1 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
1 ous ayons vraiment oublié ce malheur ? Ou faut-il croire qu’en secret nous préférons ce qui nous blesse et nous exalte à ce qu
2 d’essayer de l’analyser ? Nous n’en sommes plus à croire que mythe est synonyme d’irréalité ou d’illusion. Trop de mythes mani
3 ne catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était le philtre du Roman) ; qu’il fo
4 fets). Mais si tu m’épargnes, ô lecteur ! faut-il croire que cela signifie que la passion n’est point sacrée pour toi ? Ou sim
5 les aventures entraînent au loin le chevalier. Il croit que la reine a cessé de l’aimer. C’est alors qu’il consent à épouser,
6 it féodal. Mais nous avons d’autres raisons de le croire . La conception de la fidélité et du mariage, selon l’amour courtois,
7 t place à la plus franche hostilité. Tout porte à croire que librement ils ne se fussent jamais choisis. Mais ils ont bu le ph
8 Iseut perdue, le frère d’Iseut aux blanches mains croit son ami amoureux de sa sœur. Cette erreur — provoquée par le nom des
2 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
9 grossières de faits « spirituels », aussitôt nous croyons tenir une explication de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus v
10 que le brahmane.18) Il est certain que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventureuse, très semblable à celle de l
11 nus, même quand il souffre volupté, même quand il croit aimer un être… On parle trop de nirvana et de bouddhisme à propos de
12  reçu » la lumière. Et tout homme né de femme qui croit cela, renaît de l’esprit dès maintenant : mort à soi-même et mort au
13 t vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux34, a cru pouvoir tout éclaircir en décelant à l’origine de la lyrique provença
14 entique. La condamnation de la chair, où certains croient voir aujourd’hui une caractéristique chrétienne, est d’origine manich
15 rche de si grand cœur que, par excès de désir, je crois que je m’enlèverai tout désir si l’on peut rien perdre à force de bie
16 rit, et d’indiquer en bref par quelles raisons je crois pouvoir les surmonter. On a dit et on me dira : 1° Que la religion de
17 r des coups de poing sur le nez » (est-ce assez «  cru  » ?), forcez-les : car c’est cela qu’elles aiment. Quant à moi, conc
18 ulement, et le plus contesté. On a trop longtemps cru que la cortezia était une simple idéalisation de l’instinct sexuel. À
19 e, prenons un exemple moderne. Un exemple dont je crois pouvoir dire que les données sont entièrement énumérables et très pro
20 épisode. Il est une de ces interprétations que je crois utile de citer, car l’origine cathare y transparaît nettement, malgré
21 matière seront illuminés, tandis que l’orthodoxie croit que Satan sera damné pour toujours. Il reste que dans ce temps, le ma
22 (Manuel de l’Inquisiteur) montre que les cathares croyaient bien à la Sainte Vierge, sauf qu’elle représentait pour eux non pas u
23 à sa fiancée des épîtres copiées dans un manuel : croit -on que ces formules toutes faites ne traduisent pas, à ses yeux, un s
24 ominus) et en Espagne : senhor (non senhora) ? Je crois qu’ici encore, au moins à l’origine, tout est symbole religieux, et n
3 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
25 problème que le xixe siècle matérialiste s’était cru en mesure de trancher au détriment de la mystique. À vrai dire, je ne
26 voque une souffrance si pénible, puisque l’âme se croit rejetée par Dieu, qu’elle arracha à Job soumis à une semblable épreuv
27 où Iseut ne serait qu’une belle femme — comme le croiront les siècles à venir —, les similitudes mystiques que nous venons de d
28 du problème, il sera traité en son lieu. Mais je crois qu’il y a bien autre chose. Car s’il n’y avait que cela, ce serait al
29 rist incarné réellement. Mais les « parfaits » ne croyaient pas l’Incarnation, et ne pouvaient connaître ce retour de l’âme à une
30 qu’après le xiie siècle, la conscience moderne a cru voir une donnée première. Elle a cru pouvoir « expliquer » le plus él
31 ce moderne a cru voir une donnée première. Elle a cru pouvoir « expliquer » le plus élevé par le plus bas, la mystique pure
32 i un certain activisme de l’amour. C’est qu’il ne croit nullement que toute distinction entre l’âme et Dieu puisse être aboli
33 se peut. Mais d’où le sait-on ? Les personnes qui croient cela, le croient-elles pour des raisons qu’elles seraient capables de
34 ù le sait-on ? Les personnes qui croient cela, le croient -elles pour des raisons qu’elles seraient capables de donner ? Ont-ell
35 ptise bon sens ou évidence. Ce préjugé consiste à croire que le physique est plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il e
36 ut érotomane est un mystique qui s’ignore », on a cru pouvoir répondre : « Ou l’inverse. » Il se peut que les épigones des
37 son amour. C’est un état d’indifférence parfaite, croirait -on ; en vérité, c’est le point de perfection d’un équilibre durement
38 e communique à nous au travers de la vie. (Ils ne croient pas l’humanité du Christ). Ils veulent aller tout droit à l’Amour par
39 e de s’y perdre sans retour au moment même qu’ils croient lui échapper. Et de là vient que la confusion était fatale entre l’Ér
40 (Einung). Toutefois un tel passage inclinerait à croire , avec Otto, qu’il ne s’agit nullement d’une fusion essentielle. 96.
41 ritère lorsqu’il s’agit de savoir si tel mystique croyait ou non à l’union essentielle ? Dans ce cas, la remarque de l’abbé Paq
42 e, chapitre sur la métaphore. 114. Comme le font croire des expressions courantes telles que « aveuglé par la passion », « fo
4 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
43 procédé mystifiant ? On serait assez tenté de le croire , lorsqu’on voit Dante et son ami Cavalcanti s’élever contre leur maît
44 plus que lui-même… J’ai en moi un feu, qui je le crois , jamais ne pourra s’éteindre… Pourquoi ne me consume-t-il point ? D
45 nde douleur, se soulage en regardant un miroir et croit y voir l’image de ses petits qu’elle, va cherchant : par ce plaisir e
46 turalisme polémique du dernier siècle. Mais je ne crois pas qu’ils se soient engendrés en ligne directe. Chaque moment de cet
47  » de Milton, il s’oppose moins qu’on pourrait le croire à une doctrine « courtoise » de l’amour. Entre un monisme qui assimil
48 proches de celles des cathares. Comme eux, Milton croit que le bon désir procède des principes intellectuels, et qu’il doit n
49 it beaucoup plus d’indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable e
50 trait que Racine a su faire mentir — j’en viens à croire qu’il est sincère dans sa Préface lorsqu’il écrit : Ce que je puis a
51 pté n’est pas celui de la santé sensuelle, s’il a cru se guérir du mythe. « Les femmes de ce temps n’aiment pas avec le cœu
52 Moyen Âge ; mais un corps social qui l’ignore et croit pouvoir le ridiculiser, se dessèche et s’énerve bien vite. L’esprit c
53 cidents qui menacent les débris de son rameau… On croit lire un poète allemand, on va retrouver la richesse du monde… Mais dé
54 algré eux, pour ces athées qui n’arrivent point à croire à leurs chimères les plus consolantes, l’amour ne sera pas longtemps
55 te. René et surtout Obermann ne peuvent même plus croire à l’image : ils ont compris que le drame se passe en eux, entre les l
56 sséchée, exacte, et plus proche qu’on ne pourrait croire de la mystique négative. La plupart reviendront aux illusions de l’am
57 est le moment où l’on idéalise la femme aimée. Je crois que c’est Ortega qui a souligné le premier154 que cette célèbre théor
58 les progrès et les singularités d’un mal qu’il ne croit pas mortel155. Une chose me frappe : sa description est admirable de
59 on rusée. (L’instinct seul, livré à lui-même). Je crois , comme Ortega, que la solution stendhalienne est d’abord inexacte, au
60 ntendre répéter par les bons juges, on a fini par croire que le Tristan de Wagner est un drame du désir sensuel. Qu’un tel jug
61 i forte est la certitude générale que personne ne croira son message. ⁂ Le drame débute par une évocation monumentale des puis
62 ées et perverses auxquelles personne ne sait plus croire . Vous avez fait de la femme une espèce de divinité coquette, cruelle
63 y a des brutes. L’idée de beauté, qu’un Lawrence croit encore consistante, c’est l’héritage d’une époque en faillite — une d
64 ns l’« infait », c’est-à-dire dans l’infect, l’on croit retrouver l’authentique de la vie, et l’on ne fait pourtant que s’aba
65 églée par l’esprit (même si l’esprit, comme je le crois , nous engageait dans des voies irréelles) ce n’est pas revenir au rée
66 t passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait , lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome malgré lui et malg
67 t au symbolisme ? Beaucoup de dames d’aujourd’hui croient que « mystique » signifie sentimental. Vitraux, pénombre bleue, arpèg
5 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
68 ou se rendre. Et cette règle étrange, si l’on en croit Froissart, coûta la vie, dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vi
69 ement concevables. Racine aussi, nous l’avons vu, croyait qu’on pouvait faire des tragédies sans crime. Le refus de trouver bel
70 s s’excitent sur les mariages princiers.) Et l’on croyait pouvoir liquider sans dommages le formidable potentiel de frénésie et
71 e européenne fut le jugement d’un monde qui avait cru pouvoir abandonner les formes, et libérer d’une manière anarchique le
6 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
72 acilité avec laquelle on se marie encore « sans y croire  ». Le rêve de la passion possible agit comme une distraction permanen
73 és des moralistes : mais personne ne peut plus le croire , à l’âge du film et du roman — nous sommes tous plus ou moins intoxiq
74 elève des statistiques publicitaires. L’homme qui croit désirer « son » type de femme se trouve intimement déterminé par des
75 et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cela que vous ne ferez rien de sérieux.
76 , de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux préjugés réactionnaires, qu’on se figurait, bien à tort
77 186. Sauf peut-être aux États-Unis, s’il faut en croire certains échos de presse sur la vie privée des stars et des magnats d
7 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
78 ous des astres dont le cours est calculable. J’ai cru cerner le secret de son mythe. La découverte n’est pas négligeable. M
79 t, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à so
80 , soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croi
81 soit du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient . Il n’est possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux pr
82 t objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un savoir ; et non pas à une déci
83  problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir
84 ystique, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises no
85 pouvait pas l’imaginer. Il était donc condamné à croire Éros, c’est-à-dire à se confier dans son désir le plus puissant, à lu
86 ouvait le conduire qu’à la mort. Mais l’homme qui croit à la révélation de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est d
87 révéler sa vérité. Et c’est pourquoi l’homme qui croit au mariage ne peut plus croire sérieusement au « coup de foudre », et
88 ourquoi l’homme qui croit au mariage ne peut plus croire sérieusement au « coup de foudre », et encore moins à la « fatalité »
89 lyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi
90 encore le mythe, naturellement, qui nous le fait croire , avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire
91 ue le dilemme passion-fidélité peut nous le faire croire . De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont on pressent au
92 ’est une scandaleuse tricherie aux yeux de qui ne croit pas à l’absurde ; mais c’est plus qu’une synthèse, et infiniment plus
93 plus et autre chose qu’une « solution », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes,
94 péché c’est la sublimation d’Éros. 201. Comme le croira cependant Novalis, renouvelant la mystique courtoise et les vieilles
95 efficace aux yeux de qui préfère le mythe et veut croire aux révélations de la passion. 205. B. Croce, Etica e Politica. 20
8 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
96 sacré que certains auteurs du siècle dernier ont cru pouvoir attribuer aux personnages de Tristan et d’Iseut (ou Essylt) d
97 é que Tristan épouse la seconde Iseut alors qu’il croit que la première le néglige. Ce n’est point tant la constance de son a
98 aint François ne s’occupait pas de doctrine… Mais croit -on que tous les cathares dogmatisaient ? Il y a de plus sérieuses rai
99 ien — la guérison à obtenir, c’est que l’infidèle croie  — devrait conduire à désirer pour l’homme non chrétien qu’il traverse