1 1939, L’Amour et l’Occident. Avertissement
1 u mariage. ⁂ L’agrément de parler des choses de l’ amour est un prétexte assez peu convaincant, lorsqu’il s’agit d’un volume a
2 t les femmes, tolèrent fort bien que l’on parle d’ amour , et même ils ne s’en lassent jamais, si commun que soit le discours ;
3 crer tout un livre. Les uns diront qu’à définir l’ amour , on le perd ; les autres, qu’on y perd son temps. À qui plairai-je ?
2 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
4 igneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’ amour et de mort ?… » — Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. À t
5 sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’ amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus prof
6 omme une définition de la conscience occidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’est pas toute la poésie, c’est du moi
7 tion de la conscience occidentale… Amour et mort, amour mortel : si ce n’est pas toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’i
8 les légendes, et dans nos plus belles chansons. L’ amour heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel,
9 ux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’ amour mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie même. C
10 de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’ amour menacé et condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme occident
11 sens, ni la paix féconde du couple. C’est moins l’ amour comblé que la passion d’amour. Et passion signifie souffrance. Voilà
12 uple. C’est moins l’amour comblé que la passion d’ amour . Et passion signifie souffrance. Voilà le fait fondamental. Mais l’en
13 qui est passionnant ». Et pourtant, la passion d’ amour signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les
14 ’est insister sur la réalité que notre culte de l’ amour masque et transfigure à la fois ; c’est mettre au jour ce que ce cult
15 t trahir le tourment innombrable et obsédant de l’ amour en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son
16 ment, ou au contraire, est-ce une conception de l’ amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle rend ce lien, dès le principe, i
17 nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’ amour trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre
18 ètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d’ amours miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée comme un
19 . Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’ amour est une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fond sur l’hom
20 ur destruction et leur mort ». Ils s’avouent leur amour et ils y cèdent. (Notons ici que le texte primitif, suivi par le seul
21 e possible l’importance du philtre, et présente l’ amour de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la s
22 ependant des barons « félons » dénoncent au roi l’ amour de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouv
23 Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’ amour et le devoir ». Cette interprétation classique est d’un aimable anach
24 de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’ amour de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secr
25 ue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’ amour courtois. Ce seul exemple suffirait à démontrer que les auteurs du Ro
26 conception de la fidélité et du mariage, selon l’ amour courtois, est seule capable d’expliquer certaines contradictions frap
27 du récit. Selon la thèse officiellement admise, l’ amour courtois est né d’une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodale
28 énérateurs de querelles infinies et de guerres, l’ amour courtois oppose une fidélité indépendante du mariage légal et fondée
29 dépendante du mariage légal et fondée sur le seul amour . Il en vient même à déclarer que l’amour et le mariage ne sont pas co
30 le seul amour. Il en vient même à déclarer que l’ amour et le mariage ne sont pas compatibles : c’est le fameux jugement d’un
31 mpatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’ amour tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan, et l’
32 à la loi supérieure du donnoi, c’est-à-dire de l’ amour courtois. (Donnoi, ou domnei en provençal, désigne la relation de vas
33 autant qu’au mariage, à la « satisfaction » de l’ amour . « Il ne sait de donnoi vraiment rien, celui qui désire l’entière pos
34 l’entière possession de sa dame. Cela n’est plus amour , qui tourne à la réalité 11. » Voilà qui nous met sur la voie d’une p
35 dant il la livre à Marc : c’est que la règle de l’ amour courtois s’oppose à ce qu’une telle passion « tourne à la réalité »,
36 dopte, faire valoir le droit de la force… Étrange amour , va-t-on penser, qui se conforme aux lois qui le condamnent, afin de
37 are et les martyrise ? Répondre : ainsi le veut l’ amour courtois, ce n’est pas encore répondre sur le fond, car il s’agit de
38 car il s’agit de savoir pourquoi l’on préfère cet amour à l’autre, à celui qui se « réalise », à celui qui se « satisfait ».
39 u que les obstacles extérieurs qui s’opposent à l’ amour de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne
40 u lecteur ? Mais c’est tout un, car le démon de l’ amour courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’où naît leur souf
41 mants ? Oui, mais au nom de la passion, et pour l’ amour de l’amour même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigur
42 , mais au nom de la passion, et pour l’amour de l’ amour même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigurer — au dét
43 défend au sein de la tentation… 8.L’amour de l’ amour De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de
44 près de son ami ; plus heureuse dans le malheur d’ amour que dans leur vie commune du Morois… ⁂ On sait d’ailleurs que par la
45 elle, elle par lui… » L’égoïsme apparent d’un tel amour expliquerait à lui seul bien des « hasards », bien des malices opport
46 it et tout le confirme. Ce qu’ils aiment, c’est l’ amour , c’est le fait même d’aimer. Et ils agissent comme s’ils avaient comp
47 ’ils avaient compris que tout ce qui s’oppose à l’ amour le garantit et le consacre dans leur cœur, pour l’exalter à l’infini
48 mants résulte ainsi de leur passion même, et de l’ amour qu’ils portent à leur passion plutôt qu’à son contentement, plutôt qu
49 é par l’existence concrète du mari, méprisé par l’ amour courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements facile
50 ns le mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’ amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul,
51 it un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’ amour , vers une mort volontaire au terme d’une série d’épreuves dont Trista
52 e leur destin qu’ils accomplissent en mourant par amour  : c’est une revanche sur le philtre. Et l’on assiste, in extremis, a
53 i transfigure. Nous touchons au secret dernier. L’ amour de l’amour même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une v
54 re. Nous touchons au secret dernier. L’amour de l’ amour même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une volonté prof
55 ère à égarer le jugement. La passion interdite, l’ amour inavouable, se créent un système de symboles, un langage hiéroglyphiq
56 u’on aime et besoin de le soustraire au jugement, amour du risque et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’un tel
57 e Dieu qui promet sa grâce, et la « vive flamme d’ amour  » éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien avoue
58 tin sur la personne libre et responsable. Aimer l’ amour plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’am
59 responsable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’ amour , aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augustin jusqu’
60 e toute sa raison condamne ? Pourquoi veut-il cet amour dont l’éclat ne peut être que son suicide ? C’est qu’il se connaît et
61 quoi préférons-nous à tout autre récit celui d’un amour impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce
62 ître, et de se connaître. Il cherche simplement l’ amour le plus sensible. Mais c’est encore l’amour dont quelque entrave vien
63 ent l’amour le plus sensible. Mais c’est encore l’ amour dont quelque entrave vient retarder l’heureux accomplissement. Ainsi,
64 ureux accomplissement. Ainsi, soit qu’on désire l’ amour le plus conscient, ou simplement l’amour le plus intense, on désire e
65 désire l’amour le plus conscient, ou simplement l’ amour le plus intense, on désire en secret l’obstacle. Au besoin, on le cré
66 e partie de notre psychologie. Sans traverses à l’ amour , point de « roman ». Or c’est le roman qu’on aime, c’est-à-dire la co
67 en l’on tombe dans une idylle de carte postale. L’ amour heureux n’a pas d’histoire dans la littérature occidentale. Et l’amou
68 d’histoire dans la littérature occidentale. Et l’ amour qui n’est pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande
69 r qui n’est pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande trouvaille des poètes de l’Europe, ce qui les disting
70 qu’il repousse, magnifié par sa catastrophe, — l’ amour réciproque malheureux. ⁂ Arrêtons-nous sur cette formule du mythe. Am
71 reux. ⁂ Arrêtons-nous sur cette formule du mythe. Amour réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du
72 fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’est que l’ amour qui les « demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans s
73 c’est que l’amour qui les « demeine » n’est pas l’ amour de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment,
74 par moi, perdu par moi ! » chantait Isolde en son amour sauvage. Et la chanson du marinier, du haut du mât, prédit leur sort
75 réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de l’ amour  : ce que l’on désire, on ne l’a pas encore — c’est la Mort — et l’on
76 les prive à jamais de tout espoir humain, de tout amour possible, au sein de l’obstacle absolu et d’une suprême exaltation qu
77 Derrière le goût du romanesque, il y a celui de l’ amour pour lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obstacle fa
78 une recherche secrète de l’obstacle favorable à l’ amour . Mais ce n’est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en so
79 amour. Mais ce n’est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, qui se ré
80 talité. Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel amour n’est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il
81 ants ont bu le philtre est un péché aux yeux de l’ amour courtois non moins qu’aux yeux de la morale chrétienne et féodale. Ma
3 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
82 uissant pas du plaisir d’aimer à cœur saoul, leur amour en demeure toujours frais, et que leurs enfants en viennent plus robu
83 tatation des lois du corps n’explique nullement l’ amour d’un Tristan, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’interve
84 enne… L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’ amour de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romain
85 n sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’ amour est une maladie (Ménandre) dans la mesure où il transcende la volupté
86 ur la troubler d’humeurs malignes. Ce n’est pas l’ amour tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de déli
87 divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’ amour platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et suprême
88 près de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’ amour est la voie qui monte par degrés d’extase vers l’origine unique de to
89 -delà du malheur d’être soi et d’être deux dans l’ amour même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Aspiration lumineuse, l’é
90 s sans rappeler la dialectique platonicienne de l’ Amour . La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophétique. C
91 n proie au lumineux Désir. Tel est le combat de l’ amour sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale des anges
92 ésir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’ Amour , et il exprime l’angoisse fondamentale des anges déchus dans des corp
93 rs que pour les sacrifier. L’accomplissement de l’ Amour nie tout amour terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur terrestre.
94 sacrifier. L’accomplissement de l’Amour nie tout amour terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur terrestre. Considéré du po
95 stre. Considéré du point de vue de la vie, un tel Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganis
96 secrète incantation d’un mythe ? 3.Agapè ou l’ amour chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : Au commencement était
97 centre de tout le christianisme, et le foyer de l’ amour chrétien que l’Écriture nomme Agapè. Événement sans précédent, et « n
98 n tant que l’Esprit veut les sauver. Désormais, l’ amour n’est plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de
99 se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’ amour fait apparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’était qu’un p
100 et séparé, mais sans pécher et sans se diviser, l’ Amour de Dieu nous a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sa
101 tion. Éros cherchait le dépassement à l’infini. L’ amour chrétien est obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir
102 nstant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’ Amour , ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais
103 mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’ amour humain lui-même s’en trouve transformé. Tandis que les mystiques païe
104 ordre, et là, le sanctifie par le mariage. Un tel amour , étant conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5,
105 mariage. Un tel amour, étant conçu à l’image de l’ amour du Christ pour son Église (Éph., 5,25), peut être vraiment réciproque
106 autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’ amour ou sa mortelle et délicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se marier que
107 it saint Paul aux Corinthiens.) De plus, c’est un amour heureux — malgré les entraves du péché — puisqu’il connaît dès ici-ba
108 vons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’ Amour sera en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. A
109 issant. Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’ amour de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation est le signe historiq
110 ton prochain comme toi-même. » C’est ainsi dans l’ amour du prochain que le chrétien se réalise et s’aime lui-même en vérité.
111 fusion ni d’exaltée dissolution du moi en Dieu. L’ Amour divin est l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appell
112 est-on pas en droit de conclure que cette forme d’ amour nommée passion doit normalement se développer au sein des peuples qui
113 nt23, et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’ amour humain est très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupt
114 éalisation historique Paganisme Union mystique ( amour divin heureux). Amour humain malheureux. Hédonisme, passion rare et m
115 Paganisme Union mystique (amour divin heureux). Amour humain malheureux. Hédonisme, passion rare et méprisée. Christianis
116 hristianisme Communion (pas d’union essentielle). Amour du prochain. (Mariage heureux.) Conflits douloureux, passion exaltée.
117 eligion dont on trahit l’esprit25. Platon liait l’ Amour à la Beauté. Mais la Beauté qu’il entendait, c’était d’abord l’essenc
118 its à une terrible confusion : à cette idée que l’ amour dépend avant tout de la beauté physique — alors qu’en fait cette beau
119 ibut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’ amour . L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour embellit son obje
120 our. L’expérience quotidienne montre bien que « l’ amour embellit son objet », et que la beauté « officielle » n’est pas un ga
121 e un nom par ailleurs bien connu : la cortezia, l’ amour courtois. 6.L’amour courtois : troubadours et cathares Que tout
122 que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’ amour malheureux. « Il n’y a dans toute la lyrique occitane et la lyrique p
123 yrique pétrarquesque et dantesque qu’un thème : l’ amour  ; et pas l’amour heureux, comblé ou satisfait (ce spectacle ne peut r
124 que et dantesque qu’un thème : l’amour ; et pas l’ amour heureux, comblé ou satisfait (ce spectacle ne peut rien engendrer), l
125 atisfait (ce spectacle ne peut rien engendrer), l’ amour perpétuellement insatisfait au contraire ; enfin, que deux personnage
126 elle-ci ne prend sa source que dans les lois de l’ amour courtois, les leys d’amors. Mais il faut dire aussi que jamais rhétor
127 exaltante et fervente. Ce qu’elle exalte, c’est l’ amour hors du mariage, car le mariage ne signifie que l’union des corps, ta
128 de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout amour possible en cette vie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la chasteté. E
129 out amour possible en cette vie. Voilà pourquoi l’ Amour suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz (d’amour vient chasteté) c
130 our suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz (d’ amour vient chasteté) chante le troubadour toulousain Guilhem Montanhagol.
131 e le troubadour toulousain Guilhem Montanhagol. L’ Amour suppose aussi un rituel : le domnei ou donnoi, vasselage amoureux. Le
132 idélité, comme on fait à un suzerain. « En gage d’ amour , la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoignait d
133 isons.) D’où vient cette conception nouvelle de l’ amour « perpétuellement insatisfait », et cette louange enthousiaste et pla
134 que la poésie provençale et les conceptions de l’ amour qu’elle illustre, « loin de s’expliquer par les conditions où elle na
135 paraît non moins évident que leur conception de l’ amour venait d’ailleurs. Quel pouvait être cet ailleurs ? La même question
136 de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’ amour , qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image fidè
137 r dans ses grands traits le dogme de « l’Église d’ Amour  ». Dieu est amour. Mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait êt
138 traits le dogme de « l’Église d’Amour ». Dieu est amour . Mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du mon
139 ait « la Mère de Dieu », le principe féminin de l’ Amour (c’est la Sophia chez les gnostiques grecs ; Maria chez les cathares.
140 ques grecs ; Maria chez les cathares.) L’Église d’ Amour , la Santa Gleyzia des cathares, ne connaît qu’un seul « sacrement » c
141 i les troubadours comme les cathares glorifient l’ amour « perpétuellement insatisfait », et vantent — sans toujours l’exercer
142 l’entendeire) comme on distingue dans l’Église d’ Amour les adeptes et les parfaits ? Et s’ils raillent les liens du mariage 
143 même de cette question débattue dans les cours d’ amour  : « Un chevalier peut-il être à la fois marié et fidèle à sa dame ? »
144 dans leurs « pensées » une autre Dame, l’Église d’ Amour …46 Mais certains abjurèrent l’hérésie sans abandonner le « trobar » 
145 ce qui le guérirait de son désir, si justement l’ amour sans fin n’était le mal qu’il aime, la « joy d’amor », le délire qui
146 le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’ amour courtois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’est loin plus
147 t tel autre : Renoncez, je vous le dis, au nom d’ Amour et au mien renoncez, perfides délateurs, accomplis en toute malice, à
148 l est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée platonicienne ? Dans sa chanson « Du moindre tiers d’Am
149 tonicienne ? Dans sa chanson « Du moindre tiers d’ Amour  », celui des femmes — Guiraut de Calanson dit des deux autres tiers,
150  Guiraut de Calanson dit des deux autres tiers, l’ amour des parents et l’amour divin : Au second tiers conviennent Noblesse
151 t des deux autres tiers, l’amour des parents et l’ amour divin : Au second tiers conviennent Noblesse et Merci ; et le premie
152 ion qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet Amour un en trois, ce principe féminin (Amor en provençal est du genre fémi
153 mplement » qu’une manie d’idéaliser la femme et l’ amour naturel. Mais d’où provient donc cette manie ? D’une « humeur idéalis
154 d’elle qu’ils parlaient ; 3° Qu’au contraire, l’ amour qu’ils exaltent n’est que l’idéalisation ou la sublimation du désir s
155 er comme absurde une poétique et une éthique de l’ amour d’où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres d
156 se. Sublime encore, quand il suit les usages de l’ amour profane et célèbre le jour de l’an et le premier mai en offrant une c
157 l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par amour pour la Mère céleste qui donnait à manger une pomme à son tendre enfa
158 ux des initiés et des sympathisants de l’Église d’ Amour . Normalement, il ne serait venu à personne cette idée, strictement mo
159 religieuse d’un vêtement profane, à appliquer à l’ amour divin les formules consacrées par l’usage à l’expression de l’amour h
160 rmules consacrées par l’usage à l’expression de l’ amour humain.56 » Le trobar clus ne serait ainsi qu’un jeu littéraire, un «
161 » un symbolisme même dogmatique à l’origine. 3. L’ amour courtois serait une idéalisation de l’amour charnel C’est la thèse la
162 3. L’amour courtois serait une idéalisation de l’ amour charnel C’est la thèse la plus courante. On pourrait se borner à rapp
163 généralement sur la conception qu’on se fait de l’ amour , et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de
164 e, sont ici rapportées expressément au refus de l’ amour physique. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être
165 sexuel, ou comme dit Platon dans le Banquet : « l’ amour de gauche ». ⁂ Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu être
166 Al-Ghazali et Sohrawardi d’Alep, troubadours de l’ Amour suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais en même
167 nterdit, devint le symbole de la divine ivresse d’ amour ). Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est d’ail
168 t ainsi une communauté, — comparable à l’Église d’ Amour des cathares. b) selon le manichéisme iranien, dont s’inspiraient les
169 sistent sur la nécessité de garder le secret de l’ Amour divin. Ils dénoncent sans relâche les indiscrets qui voudraient s’enq
170 res siècles ?). g) Enfin, la louange de la mort d’ amour est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le
171 stique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le repos de l’ amour est une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort. Pour m
172 e, sa fin la mort. Pour moi cependant la mort par amour est une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. C
173 me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre.70 C’est ici le cri même de la mystique occidental
174 rs quelles traductions, aux initiés de l’Église d’ Amour , et par eux aux poètes du Midi ? Je ne sache pas que l’on soit en mes
175 Ibn Arabi fut affilié… (Appendice 6.) 10.De l’ Amour courtois au roman breton Remontons maintenant du Midi vers le nord
176 en — une transposition romanesque des règles de l’ amour courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contact des lé
177 toriques. Aliénor de Poitiers, quittant sa cour d’ amour languedocienne, avait épousé Louis VII, puis en l’an 1154, Henri II P
178 vères anglo-normands reçurent le code secret de l’ amour courtois74. Chrétien de Troyes déclare tenir le fond et l’esprit de s
179 Champagne, fille d’Aliénor, célèbre par sa cour d’ amour où le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan
180 s si Chrétien de Troyes a bien compris les lois d’ amour que lui enseignait Marie de Champagne. Nous ne savons dans quelle mes
181 eurs. Ils ont traité un thème nouveau, celui de l’ amour physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la faute au se
182 tien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’ amour , comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la différe
183 aux, ils s’attachent à décrire les trahisons de l’ amour , au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pureté mys
184 elot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’ amour courtois, la possession physique d’une femme réelle, la « profanation
185 sique d’une femme réelle, la « profanation » de l’ amour . Et c’est à cause de cette faute initiale que Lancelot ne trouvera pa
186 elle. Il a choisi la voie terrienne, il a trahi l’ Amour mystique, il n’est pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sau
187 courtois, c’est la tragédie intérieure. Enfin, l’ amour celtique (en dépit de la sublimation religieuse de la femme par les d
188 use de la femme par les druides) est avant tout l’ amour sensuel84. Le fait que dans certaines légendes cet amour s’oppose sec
189 ensuel84. Le fait que dans certaines légendes cet amour s’oppose secrètement à l’amour religieux orthodoxe, et se voit donc c
190 aines légendes cet amour s’oppose secrètement à l’ amour religieux orthodoxe, et se voit donc contraint de s’exprimer par des
191 érités du vieux fond breton. Ce principe, c’est l’ amour de la douleur considérée comme une ascèse, le « mal aimé » des trouba
192 nt-il à beaucoup de gens. Dans d’amers déboires d’ amour , angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’ils font pour s’y sous
193 compte les éléments sur lesquels la doctrine de l’ Amour opéra ses transmutations. Ainsi naquit le mythe de Tristan. Loin de m
194 e qui s’opère dans les expressions poétiques de l’ amour courtois, lorsqu’on passe du Midi des troubadours au Nord plus barbar
195 ue est parfois étrangement semblable à celui de l’ amour courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie des laï
196 e cette situation sociologique, la confusion de l’ amour mystique et de l’amour charnel ait pu s’établir assez vite.) 36. Par
197 logique, la confusion de l’amour mystique et de l’ amour charnel ait pu s’établir assez vite.) 36. Parmi les sectes gnostique
198 gage des troubadours soit le langage naturel de l’ amour humain, transposé à l’amour divin. Alors qu’historiquement, c’est le
199 langage naturel de l’amour humain, transposé à l’ amour divin. Alors qu’historiquement, c’est le contraire qui s’est produit.
200 maines. Toutefois, le narcissisme inhérent à tout amour dit platonique entraîne évidemment, dans le plan sexuel, des déviatio
201 Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer Dieu par amour seulement est le crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amo
202 crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amour physique, par l’attraction magnétique du fer pour le fer, et leurs pa
203 uction au Familier des Amants. 68. « C’est lui l’ amour … » trad. Dermenghem, Hermès, déc. 1933. 69. Les modernes n’ont vu là
204 e très belles légendes musulmanes sur la mort par amour (mystique). 71. Cf. Massignon et Krauss : Akhbar al-Hallaj, texte re
4 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
205 cisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’ amour humain, c’est-à-dire en fin de compte : à la sexualité. Or l’examen d
206 Il faudrait alors expliquer pourquoi c’est dans l’ amour sexuel, et non pas dans la respiration ou la nutrition, par exemple,
207 quoi l’on parle. Si au contraire on rapporte cet amour à quelque chose d’étranger au sexe — il en résulte des choses bizarre
208 effet de reposer sur une faute contre les lois d’ amour courtois, puisque tout le drame vient de l’adultère consommé. De là q
209 teurs de la légende. Et la faute n’est pas dans l’ amour , mais dans sa « réalisation »… ⁂ Si délicate et périlleuse que se rév
210 il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur «  amour mortel » ? Pour certains, tout se réduit à une petite croisière dont
211 tous publient le secret… Tristan, lui, a trouvé l’ amour . Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaître. Quand le roi Marc —
212 ait le préparer, c’est l’élection d’une âme par l’ Amour tout-puissant, la vocation qui la surprend comme malgré elle. Une vie
213 er le sacrilège. Mais le malheur essentiel de cet amour n’est pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachètera la fau
214 de toutes les facultés dans la contemplation de l’ amour seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général —
215 l ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’ amour sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mystica de
216 récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’ amour divin sont vifs, plus l’âme se voit souillée et misérable en sorte qu
217 dans le temps même de la plus vive ardeur de son amour . Il y aurait à citer cent pages où revient la même plainte de l’âme s
218 l’on ne veut pas errer gravement — à partir de l’ amour humain, et par voie de sublimation, non par la voie inverse, allant d
219 sublimation, non par la voie inverse, allant de l’ Amour divin aux métaphores, qui convient pour les grands mystiques.) Ceci d
220 re Que plus m’est loin plus la désire ? Jamais l’ amour n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame
221 mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’ Amour lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il
222 plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’ amour . Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la tiendr
223 n Dieu, et des amants qui souffrent pour un autre Amour … Ils se repentent (c’est la première et dernière fois). Iseut va reve
224 an cesserait d’être un roman courtois ; ou bien l’ amour courtois cesserait d’être ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à
225 ce qui se trouve en question, c’est la passion d’ amour , et non l’amour purement profane et naturel. Voici, me semble-t-il, l
226 e en question, c’est la passion d’amour, et non l’ amour purement profane et naturel. Voici, me semble-t-il, le principe vérit
227 ce monde. Il s’en suivait — théoriquement — que l’ amour profane était le malheur absolu, l’attachement impossible et condamna
228 ature imparfaite ; tandis que pour le chrétien, l’ amour divin est un malheur recréateur. Loin de nier l’amour profane, il abo
229 r divin est un malheur recréateur. Loin de nier l’ amour profane, il aboutit à le sanctifier par le mariage. Les amants mystiq
230 e, où non seulement le monde et le prochain, et l’ amour avec son objet, mais jusqu’au désir de l’amour semblent se dérober au
231 l’amour avec son objet, mais jusqu’au désir de l’ amour semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise,
232 tien ne se jette pas dans l’illusion d’une mort d’ amour transfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terrestre
233 tables Toute la poésie d’Occident procède de l’ amour courtois et du roman breton qui en dérive. C’est à cette origine que
234 iter en présence de tel épisode : s’agissait-il d’ amour profane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumine
235 n symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’ Amour  ? On conçoit donc que par la suite, le lecteur ignorant des mystères
236 parce que tu étais en moi. » Il parle à Dieu, à l’ amour éternel. Mais supposez qu’un troubadour ait exprimé la même prière en
237 tait à idéaliser tout l’Évangile, et à regarder l’ amour sous toutes ses formes comme un élan hors du monde créé. Cette fuite
238 fatale, par une exaltation en termes divins de l’ amour sexuel. À l’inverse, on peut observer chez les mystiques les plus « c
239 soif, volonté. Exaltation en termes humains de l’ amour de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous retrouveron
240 ’être. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L’amour, pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’A
241 ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L’ amour , pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’Agapè, forte comme la mort,
242 ême temps volontaire et active comme le kantien «  amour pratique ». C’est par ce trait, tout particulièrement, que Eckhart se
243 ste à faire son maître. Plotin lui aussi prêche l’ amour mystique, mais l’amour plotinien n’est nullement l’Agapè chrétienne :
244 Plotin lui aussi prêche l’amour mystique, mais l’ amour plotinien n’est nullement l’Agapè chrétienne : c’est l’éros grec, qui
245 nerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’ amour  : L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non à un
246 e union suprême, au sommet d’un élan d’amour : L’ amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non à une essence 9
247 l’âme reste l’âme, et Dieu reste Dieu95. L’acte d’ amour spirituel est initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à soi-
248 t source et origine du fleurissant resplendissant amour . 96  Ce n’est donc pas, conclut Otto, la plus haute joie mystique qui
249 tique des cathares et la doctrine chrétienne de l’ amour . ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean XXII co
250 l revendique contre lui un certain activisme de l’ amour . C’est qu’il ne croit nullement que toute distinction entre l’âme et
251 e. Si l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’ amour de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne ser
252 llement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprimer en term
253 ne sais si l’on rencontre jamais le langage de l’ amour humain. » À l’inverse, si l’âme ne peut s’unir essentiellement à Dieu
254 ient l’orthodoxie chrétienne, il en résulte que l’ amour de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un amour réciproque malh
255 r de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un amour réciproque malheureux. On peut alors prévoir que cet amour s’exprimer
256 iproque malheureux. On peut alors prévoir que cet amour s’exprimera dans le langage passionnel, c’est-à-dire dans le langage
257 a prose enflammée de Ruysbroek : immersion dans l’ amour , défaillements, embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’am
258 mbrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’ amour qui dévore nuit et jour, orgie d’amour, délices ruisselantes, ivresse
259 brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’ amour , délices ruisselantes, ivresses, meurtrissures… « Il m’a bu l’esprit
260 utre. Et une troisième : « Boire les regards de l’ amour et s’y engloutir enivrée… » Je me suis arrêté à l’exemple de Ruysbroe
261 e étroitement j’embrasse mon Seigneur, criant : l’ amour de l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les
262 nt j’embrasse mon Seigneur, criant : l’amour de l’ Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les flammes, je
263 nt : l’amour de l’Amour me consume, je m’unis à l’ Amour , enivré d’amour. Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant 
264 l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’ amour . Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant ; en vivant, je
265 ais j’ai soif d’aimer, et j’ai faim de m’unir à l’ Amour .104 5.La Rhétorique courtoise chez les mystiques espagnols Si
266 s les plus précieuses, la rhétorique entière de l’ amour courtois. À défaut d’une anthologie qui tiendrait décidément trop de
267 as mourir.106 » La « brûlure suave ». Le « dard d’ amour  » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui « iso
268 d’amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’ amour . La passion qui « isole » du monde et des êtres. La passion qui décol
269 et des êtres. La passion qui décolore tout autre amour . Se plaindre d’un mal que l’on préfère cependant à toute joie et à to
270 ment « ineffable » et qu’il faut pourtant dire. L’ amour qui purifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’amour se sub
271 ifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’ amour se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’amour, dont il faut
272 se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’ amour , dont il faut sortir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », havres d
273 incu. Le symbolisme des « châteaux », havres de l’ amour . Le symbolisme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’amour par
274 , havres de l’amour. Le symbolisme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’amour parfait. Le « cœur volé », l’« entendem
275 isme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’ amour parfait. Le « cœur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’amou
276 œur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’ amour . L’amour considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en prov
277 », l’« entendement ravi », le « rapt » d’amour. L’ amour considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en provençal).
278 produire : Si l’on se borne à la conception de l’ amour dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels du xvie
279 n divine. [C’est moi qui souligne.] c) Surtout l’ amour courtois et l’amour divin s’exaltent l’un et l’autre dans la même con
280 qui souligne.] c) Surtout l’amour courtois et l’ amour divin s’exaltent l’un et l’autre dans la même conception héroïque de
281 our agir ». [Ici, je ferais quelques réserves : l’ amour courtois, dans sa pureté première, aime pour souffrir, pour « pâtir »
282 Escarraman) qu’il faut chercher la synthèse de l’ amour divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours provençaux du
283 aut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’ amour courtois, mais chez les troubadours provençaux du xiie siècle. Les p
284 elle va jusqu’à se confondre avec la poésie d’un amour qui serait tout profane ; elle espère par ce déguisement échapper aux
285 moderne n’hésite pas à tenir ce raisonnement : «  Amour désigne pour moi l’attrait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cess
286 ait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cesse d’ amour  —, donc cette mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nous av
287 rs par une mystique, convient à l’expression de l’ amour spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’autant plus à l’expr
288 entraînait le bonheur divin et le malheur de tout amour humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union est impossible, ce
289 sible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’ amour humain possible en ses limites. D’où il résulte que le langage de la
290 114, mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. « L’ amour existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’a
291 désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’ amour naturel », disait le troubadour Guido Cavalcanti, au xiiie siècle. O
292 aire et au-delà de la satisfaction. La passion, l’ amour de l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et
293 delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’ amour , c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qui, par l
294 l’âme parvient à aimer Dieu sans plus sentir son amour . C’est un état d’indifférence parfaite, croirait-on ; en vérité, c’es
295 C’est lui qui donne un sens tout différent au mot amour dans les deux cas. Les hérétiques cathares opposent la Nuit au Jour c
296 nité du Christ). Ils veulent aller tout droit à l’ Amour par l’amour, et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant a
297 st). Ils veulent aller tout droit à l’Amour par l’ amour , et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant alors, comme
298 ent aboutir à la passion humaine malheureuse. Cet amour impossible laissait au cœur des hommes une brûlure inoubliable, une a
299 rt seule pouvait éteindre : ce fut la « torture d’ amour  » qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La passion des « parfaits 
300 s la mort que la suprême sensation. Et de même, l’ amour de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec la Jo
301 xication par l’esprit. L’histoire de la passion d’ amour , dans toutes les grandes littératures, du xiiie siècle jusqu’à nous,
302 re étudiée minutieusement. 99. Un troubadour : «  Amour ne me quitte ni bien ne peut m’avoir. » 100. Th. Labande-Jeanroy, Le
303 xiiie siècle. 104. Ciascun amante, danse de l’ amour mystique. Voir aussi l’Appendice 9. 105. On en trouvera d’ailleurs q
304 atholiques orthodoxes. 110. Gaston Etchegoyen, l’ Amour divin, essai sur les sources de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expres
305 de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’ amour divin. 111. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Fr
306 es telles que « aveuglé par la passion », « fou d’ amour  ». 115. Surtout les épigones féminins : une Marguerite-Marie Alacoqu
5 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
307 e : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de l’ amour provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir ma
308 amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’ amour . ⁂ Passion et expression ne sont guère séparables. La passion prend s
309 rniers troubadours. Que va devenir la tradition d’ Amour  ? Il semble bien que dès le second tiers du siècle, les hérétiques ré
310 Canada et jusqu’au Paraguay. Leur conception de l’ amour n’a pas varié. Plusieurs auteurs ont supposé qu’une élite cléricale d
311 emière partie du roman, dite courtoise —, c’est l’ amour de la femme idéale, vraie femme déjà mais femme inaccessible dans son
312 se normale que l’homme païen oppose au mythe de l’ amour malheureux. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’une visi
313 ure les Siciliens « savaient » encore ce qu’est l’ Amour . N’avaient-ils retenu du trobar clus que le procédé mystifiant ? On s
314 ment symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’ amour courtois : guindé et froid quand il ne vante que la femme, mais tout
315 ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’ amour  : c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’est jamais plus pass
316 uoi ne me consume-t-il point ? Dante de même : Amour qui, dans ma pensée, me parle de ma Dame avec grand désir, souvent m’
317 ’agirait de définir enfin ce dont on parle. « Cet Amour est-il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le secon
318 premier. Et le second répond : « Du pouvoir de l’ amour provient souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir est si gran
319 Du pouvoir de l’amour provient souvent la mort… L’ amour existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’a
320 désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’ amour naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléchit perpé
321 templation. » Aucun doute ne demeure possible : l’ Amour est la passion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amo
322 ystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’ amour naturel dans cette perspective céleste. C’est ce qu’a fait Davanzati,
323 rimant dans une petite fable la vraie nature de l’ Amour qu’il chante, et le danger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’e
324 poursuit point ; de même celui qui est pénétré d’ amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soulage s
325 cœur impitoyable est bien la femme qui détourne l’ Amour à son profit. Dans un Bestiaire moralisé de cette époque, je trouve l
326 est volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’ Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation »
327 rd.) Voici le Sonnet du premier anniversaire de l’ amour de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heure Où si
328 açon qu’il me plaît de brûler.126 (Triomphe de l’ amour .) Mais présente ou absente — ici encore —, la femme ne sera jamais q
329 me fuit, Brûler de loin — de près geler. Tout l’ amour romantique est dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie
330 il vive encore, quoique séparé de sa dame : Mais Amour me répond : ne te souvient-il pas que c’est là le privilège des amant
331 oir en « cette fausse douceur fugitive » qu’est l’ amour idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une belle co
332 s désire honneur ! Mais comment s’arracher à cet amour blasphématoire, à ce besoin dément. d’un plaisir que l’usage en moi
333 ieu seul est due et à lui seul convient », avec l’ amour d’« une chose mortelle », en fut la conséquence inévitable. Et c’est
334 le début du xiie siècle, en plein triomphe de l’ amour courtois, l’on voit paraître cette tendance contraire, celle qui glor
335 izinga129 — l’esprit gaulois aux conventions de l’ amour courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en opposit
336 urtois et à y voir la conception naturaliste de l’ amour , en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiserie, auss
337 tes les complications naturelles et sociales de l’ amour , l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle,
338 xure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’ amour alambiqué, on le surprend dans une satire du xiiie siècle intitulée
339 l’Europe entière. Les minnesänger (chanteurs de l’ Amour ) en Allemagne sont nourris de légendes cathares131 et par ailleurs ne
340 sfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’ amour illumine parfois une face immobile et fascinante, — ce nous-même d’ho
341 s moi pourrai-je Nommer cette mort éclair ? Ô mon amour , ma femme, La mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de pri
342 barque épuisée, malade de la mer ! Voilà pour mon amour  ! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta drogue est rapide. En un baiser
343 rrait le croire à une doctrine « courtoise » de l’ amour . Entre un monisme qui assimile l’esprit à la matière (ou l’inverse),
344 sujet du roman demeure les « contrariétés » de l’ amour , mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et métaphy
345 échos mélancoliques. Il y a bien les douze lois d’ Amour , les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les défis
346 el s’obscurcit, le tonnerre gronde, le génie de l’ Amour paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Astrée et C
347 lique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’un amour qui l’attache trop » et il veut faire en sorte que sa maîtresse se do
348 ur d’être trahi par Angélique le guérirait de son amour  ? Cet Alidor serait un curieux monstre ! Disons plutôt qu’on voit tro
349 jet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’ amour qui ne nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’aime, je veu
350 ge inconnu : C’est de vous que j’ai appris que l’ amour d’un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jama
351 aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre amour , alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite,
352 u don, c’est une des exigences fondamentales de l’ amour courtois (l’un des articles des Leys d’Amors). Et que cette exigence
353 riés, à quoi notre héros veut échapper non pour l’ amour de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À t
354 amour de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’ amour de la passion. À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De
355 inte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’un amour par force un amour par devoir. C’est le plus pur langage courtois. M
356 ’en ôtant le pouvoir, Fît d’un amour par force un amour par devoir. C’est le plus pur langage courtois. Mais voyez la curieu
357 mme il se doit, dans un Examen de sa pièce : Cet amour de son repos n’empêche point qu’au cinquième acte (Alidor) ne se mont
358 parfaitement mené à chef. L’essence du mythe de l’ amour malheureux, nous le savons, c’est une passion inavouable. L’originali
359 un « moderne » dans la perspective courtoise de l’ amour réciproque malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de notre my
360 ge Racine à rendre le jeune prince insensible à l’ amour de Phèdre. Il déclare donc cet amour incestueux, encore que cette rei
361 sensible à l’amour de Phèdre. Il déclare donc cet amour incestueux, encore que cette reine ne soit que la belle-mère d’Hippol
362 tels de son père. Ainsi donc, Aricie, c’est « l’ amour que le Père interdit », — un substitut voilé de l’amour incestueux137
363 que le Père interdit », — un substitut voilé de l’ amour incestueux137. (La psychanalyse nous a accoutumés à des déguisements
364 d’horreur que le crime même ; les faiblesses de l’ amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentée
365 était de la race des troubadours qui trahissent l’ Amour pour l’amour : presque tous ont fini en religion. Mais notons-le : da
366 ace des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’ amour  : presque tous ont fini en religion. Mais notons-le : dans une religi
367 ssions champêtres du dimanche.) Spinoza définit l’ amour  : un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C
368 t toujours liées à des passions contraires, notre amour toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est
369 re. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’ Amour n’est plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plus rie
370 ique du désir, mais non plus même pour celle de l’ amour . « Belle vertu, dit Mme d’Épinay, qu’on s’attache avec des épingles !
371 ces épingles ne sont point citées par hasard : «  Amour vous point », disait la rhétorique. Un peu plus tard, le sang coulera
372  : « Au lieu de lui donner les satisfactions de l’ amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’inquiétu
373 l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’ amour la remplit d’inquiétudes, la pousse d’essai en essai, de tentatives e
374 lité voluptueuse. Cette boutade qui réduit tout l’ amour au contact de deux épidermes, j’y vois bien moins l’affirmation d’un
375 Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’ amour chevaleresque : la candeur et la courtoisie. ⁂ Il me semble que la fa
376 t sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’ amour la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la
377 andonne le terrain, il s’enfuit. Or la règle de l’ amour courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la félonie
378 e ces extrêmes : la femme-idéal, pur symbole d’un Amour qui entraîne l’amour au-delà des formes visibles ; et la femme-objet
379 emme-idéal, pur symbole d’un Amour qui entraîne l’ amour au-delà des formes visibles ; et la femme-objet de plaisir, instrumen
380 récises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’ amour que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Ad
381 st cela qui nous enchaîne. On ne tue bien que son amour , parce que lui seul est souverain. Le crime d’amour impur sauvera la
382 our, parce que lui seul est souverain. Le crime d’ amour impur sauvera la pureté. Lisons maintenant avec cette clé la défense
383 désespère d’échapper à ses liens, et qui défie l’ amour spirituel de se manifester en tuant le criminel144. Car là seulement
384 la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’ amour . Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (3e partie, lettre XVI
385 ceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’ amour … » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possess
386 leurs épreuves, Julie appelle « sainte ardeur » l’ amour chaste qui les ravissait — bien qu’il fût dès ce moment condamnable  
387 « crime », « horreurs », « corruption », ce même amour après la possession. La faute qui compte, pour eux, on le voit bien,
388 vidente renaissance du thème courtois — donc de l’ amour réciproque malheureux — chez tous les romantiques allemands sans exce
389 léchi sur la passion. Sans doute, la passion de l’ amour suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Comprends bien
390 e et la foi dans la toute-puissante divinité de l’ Amour qui à jamais nous guidera, invisible, et renforcera sans cesse notre
391 e compagne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’ amour est le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un
392 ères. L’ivresse des sens appartient peut-être à l’ amour comme le sommeil à la vie. Ce n’est pas la plus noble part, et l’homm
393 t citer toutes les œuvres de Tieck, définissant l’ amour comme « une maladie du désir, une divine langueur »150… L’exaltation
394 ge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’ amour chez Novalis. Elle fut pour Kleist « le seul accomplissement » possib
395 seul accomplissement » possible d’une « passion d’ amour suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne sont p
396 nition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai amour qui repousse tout objet pour s’élancer à l’infini. C’est, dit-il, « l
397 que à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’ amour au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il se r
398 à croire à leurs chimères les plus consolantes, l’ amour ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont
399  » dont parle E. T. A. Hoffmann ; mais plutôt cet amour « taciturne et toujours menacé » des plus beaux vers de Vigny. Cette
400 t pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’ amour de l’Amour dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignor
401 pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’ Amour dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignorait, et sa
402 gative. La plupart reviendront aux illusions de l’ amour humain, sans retrouver pourtant la forte naïveté du mythe. Ils raffin
403 justifier ce besoin ; d’où son fameux traité De l’ Amour . Aux premières lignes de la préface, vous le sentez en pleine polémiq
404 tez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de l’ amour , ce petit volume n’est point un roman, et surtout n’est pas amusant c
405 e monde connaît la thèse du traité. Il y a quatre amours différents : l’amour-passion, l’amour-goût, l’amour physique et l’amo
406 urs différents : l’amour-passion, l’amour-goût, l’ amour physique et l’amour de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux
407 mour-passion, l’amour-goût, l’amour physique et l’ amour de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théo
408 54 que cette célèbre théorie revient à faire de l’ amour passionné une simple erreur. « Non point que la passion se trompe sou
409 cond que l’inconstance, se voit amené à définir l’ amour comme « une maladie de l’esprit » — dans la pure tradition antique, s
410 abord inexacte, au regard des faits. Il existe un amour qui, loin de se tromper, est seul capable de découvrir dans l’être ai
411 s « brûlé ». Il consacre deux longs chapitres à l’ amour en Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’amour courtois en
412 Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’ amour courtois en appendice. (Raynouard et Fauriel venaient de provoquer la
413 eule qui remplis toute mon âme, suprême volupté d’ amour  ! L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la pa
414 destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’ Amour condamne, d’une mort selon les lois du jour et de la vengeance, bruta
415 me inspire à Brangaene l’erreur qui doit sauver l’ Amour . Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’initiation. Ainsi l
416 rt, celle qui est le seul accomplissement de leur amour . Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes prisonnières de
417 spérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’ amour est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traît
418 faute des amants légendaires contre les lois de l’ amour chaste transforme l’hymne des troubadours en un roman157 — ainsi les
419 dame Bovary, Thérèse Raquin, La Porte étroite, Un amour de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la
420 e « prolétariennes », par le roman, et le roman d’ amour s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience par
421 e du romantisme, des droits imprescriptibles de l’ amour , et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maîtresse sur
422 nes de pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un Amour de Swann.) Littérature bourgeoise ai-je dit : ses conclusions réguliè
423 c’est-à-dire totalement invertis par rapport à l’ amour courtois. La religion des troubadours se prêtait aux complicités les
424 ion dans tous les domaines Le mythe sacré de l’ amour courtois, au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’ordonner
425 favorisait malgré elle, cette glorification de l’ amour humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté
426 l n’avait pu se traduire que dans les termes de l’ amour humain, bien qu’entendus au sens mystique. Ce sens évanoui restait un
427 s ce que signifiait cette diffuse exaltation de l’ amour . Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaiss
428 es exprimer en figures. Les dernières formes de l’ amour ont été balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemple symbo
429 olique : nous ne faisons plus de « déclarations d’ amour  » dans le même temps que nous admettons la guerre sans « déclaration 
430 oute l’opposition sera donné par le nom même de l’ amour . En face de l’Église de Rome : Roma, se dresse l’Église d’Amour : amo
431 de l’Église de Rome : Roma, se dresse l’Église d’ Amour  : amor, et la seconde accuse la première d’avoir inverti sataniquemen
432 re d’avoir inverti sataniquement le nom même de l’ amour divin, et d’avoir fait de l’Évangile un prétexte à massacrer les « pu
433 les « purs ». 119. Ai-je dit que la chevalerie d’ amour méridionale se distinguait de la chevalerie féodale en ceci surtout :
434 plusieurs fois. Par exemple dans le Triomphe de l’ amour  : « Voici ceux qui remplissent de rêverie les livres — Tristan et Lan
435 t le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’ amour (II, 1). 127. Sainte Thérèse : « De ce désir qui en un instant pénèt
436 ) 144. Voir Appendice 10. 145. Rappelons que l’ amour fameux d’Abélard et Héloïse est le premier exemple historique de la p
437 se reposent de leur labeur Et de leur douloureux amour  ! Ils demandaient l’union des habitants des deux : Déjà ils sont entr
438 Rudel dans Sternbald, et caractérise longuement l’ amour courtois dans le Sabbat des sorcières et dans Phantasus. 151. Il fau
439 an de la Croix : « Viens, Auster qui réveille les amours , — Aspire à travers mon jardin — Et que s’en répandent les odeurs. »
6 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
440 Or passion signifie souffrance. Notre notion de l’ amour enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc liée à u
441 e l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’ amour Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrières pour
442 étaphores guerrières pour décrire les effets de l’ amour naturel. Le dieu d’amour est un archer qui décoche des flèches mortel
443 décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’ amour est un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l
444 éliodore (iiie siècle) parle déjà des « luttes d’ amour  » et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les trait
445 e la tactique des Anciens et leur conception de l’ amour . Les deux domaines restent soumis à des lois tout à fait distinctes,
446 processus décrit plus haut, dans le domaine de l’ amour divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérèse les pl
447 n Ley de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’ amour soit comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’une guerr
448 e guerre épouvantable sévit des deux côtés, car l’ amour ne combat qu’à force de caresses et n’a d’autres menaces que ses tend
449 aite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés dé
450 pelle la chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’ amour et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est, selon J.
451 l’amour et de la guerre « Donner un style à l’ amour  », telle est, selon J. Huizinga l’aspiration suprême de la société mé
452 que les mœurs sont plus féroces. Il faut élever l’ amour à la hauteur d’un rite, la violence débordante de la passion l’exige.
453 l’étiquette, les tournois, la chasse et surtout l’ amour . » Elle a même exercé une influence déterminante sur le droit des gen
454 le mythe, physiquement : — « Les transports de l’ amour romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous forme de lec
455 hevaleresque duché de Bourgogne au xve siècle. L’ amour et la mort s’y marient dans un paysage artificiel et symbolique de tr
456 olique de très haute mélancolie. « L’héroïsme par amour — voilà le motif romanesque qui doit apparaître partout et toujours.
457 se plus élevée : l’action héroïque entreprise par amour . La mort devient alors la seule alternative à l’accomplissement du dé
458 as moins que les conventions de la guerre et de l’ amour courtois ont marqué les coutumes occidentales d’une empreinte qui ne
459 relatif à un changement dans les conceptions de l’ amour , ou inversement. 5. Condottieri et canons L’Italie n’avait jam
460 e l’emploi des canons). Et comment concevait-on l’ amour  ? Burckhardt insiste171 sur le fait que les mariages se concluaient s
461 énale dans la pratique, il en allait de même de l’ amour . Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes jouaien
462 iers… La passion n’y joue plus le moindre rôle. L’ amour lui-même, d’ailleurs, va devenir une tactique. Il perd son auréole dr
463 est le plus propre à illustrer le parallèle de l’ amour et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don
464 tité foncière des phénomènes de la guerre et de l’ amour au xviiie . Voici dans quels termes ils décrivent la « tactique » des
465 époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’ amour , que le siècle révèle peut-être ses qualités les plus profondes, ses
466 la Nation… Nous savons toutefois que la passion d’ amour , par exemple, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’ama
467 ’aimée. Ce que désire Tristan, c’est la brûlure d’ amour plus que la possession d’Iseut. Car la brûlure intense et dévorante d
468 tionaliste, elle aussi, est une autœxaltation, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vrai que sa relation avec autrui
469 sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un amour  : presque toujours, c’est la haine qui apparaît en premier lieu, et q
470 … Ainsi la nation et la Guerre sont liées comme l’ Amour et la Mort. Désormais le fait national sera le facteur dominant de la
471 assez curieux de préciser le parallèle entre les amours de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie p
472 institué par la chevalerie entre les formes de l’ amour et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut
473 son équivalent dans nulle éthique imaginable de l’ amour . C’est que la guerre totale échappe à l’homme et à l’instinct ; elle
474 détendent ses ressorts intimes et personnels. L’ amour , dans l’après-guerre, fut un curieux mélange d’intellectualisme angoi
475 . Et comme on le voit dans le cas de la passion d’ amour , ce but est non seulement nié avec vigueur par les intéressés, mais i
476 , qu’est la moyenne des expressions typiques de l’ amour à une époque donnée — aussi irréelle et aussi signifiante dans le lai
7 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
477 ces trois refus était en vérité la doctrine de l’ Amour , c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et angoissé av
478 incts asservissants. L’apparition de la passion d’ Amour devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adultère
479 is nous avons montré que le symbole courtois de l’ amour pour une Dame (spirituelle), amour évidemment incompatible avec le ma
480 courtois de l’amour pour une Dame (spirituelle), amour évidemment incompatible avec le mariage dans la chair, devait amener
481 est vivre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’ amour était considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encor
482 armés chevaliers parce qu’ils savaient chanter l’ Amour . Et c’est pourquoi certains auteurs ont pu parler d’une féodalité dém
483 n tel jugement se fonde sur une équivoque : car l’ Amour dont il s’agissait n’était rien d’autre que la foi cathare, et l’acce
484 e symbole au pied de la lettre, on « mystifia » l’ amour profane. Et c’est de là que nous vient, par la littérature, cette idé
485 eul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’ amour sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit une absurdité,
486 e. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’ amour fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général : dernier
487 couronne s’il est roi). Voilà le vrai « mariage d’ amour  » moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît une an
488 ers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amours successives. Les catégories se détruisent, l’aventure n’est plus même
489 uisse de nouveau le poursuivre et « ressentir » l’ amour en soi… Tout cela signifie, une fois de plus, que le mythe des amants
490 comparable et autonome à son côté, une exigence d’ amour actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion : je me borne à la
491 Personne, que je sache, n’a encore osé dire que l’ amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du ma
492 ce des contraintes matrimoniales et du mythe de l’ amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond de désespoir et d’anarchie
493 nc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’ amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident no
494 sion veut « la princesse lointaine » tandis que l’ amour chrétien veut « le prochain ». 189. Le Diet de Padma. 190. L’encycl
8 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
495 n que l’on fixe ? Pour attaquer la passion dans l’ amour , il faudrait développer une violence spirituelle qui tuât mieux que l
496 lence spirituelle qui tuât mieux que la passion d’ amour  : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mais enc
497 pieux qui estimait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu e
498 un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’ amour du pécheur pour Dieu est « essentiellement malheureux », et cette pas
499 ’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tri
500 nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’ amour même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-à-dire la seule délivra
501 me pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour , la mort, c’est-à-dire la seule délivrance du moi coupable et asservi
502 r sa femme serait une preuve d’indigence et non d’ amour . La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé, et lo
503 e pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’ amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en
504 aveur de la Nuit, c’est-à-dire du moi glorifié. L’ amour fidèle dans le mariage chrétien témoigne que la volonté de Dieu, même
505 quand elle ruine notre bonheur, est salutaire. L’ amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutis
506 qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais l’ amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité,
507 ’on assume ? 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’ amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa ple
508 os sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’ amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est
509 tion de l’être. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’ amour païen, qui a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascès
510 ne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’ amour . Elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur
511 démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’ amour réellement réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’aiment. D
512 ’égalité de ceux qui s’aiment. Dieu manifeste son amour pour l’homme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint.
513 comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine totale, — no
514 t qu’elle habitue à ne plus séparer le désir et l’ amour . Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour est lent et diffici
515 amour. Car si le désir va vite et n’importe où, l’ amour est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exig
516 e le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’ amour  ». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fait croire
517 qui nous le fait croire, avec son obsession de l’ amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après M. Croce que « le mariag
518 rès M. Croce que « le mariage est le tombeau de l’ amour sauvage »205 (et plus communément du sentimentalisme). L’amour sauvag
519  »205 (et plus communément du sentimentalisme). L’ amour sauvage et naturel se manifeste par le viol, preuve d’amour chez tous
520 age et naturel se manifeste par le viol, preuve d’ amour chez tous les barbares. Mais le viol, comme la polygamie, révèle que
521 a qualité d’égale — en la réduisant à son sexe. L’ amour sauvage dépersonnalise les relations humaines. Par contre, l’homme qu
522 ’est qu’il aime, justement, et qu’en vertu de cet amour , il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détru
523 ent la passion non plus par la morale, mais par l’ amour . 6.Les paradoxes de l’Occident Ces quelques remarques sur la pa
524 core une vie secrète. L’amour-passion n’est pas l’ amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou le « change
525 i est l’Éternel et le Saint — que des relations d’ amour mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo » et celui que Di
526 e tout ex nihilo » et celui que Dieu élit par son amour , « il commence par le réduire à néant ». Du point de vue du monde et
527  ! Car voici : cet homme mort au monde, tué par l’ amour infini, devra marcher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’
528 ni »210… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’ amour , initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente, mai
529 n », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’ amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard ne parvint à « ressaisir
530 n état de présence parfaite à l’objet aimant de l’ amour , et c’est ce qu’il nomme le mariage mystique. L’âme se comporte alors
531 tique. L’âme se comporte alors à l’endroit de son amour avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute
532 un déchirement ; elle ne désire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’
533 s en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’ amour , mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la
9 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
534 bolique des personnages dont ils nous content les amours . Et les traces qui subsistent, dans leur texte, d’anciennes pratiques
535 es chansons de clercs parlent très peu ou point d’ amour . Une seule, la Légende de Girard de Roussillon (composée entre 1150 e
536 1150 et 1180 selon Bédier) contient une épisode d’ amour courtois. Elle est écrite dans un dialecte intermédiaire entre le fra
537 rançaise au « roman » proprement dit. L’épisode d’ amour nous intéresse d’autant plus qu’il décrit une situation fort analogue
538 nous permet de mesurer l’influence décisive de l’ amour courtois sur les auteurs du cycle breton. Voici la donnée : le duc Gi
539 ite reine, et ma sœur, vous l’avez épousée pour l’ amour de moi. Écoutez-moi, vous, comtes Bertolai et Gervais. Et vous, ma ch
540 témoins que par cet anneau je donne à jamais mon amour au duc Girard. Je lui donne de mon oscle la fleur, parce que je l’aim
541 Dès ce moment, ajoute le poète, « dura toujours l’ amour de Girard et d’Elissent, pur de tout reproche, sans qu’il y eût entre
542 c son homonyme) — enfin dans les deux légendes, l’ amour courtois et sa fidélité triomphent idéalement du mariage et de sa fid
543 is que dans le second, il est épique. Là, c’est l’ amour qui conduit à la mort ; ici, ce sont les intérêts féodaux qui entraîn
544 eur des présentes, nous disons et soutenons que l’ amour ne peut étendre ses droits entre mari et femme. Les amants s’accorden
545 stance de sa maîtresse. Celle-ci l’a privé de son amour , disant qu’il s’en est rendu indigne en implorant et en acceptant par
546 êt de la reine Éléonore. Telle est la nature de l’ amour  : les amants feignent souvent de souhaiter d’autres nœuds, pour s’ass
547 u même ordre. 4. – Conceptions orientales de l’ amour Il est bien entendu que j’appelle Orient une certaine attitude tot
548 l’auteur avec un jeune Chinois : « Le concept d’ amour  » n’existe pas en Chine. Le verbe « aimer » est employé seulement pou
549 fondement quelque chose qui se rapproche du mot «  amour  », est oubliée tout de suite pendant la dynastie Han. Les Chinois son
550 rès jeunes par leurs parents, et le problème de l’ amour ne se pose pas. Ils n’ont pas à poursuivre toute la vie cette ombre :
551 ont pas à poursuivre toute la vie cette ombre : l’ amour , ce sentiment aussi vague, incertain, indéfini que tous les autres, e
552 opéen qui se demande toute sa vie : « Est-ce de l’ amour ou non ? Est-ce que j’aime vraiment cette femme, ou est-ce que j’ai d
553 Est-ce que j’aime cet être ou est-ce que j’aime l’ amour  ? », etc., son désespoir quand il découvre après une analyse acharnée
554 dée sur la famille, et la famille sur l’absence d’ amour . Les traditions chinoises insistent sur ce point. Toute manifestation
555 emme est jugée inconvenante. 5. – Mystique et amour courtois Dans un appendice à son beau livre sur la Théologie mysti
556 cette hypothèse en montrant : 1° que l’objet de l’ amour n’est pas le même pour saint Bernard et pour les troubadours, ces der
557 , la sensualité naturelle ; 2° que la nature de l’ amour est très différente dans les deux cas, malgré d’apparentes analogies
558 crit notre auteur — sur l’objet et la nature de l’ amour mystique tel que le conçoit saint Bernard : c’est un amour spirituel,
559 tique tel que le conçoit saint Bernard : c’est un amour spirituel, par opposition à tout amour charnel » (p. 195). L’amour co
560 : c’est un amour spirituel, par opposition à tout amour charnel » (p. 195). L’amour courtois serait au contraire « l’expressi
561 par opposition à tout amour charnel » (p. 195). L’ amour courtois serait au contraire « l’expression poétique de la concupisce
562 du saint Bernard souhaiter d’être débarrassé de l’ amour de Dieu. » Or les troubadours gémissent sous le joug de l’Amour. Donc
563  » Or les troubadours gémissent sous le joug de l’ Amour . Donc cet amour n’est pas spirituel. — Mais plus tard, d’autres mysti
564 dours gémissent sous le joug de l’Amour. Donc cet amour n’est pas spirituel. — Mais plus tard, d’autres mystiques catholiques
565 et souhaiteront d’être libérés des tourments de l’ amour divin : c’est là bien entendu, comme chez les troubadours, une manièr
566 is, si l’on veut déduire d’un tel « refus » que l’ Amour courtois était purement sensuel, la déduction vaudrait aussi pour sai
567 aurait se réjouir. c) Les troubadours chantent l’ amour malheureux. Mais l’amour divin des cisterciens obtient au contraire s
568 s troubadours chantent l’amour malheureux. Mais l’ amour divin des cisterciens obtient au contraire sa récompense. « On lui es
569 , l’obstacle de la transcendance introduit dans l’ amour un malheur essentiel (quoi qu’en ait dit tout à l’heure M. Gilson). O
570 ve donc la situation du troubadour vis-à-vis de l’ amour des êtres. Certes : « la pureté de l’amour courtois sépare les amants
571 s de l’amour des êtres. Certes : « la pureté de l’ amour courtois sépare les amants, au lieu que celle de l’amour mystique les
572 ourtois sépare les amants, au lieu que celle de l’ amour mystique les unit ». Mais il faut voir que les amants courtois ne son
573 s ne sont séparés sur la terre qu’en vertu de cet amour mystique qui les unit à la divinité ! Au contraire, l’amour mystique
574 ique qui les unit à la divinité ! Au contraire, l’ amour mystique orthodoxe n’unit pas de cette façon, mais fait seulement com
575 ait seulement communier. d) Pour démontrer que l’ amour courtois est sensuel, M. Gilson cite encore une strophe de Thibaut de
576 ins de réformer sérieusement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan, nous ne pouvons avoir de doutes sur la nature
577 , de « réformer sérieusement notre conception des amours d’Iseut et de Tristan »… 6. – Dante hérétique Tout à fait indép
578 l’explication du langage symbolique des fidèles d’ Amour dans les compositions lyriques, romans et épopées chevaleresques des
579 mir debout, obtenant une vogue européenne, et des amours d’une pureté angélique à servir de modèles aux races futures ! » Je n
580 te leur vie, correspond à la première touche de l’ amour divin, à la conversion du chrétien. Gottfried de Strasbourg peignant
581 n du chrétien. Gottfried de Strasbourg peignant l’ amour de Rivalen pour Blanchefleur (ce sont les parents de Tristan) accumul
582 mation de ma définition de la passion opposée à l’ amour naturel. 8. – Passion et Ascèse Dans le Tristan de Gottfried de
583 contrée sauvage. Cela veut dire Que le lieu de l’ amour N’est pas dans les routes battues Ni autour des habitations humaines.
584 ur qui conserverait des doutes sur la nature de l’ amour en question, précisons que Gottfried confesse qu’il a, lui aussi, err
585 lé en Cornouailles. Comment pourrait-il s’agir d’ amour physique ? Et le dernier vers indique bien que la « fossure » est pur
586 iode de l’humanité, le régime de la grâce et de l’ Amour . Certains troubadours le connurent. (Richard Cœur de Lion par exemple
587 l fut influencé par l’atmosphère de la religion d’ Amour , en transporta toute la passion dans l’Église et l’orthodoxie, auxque
588 écisément les expressions par trop raffinées de l’ amour qui sont les plus suspectes chez les troubadours ? Au point que l’on