1 1939, L’Amour et l’Occident. Avertissement
1 risqueraient d’égarer certains lecteurs si je ne donnais ici la clef de ma composition. Le premier livre expose le contenu cac
2 er avec tant d’auteurs à succès. Aussi me suis-je donné quelques difficultés. Je n’ai pas voulu flatter ni déprécier ce que S
3 re convaincu quelques lectrices si je n’avais pas donné des preuves. Et je me serais acquis l’estime des spécialistes si je n
2 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
4 l’homme et de la femme dans un groupe historique donné  : l’élite sociale, la chevalerie du xiie et du xiiie siècle. Ce gro
5 a preuve est d’ailleurs immédiate. Elle nous sera donnée ici même par une certaine répugnance du lecteur à envisager mon proje
6 ns doute exacte, si l’on se borne à considérer la donnée sèche du Roman. Elle n’en paraît pas moins vexante et « prosaïquement
7 pesante. Ils ont soif. La servante Brangien leur donne à boire. Mais elle leur verse par erreur « le vin herbé » destiné aux
8 e plus envoûtant des poèmes, on s’aperçoit que sa donnée ni son progrès ne sont dépourvus d’équivoque. J’ai passé quantité d’é
9 ers ni un mot, dans les différentes versions, qui donne la raison de cet acte8. Pourquoi Tristan rend-il la reine à Marc, et
10 e par une ruse improvisée in extremis, et qui est donnée comme trompant Dieu lui-même, puisque le miracle s’opère9 ! Enfin, ce
11 iècle avec une étonnante rapidité ? En ceci qu’il donne à la femme le rôle qui revenait précédemment au suzerain. Le chevalie
12 vraisemblance dépend, pour un ouvrage romanesque donné , de la nature des passions qu’il veut flatter. C’est dire que l’on ac
13 plus poignante définition qu’un poète ait jamais donnée de la passion ! À lui seul, ce vers exprime tout, et avec une force d
14 omme il s’en joue à plaisir ! Sans le mari, je ne donne pas plus de trois ans à l’amour de Tristan et Iseut. Et en effet, la
15 expression saute aux yeux. La magie persuade sans donner de raisons, voire dans la mesure où elle n’en donne point. Et la rhét
16 ner de raisons, voire dans la mesure où elle n’en donne point. Et la rhétorique chevaleresque, comme d’ailleurs toute rhétori
17 d mon père m’engendra et mourut, quand ma mère me donna le jour en expirant, la vieille mélodie arrivait aussi à leurs oreill
18 ut ce qui palpite et respire, ô vents, je vous le donne en récompense ! Attirés par la mort loin de la vie qui les pousse, p
19 ernelle nuit. Là-bas, une science unique nous est donnée  : le divin, l’éternel, l’originel oubli… Oh ! si je pouvais le dire !
3 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
20 e mythe, beaucoup penseront que voilà qui suffit… Donnons une page à ce genre d’objections. ⁂ L’obstacle dont on a vu le jeu au
21 professeurs. Ils n’écrivaient pas de livres, mais donnaient un enseignement oral, en vers gnomiques, à des élèves qu’ils gardaien
22 r son refus de l’Incarnation, précisément ! Je ne donnerai pour l’instant qu’un seul exemple de ce processus si typiquement occi
23 tendaient donc à matérialiser l’élan divin, à lui donner un support corporel. Mais il y a plus, nous le savons depuis Freud :
24 on fait à un suzerain. « En gage d’amour, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d’or, lui enjoignait de se lever, et lu
25 d’énormité ou de fantaisie tout ce qui menace de donner un sens au phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est vrai q
26 nsolateur, le baiser de paix ou consolamentum que donne le prêtre au nouveau frère pendant la cérémonie d’initiation. Encore
27 éception du Consolamentum et pendant l’endura, se donnassent volontairement la mort. Leur doctrine permettait, comme celle des dru
28 is marié et fidèle à sa dame ? » — voilà qui nous donne à penser si l’on songe à tous les troubadours qui devaient subir un a
29 figures de rhétorique, quel est l’esprit qui leur donna naissance ? Et quel Amour en fut l’idée platonicienne ? Dans sa chans
30 dernier quart par amour pour la Mère céleste qui donnait à manger une pomme à son tendre enfant Jésus ; et ce dernier quart, i
31 pas ce dernier quart, mais l’offre à Marie qui le donnera à son fils. Il prend sa boisson en cinq traits pour les cinq plaies d
32 nt dit : — « Messire, répond la dame, vous m’avez donné à manger mets si savoureux que jamais plus ne mangerai rien d’autre !
33 ans la réalité et que rien n’explique ». Exemples donnés  : « Je suis en doute au sujet d’une chose et mon cœur est dans l’ango
34 lez faire leur conquête, dit-il, soyez brutaux, «  donnez -leur des coups de poing sur le nez » (est-ce assez « cru » ?), forcez
35 les erreurs de la passion — au sens précis que je donne à ce mot — sont d’origine religieuse et mystique, il est certain qu’e
36 l’on distingue mal comment, d’une science qui se donnait pour objet l’analyse et la cure des névroses, aurait pu naître une rh
37 tres de quelques traités mystiques de cette école donnent une idée : Le Familier des Amants, Le Roman des Sept Beautés… Il y a
38 e) La salutation et le salut que l’initié voulait donner au Sage, mais que celui-ci, prévenant, donne le premier (Sohrawardi ;
39 ait donner au Sage, mais que celui-ci, prévenant, donne le premier (Sohrawardi ; le Bruissement de l’aile de Gabriel), c’est
40 ellement résolue : c’est bien le Midi roman qui a donné son style et sa doctrine secrète aux « romanciers » du cycle de la Ta
41 ues que puissent paraître les interprétations que donne l’auteur lui-même, après chaque épisode. Il est une de ces interpréta
42 mari les poursuit. Dans Bailé et Aillinn, ils se donnent rendez-vous en un lieu désert, où la mort les précède, empêchant leur
43 étude sur Le Catharisme (p. 2, Carcassonne, 1937) donne une liste d’ouvrages retrouvés ; un rituel d’initiation, un apocryphe
44 ignent Dieu dans leurs poèmes ! 52. Au moment de donner le bon à tirer de cet ouvrage, je lis une étude remarquable de Lucie
45 rapprocher ceci du fait que le chevalier courtois donnait souvent à sa Dame le titre de seigneur au masculin : mi dons (mi domi
46 n autre passage, les chevaliers ayant communié se donnent les uns aux autres le baiser de paix, selon le rite oriental, que les
4 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
47 ivre à imprimer. D’autres cultivent ce poison qui donne des visions pittoresques. Presque tous publient le secret… Tristan, l
48 iie siècle, la conscience moderne a cru voir une donnée première. Elle a cru pouvoir « expliquer » le plus élevé par le plus
49 ’ailleurs rarement purs dans telle ou telle œuvre donnée . Même chez les représentants les plus typiques de l’une et de l’autre
50 trouve exprimé ? Quelle que soit la réponse qu’on donnera , une chose demeure certaine : c’est que nous sommes en présence de de
51 erne, par exemple, victime des réflexes que lui a donnés la science matérialiste, tranche toujours le débat au bénéfice de ce
52 es pour des raisons qu’elles seraient capables de donner  ? Ont-elles donc recherché si, chronologiquement, le sens « matériel 
53 de cette dialectique permanente pour en faire la donnée première. 7.Libération finale des mystiques Cette décision tout
54 mystique orthodoxe de l’hérétique. C’est lui qui donne un sens tout différent au mot amour dans les deux cas. Les hérétiques
5 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
55 dont on peut démontrer, historiquement, qu’elle a donné sa langue à la passion. Si la littérature peut se vanter d’avoir agi
56 eux Roses Le meilleur point de départ nous est donné par le Roman de la Rose, écrit entre les années 1237 et 1280 environ.
57 rs, n’arrête pas son progrès. L’Église d’Amour118 donnera naissance à d’innombrables sectes plus ou moins secrètes, plus ou moi
58 ». Double mouvement dont le Roman de la Rose nous donne l’illustre témoignage. La Rose de Guillaume de Lorris — dans la premi
59 sse l’orgueil de celui qu’elle salue [auquel elle donne son salut] et, s’il n’est déjà de notre foi, l’y amène. Faut-il pens
60 y eut cette fameuse ascension au Ventoux, qui lui donna beaucoup à réfléchir. Il y eut surtout, en 1348, la grande peste noir
61 laisir que l’usage en moi a fait si fort qu’il me donne l’audace de négocier avec la mort ! La lucidité même d’un tel cri,
62 chrétienne —, c’est la secrète volonté qui devait donner naissance au mythe. Mais la confusion de la foi, « qui à Dieu seul es
63 n d’une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’un
64 bergère, le volage, la coquette, le hardi, etc. —  donne à la dialectique des sentiments sa meilleure garantie de précision, e
65 p » et il veut faire en sorte que sa maîtresse se donne à son ami Cléandre. D’où l’on conclut généralement que Corneille est
66 e naissance à qui nous ne pouvons résister… On ne donne point ce qu’on ne saurait nous refuser. Voilà qui est bel et bon. Ma
67 semble ne commencer à l’aimer que quand il lui a donné sujet de le haïr. L’aveu est complet cette fois-ci. Mais dans le pla
68 moins faut-il bien reconnaître que cette croyance donne au drame et aux épreuves des amants une justification grandiose. S’il
69 s d’indignation que de pitié. J’ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable envers son père, sa
70 taphores pour les bourgeois sentimentaux, et cela donne finalement tout un verbiage sur la divinité des impressions champêtre
71 sur la femme au xviiie siècle : « Au lieu de lui donner les satisfactions de l’amour sensuel et de la fixer dans la volupté,
72 a réaction cynique contre le mythe. Nous en avons donné plus d’un exemple. Le xviiie est trop poli pour admettre la gauloise
73 n, dans la doctrine manichéenne : c’est lui qui a donné sa figure au Tenorio de Molina, et qui lui a imprimé pour toujours ce
74 le faut ces faveurs enivrantes pour lesquelles je donnerais mille vies, mais rends-moi tout ce qui n’était point elles, et les ef
75 [de sa fiancée] la pensée m’est venue que ma mort donnerait à l’humanité un exemple de fidélité éternelle, et qu’elle instaurerai
76 conclue même pour la mort est un mariage qui nous donne une compagne pour la Nuit. C’est dans la mort que l’amour est le plus
77 sur le Nachtseite de l’existence. Fichte lui-même donne la définition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai amour qui re
78 iage) l’ennuie, et peut-être aussi qu’elle ne lui donne que des idées communes. » Et plus loin : « Il y a peu de peines moral
79 la forme de l’opéra. Si Mozart et Wagner nous ont donné les chefs-d’œuvre du drame musical, c’est en vertu de l’affinité orig
80 nt au philtre, alibi de la responsabilité, on lui donne le nom romantique de « fatalité de la passion ». Et les tenants du co
81 de l’imagination. Toutefois, l’on s’efforcera de donner à cette fin une atmosphère « poétique » qui dissimule le passage à la
82 e. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la « Vie » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais elle porte un nom « po
83 éenne, même orthodoxe, et par une sorte d’ironie, donner sa rhétorique passionnelle au mysticisme des plus grands saints. Lors
84 . Désormais le symbole de toute l’opposition sera donné par le nom même de l’amour. En face de l’Église de Rome : Roma, se dr
85 Voir le Journal de Novalis, et le portrait qu’il donne de sa fiancée perdue, Sophie von Kühn, morte à 16 ans. Il note « ses
6 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
86 possession est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise traduit,
87 a chevalerie, loi de l’amour et de la guerre «  Donner un style à l’amour », telle est, selon J. Huizinga l’aspiration suprê
88 de la guerre. Exemple unique d’un ars amandi qui donne naissance à un ars bellandi. Ce n’est pas seulement dans le détail de
89 s de butin, droit d’attaque, fidélité à la parole donnée sont régis par des règles semblables à celles qui gouvernent le tourn
90 arraché le gant. — Mais à moi, dit l’autre, il a donné cette même main avec sa parole. » Quant aux idées politiques inspirée
91 e jouent les tournois. Là, les fureurs du sang se donnent libre cours mais sous l’égide et dans les cadres symboliques d’une cé
92 tre présentés sous forme de lecture, mais surtout donnés en spectacle. Ce jeu peut revêtir deux formes : la représentation dra
93 tit nombre de mouvements automatiques, destinés à donner la mort à distance, sans colère ni pitié. 6.La guerre classique
94 lutte. La chevalerie représentait un effort pour donner un style à l’instinct. La guerre classique est un effort pour conserv
95 sources de la nation ; parce qu’elles allaient se donner comme but non un intérêt dynastique, mais la conquête ou la propagati
96 les foules réagissent au dictateur, dans un pays donné , de la même manière que la femme, dans ce pays, réagit aux sollicitat
97 os mœurs, le second décrivant une attitude que je donne bien moins pour la réponse décisive que pour mon choix particulier.
98 des expressions typiques de l’amour à une époque donnée — aussi irréelle et aussi signifiante dans le laid que dans le beau,
7 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
99 emme qu’en l’imaginant sa maîtresse. (Balzac déjà donne la recette, dans sa Physiologie du mariage). Une innombrable et écœur
100 leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné , incapables d’accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudrait to
101 t de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quelques lignes à la louange de la passion, ou tout au moins affecten
102 nder sur une base raciste et militaire, devait se donner pour première tâche de surmonter cette crise de mœurs. On commença pa
103 fert (dont je parlais au Livre VI) qui consiste à donner pour seul objet légitime et possible à la passion l’idée de nation sy
8 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
104 er ». Et je lui fais un plus large crédit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des c
105 a su louer le philistin et le romantique, et leur donner raison au point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’eux-mêmes
106 que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un savoir ; et non pas à
107 x caractérisent l’Europe par l’importance qu’elle donne aux forces passionnelles. Ils y voient l’héritage du christianisme et
108 é centrale, ou en dévie, compromet la fidélité et donne des chances nouvelles à la passion. C’est notre vie et notre mort. Et
9 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
109 ration de l’eau de la chaudière de Cerridwen, qui donne l’inspiration aux bardes, guérit et ressuscite, c’est-à-dire élève l’
110 ale et féodale). Cette analogie avec Tristan nous donne un repère pour apprécier la transformation que les Béroul et les Thom
111 ourtois sur les auteurs du cycle breton. Voici la donnée  : le duc Girard de Roussillon a été quérir une fiancée pour Charles l
112 nds pour garants et témoins que par cet anneau je donne à jamais mon amour au duc Girard. Je lui donne de mon oscle la fleur,
113 je donne à jamais mon amour au duc Girard. Je lui donne de mon oscle la fleur, parce que je l’aime plus que mon père et plus
114 nflit entre l’hommage dû au suzerain et l’hommage donné à la femme ; — d’un mariage de consolation du vassal (ici avec la sœu
115 t à passer pour vérité constante et irréfragable. Donné l’an 1174, le troisième des calendes de mai, indiction VII. 2. À rap