1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 ontherlant est considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout a
2 œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’ un agrément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’
3 s offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au
4 s, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes exceptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en une langue
5 eptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en une langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a
6 de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’ une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité
7 vons tous. Écœuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le
8 de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à
9 ment masqués d’ailleurs par des façons cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1,
10 des façons cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consa
11 timidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité s
12 son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit
13 Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes
14 berté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’eux-mêmes
15 morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’
16 lus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas l
17 paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la pe
18 rales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère
19 rlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mai
20 dmirable lyrisme de poète du stade. En un style d’ une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent
21 n un style d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la f
22 e de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant c
23 rlant chante cette « violence ordonnée et calme » des « grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les
24 es, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer un coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est une allégre
25 : « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et
26 sée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvemen
27 ion qui est le but véritable du sport. On accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à l
28 e ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la
29 du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit un ballon. Si l’on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on
30 un ballon. Si l’on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on respecte les règles, non plus comme une lutte sau
31 rieux dont on respecte les règles, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale
32 mble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). E
33 tié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a
34 vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êt
35 taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre e
36 « La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport 
37 qu’il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeu
38 sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment l’esp
39 ant illustre sa propre pensée de cette citation d’ un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir tou
40 nsée de cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plu
41 man catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce
42 ortive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’é
43 Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d
44 homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine e
45 homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’ une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que l
46 autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritabl
47 ter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter
48 au classicisme véritable. Voici un constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous
49 il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de Montherlant, hip,
50 ris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] M
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
51 r, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla des écoles qui représentent la peinture française, des débuts du xixe si
52 es écoles qui représentent la peinture française, des débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et
53 es français ont accompli, durant le xixe siècle, une exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturali
54 ns ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici revenus , après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais l
55 ais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expres
56 e souvent le public), ils préparent l’avènement d’ un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la pe
57 évidence cette courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a
58 courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la R
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
59 (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’ une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les
60 d’une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
61 ns le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant fun
62 Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous
63 modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antérieures protestatio
64 soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’ un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il n
65 ures protestations belliqueuses. Il nous montre «  des Français qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’
66 ançais qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tien
67 puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’ une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était de
68 t responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir con
69 il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le gé
70 de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’ une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « h
71 « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’ une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les voul
72 eurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces
73 mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’ un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, n
74 u front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas une pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute,
75 e signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute, parfois : « On craint d’être injuste en décidant si… cette abs
76 maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Mont
77 cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse v
78 c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que
79 uerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout u
80 « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la pa
81 Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’ un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre
82 is —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu. Une soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dan
83 dmirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir
84 ester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’ une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une
85 uée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’ une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la to
86 e de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’ un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
87 on, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos espri
88 érir. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un manifeste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la signif
89 ns d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la b
90 Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psych
91 e. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’ une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît q
92 éalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule att
93 ientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’ une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matiè
94 . Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette co
95 re cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se lir
96 livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? »
97 ront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logi
98 ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mai
99 me seraient-elles perceptibles que par le fait d’ une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je compren
100 étrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages
101 il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson s
102 poétique » qui, avoue Rimbaud, entre encore pour une grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d
103 i scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’ un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification
104 s. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’ une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
105 lectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemm
106 ment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’ un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’ex
107 Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’ une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendances e
108 semblent avant tout morales. Les tendances encore un peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des r
109 out morales. Les tendances encore un peu vagues d’ un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus
110 n groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus réelles. On souhaite qu’après faillite faite, les su
111 es surréalistes trouvent à montrer leur talent en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’un désespoir exaspéré, com
112 en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’ un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, ave
113 éclat de rire d’un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pou
114 avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qu
115 L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommag
116 : Aragon, Éluard. Sans oublier Breton, enchanteur des images qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de, « [Compte
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
117 août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié
118 e sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la
119 de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’ une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec éviden
120 e la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une p
121 itiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu int
122 eunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des grou
123 ncères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle,
124 égètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait c
125 racle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s
126 llet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouisseme
127 u jour où cette consomption frénétique terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aus
128 x. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte bi
129 ions qui suivent sa courte biographie fournissent un meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu cha
130 nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’ une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Va
131 pectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’ une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougem
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
132 , « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livr
133 se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valé
134 à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St Jo
135 récision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit
136 n plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit naguère en province liq
137 ohn Perse. On le vit naguère en province liquider des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les f
138 des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à a
139 s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
140 ahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions
141 de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne d
142 ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qu
143 on maître : « La marquise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autr
144 permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligen
145 crit pas un roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au pu
146 n trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur l
147 sur le ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c
148 s paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provin
149 train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le
150 ir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des lut
151 ndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore
152 dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méf
153 ieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lev
154 du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homm
155 , ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le
156 du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent
157 ent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les
158 clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’ un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une i
159 avait là les éléments d’un grand roman : autour d’ un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des per
160 autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologiqu
161 te envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologique. En fermant le livre o
162 rûlant, une intrigue puissante, des personnages d’ une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’impr
163 qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un ro
164 nce de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale da
165 style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la p
166 n soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaisse
167 œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a te
168 reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’ une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réus
169 te que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intel
170 ssi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de,
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
171 . La littérature de ces dernières années n’est qu’ une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquê
172 énie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’O
173 r dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’ une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est pe
174 t, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confront
175 uer cette confrontation seulement qu’on a imaginé un péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture
176 n en parle, la vraie « question asiatique » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jou
177 tique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devr
178 peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’ un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis
179 es savants européens qu’il le devra, tandis que d’ un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gré
180 . Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réact
181 connaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée d
182 Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occid
183 . Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une vale
184 ion vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’ une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agi
185 » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait va
186 par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversité — peut-ê
187 vain de tenter un classement parmi les réponses d’ une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui composent
188 onclusions tirées de points de vue semblables, qu’ un esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un
189 e et organisateur d’occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et
190 rs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la s
191 t la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveil
192 eiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de
193 t inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à la suite d
194 me, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’ une supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa de
195 le défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte
196 n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations
197 t des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’ un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qu
198 ri. M. Massis, par exemple, qui cependant produit un grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas
199 l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre :
200 ins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l
201 s le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amen
202 si étroitement particularisé pourtant, à l’usage des Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents,
203 s…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ag
204 nt, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que l
205 e rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
206 ffolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle.
207 iant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de,
208 « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
209 925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contr
210 r le contrôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans 
211 s nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un sa
212 qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un saisissant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de p
213 il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’ un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
214 ute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ;
215 œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette
216 évidence, elle a cette beauté froide et massive d’ un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent se
217 eauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et auss
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
218 ï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau des auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européen
219 ittérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannst
220 auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1
221 tre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisso
222 que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rend
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
223 alité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. S
224 ir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je
225 es meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’ une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’u
226 nt d’une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problè
227 tites touches précises des types d’après-guerre d’ une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le m
228 la Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, il
229 s les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dan
230 t un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « b
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
231 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonn
232 eptembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’im
233 ndonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugement, humour léger,
234 critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de
235 que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupati
236 elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la pers
237 Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’ une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois
238 irandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intim
239 tendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux
240 Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’ une volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imp
241 r obsédante volonté. Car on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de
242 ’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’ une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques,
243 trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’ une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de g
244 ’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’ une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’
245 laisse la même impression de grandeur désolée qu’ un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
246 ais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont
247 pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « 
248 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
249 . M. Seillière cherchait dans l’époque romantique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement
250 que un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’ un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne
251 erne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre cor
252 i il insiste sur le fait que Vinet se déclarait «  un chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de
253 Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’ une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on s
254 it trouvé. Mais sa position purement chrétienne — un mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M.
255 ère — me paraît infiniment plus forte que celle d’ un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement pro
256 plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’ un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui p
257 ui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle,
258 . Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
259 e la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simpli
260 et homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas famili
261 lennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque
262 é qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’ une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige
263 notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots d
264 Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jo
265 dation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et au
266 un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très
267 … Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicité
268 dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait «  des complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il
269 te sait « des complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purem
270 ourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais ban
271 ive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la desc
272 le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’il
273 seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent des cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur or
274 nent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur des pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
275 Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle
276 (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littératur
277 acle bien passionnant : celui de la renaissance d’ une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération polit
278 ause, puisque pour mener à chef cette libération, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet,
279 que pour mener à chef cette libération, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’
280 yer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’ une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait pr
281 , révolution tout de même, ne pouvait produire qu’ une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, com
282 et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de par
283 Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’ un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Tér
284 admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commenta
285 es amusants portraits et ses commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
286 oit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de
287 irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de, « [Compte rend
288 ont Denis de, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décem
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
289 le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut ti
290 mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau
291 ance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’ un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole,
292 bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme r
293 e ». M. Walpole, dont nous commençons aujourd’hui un roman bien différent, a vu la Révolution sans romantisme, dans le dét
294 ution sans romantisme, dans le détail de la vie d’ une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de
295 dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’ un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître
296 llions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement acco
297 oici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité
298 alpole leur a dévolu le soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit
299 e soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les i
300 té secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra
301 aliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu fai
302 ste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim to
303 avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim toute leur vie… Markovitch, derrière sa vit
304 e moujik devant le bolchévique violant sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révo
305 ermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque i
306 même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un en
307 à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il
308 est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste.
309 t avec une méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses
310 nt en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov, un cynique secrètement tourmenté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
311 philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que nous promet le gro
312 l’aula, devant un très nombreux public, la série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la p
313 onférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qu
314 e la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison d
315 e façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et so
316 la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part p
317 au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très vit
318 Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de die
319 tion des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, fav
320 preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’évolution s
321 s le même sens. On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alor
322 choses antérieur. Donc l’Église continue à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous pro
323 faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’ un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les cathol
324 ère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de
325 ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de
326 nque pour louer comme il conviendrait la clarté d’ un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétie
327 ses conclusions cette sécurité dont trop souvent un brillant appareil dialectique ne sait produire que l’illusion. C’est
328 e du fameux scrupule protestant, qui ne peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé p
329 nger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’ un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Confé
330 , comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Conférence Guisan », Suiss
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
331 e sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans un progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont p
332 sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en un bonheur possible ou désirable subissent cette rage désespérée de cour
333 , catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir e
334 able. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre un ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une
335 profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’ une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneur
336 lques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’ une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notr
337 a pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les homme
338 civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mai
339 neurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mais on a si souven
340 vent l’impression qu’ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux me
341 ait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’ un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients
342 . Je parle en général, sachant bien qu’un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temp
343 ions nouvelles. Toute la jeune littérature décrit un type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument
344 un type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est e
345 st encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel o
346 xcitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est un dilettantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
347 ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi
348 ns Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre
349 Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer.
350 isation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’e
351 complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hor
352 épéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain
353 s, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux ba
354 sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagu
355 Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en
356 oires s’affrontent comme des vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une un
357 L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices t
358 d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent ave
359 çades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur des deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille ent
360 la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdumen
361 uels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne
362 r. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent,
363 it plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-mê
364 s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit p
365 i pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver
366 pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rech
367 tion de rechercher ici les origines historiques d’ une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les prob
368 en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
369 e — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-
370 vons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’ une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-ê
371 seule permet la suivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à
372 et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plai
373 les plus aiguës prennent la place d’honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées.
374 crée que contre quelque chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
375 — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’ une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspil
376 lut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochell
377 ien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » —
378 de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus
379 otre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût, un Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moin
380 Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « g
381 es « grands problèmes », et le voilà reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans d
382 , pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
383 a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir,
384 veille un désenchantement qui l’amène au besoin d’ une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — pl
385 ène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerr
386 précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir
387 dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes
388 el du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais
389 use secrète des inquiétudes modernes : la perte d’ une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’
390 e regarder chercher, absorbant son attention dans une sincérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂
391 éséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amen
392 serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions
393 d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries mo
394 chée à chercher dans le seul moi les fondements d’ une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « défo
395 e éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’ une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague
396 la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments
397 ile une tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’
398 heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espè
399 s toute vérité, nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
400 ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’i
401 t inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’ un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutiss
402 , de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’ une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritur
403 aises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
404 ’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalist
405 les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent e
406 Gide et Aragon nous montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre
407 rent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et
408 que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ; n’attendan
409 nt rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais
410 is qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre é
411 que de notre époque. Mais Gide est responsable d’ une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et
412 t le début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes
413 tion : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect d
414 je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mai
415 us fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’ une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
416 es conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on reno
417 à mentir. On en vient naturellement à considérer un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l
418 certain immoralisme comme la seule vertu digne d’ une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes
419 opre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’ une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psyc
420 e ne vais point nier la fécondité psychologique d’ une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousser u
421 urs si proche de certain mysticisme. Mais pousser une vertu particulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’on a
422 ères conséquences suppose qu’on ait perdu le sens des ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
423  : dégoût universel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
424 rsel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue imm
425 s, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’ une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nu
426 fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanic
427 se. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les m
428 des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.
429 n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des sur
430 ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréal
431 les plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression mé
432 veux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidi
433 tions, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mie
434 ns, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
435 t ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens soc
436 frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensem
437 individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de
438 etrouver le sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
439 quer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’auj
440 libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons
441 ue leur lassitude : sachons au contraire profiter des démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littérai
442 aucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien
443 l Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Ori
444 l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quel
445 e la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celu
446 se recueillent encore dans l’attente angoissée d’ une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux don
447 ils décrivent le tourment dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra le moment, détourne
448 ourner les yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumièr
449 es ces petites misères, en compose d’un seul coup une grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
450 s, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — p
451 ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écri
452 talement. — Alors, vous croyez à l’action sociale des écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fai
453 qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature 
454  », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout e
455 veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’ une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences li
456 er, et en fait l’on se contente d’une violence, d’ un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont
457 ait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’ une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangere
458 expériences littéraires sont plus dangereuses que des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la libe
459 éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (J
460 Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies
461 vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o.
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
462 ean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouv
463 vril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’ un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Fl
464 orence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion m
465 », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme u
466 n mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaqu
467 nte encore après tant d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant
468 en brèves notations lyriques suivant le rythme d’ un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir
469 dus du désir et de la prière. On sort lentement d’ une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’
470 a rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’ une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs style
471 ble avoir hésité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Ste
472 ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout c
473 Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même lyrism
474 t cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les
475 ssions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jo
476 erait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ;
477 ences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la
478 us reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans
479 elques chapitres inspirés presque littéralement d’ une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
480 rt l’évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de
481 purement lyrique, sa progression accordée à celle des événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au cou
482 s poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve,
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
483 Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des thé
484 rand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez
485 plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes
486 vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionn
487 musant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripét
488 péties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’ une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être
489 iption du milieu patricien que dans la création d’ un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lir
490 d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme
491 on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent
492 un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte
20 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
493 emps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première pa
494 cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut i
495 a première partie des conférences, les Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. Raymond de Sauss
496 igieux admettent à côté de l’explication mystique une explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M
497 ant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions phi
498 ux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on monta suivant M. A. Lé
499 oderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un de
500 s pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A.
501 l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A. Reymond malheureusement indisposé, M. Pierre
502 nd malheureusement indisposé, M. Pierre Maury fit une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui
503 e de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. P
504 lut en montrant la nécessité et les difficultés d’ une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait
505 s milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, q
506 Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se
507 que nos syndicats. Cercle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la p
508 radante condition, et nous n’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez
509 l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursuit hors du village une discussion toujours
510 r un ballon ou bien l’on poursuit hors du village une discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le mond
511 monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au
512 On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de
513 vrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs sui
514 is entre un banquier et un philosophe au milieu d’ une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle q
515 suisses et français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis d
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
516 ilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)r Un léger flirt avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut
517 ur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît l
518 t du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger…
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
519 )s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de
520 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la d
521 divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La pr
522 t une argumentation à coups d’exemples vivants qu’ un véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le styl
523 u’un véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans pa
524 e suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop c
525 développement un peu théorique mais intelligent d’ un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières
526 d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteu
527 mmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C
528 qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Cécile-Claire Riv
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
529 ite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les mat
530 pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admir
531 ne luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
532 iste. Mais tandis que la plupart en sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils
533 ’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie »
534 s qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’el
535 s physiologiques dont la pauvreté le rejette dans une angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui
536 t créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre
537 oir rien d’autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile c
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
538 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau s
539 au soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions météorolo
540 r un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions météorologiques du succès d’une telle rencontre : tout all
541 rtance des conditions météorologiques du succès d’ une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée
542 nse, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Aprè
543 oi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’ un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arrive
544 ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où on
545 ux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’ un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut
546 offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’ une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attend
547 e salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attendraient en vain le lever d’un rideau sur une pièce in
548 ur des paillasses attendraient en vain le lever d’ un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit app
549 ses attendraient en vain le lever d’un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître un faki
550 tante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative en pleine forêt, où
551 oir, l’on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative en pleine forêt, où Henriod debout sur un tron
552 libérative en pleine forêt, où Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équ
553 de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner trè
554 ions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pendant lequel le philosophe Abauzit chanta «
555 bauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’ une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des p
556 ule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtre, vint
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
557 la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouv
558 phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géom
559 géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions no
560 l ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pour
561 n plan ni dans le détail des rues. Congestion : «  un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une
562 000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par
563 le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre l
564 ect comme sous les autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Cor
565 s autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise so
566 meux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate par
567 s de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades morda
568 s mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’ une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu ou b
569 nt d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme
570 d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du
571 du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous in
572 armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadr
573 suaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construir
574 s villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’ une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc
575 e-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’ un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur a
576 rismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les
577 us les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et
578 verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans f
579 coupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitée
580 uyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparen
581 des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entoura
582 hauteur, entourant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
583 urs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé pa
584 des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé par l’Architecture avec les ressources de la plast
585 eu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’ un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chan
586 pour créer avec ses moyens matériels formidables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus
587 lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l
588 ale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fo
589 Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace architectural lumineux à la place de nos cités congestionnées,
590 ongestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la r
591 tre tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de h
592 ène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expres
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
593 Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si
594 usés. Nous choisissons les idées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter,
595 ce de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots comm
596 ci, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres
597 ied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d
598 désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faib
599 utres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’ un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vienne
600 ontradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’ un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ;
601 ndre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’ une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je
602 ue le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible e
603 d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’ une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d
604 e devins si faible et démuni, livré aux regards d’ une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir un s
605 bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une
606 us paraissaient détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sen
607 ple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi un
608 je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me
609 damentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ai
610 que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amert
611 plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes d
612 me temps que je le découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna s
613 confiance sourde aux contradictions intimes exige un acte victorieux. Autour de cette brutalité s’organisaient brusquement
614 s tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence.
615 ant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeun
616 pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agi
617 tés, c’était ma liberté agissante. J’allais plier des résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur to
618 ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’ un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se
619 à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’ une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleineme
620 eureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière
621 ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’ une révélation vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne recevra
622 r l’âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il
623 verai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai le
624 ur cela seul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construc
625 rs la destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence d
626 hoisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de co
627 ois établies par le concours de l’expérience et d’ un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscie
628 tionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne
629 attre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volo
630 illis un peu de connaître ; et de cette volonté d’ un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sin
631 onnaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’apparaît
632 sincérité. La sincérité m’apparaît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m
633 ît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps
634 tat qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et dema
635 rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où
636 comme elle veut une conscience. Je fais partie d’ un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’em
637 sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine
638 ne, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5
639 e, quand je médite sur une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentime
640 titudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un
641 ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’
642 fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’emporte de nouveau, premier gage du divin… Repren
643 dre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces
644 mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser u
645 ant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme u
646 s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscilla
647 ure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses
648 mi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin l
649 lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’ un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’il
650 nent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’ un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; j
651 corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez , mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. C
652 iens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi,
653 chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’
654 nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —,
655 lue, « scientifique » me paraît aller contre fin. Une attention trop directe et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi
656 spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de
657 s qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en
658 sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne
659 adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expériences ratées on
660 tées on puisse encore se persuader de la vérité d’ un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C
661 ader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis compr
28 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
662 our lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entrep
663 t de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entreprises par les générations pr
664 un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entreprises par les générations précédentes. Parce qu’ell
665 s dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’ un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenant
666 , qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de
667 ntinuer leur œuvre, comme une découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négativ
668 s lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit ni
669 ’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis lo
670 rouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en
671 essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussi
672 articulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’aute
673 et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai s
674 eau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive
675 s « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception
676 qu’il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme no
677 iments », où l’on est en droit de voir le germe d’ un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moderne
678 Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « princi
679 a psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exe
680 oint si dangereux, il nous propose l’expérience d’ un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « pen
681 propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’ un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’act
682 ence d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’ un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la
683 sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du rom
684 unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du roman. Fernandez en f
685 ais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule une théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien util
686 ntir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce dé
687 osophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encor
688 certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son
689 s conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nett
690 quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiq
691 nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle
692 t les premières contributions à l’établissement d’ une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « [Co
29 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
693 e violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il faut que certaines voix en moi taisen
694 x en moi taisent leur protestation, étouffées par des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’épr
695 d trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce
696 ’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de t
697 ur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un n
698 s de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée,
699 réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestra
700 ouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’ une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèm
701 e thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’ une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était pérille
702 richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’ une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il
703 et était périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de f
704 on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de v
705 comment montrer des taureaux sans que cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant res
706 peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme
707 le palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondiss
708 irecte sur notre énergie physique. Partout rôdent des présences animales. Tandis que sur la plaine s’élève le long beugleme
709 ndis que sur la plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux ent
710 e le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », i
711 des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans
712 tendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tê
713 la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vach
714 y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se
715 chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens «
716 es qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’à
717 nt amoureusement, des chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèche
718 s chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèchent alternativement,
719 nt alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et l
720 e la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la d
721 les taureaux cet amour tourne en adoration ou en une véritable horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’il devra com
722 une véritable horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud
723 aligaud ! » Il l’apostrophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cil
724 bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés par la lumière desce
725 cendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient un reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Null
726 nconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un ly
727 manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le M
728 sa destinée. Quelques secondes encore elle cligna des yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu
729 on. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement
730 ent les articulations grinçaient, avec le bruit d’ un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à
731 vec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’hom
732 erlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de gran
733 , de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confond
734 es taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
735 eut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et
736 je le trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour f
737 idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rê
738 certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autr
739 r fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’ un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là
740 is ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste d
741 Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devie
742 n moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avo
743 e sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’ un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne
744 est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’ une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page
745 ue page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de viol
746 ux de violence et de passion, c’est la présence d’ un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, a
747 nt sans fin, avant que d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi fa
748 être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’ une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qu
749 ance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève direc
750 que lui. Certes, il ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être
751 rd dans son être intime l’en empêche, le préserve des états d’incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à
752 le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’ une telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver d
753 nse plus. On comprend qu’une telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intellig
754 ce des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de
755 ». Mais cette personnalité dont il manifeste avec une magnifique insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’être é
756 n témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des athlètes en action, un tel livre communique une puissance physique, u
757 exaltation ? Comme la vue des athlètes en action, un tel livre communique une puissance physique, un mouvement vers la vie
758 e des athlètes en action, un tel livre communique une puissance physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîn
759 , un tel livre communique une puissance physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan d
760 vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ou
761 er l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir tr
762 ue d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obs
763 ligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Dés
764 n. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille précisément aux trois-centres nerveux, et sa victime « une s
765 sément aux trois-centres nerveux, et sa victime «  une sympathie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, p
30 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
766 illet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des
767 ent » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés —
768 « crépuscule du monde occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
769 os cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse
770 mière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craint
771 de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses hab
772 et son passé, en curieux avide du secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’êt
773 avide du secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que c
774 l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psyc
775 hapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auque
776 l nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l
777 me orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusa
778 pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement une sensibilité protestante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
779 tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bie
780 meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposi
781 Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que d
782 n livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’
783 z ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une b
784 S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’ une politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contrast
785 Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréduct
786 t une beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir p
787 ge ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme,
788 e paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons
789 t. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et en
790 vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit l
791 e M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire
792 sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à un péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là
793 r là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne com
794 manque pour parler comme j’aurais voulu le faire des deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais
795 ulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supérie
796 u volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de
797 les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux h
798 ur édifier aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don d
799 plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certai
800 on de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume
801 n accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’o
802 ’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieu
803 a personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici,
804 le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligen
805 à ses origines pour garder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, juger ; préférant obsti
806 à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicates
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
807 ptembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant :
808 porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvr
809 ire que le livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
810 e de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille f
811 i supporté mille fastidieux détails techniques et des délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans
812 désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires,
813 ment dans les prairies célestes, pour avoir donné une grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit n
814 ues et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur de
815 je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hen
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
816 Soir de Florence (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façade
817 derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vo
818 r. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nou
819 trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions se
820 euls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long des quais sans bancs pour notre lassitude. Florence s’éloignait derrière
821 romenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’a
822 comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du li
823 es, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous ma
824 nt du fleuve, parmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle
825 rmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie plus r
826 s où nous étions baignés nous promettait pourtant une connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blan
827 aissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’el
828 hanson jamais entendue qui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avan
829 s un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une
830 l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’ un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de
831 y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romant
832 ’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans un
833 arlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit n
834 … nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur d
835 bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tan
836 ie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’i
837 Vivre ainsi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plaint
838 Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux
839 ’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lo
840 sir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de se
841 musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps
842 it sacrilège, comme une barre droite au travers d’ un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces minu
843 ide, parfums à peine sensibles, bruissement vague des roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie
844 ux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proc
845 is la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous
846 ières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa colline
847 ine. Derrière nous, les arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable po
848 illent dans une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où
849 pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes co
850 ns ces bords où conspirent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouon
851 parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette brume, une vie étrangère, une paix qu
852 ecouons un sortilège pénétrant comme cette brume, une vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gou
853 e pénétrant comme cette brume, une vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, car
854 entir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heur
855 ans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parl
856 à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’un repo
857 s faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’ un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais n
858 user dans nos corps charmés d’un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons la ville d
859 debout dans ses lumières. Architectures ! langage des dieux, ô joies pour notre joie mesurées, courbes qu’épousent nos ferv
860 açade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’ un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’im
861 sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des
862 er, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les
863 la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y ava
864 et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie
865 les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous
866 s hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l
867 un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’e
868 formes devinées dans l’espace nous environnent d’ une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gest
869 nt d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin les notes mêl
870 s. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’ une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un
871 peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et le
872 bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu
873 t qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose un mystère qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la pl
874 roisée propose un mystère qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les caf
875 qui pleure délicieusement jusque dans les gestes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir
876 e et monotone nous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir
877 tuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, polit
878 tiques, regards, musiques — cette vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences —
879 vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des
880 es intelligences — tous les tableaux dans le noir des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
881 onnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendance
882 ifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’e
883 es de mannequins, les tendances contradictoires d’ un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque d
884 aiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature,
885 que dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire succombant sous les allégorie
886 le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de
887 l trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à fair
888 nt l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ». y. Rougemon
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
889 oquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’ un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les c
890 mbre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font u
891 le charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les coule
892 e, une atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un
893 s couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi, Henri de
894 Henri de Closain, quitter le domaine enchanté où des amis très fins, précieux poètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’
895 s souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’ un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar
896 ls qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fu
897 ssion ironique qui lui convient, mais ici mêlée à une émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter qu
898 eur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’ un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alf
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
899 , La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous so
900 (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres
901 qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et c
902 étonne non sans quelque aigreur, et critique avec un mépris tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa d
903 ste sans conviction, et sous sa défense on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit
904 s sa défense on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiéta
905 e, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe «  une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et cell
906 passion apparaît dans notre ordre social « comme une adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action
907 tte confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous
908 à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir ju
909 qu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’ un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion,
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
910 Avant-propos (décembre 1926)a b Une mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par
911 nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait e
912 ment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons
913 ndons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle r
914 ns pas procéder à quelque sensationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant
915 ses…   Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous
916 use en publiant cette revue. Nous ne sommes pas «  une revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
917 plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre rev
918 fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’ un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine…
919 mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propos »
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
920 e de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tir
921 e ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — pro
922 de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous
923 e moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures
924 — la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétu
925 douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout
926 oisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désinté
927 bé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui
928 e, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nou
929 te opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que nécess
930 aire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondémen
931 calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = s
932 sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérat
933 i renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sinc
934 fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalism
935 incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions
936 concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérat
937 té. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans
938 a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pit
939 ion réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Q
940 on rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt
941 r exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments,
942 tions, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aura
943 . Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le
944 s. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par u
945 on esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte
946 attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir
947 oint : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que
948 actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Par
949 finies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouil
950 ue de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent d
951 oilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces chos
952 hesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes
953 Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à
954 où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse
955 ne image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du pass
956 e quelque chose, c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon p
957 a méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout u
958 onviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont le
959 ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un
960 e serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du
961 et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis
962 ent peu à peu, une aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusqueme
963 gitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant
964 évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’ un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi
965 s à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chao
966 Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre s
967 purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveil
968 dentes). Rivière définissait la sincérité comme «  un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait da
969 st ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un
970 cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître.
971 d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait
972 gée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas q
973 ut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son inté
974 ement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne se
975 ficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le
976 c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romancie
977 de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à cr
978 s romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imp
979 t de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’ une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontai
980 imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux.
981 serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas des Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il
982 uand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bientôt, incapac
983 acité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans q
984 de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincér
985 lier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteu
986 sirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Ê
987 ent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est
988 foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite
989 eux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne —
990 e des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de c
991 ême à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir s
992 r lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de
993 r donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se
994 le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma j
995 aque minute de ma joie est plus réel que celui qu’ une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la
996 isie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloure
997 lante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore
998 ais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visibl
999 t, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffi
1000 désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le r
1001 tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fo
1002 ceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aim
1003 e… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’ une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait u
1004 émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant q
1005 se proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un am
1006 un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possessio
1007 ourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne
1008 que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme o
1009 igurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
1010 me au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre
1011 e arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gên
1012 d’une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les dé
1013 iscrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus
1014  ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde.
1015 nte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merve
1016 s merveilleuses duperies cela suppose. Mais c’est une honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce c
1017 ant et secret assujettissement au moi idéal exige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire qu
1018 assujettissement au moi idéal exige une politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilit
1019 rivisme, et séduction dans les salons. Constater une faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité c
1020 salons. Constater une faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli.
1021 u en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si
1022 it accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour êtr
1023 ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’ une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on t
1024 e qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que t
1025 sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non
1026 pposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’
1027 derne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « Et certes qu
1028 parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (Re
1029 ture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’ un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c.
38 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
1030 Dés ou la clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’un semblable système. » M
1031 ef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’ un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le
1032 t l’absurdité d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café
1033 é d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais
1034 se et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’ une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommatio
1035 e de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’étais seul
1036 de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien
1037 n peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attendent
1038 u bureau, les gages insupportablement familiers d’ une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro,
1039 e de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’ un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu
1040 prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
1041 nc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond :
1042 s divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de las
1043 ignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver.
1044 me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me
1045 rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si bel
1046 le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se
1047 pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant
1048 r livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement vers la
1049 agique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraîtr
1050 vers la mienne et s’assit sans paraître me voir. Une grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal
1051 se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en
1052 de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens
1053 j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite automobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soup
1054 mobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de c
1055 oupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journ
1056 jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement,
1057 il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timid
1058 tai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère exaltation : — Vous avez gagné, c’est admirable, ah ! mon Dieu
1059 Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’ une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâm
1060 e agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il dem
1061 me enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commenç
1062 vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’ une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-m
1063 t ma raison effarée. L’étranger s’animait aussi : une fièvre faisait s’épanouir sur son visage je ne sais quel plaisir crue
1064 son visage je ne sais quel plaisir cruel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers l
1065 de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’ un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confianc
1066 qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je ga
1067 urir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « person
1068 s tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousu
1069 orte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Ma
1070 ut seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’ un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voi
1071 ilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu te réjouissais, parce que tu n’as pas bea
1072 tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complè
1073 à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme
1074 e à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et
1075 ls ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’ une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs l
1076 és, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude,
1077 st toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’ une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon
1078 ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginen
1079 t une angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qu
1080 aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
1081 soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une te
1082 ût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Le
1083 resse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique n
1084 ma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une
1085 umée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’ une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle
1086 Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un dernier enjeu. Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’eff
1087 tte rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’ un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder
1088 r, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient follement au-des
1089 lames lumineuses dialoguaient follement au-dessus des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied dél
1090 mais rien… (sinon qu’au lendemain je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paro
1091 ie… Ah ! plus amère, plus amère encore, saurai-je un jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de
1092 e un jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef
1093 l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts appliqués, architecture,
39 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
1094 qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’ un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les
1095 nthousiasmer il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres f
1096 paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une
1097 e folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet o
1098 écution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnag
1099 la liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte,
1100 e. Il le proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents int
1101 en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement é
1102 lents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin d
1103 ts, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littér
1104 ous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un ly
1105 zarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de ju
1106 tigantes et quelques sombres délires, des pages d’ un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses
1107 pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’ une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’a
1108 ir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor d
1109 l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d
1110 ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une vérita
1111 hallucination du décor des capitales, créatrice d’ un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne »
1112 , créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’ une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de
1113 le « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle
1114 dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer d
1115 passant par la description réaliste ou imaginée d’ une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le mei
1116 ption réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’ une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’aute
1117 imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’ un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’e
1118 illeur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Ne
1119 eur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval
1120 . J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non pl
1121 l Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’
1122 n Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démon
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
1123 ux amours perdues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qu
1124 roide, En souffrance mes baisers. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’e
1125 ves Où sourient quels anges fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme o
1126 fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. d.
1127 pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
1128 me le démiurge venait de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégr
1129 compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par exc
1130 rintanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne s
1131 diquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, leque
1132 s le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s
1133 enir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un  ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approcha
1134 e — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte d
1135 d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant consid
1136 ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’es
1137 rès un grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction qu
1138 ique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale.
1139 tèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale. f. Rougemon
42 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
1140 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circul
1141 res, aux tire-l’œil. Lors : Lewis, sifflant comme un fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommei
1142 e tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose des complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
1143 é, le train dépose des complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage comme
1144 gides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveil
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
1145 e, la décristallisation progressive et réciproque des conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’
1146 nts. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amou
1147 de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal
1148 solement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant
1149 un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’ un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à di
1150 re. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper l
1151 ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’ une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de r
1152 acques, il souffre d’une incurable adolescence, d’ un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer
1153 omme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combie
1154 entions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressent
1155 récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n
1156 er seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de disc
1157 ne nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’i
1158 ce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la
1159 t, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
1160 la Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Pay
1161 harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans vi
1162 t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la ju
1163 a justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’ét
1164 le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
1165 , c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’ une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre
1166 nte et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
1167 adère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie,
1168 coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages
1169 sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’ un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, do
1170 brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’ un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac
1171 ps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’ une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de,
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
1172 sement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’ une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de
1173 emands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fai
1174 ut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour
1175 rogrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du
1176 non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’ une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptue
1177 damentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ame
1178 désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amo
1179 ites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’ une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui v
1180 le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les
1181 ar elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un
1182 Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce q
1183 sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cet
1184 de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez fac
1185 t, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’ une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvo
1186 , février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
1187 moiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’au
1188 .) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se
1189 . Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné
1190 s rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pou
1191 les détourniez soudain comme pour vous arracher à une obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon d
1192 je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma p
1193 heur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on vo
1194 re répondant au mien, comme on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
1195 on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait,
1196 sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous dis
1197 es danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empress
1198 ait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’ un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une
1199 issiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir e
1200 s empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait,
1201 it, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardo
1202 taines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le ja
1203 œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais
1204 bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me sou
1205 mmeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les la
1206 dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée.
1207 s fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici que
1208 ordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
1209 col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, od
1210 re pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nu
1211 . Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un
1212 tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tou
1213 ne chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
1214 t enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’ignorais
1215 bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner un rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des
1216 thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascense
1217 ent : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’ un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’é
1218 ans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la prem
1219 éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je p
1220 en face de votre bel ami laqué, souriante… Enfin, un peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans
1221 partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui vena
1222 prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières des boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds d
1223 ide : déjà les lumières des boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fati
1224 ces élans réticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l
1225 s de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avai
1226 encher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous r
1227 ais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être ét
1228 r. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Le
1229 de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement p
1230 he de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés
1231 vait contracter mon visage. Je promenais sur tous des regards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’a
1232 es les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes
1233 uit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant
1234 pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement
1235 ar bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’e
1236 s s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume
1237 t que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’ un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait p
1238 e je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de,
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
1239 par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de
1240 dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul sym
1241 rphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y déco
1242 certé la possibilité. Orphée, par exemple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
1243 ple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages
1244  Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il pré
1245 mbe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inco
1246 ir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée
1247 ste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des E
1248 Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du
1249 — « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on décou
1250 est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la f
1251 , s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que
1252  » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalis
1253 uvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à
1254 pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce
1255 tes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrét
1256 acob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette
1257 œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout.
1258 l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un d
1259 dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialo
1260 ion et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obten
1261 s expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style par
1262 imum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le dé
1263 ages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d
1264 fin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d
1265 auvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique q
1266 e, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble
1267 une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il v
1268 d’en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l
1269 cher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’
1270 ie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l
1271 se, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je
1272 Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui au
1273 azette de Lausanne . Et même il appelait Orphée «  une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas ta
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
1274 Décembre L’époque s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pa
1275 re quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font
1276 qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la res
1277 Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calc
1278 oirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s
1279 evue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d
1280 rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d’ une apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement
1281 à propos d’une apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et
1282 l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, d
1283 édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doigt
1284 sez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : «
1285 là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
1286 orreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui ha
1287 t fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an d
1288 dée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
1289 rable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit en
1290 nissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’
1291 ’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène un scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit
1292 ans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a
1293 u milieu de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
1294 dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Na
1295 largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de
1296 fin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la
1297 martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final
1298 ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres j
1299 ine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté un accent, Mme d’Assilva deux actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Lou
1300 ctrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et une mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
1301 ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut tre
1302 de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, s
48 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
1303 Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conféren
1304 de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnan
1305 di soir à la Grande salle des Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controve
1306 es Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de
1307 Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceu
1308 ès bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le pl
1309 causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de
1310 n même temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après a
1311 ême temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir
1312 que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente
1313 re ; puis ce sont les conseillers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champval
1314 ers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surtout Madame de Main
1315 el, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreu
1316 e pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, «  un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse
1317 les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effraye-t
1318 aire croire à une très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigrat
1319 ’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On espère bien converti
1320 . Mais bientôt l’on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’ac
1321 sion d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont l
1322 à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédi
1323 aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine
1324 orel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, qu
1325 IV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’ une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. Roug
49 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
1326 927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’ un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des
1327 volution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval a
1328 tisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeun
1329 ent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long…
1330 rde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’ un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour por
1331 homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâce.
1332 ux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un d
1333 ges pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’ un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Au
1334 ncontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle
1335 Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour
1336 sitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa
1337 tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais c
1338 is. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ».
1339 ène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’ une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les env
1340 tre aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui co
1341 on prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
1342 dmirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ess
1343 sions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou
1344 e à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’ un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il m
1345 ieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessi
1346 e éclater dans un cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs
1347 ’agitent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger
1348 même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancolie. C’e
1349 ’or, un désenchantement profond prend le masque d’ une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous éch
1350 une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont
1351 a sourde tristesse des choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le se
1352 hoses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seule
1353 , lettres perdues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
1354 ées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). M
1355 spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre un personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’oran
1356 la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et dé
50 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
1357 Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imagi
1358 e programme comprenait : un film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La
1359 ort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très
1360 e de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je v
1361 par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classi
1362 ues sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolit
1363 du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C
1364 de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du
1365 complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude su
1366 en habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). «  Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où d
1367 éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clign
1368 des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent l
1369 le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que d
1370 he gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que des villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une col
1371 nt au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratt
1372 itesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met
1373 puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur f
1374 orniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flo
1375 se de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire su
1376 00 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une col
1377 ujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un d
1378 ire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par in
1379 , par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles
1380 ces, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont
1381 e leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé…
1382 ues à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement
1383 ns mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le c
1384 ection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadair
1385 ment bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronne
1386 lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de
1387 Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis
1388 e la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard.
1389 e cercueil roule dans les marguerites, il en sort un chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-
1390 raînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis
1391 rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma
1392 ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin, un agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis-je, s
1393 t : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines s
1394 « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scène
1395 le monde où le cinéma doit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritab
1396 de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’es
1397 -être le premier film où l’on a fait du ciné avec des moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le g
1398 le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour
1399 cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est l
1400 Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa matu
1401 ens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà
1402 éjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle gen
1403 maginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’ une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au ci
1404 ucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photogra
1405 ien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
1406 étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette,
1407 r moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant un commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosio
1408 racle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvem
1409 inéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’e
1410 enti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un t
1411 de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en
1412 enne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je n
1413 pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est une réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pe
1414 ormal » nous apparaît alors comme l’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faib
1415 ’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitud
1416 ia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir
1417 op faibles — bornés encore par des habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédia
1418 rréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’ une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une
1419 -être qu’une question d’imagination ; il reste qu’ un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premier
1420 ination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
1421 te. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous f
1422 nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemo
1423 surprise dans l’exploration ivre d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de, « 
1424 un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’élog
51 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
1425 es que son intelligence très nuancée maintient en une sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont p
1426 admirant Maurras sans l’aimer ; saluant en Valéry une réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par les t
1427 par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’ une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solutio
1428 mistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi
1429 la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdica
1430 trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’ une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligent
1431 cation. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Ha
1432 ion nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’an
1433 » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui cond
1434 f de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’ un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les
1435 négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « position
1436 nt que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’ un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais,
1437 el-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui
1438 mes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’ un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en
1439 i. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’ un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
1440 e beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’ une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes l
1441 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une
1442 e Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui déd
1443 révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement
1444 sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresq
1445 astique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresque. — A
1446 n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On
1447 us l’appel vertigineux du Silence. On nous montre des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien
1448 ine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l
1449 s aux vertus, c’est un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pri
1450 amné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et d
1451 vait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font enc
1452 laidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’az
1453 font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
1454 écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis
1455 , d’une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
1456 e l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : «  Des mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne compren
1457 us avez dit : « C’est incompréhensible ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car
1458 réhensible ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux excite
1459 c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de pl
1460 brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue.
1461 t de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « 
1462 ris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édif
1463 ur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quit
1464 n fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’auro
1465 traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici e
1466 itique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’ une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré ta
1467 ue littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant d
1468 compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
1469 ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infin
1470 us naissons à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous les dégui
1471 sme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos dernie
1472 ur nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croi
1473 au rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rie
1474 dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénie
1475 rer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte
1476 e qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moye
1477 qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comm
1478 ut sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux q
1479 issance d’un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sen
1480 t pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport
1481 e, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est q
1482 viens de retrouver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute
1483 lon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est a
1484 ’une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, qu
1485 icule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce
1486 tant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en
1487 estable « séduction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je
1488 our un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comm
1489 ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plu
1490 t comme un Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensu
1491 plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, un
1492 Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails ( un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du s
1493 set triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu
1494 pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’ un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transpo
1495 as qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est de
1496 us acerbe, plus profond. En somme, et avant tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirab
1497 us profond. En somme, et avant tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti litt
1498 un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrag
1499 ent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Monther
1500 . « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrai
1501  » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’ un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et c
1502 pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et
1503 rait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétor
1504 vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’at
1505 ressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix se
1506 e vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs d
1507 ement les auteurs de manuels de littérature — : «  Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans le
1508 gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil des hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quell
1509 nt, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’ un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par
1510 moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parc
1511 autel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité
1512 plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne
1513 Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’ une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je
1514 etient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un or
1515  ; si je dénie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je
1516 droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique
1517 on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un cr
1518 démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa r
1519 visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
1520 il à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2
1521 uère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une anci
1522 noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le
1523 oi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos tr
1524 quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Mons
1525 chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus
1526 a Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. E
1527 ait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique, un peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la M
1528 La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui cro
1529 eau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de t
1530 ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « 
1531 elle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassur
1532 mne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » p
1533 eur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme une vieille courtisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’humeu
1534 d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aure
1535 é que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’ une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques ce
1536 u. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour
1537 au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capit
1538 quiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne po
1539 ents. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’o
1540 des discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la quatrième dimension.
1541 ommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait
1542 n.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant
1543 a limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution pe
1544 ès grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qu
1545 Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher
1546 a sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de cer
1547 pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de ré
1548 tait devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins e
1549 us perdrait corps et biens dans sa grandeur comme une femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureus
1550 cette femme à travers toutes les femmes. C’était un vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂
1551 uve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gram
1552 i rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça P
1553 , n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi
1554 s tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette
1555 on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons des affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait
1556 alisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, a
1557 hème à condamnations par contumace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationa
1558 ternationale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand n
1559 e, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir u
1560 er quand nous écrivons Révolution, et nous offrir un billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, en
1561 tive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vai
1562 plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère
1563 nse fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au
1564 n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux d
1565 ns vos langues aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le gra
1566 amez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les
1567 asive : nous sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien
1568 ù naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est p
1569 sident de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est l
1570 liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes son
1571 curé chez les riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus
1572 riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelqu
1573 nce et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
53 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
1574 La maîtresse d’École Au printemps pur comme une joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit p
1575 s pur comme une joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes
1576 femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels so
1577 iques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à l
1578 emblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec
1579 du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui
1580 eil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa re
1581 , elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant
1582 t trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone
1583 c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse
1584 us nous comprenons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait
1585 ons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P.
1586 … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duche
1587 de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très rem
1588 abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, comp
1589 exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon c
1590 au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos.
1591 son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des
1592 tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui
1593 ide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glace
1594 rs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fu
1595 s du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et des violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux care
1596 sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les s
1597 orait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive d
1598 Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaien
1599 i les statues, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes
1600 nsive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se rep
1601 u pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des o
1602 dre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucemen
1603 l respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le sole
1604 merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Juste
1605 ut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’ un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. E
1606 somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis
1607 je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’au
1608 heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est
1609 regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi —
54 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
1610 elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être pré
1611 elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes
1612 r parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons au cours de cette promenade à travers notre domaine artistique. Domai
1613 ingulier. Nos artistes, en effet, n’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que
1614 mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qu
1615 insi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliqu
1616 procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
1617 ent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snob
1618 rdinales, et qui forme ailleurs le premier public des jeunes artistes, n’existant pas ici, le peintre se trouve placé d’emb
1619 s s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport ind
1620 t dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable d’une consécration étrangère. Un jou
1621 à nous revenir munis du passeport indispensable d’ une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
1622 eport indispensable d’une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez
1623 pprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchan
1624 es retentissent de touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration
1625 llera cette consécration bien méritée du talent d’ un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une
1626 » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’
1627 orde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’ un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faill
1628 u monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’
1629 ns, auxquels pourtant nos circonstances confèrent une actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a m
1630 à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne
1631 a peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémuni
1632 de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’
1633 ômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’ un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente C
1634 stes neuchâtelois, je vous présente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. I
1635 il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
1636 natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, pl
1637 il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y a
1638 sso que Matisse ; mais il y avait encore du flou, des courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À
1639 illes, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est l
1640 batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent de
1641 st livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme
1642 théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
1643 nir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’ une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il
1644 ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère. Cette cour sans issue, cette tulipe bizarre, cette t
1645 ombien l’épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il
1646 ures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontair
1647 n petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’ un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec
1648 la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c
1649 qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
1650 décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
1651 ière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres.
1652 mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il gliss
1653 re une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conra
1654 l’attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astre
1655 use rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
1656 i manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour
1657 autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa pla
1658 elois. Actuellement, Meili achève la décoration d’ une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce pa
1659 de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’in
1660 et par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la rédu
1661 , mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’
1662 la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
1663 San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes
1664 u de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prenne
1665 et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chev
1666 l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait
1667 on tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’ un , du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures di
1668 garçon aux allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu
1669 rètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’ une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a
1670 chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’ins
1671 uveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans t
1672 einture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’ une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette,
1673 ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces facil
1674 lleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratique di
1675 ire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa tech
1676 s. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut
1677 etient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser da
1678 Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuv
1679 . Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Lou
1680 és, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout.
1681 dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais
1682 la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il s
1683 et sait rendre mieux que personne la liquidité d’ un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calm
1684 tant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’ une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les c
1685 passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’un
1686 craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’ une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui
1687 ne école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ;
1688 nt l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensa
1689 à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’ une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà i
1690 dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples
1691 ge de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient
1692 e revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassura
1693 avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’ un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était,
1694 nn) des dessins d’un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui co
1695 umbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulen
1696 ffirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des
1697 t une période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents é
1698 ntermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’ une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient avec
1699 ns des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient avec un certain mauvais goût au milie
1700 rdonnée, des rouges trop violents éclataient avec un certain mauvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme un qui n’a
1701 auvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme un qui n’attendrait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une ch
1702 ait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se
1703 ême. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureu
1704 s encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une a
1705 s formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûrement ordonnée.
1706 de lueurs sur une matière traitée largement et d’ une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attend
1707 ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » ch
1708 lui sans cesse des possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa f
1709 . Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore ch
1710 à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en ass
1711 ux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’ un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communi
1712 du poids et nulle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de
1713 ssion de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore p
1714 plus « Renaissance » : le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe devant le vis
1715 le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livr
1716 insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime ca
1717 les Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages
1718 se ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soien
1719 pe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’ un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis v
1720 i). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux pe
1721 raud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins
1722 ce l’expression. Décidément ces trois frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous
1723 ément ces trois frères sont une école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais ret
1724 ue nous saurons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et no
1725 s quelques années d’avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André E
1726 s dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mai
1727 il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il
1728 nistre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec le
1729 atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez une toile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doi
1730 s. Vous retournez une toile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie,
1731 ile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une mac
1732 t un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpét
1733 it être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’ une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est
1734 quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur un
1735 perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lu
1736 Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se
1737 tte fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans tr
1738 t un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cel
1739 dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature,
1740 s en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de
1741 igué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’ une épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’un
1742 titulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’ un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces mo
1743 ourquoi pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le
1744 lles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention q
1745 ont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machi
1746 ouverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier
1747 ir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant asse
1748 ute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’ une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que
1749 re. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravai
1750 es dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’ un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réalis
1751 ci dans son costume d’aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu
1752 errin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en que
1753 i qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une d
1754 nèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’il atteint d’emblée
1755 t ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans
1756 é et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plu
1757 pre. Depuis, Léon Perrin semble avoir évolué vers une plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du
1758 surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style
1759 ilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissa
1760 r les sujets et un style qui sait rester ample, d’ une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut adm
1761 encore que Perrin décora naguère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et cri
1762 nt, peintre, romancier et critique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fa
1763 omancier et critique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et q
1764 compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine d
1765 ussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’ une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tablea
1766 bine de petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusement féminine, une élégance aiguë. Notre revue
1767 és, avec une ingéniosité délicieusement féminine, une élégance aiguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du
1768 plète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de
1769 avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trou
1770 e par de naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifes
1771 guer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccupations décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la form
1772 qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’ un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œ
1773 activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réa
1774 busier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un
1775 simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être
1776 un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais qui
1777 éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais qui révèlent tout de même une orientation générale vers u
1778 tériser une école, mais qui révèlent tout de même une orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les f
1779 vèlent tout de même une orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas
1780 ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements c
1781 quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment a
1782 ons fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’ une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à
1783 t la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une
1784 t trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’ une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à
1785 ays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant
1786  ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douceurs secrètes. 7. Publication dont cette revue entretenait réce
1787 e neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
1788 Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutal
1789 un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’ une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lec
1790 urtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive d
1791 obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, aust
1792 nd. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses
1793 oresque dans la description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bo
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
1794 difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur
1795 icile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de d
1796 rnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout d
1797 humaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’ une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illus
1798 ncérité ne serait-elle à son tour que le masque d’ un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment
1799 st pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce
1800 tes et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de l
1801 e hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. a
1802 s l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de, «
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
1803 e plus séduisant, le plus dangereusement gracieux des noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il v
1804 noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’ un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’au
1805 nt au bord des verres, se posent sur les cordes d’ une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
1806 rdes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler d
1807 ’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’ une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches
1808  bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’ une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile
1809 la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa
58 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
1810 ’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore un  ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisan
1811 l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un . Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arri
1812 utres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés
1813 une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus to
1814 ndre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit q
1815 alvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’a
1816 autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui co
1817 sance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté
1818 eut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien
1819 de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et
1820 un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les qu
1821 ns capitales posées ailleurs depuis longtemps par des maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieu
1822 littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redon
1823 d’avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notr
1824 otre civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat deven
1825 e civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « 
1826 rtain, brutal : mais faisons-lui confiance, voici un homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
1827 evaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit
1828 Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans
1829 maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur se
1830 normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque êtr
1831 méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque, une femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’ét
1832 ur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un s
1833 emme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, j
1834 soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrange
1835 it tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses chev
1836 avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec une terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie.
1837 vait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un sil
1838 n amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’e
1839 vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la
1840 rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plu
1841 uron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à
1842 mi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une directio
1843 gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fu
1844 dieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumi
1845 t la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier
1846 j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon
1847 père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me rega
1848 étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un inst
1849 rasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… J
1850 et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues
1851 … Je me levai sans payer, je partis par les rues, une joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obsc
1852 t je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bou
1853 t luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafo
1854 d. Après deux tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré p
1855 une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’ un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses g
1856 glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bate
1857 les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
1858 laires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand por
1859 alcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Médi
1860 des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en siffl
1861 à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Qua
1862 je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
1863 rpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du has
1864 de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une l
1865 t de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’ une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au prof
1866 qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurém
1867 vait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le res
1868 vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous l
1869 né c’était un bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de conc
1870 us les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je s
1871 être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’ une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu
1872 s de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel j
1873 ’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l
1874 — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la
1875 oire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vi
1876 m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour
1877 dresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant,
1878 en… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de c
1879 riété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’apr
1880 et j’en vérifie les manifestations vivantes avec une prodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où
1881 able intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’es
1882 ’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je
1883 point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisante
1884 tit alors que la bienséance l’obligeait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette
1885 it pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «  Une chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compli
1886 bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas san
1887 appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de
1888 la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vo
1889 dre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point ra
1890 dre geste convenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à décou
1891 châtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées é
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
1892 à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et d
1893 à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques d
1894 donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », éc
1895 e sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
1896 Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il
1897 mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou de
1898 demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne
1899 ous paraissent entraîner assez naturellement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tou
1900 t de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour
1901 : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait des autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait
1902 ette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait arti
61 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
1903 Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous
1904 it livre, vous partez en chantonnant le titre sur un air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise
1905 ympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’ une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-
1906 nerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comm
1907 rdez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintena
1908 Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’ une si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Girar
1909 s sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer
1910 e des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Cl
1911 sants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car i
1912 d’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pier
1913 onheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa
1914 ôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par
1915 ter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
1916 sychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions q
1917 ent épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne
1918 s lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunéme
1919 hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncl
1920 out cela est sans importance, car voici « l’heure des petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques désertes gl
1921 l’heure où dans les bibliothèques désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rouge
1922 te rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juill
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
1923 cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pyt
1924 ison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dit
1925 s de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors
1926 oi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise. Un peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérité
1927 que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous su
1928 audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand p
1929 découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami po
1930 composez un cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », di
1931 n guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup
1932 ambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. E
1933 e citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’i
1934 ette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glis
1935 se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème o
1936 t d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aim
1937 mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple
1938 r de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au ba
1939 posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisi
1940 nt ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute
1941 sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra
1942 n vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m
1943 raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ?   La vie ! —
1944 a bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîch
1945 otre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire
1946 ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois en
1947 refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage
1948 e avec certains Orientaux cette croyance : nommer une chose, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je
1949 , c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
1950 elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que
1951 is un collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens
1952 s — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler litt
1953 l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle litté
1954 lère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’
1955 raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépr
1956 e que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres
1957 de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faud
1958 actions, ou des états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus i
1959 t parfois des actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous écha
1960 percutantes. Qui vous échappent en vous blessant. Des choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêch
1961 en vous blessant. Des choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante s
1962 es dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses
1963 re rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des prés
1964 qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans
1965 d catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques
1966 pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots
1967 ats de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant
1968 — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier
1969 l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous
1970 e véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psyc
1971 point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains ét
1972 ychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de
1973 quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réac
1974 de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mo
1975 e. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réa
1976 ète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient d
1977 c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureus
1978 défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi
1979 e connaissance véritable du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par att
1980 du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérire
1981 nscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversatio
1982 cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre
1983 merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’est plu
1984 tion, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
1985 ntherlant me paraît être le moins « littératuré » des écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’
1986 parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du mé
1987 ous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités
1988 ardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la de
1989 é. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’ un autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; ma
1990 ue je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’ un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jam
1991 reton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous
1992 chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à pour
1993 us ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, l
1994 pour leurs instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles t
1995 s, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent leurs bureaucratiques
1996 tions que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide
1997 s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jou
1998 . Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera t
1999 sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoi
2000 e Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verri
2001 est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir
2002 oire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous co
2003 rvir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’ une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allon
2004 r ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde
2005 and Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 177
2006 que. — Là ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans q
2007 près « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d
2008 », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’
2009 eur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie d
2010 leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand,
2011 t des romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
2012 unisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tou
2013 évère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement p
2014 révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hu
2015 tre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affr
2016 ocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin myst
2017 viste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous rév
2018 es Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, d
64 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
2019 rme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il
2020 mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde p
2021 ctuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeun
2022 et, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de vo
2023 de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qu
2024 andalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. (« 
2025 jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble qu
2026 r troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeu
2027 tes somnolences par des cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les ma
2028 t puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compri
2029 nève et son mystère. Car chaque année, renaissant des décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers ré
2030 iers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Q
2031 Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le
2032 ix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de G
2033 la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gill
2034 on, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et mêm
2035 SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred
2036 et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tan
2037 t surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On
2038 Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité des plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-t
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
2039 s que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à
2040 dres, peu à peu, se précisent les circonstances d’ une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune »
2041 d’une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une
2042 demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’ un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme mé
2043 jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’ une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son a
2044 de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils
2045 me médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le ré
2046 s deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’ un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent tr
2047 ler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une r
2048 te nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la symp
2049 e l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adr
2050 a hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer res
2051 nce. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d
2052 te ces adolescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine.
2053 une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’ une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’un
2054 tion du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec
2055 e. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’ une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvrerie n
2056 il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement,
2057 grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement, papillon dont frémissent encore les ailes i
2058 « cette vague poésie involontaire, intermittente, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressus
2059 nte, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su
2060 é à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le « charme » reprend quelques droits.
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
2061 er l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de R
2062 , de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage a
2063 rler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve pr
2064 ui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une
2065 dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’ho
2066 terprété ». Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est pe
2067 ilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez cert
2068 en découvre chez certaines femmes et l’on y voit une préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement un
2069 entale qui touche à la névrose ou bien simplement une clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une scien
2070 ce exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’ une science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la p
2071 ompris que cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je
2072 t pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres
2073 xpérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déj
2074 ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens des réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religio
2075 s — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’ un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raiso
2076 preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous
2077 ental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazet
67 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
2078 Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, s
2079 (décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dan
2080 7)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Ré
2081 ttre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et u
2082 Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier ( un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des di
2083 Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitat
2084 t un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc.,
2085 êves, réactions physiques, etc., qui accompagnent une création littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp
2086 verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
2087 vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’ une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a d
2088  », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhom
2089 littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de
2090 aucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit d
2091 me est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’ un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent
2092 mbat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « inte
2093 aussi (presque imperceptible, mais ici décisive), une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui —
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
2094 ibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est
2095 premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment,
2096 de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée
2097 pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situ
2098 d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais
2099 y a encore la princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette es
2100 incesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collabora
2101 e Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un com
2102 rope centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’ un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trô
2103 ment prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’ un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, u
2104 me Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la
2105 liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme qu
2106 une ironie assez amère qui étonnent de la part d’ une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le
2107 s une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle
2108 llances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poé
2109 el… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début p
2110 alise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne
2111 et de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibe
2112 sse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple. a
2113 rs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’ un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prince
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
2114 oire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore,
2115 s d’une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation généra
2116 Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps
2117 cette organisation toute-puissante n’est plus qu’ une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
2118 i et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux
2119 is près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être d
2120 ar éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une absurdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-il fait fausse r
2121 ntraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte hu
2122 ésert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le
2123 passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherche
2124 ent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous
2125 péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer l
2126 aine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’ une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suff
2127 ’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est
2128 fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit
2129 enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événe
2130 » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperç
2131 grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la constru
2132 es étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première a
2133 nt : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temp
2134 nicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d
2135 nique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en a
2136 n année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
2137 , ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’ un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
2138 t de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouv
2139 ique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent
2140 qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’es
2141 ux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les grie
2142 . Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquel
2143 squels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les
2144 monde, seule méthode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’
2145 Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cel
2146 ours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’
2147 l’on comprendra sans peine la popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourr
2148 popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il,
2149 il. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne
2150 que — soit conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Considérons-la sous cet angle. Il y a d’abord la
2151 e d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisation
2152 propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambi
2153 oduction, avec cette netteté et cette décision qu’ une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en m
2154 e d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut
2155 s. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrai
2156 isse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit to
2157 soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’
2158 de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’ une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’a
2159 u, la production devant se maintenir, il n’y a qu’ une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le clie
2160 gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement
2161 l ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses vérita
2162 omperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préser
2163 ir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans un article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y
2164 uris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage
2165 ister qu’en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se d
2166 se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’id
2167 ue l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en exclure toute considération de finalité
2168 alité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant
2169 ie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que
2170 éalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici des déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines
2171 considère pas les machines Ford simplement comme des machines. J’y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à f
2172 des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les homm
2173 ncrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salut par l’a
2174 les tracteurs, mais composent en quelque manière, un code universel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
2175 ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », ap
2176 r que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet o
2177 et orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de l
2178 ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des p
2179 alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital
2180 ssianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un sim
2181 uelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle es
2182 que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’hom
2183 r ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir oblig
2184 able, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut fai
2185 us le soleil » derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
2186 derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de cho
2187 paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit
2188 eté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’e
2189 donne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur d
2190 ire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n
2191 Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. No
2192 éritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ?
2193 un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affai
2194 rs, on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette per
2195 on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte d
2196 thique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place. Les
2197 .) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fo
2198 tre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans
2199 fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois p
2200 tre, l’homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il se
2201 au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine l
2202 e des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une
2203 sine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, sou
2204 lus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il
2205 encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docileme
2206 la s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus
2207 chéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps
2208 lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact
2209 ar là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
2210 ir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
2211 ains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné une auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne l
2212 e la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien
2213 tal a prétendu maîtriser la matière et parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles qu
2214 une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne don
2215 ir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne somme
2216 ne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant
2217 iennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est
2218 l fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté de
2219 fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
2220 histes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences e
2221 lté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec ce
2222 a technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vi
2223 elque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui gardent, par quelle grâce ? un peu de cette c
2224 s savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risquerai
2225 nt comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugi
2226 he de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette
2227 t Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’ une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la pér
2228 itude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire uto
2229 à la période préindustrielle soit autre chose qu’ une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
2230 l n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquel
2231 esser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se
2232 quelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré, devenu presque
2233 se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellect
2234 ns sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dile
2235 eté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les li
2236 te, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
2237 Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à
2238 ’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Enten
2239 ais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’ un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au r
2240 que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressemble
2241 u vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles pe
2242 rité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept heures du soir : le moment étai
2243 à la Russie et au sifflement des balles perdues d’ une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le p
2244 s pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’ une frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui
2245 n moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’ un désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’at
2246 de même qu’atteignant certain degré d’intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on pense généra
2247 ant certain degré d’intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on pense généralement le contraire.
2248 te et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes.
2249 n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’ un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis senti
2250 ais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
2251 ue je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’
2252 , en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’ une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une
2253 re — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’ une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que suscit
2254 fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’ un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des vi
2255 cite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héro
2256 ette plainte heureuse des violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est u
2257 anc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords
2258 ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une ha
2259 e la pureté où vibrent par instants les accords d’ une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je com
2260 e harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui dem
2261 ne langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais sans doute évadé
2262 ejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’ un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la
2263 onné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voi
2264 ême en devient moins brutale. Elle rôde ici comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où
2265 tesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’ une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles
2266 , mais inconnus. Voilà que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amo
2267 eau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est une chose singulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est une chose s
2268 e quitter… — C’est une chose singulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cet
2269 ngulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes
2270 ndit-il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous
2271 mprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle da
2272 Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passe
2273 e de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de po
2274 al et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un échange tacite suff
2275 es amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’ un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gé
2276 xe les Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas f
2277 fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amus
2278 peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n
2279 malgré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de V
2280 ré les apparences, cette vie sentimentale est une des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de Vienn
2281 épourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se
2282 . C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette vi
2283 caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres ra
2284 probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progr
2285 le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de s
2286 de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fi
2287 nnoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est
2288 ttribuait à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art
2289 que de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nat
2290 idélité véritable est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des ge
2291 et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde
2292 és. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le
2293 e ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’ une femme — au plus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était-c
2294 ts différents. Toutes les femmes qui m’ont retenu un instant, c’était parce qu’elles évoquaient cet amour, c’était parce q
2295 ès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’ un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jus
2296 me… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans le
2297 ue dans les choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dir
2298 et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une
2299 monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleu
2300 euse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelqu
2301 s. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets ro
2302 passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieu
2303 précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitableme
2304 elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs
2305 urs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote
2306 l n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Géra
2307 -Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tann
2308 anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée de
2309 isse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des fem
2310 rd bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous e
2311 ntez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir —
2312 miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’on vient chercher ici avec le premi
2313 je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaien
2314 citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “
2315 t que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et
2316 ures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à
2317 e schillings, dans un décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité.
2318 banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des
2319 sure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux
2320 que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent pl
2321 Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La
2322 la démocratie des plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes au
2323 éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe mauve, avec t
2324 parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’ une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement bag
2325 tiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec un sentimen
2326 trêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est deve
2327 rient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’un tango. Notre encombran
2328 » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’ un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gé
2329 es mesures d’un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas m
2330 ins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’ un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois d
2331 us conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec une certaine pitié : « Chère enfant, dit-il doucement, pauvre colombe dép
2332 ra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y eut un moment pénible, comme toujours lorsqu’un peu de simple humanité vient
2333 orsqu’un peu de simple humanité vient interrompre une comédie aux attitudes convenues et donner l’air bête aux acteurs. Pui
2334 sités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et mali
2335 e proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’ un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la
2336 s but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je
2337 dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne r
2338 notre sang. Nos pensées devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’in
2339 sibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous r
2340 ices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissou
2341 Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. To
2342 nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était refl
2343 tait reflet, passages, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qu
2344 à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est un ciel suspendu assez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un
2345 sez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une p
2346 é joue très doucement. Nous sommes assis autour d’ une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
2347 enne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’ un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, c
2348 lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs s
2349 nd d’un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargi
2350 reil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fonden
2351 s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sentiments qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarna
2352 tes dans la même minute toutes les incarnations d’ un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéi
2353 ltanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’es
2354 e songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères que nous croyons seules réelles, illusions des refl
2355 agères que nous croyons seules réelles, illusions des reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre
2356 des reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa
2357 et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et
2358 e sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai dra
2359 son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et
2360 est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent au
2361 , des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes les f
2362 plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voi
2363 ilm où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : « 
2364 es correspondances, chaque geste, chaque minute d’ une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sou
2365 eurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lie
2366 Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompe
2367 e de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’a
2368 qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dan
2369 un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait pr
2370 rs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant le porch
2371 ng, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisa
2372 a neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’ une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du
2373 avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soin
2374 tes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’ un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied s
2375 rop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’ un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de c
2376 autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et a
2377 cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’inclina
2378 vers les voitures, les hommes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux fac
2379 baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’anciens
2380 ressemblaient terriblement à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse d
2381 t le manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait des insole
2382 trêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait des insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empil
2383 x noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit
2384 Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’
2385 t fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres.
2386 s, sur une femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, a
2387 i s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
2388 t toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’autrefois
2389 ce se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument silencieuse
2390 nt baissés. Déjà on criait les journaux du matin, des triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de
2391 erie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis de, «  Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littér
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
2392 ituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’ un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suff
2393 en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie.
2394 ptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’e
2395 voir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équati
2396 mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniques deviennent de
2397 ellement dans la lune, ou bien descendent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes g
2398 elle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desque
2399 nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprun
2400 ion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’ une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un
2401 dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’une conception de l
2402 jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’ une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus
2403 ption de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psy
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
2404 urvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon
2405 t beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose.
2406 eaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’e
2407 livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités local
2408 the, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître
2409 ement passée (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ce
2410 is donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sa
2411 rcher plus loin, dans ce silence où l’on accède à des objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de, « [Com
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
2412 lectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou n
2413 nt trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement mé
2414 leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté,
2415 jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’i
2416 Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est cert
2417 ros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le sn
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
2418 organisation et le sabotage. On y découvre le jeu des tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces at
2419 es représentent deux manières de sentir l’unité d’ une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nationali
2420 le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstrai
2421 ées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en h
2422 décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution d
2423 eurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’ une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoise
2424 révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
2425 tante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’ un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
2426 oute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement object
2427 ement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que
2428 scussion d’idées. Il est surtout la description d’ une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse
2429 passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité
2430 orces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers cont
2431 tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
2432 c son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ét
2433 tre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tir
2434 « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce
2435 qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’ un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su
2436 aux nuances assez troubles du personnage central une résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasar
2437 absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’i
2438 oindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Gu
2439 raphe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résol
2440 n livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort adroite
2441 un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’ une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis de,
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
2442 e Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’ une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit pri
2443 d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plu
2444 i disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession
2445 egrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être
2446 oit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a
2447 n a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour
2448 confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai »
2449 us vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’ une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge q
2450 logie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détest
2451 duire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’ une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cart
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
2452 Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire
2453 ? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa petite part. On
2454 en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore
2455 un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n
2456 rise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, ent
2457 ué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquo
2458 ce des autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de
2459 celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout ins
2460 — ne tarde pas à devenir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage
2461 les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire décourage
2462 lus secrètement à son aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête
2463 face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poup
2464 e suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant
2465 des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue br
2466 il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au pass
2467 de au restaurant, le nargue brièvement au passage des autos, le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’a
2468 le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est pa
2469 ystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hyp
2470 erche une révélation et n’y trouve que le désir d’ une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a pl
2471 rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’ég
2472 rstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la
2473 nt de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se cons
2474 e soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se tra
2475 hane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il n
2476 raie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’ une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur
2477 crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’ un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines.
2478 un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui unit la phrase suivante a
2479 sidérations précédentes lui échappe, qu’il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée per
2480 ane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifique, par doute méthodique, par b
2481 . À chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle
2482 chaque regard dans notre miroir, nous perdons une Eurydice . Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est
2483 tre la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas une vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. U
2484 ort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : « Il faudrait br
2485 ais en vérité. Peut-être te reconnaîtrais-tu sous un autre visage. Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir un cen
2486 Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce
2487 c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre a
2488 aines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus e
2489 cools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un
2490 échange de pensées au même titre avec une amie d’ une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de c
2491 é de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd da
2492 l se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusi
2493 s : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verrerie
2494 plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fen
2495 it : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comment o
2496 Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
2497 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement a
2498 e se sent désarmé et légèrement absurde en face d’ un récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
2499 en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait
2500 Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répon
2501 l faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’ un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobio
2502 né du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’ un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sou
2503 aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anders
2504 nnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
2505 nquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tand
2506 êves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un po
2507 aisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités
2508 s sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes,
2509 e, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque
2510 amour de l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff —
2511 bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souv
2512 us méridional des conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres
2513 raient le couplet humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de
2514 humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cet
2515 avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sour
2516 et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie s
2517 ources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si
2518 ette époque je croyais fortement en l’existence d’ une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insiste
2519 conspiration pour insister sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et le
2520 les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais
2521 que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’ un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se sec
2522 prochais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’ une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin,
2523 ous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moder
2524 on, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
2525 onde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homm
2526 sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à c
2527 de l’élever à la présidence de la République. Qu’ un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assass
2528 du] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
2529 « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des cha
2530 anvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler le
2531 roid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand
2532 oin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Bel
2533 turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entr
2534 ue cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religio
2535 6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éterne
2536 ugemont Denis de, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribour
80 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
2537 orance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
2538 ilosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
2539 out technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
2540 s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de fo
2541 peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
2542 aïf dans le monde moderne : individu qui soutient des idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
2543 tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
2544 . Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
2545 ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
2546 ute, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss, des bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
2547 ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’ une voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
2548 crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
2549 un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’il tradu
2550 : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
2551 e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins j
2552 valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certai
2553 apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
2554 rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
2555 r. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
2556 nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
81 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
2557 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
2558 croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
2559 eusement séparer les calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
2560 ar une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
2561 robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
2562 après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
2563 cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
2564 auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée.
2565 hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le ta
2566 s, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par l
2567 tapissier par le prix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
2568 t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
2569 ? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
2570 leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
2571 ’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
2572 tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
2573 d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
2574 petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
2575 uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
2576 des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
2577 en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
2578 le repas, et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
2579 qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
2580 carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
2581 , les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
2582 ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
2583 automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
2584 jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
2585 oins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
2586 e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
2587 certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
2588 ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien ces promenades en tena
2589 … L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’ une dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance : les sé
2590 fance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
2591 À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette, avec une sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la
2592 loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
2593 alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
2594 voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements des élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
2595 e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
2596 iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
2597 et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
2598 ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
2599 « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
2600 cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
2601 e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
2602 Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels des Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de
2603 s Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
2604 varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
2605 e la règle de trois, aussi profondément certes qu’ un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
2606 ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
2607 sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
2608 tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
2609 te : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
2610 , si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
2611 le seul pour lequel on nous préparait —, c’était un système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
2612 imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des esprits moyens, prosaïques et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les ch
2613 nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
2614 grossières » comme celles qui touchent à l’action des étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
2615 s par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
2616 édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’ un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
2617 l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
2618 e pour nos rêves. Nous arrivions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
2619 vions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
2620 et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
2621 pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
2622 la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
2623 Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
82 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
2624 amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solut
2625 l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’ un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuit
2626 solution de continuité, la différence n’étant qu’ une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
2627 je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
2628 ut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
2629 u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
2630 nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
2631 ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
2632 , à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
2633 a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
2634 r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
2635 que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
2636  et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous parle avec respect et trémolo d’u
2637 ge, quand on vous parle avec respect et trémolo d’ un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de
2638 nstruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’ un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils
2639 e ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils
2640 e sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute des vers sur la violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerv
2641 s sur la violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées moder
2642 e de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espécialement sur la pédagogie. C
2643 es sujets, espécialement sur la pédagogie. Ce mot revient souvent dans sa conversation ; il le prononce avec un inimitable séri
2644 ouvent dans sa conversation ; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent que c’est là son aff
2645 ; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot es
2646 e. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot est M’sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, re
2647 même maladresse professionnelle. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « 
2648 . J’en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
2649 magine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant
2650 prègne l’enseignement primaire constitue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
2651 e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
2652 tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
2653 certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école
2654 a voit. Après les personnes, le décor. La laideur des collèges n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’archit
2655 itecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
2656 ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
2657 urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
2658 l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant un refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
2659 de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
2660 ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
2661 jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un  : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
2662 n est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
83 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
2663 solument personnelles et qu’elles ont la valeur d’ un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un pe
2664 plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution passionnément détesté
2665 l serait plus juste de dire que la passion n’a qu’ une clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin,
2666 nsiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’ une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici a
2667 nt de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’at
2668 pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est un cadre, ou plutôt un moule, dans lequel on verse les matières les plus
2669 ramme a) l’horaire : c’est un cadre, ou plutôt un moule, dans lequel on verse les matières les plus hétéroclites, sans
2670 es disciplines se succèdent sans transition, dans un ordre absolument fortuit, de manière à prévenir toute concentration d
2671 n branches bien distinctes. On attribue à chacune un certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire te
2672 eviennent obligatoires. La somme et l’arrangement des parties doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit
2673 ité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir
2674 il suffit pour établir ce programme de disposer d’ une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser
2675 e de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’ un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires
2676 ’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’ une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propremen
2677 mment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de co
2678 cune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences dont on écrit les noms dans
2679 re la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences dont on écrit les noms dans les casiers. Est-ce que l’étude
2680 ticulièrement indiquée pour préparer les élèves à une composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. Le bo
2681  naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de
2682 fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se tro
2683 disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur
2684 n’a point accordés à l’actuelle division horaire des journées… Monsieur, répondent les fonctionnaires responsables, vous s
2685 eurent pas. Les examens Ce sont en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes ép
2686 trôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doive
2687 re ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen un peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sport, la t
2688 elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’un loin
2689 ournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’ un lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fournis
2690 n lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant
2691 -vous pas honte de vous faire rappeler sans cesse des vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme des connaissances De
2692 des vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme des connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et d
2693 ’égalitarisme des connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui
2694 ssances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (rés
2695 fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), découle cette exigence théoriq
2696 pe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranquille méconnaissance de la nature humaine. L’histoire enregistre
2697 de la nature humaine. L’histoire enregistre bien une ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître q
2698 nnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extension universelle et un caractère obligatoire. L’école exige donc
2699 songé à leur donner une extension universelle et un caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralentiss
2700 à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand
2701 idien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que
2702 impartial, par sa culture intensive et extensive des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précéde
2703 ar sa culture intensive et extensive des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus ou
2704 n instrument le plus parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’un
2705 us parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le bon
2706 el. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’
2707 résumé clair et portatif des résultats actuels d’ une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans sa
2708 a réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on commence par apprendre le résum
2709 avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles.
2710 elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavag
2711 le, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves l
2712 rcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’ une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où so
2713 La discipline On conçoit que la réalisation d’ un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’où
2714 on d’un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’école. M
2715 ception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La
2716 fort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération absurde, une généralisation si schématique et superficiel
2717 petits. Là encore il y a une exagération absurde, une généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd
2718 line perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’ une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouf
2719 éducatif et n’est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité
2720 quines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès de cette vertu. La d
2721 xcès de cette vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose
2722 ertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyens su
2723 rimaire forme des gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sé
2724 , petites crottes noires et blanches qui marquent un peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui to
2725 ’accord sur ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instr
2726 n de développer les vertus sociales de l’élève. «  Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Ju
2727 les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente
2728 e classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’
2729 bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’ une salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à
2730 té, panurgisme, concurrence sournoise, admiration des forts en gueule, — tout cela qui deviendra plus tard socialisme, morg
2731 de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a
2732 que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent u
2733 , dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain
2734 perfectionnement civique qui assure l’écrasement des plus délicats par les plus vulgaires ? L’idéal du bon élève Le
2735 u’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver susp
2736 s…graphes…graphes… Enfoncés, les perroquets. Dans une composition sur La Neige, Victoria X, 10 ans, écrit : « C’est l’hiver
2737 pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure
2738 st supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie
2739 l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie appartient mani
2740 lle cherche à développer chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui
2741 chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être
2742 ants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans doute quelques «
2743 ur avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’ un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales.
2744 promission sociale établie) et cueilli au passage un grade universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cou
2745 tations, où se « baptisent » les hommes d’avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la face épanouie
2746 avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de vill
2747 es illustrés la face épanouie quoique énergique d’ un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifi
2748 ’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière. Mais ces brillants météores ne troublent pas beaucoup
2749 de comparer les bons élèves de diverses classes d’ un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de
2750 montrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-
2751 utes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de vo
2752 contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui
2753 sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines scolaires : « Les épaves scola
2754 lines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’ un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellectu
2755 un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au
2756 rtains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’ une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal (il
2757 alité, comme si toutes les familles constituaient un milieu délétère ? 6. Justice démocratique, égalité, légalité, sont l
84 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
2758 réformiste Bien entendu, tout cela a été dit. ( Un peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère pour entr
2759 établissement où l’on s’efforce d’enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contr
2760 eigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute la ligne avec l’en
2761 On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où il y avait non-
2762 ce, on a voulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a cr
2763 un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’enfants » où l’on a
2764 ombera dans des absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans
2765 emple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle d
2766 fants, et réciter par cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la
2767 rcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’ un métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école acti
2768  », tous les verbes déponents ; désormais l’étude des verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le
2769 mais l’étude des verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, o
2770 ouloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ; un autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisième lèvera la
2771 la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas une lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’elle
2772 comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux
2773 sément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’ une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur
2774 es ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’ une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a pour s
2775 t a pour seul but de faire avaler la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second
2776 nes. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf
2777 es résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf que par la méthode nouvelle on atteint l’enfant plus pr
2778 . « Instruire en amusant » peut être la formule d’ une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’e
2779 Enfin, je n’aime pas qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cul
2780 plus élevé. On cultive les petits d’hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant
2781 ants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’ un produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant
2782 ieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les
2783 . Néanmoins je soupçonne dans tous ces mouvements des possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du
2784 possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindr
2785 rignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, d
2786 r, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignemen
2787 d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la pe
2788 e au maître antique, dont toute la personne était un enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celu
2789 ersonne était un enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celui-là seul favorise le développement d
2790 enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celui-là seul favorise le développement des individus, qui
2791 isciples. Celui-là seul favorise le développement des individus, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose une semenc
2792 e développement des individus, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose une semence spirituelle. Qui sait ?… En att
2793 , qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose une semence spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’il faut attendr
2794 ur les principes de l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils
2795 our échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs des Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la fave
2796 n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’ une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y ait
2797 e tout essai de réforme. Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de
2798 bsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou des appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je
85 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
2799 5. La machine à fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique.
2800 nt nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’ un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter
2801 se. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’ une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle
2802 st glorifiée dans tous les banquets officiels par des orateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne p
2803 ts officiels par des orateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois diss
2804 e plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idé
2805 connaître, une fois dissipée la fumée des civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l
2806 fois dissipée la fumée des civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de par
2807 ger avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces M
2808 serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’ une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que la D
2809 ver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que la Démocratie sans l’instruction
2810 te, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas
2811 ur qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut une discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuables inoff
2812 une discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de l
2813 ner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu
2814 outer la nature qui répète par toutes ses voix, d’ un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
2815 rté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois, une seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour le
2816 Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’ un rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec un
2817 e monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas qu
2818 enter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’ une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’
2819 erie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’ un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés p
2820 ment politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis-je, la valeur ha
2821 stitution, se manifeste encore de nos jours, et d’ une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas
2822 rument de progrès par excellence. Car il n’est qu’ une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa forme a
2823 on rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souvi
2824 dicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’ un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener
2825 blié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machin
2826 l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle, dévore d
2827 ne machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle, dévore des enfants tout vifs et r
2828 it des tommies. La machine scolaire, elle, dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opérat
2829 laire, elle, dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été d
2830 on, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’ une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automa
2831 ratés assez fréquents. Maintenant je vous demande un peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapte
2832 ’instruction publique était d’éduquer le peuple d’ une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’o
2833 e façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’h
2834 e les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure une véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que
2835 nt confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre
2836 nsibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments
2837 politiques, et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans
2838 e — si je ne sentais menacées dans cette aventure des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démo
2839 œurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’ un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaque
2840 ue homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’ un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi
2841 un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les d
2842 ssieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %.
2843 r. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’ une telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réacti
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
2844 l’instruction publique (Ici, le procureur prit un ton plus grave.) L’école s’est vendue à des intérêts politiques. C’ét
2845 r prit un ton plus grave.) L’école s’est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir, son unique m
2846 unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs » décrite par M. Julien B
2847 ipe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison des clercs » décrite par M. Julien Benda. Notre époque paiera cher ce cri
2848 ants à l’Église et à la famille. L’Église donnait des valeurs idéalistes, la famille des valeurs réalistes, sans lesquelles
2849 Église donnait des valeurs idéalistes, la famille des valeurs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce de son propre p
2850 poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théories non point fumeuses comme le veut le cliché, mais schématique
2851 ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait un danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcément révolutionn
2852 i. L’idéalisme est forcément révolutionnaire dans un monde organisé pour la production. Le culte des valeurs désintéressée
2853 ns un monde organisé pour la production. Le culte des valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantita
2854 livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux démocrates convaincus, par
2855 je m’adresse aux démocrates convaincus, partisans des « lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle
2856 t, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu
2857 turel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substituer
2858 pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’ une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encor
2859 t insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’ une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand
2860 aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où
2861 s la mesure où cette exigence est satisfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. O
2862 outes parts. Mais l’école empoisonne les germes d’ une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise
2863 l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé.
2864 ontraire, elle prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes d
2865 de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu
2866 primaire, arrive trop tard. Le pasteur sème dans un terrain que l’instituteur a méthodiquement desséché.
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
2867 7. L’Instruction publique contre le progrès Un beau titre. Et qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il fa
2868 … journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et d’ailleurs vous aimez les idées
2869 e vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans une direction tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé un instrumen
2870 on tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le
2871 aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’ un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On me
2872 alisme intégral. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le
2873 change pas le rendement, j’imagine, ni la nature des produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se p
2874 ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un écolier préparer ses devoirs, c’est frappant : il apprend les questio
2875 J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins p
2876 l ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’ un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisi
2877 pour assurer la sécurité d’un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois ten
2878 urité d’un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusq
2879 e-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer
2880 vifient. L’École se contente d’être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civilisatio
2881 e figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se con
2882 ilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est
2883 de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’ins
2884 manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et de l’ana
2885 e peu l’avouent. Car détruire, déblayer, et faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à
2886 ire, déblayer, et faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devr
2887 t au nom du passé ne signifie pas que l’on désire un retour au passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous a
2888 que notre soi-disant progrès social correspond à un recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé les
2889 correspond à un recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout
2890 s qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, par des hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont
2891 hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l’es
2892 armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette m
2893 parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique 
2894 e ? Réponse ? Petits étourdis. Réponse non, c’est un recul. Cette critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un
2895 ique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que
2896 il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour b
2897 et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emportera toutes ces statistiques et
2898 urnaux, il en restera toujours assez pour allumer des feux de joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déj
2899 uis les dernières pestes noires). Si vous creusez un peu la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose su
2900 cratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur des postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne son
2901 aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’ une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocratie
2902 au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’ un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et d
2903 ourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. Maintenant il
2904 utopies et les empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pour
2905 de notre vie. Mais cette première tâche constitue un programme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Lais
2906 ogramme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer,
2907 lu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacob
2908 vel être. Notre époque serait le deuxième temps d’ une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, t
2909 mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, s
2910 renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tou
2911 e réclame l’expulsion de la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et
2912 rossièrement. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolu
2913 place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une imagination prodigieuse au dit sujet pour se représenter même très va
2914 crètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’ un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12. La
2915 e maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’ une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
2916 Appendice. Utopie Un os à la meute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous f
2917 entale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra l
2918 i nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu importe.) Les écono
2919 13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle at
2920 t : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’ une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande
2921 naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut dé
2922 attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux ba
2923 tive peut désensabler le vieux bateau occidental. Un nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de conc
2924 sons le plus clair de nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleron
2925 nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les
2926 rage universel, instruction publique. Cela promet des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéali
2927 t des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle
2928 tes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’ une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès mainten
2929 retrouvent le courage d’être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est v
2930 age d’être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégr
2931 iolemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de
2932 hie est un degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dan
2933 e gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est u
2934 fend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchis
2935 . Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme
2936 embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais al
2937 te que j’aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre
2938 e est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupi
2939 est l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est un être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux
2940 parce qu’il le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signi
2941 connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’y soum
2942 de personnes répondent oui, cela finira par créer un courant d’opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À
2943 urnalistes s’engagent désormais à ne publier plus un seul article de fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publi
2944 t, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce q
2945 cheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’ une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on
2946 e malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’ une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, supprimer
2947 à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collège
2948 nt faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bour
2949 nt ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme d
2950 ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes
2951 de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’ une somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu
2952 rit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’il voudra. Les O
2953 oudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture des facultés physiques, intellectuelles et mystiques. Toute leur force vi
2954 a concentration. En vérité, toute force résulte d’ une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident compre
2955 comprenait cette vérité élémentaire et en tirait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, ma
2956 de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hindou agace, trouble ou fait sourire les étriqués. On
2957 moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des e
2958 ns répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de ce
2959 n yoga à lui : toutes les fois qu’il veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemple
2960 fois qu’il veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite
2961 ique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’ un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance primor
2962 d au garde-à-vous ! par quoi l’on impose au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le
2963 de ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante pour aller plus loin, — et en même temps constitue
2964 r aller plus loin, — et en même temps constituent des sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les dé
2965 ut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’ un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est un
2966 exécuté dans deux plans différents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux
2967 rents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et i
2968 l y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode des fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là d
2969 up de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode des fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là diront que je
2970 es collèges en couvents. Tant pis. Le drill offre un exemple d’éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des sol
2971 ucation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école appliquait en les transpos
2972 is mois. Si l’école appliquait en les transposant des méthodes de concentration analogues, même dans la mesure sans doute f
2973 ême dans la mesure sans doute faible où la nature des enfants le supporte, on économiserait plusieurs semestres de travail.
2974 à de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de lib
2975 agéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance intellectuelle, une meilleure mémoire, une sens
2976 osséder une plus grande puissance intellectuelle, une meilleure mémoire, une sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est
2977 puissance intellectuelle, une meilleure mémoire, une sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est à cultiver ces facultés
2978 bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais
2979 r ce plan elles ne font que traduire la diversité des besoins individuels. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’
2980 ire la diversité des besoins individuels. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’une chose longuement contemplée
2981 . Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’ une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno
2982 de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie
2983 intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques
2984 e. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déjà revient le temps des mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils com
2985 en. Cela se fera sans vous. Déjà revient le temps des mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la
2986 in, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les a
2987 e, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blancheur éclat
2988 tante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratiq
2989 est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment criminelles. Ce travers a été dével
2990 et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer des dessous pour redonner quelque saveur à ses jugements. C’est pourquoi
2991 ements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer un fonctionnaire dans son activité publique sans que des personnes bien
2992 fonctionnaire dans son activité publique sans que des personnes bien intentionnées viennent vous dire : « Mais Monsieur, M.
2993 onsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — 
2994 tes, mais sont-ils dans la même mesure conscients des fins qu’on assigne à leur activité ? Un peu de rigueur dans la pensée
2995 peu de rigueur dans la pensée empêcherait souvent des catastrophes que beaucoup de rigueur morale ne saurait même pas prévo
2996 La culture de notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos efforts resteront vains pour instaurer cett
2997 nt tout leur sens et toute leur efficace que dans un système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette
2998 e que dans un système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable
2999 fessionnelles enrayent et faussent tout. Imaginez une culture spirituelle indépendante de toute destination religieuse part
3000 estination religieuse particulière. On peut faire des haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgari
3001 t à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate
3002 eux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf
3003 que l’école n’a pas bougé depuis. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime qu
89 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
3004 rison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’ un ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance a
3005 Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se
3006 se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu p
3007 e   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
3008 t dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des main
3009   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne
3010 . Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes
3011 tin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire ador
3012 sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un s
3013 sance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dan
3014 lle au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur é
3015 r éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
90 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
3016 , par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse
3017 odet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vou
3018 air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut s
3019 is d’être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communi
3020 armi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé :
3021 deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort
3022 un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « s
3023 « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse d
3024 omie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en dema
3025 tive manque souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms
3026 me qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élé
91 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
3027 sphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
3028 situde à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressiv
3029 ne propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des caf
3030 un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autr
3031 poli à une excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
3032 ourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vie
3033 nts dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucu
3034 oncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles d
3035 nira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la d
3036 acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel sem
3037 ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouve
3038 que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
3039 temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane
3040 yant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient v
3041 gue de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une
3042 s siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la
3043 autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sou
3044 voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, d
3045 is, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « 
3046 voix agréablement rauques… Sortez pour en suivre une , arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin
3047 -vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienn
3048 La rue est sale à cause de la fonte de la neige ( une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), enco
3049 xis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut e
3050 ui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, faç
3051 se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes lignes verticales, peint
3052 es, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Pui
3053 oute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Dan
3054 re leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. A
3055 ans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son a
3056 bement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage,
3057 cieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodé
3058 palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ell
3059 ries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vou
3060 r qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
3061 au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez q
3062 Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme des voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien q
3063 e bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
3064 vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un r
3065 s êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi.
3066 Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui
3067 le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompr
3068 vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’e
3069 é dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un
3070 incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czard
3071 tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dan
3072 et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et arden
3073 algie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, mal
3074 oyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama d
3075 ré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journa
92 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
3076 uin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patien
3077 nitiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier
3078 r avant d’entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « mo
3079 fs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’ un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âm
3080 ’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobi
3081 des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de t
3082 che attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statu
3083 oses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insistant regard. 
3084 e autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’ un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus p
3085 t vivre au fond d’un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y ga
3086 oi-même ; son art y gagne en densité, en émotion. Des mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellem
3087 s mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau
3088 sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
3089 » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’ un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de
3090 « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jules
93 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
3091 uillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et p
3092 i ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’ un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récit
3093 sseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de
3094 les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fai
3095 eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’ un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusi
3096 s tant aller là-bas, cette folie m’apparaît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur
3097 il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’
3098 fficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes a
3099  » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’ un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave
3100 L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — ca
3101 i confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêv
3102 sard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie.
3103 posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? —  Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la
3104 cent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour
3105 ète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’ une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par sa
3106 ui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes une sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monolog
3107 vieux démon ! — je te rappelle — Ou bien envoie — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souff
3108 x croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’ un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagn
3109 ’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années
3110 donné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablement, une vie monoton
3111 pentier — vivra très doucement, inexplicablement, une vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu s
3112 Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime
3113 aux visiteurs venus pour contempler la victime d’ un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu
3114 mpler la victime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dess
3115 urs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a
3116 ison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Höl
3117 tation de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je tr
3118 ite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’ un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche »
3119 ypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’eau lente. S
3120 ouverais bien aussi un « Nietzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d
3121 ers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’ une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à
3122 Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un a
3123 gue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour
3124 clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui para
3125 nses s’ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actue
3126 onnaître ces portraits ? — (et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à
3127 ses sur son compte, simplement parce qu’il a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seu
3128 ier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade
3129 s des amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’un
3130 nade, et le guide désigne familièrement l’image d’ une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites
3131 Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas
3132 Tout est familier, paisible au soleil. Il passait des heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambr
3133 l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les j
3134 ’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et ve
3135 n face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est do
3136 ent pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Églis
3137 rs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois
3138 e doucement dans cette calme Tubingue le secret d’ une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent au
3139 grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’ une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À qu
3140 s. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux
3141  »). J’aime les bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazi
3142 edans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une t
3143 s magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des sign
3144 il de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergiques à
3145 est le comble des vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de ca
3146 une table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la st
3147 adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu
3148 s qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chopes. « Gemütlichkeit ».
3149 terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a
3150 où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’ un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tor
3151 Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agi
3152 té est plus humaine, est plus divine, quand c’est une telle femme qui la confesse : « Celui qui entre en commerce trop étro
3153 e est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le
3154 e tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’ un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante,
3155 n, peut-être, seulement, quand l’amour leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru presse
3156 aire, par quel hasard, donne l’accord qui m’ouvre un vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre
3157 r. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzai
94 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
3158 Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne p
3159 Pays qui n’est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou rev
3160 blant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de
3161 son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plu
3162 her romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profo
3163 t de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la fol
3164 rive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait
3165 e son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hés
3166 hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemi
3167 es bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à s
3168 le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard
3169 e à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes
3170 le début, puis plus tard encore, dans les songes des grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’
3171 grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attri
3172 se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages
3173 s loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui sign
3174 s visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’e
3175 t plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Qu
3176 el dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vit
3177 tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replon
3178 s bien vite un intermède bouffon, impossible et d’ une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les pe
3179 le et d’une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capab
3180 atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre qu
3181 hants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de c
3182 rnières pages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tou
3183 u’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le
3184 besoin pour croire que le monde actuel n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singul
3185 faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte
3186 t Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août
95 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
3187 de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’ un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourr
3188 nne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’ une telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mél
3189 l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La
3190 auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre te
3191 our faite honte à ceux qui sont encore capables d’ une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monst
3192 par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par
3193 . Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’Orient
3194 aisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mé
3195 élation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’ une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Compte
96 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
3196 n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à di
3197 e cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la dé
3198 a trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». E
3199 ternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distingu
3200 distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante
3201 nt confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’éta
3202 lement antimoderne, parce que désintéressé. C’est un extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossi
3203 oderne, parce que désintéressé. C’est un extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais ju
3204 de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Nom
3205 . Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fa
3206 t court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour v
3207 rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Dani
97 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
3208 929)ab L’ordre social Il y avait une fois un jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une gr
3209 une homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà
3210 omme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expli
3211 dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme a
3212 ses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans un
3213 pendant le jeune homme agitait ses ailes non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On cra
3214 ueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux
3215 Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? V
3216 e tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant des parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsch
3217 devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas
3218 nté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne
3219 ieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remè
3220 lleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toute
3221 t la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les
3222 u’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne
3223 ions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinu
3224 ît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. A
3225 un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’ une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla d
3226 a défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le p
3227 minait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il
3228 un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit,
3229 ns espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à u
3230 couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer
3231 ne femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —,
3232 de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le len
3233 s la première boîte venue. Le lendemain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusabl
3234 demain, il reçut une réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’un poète en état,
3235 rreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’ un poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une envelopp
3236 n état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée
3237 ouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais
3238 s m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre
3239 je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre
3240 u’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédic
3241  L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en eff
3242 enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
3243 orance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
3244 ilosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
3245 out technique. J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
3246 s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de f
3247 peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est un reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
3248 aïf dans le monde moderne : individu qui soutient des idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
3249 tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
3250 . Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
3251 ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
3252 e, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss 2, des bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
3253 ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’ une voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
3254 crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
3255 un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’il trad
3256 : on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes un pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
3257 e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins
3258 valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certa
3259 apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
3260 rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
3261 . B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
3262 nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
3263 Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’ une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
3264 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
3265 roire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
3266 eusement séparer les calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
3267 ar une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
3268 robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
3269 après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
3270 cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
3271 auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. E
3272 hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tap
3273 s, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le
3274 tapissier par le prix du mètre courant n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
3275 t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
3276 ? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
3277 leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
3278 ’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
3279 tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
3280 d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
3281 petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
3282 uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
3283 des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
3284 en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
3285 le repas, et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
3286 qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
3287 carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
3288 , les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
3289 ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
3290 automne, des jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
3291 jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
3292 oins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
3293 e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
3294 certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
3295 ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien dans ces promenades en
3296 … L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’ une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance : les s
3297 fance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
3298 loi. La première classe fut agréable : j’alignais des bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
3299 alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière. Un jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
3300 voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements des élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
3301 e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
3302 iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
3303 et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
3304 ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
3305 « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
3306 cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
3307 e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
3308 Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
3309 varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
3310 e la règle de trois, aussi profondément certes qu’ un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
3311 ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
3312 sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
3313 tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
3314 te : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
3315 , si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
3316 t le seul pour lequel on nous préparait — c’était un système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
3317 imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des esprits moyens, prosaïques et rassis qui tiennent aujourd’hui les cha
3318 nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
3319 grossières » comme celles qui touchent à l’action des étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
3320 s par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
3321 édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’ un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
3322 l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
3323 le part ailleurs. Nous arrivions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
3324 vions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
3325 et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
3326 pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
3327 vie.   3. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide. C’était en dehors de la vie.
3328 Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide. C’était en dehors de la vie.
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
3329 amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solu
3330 l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’ un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continui
3331 solution de continuité, la différence n’était qu’ une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
3332 je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
3333 ut être défini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
3334 u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
3335 nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
3336 ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
3337 , à une façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
3338 a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
3339 r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
3340 que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
3341  et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
3342 la même maladresse professionnelle. J’en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « 
3343 elle. J’en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
3344 magine à quoi peut mener l’enseignement donné par des êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendan
3345 prègne l’enseignement primaire constitue l’apport des instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
3346 e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
3347 tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
3348 certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école
3349 a voit. Après les personnes, le décor. La laideur des « collèges » n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’ar
3350 hitecture de nos « palais scolaires » symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
3351 ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
3352 urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
3353 l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant un refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
3354 de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
3355 ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
3356 jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un  : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.
3357 n est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.