1
ontherlant est considéré par plusieurs comme l’un
des
héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout a
2
œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’
un
agrément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’
3
s offre plus qu’un agrément purement littéraire :
une
leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au
4
s, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux,
des
âmes exceptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en une langue
5
eptionnellement compliquées, qui s’exprimaient en
une
langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a
6
de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’
une
façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité
7
vons tous. Écœuré du désordre général, il cherche
des
remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le
8
de logique, admirablement masqués d’ailleurs par
des
façons cavalières un peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à
9
ment masqués d’ailleurs par des façons cavalières
un
peu intimidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre des épées 1,
10
des façons cavalières un peu intimidantes. Toute
une
partie du Paradis à l’ombre des épées 1, son dernier livre, est consa
11
timidantes. Toute une partie du Paradis à l’ombre
des
épées 1, son dernier livre, est consacrée à « fondre dans une unité s
12
son dernier livre, est consacrée à « fondre dans
une
unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit
13
Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans
une
même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes
14
berté et l’initiative individuelles, et la morale
des
sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’eux-mêmes
15
morale des sports anglais, morale qui veut former
des
hommes maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’
16
lus paradoxal que M. de Montherlant est justement
un
des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas l
17
paradoxal que M. de Montherlant est justement un
des
premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la pe
18
rales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’est pas
une
opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le monde ». Je préfère
19
rlant son admirable lyrisme de poète du stade. En
un
style d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mai
20
dmirable lyrisme de poète du stade. En un style d’
une
fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent
21
n un style d’une fermeté presque brutale parfois,
un
style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la f
22
e de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète,
un
style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant c
23
rlant chante cette « violence ordonnée et calme »
des
« grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les
24
es, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer
un
coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est une allégre
25
: « À peine a-t-il touché la piste d’herbe, c’est
une
allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et
26
sée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur
une
musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvemen
27
ion qui est le but véritable du sport. On accepte
une
règle ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus une entrave à l
28
e ; on l’assimile, à tel point qu’elle n’est plus
une
entrave à la violence animale déchaînée dans le corps du joueur à la
29
du joueur à la vue de la prairie rase où rebondit
un
ballon. Si l’on considère la vie sociale comme un jeu sérieux dont on
30
un ballon. Si l’on considère la vie sociale comme
un
jeu sérieux dont on respecte les règles, non plus comme une lutte sau
31
rieux dont on respecte les règles, non plus comme
une
lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale
32
mble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
des
hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). E
33
tié est plus grande que le tout ». Le sport comme
un
apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a
34
vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a
un
brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êt
35
taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre
des
épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre e
36
« La faiblesse est mère du combat. » C’est donc à
un
lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport
37
qu’il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur
des
maximes, non sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite des jeu
38
sur la discipline, qu’il faut fonder la conduite
des
jeunes gens : celle-ci empêche les abus, mais celles-là forment l’esp
39
ant illustre sa propre pensée de cette citation d’
un
dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir tou
40
nsée de cette citation d’un dominicain : « Formez
des
jeunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plu
41
man catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler
une
« morale constructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce
42
ortive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici
un
homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’é
43
Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
un
homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d
44
homme, et non plus seulement un homme de lettres.
Un
homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine e
45
homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’
une
jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que l
46
autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore
un
peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritabl
47
ter, et atteindre au classicisme véritable. Voici
un
constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter
48
au classicisme véritable. Voici un constructeur,
un
entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous
49
il observera les règles. Saluons-le donc du salut
des
équipes avant le match : « En l’honneur d’Henry de Montherlant, hip,
50
ris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime
une
telle « simplification ». a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] M
51
r, dans la salle du Lyceum, M. Conrad Meili parla
des
écoles qui représentent la peinture française, des débuts du xixe si
52
es écoles qui représentent la peinture française,
des
débuts du xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et
53
es français ont accompli, durant le xixe siècle,
une
exploration merveilleuse dans les domaines du romantisme, du naturali
54
ns ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici
revenus
, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais l
55
ais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en
reviennent
chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expres
56
e souvent le public), ils préparent l’avènement d’
un
classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la pe
57
évidence cette courbe de la peinture moderne avec
une
netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a
58
courbe de la peinture moderne avec une netteté et
un
relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la R
59
(mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’
une
tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les
60
d’une tradition chevaleresque, mène sa vie comme
une
ardente aventure. Les épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
61
ns le Paradis je ne sais quel relent de barbarie,
un
assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant fun
62
Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et
une
phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous
63
modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est
une
affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antérieures protestatio
64
soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’
un
coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il n
65
ures protestations belliqueuses. Il nous montre «
des
Français qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’
66
ançais qui pensent ces carnages inévitables, avec
un
bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tien
67
puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’
une
telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était de
68
t responsable de ces carnages ». Naguère il était
des
premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir con
69
il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui
des
seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le gé
70
de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’
une
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « h
71
« haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’
une
phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les voul
72
eurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas
une
éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces
73
mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’
un
de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, n
74
u front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas
une
pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute,
75
e signification ? Pourtant ici encore transparaît
un
doute, parfois : « On craint d’être injuste en décidant si… cette abs
76
maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
une
telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Mont
77
cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude,
un
amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse v
78
c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est
une
paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que
79
uerre, c’est une paix que travaillerait le levain
des
vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout u
80
« Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout
un
livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la pa
81
Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’
un
tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre
82
is —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu.
Une
soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dan
83
dmirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur
revient
souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir
84
ester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’
une
génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une
85
uée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’
une
pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la to
86
e de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’
un
large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry
87
on, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous
une
« vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos espri
88
érir. C’est du moins ce que proclame M. Breton en
un
manifeste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la signif
89
ns d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait
une
idée là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la b
90
Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en
un
court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psych
91
e. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’
une
sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît q
92
éalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode
des
textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule att
93
ientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’
une
littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matiè
94
. Toute poésie est incommunicable, le poète étant
un
simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette co
95
re cette conclusion pratique : inutile de publier
des
poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se lir
96
livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours
des
lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? »
97
ront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne
des
« recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logi
98
? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire
un
poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mai
99
me seraient-elles perceptibles que par le fait d’
une
fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je compren
100
étrables. Je crois même voir que M. Breton serait
un
très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages
101
il voulut nous persuader que tout poème doit être
une
dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson s
102
poétique » qui, avoue Rimbaud, entre encore pour
une
grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d
103
i scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’
un
art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification
104
s. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’
une
protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
105
lectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre
un
peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemm
106
ment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’
un
esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’ex
107
Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’
une
anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendances e
108
semblent avant tout morales. Les tendances encore
un
peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des r
109
out morales. Les tendances encore un peu vagues d’
un
groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus
110
n groupe tel que Philosophies laissent pressentir
des
révolutions plus réelles. On souhaite qu’après faillite faite, les su
111
es surréalistes trouvent à montrer leur talent en
des
jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’un désespoir exaspéré, com
112
en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’
un
désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, ave
113
éclat de rire d’un désespoir exaspéré, commandait
une
certaine sympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pou
114
avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre
un
mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qu
115
L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à
un
ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommag
116
: Aragon, Éluard. Sans oublier Breton, enchanteur
des
images qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de, « [Compte
117
août 1925)c Le nouveau volume de la collection
des
« Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié
118
e sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant
des
vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la
119
de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’
une
telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec éviden
120
e la vie de Vincent, mais d’une telle manière que
des
conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une p
121
itiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut
une
proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu int
122
eunes gens prétentieux et sincères qui se croient
une
vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des grou
123
ncères qui se croient une vocation, végètent dans
des
œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle,
124
égètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent
des
groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait c
125
racle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi
un
être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s
126
llet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
Une
divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouisseme
127
u jour où cette consomption frénétique terrassant
un
corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aus
128
x. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché
des
médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte bi
129
ions qui suivent sa courte biographie fournissent
un
meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu cha
130
nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’
une
œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Va
131
pectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’
une
œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougem
132
, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à
des
travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livr
133
se livre à des travaux de précision : il calcule
un
plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valé
134
à des travaux de précision : il calcule un plan,
un
poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St Jo
135
récision : il calcule un plan, un poème. Il écrit
un
livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit
136
n plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein,
des
articles sur Valéry, St John Perse. On le vit naguère en province liq
137
ohn Perse. On le vit naguère en province liquider
des
stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les f
138
des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi
une
liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à a
139
s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre
une
notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
140
ahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout
un
roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions
141
de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation
des
questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne d
142
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger
des
romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qu
143
on maître : « La marquise sortit à cinq heures ».
Une
telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autr
144
permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas
un
roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligen
145
crit pas un roman en trois volumes sans y laisser
des
maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au pu
146
n trois volumes sans y laisser des maladresses et
des
négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur l
147
sur le ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était
un
portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c
148
s paysans sont en train de redevenir serfs, serfs
des
syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provin
149
train de redevenir serfs, serfs des syndicats et
des
capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le
150
ir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes
des
villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des lut
151
ndicats et des capitalistes des villes. Mais dans
une
de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore
152
dans une de ces provinces du Midi où le souvenir
des
luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méf
153
ieuses encore vivace fait que les paysans gardent
une
méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lev
154
du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est
un
descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homm
155
, ce « petit homme de la terre », qui va susciter
un
formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le
156
du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par
des
meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent
157
ent sa modération. Alors il va se jeter au-devant
des
troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les
158
clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’
un
grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une i
159
avait là les éléments d’un grand roman : autour d’
un
sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des per
160
autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant,
une
intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologiqu
161
te envergure, et brûlant, une intrigue puissante,
des
personnages d’une belle richesse psychologique. En fermant le livre o
162
rûlant, une intrigue puissante, des personnages d’
une
belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’impr
163
qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ?
Un
style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un ro
164
nce de style, n’est-ce pas le meilleur style pour
un
romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale da
165
style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois,
une
certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la p
166
n soit mal construit, au contraire. Mais le tissu
des
faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaisse
167
œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est
un
livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a te
168
reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’
une
saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réus
169
te que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi,
une
entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intel
170
ssi, une entreprise bien téméraire de nos jours :
un
roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de,
171
. La littérature de ces dernières années n’est qu’
une
forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquê
172
énie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans
une
confrontation avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’O
173
r dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’
une
réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est pe
174
t, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient,
une
conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confront
175
uer cette confrontation seulement qu’on a imaginé
un
péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture
176
n en parle, la vraie « question asiatique » étant
une
question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jou
177
tique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit
un
jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devr
178
peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’
un
renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis
179
es savants européens qu’il le devra, tandis que d’
un
mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gré
180
. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête
des
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réact
181
connaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne
un
fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée d
182
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau
des
multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occid
183
. Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient
une
représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une vale
184
ion vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’
une
valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agi
185
» On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous
une
dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait va
186
par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter
un
classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversité — peut-ê
187
vain de tenter un classement parmi les réponses d’
une
extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui composent
188
onclusions tirées de points de vue semblables, qu’
un
esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un
189
e et organisateur d’occidental se perdra ici dans
un
ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et
190
rs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns
des
points de vue les plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la s
191
t la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans
une
Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveil
192
eiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent
une
Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de
193
t inévitable le choc de deux mondes, et que seule
une
intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à la suite d
194
me, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’
une
supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa de
195
le défaut de n’être pas suffisamment motivées par
des
faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte
196
n’être pas suffisamment motivées par des faits et
des
documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations
197
t des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’
un
prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qu
198
ri. M. Massis, par exemple, qui cependant produit
un
grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas
199
l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à
des
déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre :
200
ins à des déductions in abstracto qui le mènent à
des
conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l
201
s le moyen de « suppléer à l’éducation historique
des
peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amen
202
si étroitement particularisé pourtant, à l’usage
des
Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents,
203
s…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent
des
documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ag
204
nt, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure.
Un
écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que l
205
e rôle de l’Europe « conscience du monde », entre
une
Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
206
ffolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme
des
tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle.
207
iant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et
une
Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de,
208
« [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10
des
Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
209
925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes
des
fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contr
210
r le contrôle que les autres nous imposent », dit
un
héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans
211
s nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est
un
« homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un sa
212
qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en
un
saisissant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de p
213
il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’
un
absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
214
ute expérience, elle n’en est pas moins probante.
Une
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ;
215
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout
une
démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette
216
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’
un
théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent se
217
eauté froide et massive d’un théorème de Spinoza.
Une
ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et auss
218
ï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau
des
auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européen
219
ittérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux
des
maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannst
220
auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent
une
juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1
221
tre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être
un
peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisso
222
que voici venu le temps de la moisson, — le temps
des
éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rend
223
alité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé
une
vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. S
224
ir conservé une vision générale de notre temps et
un
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je
225
es meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’
une
accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’u
226
nt d’une accumulation de petites touches précises
des
types d’après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problè
227
tites touches précises des types d’après-guerre d’
une
étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le m
228
la Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant
des
amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, il
229
s les plus folles hors de la réalité, ils forment
un
cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dan
230
t un cortège pittoresque et désolant à celui qui,
revenu
de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « b
231
Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonn
232
eptembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment
un
étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’im
233
ndonner à l’émotion communicative de qui découvre
un
sommet ? Point. Précision, modération dans le jugement, humour léger,
234
critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer
une
grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de
235
que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent
un
intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupati
236
elles nous transportent au cœur de préoccupations
des
plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la pers
237
Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’
une
pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois
238
irandello. N’annonce-t-il pas que les personnages
des
trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intim
239
tendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno
une
volonté d’action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux
240
Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’
une
volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imp
241
r obsédante volonté. Car on imagine difficilement
un
art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de
242
’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’
une
classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques,
243
trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’
une
brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de g
244
’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’
une
ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’
245
laisse la même impression de grandeur désolée qu’
un
Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
246
ais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté
des
formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont
247
pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
Une
sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, «
248
Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
249
. M. Seillière cherchait dans l’époque romantique
un
témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement
250
que un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’
un
verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne
251
erne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge
des
romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre cor
252
i il insiste sur le fait que Vinet se déclarait «
un
chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de
253
Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’
une
telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on s
254
it trouvé. Mais sa position purement chrétienne —
un
mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M.
255
ère — me paraît infiniment plus forte que celle d’
un
Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement pro
256
plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’
un
Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui p
257
ui plus central. Pour notre époque déchirée entre
un
thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle,
258
. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et
un
nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-
259
e la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait
des
signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simpli
260
et homme dont l’âme fait des signes solennels ? »
Une
voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas famili
261
lennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs,
une
simplicité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque
262
é qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’
une
époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige
263
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense
des
machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots d
264
Au-dessus de la trépidation immense des machines,
un
Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jo
265
dation immense des machines, un Saint-John-Perse,
un
Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et au
266
un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec
des
mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très
267
… Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle
un
père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicité
268
dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait «
des
complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il
269
te sait « des complicités étranges pour assembler
un
sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purem
270
ourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer
une
anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais ban
271
ive de situer une anecdote purement poétique dans
un
monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la desc
272
le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite
des
noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’il
273
seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent
des
cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur or
274
nent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur
des
pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
275
Simone Téry, L’Île
des
bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle
276
(décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre
un
spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littératur
277
acle bien passionnant : celui de la renaissance d’
une
littérature nationale à la fois cause et effet de la libération polit
278
ause, puisque pour mener à chef cette libération,
un
Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet,
279
que pour mener à chef cette libération, un Yeats,
un
A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’
280
yer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’
une
révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait pr
281
, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’
une
littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, com
282
et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle
des
Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de par
283
Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’
un
grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Tér
284
admiration son sens critique de Parisienne. C’est
une
sympathie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commenta
285
es amusants portraits et ses commentaires parfois
un
peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
286
oit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient
une
fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de
287
irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et
un
réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de, « [Compte rend
288
ont Denis de, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île
des
bardes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décem
289
le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà
un
Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut ti
290
mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan,
un
Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau
291
ance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’
un
brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole,
292
bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour
un
psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme r
293
e ». M. Walpole, dont nous commençons aujourd’hui
un
roman bien différent, a vu la Révolution sans romantisme, dans le dét
294
ution sans romantisme, dans le détail de la vie d’
une
ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de
295
dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’
un
grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître
296
llions de petits. Voici naître la révolution dans
un
cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement acco
297
oici naître la révolution dans un cœur, puis dans
une
famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité
298
alpole leur a dévolu le soin d’entrer tantôt dans
un
foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit
299
e soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans
une
église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les i
300
té secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans
un
réduit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra
301
aliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec
un
des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu fai
302
ste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un
des
Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim to
303
avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme
des
gens qui auraient eu faim toute leur vie… Markovitch, derrière sa vit
304
e moujik devant le bolchévique violant sa patrie.
Une
effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révo
305
ermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même
des
forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque i
306
même des forces endormies dans l’âme russe : mais
des
possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un en
307
à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est
un
enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il
308
est encore ébahi du fracas, le juif survient avec
une
méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste.
309
t avec une méthode simplifiée pour l’exploitation
des
ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses
310
nt en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov,
un
cynique secrètement tourmenté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont
311
philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant
un
très nombreux public, la série des conférences que nous promet le gro
312
l’aula, devant un très nombreux public, la série
des
conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la p
313
onférences que nous promet le groupe neuchâtelois
des
« Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qu
314
e la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi
un
sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison d
315
e façon particulièrement frappante la comparaison
des
points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et so
316
la notion de « Saint » et son évolution au cours
des
siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part p
317
au cours des siècles. Primitivement, le Saint est
un
homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très vit
318
Le peuple, encore païen, voit dans la vénération
des
pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de die
319
tion des pèlerins pour les tombes de leurs saints
une
forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, fav
320
preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’adapter
des
traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’évolution s
321
s le même sens. On spécialise les « compétences »
des
saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alor
322
choses antérieur. Donc l’Église continue à faire
des
saints, tandis que ce terme n’a plus qu’un sens relatif pour nous pro
323
faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’
un
sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les cathol
324
ère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
une
sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de
325
? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe
des
saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de
326
nque pour louer comme il conviendrait la clarté d’
un
exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétie
327
ses conclusions cette sécurité dont trop souvent
un
brillant appareil dialectique ne sait produire que l’illusion. C’est
328
e du fameux scrupule protestant, qui ne peut être
un
danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé p
329
nger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’
un
esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Confé
330
, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par
une
foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Conférence Guisan », Suiss
331
e sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans
un
progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont p
332
sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en
un
bonheur possible ou désirable subissent cette rage désespérée de cour
333
, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur
des
pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir e
334
able. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre
un
ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une
335
profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’
une
lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneur
336
lques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’
une
société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notr
337
a pente de notre civilisation. Meneurs et chefs :
des
économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les homme
338
civilisation. Meneurs et chefs : des économistes,
des
financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mai
339
neurs et chefs : des économistes, des financiers,
des
industriels. Il y a encore les hommes politiques, mais on a si souven
340
vent l’impression qu’ils battent la mesure devant
un
orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux me
341
ait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’
un
Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients
342
. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier,
un
Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temp
343
ions nouvelles. Toute la jeune littérature décrit
un
type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument
344
un type d’homme profondément antisocial, glorifie
une
morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est e
345
st encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent
un
fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel o
346
xcitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est
un
dilettantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
347
ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
une
certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi
348
ns Barrès. Il leur manque une certitude foncière,
une
foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre
349
Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a
un
problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer.
350
isation, il y a un problème de morale à résoudre,
une
conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’e
351
complaît à répéter que nous vivons dans le chaos
des
idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hor
352
épéter que nous vivons dans le chaos des idées et
des
doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain
353
s, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors
un
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux ba
354
sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a
une
seule mer. Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagu
355
Nos agitations contradictoires s’affrontent comme
des
vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en
356
oires s’affrontent comme des vagues soulevées par
une
même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une un
357
L’unité de notre temps est en profondeur : c’est
une
unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices t
358
d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit
des
édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent ave
359
çades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur
des
deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille ent
360
la libération du moi paraissent bien les ancêtres
des
nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdumen
361
uels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
une
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne
362
r. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser
un
public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent,
363
it plus pour s’amuser : ni pour amuser un public.
Un
livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-mê
364
s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est
une
action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit p
365
i pour amuser un public. Un livre est une action,
une
expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver
366
pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir
des
possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rech
367
tion de rechercher ici les origines historiques d’
une
conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les prob
368
en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans
un
de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
369
e — et c’est plus que probable. Mais il en tirait
une
raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-
370
vons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’
une
époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-ê
371
seule permet la suivante qui peut-être retrouvera
une
nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à
372
et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement
des
combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plai
373
les plus aiguës prennent la place d’honneur dans
des
esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées.
374
crée que contre quelque chose, contre soi, contre
une
difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
375
— on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’
une
civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspil
376
lut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte
des
autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochell
377
ien se remettre à manger, tout de même nous avons
un
corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » —
378
de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a
des
gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus
379
otre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût,
un
Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moin
380
Montherlant s’abandonne au salut par la violence.
Une
sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « g
381
es « grands problèmes », et le voilà reparti dans
un
égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans d
382
, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans
des
dilemmes où l’art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
383
a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille
un
désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir,
384
veille un désenchantement qui l’amène au besoin d’
une
mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — pl
385
ène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un
des
derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerr
386
précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore
un
qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir
387
dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme
un
appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes
388
el du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète
des
inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais
389
use secrète des inquiétudes modernes : la perte d’
une
foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’
390
e regarder chercher, absorbant son attention dans
une
sincérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂
391
éséquilibre. Il serait temps de faire la critique
des
méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amen
392
serait temps de faire la critique des méthodes et
des
façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions
393
d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres
des
jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries mo
394
chée à chercher dans le seul moi les fondements d’
une
éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « défo
395
e éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’
une
morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague
396
la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile
une
tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments
397
ile une tendance naturelle, qui élague, qui opère
un
choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’
398
heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et
une
nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espè
399
s toute vérité, nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
400
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’i
401
t inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’
un
récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutiss
402
, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’
une
évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritur
403
aises, de révoltes plus ou moins complètes au gré
des
tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
404
’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par
un
héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalist
405
les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour
une
folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent e
406
Gide et Aragon nous montrent le même personnage :
un
être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre
407
rent le même personnage : un être sans foi, à qui
une
sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et
408
que ce serait fausser quelque chose ; à la merci
des
circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ; n’attendan
409
nt rien que de ses impulsions et contemplant avec
une
lucidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais
410
is qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement
une
littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre é
411
que de notre époque. Mais Gide est responsable d’
une
autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et
412
t le début de la Tentative amoureuse offrait déjà
une
singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes
413
tion : Certes ce ne seront ni les lois importunes
des
hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect d
414
je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant
une
chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mai
415
us fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’
une
si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
416
es conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise
une
borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on reno
417
à mentir. On en vient naturellement à considérer
un
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l
418
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’
une
élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes
419
opre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’
une
vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psyc
420
e ne vais point nier la fécondité psychologique d’
une
attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousser u
421
urs si proche de certain mysticisme. Mais pousser
une
vertu particulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’on a
422
ères conséquences suppose qu’on ait perdu le sens
des
ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
423
: dégoût universel, désir de violences, gratuité
des
pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
424
rsel, désir de violences, gratuité des pensées et
des
actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue imm
425
s, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
une
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nu
426
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme
des
jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanic
427
se. Nous voyons se fausser le rythme des jours et
des
nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les m
428
des jours et des nuits à mesure que se développe
une
civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.
429
n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient
un
des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des sur
430
ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un
des
éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréal
431
les plus importants de notre psychologie. Images
des
surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression mé
432
veux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est
un
amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidi
433
tions, à ses automatismes. En art, la fatigue est
un
des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mie
434
ns, à ses automatismes. En art, la fatigue est un
des
états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
435
t ce qui servirait de frein à notre glissade vers
des
folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens soc
436
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer
une
conscience individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensem
437
individuelle ; retrouver le sens social, le sens
des
ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de
438
etrouver le sens social, le sens des ensembles et
des
proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
439
quer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
une
foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’auj
440
libérer de l’universelle hypocrisie accompli par
des
générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons
441
ue leur lassitude : sachons au contraire profiter
des
démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littérai
442
aucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes
une
génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien
443
l Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner
une
conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Ori
444
l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers
un
Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quel
445
e la Société ; ils savent que pour lutter il faut
des
armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celu
446
se recueillent encore dans l’attente angoissée d’
une
révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux don
447
ils décrivent le tourment dont sortira peut-être
une
foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra le moment, détourne
448
ourner les yeux de leur recherche pour contempler
un
absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumièr
449
es ces petites misères, en compose d’un seul coup
une
grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
450
s, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger
des
poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — p
451
ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent
des
odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écri
452
talement. — Alors, vous croyez à l’action sociale
des
écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fai
453
qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est
une
manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature
454
», NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous
un
goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout e
455
veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’
une
violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences li
456
er, et en fait l’on se contente d’une violence, d’
un
vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont
457
ait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’
une
inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangere
458
expériences littéraires sont plus dangereuses que
des
expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la libe
459
éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10.
Une
équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (J
460
Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer
une
élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies
461
vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies,
des
Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o.
462
ean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)p Au creux
des
couleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouv
463
vril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’
un
divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Fl
464
orence… « Du sang, de la volupté et de la mort »,
un
titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion m
465
», un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé
une
histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme u
466
n mystique et de crime, intense et tragique comme
un
couchant d’automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaqu
467
nte encore après tant d’autres, comme chaque soir
un
nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant
468
en brèves notations lyriques suivant le rythme d’
un
songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir
469
dus du désir et de la prière. On sort lentement d’
une
chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’
470
a rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’
une
vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs style
471
ble avoir hésité entre plusieurs styles de roman.
Un
chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Ste
472
ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à
des
effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout c
473
Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à
une
relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même lyrism
474
t cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur
un
fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les
475
ssions inconscientes qui donnent à tous les actes
une
signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jo
476
erait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer
des
complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ;
477
ences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans
un
monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la
478
us reconnaissons à la base de cette œuvre inégale
des
idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans
479
elques chapitres inspirés presque littéralement d’
une
anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
480
rt l’évolution mystique de Paulina semble parfois
un
peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de
481
purement lyrique, sa progression accordée à celle
des
événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au cou
482
s poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes
des
hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve,
483
Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q
Un
artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des thé
484
rand talent à qui la guerre a fait perdre le goût
des
théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez
485
plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec
une
petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes
486
vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas,
un
amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionn
487
musant sujet de conte moral, avec ses personnages
un
peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripét
488
péties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’
une
idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être
489
iption du milieu patricien que dans la création d’
un
caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lir
490
d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré
des
longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme
491
on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit
un
homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent
492
un homme appeler en vain le vent du large, parmi
des
gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte
493
emps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne.
Un
plein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première pa
494
cette innovation. Le sujet de la première partie
des
conférences, les Objections des intellectuels au Dieu chrétien, fut i
495
a première partie des conférences, les Objections
des
intellectuels au Dieu chrétien, fut introduit par M. Raymond de Sauss
496
igieux admettent à côté de l’explication mystique
une
explication scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M
497
ant de vigueur dialectique et de largeur d’idées.
Une
soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discussions phi
498
ux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier,
un
jeune pasteur français, on descendit — ou l’on monta suivant M. A. Lé
499
oderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur
des
expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un de
500
s pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un
des
artisans les plus actifs. Pour remplacer un travail promis par M. A.
501
l’un des artisans les plus actifs. Pour remplacer
un
travail promis par M. A. Reymond malheureusement indisposé, M. Pierre
502
nd malheureusement indisposé, M. Pierre Maury fit
une
causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui
503
e de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien
des
points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. P
504
lut en montrant la nécessité et les difficultés d’
une
action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fait
505
s milieux d’ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à
des
questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, q
506
Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec
une
passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se
507
que nos syndicats. Cercle vicieux, l’augmentation
des
salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la p
508
radante condition, et nous n’y arriverons que par
un
travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez
509
l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur
un
ballon ou bien l’on poursuit hors du village une discussion toujours
510
r un ballon ou bien l’on poursuit hors du village
une
discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le mond
511
monde dans la gaieté la plus charmante. On y vit
un
ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au
512
On y vit un ouvrier en maillot rouge assis entre
un
banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de
513
vrier en maillot rouge assis entre un banquier et
un
philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs sui
514
is entre un banquier et un philosophe au milieu d’
une
centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle q
515
suisses et français. Miracle qui nous fit croire
un
instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis d
516
ilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)r
Un
léger flirt avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut
517
ur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec
une
grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît l
518
t du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce
un
peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger…
519
)s C’est le récit de la découverte de Dieu par
une
jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de
520
ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle —
un
peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la d
521
divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt
une
argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La pr
522
t une argumentation à coups d’exemples vivants qu’
un
véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le styl
523
u’un véritable roman. La profusion souvent facile
des
incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans pa
524
e suivre sans passion ni fatigue le développement
un
peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop c
525
développement un peu théorique mais intelligent d’
un
problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières
526
d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus
des
points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteu
527
mmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace
un
peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C
528
qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est
une
vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Cécile-Claire Riv
529
ite que sa recherche de l’ordre révèle simplement
une
volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les mat
530
pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur
une
machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admir
531
ne luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est
une
arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il
532
iste. Mais tandis que la plupart en sont encore à
des
symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils
533
’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans
un
hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie »
534
s qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec
une
intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’el
535
s physiologiques dont la pauvreté le rejette dans
une
angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui
536
t créateur, voilà je pense le véritable désordre.
Une
intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre
537
oir rien d’autre à faire que son propre procès »,
une
intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile c
538
1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par
une
bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau s
539
au soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir
un
symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions météorolo
540
r un symbole. On ne saurait exagérer l’importance
des
conditions météorologiques du succès d’une telle rencontre : tout all
541
rtance des conditions météorologiques du succès d’
une
telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée
542
nse, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour
une
vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Aprè
543
oi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’
un
débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arrive
544
ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle
des
réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où on
545
ux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’
un
culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne peut
546
offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’
une
salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses attend
547
e salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur
des
paillasses attendraient en vain le lever d’un rideau sur une pièce in
548
ur des paillasses attendraient en vain le lever d’
un
rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit app
549
ses attendraient en vain le lever d’un rideau sur
une
pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître un faki
550
tante. Enfin le dernier soir, l’on vit apparaître
un
fakir… Il y eut aussi une assemblée délibérative en pleine forêt, où
551
oir, l’on vit apparaître un fakir… Il y eut aussi
une
assemblée délibérative en pleine forêt, où Henriod debout sur un tron
552
libérative en pleine forêt, où Henriod debout sur
un
tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équ
553
de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre
des
discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner trè
554
ions et de sa propre personne. Et il y eut encore
un
dîner très démocratique pendant lequel le philosophe Abauzit chanta «
555
bauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’
une
main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des p
556
ule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air
des
phrases musicales. Après quoi Richardot, entrant par la fenêtre, vint
557
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne
un
décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouv
558
phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui
une
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géom
559
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure
des
milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions no
560
l ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail
des
rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pour
561
n plan ni dans le détail des rues. Congestion : «
un
cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une
562
000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est
une
image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par
563
le problème de l’Urbanisme se place au croisement
des
préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre l
564
ect comme sous les autres, il nous faut mieux que
des
dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Cor
565
s autres, il nous faut mieux que des dictateurs :
des
Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise so
566
meux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est
une
étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate par
567
s de Rome). Urbanisme est une étude technique et
un
pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades morda
568
s mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’
une
verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu ou b
569
nt d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute
un
des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme
570
d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un
des
livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du
571
du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
un
ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous in
572
armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert
des
détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadr
573
suaire est couvert des détritus d’époques mortes.
Une
tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construir
574
s villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’
une
« ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc
575
e-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’
un
aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur a
576
rismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus
des
rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les
577
us les étages soulignent de verdure l’horizontale
des
toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et
578
verdure l’horizontale des toitures en terrasses.
Des
perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans f
579
coupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants
des
rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitée
580
uyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure
des
autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparen
581
des autos. Les maisons habitées ne sont plus que
des
enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entoura
582
hauteur, entourant de leurs multiples « redents »
des
terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
583
urs multiples « redents » des terrains de jeux et
des
parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé pa
584
des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
un
spectacle organisé par l’Architecture avec les ressources de la plast
585
eu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’
un
rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chan
586
pour créer avec ses moyens matériels formidables
des
ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus
587
lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à
un
opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l
588
ale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer
des
lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fo
589
Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer
un
espace architectural lumineux à la place de nos cités congestionnées,
590
ongestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil
des
germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la r
591
tre tuer au soleil des germes de révolution. Déjà
des
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de h
592
ène de haute poésie — la « ville contemporaine ».
Un
labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expres
593
Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours
un
art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si
594
usés. Nous choisissons les idées comme on choisit
un
amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter,
595
ce de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible
des
choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots comm
596
ci, je tape du pied —, ces désirs, ce corps… J’ai
un
passé à moi, un milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres
597
ied —, ces désirs, ce corps… J’ai un passé à moi,
un
milieu, des amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d
598
désirs, ce corps… J’ai un passé à moi, un milieu,
des
amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faib
599
utres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’
un
sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vienne
600
ontradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’
un
sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ;
601
ndre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’
une
habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je
602
ue le jeu de sauter follement d’une habitude dans
une
autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible e
603
d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’
une
fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d
604
e devins si faible et démuni, livré aux regards d’
une
foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir un s
605
bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir
un
secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une
606
us paraissaient détenir un secret très simple, et
un
peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me sen
607
ple, et un peu narquois ils me considéraient avec
une
pitié curieuse : je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi un
608
je me sentis nu, tout le monde devait voir en moi
une
tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me
609
damentale que je préférais me leurrer à combattre
des
imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ai
610
que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai
un
trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amert
611
plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait
un
ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes d
612
me temps que je le découvrais, dans tout mon être
une
force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna s
613
confiance sourde aux contradictions intimes exige
un
acte victorieux. Autour de cette brutalité s’organisaient brusquement
614
s tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était
un
des premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence.
615
ant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
des
premiers jours du printemps —, l’heure est venue de la violence. Jeun
616
pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus
une
douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agi
617
tés, c’était ma liberté agissante. J’allais plier
des
résistances à mon gré, agir sur les choses… Vers le soir, l’ardeur to
618
? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’
un
désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se
619
à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’
une
recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleineme
620
eureux : « J’ai donc la foi ? » Mais c’est encore
une
question… Je crois qu’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière
621
ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’
une
révélation vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne recevra
622
r l’âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas
une
foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il
623
verai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est
une
révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai le
624
ur cela seul qu’ils sont naturels : la nature est
un
champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construc
625
rs la destruction et vers la construction ; c’est
un
mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence d
626
hoisir Mes instincts, ensuite, les éduquer, selon
des
lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de co
627
ois établies par le concours de l’expérience et d’
un
sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscie
628
tionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que
des
associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne
629
attre mes propres records. De ce lent effort naît
une
modestie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volo
630
illis un peu de connaître ; et de cette volonté d’
un
meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sin
631
onnaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi,
une
certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La sincérité m’apparaît
632
sincérité. La sincérité m’apparaît parfois comme
un
arrêt artificiel dans ma vie, une vue stupide sur mon état qui peut m
633
ît parfois comme un arrêt artificiel dans ma vie,
une
vue stupide sur mon état qui peut m’être dangereuse. (On donne corps
634
tat qui peut m’être dangereuse. (On donne corps à
une
faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et dema
635
rendu digne. L’époque nous veut, comme elle veut
une
conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où
636
comme elle veut une conscience. Je fais partie d’
un
ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’em
637
sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut
une
doctrine, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur une doctrine
638
ne, me dit-on. L’avouerai-je, quand je médite sur
une
doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5
639
e, quand je médite sur une doctrine possible, sur
une
systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentime
640
titudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans
un
débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un
641
ce véritable débat de ma vie : comment surmonter
un
malaise sans cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’
642
fond de néant, je le comprends par éclairs, mais
une
secrète espérance m’emporte de nouveau, premier gage du divin… Repren
643
dre l’offensive — au soir, je m’amuserai à mettre
des
étiquettes sur mes actes… Déjà je sens un sourire — en songeant à ces
644
mettre des étiquettes sur mes actes… Déjà je sens
un
sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser u
645
ant à ces raisonnements que je me tiens — plisser
un
peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme u
646
s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme
un
écho profond, une attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscilla
647
ure que je le décris. Mais comme un écho profond,
une
attirance aussi d’anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses
648
mi-conscience. Joie, dégoût, lueurs éteintes dans
une
nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin l
649
lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’
un
chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’il
650
nent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’
un
flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; j
651
corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou !
Revenez
, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ; je pense au monde. C
652
iens, j’écoute le vent ; je pense au monde. Chant
des
horizons, images qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi,
653
chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans
une
vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’
654
nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends
des
phrases qu’il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —,
655
lue, « scientifique » me paraît aller contre fin.
Une
attention trop directe et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi
656
spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire
des
idées qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent un caractère de
657
s qui m’aideront. Une fois écrites elles prennent
un
caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en
658
sincérité est tendancieuse. 5. Quant à adhérer à
une
doctrine toute faite, ce me semble une dérision complète. Je m’étonne
659
adhérer à une doctrine toute faite, ce me semble
une
dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’expériences ratées on
660
tées on puisse encore se persuader de la vérité d’
un
système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile. C
661
ader de la vérité d’un système, hors la religion.
Un
système n’est pas vrai, il est utile. C’est pourquoi je ne puis compr
662
our lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin
un
critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entrep
663
t de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer
une
leçon constructive des expériences entreprises par les générations pr
664
un critique qui sait tirer une leçon constructive
des
expériences entreprises par les générations précédentes. Parce qu’ell
665
s dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’
un
« Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenant
666
, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme
une
découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de
667
ntinuer leur œuvre, comme une découverte couronne
une
série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négativ
668
s lois de la vie sont essentiellement différentes
des
lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit ni
669
’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans
un
essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis lo
670
rouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être
un
moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en
671
essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas
une
façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussi
672
articulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici
une
discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’aute
673
et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause
des
confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai s
674
eau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie
des
« intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive
675
s « intermittences du cœur » dont Fernandez donne
une
critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception
676
qu’il définit sa propre théorie de la « garantie
des
sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme no
677
iments », où l’on est en droit de voir le germe d’
un
moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moderne
678
Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse —
une
analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « princi
679
a psychologie freudienne et proustienne a porté à
un
point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exe
680
oint si dangereux, il nous propose l’expérience d’
un
Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « pen
681
propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’
un
Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’act
682
ence d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’
un
Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la
683
sa véritable unité. Je me borne à signaler encore
un
thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du rom
684
unité. Je me borne à signaler encore un thème qui
revient
dans la plupart de ces essais : l’esthétique du roman. Fernandez en f
685
ais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule
une
théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien util
686
ntir sous l’expression trop technique ou obscure,
une
richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce dé
687
osophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez
un
certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encor
688
certain recul par rapport à ses idées, on le sent
un
peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son
689
s conquises. Il n’empêche que son livre manifeste
une
belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nett
690
quelques directions très nettes de synthèse. Avec
une
œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiq
691
nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir
des
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle
692
t les premières contributions à l’établissement d’
une
éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « [Co
693
e violence et de volupté », je me sens envahi par
un
rythme impérieux au point qu’il faut que certaines voix en moi taisen
694
x en moi taisent leur protestation, étouffées par
des
forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’épr
695
d trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle
un
« poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce
696
’auteur l’appelle un « poème solaire », l’éditeur
un
roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de t
697
ur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit
des
premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un n
698
s de taureaux du jeune Montherlant est en réalité
un
nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée,
699
réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques.
Une
œuvre d’une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestra
700
ouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’
une
seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèm
701
e thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’
une
ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était pérille
702
richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’
une
unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier, il
703
et était périlleux : si particulier, il prêtait à
des
abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de f
704
on le traite de naturaliste. Mais comment montrer
des
taureaux sans que cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de v
705
comment montrer des taureaux sans que cela sente
un
peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant res
706
peut atteindre à pareille intensité de réalisme.
Une
perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme
707
le palpitation de vie anime ce livre et lui donne
un
rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondiss
708
irecte sur notre énergie physique. Partout rôdent
des
présences animales. Tandis que sur la plaine s’élève le long beugleme
709
ndis que sur la plaine s’élève le long beuglement
des
taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux ent
710
e le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé
des
bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », i
711
des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme
un
chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans
712
tendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans
un
coin du tableau des ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tê
713
la mer », il y a toujours dans un coin du tableau
des
ruades, des chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vach
714
y a toujours dans un coin du tableau des ruades,
des
chevaux qui partent tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se
715
chevaux qui partent tout droit, la tête dressée,
des
vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens «
716
es qui se mordillent et se frôlent amoureusement,
des
chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas des jambes », jusqu’à
717
nt amoureusement, des chiens « qui vous faufilent
des
douceurs au bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèche
718
s chiens « qui vous faufilent des douceurs au bas
des
jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèchent alternativement,
719
nt alternativement, « en vraies bêtes de désir ».
Une
intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et l
720
e la vie animale suppose entre l’homme et la bête
une
sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la d
721
les taureaux cet amour tourne en adoration ou en
une
véritable horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’il devra com
722
une véritable horreur sacrée. Voici Alban devant
une
bête qu’il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud
723
aligaud ! » Il l’apostrophait ainsi tout bas, sur
un
ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cil
724
bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule
une
litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés par la lumière desce
725
cendante, les prunelles laiteuses du dieu avaient
un
reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Null
726
nconnu. Nulle part mieux que dans la description
des
taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un ly
727
manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à
un
lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le M
728
sa destinée. Quelques secondes encore elle cligna
des
yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu
729
on. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme
un
corps qu’on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement
730
ent les articulations grinçaient, avec le bruit d’
un
câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à
731
vec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur
un
treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’hom
732
erlant décolle de la réalité, c’est tout de suite
une
orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de gran
733
, de grands symboles païens, et l’on se perd dans
un
syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confond
734
es taureaux et Alban confondent leurs génies dans
une
sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
735
eut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée
des
sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et
736
je le trouve assez peu humain et comme obsédé par
une
idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour f
737
idée de violence tonique certes, mais décidément
un
peu pauvre pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rê
738
certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder
une
religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autr
739
r fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’
un
rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là
740
is ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a
un
autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste d
741
Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est
un
moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devie
742
n moraliste de grande race, qui peut nous mener à
des
hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avo
743
e sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’
un
autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne
744
est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’
une
évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page
745
ue page, ce qui peu à peu obsède dans l’inflexion
des
phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de viol
746
ux de violence et de passion, c’est la présence d’
un
tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, a
747
nt sans fin, avant que d’être, Montherlant impose
un
tempérament lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi fa
748
être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’
une
puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qu
749
ance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier
des
défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève direc
750
que lui. Certes, il ne soulève directement aucun
des
grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être
751
rd dans son être intime l’en empêche, le préserve
des
états d’incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à
752
le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’
une
telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver d
753
nse plus. On comprend qu’une telle attitude agace
des
gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intellig
754
ce des gens qui se soucient avant tout de trouver
des
réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de
755
». Mais cette personnalité dont il manifeste avec
une
magnifique insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’être é
756
n témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue
des
athlètes en action, un tel livre communique une puissance physique, u
757
exaltation ? Comme la vue des athlètes en action,
un
tel livre communique une puissance physique, un mouvement vers la vie
758
e des athlètes en action, un tel livre communique
une
puissance physique, un mouvement vers la vie ardente qui peut entraîn
759
, un tel livre communique une puissance physique,
un
mouvement vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan d
760
vers la vie ardente qui peut entraîner l’âme dans
un
élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ou
761
er l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point
une
solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir tr
762
ue d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver
un
sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parfois à ces forces obs
763
ligence de l’instinct universel et nous élèvent à
une
vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Dés
764
n. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
une
chenille précisément aux trois-centres nerveux, et sa victime « une s
765
sément aux trois-centres nerveux, et sa victime «
une
sympathie (au sens étymologique du mot) qui la renseigne du dedans, p
766
illet 1926)a Il y a dans le monde intellectuel
une
« Question d’Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des
767
ent » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence.
Des
prophètes — hindous à demi-européanisés ou germains désillusionnés —
768
« crépuscule du monde occidental », et, au-dessus
des
ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
769
os cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’
un
Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse
770
mière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines
des
confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craint
771
de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs
des
plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses hab
772
et son passé, en curieux avide du secret dernier
des
choses, lucide, avec une sorte d’acharnement, comme seul il sait l’êt
773
avide du secret dernier des choses, lucide, avec
une
sorte d’acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que c
774
l’être aujourd’hui sans que cela nuise en rien à
un
don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psyc
775
hapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni
un
album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auque
776
l nous ont habitués les voyageurs en Orient, mais
une
suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l
777
me orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec
un
intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusa
778
pages sur Jérusalem qui touchent particulièrement
une
sensibilité protestante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
779
tout leur prix. Elles ne nous renseignent pas sur
une
partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bie
780
meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres
des
Orientaux. L’intérêt d’un livre comme celui-ci est plus dans l’opposi
781
Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’
un
livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que d
782
n livre comme celui-ci est plus dans l’opposition
des
deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’
783
z ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit
des
Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît une b
784
S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’
une
politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contrast
785
Le mensonge, autant qu’une politesse, leur paraît
une
beauté », c’est pour affirmer par contraste une « préférence irréduct
786
t une beauté », c’est pour affirmer par contraste
une
« préférence irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir p
787
ge ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il
des
rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme,
788
e paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est
une
démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons
789
t. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait
une
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et en
790
vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait
un
plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit l
791
e M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en
une
matière si complexe — sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire
792
sont plutôt optimistes. Il ne paraît pas croire à
un
péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là
793
r là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre
des
musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne com
794
manque pour parler comme j’aurais voulu le faire
des
deux autres parties du volume, d’une importance moins actuelle, mais
795
ulu le faire des deux autres parties du volume, d’
une
importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supérie
796
u volume, d’une importance moins actuelle, mais d’
une
qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de
797
les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz
un
philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux h
798
ur édifier aucun système. Le livre se termine par
un
voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le plus beau don d
799
plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là
des
pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certai
800
on de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’
un
accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume
801
n accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’
une
certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’o
802
’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois
un
peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieu
803
a personnalité peut-être mieux que ne le feraient
une
suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici,
804
le feraient une suite de pages lyriques toujours
un
peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le type du voyageur intelligen
805
à ses origines pour garder dans ses dépaysements
un
point de vue fixe, d’où comparer et, parfois, juger ; préférant obsti
806
à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’
un
sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicates
807
ptembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter
un
jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant :
808
porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome
des
mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvr
809
ire que le livre vaut par son allure plus que par
des
qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
810
e de la Renaissance », pour quelques descriptions
des
prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille f
811
i supporté mille fastidieux détails techniques et
des
délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans
812
désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle
des
athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires,
813
ment dans les prairies célestes, pour avoir donné
une
grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit n
814
ues et sobres, jetées de haut avec la nonchalance
des
vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur de
815
je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur
des
valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hen
816
Soir de Florence (13 novembre 1926)i
Des
cris mouraient vers les berges du fleuve jaune, entre les deux façade
817
derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est,
des
collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vo
818
r. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures
revenaient
au pas des Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nou
819
trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas
des
Cascine. Vers sept heures, il n’y en eut presque plus. Nous étions se
820
euls sur le pavé qui exhalait sa chaleur, au long
des
quais sans bancs pour notre lassitude. Florence s’éloignait derrière
821
romenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles,
des
nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’a
822
comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur
des
berges : un malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du li
823
es, des nuages rouges et le vert dur des berges :
un
malaise montait dans l’air plus frais, avec l’odeur du limon. Nous ma
824
nt du fleuve, parmi les dissonances mélancoliques
des
lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle
825
rmi les dissonances mélancoliques des lumières et
des
odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie plus r
826
s où nous étions baignés nous promettait pourtant
une
connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blan
827
aissance plus intime de certaine tristesse. Seule
une
maison blanche est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’el
828
hanson jamais entendue qui nous accompagne depuis
un
moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avan
829
s un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a
un
homme debout à l’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme une
830
l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’
un
char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de
831
y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par
des
bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romant
832
’avant d’un char tiré par des bœufs blancs. Comme
une
apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans un
833
arlais de chromos, de romantisme… nous voici dans
une
réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit n
834
… nous voici dans une réalité bien plus étrange.)
Une
atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur d
835
bœufs blancs, les roues peintes du char, l’Italie
des
poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tan
836
ie des poètes… Mais ce pays tout entier pâmé dans
une
beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’i
837
Vivre ainsi simplement. Sans pensée, perdus dans
un
soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plaint
838
Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où,
un
soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux
839
’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante
une
plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lo
840
sir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est
un
silence qui s’impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de se
841
musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme
une
barre droite au travers d’un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps
842
it sacrilège, comme une barre droite au travers d’
un
tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces minu
843
ide, parfums à peine sensibles, bruissement vague
des
roseaux aux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme une envie
844
ux feuilles sèches… Puis la brume est venue comme
une
envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proc
845
is la brume est venue comme une envie de sommeil.
Une
lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nuit. Nous nous
846
ières sur les champs sombres du ciel de l’est, et
une
façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa colline
847
ine. Derrière nous, les arbres se brouillent dans
une
buée sans couleurs, nous quittons un mystère à jamais impénétrable po
848
illent dans une buée sans couleurs, nous quittons
un
mystère à jamais impénétrable pour l’homme, nous fuyons ces bords où
849
pour l’homme, nous fuyons ces bords où conspirent
des
ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes co
850
ns ces bords où conspirent des ombres informes et
des
harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouon
851
parfums et de courbes compliquées. Nous secouons
un
sortilège pénétrant comme cette brume, une vie étrangère, une paix qu
852
ecouons un sortilège pénétrant comme cette brume,
une
vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gou
853
e pénétrant comme cette brume, une vie étrangère,
une
paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, car
854
entir l’esprit se défaire et couler sans fin vers
un
sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heur
855
ans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve,
un
sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parl
856
à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce,
des
voluptés plus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’un repo
857
s faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’
un
repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais n
858
user dans nos corps charmés d’un repos sans rêves
une
langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais nous voyons la ville d
859
debout dans ses lumières. Architectures ! langage
des
dieux, ô joies pour notre joie mesurées, courbes qu’épousent nos ferv
860
açade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’
un
équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’im
861
sur le ciel fut le signe d’un équilibre retrouvé.
Un
grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des
862
er, près de nous, érigeait l’image de la lutte et
des
forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les
863
la lutte et des forces humaines, et rendait sous
des
coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y ava
864
et des forces humaines, et rendait sous des coups
un
son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie
865
les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie
des
hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous
866
s hommes pour demain, et il était beau d’y songer
un
peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. Le long de l
867
un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux
des
rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’e
868
formes devinées dans l’espace nous environnent d’
une
obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-gest
869
nt d’une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux
des
hommes-qui-font-des-gestes. Les autos répètent sans fin les notes mêl
870
s. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’
une
symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un
871
peut-être composer tous les bruits de la ville en
un
chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et le
872
bruits de la ville en un chant immense. Il passe
une
possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu
873
t qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose
un
mystère qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la pl
874
roisée propose un mystère qu’on oublie pour celui
des
regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les caf
875
qui pleure délicieusement jusque dans les gestes
des
passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir
876
e et monotone nous allons voir courir l’arabesque
des
sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir
877
tuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans
un
système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, polit
878
tiques, regards, musiques — cette vie rapide dans
un
décor qui est le rêve éternisé des plus voluptueuses intelligences —
879
vie rapide dans un décor qui est le rêve éternisé
des
plus voluptueuses intelligences — tous les tableaux dans le noir des
880
es intelligences — tous les tableaux dans le noir
des
musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être
881
onnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec
un
certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendance
882
ifestent, avec un certain manque de conviction et
des
poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’e
883
es de mannequins, les tendances contradictoires d’
un
individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque d
884
aiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans
une
croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature,
885
que dans une croisière de vacances, qui finit par
un
naufrage dans la littérature, le navire succombant sous les allégorie
886
le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve
une
sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de
887
l trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme
des
désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à fair
888
nt l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là
un
talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ». y. Rougemon
889
oquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’
un
automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les c
890
mbre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne,
une
amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font u
891
le charme d’un automne, une amertume enveloppée,
une
atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les coule
892
e, une atmosphère trop claire où les cris se font
un
peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un
893
s couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime
un
soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi, Henri de
894
Henri de Closain, quitter le domaine enchanté où
des
amis très fins, précieux poètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’
895
s souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’
un
amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar
896
ls qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans
une
aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fu
897
ssion ironique qui lui convient, mais ici mêlée à
une
émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter qu
898
eur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’
un
pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alf
899
, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa
Un
Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous so
900
(décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à
un
Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres
901
qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
des
Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et c
902
étonne non sans quelque aigreur, et critique avec
un
mépris tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa d
903
ste sans conviction, et sous sa défense on devine
une
détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit
904
s sa défense on devine une détresse. C’est encore
une
vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiéta
905
e, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe «
une
barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et cell
906
passion apparaît dans notre ordre social « comme
une
adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action
907
tte confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt
une
unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous
908
à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour
une
conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir ju
909
qu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’
un
« étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion,
910
Avant-propos (décembre 1926)a b
Une
mauvaise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par
911
nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec
une
netteté qui a pu paraître parfois quelque peu impertinente. Le fait e
912
ment encore à nous comprendre et de nous accorder
une
confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons
913
ndons pas qu’on prenne toutes nos obscurités pour
des
profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle r
914
ns pas procéder à quelque sensationnelle révision
des
valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant
915
ses… Nous ne proposerons pas, lecteur bénévole,
un
exercice mensuel à votre faculté d’indulgence. Par contre, nous nous
916
use en publiant cette revue. Nous ne sommes pas «
une
revue littéraire de plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
917
plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez
un
peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre rev
918
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’
un
ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine…
919
mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’
une
volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propos »
920
e de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons
un
mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tir
921
e ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’
une
anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire — pro
922
de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’
une
vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous
923
e moins avouables, — la sincérité, masque fier et
un
peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pures
924
— la sincérité, masque fier et un peu douloureux
des
défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétu
925
douloureux des défaitismes les plus subtils comme
des
plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout
926
oisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien
une
attitude en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désinté
927
bé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine
un
personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui
928
e, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule,
une
méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nou
929
te opération idéale. En même temps, la froideur d’
une
telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que nécess
930
aire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’
un
esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondémen
931
calculés », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par
une
sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = s
932
sincérité spontanée, vertu moderne en qui renaît
un
mythe rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérat
933
i renaît un mythe rousseauiste, inspire, explique
un
vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sinc
934
fait est que ce geste symbolique a déclenché tout
un
mouvement littéraire, celui-là même qui aboutit naguère au surréalism
935
incongru du héros n’est jamais que le résultat d’
un
mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions
936
concertées. Rien n’est gratuit que relativement à
un
système restreint de références. Il résulte de semblables considérat
937
té. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit
une
valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’il y a de plus secret dans
938
a de plus secret dans la personnalité. Ce serait
un
moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pit
939
ion réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’
un
Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Q
940
on rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes
une
connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt
941
r exemple. — Je m’assieds à mon bureau, je prends
une
feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments,
942
tions, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve
un
désir d’action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aura
943
. Supposons que j’éprouve un désir d’action vive,
un
élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le
944
s. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est
un
élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par u
945
on esprit, c’est le frein lui-même, bientôt — par
un
mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte
946
attention — et fatalement c’est à la découverte d’
une
faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir
947
oint : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois
des
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement des sentiments que
948
actes accomplis, je revis plus ou moins fortement
des
sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Par
949
finies (telle sensation physique de bonheur, dans
une
rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouil
950
ue de bonheur, dans une rue au coucher du soleil,
des
phares d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent d
951
oilent le brouillard, les visages se cachent dans
des
fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces chos
952
hesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans
un
ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes
953
Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve
un
être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à
954
où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’
une
image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse
955
ne image plus précise, cette minute est baignée d’
une
lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du pass
956
e quelque chose, c’est bien le second. La qualité
des
souvenirs qu’il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon p
957
a méthode indiquée dans le premier exemple. C’est
un
cas-limite, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout u
958
onviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout
un
genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont le
959
ces livres évoquent assez précisément la forme d’
un
entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. Un
960
e serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur.
Un
arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du
961
et les forces centripètes l’emportent peu à peu,
une
aspiration vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis
962
ent peu à peu, une aspiration vers le bas produit
une
agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusqueme
963
gitation accélérée et folle, puis tout finit dans
un
râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant
964
évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’
un
dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi
965
s à la destruction de moi-même. Par les fissures,
un
instant, j’ai pu soupçonner des profondeurs ; mais déjà c’est le chao
966
Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner
des
profondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre s
967
purement (« cette curiosité donnée comme raison d’
une
perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveil
968
dentes). Rivière définissait la sincérité comme «
un
perpétuel effort pour créer son âme telle qu’elle est ». Il voyait da
969
st ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’
un
enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un
970
cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’
une
consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître.
971
d’une consolidation de l’individu mais avant tout
un
moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait
972
gée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
un
Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas q
973
ut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans
des
limites assez étroites empiriquement fournies par le sens de son inté
974
ement fournies par le sens de son intérêt propre,
une
analyse sincère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne se
975
ficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard
des
dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le
976
c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’
un
élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romancie
977
de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer
une
différence. Pourquoi les romanciers modernes ont-ils tant de mal à cr
978
s romanciers modernes ont-ils tant de mal à créer
des
personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imp
979
t de mal à créer des personnages ? C’est parce qu’
une
sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontai
980
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel
un
Balzac les fait vivre. Ce serait fausser quelque chose à leurs yeux.
981
serait fausser quelque chose à leurs yeux. Le cas
des
Faux-Monnayeurs le montre clairement. En morale : défaitisme quand il
982
uand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner
des
effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et, bientôt, incapac
983
acité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter,
une
confiance dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans q
984
de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’
un
Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincér
985
lier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour
un
moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteu
986
sirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est
un
mensonge, mais un bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Ê
987
ent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais
un
bon artiste n’est pas menteur », dit Max Jacob. « Être sincère, c’est
988
foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire
une
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite
989
eux. Au hasard de quelques lectures, je pris note
des
passages suivants (les paraphraser serait d’une ingratitude insigne —
990
e des passages suivants (les paraphraser serait d’
une
ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons de c
991
ême à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’
un
homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir s
992
r lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle
une
œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de
993
r donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.)
Un
rôle ? Oui. Mais si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se
994
le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’
un
sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma j
995
aque minute de ma joie est plus réel que celui qu’
une
analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la
996
isie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais
un
visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloure
997
lante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage
un
peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore
998
ais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’
une
ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visibl
999
t, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’
un
moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffi
1000
désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais
un
pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le r
1001
tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre,
un
peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fo
1002
ceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’
un
idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aim
1003
e… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’
une
symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait u
1004
émanait de toute la vie : chaque chose proposait
une
ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant q
1005
se proposait une ferveur nouvelle, et chaque être
un
plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état de grâce, un am
1006
un plus prenant sourire. Cependant que ma joie —
un
état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possessio
1007
ourire. Cependant que ma joie — un état de grâce,
un
amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne
1008
que momentanément je choisissais de laisser — et
des
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer comme o
1009
igurants de mon bonheur que je me conciliais pour
des
retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
1010
me au plus profond de l’être, on entretient comme
une
arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre
1011
e arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’
une
continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gên
1012
d’une continuité entre ses actions et ses désirs,
un
quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline discrètement les dé
1013
iscrètement les décisions et les rend complices d’
un
dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la plus
1014
! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’
un
adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde.
1015
nte d’un adieu et calculer rapidement le retour à
une
fidélité plus profonde. Fidélité à sa loi individuelle, quelles merve
1016
s merveilleuses duperies cela suppose. Mais c’est
une
honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce c
1017
ant et secret assujettissement au moi idéal exige
une
politique des sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire qu
1018
assujettissement au moi idéal exige une politique
des
sentiments plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilit
1019
rivisme, et séduction dans les salons. Constater
une
faiblesse, c’est toujours un peu en prendre son parti. La sincérité c
1020
salons. Constater une faiblesse, c’est toujours
un
peu en prendre son parti. La sincérité crée en nous un fait accompli.
1021
u en prendre son parti. La sincérité crée en nous
un
fait accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même une volonté — si
1022
it accompli. J’appelle hypocrisie envers soi-même
une
volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour êtr
1023
ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’
une
espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on t
1024
e qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire
des
sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que t
1025
sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’
une
liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non
1026
pposé dans le premier exemple, ce serait le récit
des
gestes qu’il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’
1027
derne souligne la quasi-impossibilité de traduire
un
dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « Et certes qu
1028
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins
une
certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (Re
1029
ture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’
un
désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c.
1030
Dés ou la clef
des
champs (1927)l « On sent l’absurdité d’un semblable système. » M
1031
ef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’
un
semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le
1032
t l’absurdité d’un semblable système. » Musset.
Une
rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café
1033
é d’un semblable système. » Musset. Une rose et
un
journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais
1034
se et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’
une
table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommatio
1035
e de café. Je venais de m’asseoir et de commander
une
consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures. J’étais seul
1036
de commander une consommation. Comme d’habitude,
un
peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu anonyme bien
1037
n peu après six heures. J’étais seul. Le café est
un
lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attendent
1038
u bureau, les gages insupportablement familiers d’
une
vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro,
1039
e de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’
un
apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges qu
1040
prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin
des
songeries les plus étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
1041
nc d’ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont
un
pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond :
1042
s divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau
des
lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de las
1043
ignes, et cette mécanique me restitue chaque fois
un
peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver.
1044
me restitue chaque fois un peu plus de lassitude,
un
peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me
1045
rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre
une
rose pour le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors : une si bel
1046
le plaisir ! (Et je ne pensais même pas, alors :
une
si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se
1047
pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra
un
homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant
1048
r livra un homme élégant et tragique, qui se tint
un
moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement vers la
1049
agique, qui se tint un moment immobile, cherchant
une
table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraîtr
1050
vers la mienne et s’assit sans paraître me voir.
Une
grande figure aux joues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal
1051
se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta
une
liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en
1052
de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent
un
peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens
1053
j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens,
une
petite automobile qui roulait dans la banlieue printanière ; des soup
1054
mobile qui roulait dans la banlieue printanière ;
des
soupers d’amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de c
1055
oupers d’amis dans notre modeste salle à manger ;
des
jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journ
1056
jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta.
Une
indécision parut sur ses traits. Puis il reprit les dés brusquement,
1057
il reprit les dés brusquement, et me fixant avec
un
léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise vainquit ma timid
1058
tai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec
une
légère exaltation : — Vous avez gagné, c’est admirable, ah ! mon Dieu
1059
Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’
une
agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâm
1060
e agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer
un
moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagnai. Il dem
1061
me enjeu nos consommations. Je gagnai. Il demanda
des
portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commenç
1062
vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’
une
joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-m
1063
t ma raison effarée. L’étranger s’animait aussi :
une
fièvre faisait s’épanouir sur son visage je ne sais quel plaisir crue
1064
son visage je ne sais quel plaisir cruel. C’était
un
jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers l
1065
de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’
un
hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confianc
1066
qui opère au commandement de la main. Ce soir-là,
une
confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je ga
1067
urir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient
des
tableaux mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « person
1068
s tableaux mouvants où je me voyais figurer comme
une
sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousu
1069
orte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord
des
images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Ma
1070
ut seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’
un
coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voi
1071
ilà riche, le voilà classé, le voilà prêt à faire
des
bassesses pour durer, et tu te réjouissais, parce que tu n’as pas bea
1072
tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es
un
pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complè
1073
à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier
des
valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme
1074
e à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît
un
5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et
1075
ls ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’
une
bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs l
1076
és, glorification de leur impuissance à concevoir
un
autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude,
1077
st toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’
une
destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon
1078
ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent
une
angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’imaginen
1079
t une angoisse. Ça les dérange terriblement, sauf
un
ou deux qui s’imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qu
1080
aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait
des
soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
1081
soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que
des
baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une te
1082
ût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines,
une
tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Le
1083
resse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur
des
visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique n
1084
ma les yeux sur des visions. Les lustres doraient
un
brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une
1085
umée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’
une
femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle
1086
Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour
un
dernier enjeu. Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’eff
1087
tte rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’
un
long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder
1088
r, traverser le café dans la musique et la rumeur
des
clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient follement au-des
1089
lames lumineuses dialoguaient follement au-dessus
des
rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied dél
1090
mais rien… (sinon qu’au lendemain je n’avais plus
un
sou). Je n’ai jamais revu l’étranger. Quelquefois je songe à ses paro
1091
ie… Ah ! plus amère, plus amère encore, saurai-je
un
jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de
1092
e un jour te désirer, te haïr… 9. Calembour sur
une
idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef
1093
l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef
des
champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts appliqués, architecture,
1094
qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’
un
traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les
1095
nthousiasmer il leur réserve mieux encore : après
une
kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres f
1096
paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon
une
folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une
1097
e folie de la persécution, qui se cherche partout
des
prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet o
1098
écution, qui se cherche partout des prétextes, et
une
passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnag
1099
la liberté, qui font de cet ombrageux personnage
une
manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte,
1100
e. Il le proclame « J’appartiens à la grande race
des
torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents int
1101
en fut, voici parmi trop de talents intéressants,
un
écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement é
1102
lents intéressants, un écrivain qui s’impose avec
des
qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin d
1103
ts, un écrivain qui s’impose avec des qualités et
des
défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littér
1104
ous les records de l’image, ce qui nous vaut avec
des
bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un ly
1105
zarreries fatigantes et quelques sombres délires,
des
pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de ju
1106
tigantes et quelques sombres délires, des pages d’
un
lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses
1107
pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’
une
métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’a
1108
ir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous
des
douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor d
1109
l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou
des
chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d
1110
ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor
des
capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une vérita
1111
hallucination du décor des capitales, créatrice d’
un
merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne »
1112
, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’
une
véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de
1113
le « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est
une
suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle
1114
dont la composition n’est pas sans rappeler celle
des
Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer d
1115
passant par la description réaliste ou imaginée d’
une
boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le mei
1116
ption réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’
une
devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’aute
1117
imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’
un
parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’e
1118
illeur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant
un
des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Ne
1119
eur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un
des
plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval
1120
. J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez
un
Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non pl
1121
l Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse,
un
Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’
1122
n Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur,
un
Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démon
1123
ux amours perdues Sur le mont gris pâlissants
Des
bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qu
1124
roide, En souffrance mes baisers. L’amour est
un
alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’e
1125
ves Où sourient quels anges fous. L’horaire dicte
un
adieu, La mode qu’on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme o
1126
fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’on rie
des
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux nom. d.
1127
pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’
un
faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
1128
me le démiurge venait de peser sur le commutateur
des
étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégr
1129
compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et
un
chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par exc
1130
rintanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’
une
race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on ne s
1131
diquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’
une
rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, leque
1132
s le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon,
un
café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s
1133
enir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café,
un
! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approcha
1134
e — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’
une
hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte d
1135
d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna
des
avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant consid
1136
ses poches, ôta ses gants qu’il jeta, puis, après
un
grand coup de pied dans le vide symbolique des systèmes, sortit, c’es
1137
rès un grand coup de pied dans le vide symbolique
des
systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans une direction qu
1138
ique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit
un
pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale.
1139
tèmes, sortit, c’est-à-dire qu’il fit un pas dans
une
direction quelconque. L’étoile pleurait, sentimentale. f. Rougemon
1140
Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’
un
bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circul
1141
res, aux tire-l’œil. Lors : Lewis, sifflant comme
un
fusil automatique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommei
1142
e tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose
des
complets rigides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
1143
é, le train dépose des complets rigides contenant
des
Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage comme
1144
gides contenant des Anglais fragiles. L’aube tire
un
écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveil
1145
e, la décristallisation progressive et réciproque
des
conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’
1146
nts. » On sait que Beyle appelait cristallisation
une
fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amou
1147
de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves.
Un
malentendu grandit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal
1148
solement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à
une
fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant
1149
un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’
un
mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à di
1150
re. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot,
un
geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper l
1151
? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’
une
incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de r
1152
acques, il souffre d’une incurable adolescence, d’
un
défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer
1153
omme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici
un
autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combie
1154
entions du récit et de les exprimer seulement par
un
geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressent
1155
récit et de les exprimer seulement par un geste,
une
nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n
1156
er seulement par un geste, une nuance du paysage,
une
image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de disc
1157
ne nuance du paysage, une image qu’on garde comme
un
pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’i
1158
ce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à
une
certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la
1159
t, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère
une
étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
1160
la Maladère une étrange harmonie entre le climat
des
sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Pay
1161
harmonie entre le climat des sentiments et celui
des
campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans vi
1162
t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
des
dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la ju
1163
a justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
des
visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’ét
1164
le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était
un
parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
1165
, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’
une
joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre
1166
nte et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère,
un
arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
1167
adère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu,
des
fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie,
1168
coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur
un
paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages
1169
sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’
un
incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, do
1170
brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’
un
passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac
1171
ps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’
une
jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de,
1172
sement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’
une
insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de
1173
emands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir,
un
peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fai
1174
ut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec
une
sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour
1175
rogrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans
une
imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du
1176
non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’
une
fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptue
1177
damentale indifférence du cœur qui contraste avec
une
vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ame
1178
désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline,
un
amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amo
1179
ites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’
une
telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui v
1180
le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse
un
peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les
1181
ar elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est
un
lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un
1182
Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont
un
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce q
1183
sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme
une
arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cet
1184
de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et
un
peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez fac
1185
t, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’
une
résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvo
1186
, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute
un
morceau de phrase dans l’édition originale.
1187
moiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est
un
peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’au
1188
.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans
des
lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se
1189
. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à
un
de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné
1190
s rencontrèrent les miens plus d’une fois pendant
une
danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pou
1191
les détourniez soudain comme pour vous arracher à
une
obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon d
1192
je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit
un
signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma p
1193
heur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’
un
couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on vo
1194
re répondant au mien, comme on voit au dénouement
des
films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
1195
on voit au dénouement des films populaires et sur
des
cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous séparait,
1196
sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule
des
danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous dis
1197
es danseurs nous séparait, mon ami se détournait,
un
peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empress
1198
ait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’
un
cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une
1199
issiez au milieu d’un cortège de rires empressés.
Une
autre danse reprenait. Je sentis une invincible lassitude me saisir e
1200
s empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis
une
invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait,
1201
it, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’
un
geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardo
1202
taines douleurs. Même, je fus obligé de confier à
un
ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le ja
1203
œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’
un
rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avais
1204
bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’
un
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me sou
1205
mmeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’
un
liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les la
1206
dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants
des
saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui avait la nausée.
1207
s fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans
un
matin sourd, frileux, qui avait la nausée. Je rentrai seul. Voici que
1208
ordre où je venais de jeter mon col de smoking et
un
œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
1209
col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’
une
autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, od
1210
re pensif. Ton regard est plus grand que le chant
des
violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme une femme nu
1211
. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme
une
femme nue dans une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un
1212
tête rôde ton souvenir, comme une femme nue dans
une
chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’un sommeil triste, tou
1213
ne chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’
un
sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
1214
t enfiévré par la crainte du réveil. Puis je suis
revenu
dans ces rues où je vous rencontrais parfois, du temps que j’ignorais
1215
bal, au vestiaire, je vous avais entendue donner
un
rendez-vous au thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine des
1216
thé du Printemps. J’ai rôdé dans la joie féminine
des
grands magasins, n’osant pas repasser trop souvent devant les ascense
1217
ent : je devais paraître si perdu. Chaque fois qu’
un
paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’é
1218
ans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais
un
petit arrachement, comme précisément un enfant qui monte pour la prem
1219
éprouvais un petit arrachement, comme précisément
un
enfant qui monte pour la première fois… Je me disais encore : Si je p
1220
en face de votre bel ami laqué, souriante… Enfin,
un
peu après 6 heures, je suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans
1221
partout. Chaque visage de femme révélait soudain
un
trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui vena
1222
prochain autobus, — si rapide : déjà les lumières
des
boulevards glissaient des reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds d
1223
ide : déjà les lumières des boulevards glissaient
des
reflets sur l’asphalte mouillé. Les pieds dans l’eau, les jambes fati
1224
ces élans réticents, maladroits, contradictoires…
Un
autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l
1225
s de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis
un
visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avai
1226
encher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que
des
dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vous r
1227
ais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’
une
incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être ét
1228
r. Je descendis derrière elle. Mais tout de suite
des
parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Le
1229
de suite des parapluies la dérobèrent à mes yeux.
Une
bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement p
1230
he de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec
un
sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés
1231
vait contracter mon visage. Je promenais sur tous
des
regards angoissés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’a
1232
es les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’
un
long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes
1233
uit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées
des
fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant
1234
pensées des fragments de rêves et les personnages
des
affiches, tout en marchant sans fin dans les couloirs implacablement
1235
ar bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec
une
sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’e
1236
s s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur
un
trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume
1237
t que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’
un
glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait p
1238
e je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore
un
qui vous aime, je ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de,
1239
par l’auteur », écrivait Cocteau dans la préface
des
Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de
1240
dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et
une
note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul sym
1241
rphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas
un
seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’y déco
1242
certé la possibilité. Orphée, par exemple, serait
un
poète surréaliste. « Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
1243
ple, serait un poète surréaliste. « Il faut jeter
une
bombe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages
1244
Il faut jeter une bombe, dit-il, il faut obtenir
un
scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il pré
1245
mbe, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut
un
de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inco
1246
ir faire admettre que la poésie consiste à écrire
une
phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée
1247
ste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est
un
cheval savant qui la lui a dictée : « Madame Eurydice Reviendra Des E
1248
Eurydice Reviendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas
une
phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du
1249
— « Ce n’est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est
un
poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on décou
1250
est pas une phrase, s’écrie-t-il, c’est un poème,
un
poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la f
1251
, s’écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve,
une
fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que
1252
» Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est
une
anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalis
1253
uvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme
un
peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les surréalistes, donnés à
1254
pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi
des
sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce
1255
tes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines
des
qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrét
1256
acob, permettraient seules de taxer de chrétienne
une
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette
1257
œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque
des
symboles, cette simplicité à chausse-trappes, cette habileté surtout.
1258
l’auteur du Secret professionnel et de la préface
des
Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un d
1259
dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un
des
titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialo
1260
ion et relief du dialogue, ingénieuse utilisation
des
expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obten
1261
s expressions courantes, maximum de « situation »
des
personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style par
1262
imum de « situation » des personnages obtenu avec
un
minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le dé
1263
ages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin,
un
style parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d
1264
fin, un style parfaitement pauvre dans le détail,
un
vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d
1265
auvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’
une
netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatique q
1266
e, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’
une
familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble
1267
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’
un
trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il v
1268
d’en être l’organisateur », disait le photographe
des
Mariés. Dans Orphée, le mystère ne peut plus dépasser l’auteur : il l
1269
cher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement
une
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’
1270
ie. Parce qu’une fois de plus, Cocteau a comprimé
des
pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l
1271
se, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est
un
poète : j’en verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je
1272
Tout de même, Cocteau est un poète : j’en verrais
une
preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui au
1273
azette de Lausanne . Et même il appelait Orphée «
une
tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas ta
1274
Décembre L’époque s’ouvre où l’on attend
un
miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pa
1275
re quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas
des
imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font
1276
qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a
des
soirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la res
1277
Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a
des
soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calc
1278
oirs où tout ça semble idiot. Il y a des soirs où
une
idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s
1279
evue par chacun dans son for le plus intérieur, d’
une
fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d
1280
rassure provisoirement… Prosopopée, à propos d’
une
apparition La vieille Monture 6 un soir nous apparut, lugubrement
1281
à propos d’une apparition La vieille Monture 6
un
soir nous apparut, lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et
1282
l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre
un
accent anglais d’un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, d
1283
édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’
un
comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doigt
1284
sez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’
un
doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant : «
1285
là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’
une
maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
1286
orreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’
une
ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui ha
1287
t fui. Au détour d’une ivresse, ils rencontrèrent
une
créature évadée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an d
1288
dée d’anciens rêves qui hantait les limbes depuis
un
an déjà. Ils ne tardèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
1289
rable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’
un
feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit en
1290
nissent parfois autour d’un feu et le contemplent
un
certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dardel. Les autres n’
1291
’en pensent pas moins. Quelquefois, Mossoul amène
un
scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit
1292
ans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit
un
projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a
1293
u milieu de ce paludesque et stérile consistoire,
une
idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
1294
dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur
un
miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Na
1295
largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse,
un
acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de
1296
fin de négocier la vente de cette martingale avec
des
surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à temps pour assister à la
1297
martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il
revint
juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final
1298
ainsi que le disait si poétiquement le programme.
Un
peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres j
1299
ine était interdit à l’écran. Pitoëff avait prêté
un
accent, Mme d’Assilva deux actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Lou
1300
ctrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et
une
mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
1301
ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans
des
jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut tre
1302
de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges.
Un
jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, s
1303
Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté
des
lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conféren
1304
de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle
des
Conférences, devant un très bel auditoire, est un des plus passionnan
1305
di soir à la Grande salle des Conférences, devant
un
très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controve
1306
es Conférences, devant un très bel auditoire, est
un
des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de
1307
Conférences, devant un très bel auditoire, est un
des
plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceu
1308
ès bel auditoire, est un des plus passionnants et
des
plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le pl
1309
causes et les effets vérifiables, et non d’après
un
système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de
1310
n même temps de quitter le pays, Louis XIV commit
un
des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après a
1311
ême temps de quitter le pays, Louis XIV commit un
des
actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir
1312
que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait
un
tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente
1313
re ; puis ce sont les conseillers intimes du roi,
un
jésuite, le père Lachaise, un archevêque libertin, Harlay de Champval
1314
ers intimes du roi, un jésuite, le père Lachaise,
un
archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surtout Madame de Main
1315
el, persuadent Louis XIV que la révocation serait
une
œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreu
1316
e pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, «
un
niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse
1317
les statistiques faussées peuvent faire croire à
une
très forte diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’effraye-t
1318
aire croire à une très forte diminution du nombre
des
protestants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigrat
1319
’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration
des
fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On espère bien converti
1320
. Mais bientôt l’on voit la France se dépeupler ;
des
industries sont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’ac
1321
sion d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré
des
félicitations arrachées par Louis XIV au pape, les catholiques sont l
1322
à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans
une
lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédi
1323
aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’en faire
un
tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine
1324
orel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque
une
déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, qu
1325
IV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’
une
si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. Roug
1326
927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’
un
homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des
1327
volution naturelle a rapproché, dans sa maturité,
des
jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval a
1328
tisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec
un
mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeun
1329
ent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde
une
certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long…
1330
rde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’
un
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour por
1331
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être
un
peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâce.
1332
ux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois
un
signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un d
1333
ges pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’
un
René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Au
1334
ncontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver
un
peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle
1335
Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre
une
femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour
1336
sitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour.
Une
confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa
1337
tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence,
un
baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais c
1338
is. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime
une
petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ».
1339
ène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’
une
merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les env
1340
tre aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans
une
vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui co
1341
on prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là
un
sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
1342
dmirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
un
réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ess
1343
sions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout
un
système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou
1344
e à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’
un
réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il m
1345
ieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans
un
cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessi
1346
e éclater dans un cadre très moderne où s’agitent
des
personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs
1347
’agitent des personnages spirituellement dessinés
un
de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger
1348
même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or,
un
désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancolie. C’e
1349
’or, un désenchantement profond prend le masque d’
une
aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous éch
1350
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse
des
choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont
1351
a sourde tristesse des choses qui vous échappent,
des
amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le se
1352
hoses qui vous échappent, des amours impossibles,
des
histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seule
1353
, lettres perdues, aveux incompris, et peut-être,
un
quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
1354
ées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
des
dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). M
1355
spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre
un
personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’oran
1356
la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »).
Une
telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et dé
1357
Max Jacob. Ce soir-là, le programme comprenait :
un
film d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imagi
1358
e programme comprenait : un film d’avant-guerre ;
un
film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La
1359
ort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’
une
troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très
1360
e de province s’agitent incompréhensiblement dans
un
décor très pauvre, légèrement coloré. Le principe est simple : « Je v
1361
par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et
une
crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classi
1362
ues sur la poitrine ; et une crise intérieure par
un
court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolit
1363
du long baiser de conclusion. Le film japonais :
une
historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C
1364
de conclusion. Le film japonais : une historiette
un
peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du
1365
complets variés, ça fait toujours plaisir de voir
des
gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une étude su
1366
en habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). «
Une
étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où d
1367
éclate Entr’acte (1925). « Une étude sur le Monde
des
Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clign
1368
des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où
des
pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent l
1369
le ciel où des pressentiments clignent de l’œil.
Des
poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que d
1370
he gonflent leur tête jusqu’à éclater, tandis que
des
villes passent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’une col
1371
nt au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’
une
colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratt
1372
itesse. Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis
un
jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met
1373
puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’
un
gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur f
1374
orniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre
un
petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flo
1375
se de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit.
Des
imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit ; il tire su
1376
00 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
Un
chasseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît une col
1377
ujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’où naît
une
colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un d
1378
ire sur l’œuf d’où naît une colombe. Chasse. Mais
un
papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par in
1379
, par intermittences, se pose enfin sur l’écran :
une
danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles
1380
ces, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur
une
plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont
1381
e leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec
une
lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé…
1382
ues à trois dimensions mêlées avec une lenteur et
une
perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrement
1383
ns mêlées avec une lenteur et une perfection dont
une
brève vue verticale donne la clé… Un enterrement bourgeois, mais le c
1384
ection dont une brève vue verticale donne la clé…
Un
enterrement bourgeois, mais le corbillard est traîné par un dromadair
1385
ment bourgeois, mais le corbillard est traîné par
un
dromadaire, d’ailleurs dételé. Les amis affligés mangent les couronne
1386
lents, solennels. Ils revoient la danseuse, font
une
ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de
1387
Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’
une
tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis
1388
e la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à
une
allure grandissante, bientôt vertigineuse, poursuivant le corbillard.
1389
e cercueil roule dans les marguerites, il en sort
un
chef d’orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-
1390
raînement dans le domaine du merveilleux moderne.
Un
peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis
1391
rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement
des
têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma
1392
ne vient pas, ils sont déçus. Enfin, mon voisin,
un
agent, murmure : « On va tous devenir fous ! » — « Hé ! lui dis-je, s
1393
t : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. »
Un
des défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines s
1394
« C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un
des
défauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scène
1395
le monde où le cinéma doit nous « transplanter »,
un
certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritab
1396
de pareils défauts sont presque inévitables dans
une
production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’es
1397
-être le premier film où l’on a fait du ciné avec
des
moyens proprement cinégraphiques. Ici le geste pictural remplace le g
1398
le geste pictural remplace le geste de l’acteur.
Un
mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour
1399
cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est
une
question d’épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est l
1400
Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration
des
moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un art à sa matu
1401
ens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’
un
art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà
1402
éjà, il faut admirer dans les films de René Clair
un
sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle gen
1403
maginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’
une
sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au ci
1404
ucoup trop à mon gré). Qu’une sorcière transforme
un
homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au cinéma. C’est la photogra
1405
ien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’
une
chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
1406
étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore
un
miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette,
1407
r moi qui chaque soir crée ma chambre en tournant
un
commutateur. Le vrai miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosio
1408
racle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’
une
rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvem
1409
inéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’une rose,
un
homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’e
1410
enti, certaines coïncidences de mouvements… C’est
une
réalité quotidienne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est un t
1411
de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans
une
lumière qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en
1412
enne dans une lumière qui la métamorphose ; c’est
un
temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je n
1413
pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est
une
réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pe
1414
ormal » nous apparaît alors comme l’une seulement
des
mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faib
1415
’une seulement des mille figures que peut revêtir
une
substantia dont nos sens trop faibles — bornés encore par des habitud
1416
ia dont nos sens trop faibles — bornés encore par
des
habitudes nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir
1417
op faibles — bornés encore par des habitudes nées
des
nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédia
1418
rréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’
une
question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une
1419
-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’
un
film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premier
1420
ination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est
une
aide puissante. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
1421
te. Nous faisons nos premiers pas, étourdis, dans
un
pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous f
1422
nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’
un
projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemo
1423
surprise dans l’exploration ivre d’un projecteur,
des
signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de, «
1424
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’
un
ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte de René Clair, ou L’élog
1425
es que son intelligence très nuancée maintient en
une
sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont p
1426
admirant Maurras sans l’aimer ; saluant en Valéry
une
réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par les t
1427
par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’
une
sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solutio
1428
mistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur,
des
surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi
1429
la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à
une
certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdica
1430
trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’
une
abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligent
1431
cation. Il décrit la « génération nouvelle » avec
une
intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Ha
1432
ion nouvelle » avec une intelligente sympathie et
un
sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’an
1433
» avec une intelligente sympathie et un sens rare
des
directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui cond
1434
f de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’
un
goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les
1435
négligé le rôle extérieur, que je crois décisif,
des
conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « position
1436
nt que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’
un
choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais,
1437
el-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer
des
dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui
1438
mes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’
un
inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en
1439
i. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’
un
dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi
1440
e beau prétexte (avril 1927)o Ah ! je sens qu’
une
puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes l
1441
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’
une
conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une
1442
e Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
une
rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui déd
1443
révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans
un
rayon échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement
1444
sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
des
Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresq
1445
astique se tient là-bas dans un rayon échappé des
Enfers
— auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresque. — A
1446
n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que
des
systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence. On
1447
us l’appel vertigineux du Silence. On nous montre
des
Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien
1448
ine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’est
un
ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l
1449
s aux vertus, c’est un ricanement splendide comme
un
éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pri
1450
amné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris
des
avocats dont les plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et d
1451
vait pris des avocats dont les plaidoyers, tissus
des
mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font enc
1452
laidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et
des
plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’az
1453
font encore rêver les anges écœurés d’azur. Alors
un
juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
1454
écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’
une
voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis
1455
, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable
un
anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
1456
e l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : «
Des
mots ! » au lieu de « Je ne comprends pas ». On dit : « Je ne compren
1457
us avez dit : « C’est incompréhensible ! » — avec
une
indignation où j’admire une pointe d’ironie vraiment supérieure. Car
1458
réhensible ! » — avec une indignation où j’admire
une
pointe d’ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux excite
1459
c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur
un
faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais déjà c’est de pl
1460
brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi
des
faibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue.
1461
t de plus loin qu’il les nargue. Il connaît enfin
une
solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques «
1462
ris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et
des
phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édif
1463
ur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’
un
fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne quit
1464
n fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle
des
édifices, ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’auro
1465
traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse
des
statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici e
1466
itique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’
une
des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré ta
1467
ue littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une
des
tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant d
1468
compromis : « Nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
1469
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infin
1470
us naissons à quelque chose qui imite la vie dans
une
époque d’inconcevables compromissions où triomphe sous tous les dégui
1471
sme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée
une
civilisation. Mais nous sommes encore quelques-uns à jouer nos dernie
1472
ur nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’
une
foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croi
1473
au rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans
un
café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rie
1474
dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’
un
mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénie
1475
rer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie
un
instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte
1476
e qu’elle puisse en aucun cas servir d’argument à
un
homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’extrême moye
1477
qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur
une
révélation possible, ou la naissance d’un prophète qui rapprenne comm
1478
ut sur une révélation possible, ou la naissance d’
un
prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux q
1479
issance d’un prophète qui rapprenne comment aimer
un
Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût un sen
1480
t pas à genoux qu’on attendra : pour que cela eût
un
sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport
1481
e, interceptant les messages égarés de l’infini…
Un
tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est q
1482
viens de retrouver quelques pages écrites il y a
un
an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute
1483
lon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’
une
dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est a
1484
’une dignité tragique qu’il trouverait sans doute
un
peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, qu
1485
icule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour
un
autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce
1486
tant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à
des
exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en
1487
estable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
une
manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je
1488
our un peu, je découvrais une manière de prophète
un
brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comm
1489
ce poète. Aujourd’hui, je le verrais plutôt comme
un
Musset10 plus véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plu
1490
t comme un Musset10 plus véritablement désespéré.
Un
Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensu
1491
plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert
des
cocktails (un Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, un
1492
Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (
un
Musset triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830, une théorie du s
1493
set triple-sec). Au lieu du cynisme verbeux 1830,
une
théorie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu
1494
pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’
un
jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement transpo
1495
as qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore
un
Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est de
1496
us acerbe, plus profond. En somme, et avant tout,
un
écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirab
1497
us profond. En somme, et avant tout, un écrivain,
un
bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti litt
1498
un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer
un
admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrag
1499
ent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race
des
torrents. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Monther
1500
. « J’appartiens à la grande race des torrents. »
Une
belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’un Montherlant qui pourrai
1501
» Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’
un
Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et c
1502
pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt
une
sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et
1503
rait le premier à s’amuser ? Février 1927. Relu
Une
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétor
1504
vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous
une
certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’at
1505
ressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même
un
désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix se
1506
e vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’
une
phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs d
1507
ement les auteurs de manuels de littérature — : «
Un
mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans le
1508
gauche, — nulle part sur cette terre où l’orgueil
des
hommes croit pouvoir nous le désigner, veut nous l’imposer pour quell
1509
nt, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’
un
appel à la foi la plus haute. 1er mai 1927. Mieux vaut pécher par
1510
moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom
revient
sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parc
1511
autel — et si ce nom revient sous ma plume, comme
une
mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité
1512
plus étendus qu’on n’osait le craindre11. Si dans
un
essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’une introspection immobile ne
1513
Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’
une
introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je
1514
etient rien de la réalité vivante ; si je dénie à
des
incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un or
1515
; si je dénie à des incrédules le droit à parler
des
choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je
1516
droit à parler des choses de la foi comme étant d’
un
ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critique
1517
on voudrait que soient justiciables les œuvres d’
un
écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un cr
1518
démarches de sa pensée, ses délires, ses visions.
Un
critique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’avance à sa r
1519
visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’
une
œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
1520
il à frigorifier de sa raison, est destiné à dire
des
bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926. 2
1521
uère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre
un
monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une anci
1522
noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs
une
ancienne connaissance… le Sens Critique. Moi (gêné)… Rougemont. Le
1523
oi (gêné)… Rougemont. Le Sens Critique. — Il y a
un
certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos tr
1524
quelque manière la prétention… Moi. — Que voilà
un
singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Mons
1525
chose s’il ne spéculait sur l’incertain », c’est
un
académicien qui l’a dit. Voulez-vous me faire quelque chose là-dessus
1526
a Revue ? Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici
un
traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. E
1527
ait. Excellente méthode ! (Sort le Sens Critique,
un
peu bousculé.) Moi. — Vous disiez, ma vie ? La Muse (mais oui, la M
1528
La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière
un
rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des gens qui cro
1529
eau). — J’attends votre plaisir… III Il y a
des
gens qui croient avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de t
1530
ont montré à l’origine de telle doctrine mystique
une
exaltation nerveuse ou des troubles organiques. Ils opposent à ces «
1531
elle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou
des
troubles organiques. Ils opposent à ces « délires » les thèses rassur
1532
mne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé
des
Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » p
1533
eur faute si elle nous apparaît aujourd’hui comme
une
vieille courtisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’humeu
1534
d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez
des
frontières géographiques à la raison ? Eh bien, c’est vous qui l’aure
1535
é que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’
une
manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques ce
1536
u. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand
des
œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour
1537
au nom de l’esprit, on ne va pas s’acoquiner avec
des
gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en fonction du capit
1538
quiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans,
une
révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne po
1539
ents. Et puis surtout, l’heure est venue de clore
des
discussions énervantes où s’épuise vainement une dialectique dont l’o
1540
des discussions énervantes où s’épuise vainement
une
dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la quatrième dimension.
1541
ommunicable secret de l’invention. Il nous faut
des
entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait
1542
n. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes.
Un
grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant
1543
a limite de nos forces, notre joie parmi vous fut
une
très grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions une Révolution pe
1544
ès grande joie. Saint-John Perse. Nous appelions
une
Révolution perpétuelle une perpétuelle insurrection contre tout ce qu
1545
Perse. Nous appelions une Révolution perpétuelle
une
perpétuelle insurrection contre tout ce qui prétendait nous empêcher
1546
a sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas
des
êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de cer
1547
pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement
une
sympathie humaine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de ré
1548
tait devenu synonyme de magnifique perdition dans
des
choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins e
1549
us perdrait corps et biens dans sa grandeur comme
une
femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureus
1550
cette femme à travers toutes les femmes. C’était
un
vice, la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂
1551
uve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore
un
qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gram
1552
i rue dans les brancards, c’est très bellettrien.
Un
disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça P
1553
, n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers
des
souvenirs, quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi
1554
s tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant
des
histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette
1555
on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mais voyons
des
affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait
1556
alisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort
des
suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, a
1557
hème à condamnations par contumace. Il y a encore
des
gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationa
1558
ternationale dans les rues, faire la noce, écrire
un
livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand n
1559
e, écrire un livre de tendances très modernes. Et
des
gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir u
1560
er quand nous écrivons Révolution, et nous offrir
un
billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour demander à qui, en
1561
tive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait
une
vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vai
1562
plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’
une
immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère
1563
nse fleur palpitante au parfum de passions, c’est
une
atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au
1564
n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
Un
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux d
1565
ns vos langues aériennes. On n’acceptera plus que
des
valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le gra
1566
amez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer
des
prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes prêts à les
1567
asive : nous sommes prêts à les accueillir. 7.
Une
vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien
1568
ù naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour
un
homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est p
1569
sident de la République du Rêve » – c’est presque
un
non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est l
1570
liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie
des
souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes son
1571
curé chez les riches. Très loin derrière viennent
des
France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus
1572
riches. Très loin derrière viennent des France et
des
Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelqu
1573
nce et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans
un
domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
1574
La maîtresse d’École Au printemps pur comme
une
joue, École errait, École suivait une femme dans les rues tant soit p
1575
s pur comme une joue, École errait, École suivait
une
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes
1576
femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’
une
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels so
1577
iques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’
une
saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à l
1578
emblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis
des
arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec
1579
du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’
un
désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qui
1580
eil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
des
yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle descend à sa re
1581
, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’
un
luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passant
1582
t trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était
un
ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone
1583
c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche
des
âmes. Aussitôt il téléphone à ceux du paradis : « Qui va à la chasse
1584
us nous comprenons. » On lui offrit immédiatement
un
fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait
1585
ons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et
un
violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P.
1586
… R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond.
Une
étoile à la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duche
1587
de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’
un
coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très rem
1588
abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec
un
tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous une table, comp
1589
exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous
une
table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon c
1590
au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme
un
songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos.
1591
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent
des
halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des
1592
tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit
des
fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui
1593
ide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance,
une
églantine, quelques roses, un sourire qui perce le cœur sur les glace
1594
rs de son enfance, une églantine, quelques roses,
un
sourire qui perce le cœur sur les glaces du passé. Cet abandon aux fu
1595
s du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et
des
violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux care
1596
sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux caresses
des
flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les s
1597
orait aux caresses des flocons, plus perfides que
des
murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive d
1598
Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive
des
jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaien
1599
i les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
Une
fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes
1600
nsive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et
des
accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se rep
1601
u pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme
un
camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des o
1602
dre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse
des
objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucemen
1603
l respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et
des
êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le sole
1604
merveilleuse des objets et des êtres véritables.
Un
bateau ne glisse pas plus doucement vers le soleil du haut-lac. Juste
1605
ut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’
un
monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. E
1606
somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est
une
question d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis
1607
je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront
un
lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’au
1608
heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je
reviens
seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est
1609
regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est
des
visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi —
1610
elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à
un
regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être pré
1611
elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins
des
deux éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes
1612
r parmi eux certaines tendances générales, nous y
reviendrons
au cours de cette promenade à travers notre domaine artistique. Domai
1613
ingulier. Nos artistes, en effet, n’ignorent rien
des
courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que
1614
mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux
des
mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qu
1615
insi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs
un
peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliqu
1616
procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour
une
part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
1617
ent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion
des
efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snob
1618
rdinales, et qui forme ailleurs le premier public
des
jeunes artistes, n’existant pas ici, le peintre se trouve placé d’emb
1619
s s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans
une
solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport ind
1620
t dans une solitude plus effective, quitte à nous
revenir
munis du passeport indispensable d’une consécration étrangère. Un jou
1621
à nous revenir munis du passeport indispensable d’
une
consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
1622
eport indispensable d’une consécration étrangère.
Un
jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez
1623
pprend que tel tableau de jeune est « coté » chez
un
gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchan
1624
es retentissent de touchants échos : « C’est avec
un
légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration
1625
llera cette consécration bien méritée du talent d’
un
de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une
1626
» Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans
une
Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’
1627
orde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’
un
tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faill
1628
u monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir.
Une
certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’
1629
ns, auxquels pourtant nos circonstances confèrent
une
actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a m
1630
à l’histoire comme la peinture à la photographie.
Une
œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne
1631
a peinture à la photographie. Une œuvre d’art est
un
merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémuni
1632
de ces appareils à jugements garantis qui posent
un
critique d’art diplômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’
1633
ômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’
un
article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente C
1634
stes neuchâtelois, je vous présente Conrad Meili,
un
Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. I
1635
il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors
des
natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
1636
natures mortes, de petits paysages, il dessinait
des
nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, pl
1637
il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était
un
peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y a
1638
sso que Matisse ; mais il y avait encore du flou,
des
courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À
1639
illes, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans
une
chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est l
1640
batiks, il s’est livré pendant quelques années à
des
recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent de
1641
st livré pendant quelques années à des recherches
un
peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme
1642
théoriques et abstraites. De cette époque datent
des
toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
1643
nir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’
une
matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il
1644
ces espaces définis par quelques plans ne tue pas
un
certain mystère. Cette cour sans issue, cette tulipe bizarre, cette t
1645
ombien l’épuration rigoriste de sa technique sert
une
vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il
1646
ures sur bois colorées qu’il intitule la cité est
un
petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontair
1647
n petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’
un
art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec
1648
la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore
une
bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c
1649
qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique
une
poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
1650
décore une bannière, fabrique une poupée, compose
une
affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
1651
ière, fabrique une poupée, compose une affiche ou
une
mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres.
1652
mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître
une
de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il gliss
1653
re une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique
un
peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conra
1654
l’attend le moins. Conrad Meili apporte chez nous
une
inspiration neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astre
1655
use rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans
des
formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
1656
i manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il casse
des
vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour
1657
autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant
une
initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa pla
1658
elois. Actuellement, Meili achève la décoration d’
une
salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce pa
1659
de ceux pour qui la peinture consiste à habiller
une
idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’in
1660
et par l’intérieur, mais il taille ce visage dans
une
pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la rédu
1661
, mais il taille ce visage dans une pâte riche et
un
peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’
1662
la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs,
une
sensualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
1663
San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec
des
roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes
1664
u de Fiesole, il peint Florence avec des roses et
des
jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prenne
1665
et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant
des
fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chev
1666
l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour
un
agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait
1667
on tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’
un
, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures di
1668
garçon aux allures discrètes promène sur le monde
des
yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu
1669
rètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’
une
ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a
1670
chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise :
un
lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’ins
1671
uveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme
un
peu amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans t
1672
einture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’
une
tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette,
1673
ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup
des
meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces facil
1674
lleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à
des
grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’aristocratique di
1675
ire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a
une
sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa tech
1676
s. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans
un
tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut
1677
etient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours
une
sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser da
1678
Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance,
un
défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuv
1679
. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris
une
complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Lou
1680
és, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est
un
des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout.
1681
dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un
des
rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais
1682
la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues
des
jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il s
1683
et sait rendre mieux que personne la liquidité d’
un
lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calm
1684
tant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’
une
plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les c
1685
passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut
un
temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’un
1686
craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’
une
école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui
1687
ne école du gris-noir neurasthénique. Il peignait
des
natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ;
1688
nt l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien
des
scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensa
1689
à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’
une
bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà i
1690
dos ; ou bien des scènes d’une bizarre fantaisie,
un
mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples
1691
ge de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait
des
disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient
1692
e revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann)
des
dessins d’un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassura
1693
avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’
un
dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était,
1694
nn) des dessins d’un dynamisme impétueux révélant
un
tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui co
1695
umbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut
une
période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’une opulen
1696
ffirmer. Puis il y eut une période intermédiaire,
un
peu pénible. Dans des bouquets d’une opulence assez désordonnée, des
1697
t une période intermédiaire, un peu pénible. Dans
des
bouquets d’une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents é
1698
ntermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’
une
opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient avec
1699
ns des bouquets d’une opulence assez désordonnée,
des
rouges trop violents éclataient avec un certain mauvais goût au milie
1700
rdonnée, des rouges trop violents éclataient avec
un
certain mauvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme un qui n’a
1701
auvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme
un
qui n’attendrait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une ch
1702
ait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner
une
chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se
1703
ême. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec
une
toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureu
1704
s encore aussi plantureuse que les formes, il y a
une
belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une a
1705
s formes, il y a une belle richesse de lueurs sur
une
matière traitée largement et d’une abondance très sûrement ordonnée.
1706
de lueurs sur une matière traitée largement et d’
une
abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attend
1707
ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse
des
possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » ch
1708
lui sans cesse des possibilités imprévues. Il y a
un
côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa f
1709
. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez
un
Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore ch
1710
à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez
un
Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en ass
1711
ux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’
un
si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communi
1712
du poids et nulle lourdeur, tout cela communique
une
impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de
1713
ssion de puissance domptée et qui semble se faire
une
volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore p
1714
plus « Renaissance » : le costume est drapé avec
un
soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe devant le vis
1715
le costume est drapé avec un soin minutieux, mais
une
grande mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livr
1716
insolente retombe devant le visage. Aurèle tient
un
livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime ca
1717
les Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre
des
couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages
1718
se ses journées à vendre des couleurs, à encadrer
des
glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soien
1719
pe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’
un
œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis v
1720
i). Et puis voici François Barraud, le plus jeune
des
frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux pe
1721
raud, le plus jeune des frères. Il vient apporter
des
dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins
1722
ce l’expression. Décidément ces trois frères sont
une
école. Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous
1723
ément ces trois frères sont une école. Délaissant
un
moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais ret
1724
ue nous saurons désormais retrouver, allons errer
un
peu dans le royaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et no
1725
s quelques années d’avance sur ses contemporains.
Un
jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André E
1726
s dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu
des
choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mai
1727
il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre
une
feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il
1728
nistre une feuille religieuse. Il déniche à Paris
des
tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec le
1729
atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez
une
toile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en une autre, ce doi
1730
s. Vous retournez une toile appuyée au mur, c’est
un
Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’horlogerie,
1731
ile appuyée au mur, c’est un Renoir… Retournez-en
une
autre, ce doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une mac
1732
t un Renoir… Retournez-en une autre, ce doit être
un
dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpét
1733
it être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’
une
machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est
1734
quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel.
Une
autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur un
1735
perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est
un
Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lu
1736
Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard :
des
roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se
1737
tte fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur
une
table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans tr
1738
t un Evard : des roses noires sur une table, dans
un
espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cel
1739
dans un espace bizarrement lumineux où se coupent
des
plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature,
1740
s en miniature, sorte de boîte à miracles où sous
un
éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de
1741
igué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’
une
épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’un
1742
titulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’
un
songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces mo
1743
ourquoi pas naissance d’un songe ? C’est en effet
un
rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le
1744
lles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont
des
pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention q
1745
ont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait
une
découverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machi
1746
ouverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver
une
de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier
1747
ir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout
des
dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant asse
1748
ute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’
une
sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que
1749
re. Il a laissé surtout des dessins, d’une sûreté
un
peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravai
1750
es dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’
un
style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réalis
1751
ci dans son costume d’aviateur, retour de Vienne,
un
sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu
1752
errin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer
des
principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en que
1753
i qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans
un
art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une d
1754
nèse même est cubiste en quelque sorte, supposant
une
décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’il atteint d’emblée
1755
t ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à
un
beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans
1756
é et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans
des
morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plu
1757
pre. Depuis, Léon Perrin semble avoir évolué vers
une
plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du
1758
surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste
un
heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style
1759
ilibre entre le réalisme imposé par les sujets et
un
style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissa
1760
r les sujets et un style qui sait rester ample, d’
une
simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut adm
1761
encore que Perrin décora naguère fort plaisamment
une
pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et cri
1762
nt, peintre, romancier et critique d’art, compose
des
coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fa
1763
omancier et critique d’art, compose des coussins,
des
couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et q
1764
compose des coussins, des couvertures de livres,
des
étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine d
1765
ussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’
une
somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tablea
1766
bine de petits tableaux en papiers découpés, avec
une
ingéniosité délicieusement féminine, une élégance aiguë. Notre revue
1767
és, avec une ingéniosité délicieusement féminine,
une
élégance aiguë. Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du
1768
plète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper
des
artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de
1769
avantage de grouper des artistes qui, par le fait
des
circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trou
1770
e par de naturelles affinités, se trouvent former
un
mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifes
1771
guer d’autres plus organiques ? D’une part il y a
des
préoccupations décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la form
1772
qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’
un
groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œ
1773
activité serait féconde en ce pays. D’autre part,
des
œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réa
1774
busier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes
une
recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un
1775
simplicité savante et de la perfection du métier,
un
goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être
1776
un goût pour la construction rigoureuse qui sont
des
éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais qui
1777
éléments peut-être insuffisants pour caractériser
une
école, mais qui révèlent tout de même une orientation générale vers u
1778
tériser une école, mais qui révèlent tout de même
une
orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les f
1779
vèlent tout de même une orientation générale vers
une
sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas
1780
ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés.
Un
avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements c
1781
quelle mesure de tels groupements correspondent à
une
réalité artistique. Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment a
1782
ons fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’
une
jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à
1783
t la vitalité d’une jeune peinture originale dans
un
pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une
1784
t trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’
une
maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à
1785
ays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie
des
lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant
1786
; où pourtant les hivers les plus durs réservent
des
douceurs secrètes. 7. Publication dont cette revue entretenait réce
1787
e neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret,
un
article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont
1788
Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici
un
livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutal
1789
un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’
une
beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lec
1790
urtant. M. Lecache présente le problème juif avec
une
obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive d
1791
obstination à ne rien cacher qui le mène profond.
Une
famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, aust
1792
nd. Une famille juive dans le Marais. Le père est
un
tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses
1793
oresque dans la description du milieu juif, prend
une
âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bo
1794
difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est
une
des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur
1795
icile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une
des
plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de d
1796
rnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à
une
conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout d
1797
humaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’
une
détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illus
1798
ncérité ne serait-elle à son tour que le masque d’
un
goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment
1799
st pas encore détaché de la matière pour en tirer
une
œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce
1800
tes et d’expressions toutes faites qui trahissent
une
écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de l
1801
e hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel
un
sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. a
1802
s l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et
un
sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de, «
1803
e plus séduisant, le plus dangereusement gracieux
des
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il v
1804
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’
un
élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’au
1805
nt au bord des verres, se posent sur les cordes d’
une
lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
1806
rdes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord,
une
patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler d
1807
’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’
une
femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches
1808
bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’
une
tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile
1809
la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi
un
certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa
1810
’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore
un
? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisan
1811
l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin
un
. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arri
1812
utres y ont apporté de secrètes complaisances, ou
une
arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés
1813
une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement
un
besoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus to
1814
ndre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec
une
saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit q
1815
alvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent
une
« patte » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’a
1816
autre chose que les « éclats de l’impuissance ».
Un
plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui co
1817
sance ». Un plus délicat eut compris que certains
des
morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté
1818
eut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec
une
franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien
1819
de rencontrer chez les jeunes écrivains français
un
homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et
1820
un homme qui ait à ce point le sens de l’époque,
une
vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les qu
1821
ns capitales posées ailleurs depuis longtemps par
des
maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieu
1822
littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder
une
passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redon
1823
d’avoir su en garder une passion pour la pureté,
un
« jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notr
1824
otre civilisation, — et je sais bien que c’est là
un
des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat deven
1825
e civilisation, — et je sais bien que c’est là un
des
signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu «
1826
rtain, brutal : mais faisons-lui confiance, voici
un
homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff
1827
evaliers »). Dès qu’on eut déposé devant Isidore
un
malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit
1828
Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et
une
eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole sans
1829
maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est
un
long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur se
1830
normalement bon. L’idée, par exemple, d’étrangler
un
chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque êtr
1831
méprisais trop sincèrement. » Vers cette époque,
une
femme me regarda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’ét
1832
ur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux
des
yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un s
1833
emme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi.
Un
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, j
1834
soir qu’elle pleurait, je l’embrassai si fort… En
un
quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’il a de plus étrange
1835
it tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans
une
parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le lendemain, ses chev
1836
avaient légèrement blanchi. Il me regardait avec
une
terreur ou je crus distinguer je ne sais quelle déchirante nostalgie.
1837
vait vieux, maintenant. » Je songeais justement à
un
sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un sil
1838
n amie quand il voulut m’adresser la parole après
un
silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’e
1839
vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors
une
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la
1840
rage s’empara de mon corps tout entier, je criai
un
juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plu
1841
uron, claquai la porte et courus dans ma chambre.
Une
demi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’adieu à
1842
mi-heure plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais
un
mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une directio
1843
gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’
une
nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fu
1844
dieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans
une
direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumi
1845
t la politique, que j’envoyais à divers journaux.
Un
jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier
1846
j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant
un
quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon
1847
père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’
un
café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me rega
1848
étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ;
une
brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un inst
1849
rasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et
une
femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucement… J
1850
et une femme en robe bleue légère qui me regarda
un
instant, si doucement… Je me levai sans payer, je partis par les rues
1851
… Je me levai sans payer, je partis par les rues,
une
joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais obsc
1852
t je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans
un
établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bou
1853
t luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour
des
bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafo
1854
d. Après deux tangos, nous montions ensemble dans
une
chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré p
1855
une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’
un
bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses g
1856
glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner
des
soleils sur les parois claires. Du balcon, on voyait la mer, des bate
1857
les parois claires. Du balcon, on voyait la mer,
des
bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
1858
laires. Du balcon, on voyait la mer, des bateaux,
des
nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand por
1859
alcon, on voyait la mer, des bateaux, des nuages,
une
avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Médi
1860
des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout
un
couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en siffl
1861
à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme
un
avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Qua
1862
je vécus, comme vous me voyez vivre encore, dans
un
état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
1863
rpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec
un
enthousiasme juvénile, c’est-à-dire cynique, toutes les offres du has
1864
de prendre conscience de soi-même — je découvris
une
nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une l
1865
t de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’
une
longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au prof
1866
qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé
des
années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurém
1867
vait-on pas dérobé des années de joie au profit d’
une
vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le res
1868
vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était
un
bas opportunisme social, résultante des paresses accumulées de tous l
1869
né c’était un bas opportunisme social, résultante
des
paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de conc
1870
us les cerveaux bourgeois incapables de concevoir
un
monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je s
1871
être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’
une
expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu
1872
s de la société. » C’est avec le produit du vol d’
un
tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel j
1873
’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents
un
tombeau sur lequel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l
1874
— rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but
une
gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la
1875
oire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit
un
temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vi
1876
m’amuse à jouer le pickpocket. Cela permet, avec
un
minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour
1877
dresse, de découvrir certaines personnalités sous
un
jour assez particulier, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant,
1878
en… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un
des
plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de c
1879
riété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et
des
plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’apr
1880
et j’en vérifie les manifestations vivantes avec
une
prodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où
1881
able intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule
une
certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’es
1882
’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est
un
plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je
1883
point que l’on considère ce saint comme le patron
des
voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisante
1884
tit alors que la bienséance l’obligeait à émettre
une
opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette
1885
it pas laissé que de l’agacer en maint endroit. «
Une
chose avant tout me frappe — dit-il, lâchant tout de suite ses compli
1886
bavures, sans réticences ; elle m’apparaît comme
un
divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas san
1887
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression —
une
règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de
1888
la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’
une
timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots, vo
1889
dre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez
un
peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point ra
1890
dre geste convenu dans le genre « révolté » prend
une
saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à décou
1891
châtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t.
Une
note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées é
1892
à la jeunesse (mai 1927)u « On a reproché bien
des
choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et d
1893
à la base de la société même. » Ceci est tiré d’
un
livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques d
1894
donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans
un
petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », éc
1895
e sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante
des
pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
1896
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit
une
poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il
1897
mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’
un
savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou de
1898
demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même
un
ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne
1899
ous paraissent entraîner assez naturellement chez
des
jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tou
1900
t de la sacro-sainte Raison utilitaire au service
des
sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour
1901
: nous pensons que bien avant Voltaire il y avait
des
autruches pour enseigner cette méthode à leurs petits. Le « satisfait
1902
ette méthode à leurs petits. Le « satisfait » est
un
être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait arti
1903
Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur
des
femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous
1904
it livre, vous partez en chantonnant le titre sur
un
air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise
1905
ympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’
une
flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-
1906
nerie de saison, vous vous attardez aux terrasses
des
cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comm
1907
rdez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-elle
revenir
avec son Johannes laqué. Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintena
1908
Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’
une
si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Girar
1909
s sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme
des
noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer
1910
e des noms géographiques vous fatigue ; que c’est
une
vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Cl
1911
sants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à
des
Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car i
1912
d’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à
un
endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pier
1913
onheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est
un
peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa
1914
ôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force
un
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par
1915
ter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches
une
malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
1916
sychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
un
peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions q
1917
ent épargnés si nous ne regardions que les jambes
des
femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne
1918
s lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais
un
devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunéme
1919
hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir.
Un
devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncl
1920
out cela est sans importance, car voici « l’heure
des
petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques désertes gl
1921
l’heure où dans les bibliothèques désertes glisse
un
grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rouge
1922
te rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur
des
femmes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juill
1923
cite tel auteur dont nous fîmes notre nourriture
une
saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pyt
1924
ison de naguère, voilà le rictus de votre bouche,
une
injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dit
1925
s de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’
un
goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors
1926
oi : j’ai lu ça quelque part. Voyez ma franchise.
Un
peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérité
1927
que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’
une
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous su
1928
audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici
un
bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand p
1929
découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez
un
cocktail en guise de métaphore, avec une pensée tendre pour un ami po
1930
composez un cocktail en guise de métaphore, avec
une
pensée tendre pour un ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », di
1931
n guise de métaphore, avec une pensée tendre pour
un
ami poète. « L’autre jour au Grand Écart… », dit quelqu’un. À ce coup
1932
ambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est
une
citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. E
1933
e citation de Valéry, cette œillade se souvient d’
un
vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’i
1934
ette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et
des
phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glis
1935
se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases,
des
cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème o
1936
t d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris,
des
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aim
1937
mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse
un
poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple
1938
r de son monocle. Au petit matin, il se noie dans
un
verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent, poète au ba
1939
posent pour le diable et ne se baignent que dans
des
bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisi
1940
nt ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant
un
public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute
1941
sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité
des
miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra
1942
n vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire
des
poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m
1943
raisons de votre indignation, quand il m’échappe
une
citation. Seraient-ce les guillemets qui vous choquent ? La vie ! —
1944
a bouche brûlée d’alcools, vous découvrez à l’eau
un
goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîch
1945
otre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’
un
goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire
1946
ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’
une
ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois en
1947
refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par
des
démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage
1948
e avec certains Orientaux cette croyance : nommer
une
chose, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées des autres, je
1949
, c’est avoir puissance sur elle. Images, pensées
des
autres, je vous ai mis un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
1950
elle. Images, pensées des autres, je vous ai mis
un
collier avec le nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que
1951
is un collier avec le nom du propriétaire ; tirez
un
peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens
1952
s — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué
un
amour naissant, à force de le crier sur les toits. Ainsi, parler litt
1953
l’insuffisance de la littérature On reconnaît
un
écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’on lui parle litté
1954
lère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a
des
mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’
1955
raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait
une
très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépr
1956
e que la littérature. Que la littérature nous est
un
moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres
1957
de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou
des
états intérieurs qui sont parfois des actions en puissance15. Il faud
1958
actions, ou des états intérieurs qui sont parfois
des
actions en puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus i
1959
t parfois des actions en puissance15. Il faudrait
des
choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous écha
1960
percutantes. Qui vous échappent en vous blessant.
Des
choses dures, amères comme un destin, comme le goût d’une pierre rêch
1961
en vous blessant. Des choses dures, amères comme
un
destin, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante s
1962
es dures, amères comme un destin, comme le goût d’
une
pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses
1963
re rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent.
Des
souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des prés
1964
qui se retournent brusquement et vous renversent.
Des
présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans
1965
d catastrophiquement dans l’infini de la seconde.
Des
peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques
1966
pressens encore dans vos poèmes les plus obscurs
des
allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots
1967
ats de la réalité. Mais plus les mots se plient à
des
exigences sémantiques — dont on connaît la portée sociale, — mariant
1968
— mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’
une
esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier
1969
l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’
une
autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous
1970
e véritable. Alors, cessons de nous battre contre
des
moulins à vent. La littérature, considérée du point de vue de la psyc
1971
point de vue de la psychologie de l’écrivain, est
un
besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains ét
1972
ychologie de l’écrivain, est un besoin organique,
un
peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de
1973
quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer
un
petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réac
1974
de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’
une
faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mo
1975
e. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est
une
réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réa
1976
ète. Et c’est une réaction de défense. On cherche
un
mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient d
1977
c’est une réaction de défense. On cherche un mot,
une
phrase, pour tuer une réalité dont la connaissance devient douloureus
1978
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer
une
réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi
1979
e connaissance véritable du monde.) Littérature :
un
vice ? Peut-être. Ou une maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par att
1980
du monde.) Littérature : un vice ? Peut-être. Ou
une
maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérire
1981
nscrire les effets. J’avoue prendre à cette étude
un
intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversatio
1982
cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit
un
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre
1983
merveilleux sujet de conversation, au café. Dans
un
salon, par contre, c’est d’un ridicule écrasant : mais rien n’est plu
1984
tion, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’
un
ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
1985
ntherlant me paraît être le moins « littératuré »
des
écrivains d’aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’
1986
parle littérature, il a toujours l’air de mettre
un
peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du mé
1987
ous silence. C’est assez drôle de voir le malaise
des
chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréador ses familiarités
1988
ardonnent pas à ce toréador ses familiarités avec
une
Muse qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la de
1989
é. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’
un
autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; ma
1990
ue je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’
un
beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, jam
1991
reton qui l’a exprimé : « On publie pour chercher
des
hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous
1992
chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher
des
hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à pour
1993
us ne sommes pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre
une
quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, l
1994
pour leurs instables certitudes, et qui nous font
un
péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles t
1995
s, et qui nous font un péché de notre acceptation
des
réalités spirituelles parce qu’elles troublent leurs bureaucratiques
1996
tions que j’attende de la littérature : que celle
des
autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide
1997
s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini
une
« maladie » dont je parviens à tirer quelque bien pour ma vie. Le jou
1998
. Le jour où les soins qu’elle exige me coûteront
des
sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera t
1999
sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est
une
autre histoire, une autre belle histoire, une autre très belle histoi
2000
e Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire,
une
autre belle histoire, une autre très belle histoire ». (Et vous verri
2001
est une autre histoire, une autre belle histoire,
une
autre très belle histoire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir
2002
oire ». (Et vous verriez à quoi cela peut servir,
une
citation.) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous co
2003
rvir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’
une
envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allon
2004
r ami, voici qu’une envie me prend de vous conter
un
peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde
2005
and Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à
un
établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 177
2006
que. — Là ! [NdE] Le texte publié place également
un
appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans q
2007
près « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’
une
erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d
2008
», sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’
une
volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’
2009
eur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante :
des
puissances d’action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie d
2010
leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront
des
romans « bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand,
2011
t des romans « bien modernes ». Leurs amours sont
des
pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à
2012
unisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’
un
certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tou
2013
évère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais
un
jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement p
2014
révolteront contre le joug atrocement positiviste
des
Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hu
2015
tre le joug atrocement positiviste des Maurras et
des
Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affr
2016
ocement positiviste des Maurras et des Mussolini,
des
Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin myst
2017
viste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et
des
Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous rév
2018
es Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront
un
affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, d
2019
rme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait
des
reproches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’annulent. Il
2020
mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’
une
revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde p
2021
ctuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’
un
côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un jeun
2022
et, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule
un
jeune homme qui recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de vo
2023
de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise
des
« énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qu
2024
andalise des « énormités » qui peuvent échapper à
un
jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. («
2025
jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment trop peu
des
conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble qu
2026
r troublé quelques bonnes petites somnolences par
des
cris intempestifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeu
2027
tes somnolences par des cris intempestifs. Il y a
des
gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les ma
2028
t puis, de temps à autre, voici que nous parvient
un
signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compri
2029
nève et son mystère. Car chaque année, renaissant
des
décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers ré
2030
iers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec
une
ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument imprévisible. Q
2031
Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’
un
an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le
2032
ix s’élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans
une
direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de G
2033
la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment,
un
réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gill
2034
on, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil
des
vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et mêm
2035
SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout,
un
miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred
2036
et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont
des
vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tan
2037
t surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux
un
peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au non moins grand Tanner. (On
2038
Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité
des
plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-t
2039
s que la forme : ce sont de lentes réminiscences,
des
évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à
2040
dres, peu à peu, se précisent les circonstances d’
une
aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune »
2041
d’une aventure ancienne. Entre hier et demain :
Une
femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une
2042
demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’
un
danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme mé
2043
jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’
une
aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son a
2044
de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être…
Un
homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils
2045
me médite à côté du corps de son ami suicidé pour
une
femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le ré
2046
s deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’
un
été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent tr
2047
ler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est
Un
vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une r
2048
te nouvelle, très supérieure aux deux autres, est
une
réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la symp
2049
e l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets,
un
ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adr
2050
a hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous
un
air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer res
2051
nce. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec
une
tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d
2052
te ces adolescences avec une tendre minutie, avec
une
sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine.
2053
une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’
une
séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’un
2054
tion du souvenir, d’une séduction certaine. C’est
un
art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec
2055
e. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’
une
si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvrerie n
2056
il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce
un
peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement,
2057
grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie.
Un
détail piqué adroitement, papillon dont frémissent encore les ailes i
2058
« cette vague poésie involontaire, intermittente,
un
peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressus
2059
nte, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans
une
ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su
2060
é à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes
une
si exquise humanité : par lui le « charme » reprend quelques droits.
2061
er l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est
un
recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de R
2062
, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne
des
poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage a
2063
rler mieux que personne des poètes scandinaves et
des
romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve pr
2064
ui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui
un
portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une
2065
dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas
une
photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’ho
2066
terprété ». Non pas une photographie morale, mais
une
sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est pe
2067
ilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme
une
de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez cert
2068
en découvre chez certaines femmes et l’on y voit
une
préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement un
2069
entale qui touche à la névrose ou bien simplement
une
clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une scien
2070
ce exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’
une
science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la p
2071
ompris que cet univers dont je rêvais n’était pas
un
objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je
2072
t pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais
une
telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres
2073
xpérience », je crois, ne peut être sensible qu’à
des
êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déj
2074
ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens
des
réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religio
2075
s — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’
un
livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raiso
2076
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend
un
merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous
2077
ental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène
un
peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazet
2078
Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)ap
Un
jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, s
2079
(décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans
une
lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dan
2080
7)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à
une
amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Ré
2081
ttre à une amie comment il a écrit, sur commande,
une
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et u
2082
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (
un
brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des di
2083
Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et
un
brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitat
2084
t un brin vulgaire par endroits, mais pour rire),
des
difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc.,
2085
êves, réactions physiques, etc., qui accompagnent
une
création littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp
2086
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher
un
beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
2087
vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’
une
effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a d
2088
», histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a
des
façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhom
2089
littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est
une
sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de
2090
aucoup sont excellentes et leur facilité même est
une
réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit d
2091
me est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’
un
tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent
2092
mbat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie.
Un
scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « inte
2093
aussi (presque imperceptible, mais ici décisive),
une
secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui —
2094
ibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq C’est
un
livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est
2095
premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie
des
sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment,
2096
de Catherine-Paris cette magie des sensations et
des
rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée
2097
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert
un
petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situ
2098
d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant
des
situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais
2099
y a encore la princesse, le témoin intelligent et
un
peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette es
2100
incesse, le témoin intelligent et un peu ironique
des
cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collabora
2101
e Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée
des
cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un com
2102
rope centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’
un
comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trô
2103
ment prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’
un
mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, u
2104
me Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
une
pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la
2105
liberté d’esprit, une pénétration de jugement et
une
ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme qu
2106
une ironie assez amère qui étonnent de la part d’
une
femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le
2107
s une troisième action (l’amour de Catherine pour
un
aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle
2108
llances de la technique du roman sont sauvées par
un
style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poé
2109
el… On peut regretter que ce livre ne réalise pas
une
synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début p
2110
alise pas une synthèse plus organique du roman et
des
mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne
2111
et de croire que le Perroquet Vert ne restera pas
une
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibe
2112
sse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs
un
mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple. a
2113
rs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’
un
Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prince
2114
oire n’a pas connu de période où les directions d’
une
civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabore,
2115
s d’une civilisation apparaissent plus nettement.
Un
certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire, une organisation généra
2116
Un certain ordre s’élabore, ou, pour mieux dire,
une
organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps
2117
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’
une
question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici
2118
i et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
une
époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux
2119
is près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’
un
étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être d
2120
ar éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts
une
absurdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-il fait fausse r
2121
ntraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts
des
villes fiévreuses où le fracas des machines couvre déjà la plainte hu
2122
ésert. Déserts des villes fiévreuses où le fracas
des
machines couvre déjà la plainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le
2123
passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent
une
imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherche
2124
ent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans
une
belle doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous
2125
péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a
une
lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance générale à proclamer l
2126
aine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’
une
époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suff
2127
’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme
un
symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est
2128
fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
des
outils, « et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit
2129
enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
des
outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événe
2130
» il met dans l’expression), c’est la rencontre d’
une
locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperç
2131
grande et constante ambition a été de construire
une
bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la constru
2132
es étapes de sa jeunesse sont : la construction d’
un
moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première a
2133
nt : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’
un
moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à temp
2134
nicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société
des
automobiles Ford, « et commence à réaliser son rêve, le type unique d
2135
nique d’automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est
une
suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en a
2136
n année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui
des
milliards qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui
2137
, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’
un
résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
2138
t de vue technique. L’organisation de ses usines,
des
salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouv
2139
ique. L’organisation de ses usines, des salaires,
des
conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent
2140
qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
une
solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’es
2141
ux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est
un
résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les grie
2142
. Au contraire, il a résolu la question sociale d’
une
façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquel
2143
squels ont coutume de promettre à leurs électeurs
une
organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les
2144
monde, seule méthode capable d’empêcher les abus
des
capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’
2145
Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre
une
impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cel
2146
ours au récit de succès mirobolants, et le charme
un
peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’
2147
l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
des
« idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourr
2148
popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et
des
livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-il,
2149
il. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment
un
économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne
2150
que — soit conditionnée jusque dans le détail par
une
idée fixe primitive. Considérons-la sous cet angle. Il y a d’abord la
2151
e d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
un
exemplaire ; puis, il fonde une usine pour multiplier les réalisation
2152
propres moyens, à un exemplaire ; puis, il fonde
une
usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissant son ambi
2153
oduction, avec cette netteté et cette décision qu’
une
passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici en m
2154
e d’action. Enfin, le voici en mesure de produire
des
quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut
2155
s. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner
une
apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrai
2156
isse suffisamment les prix, on ne trouve toujours
des
clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit to
2157
soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons
un
peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’
2158
de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’
une
cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’a
2159
u, la production devant se maintenir, il n’y a qu’
une
solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le clie
2160
gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers
un
objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement
2161
l ait forcé (psychologiquement) le client à faire
une
dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses vérita
2162
omperie-là. Elle peut amener, en se généralisant,
une
sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préser
2163
ir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans
un
article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y
2164
uris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne
une
apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage
2165
ister qu’en progressant. Mais la nature humaine a
des
limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se d
2166
se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
des
buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’id
2167
ue l’idée fixe de produire peut très bien envahir
un
cerveau moderne au point d’en exclure toute considération de finalité
2168
alité capitaliste américaine. Voici, par exemple,
une
définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant
2169
ie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte
un
nom philosophique : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que
2170
éalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
des
déclarations plus nettes encore : « Je ne considère pas les machines
2171
considère pas les machines Ford simplement comme
des
machines. J’y vois la réalisation concrète d’une théorie qui tend à f
2172
des machines. J’y vois la réalisation concrète d’
une
théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les homm
2173
ncrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde
un
séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le salut par l’a
2174
les tracteurs, mais composent en quelque manière,
un
code universel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
2175
! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que
des
centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », ap
2176
r que des centaines de milliers de lecteurs, dans
une
Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet o
2177
et orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ?
Un
seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de l
2178
ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer
des
conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des p
2179
alors que Ford passe outre et se remet à discuter
des
points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital
2180
ssianisme de la machine, méconnaissance glorieuse
des
forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un sim
2181
uelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec
un
simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle es
2182
que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste
un
peu sur ses « idées », c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’hom
2183
r ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’
une
catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir oblig
2184
able, par crainte de se voir obligé à la révision
des
valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut fai
2185
us le soleil » derrière lequel on se réfugie avec
une
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
2186
derrière lequel on se réfugie avec une paresse et
une
légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de cho
2187
paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’
une
complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit
2188
eté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec
un
état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’e
2189
donne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui
une
aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur d
2190
ire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel
une
grande part des forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n
2191
Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part
des
forces humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. No
2192
éritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà
un
fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ?
2193
un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
un
exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affai
2194
rs, on tranche les grandes questions humaines est
une
des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette per
2195
on tranche les grandes questions humaines est une
des
manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte d
2196
thique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas
une
philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute, cela en prend la place. Les
2197
.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec
une
maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fo
2198
tre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans
un
anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans
2199
fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à
des
lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois p
2200
tre, l’homme s’abandonne à des lois géométriques.
Un
jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il se
2201
au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse
des
dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à une nature dont l’usine l
2202
e des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire à
une
nature dont l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une
2203
sine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à
une
liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, sou
2204
lus subtilement encore que son travail aux lois d’
une
offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il
2205
encore que son travail aux lois d’une offre et d’
une
demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docileme
2206
la s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était
un
membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus
2207
chéance, abandonné à la lutte tragique et absurde
des
lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps
2208
lutte tragique et absurde des lois économiques et
des
exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact
2209
ar là même, avec les surnaturelles. Il en ressent
une
vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
2210
ir inventé ou compris par soi-même, la liberté et
une
certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
2211
ains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné
une
auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne l
2212
e la nature, il est condamné à ne plus saisir que
des
rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus rien
2213
tal a prétendu maîtriser la matière et parvenir à
une
liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exigences telles qu
2214
une liberté plus haute. Or, la technique a révélé
des
exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne don
2215
ir de notre liberté. La victoire mécanicienne est
une
victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne somme
2216
ne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne
une
liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant
2217
iennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans
un
monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est
2218
l fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé,
des
anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas une faculté de
2219
fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’est pas
un
luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
2220
histes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’est pas
une
faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences e
2221
lté destinée à amuser nos moments de loisir, il a
des
exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec ce
2222
a technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’
une
espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vi
2223
elque chose de la vie profonde, qui voient encore
des
vérités invisibles, qui gardent, par quelle grâce ? un peu de cette c
2224
s savants nomment mysticisme et considèrent comme
un
« cas » très spécial, — on les écarte des engrenages où ils risquerai
2225
nt comme un « cas » très spécial, — on les écarte
des
engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugi
2226
he de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’
une
sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette
2227
t Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’
une
attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la pér
2228
itude réactionnaire qui consisterait à vouloir en
revenir
à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire uto
2229
à la période préindustrielle soit autre chose qu’
une
échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
2230
l n’est plus temps de se désintéresser simplement
des
buts — si bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquel
2231
esser simplement des buts — si bas soient-ils — d’
une
civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se
2232
quelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà
des
révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré, devenu presque
2233
se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’
un
mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intellect
2234
ns sa prison. Les intellectuels d’aujourd’hui ont
une
tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dile
2235
eté et courage. Pour le reste, je pense que c’est
une
question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les li
2236
te, je pense que c’est une question de foi. 1.
Une
enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand
2237
Un
soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)m À Pierre Jeanneret et à
2238
’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings,
un
peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Enten
2239
ais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’
un
passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au r
2240
que cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais
un
tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressemble
2241
u vent glacial, crée autour du centre de la ville
une
insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles pe
2242
rité qui fait songer à la Russie et au sifflement
des
balles perdues d’une révolution. Sept heures du soir : le moment étai
2243
à la Russie et au sifflement des balles perdues d’
une
révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter le p
2244
s pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’
une
frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui
2245
n moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’
un
désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’at
2246
de même qu’atteignant certain degré d’intensité,
un
état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on pense généra
2247
ant certain degré d’intensité, un état d’âme crée
une
situation qui l’exprime — bien qu’on pense généralement le contraire.
2248
te et idéaliste du monde ne sont séparées que par
un
léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes.
2249
n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’
un
romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis senti
2250
ais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par
une
sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
2251
ue je m’assis dans l’ombre du théâtre, en retard,
un
peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’
2252
, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’
une
place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, une
2253
re — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’
une
fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que suscit
2254
fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’
un
monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des vi
2255
cite en moi seul peut-être cette plainte heureuse
des
violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héro
2256
ette plainte heureuse des violons. Le diable sort
des
parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est u
2257
anc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est
un
duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords
2258
ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo
des
ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une ha
2259
e la pureté où vibrent par instants les accords d’
une
harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je com
2260
e harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans
une
langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui dem
2261
ne langue que je comprends mal. Je me penche vers
un
voisin pour lui demander je ne sais plus quoi. Mais sans doute évadé
2262
ejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’
un
amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la
2263
onné à l’évocation d’un amour tragiquement mêlé à
des
forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voi
2264
ême en devient moins brutale. Elle rôde ici comme
une
tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où
2265
tesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’
une
grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles
2266
, mais inconnus. Voilà que la forme blanche, sous
un
brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amo
2267
eau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est
une
chose singulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est une chose s
2268
e quitter… — C’est une chose singulière, prononce
une
voix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cet
2269
ngulière, prononce une voix, à côté de moi, c’est
une
chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes
2270
ndit-il, que seul vous venez d’atteindre au monde
des
êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous me voyez parce que vous
2271
mprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène,
un
reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle da
2272
Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait
une
cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passe
2273
e de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour
une
élégance très moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de po
2274
al et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme
des
amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un échange tacite suff
2275
es amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’
un
échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gé
2276
xe les Viennois, me dit-il, parce qu’ils y voient
une
façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas f
2277
fâché. » Il y avait peu de monde dans les rues.
Des
jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amus
2278
peu de monde dans les rues. Des jeunes gens avec
une
femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n
2279
malgré les apparences, cette vie sentimentale est
une
des seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de V
2280
ré les apparences, cette vie sentimentale est une
des
seules réalités qui correspondent encore à l’image classique de Vienn
2281
épourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est
une
sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se
2282
. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache
une
incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette vi
2283
caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs
une
chose que je comprends assez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres ra
2284
probablement… À ce moment, comme nous traversions
une
rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progr
2285
le homard avait rougi : il conserva toute la nuit
une
magnifique couleur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de s
2286
de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
une
certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fi
2287
nnoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie
des
sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est
2288
ttribuait à une certaine anémie des sentiments, à
un
manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art
2289
que de caractère aussi. La fidélité véritable est
une
œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nat
2290
idélité véritable est une œuvre d’art qui demande
un
long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des ge
2291
et les Viennois sont, par nature et par attitude,
des
gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans un monde
2292
és. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’amour dans
un
monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le
2293
e ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’
une
femme — au plus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être était-c
2294
ts différents. Toutes les femmes qui m’ont retenu
un
instant, c’était parce qu’elles évoquaient cet amour, c’était parce q
2295
ès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’
un
regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jus
2296
me… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’un regard,
un
certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation jusque dans le
2297
ue dans les choses — et c’est cela seul qui donna
un
sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dir
2298
et vous allez me dire que c’est trop facile pour
un
homme retiré du monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à une
2299
monde depuis si longtemps. Livrons-nous plutôt à
une
petite malice dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleu
2300
euse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend
des
roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelqu
2301
s. C’était la petite bossue qui vend des roses et
des
œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillets ro
2302
passerait seule. Nous nous arrêtâmes non loin, à
une
devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieu
2303
précieux qui les revêtiraient. Vint à pas pressés
une
jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitableme
2304
elle finit donc par accepter et vint à nous avec
un
sourire du type le plus courant : « Vous êtes bien gentils, messieurs
2305
urs ! » Il n’y avait plus qu’à lui prendre chacun
un
bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote
2306
l n’y avait plus qu’à lui prendre chacun un bras,
une
femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Géra
2307
-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans
un
grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tann
2308
anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango,
un
Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée de
2309
isse nous délivra de notre conquête pour la durée
des
danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des fem
2310
rd bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre
des
femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous allons nous e
2311
ntez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est
une
façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir —
2312
miennes étaient de meilleure qualité : car c’est
une
pauvre illusion que le plaisir qu’on vient chercher ici avec le premi
2313
je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens
des
correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaien
2314
citadins blasés s’amusent plus grossièrement que
des
barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “
2315
t que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire
une
place dans leur vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et
2316
ures du matin, moyennant tant de schillings, dans
un
décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à
2317
e schillings, dans un décor banal et imposé, avec
des
femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité.
2318
banal et imposé, avec des femmes qui élargissent
des
sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des
2319
sure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont
des
sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux
2320
que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard
des
liqueurs qui n’ont pas été préparées pour leur soif. Ils ne savent pl
2321
Ce sont vos contemporains livrés à la démocratie
des
plaisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La
2322
la démocratie des plaisirs achetés au détail dans
une
foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes au
2323
éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici
des
femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe mauve, avec t
2324
parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’
une
créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement bag
2325
tiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait
une
chose extrêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec un sentimen
2326
trêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’avec
un
sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est deve
2327
rient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. »
Des
bugles agonisaient, aux dernières mesures d’un tango. Notre encombran
2328
» Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’
un
tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous. Gé
2329
es mesures d’un tango. Notre encombrante conquête
revint
s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas m
2330
ins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’
un
ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois d
2331
us conventionnel qui soit. Gérard la regarda avec
une
certaine pitié : « Chère enfant, dit-il doucement, pauvre colombe dép
2332
ra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y eut
un
moment pénible, comme toujours lorsqu’un peu de simple humanité vient
2333
orsqu’un peu de simple humanité vient interrompre
une
comédie aux attitudes convenues et donner l’air bête aux acteurs. Pui
2334
sités grossières de la part des garçons. « Encore
une
proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et mali
2335
e proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’
un
ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la
2336
s but. Vous savez, je lance mes filets dans l’eau
des
nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je
2337
dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène
des
animaux aux yeux bizarres où je sais lire les signes. » Comme je ne r
2338
notre sang. Nos pensées devenaient légères comme
des
ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’in
2339
sibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses
une
aile d’ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous r
2340
ices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâmes
des
anges au coin des ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissou
2341
Cette nuit-là nous rencontrâmes des anges au coin
des
ruelles, des oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. To
2342
nous rencontrâmes des anges au coin des ruelles,
des
oiseaux nous parlèrent, bientôt dissous dans le vent. Tout était refl
2343
tait reflet, passages, allusions. Plus tard, dans
un
petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qu
2344
à caissons dorés, l’étendent indéfiniment — c’est
un
ciel suspendu assez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ; un
2345
sez bas sur nos têtes. Lumière orangée, tamisée ;
un
piano dissimulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’une p
2346
é joue très doucement. Nous sommes assis autour d’
une
petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
2347
enne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’
un
regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo, c
2348
lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil.
Des
visages naissent comme des étoiles dans un halo, comme les couleurs s
2349
nd d’un regard pareil. Des visages naissent comme
des
étoiles dans un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargi
2350
reil. Des visages naissent comme des étoiles dans
un
halo, comme les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fonden
2351
s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma
des
sentiments qui montre vivantes dans la même minute toutes les incarna
2352
tes dans la même minute toutes les incarnations d’
un
amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultanéi
2353
ltanéité de ses manifestations. Gérard parle avec
une
liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’es
2354
e songes avec toutes leurs illusions, — illusions
des
formes passagères que nous croyons seules réelles, illusions des refl
2355
agères que nous croyons seules réelles, illusions
des
reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre
2356
des reflets qui ne livrent que le côté terrestre
des
choses dont l’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa
2357
et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en
un
instant dans cette vision, il connaît enfin la substance véritable et
2358
e sont que décors mouvants dans la lueur bariolée
des
sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai dra
2359
son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer
des
signes, des généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et
2360
est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes,
des
généalogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent au
2361
, des généalogies étourdissantes qui commencent à
des
dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes les f
2362
plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à
un
film où les épisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voi
2363
ilm où les épisodes s’appellent par le simple jeu
des
images, se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : «
2364
es correspondances, chaque geste, chaque minute d’
une
vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sou
2365
eurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est
une
Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lie
2366
Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en
une
heure, en un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompe
2367
e de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en
un
lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’a
2368
qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en
une
vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’appelaient dan
2369
un lieu, en une vision. » Nous sortîmes. Seules
des
trompes d’autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait pr
2370
rs endormi. En passant par la Freyung, nous vîmes
un
palais aux fenêtres illuminées. Des autos attendaient devant le porch
2371
ng, nous vîmes un palais aux fenêtres illuminées.
Des
autos attendaient devant le porche grand ouvert. Les chauffeurs faisa
2372
a neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’
une
boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement du
2373
avait dû le mettre au caviar. Il en demanda donc
une
petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soin
2374
tes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’
un
œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied s
2375
rop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’
un
pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de c
2376
autre dans de la neige fondante, tout en croquant
une
de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et a
2377
cour du palais, descendaient les invités du bal.
Des
femmes sans chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’inclina
2378
vers les voitures, les hommes s’inclinaient pour
des
baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux fac
2379
baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus
des
princes aux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’anciens
2380
ressemblaient terriblement à d’anciens Habsbourg,
des
comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse d
2381
t le manteau de velours rose laissait découvertes
des
jambes extrêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait des insole
2382
trêmement hautes tandis que sa tête frisée jetait
des
insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empil
2383
x noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans
des
autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’éteignit
2384
Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sortie
des
invités, sur une femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’
2385
t fixés intensément, à la sortie des invités, sur
une
femme qui s’en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres.
2386
s, sur une femme qui s’en allait toute seule vers
une
auto à l’écart des autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, a
2387
i s’en allait toute seule vers une auto à l’écart
des
autres. Une femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
2388
t toute seule vers une auto à l’écart des autres.
Une
femme aux cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’autrefois
2389
ce se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul.
Une
dernière auto, extraordinairement silencieuse, absolument silencieuse
2390
nt baissés. Déjà on criait les journaux du matin,
des
triporteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de
2391
erie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis de, «
Un
soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littér
2392
ituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’
un
précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suff
2393
en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est
un
créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie.
2394
ptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre
des
perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’e
2395
voir emprunté le véhicule à la mode pour conduire
des
millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équati
2396
mode pour conduire des millions de lecteurs dans
un
monde purement fantaisiste où les équations tyranniques deviennent de
2397
ellement dans la lune, ou bien descendent au fond
des
mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes g
2398
elle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus
des
maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desque
2399
nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans
une
civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprun
2400
ion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’
une
nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un
2401
dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
un
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’une conception de l
2402
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’
une
conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus
2403
ption de la littérature si pédante qu’elle exclut
un
de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psy
2404
urvu si possible. Je ne demande aux écrivains que
des
révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon
2405
t beaucoup de choses vraies (belles). Il est même
un
des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose.
2406
eaucoup de choses vraies (belles). Il est même un
des
très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’e
2407
livre, malgré son premier chapitre, variation sur
un
mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités local
2408
the, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est
une
belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître
2409
ement passée (quitte à renaître heureusement) sur
des
gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ce
2410
is donner l’air bête à ceux qui le sont en créant
une
belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sa
2411
rcher plus loin, dans ce silence où l’on accède à
des
objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de, « [Com
2412
lectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits
des
surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou n
2413
nt trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans
une
époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement mé
2414
leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à
une
rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté,
2415
jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre
un
état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’i
2416
Mais à condition d’aller plus loin et de prendre
une
connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est cert
2417
ros mots et de discours en très beau style contre
un
monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le sn
2418
organisation et le sabotage. On y découvre le jeu
des
tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces at
2419
es représentent deux manières de sentir l’unité d’
une
époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nationali
2420
le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup
des
idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstrai
2421
ées que la Tentation de l’Occident exprimait sous
une
forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en h
2422
décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable
des
acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution d
2423
eurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’
une
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoise
2424
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante
des
villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
2425
tante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’
un
art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
2426
oute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à
des
effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement object
2427
ement objectif, est aussi, mais à coups de faits,
une
discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que
2428
scussion d’idées. Il est surtout la description d’
une
angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse
2429
passionnant de l’action, il se dégage de ce roman
un
désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité
2430
orces déterminantes de l’heure, à les exprimer en
un
tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers cont
2431
tel drame, et voici André Malraux au premier rang
des
romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
2432
c son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi
des
Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ét
2433
tre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à
une
existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tir
2434
« prince de l’illusion et de la solitude ». Mais
un
prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce
2435
qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’
un
romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su
2436
aux nuances assez troubles du personnage central
une
résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasar
2437
absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez
un
être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’i
2438
oindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir
un
livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Gu
2439
raphe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur
une
vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résol
2440
n livre attrayant sur une vie manquée n’était pas
un
problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort adroite
2441
un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’
une
façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis de,
2442
e Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’
une
rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit pri
2443
d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec
un
inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plu
2444
i disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit
une
lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession
2445
egrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à
une
courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être
2446
oit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas
une
question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a
2447
n a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde
une
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour
2448
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue
une
tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai »
2449
us vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’
une
psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge q
2450
logie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer
un
mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détest
2451
duire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’
une
déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cart
2452
Miroirs, ou Comment on perd
Eurydice
et soi-même » (décembre 1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire
2453
? Il en tombe d’accord ; accepte d’attendre comme
un
enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa petite part. On
2454
en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle
un
de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore
2455
un, Stéphane cherche à savoir ce qu’il est. C’est
une
autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n
2456
rise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser
un
moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, ent
2457
ué que l’époque peut être définie par l’abondance
des
autobiographies, mais aussi bien par celle des miroirs. C’est pourquo
2458
ce des autobiographies, mais aussi bien par celle
des
miroirs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de
2459
celle des miroirs. C’est pourquoi il en installe
un
sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout ins
2460
— ne tarde pas à devenir obsédant. Stéphane passe
des
heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage
2461
les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre
une
sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire décourage
2462
lus secrètement à son aventure. Nous vivons dans
un
décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête
2463
face de lui par l’ascenseur, elle le suit au long
des
trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes, des poup
2464
e suit au long des trottoirs, il l’aperçoit entre
des
souliers, des étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant
2465
des trottoirs, il l’aperçoit entre des souliers,
des
étiquettes, des poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue br
2466
il l’aperçoit entre des souliers, des étiquettes,
des
poupées ; elle le précède au restaurant, le nargue brièvement au pass
2467
de au restaurant, le nargue brièvement au passage
des
autos, le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’a
2468
le ridiculise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec
une
sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est pa
2469
ystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche
une
révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hyp
2470
erche une révélation et n’y trouve que le désir d’
une
révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a pl
2471
rendre la certitude d’être. Mais il s’épuise dans
une
perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’ég
2472
rstitions. Enfin cette expérience folle le mène à
une
découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la
2473
nt de méditer : la personne se dissout dans l’eau
des
miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se cons
2474
e soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne
un
besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se tra
2475
hane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
un
acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il n
2476
raie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’
une
aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur
2477
crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’
un
texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines.
2478
un texte, trouve parfois de cette incompréhension
des
marques certaines. Si le rapport intime qui unit la phrase suivante a
2479
sidérations précédentes lui échappe, qu’il y voie
une
de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée per
2480
ane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd
Eurydice
par scepticisme, par esprit scientifique, par doute méthodique, par b
2481
. À chaque regard dans notre miroir, nous perdons
une
Eurydice. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle
2482
chaque regard dans notre miroir, nous perdons une
Eurydice
. Les miroirs sont peut-être la mort. La mort absolue, celle qui n’est
2483
tre la mort. La mort absolue, celle qui n’est pas
une
vie nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. U
2484
ort dans la transparence glaciale de l’évidence.
Un
jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre : « Il faudrait br
2485
ais en vérité. Peut-être te reconnaîtrais-tu sous
un
autre visage. Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir un cen
2486
Car oublier son visage, ne serait-ce pas devenir
un
centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce
2487
c’est pourquoi il fait peur à certaines femmes.
Un
soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre a
2488
aines femmes. Un soir, après quelques alcools et
un
échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus e
2489
cools et un échange de pensées au même titre avec
une
amie d’une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un
2490
échange de pensées au même titre avec une amie d’
une
beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard de c
2491
é de plus en plus frappante, il croit saisir dans
un
regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd da
2492
l se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans
une
naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusi
2493
s : je suis !… Je ne sais plus… mais je suis ! »
Un
peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verrerie
2494
plus… mais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut
un
jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fen
2495
it : « Ton visage me cache tous les miroirs » — à
une
femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comment o
2496
Rougemont Denis de, « Miroirs, ou Comment on perd
Eurydice
et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
2497
Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis
un
homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement a
2498
e se sent désarmé et légèrement absurde en face d’
un
récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
2499
en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici
un
homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait
2500
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
une
émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répon
2501
l faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’
un
air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobio
2502
né du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’
un
homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sou
2503
aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit
des
scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anders
2504
nnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à
une
allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
2505
nquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
un
branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tand
2506
êves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent
des
perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un po
2507
aisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout
un
poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités
2508
s sur l’époque. Anderson est avant tout un poète,
un
homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes,
2509
e, un homme qui aime inventer et que cela console
des
nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque
2510
amour de l’invention romanesque considérée comme
une
revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff —
2511
bluff — fait de lui sans doute le plus méridional
des
conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souv
2512
us méridional des conteurs américains. Avec cela,
un
réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres
2513
raient le couplet humanitariste, lui s’en va dans
un
rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de
2514
humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans
un
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cet
2515
avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est
un
Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sour
2516
et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est
un
Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie s
2517
ources de la poésie sont dans notre maison. Voici
un
de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si
2518
ette époque je croyais fortement en l’existence d’
une
espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insiste
2519
conspiration pour insister sur la laideur. “C’est
une
frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et le
2520
les autres”, me disais-je parfois, et il y avait
des
moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais
2521
que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’
un
homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se sec
2522
prochais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’
une
femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin,
2523
ous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme
des
fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moder
2524
on, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie
des
formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
2525
onde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
un
personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homm
2526
sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré
un
jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à c
2527
de l’élever à la présidence de la République. Qu’
un
tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assass
2528
du] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis
un
homme », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
2529
« Belles-Lettres, c’est la clé
des
champs… » (janvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef des cha
2530
anvier 1929)y 1. Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler le
2531
roid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement
une
mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand
2532
oin de formuler cette ivresse ; autrement que par
des
cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Bel
2533
turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est
une
liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entr
2534
ue cela comporte, Belles-Lettres est une liberté.
Une
rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religio
2535
6. Peu de choses dans le monde moderne ont encore
une
« essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éterne
2536
ugemont Denis de, « Belles-Lettres, c’est la clef
des
champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribour
2537
orance respectait, et ne lui donne à la place que
des
laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
2538
ilosophique et point du tout technique. J’apporte
un
témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
2539
out technique. J’apporte un témoignage personnel,
une
réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
2540
s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous
un
régime radical à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de fo
2541
peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est
un
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
2542
aïf dans le monde moderne : individu qui soutient
des
idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
2543
tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas
un
argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
2544
. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer
une
nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
2545
ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même
une
meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
2546
ute, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss,
des
bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
2547
ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’
une
voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
2548
crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour
un
retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
2549
un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique
un
mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’il tradu
2550
: on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes
un
pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
2551
e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice
des
idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins j
2552
valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire
une
critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certai
2553
apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol
des
frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
2554
rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes
un
rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
2555
r. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde,
un
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
2556
nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
une
démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
2557
1. Mes prisons Il existe
des
gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
2558
croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche
des
instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
2559
eusement séparer les calculs du raisonnement, par
une
barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
2560
ar une barre verticale, et où il y avait toujours
des
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
2561
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider
un
bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
2562
après combien d’heures…) ; et il y avait toujours
des
appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
2563
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans
un
Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
2564
auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et
une
semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gâtée.
2565
hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute
une
journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le ta
2566
s, et une semonce à nous gâter toute une journée.
Une
journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par l
2567
tapissier par le prix du mètre courant n’est pas
une
fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
2568
t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent
des
traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
2569
? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien
des
grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
2570
leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve
des
cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
2571
’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
une
tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
2572
tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens,
des
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
2573
d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec
des
ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
2574
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et
des
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
2575
uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires,
des
jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
2576
des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
un
rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
2577
en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve,
des
matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
2578
le repas, et le monsieur qui racontait gravement
des
choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
2579
qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy
un
fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
2580
carrousel, les chemins dans la forêt en automne,
des
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
2581
, les chemins dans la forêt en automne, des jeux,
des
feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
2582
ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages,
des
rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
2583
automne, des jeux, des feuillages, des rêveries,
des
recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
2584
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins,
une
longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
2585
oins, une longue aventure sérieuse et incertaine,
un
peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
2586
e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et
un
peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
2587
certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’
une
très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
2588
ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
des
bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien ces promenades en tena
2589
… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
une
dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance : les sé
2590
fance : les séances chez le dentiste et l’horaire
des
leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
2591
À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette, avec
une
sœur aînée. L’année suivante, on me mit à l’école, parce que c’est la
2592
loi. La première classe fut agréable : j’alignais
des
bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
2593
alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière.
Un
jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
2594
voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements
des
élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
2595
e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira
des
reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
2596
iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause
des
autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
2597
et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans
un
certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
2598
ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore
des
poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
2599
« évidence » que je viens de citer, je découvris
un
jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
2600
cause déterminante de notre malaise. Il me fallut
un
certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
2601
e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être
des
découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
2602
Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels
des
Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de
2603
s Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est
une
généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
2604
varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont
une
généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
2605
e la règle de trois, aussi profondément certes qu’
un
Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
2606
ces ressorts de la révolte et de la libération d’
une
personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
2607
sens de l’arbitraire et le sens de la relativité
des
décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
2608
tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais
un
jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
2609
te : mais un jour je compris que ce n’étaient que
des
principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
2610
, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’
une
arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
2611
le seul pour lequel on nous préparait —, c’était
un
système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
2612
imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé
des
esprits moyens, prosaïques et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les ch
2613
nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’
un
régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
2614
grossières » comme celles qui touchent à l’action
des
étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
2615
s par exemple. Mais nous avions acquis le respect
des
statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
2616
édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’
un
fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
2617
l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’
un
petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
2618
e pour nos rêves. Nous arrivions dans la vie avec
des
mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
2619
vions dans la vie avec des mentions honorables et
une
inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
2620
et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
des
titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
2621
pour mépriser toute valeur simplement humaine, et
une
honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
2622
la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est
un
silence, un vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
2623
Dans le cas le plus favorable, c’est un silence,
un
vide. C’était en dehors de la vie. 3. du pain rassis.
2624
amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à
un
bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solut
2625
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’
un
instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuit
2626
solution de continuité, la différence n’étant qu’
une
question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
2627
je vais dire est sans doute injuste et faux dans
un
très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
2628
ut être défini par son incompréhension méthodique
des
hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
2629
u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à
une
façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
2630
nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à
une
façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
2631
ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à
une
façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
2632
, à une façon livresque d’expliquer les choses, à
une
façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
2633
a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à
une
élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
2634
r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait
un
peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
2635
que les instituteurs antimilitaristes qui signent
des
manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
2636
et je ferais de la peine à d’excellents garçons.
Revenons
au civil. Au village, quand on vous parle avec respect et trémolo d’u
2637
ge, quand on vous parle avec respect et trémolo d’
un
môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de
2638
nstruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’
un
de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils
2639
e ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans
des
farces où ils sont drôles, mais non point dans la vie courante où ils
2640
e sont beaucoup moins. Le Messieu fait sans doute
des
vers sur la violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerv
2641
s sur la violette, périodiquement, comme on fait…
un
rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées moder
2642
e de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a
des
idées modernes sur tous les sujets, espécialement sur la pédagogie. C
2643
es sujets, espécialement sur la pédagogie. Ce mot
revient
souvent dans sa conversation ; il le prononce avec un inimitable séri
2644
ouvent dans sa conversation ; il le prononce avec
un
inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent que c’est là son aff
2645
; il le prononce avec un inimitable sérieux, avec
un
P majuscule. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot es
2646
e. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en
un
mot est M’sieu l’Instituteur. Signes particuliers : cheveux longs, re
2647
même maladresse professionnelle. J’en connaissais
un
qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «
2648
. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à
une
classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
2649
magine à quoi peut mener l’enseignement donné par
des
êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque pendant
2650
prègne l’enseignement primaire constitue l’apport
des
instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
2651
e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal
des
petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
2652
tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est
un
véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
2653
certaines autres maladies dites « sociales ». Je
reviendrai
peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école
2654
a voit. Après les personnes, le décor. La laideur
des
collèges n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. l’archit
2655
itecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’
une
façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
2656
ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont
un
frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
2657
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits
des
écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
2658
l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant
un
refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
2659
de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
un
grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
2660
ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’
un
tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
2661
jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas
un
: mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
2662
n est pas un : mais l’absence de style est encore
un
style ; c’est même le pire.
2663
solument personnelles et qu’elles ont la valeur d’
un
témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un pe
2664
plus ni moins — il est temps que je fasse passer
un
petit examen aux principes de cette institution passionnément détesté
2665
l serait plus juste de dire que la passion n’a qu’
une
clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfin,
2666
nsiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’
une
ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici a
2667
nt de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen
des
caractères les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’at
2668
pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est
un
cadre, ou plutôt un moule, dans lequel on verse les matières les plus
2669
ramme a) l’horaire : c’est un cadre, ou plutôt
un
moule, dans lequel on verse les matières les plus hétéroclites, sans
2670
es disciplines se succèdent sans transition, dans
un
ordre absolument fortuit, de manière à prévenir toute concentration d
2671
n branches bien distinctes. On attribue à chacune
un
certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire te
2672
eviennent obligatoires. La somme et l’arrangement
des
parties doivent être identiques pour tous les écoliers. Ce plan régit
2673
ité de la science nécessaire à tout citoyen, dans
une
vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir
2674
il suffit pour établir ce programme de disposer d’
une
ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser
2675
e de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’
un
crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires
2676
’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’
une
règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propremen
2677
mment, il est préférable de savoir aussi les noms
des
sciences élémentaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de co
2678
cune façon nécessaire de connaître la psychologie
des
enfants, ni même le contenu des sciences dont on écrit les noms dans
2679
re la psychologie des enfants, ni même le contenu
des
sciences dont on écrit les noms dans les casiers. Est-ce que l’étude
2680
ticulièrement indiquée pour préparer les élèves à
une
composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. Le bo
2681
naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte
des
possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de
2682
fort inégale de ces disciplines ; de la diversité
des
besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se tro
2683
disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin
des
rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur
2684
n’a point accordés à l’actuelle division horaire
des
journées… Monsieur, répondent les fonctionnaires responsables, vous s
2685
eurent pas. Les examens Ce sont en principe
des
« contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes ép
2686
trôles » comparables à ceux que l’on établit lors
des
grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doive
2687
re ont à refaire l’étape. On obtient par ce moyen
un
peloton homogène, facile à surveiller. Mais en matière de sport, la t
2688
elle est de règle. Car la qualité et la quantité
des
réponses « fournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’un loin
2689
ournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’
un
lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fournis
2690
n lointain rapport avec la qualité et la quantité
des
efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant
2691
-vous pas honte de vous faire rappeler sans cesse
des
vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme des connaissances De
2692
des vérités aussi élémentaires. L’égalitarisme
des
connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et d
2693
’égalitarisme des connaissances De l’existence
des
programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui
2694
ssances De l’existence des programmes, qui est
un
fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (rés
2695
fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est
une
prétention (réservons le mot d’idéal), découle cette exigence théoriq
2696
pe est à la base du système ; qui repose donc sur
une
tranquille méconnaissance de la nature humaine. L’histoire enregistre
2697
de la nature humaine. L’histoire enregistre bien
une
ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître q
2698
nnaître que jamais on n’avait songé à leur donner
une
extension universelle et un caractère obligatoire. L’école exige donc
2699
songé à leur donner une extension universelle et
un
caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralentiss
2700
à ce crime quotidien, et se félicitent du régime
des
lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand
2701
idien, et se félicitent du régime des lumières et
des
compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que
2702
impartial, par sa culture intensive et extensive
des
veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précéde
2703
ar sa culture intensive et extensive des veaux et
des
médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus ou
2704
n instrument le plus parfait s’appelle le manuel.
Un
bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’un
2705
us parfait s’appelle le manuel. Un bon manuel est
un
résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le bon
2706
el. Un bon manuel est un résumé clair et portatif
des
résultats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’
2707
résumé clair et portatif des résultats actuels d’
une
science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans sa
2708
a réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à
un
aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on commence par apprendre le résum
2709
avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
des
choses n’apparaît qu’à celui qui entre en commerce intime avec elles.
2710
elles. On apprend plus de deux que de mille, dit
un
sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséquence du gavag
2711
le, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom.
Une
autre conséquence du gavage, c’est qu’on ne peut laisser aux élèves l
2712
rcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’
une
valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où so
2713
La discipline On conçoit que la réalisation d’
un
programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’où
2714
on d’un programme entièrement contre nature exige
une
discipline sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’école. M
2715
ception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est
des
disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindrissent. La
2716
fort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a
une
exagération absurde, une généralisation si schématique et superficiel
2717
petits. Là encore il y a une exagération absurde,
une
généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd
2718
line perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’
une
entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouf
2719
éducatif et n’est plus qu’une entrave énervante,
un
système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité
2720
quines, propres à étouffer toute spontanéité chez
un
peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès de cette vertu. La d
2721
xcès de cette vertu. La discipline primaire forme
des
gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose
2722
ertu. La discipline primaire forme des gobeurs et
des
inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyens su
2723
rimaire forme des gobeurs et des inertes, fournit
des
moutons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sé
2724
, petites crottes noires et blanches qui marquent
un
peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui to
2725
’accord sur ce point : l’école primaire doit être
une
école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instr
2726
n de développer les vertus sociales de l’élève. «
Une
classe est une société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Ju
2727
les vertus sociales de l’élève. « Une classe est
une
société en miniature. » Ceci est une énorme bourde. Juxtaposez trente
2728
e classe est une société en miniature. » Ceci est
une
énorme bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’
2729
bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’
une
salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à
2730
té, panurgisme, concurrence sournoise, admiration
des
forts en gueule, — tout cela qui deviendra plus tard socialisme, morg
2731
de plus évident de mon expérience scolaire, c’est
une
grosse vérité que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a
2732
que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas
des
manuels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent u
2733
, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent
une
image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain
2734
perfectionnement civique qui assure l’écrasement
des
plus délicats par les plus vulgaires ? L’idéal du bon élève Le
2735
u’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là
une
préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver susp
2736
s…graphes…graphes… Enfoncés, les perroquets. Dans
une
composition sur La Neige, Victoria X, 10 ans, écrit : « C’est l’hiver
2737
pour avoir trouvé : « Quant il neige, c’est comme
des
petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure
2738
st supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre
une
âme docile, un rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie
2739
l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile,
un
rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie appartient mani
2740
lle cherche à développer chez nos petits Helvètes
un
légalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui
2741
chez nos petits Helvètes un légalisme écœurant6,
un
conformisme d’imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être
2742
ants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage
des
gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans doute quelques «
2743
ur avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’
un
grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales.
2744
promission sociale établie) et cueilli au passage
un
grade universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cou
2745
tations, où se « baptisent » les hommes d’avenir.
Un
jour on voit s’étaler en première page des illustrés la face épanouie
2746
avenir. Un jour on voit s’étaler en première page
des
illustrés la face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de vill
2747
es illustrés la face épanouie quoique énergique d’
un
de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifi
2748
’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle
une
belle carrière. Mais ces brillants météores ne troublent pas beaucoup
2749
de comparer les bons élèves de diverses classes d’
un
collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de
2750
montrer, ce qui serait facile, qu’ils constituent
une
inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-
2751
utes les lois divines et humaines. C’est-à-dire :
une
méthode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de vo
2752
contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme,
un
bien grave dilemme. 4. Ce ne sont pas seulement les meilleurs qui
2753
sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit
des
enfants peu doués pour les disciplines scolaires : « Les épaves scola
2754
lines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’
un
traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellectu
2755
un traitement pédagogique approprié, tombent dans
une
apathie intellectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au
2756
rtains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’
une
famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal (il
2757
alité, comme si toutes les familles constituaient
un
milieu délétère ? 6. Justice démocratique, égalité, légalité, sont l
2758
réformiste Bien entendu, tout cela a été dit. (
Un
peu autrement, j’en conviens.) On n’a pas attendu ma colère pour entr
2759
établissement où l’on s’efforce d’enseigner selon
des
principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contr
2760
eigner selon des principes tirés de l’observation
des
enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute la ligne avec l’en
2761
On a constaté que l’école actuelle est fondée sur
une
remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où il y avait non-
2762
ce, on a voulu apporter de la science. Mais c’est
un
art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a cr
2763
un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera dans
des
absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’enfants » où l’on a
2764
ombera dans des absurdités. On a créé par exemple
des
« jardins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans
2765
emple des « jardins d’enfants » où l’on apprend à
des
élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle d
2766
fants, et réciter par cœur et à rebours, les noms
des
rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la
2767
rcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’
un
métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école acti
2768
», tous les verbes déponents ; désormais l’étude
des
verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le
2769
mais l’étude des verbes actifs sera aussi active,
un
élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, o
2770
ouloir en s’écriant : je marche, ou : j’arpente ;
un
autre restera assis, en affirmant : je siège ; un troisième lèvera la
2771
la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas
une
lourde farce. Ces exagérations ne sont pas bien graves, parce qu’elle
2772
comiques précisément. Je ferai à l’école nouvelle
un
reproche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux
2773
sément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’
une
autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur
2774
es ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
une
liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a pour s
2775
t a pour seul but de faire avaler la pilule amère
des
connaissances. On songe à M. Ford, qui donne à ses ouvriers un second
2776
nes. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus
des
résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf
2777
es résultats, on les fait trouver. Notez que cela
revient
au même, sauf que par la méthode nouvelle on atteint l’enfant plus pr
2778
. « Instruire en amusant » peut être la formule d’
une
tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’e
2779
Enfin, je n’aime pas qu’on traite le gosse comme
un
organisme dont il s’agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cul
2780
plus élevé. On cultive les petits d’hommes comme
des
plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant
2781
ants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’
un
produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfant
2782
ieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez
un
enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les
2783
. Néanmoins je soupçonne dans tous ces mouvements
des
possibilités lointaines qui sont pour me plaire ; un grignotement du
2784
possibilités lointaines qui sont pour me plaire ;
un
grignotement du système officiel qui pourrait bien un jour l’atteindr
2785
rignotement du système officiel qui pourrait bien
un
jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, d
2786
r, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans
une
ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignemen
2787
d’où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à
un
enseignement sans école. Je songe au maître antique, dont toute la pe
2788
e au maître antique, dont toute la personne était
un
enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celu
2789
ersonne était un enseignement, et qui n’avait pas
des
élèves, mais des disciples. Celui-là seul favorise le développement d
2790
enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais
des
disciples. Celui-là seul favorise le développement des individus, qui
2791
isciples. Celui-là seul favorise le développement
des
individus, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose une semenc
2792
e développement des individus, qui ne cherche pas
un
rendement mais qui dépose une semence spirituelle. Qui sait ?… En att
2793
, qui ne cherche pas un rendement mais qui dépose
une
semence spirituelle. Qui sait ?… En attendant, puisqu’il faut attendr
2794
ur les principes de l’école libre, qui se moquent
des
programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils
2795
our échapper plus longtemps à MM. les Inspecteurs
des
Écoles. Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la fave
2796
n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’
une
équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y ait
2797
e tout essai de réforme. Qu’il y ait là cependant
une
possibilité pratique d’en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de
2798
bsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou
des
appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je
2799
5. La machine à fabriquer
des
électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique.
2800
nt nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’
un
même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter
2801
se. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’
une
oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. Elle
2802
st glorifiée dans tous les banquets officiels par
des
orateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne p
2803
ts officiels par des orateurs émus et il y aurait
une
insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois diss
2804
e plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée
des
civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idé
2805
connaître, une fois dissipée la fumée des civets,
des
cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l
2806
fois dissipée la fumée des civets, des cigares et
des
idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de par
2807
ger avec mes adversaires se trouve correspondre à
des
faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces M
2808
serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’
une
aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que la D
2809
ver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare.
Un
fait simple, par exemple, c’est que la Démocratie sans l’instruction
2810
te, sinon je me verrai contraint de lui expliquer
un
certain nombre de vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas
2811
ur qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il faut
une
discipline sévère dès l’enfance pour façonner des contribuables inoff
2812
une discipline sévère dès l’enfance pour façonner
des
contribuables inoffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de l
2813
ner des contribuables inoffensifs. Enfin, il faut
un
nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu
2814
outer la nature qui répète par toutes ses voix, d’
un
milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
2815
rté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois,
une
seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour le
2816
Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’
un
rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec un
2817
e monde-là « tout se paye » comme ils disent avec
une
satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas qu
2818
enter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’
une
utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’
2819
erie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’
un
groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés p
2820
ment politico-financier. Et il y aurait bien vite
des
députés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis-je, la valeur ha
2821
stitution, se manifeste encore de nos jours, et d’
une
façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas
2822
rument de progrès par excellence. Car il n’est qu’
une
explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa forme a
2823
on rôle politique et social, qui est de fabriquer
des
électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates). Je me souvi
2824
dicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’
un
dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener
2825
blié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener :
une
machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machin
2826
l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait
des
gentlemen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle, dévore d
2827
ne machine qui absorbait des gentlemen et rendait
des
tommies. La machine scolaire, elle, dévore des enfants tout vifs et r
2828
it des tommies. La machine scolaire, elle, dévore
des
enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opérat
2829
laire, elle, dévore des enfants tout vifs et rend
des
citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes ont été d
2830
on, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’
une
petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’automa
2831
ratés assez fréquents. Maintenant je vous demande
un
peu quel intérêt il y aurait à perfectionner l’instrument, à l’adapte
2832
’instruction publique était d’éduquer le peuple d’
une
façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’o
2833
e façon désintéressée, les gouvernements seraient
un
peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’h
2834
e les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure
une
véritable révolution scolaire ; car il ne faudrait pas moins pour que
2835
nt confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées
des
autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre
2836
nsibilité plus qu’aux idées des autres. Or, c’est
une
révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments
2837
politiques, et peu m’importerait que l’École soit
une
machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans
2838
e — si je ne sentais menacées dans cette aventure
des
valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démo
2839
œurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’
un
régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaque
2840
ue homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’
un
tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi
2841
un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes
une
connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent en eux les d
2842
ssieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens
des
images.) 9. J’emploie ce mot au sens fort, au sens enivrant, 100 %.
2843
r. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’
une
telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réacti
2844
l’instruction publique (Ici, le procureur prit
un
ton plus grave.) L’école s’est vendue à des intérêts politiques. C’ét
2845
r prit un ton plus grave.) L’école s’est vendue à
des
intérêts politiques. C’était là, nous venons de le voir, son unique m
2846
unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur
une
vaste échelle à cette « Trahison des clercs » décrite par M. Julien B
2847
ipe donc sur une vaste échelle à cette « Trahison
des
clercs » décrite par M. Julien Benda. Notre époque paiera cher ce cri
2848
ants à l’Église et à la famille. L’Église donnait
des
valeurs idéalistes, la famille des valeurs réalistes, sans lesquelles
2849
Église donnait des valeurs idéalistes, la famille
des
valeurs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce de son propre p
2850
poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à
des
théories non point fumeuses comme le veut le cliché, mais schématique
2851
ne peut pas être idéaliste : car elle deviendrait
un
danger pour le désordre établi. L’idéalisme est forcément révolutionn
2852
i. L’idéalisme est forcément révolutionnaire dans
un
monde organisé pour la production. Le culte des valeurs désintéressée
2853
ns un monde organisé pour la production. Le culte
des
valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantita
2854
livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur
des
vertus patriarcales. Mais je m’adresse aux démocrates convaincus, par
2855
je m’adresse aux démocrates convaincus, partisans
des
« lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle
2856
t, constatez avec moi que la famille était encore
un
milieu naturel, donc normatif. Le collège au contraire est un milieu
2857
turel, donc normatif. Le collège au contraire est
un
milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substituer
2858
pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’
une
civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encor
2859
t insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’
une
purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand
2860
aura démontré que les besoins de l’époque exigent
une
organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où
2861
s la mesure où cette exigence est satisfaite naît
un
nouveau besoin qui est précisément d’échapper à cette organisation. O
2862
outes parts. Mais l’école empoisonne les germes d’
une
renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise
2863
l’incompréhension brutale de la nature, la haine
des
supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé.
2864
ontraire, elle prépare de consciencieuses poires,
des
esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes d
2865
de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à
un
vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu
2866
primaire, arrive trop tard. Le pasteur sème dans
un
terrain que l’instituteur a méthodiquement desséché.
2867
7. L’Instruction publique contre le progrès
Un
beau titre. Et qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il fa
2868
… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a
un
petit air démocratique, hé ! hé !… et d’ailleurs vous aimez les idées
2869
e vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans
une
direction tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé un instrumen
2870
on tout opposée. C’est très malin d’avoir inventé
un
instrument de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le
2871
aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’
un
camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On me
2872
alisme intégral. On me fera observer que beaucoup
des
servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le
2873
change pas le rendement, j’imagine, ni la nature
des
produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se p
2874
ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez
un
écolier préparer ses devoirs, c’est frappant : il apprend les questio
2875
J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu
un
conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins p
2876
l ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’
un
régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisi
2877
pour assurer la sécurité d’un régime établi dans
des
fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois ten
2878
urité d’un régime établi dans des fauteuils ; car
un
peuple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusq
2879
e-ci : je prétends que l’instruction publique est
une
puissance conservatrice. — Pas moins ! Elle est destinée à légitimer
2880
vifient. L’École se contente d’être figée. Est-ce
un
frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enlise notre civilisatio
2881
e figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt
une
vase où s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se con
2882
ilisation ; et où la Démocratie peut se conserver
des
siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est
2883
de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est
un
hommage à vos maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’ins
2884
manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir
une
intention providentielle dans cet amour de la destruction et de l’ana
2885
e peu l’avouent. Car détruire, déblayer, et faire
des
signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à
2886
ire, déblayer, et faire des signes dans le vide à
des
hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devr
2887
t au nom du passé ne signifie pas que l’on désire
un
retour au passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous a
2888
que notre soi-disant progrès social correspond à
un
recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé les
2889
correspond à un recul humain. Par exemple, est-ce
un
progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout
2890
s qu’en soient d’ailleurs les réalisations —, par
des
hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est un pis-aller, dont
2891
hiérarchies rond-de-cuiresques dont l’origine est
un
pis-aller, dont la méthode est le tirage au flanc lucratif, dont l’es
2892
armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor,
des
odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette m
2893
parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
des
petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique
2894
e ? Réponse ? Petits étourdis. Réponse non, c’est
un
recul. Cette critique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est un
2895
ique du fonctionnarisme, vous alliez le dire, est
un
ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que
2896
il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
des
électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour b
2897
et distingué. Il y a de grands balayages à faire,
un
grand courant d’air à créer qui emportera toutes ces statistiques et
2898
urnaux, il en restera toujours assez pour allumer
des
feux de joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déj
2899
uis les dernières pestes noires). Si vous creusez
un
peu la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose su
2900
cratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur
des
postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne son
2901
aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’
une
même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocratie
2902
au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’
un
jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et d
2903
ourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue
une
tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. Maintenant il
2904
utopies et les empêche de devenir autre chose que
des
utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pour
2905
de notre vie. Mais cette première tâche constitue
un
programme si riche qu’il est superflu d’en formuler une seconde. Lais
2906
ogramme si riche qu’il est superflu d’en formuler
une
seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libres d’imaginer,
2907
lu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à
des
générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacob
2908
vel être. Notre époque serait le deuxième temps d’
une
de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, t
2909
mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à
une
vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, s
2910
renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à
un
degré supérieur d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tou
2911
e réclame l’expulsion de la congrégation radicale
des
instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et
2912
rossièrement. J’aurais voulu vous voir demander à
un
sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolu
2913
place de la royauté absolue. Il eût fallu certes
une
imagination prodigieuse au dit sujet pour se représenter même très va
2914
crètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’
un
ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12. La
2915
e maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’
une
mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
2916
Appendice. Utopie
Un
os à la meute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous f
2917
entale.) La question est de savoir si nous serons
des
hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra l
2918
i nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou
des
pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu importe.) Les écono
2919
13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur
un
point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle at
2920
t : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’
une
nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande
2921
naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci
revient
à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut dé
2922
attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule
une
grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux ba
2923
tive peut désensabler le vieux bateau occidental.
Un
nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de conc
2924
sons le plus clair de nos forces, — le Poète dira
un
mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleron
2925
nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera
un
acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les
2926
rage universel, instruction publique. Cela promet
des
grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’idéali
2927
t des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’à
une
forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle
2928
tes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’
une
civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès mainten
2929
retrouvent le courage d’être, malgré les mots14,
des
anarchistes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est v
2930
age d’être, malgré les mots14, des anarchistes et
des
utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégr
2931
iolemment et intégralement humain. L’anarchie est
un
degré d’intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de
2932
hie est un degré d’intensité dans la vie, non pas
un
parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dan
2933
e gauche, se trouve être dans une certaine mesure
un
anarchiste s’il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est u
2934
fend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est
un
anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchis
2935
. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce,
un
anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme
2936
embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement
un
homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais al
2937
te que j’aime est simplement un homme libre qui a
une
foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre
2938
e est simplement un homme libre qui a une foi (ou
un
amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupi
2939
est l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est
un
être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux
2940
parce qu’il le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu
des
fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signi
2941
connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et
des
possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’y soum
2942
de personnes répondent oui, cela finira par créer
un
courant d’opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À
2943
urnalistes s’engagent désormais à ne publier plus
un
seul article de fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publi
2944
t, et ils auraient là l’occasion de racheter bien
des
choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce q
2945
cheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’
une
rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on
2946
e malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’
une
réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, supprimer
2947
à la possibilité d’une réforme suffisante. C’est
une
révolution qu’il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collège
2948
nt faim d’instruction15, et se croirait lésé dans
un
de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bour
2949
nt ce que son entourage ne peut plus lui donner :
des
modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme d
2950
ne peut plus lui donner : des modèles de pensée.
Un
entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes
2951
de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’
une
somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu
2952
rit, au lieu d’une somme de connaissances mortes.
Une
technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’il voudra. Les O
2953
oudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture
des
facultés physiques, intellectuelles et mystiques. Toute leur force vi
2954
a concentration. En vérité, toute force résulte d’
une
concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident compre
2955
comprenait cette vérité élémentaire et en tirait
des
conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé du désastre, ma
2956
de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire
des
mots. Ce terme hindou agace, trouble ou fait sourire les étriqués. On
2957
moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas
une
classe de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des e
2958
ns répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à
des
exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de ce
2959
n yoga à lui : toutes les fois qu’il veut obtenir
une
grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemple
2960
fois qu’il veut obtenir une grande intensité avec
un
minimum de moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite
2961
ique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’
un
initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance primor
2962
d au garde-à-vous ! par quoi l’on impose au corps
une
immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le
2963
de ces exercices montrent que le candidat possède
une
énergie suffisante pour aller plus loin, — et en même temps constitue
2964
r aller plus loin, — et en même temps constituent
des
sources d’énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les dé
2965
ut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’
un
geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est un
2966
exécuté dans deux plans différents. Le drill est
un
yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux
2967
rents. Le drill est un yoga corporel, le yoga est
un
drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et i
2968
l y a beaucoup de gens qui ne peuvent pas séparer
une
méthode des fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là d
2969
up de gens qui ne peuvent pas séparer une méthode
des
fins auxquelles on l’applique généralement. Ces gens-là diront que je
2970
es collèges en couvents. Tant pis. Le drill offre
un
exemple d’éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des sol
2971
ucation efficace. L’armée de milices suisses fait
des
soldats en moins de trois mois. Si l’école appliquait en les transpos
2972
is mois. Si l’école appliquait en les transposant
des
méthodes de concentration analogues, même dans la mesure sans doute f
2973
ême dans la mesure sans doute faible où la nature
des
enfants le supporte, on économiserait plusieurs semestres de travail.
2974
à de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait
des
années de liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de lib
2975
agéré de dire que tout homme gagnerait à posséder
une
plus grande puissance intellectuelle, une meilleure mémoire, une sens
2976
osséder une plus grande puissance intellectuelle,
une
meilleure mémoire, une sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est
2977
puissance intellectuelle, une meilleure mémoire,
une
sensibilité plus aiguisée. En tout cas, c’est à cultiver ces facultés
2978
bon que tous progressent de la même manière. Dans
un
système de culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais
2979
r ce plan elles ne font que traduire la diversité
des
besoins individuels. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’
2980
ire la diversité des besoins individuels. Méditez
un
peu ces truismes : On apprend plus d’une chose longuement contemplée
2981
. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’
une
chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno
2982
de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes.
Une
minute de concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie
2983
intense dégage dans l’individu plus d’énergie que
des
heures d’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques
2984
e. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déjà
revient
le temps des mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils com
2985
en. Cela se fera sans vous. Déjà revient le temps
des
mages : ils comprennent les théories d’Einstein, ils composent de la
2986
in, ils composent de la poésie pure, ils mesurent
des
sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les a
2987
e, ils mesurent des sensibilités secondes et tout
un
arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blancheur éclat
2988
tante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force
des
choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratiq
2989
est toujours tenté d’attribuer à ses adversaires
des
intentions noires et consciemment criminelles. Ce travers a été dével
2990
et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer
des
dessous pour redonner quelque saveur à ses jugements. C’est pourquoi
2991
ements. C’est pourquoi l’on ne peut plus attaquer
un
fonctionnaire dans son activité publique sans que des personnes bien
2992
fonctionnaire dans son activité publique sans que
des
personnes bien intentionnées viennent vous dire : « Mais Monsieur, M.
2993
onsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant
un
très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » —
2994
tes, mais sont-ils dans la même mesure conscients
des
fins qu’on assigne à leur activité ? Un peu de rigueur dans la pensée
2995
peu de rigueur dans la pensée empêcherait souvent
des
catastrophes que beaucoup de rigueur morale ne saurait même pas prévo
2996
La culture de notre force de pensée nous rendrait
une
liberté sans laquelle nos efforts resteront vains pour instaurer cett
2997
nt tout leur sens et toute leur efficace que dans
un
système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette
2998
e que dans un système religieux. Pour quiconque a
une
foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable
2999
fessionnelles enrayent et faussent tout. Imaginez
une
culture spirituelle indépendante de toute destination religieuse part
3000
estination religieuse particulière. On peut faire
des
haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgari
3001
t à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme
des
pavés, ou plutôt des grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate
3002
eux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt
des
grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf
3003
que l’école n’a pas bougé depuis. 16. On promet
des
confitures à l’enfant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime qu
3004
rison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’
un
ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance a
3005
Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’
une
saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se
3006
se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau
des
fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide Tu p
3007
e Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme
un
matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit
3008
t dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’
un
grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des main
3009
qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses
des
mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne
3010
. Étoile de jour Il naissait à son destin
des
rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes
3011
tin des rayons glissent et rient c’est la caresse
des
anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire ador
3012
sourire adorable de savoir la dansante liberté d’
un
désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un s
3013
sance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’
un
silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dan
3014
lle au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’
une
absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur é
3015
r éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’
un
amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
3016
, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec
un
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse
3017
odet (avril 1929)aa Quand avec un air fin mais
un
ton convaincu l’on a répété dans une ballade fameuse « Que voulez-vou
3018
air fin mais un ton convaincu l’on a répété dans
une
ballade fameuse « Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut s
3019
is d’être absous avec le sourire par la clientèle
des
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communi
3020
armi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’un
des
rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé :
3021
deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer
un
lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter un esprit critique fort
3022
un lyrisme quasi inexistant, mais bien y exciter
un
esprit critique fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « s
3023
« j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec
une
clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse d
3024
omie bourgeoise que cette administration exacte d’
un
petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en dema
3025
tive manque souvent à ces récits : ce n’est point
un
paysage d’âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms
3026
me qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée,
des
noms connus. Tout est sur le même plan ; le dessin d’ailleurs est élé
3027
sphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’
une
propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
3028
situde à la turbulence, d’une propreté joliette à
un
désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à une excitation agressiv
3029
ne propreté joliette à un désordre pittoresque, d’
un
scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des caf
3030
un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli à
une
excitation agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autr
3031
poli à une excitation agressive. La simple visite
des
cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner
3032
ourrées de profondes loges, les clients dégustent
des
cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vie
3033
nts dégustent des cafés débordants de crème, avec
une
apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucu
3034
oncent chaque jour quelque catastrophe imminente,
une
révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles d
3035
nira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’
une
opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à la d
3036
acte d’une opérette. Ce peuple s’est résigné avec
une
facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au chômage, lequel sem
3037
ces bourgeois aimables et insipides, qui passent
des
après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouve
3038
que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire
des
potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
3039
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant
une
moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane
3040
yant une moustache de crème fouettée ? Budapest :
une
vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient v
3041
gue de musique tzigane vous emporte dès l’entrée.
Un
violon vient vous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’une
3042
s siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’
une
chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la
3043
autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur
des
clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sou
3044
voix profonde et passionnée, sous les roulades d’
un
cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, d
3045
is, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
des
portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : «
3046
voix agréablement rauques… Sortez pour en suivre
une
, arrêtez-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer un coussin
3047
-vous à ses côtés devant cet étalage pour admirer
un
coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienn
3048
La rue est sale à cause de la fonte de la neige (
une
boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), enco
3049
xis rouges qui déferlent sur les boulevards comme
une
nuée d’insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut e
3050
ui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse
une
énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, faç
3051
se dresse une énorme maison de pierre brune, puis
une
banque en style hongrois, façade aux grandes lignes verticales, peint
3052
es, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis
une
rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Pui
3053
oute boursouflée de prétentions munichoises. Puis
un
palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Dan
3054
re leurs piles, en hiver, viennent se briser avec
un
fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. A
3055
ans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc
une
grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son a
3056
bement cette ville désordonnée. Derrière, ce sont
des
rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage,
3057
cieuses, provinciales, bordées de petits palais à
un
étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodé
3058
palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et
des
crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ell
3059
ries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville
un
soir qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vou
3060
r qu’elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez
des
gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
3061
au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme
un
cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez q
3062
Théâtre, vous n’y comprenez rien, mais le charme
des
voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien q
3063
e bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est
une
grande artiste. Vous vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
3064
vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’
un
des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un r
3065
s êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’un
des
archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un roi.
3066
Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’
un
roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui
3067
le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans
un
bal costumé, parmi des gens qui parlent une langue totalement incompr
3068
vous voici transporté dans un bal costumé, parmi
des
gens qui parlent une langue totalement incompréhensible, rient et s’e
3069
é dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent
une
langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un
3070
incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus
un
Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czard
3071
tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur
des
divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dan
3072
et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie
des
grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et arden
3073
algie des grandeurs de naguère, tout cela compose
un
visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, mal
3074
oyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’
une
passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama d
3075
ré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique
un
peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journa
3076
uin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme
une
initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patien
3077
nitiation au silence. Il faut s’en approcher avec
une
douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier
3078
r avant d’entendre les signes qu’il nous propose.
Une
telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « mo
3079
fs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’
un
paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âm
3080
’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont
des
perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobi
3081
des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou
des
sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de t
3082
che attendre que ton cœur se détache de toi comme
une
lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statu
3083
oses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans
une
autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insistant regard.
3084
e autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’
un
insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus p
3085
t vivre au fond d’un insistant regard. » Le poète
des
Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y ga
3086
oi-même ; son art y gagne en densité, en émotion.
Des
mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellem
3087
s mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ;
une
phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau
3088
sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ;
une
voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
3089
» ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’
un
silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de
3090
« Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait
un
vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jules
3091
uillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite
une
chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et p
3092
i ai raconté qu’il habite une chaumière au bord d’
un
ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récit
3093
sseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant
des
heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de
3094
les portes ouvertes, et pendant des heures récite
des
odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fai
3095
eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’
un
piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plusi
3096
s tant aller là-bas, cette folie m’apparaît comme
une
chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur
3097
il est plus difficile de se faire comprendre par
un
sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’
3098
fficile de se faire comprendre par un sot que par
un
fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des poètes a
3099
» L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’
un
des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave
3100
L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un
des
poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grave — ca
3101
i confinent peut-être à l’Esprit et dont certains
des
plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêv
3102
sard qui m’amène à Tubingue ne soit pas seulement
un
hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie.
3103
posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? —
Un
adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la
3104
cent au visage de jeune fille qui rimait sagement
des
odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour
3105
ète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’
une
poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par sa
3106
ui parle par sa bouche ? Il règne dans ses Hymnes
une
sérénité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monolog
3107
vieux démon ! — je te rappelle — Ou bien envoie —
un
héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’éteint — l’esprit souff
3108
x croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’
un
coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagn
3109
’insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est
une
sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années
3110
donné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez
un
charpentier — vivra très doucement, inexplicablement, une vie monoton
3111
pentier — vivra très doucement, inexplicablement,
une
vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu s
3112
Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli
des
quatrains qu’il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime
3113
aux visiteurs venus pour contempler la victime d’
un
miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu
3114
mpler la victime d’un miracle. — C’était l’époque
des
amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dess
3115
urs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau,
un
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a
3116
ison, en attendant l’heure d’ouverture. Il y a là
une
station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Höl
3117
tation de canots de louage où j’ai vite découvert
un
« Friedrich Hölderlin » à côté d’un « Hypérion ». En cherchant, je tr
3118
ite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’
un
« Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche »
3119
ypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi
un
« Nietzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’eau lente. S
3120
ouverais bien aussi un « Nietzsche » à fond plat.
Des
saules se penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d
3121
ers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’
une
longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à
3122
Sur l’autre rive qui est celle d’une longue île,
des
étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un a
3123
gue île, des étudiants au crâne rasé se promènent
un
roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour
3124
clochers de la ville sonnent deux heures. Allons.
Un
de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui para
3125
nses s’ils n’étaient à demi encombrés d’armoires.
Un
couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propriétaire actue
3126
onnaître ces portraits ? — (et comme je considère
un
ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à
3127
ses sur son compte, simplement parce qu’il a aimé
une
femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seu
3128
ier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres
des
amants, on propose le couple à l’admiration des écoliers en promenade
3129
s des amants, on propose le couple à l’admiration
des
écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’un
3130
nade, et le guide désigne familièrement l’image d’
une
femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites
3131
Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux,
une
pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas
3132
Tout est familier, paisible au soleil. Il passait
des
heures à cette fenêtre, à marmotter. Vingt-sept ans dans cette chambr
3133
l’eau et cette complainte de malade épuisé après
un
grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les j
3134
’existait pas, en face, ni les maisons. Il voyait
des
prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et ve
3135
n face, ni les maisons. Il voyait des prairies et
des
collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est do
3136
ent pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4…
Une
rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Églis
3137
rs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre
des
maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois
3138
e doucement dans cette calme Tubingue le secret d’
une
épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent au
3139
grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’
une
grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À qu
3140
s. À quatre heures, l’orchestre s’est mis à jouer
des
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux
3141
»). J’aime les bateaux plats et incertains, avec
des
Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazi
3142
edans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent
des
magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une t
3143
s magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble
des
vacances. À une table voisine, des adolescents balafrés font des sign
3144
il de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À
une
table voisine, des adolescents balafrés font des signes énergiques à
3145
est le comble des vacances. À une table voisine,
des
adolescents balafrés font des signes énergiques à une compagnie de ca
3146
une table voisine, des adolescents balafrés font
des
signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la st
3147
adolescents balafrés font des signes énergiques à
une
compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu
3148
s qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu.
Des
bourgeois se rient contre par-dessus leurs chopes. « Gemütlichkeit ».
3149
terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est
revenu
qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a
3150
où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’
un
vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tor
3151
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé
des
générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agi
3152
té est plus humaine, est plus divine, quand c’est
une
telle femme qui la confesse : « Celui qui entre en commerce trop étro
3153
e est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
des
deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le
3154
e tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’
un
oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante,
3155
n, peut-être, seulement, quand l’amour leur donne
une
petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru presse
3156
aire, par quel hasard, donne l’accord qui m’ouvre
un
vrai silence : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre
3157
r. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et
des
poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzai
3158
Jean Cassou, La Clef
des
songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne p
3159
Pays qui n’est à personne paru l’année dernière —
un
livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou rev
3160
blant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou
revient
à son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de
3161
son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef
des
songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plu
3162
her romantisme. La Clef des songes est de nouveau
une
dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profo
3163
t de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde
un
peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la fol
3164
rive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger,
un
peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait
3165
e son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice
des
poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hés
3166
hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer
des
êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemi
3167
es bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire
un
bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à s
3168
le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant,
une
fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard
3169
e à son chien en mourant, une fille qui chante et
des
enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes
3170
le début, puis plus tard encore, dans les songes
des
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’
3171
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme
des
souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attri
3172
se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve
un
peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages
3173
s loin d’autres souvenirs attristés par le temps,
des
visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui sign
3174
s visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes,
des
bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’e
3175
t plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est
un
dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Qu
3176
el dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
des
grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vit
3177
tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite
un
intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replon
3178
s bien vite un intermède bouffon, impossible et d’
une
désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les pe
3179
le et d’une désopilante poésie nous replonge dans
une
atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capab
3180
atmosphère autre, où les personnages ont cet air
un
peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre qu
3181
hants, et seulement aux dernières pages du livre,
un
peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de c
3182
rnières pages du livre, un peu amers… On voudrait
un
livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tou
3183
u’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait
un
de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le
3184
besoin pour croire que le monde actuel n’est pas
un
cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singul
3185
faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
une
histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte
3186
t Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef
des
songes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août
3187
de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’
un
demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourr
3188
nne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
une
telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mél
3189
l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent
une
rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La
3190
auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est
une
de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre te
3191
our faite honte à ceux qui sont encore capables d’
une
telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monst
3192
par le truchement de la poésie française. — Livre
un
peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par
3193
. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus
une
question aussi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’Orient
3194
aisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage »,
un
catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mé
3195
élation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’
une
confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Compte
3196
n’est plus l’heure de venir prendre position dans
un
débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à di
3197
e cette revue connaissent la thèse de la Trahison
des
Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la dé
3198
a trahit à son tour quand il tire argument contre
une
thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». E
3199
ternel », la chute de l’idée dans la matière, est
un
phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distingu
3200
distinguera, et ils seront confondus. Car il y a
un
sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante
3201
nt confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda,
un
polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’éta
3202
lement antimoderne, parce que désintéressé. C’est
un
extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossi
3203
oderne, parce que désintéressé. C’est un extrême,
un
pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais ju
3204
de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes
des
extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Nom
3205
. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est
un
fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fa
3206
t court. Celle-là même qui paraît anarchique dans
un
monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour v
3207
rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à
un
rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Dani
3208
929)ab L’ordre social Il y avait une fois
un
jeune homme comme les autres. Soudain il lui pousse des ailes, une gr
3209
une homme comme les autres. Soudain il lui pousse
des
ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà
3210
omme les autres. Soudain il lui pousse des ailes,
une
grande paire d’ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expli
3211
dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’
un
romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme a
3212
ses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’
un
mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans un
3213
pendant le jeune homme agitait ses ailes non sans
une
ingénue fierté. Mais au courant d’air s’enrhuma le grand-papa. On cra
3214
ueil t’aveugle-t-il ? Veux-tu conserver, ô cruel,
des
ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux
3215
Veux-tu conserver, ô cruel, des ailes qui donnent
des
rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? V
3216
e tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant
des
parents inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsch
3217
devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a
des
ailes sera persécuté à cause de ses ailes, mais celui qui n’en a pas
3218
nté gémissante ! Dieu, dans sa pitié, leur envoya
un
ange porteur d’une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne
3219
ieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’
une
solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand Remè
3220
lleurs était la bonne, car le grand Remède, c’est
un
Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toute
3221
t la bonne, car le grand Remède, c’est un Simple.
Des
hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les
3222
u’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont
une
façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne
3223
ions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît
un
mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subterfuge : il insinu
3224
ît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans
un
subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’une secte orientale. A
3225
un subterfuge : il insinua qu’il parlait au nom d’
une
secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla d
3226
a défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un
des
nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le p
3227
minait sa théorie sur la nature de l’inspiration,
un
doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un film voluptueux. Il
3228
un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait
un
film voluptueux. Il aima l’héroïne, mais sans espoir. Il lui écrivit,
3229
ns espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans
une
crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à u
3230
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à
une
femme blonde assise près de lui. Ayant demandé un timbre pour attirer
3231
ne femme blonde assise près de lui. Ayant demandé
un
timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —,
3232
de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit
une
adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le len
3233
s la première boîte venue. Le lendemain, il reçut
une
réponse : « Vous avez commis une erreur, cher ami, mais bien excusabl
3234
demain, il reçut une réponse : « Vous avez commis
une
erreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’un poète en état,
3235
rreur, cher ami, mais bien excusable de la part d’
un
poète en état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans une envelopp
3236
n état, sans doute, d’inspiration. Je trouve dans
une
enveloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée
3237
ouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes
une
déclaration d’amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais
3238
s m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à
une
femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’est. J’ai fait suivre
3239
je sais qui c’est. J’ai fait suivre. Alexandrine
un
jour m’a laissé entendre qu’elle vous aime. Elle attend votre lettre
3240
u’elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis
des
mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédic
3241
L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à
une
suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en eff
3242
enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui valut
une
Muse. ab. Rougemont Denis de, « L’ordre social. Le Libéralisme. L
3243
orance respectait, et ne lui donne à la place que
des
laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bo
3244
ilosophique et point du tout technique. J’apporte
un
témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre
3245
out technique. J’apporte un témoignage personnel,
une
réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout
3246
s à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous
un
régime radical à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de f
3247
peut servir à rien. — Alors ? — Justement. Il est
un
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définit
3248
aïf dans le monde moderne : individu qui soutient
des
idées qui ne rapportent rien. En effet, je ne représente aucun parti,
3249
tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas
un
argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. S
3250
. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer
une
nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois,
3251
ême si l’on n’est pas capable d’en faire soi-même
une
meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derrière son bock, le Citoy
3252
e, tapez-lui dans le dos, amenez-lui le Guguss 2,
des
bretzels, sa petite amie, au secours ! Car j’ai encore deux mots à di
3253
ecours ! Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’
une
voix s’élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instr
3254
crie sur tous les bancs : « Alors, vous êtes pour
un
retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique un mépris vraiment exa
3255
un retour à la barbarie ? » Si ce réflexe indique
un
mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’il trad
3256
: on ne peut pas aller contre l’époque, vous êtes
un
pauvre utopiste, etc. Ce sont les positivistes qui parlent ainsi, ceu
3257
e leur scepticisme quant à la valeur réformatrice
des
idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins
3258
valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire
une
critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certa
3259
apoléonienne, la Russie d’après Karl Marx, le vol
des
frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruct
3260
rira le dernier. B. Réponses du type : vous êtes
un
rétrograde, un infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une
3261
. B. Réponses du type : vous êtes un rétrograde,
un
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’une démocratie pro
3262
nfâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’
une
démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de la
3263
Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’
une
grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
3264
1. Mes prisons Il existe
des
gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils
3265
roire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche
des
instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammatical
3266
eusement séparer les calculs du raisonnement, par
une
barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient
3267
ar une barre verticale, et où il y avait toujours
des
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin (et souven
3268
robinets qui coulaient pour emplir ou pour vider
un
bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
3269
après combien d’heures…) ; et il y avait toujours
des
appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du
3270
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans
un
Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnet
3271
auvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et
une
semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. E
3272
hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute
une
journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tap
3273
s, et une semonce à nous gâter toute une journée.
Une
journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le
3274
tapissier par le prix du mètre courant n’est pas
une
fantaisie pour ce petit être qui s’énerve, qui embrouille les règles,
3275
t qui recommence à gratter son ardoise où sèchent
des
traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’e
3276
? Qu’est-ce qui ressemble plus au souci quotidien
des
grandes personnes ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de
3277
leurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve
des
cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens, des petites g
3278
’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’
une
tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis e
3279
tes dans la toile mouillée d’une tente d’Indiens,
des
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginai
3280
d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec
des
ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de pe
3281
petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et
des
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
3282
uses, avec des ennemis et des alliés imaginaires,
des
jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de
3283
des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans
un
rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’hu
3284
en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve,
des
matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foi
3285
le repas, et le monsieur qui racontait gravement
des
choses qu’on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau
3286
qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy
un
fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en
3287
carrousel, les chemins dans la forêt en automne,
des
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure
3288
, les chemins dans la forêt en automne, des jeux,
des
feuillages, des rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse e
3289
ns la forêt en automne, des jeux, des feuillages,
des
rêveries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un
3290
automne, des jeux, des feuillages, des rêveries,
des
recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et u
3291
jeux, des feuillages, des rêveries, des recoins,
une
longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine,
3292
oins, une longue aventure sérieuse et incertaine,
un
peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on
3293
e aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et
un
peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec de
3294
certaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’
une
très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les b
3295
ée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
des
bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien dans ces promenades en
3296
… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
une
dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance : les s
3297
fance : les séances chez le dentiste et l’horaire
des
leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce souci qui ren
3298
loi. La première classe fut agréable : j’alignais
des
bâtons en rêvant à je ne sais quoi, j’étais délicieusement seul parmi
3299
alignaient leurs bâtons en rêvant à leur manière.
Un
jour cela m’ennuya. Sachant lire, je ne pensais pas devoir suivre syl
3300
voir suivre syllabe après syllabe les ânonnements
des
élèves qui déchiffraient les premières phrases exemplaires. (J’aimais
3301
e savais rarement où l’on en était. Cela m’attira
des
reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que
3302
iant, sans cesse en garde contre moi-même à cause
des
autres desquels il ne fallait pas différer, profondément hypocrite do
3303
et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans
un
certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore des poètes pour nous fair
3304
ns un certain domaine, c’est vrai. (Il y a encore
des
poètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-l
3305
« évidence » que je viens de citer, je découvris
un
jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me f
3306
cause déterminante de notre malaise. Il me fallut
un
certain temps pour m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n
3307
e clef et n’osais m’en servir craignant peut-être
des
découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ou
3308
Numa Droz, par l’esprit petit-bourgeois, qui est
une
généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui son
3309
varice, et par les dogmes démocratiques, qui sont
une
généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un
3310
e la règle de trois, aussi profondément certes qu’
un
Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-il
3311
ces ressorts de la révolte et de la libération d’
une
personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de l
3312
sens de l’arbitraire et le sens de la relativité
des
décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme
3313
tout de suite jusqu’à les mettre en doute : mais
un
jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seco
3314
te : mais un jour je compris que ce n’étaient que
des
principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si é
3315
, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’
une
arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait co
3316
t le seul pour lequel on nous préparait — c’était
un
système d’abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement org
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imaires, c’était le rêve raisonnablement organisé
des
esprits moyens, prosaïques et rassis qui tiennent aujourd’hui les cha
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nent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’
un
régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont étab
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grossières » comme celles qui touchent à l’action
des
étoiles par exemple. Mais nous avions acquis le respect des statistiq
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s par exemple. Mais nous avions acquis le respect
des
statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illet
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édulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’
un
fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvio
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l. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’
un
petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que
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le part ailleurs. Nous arrivions dans la vie avec
des
mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
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vions dans la vie avec des mentions honorables et
une
inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour mépriser to
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et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec
des
titres pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte se
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pour mépriser toute valeur simplement humaine, et
une
honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais m
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vie. 3. Dans le cas le plus favorable, c’est
un
silence, un vide. C’était en dehors de la vie.
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Dans le cas le plus favorable, c’est un silence,
un
vide. C’était en dehors de la vie.
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amais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à
un
bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solu
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l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’
un
instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continui
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solution de continuité, la différence n’était qu’
une
question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans
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je vais dire est sans doute injuste et faux dans
un
très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’in
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ut être défini par son incompréhension méthodique
des
hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupie
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u’il soit officier ou troupier, on le reconnaît à
une
façon pédante d’être consciencieux, à une façon blessante d’être supé
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nnaît à une façon pédante d’être consciencieux, à
une
façon blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’expliquer l
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ncieux, à une façon blessante d’être supérieur, à
une
façon livresque d’expliquer les choses, à une façon théorique de juge
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, à une façon livresque d’expliquer les choses, à
une
façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (b
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a petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à
une
élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule
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r de m’échauffer inutilement. Si l’on me poussait
un
peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les institu
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que les instituteurs antimilitaristes qui signent
des
manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excelle
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et je ferais de la peine à d’excellents garçons.
Revenons
au civil. J’ai fait allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
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la même maladresse professionnelle. J’en connais
un
qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : «
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elle. J’en connais un qui avait coutume de dire à
une
classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante
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magine à quoi peut mener l’enseignement donné par
des
êtres qui brouillent à ce point les méthodes. Simple remarque, pendan
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prègne l’enseignement primaire constitue l’apport
des
instituteurs, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’Éc
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e.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal
des
petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe
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tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est
un
véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre
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certaines autres maladies dites « sociales ». Je
reviendrai
peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école
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a voit. Après les personnes, le décor. La laideur
des
« collèges » n’est pas accidentelle. C’est celle même du régime. L’ar
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hitecture de nos « palais scolaires » symbolise d’
une
façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la co
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ntrons, c’est pire encore. Beaucoup d’enfants ont
un
frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche :
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urinoirs qui imprègne les corridors et les habits
des
écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’
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l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant
un
refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises…
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de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
un
grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatric
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ture. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’
un
tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la v
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jà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas
un
: mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.
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n est pas un : mais l’absence de style est encore
un
style : c’est même le pire.