1 1946, Lettres sur la bombe atomique. La guerre est morte
1 IILa guerre est morte Lake George (N. Y.), le 12 août 1945. On nous parle d’arm
2 e encore une de ces fausses nouvelles comme cette guerre en a vu tant, qui ne font qu’anticiper d’un ou deux jours sur la réal
3 d’une manière symbolique, la date capitale de la guerre . De même la victoire en Europe nous fut annoncée en deux temps, laiss
4 i, prématurée ou non, la nouvelle de la fin de la guerre se trouve déclassée par la Bombe. Nous n’aurons pas de Onze Novembre,
5 naissance d’une paix que de la mort subite de la guerre . Car c’est la guerre en général qui vient d’être atteinte en plein cœ
6 que de la mort subite de la guerre. Car c’est la guerre en général qui vient d’être atteinte en plein cœur. Voilà qui me frap
7 principale victime de la bombe atomique a été la guerre , qui en est morte en trois jours. Sous sa forme militaire — c’était l
8 trois jours. Sous sa forme militaire — c’était la guerre tout court — elle a moins de chances de renaître et moins d’avenir qu
9 s n’ont plus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’est plus leur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de gue
10 métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de guerre au sens classique et multimillénaire du mot. « Il y aura toujours des
11 multimillénaire du mot. « Il y aura toujours des guerres  », nous disaient-ils. Sans doute, mais ce ne seront plus les leurs, l
12 occasion, que pour le combat de rues, les petites guerres civiles et autres différends d’intérêt local, voire municipal, au tit
13 s se dissimuler que ce déclassement brusque de la guerre va provoquer dans le monde entier un sentiment de vague et vaste frus
2 1946, Lettres sur la bombe atomique. Le point de vue moral
14 -ce que la paix serait morte en même temps que la guerre  ? Vous me demandez comment a réagi l’opinion publique et privée. Eh b
15 , s’écriaient-ils, nous avons moralement perdu la guerre . Nous avons en tout cas terni notre victoire, et le prestige américai
16 du tout, disent les autres, nous avons abrégé la guerre , nous l’avons peut-être tuée, et nous avons sauvé un million de vies.
17 s premiers, que c’est la Bombe qui a mis fin à la guerre  ? Les Russes disent que c’est l’armée russe, rien qu’en se montrant.
18 est donc elle, pratiquement, qui a fait cesser la guerre  ? — Bien au contraire, nous pensons que la guerre allait se terminer
19 guerre ? — Bien au contraire, nous pensons que la guerre allait se terminer de toute façon. La Bombe n’a donc servi que le Mik
20 avaient échoué ? Courir le risque de prolonger la guerre de quelques mois ? N’employer que les bons vieux procédés tacitement
3 1946, Lettres sur la bombe atomique. Utopies
21 Londres en cinq minutes, à partir du début de la guerre . Le progrès, disait Baudelaire, consiste dans la réduction des traces
22 r la persécution Hitler, Staline, et l’exil et la guerre , et le cinéma pour notre information si les camps ne nous ont pas eus
4 1946, Lettres sur la bombe atomique. Ni secret, ni défense
23 eilleur analyste des choses militaires dans cette guerre , et le corps unanime des savants. M. Hanson B. Baldwin l’a fort bien
24 lisation permanente qui sous prétexte d’éviter la guerre , tuerait la paix. Une partie de la population serait employée à surve
5 1946, Lettres sur la bombe atomique. Le savant et le général
25 lanétaire. Aussi défendent-ils tous l’idée que la guerre des bombes serait la fin des hommes, et que le seul moyen de l’empêch
26 al Marshall ajoute : « Les gens qui parlent d’une guerre purement technique oublient le fait qu’une pareille guerre exige des
27 rement technique oublient le fait qu’une pareille guerre exige des effectifs plus importants que par le passé. Il faut des tro
28 il conclut que les conditions fondamentales de la guerre n’ont pas changé davantage qu’elles ne le firent lors de l’invention
29 ays, plus qu’à moitié détruit. Ils verront que la guerre n’a plus de sens humain. D’ailleurs l’île qu’ils iront conquérir sera
30 ne en occupant le terrain. Mais dans le cas d’une guerre atomique, il n’est pas sûr, ni même probable, que l’agresseur juge bi
31 n’en pas donner d’autres, si elles existent ? La guerre n’a plus d’autres secrets que ceux de l’industrie, qui sont ceux de l
32 tre désir que de les publier. Je maintiens que la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons p
33 publier. Je maintiens que la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons passé l’âge des guerre
34 s, la vraie. Parce que nous avons passé l’âge des guerres considérées comme jeux réglés. Si l’un des partis en présence disait
6 1946, Lettres sur la bombe atomique. Tout est changé, personne ne bouge
35 bjections à ma thèse sur l’armée et la mort de la guerre militaire, m’obligent à vous demander de relire mes lettres. J’avais
36 ricain discute encore la question de savoir si la guerre a pris fin légalement le 14 août ou le 2 septembre ; quand je vois le
37 et de vêtir ceux qui sont nus ; quand je vois la guerre et que chacun s’y prépare ; quand je vois que tout le monde voit cela
38 s bien saisi la situation, qui est la suivante : Guerre . Les armées de terre et de mer seront privées de ravitaillement et im
39 ne peuvent servir à rien, si ce n’est à faire la guerre . D’ailleurs, ils déplorent tous la dernière guerre, qui les a telleme
40 uerre. D’ailleurs, ils déplorent tous la dernière guerre , qui les a tellement affaiblis pour la prochaine. Progrès. Un hebdom
7 1946, Lettres sur la bombe atomique. Paralysie des hommes d’État
41 énéral, et pour elle-même, et qu’ils détestent la guerre  : pourtant ils s’y préparent. Ce qui domine en fait leur politique, c
42 ine en fait leur politique, c’est la vision de la guerre , non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables
8 1946, Lettres sur la bombe atomique. La tâche politique du siècle
43 erait monotone, s’il n’y avait pas les menaces de guerre  ! Et que ferions-nous sans la Bombe ? Depuis des mois, les grandes ma
44 e grande question : qu’est-il donc sorti de cette guerre  ? Quelles nouveautés ? Aucune, répondent beaucoup. Rien que du négati
45 ernational par une des nations constituantes : la guerre ne vient-elle pas d’éliminer les dictatures impérialistes ? Ces trois
46 tionalisme en plein essor, contrecoup fatal de la guerre , et fièvre spécifique des grandes démocraties physiquement ou moralem
9 1946, Lettres sur la bombe atomique. Tous démocrates
47 s fait un grand progrès, le seul peut-être que la guerre pouvait permettre… Lui. — Mais avouez qu’aussi longtemps que vos hom
10 1946, Lettres sur la bombe atomique. Les quatre libertés
48 muns qui enchantent notre âge, comme la Bombe, la Guerre et la Paix, la Démocratie et le gouvernement du Monde, vous ne m’en v
49 s Quatre Libertés n’en furent pas moins le but de guerre idéal des Nations unies, comme elles restent l’idéal officiel de la p
50 la crainte. Donc les Nations unies ayant gagné la guerre , il est temps de nous demander quel est l’état présent des libertés q
51 n’est que le résultat déplorable mais fatal de la guerre . (Étrange activité qui « fatalement » prolonge ou aggrave les tyranni
11 1946, Lettres sur la bombe atomique. La pensée planétaire
52 nt à l’échelle planétaire. La flèche servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la gue
53 servait à la guerre des villages ; le fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la gu
54 e fusil à la guerre des provinces ; le canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe,
55 e canon à la guerre des nations ; et l’avion à la guerre des continents. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre p
56 nts. Voici la Bombe, à quoi servira-t-elle ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que
57 le ? À la guerre planétaire, c’est-à-dire : à une guerre qui nous atteint tous, et que nous ne faisons donc qu’à nous-mêmes. L
58 nde que la Renaissance. Il semble que la dernière guerre , j’entends celle de 39-45, a beaucoup fait pour éveiller dans les nat
59 s les nations le sentiment de leur relativité. La guerre de Chine, cette plaisanterie de chansonniers du temps de Montmartre,
12 1946, Lettres sur la bombe atomique. Problème curieux que pose le gouvernement mondial
60 t comme puni et humilié ; et sans ministère de la guerre , il nous paraît dépourvu de sérieux. Or le gouvernement mondial devra
61 ire, pas de voisins, donc personne à qui faire la guerre  ? À quoi cela ressemblerait-il ? Les nations et leurs gouvernements n
62 vous venez de penser à la planète Mars, et à une guerre possible contre les Martiens ? Ne me dites pas non : votre première i
63 s non : votre première idée a été de supposer une guerre . Et cela pour essayer de vous mieux représenter ce qu’un pouvoir plan
64 bien faire de ses dix doigts… Pas de nations sans guerres avec d’autres nations. Je perdrais mon temps et le vôtre à fonder en
65 u’un peu de sincérité. Les nations produisent les guerres , les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne s
66 incérité. Les nations produisent les guerres, les guerres produisent les nations, et les unes sans les autres ne seraient pas i
67 e sorte de nation unique, sans voisins, donc sans guerre possible — cela revient à dire que c’est la paix elle-même que vous n
68 at présent de l’Europe. J’ai cru longtemps que la guerre était le pire désordre imaginable à notre époque ; et que ceux qui la
69 e je suis un primaire. Il m’assure que « à chaque guerre nous, cavaliers, avons prouvé que nous savions nous battre », ce qui
13 1946, Lettres sur la bombe atomique. L’État-nation
70 car nous y sommes déjà bien engagés. Ce sont les guerres qui le produisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres…
71 uisent. Et ce sont les nations qui produisent les guerres … Mais je vois que ce mot de nation a créé entre nous une équivoque. I
72 nsi formés, de se rendre autarciques en vue de la guerre , soit qu’ils redoutent ou souhaitent cette éventualité. L’État détrui
73 st celui de l’État totalitaire, qui est l’état de guerre en permanence. Ainsi l’ennemi des nations, c’est l’État ; et leur sau
74 , plutôt que de se mettre hors d’état de faire la guerre , en se liant à des économies voisines. Mais remarquez l’hypocrisie du
75 que cela n’a rien à voir avec la préparation à la guerre . Sans doute, mais je parlais moins des motifs que des effets inélucta
76 ssairement à l’État totalitaire, donc à l’état de guerre larvé ou déclaré, qui est le pire des crimes sociaux. On ne sortira d
77 cercle vicieux qu’en supprimant ce qui permet la guerre , ou la provoque, c’est-à-dire en désintégrant le carcan des États-nat
14 1946, Lettres sur la bombe atomique. Le goût de la guerre
78 XVILe goût de la guerre Princeton (N. J.), le 19 décembre 1945. Enfin ! Après quinze lettre
79 in de rendre inutiles leurs services, a permis la guerre de Trente Ans. Et je vois bien que le système de l’armée populaire, t
80 s de civils que de militaires, ce qui a permis la guerre dont on dit que nous sortons. Et je ne nierai pas que, jusqu’à nos jo
81 is pourquoi. Tenez-vous bien : c’est parce que la guerre nous plaît, et que nous sommes portés par cette passion à nous rendre
82 ret de notre conscience elle est liée à l’idée de guerre . Des millénaires de guerre nous ont intoxiqués. Et la fureur instanta
83 e est liée à l’idée de guerre. Des millénaires de guerre nous ont intoxiqués. Et la fureur instantanée que provoque, chez beau
84 J’insiste sur ces derniers mots. Notre goût de la guerre est si bien refoulé que tous, sans exception, jurent qu’ils n’aiment
85 ue la paix. Si c’était vrai, il n’y aurait pas de guerres . J’écrivais là-dessus, il y a deux ans déjà, une page que je vais vou
86 Mais comment l’homme compensera-t-il l’absence de guerre  ? Voici la tragédie nouvelle : nous avons tout prévu contre un futur
87 es pour la Patrie ou le Parti. S’il n’y a plus de guerres , qui fera des héros ? Qui réveillera le sens du sacrifice ? Pour qui 
88 comment vivre s’il n’y a plus de paroxysmes ? La guerre était pour nous la grande permission, le grand ajournement de nos pro
89 at de grâce. Telle la Fête chez les primitifs, la guerre était le « Grand Temps » de l’humanité moderne, la seule excuse que n
90 à ce siècle pour lui faire oublier son goût de la guerre  ? Quels drames nouveaux pour remplacer, sur la scène vide, l’Ennemi d
15 1946, Lettres sur la bombe atomique. La paix ou la mort
91 ux affaires courantes : équilibrer les budgets de guerre , etc. Ce n’est pas qu’une angoisse diffuse ne soit sensible dans les
92 que notre globe dure longtemps encore, et que la guerre militaire y prospère d’autant mieux qu’elle sera dotée d’une arme de
93 tirés… Pensez-vous que les effets de la prochaine guerre seront très différents de ceux que j’ai prévus ? La souffrance sera p
16 1946, Lettres sur la bombe atomique. Appendice. Les cochons en uniforme, ou le nouveau déluge
94 raient jetées sur une flotte de cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détails publ
95 és. Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique auront le
96 ma lettre deuxième, où j’annonçais la mort de la guerre militaire. Voici. L’on a remarqué que la peau des cochons est fort se
97 ntifique de ce terme. Quand je vous disais que la guerre est morte, « la guerre des militaires, la vraie » ! Quand je vous dis
98 uand je vous disais que la guerre est morte, « la guerre des militaires, la vraie » ! Quand je vous disais que ses règles sacr