1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1 ipe, insupportable ? Je constate que l’Occidental aime au moins autant ce qui détruit que ce qui assure « le bonheur des épo
2 le chevalier. Il croit que la reine a cessé de l’ aimer . C’est alors qu’il consent à épouser, au-delà de la mer, « pour son n
3 ent dupé — et de glorifier la vertu de ceux qui s’ aiment hors du mariage et contre lui. Mais cette fidélité courtoise présente
4 ouffrance, c’est le démon même du roman tel que l’ aiment les Occidentaux. Quel est le vrai sujet de la légende ? La séparation
5 aut avoir l’audace de poser la question : Tristan aime-t -il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides »
6 er la question : Tristan aime-t-il Iseut ? Est-il aimé par elle ? (Seules les questions « stupides » peuvent nous instruire,
7 abilité dans l’aventure, puisqu’en somme ils ne s’ aiment pas ! Q’el m’aime, c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir,
8 e, puisqu’en somme ils ne s’aiment pas ! Q’el m’ aime , c’est par la poison Ge ne me pus de lié partir, N’ele de moi… Ainsi
9 t après lui : Sire, por Dieu omnipotent, Il ne m’ aime pas, ne je lui, Fors par un herbé dont je bui Et il en but : ce fu pé
10 uvent est donc passionnément contradictoire : ils aiment , mais ils ne s’aiment point ; ils ont péché, mais ils ne peuvent s’en
11 nément contradictoire : ils aiment, mais ils ne s’ aiment point ; ils ont péché, mais ils ne peuvent s’en repentir, puisqu’ils
12 ent. L’aveu n’en est pas moins formel : « Il ne m’ aime pas, ne je lui. » Tout se passe comme s’ils ne se voyaient pas, comme
13 demeure ici digne du mythe. Tristan et Iseut ne s’ aiment pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’ils aiment, c’est l’amo
14 pas, ils l’ont dit et tout le confirme. Ce qu’ils aiment , c’est l’amour, c’est le fait même d’aimer. Et ils agissent comme s’i
15 u’ils aiment, c’est l’amour, c’est le fait même d’ aimer . Et ils agissent comme s’ils avaient compris que tout ce qui s’oppose
16 nt de l’obstacle absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseut ne
17 e absolu, qui est la mort. Tristan aime se sentir aimer , bien plus qu’il n’aime Iseut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour r
18 . Tristan aime se sentir aimer, bien plus qu’il n’ aime Iseut la Blonde. Et Iseut ne fait rien pour retenir Tristan près d’el
19 qu’on n’épouse point, car alors on cesserait de l’ aimer , puisqu’elle cesserait d’être ce qu’elle est. Imaginez cela : Madame
20 e coup satisfaites : besoin de parler de ce qu’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque et instinct d
21 actes sont orientés vers le destin mortel qu’ils aiment , avec une sorte d’astucieuse résolution, avec une ruse d’autant plus
22 e du destin sur la personne libre et responsable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même,
23 sable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augustin jusqu’au roma
24 are d’Augustin jusqu’au romantisme moderne, c’est aimer et chercher la souffrance. Amour-passion : désir de ce qui nous bless
25 écit celui d’un amour impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce qui brûle en nous. Liaison profond
26 mour, point de « roman ». Or c’est le roman qu’on aime , c’est-à-dire la conscience, l’intensité, les variations et les retar
27 éalité concrète. Ils s’entr’aiment, mais chacun n’ aime l’autre qu’à partir de soi, non de l’autre. Leur malheur prend ainsi
28 l’excès de leur passion une espèce de haine de l’ aimé . Wagner l’a vue, bien avant Freud et les modernes psychologues. « Élu
29 our de Tristan en Irlande. Ils se séparent sans s’ aimer . — Second séjour : elle veut le tuer. — Navigation et philtre, péché
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
30 eur corps, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’ aimer à cœur saoul, leur amour en demeure toujours frais, et que leurs enfa
31 t suprême raison. Et l’amant est auprès de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’amour est la voie qui monte par degrés
32 ême quand il souffre volupté, même quand il croit aimer un être… On parle trop de nirvana ou de bouddhisme à propos de l’opér
33 et un obscurcissement de l’Être unique. Comment l’ aimer vraiment, tel qu’il était ? Le salut n’étant qu’au-delà, l’homme reli
34 ne s’est pas détourné, au contraire : « Il nous a aimés le premier » dans notre forme et nos limitations. Il a été jusqu’à le
35 que fuite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors une action positive, une action de transformation. Éros
36 mour chrétien est obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les a
37 Dieu, c’est obéir à Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos ennemis ? C’est l’abando
38 de nous aimer les uns les autres. Que signifie : Aimez vos ennemis ? C’est l’abandon de l’égoïsme, du moi de désir et d’ango
39 h., 5, 25), peut être vraiment réciproque. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’amour ou sa morte
40 ue. Car il aime l’autre tel qu’il est — au lieu d’ aimer l’idée de l’amour ou sa mortelle et délicieuse brûlure. (« Il vaut mi
41 mais un homme qui ne vit plus pour lui seul. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même. » C’est ainsi d
42 amour du prochain que le chrétien se réalise et s’ aime lui-même en vérité. Pour l’Agapè, point de fusion ni d’exaltée dissol
43 ain. Si l’Agapè reconnaît seule le prochain, et l’ aime non plus comme un prétexte à s’exalter, mais tel qu’il est dans la ré
44 la beauté « officielle » n’est pas un gage d’être aimé . Mais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugles à l
45 livres, massacra et brûla les populations qui les aimaient , viola leurs sanctuaires et leur dernier haut lieu, le château-temple
46 i justement l’amour sans fin n’était le mal qu’il aime , la « joy d’amor », le délire qui prévaut :         … en fait, ce fo
47 e négative, et ses métaphores invariables ? Je l’ aime et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois qu
48 ut désir si l’on peut rien perdre à force de bien aimer . Car son cœur submerge le mien tout entier d’un flot qui ne s’évapore
49 la dévotion. Du jour où adorer devient synonyme d’ aimer , cette métaphore en entraîne une quantité d’autres. » Mais alors pour
50 alistes » et des descriptions précises de la Dame aimée , alors qu’ailleurs on leur reproche de ne recourir jamais, qu’à des é
51 eurs, c’est la « princesse lointaine » qu’il veut aimer . Cependant M. Jeanroy s’inquiète de trouver dans ses poèmes « des dét
52 « cru » ?), forcez-les : car c’est cela qu’elles aiment . Quant à moi, conclut-il, si je me comporte autrement, c’est que je n
53 mporte autrement, c’est que je ne me soucie pas d’ aimer . Je ne veux pas me gêner pour les femmes, pas plus que si toutes étai
54 oyal et doux, tendre, respectueux et fidèle… Je n’ aime rien, sauf cet anneau qui m’est cher, parce qu’il a été au doigt… Mai
55 uprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais en même temps symbole du Désir divin. Sohrawardi (mort en 1191)
56 rs du fait que l’islam contestait que l’homme pût aimer Dieu (comme l’ordonne le sommaire évangélique de la Loi). Une créatur
57 vangélique de la Loi). Une créature finie ne peut aimer que le fini. Il en résulta que les mystiques furent obligés de recour
58 » « Nou’m » est le nom conventionnel de la femme aimée , et signifie ici Dieu. Or les troubadours nommaient aussi la Dame de
59 t des formes illusoires, l’union de l’Âme et de l’ Aimé , la communion avec l’Être absolu. Aussi Moïse est-il pour les mystiqu
60 ir chaste, selon le verset du Coran : « Celui qui aime , qui s’abstient de tout ce qui est interdit, qui garde son amour secr
61 omtesse de Tripoli, « princesse lointaine » qu’il aime sans l’avoir jamais vue. Et Joachim de Flore annonce que l’Esprit Sai
62 our arabe Ibn Dawoud disait : « La soumission à l’ aimée est la marque naturelle d’un homme courtois. ») Voici la Chasteté : C
63 is. ») Voici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’amour sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoi
64 lèverai, si l’on peut rien perdre à force de bien aimer . (Arnaut Daniel.) (De même, Ibn Dawoud louait la chasteté pour son p
65 s la libération : la présence physique de l’objet aimé lui deviendra bientôt indifférente : J’ai une amie, mais je ne sais q
66 t, car jamais de par ma foi je ne la vis… et je l’ aime fort… Nulle joie ne me plaît autant que la possession de cet amour lo
67 la douleur considérée comme une ascèse, le « mal aimé  » des troubadours. Voici Tristan livré au plus cruel conflit, lorsqu’
68 he, pensant toujours trouver mieux, parce qu’il n’ aime pas ce qu’il a !… Ainsi en advient-il à beaucoup de gens. Dans d’amer
69 ue opérée dans la Minnegrotte. Faire l’amour sans aimer selon la courtoisie (ici Minne), céder à la sensualité purement physi
70 rême, originel, dans une vision cathare du monde. Aimer de passion pure, même sans contact physique (l’épée entre les corps e
71 a rhétorique courtoise consiste à se plaindre « d’ aimer en lieu trop élevé ». Les érudits commentent : le pauvre troubadour,
72 on se ramène à savoir pourquoi le poète choisit d’ aimer si haut, choisit l’Inaccessible. 54. On peut aussi penser que dans b
73 e par Döllinger. Exemple : « Donne-moi de pouvoir aimer ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’aimer ceux que Tu ai
74 xemple : « Donne-moi de pouvoir aimer ceux que tu aimes  » (Cardenal) et « Donne-nous d’aimer ceux que Tu aimes » (Prière). Ma
75 ceux que tu aimes » (Cardenal) et « Donne-nous d’ aimer ceux que Tu aimes » (Prière). Mais il faut également relever que Peir
76  » (Cardenal) et « Donne-nous d’aimer ceux que Tu aimes  » (Prière). Mais il faut également relever que Peire Cardenal, vrai c
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
77 al — paraît ici. « On est seul avec tout ce qu’on aime  », écrira plus tard Novalis, ce mystique de la Nuit et de la Lumière
78 terre ni ciel : on est seul avec tout ce que l’on aime . « Nous avons perdu le monde, et le monde nous. » C’est l’extase, la
79 out intérieure de la passion. Iseut est une femme aimée , mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’Amour lumineux. Qua
80 ’Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’ aime davantage, et plus il aime, plus il endure de souffrances. Mais nous
81 tan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il aime , plus il endure de souffrances. Mais nous savons que c’est la souffra
82 ion mystique (par l’autre extrême) : plus Tristan aime , et plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’amour. Au point
83 s faits de Tristan. Comme tous les passionnés, il aime avec témérité la sensation de puissance qu’il éprouve dans le risque.
84 ette même phrase l’expression de la passion qu’il aime  : celle qu’on goûte et savoure en soi, dans une sorte d’indifférence
85 ant et extérieur. Ainsi nous avons vu que Tristan aime Iseut non point dans sa réalité, mais en tant qu’elle éveille en lui
86 e veulent ni savoir, ni connaître, ni vouloir, ni aimer , ni remercier, ni louer, ni désirer, ni posséder… Voilà ce qu’ils app
87 tiquent toutes les vertus. Ils connaissent et ils aiment  ; ils cherchent ; ils trouvent… » Bref, ils agissent. On le voit : Ru
88 , je meurs, et en mourant, je vis. Pourtant, je n’ aime pas, mais j’ai soif d’aimer, et j’ai faim de m’unir à l’Amour122.
89 je vis. Pourtant, je n’aime pas, mais j’ai soif d’ aimer , et j’ai faim de m’unir à l’Amour122. 5.La Rhétorique courtoise c
90 lle de sainte Thérèse pourraient être également «  aimer pour agir ». [Ici, je ferai quelques réserves : l’amour courtois, dan
91 rves : l’amour courtois, dans sa pureté première, aime pour souffrir, pour « pâtir »…] d) Ce n’est pas dans les pauvres ext
92 s visions qui la poussaient à mieux agir, à mieux aimer . Surtout, les grands mystiques s’accordent à voir le terme de leur as
93 spirituel, dit Jean de la Croix, l’âme parvient à aimer Dieu sans plus sentir son amour. C’est un état d’indifférence parfait
94 ce fut la « torture d’amour » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La passion des « parfaits » voulait la mort divinisan
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
95 de mort naturelle, pour vous Dame qu’il désire et aime plus que lui-même… J’ai en moi un feu, qui je le crois, jamais ne pou
96 neur ». 4.Pétrarque, ou le rhéteur converti Aimer une chose mortelle avec une foi Qui à Dieu seul est due et à lui seu
97 dans le cri de la « torture délicieuse », du mal aimé , du plaisir qui consume : Ô tendres, angéliques étincelles, béatitud
98 ecret monte droit à mon front où tous le voient : aimer une chose mortelle, avec une foi qui à Dieu seul est due et à lui seu
99 iserie » n’est qu’un pétrarquisme à rebours. « On aime à opposer — écrit J. Huizinga147 — l’esprit gaulois aux conventions d
100 fort désobligeante. Alidor amant d’Angélique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’attache trop » et il v
101 te enflammé Qui se tînt malheureux pour être trop aimé  ? Alidor Comptes-tu mon esprit entre les ordinaires ? Penses-tu qu’il
102 nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’ aime , je veux Que de ma volonté dépendent tous mes vœux ; Que mon feu m’ob
103 t être toujours volontaire ; qu’on ne doit jamais aimer en un point qu’on ne puisse n’aimer pas ; que, si on vient jusque-là,
104 e doit jamais aimer en un point qu’on ne puisse n’ aimer pas ; que, si on vient jusque-là, c’est une tyrannie dont il faut sec
105 il faut secouer le joug ; et qu’enfin la personne aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour, alors qu’elle est t
106 a faites ; de sorte qu’il semble ne commencer à l’ aimer que quand il lui a donné sujet de le haïr. » L’aveu est complet cette
107 ont toujours ceux qui ne sont guère capables de l’ aimer … 10.Racine, ou le mythe déchaîné L’opposition classique de Raci
108 ves des amants une justification grandiose. S’ils aiment l’obstacle et le tourment qui en résulte, c’est que l’obstacle est un
109 harme mortel… Confondant Phèdre et la femme qu’il aime , il se venge de l’objet de sa passion, et il se démontre à lui-même q
110 » servira d’alibi à la responsabilité de ceux qui aiment , et du même coup, à celle de l’auteur. Ah ! Seigneur ! si notre heur
111 angage que la servante Brangaine à Isolde : Vous aimez . On ne peut vaincre sa destinée ; Par un charme fatal vous fûtes entr
112 où je vivais, avant de vous avoir connu… Adieu ! Aimez -moi donc toujours, faites-moi souffrir de pires douleurs encore ! » V
113 iècle, c’est une autre femme qui dira : « Je vous aime comme on doit aimer : dans le désespoir » (Julie de Lespinasse). ⁂ Ma
114 tre femme qui dira : « Je vous aime comme on doit aimer  : dans le désespoir » (Julie de Lespinasse). ⁂ Mais le xviiie siècle
115 ru se guérir du mythe. « Les femmes de ce temps n’ aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit l’abbé Galiani. De
116 mmes de ce temps n’aiment pas avec le cœur, elles aiment avec la tête », dit l’abbé Galiani. Des « débauchées de l’esprit », a
117 r. Tristan n’a plus besoin du monde — parce qu’il aime  ! Tandis que Don Juan, toujours aimé, ne peut jamais aimer en retour.
118  parce qu’il aime ! Tandis que Don Juan, toujours aimé , ne peut jamais aimer en retour. D’où son angoisse et sa course éperd
119 andis que Don Juan, toujours aimé, ne peut jamais aimer en retour. D’où son angoisse et sa course éperdue. L’un recherche dan
120 mage un engagement jusqu’à la mort. Mais Don Juan aime le crime en soi, et par là se rend tributaire de la morale dont il ab
121 rétablir la liberté, mais le meurtre de ce qu’on aime , puisque c’est cela qui nous enchaîne. On ne tue bien que son amour,
122 te union des âmes… Julie, dis-moi donc si je ne t’ aimais point auparavant, ou si maintenant je ne t’aime plus ? Quel doute !… 
123 aimais point auparavant, ou si maintenant je ne t’ aime plus ? Quel doute !… » Il s’effraye de l’équivoque du soupir, mais n’
124 instaurerait, en quelque sorte, la possibilité d’ aimer comme je l’ai fait. Lorsqu’on fuit la douleur, c’est qu’on ne veut pl
125 rsqu’on fuit la douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer . Celui qui aime devra ressentir éternellement le vide qui l’environne
126 ouleur, c’est qu’on ne veut plus aimer. Celui qui aime devra ressentir éternellement le vide qui l’environne, et garder sa b
127 elle peut concevoir et désirer (la nature, l’être aimé , le moi), tout ce qui n’est pas l’Unité incréée, la dissolution sans
128 séder ni être possédé. Nous savions que Tristan n’ aimait pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’Amour dont
129 onnu, à l’Inconnue qui pourrait seule le combler. Aimer passionnément, ce serait vivre ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un
130 tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. » Ainsi aux mines de sel de Salzburg, lor
131 ent. Et pourquoi cela ? Parce que l’on a besoin d’ aimer , et qu’on ne peut aimer que la beauté. Disons plus simplement que la
132 Parce que l’on a besoin d’aimer, et qu’on ne peut aimer que la beauté. Disons plus simplement que la cristallisation, c’est l
133 sation, c’est le moment où l’on idéalise la femme aimée . Je crois que c’est Ortega qui a souligné le premier172 que cette cél
134 al n’est pas douteux : il s’agit d’un homme qui n’ aimait pas réellement, et qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan
135 réellement, et qui surtout ne fut pas réellement aimé . » Tristan aimait, Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premie
136 qui surtout ne fut pas réellement aimé. » Tristan aimait , Don Juan était aimé ; mais celui qui n’a du premier que la nostalgie
137 réellement aimé. » Tristan aimait, Don Juan était aimé  ; mais celui qui n’a du premier que la nostalgie, et du second que l’
138 on qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela vous paraît tout n
139 romper, est seul capable de découvrir dans l’être aimé les qualités réelles qui s’y cachent. De plus, n’est-ce point là le t
140 a certainement existé, et Dante l’a certainement aimée . C’est donc d’une sublimation qu’il s’agit ici, à l’inverse de ce qui
141 ’Astrée. De même Scarron, etc. 154. « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait pr
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
142 quelques rapprochements formels entre les arts d’ aimer et de guerroyer du xiie siècle jusqu’à nos jours. Mon propos étant s
143 brassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’ aimé . » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise traduit, à l’origine, la lut
144 n Âge d’une règle effectivement commune à l’art d’ aimer et à l’art militaire, et qui s’appelle la chevalerie. 3.La chevale
145 ltation de l’amant, bien plus que relation avec l’ aimée . Ce que désire Tristan, c’est la brûlure d’amour plus que la possessi
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
146 titution sociale définie par la stabilité. 3.«  Aimer , c’est vivre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour était cons
147 met au-dessus des lois et des coutumes. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où les barrières sociale
148 homme qui veut trouver son « type de femme » et n’ aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’une noble Da
149 à se fixer sur un type, compromis entre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’aimer. Il rencontre cette femme, il l
150 tre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’ aimer . Il rencontre cette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme de s
151 ge (ou le public) : l’amant comblé va-t-il encore aimer cette Iseut une fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait est-
152 end consciente la passion, et c’est pourquoi l’on aime souffrir, et faire souffrir. Lorsque Tristan emmène Iseut dans la for
153 oujours dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’ aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui ré
154 en de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’ aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sens de la passion, c’est alors l
155 siste, puisqu’il n’aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer , au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un
156 ’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’imaginer comme absent, une fuite sans fin devant la
157 absent, une fuite sans fin devant la possession. Aimer d’amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan, car la vraie vie q
158 eu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressent
159 elle). C’est qu’il ne sait plus posséder, ni plus aimer ce qu’il a dans le réel. Il a perdu la seule chose nécessaire : le se
160 ont porté déjà aux limites du désobligeant : nous aimons trop nos illusions pour souffrir même qu’on nous les nomme… 5.De l
161 age sont pratiquement équivalents ; que si l’on «  aime  » il faut se marier sur l’heure ; qu’enfin « l’amour » doit normaleme
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
162 épouser la veuve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi, mais l’homme pieux qui estimait que la religion deva
163 ager ma vie, et voilà la seule preuve que je vous aime . (Vraiment, pour dire : Ce n’est que cela ! — comme le diront beaucou
164 multiplicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand nombre
165 rêves, par un besoin constant d’agir pour l’être aimé , par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer, non
166 s légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’ aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-
167 e, en même temps qu’à son vrai moi, que celui qui aime voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpé
168 lité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé , et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle le prochain.
169 in de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tourne avec moi vers le
170 e simple. Être amoureux n’est pas nécessairement aimer . Être amoureux est un état ; aimer, un acte. On subit un état, mais o
171 nécessairement aimer. Être amoureux est un état ; aimer , un acte. On subit un état, mais on décide un acte. Or, l’engagement
172 uer l’avenir d’actes conscients que l’on assume : aimer , rester fidèle, éduquer ses enfants. On voit ici combien sont différe
173 voit ici combien sont différents les sens du mot aimer dans le monde de l’Éros et dans le monde de l’Agapè. On le voit mieux
174 constate que le Dieu de l’Écriture nous ordonne d’ aimer . Le premier commandement du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur ton
175 imer. Le premier commandement du Décalogue : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute t
176 de l’homme un état de sentiment. L’impératif : «  Aime Dieu et ton prochain comme toi-même » crée des structures de relation
177 notre sort se joue. C’est sur la terre qu’il faut aimer . Au-delà, il n’y aura pas la Nuit divinisante, mais le Jugement du Cr
178 qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà
179 réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’ aiment . Dieu manifeste son amour pour l’homme en exigeant que l’homme soit s
180 e analyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est
181 femme. C’est autant dire qu’il ne sait pas encore aimer . Le viol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’égale — en
182 ssion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il aime , justement, et qu’en vertu de cet amour, il refuse de s’imposer, il s
183 ieu est fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’ aimé . Certes, Kierkegaard ne parvint à « ressaisir » le monde fini que dan
184 ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’ aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre
185 ent singulier. À cette personnalisation de l’être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct, à m