1 1942, La Part du diable (1944). Introduction. Que la connaissance du vrai danger nous guérit des fausses peurs
1 général, et à l’Amérique en particulier, c’est de croire au diable. On sortit de table. C’était au club. Tandis que nous atten
2 alpestre sont des gens simples et réalistes. Ils crurent l’apôtre. Ils le crurent si bien qu’ils le tuèrent ! Et le plus beau,
3 imples et réalistes. Ils crurent l’apôtre. Ils le crurent si bien qu’ils le tuèrent ! Et le plus beau, c’est que cela réussit :
4 peur de regarder en face ses vraies causes. Nous croyons à trente-six-mille maux, redoutons trente-six-mille périls, mais nous
5 trente-six-mille périls, mais nous avons cessé de croire au Mal et de redouter le vrai Péril. Montrer la réalité du diable dan
6 nt d’accord sur ce point : comme tous ceux qui ne croient pas au bien, à la délicatesse, à la grandeur, à l’âme, — le Malin est
2 1942, La Part du diable (1944). L’Incognito et la Révélation
7 que dans l’époque contemporaine. Même quand nous croyons « encore » en Dieu, nous croyons si peu au diable que l’on m’accusera
8 Même quand nous croyons « encore » en Dieu, nous croyons si peu au diable que l’on m’accusera certainement d’obscurantisme, ou
9 tout au moins dans les textes originaux). Si l’on croit à la vérité de la Bible, il est impossible de douter un seul instant
10 un seul instant de la réalité du diable. Mais qui croit encore à la Bible, sérieusement, dans un monde où l’on croit aux jour
11 e à la Bible, sérieusement, dans un monde où l’on croit aux journaux ? C’est un fait : l’homme moderne éprouve moins de peine
12 ec un sourire d’indulgente incrédulité : — « Vous croyez donc au diable ? Auquel ? Celui du Moyen Âge avec ses cornes rouges ?
13 populaires, qui se donnerait encore la peine d’y croire , ou même de déclarer qu’il n’y croit pas ? Ainsi, par un tour astucie
14 a peine d’y croire, ou même de déclarer qu’il n’y croit pas ? Ainsi, par un tour astucieux, l’image automatique et médiévale
15 an lui-même agite devant nos yeux pour nous faire croire qu’il n’est plus là depuis des siècles. Cette mascarade anachronique
16 à cornes rouges et à longue queue ; or je ne puis croire à un bonhomme à cornes rouges et à longue queue ; donc je ne crois pa
17 me à cornes rouges et à longue queue ; donc je ne crois pas au diable. » C’est tout ce qu’il demandait. Et ceux qui en resten
18 es de bonnes femmes, ce sont ceux qui refusent de croire au diable à cause de l’image qu’ils s’en font, et qui est tirée des c
19 e pour nos esprits rationalo-matérialistes. Je la crois mal posée mais, dans le fait, c’est ainsi qu’elle se pose à nous. (Ou
20 pent, dans la synthèse d’une sagesse nouvelle. Je crois que l’époque est mûre pour l’entreprise et que, dans les deux camps,
21 pur. Comme un artiste qui a perdu son génie et ne croit plus à la peinture, mais qui a conservé son « métier » et l’envie d’ê
22 lusion commune et presque inévitable nous porte à croire que certains actes humains sont malfaisants en soi et constituent le
23 nt réellement faire le mal, comme nous porte à le croire une formule trompeuse. Mais l’homme peut mal faire ce qu’il fait avec
24 diable étant jaloux de Dieu, il entend nous faire croire qu’il peut aussi créer. Et c’est pourquoi il entretient en nous l’ill
25 prême gît dans la certitude de faire le mal. » Je crois plutôt, comme le dit William Blake, que « la Chute n’a fait naître au
26 le déluge » et des « tant pis pour moi ». Il faut croire au pardon pour oser confesser le mal qu’on a commis ; pour oser quali
27 ique. La duplicité infernale, c’est de nous faire croire qu’il n’y a pas de juge, ni d’ordre divin du réel, et aussitôt que no
28 ordre divin du réel, et aussitôt que nous l’avons cru , de nous accuser de contravention devant le Juge. Ainsi la morale laï
29 onnaître celui qu’il sert ! Satan veut nous faire croire qu’il n’y a pas d’autre monde. Si nous le croyons, il se trouve qu’au
30 croire qu’il n’y a pas d’autre monde. Si nous le croyons , il se trouve qu’aussitôt nous ne pouvons plus croire à Dieu ni à Sat
31 ns, il se trouve qu’aussitôt nous ne pouvons plus croire à Dieu ni à Satan ! S’il n’y a pas de ciel, comme nous le dit Satan,
32 te, agit et réussit, c’est justement que nous n’y croyons plus. Mais à l’inverse, il n’est pas douteux que ce Dissimulé ne perd
33 que voici : tout d’abord, nous serions induits à croire que le diable n’est « rien d’autre » qu’une figuration naïve du péché
34 a choisi de se confondre avec lui au point qu’on croie cette abstraction plus vraie que la figure mythique. Le tour est subt
35 eut tirer, malgré moi, de ces pages. Dès que vous croyez apercevoir le diable, parce qu’il en a fait un peu trop, dès que vous
36 u traitement. On ne demanderait pas mieux que d’y croire . Mais les psychanalystes et les Christian Scientists eux-mêmes savent
37 être vraie. Comme on demandait à C. G. Jung s’il croyait aux phénomènes occultes, le grand psychanalyste se contenta de répond
3 1942, La Part du diable (1944). Hitler ou l’alibi
38 au secret de leur cœur, et qu’il faut leur faire croire qu’ils détestent… 16. Le deuxième tour Et c’est ainsi qu’à par
39 est ainsi qu’à partir de 1933, le diable nous fit croire qu’il était simplement M. Adolf Hitler, et personne d’autre. Ce fut s
40 ment diabolique que ne l’imaginaient ceux qui ont cru voir en lui le diable en personne. Si le Führer était le diable ou l’
41 vaillac, parce que ma mission me protège. Il faut croire un homme qui dit cela. Qu’il soit un instrument de la Providence comm
42 nie machinée par la Providence : — « Ah ! vous ne croyez plus au mystère ? Eh bien, je pose ce fait dans votre histoire, expli
43 plus ni Juifs ni Grecs. Elle ne demande pas : que crois -tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande : quels sont tes morts ? Relig
44 La paix, pour lui, n’est pas le malheur que l’on croit . C’est le temps où l’esprit va reprendre ses droits, pensent les homm
45 autres symptômes de la même névrose. Tout porte à croire que nous allons entrer dans une ère de religions aberrantes. Ou comme
4 1942, La Part du diable (1944). Le diable démocrate
46 je n’y étais pas ! Celui qui n’est jamais où vous croyez le prendre, où les sanctions l’attendent, où le mal se confesse. Eh b
47 uet contre nous-mêmes. Beaucoup de démocrates ont cru très sincèrement qu’Hitler incarnait seul tout le mal de notre temps,
48 des choses. Si nous sommes révolutionnaires, nous croyons qu’en changeant la disposition de certains objets — en déplaçant les
49 du siècle. Si nous sommes des capitalistes, nous croyons qu’en déplaçant vers nous ces mêmes objets, nous sauverons tout. Si n
50 e braves démocrates, inquiets ou optimistes, nous croyons qu’en rôtissant quelques dictateurs, profanateurs du droit, ou sorcie
51 e du démon, l’un de ses nouveaux noms. Nous avons cru à la bonté foncière de l’homme. Par gentillesse pour les autres, évid
52 s, évidemment… Mais c’est toujours une manière de croire aussi à sa propre bonté. Et donc de s’aveugler sur le mal que l’on po
53 aisser le champ libre pour nous duper. Nous avons cru que le mal était relatif à l’ordre social, qu’il provenait d’une mauv
54 fondamental doit être lui-même très méchant. Nous croyons qu’en avouant le mal, nous le créons d’une certaine manière. Nous pré
55 Voilà le grand secret. Le diable a réussi à faire croire aux démocrates qu’ils n’aimaient pas du tout le mal, qu’ils ne le dés
56 es citoyens se disait sincèrement antinazi, et se croyait parfaitement à l’abri de ce genre de tentation. Il avait sa bonne con
57 américaine, après toutes les autres. Elle aussi a cru que les nazis étaient des animaux d’une tout autre race que les Améri
58 Regardez le diable qui est parmi nous ! Cessez de croire qu’il ne peut ressembler qu’à Hitler ou à ses émules, car c’est à vou
59 tion moderne du démon. Nous avions donc cessé d’y croire . Puis nous avons imaginé que le diable était Hitler. Et le diable s’e
60 sous les traits d’un intellectuel libéral qui ne croit pas au diable… 28. L’Humour et la démocratie Il faut se moque
61 e. Épouvanté, le Vizir s’enfuit en Ispahan. Il se croit sauvé. Mais voici que la Mort reparaît le soir même dans son palais.
62 ique du monde. Il est beau aux yeux des naïfs qui croient que le mal doit toujours être laid ; et il est d’une laideur irrésist
63 ssuré dans sa bonne conscience. Au moment où vous croyez l’attraper chez un autre et lui régler son compte — voici qu’il est d
5 1942, La Part du diable (1944). Le diable dans nos dieux et dans nos maladies
64 ésus confie l’Église à Pierre, car lorsque Pierre croit , il est l’Église. (Tout homme qui croit, dans l’instant de la foi dev
65 ue Pierre croit, il est l’Église. (Tout homme qui croit , dans l’instant de la foi devient Pierre à son tour, et fondement de
66 et fondement de l’Église.) Mais lorsque Pierre se croit le possesseur du bien dont il a reçu la charge, il prétend aussitôt l
67 lles », elle ne se fonde plus sur le Pierre qui a cru , mais sur le Pierre auquel Jésus disait : « Arrière de moi Satan ! Ca
68 igérer nos expériences spirituelles. Tout porte à croire que le diable en est ravi. Car selon le dicton médiéval et renaissant
69 ’homme moderne, qui ne sait rien de la théologie, croit pouvoir s’en passer, mais ne se prive point d’en faire sans le savoir
70 op de recettes éprouvées : elle finit par ne plus croire au bien, ni au sérieux, ni à la naïveté, cette insondable ruse des cœ
71 ces milieux bohèmes et de mœurs relâchées qui se croiraient volontiers damnés. C’est, je crois, parce que, dans le monde, un mira
72 es qui se croiraient volontiers damnés. C’est, je crois , parce que, dans le monde, un miracle paraît plus qu’ailleurs improba
73 le Mr. Time et tout le monde le connaît. Mr. Time croit que le temps c’est de l’argent. Or il gagne beaucoup d’argent et pour
74 Gide, l’un des rares hommes que j’aie connus qui croient au diable et qui en parlent bien. La discussion de cette sentence inc
75 il ignore ; car sa faiblesse unique est de ne pas croire au bien. 45. Le pacte avec le diable Peter Schlemihl ayant ven
76 , il a recours au même et unique artifice : faire croire à l’homme qu’il n’est pas responsable, qu’il n’y a pas de Juge, que l
77 diable renouvelle la stratégie des tentations. Je crois pourtant qu’un sentiment nouveau, et comme indépendant de nos catégor
78 tes, si vraiment nous n’aimons pas cela ? Il faut croire que cela nous arrange, — quels que soient les prétextes que nous offr
79 se perdre dans les masses ou dans l’énorme, qu’il croie la science ou invoque le mystère, l’homme d’aujourd’hui montre une co
80 avait, dans cette exhortation, de diabolique. Je croyais alors que j’étais le seul à parler et que ce dialogue spécieux je l’e
81 ore pas. Il avait fait de moi sa conquête ; je me croyais victorieux, oui : victorieux de moi-même parce que je me livrais à lu
82 — devises de faibles. ⁂ L’amour moderne, si j’en crois nos romanciers et les statistiques de divorce, atteint un degré de co
83 commun que les romans et l’opéra nous l’ont fait croire . Je mets en fait qu’il n’y a guère plus de grands amants que de vrais
84 ù le fruit mangé par Ève signifierait ce que l’on croit , notez que ce n’est pas le geste de manger une pomme qui était mauvai
85 ffre toute la bourgeoisie. Au point qu’un Freud a cru pouvoir « tout expliquer » par les censures et refoulements de la mor
86 tan, c’est ce que fait voir le récit de la Chute. Croyez bien que ce n’est point par politesse que le serpent s’adresse à Ève
87 femme l’a persuadé qu’elle était opprimée. Il la croit , par fatigue, par gain de paix, ou par idéalisme mal placé. Tous ces
88  : — Si je lui dis qu’elle ne m’aime pas, elle le croira . Si je lui dis : — « Cesse donc d’être méchante », elle me demandera
89 qui néantit. 57. Le coup de pistolet Je me crois en Enfer, donc j’y suis. Rimbaud Évidemment, je n’aurais pas dû e
90 û entrer. On fait de ces bêtises, par négligence, croit -on. Bref, je suis entré, c’était tout juste pour voir si par hasard e
91 -moi donc seul. C’est mon ordre. Et si vous ne me croyez pas, je vais tirer ! 58. Ce livre est-il sans issue ? Le monde
92 Nous le pouvions peut-être et nous n’y avons pas cru . Peut-être aussi que rien n’était possible. Ces pensées augmentent l’
93 encore moins créer ? Pour cette démocratie qui ne croyait qu’au bonheur ? Mais voudrait-on mourir pour garder du bonheur ? Pou
94 gagner. Mais à quel Bien et à quel Mal avons-nous cru , pour montrer tout d’un coup tant d’assurance ? Se faire tuer pour la
95 e à s’y méprendre à notre époque. Mais si vous ne croyez pas au diable, je me demande à quel Mal vous croyez. Contre quoi lutt
96 oyez pas au diable, je me demande à quel Mal vous croyez . Contre quoi lutterez-vous jusqu’à la mort ? Car la mort est un absol
97 fort que le mal même dans son éclat ? Et si vous croyez à Satan, vous savez bien qu’il est aussi dans vous : intelligence ave
98 ans vous : intelligence avec l’ennemi ! Et si j’y crois , je sais qu’il est aussi dans moi. Il est donc aussi dans mon livre.
99 s’en délivrer ? Dira-t-on que je suis un fou qui croit voir le diable partout ? D’autres ne savent le voir nulle part. C’est
6 1942, La Part du diable (1944). Le Bleu du Ciel
100 écho lointain du grand cri de saint Paul : « J’ai cru , c’est pourquoi j’ai parlé ! » Qu’ai-je donc cru, qui m’ait permis d’
101 cru, c’est pourquoi j’ai parlé ! » Qu’ai-je donc cru , qui m’ait permis d’articuler ce peu que j’ai pu dire de nos maux ? E
102 le sentiment de la culpabilité, et de nous faire croire que c’est l’autre toujours, la force des choses ou la fatalité qui on
103 terventions ordonnatrices du Créateur. Nous avons cru pouvoir nous libérer de l’interdépendance de toutes les choses créées
104 hacun pour soi et Dieu pour tous » de ceux qui ne croient pas en Dieu. C’est ce que nous voyons se produire dans les États atte
105 ons qui m’apparaissent résulter de notre état. Je crois à la vertu de l’élucidation, qui dit le vrai en baissant le ton, sans