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n, écrit Denis de Rougemont, est cette forme de l’
amour
qui refuse l’immédiat, fuit le prochain, veut la distance et l’invent
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is on parle de passion, qui est autre chose que l’
amour
. En effet, si l’on se marie en état de passion, c’est-à-dire en état
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transe à la réalité, la passion peut conduire à l’
amour
. Le mariage à l’essai qui, maintenant et de plus en plus, tient lieu
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de la raison utilitaire, il oppose les élans de l’
amour
sans calcul, au droit de la force le service du prochain, au culte du
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ces principales de la poésie amoureuse, donc de l’
amour
tel qu’on le parle et qu’on croit le sentir en Occident ; l’apport sl
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ècle dont j’ai longuement parlé dans mon livre L’
Amour
et l’Occident . Et maintenant, c’est une chose admise : le rôle civil
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L’
Amour
et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont (12 avril
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D. de Rougemont (12 avril 1971)u Votre essai L’
Amour
l’Occident a fait de vous, depuis 1938, un « philosophe de l’amour »,
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a fait de vous, depuis 1938, un « philosophe de l’
amour
», et vous êtes, d’autre part, depuis vingt ans, le directeur fondate
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par rater le couple ? Car c’est un fait : dans l’
amour
, dans nos manières d’aimer, je trouve la racine de mondes politiques
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n de base de ce que j’ai écrit aussi bien dans L’
Amour
et l’Occident sur le couple humain — création mutuelle de deux perso
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d’une communauté libre. Pourquoi le problème de l’
amour
, du mariage et de leur drame vous a-t-il passionné depuis trente ans
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sse Marie de Champagne, au xiie siècle, exclut l’
amour
entre les gens mariés : c’est une condamnation radicale, qui était un
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ie bouddhiste, brahmanique n’a jamais connu notre
amour
et elle le considère avec un étonnement mêlé d’ironie et de crainte.
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han exprime les mêmes thèses sur l’invention de l’
amour
romanesque au Moyen Âge. L’avez-vous influencé ? J’ai rencontré McLuh
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en Charles Seignobos écrivit déjà, en 1920, que l’
amour
était une invention du xiie siècle, cela passa pour une boutade. All
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passa pour une boutade. Allons donc, disait-on, l’
amour
est aussi vieux que le genre humain, et que faisaient donc les hommes
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éfuté par les faits. Car c’est un fait que le mot
amour
, qui désigne pour nous le sentiment de la passion, n’a pris de sens d
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atures européennes et tous les lieux communs de l’
amour
tel qu’on le chante, tel qu’on l’écrit, tel qu’on le vit jusqu’à nos
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omprenez-moi bien : je n’ai aucune recette pour l’
amour
. Je constate que la passion et le mariage sont des adversaires fondam
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drame qui les oppose. Aujourd’hui, je distingue l’
amour
dans le mariage — amour actif — de l’amour-passion — donc passif — qu
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jourd’hui, je distingue l’amour dans le mariage —
amour
actif — de l’amour-passion — donc passif — qui tend à uniformiser les
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duire l’autre à la loi d’un seul. Qui a dit que l’
amour
rendait libre ? Celui-là charge les gens de chaînes. Dans le mariage,
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istan. La Rochefoucauld a fort bien compris que l’
amour
est essentiellement lié à l’expression. Il écrit : « Combien d’hommes
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amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’
amour
? » Il n’y a pas d’amour inexprimé. Il y a des désirs, des instincts,
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jamais entendu parler d’amour ? » Il n’y a pas d’
amour
inexprimé. Il y a des désirs, des instincts, faire l’amour, faire des
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xprimé. Il y a des désirs, des instincts, faire l’
amour
, faire des enfants, il y a le plaisir, l’orgasme… Tout cela peut très
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sur tout ce qui fait mieux sentir et ressentir l’
amour
, l’« amour de loin » que chante le troubadour Jaufré Rudel, l’éloge d
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e qui fait mieux sentir et ressentir l’amour, l’«
amour
de loin » que chante le troubadour Jaufré Rudel, l’éloge de la chaste
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idéalisation quasi mystique s’en trouve exclue. L’
amour
tel que nous l’entendons depuis le xiie siècle n’a même pas de nom d
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s désigne la relation entre la mère et le fils. L’
amour
, l’érotisme et la sexualité ont créé en Europe une problématique à pe
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ais vous, que souhaitez-vous ? Quand je pense à l’
amour
« programmé », calculé, je suis évidemment pour l’amour-passion, bien
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un ou dans l’autre. Tristan est l’homme d’un seul
amour
fatal. Don Juan, héros d’un siècle cynique, le xviiie , incapable de
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tres. Comment ont été accueillies vos thèses de L’
Amour
et l’Occident ? Très mal, au début, par les « spécialistes » de la So
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ppies, sont également de très bons lecteurs de L’
Amour
et l’Occident . Eux aussi cherchent un lien entre l’érotisme, l’amour
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» Aujourd’hui, selon vous, quel est l’avenir de l’
amour
? D’une part, il me semble que les jeunes gens d’aujourd’hui tiennent
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te les chances de l’éviter. Mais, d’autre part, l’
amour
tout entier risque de disparaître dans le monde hygiénique et froidem
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ruisez la possibilité même de toutes les formes d’
amour
. En ce sens, la révolution sexuelle ne veut rien dire. Quel est l’ord
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gnifie que la sexualité est plus vigoureuse, ou l’
amour
plus réussi, la morale du couple plus solide ? Voyez les romanciers :
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t l’obstacle qui permet la passion, cette forme d’
amour
qui refuse l’immédiat. Dans un livre, Les Mythes de l’amour , j’ai a
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efuse l’immédiat. Dans un livre, Les Mythes de l’
amour
, j’ai analysé trois succès mondiaux : Lolita, de Vladimir Nabokov, L
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la voit pas. Il projette. Ce qu’il aime, c’est l’
amour
, être en état d’amour. Toutes les femmes qu’on aime d’amour-passion,
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tte. Ce qu’il aime, c’est l’amour, être en état d’
amour
. Toutes les femmes qu’on aime d’amour-passion, toutes les Iseut sont
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nt, dont nous percevons déjà les signes. u. « L’
Amour
et l’Europe : L’Express va plus loin… avec D. de Rougemont », L’Expre
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ionale. Parce qu’il a publié, avant la guerre, L’
Amour
et l’Occident , ouvrage fondamental sur le plus fondamental des sujet
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ondamental sur le plus fondamental des sujets : l’
amour
. Parce qu’il est l’un de ceux qui ont créé, en 1932, avec Emmanuel Mo
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hel), vient de recevoir le prix Robert Schuman. L’
amour
et l’Europe ont-ils de l’avenir ? Et lequel ? Denis de Rougemont va “
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d’écrire coup sur coup, en moins de neuf mois, L’
Amour
et l’Occident , le Journal d’Allemagne , un troisième ouvrage (demeu
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est l’acte de celui qui s’ouvre et s’ordonne à l’
amour
, c’est-à-dire : à Dieu tel qu’il s’annonce au « cœur » de l’homme. Sa
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ues dont dépendent l’euphorie ou la mélancolie, l’
amour
, l’humeur, et dont on sait maintenant qu’elles ont leur siège dans le
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éritage grec, sans lequel point de sciences) ; —l’
amour
de Dieu et du prochain comme de soi-même (héritage judéo-chrétien) ;
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le chemin de cet homme depuis la publication de L’
Amour
et l’Occident ? Effectivement, j’ai publié L’Amour et l’Occident au
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our et l’Occident ? Effectivement, j’ai publié L’
Amour
et l’Occident au début des années 1939, mais ce n’était pas tombé du
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’opposition entre la passion et le mariage dans l’
amour
. La passion représentée par Tristan, qui est le grand mythe de la pas
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mentent et animent les Européens sur le plan de l’
amour
: Tristan, d’un côté ; Don Juan, de l’autre. Tous deux adversaires du
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n de mes doctrines de la personne au domaine de l’
amour
et du mariage. Je représentais le mariage comme le régime même de la
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aine d’ouvrages traduits en seize langues dont L’
Amour
et l’Occident et la récente Lettre ouverte aux Européens , professe
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le situe et le dépasse. Elle le conteste comme l’
amour
prévaut contre l’indifférence, qui n’est souvent qu’angoisse refoulée
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phénomène, comme j’ai tenté de le montrer dans L’
Amour
et l’Occident 10. Le positivisme bourgeois ou marxiste récusant l’an
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Pléiade, Paris, 1967. 10. Denis de Rougemont, L’
Amour
et l’Occident, édition révisée, Paris, 1956. 11. B. de Jouvenel, Arc
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vélé mortel pour la nature. C’est l’histoire d’un
amour
fatal : dès qu’un touriste découvre un endroit solitaire, la foule s’
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d’autres est aimé, ils détruisent à coup sûr les
amours
qu’ils partagent. Ce paysage sublime est un pays réel, peuplé de vig
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si spécifiquement européen par sa genèse, dans L’
Amour
et l’Occident . J’ai très vite pressenti que la forme d’amour que je
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ccident . J’ai très vite pressenti que la forme d’
amour
que je cherchais à décrire ne pouvait être saisie par aucune de nos d
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ales. Ainsi, l’amour-passion est cette forme de l’
amour
qui se libère des contraintes naturelles, des rythmes trop prévus de
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oirs. ⁂ Tristan, c’est tout d’abord le mythe de l’
amour
plus fort que la vie, plus fort que la vie quotidienne, plus fort que
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rtit, et réduit aux routines. C’est le mythe de l’
amour
inaltérable, inaltéré par l’érosion de la vie « courante », par la ré
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sque permanent de dissonance. C’est le mythe d’un
amour
qui méprise l’épreuve de l’engagement dans les rapports sociaux, et m
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sa simplicité majestueuse, c’est l’intensité de l’
amour
, passion de l’âme ouverte sur l’esprit, libérée des corps dont elle v
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cissitudes de notre incarnation présente. C’est l’
amour
de l’Amour, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréduct
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de notre incarnation présente. C’est l’amour de l’
Amour
, plus que de l’être aimé dans sa réalité toujours irréductible à l’im
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’élan de l’âme vers l’Ange désiré. « Ce n’est pas
amour
, qui tourne à réalité », s’écrie un troubadour tardif, contemporain d
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taniennes. Mais qu’est-ce alors, quel est le faux
amour
qui « tourne » ainsi ? Ce n’est pas le désir comblé, au sens sexuel d
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aux lois du corps, ne mérite pas en soi le nom d’
amour
. Mais c’est l’amour « bouché » par la présence inévitable et continue
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ne mérite pas en soi le nom d’amour. Mais c’est l’
amour
« bouché » par la présence inévitable et continuelle, l’amour légalis
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hé » par la présence inévitable et continuelle, l’
amour
légalisé, socialisé et sacralisé par l’Église. C’est le mariage. Cons
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stater que Tristan est tout d’abord le mythe de l’
amour
plus fort que la vie, c’est reconnaître aussi que la vraie victime du
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riage légal. Les amants ont perdu la vie, gagné l’
amour
. Le mari, lui, partage la vie d’Iseut. Il reste seul vivant, mais san
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e la vie d’Iseut. Il reste seul vivant, mais sans
amour
. Aux yeux du mythe, il est perdant. ⁂ À ce premier aspect de notre lé
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souvent, trop facilement cité, du « beau conte d’
amour
et de mort ». Les obstacles sociaux, coutumiers ou sacrés, ont cédé à
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que notre condition d’êtres finis oppose à notre
amour
d’un être, à l’Amour même ? Si la passion vit de séparations, il est
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d’êtres finis oppose à notre amour d’un être, à l’
Amour
même ? Si la passion vit de séparations, il est bien clair que la sép
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existence dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’
Amour
, un amour qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra devi
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dans ce monde, mais ils ont aussi bu l’Amour, un
amour
qui s’adresse à la part immortelle que lui seul pourra deviner, ou su
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sur la terre, ses intentions et ses désirs et ses
amours
, composent au Ciel un être de lumière, une contrepartie transcendante
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tan : ce qui se passe trois jours après la mort d’
amour
. Iseut n’évoque-t-elle point cette forme de lumière qu’on ne rejoint
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désir de Tristan, sa princesse lointaine et son «
amour
de loin » comme parlait le troubadour Jaufré Rudel ? L’apparent narci
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nier de notre mythe. La tradition chrétienne de l’
amour
du prochain ne s’en trouverait-elle pas éclairée, à son tour ? ⁂ Aime
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nostalgie. Mais alors l’obstacle dernier à notre
amour
, provoquant la passion créatrice, ce ne serait plus la mort, ce serai
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Il faut aimer pour le comprendre, et rapporter l’
amour
à ses fins spirituelles. Le mythe peut nous y aider, c’est bien là sa
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Selon Bédier, l’ermite leur dit : « Amis ! comme
amour
vous traque de misère en misère ! » Et selon André Mary : « Jeunesse
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é vous malmène ! » Béroul a dit seulement ceci :
Amour
par force vous démène ! (Amors par force vos demeiné) — un seul ve