1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 considéré par plusieurs comme l’un des héritiers de Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
2 u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
3 us qu’un agrément purement littéraire : une leçon d’ énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
4 ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
5 e inquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
6 uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
7 bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
8 est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
9 dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
10 romain les virus du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
11 , de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
12 tion et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
13 me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle de l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
14 therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
15 arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’ original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
16 simpliste du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
17 e du monde, qui n’est en rien différente de celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
18 ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
19 la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
20 t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
21 x pattes de la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
22 e encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
23 te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
24 s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’ une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
25 ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
26 lu la justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des f
27 justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
28 ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
29 « fondre dans une unité supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
30 upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
31 oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal de vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
32 ans une même philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
33 philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
34 de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
35 nglais, morale qui veut former des hommes maîtres d’ eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
36 eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’ autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
37 itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire de cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
38 ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
39 atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
40 admirable lyrisme de poète du stade. En un style d’ une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
41 e d’une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
42 pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
43 nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
44 ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
45 t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
46 ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste d’ herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
47 foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
48 us que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
49 us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’ équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
50 nt les qualités du parfait citoyen : juste vision de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
51 on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
52 ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
53 ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
54 t plus général de la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
55 morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
56 le de rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien 
57 de que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
58 n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
59 s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’ olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
60 allon. Le regard connaît le regard dans la course d’ équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
61 ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
62 e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
63 de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
64 t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
65 le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
66 ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
67 us conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
68 it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée de cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
69 rlant illustre sa propre pensée de cette citation d’ un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
70 our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
71 qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
72 s : il développe ses qualités, le reste s’arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
73 uitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
74 laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
75 . L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
76 oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
77 n, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
78 Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’ une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
79 l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
80 lus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
81 salut des équipes avant le match : « En l’honneur d’ Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
82  ! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. Rougemo
83 ne telle « simplification ». a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La S
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
84 Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
85 u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
86 le à nos jours. Partis du classicisme de David et d’ Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
87 dans les domaines du romantisme, du naturalisme, de l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
88 près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point de départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
89 s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
90 nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
91 chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’ expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
92 cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
93 nse souvent le public), ils préparent l’avènement d’ un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
94 nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
95 une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
96 iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
97 témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
98 s : car la façon de peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
99 spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
100 haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
101 M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont De
102 besoin de souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de, « Confére
103 t entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de , « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 oct
104 Rougemont Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’ avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
105 nt Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
106 enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
107 un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’ une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
108 ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
109 dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
110 Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
111 bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
112 es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
113 ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’ un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
114 t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’ antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
115 ui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
116 ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
117 avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’ exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
118 ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’ une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
119 si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
120 dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
121 e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’ une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
122 st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
123 e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’ un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
124 e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
125 ncore transparaît un doute, parfois : « On craint d’ être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
126 aint d’être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
127 épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’ humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
128 vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
129 uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
130 de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’ affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
131 s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est d’ avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
132 ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
133 a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
134 va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
135 n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’ un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
136 e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
137 e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
138 ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
139 ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
140 la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
141 carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
142 plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
143 l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
144 dans son temple intérieur, s’il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
145 rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’ une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
146 oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
147 squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’ une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
148 e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
149 ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’ un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henr
150 . Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant
151 au d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
152 enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars
153 s de Verdun  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
154 e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
155 une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
156 de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
157 r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans d’ ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
158 it pas toujours chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
159 s chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’ autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
160 s passages où il expose directement les principes de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
161 de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
162 mblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
163 e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
164 Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
165 utomatisme psychique pur par lequel on se propose d’ exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
166 ’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
167 it de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
168 ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
169 el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
170 2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
171 scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’ une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
172 éconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
173 le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
174 s le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
175 ommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
176 e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
177 aits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
178 t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils d’ eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
179 n poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
180 e de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
181 i conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
182 nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’ illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
183 ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’ une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
184 l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
185 serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
186 non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
187 ’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’ accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
188 rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
189 si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’ un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
190 un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
191 donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
192 sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
193 Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
194 nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
195 emment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’ un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
196 t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
197 Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
198 S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
199 r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’ une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
200 tout morales. Les tendances encore un peu vagues d’ un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
201 t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’ un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
202 s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
203 our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
204 e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
205 dommage pour les lettres françaises qui risquent d’ y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
206 qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Breton, Manifeste du surréalisme  », Biblioth
207 surréalisme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
208 Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
209 Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
210 nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
211 uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
212 olin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
213 té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’ une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
214 est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
215 se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’ évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
216 ’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
217 t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
218 c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
219 sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
220 vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’ Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
221 ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
222 mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
223 douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
224 Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
225 risme dont on a voulu charger la « vie héroïque » de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
226 l nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’ une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
227 spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’ une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rou
228 ’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
229 an Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Colin, Van Gogh  », Bibliothèque universelle e
230 n, Van Gogh  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
231 court », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
232 tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
233 et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’ artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
234 lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
235 le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
236 ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
237 est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
238 lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
239 mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’ être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
240 abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’ affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
241  la nouvelle mise en servitude du peuple rustique de France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
242 ats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
243 t, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre 
244 le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
245 terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
246 œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
247 n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’ un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
248 e avait là les éléments d’un grand roman : autour d’ un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
249 les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
250 brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’ une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
251 nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
252 tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
253 l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’ une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
254 t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Roug
255 ssi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Lucien Fabre, Le Tarramagnou  », Bibliothèque unive
256 Tarramagnou  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
257 Les Appels de l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
258 925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle de la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
259 u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
260 mporains accumulent les documents. La littérature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
261 rature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
262 nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
263 surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’ aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
264 avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
265 e réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’ elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
266 oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
267 n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’ un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
268 ques savants européens qu’il le devra, tandis que d’ un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
269 un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
270 a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
271 fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
272 enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
273 lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
274 « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’ André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
275 particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
276 t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
277 u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
278 sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’ antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
279 bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
280 e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
281 t vain de tenter un classement parmi les réponses d’ une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
282 rents, si différentes même les conclusions tirées de points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
283 mblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’ occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
284 al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’ idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
285 a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
286 pique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
287 , et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
288 mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
289 ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
290 upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
291 ide dans sa « puissance de choix », dans le génie d’ abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
292 e dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
293 rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
294 u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
295 provisoire et qui porte en son principe le germe de sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
296 ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
297 ar exemple, qui cependant produit un grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
298 ions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
299 nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
300 historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
301 listes, qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
302 uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
303 , je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d’ en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
304 réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
305 frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
306 isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
307 s entrevu peut-être pour la première fois le rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
308 conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
309 ée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Ro
310 vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rouge
311 ns sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois
312 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
313 ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
314 Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
315 mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
316 rôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
317 ourci psychologique. « Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
318 fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
319 s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’ un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
320 st avant tout une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
321 une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’ évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
322 d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’ un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
323 le a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
324 ’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemo
325 ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de, « [
326 frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude  », Bibliothèqu
327 enis de, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
328 de solitude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
329 nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches de la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
330 ciété », pour reprendre la pittoresque définition de M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
331 au des auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
332 lors les grands noms de la littérature européenne d’ avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
333 nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits de ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
334 mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
335 nnent une juste idée de ce que fut la littérature d’ avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
336 ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemo
337 u le temps de la moisson, — le temps des éditions d’ œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] S. Fische
338 ditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] S. Fischer Verlag, Almanach 1925  », Bibliothèque u
339 manach 1925  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
340 g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
341 quelque superficialité, du moins faut-il le louer d’ avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
342 -il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
343 sion générale de notre temps et un évident besoin d’ impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
344 évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
345 . Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
346 les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’ une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
347 ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
348 ccumulation de petites touches précises des types d’ après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
349 petites touches précises des types d’après-guerre d’ une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
350 rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
351 celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
352 de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
353 ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
354 et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto
355 ie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Otto Flake, Der Gute Weg  », Bibliothèque universel
356 er Gute Weg  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
357 . Pour présenter au public français cette œuvre «  d’ importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
358 u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
359 éger, notation suggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
360 à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
361 n trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
362 êt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
363 œur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
364 rnes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
365 r Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’ une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
366 ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
367 ges des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
368 réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
369 u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’ être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
370 onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
371 lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
372 issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
373 personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’ action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
374 erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
375 ar on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
376 ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’ enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
377 é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
378 d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’ une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
379 es trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’ une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
380 d’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’ une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
381 une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
382 urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
383 ’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’ acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Miguel
384 barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et u
385 un prologue  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
386 Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
387 -être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
388 s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
389 M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
390 tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’ un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
391 l’œuvre du penseur vaudois la substance originale de la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
392 le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
393 s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
394 ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée de Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
395 ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
396 ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
397 nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
398 ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’ importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
399 s sa position purement chrétienne — un mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
400 lière — me paraît infiniment plus forte que celle d’ un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
401 nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’ un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
402 Son unité est plus réellement profonde, son point d’ appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
403 tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
404 pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
405 e ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la
406 ndu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
407 e française  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
408 e et la mort « où se reflète le passage incessant d’ oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
409 rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels 
410 ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’ une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
411 se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
412 ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
413 -John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
414 mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
415 pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie d’ images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
416 lité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
417 J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
418 me cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Ju
419 de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jules Supervielle, Gravitations  », Bibliothèque un
420 ravitations  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
421 raine offre un spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
422 ctacle bien passionnant : celui de la renaissance d’ une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
423 ne littérature nationale à la fois cause et effet de la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
424 n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
425 payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’ une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
426 ne pouvait produire qu’une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
427 ittérature très neuve de forme et traditionaliste d’ inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
428 Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
429 e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’ un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
430 et conserver dans l’admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
431 res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
432 lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
433 éalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes  », Bibliothèque univ
434 des bardes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
435 Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman d’ aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
436 -t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
437 écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
438 les du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
439 uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’ en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
440 l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
441 rikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
442 vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’ un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
443 tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
444 t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
445 vait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
446 vu la Révolution sans romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
447 olution sans romantisme, dans le détail de la vie d’ une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
448 . Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
449 ’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
450 bouleversement accompli dans la « Cité secrète » de la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
451 mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin d’ entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
452 trement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
453  », d’ailleurs assez peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
454 peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
455 que le revers de grandes qualités de réalisation d’ idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
456 tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais de M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
457 e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
458 ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
459 remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
460 russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’ explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
461 ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
462 nté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hugh Walpole, La Cité secrète  », Bibliothèque univ
463 ité secrète  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
464 Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
465 » (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
466 , professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
467 de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
468 Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
469 que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
470 nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet de façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
471 oints de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
472 u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation de saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
473 cutée, le martyre devient le signe par excellence de la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
474 t dans la vénération des pèlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
475 èlerins pour les tombes de leurs saints une forme d’ adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
476 les tombes de leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
477 orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église d’ alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
478 dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit d’ adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
479 On spécialise les « compétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
480 ent prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
481 de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
482 sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
483 e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent d’ avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
484 oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
485 se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à de telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
486 e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’ autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
487 ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
488 ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
489 protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
490 missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
491 saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
492 otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
493 rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
494 tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
495 ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
496 mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
497 manque pour louer comme il conviendrait la clarté d’ un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
498 d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’ historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
499 lidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
500 d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
501 an de montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
502 nt de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
503 danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’ un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Con
504 nimé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de , « Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel, 2 février 1926, p
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
505 ible ou désirable subissent cette rage désespérée de course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
506 s, vers autre chose. À certains signes — démences de fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
507 gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
508 situdes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
509 la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
510 uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’ une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
511 lée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
512 jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
513 , quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
514 s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
515 pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
516 se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
517 e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
518 velles. Toute la jeune littérature décrit un type d’ homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
519 nque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
520 ’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop d’ importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
521 le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
522 ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
523 a crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
524 oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
525 des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’ esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
526 certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
527 es vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
528 e notre temps est en profondeur : c’est une unité d’ inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
529  : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
530 maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
531 ssent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
532 n les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
533 profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’ étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
534 étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
535 r le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
536 ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
537 énéral de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
538 re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
539 ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
540 pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
541 ue et l’esthétique convergent dans la littérature d’ aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
542 neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
543 estion de rechercher ici les origines historiques d’ une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
544 ception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
545 littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
546 de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
547 e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
548 nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
549 ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
550 conséquences. Connaissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
551 le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
552 des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
553 possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
554 les dissonances les plus aiguës prennent la place d’ honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
555 ans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
556 chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
557 lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
558 i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’ une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
559 nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
560 vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
561 plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
562 attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
563 violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
564 reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’ action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
565 ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
566 , et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
567 sordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
568 che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
569 ’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’ une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
570 même désenchantement précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
571 ’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’ y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
572 cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’ une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
573 études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
574 ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
575 lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
576 pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
577 s de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
578 ue des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
579 nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’ esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
580 tachée à chercher dans le seul moi les fondements d’ une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
581 une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’ une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
582 ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
583 à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
584 l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
585 facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
586 y prend vite goût. Cela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
587 ela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
588 passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
589 Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
590 la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
591 i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
592 … J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
593 ’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
594 ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
595 urellement à repousser avec horreur tout argument d’ utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
596 ons toute vérité, nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
597 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
598 aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’ un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
599 phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
600 e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’ une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
601 nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
602 ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’ inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
603 il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
604 pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
605 moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
606 te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
607 urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
608 alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
609 ur une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
610 me personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
611 ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
612 l méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
613 ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
614 e de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
615 re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
616 tique de notre époque. Mais Gide est responsable d’ une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
617 e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
618 de est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
619 ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «  d’ intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
620 re méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
621 usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
622 intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
623 la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
624 ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’ après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
625 mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
626 — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
627 chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
628 plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’ une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
629 n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
630 ’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’ être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
631 vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
632 ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
633 un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’ une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
634 vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
635 it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
636 adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
637 besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
638 propre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’ une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
639 Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’ une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
640 s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme de fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
641 fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
642 tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’ une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
643 tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
644 tigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
645 calembours, expression métaphorique et symbolique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
646 rique et symbolique de la pensée : la littérature d’ avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
647 a pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
648 grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
649 n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
650 , l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
651 de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
652 art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
653 ement nous y perdons graduellement l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
654 nt l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
655 de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
656 proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
657 du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
658 de demain sera en réaction complète contre celle d’ aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
659 sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
660 fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
661 ntraire profiter des démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
662 rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
663 ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’ oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
664 ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
665 pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
666 autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
667 lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
668 dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
669 es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
670 ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
671 umission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
672 est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
673 raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
674 es se recueillent encore dans l’attente angoissée d’ une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
675 ngoissée d’une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
676 ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
677 hent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
678 core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
679 ts de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
680 e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
681 r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
682 tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
683 nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’ exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
684 resque tous les jeunes écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
685 le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’ agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
686 leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’ agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
687 ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
688 3. « Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
689 t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
690 e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
691 l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
692 ’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’ Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
693 de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
694 ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
695 nd du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
696 moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
697 n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’ une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
698 iver, et en fait l’on se contente d’une violence, d’ un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
699 fait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’ une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
700 leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
701 èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’ homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
702 condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
703 celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’ hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
704 e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
705 la Rochelle, s’il voulait…) o. Rougemont Denis de , « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et la morale
706 t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
707 (avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’ un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
708 tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
709 s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
710 le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
711 ’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
712 Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
713 t de crime, intense et tragique comme un couchant d’ automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
714 te en brèves notations lyriques suivant le rythme d’ un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
715 é par les élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
716 ondus du désir et de la prière. On sort lentement d’ une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
717 e même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
718 uivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
719 la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’ une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
720 Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
721 sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’ observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
722 me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
723 une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
724 montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
725 a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’ analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
726 des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
727 é dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’ introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
728 e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
729 science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
730 des idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
731 quelques chapitres inspirés presque littéralement d’ une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
732 és presque littéralement d’une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
733 e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
734 ique » et prévue, l’originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
735 énements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
736 de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Den
737 u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Co
738 les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pier
739 et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve, Paulina 1880  », Bibliothèque un
740 aulina 1880  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
741 Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
742 La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
743 qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’ écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
744 re a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
745 principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
746 onventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
747 ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’ une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
748 se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
749 cription du milieu patricien que dans la création d’ un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
750 ieu patricien que dans la création d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
751 in le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alix de Wattev
752 ui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace  », Biblio
753 de, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avr
754 de l’espace  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
20 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
755 Conférences d’ Aubonne (7 avril 1926)d e Pour la première fois cette année, les co
756 our la première fois cette année, les conférences de l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
757 nnée, les conférences de l’Association chrétienne d’ étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
758 ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet de la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
759 psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup d’ intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
760 ation scientifique. C’est donc à la seule volonté de choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
761 trand de Lyon, répondit en exposant les exigences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
762 face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
763 , et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
764 pressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’ idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
765 ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence de M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
766 it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
767 A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
768 ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
769 yant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
770 une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse de Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
771 points laissés en suspens dans la première partie de la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
772 nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
773 ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
774 ont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
775 les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
776 rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
777 nclut en montrant la nécessité et les difficultés d’ une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
778 risse l’avait fait le soir avant pour les milieux d’ ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
779 vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
780 es questions de partis, avec une passion contenue d’ hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
781 nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
782 ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’ utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
783 Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
784 émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
785 que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
786 dition, et nous n’y arriverons que par un travail d’ éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
787 s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
788 que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’ être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
789 re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
790 anquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’ étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
791 hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
792 ui nous fit croire un instant à la fameuse devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », S
793 se devise de la Révolution. d. Rougemont Denis de , « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926,
794 volution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’ Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926, p. 2. e. Signé :
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
795 ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de, « 
796 blic. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Wilfred Chopard, Spicilège ironique  », Bibliothèqu
797 ge ironique  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
798 ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
799 ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
800 ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
801 r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
802 ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’ exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
803 cidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
804 e développement un peu théorique mais intelligent d’ un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
805 premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier d’ avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
806 sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’ exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
807 un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Cécile-Claire Rivier, L’Athée  », Bibliothèque univ
808 er, L’Athée  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
809 Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
810 i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
811 meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’ esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
812 d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
813 Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
814 echerche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
815 r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
816 ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
817 hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
818 de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
819 ’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
820 s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
821 urs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
822 et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
823 . » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
824 nture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
825 t sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
826 nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
827 t de Cocteau est une arme admirable de précision, d’ élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
828 e admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
829 charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. Rougemo
830 parfum, ne se faneront pas. t. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à l’ordre  », Bibliothèque uni
831 l à l’ordre  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
832 émoignages ne manquent pas sur la détresse morale de la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
833 , « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
834 ansposition romanesque le trouble caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
835 e caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’ impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
836 ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
837 ec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
838 l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
839 isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
840 parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’ autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
841 Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
842 implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon co
843 ait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi  », Bibliothèque univ
844 orps et moi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
845 L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par
846 du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
847 e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’ y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
848 portance des conditions météorologiques du succès d’ une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
849 à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
850 acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit d’ Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
851 uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
852 . Mais précisons : c’est bien plus que la liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
853 erté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
854 e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’ autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
855 convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
856 qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
857 en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
858 on eut l’impression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
859 soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’ un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
860 ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’ arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
861 loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
862 arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’ intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
863 e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
864 es Rivière : combien reconnurent dans le tourment de cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
865 réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
866 vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’ un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
867 on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
868 o offrit pendant quelques nuits la vision étrange d’ une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
869 sur des paillasses attendraient en vain le lever d’ un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
870 Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop de toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
871 sse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
872 Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé d’ une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
873 apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
874 âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
875 attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
876 ! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
877 re : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis de , « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelle
878 adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère d’ Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
879 onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
880 ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’ étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
881 us disons adieu aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
882 mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
883 or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
884 catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
885 menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
886 lle use et conduit lentement l’usure des milliers d’ êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
887 Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
888 us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
889 i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
890 sement des préoccupations esthétiques et sociales d’ aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
891 et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
892 faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
893 des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
894 rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
895 nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
896 e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
897 des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’ une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
898 On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé d’ avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
899 ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
900 thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’ aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
901 aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
902 un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
903 monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’ époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
904 rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
905 e cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
906 les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’ une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
907 n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
908 lle contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
909 mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
910 tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’ un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
911 e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
912 s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
913 umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
914 es jardins suspendus à tous les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
915 s, et minces en regard de leur hauteur, entourant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
916 urant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
917 e organisé par l’Architecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
918 vec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
919 jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’ un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
920 rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
921 a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
922 Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
923 tériels formidables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
924 bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
925 archique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
926 es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
927 ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
928 ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
929 scurément à cette parfaite expression du triomphe de l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
930 era la passion du siècle ». v. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Le Corbusier, Urbanisme  », Bibliothèque universell
931 , Urbanisme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
932 (mai 1926)g Écrire, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
933 re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art d’ agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
934 s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
935 que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
936 t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat d’ écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
937 s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
938 ées comme on choisit un amour dont on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
939 ’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
940 dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
941 oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
942 urmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
943 ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
944 enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
945 s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
946 ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
947 subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
948 ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
949 ’autres désirs contradictoires ; au gré du temps, d’ un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
950 contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire, d’ un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
951 , d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
952 où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
953 rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’ une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
954 je devins si faible et démuni, livré aux regards d’ une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
955 les, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
956 référais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
957 trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
958 ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
959 mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
960 il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
961 découvrais, dans tout mon être une force aveugle de violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
962 organisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
963 dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
964 t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
965 r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé d’ un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
966 e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
967 problèmes dont je sais qu’il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
968 prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’ avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
969 résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
970 vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
971 , à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’ une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
972 erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
973 a consiste à retrouver l’instinct le plus profond de l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
974 eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
975 sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
976 la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
977 tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
978 ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
979 rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
980 la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
981 hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
982 e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
983 de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
984 éduquer, selon des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
985 lois établies par le concours de l’expérience et d’ un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
986 par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
987 en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
988 la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier, d’ où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
989 fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
990 ermet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
991 mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
992 a liberté est de les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
993 s loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
994 ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
995 ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’ un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
996 une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
997 t, comme elle veut une conscience. Je fais partie d’ un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
998 ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
999 ur une doctrine possible, sur une systématisation de mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
1000 petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’ être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
1001 ’être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
1002 lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
1003 uissance de jouir, en même temps que ma puissance d’ agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
1004 puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
1005 . Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’ anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
1006 , lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes d’ un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
1007 chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
1008 ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’ un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
1009 ont. Une fois écrites elles prennent un caractère de certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
1010 une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant d’ expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
1011 ’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
1012 ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’ un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
1013 itimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’ éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
1014 d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
1015 on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse », Les Cahier
1016 « mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis de , « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926,
28 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
1017 ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
1018 ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’ essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
1019 a donné la première œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
1020 œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
1021 synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’ aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer « 
1022 qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’ étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
1023 ification historique ou technique, mais tâcherait d’ épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
1024 ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
1025 e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
1026 ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’ un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
1027 non vers le passé catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
1028 compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
1029 dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
1030 ur œuvre, comme une découverte couronne une série d’ expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
1031 ne une série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
1032 it temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
1033 iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
1034 confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
1035 la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
1036 phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’ admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
1037 thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
1038 r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
1039 quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
1040 ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
1041 s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
1042 de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
1043 peut se demander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
1044 nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
1045 tement par opposition à la conception proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
1046 ption proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
1047 s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
1048 « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
1049 ntiments », où l’on est en droit de voir le germe d’ un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
1050 se fonderait solidement sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
1051 ent sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
1052 philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’ analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
1053 d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
1054 point si dangereux, il nous propose l’expérience d’ un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
1055 us propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’ un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
1056 rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’ un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
1057 d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
1058 ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
1059 du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’ adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
1060 tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
1061 xpression trop technique ou obscure, une richesse d’ idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
1062 et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
1063 être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
1064 sienne, en effet, où l’on court le double risque de paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
1065 n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
1066 et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
1067 synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
1068 Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
1069 ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
1070 ont les premières contributions à l’établissement d’ une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « 
1071 aptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ramon Fernandez, Messages  », Bibliothèque universe
1072 z, Messages  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
29 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
1073 Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
1074 me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
1075 des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
1076 e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
1077 jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
1078 nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre d’ une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
1079 , presque sans intrigue, sans cette orchestration de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
1080 de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’ une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
1081 a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme, d’ une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
1082 périlleux : si particulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
1083 articulier, il prêtait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
1084 ait à des abus de pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
1085 sque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
1086 e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
1087 is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’ excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
1088 sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
1089 d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
1090 rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
1091 ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est de voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
1092 poète jusque dans la description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
1093 t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
1094 ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
1095 ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus de la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
1096 ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
1097 es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
1098 e à plusieurs reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
1099 raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’ immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
1100 reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
1101 sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
1102 ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
1103 e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
1104 ement les articulations grinçaient, avec le bruit d’ un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
1105 rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
1106 sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
1107 à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
1108 t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
1109 les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
1110 de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
1111 logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
1112 olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’ évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
1113 st tout de suite une orgie d’évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
1114 ations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
1115 x et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
1116 nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
1117 s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
1118 e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
1119 r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
1120 uve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
1121 une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
1122 plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
1123 us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
1124 de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’ un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
1125 ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
1126 e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
1127 xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
1128 qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
1129 fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
1130 eaux de violence et de passion, c’est la présence d’ un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
1131 , c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
1132 tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’ être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
1133 d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’ une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
1134 nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
1135 ne soulève directement aucun des grands problèmes de l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
1136 n être intime l’en empêche, le préserve des états d’ incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
1137 problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
1138 vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’ Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
1139 Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — ( de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
1140 ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
1141 es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
1142 ’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique de la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
1143 ttitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
1144 ui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
1145 tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
1146 telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
1147 aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
1148 s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
1149 insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas d’ être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
1150 vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan de grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
1151 r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’ oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
1152 e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
1153 ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’ y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
1154 s obscures qui nous replacent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
1155 plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
1156 la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
1157 ’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
1158 de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
1159 es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
1160 du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité de la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
1161 Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
1162 e du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », La Semaine
30 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
1163 Il y a dans le monde intellectuel une « Question d’ Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
1164 occidental », et, au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
1165 nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’ un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
1166 ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque d’ où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
1167 raient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
1168 pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
1169 isions importantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
1170 tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
1171 paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
1172 secret dernier des choses, lucide, avec une sorte d’ acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
1173 aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
1174 don de sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
1175 thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
1176 à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
1177 habitués les voyageurs en Orient, mais une suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
1178 ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
1179 ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
1180 ne nous renseignent pas sur une partie orientale de lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
1181 l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt d’ un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
1182 on des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
1183 mulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
1184 composent le portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
1185 précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
1186 aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
1187 araison valable qu’entre individus, et comme type d’ individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
1188 ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
1189 met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
1190 ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
1191 u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
1192 r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux. De leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
1193 une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
1194 e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
1195 on fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
1196 se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
1197 à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
1198 voulu le faire des deux autres parties du volume, d’ une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
1199 du volume, d’une importance moins actuelle, mais d’ une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
1200 une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’ art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
1201 t-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
1202 ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
1203 la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
1204 s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
1205 alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
1206 igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant de tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
1207  : le christianisme n’est-il pas le plus beau don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
1208 don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’ un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
1209 ’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’ une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
1210 rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
1211 e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
1212 ’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
1213 aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
1214 eurs, que l’attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
1215 t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
1216 son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
1217 lité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
1218 me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte d’ être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
1219 arder dans ses dépaysements un point de vue fixe, d’ où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
1220 t à la légende le vrai, même amer, non par défaut d’ un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
1221 on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
1222 parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels d’ exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. R
1223 iental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal
1224 bert de Traz, Le Dépaysement oriental  », Journal de Genève, Genève, 16 juillet 1926, p. 1.
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
1225 ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
1226 ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
1227 vre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
1228 llure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
1229 tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
1230 fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’ énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
1231 lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
1232 les subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
1233 lences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
1234 ques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
1235 t longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’ esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
1236 sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
1237 des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », Bibliothèq
1238 Bestiaires  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
1239 Soir de Florence (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du
1240 e la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
1241 crète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
1242 reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde de sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
1243 promettait pourtant une connaissance plus intime de certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
1244 est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’ elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
1245 ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
1246 de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’ un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
1247 s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
1248 cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
1249 ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère de triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
1250 dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’ autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
1251 luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
1252 insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
1253 sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
1254 r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
1255 ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous de comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
1256 impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
1257 rait sacrilège, comme une barre droite au travers d’ un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
1258 s sèches… Puis la brume est venue comme une envie de sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
1259 Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
1260 Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
1261 ent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
1262 informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
1263 ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
1264 et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
1265 s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
1266 e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’ être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
1267 ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués de l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
1268 lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés d’ un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
1269 rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
1270 l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
1271 façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’ un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
1272 t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
1273 grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
1274 sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
1275 oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d’ usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
1276 t la vie des hommes pour demain, et il était beau d’ y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
1277 es formes devinées dans l’espace nous environnent d’ une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
1278 tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées d’ une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
1279 mphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
1280 lle en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
1281 rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
1282 nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
1283 mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
1284 aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
1285 des musées ! — et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
1286 au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis de , « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 192
1287 u ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-5
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
1288 lques idées graves en leur présentant les miroirs de personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
1289 souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
1290 avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
1291 oses de mannequins, les tendances contradictoires d’ un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
1292 pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
1293 oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’ unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
1294 vante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
1295 irituellement « poétique ». y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jacques Spitz, La Croisière indécise  », Bibliothèq
1296 re indécise  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
1297 Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’ un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
1298 ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
1299 els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’ un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
1300 osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple de juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
1301 uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’ un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] A
1302 d’un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alfred Colling, L’Iroquois  », Bibliothèque univers
1303 L’Iroquois  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
1304 André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
1305 l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’ Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
1306 inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
1307 e on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
1308 e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
1309 « une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
1310 t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
1311 humilions sans trêve notre sensibilité au profit de ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
1312 cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves de puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
1313 tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
1314 té essentielle » que le Chinois distingue au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
1315 vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
1316 ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
1317 es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
1318 lativisme angoissant qui semblait devoir résulter de cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
1319 évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
1320 humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
1321 écouvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandis que M. Ford expos
1322 us prenons chaque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
1323 aque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
1324 plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’ agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
1325 « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
1326 acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’ action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
1327 ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
1328 s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
1329 ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
1330 en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
1331 e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont
1332 archie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Ma
1333 uprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident  », Bibli
1334 de, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, d
1335 l’Occident  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
1336 ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait de débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
1337 celles en particulier qu’implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
1338 is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
1339 jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’ être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
1340 mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’ aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
1341 le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
1342 que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’ être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
1343 s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
1344 rcher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
1345 s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
1346 unes qui passent… » Pas question de les saluer ni d’ emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
1347 e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
1348 e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
1349 les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
1350 cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
1351  : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
1352 uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’ appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
1353 notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
1354 eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté d’ indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
1355 té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
1356 tre, nous nous empressons de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, av
1357 ns de vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modestes…   Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
1358 plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression de la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
1359 indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
1360 , mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’ une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propo
1361 volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de , « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
1362 a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
1363 Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps p
1364 us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
1365 de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’ une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
1366 us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
1367 le prétexte toujours de probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
1368 u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’ une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
1369 e vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
1370 n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs de grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
1371 e originale : tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
1372 e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations de votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
1373 me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
1374  » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
1375 cientifique, à la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
1376 la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
1377 reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
1378 us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
1379 ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
1380 yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
1381 it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode d’ observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
1382 hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
1383 donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
1384 ette opération idéale. En même temps, la froideur d’ une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
1385 aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
1386 ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort d’ un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
1387 laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
1388 ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide. D’ où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
1389 », écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
1390 rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
1391 e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
1392 ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
1393 iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
1394 ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
1395 audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
1396 e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas de gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
1397 us incongru du héros n’est jamais que le résultat d’ un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
1398 t gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
1399 à un système restreint de références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
1400 lte de semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
1401 ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
1402 leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
1403 uite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
1404 s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
1405 Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
1406 is pour être moins pittoresque et plus « entachée d’ utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
1407 ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’ un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
1408 e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
1409 suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
1410 se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
1411 scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’ action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
1412 tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps de le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
1413 ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
1414 je le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
1415 frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
1416 l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’ une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
1417 e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’ accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le be
1418 ppelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
1419 ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
1420 . Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
1421 profondes et indéfinies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
1422 ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’ automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
1423 dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
1424 . J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
1425 oposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
1426 te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’ une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
1427 ’une image plus précise, cette minute est baignée d’ une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
1428 lus précise, cette minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
1429 te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
1430 énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
1431 trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un de ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
1432 ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
1433 , j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
1434 de tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
1435 tte espèce de confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
1436 e de confession romancée dont les livres de Bopp, d’ Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
1437 ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
1438 livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs 
1439 us ces livres évoquent assez précisément la forme d’ un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
1440 se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
1441 t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre de soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
1442 aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
1443 : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
1444 e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction de moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
1445 le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
1446 la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
1447 ofondir — il était venu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
1448 s purement (« cette curiosité donnée comme raison d’ une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
1449 uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
1450 l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
1451 able tristesse qui rôde dans certaine littérature d’ aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
1452 plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
1453 ction, en littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
1454 toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
1455 e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’ éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
1456 est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’ un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
1457 s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement, d’ une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
1458 le gage d’un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
1459 solidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
1460 ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’ être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
1461 haiter d’être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
1462  », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
1463 grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
1464 sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’ un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
1465 assez étroites empiriquement fournies par le sens de son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
1466 découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
1467 r, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
1468 ue dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
1469 e l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
1470 Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
1471 r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’ un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
1472 créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
1473 C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient d’ imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
1474 lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme 
1475  réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité d’ agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
1476 paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation de la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
1477 ments du moi, moins le principe unificateur ». De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
1478 De quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
1479 érateurs La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
1480 fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
1481 e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’ un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
1482 La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
1483 n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
1484 la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
1485 mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
1486 besoin de mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
1487 z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point d’ oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
1488 ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
1489 ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
1490 ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
1491 sincérité tournée au vice, invertie, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
1492 ser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
1493 l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
1494 s à peu près à ce point de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
1495 t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’ appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
1496 inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
1497 ote des passages suivants (les paraphraser serait d’ une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
1498 igne — ils marquent au reste fort bien les jalons de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
1499 de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
1500 ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
1501 n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’ être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
1502 istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
1503 erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
1504 -même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’ un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
1505 équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’ entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
1506 appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’ assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
1507 une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
1508 celle qui est douée d’assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
1509 me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour de l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
1510 paraît plus sinistre à la sincérité presque pure de cet âge. Mais il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’un
1511 il le faut dépasser.)   Si j’en crois l’intensité d’ un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
1512 time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
1513 rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
1514 vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’ y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
1515 moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
1516 Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
1517 ................. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
1518 t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
1519 Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’ une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
1520 ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’ un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
1521 rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli de ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
1522 sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’ un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
1523 quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
1524 t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
1525 ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
1526 es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
1527 tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
1528 ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’ inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
1529 is, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
1530 baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’ attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
1531 vers quoi je me portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
1532 C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
1533 une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’ une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
1534 discrètement les décisions et les rend complices d’ un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
1535 lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
1536 — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’ idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
1537 d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
1538 ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’ un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
1539 une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
1540 s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
1541 s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
1542 ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
1543 ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu d’ une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
1544 é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
1545 me je veux être !… 1. La véritable description de l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
1546 ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité de traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. « 
1547 langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
1548 que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou d’ écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
1549 ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont
1550 e moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Par
1551 ute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de , « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuc
1552 (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
1553 ont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
38 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
1554 clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité d’ un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
1555 rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’ une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
1556 ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
1557 re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
1558 m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’ habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
1559 du bureau, les gages insupportablement familiers d’ une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
1560 ges insupportablement familiers d’une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
1561 ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’ un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
1562 étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc d’ ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
1563 cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
1564 tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
1565 chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus d’ ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
1566 de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
1567 . Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’ annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
1568 es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
1569 oulait dans la banlieue printanière ; des soupers d’ amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
1570 dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
1571 . Il en parcourait rapidement les pages, la proie d’ une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
1572 roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
1573 r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient d’ une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
1574 uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
1575 e de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’ un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
1576 conclusion d’un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
1577 mouvants où je me voyais figurer comme une sorte de « personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
1578 aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
1579 -il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
1580 tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’ un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
1581 avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
1582 tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup d’ imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
1583 pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
1584 à travers de situations complètement démodées et d’ intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
1585 pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
1586 leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
1587 nexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
1588 s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
1589 r manie aussi de situer le paradis dans la classe d’ impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
1590 voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
1591 ec assurance contre faillites morales et douleurs d’ amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
1592 prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses d’ épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
1593 Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments d’ une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
1594 ments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
1595 morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
1596 eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
1597 cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
1598 ’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’ une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
1599 e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
1600 i est en train de me soutirer les quelque billets de mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
1601 aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins de rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
1602 ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’ adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
1603 r des visions. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
1604 cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’ un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
1605 mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
1606 garder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
1607 loguaient follement au-dessus des rues parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
1608 yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
1609 es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
1610 ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein de rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
1611 le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant d’ aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
1612 sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
1613 é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
1614 te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâ
1615 idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis de , « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts app
39 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
1616 Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
1617 s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’ un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
1618 les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
1619 ur temps à recenser les incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
1620 il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’ injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
1621 ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
1622 et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
1623 qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
1624 de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
1625 . Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
1626 ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’ intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
1627 ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
1628 fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’ insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
1629 nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
1630 le tempérament le plus hardi et le plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
1631 nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
1632 tre littérature pour trouver semblable domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
1633 e. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
1634 fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’ un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
1635 isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
1636 ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’ une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
1637 l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’ un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
1638 u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
1639 es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’ une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
1640 d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
1641 logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
1642 mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’ octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
1643 d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
1644 Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
1645 n passant par la description réaliste ou imaginée d’ une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
1646 r la description réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
1647 ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’ une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
1648 ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’ un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
1649 d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
1650 ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’ Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
1651 e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
1652 erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
1653 r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’ alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rouge
1654 non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « 
1655 e vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « [Compte ren
1656 ogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris  », Bibliothèque u
1657 enis de, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
1658 an de Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
1659 dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets de vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
1660 s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’ un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revu
1661 e on signe d’un faux nom. d. Rougemont Denis de , « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1662 ougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
1663 Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur
1664 ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’ hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
1665 ’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
1666 famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que d’ authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
1667 accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
1668 printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’ une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
1669 pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira d’ une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
1670 a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’ Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
1671 s remarquablement exagérées, lui valait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
1672 On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
1673 s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
1674 un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
1675 oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort d’ une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
1676 e et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
1677 se, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
1678 ile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis de , « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Be
1679 e. f. Rougemont Denis de, « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
1680 atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
42 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
1681 Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons d’ un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
1682  : Billet circulaire pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
1683 ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
1684 ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
1685 matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt de sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
1686 tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran de pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
1687 : Mardi dernier a été célébré en l’église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
1688 église grecque de la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
1689 la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont D
1690 encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de , « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
1691 h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p. 
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
1692 ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
1693 ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
1694 , écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
1695 ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’ imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
1696 cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
1697 magination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
1698 lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
1699 vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
1700 encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
1701 plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
1702 aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
1703 e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
1704 ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’ eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
1705 our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’ Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
1706 rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’ allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour 
1707 e sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’ amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
1708 r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’ une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
1709 Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’ un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
1710 scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… « 
1711 es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’ homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
1712 er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
1713 tte analyse trahit Barbey : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
1714 st justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
1715 es moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
1716 iolence, autour de ces êtres dont la détresse est d’ autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
1717 us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
1718 s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
1719 os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’ une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
1720 uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’ hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
1721 s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’ un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
1722 sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
1723 la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’ un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
1724 emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’ une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
1725 mplaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Bernard Barbey, La Maladère  », Bibliothèque univer
1726 La Maladère  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 256.
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
1727 mmes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
1728 ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’ une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
1729 action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
1730 u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
1731 joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
1732 ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
1733 ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
1734 our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
1735 r la souffrance indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
1736 isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
1737 eu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’ art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
1738 Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
1739 pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
1740 s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
1741 n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
1742 faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
1743 e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’ évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
1744 e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
1745 , non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’ une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
1746 etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’ une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
1747 r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
1748 ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’ éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
1749 pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’ insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
1750 semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
1751 e inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
1752 site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
1753 ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
1754 ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’ une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
1755 involte, glacé, passionné. ad. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Montclar  », Bibliothèque univers
1756 s, Montclar  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
1757 927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
1758 ’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
1759 de vous écrire au moment où je vais me suicider, d’ autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
1760 ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion de mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
1761 ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux de plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
1762 existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
1763 entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
1764 nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
1765 vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
1766 romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus d’ une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
1767 ecrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
1768 sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais d’ entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
1769 alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image d’ un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
1770 vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège de rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
1771 dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais d’ un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
1772 ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
1773 mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
1774 es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas d’ un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
1775 op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’ un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
1776 sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’ un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
1777 a table en désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
1778 n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’ une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
1779 illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
1780 l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
1781 sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’ oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
1782 une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures, d’ un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
1783 disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès d’ elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
1784 evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
1785 r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée de vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
1786 oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
1787 Je finissais par vous voir partout. Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
1788 Chaque visage de femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
1789 ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
1790 éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
1791 Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause d’ une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
1792 tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt de la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
1793 s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
1794 utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’ un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
1795 ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
1796 épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
1797 nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes de phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
1798 les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
1799 roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
1800 tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’ autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
1801 , mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
1802 du la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
1803 ue de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
1804 -je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond de ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
1805 truction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
1806 recherche de tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
1807 sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
1808 e ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis de , « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1809 ougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
1810 ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
1811 écrivait Cocteau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a
1812 préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’ Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
1813 Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
1814 e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est d’ y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
1815 ibles deux interprétations symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
1816 s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher d’ y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
1817 songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
1818 « tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
1819 pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’ en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
1820 , dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un de ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
1821 prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
1822 est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
1823 ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
1824 s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
1825 l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
1826 ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
1827 -on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue de certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
1828 alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
1829 i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
1830 ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre d’ art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
1831 dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques de cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
1832 cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
1833 tif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
1834 se utilisation des expressions courantes, maximum de « situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
1835 ituation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
1836 parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
1837 pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre, d’ une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
1838 tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’ une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
1839 d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’ un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
1840 es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’ en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
1841 n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est d’ avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
1842 pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
1843 rphée, sinon peut-être cette indispensable « part de Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
1844 ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
1845 ’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales de roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
1846 s dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
1847 de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
1848 ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
1849 par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
1850 sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rou
1851 us n’en demandions pas tant… k. Rougemont Denis de , « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
1852 Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
1853 que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
1854 s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
1855 out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
1856 s soirs où une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
1857 s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
1858 it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
1859 trevue par chacun dans son for le plus intérieur, d’ une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
1860 e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’ un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
1861 assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’ un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
1862 oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’ une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
1863 le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
1864 eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés d’ horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
1865 ’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’ une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
1866 ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’ anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
1867 dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance de Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
1868 matoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’ engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
1869 dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’ un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
1870 rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
1871 de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
1872 s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
1873 par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
1874 se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
1875 uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
1876 partit pour la Riviera afin de négocier la vente de cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
1877 revint juste à temps pour assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
1878 assister à la cérémonie de la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
1879 u point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
1880 ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
1881 ovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
1882 ue le disait si poétiquement le programme. Un peu d’ histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
1883 iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
1884 ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
1885 que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
1886 ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
1887 cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
1888 dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’ oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
1889 -il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
1890 ie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis de , « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
1891 . l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p. 
48 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
1892 Conférence d’ Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
1893 Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, pro
1894 e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
1895 un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
1896 ants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
1897 L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
1898 ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
1899 cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
1900 (Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
1901 avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
1902 arté comment, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
1903 date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
1904 , et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
1905 religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
1906 de la civilisation ; en interdisant aux réformés d’ exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
1907 ormés d’exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
1908 oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
1909 gistrés. Après avoir fait un tableau de la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
1910 e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
1911 tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux de ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
1912 t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
1913 n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
1914 eil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
1915 e roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
1916 ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
1917 eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
1918 urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
1919 ont presque anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
1920 e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
1921 cation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
1922 à se révéler politiques (guerre de la confession d’ Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
1923 par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin d’ être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
1924 loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’ eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
1925 L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
1926 « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
1927 Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’ autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
1928 ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
1929 le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient d’ en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
1930 faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
1931 e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’ Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
1932 octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
1933 e, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
1934 e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
1935 qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
1936 XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’ une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. R
1937 une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nant
1938 que professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis de , « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel,
1939 enoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 févrie
1940 e, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’ avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
1941 révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
49 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
1942 1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’ un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
1943 té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
1944 ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
1945 emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
1946 nt appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
1947 critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
1948 s, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
1949 garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’ un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
1950 es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
1951 uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
1952 mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’ amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
1953 de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
1954 mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
1955 va pas s’attabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
1956 dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
1957 t au héros plus confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
1958 et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
1959 incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
1960 sa femme, « mais comme on aime une petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
1961 tite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
1962 ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’ Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
1963 Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’ une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
1964 ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
1965 rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
1966 et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
1967 s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
1968 tes avant que la raison n’intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
1969 s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
1970 ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’ un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
1971 itent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
1972 , pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’ or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
1973 d’or, un désenchantement profond prend le masque d’ une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
1974 dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
1975 ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
1976 onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’ amis inconnus. af. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond Jalo
1977 beaucoup d’amis inconnus. af. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée…  », Bibliot
1978 usse aimée…  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
50 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
1979 Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu
1980 b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film d’ avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
1981 ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
1982 et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
1983 Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’ une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
1984 re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
1985 rine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
1986 une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
1987 ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’ Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
1988 te bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
1989 bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
1990 ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
1991 25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes de cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
1992 inées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
1993 sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse d’ une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
1994 Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu d’ échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
1995 , puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’ un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
1996 hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’ où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
1997 tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
1998 t à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
1999 its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
2000 nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares d’ auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
2001 . Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
2002 asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf d’ où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
2003 be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
2004 apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
2005 e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
2006 ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
2007 ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
2008 le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
2009 . Ils revoient la danseuse, font une ronde autour d’ une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
2010 revoient la danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfil
2011 danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
2012 , font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
2013 nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
2014 e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
2015 il roule dans les marguerites, il en sort un chef d’ orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
2016 e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’ entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
2017 eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
2018 rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
2019 ’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes de poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
2020 oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
2021 là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher d’ admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
2022 er l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
2023 n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’ Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
2024 éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
2025 oit nous « transplanter », un certain naturel est de rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
2026 du véritable miracle auquel nous assistons. Mais de pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
2027 auts sont presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
2028 dans une production de début, et Entr’acte mérite d’ être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
2029 aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste de l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
2030 is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
2031 ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
2032 e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’ épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
2033 oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’ un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
2034 d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
2035 e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
2036 ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
2037 cière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’ étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
2038 rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie d’ une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
2039 que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
2040 miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion d’ une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
2041 omme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
2042 des nées des nécessités sociales — nous empêchent de découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
2043 ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’ incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
2044 le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’ imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
2045 faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays d’ illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
2046 and nos regards plus assurés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
2047 s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre d’ un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rouge
2048 d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’ un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’él
2049 iques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis de , «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles
2050 d’un ange. n. Rougemont Denis de, «  Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2051 cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 124
51 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
2052 rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
2053 intelligence très nuancée maintient en une sorte d’ instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
2054 contemporains ont poussées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
2055 ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
2056 ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’ une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
2057 ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
2058 irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’ analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
2059 sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
2060 dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
2061 oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’ un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
2062 t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
2063 ue et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
2064 e extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
2065 les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’ aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
2066 gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
2067 angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
2068 ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’ un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
2069 , M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
2070 emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’ un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
2071 foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’ un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
2072 ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
2073 utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
2074 autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
2075 ui formule admirablement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
2076 ement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
2077 te à le chercher encore… » ag. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Daniel-Rops, Notre inquiétude  », Bibliothèque univ
2078 inquiétude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
2079 je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
2080 mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
2081 I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir d’ une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne
2082 bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut de l’humanité.)   Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
2083 ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
2084 ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
2085 our le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
2086 des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
2087 s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes de la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
2088 eules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
2089 lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
2090 st un ricanement splendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
2091 s palinodies, font encore rêver les anges écœurés d’ azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
2092 es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique, d’ une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
2093 diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On
2094 ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie.   On dit : « Des mots ! » au lieu
2095 !, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas de meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
2096 ! » — avec une indignation où j’admire une pointe d’ ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
2097 érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d’ aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
2098 la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
2099 ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
2100 désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
2101 e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
2102 n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire d’ Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
2103 souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
2104 r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’ être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
2105 es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
2106 ux, quelques « goujateries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
2107 eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
2108 neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’ un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
2109 ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
2110 les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
2111 bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
2112 Nous sommes ici en présence d’une des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
2113 belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
2114 tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
2115 tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
2116 it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
2117 Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
2118 ’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « N
2119 Il s’agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’une réa
2120 u compromis :   « Nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
2121 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
2122 Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
2123 aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
2124 i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? »   Nous naisson
2125 à quelque chose qui imite la vie dans une époque d’ inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
2126 omissions où triomphe sous tous les déguisements, de Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
2127 pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’ une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
2128 s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu d’ expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
2129 il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
2130 pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
2131 . « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
2132 vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’ entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
2133 , dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’ un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
2134 ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
2135 es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
2136 « Si j’essaie un instant de m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
2137 je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir d’ argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
2138 . » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d’ extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
2139 fait oublier certaines morales d’extrême moyenne d’ où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
2140 enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
2141 tout sur une révélation possible, ou la naissance d’ un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
2142 : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
2143 s gestes encore, interceptant les messages égarés de l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
2144 ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir de colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
2145 selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’ une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
2146 tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
2147 qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
2148 duction ». Pour un peu, je découvrais une manière de prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
2149 orie du scandale pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
2150 osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
2151 . Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
2152 on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte de donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
2153 emier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
2154 vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
2155 me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
2156 ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
2157 êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
2158 de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’ une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
2159 sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
2160 laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
2161 esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
2162 le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon de parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
2163 entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’ attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
2164 ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
2165 as mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
2166 ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
2167 t « bien Parisien » dont de récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
2168 enu qu’une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
2169 nie à des incrédules le droit à parler des choses de la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
2170 e droit à parler des choses de la foi comme étant d’ un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
2171 nt on voudrait que soient justiciables les œuvres d’ un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
2172 ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
2173 s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme d’ une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
2174 me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
2175 e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
2176 s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes — de novembre 1926.   2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
2177 gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
2178 loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi de me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
2179 dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
2180 es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’ êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
2181 , beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
2182 ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
2183 nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen de causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
2184 Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité de métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
2185 ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant de derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
2186 t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine de telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
2187 opposent à ces « délires » les thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
2188 Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
2189 gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin de la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
2190 comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
2191 tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche, d’ humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
2192 « À bas le clair génie français. » Alors la voix de Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
2193 s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
2194 significatives de ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
2195 sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’ obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
2196 la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
2197 ical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
2198 pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
2199 ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
2200 e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
2201 rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
2202 tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’ extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
2203 e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
2204 , pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
2205 . Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
2206 ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
2207 ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
2208 ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
2209 cet esprit « bien français » qui s’associe à tant d’ objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
2210 t « bien français » qui s’associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
2211 objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
2212 tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
2213 Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
2214 urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
2215 ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
2216 qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
2217 de l’invention.   Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
2218 des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
2219 s. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
2220 ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
2221 re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
2222 ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
2223 lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’ optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
2224 ranniques évidences, ordre et désordre, principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
2225 principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus 
2226 artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
2227 eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
2228 Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
2229 ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin de révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
2230 re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme de magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
2231 nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
2232 s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
2233 ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
2234 esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
2235 révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
2236 les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
2237 es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
2238 u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
2239 mace. Il y a encore des gens pour qui les limites de l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
2240 ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
2241 finalement nous écraser par l’évidence définitive de notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
2242 fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
2243 contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
2244 st plus combattre, c’est l’épanouissement violent d’ une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
2245 violent d’une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
2246 m de passions, c’est une atmosphère toute chargée d’ éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
2247 ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d’ aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
2248 cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
2249 revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
2250 pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
2251 orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles d’ amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
2252 es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
2253 s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
2254 us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
2255 surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
2256 République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
2257 ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
2258 s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
2259 s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
2260 , quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », R
2261 me. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis de , « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2262 nis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 13
2263 il 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie de l’original, sans doute voulue par l’auteur.
53 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
2264 e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques d’ une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
2265 s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
2266 ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait d’ une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
2267 capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
2268 de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
2269 eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
2270 e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’ un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
2271 la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
2272 s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
2273 e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
2274 ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs d’ un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
2275 . Elle découvre en passant près de lui le sourire d’ amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
2276 en passant près de lui le sourire d’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
2277 ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
2278 la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
2279 on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’ un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
2280 uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
2281 Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
2282 Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
2283 des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
2284 issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
2285 esses des flocons, plus perfides que des murmures d’ adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
2286 rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
2287 s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
2288 t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’ amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
2289 que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
2290 de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
2291 s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit de ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de, « Quatre
2292 rases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de , « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
2293 Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 15
54 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
2294 le passé ? Allons-nous assister à un regroupement de ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
2295 nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
2296 uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
2297 que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
2298 ’atmosphère de combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
2299 r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
2300 a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour d’ eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
2301 dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde d’ amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
2302 des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
2303 stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
2304 out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
2305 d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
2306 découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
2307 de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’ avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
2308 e à nous revenir munis du passeport indispensable d’ une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
2309 re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
2310 hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent de touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
2311 eillera cette consécration bien méritée du talent d’ un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
2312 ra cette consécration bien méritée du talent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
2313 ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’ un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
2314 force se développe. N’était certain petit plaisir d’ impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
2315 etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
2316 D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
2317 achons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
2318 de paresse dans les jugements du public, et moins d’ incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
2319 gements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
2320 éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
2321 ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
2322 pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits d’ enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
2323 ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
2324 si les peintres dont nous allons parler méritent d’ être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
2325 graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer de contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
2326 tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’ aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
2327 el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
2328 plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil d’ un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
2329 ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
2330 li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
2331 ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
2332 petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
2333 res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
2334 à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
2335 cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
2336 venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’ une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
2337 parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
2338 ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure de ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
2339 dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
2340 veille de constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
2341 n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
2342 chnique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
2343 qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
2344 un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est d’ un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
2345 t en user avec la sobriété qui produit le maximum d’ expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
2346 affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
2347 ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
2348 e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
2349 ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, d’ origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
2350 on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
2351 les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément de vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
2352 pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant d’ air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
2353 e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
2354 âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration d’ une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
2355 uellement, Meili achève la décoration d’une salle d’ hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
2356 pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences de la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
2357 rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas de ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
2358 consiste à habiller une idée. Voyez son portrait de Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
2359 a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
2360 l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
2361 nsualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
2362 se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
2363 pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel mê
2364 x allures discrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
2365 scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais d’ une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
2366 lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
2367 peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, d’ une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
2368 qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs de nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
2369 grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte d’ aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
2370 sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
2371  ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
2372 omprendre cet art emprunter de singuliers chemins d’ accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
2373 ’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
2374 s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
2375 où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
2376 e mystique exige pour être compris une complicité de sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
2377 pour être compris une complicité de sentiments ou d’ état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
2378 rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres de ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
2379 i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
2380 de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
2381 ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
2382 t, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’ un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
2383 urtant l’impression, à voir ses dernières toiles, d’ une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
2384 Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans de Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
2385 ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’ une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
2386 t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes d’ une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
2387 en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
2388 es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’ Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
2389 l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’ un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
2390 intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets d’ une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
2391 tureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
2392 se de lueurs sur une matière traitée largement et d’ une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
2393 t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
2394 es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme de la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
2395 n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
2396 yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’ un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
2397 lle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
2398 ssance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
2399 ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, d’ un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
2400 e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
2401 ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles de Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
2402 is retrouver, allons errer un peu dans le royaume d’ Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
2403 rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
2404 n sans se douter qu’il avait pris quelques années d’ avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
2405 s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
2406 la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
2407 rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’ oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
2408 r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin d’ horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
2409 doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan d’ une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
2410 eux où se coupent des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
2411 des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
2412 e de quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
2413 et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
2414 se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
2415 intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’ un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
2416 pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
2417 rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
2418 a perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
2419 rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
2420 r en instruments métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
2421 nts métaphysiques ces bonnes montres de précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
2422 nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir de Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
2423 toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, d’ une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
2424 des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle, d’ un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
2425 scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume d’ aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
2426 ⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
2427 uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
2428 rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
2429 it le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
2430 semble avoir évolué vers une plus grande harmonie de lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
2431 par les sujets et un style qui sait rester ample, d’ une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
2432 sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
2433 fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
2434 par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
2435 errin décora naguère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
2436 ique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
2437 coussins, des couvertures de livres, des étoffes, d’ une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
2438 ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
2439 tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage de grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
2440 le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
2441 ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement, d’ en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
2442 s qui pourraient aboutir peut-être à la formation d’ un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
2443 et et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
2444 , Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
2445 toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
2446 t de même une orientation générale vers une sorte de classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
2447 n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure de tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
2448 vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’ une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
2449 est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’ une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
2450 lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois, de son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
2451 Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes ne
2452 nneret, un article paru dans le numéro de février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes neuchâtelois 
2453 o de février de cette revue. k. Rougemont Denis de , « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich, avril 1927, p. 1
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
2454 ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’ une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
2455 un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
2456 ité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
2457 ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
2458 niement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
2459 es origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
2460 père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
2461 eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
2462 on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
2463 s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
2464 , on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’ être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
2465 être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
2466 que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Le
2467 ilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Bernard Lecache, Jacob  », Bibliothèque universelle
2468 ache, Jacob  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
2469 Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
2470 e tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
2471 é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment 
2472 inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’ une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
2473 r peut-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où
2474 sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’ un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
2475 le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
2476 écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
2477 nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
2478 féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
2479 lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’ Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
2480 ’Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
2481 vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
2482 elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
2483 n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
2484 ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’ art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
2485 mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
2486 ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
2487 ’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’ expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
2488 ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
2489 . Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Roug
2490 qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] René Crevel, La Mort difficile  », Bibliothèque uni
2491 t difficile  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
2492 Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
2493 resses coupantes comme certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
2494 rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
2495 s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’ un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
2496 faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’ oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
2497 cent au bord des verres, se posent sur les cordes d’ une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
2498 l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’ une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
2499 mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
2500 lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
2501 oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’ élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
2502 Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
2503 çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
2504 sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. Rougemont
2505 ble avec incompréhensible. aj. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur  », Bibliothèqu
2506 Denis de, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, m
2507 la douleur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
58 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
2508 chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «  De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
2509 s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
2510 i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
2511 un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
2512 de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’ apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
2513 e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’ être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
2514 une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
2515 te » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
2516 vèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’ authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
2517 e de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
2518 où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
2519 hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
2520 ains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
2521 de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
2522 ision si claire et si tragique de la civilisation d’ Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
2523 nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu d’ avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
2524 u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
2525 ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’ avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
2526 ion, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
2527 utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme d’ aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al.
2528 écidé à mépriser le bluff. al. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées  
2529 s les idées  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
2530 , Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple, d’ étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
2531 n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
2532 Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
2533 . Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
2534 e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
2535 te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
2536 m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’ insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
2537 jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
2538 soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
2539 lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait d’ autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
2540 maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
2541 it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
2542 e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot d’ adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
2543 la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’ une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
2544 direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
2545 l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’ articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
2546 divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
2547 m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès de mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
2548 n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’ un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
2549 augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir de chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
2550 hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’ où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
2551 un établissement luxueux d’où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en reg
2552 ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
2553 x tangos, nous montions ensemble dans une chambre d’ hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
2554 uet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
2555 une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
2556 ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
2557 s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air de la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
2558 e la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
2559 soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
2560 son sac à main : c’était assez pour me permettre d’ entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
2561 s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état de sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
2562 moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
2563 e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
2564 — région où l’on est forcé de prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
2565 ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
2566 ’avait-on pas dérobé des années de joie au profit d’ une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
2567 bscurément. Je sentais bien que le ressort secret de la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
2568 unisme social, résultante des paresses accumulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
2569 umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
2570 escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
2571 us la victime, ce vol de quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
2572 trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités de ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
2573 omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
2574 ’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
2575 ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
2576 mes de la société. » C’est avec le produit du vol d’ un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
2577 ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
2578 uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
2579 t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
2580 e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
2581 s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
2582 , poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’ hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
2583 t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
2584 jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum d’ adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
2585 ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
2586 us un jour assez particulier, très souvent ignoré d’ elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
2587 pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
2588 et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
2589 ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais de succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
2590 psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
2591 les manifestations vivantes avec une prodigalité d’ épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
2592 es et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
2593 e. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
2594 naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
2595 j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
2596 ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait de cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
2597 but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées d’ eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
2598 ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
2599 lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est de mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
2600 vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
2601 paraît comme un divertissement perpétuel et dénué d’ inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
2602 couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’ appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
2603 ’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
2604 pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
2605 vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
2606 s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
2607 ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère de , comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
2608 liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
2609 ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
2610 L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
2611 ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces d’ étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
2612 ’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
2613 ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
2614 t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet d’ une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
2615 t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir d’ avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
2616 bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
2617 ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
2618 oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis, d’ agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
2619 quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
2620 ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
2621 onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
2622 re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
2623 ......................... ⁂ s. Rougemont Denis de , « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2624 nis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-
2625 nève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
2626 ction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
2627 aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
2628 ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
2629 excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
2630 e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
2631 éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
2632 ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci es
2633 is enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
2634 t à la base de la société même. »   Ceci est tiré d’ un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
2635 loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
2636 M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
2637 ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
2638 e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
2639 ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
2640 bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
2641 tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’ un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
2642 it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
2643 tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
2644 lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
2645 ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
2646 e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
2647 re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
2648 mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
2649  ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
2650 it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
2651 s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
2652 tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
2653 n, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis de , « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
2654 emont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 186-
61 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
2655 sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’ une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
2656 terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
2657 voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
2658 aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
2659 que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’ Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
2660 la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
2661 e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
2662 nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
2663 re Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
2664 ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
2665 peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
2666 facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
2667 proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
2668 vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
2669 … Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
2670 et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
2671 i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
2672 ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
2673 es désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
2674 se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Girard,
2675 fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes
2676 des femmes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
2677 La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pro
2678 I Parler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
2679 arler littérature Si je prononce le nom de tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
2680 lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
2681 uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
2682 nourriture une saison de naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
2683 uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
2684 de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
2685 dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
2686 tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’ un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
2687 d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
2688 in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’ une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
2689 voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein de mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
2690 is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
2691 d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
2692 ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
2693 mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
2694 une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’ un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
2695 on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’ Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
2696 14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
2697 ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
2698 rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’ être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
2699 qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
2700 les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
2701 en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
2702 », « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est de la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
2703 ment gratuit ». C’est de la littérature. À force d’ avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
2704 ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui de la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
2705 implicité est simple simplement. La bouche brûlée d’ alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
2706 votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez d’ un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
2707 pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
2708 en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
2709 s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d’ une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
2710 pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
2711 ahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
2712 ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
2713 du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
2714 lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
2715 addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
2716 vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
2717 s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
2718 le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
2719 arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
2720 a des mépris qui sont de sournoises déclarations d’ amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
2721 es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
2722 e fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
2723 s pour ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
2724 actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’ elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
2725 de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
2726 e. Que la littérature nous est un moyen seulement d’ atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
2727 rature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
2728 oses dures, amères comme un destin, comme le goût d’ une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
2729 que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
2730 ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
2731 la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
2732 ble : cela consisterait dans l’expression directe de la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
2733 ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
2734 s obscurs des allusions furtives à certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
2735 e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites d’ une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
2736 à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou d’ une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
2737 que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
2738 avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
2739 chez en liberté, par haine de cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
2740 oilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
2741 qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
2742 . Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a d’ importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
2743 primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
2744 vent. La littérature, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
2745 ure, considérée du point de vue de la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
2746 u anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
2747 t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
2748 t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’ une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
2749 eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
2750 qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
2751 ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
2752 êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
2753 sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’ un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
2754 dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’ y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
2755 lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
2756 araît être le moins « littératuré » des écrivains d’ aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
2757 . Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
2758 rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
2759 de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
2760 ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
2761 convenu de passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
2762 miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume d’ aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
2763 se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
2764 n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
2765 order sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
2766 t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
2767 illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
2768 de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
2769 ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
2770 plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte de la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
2771 es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
2772 les mépris, les haines douloureuses ou grossières de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
2773 s instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
2774 e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’ autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
2775 re excuse que celle-là, la littérature mériterait d’ exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
2776 erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
2777 le soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
2778 udes, le seul langage peut-être qui nous permette d’ échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
2779 eut-être qui nous permette d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
2780   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
2781 que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
2782 ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
2783 tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni d’ adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
2784 ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
2785 ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
2786 ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
2787 ) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
2788 istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
2789 y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’ Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
2790 monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
2791 itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
2792 de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
2793 ), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
2794 s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
2795  ! [NdE] Le texte publié place également un appel de note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
2796 après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit d’ une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
2797 e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou d’ une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
2798 n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
2799 lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’ action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
2800 n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
2801  bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
2802 ’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis de , « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue d
2803 Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
2804 Lettres sur le mépris de la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
2805 Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
2806 vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
2807 rité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
2808 r citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
2809 voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
2810 ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
2811 fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
2812 épit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
2813 les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
2814 mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’ un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
2815 moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
2816 lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
2817 Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
2818 ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
2819 Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’ autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de
2820 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de , « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
2821 Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
64 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
2822 juillet 1927)x Nous passons la main au central de Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
2823 gnation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
2824 taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc de considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu.   On
2825 dérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’ adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
2826 lamentations d’adieu.   On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
2827 fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
2828 ’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
2829 st beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
2830 rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
2831 x mots sur la paradoxale situation intellectuelle d’ une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
2832 a paradoxale situation intellectuelle d’une revue d’ étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
2833 lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre. D’ un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
2834 i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
2835 nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
2836 s vous souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
2837 En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
2838 e, il semble que certains n’attendent de nous que d’ innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
2839 tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
2840 tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
2841 ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’ avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
2842 s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’ avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
2843 ’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
2844 ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’ avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
2845 ir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
2846 e temps à autre, voici que nous parvient un signe d’ amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
2847 mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’ autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
2848 l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
2849 écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
2850 re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie d’ un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
2851 ument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
2852 s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
2853 fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
2854 au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
2855 ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
2856 ah ! comme nous y tenons ! x. Rougemont Denis de , « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
2857 Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p. 
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
2858 (août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
2859 uère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
2860 , des évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
2861 andres, peu à peu, se précisent les circonstances d’ une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
2862 t demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’ un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
2863 e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
2864 e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’ une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
2865 i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
2866 ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’ un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
2867 (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
2868 premières inquiétudes du désir viennent troubler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
2869 du désir viennent troubler de ravissantes amours d’ adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
2870 eux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
2871 esse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
2872 i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
2873 le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’ adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
2874 esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
2875 dresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
2876 lescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’ amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
2877 ec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’ une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
2878 souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
2879 ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’ une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
2880  ; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
2881 réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’ avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
2882 » reprend quelques droits. an. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours  », Bibliothè
2883 ères amours  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
2884 anique, il faudra opposer l’excellent petit livre d’ Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
2885 ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
2886 rs articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
2887 — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
2888 loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
2889 . Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
2890 e photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
2891 morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
2892 enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
2893 e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
2894 dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’ expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
2895 religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
2896 in que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
2897 « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
2898 au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’ actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis d
2899 tude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke  », Bibliothèque
2900 Maria Rilke  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
67 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
2901 tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’ écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
2902 ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
2903 ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
2904 Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
2905 es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
2906 u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
2907 . La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
2908 Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
2909 ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
2910 plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
2911 jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’ analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
2912 re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
2913 onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
2914 même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’ un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
2915 p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
2916 cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
2917 ète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’ aujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
2918 ujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Léon Bopp, Interférences  », Bibliothèque universel
2919 terférences  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
2920 C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
2921 tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
2922 ine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
2923 s de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’
2924 l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
2925 ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
2926 romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
2927 lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
2928 e témoin intelligent et un peu ironique des cours d’ Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
2929 et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
2930 ique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
2931 ’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
2932 ce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
2933 de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
2934 e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
2935 Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’ un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
2936 seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
2937 uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’ un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
2938 iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’ esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
2939 tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
2940 e roman repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
2941 à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
2942 l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
2943 u roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
2944 « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
2945 u roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
2946 réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
2947 eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’ un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prin
2948 on d’un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Princesse Bibesco, Catherine-Paris  », Bibliothèque
2949 erine-Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
2950 bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2951 stoire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
2952 e, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément 
2953 ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
2954 sation toute-puissante n’est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
2955 Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
2956 e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
2957 puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
2958 aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
2959 prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’ autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
2960 érale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
2961 ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
2962 ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
2963 r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
2964 Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’ en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
2965 onne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
2966 l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
2967 tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
2968 Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
2969 : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
2970 ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
2971 la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
2972 à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
2973 dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
2974 événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
2975 omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’ « humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
2976 r » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
2977 ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
2978 ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
2979 ur présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
2980 nstruire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
2981 Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
2982 sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
2983 eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’ une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
2984 « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’ automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
2985 tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
2986 c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
2987 e chiffres indiquant le progrès de sa production, d’ année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
2988 mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
2989 qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
2990 de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
2991 it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’ hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
2992 il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
2993 faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’ augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
2994 monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’ égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
2995 int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’ États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
2996 aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
2997 taques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
2998 ation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
2999 sines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
3000 st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
3001 re. Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
3002 açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
3003 aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
3004 nisation complète du monde, seule méthode capable d’ empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
3005 Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
3006 l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
3007 ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
3008 la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
3009 la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
3010 de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
3011 mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
3012 à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
3013 me un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
3014 a sans peine la popularité mondiale des « idées » d’ Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
3015 leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
3016 ment, pendant qu’il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
3017 crivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
3018 striel, offre au monde moderne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
3019 son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
3020 ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
3021 e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
3022 ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
3023 Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
3024 vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
3025 érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
3026 d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
3027 ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’ en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
3028 ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
3029 vagant du bonheur de l’humanité par la possession d’ automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
3030 Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
3031 t de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
3032 ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’ action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
3033 ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
3034 voici en mesure de produire des quantités énormes d’ autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
3035 ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
3036 a réclame s’en charge. Par le procédé très simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
3037 eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
3038 nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
3039 t plus maintenant que de lui donner une apparence d’ utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
3040 r une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
3041 ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
3042 mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
3043 client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
3044 hons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
3045 t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
3046 er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
3047 . Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
3048 , une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
3049 uicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
3050 umain, par perte de son instinct de préservation, d’ autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
3051 son instinct de préservation, d’autorégulation et d’ alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
3052 est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
3053 grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
3054 fondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
3055 cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre de la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
3056 e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
3057 relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
3058 ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
3059 ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’ augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
3060 la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
3061 puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
3062 us la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
3063 on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
3064 jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
3065 point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
3066 effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
3067 eut très bien envahir un cerveau moderne au point d’ en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
3068 moderne au point d’en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
3069 lement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
3070 lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
3071 te américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
3072 nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
3073 quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
3074 en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
3075 nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
3076 rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
3077 uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’ huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
3078 n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
3079 e prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
3080 la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
3081 me des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
3082 alisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
3083 réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
3084 s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
3085 , comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
3086 rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
3087 ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
3088 eure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
3089 t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
3090 ns que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
3091 t notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
3092 rence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
3093 ord passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
3094 problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
3095 dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
3096 perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
3097 ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’ homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
3098 optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
3099 rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’ humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
3100 l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
3101 n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
3102 es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
3103 ’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
3104 ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
3105 otre temps ait prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
3106 prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
3107 fordisme contre l’Esprit La formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
3108 formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
3109 ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
3110 elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
3111 e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
3112 prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
3113 Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
3114 it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
3115 yons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
3116 de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
3117 , la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’ expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
3118 ’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
3119 ns le cas le plus favorable, « il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
3120 ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
3121 tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
3122 es est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
3123 appantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
3124 omme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
3125 américain. On en fait quelque chose de jovial et d’ alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
3126 uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
3127 s’en doute, cela en prend la place. Les facultés de l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
3128 affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
3129 nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
3130 rne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
3131 homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
3132 donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’ horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
3133 ’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’ aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
3134 une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
3135 plus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
3136 nt encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
3137 l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
3138 ls et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
3139 enu sourd à cette harmonie universelle, incapable d’ en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
3140 onomiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
3141 te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
3142 u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
3143 il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
3144 vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
3145 a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
3146 a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’ avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
3147 ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
3148 dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
3149 travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
3150 , il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
3151 l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
3152 mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
3153 t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
3154 ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
3155 ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
3156 nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
3157 est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
3158 en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
3159 la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
3160 lus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
3161 uelle grâce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
3162  on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
3163 des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
3164 e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
3165 prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’ on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
3166 ’elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
3167 s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
3168 mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
3169 réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
3170 devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
3171 e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’ individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
3172 raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
3173 qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
3174 de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
3175 détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
3176 ison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
3177 ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
3178 éresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
3179 bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
3180 ilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
3181 l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
3182 enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels d’ aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
3183 une tâche pressante : chercher s’il est possible d’ échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
3184 e. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
3185 lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
3186 t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
3187 chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
3188 e allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
3189 s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
3190 poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis de , « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
3191 Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
3192 uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
3193 euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
3194 glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie d’ un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
3195 d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
3196 ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
3197 cela vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l
3198 vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour de tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
3199 ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre de la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
3200 r à la Russie et au sifflement des balles perdues d’ une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
3201 ution. Sept heures du soir : le moment était venu d’ arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
3202 du soir : le moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
3203 rée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
3204 e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
3205 accuser de cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
3206 er son objet, de même qu’atteignant certain degré d’ intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
3207 ées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
3208 décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
3209 , n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’ un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
3210 omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
3211 sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’ Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
3212 n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
3213 dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
3214 re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté d’ une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
3215 uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’ arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
3216 avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
3217 arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
3218 être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’ une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
3219 e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’ un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
3220 ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
3221 de la pureté où vibrent par instants les accords d’ une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
3222 oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’ aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
3223 rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’ un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
3224 enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
3225 istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’ une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
3226 ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’ imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
3227 là que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
3228 aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
3229 . Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
3230 sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
3231 de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
3232 du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’ atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
3233 ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
3234 s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
3235 la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
3236 ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
3237 connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode de 1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
3238 moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien de positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
3239 itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
3240 e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit d’ immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
3241 jeté la première reconnaissance empêcha ma raison d’ intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
3242 e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
3243 éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
3244 sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
3245 eau pris au défaut de sa carapace de principes et d’ évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
3246 e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
3247 Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’ autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
3248 qu’un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
3249 nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
3250 -il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
3251 s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
3252 ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours de Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
3253 ités qui correspondent encore à l’image classique de Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
3254 . Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
3255 cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
3256 ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’ inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
3257 soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
3258 moment, comme nous traversions une rue sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
3259 ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
3260 Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
3261 inces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
3262 eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
3263 mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
3264 à une certaine anémie des sentiments, à un manque de caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
3265 t amour, c’était parce que je découvrais en elles de secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
3266 e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse de fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
3267 le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
3268 nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
3269 pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
3270 refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
3271 fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’ elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
3272 te dont Gérard attendait évidemment quelque chose d’ imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
3273 ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
3274 engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
3275 r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra de notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
3276 anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
3277 vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
3278 être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
3279 de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
3280 se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
3281 sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’ illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
3282 vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
3283 qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
3284 s femmes qui élargissent des sourires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
3285 rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
3286 re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
3287 uit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
3288 t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants de concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
3289 aisirs achetés au détail dans une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
3290 s une foire éclatante de faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
3291 qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
3292 viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
3293 soit touchée par les mains outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
3294 outrageusement baguées de ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
3295 ’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
3296 . » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures d’ un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
3297 moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’ un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
3298 Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
3299 ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
3300 homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
3301 stiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
3302 une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’ un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
3303 Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
3304 lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
3305 emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
3306 blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
3307 re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
3308 rs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
3309 s devenaient légères comme des ballons. La rumeur de Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
3310 et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
3311 es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
3312 ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
3313 ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour d’ une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
3314 use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
3315 y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
3316 e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
3317 nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
3318 lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’ images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
3319 reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique d’ Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
3320 rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’ un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
3321 antes dans la même minute toutes les incarnations d’ un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
3322 nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité de ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
3323 tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
3324 sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
3325 il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
3326 toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’ éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
3327 t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
3328 s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont d’ intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
3329 france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
3330 us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
3331 yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
3332 on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
3333 les correspondances, chaque geste, chaque minute d’ une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
3334 e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision. 
3335 une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’ autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
3336 la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette d’ une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
3337 ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’ éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
3338 on et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
3339 outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient d’ un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
3340 trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’ un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
3341 ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
3342 e dans de la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
3343 mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
3344 ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à d’ anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
3345 es comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
3346 une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
3347 isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
3348 x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air d’ autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
3349 encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture de la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
3350 orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
3351 èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
3352 e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
3353 pâtisserie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis de , « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
3354 é la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’ évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
3355 se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’ avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
3356 le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
3357 ntaisiste où les équations tyranniques deviennent de merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
3358 ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
3359 la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’ étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
3360 d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
3361 ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
3362 mes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
3363 ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’ une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
3364 nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
3365 n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’ une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
3366 rons-nous longtemps encore dupes d’une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
3367 on de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
3368 ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’ y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
3369 ’est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Marguerite Allotte de La Fuÿe, Jules Verne, sa vie,
3370 , son œuvre  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
3371 tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
3372 nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
3373 yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
3374 ire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’ échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
3375 avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
3376 cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
3377 e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’ exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
3378 traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
3379 u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
3380 surde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
3381 urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’ avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
3382 , vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
3383 i enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Aragon, Traité du style  », Bibliothèque universell
3384 té du style  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
3385 ers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
3386 ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’ autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
3387 mes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
3388 eurs avances dédaignées par les communistes, gens d’ action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
3389 simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’ étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
3390 d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
3391 plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
3392 ient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
3393 it urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
3394 « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
3395 , comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’ aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
3396 M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
3397 plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
3398 lité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
3399 ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
3400 que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
3401 mple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
3402 de mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
3403 à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels
3404 tellectuels  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
3405 ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne 
3406 oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes d’ action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
3407 ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
3408 ontradictoires : elles représentent deux manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
3409 lles représentent deux manières de sentir l’unité d’ une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
3410 x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’ action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
3411 Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
3412 s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
3413 més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
3414 etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
3415 cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’ une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
3416 l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
3417 iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’ un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
3418 révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
3419 mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
3420 , admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
3421 est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’ idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
3422 discussion d’idées. Il est surtout la description d’ une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
3423 ut la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
3424 naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
3425 absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
3426 nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes de l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
3427 raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
3428 ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
3429 nchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
3430 telligence et cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
3431 cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
3432 ’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
3433 romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, Les Conquérants  », Bibliothèque uni
3434 Conquérants  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
3435 ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire de Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
3436 is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
3437 ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
3438 cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
3439 n Espagne lamentablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
3440 entablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
3441 échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
3442 rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
3443 as à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
3444 rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
3445 t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’ un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
3446 Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup d’ adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
3447 u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
3448 de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
3449 II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’ action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
3450 a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
3451 ’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
3452 t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’ amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
3453 douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
3454 s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’ étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
3455 re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
3456 ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
3457 gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’ illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
3458 er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
3459 as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’ une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis
3460 te mais non moins franche. av. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi
3461 Hamlet-Roi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
3462 Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’ une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
3463 re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
3464 il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
3465 le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
3466 e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
3467 inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
3468 t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’ être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
3469 le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’ être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
3470 e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
3471 e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
3472 ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’ avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
3473 itue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
3474 plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’ une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
3475 un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
3476 ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
3477 rien fausser, transcender… aw. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Daniel-Rops, Le Prince menteur  », Bibliothèque uni
3478 nce menteur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
3479 1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi de tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
3480 Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
3481 ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés de sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
3482 en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte d’ attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
3483 lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
3484 r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
3485 soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
3486 rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
3487 Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
3488 ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
3489 rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
3490 r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
3491 x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
3492 e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
3493 sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
3494 rte de rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
3495 pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
3496 n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant de glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
3497 ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
3498 rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
3499 lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’ angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
3500 qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
3501 s s’il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
3502 e n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
3503 comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
3504 ndément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
3505 apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
3506 cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’ une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
3507 n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
3508 ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
3509 ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
3510 folle le mène à une découverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
3511 ouverte sur les sept sens de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
3512 prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
3513 se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
3514 me dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
3515 pas eu confiance. Or la personnalité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
3516 vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’ une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
3517 chologique d’une aventure qui en a bien d’autres, d’ aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
3518 e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
3519 la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable d’ un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
3520 aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
3521 rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
3522 ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
3523 it scientifique, par doute méthodique, par besoin de définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
3524 e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale de l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
3525 er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
3526 n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet d’ eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
3527 d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
3528 s. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
3529 un échange de pensées au même titre avec une amie d’ une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
3530 en plus frappante, il croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
3531 croit saisir dans un regard de cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
3532 hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent de protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
3533 ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
3534 un jour de grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
3535 — à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis de , « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’A
3536 u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
3537 légèrement absurde en face d’un récit comme celui d’ Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
3538 te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
3539 il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’ un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
3540 onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’ un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
3541 sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
3542 ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
3543 tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
3544 on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’ Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
3545 esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’ apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
3546 -saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’ évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
3547 out un branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
3548 nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
3549 e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
3550 nvention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
3551 mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
3552 onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
3553 ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’ amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
3554 autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
3555 cain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
3556 ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
3557 cette époque je croyais fortement en l’existence d’ une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
3558 je croyais fortement en l’existence d’une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
3559 pour insister sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
3560 e que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’ un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
3561 approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’ une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
3562 nous en irions bras dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
3563 as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
3564 era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
3565 lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’ évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
3566 endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
3567 t, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
3568 l pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
3569 dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
3570 sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
3571 sous lui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
3572 servassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
3573 ernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un ho
3574 is un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
3575 s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
3576 des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
3577 poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
3578 entiellement une mystique. Mais parce que je suis de sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
3579 eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
3580 que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
3581 on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
3582 triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
3583 e monde moderne ont encore une « essence ». Celle de Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
3584 t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
3585 elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
3586 et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis de , « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettr
3587 elles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929, p. 
80 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
3588 écrire en quarante petites pages tous les méfaits de l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
3589 que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
3590 r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
3591 je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
3592 s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
3593 Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’ Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
3594 ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
3595 t, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
3596 ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
3597 . J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
3598 tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
3599 me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
3600 out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
3601 à sécrétion socialiste qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
3602 et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
3603 e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
3604 reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
3605 lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
3606 à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’ aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
3607 jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
3608 gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
3609 rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
3610 oser une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
3611 ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’ en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
3612 dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
3613 ève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
3614 ndique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
3615 iente, cette lâcheté devant la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
3616 je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
3617 le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
3618 prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
3619 réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
3620 r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
3621 ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
3622 angereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
3623 certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
3624 des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
3625 ’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’ aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui ri
3626 infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
3627 gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
3628 es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
3629 ect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
3630 fet, tirent toute leur force dans les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
3631 ts et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
3632 gements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
3633 cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
3634 ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
3635 ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
3636 erai la question de savoir si tant de laideurs et d’ outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
3637 bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionner
3638 les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent de l’Institut Rousseau.
81 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
3639 des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
3640 de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
3641 x de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«
3642 er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des inst
3643 nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
3644 au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
3645 es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
3646 ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’ arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
3647 es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’ occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
3648 r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’ heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
3649 aire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
3650 taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
3651 s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
3652 monce à nous gâter toute une journée. Une journée d’ enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du m
3653 embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
3654 nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
3655  ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
3656 l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
3657 des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’ Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
3658 alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
3659 , odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
3660 s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’ huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
3661 anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
3662 nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
3663 asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
3664 , Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feu
3665 el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
3666 incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
3667 omenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
3668 de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses domin
3669 ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
3670 à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour , je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches aci
3671 même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea d’ illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
3672  ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’ innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
3673 brables exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
3674 de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
3675 oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’ originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfa
3676 lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
3677 profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’ évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
3678 fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
3679 is un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
3680 peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la
3681 vissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
3682 tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manue
3683 sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
3684 dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
3685 ratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
3686 uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
3687 moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’ esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
3688 sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
3689 empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
3690 avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
3691 us ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
3692 ation d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
3693 l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
3694 ens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
3695 ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
3696 ur lequel on nous préparait —, c’était un système d’ abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
3697 s et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
3698 ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
3699 oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
3700 mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
3701 e trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
3702 qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
3703 ence appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
3704 out au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
3705 et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
3706 iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
3707 Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
3708 rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
3709 as plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
3710 s mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
3711 riles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans
3712 e contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide
82 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
3713 ption du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
3714 ce militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
3715 ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’ anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
3716 aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’ école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
3717 imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’ autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences
3718 s. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
3719 ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
3720 ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence
3721 u’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge,
3722 teur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’expéri
3723 continuité, la différence n’étant qu’une question d’ âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
3724 la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’ expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
3725 s doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
3726 ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
3727 ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
3728 dante d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
3729 blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’ expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
3730 que d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
3731 teurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
3732 de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
3733 t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’ appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
3734 ’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
3735 isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
3736 s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauff
3737 ait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’ insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
3738 nuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
3739 des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand
3740 en mauvais français — et je ferais de la peine à d’ excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous parle
3741 lage, quand on vous parle avec respect et trémolo d’ un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
3742 instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’ un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où il
3743 ruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils son
3744 violette, périodiquement, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur t
3745 ment, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espé
3746 articuliers : cheveux longs, regard profond voilé de douceur. Car le type populaire du poète romantique s’est dégradé en d
3747 allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
3748 ui veut traiter militairement ses élèves témoigne de la même maladresse professionnelle. J’en connaissais un qui avait cou
3749 ssionnelle. J’en connaissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
3750 aissais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
3751 qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
3752 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
3753 ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
3754 urs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
3755 , ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
3756 ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
3757 t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
3758 si sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
3759 este dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
3760 telle. C’est celle même du régime. l’architecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y
3761 chitecture de nos « palais scolaires ». symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
3762 s ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
3763 ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
3764 ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’ enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
3765 st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
3766 on de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
3767 de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
3768 orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’ urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
3769 —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens 
3770 de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
3771 Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
3772 us la voyons est semblable à tous ces monuments «  de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
3773 ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style ; c’est même le pire.
83 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
3774 Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instructio
3775 in de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raison
3776 absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’ un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un
3777 que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution passionnément détestée. Vous allez voir comme il ba
3778 sonnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-
3779 he point l’équité. Pas plus que vous qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé paci
3780 défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’ équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de véri
3781 son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la v
3782 esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tien
3783 à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain de paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’
3784 consiste à repousser la difficulté dans l’avenir, d’ une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voic
3785 mps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement e
3786 e, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déj
3787 tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus g
3788 nerai à l’examen des caractères les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni l
3789 e n’atteignent dans leur principe ni les réformes de détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le progr
3790 i les réformes de détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est un cad
3791 étéroclites, sans égard à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se s
3792 à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition
3793 ortuit, de manière à prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan d’études. On a divisé l’enseignement en branches bi
3794 prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan d’ études. On a divisé l’enseignement en branches bien distinctes. On att
3795 stinctes. On attribue à chacune un certain nombre d’ heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette cla
3796 tenir dans cette classification le plus possible de « connaissances » qui dès lors deviennent obligatoires. La somme et l
3797 ers. Ce plan régit les huit années réglementaires de la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout
3798 mentaires de la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que si
3799 Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle
3800 u’il suffit pour établir ce programme de disposer d’ une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour divis
3801 r ce programme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers r
3802 mme de disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’ un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulair
3803 d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’ une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propre
3804 , bien proprement.) Évidemment, il est préférable de savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en auc
3805 ntaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire de connaître la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences
3806 ns voudrait que l’on tînt compte des possibilités d’ adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines 
3807 ue l’on tînt compte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diver
3808 ompte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoi
3809 daptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes nat
3810  ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit hum
3811 iversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à
3812 eux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfa
3813 s plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les exa
3814 s grandes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui
3815 ndes épreuves cyclistes. Les participants du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arr
3816 ts du Tour de Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’
3817 herie est difficile, tandis qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le
3818 ertant s’explique justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas
3819 ut à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent les programmes et les examens. « Les examens fau
3820 ens. « Les examens faussent complètement l’esprit de l’enseignement », lit-on jusque sous la plume de divers maîtres prima
3821 ires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordo
3822 travail, qualité du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plai
3823 es, instruction véritable et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit,
3824 ies de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’ enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l
3825 érité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vo
3826 s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler s
3827 e de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler sans cesse des vérités aussi élémentaires. L’é
3828 mentaires. L’égalitarisme des connaissances De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la
3829 e l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mo
3830 es programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), déc
3831 ocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’ idéal), découle cette exigence théorique : tous les enfants doivent à
3832 enfants doivent à tout instant être en mesure 1° d’ ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de
3833 t être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même te
3834 d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’ en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous
3835 e quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que c
3836 a même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc
3837 qui repose donc sur une tranquille méconnaissance de la nature humaine. L’histoire enregistre bien une ou deux autres bêti
3838 stoire enregistre bien une ou deux autres bêtises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé
3839 he. L’école s’attaque impitoyablement aux natures d’ exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4.
3840 des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus ou moins rationalisé. Son instrument le
3841 un résumé clair et portatif des résultats actuels d’ une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans
3842 à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit de première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les pa
3843 où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
3844 re en commerce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une
3845 ce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséq
3846 r assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’i
3847 l est absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leç
3848 ois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons de calligraphie. La discipline On conçoit que la réalisation d’un
3849 La discipline On conçoit que la réalisation d’ un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’
3850 rement contre nature exige une discipline sévère. D’ où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disc
3851 pline sévère. D’où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’
3852 ite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légiti
3853 aître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l
3854 e qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits.
3855 doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération
3856 t n’est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peu
3857 peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès de cette vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes,
3858 t blanches qui marquent un peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre so
3859 e permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patr
3860  » La préparation civique Tous les pontifes de l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire
3861 r ce point : l’école primaire doit être une école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction ci
3862 ocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’ instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen :
3863 faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une socié
3864 r soit occasion de développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une én
3865 e bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs d’ une salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit
3866 xtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle d’ école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun éta
3867 ’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « commun
3868 ble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « communs » : jalousie, vanité, panurgisme,
3869 a plus tard socialisme, morgue bourgeoise, esprit de parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocrati
3870 e parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs
3871 sion !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eû
3872 sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’ égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne p
3873 st la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’ histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image me
3874 ’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’
3875 , à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’ en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui com
3876 ie qui commence par nous soustraire à l’influence de la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la
3877 l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument de perfectionnement civique qui assure l’écrasement des plus délicats pa
3878 t utiliser pour son profit humain la petite somme de connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent d
3879 ormales créées par l’école publique. Mais l’idéal de l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger
3880 contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’
3881 n ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que
3882 s exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et
3883 , de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une prémédita
3884 icule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élèv
3885 éditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les
3886 de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez-mo
3887 « Quant il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la
3888 ctoria montre une âme docile, un rassurant défaut d’ esprit critique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race
3889 vie appartient manifestement à la race dangereuse de ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève disci
3890 s Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme d’ imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantag
3891 égalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou d’ impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en p
3892 te quelques « brillantes carrières » fournies par d’ ex-forts-en-thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
3893 res » fournies par d’ex-forts-en-thème, voire par d’ ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir e
3894 ire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’un
3895 pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’ un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales
3896 l’espoir et enflammé l’ambition d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en eff
3897 d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’ être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrand
3898 os petits futurs grrrands citoyens ayant accompli de « fortes études primaires et secondaires » (témoignage suffisant de l
3899 primaires et secondaires » (témoignage suffisant de leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au pas
3900 ssage un grade universitaire, prennent leur essor de chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locau
3901 rubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les
3902 t les réputations, où se « baptisent » les hommes d’ avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la fac
3903 des illustrés la face épanouie quoique énergique d’ un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édi
3904 illustrés la face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice
3905 face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administrati
3906 qs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière
3907 eurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été fra
3908 qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la for
3909 n de comparer les bons élèves de diverses classes d’ un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité
3910 de diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en rais
3911 rappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction
3912 de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’ années d’instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai
3913 ugement sont en raison inverse du nombre d’années d’ instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué
3914 . Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du
3915 cile, qu’ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâ
3916 s divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’ abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous
3917 nes. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dér
3918 ardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’éco
3919 est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ? Ou bien vous acceptez le régime — mais aussi ses con
3920 ombattez l’instruction publique — mais vous êtes, de ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien gr
3921 iplines scolaires : « Les épaves scolaires, faute d’ un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellec
3922 cillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École de demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux
3923 5. Il est peut-être avantageux dans certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abor
3924 certains cas de soustraire l’enfant à l’influence d’ une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal
3925 t anormal (il y aurait sans doute d’autres moyens de sauver l’enfant dans sa famille). Ensuite, pourquoi fait-on en réalit
3926 que, égalité, légalité, sont les meilleures armes de la bassesse contre toute valeur réelle, absolue.
84 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
3927 as attendu ma colère pour entreprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante l
3928 ail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’écol
3929 l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l
3930 ole nouvelle tout établissement où l’on s’efforce d’ enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’es
3931 n s’efforce d’enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute
3932 igne avec l’enseignement officiel. Les promoteurs de ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans t
3933 s promoteurs de ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction p
3934 éformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction publique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici s
3935 actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psychologie infantile. Où il y avait non-science, on a voulu appor
3936 e. Où il y avait non-science, on a voulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera da
3937 s absurdités. On a créé par exemple des « jardins d’ enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs
3938 ins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école prati
3939 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et
3940 ar cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chau
3941 comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à
3942 aient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que
3943 marcher en décomposant les mouvements avec l’aide d’ un métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école ac
3944 me pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’ école active, on prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de
3945 prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes
3946 par le moyen de gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les
3947 gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les mots en « al »,
3948 les campagnes, tirant le meilleur parti possible de l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la s
3949 cisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche d’ une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en l
3950 oche d’une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en leur rendant le travail amusant, en leur laiss
3951 travail amusant, en leur laissant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
3952 nisée ? En réalité, cet amusement a pour seul but de faire avaler la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, q
3953 d dimanche, afin qu’ils consomment deux fois plus de machines. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats,
3954 ion ; on capte scientifiquement les sources mêmes de sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromp
3955 té. « Instruire en amusant » peut être la formule d’ une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce q
3956 la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas de réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on tra
3957 traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’ obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hommes com
3958 le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’ hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y par
3959 On cultive les petits d’hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on
3960 ommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’ enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimiq
3961 s de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimique : On remarque chez
3962 nfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’ un produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfa
3963 nt ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’
3964 ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Ma
3965 ois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’ où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans éc
3966 es gens qui appliquent avec ferveur les principes de l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joy
3967 des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur fair
3968 foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahissent le des
3969 on amitié. Cela me permet de leur faire remarquer d’ autant plus librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instru
3970 us librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Il
3971 trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait confié, c’était
3972 eur avait confié, c’était la fabrication en série de petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentend
3973 dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe
3974 e n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur d’ une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y a
3975 ’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sorti
3976 Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’ en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force
3977 en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste d
3978 Mais du point de vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urge
85 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
3979 fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer
3980 er des électeurs Je crois à l’absurdité de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absur
3981 m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple
3982 éponse est simple, terriblement simple : du droit de la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs sia
3983 sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’ un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écoute
3984 s et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civets, des ci
3985 ivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits pate
3986 s patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare. Un fait simple,
3987 l serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’ une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que l
3988 éalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur de vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contrain
3989 trop faire la bête, sinon je me verrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que
3990 rrai contraint de lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas sans quelque indéc
3991 et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela
3992 ent les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il
3993 noffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
3994 longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le t
3995 t cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps d’ écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de faç
3996 écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’ un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temp
3997 ure qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir
3998 que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir la Liberté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois, un
3999 amoises. Continuons. La démocratie doit à l’École de vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un re
4000 lée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs de l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisai
4001 l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simpleme
4002 ossible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore
4003 le n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on
4004 utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement
4005 ellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, po
4006 nterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’ un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés
4007 ux, que dis-je, la valeur hautement moralisatrice de ces glapissants entonnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente
4008 illeurs cette complicité, si évidente à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non m
4009 à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non moins flagrante, dans ses suites normal
4010 institution, se manifeste encore de nos jours, et d’ une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux
4011 rante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas d’ autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de p
4012 s d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une expli
4013 l’état grotesquement arriéré de notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
4014 ce. Car il n’est qu’une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa forme actuelle, remplit suffisamment
4015 uffisamment son rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates
4016 radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens d’ un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchen
4017 humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des to
4018 tion, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’ une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’aut
4019 sous qui suffit à régler désormais l’automatisme de la vie civique. Le cerveau standard du type fédéral ne laisse craindr
4020 i peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait de l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements.
4021 as rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintér
4022 le but principal de l’instruction publique était d’ éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraien
4023 l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’ une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous q
4024 eraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure une véritable révolution scolaire ; c
4025 comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie de bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous to
4026 usculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font
4027 rre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autr
4028 us qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mett
4029 orterait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des val
4030 sentais menacées dans cette aventure des valeurs d’ âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est
4031 ’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de déc
4032 ut. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire11. On ne ma
4033 écrire la marche nécessaire11. On ne manquera pas d’ insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, d
4034 e11. On ne manquera pas d’insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeun
4035 sinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de ven
4036 gine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça che
4037 y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas,
4038 de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement
4039 C’est justement dans la mesure où je participais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif
4040 écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’ un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaq
4041 ommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’ authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple souffrent
4042 aque homme. Si les fils du peuple souffrent moins d’ un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aus
4043 ent moins d’un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’ eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent
4044 si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’ un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce
4045 aient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’ âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal
4046 t d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printan
4047 dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que d
4048 signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbuter
4049 printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs siè
4050 ibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce
4051 oir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune façon tri
4052 e telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Dé
4053 réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en
4054 Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en tant de points — voilà qu
86 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
4055 6. La trahison de l’instruction publique (Ici, le procureur prit un ton plus grave.)
4056 tait là, nous venons de le voir, son unique moyen de parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahiso
4057 en ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’un
4058 e péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’ un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous pr
4059 Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et d’ information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de be
4060 nformation pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouisse
4061 r jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisemen
4062 met de tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était t
4063 bien fait. C’était trop laid ».) À peine capable de nous instruire, l’École prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs
4064 urs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce de son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théo
4065 ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des ve
4066 ans des « lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « ce
4067 ille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constat
4068 rmes sociales qu’on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le
4069 ue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre d’ une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais en
4070 re d’une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a d
4071 s encore elle tend à développer tout ce qu’il y a de spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à ell
4072 sant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
4073 ne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est
4074 de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je croi
4075 ent insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’ une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et qua
4076 isme. Et quand on m’aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai q
4077 sfaite naît un nouveau besoin qui est précisément d’ échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là
4078 nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de toutes parts. Mais l’école empoisonne les
4079 toutes parts. Mais l’école empoisonne les germes d’ une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favor
4080 s l’école empoisonne les germes d’une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclu
4081 ait être la mère. Elle favorise le culte exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supério
4082 te exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersa
4083 la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais
4084 rnir son contrepoison. Au contraire, elle prépare de consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exempl
4085 l est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les d
4086 ictimes de l’instruction helvétique sont capables d’ absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le
4087 nt capables d’absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement
4088 comparé le monde moderne à un vaste établissement de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résign
4089 l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui d
4090 . Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’es
4091 érer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissanc
4092 s moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation len
4093 démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries natur
4094 puissance de crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise
4095 les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’Écol
4096 ns ses collèges, l’y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle
4097 lle constitue la plus grande force antireligieuse de ce temps. L’instruction religieuse qui prend les enfants au sortir de
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
4098 z-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un
4099 vouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de … journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocra
4100 ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et
4101 dans une direction tout opposée. C’est très malin d’ avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en m
4102 e. C’est très malin d’avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il
4103 l’instruction publique s’est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moin
4104 ’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’a
4105 . Le moteur n’en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « 
4106 en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument d
4107 peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radic
4108 al. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j
4109 produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par c
4110 s gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un éc
4111 trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la
4112 ’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’ un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantai
4113 régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’ électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces
4114 ple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui ridiculise à coup
4115 et qui ridiculise à coup sûr sa victime. En fait de farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je préten
4116 sa victime. En fait de farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique
4117 oins ! Elle est destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Dr
4118 pas réactionnaire, non, même pas. Car les forces de réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stim
4119 rigent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’ être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enl
4120 Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant
4121 èse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec
4122 humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtr
4123 os maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen de l’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de
4124 blique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue d
4125 u citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux
4126 le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une
4127 nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’ inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle d
4128 ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et
4129 voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps
4130 rovidentielle dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beauco
4131 uction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avoue
4132 faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devra limiter l’effi
4133 quoi notre génération devra limiter l’efficacité de ses efforts. Critiquer le présent au nom du passé ne signifie pas que
4134 désire un retour au passé. Mais la considération de régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre so
4135 recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’ avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrièr
4136 e un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur q
4137 ies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ai
4138 ion, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les ré
4139 ratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
4140 antisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rare
4141 e la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : la p
4142 tionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
4143 assis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et
4144 s débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emporter
4145 y a de grands balayages à faire, un grand courant d’ air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il
4146 l en restera toujours assez pour allumer des feux de joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m
4147 à vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps
4148 me question. Aurai-je la naïveté non moins énorme d’ esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique
4149 instruction publique est la forme la plus commune de la peste rationaliste qui sévit dans le monde depuis le xviiie (depu
4150 pestes noires). Si vous creusez un peu la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur des postulats r
4151 ux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’ une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocrat
4152 nt dans les principes démocratiques, et dans ceux de l’École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est
4153 École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est notre américanisme et c’est notre sécheresse sentimenta
4154 ’est lui qui stérilise nos utopies et les empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu d
4155 e que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre
4156 Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette pre
4157 er et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette première tâche constitue un programme si riche
4158 onstitue un programme si riche qu’il est superflu d’ en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libr
4159 . Laissons ce soin, à des générations plus libres d’ imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable
4160 s générations plus libres d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui
4161 imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui aura duré deux siècles au mo
4162 qui aura duré deux siècles au moins. L’évolution de l’humanité paraît conforme à la dialectique hégélienne ; on y retrouv
4163 retrouve facilement les triades : être —négation de l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de
4164 ouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’ une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes
4165 être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, trad
4166 e nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’ inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’i
4167 d’inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de c
4168 onscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce t
4169 je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’ intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que l
4170 ’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce
4171 avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion de la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce qu
4172 trais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais voulu vous voir dema
4173 ent. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût
4174 tion. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille de la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ils appelaient
4175 rd à peine à la folie démocratique, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moin
4176 e, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! ind
4177 rir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez de cette similitude les possibilités formidables que nous réserve le siè
4178 secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’ un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12.
4179 uel vous ne tarderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec
4180 rderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre des
4181 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationa
4182 oza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’une m
4183 ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’ une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
4184 ute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé menta
4185 ssurer quant à ma santé mentale.) La question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins
4186 question est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelle
4187 t de savoir si nous serons des hommes de chair et d’ esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu impor
4188 stupide) et les philosophes13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la
4189 s de ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Cec
4190 int : le salut de l’Europe est lié à la naissance d’ une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une gran
4191 pe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imaginatio
4192 e. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental.
4193 d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
4194 pêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’ anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la s
4195 ve ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dé
4196 spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la méca
4197 la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’ échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination d
4198 per à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’ imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophique
4199 s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu d’ imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spirituelleme
4200 ’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’ êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la so
4201 pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni d’ aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre p
4202 vants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé
4203 Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de no
4204 rons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et d’ ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le
4205 nnui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peup
4206 dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos dro
4207 ouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe d’ idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’une civilisat
4208 être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’ en faire sortir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esp
4209 istes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’ une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès main
4210 tir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élit
4211 ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être, malgré les mots14, de
4212 enants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’ être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle a
4213 et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’ intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite co
4214 é dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un an
4215 on pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il dé
4216 aine mesure un anarchiste s’il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un
4217 on de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime
4218 nt tout en le suivant. Que faire, diront les gens de bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Qu
4219 s si vous tenez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plu
4220 enez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’ histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereus
4221 on, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui
4222 s répondent oui, cela finira par créer un courant d’ opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos :
4223 agent désormais à ne publier plus un seul article de fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent
4224 uoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du
4225 casion de racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’es
4226 -là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’ invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour évite
4227 i qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu :
4228 ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité d’ une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, suppri
4229 le. Le peuple qui déteste l’école a pourtant faim d’ instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux.
4230 faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bourre
4231 lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa cultu
4232 préparer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batter
4233 batteries ? Autrement dit : quel emploi utopique de l’organisation existante peut-on imaginer ? L’école devrait donner à
4234 n entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissa
4235 i donner : des modèles de pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique
4236 Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fa
4237 la concentration. En vérité, toute force résulte d’ une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident com
4238 n plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche de comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hin
4239 e dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices d
4240 syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne s
4241 rée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas au
4242 ontrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. M
4243 veut obtenir une grande intensité avec un minimum de moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le dril
4244 ysique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’ un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance prim
4245 aires que l’on exige d’un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance primordiale dans le yoga correspo
4246 au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante
4247 loin, — et en même temps constituent des sources d’ énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s
4248 peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien d’ un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est u
4249 drill est un yoga corporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulair
4250 en couvents. Tant pis. Le drill offre un exemple d’ éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moi
4251 ll offre un exemple d’éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école a
4252 rmée de milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école appliquait en les transposant des méthodes de
4253 ’école appliquait en les transposant des méthodes de concentration analogues, même dans la mesure sans doute faible où la
4254 le supporte, on économiserait plusieurs semestres de travail. Si chaque matin l’enfant parvenait à mettre sa pensée au gar
4255 à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela n
4256 épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en
4257 e tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous
4258 erté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inven
4259 e calme. Ces années de liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous p
4260 liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprend
4261 ire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre beaucoup de choses qui restent cachées aux agités ; la nat
4262 le. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire c
4263 oût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
4264 . Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout
4265 re connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance in
4266 ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différen
4267 s progressent de la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais se légitime
4268 ls. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus d’ une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab u
4269 pprend plus d’une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentr
4270 erçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des h
4271 concentration intense dégage dans l’individu plus d’ énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supéri
4272 age dans l’individu plus d’énergie que des heures d’ exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est p
4273 ’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup.
4274 es-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’elle le contien
4275 nt en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougiss
4276 au bien public. Certains proposent en rougissant de leur hardiesse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je l
4277 le temps des mages : ils comprennent les théories d’ Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilit
4278 omprennent les théories d’Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc
4279 des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour
4280 s dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l
4281 ur… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ?   Areus
4282 es choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ?   Areuse, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.
4283 -10 janvier 1929.   NOTE A On est toujours tenté d’ attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment crim
4284 ocratie. Les journaux, les cercles, les coulisses de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusatio
4285 de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle
4286 nt un très brave homme, il fait partie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs ré
4287 ations ont ait porté atteinte à la dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je
4288 dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais
4289 je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier de potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victim
4290 complique dès que l’instituteur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-
4291 que l’instituteur prend conscience de la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la mêm
4292 le ne saurait même pas prévoir. NOTE B La culture de notre sensibilité nous aiderait à retrouver l’accord avec l’ordre nat
4293 trouver l’accord avec l’ordre naturel. La culture de notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos eff
4294 d avec l’ordre naturel. La culture de notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos efforts resteront
4295 ront vains pour instaurer cette nouvelle attitude de l’âme. Mais ces méthodes ne prendraient tout leur sens et toute leur
4296 igieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les
4297 a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’ enseignement véritable que religieux. Mais les questions confessionnel
4298 ut. Imaginez une culture spirituelle indépendante de toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères
4299 haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein se
4300 ifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le gen
4301 e, au plein sens du mot, c’est le genre distingué de la bourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes 
4302 pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin de leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en effet, terrorisent à
4303 uent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades,
89 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
4304 Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
4305 le de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
4306 s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’ une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
4307 on morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est f
4308 leurerais Mais la grâce est facile comme un matin d’ été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
4309 comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent…
4310 d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été   qui consent… Ailleurs Colo
4311 ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour d’ un grand été   qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
4312 ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
4313 es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’ aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
4314 ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
4315 res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
4316 rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
4317 e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
4318 le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’ un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
4319 issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’ un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
4320 eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir d’ une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
4321 lence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
4322 œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage d’ un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoil
4323 e gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis de , « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausa
4324 . Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
4325 s de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 168
90 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
4326 Souvenirs d’ enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand ave
4327 Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin
4328 peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’ esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
4329 ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
4330 t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’ être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
4331 par la clientèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
4332 entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
4333 librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
4334 ou de première communion. Parmi les compatriotes d’ Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
4335 ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle de « ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
4336 vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance de discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
4337 lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
4338 esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
4339 onomie bourgeoise que cette administration exacte d’ un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
4340 istration exacte d’un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
4341 souvent à ces récits : ce n’est point un paysage d’ âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
4342 ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
4343 élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
4344 ’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa.
4345 on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’ esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Deni
4346 urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de, « [Com
4347 Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
4348 is de, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’ enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
4349 pte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
4350 det, Souvenirs d’enfance et de jeunesse  », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p. 19
91 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
4351 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
4352 Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
4353 Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’ express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
4354 ’est, en six heures d’express, changer totalement d’ atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
4355 ’express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
4356 mosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’ une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
4357 ’une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’ un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
4358 La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
4359 sation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne 
4360 on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées de profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
4361 loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
4362 tastrophe imminente, une révolution, le transfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
4363 nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
4364 finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’ une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
4365 spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
4366 ent des après-midi entiers devant les deux verres d’ eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
4367 nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
4368 à lire des potins tout en essuyant une moustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
4369 oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
4370 ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës d’ une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
4371 s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
4372 ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
4373 sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’ un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
4374 balum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
4375 pour la résurrection de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
4376 « Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout de noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
4377 le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
4378 n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
4379 vie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
4380 s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée d’ insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
4381 Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’ affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
4382 tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’ inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
4383 jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
4384 açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
4385 grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’ or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
4386 lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
4387 turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
4388 t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
4389 olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts de fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
4390 viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
4391 glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
4392 e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
4393 de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
4394 on amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’ or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
4395 sont des rues silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
4396 a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
4397 eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
4398 e salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
4399 s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée d’ un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
4400 . Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’ un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
4401 ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
4402 finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
4403 spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
4404 voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’ une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panoram
4405 sion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de , « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p.
4406 n peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
4407 emont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
92 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
4408 pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
4409 isser créer en nous son silence particulier avant d’ entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
4410 ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’ images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
4411 tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’ un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
4412 nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
4413 décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
4414 mmobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
4415 minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
4416 une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’ un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
4417 itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
4418 e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’ un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
4419 pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
4420 ait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jules Supervielle, Saisir  », Bibliothèque universe
4421 lle, Saisir  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
93 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
4422 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite u
4423 La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une
4424 nt des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
4425 l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’ un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
4426 ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image de son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
4427 ’attention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
4428 u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’ un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
4429 ion la plus grave — car il vécut dans ces marches de l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
4430 à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
4431 nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête de la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
4432 où tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
4433 s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
4434 ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
4435 e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
4436 n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
4437 poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —  d’ une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
4438 ité presque effrayante. Vient le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
4439 au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin d’ elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
4440 ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
4441 (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’ insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
4442 aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’ un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
4443 n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
4444 s, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicable
4445 pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour de Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
4446 rès doucement, inexplicablement, une vie monotone de vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
4447 ne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’ un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
4448 ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
4449 peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure d’ ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
4450 endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
4451 eure d’ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
4452 vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’ un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
4453 vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’ une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
4454 à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
4455 e, dans cette paresse de jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
4456 chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
4457 sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
4458 traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d’ armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
4459 ? — (et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
4460 » On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler de lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
4461 menade, et le guide désigne familièrement l’image d’ une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
4462 d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
4463 mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
4464 Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
4465 ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
4466 complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
4467 puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
4468 L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
4469 en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
4470 s. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
4471 prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
4472 et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
4473 et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
4474 . Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
4475 fée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
4476 je vois s’y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
4477 ène doucement dans cette calme Tubingue le secret d’ une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
4478 ui montent au Séminaire protestant : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
4479 de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’ une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
4480 La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
4481 ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
4482 ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume de bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
4483 pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
4484 lafrés font des signes énergiques à une compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
4485 compagnie de cavaliers qui passe devant la statue d’ Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
4486 tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
4487 dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
4488 t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
4489 out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
4490 a tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
4491 i veut faire l’ange… » a autorisé des générations de « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
4492 geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
4493 la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
4494 âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
4495 mme cela on est mieux pour donner le coup de pied de l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
4496  » Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
4497 ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin d’ après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
4498 fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
4499 midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’ eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
4500 urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
4501 des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
4502 à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent de ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
4503 our leur donne une petite fièvre, — cette semaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
4504 emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
4505 ru pressentir de grandes choses généreuses autour d’ eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
4506 e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur de vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
4507 de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis de , « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neu
4508 rion et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15
4509 et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 jui
94 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
4510 éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
4511 res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
4512 te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’ oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
4513 fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
4514 doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
4515 un dévergondage sentimental, plein de malices et d’ envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
4516 gondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
4517 ais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’ une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
4518 es personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
4519 ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
4520 oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
4521 ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
4522 it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
4523 nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
4524 venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
4525 as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
4526 re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent de gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
4527 romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Den
4528 jours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, L
4529 re où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes  », Bibliothèque un
4530 des songes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
95 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
4531 eignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
4532 ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’ un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
4533 étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
4534 français… Mais non, nous préférons voir ici l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
4535 signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
4536 pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
4537 èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
4538 ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
4539 Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
4540 vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
4541 pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’ une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
4542 ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
4543 eusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
4544 é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
4545 ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’ Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
4546 on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
4547 baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
4548 olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’ inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
4549 il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
4550 évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’ une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Com
4551 ion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant  », B
4552 d le voyant  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
96 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
4553 Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
4554 ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
4555 les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
4556 les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
4557 e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
4558 t que reprendre la défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
4559 bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
4560 gner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
4561 da, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
4562 emeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
4563 iel Marcel, qu’il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « 
4564 son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
4565 nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
4566 t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
4567 ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
4568 re observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
4569 a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
4570 nante tout comme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
4571 mme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
4572 t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
4573 qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
4574 riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
4575 e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
4576 pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
4577 re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
4578 sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’ avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
4579 e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
4580 emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
4581 butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
4582 et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
4583 ons sont exactement celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
4584 ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
4585 . Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
4586 de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] J
4587 de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel  », Bibliothèque
4588 t Denis de, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, no
4589 e l’Éternel  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
97 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
4590 Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire d’ ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
4591 le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’ un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
4592 euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’ un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
4593 iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant d’ air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
4594 ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
4595 inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
4596 vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
4597 t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita de son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
4598 Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur d’ une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
4599 le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
4600 ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
4601 plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
4602 nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
4603 dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
4604 Comme le poète terminait sa théorie sur la nature de l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
4605 ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
4606 rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
4607 Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention de la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
4608 usable de la part d’un poète en état, sans doute, d’ inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
4609 veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration d’ amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
4610 tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
4611 ffet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis de , « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-L
4612 re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929, p.
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
4613 er à décrire en 50 petites pages tous les méfaits de l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
4614 que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre de grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
4615 r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
4616 je considère les thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
4617 s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
4618 Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’ Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
4619 ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
4620 t, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
4621 ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
4622 . J’apporte un témoignage personnel, une réaction de tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
4623 tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
4624 me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
4625 out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
4626 à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
4627 et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
4628 e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment. De pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
4629 reproche auquel je compte ne pas échapper : celui de naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
4630 lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent d’ être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
4631 à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’ aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
4632 jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
4633 gémir n’est pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
4634 rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
4635 oser une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
4636 ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable d’ en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
4637 dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
4638 ève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
4639 dique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
4640 iente, cette lâcheté devant la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
4641 je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
4642 le compte sommairement. Cela n’empêchera personne de me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
4643 prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
4644 réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
4645 r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
4646 ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficac
4647 ngereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
4648 certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
4649 des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
4650 ’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’ aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui ri
4651 infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans d’ une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
4652 gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
4653 es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
4654 ect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
4655 fet, tirent toute leur force dans les discussions de la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
4656 ts et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
4657 gements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
4658 cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
4659 ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme de ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
4660 ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
4661 erai la question de savoir si tant de laideurs et d’ outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
4662 bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre institution-tabou.   1. Je ne puis naturellement pas mentionn
4663 les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent de l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’une grande vulgar
4664 l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’ une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
4665 e d’une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
4666 des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
4667 de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
4668 x de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’
4669 er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des ins
4670 nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
4671 au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
4672 es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
4673 ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’ arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
4674 es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’ occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
4675 r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’ heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
4676 aire ici du sentiment, je suis sensible au charme de cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
4677 taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
4678 s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
4679 monce à nous gâter toute une journée. Une journée d’ enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mè
4680 embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
4681 nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
4682  ? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond de jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
4683 l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’ une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
4684 des cloportes dans la toile mouillée d’une tente d’ Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
4685 alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
4686 , odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
4687 s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’ huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
4688 anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
4689 nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
4690 asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
4691 , Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feu
4692 el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
4693 incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’ une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
4694 omenades en tenant la forte main du père qui fait de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
4695 de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses domi
4696 ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
4697 à la fontaine, à cause du nom.) Quand venait mon tour , je savais rarement où l’on en était. Cela m’attira des reproches aci
4698 a même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea d’ illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
4699  ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’ innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
4700 brables exemples cet axiome qui devint la formule de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
4701 de mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
4702 oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité d’ originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malf
4703 lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
4704 profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’ évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
4705 fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
4706 is un jour qu’elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
4707 peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop de certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la
4708 vissement. Je songeai aux vertueuses indignations de nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
4709 tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’espri
4710 sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
4711 dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
4712 ratiques, qui sont une généralisation de la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
4713 uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
4714 moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur d’ esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
4715 sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
4716 empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
4717 avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
4718 us ces ressorts de la révolte et de la libération d’ une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
4719 ation d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
4720 l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
4721 ens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
4722 ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles d’ une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
4723 our lequel on nous préparait — c’était un système d’ abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
4724 es et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
4725 ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’ un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
4726 oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
4727 mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus de « superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
4728 e trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
4729 qu’il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
4730 ence appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
4731 out au long de notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
4732 et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
4733 iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d’ un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
4734 Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
4735 rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
4736 as plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
4737 s mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
4738 riles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.   3. Dan
4739 e contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie.   3. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vi
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
4740 ption du monstre Le service militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
4741 ce militaire me permit de retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
4742 ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’ anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
4743 aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades d’ école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
4744 imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’ autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences s
4745 s. Car ces différences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
4746 ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
4747 ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence
4748 ’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge,
4749 eur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge, non d’expéri
4750 continuité, la différence n’était qu’une question d’ âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
4751 la différence n’était qu’une question d’âge, non d’ expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
4752 s doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
4753 ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
4754 ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’ être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
4755 dante d’être consciencieux, à une façon blessante d’ être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
4756 blessante d’être supérieur, à une façon livresque d’ expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
4757 que d’expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
4758 teurs automatiques (brevetés par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
4759 de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
4760 t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’ appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
4761 ’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
4762 isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
4763 s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffe
4764 ait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’ insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
4765 nuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
4766 des manifestes en mauvais français — et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusio
4767 en mauvais français — et je ferais de la peine à d’ excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieutenan
4768 allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire de la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
4769 ui veut traiter militairement ses élèves témoigne de la même maladresse professionnelle. J’en connais un qui avait coutume
4770 rofessionnelle. J’en connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
4771 connais un qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
4772 qui avait coutume de dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
4773 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
4774 ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
4775 urs : ils sortent tous de la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
4776 , ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
4777 ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
4778 t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
4779 si sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
4780 este dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
4781 telle. C’est celle même du régime. L’architecture de nos « palais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
4782 rchitecture de nos « palais scolaires » symbolise d’ une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
4783 es » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
4784 ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
4785 ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup d’ enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
4786 st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
4787 on de dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
4788 de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
4789 orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’ urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
4790 —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens 
4791 de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
4792 Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice d’ un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
4793 us la voyons est semblable à tous ces monuments «  de la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
4794 ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un style : c’est même le pire.