1 1940, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Au sujet du Journal d’André Gide (janvier 1940)
1 Au sujet du Journal d’ André Gide (janvier 1940)ar Il ne serait guère honnête, et moins encore adroi
2 incertitude où pareil livre entraîne le jugement. Gide a tant répété : Ne jugez pas ! qu’il a fini par se rendre lui-même li
3 pèce d’intérêt que l’on prend à lire le Journal d’ André Gide . Il est probable que, du seul point de vue de l’art, cet intérêt deme
4 ne existence. Malgré les pages plus élaborées que Gide a groupées ça et là sous des titres particuliers (Feuillets, Numquid
5 ici se pose le problème de la vérité du portrait, Gide note lui-même dès 1924 : « Si plus tard on publie mon journal, je cra
6 ne idée fausse », c’est bien ce que devait éviter Gide , plus jalousement qu’aucun autre. Est-ce vraiment pour le diminuer qu
7 pour une pose raffinée. J’imaginerais plutôt que Gide est fasciné par l’obstacle qu’il veut éviter. Son horreur du malenten
8 Et par exemple, les choses tues dans ce recueil — Gide a marqué qu’une grave lacune mutile l’image qu’il nous y livre de lui
9  ? Ainsi l’on se peint plus « rosse » que nature. Gide lui-même, à ce jeu, ne s’est pas épargné : « Je ne suis qu’un petit g
10 i, crée ce qu’il cherche… » Or, en écrivant cela, Gide n’a-t-il point cédé à la tentation qu’il décrit ? Cercle vicieux de l
11 es, oubliant ce qui va de soi : l’autoportrait de Gide est aussi ressemblant. On l’y retrouve aussi au naturel, avec toutes
12 cien comme Goethe encore se voulait peintre (mais Gide est, je crois, plus doué). On l’y découvre enfin, et cela me paraît n
13 qué jusqu’à quel point l’« antichristianisme » de Gide est chrétien dans ses déterminations ? Je crois qu’on s’est trop lais
14 nécessairement, à la sollicitude des catholiques. Gide fut élevé dans un milieu où la religion paraissait se réduire à ces d
15 ues : libre examen et moralisme. Du libre examen, Gide conserve son exigence de vérité et de véracité « advienne que pourra 
16 te réaction gauchit parfois certains jugements de Gide sur la Réforme. (Il la confond souvent, me semble-t-il, avec l’image
17 savons ! ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasser son christianisme de toutes les adjonctions « 
18 nce d’honnêteté qui rappelle si fort Kierkegaard. Gide répugne à paraître plus qu’il n’est, à affirmer plus qu’il ne croit.
19 imait pas digne, et qu’il confessait par là même. Gide paraît surtout attentif à sa nature complexe et réticente. Or toute n
20 re s’y ordonner. « Orthodoxie protestante — écrit Gide —, ces mots n’ont pour moi aucun sens. Je ne reconnais point d’autori
21 libératrice. ⁂ Si, malgré son génie du scrupule, Gide s’expose parfois au reproche de prendre position non sans légèreté su
22 moins. À cet égard, il m’apparaît que la leçon de Gide , pour ceux de mon âge, est moins urgente dans l’ordre de l’éthique, q
23 probe adversaire des orthodoxies orgueilleuses, «  André Gide à n’en plus finir » ! 53. Cf. p. 1331, note du 26 janvier 1930. 54
24 ctement les siennes… ar. « Au sujet du Journal d’ André Gide  », La Nouvelle Revue française, Paris, n° 316, janvier 1940, p. 24-32
2 1951, La Nouvelle Revue française, articles (1931–1961). Un complot de protestants (novembre 1951)
25 ée qui donne sur la bibliothèque où il travaille, Gide apparaît en robe de chambre grise, le corps un peu tassé et de large
26 s les offre. Au milieu du studio pend un trapèze. Gide s’y appuie des deux mains, se balance en regardant nos valises. « Tou
27 inquisiteur. Je me garde de répondre. Finalement, Gide en riant : « On va dire que c’est un complot de protestants ! » Le mo
28 u 20 juin. J’avais eu l’impression ce jour-là que Gide passait la prudence dans l’aveu, qu’il me disait ce qu’il ne pouvait
29  » (C’est ainsi qu’on l’appelait dans ce groupe.) Gide s’éclaircit la voix pour observer que le jeu devenait bien personnel,
30 ésolu, croient-ils. Je ne dis pas qu’il torturait Gide , hors quelques crises dont nous avons les témoignages, mais il restai
31 témoignages, mais il restait, pour lui, problème. Gide avait peu d’instinct religieux, et moins encore de goût pour la métap
32 lème aux stades les plus variés de l’évolution de Gide . Ce qui l’a vraiment torturé, c’est l’éthique, non le religieux ; la
33 ques ? Ce débat nous éloignerait de la réalité de Gide . Une intense affectivité le liait, le reliait, au monde du christiani
34 qu’un concept bâtard, engendré par le romantisme. Gide recherchait plutôt la rectitude, qu’il tenait pour la vérité. Il lui
35 r des symboles, où Valéry se fût poliment récusé, Gide objectait, déduisait, s’émouvait… Peu d’écrivains, même chrétiens, no
36 ne dis pas qu’elle soit chrétienne pour autant.) Gide était individualiste. Savons-nous encore mesurer le sens et la portée
37 r la place du Juge, ou mêler vanités et salut. Si Gide a refusé totalement quelque chose, c’est justement le totalitarisme,
38 lumière sans ombre. Et je n’entends pas dire que Gide fut un croyant, mais il reste un douteur exemplaire. at. « Un compl