1
igneurs, vous plaît-il d’entendre un beau conte d’
amour
et de mort ?… » Rien au monde ne saurait nous plaire davantage. À tel
2
sait-il rejoindre dans nos cœurs ? Que l’accord d’
amour
et de mort soit celui qui émeuve en nous les résonances les plus prof
3
omme une définition de la conscience occidentale…
Amour
et mort, amour mortel : si ce n’est pas toute la poésie, c’est du moi
4
tion de la conscience occidentale… Amour et mort,
amour
mortel : si ce n’est pas toute la poésie, c’est du moins tout ce qu’i
5
les légendes, et dans nos plus belles chansons. L’
amour
heureux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’amour mortel,
6
ux n’a pas d’histoire. Il n’est de roman que de l’
amour
mortel, c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie même. C
7
de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire de l’
amour
menacé et condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme occident
8
sens, ni la paix féconde du couple. C’est moins l’
amour
comblé que la passion d’amour. Et passion signifie souffrance. Voilà
9
uple. C’est moins l’amour comblé que la passion d’
amour
. Et passion signifie souffrance. Voilà le fait fondamental. Mais l’en
10
qui est passionnant ». Et pourtant, la passion d’
amour
signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les
11
’est insister sur la réalité que notre culte de l’
amour
masque et transfigure à la fois ; c’est mettre au jour ce que ce cult
12
t trahir le tourment innombrable et obsédant de l’
amour
en rupture de loi ? Ne serait-ce pas qu’on cherche à s’évader de son
13
ment, ou au contraire, est-ce une conception de l’
amour
dont on n’a peut-être pas vu qu’elle rend ce lien, dès le principe, i
14
nous vient ce goût du malheur ? Quelle idée de l’
amour
trahit-il ? Quel secret de notre existence, de notre esprit, de notre
15
ètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d’
amours
miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée comme un
16
. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’
amour
est une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fond sur l’hom
17
ur destruction et leur mort ». Ils s’avouent leur
amour
et ils y cèdent. (Notons ici que le texte primitif, suivi par le seul
18
e possible l’importance du philtre, et présente l’
amour
de Tristan et d’Iseut comme une affection spontanée, apparue dès la s
19
ependant des barons « félons » dénoncent au roi l’
amour
de Tristan et d’Iseut. Tristan est banni. Mais à la faveur d’une nouv
20
Iseut veut y voir un « conflit cornélien entre l’
amour
et le devoir ». Cette interprétation classique est d’un aimable anach
21
de la chevalerie du Midi. La décision des cours d’
amour
de la Gascogne est bien connue : félon sera celui qui révèle les secr
22
ue : félon sera celui qui révèle les secrets de l’
amour
courtois. Ce seul exemple suffirait à démontrer que les auteurs du Ro
23
conception de la fidélité et du mariage, selon l’
amour
courtois, est seule capable d’expliquer certaines contradictions frap
24
du récit. Selon la thèse officiellement admise, l’
amour
courtois est né d’une réaction à l’anarchie brutale des mœurs féodale
25
énérateurs de querelles infinies et de guerres, l’
amour
courtois oppose une fidélité indépendante du mariage légal et fondée
26
dépendante du mariage légal et fondée sur le seul
amour
. Il en vient même à déclarer que l’amour et le mariage ne sont pas co
27
le seul amour. Il en vient même à déclarer que l’
amour
et le mariage ne sont pas compatibles : c’est le fameux jugement d’un
28
mpatibles : c’est le fameux jugement d’une cour d’
amour
tenue chez la comtesse de Champagne. (Appendice 3.) Si Tristan, et l’
29
à la loi supérieure du donnoi, c’est-à-dire de l’
amour
courtois. (Donnoi, ou domnei en provençal, désigne la relation de vas
30
autant qu’au mariage, à la « satisfaction » de l’
amour
. « Il ne sait de donnoi vraiment rien celui qui désire l’entière poss
31
l’entière possession de sa dame. Cela n’est plus
amour
, qui tourne à la réalité 13. » Voilà qui nous met sur la voie d’une p
32
dant il la livre à Marc : c’est que la règle de l’
amour
courtois s’oppose à ce qu’une telle passion « tourne à la réalité »,
33
dopte, faire valoir le droit de la force… Étrange
amour
, va-t-on penser, qui se conforme aux lois qui le condamnent, afin de
34
are et les martyrise ? Répondre : ainsi le veut l’
amour
courtois, ce n’est pas encore répondre sur le fonds, car il s’agit de
35
car il s’agit de savoir pourquoi l’on préfère cet
amour
à l’autre, à celui qui se « réalise », à celui qui se « satisfait ».
36
u que les obstacles extérieurs qui s’opposent à l’
amour
de Tristan sont dans un certain sens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne
37
u lecteur ? Mais c’est tout un, car le démon de l’
amour
courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’où naît leur souf
38
mants ? Oui, mais au nom de la passion, et pour l’
amour
de l’amour même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigur
39
, mais au nom de la passion, et pour l’amour de l’
amour
même qui les tourmente, pour l’exalter, pour le transfigurer — au dét
40
défend au sein de la tentation… 8.L’amour de l’
amour
De tous les maux, le mien diffère ; il me plaît ; je me réjouis de
41
près de son ami ; plus heureuse dans le malheur d’
amour
que dans leur vie commune du Morois… ⁂ On sait d’ailleurs que par la
42
elle, elle par lui… » L’égoïsme apparent d’un tel
amour
expliquerait à lui seul bien des « hasards », bien des malices opport
43
it et tout le confirme. Ce qu’ils aiment, c’est l’
amour
, c’est le fait même d’aimer. Et ils agissent comme s’ils avaient comp
44
’ils avaient compris que tout ce qui s’oppose à l’
amour
le garantit et le consacre dans leur cœur, pour l’exalter à l’infini
45
mants résulte ainsi de leur passion même, et de l’
amour
qu’ils portent à leur passion plutôt qu’à son contentement, plutôt qu
46
é par l’existence concrète du mari, méprisé par l’
amour
courtois. Occasion de prouesse classique et de rebondissements facile
47
ns le mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’
amour
de Tristan et Iseut. Et en effet, la grande sagesse du vieux Béroul,
48
it un progrès vers la Mort ! Mais vers une mort d’
amour
, vers une mort volontaire au terme d’une série d’épreuves dont Trista
49
e leur destin qu’ils accomplissent en mourant par
amour
: c’est une revanche sur le philtre. Et l’on assiste, in extremis, a
50
i transfigure. Nous touchons au secret dernier. L’
amour
de l’amour même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une v
51
re. Nous touchons au secret dernier. L’amour de l’
amour
même dissimulait une passion beaucoup plus terrible, une volonté prof
52
ère à égarer le jugement. La passion interdite, l’
amour
inavouable, se créent un système de symboles, un langage hiéroglyphiq
53
u’on aime et besoin de le soustraire au jugement,
amour
du risque et instinct de prudence. Interrogez celui qui use d’un tel
54
e Dieu qui promet sa grâce, et la « vive flamme d’
amour
» éclose aux « déserts » de la Nuit. Tristan, lui, ne peut rien avoue
55
tin sur la personne libre et responsable. Aimer l’
amour
plus que l’objet de l’amour, aimer la passion pour elle-même, de l’am
56
responsable. Aimer l’amour plus que l’objet de l’
amour
, aimer la passion pour elle-même, de l’amabam amare d’Augustin jusqu’
57
e toute sa raison condamne ? Pourquoi veut-il cet
amour
dont l’éclat ne peut être que son suicide ? C’est qu’il se connaît et
58
quoi préférons-nous à tout autre récit celui d’un
amour
impossible ? C’est que nous aimons la brûlure, et la conscience de ce
59
ître, et de se connaître. Il cherche simplement l’
amour
le plus sensible. Mais c’est encore l’amour dont quelque entrave vien
60
ent l’amour le plus sensible. Mais c’est encore l’
amour
dont quelque entrave vient retarder l’heureux accomplissement. Ainsi,
61
ureux accomplissement. Ainsi, soit qu’on désire l’
amour
le plus conscient, ou simplement l’amour le plus intense, on désire e
62
désire l’amour le plus conscient, ou simplement l’
amour
le plus intense, on désire en secret l’obstacle. Au besoin, on le cré
63
e partie de notre psychologie. Sans traverses à l’
amour
, point de « roman ». Or c’est le roman qu’on aime, c’est-à-dire la co
64
en l’on tombe dans une idylle de carte postale. L’
amour
heureux n’a pas d’histoire dans la littérature occidentale. Et l’amou
65
d’histoire dans la littérature occidentale. Et l’
amour
qui n’est pas réciproque ne passe point pour un amour vrai. La grande
66
r qui n’est pas réciproque ne passe point pour un
amour
vrai. La grande trouvaille des poètes de l’Europe, ce qui les disting
67
qu’il repousse, magnifié par sa catastrophe, — l’
amour
réciproque malheureux. ⁂ Arrêtons-nous sur cette formule du mythe. Am
68
reux. ⁂ Arrêtons-nous sur cette formule du mythe.
Amour
réciproque, en ce sens que Tristan et Iseut « s’entr’aiment », ou du
69
fidélité exemplaire. Mais le malheur, c’est que l’
amour
qui les « demeine » n’est pas l’amour de l’autre tel qu’il est dans s
70
c’est que l’amour qui les « demeine » n’est pas l’
amour
de l’autre tel qu’il est dans sa réalité concrète. Ils s’entr’aiment,
71
par moi, perdu par moi ! » chantait Isolde en son
amour
sauvage. Et la chanson du marinier, du haut du mât, prédit leur sort
72
réel et la Norme du Jour, malheur essentiel de l’
amour
: ce que l’on désire, on ne l’a pas encore — c’est la Mort — et l’on
73
les prive à jamais de tout espoir humain, de tout
amour
possible, au sein de l’obstacle absolu et d’une suprême exaltation qu
74
Derrière le goût du romanesque, il y a celui de l’
amour
pour lui-même. Et cela suppose une recherche secrète de l’obstacle fa
75
une recherche secrète de l’obstacle favorable à l’
amour
. Mais ce n’est encore là que le masque d’un amour de l’obstacle en so
76
amour. Mais ce n’est encore là que le masque d’un
amour
de l’obstacle en soi. Et l’obstacle suprême, c’est la mort, qui se ré
77
talité. Incidemment, nous avons indiqué qu’un tel
amour
n’est pas sans lien profond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il
78
ants ont bu le philtre est un péché aux yeux de l’
amour
courtois non moins qu’aux yeux de la morale chrétienne et féodale. Ma
79
uissant pas du plaisir d’aimer à cœur saoul, leur
amour
en demeure toujours frais, et que leurs enfants en viennent plus robu
80
tatation des lois du corps n’explique nullement l’
amour
d’un Tristan, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’interve
81
enne… L’antiquité n’a rien connu de semblable à l’
amour
de Tristan et d’Iseut. On sait assez que pour les Grecs et les Romain
82
n sait assez que pour les Grecs et les Romains, l’
amour
est une maladie (Ménandre) dans la mesure où il transcende la volupté
83
ur la troubler d’humeurs malignes. Ce n’est pas l’
amour
tel qu’il le loue. Mais il est une autre espèce de fureur, ou de déli
84
divinité et porte notre élan vers Dieu. Tel est l’
amour
platonicien : « délire divin », transport de l’âme, folie et suprême
85
près de l’être aimé « comme dans le ciel », car l’
amour
est la voie qui monte par degrés d’extase vers l’origine unique de to
86
-delà du malheur d’être soi et d’être deux dans l’
amour
même. L’Éros, c’est le Désir total, c’est l’Aspiration lumineuse, l’é
87
s sans rappeler la dialectique platonicienne de l’
Amour
. La femme figure aux yeux des druides un être divin et prophétique. C
88
n proie au lumineux Désir. Tel est le combat de l’
amour
sexuel et de l’Amour, et il exprime l’angoisse fondamentale des anges
89
ésir. Tel est le combat de l’amour sexuel et de l’
Amour
, et il exprime l’angoisse fondamentale des anges déchus dans des corp
90
rs que pour les sacrifier. L’accomplissement de l’
Amour
nie tout amour terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur terrestre.
91
sacrifier. L’accomplissement de l’Amour nie tout
amour
terrestre. Et son Bonheur nie tout bonheur terrestre. Considéré du po
92
stre. Considéré du point de vue de la vie, un tel
Amour
ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le grand fond du paganis
93
secrète incantation d’un mythe ? 3.Agapè ou l’
amour
chrétien Prologue de l’Évangile de Jean : Au commencement était la
94
centre de tout le christianisme, et le foyer de l’
amour
chrétien que l’Écriture nomme Agapè. Événement sans précédent, et « n
95
n tant que l’Esprit veut les sauver. Désormais, l’
amour
n’est plus fuite et perpétuel refus de l’acte. Il commence au-delà de
96
se retourne vers la vie. Et cette conversion de l’
amour
fait apparaître le prochain. Pour l’Éros, la créature n’était qu’un p
97
et séparé, mais sans pécher et sans se diviser, l’
Amour
de Dieu nous a ouvert une voie radicalement nouvelle : celle de la sa
98
tion. Éros cherchait le dépassement à l’infini. L’
amour
chrétien est obéissance dans le présent. Car aimer Dieu, c’est obéir
99
nstant, changent de sens. Le nouveau symbole de l’
Amour
, ce n’est plus la passion infinie de l’âme en quête de lumière, mais
100
mais c’est le mariage du Christ et de l’Église. L’
amour
humain lui-même s’en trouve transformé. Tandis que les mystiques païe
101
ordre, et là, le sanctifie par le mariage. Un tel
amour
, étant conçu à l’image de l’amour du Christ pour son Église (Éph., 5,
102
mariage. Un tel amour, étant conçu à l’image de l’
amour
du Christ pour son Église (Éph., 5, 25), peut être vraiment réciproqu
103
autre tel qu’il est — au lieu d’aimer l’idée de l’
amour
ou sa mortelle et délicieuse brûlure. (« Il vaut mieux se marier que
104
it saint Paul aux Corinthiens.) De plus, c’est un
amour
heureux — malgré les entraves du péché — puisqu’il connaît dès ici-ba
105
vons donc point de prochain. Et l’exaltation de l’
Amour
sera en même temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie. A
106
issant. Dieu nous cherche et nous a trouvés par l’
amour
de son Fils abaissé jusqu’à nous. L’Incarnation est le signe historiq
107
ton prochain comme toi-même. » C’est ainsi dans l’
amour
du prochain que le chrétien se réalise et s’aime lui-même en vérité.
108
fusion ni d’exaltée dissolution du moi en Dieu. L’
Amour
divin est l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appell
109
est-on pas en droit de conclure que cette forme d’
amour
nommée passion doit normalement se développer au sein des peuples qui
110
nt26, et dans la Grèce contemporaine de Platon, l’
amour
humain est très généralement conçu comme le plaisir, la simple volupt
111
éalisation historique Paganisme Union mystique (
amour
divin heureux). Amour humain malheureux. Hédonisme, passion rare et m
112
Paganisme Union mystique (amour divin heureux).
Amour
humain malheureux. Hédonisme, passion rare et méprisée. Christianis
113
hristianisme Communion (pas d’union essentielle).
Amour
du prochain. (Mariage heureux.) Conflits douloureux, passion exaltée.
114
religion dont on trahit l’esprit. Platon liait l’
Amour
à la Beauté. Mais la Beauté qu’il entendait, c’était d’abord l’essenc
115
its à une terrible confusion : à cette idée que l’
amour
dépend avant tout de la beauté physique — alors qu’en fait cette beau
116
ibut conféré par l’amant à l’objet de son choix d’
amour
. L’expérience quotidienne montre bien que « l’amour embellit son obje
117
our. L’expérience quotidienne montre bien que « l’
amour
embellit son objet », et que la beauté « officielle » n’est pas un ga
118
e un nom par ailleurs bien connu : la cortezia, l’
amour
courtois. 6.L’amour courtois : troubadours et cathares Que tout
119
que la poésie des troubadours ? L’exaltation de l’
amour
malheureux. « Il n’y a dans toute la lyrique occitane et la lyrique p
120
yrique pétrarquesque et dantesque qu’un thème : l’
amour
; et pas l’amour heureux, comblé ou satisfait (ce spectacle ne peut r
121
que et dantesque qu’un thème : l’amour ; et pas l’
amour
heureux, comblé ou satisfait (ce spectacle ne peut rien engendrer), l
122
atisfait (ce spectacle ne peut rien engendrer), l’
amour
perpétuellement insatisfait au contraire ; enfin, que deux personnage
123
exaltante et fervente. Ce qu’elle exalte, c’est l’
amour
hors du mariage, car le mariage ne signifie que l’union des corps, ta
124
de l’âme vers l’union lumineuse, au-delà de tout
amour
possible en cette vie. Voilà pourquoi l’Amour suppose la chasteté. E
125
out amour possible en cette vie. Voilà pourquoi l’
Amour
suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz (d’amour vient chasteté) c
126
our suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz (d’
amour
vient chasteté) chante le troubadour toulousain Guilhem Montanhagol.
127
e le troubadour toulousain Guilhem Montanhagol. L’
amour
suppose aussi un rituel : le domnei ou donnoi, vasselage amoureux. Le
128
fidélité, comme on fait à un suzerain. En gage d’
amour
, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoignait d
129
femme. D’où vient cette conception nouvelle de l’
amour
« perpétuellement insatisfait », et cette louange enthousiaste et pla
130
que la poésie provençale et les conceptions de l’
amour
qu’elle illustre, « loin de s’expliquer par les conditions où elle na
131
paraît non moins évident que leur conception de l’
amour
venait d’ailleurs. Quel pouvait être cet ailleurs ? La même question
132
de nos professeurs — de voir dans ces chansons d’
amour
, qui forment les trois quarts de la poésie provençale, une image fidè
133
s de leurs variations, les dogmes de l’« Église d’
Amour
», nom que l’on a donné parfois à l’hérésie aussi dite « albigeoise »
134
mondes et de deux créations. En effet : Dieu est
Amour
, mais le monde est mauvais. Donc Dieu ne saurait être l’auteur du mon
135
des « purs » jusqu’à la mort volontaire, mort par
amour
de Dieu, consommation du détachement suprême de toute loi matérielle.
136
les suivantes. D’une part, l’hérésie cathare et l’
amour
courtois se développent simultanément, dans le temps (xiie siècle) c
137
es clairs troubadours, joyeux et fous, chantant l’
amour
, le printemps, l’aube, les vergers fleuris et la Dame ? Tout notre ra
138
par un même mouvement de l’esprit l’hérésie et l’
amour
courtois, n’équivaut-il pas au refus de les comprendre isolément ? ⁂
139
âteau de Fanjeaux, qui me semble le Paradis ; car
amour
et joie s’y enferment, ainsi que tout ce qui convient à l’honneur, et
140
l’entendeire) comme on distingue dans l’Église d’
Amour
les « croyants » et les « parfaits » ? Et s’ils raillent les liens du
141
même de cette question débattue dans les cours d’
amour
: « Un chevalier peut-il être à la fois marié et fidèle à sa dame ? »
142
dans leurs « pensées » une autre Dame, l’Église d’
Amour
… Bernard Gui, dans son Manuel de l’Inquisiteur, n’affirme-t-il pas qu
143
ce qui le guérirait de son désir, si justement l’
amour
sans fin n’était le mal qu’il aime, la « joy d’amor », le délire qui
144
le thème de la séparation, le leitmotiv de tout l’
amour
courtois : Dieu ! comment se peut-il faire Que plus m’est loin, plus
145
initiatique ? Renoncez, je vous le dis, au nom d’
Amour
et au mien renoncez, perfides délateurs, accomplis en toute malice, à
146
l est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel
Amour
en fut l’idée platonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’Amou
147
latonicienne ? Dans sa chanson Du moindre tiers d’
Amour
— celui des femmes — Guiraut de Calanson dit des deux autres tiers, l
148
Guiraut de Calanson dit des deux autres tiers, l’
amour
des parents et l’amour divin : Au second tiers conviennent Noblesse
149
t des deux autres tiers, l’amour des parents et l’
amour
divin : Au second tiers conviennent Noblesse et Merci ; et le premie
150
tion qu’au-dessus du ciel plane son pouvoir. Cet
Amour
un en trois, ce principe féminin (Amor en provençal est du genre fémi
151
plement », qu’une manie d’idéaliser la femme et l’
amour
naturel. Mais d’où provient donc cette manie ? D’une « humeur idéalis
152
erche. Si la Dame n’est pas simplement l’Église d’
Amour
des cathares (comme ont pu le croire Aroux et Péladan), ni la Maria-S
153
ue son âme emprisonnée dans le corps appelle d’un
amour
nostalgique que la mort seule pourra combler ? Dans les Képhalaïa ou
154
a main droite et le salue également d’un baiser d’
amour
; comment enfin l’élu vénère sa propre forme de lumière, sa salvatric
155
t lieu » pour lui53, le troubadour souffrant de l’
amour
vrai ? Un seul baiser, un seul regard, un seul salut. Jaufré Rudel, a
156
egard, un seul salut. Jaufré Rudel, au terme d’un
amour
conçu pour une femme qu’il n’a jamais vue, rejoignant enfin cette ima
157
ais tirée des poèmes qui chantent bel et bien « l’
amour
de loin ». Il y eut aussi des dames « réelles »… Mais le furent-elles
158
t d’elle qu’ils parlaient ; 3° Qu’au contraire, l’
amour
qu’ils exaltent n’est que l’idéalisation ou la sublimation du désir s
159
er comme absurde une poétique et une éthique de l’
amour
d’où sont issues, dans les siècles suivants, les plus belles œuvres d
160
se. Sublime encore, quand il suit les usages de l’
amour
profane et célèbre le jour de l’an et le premier mai en offrant une c
161
l’honneur de la Trinité, et le dernier quart par
amour
pour la Mère céleste qui donnait à manger une pomme à son tendre enfa
162
ux des initiés et des sympathisants de l’Église d’
Amour
. Normalement, il ne serait venu à personne cette idée, strictement mo
163
ic en majorité favorable à l’hérésie, une forme d’
amour
qui se trouvait correspondre (et répondre) à la situation morale très
164
religieuse d’un vêtement profane, à appliquer à l’
amour
divin les formules consacrées par l’usage à l’expression de l’amour h
165
rmules consacrées par l’usage à l’expression de l’
amour
humain58. » Le trobar clus ne serait ainsi qu’un jeu littéraire, un «
166
» un symbolisme même dogmatique à l’origine. 3. L’
Amour
courtois serait une idéalisation de l’amour charnel. C’est la thèse l
167
3. L’Amour courtois serait une idéalisation de l’
amour
charnel. C’est la thèse la plus courante. On pourrait se borner à rap
168
généralement sur la conception qu’on se fait de l’
amour
, et surtout que le vocabulaire de la galanterie se règle sur celui de
169
e, sont ici rapportées expressément au refus de l’
amour
physique. Au surplus, nous verrons plus tard les poèmes de Dante être
170
sexuel, ou comme dit Platon dans le Banquet : « l’
amour
de gauche. » ⁂ Tout ceci m’amène à conclure — quels qu’aient pu être
171
Al-Ghazali et Sohrawardi d’Alep, troubadours de l’
Amour
suprême, chantres courtois de l’Idée voilée, objet aimé mais en même
172
nterdit, devint le symbole de la divine ivresse d’
amour
.) Mais compte tenu de cette difficulté particulière — qui n’est d’ail
173
nt ainsi une communauté — comparable à l’Église d’
Amour
des cathares. b) selon le manichéisme iranien, dont s’inspiraient les
174
sistent sur la nécessité de garder le secret de l’
Amour
divin. Ils dénoncent sans relâche les indiscrets qui voudraient s’enq
175
res siècles) ? g) Enfin, la louange de la mort d’
amour
est le leitmotiv du lyrisme mystique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le
176
stique des Arabes. Ibn-al-Faridh : Le repos de l’
amour
est une fatigue, son commencement une maladie, sa fin la mort. Pour m
177
e, sa fin la mort. Pour moi cependant la mort par
amour
est une vie ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. C
178
me l’avoir offerte. Celui qui ne meurt pas de son
amour
ne peut en vivre. C’est ici le cri même de la mystique occidentale m
179
it été le martyre religieux au sommet de la joy d’
amour
: Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui dis : Maître qu’
180
rant à elle les amoureux68. ⁂ On sait enfin que l’
amour
platonique fut révéré par une tribu dont le prestige était grand dans
181
de arabe, celle des Banou Ohdri où l’on mourait d’
amour
à force d’exalter le désir chaste, selon le verset du Coran : « Celui
182
stient de tout ce qui est interdit, qui garde son
amour
secret, et qui meurt de son secret, celui-là meurt martyr. » « L’amou
183
meurt de son secret, celui-là meurt martyr. » « L’
amour
ohdri » devint, jusqu’en Andalousie, le nom même de l’amour qui va s’
184
i » devint, jusqu’en Andalousie, le nom même de l’
amour
qui va s’appeler courtois dans le Midi, puis remonter vers le nord ce
185
sa doctrine ésotérique de la Sophia-Maria et de l’
amour
pour la « forme de lumière ». D’autre part, une rhétorique hautement
186
liées depuis quinze ans par les spécialistes de l’
amour
courtois, du catharisme et du manichéisme, et peut-être l’expérience
187
autant qu’il est possible, la problématique de l’
amour
courtois — parce que je la crois vitale pour l’Occident moderne, et p
188
condamnant le mariage mais fondant une « Église d’
Amour
», opposée à l’Église de Rome71, envahit rapidement la France, de Rei
189
platonicienne du principe féminin, le culte de l’
Amour
contre le mariage, en même temps que la chasteté. Saint Bernard de Cl
190
faits, puis oppose à la cortezia la mystique de l’
Amour
divin. De nombreux commentaires du Cantique des Cantiques sont écrits
191
cette montée puissante et comme universelle de l’
Amour
et du culte de la Femme idéalisée, l’Église et le clergé ne pouvaient
192
’agressivité du fils contre le père (obstacle à l’
amour
pour la mère) et par le sentiment de culpabilité qui en résulte. Le p
193
lié à la mère (donc au principe féminin) inhibe l’
amour
: tout ce qui touche à la femme reste « impur ». Ce complexe de senti
194
ut se porter sur le Dieu-Esprit. En même temps, l’
amour
pour la femme se trouve partiellement libéré : il peut enfin s’avouer
195
e ; enfin, à cette montée puissante du culte de l’
Amour
, dont je viens de rappeler les manifestations. Nous voici donc devant
196
pparaît la cortezia, « religion » littéraire de l’
Amour
chaste, de la femme idéalisée, avec sa « piété » particulière, la joy
197
oute l’Europe. Or nous voyons cette religion de l’
amour
ennoblissant célébrée par les mêmes hommes qui persistent à tenir la
198
qui leur demandaient non pas tant une illusion d’
amour
sincère qu’un antipode spirituel au mariage où elles avaient été cont
199
y accorde une grande importance à toute sorte d’«
amour
» et le rituel de maithuna apparaît comme le couronnement d’un lent e
200
La « chasteté » tantrique consiste donc à faire l’
amour
sans le faire, à rechercher l’exaltation mystique et la béatitude à t
201
nt dans la réalité fatale du Karma. 5. La joie d’
amour
. — En contraste indéniable avec ces textes mystiques et cette abstrus
202
s décrivent comme de purs « rhétoriqueurs82 ». D’
Amour
, je sais qu’il donne aisément grande joie à celui qui observe ses loi
203
1127. Dès le début du xiie siècle, ces « lois d’
Amour
» sont donc déjà fixées, comme un rituel. Ce sont Mesure, Service, Pr
204
oici la Chasteté : Celui qui se dispose à aimer d’
amour
sensuel se met en guerre avec lui-même, car le sot après avoir vidé s
205
te contenance ! (Marcabru.) Écoutez ! Sa voix (d’
Amour
) paraîtra douce comme le chant de la lyre, si seulement vous lui coup
206
r « d’éterniser le désir ».) C’est au comble de l’
amour
(vrai) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de
207
e » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’
amour
coupable et de son « angoisse ». Il va plus loin dans la libération :
208
joie ne me plaît autant que la possession de cet
amour
lointain. La « joie d’Amour » n’est pas seulement libératrice du dési
209
la possession de cet amour lointain. La « joie d’
Amour
» n’est pas seulement libératrice du désir dominé par Mesure et Proue
210
a cent ans qui réussira à posséder la joie de son
amour
. (Guillaume de Poitiers.) Je n’ai cité que des poètes de la première
211
eurs modèles avaient chanté. « Ce n’est plus de l’
amour
courtois, si on le matérialise ou si la Dame se rend comme récompense
212
nt Désir, Prière, Servir, Baiser et Faire, par où
Amour
périt. » Les quatre degrés sont « honorer, dissimuler, bien servir, p
213
ien servir, patiemment attendre84 ». Quant à Faux
Amour
, il se voit vertement dénoncé par Marcabru et ses successeurs, en des
214
peuvent éclairer indirectement sur la nature de l’
amour
vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord, dit Ma
215
l lie partie avec le diable, celui qui couve Faux
Amour
». (Et en effet, le diable n’est-il pas le père de la création matéri
216
n, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai
Amour
sont les « homicides, traîtres, simoniaques, enchanteurs, luxurieux,
217
s à toute ruine », et tourmentés en enfer. Noble
Amour
a promis qu’il en serait ainsi, là sera la lamentation des désespérés
218
là sera la lamentation des désespérés. Ah ! noble
Amour
, source de bonté, par qui le monde entier est illuminé, je te crie me
219
vent des ambiguïtés ménagées par le « service » d’
amour
courtois, Cercamon n’hésite pas à écrire en mettant les points sur le
220
ants, les femmes et les époux. Ils vous disent qu’
Amour
va de travers, et c’est pourquoi les maris deviennent jaloux et les d
221
En lieu et place de conclusions définitives. — L’
amour
courtois ressemble à l’amour encore chaste — et d’autant plus brûlant
222
ons définitives. — L’amour courtois ressemble à l’
amour
encore chaste — et d’autant plus brûlant — de la première adolescence
223
e la première adolescence. Il ressemble aussi à l’
amour
chanté par les poètes arabes, homosexuels pour la plupart, comme le f
224
prendre — si rien ne suffit à l’« expliquer » — l’
amour
courtois. Au terme de l’espèce de contre-enquête à laquelle je viens
225
rale au-dessus de mes premières constatations : l’
amour
courtois est né au xiie siècle, en pleine révolution de la psyché oc
226
ence intime, perpétuellement nouvelle. 11.De l’
Amour
courtois au roman breton Remontons maintenant du Midi vers le nord
227
en — une transposition romanesque des règles de l’
amour
courtois et de sa rhétorique à double sens. « C’est du contact des lé
228
i roman qui a donné son style et sa doctrine de l’
amour
aux « romanciers » du cycle de la Table ronde. Et l’on peut suivre le
229
toriques. Aliénor de Poitiers, quittant sa cour d’
amour
languedocienne, avait épousé Louis VII, puis en l’an 1154, Henri II P
230
anglo-normands reçurent le code et le secret de l’
amour
courtois87. Chrétien de Troyes déclare tenir le fond et l’esprit de s
231
Champagne, fille d’Aliénor, célèbre par sa cour d’
amour
où le mariage fut condamné. Chrétien avait écrit un Roman de Tristan
232
s si Chrétien de Troyes a bien compris les lois d’
amour
que lui enseignait Marie de Champagne. Nous ne savons dans quelle mes
233
eurs. Ils ont traité un thème nouveau, celui de l’
amour
physique, c’est-à-dire de la faute. (Et j’entends bien la faute au se
234
tien de Troyes ne sont pas seulement des poèmes d’
amour
, comme on le répète, mais de véritables romans. C’est qu’à la différe
235
aux, ils s’attachent à décrire les trahisons de l’
amour
, au lieu d’exprimer seulement l’élan de la passion dans sa pureté mys
236
elot — comme de Tristan — c’est le péché contre l’
amour
courtois, la possession physique d’une femme réelle, la « profanation
237
sique d’une femme réelle, la « profanation » de l’
amour
. Et c’est à cause de cette faute initiale que Lancelot ne trouvera pa
238
este. Il a choisi la voie terrienne, il a trahi l’
Amour
mystique, il n’est pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sau
239
courtois, c’est la tragédie intérieure. Enfin, l’
amour
celtique (en dépit de la sublimation religieuse de la femme par les d
240
use de la femme par les druides) est avant tout l’
amour
sensuel97. Le fait que dans certaines légendes cet amour s’oppose sec
241
ensuel97. Le fait que dans certaines légendes cet
amour
s’oppose secrètement à l’amour religieux orthodoxe, et se voit donc c
242
aines légendes cet amour s’oppose secrètement à l’
amour
religieux orthodoxe, et se voit donc contraint de s’exprimer par des
243
érités du vieux fond breton. Ce principe, c’est l’
amour
de la douleur considérée comme une ascèse, le « mal aimé » des trouba
244
nt-il à beaucoup de gens. Dans d’amers déboires d’
amour
, angoisses, lourdes peines et tourments, ce qu’ils font pour s’y sous
245
éléments sur lesquels la doctrine hérétique de l’
Amour
, profondément manichéenne dans son esprit, opéra ses transmutations.
246
il remplace la forêt du Morois par une « Grotte d’
Amour
», la Minnegrotte, qui lui permet de comparer l’architecture d’une ég
247
e d’une église chrétienne et celle du temple de l’
amour
; c) il décide que le mariage de Tristan avec Iseut aux blanches mai
248
rofonde subsiste ici encore) de la substance de l’
Amour
. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur des clunisiens dans les m
249
te ici encore) de la substance de l’Amour. Or cet
Amour
s’oppose à la ferveur du cœur des clunisiens dans les mêmes termes qu
250
ialisé : le mariage unissant deux corps même sans
amour
, et que les cathares n’ont pas cessé de dénoncer comme jurata fornica
251
rallèle — évité par Thomas — avec le mariage sans
amour
d’Iseut la Blonde et du roi Marc. L’un et l’autre se voient stigmatis
252
eucharistique opérée dans la Minnegrotte. Faire l’
amour
sans aimer selon la courtoisie (ici Minne), céder à la sensualité pur
253
gieux du xiie siècle, toutes les confusions de l’
amour
deviennent mieux que possibles : inévitables. Nous n’en sommes pas so
254
les corps sont voués au désir, dont le philtre d’
amour
symbolise l’inéluctable tyrannie. L’homme n’est pas libre. Il est dét
255
e au-delà du temps et de l’espace la réalité de l’
Amour
, cette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’amour : la Joie s
256
ette fusion de deux « moi » cessant de souffrir l’
amour
: la Joie suprême. Ce que Wagner a repris à Gottfried, c’est tout ce
257
n tragique entre le Bien — qui ne peut être que l’
Amour
— et le Mal triomphant dans le monde créé. Ce que Wagner, en somme, a
258
e qui s’opère dans les expressions poétiques de l’
amour
courtois, lorsqu’on passe du Midi des troubadours au Nord plus barbar
259
ue est parfois étrangement semblable à celui de l’
amour
courtois. Nos grandes littératures sont pour une bonne partie des laï
260
re point à de stupides exploits… j’ai échappé à l’
amour
. » Je reviendrai sur la situation paradoxale des poètes courtois cont
261
oyer entre la double condamnation portée contre l’
amour
sexuel par les Parfaits et contre l’amour idéalisé mais « adultère »
262
ontre l’amour sexuel par les Parfaits et contre l’
amour
idéalisé mais « adultère » par les catholiques. 55. Poésie lyrique
263
gage des troubadours soit le langage naturel de l’
amour
humain, transposé à l’amour divin. Alors qu’historiquement, c’est le
264
langage naturel de l’amour humain, transposé à l’
amour
divin. Alors qu’historiquement, c’est le contraire qui s’est produit.
265
maines. Toutefois, le narcissisme inhérent à tout
amour
dit platonique entraîne évidemment, dans le plan sexuel, des déviatio
266
Passion de al-Hallaj, p. 161) : « Adorer Dieu par
amour
seulement est le crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par amo
267
crime des manichéens… (ceux-ci) adorent Dieu par
amour
physique, par l’attraction magnétique du fer pour le fer, et leurs pa
268
uction au Familier des Amants. 67. « C’est lui l’
amour
… trad. Dermenghem, Hermès, décembre 1933. 68. Cf. Massignon et Kraus
269
la colombe d’Ibn Hazm — qui est une théorie de l’
amour
courtois arabe — et son ouvrage d’ensemble, Hispano-Arabic Poetry and
270
lique d’avoir inverti le nom même du Dieu qui est
Amour
. 72. Ce qui n’empêchera pas l’Église de Rome, en la personne du pape
271
— et Servir à tactus.) Le thème des Cinq lignes d’
amour
peut être suivi à travers toute la poésie latine du Moyen Âge, jusqu’
272
« Les nobles poètes disent que cinq lignes y a en
amours
… le regard, le parler, l’attouchement, le baiser, et le dernier qui e
273
honnêteté le don de mercy. » Le contraste avec l’
amour
courtois est clair. Et non moins le sens donné à mercy, que plusieurs
274
occulte qui naissait de l’élan charnel réprimé… L’
amour
pur, c’est celui qui reste tel dans des circonstances périlleuses, pr
275
utes les manœuvres charnelles, sauf « l’acte »… L’
amour
contenu est bien le moteur intérieur de cette Quête, qui a bien tous
276
oir deviné le caractère « tantrique » que prend l’
amour
courtois, dans le cycle breton, plus réellement, je crois, que dans l
277
as imité le sic et non d’Abélard ? L’exemple de l’
amour
du docteur pour la Nonne n’a cessé de hanter l’auteur de la plus théo
278
cisme en le « ramenant » à quelque déviation de l’
amour
humain, c’est-à-dire en fin de compte : à la sexualité. Or l’examen d
279
Il faudrait alors expliquer pourquoi c’est dans l’
amour
sexuel, et non pas dans la respiration ou la nutrition, par exemple,
280
quoi l’on parle. Si au contraire on rapporte cet
amour
à quelque chose d’étranger au sexe — il en résulte des choses bizarre
281
effet de reposer sur une faute contre les lois d’
amour
courtois, puisque tout le drame vient de l’adultère consommé. De là q
282
teurs de la légende. Et la faute n’est pas dans l’
amour
, mais dans sa « réalisation »… ⁂ Si délicate et périlleuse que se rév
283
il beaucoup de nos poètes qui aient trouvé leur «
amour
mortel » ? Pour certains, tout se réduit à une petite croisière dont
284
tous publient le secret… Tristan, lui, a trouvé l’
amour
. Mais tout d’abord, il n’a pas su le reconnaître. Quand le roi Marc —
285
ait le préparer, c’est l’élection d’une âme par l’
Amour
tout-puissant, la vocation qui la surprend comme malgré elle. Une vie
286
er le sacrilège. Mais le malheur essentiel de cet
amour
n’est pas seulement la rançon du péché. L’ascèse qui rachètera la fau
287
de toutes les facultés dans la contemplation de l’
amour
seul. Un trait profond de la passion — et de la mystique en général —
288
l ne s’agissait dans le Roman que d’une passion d’
amour
sensuel : mais tout indique que nous sommes ici sur la via mystica de
289
récit de leurs souffrances. Plus la lumière et l’
amour
divin sont vifs, plus l’âme se voit souillée et misérable en sorte qu
290
dans le temps même de la plus vive ardeur de son
amour
. Il y aurait à citer cent pages où revient la même plainte de l’âme s
291
si l’on ne veut pas errer gravement à partir de l’
amour
humain, et par voie de sublimation, non par la voie inverse, allant d
292
sublimation, non par la voie inverse, allant de l’
Amour
divin aux métaphores, qui convient pour les grands mystiques.) Ceci d
293
re Que plus m’est loin plus la désire ? Jamais l’
amour
n’enflamme Tristan si follement que lorsqu’il est séparé de sa « dame
294
mais elle est aussi autre chose, le symbole de l’
Amour
lumineux. Quand Tristan erre au loin, il l’aime davantage, et plus il
295
plus il se veut séparé, c’est-à-dire rejeté par l’
amour
. Au point qu’il doutera même de l’« amitié » d’Iseut, qu’il la tiendr
296
n Dieu, et des amants qui souffrent pour un autre
Amour
… Ils se repentent (c’est la première et dernière fois). Iseut va reve
297
an cesserait d’être un roman courtois ; ou bien l’
amour
courtois cesserait d’être ce qu’il fut, pour se mettre à ressembler à
298
ce qui se trouve en question, c’est la passion d’
amour
, et non l’amour purement profane et naturel. Voici, me semble-t-il, l
299
e en question, c’est la passion d’amour, et non l’
amour
purement profane et naturel. Voici, me semble-t-il, le principe vérit
300
ce monde. Il s’en suivait — théoriquement — que l’
amour
profane était le malheur absolu, l’attachement impossible et condamna
301
ature imparfaite ; tandis que pour le chrétien, l’
amour
divin est un malheur recréateur. Loin de nier l’amour profane, il abo
302
r divin est un malheur recréateur. Loin de nier l’
amour
profane, il aboutit à le sanctifier par le mariage. Les amants mystiq
303
e, où non seulement le monde et le prochain, et l’
amour
avec son objet, mais jusqu’au désir de l’amour semblent se dérober au
304
l’amour avec son objet, mais jusqu’au désir de l’
amour
semblent se dérober au comble de l’élan : « Vide de toute convoitise,
305
tien ne se jette pas dans l’illusion d’une mort d’
amour
transfigurante, mais au contraire accepte les limites de sa terrestre
306
tables Toute la poésie d’Occident procède de l’
amour
courtois et du roman breton qui en dérive. C’est à cette origine que
307
iter en présence de tel épisode : s’agissait-il d’
amour
profane — selon la lettre du Roman — ou d’un symbole de l’Éros lumine
308
n symbole de l’Éros lumineux, voire de l’Église d’
Amour
? On conçoit donc que par la suite, le lecteur ignorant des mystères
309
parce que tu étais en moi. » Il parle à Dieu, à l’
amour
éternel. Mais supposez qu’un troubadour ait exprimé la même prière en
310
tait à idéaliser tout l’Évangile, et à regarder l’
amour
sous toutes ses formes comme un élan hors du monde créé. Cette fuite
311
fatale, par une exaltation en termes divins de l’
amour
sexuel. À l’inverse, on peut observer chez les mystiques les plus « c
312
soif, volonté. Exaltation en termes humains de l’
amour
de Dieu. Ainsi se dessinent deux grands courants que nous retrouveron
313
’être. Eckhart ne connaît ni cette ivresse ni cet
amour
« pathologique ». L’amour, pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’A
314
ni cette ivresse ni cet amour « pathologique ». L’
amour
, pour lui, c’est la vertu chrétienne de l’Agapè, forte comme la mort,
315
ême temps volontaire et active comme le kantien «
amour
pratique ». C’est par ce trait, tout particulièrement, que Eckhart se
316
ste à faire son maître. Plotin lui aussi prêche l’
amour
mystique, mais l’amour plotinien n’est nullement l’Agapè chrétienne :
317
Plotin lui aussi prêche l’amour mystique, mais l’
amour
plotinien n’est nullement l’Agapè chrétienne : c’est l’Éros grec, qui
318
nerait à une union suprême, au sommet d’un élan d’
amour
: L’amour n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non à un
319
e union suprême, au sommet d’un élan d’amour : L’
amour
n’unit point, écrit-il. Il unit bien à une œuvre, non à une essence 1
320
’âme reste l’âme, et Dieu reste Dieu113. L’acte d’
amour
spirituel est initial, et non final. Pour le chrétien, la mort à soi-
321
tique des cathares et la doctrine chrétienne de l’
amour
. ⁂ Mais Eckhart ne fut pas en odeur de sainteté. Le pape Jean xxii co
322
l revendique contre lui un certain activisme de l’
amour
. C’est qu’il ne croit nullement que toute distinction entre l’âme et
323
e. Si l’âme peut s’unir essentiellement à Dieu, l’
amour
de l’âme pour Dieu est un amour heureux. On peut prévoir qu’il ne ser
324
llement à Dieu, l’amour de l’âme pour Dieu est un
amour
heureux. On peut prévoir qu’il ne sera pas porté à s’exprimer en term
325
ne sais si l’on rencontre jamais le langage de l’
amour
humain. » À l’inverse, si l’âme ne peut s’unir essentiellement à Dieu
326
ient l’orthodoxie chrétienne, il en résulte que l’
amour
de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un amour réciproque malh
327
r de l’âme pour Dieu est, dans ce sens précis, un
amour
réciproque malheureux. On peut alors prévoir que cet amour s’exprimer
328
iproque malheureux. On peut alors prévoir que cet
amour
s’exprimera dans le langage passionnel, c’est-à-dire dans le langage
329
a prose enflammée de Ruysbroek : immersion dans l’
amour
, défaillements, embrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’am
330
mbrassements, ouragans de l’impatience, brûlure d’
amour
qui dévore nuit et jour, orgie d’amour, délices ruisselantes, ivresse
331
brûlure d’amour qui dévore nuit et jour, orgie d’
amour
, délices ruisselantes, ivresses, meurtrissures… « Il m’a bu l’esprit
332
utre. Et une troisième : « Boire les regards de l’
amour
et s’y engloutir enivrée… » Je me suis arrêté à l’exemple de Ruysbro
333
e étroitement j’embrasse mon Seigneur, criant : L’
amour
de l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les
334
nt j’embrasse mon Seigneur, criant : L’amour de l’
Amour
me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’amour. Dans les flammes, je
335
nt : L’amour de l’Amour me consume, je m’unis à l’
Amour
, enivré d’amour. Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant
336
l’Amour me consume, je m’unis à l’Amour, enivré d’
amour
. Dans les flammes, je brûle et je languis, en criant ; en vivant, je
337
s les plus précieuses, la rhétorique entière de l’
amour
courtois. À défaut d’une anthologie qui tiendrait décidément trop de
338
as mourir124. » La « brûlure suave ». Le « dard d’
amour
» qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’amour. La passion qui « iso
339
d’amour » qui blesse sans tuer. Le « salut » de l’
amour
. La passion qui « isole » du monde et des êtres. La passion qui décol
340
et des êtres. La passion qui décolore tout autre
amour
. Se plaindre d’un mal que l’on préfère cependant à toute joie et à to
341
ment « ineffable » et qu’il faut pourtant dire. L’
amour
qui purifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’amour se sub
342
ifie et chasse toute pensée vile. Le vouloir de l’
amour
se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’amour, dont il faut
343
se substituant au vouloir propre. Le « combat » d’
amour
, dont il faut sortir vaincu. Le symbolisme des « châteaux », havres d
344
incu. Le symbolisme des « châteaux », havres de l’
amour
. Le symbolisme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’amour par
345
, havres de l’amour. Le symbolisme du « miroir »,
amour
imparfait renvoyant à l’amour parfait. Le « cœur volé », l’« entendem
346
isme du « miroir », amour imparfait renvoyant à l’
amour
parfait. Le « cœur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’amou
347
œur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’
amour
. L’amour considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en prov
348
», l’« entendement ravi », le « rapt » d’amour. L’
amour
considéré comme « connaissance » suprême (canoscenza en provençal).
349
produire : Si l’on se borne à la conception de l’
amour
dans les romans de chevalerie et dans les traités spirituels du xvie
350
n divine. [C’est moi qui souligne.] c) Surtout l’
amour
courtois et l’amour divin s’exaltent l’un et l’autre dans la même con
351
qui souligne.] c) Surtout l’amour courtois et l’
amour
divin s’exaltent l’un et l’autre dans la même conception héroïque de
352
pour agir ». [Ici, je ferai quelques réserves : l’
amour
courtois, dans sa pureté première, aime pour souffrir, pour « pâtir »
353
Escarraman) qu’il faut chercher la synthèse de l’
amour
divin et de l’amour courtois, mais chez les troubadours provençaux du
354
aut chercher la synthèse de l’amour divin et de l’
amour
courtois, mais chez les troubadours provençaux du xiie siècle. Les p
355
elle va jusqu’à se confondre avec la poésie d’un
amour
qui serait tout profane ; les confusions qu’elle entretient de la sor
356
moderne n’hésite pas à tenir ce raisonnement : «
Amour
désigne pour moi l’attrait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cess
357
ait sexuel — or sainte Thérèse parle sans cesse d’
amour
— donc cette mystique est une érotomane qui s’ignore. » Mais nous avo
358
rs par une mystique, convient à l’expression de l’
amour
spirituel qu’ils vivent. Et elle convient même d’autant plus à l’expr
359
entraînait le bonheur divin et le malheur de tout
amour
humain ; tandis que l’orthodoxie pose que l’union est impossible, ce
360
sible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’
amour
humain possible en ses limites. D’où il résulte que le langage de la
361
132, mais l’excès de l’esprit sur l’instinct. « L’
amour
existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’a
362
désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’
amour
naturel », disait le troubadour Guido Cavalcanti, au xiiie siècle. O
363
aire et au-delà de la satisfaction. La passion, l’
amour
de l’amour, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et
364
delà de la satisfaction. La passion, l’amour de l’
amour
, c’est au contraire l’élan qui va au-delà de l’instinct et qui, par l
365
l’âme parvient à aimer Dieu sans plus sentir son
amour
. C’est un état d’indifférence parfaite, croirait-on ; en vérité, c’es
366
C’est lui qui donne un sens tout différent au mot
amour
dans les deux cas. Les hérétiques cathares opposent la Nuit au Jour c
367
nité du Christ.) Ils veulent aller tout droit à l’
Amour
par l’amour, et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant a
368
st.) Ils veulent aller tout droit à l’Amour par l’
amour
, et de la Nuit au Jour sans nul intermédiaire. Sombrant alors, comme
369
ent aboutir à la passion humaine malheureuse. Cet
amour
impossible laissait au cœur des hommes une brûlure inoubliable, une a
370
rt seule pouvait éteindre : ce fut la « torture d’
amour
» qu’ils se mirent à aimer pour elle-même. La passion des « parfaits
371
s la mort que la suprême sensation. Et de même, l’
amour
de la Dame, dès qu’il cessera d’être un symbole de l’union avec le Jo
372
xication par l’esprit. L’histoire de la passion d’
amour
, dans toutes les grandes littératures, du xiiie siècle jusqu’à nous,
373
art parmi les hérétiques. 117. Un troubadour : «
Amour
ne me quitte ni bien ne peut m’avoir. » 118. Th. Labande-Jeanroy, Le
374
xiiie siècle. 122. Ciascun amante, danse de l’
amour
mystique. Voir aussi l’Appendice 9. 123. On en trouvera d’ailleurs q
375
atholiques orthodoxes. 128. Gaston Etchegoyen, L’
Amour
divin, essai sur les sources de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expres
376
de sainte Thérèse, IVe partie : l’Expression de l’
amour
divin. 129. Travaux de Max Nordau, Krafft-Ebing, Murisier, Leuba, Fr
377
es telles que « aveuglé par la passion », « fou d’
amour
». 133. Surtout les épigones féminins : une Marguerite-Marie Alacoqu
378
e : c’est à la rhétorique du mythe, héritage de l’
amour
provençal. Il n’est pas nécessaire de supposer ici quelque pouvoir ma
379
amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d’
amour
. ⁂ Passion et expression ne sont guère séparables. La passion prend s
380
rniers troubadours. Que va devenir la tradition d’
Amour
? Il semble bien que dès le xive siècle, les hérétiques répandus dés
381
d’ailleurs, n’arrête pas son progrès. L’Église d’
Amour
donnera naissance à d’innombrables sectes plus ou moins secrètes, plu
382
Canada et jusqu’au Paraguay. Leur conception de l’
amour
n’a pas varié. Plusieurs auteurs ont supposé qu’une élite cléricale d
383
remière partie du roman, dite courtoise — c’est l’
amour
de la femme idéale, vraie femme déjà mais femme inaccessible dans son
384
se normale que l’homme païen oppose au mythe de l’
amour
malheureux. (Peut-être, pratiquement, est-elle bien proche d’une visi
385
ure les Siciliens « savaient » encore ce qu’est l’
Amour
. N’avaient-ils retenu du trobar clus que le procédé mystifiant ? On s
386
ment symbolique. Tel est le secret paradoxal de l’
amour
courtois : guindé et froid quand il ne vante que la femme, mais tout
387
ardent de sincérité quand il célèbre la Sagesse d’
amour
: c’est là vraiment que bat son cœur. Et Dante n’est jamais plus pass
388
rquoi ne me consume-t-il point ? Dante de même :
Amour
qui, dans ma pensée, me parle de ma Dame avec grand désir, souvent m’
389
’agirait de définir enfin ce dont on parle. « Cet
Amour
est-il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le secon
390
premier. Et le second répond : « Du pouvoir de l’
amour
provient souvent la mort… L’amour existe lorsque le désir est si gran
391
Du pouvoir de l’amour provient souvent la mort… L’
amour
existe lorsque le désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’a
392
désir est si grand qu’il dépasse les limites de l’
amour
naturel… Comme il ne provient point de la qualité, il réfléchit perpé
393
templation. » Aucun doute ne demeure possible : l’
Amour
est la passion mystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’amo
394
ystique. Mais encore faut-il définir le rôle de l’
amour
naturel dans cette perspective céleste. C’est ce qu’a fait Davanzati,
395
rimant dans une petite fable la vraie nature de l’
amour
qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes terrestres qui n’en
396
poursuit point ; de même celui qui est pénétré d’
amour
puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soulage s
397
cœur impitoyable est bien la femme qui détourne l’
Amour
à son profit. Dans un Bestiaire moralisé de cette époque, je trouve l
398
est volatilisé : il ne joue plus. Le langage de l’
Amour
est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation »
399
rd.) Voici le Sonnet du premier anniversaire de l’
amour
de Pétrarque pour Laure : Je bénis le lieu, le temps, l’heure Où si
400
façon qu’il me plaît de brûler144. (Triomphe de l’
amour
.) Mais présente ou absente — ici encore —, la femme ne sera jamais q
401
me fuit, Brûler de loin — de près geler. Tout l’
amour
romantique est dans ce dernier vers. Et le secret de cette mélancolie
402
il vive encore, quoique séparé de sa dame : Mais
Amour
me répond : ne te souvient-il pas que c’est là le privilège des amant
403
oir en « cette fausse douceur fugitive » qu’est l’
amour
idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une belle co
404
s désire honneur ! Mais comment s’arracher à cet
amour
blasphématoire, à ce besoin dément d’un plaisir que l’usage en moi a
405
ieu seul est due et à lui seul convient », avec l’
amour
d’« une chose mortelle », en fut la conséquence inévitable. Et c’est
406
le début du xiie siècle, en plein triomphe de l’
amour
courtois, l’on voit paraître cette tendance contraire, celle qui glor
407
izinga147 — l’esprit gaulois aux conventions de l’
amour
courtois et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en opposit
408
urtois et à y voir la conception naturaliste de l’
amour
, en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiserie, auss
409
tes les complications naturelles et sociales de l’
amour
, l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle,
410
xure. » Ce lien profond de la gauloiserie et de l’
amour
alambiqué, on le surprend dans une satire du xiiie siècle intitulée
411
l’Europe entière. Les minnesänger (chanteurs de l’
Amour
) en Allemagne sont nourris de légendes cathares149 et par ailleurs ne
412
sfigurantes, de la nuit abyssale où l’éclair de l’
amour
illumine parfois une face immobile et fascinante — ce nous-même d’hor
413
s moi pourrai-je Nommer cette mort éclair ? Ô mon
amour
, ma femme, La mort a sucé le miel de ton haleine Et n’a pas eu de pri
414
barque épuisée, malade de la mer ! Voilà pour mon
amour
! (Il boit.) … Honnête apothicaire Ta drogue est rapide. En un baiser
415
rrait le croire à une doctrine « courtoise » de l’
amour
. Entre un monisme qui assimile l’esprit à la matière (ou l’inverse),
416
sujet du roman demeure les « contrariétés » de l’
amour
mais l’obstacle n’est plus la volonté de mort, si secrète et métaphys
417
échos mélancoliques. Il y a bien les douze lois d’
Amour
, les séparations ingénieuses, l’éloge de la chasteté, voire les défis
418
el s’obscurcit, le tonnerre gronde, le génie de l’
Amour
paraît dans un nuage et annonce la fin de l’enchantement. Astrée et C
419
lique, et aimé d’elle, « se trouve incommodé d’un
amour
qui l’attache trop » et il veut faire en sorte que sa maîtresse se do
420
ur d’être trahi par Angélique le guérirait de son
amour
? Cet Alidor serait un curieux monstre ! Disons plutôt qu’on voit tro
421
jet qui nous possède ; Il ne faut point nourrir d’
amour
qui ne nous cède : Je le hais s’il me force : et quand j’aime, je veu
422
e inconnu : « C’est de vous que j’ai appris que l’
amour
d’un honnête homme doit être toujours volontaire ; qu’on ne doit jama
423
aimée nous a beaucoup plus d’obligation de notre
amour
, alors qu’elle est toujours l’effet de notre choix et de son mérite,
424
u don, c’est une des exigences fondamentales de l’
amour
courtois (l’un des articles des Leys d’Amors). Et que cette exigence
425
riés, à quoi notre héros veut échapper non pour l’
amour
de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’amour de la passion. À t
426
amour de la liberté — qu’il allègue — mais pour l’
amour
de la passion. À tel prix que ce soit, il faut rompre mes chaînes De
427
inte qu’un hymen, m’en ôtant le pouvoir, Fît d’un
amour
par force un amour par devoir. C’est le plus pur langage courtois. M
428
’en ôtant le pouvoir, Fît d’un amour par force un
amour
par devoir. C’est le plus pur langage courtois. Mais voyez la curieu
429
me il se doit, dans un Examen de sa pièce : « Cet
amour
de son repos n’empêche point qu’au cinquième acte (Alidor) ne se mont
430
parfaitement mené à chef. L’essence du mythe de l’
amour
malheureux, nous le savons, c’est une passion inavouable. L’originali
431
un « moderne » dans la perspective courtoise de l’
amour
réciproque malheureux. Ainsi devient-elle la formule même de notre my
432
ge Racine à rendre le jeune prince insensible à l’
amour
de Phèdre. Il déclare donc cet amour incestueux, encore que cette rei
433
sensible à l’amour de Phèdre. Il déclare donc cet
amour
incestueux, encore que cette reine ne soit que la belle-mère d’Hippol
434
tels de son père. » Ainsi donc, Aricie, c’est « l’
amour
que le Père interdit » — un substitut voilé de l’amour incestueux155.
435
que le Père interdit » — un substitut voilé de l’
amour
incestueux155. (La psychanalyse nous a accoutumés à des déguisements
436
d’horreur que le crime même ; les faiblesses de l’
amour
y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentée
437
était de la race des troubadours qui trahissent l’
Amour
pour l’amour : presque tous ont fini en religion. Mais notons-le : da
438
ace des troubadours qui trahissent l’Amour pour l’
amour
: presque tous ont fini en religion. Mais notons-le : dans une religi
439
ssions champêtres du dimanche.) Spinoza définit l’
amour
: un sentiment de joie accompagné de l’idée d’une cause extérieure. C
440
t toujours liées à des passions contraires, notre
amour
toujours lié à notre haine, et nos plaisirs à nos douleurs. Il n’est
441
re. Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’
Amour
n’est plus un dur destin mais un enfant impertinent. Presque plus rie
442
ique du désir, mais non plus même pour celle de l’
amour
. « Belle vertu, dit Mme d’Épinay, qu’on s’attache avec des épingles !
443
ces épingles ne sont point citées par hasard : «
Amour
vous point », disait la rhétorique. Un peu plus tard, le sang coulera
444
: « Au lieu de lui donner les satisfactions de l’
amour
sensuel et de la fixer dans la volupté, l’amour la remplit d’inquiétu
445
l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté, l’
amour
la remplit d’inquiétudes, la pousse d’essai en essai, de tentatives e
446
ité voluptueuse. Cette boutade, qui réduit tout l’
amour
au contact de deux épidermes, j’y vois bien moins l’affirmation d’un
447
Antithèse vraiment parfaite des deux vertus de l’
amour
chevaleresque : la candeur et la courtoisie. ⁂ Il me semble que la fa
448
t sa course éperdue. L’un recherche dans l’acte d’
amour
la volupté d’une profanation, l’autre accomplit en restant chaste la
449
andonne le terrain, il s’enfuit. Or la règle de l’
amour
courtois faisait du viol précisément le crime des crimes, la félonie
450
e ces extrêmes : la femme-idéal, pur symbole d’un
Amour
qui entraîne l’amour au-delà des formes visibles ; et la femme-objet
451
emme-idéal, pur symbole d’un Amour qui entraîne l’
amour
au-delà des formes visibles ; et la femme-objet de plaisir, instrumen
452
récises de sa révolte. C’est dans les Crimes de l’
amour
que Sade nous parle de son admiration pour la poésie de Pétrarque. Ad
453
st cela qui nous enchaîne. On ne tue bien que son
amour
, parce que lui seul est souverain. Le crime d’amour impur sauvera la
454
our, parce que lui seul est souverain. Le crime d’
amour
impur sauvera la pureté. Lisons maintenant avec cette clé la défense
455
désespère d’échapper à ses liens, et qui défie l’
amour
spirituel de se manifester en tuant le criminel162. Car là seulement
456
la fin de sa vie, n’est dupe de la « religion » d’
amour
. Qu’on relise la grande lettre de Julie mariée (IIIe partie, lettre
457
ceurs de l’amitié tempèrent les emportements de l’
amour
… » Le Tristan qui se réveille en lui après la « faute » de la possess
458
leurs épreuves, Julie appelle « sainte ardeur » l’
amour
chaste qui les ravissait — bien qu’il fût dès ce moment condamnable —
459
« crime », « horreurs », « corruption », ce même
amour
après la possession. La faute qui compte, pour eux, on le voit bien,
460
vidente renaissance du thème courtois — donc de l’
amour
réciproque malheureux — chez tous les romantiques allemands sans exce
461
léchi sur la passion. Sans doute, la passion de l’
amour
suprême ne trouve jamais son accomplissement ici-bas ! Comprends bien
462
e et la foi dans la toute-puissante divinité de l’
Amour
qui à jamais nous guidera, invisible, et renforcera sans cesse notre
463
e compagne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’
amour
est le plus doux ; pour le vivant, la mort est une nuit de noces, un
464
ères. L’ivresse des sens appartient peut-être à l’
amour
comme le sommeil à la vie. Ce n’est pas la plus noble part, et l’homm
465
t citer toutes les œuvres de Tieck, définissant l’
amour
comme « une maladie du désir, une divine langueur168… » L’exaltation
466
ge invisible de Jean-Paul. Elle se confond avec l’
amour
chez Novalis. Elle fut pour Kleist « le seul accomplissement » possib
467
seul accomplissement » possible d’une « passion d’
amour
suprême » à laquelle se refusait son corps. Mais les poètes ne sont p
468
nition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai
amour
qui repousse tout objet pour s’élancer à l’infini. C’est, dit-il, « l
469
que à l’horizon spirituel, ni de véritable joie d’
amour
au sommet de ces élancements. Le moi n’est jamais transcendé, il se r
470
à croire à leurs chimères les plus consolantes, l’
amour
ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont
471
» dont parle E. T. A. Hoffmann ; mais plutôt cet
amour
« taciturne et toujours menacé » des plus beaux vers de Vigny. Cette
472
t pas Iseut pour elle-même, mais seulement pour l’
amour
de l’Amour dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignor
473
pour elle-même, mais seulement pour l’amour de l’
Amour
dont sa beauté lui offrait une image. Lui pourtant l’ignorait, et sa
474
gative. La plupart reviendront aux illusions de l’
amour
humain, sans retrouver pourtant la forte naïveté du mythe. Ils raffin
475
justifier ce besoin : d’où son fameux traité De l’
Amour
. Aux premières lignes de la préface vous le sentez en pleine polémiqu
476
tez en pleine polémique : « Quoiqu’il traite de l’
amour
, ce petit volume n’est point un roman, et surtout n’est pas amusant c
477
e monde connaît la thèse du traité. Il y a quatre
amours
différents : l’amour-passion, l’amour-goût, l’amour physique et l’amo
478
urs différents : l’amour-passion, l’amour-goût, l’
amour
physique et l’amour de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux
479
mour-passion, l’amour-goût, l’amour physique et l’
amour
de vanité. Le premier seul trouve grâce aux yeux de l’auteur. La théo
480
72 que cette célèbre théorie revient à faire de l’
amour
passionné une simple erreur. « Non point que la passion se trompe sou
481
cond que l’inconstance, se voit amené à définir l’
amour
comme « une maladie de l’esprit » — dans la pure tradition antique, s
482
abord inexacte, au regard des faits. Il existe un
amour
qui, loin de se tromper, est seul capable de découvrir dans l’être ai
483
s « brûlé ». Il consacre deux longs chapitres à l’
amour
en Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’amour courtois en
484
Provence au xiie siècle, et reproduit le code d’
amour
courtois en appendice. (Raynouard et Fauriel venaient de provoquer la
485
eule qui remplis toute mon âme, suprême volupté d’
amour
! » L’homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la
486
destiné à le faire mourir : mais d’une mort que l’
Amour
condamne, d’une mort selon les lois du jour et de la vengeance, bruta
487
me inspire à Brangaine l’erreur qui doit sauver l’
Amour
. Au philtre de mort, elle substitue le breuvage d’initiation. Ainsi l
488
rt, celle qui est le seul accomplissement de leur
amour
. Le deuxième acte est le chant de la passion des âmes prisonnières de
489
spérance. Et c’est pourquoi le leitmotiv du duo d’
amour
est déjà celui de la mort. Encore une fois revient le jour : le traît
490
faute des amants légendaires contre les lois de l’
amour
chaste transforme l’hymne des troubadours en un roman175 — ainsi les
491
dame Bovary, Thérèse Raquin, La Porte étroite, Un
amour
de Swann : étapes françaises de la dissociation psychologique, de la
492
e « prolétariennes », par le roman, et le roman d’
amour
s’entend, traduit exactement l’envahissement de notre conscience par
493
e du romantisme, des droits imprescriptibles de l’
amour
, et elle implique la supériorité « spirituelle » de la maîtresse sur
494
nes de pages, par Marcel Proust. (Voir surtout Un
Amour
de Swann.) Littérature bourgeoise ai-je dit : ses conclusions réguliè
495
c’est-à-dire totalement invertis par rapport à l’
amour
courtois. La religion des troubadours se prêtait aux complicités les
496
ion dans tous les domaines Le mythe sacré de l’
amour
courtois, au xiie siècle, avait eu pour fonction sociale d’ordonner
497
favorisait malgré elle, cette glorification de l’
amour
humain qui était l’envers de sa doctrine, ce langage d’une ambiguïté
498
l n’avait pu se traduire que dans les termes de l’
amour
humain, bien qu’entendus au sens mystique. Ce sens évanoui, restait u
499
s ce que signifiait cette diffuse exaltation de l’
amour
. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaiss
500
es exprimer en figures. Les dernières formes de l’
amour
ont été balayées par la guerre. Et j’insisterai sur cet exemple symbo
501
olique : nous ne faisons plus de « déclarations d’
amour
» dans le même temps que nous admettons la guerre sans « déclaration
502
plusieurs fois. Par exemple dans le Triomphe de l’
amour
: « Voici ceux qui remplissent de rêverie des livres — Tristan et Lan
503
t le commentaire de ce vers dans la Vive flamme d’
amour
(II, 1). 145. Sainte Thérèse : « De ce désir qui en un instant pénèt
504
) 162. Voir Appendice 11. 163. Rappelons que l’
amour
fameux d’Abélard et Héloïse est le premier exemple historique de la p
505
se reposent de leur labeur Et de leur douloureux
amour
! Ils demandaient l’union des habitants des cieux : Déjà ils sont ent
506
Rudel dans Sternbald, et caractérise longuement l’
amour
courtois dans le Sabbat des sorcières et dans Phantasus. 169. Il fau
507
an de la Croix : « Viens, Auster qui réveille les
amours
, — Aspire à travers mon jardin — Et que s’en répandent les odeurs. »
508
Or passion signifie souffrance. Notre notion de l’
amour
, enveloppant celle que nous avons de la femme, se trouve donc liée à
509
e l’une ou de l’autre. 2.Langage guerrier de l’
amour
Dès l’Antiquité, les poètes ont usé de métaphores guerrières pour
510
étaphores guerrières pour décrire les effets de l’
amour
naturel. Le dieu d’amour est un archer qui décoche des flèches mortel
511
décrire les effets de l’amour naturel. Le dieu d’
amour
est un archer qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l
512
éliodore (iiie siècle) parle déjà des « luttes d’
amour
» et de la « délicieuse défaite » de celui « qui tombe sous les trait
513
e la tactique des Anciens et leur conception de l’
amour
. Les deux domaines restent soumis à des lois tout à fait distinctes,
514
processus décrit plus haut, dans le domaine de l’
amour
divin. Francisco de Ossuna (l’un des maîtres de sainte Thérèse les pl
515
n Ley de Amor : « Ne pense pas que le combat de l’
amour
soit comme les autres batailles où la fureur et le fracas d’une guerr
516
e guerre épouvantable sévit des deux côtés, car l’
amour
ne combat qu’à force de caresses et n’a d’autres menaces que ses tend
517
aite du monde et la victoire de la vie lumineuse.
Amour
et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l’instinct sont reliés dé
518
pelle la chevalerie. 3.La chevalerie, loi de l’
amour
et de la guerre « Donner un style à l’amour », telle est, selon J.
519
l’amour et de la guerre « Donner un style à l’
amour
», telle est, selon J. Huizinga, l’aspiration suprême de la société m
520
que les mœurs sont plus féroces. Il faut élever l’
amour
à la hauteur d’un rite, la violence débordante de la passion l’exige.
521
l’étiquette, les tournois, la chasse et surtout l’
amour
. » Elle a même exercé une influence déterminante sur le droit des gen
522
le mythe, physiquement : — « Les transports de l’
amour
romanesque ne devaient pas seulement être présentés sous forme de lec
523
hevaleresque duché de Bourgogne au xve siècle. L’
amour
et la mort s’y marient dans un paysage artificiel et symbolique de tr
524
olique de très haute mélancolie. « L’héroïsme par
amour
— voilà le motif romanesque qui doit apparaître partout et toujours.
525
n une chose plus élevée : l’action entreprise par
amour
. La mort devient alors la seule alternative à l’accomplissement du dé
526
as moins que les conventions de la guerre et de l’
amour
courtois ont marqué les coutumes occidentales d’une empreinte qui ne
527
relatif à un changement dans les conceptions de l’
amour
, ou inversement. 5.Condottieri et canons « L’Italie n’avait jam
528
e l’emploi des canons.) Et comment concevait-on l’
amour
? Burckhardt insiste189 sur le fait que les mariages se concluaient s
529
énale dans la pratique, il en allait de même de l’
amour
. Semblables aux hétaïres de la Grèce antique, les courtisanes jouaien
530
iers… La passion n’y joue plus le moindre rôle. L’
amour
lui-même, d’ailleurs, va devenir une tactique. Il perd son auréole dr
531
est le plus propre à illustrer le parallèle de l’
amour
et de la guerre. Il suffira de quelques touches pour l’indiquer. Don
532
tité foncière des phénomènes de la guerre et de l’
amour
au xviiie . Voici dans quels termes ils décrivent la « tactique » des
533
époque : « C’est dans cette guerre et ce jeu de l’
amour
, que le siècle révèle peut-être ses qualités les plus profondes, ses
534
la Nation… Nous savons toutefois que la passion d’
amour
, par exemple, est en son fond un narcissisme, autoexaltation de l’ama
535
’aimée. Ce que désire Tristan, c’est la brûlure d’
amour
plus que la possession d’Iseut. Car la brûlure intense et dévorante d
536
ionaliste, elle aussi, est une autoexaltation, un
amour
narcissiste du Soi collectif. Il est vrai que sa relation avec autrui
537
sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un
amour
: presque toujours, c’est la haine qui apparaît en premier lieu, et q
538
… Ainsi la nation et la Guerre sont liées comme l’
Amour
et la Mort. Désormais le fait national sera le facteur dominant de la
539
assez curieux de préciser le parallèle entre les
amours
de Bonaparte puis de Napoléon d’une part, et les campagnes d’Italie p
540
institué par la chevalerie entre les formes de l’
amour
et de la guerre, soit rompu. Certes, le but concret de la guerre fut
541
son équivalent dans nulle éthique imaginable de l’
amour
. C’est que la guerre échappe à l’homme et à l’instinct ; elle se reto
542
s détendent ses ressorts intimes et personnels. L’
amour
, dans l’entre-deux-guerres, fut un curieux mélange d’intellectualisme
543
. Et comme on le voit dans le cas de la passion d’
amour
, ce but est non seulement nié avec vigueur par les intéressés, mais i
544
, qu’est la moyenne des expressions typiques de l’
amour
à une époque donnée — aussi irréelle et aussi signifiante dans le lai
545
ces trois refus était en vérité la doctrine de l’
Amour
, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et angoissé av
546
incts asservissants. L’apparition de la passion d’
Amour
devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adultère
547
is nous avons montré que le symbole courtois de l’
amour
pour une Dame (spirituelle), amour évidemment incompatible avec le ma
548
courtois de l’amour pour une Dame (spirituelle),
amour
évidemment incompatible avec le mariage dans la chair, devait amener
549
est vivre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’
amour
était considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encor
550
eul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’
amour
sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit une absurdité,
551
e. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’
amour
fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général : dernier
552
couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’
amour
» moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît une anx
553
fallait donc qu’Iseut fût l’Impossible, car tout
amour
possible nous ramène à ces liens, nous réduit aux limites dans l’espa
554
int de « créatures » — alors que le seul but de l’
amour
infini ne peut être que le divin : Dieu, notre idée de Dieu, ou le Mo
555
ers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux
amours
successives. Les catégories se détruisent, l’aventure n’est plus même
556
uisse de nouveau le poursuivre et « ressentir » l’
amour
en soi… Tout cela signifie, une fois de plus, que le mythe des amants
557
comparable et autonome à son côté, une exigence d’
amour
actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion : je me borne à la
558
Personne, que je sache, n’a encore osé dire que l’
amour
tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du ma
559
ce des contraintes matrimoniales et du mythe de l’
amour
mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond du désespoir et d’anarchie
560
nc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’
amour
courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident no
561
-mille ans qu’elles se succèdent, n’a donné à « l’
amour
» nommé romance 210 cette publicité quotidienne : par l’écran, par l’
562
e périlleuse de faire coïncider le mariage et « l’
amour
» ainsi compris, et de baser le premier sur le second. Pendant une gr
563
journal qui rapportait l’histoire l’intitula : L’
Amour
est classé parmi les cas d’urgence. Ce petit fait banal illustre des
564
u’il nous intéresse. Il montre que les termes d’«
amour
» et de mariage sont pratiquement équivalents ; que si l’on « aime »
565
me » il faut se marier sur l’heure ; qu’enfin « l’
amour
» doit normalement triompher de tous les obstacles, ainsi que le font
566
ment films, romans et comic-strips. De fait, si l’
amour
romanesque triomphe d’une quantité d’obstacles, il en est un contre l
567
r rang. Vouloir fonder le mariage sur une forme d’
amour
instable par définition, c’est travailler en fait pour l’État de Neva
568
ce, de proximité quotidienne. La romance veut « l’
amour
de loin » des troubadours ; le mariage, l’amour du « prochain ». Si d
569
l’amour de loin » des troubadours ; le mariage, l’
amour
du « prochain ». Si donc l’on s’est marié à cause d’une romance, une
570
ussitôt de divorcer pour trouver dans le nouvel «
amour
», qui entraîne un nouveau mariage, une nouvelle promesse de bonheur
571
ue l’on a rendu trop facile, en acceptant que « l’
amour
» suffise pour le conclure, au dédain des convenances démodées de mil
572
ns autant de chances que le mariage fondé sur « l’
amour
» seul. Mais toute l’évolution de l’Occident va de la sagesse tribale
573
sion veut « la Princesse lointaine » tandis que l’
amour
chrétien veut « le prochain ». 206. Le Dict de Padma. 207. L’encycl
574
s ouvrages cités plus haut sur le catharisme et l’
amour
courtois, des livres comme Arcane 17 d’André Breton, les romans lyriq
575
n que l’on fixe ? Pour attaquer la passion dans l’
amour
il faudrait développer une violence spirituelle qui tuât mieux que la
576
lence spirituelle qui tuât mieux que la passion d’
amour
: celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mais enc
577
pieux qui estimait que la religion devait être un
amour
heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu e
578
un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’
amour
du pécheur pour Dieu est « essentiellement malheureux », et cette pas
579
’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai
amour
pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tri
580
nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’
amour
même, et au-delà de cet amour, la mort, c’est-à-dire la seule délivra
581
me pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet
amour
, la mort, c’est-à-dire la seule délivrance du moi coupable et asservi
582
r sa femme serait une preuve d’indigence et non d’
amour
. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé, et lo
583
e pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’
amour
de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutis
584
qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais l’
amour
du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité,
585
sa liberté. 5.Éros sauvé par Agapè Alors l’
amour
de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin, dans sa pl
586
os sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’
amour
chrétien, qui est Agapè, paraît enfin, dans sa pleine stature : il es
587
l’être en acte. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’
amour
païen, qui a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascès
588
ne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’
amour
. Elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur
589
démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’
amour
réellement réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’aiment. D
590
’égalité de ceux qui s’aiment. Dieu manifeste son
amour
pour l’homme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint.
591
comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son
amour
pour une femme en la traitant comme une personne humaine totale — non
592
t qu’elle habitue à ne plus séparer le désir et l’
amour
. Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour est lent et diffici
593
amour. Car si le désir va vite et n’importe où, l’
amour
est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exig
594
e le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’
amour
». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fait croire
595
qui nous le fait croire, avec son obsession de l’
amour
contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le
596
edetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’
amour
sauvage223 » (et plus communément du sentimentalisme). L’amour sauvag
597
223 » (et plus communément du sentimentalisme). L’
amour
sauvage et naturel se manifeste par le viol, preuve d’amour chez tous
598
age et naturel se manifeste par le viol, preuve d’
amour
chez tous les barbares. Mais le viol, comme la polygamie, révèle que
599
a qualité d’égale — en la réduisant à son sexe. L’
amour
sauvage dépersonnalise les relations humaines. Par contre, l’homme qu
600
’est qu’il aime, justement, et qu’en vertu de cet
amour
, il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détru
601
ent la passion non plus par la morale, mais par l’
amour
. 6.Les paradoxes de l’Occident Ces quelques remarques sur la pa
602
core une vie secrète. L’amour-passion n’est pas l’
amour
chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou le « change
603
i est l’Éternel et le Saint — que des relations d’
amour
mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo » et celui que Di
604
e tout ex nihilo » et celui que Dieu élit par son
amour
, « il commence par le réduire à néant ». Du point de vue du monde et
605
! Car voici : cet homme mort au monde, tué par l’
amour
infini, devra marcher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’
606
ni228 »… Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’
amour
, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente, mai
607
n », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’
amour
ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard ne parvint à « ressaisir
608
n état de présence parfaite à l’objet aimant de l’
amour
, et c’est ce qu’il nomme le mariage mystique. L’âme se comporte alors
609
tique. L’âme se comporte alors à l’endroit de son
amour
avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute
610
un déchirement ; elle ne désire plus rien que son
amour
ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’
611
s en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’
amour
, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la