1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1  rhétorique profonde » sait-il rejoindre dans nos cœurs  ? Que l’accord d’amour et de mort soit celui qui émeuve en nous les r
2 contraire, sur « quelque chose » qui la ruine au cœur même de nos ambitions ? Est-ce vraiment, comme beaucoup le pensent, l
3 uestion ne peut être esquivée. Elle nous porte au cœur du problème et de son actualité. Précisons que les règles chevaleresq
4 sses, dans les complaisances qu’ils réveillent au cœur des bourgeois, des poètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent
5 n’est pas sans danger. Elle nous met en effet au cœur de tout le problème — et sa portée dépasse sans aucun doute le cas pa
6 , car le démon de l’amour courtois qui inspire au cœur des amants les ruses d’où naît leur souffrance, c’est le démon même d
7 tout entier ! Qui nous rendra ce dur « patois du cœur  ? ») Un dernier trait : lorsque Tristan reçoit la réponse favorable d
8 se à l’amour le garantit et le consacre dans leur cœur , pour l’exalter à l’infini dans l’instant de l’obstacle absolu, qui e
9 ée par le philtre. Au fond le plus secret de leur cœur , c’était la volonté de la mort, la passion active de la Nuit qui leur
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
10 s, et qu’en ne jouissant pas du plaisir d’aimer à cœur saoul, leur amour en demeure toujours frais, et que leurs enfants en
11 Platon mal compris ? C’est qu’elle trouve dans le cœur de tout homme — et spécialement de tout Occidental — de très obscures
12 « type de femme » que chaque homme porte dans son cœur et qu’il assimile d’instinct à la définition de la beauté, n’est-ce p
13 Voici le début d’une chanson de Peire Vidal : Mon cœur se réjouit à cause du renouveau si agréable et si doux, et à cause du
14 ar Dieu et ma foi ! ses doux ris restent dans mon cœur  ! » Or nous savons que tous ces châteaux sont des foyers connus de l’
15 ouffrir Pour chagrin d’elle que j’ai si grand Mon cœur ne s’en doit point défaire Ni jamais joie, ni douce, ni bonne, Ne pui
16 cri de Bernart de Ventadour : Elle m’a pris mon cœur , elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’est elle
17 érobée à moi, ne me laissant que mon désir et mon cœur assoiffé ! Et ces deux strophes d’Arnaut Daniel — un noble qui se fi
18 ariables ? Je l’aime et la recherche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai tout désir si l’
19 n peut rien perdre à force de bien aimer. Car son cœur submerge le mien tout entier d’un flot qui ne s’évapore plus… Je ne v
20 e ne dois pas faire retour vers elle pour qui mon cœur s’embrase et se fend. Mais si elle ne guérit pas mon tourment avec un
21 troubadour favori de sa femme, et fait servir le cœur de la victime sur un plat. La dame le mange sans savoir ce que c’est.
22  : « Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’angoisse : c’est que tout ce que le frère me refuse, j’ent
23 ssenties dans leur fascinante nouveauté… C’est au cœur de cette situation inextricable, c’est comme une résultante de tant d
24  : Je veux garder (ma dame) pour me rafraîchir le cœur et renouveler mon corps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là
25 de la légende, est si nettement sensible à notre cœur qu’il nous met en mesure d’isoler l’élément non celtique, donc propre
26 le bien qu’il a, s’il n’eût pas été le sien : son cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est contraint d’avoir. Le l
27 s très dangereusement voisins de la « mystique du cœur  » de l’abbé de Cluny. Théologien, poète, et conscient de ses choix, G
28 étoffe… Il se prête et s’adapte à tout, selon le cœur de chacun, à la sincérité comme à la tromperie… Il est toujours ce qu
29 e que l’on veut qu’il soit 100. » L’allusion au «  cœur  » est nettement dirigée contre Bernard de Clairvaux, dont les écrits
30 de l’Amour. Or cet Amour s’oppose à la ferveur du cœur des clunisiens dans les mêmes termes que l’Éros à l’Agapè… Incompatib
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
31 l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur , elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’est elle-même
32 e à moi, ne me laissant rien que mon désir et mon cœur assoiffé. ») Au-delà même de cet état, Jean de la Croix connut la vid
33 resses, meurtrissures… « Il m’a bu l’esprit et le cœur  » fait dire Ruysbroek à l’une de ses béguines parlant du Christ. « Je
34 « érotiques » ou « courtoises » de langage : Mon cœur se fond comme la glace au feu lorsque étroitement j’embrasse mon Seig
35 amour imparfait renvoyant à l’amour parfait. Le «  cœur volé », l’« entendement ravi », le « rapt » d’amour. L’amour considér
36 ine malheureuse. Cet amour impossible laissait au cœur des hommes une brûlure inoubliable, une ardeur vraiment dévorante, un
37 it la mort divinisante. La soif qu’elle laisse au cœur des hommes sans foi, mais bouleversés par sa brûlante poésie, ne cher
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
38 onner rapidement certaines puissances latentes du cœur . L’apparition de Werther par exemple a produit une vague de suicides.
39 a Sagesse d’amour : c’est là vraiment que bat son cœur . Et Dante n’est jamais plus passionné qu’en chantant la Philosophie,
40 liens. Cette plainte de Jacques de Lentino : Mon cœur souvent meurt, et plus douloureusement que de mort naturelle, pour vo
41 oulage sa grande peine… Mais la dame n’a point le cœur pitoyable, le jour passe et l’espoir est déçu ! Ici la Dame au cœur i
42 jour passe et l’espoir est déçu ! Ici la Dame au cœur impitoyable est bien la femme qui détourne l’Amour à son profit. Dans
43 gage de l’Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation » radicale doit faire naître, on a vu pou
44 parti avec prudence ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais rendre… Il
45 tive » qu’est l’amour idéalisé. Et je me sens au cœur venir, heure par heure, une belle colère, âpre et sévère qui fait que
46 ttérature, si fort qu’elle flatte les passions du cœur , n’offre qu’une résistance à peu près nulle aux attaques de l’esprit
47 attu C’est dans le théâtre classique — donc au cœur même d’un ordre intolérant — que la passion devait trouver sa revanch
48 it à condamner ce qu’il n’ose chérir que dans son cœur le plus secret, et sans se l’avouer. Mais la crise de sa passion pour
49 ’a séduite : « Je vous rends grâce du fond de mon cœur pour la désespérance où vous m’avez jetée, et méprise le repos où je
50 he. « Les femmes de ce temps n’aiment pas avec le cœur , elles aiment avec la tête », dit l’abbé Galiani. Des « débauchées de
51 ’une preuve de la secrète persistance du mythe au cœur des hommes du xviiie . Il fallait bien que subsistât quelque peu d’il
52 Il me semble que la fascination qu’exerce sur le cœur des femmes et sur l’esprit de certains hommes le personnage mythique
53 cruauté active les souffrances qu’il interdit au cœur de subir. Point de bonté chez qui n’a pas souffert : sa fantaisie per
54 et de l’Agapè. « La vertu est si nécessaire à nos cœurs que, quand on a une fois abandonné la véritable, on s’en fait ensuite
55 ntisme allemand, la diastole et la systole de son cœur , c’est l’enthousiasme et la tristesse métaphysique. C’est la dialecti
56 et l’on n’a plus d’illusions… On habite, avec un cœur plein, un monde vide. » Alors la femme elle-même cesse d’être le symb
57 t la vengeance sont devenues sans force sur leurs cœurs . Les initiés pénètrent au monde nocturne de l’extase libératrice. Et
58 e heure ou deux le roman pourra rebondir et notre cœur haleter, et c’est ce que nous cherchons. Mais l’obstacle signifie, à
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
59 eant le sens naturel des choses et l’influence du cœur humain sur les résolutions des hommes. » — « Spiritualiser » est peut
60 tir de la Révolution, l’on va se battre « avec le cœur des soldats » c’est-à-dire d’une façon « farouche et tragique » (Foch
61  » (Foch). Il faudrait préciser : ce n’est pas le cœur de chaque soldat considéré comme un héros qui décidera du sort d’une
62 s qui décidera du sort d’une guerre, mais bien le cœur collectif, si l’on ose dire, la puissance passionnelle de la Nation.
63 des entraînements « naïfs » et des « duperies du cœur  », alliée à un désir fébrile d’aventure, voilà le climat des principa
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
64 posséder, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en proie au mythe. C’est la femme-dont-on-est-séparé : on
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
65 lui-même son dieu214. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le serpent au sang froid — le cynique pur — insinue sa prom
66 e : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur , de toute ton âme et de toute ta pensée » ne saurait concerner que de
67 s’abolisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’un homme moderne, intoxiqué d’images — du moins perd-il son efficac
68 passion — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort au monde, tué