alors, je ne sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’un couple heureu
448 er… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’oriflamme
449 d’un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parf
450 s, du temps que j’ignorais vous aimer. En sortant du bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner un rendez-vous au th
451 vous avais entendue donner un rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des grands magasins, n’osa
452 te rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous pouviez paraître enfin où mon désir surmené vous appelait
453 ps passait, à la fois si lent — jusqu’à l’arrivée du prochain métro, du prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières
454 is si lent — jusqu’à l’arrivée du prochain métro, du prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières des boulevards glis
455 , les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce chant désespéré qui vous appelait, assourdissant mes pensées ; et ces
456 it tout son empire à ma timidité. Peut-être était- ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle s
457 etrouver ma rue. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos dans la ville, mais il me semble que t
458 ns mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et
459 -être ne vous ai-je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherc
460 mée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus
461 , ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur
462 e le caresse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne com
463 pourquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Di
464 rquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glisseme
465 ai pas son nom. i. Rougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
466 qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y découvrir possibles deux interprétati
467 e : « Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. » — «  Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve,
468 ne phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la
469 t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une
470 se-trappes, cette habileté surtout. Je ne sais si ce malicieux Gagnebin (non pas Elie) pensait à quelqu’un lorsqu’il écriv
471 elle pèche contre les principes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’é
472 plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des expressions courantes, maximum d
473 . Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guèr
474 r l’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une
475 lus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
476 ême s’il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir c
477 e à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie »
478 épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poét
47 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
479 n vint à la révocation. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les
480 jaloux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un
481 les encore ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de
482 ouis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunes
483 peuvent faire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, d
484 orce tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiques, si les pères sont hypocrites », écrit Madame de Ma
485 un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangil
486 ant le jugement d’Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Dé
487 parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis de, « La ré
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
488 u héros plus confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisie
489 re une femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la rever
490 hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant qu
491 t le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouvements
492 notre orgueilleuse raison à nous tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ».
493 ui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’un réalisme trop amer et c
494 x évite le péril d’un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il maintient entre ces deux inconsc
495 ces deux inconscients : l’époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un
496 intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres, personne, pas même eux ». Dans ce
497 entre deux êtres, personne, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or, un désenchantement profond prend le mas
498 peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
499 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu de chose, il faut transpl
500 t peu de chose, il faut transplanter. Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film j
501 On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu
502 ue nature, très bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait touj
503 vertigineuse, poursuivant le corbillard. Aspects du paysage urbain vu par les poursuivants, arbres au ciel renversé, mais
504 gretté que René Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin le cercueil roule dans les marguerites, il en sort un ch
505 eux. Nous manquons d’entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de
506 e plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterreme
507 éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’atte
508 aturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont
509  : c’est peut-être le premier film où l’on a fait du ciné avec des moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural
510 moins, c’est le fait d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les
511 faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle genre conte
512 du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (bea
513 chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu
514 ambre en tournant un commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose, un homme qui court
515 alors quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’un film c
516 Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribour
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
517 nquiétude (avril 1927)ag Il faut souhaiter que ce témoignage sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par
518 t à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de
519 ût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. R
520 tre « ne ruine notre angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
521 r d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau d
522 moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon
523 oresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel
524 èmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On nous montre des Dieux, mais c’est pour détourner nos rega
525 cevoir en esprit. Ces trois mots vous ont délivré du plus absurde malaise, et vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes a
526 porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. .......................................
527 ........................... Solitude, antichambre du ciel. À travers l’amour ou la poésie — et d’autres, à travers les dés
528 de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaî
529 st née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels,
530 ’un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il fau
531 messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est- ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’il lui faut attein
532 arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses
533 s une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme un Musset10 plus vérit
534 ert des cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a
535 ec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu lit
536 ande race des torrents. » Une belle phrase, n’est- ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Ara
537 urrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une s
538 que je prenais pour le ton prophétique, ne serait- ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés
539 s une certaine rhétorique — mais la plus belle, —  ce qui tressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même un désespoir e
540 iens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticis
541 « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou délicates qui ne sont pas de
542 s assez basses, nous le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade pos
543 e par sous-entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable d
544 e même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de
545 mais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symb
546 essé notre orgueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sac
547 y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsieur en noir : Permett
548 trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : submergés, absolument… Le Sens Cri
549 ous qui l’aurez voulu, mais tant pis, nous serons du Nord. Nous serons romantiques. Nous serons barbares, désordonnés, bru
550 éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité q
551 littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’indivi
552 ité. C’est pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son
553 ept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a eu quatre-vingt-treize, la Ré
554 gne, Descartes, Schiller, Voltaire, etc., et tout ce qui leur correspond dans l’ordre politique par exemple. Parce que c’e
555 t fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette
556 s, une révolution en fonction du capitalisme. Est- ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la
557 e votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plu
558 qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme
559 rançais ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authentiquement, si déplorablement français. Et
560 ançais. Et puisque nous en sommes au surréalisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais
561 surréalisme, ce produit parisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait Paris mais ne saurait vivre ailleurs… Mais non
562 pétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : cult
563 mpêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’optimisme, tyranniques é
564 ur la gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions.
565 re haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour no
566 le révolution — la russe, par exemple — parce que ce n’est pas encore assez révolution ; parce que cette révolution ne dem
567 e : Nous avons tous fait ça Plus ou moins, n’est- ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous alli
568 vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations par contumace. Il y a encore des gens pour qui
569 uoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraimen
570  : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est- ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers principes
571 ent amusés avec vos chers principes. Révolution, ce n’est plus détruire, ce n’est plus combattre, c’est l’épanouissement
572 s principes. Révolution, ce n’est plus détruire, ce n’est plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’une immense fl
573 ve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à
574 et dans un domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
575 esse rimait avec maîtresse. École savait le mythe du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était d
576 nt près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que
577 de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la r
578 recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse perd sa place, nous nous comprenons. »
579 plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du Ma
580 i. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du Marquis Salomon le danseur triste baisa cette main cruelle… et qui
581 urdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide
582 oses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et des violons déchirants d
583 ur la mort. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire
584 ateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’est ou
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
585 que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à
586 part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux,
587 archands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et
588 i, le peintre se trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent
589 itude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable d’une consécration étrangère. Un jour en effe
590 pays accueillera cette consécration bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au fo
591 onde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’i
592 pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine résistan
593 moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voud
594 prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu’à André Evard, qui en a
595 plus Picasso que Matisse ; mais il y avait encore du flou, des courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus crue
596 implicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose
597 mettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’att
598 p souvent au Neuchâtelois. S’il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant
599 seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autre
600 frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût- ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura
601 en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste plutôt impressionniste s’astreindrait jamais aux exigences
602 rend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la
603 , une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses e
604 our par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures discrè
605 u’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonai
606 ffiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup
607 s’insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de
608 cet art emprunter de singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’
609 telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité de sentim
610 mation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’ét
611 procher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouv
612 que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui décidéme
613 rdonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités impré
614 u robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communique une impression de puiss
615 evant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu
616 ême. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Charles Barraud, qui lui, passe ses journ
617 nt aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune d
618 fins, mais tout aussi habiles dans l’utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Décidément ces t
619 trois frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais retrouver, al
620 es sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais retrouver, allons errer
621 au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mou
622 de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’une épure : c’est intitulé « nature morte 
623 by. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vi
624 nie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le réalisme imposé par
625 otre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circons
626 estation collective. Est-il possible, au sein de ce mouvement, d’en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y
627 ion d’un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi différentes par leur objet et le
628 rche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
629 vient grand industriel, assure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de ho
630 récit grassement pittoresque dans la description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
631 ne serait-elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre e
632 masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son ap
633 thur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le dét
634 et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant et m
635 incérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n
636 ain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes faites qui tr
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
637 comme certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
638 e certains des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté d’autres magnifiquement jetés. Mais c
639 tte imperfection, s’il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui la rend sympathique. Et pui
640 les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la
641 ue c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » et qui s’en exaspère. Sou
642 signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » et qui s’en exaspère. Souvent maladroit, inc
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
643 Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)s t … et je jure par Mercure, die
644 (mai 1927)s t … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’on m’a appris à voler. Aristophane (« Les Chevaliers »)
645 En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux.
646 ement heureux. Le lendemain était le premier jour du printemps. Les rues riaient. Le ciel descendait dans la ville, on mar
647 tais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’arti
648 us mon nom en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un caf
649 tablissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regard
650 irent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses
651 mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux
652 juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du hasard, ce poète immoral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide
653 ’est-à-dire cynique, toutes les offres du hasard, ce poète immoral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe
654 une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des ann
655 sans capitalistes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne c
656 cette escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard
657 voir dans la confusion où je parais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’une expression nouvelle, et non dénu
658 velle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. »
659 ents mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur
660 t-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait d
661 — dit-il, lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de vo
662 je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression —
663 ion — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’
664 nclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas
665 désir d’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque,
666 ............. ⁂ s. Rougemont Denis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
667 eproché bien des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours,
668 de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes : raison, jugement, simple bon s
669 tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est- ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bi
670 s alliez le dire — aux surréalistes ?   Si le mal du siècle consistait véritablement dans ces quelques effets, nous donner
671 tre raison à M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante de
672 t article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de terre, jeune homme ! Quand t
673 d tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plu
674 naturellement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ».
675 ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet
676 Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fa
677 par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, te
678 se… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacr
679 à nos yeux sacro-sainte : la liberté. Alors n’est- ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez
680 ro-sainte : la liberté. Alors n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’
681 ’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’e
60 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
682 femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous partez en chantonnant le titre sur un air sentiment
683 t vous vous calmez. Car il semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a
684 ge « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable
685 toches une malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient é
686 aurait vous ravir autant que ses impertinences. À ce moment s’approche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de Weber
687 rs de Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un
688  ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen
689 e pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela est sans importance, car voici « l’heure des petits a
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
690 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I P
691 votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréabl
692 tes de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pour N
693 ue c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous croyais écrivain ? — Hélas ! soupirez-vo
694 ue part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est- ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérités gardent au moins l’
695  L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Ca
696 res le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un ve
697 nation, quand il m’échappe une citation. Seraient- ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! — proclamiez-vous… Soit
698 ris pour le pittoresque, vous témoignez d’un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous
699 en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’une ingratitude saluta
700 des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté d
701 lez pas me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de
702 s. Ainsi, parler littérature, c’est faire la part du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela
703 ition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce qu
704 jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littératur
705 ature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépr
706 our ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce
707 d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vous savez bien que nous
708 nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’on
709 le. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me d
710 ue, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écrive pas, même en pensée.
711 z en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utilité
712 était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nou
713 re des moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique
714 ris avec son sens le plus profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et ratio
715 aire en particulier, toute connaissance véritable du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est
716 ttérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contrai
717 dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de vo
718 aise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’ab
719 s ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est- ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nou
720 à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières
721 ement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce s
722 e ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire,
723 les écrire ». v. Rougemont Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettr
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
724 re les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Soci
725 quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement
726 cient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’un certain mond
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
727 ition — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indign
728 ous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attend
729 un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On a fait ses
730 peut-être sauront-ils rallier le dernier disciple du Bienheureux Jean… Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité d
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
731 n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l
732 enture qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’
733 pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premièr
734 été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est
735 e minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si
736 jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle «
737 t on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle « cette vague poésie
738  ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle « cette vague poésie involontaire, inte
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
739 lke (décembre 1927)ao À ceux qui se contentent du mot fumeux pour caractériser tout lyrisme germanique, il faudra oppos
740 ssais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des
741 le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves et d
742 omantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, q
743 es allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, qui a ren
744 ge avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, t
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
745 intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’une effus
746 de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbitra
747 se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte
748 s-à-vis du phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins conv
67 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
749 tions et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Ve
750 êves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit ch
751 iment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque,
752 e dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de
753 tion résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur
754 t sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit
755 t de la part d’une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le roman repart dans une troisième ac
756 vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvée
757 qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirit
758 illes spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointe
759 e ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémo
760 livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perr
68 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
761 on générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément ; et, pour peu que cela continue, pour
762 ausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident ? Cris dans le
763 doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons
764 tte complaisance générale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout
765 a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est approché p
766 parce que personne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de se
767 ché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universe
768 faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’
769 lliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de s
770 production. Ford est le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’égal à égal avec
771 précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, d
772 en apporter une solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit
773 solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de s
774 ettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du
775 ode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il suppr
776 lants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la po
777 chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment
778 de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économiste.
779 ns. Bientôt, élargissant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automo
780 ant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme
781 tend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « N
782 trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais c
783 rché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement d
784 entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que
785 e-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritable du client. Le besoin ayant disparu, la production devant se maintenir, i
786 objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel compta
787 amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégula
788 ation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but,
789 t d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plu
790 ets. Mais le plus grave est peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans un article inti
791 tré, dans un article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la con
792 intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de
793 on peuple s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur do
794 le s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une
795 ller pendant le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler
796 e réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’est- ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplific
797 sation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salu
798 heur, le salut par l’auto. Philosophie réclame. «  Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises
799 amment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons d
800 Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont
801 ec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa p
802 te un peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’homme qu’on pourrait appeler le plus actif du mond
803 ge : l’homme qu’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, poss
804 Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est- ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible pour
805 enue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est- ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être jus
806 Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C
807 plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose d
808 uelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute,
809 sprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à
810 comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire
811 e compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point
812 nt de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortune
813 ronie, « la vie les prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’on ne sait quelles forces occultes sans doute dang
814 n, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l
815 plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂
816 emme. Premiers pas vers la solution : l’existence du dilemme. Second pas : en poser les termes avec netteté et courage. Po
817 ite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les r
69 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
818 , trop large, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au s
819 des balles perdues d’une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette
820 t très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie
821 e que je n’avais même pas prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu enn
822 rieurement ce nom lorsque je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vi
823 — l’heure anxieuse et mélancolique où l’on quitte ce visage aimé pour d’autres plus beaux peut-être, mais inconnus. Voilà
824 modé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première
825 haque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours de Vienne. — Cert
826 capacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’es
827 ais pour d’autres raisons qu’eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le
828 ux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était- ce la même sous deux attributs différents. Toutes les femmes qui m’ont r
829 e dire que c’est trop facile pour un homme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une petite malice do
830 et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa
831 donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs ! » Il n’y
832 e chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quelque
833 elles le sont presque toutes dans cette ville, —  du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec
834 ur la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens trè
835 s bien que nous allons nous ennuyer terriblement. Du moins, moi. Pour vous, c’est différent, vous êtes moderne, vous vous
836 e quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules
837 e sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaient sa dignité humaine, parce qu’elles le ra
838 ns leur vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un déco
839 ertissements” entre 10 heures du soir et 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal et imposé, a
840 dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’o
841 nes, ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au
842 videmment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre le plus conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec une cert
843 eillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y eut un mom
844 clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il pr
845 a première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notr
846 e que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Rouge avaient peu à peu envahi notre sang. Nos pensées devenai
847 rit les images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clariss
848 aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’im
849 plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, —  ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lointain, Auré
850 nie avec quelque chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentimen
851 résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faud
852 y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendr
853 tel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du bec de gaz sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent men
854 onfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chapeau cour
855 nd de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes
856 eaux étaient baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de n
70 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
857 nventions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules
858 poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu
859 voir que jolis livres d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain dont l’influ
860 œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à celle du cinéma ! Cl
861 écrivain dont l’influence soit comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction s
862 lumes « au travers desquels ils respiraient l’air du monde ». N’en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dan
863 l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps en
864 littérature enfantine est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsé
865 dant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis de, « [Comp
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
866 Aragon, Traité du style (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui l
867 Aragon, Traité du style (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeu
868 iment donné quelque chose. C’est pourquoi j’ai lu ce livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien françai
869 tes drôles ou quelconques. Mais la seconde partie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre trai
870 est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et
871 il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien i
872 efusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais
873 . Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, dans ce silence où l’on accède à des objets qui enfin valent le respect. as
874 ugemont Denis de, « [Compte rendu] Aragon, Traité du style  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
875 s loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le cou
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
876 dré Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde
877 révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne : on y voit s’affronter en quelques hommes d’action les
878 lques hommes d’action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses rares passions, qui sont la domination
879 la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l
880 il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou
881 es villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le
882 Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement objectif, est aussi, mais à cou
883 sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’u
884 que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’évasion dans l’action — révolutionnaire ou autre
885 veu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde re
886 aînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sen
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
887 I exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne l’ait point trompé : « Avec son
888 dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés de musiq
889 l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est- ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec même
890 e ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince d
891 Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité
892 st pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nou
893 rmes dont le jeu donne aux nuances assez troubles du personnage central une résonance plus profonde. Louis II, ce chimériq
894 ge central une résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’action puissants : s’il
895 « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraient d
896 chiatres proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un li
897 olis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
898 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient au
899 . Mais plusieurs incidents éveillent les soupçons du « petit-bourgeois » qu’il a choisi comme public, et brusquement le mo
900 ot éclate : menteur. Feintes et esquives adroites du « prince » qui disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit une le
901 uer sa mort et qui est aussi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclusivement, n’étonnera pas ceux q
902 pas une question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’on a vu sé
903 ce dépasse celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avan
76 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
904 ent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est- ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sage
905 t pas encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il
906 re découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigué,
907 hement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’il en consent l’attache plus secrètem
908 er. Va-t-il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a da
909 nalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne
910 n autre visage. Car oublier son visage, ne serait- ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau
911 it saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt da
912 ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale.
77 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
913 hie tellement au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En r
914 de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs améric
915 omme des fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur
916 ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce mo
917 le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sai
918 ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce mond
919 n ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer un personnage préc
920 ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assassinat du corps humain, mais qui raconte dans son autobiographie que son désir
921 le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour les modernes. Quelle déc
78 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
922 ent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplem
923 sphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est- ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougem
79 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
924 ience apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laid
925 la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignem
926 est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de te
927 se, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui
928 s maximes, et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâc
929 parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un r
930 te ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui soutient des idées qui ne r
931 éalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils
932 elle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie,
933 retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mett
934 ne voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Al
935 rs, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adver
936 à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utop
937 ntre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits.
938 nt. 2° Rira bien qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont
939 êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se
940 corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en eff
941 e propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instru
942 e marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publi
943 dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de l
80 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
944 ù il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des
945 ubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux p
946 nne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui
947 suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauv
948 t d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve
949 rix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qu
950 ent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est- ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais l’
951 ersonnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
952 ement des choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de
953 s, ou bien ces promenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de sou
954 re qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse2. Deux ango
955 séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui renaît chaque
956 ons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de pl
957 J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cel
958 mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus
959 hypocrite donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout.
960 s, c’est-à-dire que je me posai la question : est- ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première
961 n tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C
962 t certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il
963 ts humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’allai pas
964 les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce mon
965 je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfai
966 des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’une
967 soumis aux règles d’une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait comme l’achèvement idéal et néc
968 ment humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cet
969 ilence, un vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
81 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
970 2. Description du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes d
971 nt qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand no
972 sponsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraie
973 tous les sujets, espécialement sur la pédagogie. Ce mot revient souvent dans sa conversation ; il le prononce avec un ini
974 d profond voilé de douceur. Car le type populaire du poète romantique s’est dégradé en deux sous-types posthumes : l’artis
975 enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant que nous en sommes aux in
976 ême classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est- ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire con
977 rs jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’
978 s dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la v
979 collèges n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’architecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’une f
980 lais scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratiq
981 ue et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
982 iquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez
983 uvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et il
82 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
984 3. Anatomie du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer
985 est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire
986 ité. Pas plus que vous qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pa
987 dans l’avenir, d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans
988 s doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit les huit années réglementaires de la scolarité, et englobe
989 simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon e
990 nces dont on écrit les noms dans les casiers. Est- ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer
991 rit les noms dans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les élèves à u
992 paye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établi
993 des grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux
994 la clôture ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen un peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sp
995 é et la quantité des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’explique justement par cette p
996 té des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’explique justement par cette psychologie de
997 ubordonne tout, plaisir, goût au travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, ins
998 es plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au
999 s le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquill
1000 s-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissance de la nat
1001 nominateur4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compt
1002 sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout
1003 térêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à
1004 al dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut po
1005 ser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce trav
1006 nnent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est
1007 st absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons
1008 ant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je
1009 le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer
1010 re. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’ef
1011 l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chér
1012 tifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insis
1013 cole, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait
1014 en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire,
1015 ste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient « se distinguer ». (Le mépris que notre peuple met d
1016 otre peuple met dans cette expression !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une g
1017 image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle
1018 plus délicats par les plus vulgaires ? L’idéal du bon élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sai
1019 e universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fonde
1020 ur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière. Mais ces brillants météores ne trou
1021 iginalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ils ont subies. Le dilem
1022 lique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer,
1023 endrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion méthodique de tou
1024 ir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de
1025 attez l’instruction publique — mais vous êtes, de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien grave
1026 dirait M. Prudhomme, un bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que
1027 seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines sc
83 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1028 .) On n’a pas attendu ma colère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’
1029 ession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bi
1030 et dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou
1031 qu’on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne traduise incontinen
1032 re proclamant : je sors ! ne traduise incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à tout jamais dans les campagnes, t
1033 parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessaire pour que ça n
1034 laissant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquemen
1035 ux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est- ce qu’une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a
1036 qu’ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats, on les fait trou
1037 roduit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 a
1038 ntaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je
1039 bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait peut-être l’hum
1040 Ils éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait confié, c’était la fabrication en série de petits dé
1041 démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper plus longtemps
1042 lité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre di
1043 eu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
84 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1044 ase. La réponse est simple, terriblement simple : du droit de la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont
1045 igéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter ce que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront q
1046 r l’autre. Écouter ce que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une
1047 a démocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un rendu. Car dans ce monde
1048 part de notre Institutrice qu’un rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sord
1049 nstruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement
1050 répande universellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette
1051 utomatisme de la vie civique. Le cerveau standard du type fédéral ne laisse craindre aucun imprévu dans son fonctionnement
1052 mentaux qui peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouve
1053 rattrape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter
1054 s doute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens
1055 eois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est- ce pas, mes agneaux. C’est justement dans la mesure où je participais de
1056 que je m’accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peu
1057 uthentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-
1058 mes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les droits de l’homme. Mais attendez, si quelques-
1059 d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de rév
1060 comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %. Beaucoup de gens mourront
1061 coup de gens mourront sans avoir jamais soupçonné ce que cela représente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est-il
1062 ce que cela représente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’une telle atti
85 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1063 ite par M. Julien Benda. Notre époque paiera cher ce crime contre la civilisation. Elle ne croit plus qu’au péché contre l
1064 ahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est s
1065 a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand on m’aura démontré que les be
1066 d’une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand on m’aura démontré que les besoins de l’époque
1067 s de l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfai
1068 upériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais en même temps q
1069 e prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruct
1070 ement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est
1071 bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être les moyens. Va
1072 es, l’y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à co
1073 r ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force ant
1074 constitue la plus grande force antireligieuse de ce temps. L’instruction religieuse qui prend les enfants au sortir de l’
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1075 que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant cre
1076 d’ailleurs vous aimez les idées généreuses, n’est- ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas
1077 ’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On me fera observer que beaucoup des servants d
1078 ce de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservatrice, et non pas réactionnaire, no
1079 vivifient. L’École se contente d’être figée. Est- ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civilisa
1080 ous ne manquerez cependant point de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La
1081 z cependant point de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par
1082 ns cette opération deux temps : d’abord critiquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être 
1083 rd critiquer ce qui est — par la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être ; ensuite, préparer le terrain pour l
1084 qui est — par la comparaison avec ce qui fut, ou ce qui devrait être ; ensuite, préparer le terrain pour les jeux nouveau
1085 ion et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avouent.
1086 al correspond à un recul humain. Par exemple, est- ce un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec to
1087 e vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, pa
1088 ie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et
1089 rdis. Réponse non, c’est un recul. Cette critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux commun
1090 tidémocratiques : il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un gr
1091 cela fait. Respirons. Mais déjà vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y p
1092 nt il y a le rationalisme12 et la sentimentalité. Ce rationalisme-là triomphe non seulement dans les principes démocratiqu
1093 est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre
1094 supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous ap
1095 tégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce qui
1096 le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion de l
1097 n radicale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien p
1098 voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes
1099 connaître et qui s’élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel vou
1100 qui s’élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez
1101 tes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’une mésalliance avec
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1102 upide) et les philosophes13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la na
1103 occidental. Un nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’ant
1104 ue l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit fr
1105 dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce man
1106 it d’échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination dont les conséquences seront matériellement cata
1107 acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos drogues : presse, ciné, faux-lux
1108 stes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d
1109 à fait moi ! — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre, ou consacré.) L’utopiste, c’est l’inventeur. Les
1110 sures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’y soumettre sans combat. L’utopiste est celui
1111 Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier plus
1112 ris pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils aura
1113 raient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propo
1114 choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer
1115 t rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’inv
1116 ites réformes. Mais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’une réforme suffisant
1117 parer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batteries
1118 t-on imaginer ? L’école devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un
1119 ne technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture des facultés
1120 ellectuelles et mystiques. Toute leur force vient du yoga. Et tout le yoga repose sur la concentration. En vérité, toute f
1121 lte d’une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident comprenait cette vérité élémentaire et en tirait
1122 lusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et non plus e
1123 é du désastre, mais il recouvrerait la domination du monde16 et non plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche de com
1124 du monde16 et non plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des m
1125 dre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hindou agace, trouble ou fait sourire les étriqués. On croit de
1126 s sont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ils désignent d’ailleurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui
1127 t de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre beaucoup de choses qui
1128 e, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre beaucoup de choses qui restent c
1129 ifférences s’accuseraient, mais se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que traduire la diversité d
1130 nt, mais se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que traduire la diversité des besoins individuels.
1131 es intentions noires et consciemment criminelles. Ce travers a été développé jusqu’au ridicule par la démocratie. Les jour
1132 tinières ne vivent que de semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle n’importe quoi, il faut bie
1133 est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées
1134 ons ont ait porté atteinte à la dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tie
1135 einte à la dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour crimi
1136 coup de mal, mais ils sont les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fait vivre. La question se compliq
1137 us parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de l
1138 mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de la bourgeoisie qui se monte le cou.
1139 usse que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf. ce que dit Tolstoï sur cette haine et sur ce besoin dans ses Articles pé
1140 15. Cf. ce que dit Tolstoï sur cette haine et sur ce besoin dans ses Articles pédagogiques encore très actuels, du fait qu
1141 ns ses Articles pédagogiques encore très actuels, du fait que l’école n’a pas bougé depuis. 16. On promet des confitures
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1142 grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’un amour perdu. z. Rougemon
89 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1143 e si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien to
1144 comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est- ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’
1145 ut cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et
90 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1146 capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que con
1147 s’arranger, comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au ma
1148 ue 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fe
1149 nt superbement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à
1150 tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi. Et vous voici tran
91 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1151 Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’
1152 usés, sur la nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit
1153 e mate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Res
1154 ux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans leur réalité les choses do
1155 et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est- ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est-el
92 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1156 Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : «  Ce piano dont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ;
1157 on âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot
1158 préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément po
1159 ecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendr
1160 pellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et
1161 oici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétique, confondant leurs flammes. Dix années dans le Grand
1162 déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on
1163 i reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un
1164 Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il do
1165 bon, bon, parce qu’il y en a qui viennent, n’est- ce pas, ils ne savent pas trop qui c’était… Alors vous devez connaître c
1166 sé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps,
1167 autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La pe
1168 rfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gardien : il y est comme chez lui. —
1169 ien : il y est comme chez lui. — Dormez-vous dans ce lit ? — Oh ! répond-il, je pourrais aussi bien habiter la chambre. Il
1170 s maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieill
1171 amer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents
1172 ormale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est- ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfoi
1173 doute. Tout le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens ho
1174 de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse d
1175 s, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment les malins 
1176 eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est- ce qu’ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, qu
93 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1177 songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge
1178 jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fai
1179 e serait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croi
1180 ns l’œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites merveilles qui valent de gros romans «
94 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1181 éville, Rimbaud le voyant (août 1929)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’il établit entre le yogabb telle que l
1182 de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimb
1183 de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût- ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle hont
1184 s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélatio
95 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1185 n Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voi
1186 s un débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue
1187 il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait ! dir
1188 ent celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la v
96 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1189 l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’il était devenu beaucoup moins intéressant
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1190 ience apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laid
1191 la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignem
1192 est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de te
1193 se, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui
1194 s maximes, et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâc
1195 , parce que j’en ai gros sur le cœur. D’ailleurs, ce petit écrit ne peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un r
1196 te ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui soutient des idées qui ne r
1197 éalable qui seule eût pu, à la rigueur, me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’à droite comme à gauche, ils
1198 elle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie,
1199 retrousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mett
1200 ne voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Al
1201 rs, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adve
1202 à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utop
1203 ntre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceux qui croient aux faits.
1204 t. 2° rira bien qui rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont
1205 êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se
1206 corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en eff
1207 e propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instru
1208 e marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publi
1209 dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de l
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1210 ù il fallait si soigneusement séparer les calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des
1211 ubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux p
1212 nne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui
1213 suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauv
1214 t d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve
1215 rix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qu
1216 ent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est- ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais l’
1217 ersonnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
1218 ement des choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de
1219 bien dans ces promenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de sou
1220 re qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux ang
1221 séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui renaît chaque
1222 ons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de pl
1223 J’aimais pourtant Zoé lave à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour, je savais rarement où l’on en était. Cel
1224 mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse plus
1225 hypocrite donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout.
1226 , c’est-à-dire que je me posais la question : est- ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première
1227 n tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C
1228 t certes qu’un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il
1229 ts humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immortels principes ». Je n’allai pas
1230 les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce mon
1231 je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfai
1232 des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’une
1233 soumis aux règles d’une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait comme l’achèvement idéal et néc
1234 ment humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cet
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1235 2. Description du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes d
1236 it qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand no
1237 sponsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraie
1238 enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendant que nous en sommes aux i
1239 ême classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est- ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire con
1240 rs jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’
1241 s dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la v
1242 llèges » n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’architecture de nos « palais scolaires » symbolise d’une fa
1243 alais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratiq
1244 ue et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
1245 iquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez
1246 uvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècle. Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et il
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
1247 3. Anatomie du monstre Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer
1248 est aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire
1249 té. Pas plus que vous, qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pa
1250 dans l’avenir, d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans
1251 s doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit les huit années réglementaires de la scolarité, et englobe
1252 simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon e
1253 iences dont on écrit le nom dans les casiers. Est- ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer
1254 écrit le nom dans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les élèves à u
1255 , et ils n’en meurent pas. 3.b. Les examens Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établi
1256 des grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux
1257 la clôture ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen un peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sp
1258 é et la quantité des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’explique justement par cette p
1259 té des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’explique justement par cette psychologie de
1260 ens et à quoi l’on subordonne tout, plaisir, goût du travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et au
1261 ubordonne tout, plaisir, goût du travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, ins
1262 es plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au
1263 s le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquill
1264 s-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissance de la nat
1265 ominateur 4. Nos bourgeois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compt
1266 sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout
1267 térêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à
1268 al dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut po
1269 ser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce trav
1270 nnent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est
1271 st absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons
1272 ant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je
1273 le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer
1274 re. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’ef
1275 l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chér
1276 tifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insis
1277 cole, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait
1278 en quoi que ce soit à aucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire,
1279 ste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient se « distinguer ». (Le mépris que notre peuple met d
1280 tre peuple met dans cette expression !) Pour moi, ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une g
1281 image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle
1282 délicats par les plus vulgaires ? 3.g. L’idéal du bon élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sai
1283 e universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fonde
1284 ur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière. Mais ces brillants météores ne trou
1285 iginalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ils ont subies. 3.h. Le
1286 lique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant pour cette fois à démontrer,
1287 endrai là, renonçant pour cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion méthodique de tou
1288 nes. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement du peuple. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes déri
1289 ir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de
1290 attez l’instruction publique — mais vous êtes, de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien grave
1291 rait M. Prudhomme, un bien grave dilemme.   4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que
1292 seulement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines sc