1 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Avertissement
1 Avertissement J’ai appelé «  livres  » les différentes parties de cet ouvrage, parce que chacune esquisse
2 donnais ici la clef de ma composition. Le premier livre expose le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan. C’est u
3 aux cercles successifs de la passion. Le dernier livre indique une attitude humaine diamétralement opposée, et par là il ach
4 ce même sans les franchir, les limites. Quant aux livres intermédiaires : le deuxième tente de remonter aux origines religieus
5 la fatigue d’une réflexion ». Il s’ensuit que ce livre montrera sa nécessité dans la mesure où d’abord il déplaira ; et il n
6 assion s’étonneront de m’y voir consacrer tout un livre . Les uns diront qu’à définir l’amour, on le perd ; les autres, qu’on
7 rices tout en amusant les savants. ⁂ J’ai vécu ce livre pendant toute mon adolescence et ma jeunesse ; je l’ai conçu sous for
2 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Préface à l’édition de 1956
8 ment profité pour récrire à peu près en entier le livre II, traitant du xiie siècle, du catharisme, des troubadours, et de T
9 ours su nuancer le tableau. Un chapitre ajouté au livre VI, et d’innombrables corrections de détail, témoignent, je l’espère,
10 e à mes yeux le vrai sujet, la vraie thèse de mon livre tel qu’il est devenu. Quant à l’actualité de ma recherche, après la D
11 is nullement modifiée. Je mentionnais à la fin du livre V, en particulier, l’éventualité d’un conflit qui mettrait fin aux pr
12 s sont encore imprévisibles ; je m’en explique au livre VI. Mon ambition se borne à sensibiliser l’attention de mes lecteurs
13 entés par Anders Nygren (Éros et Agapè) et par ce livre .
3 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe de Tristan
14 Livre premierLe mythe de Tristan 1.Triomphe du roman, et ce qu’il cache
15 rale de la fidélité au suzerain exige que Tristan livre à Marc la fiancée qu’il alla quérir — et qu’il avait conquise de plei
16 , après qu’ils ont bu le philtre. Cependant il la livre à Marc : c’est que la règle de l’amour courtois s’oppose à ce qu’une
17 st enfin racheté. Cette analyse du mythe primitif livre quelques secrets dont l’importance est appréciable — mais dont la con
4 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Les origines religieuses du mythe
18 Livre IILes origines religieuses du mythe 1.L’« obstacle » naturel et s
19 ns, prêtres, confesseurs. Ils n’écrivaient pas de livres , mais donnaient un enseignement oral, en vers gnomiques, à des élèves
20 l’un au moins intéresse directement l’objet de ce livre  : la conception de la femme chez les Celtes n’est pas sans rappeler l
21 nte raison que l’Inquisition avait brûlé tous les livres de culte et traités de doctrine de l’Hérésie, et que les seuls témoig
22 d’un ouvrage théologique (tardif il est vrai) le Livre des deux Principes 30 s’ajoutant à la restitution d’un Nouveau Testam
23 le, détruisit les cités des cathares, brûla leurs livres , massacra et brûla les populations qui les aimaient, viola leurs sanc
24 e l’on imagine… (Comme j’espère le montrer par ce livre .) 7.Hérésie et poésie Doit-on considérer les troubadours comme
25 la passion » (à propos de Tristan, chap. VIII du Livre Ier ). c) Le Familier des Amants est construit sur l’allégorie du « 
26 s n’en sommes pas sortis au xxe siècle, sinon ce livre n’aurait plus d’objet. Mais on peut poser des repères. Il est bien év
27 on du mythe. C’est de quoi l’on traitera dans les livres qui viennent. 11. Traduction d’Amyot. 12. H. Hubert, Les Celtes,
28 courtoisie » dans un poème où il dit : « Je ne me livre point à de stupides exploits… j’ai échappé à l’amour. » Je reviendrai
29 othèse que j’avais mentionnée au chapitre 7 de ce Livre , à savoir que les poèmes des troubadours pouvaient être — selon Rahn,
30 ui seront utilement rapprochées du chap. 10 de ce livre II : « Cette magie érotique avait sa source d’abord dans la croyance
31 bien passé en écrivant la première édition de ce livre , mais qui certes ne gâtent rien ! La comparaison poursuivie pendant d
5 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Passion et mystique
32 Livre IIIPassion et mystique 1.Position du problème On a souvent ten
33 it à une petite croisière dont on revient avec un livre à imprimer. D’autres cultivent ce poison qui donne des visions pittor
34 toyable contre celui qui fut son maître. Dans son Livre des douze béguines, il dénonce « ces faux prophètes » — Eckhart et se
35 rs, les lettres de sainte Catherine de Sienne, le Livre de la bienheureuse Angèle de Foligno, et tant de récits des Fioretti
36 s, une erreur tolérée ? En vérité, personne ne se livre à ces recherches : on affirme sur la foi d’un préjugé que l’on baptis
37 ouerions à la saisir ». 101. Gotha 1929. Seul le livre célèbre de R. Otto sur le sacré a paru jusqu’ici en traduction frança
38 era d’ailleurs quelques éléments aux chap. vii du livre II et iii-iv du livre IV. 114. Ce cri célèbre de sainte Thérèse fai
39 éléments aux chap. vii du livre II et iii-iv du livre IV. 114. Ce cri célèbre de sainte Thérèse fait écho à celui de la fr
6 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe dans la littérature
40 Livre IVLe mythe dans la littérature On reconnaîtra maintenant ce qu’est
41 radicale doit faire naître, on a vu pourquoi (au livre II), une poésie plus adéquate que nulle autre à servir la mystique or
42 tention primitive. En 1554, en Espagne, paraît un livre de Hyeronimo de Sempere portant ce titre flamboyant : Libro de cavall
43 pousser plus avant son enquête. Qu’est-ce que ce livre qu’il nous laisse ? Le témoignage d’une inquiétude qu’éprouve l’espri
44 our : « Voici ceux qui remplissent de rêverie les livres — Tristan et Lancelot et les autres errants — auxquels il faut que le
45 adours nommaient le lozengier. 163. Cf.chap. II, livre II. Le roman est un poème qui n’exprime plus l’instant mais la durée.
46 ux que j’exprimais dans la première édition de ce livre  ; elle permet d’assister les yeux ouverts au deuxième acte. 165. Gw
7 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Amour et guerre
47 Livre VAmour et guerre 1.Parallélisme des formes Du désir à la mort
48 a morale, l’éducation, la politique. Un fort gros livre ne serait pas de trop pour en démêler les aspects. On doit souhaiter
49 en démêler les aspects. On doit souhaiter que ce livre soit écrit, mais sans se dissimuler l’extrême difficulté de la tâche.
50 arallélisme. L’amant fait le siège de sa Dame. Il livre d’amoureux assauts à sa vertu. Il la serre de près, il la poursuit, i
51 indirecte d’un soldat allemand nous coûte 20 000 livres sans compter la perte sur notre population, qui n’est réparée qu’au b
52 qu’au bout des comédiens étonnants, pareils à ces livres du temps dans lesquels il n’y a pas un sentiment exprimé qui ne soit
53 ix » méritée par l’Europe. On a marqué plus haut ( livre IV, chap. xix) que cette période, du point de vue des mœurs et de leu
54 sion que j’étais loin de prévoir en commençant ce livre . Que l’on suive l’évolution du mythe occidental de la passion dans l’
55 tualité de la paix que j’envisageai dans les deux livres terminaux : le premier situant le conflit du mythe et du mariage dans
8 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe contre le mariage
56 Livre VILe mythe contre le mariage 1.Crise moderne du mariage Deux m
57 passion une espèce de modus vivendi, et tous ces livres , aggravant au contraire notre conscience du problème, contribuent à l
58 isait ses moyens d’expression (comme on l’a vu au livre I). Or voici que ces contraintes ou se relâchent, ou disparaissent :
59 on opéra cet énorme transfert (dont je parlais au livre V) qui consiste à donner pour seul objet légitime et possible à la pa
60 llective du xiie siècle, et que je qualifiais au livre II de « remontée de la shakti ». Le puissant renouveau de la mariolog
61 s haut sur le catharisme et l’amour courtois, des livres comme Arcane 17 d’André Breton, les romans lyriques de Julien Gracq,
9 1939, L’Amour et l’Occident (1972). L’amour action, ou de la fidélité
62 Livre VIIL’amour action, ou de la fidélité 1.Nécessité d’un parti pris
63 te est indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passion sans achever ma description par ce trait qui en
64 de leur vocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsche. Et Kierkegaar
65 e la passion et du mensonge, voir supra chap. 10, livre I. 205. B. Croce, Etica e Politica. 206. Leo Ferrero, Désespoirs.
66 la passion est admirablement défini par ce petit livre dans ses données actuelles psychologiques. (Voir Appendice 4.) 207.
10 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Appendices
67 que (orale) sont incorporés dans la légende. (Cf. livre II, chap. 11.) Mais il est non moins certain que Béroul, Thomas, Eilh
68 pas cet Orient-là, et se rattachent directement ( Livre II, chap. 2 et 9) aux cycles religieux occidentaux. Il en va tout aut
69 et amour courtois Dans un appendice à son beau livre sur la Théologie mystique de saint Bernard (Paris, 1934, p. 193 à 216
11 1972, L’Amour et l’Occident (1972). Post-scriptum
70 tum non définitif et scientifico-polémique Ce livre écrit en peu de mois à 32 ans n’a pas fini de me poser des questions.
71 . Traité tour à tour de « bel amusement » et de «  livre le plus important de tous ceux qu’on a écrits et publiés sur l’amour 
72 d’une réédition en grand format pour alourdir mon livre d’un post-scriptum tout à la fois technique et polémique, par lequel,
73 fluences dialectiques, obliques ou négatives d’un livre , même si l’on se borne à l’examen des seules œuvres écrites ou plasti
74 secret. Mais le phénomène le plus ample dont mon livre ait été le catalyseur — je ne dis pas un instant la cause —, c’est pe
75 jusqu’au point de supprimer toute mention de mon livre dans les leurs ne sont pas les derniers à s’ébattre sur le terrain qu
76 ection qu’il dirige, de développer le sujet en un livre . Mais au jour dit pour la remise du manuscrit, dont pas une ligne n’e
77 olonel qui vient d’écrire la France et son armée, livre très urgent, semble-t-il211. Soulagé, je me mets au travail, et puisq
78 gresse quotidienne de découvrir ou d’inventer, le livre est terminé pour le solstice d’été, triomphe du Jour, et le soir même
79 e l’avais-je consulté, pendant que j’écrivais mon livre . Dans une lettre sans date de 1938, il m’écrit en effet : « Je suis t
80 ous sommes sur la même longueur d’onde.) Puis, le livre paru, 25 mars 1939, nouvelle lettre : Mon cher camarade, Je prépare
81 art que vous y prendrez vous aide à classer votre livre , à en dépasser les conclusions autant qu’à les éclairer… C’est presqu
82 xiiie siècles des troubadours languedociens. Ce livre , qui a pour titre « L’Amour et l’Occident », est (…) plein de référen
83 projet de numéro spécial composé à partir de mon livre ou autour de lui. Ce n’est qu’à mon retour d’Amérique que j’apprendra
84 l’étendue de mon ignorance, il n’y eût pas eu de livre , c’est certain ; mais aux innocents les mains pleines. Je crois bien
85 uits par les uns et les autres. Lorsque parut mon livre , en 1939, les professeurs qui en rendirent compte dans les revues d’h
86 Archeologica (décembre 1967), il affirme que mon livre contient, « dans les passages qui touchent à l’Histoire, une erreur p
87 par Mme Lot-Borodine. Dès avant la sortie de mon livre (dont elle avait lu des bonnes feuilles), elle a mené contre lui dans
88 quante. André Gide a pu dire à Jean Delay que mon livre lui avait expliqué ce que (sa lecture de) Freud n’avait pu faire, et
89 nial de ce culte unique. Dans son excellent petit livre sur Suso et le Minnesang 220 J. A. Bizet rappelle d’abord comment « l
90 Suso ! Elle eût fait la meilleure épigraphe à mon Livre II.) Mais il y a plus étrange dans la même page, quand il croit voir
91 vantage à sa biographie qu’à une relecture de mon livre . Au sujet de la Quête du Graal, « d’inspiration cistercienne », il éc
92 i nom de Davenson) résume dans son précieux petit livre intitulé Les Troubadours (1961 et 1971) l’argument de notre « tenson 
93 . Pendant des années, après la publication de mon livre , c’est dans les ouvrages de René Nelli consacrés tantôt au catharisme
94 ’ai pas formellement adoptée, mais ajoute que mon livre « fallacieux et charmeur ne cesse de flirter avec l’idée, si bien qu’
95 t les troubadours classiques… Je me rends, je me livre à Elle ! Grâce pure, indicible nostalgie. À la naissance du lyrisme
96 s de Bezzola, aborde le même problème, et il nous livre le principe de sa méthode dans une formule où je retrouve la lettre d
97 fondir ma conception de l’amour, seul sujet de ce livre , et véritable objet de ma dispute avec les érudits. Car ce qui nous s
98 -Paul Sartre, après la guerre, s’est servi de mon livre pour illustrer la thèse qu’il attaquait avant la guerre et m’accusait
99 défendre. Voici les textes. Rendant compte de mon livre en juin 1939245, Sartre annonce d’entrée de jeu que l’intérêt de mon
100 de l’amour est de la nature de l’homme même, mon livre « ne semblera qu’un bel amusement ». Sept ans plus tard, une guerre p
101 mais de ces facteurs historiques et sociaux. Mon livre est donc devenu le premier argument que Les Temps modernes opposeront
102 si je m’en tenais à leur résultante positive : le livre vit, tant aimé que honni, après un tiers de siècle d’exposition à tou
103 nt décidé les cours d’amour. Cette lecture de mon livre est erronée. Qu’on m’en félicite ou m’en blâme, ce n’est pas ce que j
104 ite, qui transparaît, citée ou non, dans tous mes livres  : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède ta
105 on bien développés, par exemple au chapitre 12 du livre II). Certes, Tristan n’a pas pu désirer sa mère, qui est morte en cou
106 iage Un des plus grands malentendus nés de mon livre consiste à répéter qu’il condamne la passion — ce qui est faux — parc
107 e sa personne du jeu. Croire qu’il résulte de mon livre que la passion doive ou puisse être oblitérée afin que règne Agapè tr
108 tiel. 211. Urgent ? C’était déjà trop tard. Le livre de Charles de Gaulle parut quelques mois plus tard, en juin 1938 : il
109 ant (1943). Presque aussi long à lui seul que mon livre , il n’en est jamais loin par sa problématique. 247. « Suggéré » ? Ou
110 blématique. 247. « Suggéré » ? Oui, par tout mon livre  ! Si un pavé de près de 400 pages assez serrées est enregistré par Sa
111 ère édition chez Albin Michel, 1961. Réédition en livre de poche, intitulée selon l’ancien sous-titre : Les Mythes de l’amour