1 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
1 ’une histoire, un événement ou même un personnage deviennent des mythes, c’est précisément cet empire qu’ils exercent sur nous com
2 es et reniées par nos codes officiels, elles sont devenues d’autant plus contraignantes qu’elles n’ont plus de pouvoir que sur n
3 nt ce qui le rend si dangereux. Les mythes déchus deviennent vénéneux comme les vérités mortes dont parle Nietzsche. 3.Actualit
4 demeure pas moins, à nous autres Occidentaux, de devenir de plus en plus conscients des illusions dont nous vivons. Et peut-êt
5 s. On sait que le mariage, au xiie siècle, était devenu pour les seigneurs une pure et simple occasion de s’enrichir, et d’an
6 al me vient de ma volonté ; c’est mon vouloir qui devient mon mal ; mais j’ai tant d’aise à vouloir ainsi que je souffre agréab
7 e furent moins sentimentaux que nous ne le sommes devenus , et qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’insister sur ce qui va de so
8 ce de la passion fatale, mais au contraire il est devenu le but, la fin désirée pour elle-même. Et la passion n’a donc joué qu
2 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
9 s de pouvoirs très étendus. Ils étaient à la fois devins , magiciens, médecins, prêtres, professeurs. Ils n’écrivaient pas de l
10 . Au lieu que la mort soit le terme dernier, elle devient la première condition. Ce que l’Évangile appelle « mort à soi-même »,
11 ite illusoire au-delà du concret de la vie. Aimer devient alors une action positive, une action de transformation. Éros chercha
12 n, puis des empereurs carolingiens, ses doctrines devinrent l’apanage des princes et des classes dominantes, qui les imposèrent p
13 s lors, les vieilles croyances païennes refoulées devinrent le refuge et l’espérance des tendances naturelles non converties, mai
14 secrètes, dont nous avons rappelé la parenté, ne devinrent largement vivantes en Occident que dans les siècles où elles se viren
15 incréée : l’idée même de toute excellence. Qu’est devenue cette doctrine parmi nous ? « Personne ne saurait dire jusqu’à quelle
16 me se voit élevée au-dessus de l’homme, dont elle devient l’idéal nostalgique) — et naissance d’une poésie à formes fixes, très
17 ques des lieux communs de la rhétorique courtoise deviennent sensibles dès que l’on compare ces lieux communs à ceux de la poésie
18 le sur celui de la dévotion 59. Du jour où adorer devient synonyme d’aimer, cette métaphore en entraîne une quantité d’autres. 
19 i la louange du vin, dont l’usage était interdit, devint le symbole de la divine ivresse d’amour). Mais compte tenu de cette d
20 formation d’un genre nouveau — le roman — qui ne deviendra proprement littéraire que par la suite, quand il se détachera du myth
21 .83 » Tristan élevé par Marc, son oncle maternel, devient ainsi, en vertu du fosterage, le « fils » du roi. (Les psychanalystes
22 t. » Du seul fait qu’Iseut aux blanches mains est devenue sa femme légitime, il ne doit plus et ne peut plus la désirer : Jama
3 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
23 as-tu fait contraire à toi-même, pourquoi suis-je devenu à charge à moi-même ?90 » Or il ne s’agit plus ici des souffrances co
24 es mystiques chrétiens utiliseront ses métaphores devenues profanes comme si elles étaient toutes naturelles. Et nous ferons de
25 délices de nos romans de chevalerie. Il rêvait de devenir le « meilleur chevalier du monde » ou, selon ses propres paroles, « u
26 les conclusions des savants du xixe siècle sont devenues nos préjugés courants. Mais sans compter que le jugement matérialiste
27 religion qui l’a créée, passe dans les mœurs, et devient langage commun. Maintenant, quand un mystique veut exprimer ses expér
28 ession de soi-même. Et c’est alors que le mariage devient possible, qui signifie non plus jouissance de l’Éros, mais fécondité
29 d’être un symbole de l’union avec la Jour incréé, deviendra le symbole de l’impossible union avec la femme ; gardant de ses origi
30 ie, et naît dans la Divinité. C’est là qu’est son devenir . Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste pas d’autre d
31 ns la Divinité. C’est là qu’est son devenir. Elle devient si totalement un seul être qu’il ne reste pas d’autre distinction que
4 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
32 gage. Dès qu’elle dépasse l’instinct, dès qu’elle devient vraiment passion, elle tend du même mouvement à se raconter elle-même
33 edoc, dispersant les derniers troubadours. Que va devenir la tradition d’Amour ? Il semble bien que dès le second tiers du sièc
34 n chantant la Philosophie, si ce n’est quand elle devient la Science sacrée. Sincérité bien propre aux troubadours, et toute co
35 il ne joue plus. Le langage de l’Amour est enfin devenu la rhétorique du cœur humain. Cette « profanation » radicale doit fai
36 telle vie ! (Chanson 72.) La « nuit infernale » devient le Jour, la « cruelle mort » une Vie nouvelle, et pour qu’à la passio
37 elestial del pié de la rosa fragante. Le Christ y devient le chevalier du Lion, Satan le chevalier du Serpent, Jean-Baptiste le
38 mystique se dégrade en pure psychologie. Le Roman devient l’objet d’une littérature raffinée. D’Urfé, La Calprenède, Gombervill
39 rique). Bien mieux : cette volonté de liberté est devenue l’agent le plus efficace de la passion qu’elle prétendait guérir. D’o
40 courtoise de l’amour réciproque malheureux. Ainsi devient -elle la formule même de notre mythe. Mais Racine, dans ses premières
41 nance des rangs et la conformité des « qualités » devient la mesure idéale du bon mariage : curieuse analogie avec la Chine. Et
42 ourné en casuistique profane. Chez Rousseau, elle devient une sorte de piétisme raffiné. Ici encore, la décadence est manifeste
43 Terreur, des guerres européennes, certains aveux deviennent possibles, certaines souffrances osent enfin dire leur nom. L’adorati
44 s émanés de Dieu, des germes divins. Un jour nous deviendrons ce que notre Père est lui-même.149 Et dans les Hymnes à la Nuit, où
45 Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures, deviendra ce qu’il est en son principe : une autodestruction voluptueuse du moi
46 du jour, la haine, l’honneur et la vengeance sont devenues sans force sur leurs cœurs. Les initiés pénètrent au monde nocturne d
47 émocratise. Le droit à la passion des romantiques devient alors la vague obsession de luxe et d’aventures exotiques que les rom
48 la mesure d’une société moderne. Le roi Marc est devenu le Cocu ; Tristan, le jeune premier, ou gigolo ; Iseut, l’épouse insa
49 st ce que nous ne voulons plus, dès que cela nous devient clair. Il s’agit donc de supprimer l’obstacle à temps, ce qui amène p
50 ique, lutte des classes, sentiment national, tout devient prétexte à « passion » et déjà s’exalte en « mystiques ». C’est que n
51 s’exalte en « mystiques ». C’est que nous sommes devenus incapables de faire la part du feu, d’ordonner nos désirs, de disting
52 de ce qui se passa chez les troubadours. Béatrice deviendra successivement la Philosophie, la Sagesse et la Science sacrée qui mè
5 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
53 on prisonnier en même temps que son vainqueur. Il deviendra le vassal de cette suzeraine, selon la règle des guerres féodales, to
54 i les auteurs mystiques reprennent ces métaphores devenues banales, et les transposent selon le processus décrit plus haut, dans
55 : l’action héroïque entreprise par amour. La mort devient alors la seule alternative à l’accomplissement du désir, et la délivr
56 bré à l’occasion du départ de sa fille Marguerite devenue reine d’Angleterre, le roi René apparaît en noir, sur un cheval noir
57 tant que principe militaire, la chevalerie était devenue insuffisante ; la tactique avait depuis longtemps renoncé à se confor
58 contraire d’une « militarisation ». L’État était devenu une œuvre d’art, selon l’expression de Burckhardt. La guerre elle-mêm
59 les Allemagnes. Si par ailleurs, la guerre était devenue diplomatique dans les hautes sphères, et vénale dans la pratique, il
60 ècles174. Avec Vauban, le siège d’une place forte devient une sorte d’opération de l’esprit dont les péripéties se déroulent, o
61 le moindre rôle. L’amour lui-même, d’ailleurs, va devenir une tactique. Il perd son auréole dramatique. 7.La guerre en dente
62 suis — Moi le monde »… La passion veut que le moi devienne plus grand que tout, aussi seul et puissant que Dieu. Elle veut (sans
63 ssique, Wagram par exemple, combinant une science devenue rhétorique et la surprise massive, brutale… Et il n’est pas sans inté
64 sera la thèse au nom de laquelle le roi de Prusse devenu empereur d’Allemagne revendiquera les provinces allemandes de l’Autri
65 une place dans le monde en tant que nations, elle devient le moyen qu’ils pratiquent encore pour s’enrichir. Trades follows t
66 es. Vers la fin du xixe siècle, l’amour179 était devenu , dans les classes bourgeoises, un bien bizarre mélange de sentimental
67 face de la guerre à Verdun. Car dès que la guerre devient « totale » — et non plus seulement militaire — la destruction des rés
68 uvent en fait que se heurter passionnément. Elles deviennent l’une pour l’autre l’obstacle. Le but réel, tacite, fatal, de ces exa
69 orchestrer la grandiose catastrophe de la passion devenue totalitaire ? ⁂ Ceci nous mène au seuil d’une conclusion que j’étais
6 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
70 ssion dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur une « poésie » équivoque et brûlante. Poésie to
71 rtir du xiie siècle, celui qui commet l’adultère devienne soudain un personnage intéressant ? Le roi David en volant Bethsabée
72 édifiants sur le danger de pécher et le remords, devient soudain vertu mystique (dans le symbole), puis se dégrade (dans la li
73 le d’où résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries va
74 ile de définir en général le bonheur, le problème devient insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’être le maître de s
75 7. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adaptation » moderne — pour par
7 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
76 t au contraire, si je l’atteins trop aisément, je deviendrai le philistin que dénoncent les romantiques, ou l’homme moral pris dan
77 eures perdent en importance, et les impondérables deviennent décisifs. Le sophisme est alors du côté du bon sens, qui recommandait
78 cherchent un appui et un salut dans le Désir, qui devient aussitôt, et par là même, le pire ennemi de la vie, la séduction du R
79 hnique. C’est alors la passion (guerrière) qui va devenir le principal moteur de la recherche mécanique : on l’a bien vu depuis
80 suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rup
81 pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient singulier. À cette personnalisation de l’être aimé correspond d’aille
82 au sens actif et littéral, par opposition au sens devenu courant, de « préjugé », de « parti imité ». 200. Voir le remarquabl
8 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
83 ssal du roi. Il épouse Berthe, tandis qu’Elissent devient reine. Au jour où les deux couples se séparent, Girard prend à part d
84 une vie nouvelle Où tout son être fut changé. Il devint un autre homme. Tout ce qu’il faisait Était comme entremêlé de folie
85 er la « récompense » de ses peines. (Il n’est pas devenu Parfait) : J’ai connu la fossure Quand je n’avais que 11 ans Mais je