1 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Le problème de la culture
1 stions en vertu de la pétulance naturelle de leur pensée , mais voilà qu’au contraire certaines questions s’imposent à eux, ave
2 u coup au second plan le travail spécifique de la pensée , on la prive de ses résistances, on sabote ses instruments, on réduit
2 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — D’une culture qui parle dans le vide
3 ndication constructive ; elle mesure à la fois la pensée et l’action. Elle est comme la mesure vivante de la société rénovée.
4 il et de la culture, de la main ouvrière et de la pensée . Elle garde la culture et rabaisse le travail. Ce faisant elle adopte
3 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Hegel, Comte, Marx, ou la rationalisation
5 de tous les liens qui unissent naturellement une pensée et une action dévouées à une fin commune. Et voici qu’apparaît la lia
6 a destruction des lieux ou principes communs à la pensée et à l’action, je dis aux penseurs comme tels et aux hommes d’action
4 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Importance de la notion de commune mesure
7 onnaissance du principe qui domine l’action et la pensée de leur époque. Nous avons vu que l’époque bourgeoise honore un princ
8 isive de ce que j’appelle la commune mesure de la pensée et de l’action. On voit que cette commune mesure est l’essence même d
9 re est l’essence même de toute culture. Car si la pensée et l’action se règlent sur des lois hétérogènes, la production n’a pl
5 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — L’Arche de l’Alliance
10 s clercs, qui rapporte toutes les démarches de la pensée et de l’action au télos de la société, c’est-à-dire à son but suprême
11 e la règle permanente de toute action et de toute pensée . Vraie mesure, donc, et mesure commune. On porte l’arche au-devant de
12 urne de la seule vocation. Idole, toute action ou pensée si belle ou si féconde qu’elle soit, qui ne puisse être consacrée au
6 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Sur le déclin du Moyen Âge
13 instrument qui fut commun à tous les ordres de la pensée cléricale ou profane, et du pouvoir temporel médiéval : c’est le lang
14 ction des clercs. Et ce n’est plus la vigueur des pensées qui sera la fin du langage, mais l’élégance et la conformité aux meil
15 la mesure accélère toujours la scission entre la pensée et l’action — dont elle est résultée par ailleurs. Tandis que les cle
16 in comme moyen de régler à la fois l’action et la pensée du siècle. La « grammaire » est devenue rhétorique, et maintenant la
7 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Décadence des lieux communs
17 urgeoise ; pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garant
18 n impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas
8 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Tentatives de restauration d’une commune mesure
19 ure est le constant rappel des fins communes à la pensée et à l’action. Et la conscience de ces fins est la vraie force animat
20 s le même sens, tout paraissait devoir unifier la pensée et l’action, et les aspirations des masses. Et cependant une angoisse
21 e, en imposant une fin commune à l’action et à la pensée . Et dans ce sens, ils sont les vrais génies du siècle, dès lors qu’il
9 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — La mesure soviétique
22 onfiguration de la vie, — qui requiert surtout la pensée  — doivent s’ordonner à une mesure commune en vue de réaliser cette fi
23 forgé par la dictature communiste pour unifier la pensée et l’action du peuple et de ses conducteurs, en vue d’une fin à laque
24 t dont il entendait faire la mesure commune de la pensée et de l’action : « Donnez d’abord le pain à tous, et le reste viendra
25 nnées, incapable de maintenir l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’est pl
10 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — La mesure nationale-socialiste
26 t les sources du nouveau droit qui s’établit. Ses pensées dominent les fondements et la forme de l’ordre social et politique no
27 qu’à la création d’une attitude centrale d’où la pensée et la main apparaissent organiquement inséparables… (Attitude que j’e
11 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — Leçon des dictatures
28 e créer, par la force, une commune mesure pour la pensée et pour l’action.   La démonstration que j’ai esquissée à propos de
29 si nous voulons rétablir une mesure commune à la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’est solide et fécond que s’il
12 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — commune mesure et acte de foi
30 les mesures que les hommes ont su donner à leurs pensées et à leurs actes, certaines ont perdu leur pouvoir parce que ceux qui
31 oute notre vie, toutes nos actions et toute notre pensée , — parce qu’il y a quelque chose encore à côté d’elle ou derrière ell
32 de foi est par définition l’instant et le lieu où pensée et action se confondent en un seul élan, où la vérité est attestée pa
33 hée, la garantie certaine de l’unité intime de la pensée et de l’action. Tout le problème de la commune mesure se ramène alors
34 rité dernière de l’homme ; elle est l’attitude de pensée et d’action, indistinctement, qui nous rapproche de cette vérité. Mai
35 quée par une attitude de notre être, telle que la pensée et l’action s’y confondent indistinctement. Autrement dit : notre che
36 herchons : à la fois intime et active, réglant la pensée et l’action dès leur naissance, indivisible, au foyer même de leur ge
13 1936, Penser avec les mains (1972). La commune mesure — L’appel à la commune mesure, ou l’Europe du xxe siècle
37 e est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées , de nos actions et même de nos utopies. Il n’est pas difficile, après
38 s son actualité (dans son être de relation) et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théologie, qui affirme à nouveau l
39 us refusons d’aller jusqu’au terme concret de nos pensées . Car alors il faudra subir les brutalités excitées par nos négations
14 1936, Penser avec les mains (1972). Penser avec les mains — Préambule
40 ect moral de mon sujet : quelle est l’attitude de pensée , le parti pris fondamental qui peut nous orienter dès à présent vers
41 e toute la culture d’hier s’évertuait à séparer : pensée et main. « Penser avec les mains », c’est devenu pour moi comme un sy
42 vons d’une mesure nouvelle. Essai d’éthique de la pensée — qui est peut-être une science nouvelle, et qu’en tout cas il serait
15 1936, Penser avec les mains (1972). Penser avec les mains — La pensée prolétarisée
43 ILa pensée prolétarisée La pensée ne vaut rien pour penser. Goethe. L’exi
44 ILa pensée prolétarisée La pensée ne vaut rien pour penser. Goethe. L’exigence fondamentale Tout
45 reste en dehors de la question. Et de même, toute pensée est vaine, qui n’a pas mis d’abord son auteur à la question, en sorte
46 e ambiance domestiquée. Il est grand temps que la pensée redevienne ce qu’elle est en réalité : dangereuse pour le penseur, et
47 s bons esprits, les professeurs, pour lesquels la pensée est un art d’agrément, un héritage, une carrière libérale, ou un capi
48 e l’opinion du monde en est à peu près là, que la pensée ne peut venir qu’à la remorque d’événements fatals et qui n’ont cure
49 ont cure de ses arrêts. C’est que l’on confond la pensée avec l’usage inoffensif de ce que les créateurs ont pensé, au prix de
50 ns l’âme, mais aussi cette âme et ce corps, cette pensée profonde et ce qui la révèle au jour, cet esprit qu’on dit pur, et l’
51 en forgeant quelques pièces de serrurerie. Si la pensée , selon le mot de Goethe, ne vaut rien pour penser, il convient d’ajou
52 , et cela s’oppose à la notion rationaliste d’une pensée qui ne serait rien qu’un commentaire tardif aux actions faites par le
53 est pas non plus l’exact équivalent d’agir par sa pensée . Car ce n’est pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait
54 ce n’est pas l’action d’abord qui importe — et la pensée serait son adjuvant — mais au contraire, si je veux penser en actes,
55 ntraire, si je veux penser en actes, c’est que la pensée ne me paraît juste et parfaite qu’au moment où l’acte l’atteste et la
56 n pense, et ma formule implique la primauté de la pensée en toute action, non moins que la nécessité de cette action par la pe
57 non moins que la nécessité de cette action par la pensée . Deux sens du mot penser Les plus grands malheurs de l’humanité
58 -elle nous secourir. Il s’agit ici de deux mots : pensée et main. Au sujet de la main, je crois en avoir dit assez pour écarte
59 s malentendus. J’appelle main ce qui manifeste la pensée , ce qui la rend visible et corporelle ; ce qui la rend, au double sen
60 ve. Toute la difficulté se porte alors sur le mot pensée , et il est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’age
61 e, et il est clair qu’elle doit reposer là, si la pensée est bien l’agent initiateur qui qualifie la main elle-même et son act
62 pense : il faut entendre qu’il pèse 61 et que la pensée est un poids que nous jetons dans la balance. Poids, de pensum, chose
63 ou au contraire, peser sur quelque chose ? Si la pensée est « ce qui pèse », faut-il l’assimiler à la balance, ou bien au poi
64 us jette aussitôt dans un choix. Pour les uns, la pensée reste l’office tout impartial de la balance ; pour les autres, elle f
65 herche. Nous suivrons d’une part la logique de la pensée qui n’est que descriptive — pensée balance. Et d’autre part, nous ess
66 logique de la pensée qui n’est que descriptive —  pensée balance. Et d’autre part, nous essaierons d’énumérer les conditions q
67 nous essaierons d’énumérer les conditions que la pensée en actes — pensée pesante — requiert de l’homme qui prétend l’exercer
68 ’énumérer les conditions que la pensée en actes —  pensée pesante — requiert de l’homme qui prétend l’exercer comme sa vocation
69 iment, et récuse toute finalité. Le sérieux de la pensée s’identifie ainsi au caractère purement potentiel de l’exercice de la
70 caractère purement potentiel de l’exercice de la pensée . (De même que pour Kant, le sérieux moral est purement formel.) D’où
71 ’est parce qu’elle affecte l’existence même de la pensée , et par suite, la communauté que cette pensée devait régir, qu’il n’e
72 la pensée, et par suite, la communauté que cette pensée devait régir, qu’il n’est pas vain de l’envisager. Mais il faudra, po
73 u le former ? Entre les deux définitions de la pensée que nous avons formulées tout à l’heure, l’élite bourgeoise a choisi.
74 ondération, et elle n’appelle « sérieuse » qu’une pensée pondérée. Le comble du sérieux sera donc pour elle le comble de la po
75 xe siècle, en tant qu’elle révère et pratique la pensée distinguée de l’action. Voilà sa modestie, — et le siècle passé n’a p
76 leurs ouvrages. Le voici portant sa balance : la pensée est pondération ; à la rigueur, commentaire. Que la science vienne à
77 sonne n’entend plus et qui domine la morale et la pensée d’un siècle, dans ces réalités dont une sagesse terrible dit justemen
78 e, ceux qui s’occupent à peser les actions et les pensées d’autrui. (Et c’est encore le meilleur cas : la plupart s’occupant su
79 ’acte créateur, de l’incarnation des idées, de la pensée manifestée, c’est-à-dire, pensée avec les mains. Réciter l’homme, c’e
80 des idées, de la pensée manifestée, c’est-à-dire, pensée avec les mains. Réciter l’homme, c’est l’impartialité du clerc, c’est
81 m de l’appareil interposé par sa culture entre la pensée et l’objet, entre le cerveau et la main, entre l’individu pensant et
82 uments de travail fournis par l’université68. Une pensée impartiale, cultivée, objective, sérieuse, c’est ce que nos grandes é
83 xamens, les concours, les postes à briguer… Cette pensée -là est scientifique, mais dans un sens assez particulier : entendez q
84 devient-il une gêne pour l’acte créateur, pour la pensée pesante ? Est-ce la subtilité de l’appareil qui est néfaste ? Je ne v
85 bles qui conditionnent le sérieux technique de la pensée , tout cela est devenu si délicat, si minutieux, si difficile à manier
86 une fois de plus avec celle d’inefficacité. Et la pensée se réduit à une méthode de procrastination perpétuelle. On attend le
87 s sont, non pour des règles et pour des normes de pensée . Or je constate que la pensée moderne a pris ses balances pour normes
88 pour des normes de pensée. Or je constate que la pensée moderne a pris ses balances pour normes ; et qu’en vertu de la défini
89 normes ; et qu’en vertu de la définition de cette pensée par elle-même, l’opération est parfaitement logique. Imaginez la révo
90 des qui garantissent la correction formelle d’une pensée . Nous voici donc de plus en plus guindés par l’automatisme de plus en
91 qu’hamlétique, mais qui entrave et déconcerte la pensée dans son exercice effectif. « Mais quoi ! dit-on, ce que vous attaque
92 le vertuisme clérical peut déprimer gravement la pensée . Seule, et d’abord, l’irritation de notre sensibilité éthique nous av
93 et la chargeaient d’une mission directrice. La pensée prolétarisée Un très petit fait spirituel est plus grand que la ru
94 iérarchies qui soumet l’homme à ses outils, et la pensée à ses contrôles, rien de plus frappant aujourd’hui que le destin de n
95 st qu’entre la crise matérielle et la crise de la pensée , il y a plus qu’un parallélisme. Elles ont une origine commune. De mê
96 sable avec le prolétaire mécanisé, la crise de la pensée , moins visible et pourtant plus radicale, cette crise d’impuissance e
97 l’élite, et qui maintenant la désignent à périr. Pensée privée de mains, mains privées de pensées, si leur confort fut à ce p
98 à périr. Pensée privée de mains, mains privées de pensées , si leur confort fut à ce prix, l’échéance s’annonce tragique. La loi
99 ait dans les choses, ou dans les conditions de la pensée scientifique, dans le progrès des événements, dans le jeu des idées,
100 vrai qu’elle les dispensait d’être sujets de leur pensée  ! — à une Nécessité qu’ils croyaient déceler et décrire dans les fait
101 décrivaient et codifiaient la démission de leurs pensées . « Pourquoi vous agiter ! On ne va pas contre son temps. — On ne peut
102 le développement magnifique de nos instruments de pensée , et s’il est vrai en général que le danger n’est pas dans nos outils,
103 ins, il n’est pas moins urgent de préciser qu’une pensée qui s’abandonne au rythme de ses mécaniques, proprement, se prolétari
104 rement, se prolétarise. Je veux dire qu’une telle pensée ne vit plus de sa création75. Simplement, elle s’assure une survivanc
105 ble à jamais décrié, à tristement la qualifier de pensée prolétarisée. En vérité, c’est une dure ironie qui fit glisser nos ma
106 par l’opinion publique, se traduit dans la serve pensée — et pas seulement à l’Université ! — par l’usage immodéré et automat
107 jours liées — que doit s’adresser la pitié. La pensée sans douleur Cette sobriété méfiante et cette absence de pétulance
108 ici donc à ce point d’étrangeté où l’on oppose la pensée et l’action jusque sur le plan de l’éthique76. Or un homme qui profes
109 radiction » règne au cœur du monde moderne, et la pensée bourgeoise a réussi ce tour pendable de la faire passer pour le bon s
110 f. Admirable invention, que l’on peut baptiser la pensée sans douleur et qui comblait si doucement la débilité morale du siècl
111 vivons nous rend son examen relativement aisé. La pensée sans douleur, en effet, est d’abord une pensée systématique. Cet adj
112 La pensée sans douleur, en effet, est d’abord une pensée systématique. Cet adjectif évoque dans nos esprits modernes une visi
113 un État fort, n’était pas justement le fait de la pensée systématique, de la pensée qui délègue aux systèmes en cours (ou à l’
114 ustement le fait de la pensée systématique, de la pensée qui délègue aux systèmes en cours (ou à l’État) l’office du choix, fa
115 acte et de l’engagement personnel. Comme si cette pensée systématique et cette délégation du choix n’étaient pas, d’autre part
116 Il est mieux qu’amusant. Les disciplines de la pensée prolétarisée Le système du penseur distingué, qui ne veut plus for
117 l’examen des bonnes raisons, non des excès de la pensée distinguée.) Cependant, l’homme est ainsi fait qu’il ne décrit ou ne
118 e de souffrir et d’aimer ? Est-ce que toute cette pensée distinguée ne suppose pas, en fin de compte, le secret désir de rédui
119 ui serait celle de la démission spirituelle de la pensée bourgeoise ? Nous touchons ici au dernier chaînon de notre cycle. Bon
120 cela qui constitue le modèle calligraphique de la pensée moderne. Ces milliers d’étudiants enseignent à leur tour dans les lyc
121 ison, précisément, déforme. Le vice profond d’une pensée descriptive, c’est qu’elle trahit toujours ses présuppositions dès l’
122  : ce sont ces lois nées du dessaisissement de la pensée . On ne récite pas l’homme. On le forme, et si l’on s’y refuse, on le
123 ute honnêteté irresponsables de leur destinée. Pensée bourgeoise et doctrines étatistes Au terme de cette brève analyse
124 re non, et même un peu plus fort que d’autres. La pensée prolétarisée ne vit pas de ses créations — elle ne crée pas —, mais e
125 royance illusoire en la valeur de leur liberté de pensée peut servir de prétexte à certains intellectuels pour repousser une d
126 i de mentionner deux traits qui sont communs à la pensée bourgeoise et aux divers collectivismes. Le premier, c’est le postula
127 premier, c’est le postulat de l’inactualité de la pensée . Le second, c’est la volonté d’assurer l’homme contre les risques de
128 d’actualité que n’en comporte l’abdication de la pensée devant les faits, abdication dont il est né et qu’il sanctionne. Doct
129 ’entends dans le conflit et l’acte personnels. La pensée libre du bourgeois et la science des faits du marxiste restent des ab
130 tout homme préoccupé de la valeur concrète de sa pensée , j’entends le problème que pose la liaison de l’étatisme et d’une cul
131 déjà nantis par la « révolution » marxiste. Cette pensée , prolétarisée en fait par ses abandons, se flatte d’être un jour reco
132 x qu’ils représentent l’aspect scientifique de la pensée contemporaine, on comprendra sans peine la belle ruse de certains de
133 l’homme, que par les mains de l’homme ; et que la pensée n’agit jamais sur une époque, mais sur les hommes qui pensent avec le
134 s aujourd’hui ? L’implication éthique de la serve pensée est seule passible d’une mise en question réelle, irritante et peut-ê
135 ui font appel à la correction des manières ou des pensées ou des passions, contre le style, contre le rythme singulier qui trah
136 x-là participent de la démission permanente de la pensée , de son inactualité, de sa séparation, de sa servitude inhumaine, de
137 nera la lâcheté sociale par décret des tyrans, la pensée sans douleur par diplômes et titres, la religion sans foi par le resp
138 c’est-à-dire de repos forcé pour toute espèce de pensée . 61. Littré : « Penser, du lat. pensare, proprement peser, puis exam
139 Encore une fois, il ne s’agit pas de soumettre la pensée aux mains, mais de la rendre active. 68. On peut faire une thèse en
140 tolérances, prouvant ainsi que les erreurs de la pensée n’ont pas nécessairement à ses yeux de conséquences pratiques. 77.
16 1936, Penser avec les mains (1972). Penser avec les mains — Éléments d’une morale de la pensée
141 IIÉléments d’une morale de la pensée Je veux que tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’es éc
142 morale de la pensée Je veux que tu me dises ta pensée maîtresse, et non que tu t’es échappé d’un joug. Nietzsche. De même
143 ont bornés jusqu’ici à proclamer la liberté de la pensée . Il serait temps qu’ils usent de cette liberté. Il serait temps, en p
144 La liberté de penser ne doit pas signifier que la pensée est libre au sens idéaliste, qu’on lui donne vacance, ou qu’elle n’a
145 ce, ou qu’elle n’a plus de condition concrète. La pensée qui agit n’est pas libre, mais au contraire libératrice . Et c’est un
146 cela qui nous importe — mais pour le salut de la pensée et pour que l’homme reste humain, ou le devienne. Certes, quand nous
147 a reconnaître utilement, reconnaissons d’abord la pensée créatrice dans nos vies, celle qui demeure l’ouvrière efficace et méc
148 d’un siècle collectif. Est-ce à dire qu’une telle pensée n’ait d’autre fin que de conservation, de permanence ? Loin de là. Sa
149 mesure nouvelle, une mesure qui soit commune à la pensée et à l’action, à l’élite et au peuple que cette élite devrait aider.
150 risquer dans les conflits qui existent, ou que la pensée crée, la mission d’une culture nouvelle sera d’accepter le combat, d’
151 créateur, incarné par des hommes responsables. La pensée prolétarisée nous a donc menés à ce point — il n’est question ni de s
152 s du jeu. Ainsi le plus profond antagonisme de la pensée occidentale vient s’incarner dans notre génération. (Et déjà ce n’est
153 il y a peu de mérite, pour l’heure, à récuser une pensée qui ne menace pas encore à bout portant.) Søren Kierkegaard est proba
154 été faite. Si le caractère distinctif de la serve pensée — de la pensée soumise aux processus économiques par exemple, ou bien
155 e caractère distinctif de la serve pensée — de la pensée soumise aux processus économiques par exemple, ou bien à la sécurité
156 le, ou bien à la sécurité morale — est d’être une pensée non éthique, ou supposant une éthique a posteriori, le caractère déci
157 éthique a posteriori, le caractère décisif de sa pensée « existentielle » est au contraire l’a priori éthique. Kierkegaard es
158 e sens qu’elle affirme justement l’a priori d’une pensée formatrice, là où Montaigne veut réduire la pensée à l’a posteriori d
159 ensée formatrice, là où Montaigne veut réduire la pensée à l’a posteriori d’une récitation de ce que « les autres » auraient f
160 les autres » auraient formé. On a trop dit que la pensée commence dans l’ignorance et dans le doute. On en a même tiré prétext
161 gement. Mais il s’agit bien moins de savoir où la pensée commence, que de savoir où elle se manifeste réellement, comme une fo
162 mme une force qui pèse et pose une certitude. Une pensée réelle, c’est une pensée qui agit, et en ce point elle se confond nat
163 pose une certitude. Une pensée réelle, c’est une pensée qui agit, et en ce point elle se confond naturellement avec une réali
164 ans l’acte qui joint la pesée à la résistance, la pensée à la main qui travaille. Dans cet acte, pensée et objet témoignent de
165 la pensée à la main qui travaille. Dans cet acte, pensée et objet témoignent de leur existence concrète, sont le concret. (Ou
166 ce ?) Hors de cet acte, et disjointe sa prise, la pensée devient « l’esprit pur », la résistance devient « la matière », tout
167 ppose seul l’a priori éthique : l’actualité de la pensée . Toute pensée réelle agit dans l’immédiat, au lieu de rêver dans l’av
168 priori éthique : l’actualité de la pensée. Toute pensée réelle agit dans l’immédiat, au lieu de rêver dans l’avenir et le pas
169 es. Je chercherais à démontrer chaque fois que la pensée y joue un rôle décisif, et que c’est elle qui guide la main, et qui s
170 qui considère que l’action est indépendante de la pensée , et qu’elle subit des lois que la pensée doit se borner à décrire. Je
171 te de la pensée, et qu’elle subit des lois que la pensée doit se borner à décrire. Je répondrais qu’une telle culture est ou b
172 ttitudes morales qui favorisent l’actualité de la pensée , qui en résultent, et qui en témoignent. Mon ambition se borne donc i
173 borne donc ici à formuler quelques critères de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce seront, si l’on veut, les « vertus 
174 à formuler quelques critères de la pensée qui est pensée avec les mains. Ce seront, si l’on veut, les « vertus » — ou « valeur
175 es alternatives absolues. La première vertu d’une pensée active sera donc de s’attacher aux problèmes qui se posent et non pas
176 ser : Dieu, mal, souffrance, responsabilité de la pensée , but de la littérature, valeur de l’argent, sens dernier du progrès m
177 où l’on tient les conditions de possibilité de la pensée . Dans ce complexe typiquement moderne se fondent presque toutes nos e
178 out sentimentalisme88 naît de la séparation de la pensée ou du désir et de son acte. C’est pour cela que nous sommes si fiévre
179 ui souvent ne résisteraient pas à cinq minutes de pensée sobre, mais surtout qui ne résisteraient pas à ces deux questions imp
180 ique déprime et énerve à la fois presque toute la pensée moderne. L’Occident ne pourrait s’en guérir qu’en revenant à une éthi
181 el pourrait nous apporter d’utiles disciplines de pensée .) Quand nous reconnaîtrons les vrais problèmes, les vrais dilemmes qu
182 ue la violence devient cela, dans un monde que la pensée abandonne à ses « lois », pour se retirer dans une sécurité où elle v
183 n’a rien créé et qu’il n’a fait que réciter. Une pensée qui se met à l’abri des atteintes bouleversantes de la réalité se con
184 its. La réalité vivante est dans le conflit.) Une pensée tendue vers l’action saura seule donner forme aux réalités obscures q
185 nts, et quant aux autres, elle les détruit. Si la pensée se refuse à peser, à violenter, elle s’expose à subir sans fruit tout
186 ue » est en même temps l’origine et l’effet d’une pensée prolétarisée, non éthique. Sa permanence au cours de toute l’histoire
187 ’est-à-dire de la chute originelle, qui sépara la pensée de l’homme de la réalité totale de l’Éden, et lui permit de concevoir
188 it faire dans ses limites. Dès cet instant, notre pensée se mit à mentir, à dire ce qui n’est pas et qu’on ne veut pas faire.
189 seule de supprimer radicalement l’hiatus entre la pensée et l’action, il appartient à une éthique « actuelle » de critiquer le
190 de cette liberté est gratuit, c’est-à-dire que la pensée n’a pas à se préoccuper de ses effets. Ils seraient au reste tout prê
191 t comme s’ils ignoraient, qu’il n’y a pas plus de pensée sans effets que d’effet sans causes. Ou mieux : ils croient que les c
192 stème dont l’acte initial est une démission de ma pensée ou de mes mains ne produira jamais rien de valable pour ma pensée ni
193 mains ne produira jamais rien de valable pour ma pensée ni pour mes mains ; bien plus, qu’un tel système, loin de préparer un
194 prit pur ! Il est l’acte d’un créateur dont toute pensée se forme en acte. Précisons encore ce langage. Quand je parle d’autor
195 c leurs mains : si ces mains sont brutales, et la pensée qui les exerce encore abstraite, c’est que le monde abandonné par les
196 , y a perdu le sentiment. Résumons-nous : pour la pensée active, rien n’est pratique ou théorique, tout est concret au sens pr
197 s où j’entends ce mot, qui est l’indivision de la pensée et de son geste. L’autorité de même sera l’indivision de la pensée et
198 geste. L’autorité de même sera l’indivision de la pensée et de ses risques. Et ce qui révélera dans un auteur l’autorité, ce s
199 istant à soumettre sans cesse l’automatisme de la pensée à sa volonté créatrice, et à revendiquer âprement la primauté du risq
200 ne sont pas radicales. Parce que mes mains et ma pensée ne sont pas unies par ma vue, mais par mon acte ! Maximes infiniment
201 t, c’est-à-dire la présence du réel. Il rend à ma pensée sa gravité, son poids, sa raison d’être. Il me rappelle que la pensée
202 on poids, sa raison d’être. Il me rappelle que la pensée en tant que telle n’est jamais séparable de sa création, qui la sanct
203 clercs défendent et définissent une liberté de la pensée qui n’est au vrai qu’une assurance contre toute espèce de sanction. I
204 pour le penseur, s’il sait que la violence de sa pensée fonde la seule autorité valable. La liberté de penser n’est réelle qu
205 e à toutes ses activités. C’est en ce sens que la pensée avec les mains est nécessairement une pensée originale, une pensée qu
206 e la pensée avec les mains est nécessairement une pensée originale, une pensée qui reproduit et qui aggrave l’acte instituant
207 ains est nécessairement une pensée originale, une pensée qui reproduit et qui aggrave l’acte instituant l’origine de l’homme.
208 journaux. Ce serait donc le premier office d’une pensée modestement technique, mais servant des fins créatrices, que d’élabor
209 d’autre les éléments qu’il désunit, mots et idée, pensée et acte, corps et âme, etc. Dès lors, leur réunion même ne suffit plu
210 ation Tout ce que j’ai dit contre une certaine pensée , puis en faveur d’une certaine éthique, vise uniquement à désigner l’
211 ’opposent absolument à l’acte d’incarnation d’une pensée  ; car celui-ci n’est pas une évasion puisqu’il cherche toujours son p
212 a dépasser. Pourtant, toute volonté d’incarner la pensée côtoiera ce double péril. C’est là sa dialectique particulière, c’est
213 de plus — c’est capital — naîtra d’un élan de la pensée vers une fin qu’elle invente ou qu’elle a vue. Car la pensée qui agit
214 une fin qu’elle invente ou qu’elle a vue. Car la pensée qui agit, c’est celle qui sait où elle va. Septième vertu : l’imag
215 oindre et d’accomplir. Voilà le vrai moteur de la pensée . Pour l’homme créateur, vraiment humain, et que j’appelle la personne
216 l’imagination, et sa vision. Penser, exprimer sa pensée , ce sera toujours créer les voies qui conduisent au but dernier. Ce s
217 . Nous retrouvons ici la division du mot et de la pensée , qui a pour premier effet de priver la pensée de son efficacité. C’es
218 la pensée, qui a pour premier effet de priver la pensée de son efficacité. C’est que l’on a pris l’habitude de penser, de par
219 sme, soit que l’on oublie les fins communes de la pensée . J’entends par données concrètes : les raisons qui poussent un homme
220 a masse, mais aussi de l’individu, le style d’une pensée active se distinguera par une double opposition : d’une part il oppos
221 y soumettre ses moyens. Le style qu’il faut à une pensée communautaire ne sera pas forcément « populaire », car le peuple qui
222 nombre de mesures communes réglant leur vie, leur pensée , leur action, leur lutte contre la mort et l’anarchie. Les Juifs ont
223 but commun et de la volonté de le servir par leur pensée . Le plan précis du cadre matériel nouveau importe moins que la restau
224 , définissable : c’est l’acte d’incarnation de la pensée , le geste profond, spécifique et ordonnateur de la puissance occident
225 jusqu’à présent la société, l’État, les lois, la pensée et l’action, n’étaient pas le vrai centre de l’homme, qui est la pers
226 te seule raison, la société, l’État, les lois, la pensée et l’action déformaient l’homme et se l’asservissaient. Ainsi se trou
227 nd il devient un héros.) Précisons : réaliser une pensée , ce n’est pas seulement la mettre à exécution — ce qui pourrait signi
228 ire d’amour, une affaire de solitude menacée. Une pensée et une vie sont aux prises : qu’on les laisse donc seules à ce débat
229 a mange et qu’on l’oublie. Ainsi de tant d’autres pensées , d’un désir ou d’un idéal : ils ne s’incarnent qu’à ce prix. Combien
230 tres, et guident notre main. Par eux s’incarne la pensée , et c’est là l’héroïsme de l’esprit. Car toute incarnation s’opère au
231 i du monde, et il est admirable de l’aimer. Et la pensée même de Dieu ne s’est point soustraite à cette loi, c’est-à-dire à ce
232 te de la logique interne du désordre régnant — la pensée prolétarisée —, nous104 avons entrepris la description d’un nouvel or
233 ssèchent. Or l’origine du relâchement est dans la pensée même : c’est elle d’abord qui a péché. Mais du péché dans lequel nous
234 ère. Mais au fond de l’abîme de la Séparation, la pensée a reçu, par l’incarnation de l’esprit, une nouvelle puissance de salu
235 u spirituel, c’est la primauté du créant, de la «  pensée qui pense » sur la « pensée qui est pensée ». Primauté décisive mais
236 té du créant, de la « pensée qui pense » sur la «  pensée qui est pensée ». Primauté décisive mais pourtant reperdue sans cesse
237 e la « pensée qui pense » sur la « pensée qui est pensée  ». Primauté décisive mais pourtant reperdue sans cesse. Car il n’arrê
238 comment le souci d’honnêteté et le sérieux de la pensée universitaire aboutissent normalement à un faux : « se boucher les ye
239 Puis définir la part de décision personnelle, de pensée véritable, de finalité réfléchie, que comporte chacune de ces classes
240 tes qui comporte le maximum d’interventions de la pensée n’est pas précisément celle qui détermine les grands mouvements socia
241 91. Qu’est-ce qui, dans notre langage ou notre pensée , n’est pas conformiste ? C’est ce qui est créé, c’est-à-dire ce qui n
17 1972, Penser avec les mains (1972). Préface 1972
242 ontinentale ouverte au monde. VUn traité de la pensée engagée Ceux qui ne croient pas, avec certaines factions de la jeu
243 mensuelle intitulée par les soins de Mounier « La pensée engagée ». Un an plus tôt j’avais publié Politique de la personne ,
244 r des « intellectuels » français. […] Pour qu’une pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’elle s
245 ans l’utilisation accidentelle et partisane d’une pensée que réside son engagement. C’est au contraire, dans sa démarche intim
246 cidé tout récemment de renoncer à l’usage de leur pensée devant la menace hitlérienne, ont exprimé en toute clarté qu’ils étai
247 risques personnels compris — car il n’est pas de pensée innocente, de création sans sacrifice, d’incarnation sans doutes parf
248 ent que Penser avec les mains est un traité de la pensée engagée, et même le premier de sa sorte. VIPour une écologie polit
249 se reconnaissait dès lors non pas à son style de pensée , d’écriture ou de vie, mais au seul fait qu’il signait exclusivement