1 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Le drame de la liberté, aujourd’hui
1 time ou non comme idéal ou comme réalité. Mais un homme en prison, qu’il soit intellectuel ou paysan, sait très bien ce qu’il
2 x grandes questions : Premièrement : pourquoi les hommes d’aujourd’hui ont-ils peur de la liberté et sont-ils tentés d’y renon
2 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). L’anxiété de l’homme moderne
3 L’anxiété de l’ homme moderne Notre première question : « Pourquoi l’homme de ce temps a-
4 moderne Notre première question : « Pourquoi l’ homme de ce temps a-t-il peur de la liberté ? » demanderait un long examen
5 onse des dictatures C’est à cette anxiété de l’ homme déraciné, isolé et désorienté, qu’ont répondu les passions collective
6 et l’esprit partisan eussent échoué à donner à l’ homme des masses une règle de vie, une discipline d’action et de pensée — s
7 bre génie de comprendre les premiers, c’est que l’ homme des masses vit dans l’angoisse de l’insécurité, de l’arbitraire, et q
8 d’une liberté sans contenu. Ils ont compris que l’ homme moderne cherche un guide (Duce, Führer, Caudillo, Père des peuples) q
9 point par méchanceté ou par perversité que tant d’ hommes en Europe sont devenus fascistes et deviennent aujourd’hui communiste
10 nent aujourd’hui communistes. C’est parce que ces hommes ont senti obscurément, de tout leur être, le besoin d’un principe d’u
11 iront qu’à contre-fin, si elles n’offrent pas à l’ homme un ordre rassurant. Deux anecdotes Arthur Koestler raconte qu’à
12 e genre que je cherchais. » Voilà pourquoi tant d’ hommes , de nos jours, fuyant une liberté qui les laisse sans défense et les
13 est un vertige. C’est épuisant ! Psychose de l’ homme moderne Nous aurions tort de rire d’une pareille attitude. Elle a
14 des motifs très profonds dans la psychologie de l’ homme moderne, et cela des deux côtés du rideau de fer. Il serait faux de c
15 rideau de fer. Il serait faux de croire que ledit homme moderne a le goût de l’esclavage. Il cherche une discipline qui le ra
16 plus lui donner des raisons positives de vivre. L’ homme qui se sent vaguement coupable, sans trop savoir de quoi et sans se l
17 sans trop savoir de quoi et sans se l’avouer, cet homme recule naturellement devant les risques de la liberté. Il va se cache
18 que son Parti aura le pouvoir. Il existe, dans l’ homme moderne, des tendances inconscientes qui le poussent puissamment en s
19 ésence d’une psychose, qui atteint des millions d’ hommes en Occident, et dont nul d’entre nous n’est tout à fait indemne. Une
20 n certain minimum vital ne sera pas assuré à tout homme , tant qu’il craindra de perdre d’un jour à l’autre son logement, son
21 donc la faculté de former des projets, tant que l’ homme moderne sera (ou simplement se sentira) dans une telle situation, la
22 e éducation digne du nom, c’est donc de rendre un homme apte à la liberté. Il serait vain de décréter toutes sortes de libert
23 es sortes de libertés légales ou morales pour des hommes qui ne connaîtraient pas, qui n’auraient pas appris leur mode d’emplo
3 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Libertés « formelles » et libertés « réelles »
24 ment contents et satisfaits… Elles oublient que l’ homme ne sera jamais content s’il n’a plus le droit de se dire mécontent. O
25 te la liberté de l’expression qui disparaît. Or l’ homme qui perd la liberté de l’expression est déjà moralement en prison. Ce
26 plus tard à 5 heures du matin par la police, cet homme est en prison dans sa famille. Et celui qui n’ose plus communiquer se
27 s bien, en Occident, quelle défense efficace de l’ homme et de sa dignité intime, représentent en réalité le droit de proteste
28 monde ne peut nous en priver ; même en prison, l’ homme garde la liberté de penser, de penser ce qu’il veut, de penser à ce q
29 ut. Il ne s’agit pas d’anticipations. L’Enfer des hommes dépossédés de leur propre pensée existe près de nous : sa propagande
30 écemment Ignazio Silone, c’est le droit de chaque homme à son âme — habeas animam ! — et nous pouvons le perdre. 1. Deux r
4 1951, Les Libertés que nous pouvons perdre (1951). Contre-offensive de la liberté
31 ont le gage d’un grand avenir. Voilà l’espoir des hommes . Il est chez nous ! L’esprit critique La seconde force dont nou
32 cause d’elle que l’Occident demeure l’espoir de l’ homme qui pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme est le but
33 pense, qui juge et qui sent par lui-même. Et cet homme est le but du Progrès, le but de toute communauté digne du nom. La
34 is le relie pratiquement à la communauté. C’est l’ homme qui se veut intégral, maître de lui et de sa propre pensée, et par là
35 e conscient de ce qu’il doit au prochain. C’est l’ homme total, que je veux opposer à l’homme purement privé et à l’homme pure
36 ain. C’est l’homme total, que je veux opposer à l’ homme purement privé et à l’homme purement social, qui ne sont que des « mu
37 e je veux opposer à l’homme purement privé et à l’ homme purement social, qui ne sont que des « mutilés », des hommes partiels
38 ment social, qui ne sont que des « mutilés », des hommes partiels qui n’ont pas eu eux-mêmes des raisons efficaces de résister
39 une vocation qui n’a pas de comptes à rendre aux hommes , et encore bien moins à l’État, parce qu’elle est « immédiate à Dieu 
40 mmédiate à Dieu ». Telle est bien la passion de l’ homme européen. Elle le met à la pointe du genre humain. Dans cette passion
41 ommune dignité et notre risque le plus cher. L’ homme total contre l’État totalitaire Telles sont nos maladies. Telles s
42 ystique millénaire », mais déjà morte : — Là où l’ homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire.