1 1962, Les Chances de l’Europe. Avertissement
1 quelques quarts d’heure l’aventure millénaire des Européens , c’était en soi courir une « aventure ». Bien plus, il s’agissait de
2 e risquer un pronostic sur l’avenir prochain de l’ Europe , devant un public jeune dont je croyais connaître certaines tendances
3 e dédie ces quatre brefs essais sur l’espoir de l’ Europe . D. de R.
2 1962, Les Chances de l’Europe. I. L’aventure mondiale des Européens
4 I. L’aventure mondiale des Européens Je voudrais vous parler de l’Europe non pas comme d’une cause à déf
5 iale des Européens Je voudrais vous parler de l’ Europe non pas comme d’une cause à défendre ou d’une patrie plus vaste à glo
6 manité tout entière. Je voudrais vous parler de l’ Europe comme de cette partie-là du monde qui a fait « le Monde », ayant été
7 tié du xxe siècle, en sorte que les chances de l’ Europe dans l’avenir se confondent pratiquement, désormais, avec celles de l
8 ablir cette thèse centrale, cette définition de l’ Europe par sa fonction mondialisante. Car cela revient en somme à définir le
9 Car cela revient en somme à définir le phénomène européen par ses effets, alors qu’on s’est toujours efforcé jusqu’ici de l’exp
10 ou démographiques. Ce que j’appelle le phénomène européen se signale, dans l’histoire du monde, par quelques traits absolument
11 dont je donne tout de suite trois exemples : 1. L’ Europe a découvert la terre entière, et personne n’est jamais venu la découv
12 et personne n’est jamais venu la découvrir. 2. L’ Europe a dominé sur tous les continents successivement, et n’a jamais été do
13 squ’ici par une seule puissance d’outre-mer. 3. L’ Europe a produit une civilisation que le monde entier est en train d’imiter,
14 sent les avoir négligées jusqu’ici — ce phénomène européen sans précédent et sans parallèle dans l’histoire, nous n’arriverons j
15 siècle avant J.-C., explique la supériorité des Européens sur les Asiatiques par le fait que les Asiatiques vivraient dans un c
16 vivraient dans un climat trop égal, tandis qu’en Europe , dit-il, « les passages rapides d’un extrême à l’autre stimulent les
17 attribue au contraire cette même supériorité des Européens au climat tempéré qui « semble avoir tout fait pour hâter les progrès
18 et Brun, publiée à Paris en 1816, reconnaît que l’ Europe historique n’est pas née de sa géographie. Je me plais à citer sa des
19 ographie. Je me plais à citer sa description de l’ Europe , dont Valéry me paraît bien s’être inspiré dans le passage fameux où
20 e inspiré dans le passage fameux où il parle de l’ Europe comme « d’une sorte de cap du vieux continent, d’un appendice occiden
21 faudrait aller demander le secret de l’expansion européenne  ? Un coup d’œil sur la carte des densités de peuplement de la Terre n
22 privilégiées à cet égard : la Chine, l’Inde et l’ Europe , lesquelles comptent chacune au xxe siècle entre 500 et 600 millions
23 une décadence millénaire, dans le temps même où l’ Europe faisait le tour du monde et dominait sur la plupart des nations de l’
24 urelles ne pouvant rendre compte des destins de l’ Europe , faudra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’Europe serait-
25 ra-t-il leur chercher des causes spirituelles ? L’ Europe serait-elle, par exemple, une création du christianisme, comme le sou
26 odote, Platon et Aristote nous parlent déjà d’une Europe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne connaît pas
27 pe et la contrastent même avec l’Asie, mais cette Europe ne connaît pas encore le christianisme. L’expansion missionnaire des
28 st une expansion chrétienne et non spécifiquement européenne . En revanche l’expansion colonialiste, du xviiie au xxe siècle, a é
29 e au xxe siècle, a été, de toute évidence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’Europe au christianisme, comme voulut le
30 ence, plus européenne que chrétienne. Assimiler l’ Europe au christianisme, comme voulut le faire Novalis dans son célèbre essa
31 son célèbre essai intitulé Die Christenheit oder Europa , c’est faire tort à la prétention universelle du christianisme, et ce
32 selle du christianisme, et ce n’est pas définir l’ Europe , puisque ce serait la définir par une vérité éternelle, qu’elle n’a p
33 anisme a très puissamment contribué à la synthèse européenne . Notre idée de la science en dérive, comme l’a montré Jaspers, commen
34 doute été décisifs dans l’aventure mondiale de l’ Europe . Retenons donc, de cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Eu
35 e cette rapide enquête sur la genèse du phénomène Europe , le christianisme. Mais non sans nous poser cette question difficile
36 ile que je vais laisser sans réponse : pourquoi l’ Europe a-t-elle été la seule ou la première partie du monde qui ait adopté c
37 non d’elle-même ? Existait-il une prédisposition européenne au christianisme ? Ceci nous laisse en plein mystère. Et les autres e
38 mystère. Et les autres explications du phénomène européen par des données physiques et matérielles nous laissent en pleine ambi
39 us oblige à constater : la fonction mondiale de l’ Europe . Décrivons donc maintenant ce phénomène tel qu’il apparaît dans les f
40 , dans son mythe. Or, ce mouvement créateur de l’ Europe , je le trouve d’abord et déjà dans la légende originelle de l’Enlèvem
41 déjà dans la légende originelle de l’Enlèvement d’ Europe par Zeus. C’est dans un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure que l
42 un bond vers l’ouest, la mer et l’aventure que l’ Europe légendaire prend son départ. Le mythe de l’enlèvement d’une princesse
43 transformé en taureau, traduit l’Histoire : notre Europe est effectivement venue du Proche-Orient. Après la disparition presqu
44 s peintures rupestres de Lascaux et d’Altamira, l’ Europe a été lentement repeuplée par des colons venus d’une part de l’Asie M
45 icie et de là transférés en Crète d’abord — où la princesse Europe engendra une dynastie, les Minoens — puis, par la mer Égée en Grèce,
46 apt créateur, la suite du mythe de l’enlèvement d’ Europe , à laquelle j’attache, pour ma part, la plus grande importance symbol
47 ur ma part, la plus grande importance symbolique. Europe était la fille d’Agénor, roi de Tyr. Celui-ci donna l’ordre à ses cin
48 , il alla demander à l’oracle de Delphes : Où est Europe  ? — « Tu ne la trouveras pas, répondit la Pythie. Suis plutôt une vac
49 irer : c’est en poursuivant l’image mythique de l’ Europe que les navigateurs phéniciens découvrirent sa réalité géographique.
50 abuleux, il semble difficile de savoir « où est l’ Europe  », si l’on entend seulement la ramener un beau jour toute faite et do
51 ’est sa quête elle-même qui la crée. Rechercher l’ Europe , c’est la faire ! Elle existe dans sa recherche à l’infini, et c’est
52 à Sem, l’Asie et la vie spirituelle ; à Japhet, l’ Europe et les armes, et la promesse d’une expansion indéfinie : dilatatio, l
53 ents de la science, tout est venu de l’est vers l’ Europe , tout s’est lentement concentré dans cette sorte d’impasse au-delà de
54 du haut Moyen Âge, sous Charlemagne, la péninsule européenne est donc devenue le lieu de rencontre de sept ou huit traditions diff
55 forces en conflit latent ou en guerre ouverte. L’ Europe et sa culture résulteront de cette fusion jamais achevée, toujours in
56 sé à l’Est, barrant les routes vers l’Orient. Les Européens se voient coupés de toutes communications régulières avec les civilis
57 e l’Océan. C’est ici que l’aventure mondiale de l’ Europe prend son départ, au matin de Palos de Moguer, sur les petites carave
58 découvertes fut une sorte d’explosion du composé Europe , macéré depuis près de mille ans dans les limites du cap occidental,
59 semble illustrer les traits fondamentaux de notre Europe , légendaire, historique, physique, païenne et chrétienne à la fois :
60 tour, toutes les autres. L’aventure mondiale de l’ Europe se déroule à partir de Colomb sur un rythme assez comparable à celui
61 apes de la conquête de l’espace terrestre par les Européens , vous les connaissez : c’est d’abord le premier tour du monde, accomp
62 l’ouverture de l’Extrême-Orient à la civilisation européenne au milieu du xixe siècle, enfin la colonisation de l’Afrique noire à
63 Au début de notre xxe siècle, on peut dire que l’ Europe a placé sur orbite sa civilisation. Mais les étages de la fusée porte
64 siècle, les continents découverts et régis par l’ Europe se sont libérés de sa tutelle : l’Amérique du Nord la première, dès l
65 ndiale, puis presque toute l’Afrique vers 1960. L’ Europe avait commencé par mettre en relations les continents qui avant elle
66 humain — genus humanum — sont des créations de l’ Europe chrétienne, puis de l’Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire
67 t des créations de l’Europe chrétienne, puis de l’ Europe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’Europe « a fait le mon
68 pe technicienne. Dans ce sens, on peut dire que l’ Europe « a fait le monde ». Mais une fois le monde fait par elle, elle l’a p
69 de résumer les caractères constants du phénomène européen tel que nous venons d’en retracer le cours, et de l’esprit qui a sout
70 Troyens préfigure les expéditions militaires des Européens sur les quatre autres continents. Cela, c’est l’Iliade, « poème de la
71 er de prévoir maintenant les suites de l’aventure européenne et si un autre mouvement de diastole peut succéder au mouvement de sy
72 es de réalités : — les données géopolitiques de l’ Europe dans le monde d’aujourd’hui, transformé par elle-même ; — les forces
73 formé par elle-même ; — les forces vitales dont l’ Europe dispose encore, si elle s’unit, et les secrets qu’elle reste seule à
74 er auteur, à notre connaissance, qui ait décrit l’ Europe comme une entité, en la contrastant avec l’Asie, dans le Traité des a
75 isant des échanges féconds entre les peuples de l’ Europe . 3. Géographie universelle, par E. Mantelle et Malte-Brun, Paris, 1
76 te ou non à ce total la Russie qu’on appelait « d’ Europe  » (jusqu’à l’Oural et à la mer Caspienne) on obtient des chiffres sup
77 ière. 8. Cf. André Varagnac, « Comment est née l’ Europe  ? », La Table ronde, n° 113, Paris, 1957, et L’Homme avant l’écriture
78 ordon Childe, notamment L’Aube de la civilisation européenne , traduction française Payot, Paris, 1949. 9. Sur l’étymologie d’Euro
79 nçaise Payot, Paris, 1949. 9. Sur l’étymologie d’ Europe , cf. mes Vingt-huit siècles d’Europe , Payot, Paris, 1961, p. 28 à 3
80 tymologie d’Europe, cf. mes Vingt-huit siècles d’ Europe , Payot, Paris, 1961, p. 28 à 33. La vérité historique de la légende
81 vérité historique de la légende de l’Enlèvement d’ Europe vient d’être corroborée une fois de plus par le déchiffrement des ins
82 détaillée dans Jürgen Fischer, Oriens, Occulens, Europa , Begriff und Gedanke « Europa » in der späten Antike und im früheren
83 , Oriens, Occulens, Europa, Begriff und Gedanke «  Europa  » in der späten Antike und im früheren Mittelalter, F. Steiner Verlag
3 1962, Les Chances de l’Europe. II. Secret du dynamisme européen
84 II. Secret du dynamisme européen J’ai retracé l’aventure inouïe des habitants du cap occidental de l
85 ce reflux qui sous nos yeux s’achève, ramenant l’ Europe à ses limites du xve siècle. Et je vous ai laissés sur cette questio
86 la fin de l’Aventure ? Tout pronostic relatif à l’ Europe doit se baser, à mon avis, sur l’examen de nos trois facteurs détermi
87 point : quelles sont les chances permanentes de l’ Europe , et quels sont les secrets du dynamisme unique dans l’histoire de l’h
88 re l’illusion provinciale qui nous ferait tenir l’ Europe pour le centre du monde. De tels avertissements relèvent sans doute d
89 pe : c’est que le pôle de cet hémisphère tombe en Europe , exactement au sud de Nantes, selon les auteurs américains, plus près
90 épend ni de notre orgueil, ni de notre humilité d’ Européens , un fait aisément vérifiable et dont les données objectives se lisent
91 otographiées par quelque satellite artificiel : l’ Europe est bel et bien le centre du monde humain, le lieu géométrique, le ca
92 saurait être accidentelle entre la position de l’ Europe dans le monde et sa fonction particulière. Certes, l’Europe n’est pas
93 s le monde et sa fonction particulière. Certes, l’ Europe n’est pas devenue ce qu’elle est du seul fait de cette position au ce
94 relient, puisqu’elle s’est constituée en tant qu’ Europe à une époque — disons le Moyen Âge — où la distribution des hommes et
95 ble bien que ce soit, au contraire, à partir de l’ Europe et par l’action des Européens que l’hémisphère privilégié se soit con
96 ntraire, à partir de l’Europe et par l’action des Européens que l’hémisphère privilégié se soit constitué. Et je rejoins ici ma t
97 ué. Et je rejoins ici ma thèse initiale : c’est l’ Europe qui a fait le monde, en ce sens qu’elle l’a découvert, exploré, explo
98 t nées du droit des peuples, qui fut créé par des Européens dès les xvie et xviie siècles, on l’oublie trop souvent, à partir d
99 nt, comme en graphique, la fonction mondiale de l’ Europe . Et voilà qui est déterminant, pour qui suppute les chances futures d
100 les chances futures de l’Occident et de l’esprit européen . J’ai décrit à grands traits, dans ma première leçon, les mouvements
101 et de diastole rythmant l’histoire mondiale de l’ Europe . Si maintenant nous désirons voir comment ces alternances ont été lié
102 mais surtout à l’action des hommes qui ont fait l’ Europe , quittons l’observatoire céleste et descendons, par degrés d’amplitud
103 quant les reliefs) nous permet de constater que l’ Europe actuelle, amputée des plaines russes, tiendrait près de neuf fois dan
104 En proportion de sa surface, n’oublions pas que l’ Europe a les plus longues côtes (7000 km de plus que l’Afrique), les ports l
105 e, de l’Inde ou de l’Afrique noire, et enfin de l’ Europe . Et vous saurez immédiatement quelle photo correspond à l’Europe. Nul
106 saurez immédiatement quelle photo correspond à l’ Europe . Nulle part au monde le paysage n’apparaîtra aussi intensément humani
107 t aussi concentrées. Anciens villages et villes d’ Europe , vous n’en trouverez pas deux dont les plans soient superposables. S’
108 de l’unité paradoxale qui permettra de définir l’ Europe . Unité non point faite d’uniformité, mais au contraire de variété des
109 riété des formes, de complexité des structures. L’ Europe est née de la multiplicité de ses communes, épousant la nature tout e
110 ou s’égrènent le long de la berge d’un fleuve. L’ Europe seule présente un réseau de communautés bien ancrées, bien nettement
111 des airs, nous nous posons enfin sur le sol de l’ Europe , dans la rumeur humaine d’une place de petite ville. Et voici que tou
112 es secrets (pour nous trop évidents) du dynamisme européen , c’est-à-dire la communauté spirituelle, le règne de la loi, le respe
113 ecroisées. Esquissons maintenant ce portrait de l’ Europe telle que chacun de nous peut la voir, ce portrait composé non point
114 ère été mises en pratique, qu’elles décrivent une Europe idéale, qu’on refuse de reconnaître, qui est celle des autres, de l’a
115 ont le cadre de nos vies. Essayons de présenter l’ Europe non point par sa philosophie mais bien par sa morphologie. Je crois l
116 utres continents. Essayons donc de reconstruire l’ Europe en partant de la place communale. Nos villes et nos villages ne sont
117 ensif — qui a marqué et manifesté l’accession des Européens à la réalité communautaire, fondement de notre civilisation. On sent
118 des conseils et parlements, caractéristiques de l’ Europe . (La dernière image qui subsiste de cette origine très précise des pa
119 principale.) Il n’est pas de démocratie, au sens européen du terme, qui ne repose sur la libre discussion, sur le libre jeu des
120 anifestent par la presse, dans l’ère moderne de l’ Europe  ; et la presse, dès le début, fut étroitement liée à cet autre élémen
121 les fameuses gazettes françaises diffusées dans l’ Europe entière, en dépit des censures de l’absolutisme, et qui préparent le
122 llement polyphonique et dialectique qui définit l’ Europe , sa grandeur et son drame17. Il serait tentant, partant de là, de re
123 ourni la désinence symbolique de toute l’économie européenne jusqu’à nos jours. (Même après que le port — même racine qu’exporter
124 ulsation originelle des énergies formatrices de l’ Europe . Nous avons retrouvé à l’intérieur de chacun des domaines représentés
125 puis entre la région et la nation, la nation et l’ Europe , l’Europe et le monde ; tout se ramenant, en somme, à la tension entr
126 la région et la nation, la nation et l’Europe, l’ Europe et le monde ; tout se ramenant, en somme, à la tension entre le parti
127 discutés. ⁂ Voici donc définie par ses formes une Europe pluraliste, et non pas unitaire dans son principe comme le furent les
128 ent les créations les plus typiques de la culture européenne , non seulement dans les arts, mais dans la société. On les dirait for
129 ique irrésistible. Tel est le secret du dynamisme européen et des périodes de diastole planétaire de notre civilisation. ⁂ Somme
130 e période ? Ou au contraire, l’état de santé de l’ Europe est-il aussi mauvais que le proclament une bonne partie de nos intell
131 eur d’une doctrine et d’une vie spirituelle que l’ Europe a mieux su maintenir face à l’État et face aux modes du jour. Les Amé
132 and et un Suisse, trois noms qui se confondent en Europe avec une renaissance incontestable de la vitalité intellectuelle des
133 iques de notre Moyen Âge, tandis que dans toute l’ Europe , on construit des églises en verre et en ciment armé, décorées par de
134 tipliées entre « dénominations » protestantes, en Europe , aux États-Unis, en Inde ; ou des innombrables rencontres entre théol
135 ne. L’ampleur mondiale de ce phénomène, initié en Europe , témoigne d’une vitalité nouvelle de l’Église en tant que force histo
136 erme, pour ne pas dire autoritaire, si bien que l’ Europe redevient le modèle d’un meilleur équilibre, si relatif soit-il, entr
137 se prononce chaque année plus nettement. Au plan européen , le Conseil des communes d’Europe, l’Union des villes et des pouvoirs
138 ment. Au plan européen, le Conseil des communes d’ Europe , l’Union des villes et des pouvoirs locaux, apparus depuis la dernièr
139 nt pas seulement déplorées par quelques voyageurs européens , vexés de ne pas retrouver leurs plus chères habitudes d’intellectuel
140 inégaux d’importance mais très typiques de notre Europe , restent des signes non trompeurs de la vitalité d’une culture modern
141 t de l’homme à la nature, résume les secrets de l’ Europe . L’Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en
142 me à la nature, résume les secrets de l’Europe. L’ Europe sans sa culture n’est qu’un cap de l’Asie, assez pauvre en richesses
143 puissance économique sans précédent, c’est cela l’ Europe , c’est cela qui a fait le monde. L’Europe, c’est très peu de chose pl
144 cela l’Europe, c’est cela qui a fait le monde. L’ Europe , c’est très peu de chose plus une culture. Cette définition simple me
145 nspose terme à terme en désignant naturellement l’ Europe par E, sa petite masse physique par m, et sa culture par c. E = mc2
146 ulture par c. E = mc2 se lit alors comme suit : Europe égale cap de l’Asie multiplié par culture intensive (c au carré). (Je
147 ours ouverte entre tradition et innovation, que l’ Europe s’est montrée capable d’intégrer un peu mieux que d’autres la techniq
148 ésistances sérieuses, et comme sur table rase. En Europe , elle est née dans un contexte serré de principes vénérés et de droit
149 et de l’usine transparente entourée de verdure, l’ Europe n’a pas seulement rapproché la technique de sa vraie fin, qui est de
150 uperficiels. Certes, les Américains viennent de l’ Europe et dans ce sens, notre Moyen Âge est aussi le leur. Mais nous avons c
151 , voilà peut-être le secret dernier que détient l’ Europe dans le monde. J’en conclus que le patient nommé Europe, si l’on ausc
152 dans le monde. J’en conclus que le patient nommé Europe , si l’on ausculte ses organes l’un après l’autre, et si l’on détermin
153 une longue tradition, jusqu’à nos jours tradition européenne , soulignons-le. Le célèbre moine Francisco de Vitoria, dans son De In
154 itulé « La règle d’or, ou principe de l’éducation européenne  », Bulletin du Centre européen de la culture , n° 3, 1960-1961, p. 1
155 Wiener Kongress, juin 1953, et Les Communes et l’ Europe , par les ministres Pierre Wigny (Belgique) et H.-J. von Merkatz (Répu
156 dérale), La Haye, 1955. Le Conseil des communes d’ Europe , plus nettement fédéraliste par sa doctrine, s’est fondé à Genève en
157 amment). Il publie une revue intitulée Communes d’ Europe . Sous les auspices du CCE, de très nombreux jumelages de villes ont é
158 ieu a des manifestations populaires de solidarité européenne . Enfin, une Commission européenne des pouvoirs locaux a été constitué
159 s de solidarité européenne. Enfin, une Commission européenne des pouvoirs locaux a été constituée au Conseil de l’Europe, à Strasb
4 1962, Les Chances de l’Europe. III. L’Europe s’unit
160 III. L’ Europe s’unit Les organes vitaux de notre société, pris un à un, me parais
161 onc en assez bon état. Reste à savoir si le sujet Europe possède encore une volonté de vivre suffisante pour remplir les fonct
162 montrer aujourd’hui que la volonté de vivre de l’ Europe signifie, pratiquement : volonté de s’unir. Remarquez que cette thèse
163 ie. Quelle est alors la maladie qui affecte cette Europe dont les organes sont bons ? Je la crois d’origine psychique. Dans l’
164 en par la faute des nationalismes exaspérés que l’ Europe a failli périr à deux reprises dans la première moitié de notre siècl
165 use les fièvres et les poussées de haine contre l’ Europe que subissent depuis quelques années tant de pays neufs de l’Afrique,
166 ns la preuve d’une nouvelle volonté de vivre de l’ Europe , c’est donc la volonté de surmonter nos divisions nationalistes et de
167 ion sera le signe d’une santé renouvelée du corps européen , dans la mesure où elle prendra pour but de fédérer nos différences e
168 ma position par rapport aux débats actuels sur l’ Europe . Deux conceptions extrêmes s’y affrontent en effet. L’une, qu’on nomm
169 ntent en effet. L’une, qu’on nomme depuis peu « L’ Europe des patries » — expression foncièrement impropre —, voudrait s’en ten
170 que la seule union conforme au génie propre de l’ Europe , à son passé, à ses réalités, comme à sa vocation présente, c’est l’u
171 rcher d’où procède la discussion sur l’union de l’ Europe qui bat son plein depuis quelques années dans la presse et dans les c
172 rmé la pensée, la sensibilité et les réflexes des Européens , et qui détermine de la sorte leurs résistances instinctives ou leur
173 olutions proposées. L’idée d’unir ou de fédérer l’ Europe n’est pas née d’hier. Elle remonte très précisément au début du xive
174 és dans un ouvrage récent —  Vingt-huit siècles d’ Europe 21 —, les motifs impérieux de l’union européenne se ramènent en dern
175 s d’Europe 21 —, les motifs impérieux de l’union européenne se ramènent en dernière analyse à quelques thèmes simples et grands,
176 peuples, déchirés par des guerres intérieures à l’ Europe et cela par le moyen d’une instance d’arbitrage supérieure aux Nation
177 s — une douzaine d’années chacun — pour unifier l’ Europe par la force. Mais les prophètes et partisans de l’union fédérale de
178 s prophètes et partisans de l’union fédérale de l’ Europe ont toujours soutenu que cette union aurait pour effet, notamment, d’
179 ssent à l’anarchie croissante qu’entretiennent en Europe les querelles entre l’Empire et l’Église, les princes, les communes e
180 vers la paix par une seule loi ». Ainsi, sur une Europe que Dante déclare « malade en ses deux intellects et en sa sensibilit
181 monarque universel, mais bien devant un tribunal européen . Ce tribunal d’arbitrage, formé de trois prélats et de trois laïques
182 nq-cents ans plus tard, exactement, sous le nom d’ Europe des patries, et qui nous ramènerait à une Europe des États souverains
183 ’Europe des patries, et qui nous ramènerait à une Europe des États souverains, alliance paradoxale en son principe, et dont on
184 Turcs — et qui avait été le premier à parler de l’ Europe comme d’une patrie commune, dans sa mémorable lettre à Mahomet II : «
185 à Mahomet II : « Maintenant, disait-il, c’est en Europe même, c’est-à-dire dans notre patrie, dans notre propre maison, que n
186 tués. »26 Deux siècles passent, et la face de l’ Europe a changé : les grandes découvertes, la Réforme et la formation des Ét
187 re expriment avec force la vocation fédérale de l’ Europe , et la sourde angoisse de l’époque devant les prétentions absolutiste
188 ir sur l’imagination des créateurs d’institutions européennes , jusqu’à nous. Ces quatre plans, dans l’ordre chronologique, sont : l
189  ; et l’Essai sur la paix présente et future de l’ Europe , de William Penn, quaker anglais et fondateur d’État en Amérique, 169
190 époque : 1° englober les Turcs dans la fédération européenne , ce qui équivaudrait aujourd’hui à inviter les Soviétiques à se joind
191 isanales, et développer un plan de grands travaux européens  : canaux joignant « les deux mers », aménagement des territoires en f
192 e richesse, n’eut pas de suite. Mais Leibniz, bon Européen et œcuméniste lui aussi, le dira et s’en servira… Le Grand Dessein qu
193 pportée aux autres peuples au nom de notre patrie européenne  ; et c’est pourquoi nous devons tout d’abord nous unir entre nous ; c
194 t d’abord nous unir entre nous ; car, nous autres Européens , nous devons être considérés comme des voyageurs embarqués sur un seu
195 e le maniement des armes. Il demande un passeport européen . Et il suggère que la salle des séances de la Diète européenne soit r
196 t il suggère que la salle des séances de la Diète européenne soit ronde, et non carrée, et percée d’autant de portes qu’il y aura
197 f, sinon la proposition de commencer l’union de l’ Europe par un congrès réuni à La Haye — ce qui se fera effectivement 236 ans
198 lite — Montesquieu, Voltaire et Wieland croient l’ Europe faite, parce qu’elle l’est dans leurs esprits et doit donc exister en
199 e tous les patriotes répandus sur la surface de l’ Europe  ». À cette croisade dont la devise serait « Les jacobins partout ! »,
200 de paix perpétuelle33. Il demande d’une part une Europe neutre, armée et unie, sur le modèle de la « Ligue helvétique », d’au
201 ussi dans son projet d’Organisation de la société européenne 34, la fusion des intérêts franco-anglais et la création d’un parleme
202 rêts franco-anglais et la création d’un parlement européen élu par les élites professionnelles et « placé au-dessus de tous les
203 ticiens aux courtes ruses. D’innombrables congrès européens remplissent le xixe siècle. Ils n’aboutissent exactement à rien. Mai
204 er comme le plus grand lyrique de l’idéal d’union européenne . Voici d’abord un extrait du discours qu’il prononce à l’Assemblée lé
205 té supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne , absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorrain
206 arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’ Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la diète est à l’Allem
207 s’appellera point la France ; elle s’appellera l’ Europe . Elle s’appellera l’Europe au xxe siècle et, aux siècles suivants, p
208 e ; elle s’appellera l’Europe. Elle s’appellera l’ Europe au xxe siècle et, aux siècles suivants, plus transfigurée encore, el
209 ssiste le xixe siècle, c’est à la formation de l’ Europe .38 Hugo, hélas, avançait de cent ans sur l’histoire. Car le xixe s
210 ir pur ! Il ne faut pas que cet absurde état de l’ Europe dure plus longtemps ! Y a-t-il une pensée quelconque derrière ce nati
211 éparer et à anticiper cette nouvelle synthèse : l’ Europe une, l’Européen de l’avenir »39. Mais en même temps, il dénonçait la
212 ticiper cette nouvelle synthèse : l’Europe une, l’ Européen de l’avenir »39. Mais en même temps, il dénonçait la « paralysie de l
213 it la « paralysie de la volonté », maladie dont l’ Europe risquait de mourir, et dont seule la Russie lui paraissait rester ind
214 s Sorel, dans un de ses Propos datés de 1912 : L’ Europe , ce cimetière, est peuplée par des peuples qui chantent avant d’aller
215 avons maintenant que nous sommes mortelles.41 L’ Europe avait touché le fond, une première fois. C’est de ce moment-là que da
216 ises, des militants de la Résistance de neuf pays européens . Ils élaborent une déclaration commune, constatant la solidarité qui
217 nt dans une unique organisation fédérale. La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’un
218 En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’ Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pou
219 a création d’une Union fédérale entre les peuples européens .43 Vous avez reconnu, dans ce langage, les principaux motifs des Pl
220 our le printemps suivant, des états généraux de l’ Europe . Churchill vient de faire à Zurich son célèbre discours appelant à l’
221 onais Joseph Retinger46 — résulte le Congrès de l’ Europe , qui se réunit à La Haye au mois de mai 1948. Tout est parti de là, o
222 édérateur par l’angoisse, la première institution européenne acceptée eût été, eût dû être logiquement la CED : or c’est en fait l
223 une Cour des droits de l’Homme et d’une Assemblée européenne . Neuf mois plus tard, le Conseil de l’Europe et la Cour sont créés. P
224 ois contre lui — mais ainsi le veut le pluralisme européen , vrai fondement de notre unité — plus d’une centaine d’instituts, ass
225 centaine d’instituts, associations, maisons de l’ Europe et fondations48, qui se proposent tous et toutes de réveiller et d’en
226 ommune appartenance à l’aventure spirituelle de l’ Europe . Le mouvement vers l’union paraît irréversible au plan économique, où
227 une trentaine d’Instituts universitaires d’études européennes et de vastes groupements éducatifs, tels que l’Association européenne
228 tes groupements éducatifs, tels que l’Association européenne des enseignants, qui agit au niveau de l’école primaire et secondaire
229 ar c’est ainsi seulement que la construction de l’ Europe peut trouver son assise populaire ; c’est ainsi seulement que pourra
230 entement raisonné du grand nombre. Aujourd’hui, l’ Europe des cadres. Demain, l’Europe des peuples ! Tout ceci s’est passé en u
231 mbre. Aujourd’hui, l’Europe des cadres. Demain, l’ Europe des peuples ! Tout ceci s’est passé en une quinzaine d’années, durant
232 ne d’années, durant lesquelles les militants de l’ Europe unie n’ont cessé de se plaindre de l’indifférence qui répondait à leu
233 re humain, dans le sens de la vraie vocation de l’ Europe . 21. Les citations des plans européens qu’on trouvera plus bas sont
234 cation de l’Europe. 21. Les citations des plans européens qu’on trouvera plus bas sont toutes empruntées à cet ouvrage, auquel
235 . L’Essay towards the Present and Future Peace of Europe fut composé de 1692 à 1694, pendant une interruption de la carrière d
236 31. Le Projet pour rendre la Paix perpétuelle en Europe parut d’abord à Cologne en 1712, puis à Utrecht en 1713, sans nom d’a
237 rsal and Perpetual Peace, traitant de la question européenne . 34. Henri de Saint-Simon, De la réorganisation de la société europé
238 e Saint-Simon, De la réorganisation de la société européenne ou de la nécessité de rassembler les peuples de l’Europe en un seul c
239 ou de la nécessité de rassembler les peuples de l’ Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance n
240 de soumettre à la SDN un projet de confédération européenne . Et c’est à Alexis Léger, son plus proche collaborateur, qu’il confie
241 m sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne , daté du 1er mai 1930 (republié par les Cahiers de la Pléiade, numéro
242 mplet de cette déclaration des Résistances dans L’ Europe de demain, La Baconnière, Neuchâtel, 1945 ; qui donne un récit détail
243 ume, Rapport du premier congrès annuel de l’union européenne des fédéralistes, Genève, 1947, hors commerce. 45. Voici la phrase p
244 ien — doivent être amis et garants de la nouvelle Europe et défendre son droit à la vie ». (Cf. « Généalogie des grands dessei
245 à la vie ». (Cf. « Généalogie des grands desseins européens  », Bulletin du Centre européen de la culture, n° 6, 1960-1961, p. 81.
246 rière de J. H. Retinger, voir Hommage à un grand Européen , J. H. Retinger , par le prince Bernhard des Pays-Bas, l’ambassadeur
247 C, n° 5, 1960-1961. 47. Texte du Manifeste in L’ Europe en jeu , par Denis de Rougemont, La Baconnière, Neuchâtel, 1948. Le c
248 , La Baconnière, Neuchâtel, 1948. Le congrès de l’ Europe se tint du 7 au 11 mai à La Haye, sous la présidence d’honneur (effec
249 Voir Raymond Racine, Les Institutions culturelles européennes , inventaire de leurs activités dressé pour la « Fondation européenne
250 ire de leurs activités dressé pour la « Fondation européenne de la culture », Genève, 1959 (ronéotypé, 100 exemplaires). On y trou
251 ations internationales, fondations, jurys de prix européens , etc. Bien d’autres instituts ont été créés depuis lors.
5 1962, Les Chances de l’Europe. IV. Les nouvelles chances de l’Europe
252 IV. Les nouvelles chances de l’ Europe Donc l’Europe est en train de s’unir, nous avons vu pour quelles ra
253 IV. Les nouvelles chances de l’Europe Donc l’ Europe est en train de s’unir, nous avons vu pour quelles raisons, à la fois
254 ppel du monde, provoqué par nos œuvres, atteint l’ Europe dans une situation qui me paraît définie par trois grands faits dont
255 squelles nos États ont perdu leurs empires, que l’ Europe s’est mise à s’unir. Les dates de la décolonisation successive du Pro
256 l’expansion coloniale comme un péché mortel de l’ Europe , en ce sens qu’il devait aggraver la dissolution du corps européen en
257 ens qu’il devait aggraver la dissolution du corps européen en nations rivales. Et de fait, la nécessité alléguée par les États c
258 e part, ces mêmes guerres ont fait comprendre aux Européens qu’il était temps de juguler leurs sanglants chauvinismes, et cela de
259 pas sans intérêt de souligner que les défaitistes européens , nationalistes ou marxistes, qui soutenaient depuis cinquante ans que
260 istes, qui soutenaient depuis cinquante ans que l’ Europe n’était riche que de l’exploitation des colonies, disaient les uns, d
261 s. Ce premier fait, définissant les rapports de l’ Europe avec le monde actuel, je me l’explique, en résumé, comme suit : L’exp
262 és par nous. Quant aux nations colonialistes de l’ Europe , presque ruinées à deux reprises par le délire nationaliste, obligées
263 eur union. Elles ont perdu le monde et retrouvé l’ Europe . Mais voici le deuxième grand fait, non moins paradoxal, qui domine n
264 omine notre situation : le retrait politique de l’ Europe coïncide avec l’adoption accélérée de notre civilisation par le tiers
265 le tiers-monde. Je le disais d’entrée de jeu : l’ Europe a fait le monde, et cela non seulement parce qu’elle a découvert la T
266 ales, politiques, ou simplement aventurières, les Européens , en désordre, et sans le moindre plan d’ensemble, du xvie au xixe s
267 ruites ou dénaturées. Mais alors, le retrait de l’ Europe qu’on nomme décolonisation, ne va-t-il pas entraîner l’effacement pro
268 ire, récemment libérée, la culture et les langues européennes font des progrès spectaculaires. Je cite le directeur des affaires cu
269 ministrateurs ne sont partis qu’en vertu d’idéaux européens adoptés par l’élite indigène. Ces idéaux, on les retourne contre nous
270 r la décolonisation, bien au contraire ! Jamais l’ Europe , jamais l’Occident tout entier n’ont autant progressé dans l’âme et d
271 es qui risquent d’être aussi fâcheuses pour nous, Européens , que pour les peuples du tiers-monde. Fâcheuses pour nous d’abord. Ca
272 auvaise conscience qui étaient le fait des élites européennes pendant les derniers temps de la colonisation et le respect des cultu
273 Raghavan Iyer qui, lors d’un tout récent congrès européen , entendait se faire l’écho des ressentiments du tiers-monde à l’égard
274 ce qu’a fait l’Occident, ce professeur rendait l’ Europe responsable de tous les maux qui en résultent, et de la reviviscence,
275 onceptions partielles ou discréditées de l’esprit européen  ». Il en donnait l’impressionnante liste que voici : L’évangile du p
276 ésentants, les plus conscients des vraies valeurs européennes , que nous envoyons outre-mer, mais des agents de nos États et de nos
277 ieu où ils vont agir, et moins encore de ce que l’ Europe peut signifier dans son ensemble et vue de loin, des agitateurs polit
278 ur la nôtre. Telle est la situation concrète de l’ Europe dans le monde actuel. Je la résume : la décolonisation, loin de nous
279 question qui se pose est dès lors la suivante : l’ Europe va-t-elle être évincée par ses produits les plus vendables, par ses s
280 ens matériels et moraux ? ⁂ Un certain défaitisme européen , de Spengler à Toynbee et de Sorel à Sartre51, semble avoir persuadé
281 avoir persuadé nos élites comme nos masses que l’ Europe est une pauvre chose écrasée entre deux colosses. Cette conviction, o
282 ’est barbare encore, mais c’est grand… La vieille Europe aura à compter avec cette jeunesse. L’autre jeunesse, c’est l’Amériqu
283 la fin de la dernière guerre, au plan mondial. L’ Europe se sentait écrasée entre les deux colosses encore à venir. Ils sont l
284 gnifie ce rectangle du milieu ? Réponse : c’est l’ Europe entre les deux Grands. Chaque carré représente un million d’habitants
285 Chaque carré représente un million d’habitants. L’ Europe à l’ouest du rideau de fer compte 330 millions ; les sept États europ
286 ideau de fer compte 330 millions ; les sept États européens actuellement soumis à l’URSS, 95 millions ; total 425 millions. Tandi
287 quantité démographique les qualités humaines de l’ Européen , qui est encore le meilleur ouvrier, le meilleur philosophe et le mei
288 — vous avouerez qu’il est au moins curieux que l’ Europe se sente écrasée entre deux colosses plus petits qu’elle, qui n’attei
289 . Mais vous me direz que la puissance réelle de l’ Europe n’est pas à proportion de sa population ? C’est exact, en ce sens que
290 a production américaine dépasse encore celle de l’ Europe . Mais le rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu
291 ythme d’accroissement est beaucoup plus rapide en Europe qu’aux États-Unis. Et quant aux chiffres absolus, l’Europe occupe le
292 ’aux États-Unis. Et quant aux chiffres absolus, l’ Europe occupe le premier rang pour la production de l’acier, de la fonte, de
293 voire de 430 millions (en comptant les satellites européens de l’URSS), mais seulement le citoyen d’un petit État de 5, de 10 ou
294 st plus à l’échelle du monde nouveau. C’est que l’ Europe unie n’est pas faite et qu’il faut donc absolument la faire, pour que
295 s les statistiques, mais dans notre conscience. L’ Europe a tout ce qu’il faut pour être encore la première puissance de la Ter
296 vocation à l’Occident, tel que le représentent l’ Europe en train de s’unir, et les États-Unis. Il est courant d’entendre dire
297 éologiques et politiques qui définissent l’esprit européen au xixe siècle. Ce sont donc des valeurs qui nous sont propres que l
298 raire que les peuples nouveaux se tournent vers l’ Europe , même quand ils l’injurient en la copiant. Pour le dire en une phrase
299 que — laquelle est, après tout, une création de l’ Europe  ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’Europe. Où trouver, dans tou
300 l’Europe ! Le cycle se referme, nous ramenant à l’ Europe . Où trouver, dans tout cela, nos successeurs ? Je ne vois que des imi
301 facile que l’action. Les vertus et les vices de l’ Europe , son passé et son expérience la rendent doublement responsable — au s
302 nges de biens matériels cela va de soi, puisque l’ Europe les a créés, institués, au lendemain des grandes découvertes, et que
303 a su inventer sont en mesure de les entretenir. L’ Europe reste le cœur de tout système d’échanges mondiaux et cela, non seulem
304 x fois celui de l’URSS. La vocation mondiale de l’ Europe est inscrite dans des faits de ce genre : nos exportations représente
305 leur produit national. Le monde est vital pour l’ Europe , il ne l’est guère pour les États-Unis, bien moins encore pour la Rus
306 s de vous en parler en praticien : tout désigne l’ Europe pour les mettre en mouvement et pour les orienter vers un dialogue fé
307 ntes des nôtres : ce n’est point par hasard que l’ Europe a créé l’ethnographie et l’archéologie, et la science des religions c
308 puissante, mais les initiatives sont venues de l’ Europe , et c’est vers elle, naturellement, que je vois se tourner les élites
309 ner les élites du tiers-monde : c’est à travers l’ Europe qu’elles conçoivent la nécessité et les moyens de dialoguer, non seul
310 humaines est le second aspect de la vocation de l’ Europe . Équilibrer technique et tradition, par exemple. C’est en Allemagne,
311 chant les domaines les plus divers de l’existence européenne  : équilibre entre autorité et liberté, entre humanités et sciences, d
312 qui composent la sagesse d’Ulysse, prototype de l’ Européen . Et ceci nous conduit naturellement au troisième verbe typique de not
313 ard du tiers-monde comme de lui-même. Car c’est l’ Europe qui a répandu dans le monde entier le virus du nationalisme, dont ell
314 pient trop souvent ses tares les plus visibles. L’ Europe se doit donc de produire, d’attester et de diffuser les anticorps de
315 lui seul, dans le monde actuel. La vocation de l’ Europe , aujourd’hui pour demain, c’est donc d’offrir au monde nouveau l’exem
316 s pourrons voir cela, dans cette génération, si l’ Europe , d’où le mal est venu, réussit à s’unir librement, achevant ainsi son
317 idéal que réclame la jeunesse, il est là, dans l’ Europe fédérée, modèle mondial. Le temps n’est plus de douter sans vergogne
318 de ne pas frustrer. Et je conclus. L’avenir de l’ Europe est gagé sur de grands faits géoéconomiques d’une portée désormais mo
319 mondiale de civilisation. Les vraies chances de l’ Europe ne dépendent pas d’une juste prévision de ce que d’autres feront. Ell
320 ites « républiques sœurs ». Dans le même temps, l’ Europe « décolonisait », non pas à cause du communisme — qui n’a joué un cer
321 0. Voir les documents du congrès que la Fondation européenne de la culture a tenu en avril 1962 à Bruxelles, dans Caractère et cul
322 1962 à Bruxelles, dans Caractère et culture de l’ Europe , n° 7. 51. Cf. La Décadence de l’Occident, par Oswald Spengler, trad
323 Paris, 1953. — Georges Sorel disait en 1908 : « L’ Europe est par excellence la terre des cataclysmes guerriers… Elle n’a pas d
324 es guerriers… Elle n’a pas de chance… Malheureuse Europe  ! Pourquoi lui cacher ce qui l’attend ? Avant dix ans elle sombrera d
325 . » Et en 1912 : « Rien n’améliorera le sort de l’ Europe … l’Europe, ce cimetière… ». Cinquante ans plus tard, J.-P. Sartre écr
326 1912 : « Rien n’améliorera le sort de l’Europe… l’ Europe , ce cimetière… ». Cinquante ans plus tard, J.-P. Sartre écrit : « L’E
327 Cinquante ans plus tard, J.-P. Sartre écrit : « L’ Europe est foutue… Elle est en grand danger de crever… Elle fait eau de tout
328 la fin. » (Voir en appendice : « Sartre contre l’ Europe  ».) 52. Lettre de Melchior Grimm à Catherine II, écrite en 1790, l’a
329 1847. On trouvera dans mes Vingt-huit siècles d’ Europe des prophéties analogues de Jean de Müller en 1797, de Napoléon (Mém
6 1962, Les Chances de l’Europe. Appendice : Sartre contre l’Europe
330 Appendice : Sartre contre l’ Europe Pendant que je préparais mes conférences, l’hebdomadaire Arts me d
331 emanda de répondre à la violente attaque contre l’ Europe qu’est la préface de J.-P. Sartre au livre de Frantz Fanon, Les Damné
332 mois aux États-Unis. On n’y parle que du miracle européen . Journaux, hebdos, revues, gros livres, milieux universitaires et mil
333 lieux dirigeants de Washington : ils découvrent l’ Europe unie. À les entendre, on croirait qu’elle est faite. La candidature a
334 t Jean Monnet qui a vu juste. Donc il faut voir l’ Europe comme il l’a vue d’avance : première étape d’une organisation mondial
335 ’animation et l’organe d’équilibre. Je reviens en Europe , « notre patrie » — comme disait Æneas Silvius au xve siècle. Qu’est
336 , dans toutes nos langues, sur l’intégration de l’ Europe et sur les relations nouvelles à établir entre une Europe unie et le
337 t sur les relations nouvelles à établir entre une Europe unie et le tiers-monde. Pleins d’idées et de chiffres, d’un optimisme
338 l, qui contredit tout le reste. Il proclame que l’ Europe est « foutue », qu’elle est « en grand danger de crever », qu’elle « 
339 tous ses états. Il le préface et il exhorte « les Européens  » à le lire, au nom du raisonnement suivant : tous les Européens sont
340 e lire, au nom du raisonnement suivant : tous les Européens sont complices du colonialisme criminel ; donc cette lecture leur fer
341 lais et autres Balubas qui « massacrent à vue les Européens  ». Car, ce faisant, « ils font l’histoire de l’homme », et nous seron
342 humanitaire qui nous offre « un moyen du guérir l’ Europe  » en nous faisant tous passer dans le camp de ses ennemis. Ceux-ci n’
343 qu’au nom d’une prétendue aventure spirituelle l’ Europe étouffe la quasi-totalité de l’humanité. » Cette phrase résume la thè
344 tante étant tout simplement un état de fait que l’ Europe n’avait pas créé, et qui, loin de résulter de la colonisation, comme
345 lité ou de continuelle décadence. Qu’est-ce que l’ Europe a « étouffé » dans le tiers-monde colonisé ? (Qui est fort loin de re
346 la période considérée.) La culture de l’Inde ? L’ Europe l’a sauvée. L’industrie africaine ? Elle l’a fondée. La démocratie de
347 nations récemment libérées de « l’exploitation » européenne  : le Dahomey. Les premiers contacts du Dahomey avec la civilisation e
348 premiers contacts du Dahomey avec la civilisation européenne remontent à 1729, lorsque le roi Agadja et son régiment de femmes, ay
349 ides puis par les sultans marocains, mais par les Européens , lesquels n’ont occupé, plusieurs siècles plus tard et pendant soixan
350 ion veut la mort du pécheur, qui est uniquement l’ Européen , comme chacun sait. La vérité, selon les faits et dans la perspective
351 leurs États. Quant aux nations colonialistes de l’ Europe — sept sur vingt-six à la fin de la guerre — presque ruinées à deux r
352 rès l’autre, « décroché ». Qu’est-il advenu de l’ Europe considérée dans son ensemble ? L’Europe est littéralement la créatio
353 enu de l’Europe considérée dans son ensemble ? L’ Europe est littéralement la création du tiers-monde, écrit Fanon. Ses riches
354 tient ?) Sartre renchérit : c’est avec cela que l’ Europe a fait non seulement ses capitales industrielles, mais ses cathédrale
355 (lisez-le pour y croire : p. 23). D’ailleurs, « l’ Européen n’a pu se faire homme qu’en fabriquant des esclaves ». (Eh quoi ! n’é
356 le xvie siècle !) En quittant le tiers-monde, l’ Europe aurait donc signé son arrêt de mort économique et de rapide déshumani
357 sme auraient donc été les avocats du suicide de l’ Europe  ? Mais au nom de quelles valeurs plus chères que leur vie même ? De l
358 plus chères que leur vie même ? De leurs valeurs européennes « pourries », ou de quelles autres ? Laissons là ces divagations. Rev
359 ux faits. Les faits nous montrent que les nations européennes , à peine libérées de la charge écrasante de leurs colonies, ont comme
360 nte de leurs colonies, ont commencé à découvrir l’ Europe et la nécessité de son union. Et que, de leur union naissante — le Ma
361 té presque aussitôt une prospérité stupéfiante. L’ Europe n’est pas « finie », n’en déplaise à nos furieux, mais elle commence
362 r Fanon et son marxisme — d’ailleurs emprunté à l’ Europe . Mais qu’en est-il de Sartre en cette lugubre affaire ? Il nous faut
363 dans un village intellectuel et projette sur « l’ Europe  » des hargnes provinciales. Quand il écrit Europe, il ne pense que Fr
364 Europe » des hargnes provinciales. Quand il écrit Europe , il ne pense que France, et quand il pense France, il ne voit que le
365 ’état naissant, et qui le firent non pas contre l’ Europe , mais au nom des valeurs européennes : Voltaire, Rousseau, Herder, Fi
366 non pas contre l’Europe, mais au nom des valeurs européennes  : Voltaire, Rousseau, Herder, Fichte, Bentham. À l’encontre de Hegel,
367 hte, Bentham. À l’encontre de Hegel, qui tenait l’ Europe pour « la vraie fin de l’histoire », et d’Auguste Comte qui voyait en
368 équences pratiques, pour le tiers-monde et pour l’ Europe qui doit l’aider. Nous n’avons pas le droit de frustrer la jeunesse s
369 e l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’ Europe était finie, quand il s’agissait de la faire.