1 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte
1 Lettre ouverte Ferney-Voltaire (Ain), France , le 21 février 1970. Albanaises, Albanais ! Allemandes fédérales et d
2 ! Espagnoles, Espagnols ! Finnoises, Finlandais ! Françaises , Français ! Grandes-Bretonnes, Grands-Bretons ! Hellènes et Grecs ! H
3 , Espagnols ! Finnoises, Finlandais ! Françaises, Français  ! Grandes-Bretonnes, Grands-Bretons ! Hellènes et Grecs ! Hollandaise
4 as ! On me dit qu’il n’existe, en Europe, que des Français , des Anglais, des Allemands, des Suisses, des Albanais, etc., et que
5 États souverains nommés cantons ; il n’y a pas de Français , mais des Bretons, des Basques, des Occitans, des Alsaciens, des Niço
6 ards, des Lorrains, des Corses, et j’en passe. La France , la Suisse et les autres nations ne sont pas pour autant de simples v
7 e problème se ramène à ceci : – ou bien vous êtes Français d’abord et à jamais, ou Tchèques, ou Suisses, et vous croyez devoir à
8  ou vos enfants — que vous n’êtes plus réellement Français , Tchèques, ou Suisses, que vous ne l’êtes plus qu’à titre honorifique
9 s n’existerez plus, ou pas longtemps, en tant que Français , Tchèques ou Suisses. Vous serez colonisés l’un après l’autre, et ins
10 ous les gouvernements nationaux ». Il propose aux Français et aux Anglais de fusionner leurs politiques. Et il place le problème
11 hent et se trouvent par-dessus les frontières, en France , en Suisse, en Grande-Bretagne et en Belgique, mais aussi en Allemagn
12 s deux questions. 1. Nom ancien des Bulgares en français . « Étym. Bulgarus » (Littré). Ex. : « Un bon bougre ! » 2. Car je ne
13 git surtout d’ Esprit et de L’Ordre nouveau en France , en Suisse et en Belgique, des Gegner et du Schwarze Front en Allemag
14 duite dans les constitutions de l’Italie et de la France , au lendemain de la guerre de 39-45. L’actuelle constitution français
15 in de la guerre de 39-45. L’actuelle constitution française l’a supprimée par les soins diligents des légistes gaullistes, qui ra
2 1970, Lettre ouverte aux Européens. I. L’unité de culture
16 euf dixièmes de la Suisse actuelle. Tout comme la France d’avant Philippe-Auguste « excluait » la Bretagne, l’Alsace, le Langu
17 pagne. C’était tout de même la Suisse, c’était la France  ; réformez vos catégories pour les faire correspondre au réel, car il
18 e mesure beaucoup plus large encore : comparez la France et l’Espagne, au début du xiiie siècle, à ce qu’elles sont aujourd’h
19 On nous dit que les contrastes entre Allemands et Français , Insulaires et Continentaux, Suédois et Grecs (pour ne parler que de
20 , n’ont pas empêché l’unification nationale de la France , de l’Allemagne, de l’Italie et des cantons suisses — pas plus que ce
21 es différences. (Encore que les écoles d’État, en France surtout, s’y soient efforcées depuis un siècle : or personne n’a jama
22 ant Kazantzaki, un Grec lisant Selma Lagerlöf, un Français et un Allemand lisant ces deux auteurs, y prendront à fort peu de cho
23 s de différentes nations, confessions ou climats, Français de différents partis, ou même Confédérés de différents cantons, nous
24 ccitanie, de l’Alsace, etc. Or, les États-nations français , espagnol et anglais, qui insistent tant pour qu’on respecte leur « p
25 fuse de vivre en Allemagne, exalte les moralistes français et la musique de Carmen contre les pangermanistes et Wagner. Rimbaud
26 istes et Wagner. Rimbaud ne veut rien devoir à la France , souhaite que son Ardenne natale soit occupée par les Prussiens, et l
27 yeux des masses par le chauvinisme culturel — les Français de 1914 croyaient défendre la Civilisation contre les Allemands qui c
28 t Josquin des Prés. Elle rayonne en Bourgogne, en France , et de l’Espagne à la Bohême, et redescend vers l’Italie qu’elle enri
29 de Lassus n’appartient ni à la Belgique, ni à la France , ni à l’Italie actuelles, de même que Grünewald n’est pas devenu un p
30 de même que Grünewald n’est pas devenu un peintre français du fait de l’annexion de Colmar à la France près de trois siècles apr
31 tre français du fait de l’annexion de Colmar à la France près de trois siècles après sa mort. Qu’il s’agisse de musique, de pe
32 ations actuelles. Il n’y a pas plus de « peinture française  » que de « chimie allemande » ou de « mathématiques soviétiques », ca
33 ècle : l’École de Paris, en peinture, n’est pas «  française  », et le style dodécaphonique ou sériel n’est pas plus « autrichien »
34 ures par leur langue est relativement récente. Le français devient langue officielle dans le royaume des Valois en 1539 seulemen
35 langue et nation. On parle encore sept langues en France , et le français est la langue maternelle de communautés importantes a
36 on. On parle encore sept langues en France, et le français est la langue maternelle de communautés importantes appartenant à cin
37 les différences entre les romantiques allemands, français , anglais, ils se ressemblent davantage entre eux que chacun d’eux aux
38 nnes : la germanique, la danoise, la normande, la française , la celtique : Cette unité culturelle, contrairement à l’unité qu’in
39 éfiants de toutes nos langues (mais surtout de la française ) qui prétendent redouter que l’Europe unie de demain soit un affreux
40 ification pour nous que leur existence même. Mais France , Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi
3 1970, Lettre ouverte aux Européens. II. L’union fédérale
41 s nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la France , bientôt imitée par presque toute l’Europe — et au xxe siècle, par u
42 juin 1970. Risque d’éclatement de la Belgique. En France , floraison de projets officiels ou révolutionnaires tendant à régiona
43 s étroite que quelle autre, on se le demande.) Un Français cultivé qui demande à son Littré le sens du mot fédéralisme trouve ce
44 de rompre l’unité nationale et de transformer la France en une fédération de petits États. « Aux jacobins, on agita gravement
45 ondins » (A. Thiers, Hist. rév. franç.). Pour le Français cultivé que j’ai dit, et qui a coutume de se reporter à son Littré qu
46 ar des traîtres à la République… Pratiquement, le Français cultivé se voit naturellement porté à condamner le fédéralisme intern
47 d’hui. Aux projets de découpage géométrique de la France en carrés réguliers de dix-huit lieues de côté, comme le proposait Si
4 1970, Lettre ouverte aux Européens. III. La puissance ou la liberté
48 ia solennellement que la CED était « la fin de la France  », parce que cette convention prétendait limiter la souveraineté de l
49 t dans le domaine militaire. À ses yeux donc, une France non absolument et non totalement souveraine n’était plus la France. L
50 ment et non totalement souveraine n’était plus la France . La seule évocation d’une atteinte possible à la souveraineté absolue
51 ouveraineté absolue n’existe pas, et cependant la France existe bel et bien. Pour Jean Bodin, au xvie siècle, la souveraineté
52 fs du tiers-monde, on copie le modèle imposé à la France par un Corse. Quant à la langue, elle ne coïncide historiquement et g
53 lités économiques. C’est ainsi que le charbon fut français ou allemand, selon qu’il se trouvait d’un côté ou de l’autre de la fr
54 a justice elle-même. « Buy British ! », « Achetez français  ! », cela rend un son patriotique et « vertueux » au sens jacobin. C’
55 ies et les revues parlent couramment de « science française  », de « science allemande », etc. — variétés que les Soviets engloben
56 nous croyons qu’il est une « culture nationale » française ou danoise par exemple, comme la culture comprend en fait les science
57 s de Paris et de Madrid, forçant les uns à parler français , les autres à parler espagnol. On parle provençal sur les deux rives
58 es du Rhône, allemand sur les deux rives du Rhin, français sur les deux versants du Jura et italien (ou allemand de nouveau) sur
5 1970, Lettre ouverte aux Européens. IV. Vers une fédération des régions
59 ’Ukraine et la Biélorussie). Que dire alors de la France , modèle de l’État unitaire, mais que ses propres « plans », décidés à
60 qui englobe des territoires suisses, allemands et français  : deux exemples contigus dans l’espace mais antithétiques, l’un de l’
61 in. Et que la naissance de la première nation, la France , peut être datée de cette déclaration des légistes de Philippe le Bel
62 ion des légistes de Philippe le Bel : « Le Roy de France est empereur en son royaume », ce qui veut dire que le chef de l’État
63 ar exemple l’union de la Grande-Bretagne et de la France proposée par Churchill en juin 1940), autrement dit : ce n’est jamais
64 ait, par exemple, neuf régions plus Paris pour la France , une vingtaine de régions pour l’Italie, deux ou trois pour la Hollan
65 s’implanter les plus importantes usines atomiques françaises . Parmi les quelque soixante participants, professeurs et industriels,
66 l, au fédéralisme à base régionale, la République française une et indivisible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France
67 sible. La bibliographie des ouvrages consacrés en France aux problèmes de la région moderne comporte déjà plusieurs centaines
68 ine un mouvement de revendications politiques. En France , les candidats de l’opposition non communiste et deux partis, le PSU
69 ropositions proprement impensables pour un esprit français , il y a dix ou vingt ans. Dans le manifeste d’un mouvement qui s’inti
70 s : Nous réclamons la création d’États régionaux français . Ces États régionaux disposeront de pouvoirs exécutifs, législatifs e
71 ur les États-Unis d’Amérique. Les États régionaux français délégueront partie de leur souveraineté à l’État fédéral français. La
72 ront partie de leur souveraineté à l’État fédéral français . La lutte pour notre indépendance nationale ne peut être menée que da
73 ns cette Europe unie, la représentation du peuple français sera assurée par l’État fédéral français. Parmi les plus graves méfai
74 u peuple français sera assurée par l’État fédéral français . Parmi les plus graves méfaits des bureaucrates et technocrates paris
75 ent de plus en plus accentué de vastes régions de France . La nation doit réparation du tort ainsi causé35. Tout cela est inté
76 n’allez pas y attacher trop d’importance. L’État français ne sera pas si aisément ébranlé. Son chef le tient très bien en main,
77 le sous-développement de nombreuses régions de la France , de l’Italie, ou même de l’Allemagne, qui a contraint les gouvernemen
78 d’une région s’étendant en Belgique autant qu’en France , et au surplus liée au sud de l’Angleterre. Or Lille n’est qu’un exem
79 egio Basiliensis rayonne sur trois pays : Suisse, France , Allemagne. Il pourrait en aller de même d’une Regio Genevensis englo
80 dés de leur pouvoir. Un des meilleurs sociologues français d’aujourd’hui, spécialiste de la prospective, Jean Fourastié, disait
81 ion36. Qu’une telle déclaration ait été faite en France , et devant le corps des fonctionnaires institué par Napoléon pour eff
82 nombreuses régions (Mezzogiorno, Sud-Ouest de la France , Bretagne, Nord, etc.) fait apparaître le rôle parfois décisif et tou
83 onnées par l’éducation stato-nationaliste « La France est immortelle », mais « l’Allemagne éternelle » (François Mauriac),
84  ! — dans les essais de « régionalisation » de la France et de l’Italie. Du point de vue de la stratégie politique, on peut pr
85 nale sont donc suisses. Je suis aussi un écrivain français  : la francophonie européenne, c’est-à-dire les trois quarts environ d
86 enne, c’est-à-dire les trois quarts environ de la France actuelle45, la Wallonie, le Val d’Aoste et la Suisse romande, constit
87 Bâle et son hinterland en Suisse, le Haut-Rhin en France et le Land badois en RFA. Rien au monde ne saurait empêcher les cito
88 en couleurs plates, sans déborder, de l’Hexagone français , de l’Île anglaise, de la Botte italienne ou de la Peau de taureau ib
89 — peuples, régions, ethnies ; elles sont du type France , Espagne, Grande-Bretagne, non du type Bretagne, Catalogne, pays de G
90 les titres caractéristiques : Paris et le désert français de Jean-François Gravier, qui ouvre les feux dès 1947, et La Question
91 rages le plus actif, émouvant, convaincant. 35. France et Progrès, n° 1, novembre 1967. 36. Cf. Le Monde (dont on cite ici
92 orrespondant à un espace territorial, à savoir la France  ; quiconque change dans sa pensée le terme territorial de l’équation,
93 n doute qu’il pense d’abord à autre chose qu’à la France . 44. Les auteurs de tous nos manuels s’inspirent exclusivement de ce
6 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte, suite et fin
94 cela « remarquable expansion » s’il s’agit de la France comme nation ? Victor Hugo, parlant des « sauvages » de l’empire colo
95 go, parlant des « sauvages » de l’empire colonial français qui venaient contempler à Paris l’Exposition universelle de 1867, écr
96 ut l’être. De leur côté, invasion ; du côté de la France , expansion ! Il suffit, on le voit, d’être du bon côté, pour que l’i
97 qu’ils l’imaginent. Ce ne sera pas un jardin à la française , parfaite image du pouvoir étatique qui ne sait ordonner que par alig
98 ans nos vingt-six pays, et je me borne à citer en France  : Mai 68, qui a vu surgir un Manifeste pour l’Europe des régions fédé