1 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Introduction
1 entre autres, deux réalités bien spécifiques : la personne et la machine. Réalités hétérogènes, d’ordre et de nature incomparabl
2 r une réponse aux deux autres. Si je mentionne la personne et la machine parmi nos produits spécifiques, beaucoup se contenteron
2 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Première partie. La Voie et l’Aventure — Où les voies se séparent
3 nt s’écrie : « Je n’ai vu que des foules, pas une personne  ! » Et l’Oriental qui circule dans nos villes songe qu’il n’y voit qu
4 erts de dormeurs pendant la nuit. Et j’ai vu cinq personnes sur une seule bicyclette ! Ces gens ne seront-ils jamais seuls ? L’in
5 er Rudolf Kassner, essayiste autrichien de génie. Personne n’a mieux traduit l’impression qui submerge l’Européen livré à l’Inde
6 e des Réalités divines. » Toute magie dépasse la personne , ou plutôt la dissout dans la métamorphose. Animal, homme, démon, sym
7 laquelle nos conceptions de liberté, d’action, de personne et d’histoire n’ont plus de pointe ni de but. Le monde magique est en
8 n, le bien et le mal, la liberté et le destin, la personne même et son individu sont en contradiction, tension ou dissension, et
9 panthéisme ou Dieu personnel. Car il n’est pas de personne sans un Dieu qui interpelle. Et l’Orient ne connaît rien de tel. Soit
10 accompli (That Thwam Asi) — il n’y a pas plus de personne dans la gnose hindouiste que de moi distinct dans le bouddhisme. Qu’i
11 ni d’appel, ni donc de vocation, ni par suite de personne . De là découle un monde de conséquences précises — un monde, littéral
12 l’existence personnelle, et que la négation de la personne postule la suppression de la différence entre le Toi divin et le moi
13 e pour essentielle, car en elle seule se fonde la personne véritable, qui assume l’individu mais aussi le transcende, le reliant
14 rituels, ou de grands physiciens en Orient ? Mais personne n’a l’idée de parler de l’Orient scientifique, ou de l’Occident mysti
15 s ses actes et ses opinions. Ce qu’il pense de la personne , du destin, ce qu’il proclame moral ou immoral, son attitude en face
16 cas fait de la vie humaine, et la négation de la personne , ou simplement de l’individualité. Pour tous les deux, la liberté de
17 s deux, la liberté de l’homme a pour condition la personne . On dira que l’Occident a fait les chambres à gaz, tandis que l’Orien
18 rtes, l’Europe qui croit à l’absolue valeur de la personne dans chaque individu, n’en a pas moins connu les tortures, les bûcher
3 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Première partie. La Voie et l’Aventure — Où le drame se noue
19 Dieu et forme humaine, indissolublement, dans la Personne du Fils. Ici prend son départ la « voie » chrétienne. Et ce n’est pas
20 faut vivre et devenir soi-même, puisqu’il est une personne  : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Au terme de la voie se
21 e attitude intime, d’une libre appréciation de la personne quant à savoir si l’acte exprime l’amour, s’il édifie. « Pourquoi, en
22 ’est l’archétype de l’Occident qui naît, c’est la personne . ⁂ Qu’avons-nous établi jusqu’ici ? Si ce n’est par l’énumération des
23 amour de Dieu, remplaçant le sacré, et fondant la personne . Ces termes ne définissent que la voie du chrétien, mais en est-il un
24 me en l’assumant le monde antique, crée l’idée de personne qui permet la synthèse de l’idée grecque d’individu et de l’idée roma
4 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — La spire et l’axe
25 les mots individu, individualité, personnalité et personne . Il s’agit d’une inattention tout à fait générale aujourd’hui, mais q
26 ’on vient. Cherchant les origines de la notion de personne , dont j’ai dit qu’elle était proprement constitutive de l’Occident, j
27 cher du monde antique. Genèse théologique de la personne Les mémoires d’un Grégoire de Nazianze, les chroniques de l’époque
28 d’un iota 23, en réalité, de la définition de la personne , à partir des Personnes divines, et particulièrement de celle du Chri
29 té, de la définition de la personne, à partir des Personnes divines, et particulièrement de celle du Christ, vrai Dieu et vrai ho
30 l est un corps distinct, mais il ne devient une «  personne  » qu’en vertu des relations civiques et juridiques dont il est le por
31 persona est sui juris, servus non est persona (la personne étant définie par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une person
32 par sa valeur juridique, l’esclave n’est pas une personne ). Ainsi l’individu n’était qu’atome, et la persona que valence ; l’un
33 Divinité révélée en Jésus. Ainsi naquit l’idée de Personne , terme purement théologique aux yeux des Pères de Nicée, mais qui dev
34 l de l’anthropologie occidentale. Genèse de la personne humaine Comment expliquer le transfert d’un terme dogmatique, conc
35 ieu, c’est l’évidence : nous parlons tous de la «  personne humaine », et l’on ne pouvait rien faire de tel avant Nicée. Mais en
36 itions antithétiques de Nicée. C’est ainsi que la personne du chrétien imite au plan humain la Personne du Christ. (Cette analys
37 e la personne du chrétien imite au plan humain la Personne du Christ. (Cette analyse sociologique est homologue — soulignons-le 
38 — soulignons-le — de l’analyse philologique de la Personne .) Mais si la personne du chrétien, dans son équilibre en tension, uni
39 ’analyse philologique de la Personne.) Mais si la personne du chrétien, dans son équilibre en tension, unit le meilleur de Rome
40  maladie « grecque » et maladie « romaine » de la personne . La spire Si dans la Personne du Dieu-homme les deux natures s’
41 maine » de la personne. La spire Si dans la Personne du Dieu-homme les deux natures s’unissent pleinement et sans conflit,
42 ue à une vocation transcendante ; hors de quoi la personne demeure un pur possible, ou la résultante idéale d’une tension toujou
43 ive chrétienne est le suivant : la communauté des personnes , libérées et reliées en vertu de la foi. Cet idéal s’est constitué c
44 ns prestige théâtral, et dont le dieu commande en personne l’armée, la police et les prêtres. Et les castes qui reparaissent ach
45 but. Et le but est présent dans l’appel, comme la personne l’est dans sa voix.) En d’autres termes : quand l’homme en est au poi
46 et leurs décors austères et plats… Mais la personne dans tout cela, où l’a-t-on vue ? Catégorie fondamentale et spécifiqu
47 sans peine qu’il n’en puisse aller autrement. La personne est appel et réponse, elle est acte et non fait ou objet, et l’analys
48 en engagé ; elle apportait ainsi le concept de la personne , au nom duquel tous les autres « concepts juridiques et sociaux » de
49 ie de révolutions. Certes, on peut ne pas voir la personne invisible, mais si l’on refuse d’y croire sans preuves « documentées 
50 otre spire, nous n’avons donc jamais rencontré la personne , pour la raison bien simple quelle est l’axe de la courbe. Elle reste
51 ’approximation : cela tient à la définition de la personne humaine, nous l’avons vu. La personne n’est jamais ici ou là, mais da
52 ition de la personne humaine, nous l’avons vu. La personne n’est jamais ici ou là, mais dans un acte, dans une tension, dans un
53 rations intellectuelles, du paradoxe vivant de la personne . Et il est remarquable qu’elle ait pris forme au xxe siècle, en plei
54 résultat de ce débat fondamental fut la notion de Personne divine, plus tard transférée par analogie à la personne humaine, c’es
55 ne divine, plus tard transférée par analogie à la personne humaine, c’est-à-dire à l’individu naturel qui reçoit une vocation de
56 plie, fut aussi la seule plénitude parfaite de la personne . Hors de la foi en elle, dans le monde où elle a paru, la Croix qui s
57 nces. L’antinomie fondamentale, originelle, de la Personne divine, ne saurait être résolue ni dépassée. Elle doit être assumée p
58 onversion. De même l’antinomie constitutive de la personne humaine ne peut être évacuée par aucune médiation théorique. La perso
59 t être évacuée par aucune médiation théorique. La personne ne saurait être conçue, par exemple, comme une synthèse harmonieuse d
60 et le choléra. Mais le conflit existentiel de la personne se reflète, ou mieux se projette, dans tout ce que l’homme occidental
61 mieux comprendre, par contraste, la réalité de la personne  : c’est celui de Robinson Crusoé, mythe de l’individu à l’état pur. J
62 ite, en effet, ces deux formes de fuite devant la personne vont se confondre et s’annuler dans l’impersonnel immobile. Car à la
63 contraire aboutirait à la déprimer totalement. La personne ne peut être composée : elle est initiale ou elle n’est pas. On voit
64 ’État pour tous ». Ces deux démissionnaires de la personne , ces deux fuyards devant la vocation, sont au même titre les saboteur
5 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Le Château aventureux
65 vèlent ses puissances d’envoûtement. Ennemi de la personne et de sa liberté, si j’en juge par ses vrais effets, il n’en demeure
66 n monde investi et structuré par la réalité de la personne et de ses « notes » les plus certaines : la vocation, la conversion,
67 monde, et de Dieu lui-même. Tout ici rappelle la personne , imite sa forme et reproduit son paradoxe, bien qu’en un reflet inver
68 de l’acte irréversible, engageant sans retour la personne . Et pourtant, la passion réinvente un des profonds secrets de l’évasi
69 tions, il faut remonter à notre dialectique de la personne . Ce n’est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de
70 notre dialectique de la personne. Ce n’est pas la personne qui se détache d’abord du corps magique de la tribu, mais c’est l’ind
71 e la conversion, mais au lieu de se retrouver une personne engagée, il est devenu le soldat politique embrigadé. Que le Parti ré
72 nsfert décisif de l’idée de vocation, passant des personnes aux nations. ⁂ Mais cet État-nation, une fois doué de toute la perso
73 être, en vérité, du seul fait qu’il n’est pas une personne . Mais le ferment du christianisme originel, son exigence de l’absolu
74 mais seulement que la dialectique formelle de la personne est plus profondément active qu’on ne le pensait naguère dans l’âme d
75 ent plus. « Ne mêlons pas, fût-ce une seconde, la personne grandiose de Saint-Just, au triste Marat… », écrit l’un d’eux. L’incr
6 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — L’expérience du temps historique
76 chapitre. Co-naissance de l’histoire et de la personne Un fait n’est historique, au sens exact du terme, qu’en vertu de s
77 mais au Mythe. De même l’individu ne devient une personne que par l’unicité que lui confère sa vocation, autrement il est vu co
78 lié, chez ceux qui l’éprouveraient, au sens de la personne  ? Presque toutes les cultures et civilisations que nous avons exhumée
79 isse aucune place à l’Histoire, ni davantage à la personne . Seule la religion juive fait exception dans le monde antique. Ses Pr
80 ieux. Et dans ce temps nouveau, le rôle de chaque personne devient unique et décisif, comme l’était sous l’Ancienne Alliance le
81 liance le rôle collectif d’Israël. Le dialogue de Personne à personne entre le Dieu qui appelle et l’âme qui répond, libère cell
82 ôle collectif d’Israël. Le dialogue de Personne à personne entre le Dieu qui appelle et l’âme qui répond, libère celle-ci des dé
83 étoiles et sur la mort, qui libère et suscite la personne . Ce n’est pas un hasard, si le premier auteur d’une philosophie de l’
84 ut aussi le premier auteur d’une biographie de sa personne  : les Confessions. Du mythe à l’histoire Mais il reste à mieux
85 la présente. Que Dieu se soit manifesté comme une Personne  ; par un geste sans précédent ; au temps choisi par lui ; « une fois
86 ts de l’Histoire s’y trouvent tellement noyés que personne n’a le souci de les dater. C’est un mouvement exactement contraire qu
87 et proprement congénitale entre l’Histoire et la personne humaine. Ceci pose un problème encore neuf. Être ou non dans l’his
88 tes d’ensembles étendus, négligent l’action de la personne et nous inclinent à douter de sa réalité. Le « réel historique », ain
89 lle le coupe de l’Esprit. Ce faisant, elle nie la personne , car la personne se fonde dans ce qui juge le temps, le détruit et le
90 ’Esprit. Ce faisant, elle nie la personne, car la personne se fonde dans ce qui juge le temps, le détruit et le renouvelle. Et s
91 d’éliminer la croyance à l’action personnelle. La personne est agent de liberté. Cette Histoire nous conduit au fatalisme. Comme
92 us conduit au fatalisme. Comment l’Histoire et la personne ont-elles pu devenir exclusives l’une de l’autre, alors qu’elles sont
93 ins autant qu’un fléchissement réel du sens de la personne et de la liberté. Ce n’est pas qu’on n’aime plus être soi librement,
94 us être soi librement, ni vraiment qu’on renie la personne  : mais on ne croit plus, on n’ose plus croire qu’elle puisse répondre
95 atal, mais dans une seule et même démission de la personne , qui désespère de ses pouvoirs d’innovation et de toute espèce de rec
96 au nom d’un sens qui ne peut s’originer qu’en la personne . Bref, la question n’est pas de deviner l’Histoire, mais de la faire.
7 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — L’expérience de l’espace
97 ans pour que l’Europe digère ces découvertes. Et personne ne peut dire à quel moment la Chine et l’Inde les ont connues par nou
98 n prénom signifiaient. La Providence veut que les personnes qu’Elle désigne pour servir reçoivent des noms et prénoms en accord a
8 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — L’exploration de la matière
99 rai Dieu » et « vrai homme » en une seule et même Personne , et si cette Personne à son tour est à la fois vraiment distincte et
100 omme » en une seule et même Personne, et si cette Personne à son tour est à la fois vraiment distincte et vraiment reliée au sei
101 nce du type diastole-systole, qui dissocierait la personne . Il s’agit bel et bien de vivre leur tension. Et c’est ainsi qu’à tou
9 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — L’aventure technique
102 t le danger de la technique, et ses effets sur la personne humaine. Ces diatribes cent fois répétées contre la « mise en esclava
103 is ». Elle prétend « satisfaire » des besoins que personne n’éprouvait du tout. On n’a pas inventé l’auto parce que l’homme en a
10 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Deuxième partie. La Quête occidentale — Les ambivalences du progrès
104 stupidité collective, une aventure nouvelle de la personne qu’une tyrannie sans précédent. Les oscillations du pendule s’amplifi
105 re et la diplomatie des États. Tout cela sans que personne soit encore en mesure de trancher la question confusément posée de sa
106 donc davantage quant à la faculté de devenir une personne qu’au sujet de l’existence d’une vérité totale, également valable pou
107 liberté véritable, restant le moi distinct, ou la personne . Certes, on peut assigner d’autres fins au Progrès, et nos élites eur
108 t mieux cru hors de l’URSS. Du point de vue de la personne enfin : l’Europe, en retrait jusqu’ici sur les deux grands empires is
109 raiment créateur que s’il traduit spontanément la personne et sa vocation ; il est stérile et caricatural quand il se fait systé
110 eloppement humain et ne permet plus de choix à la personne . Dans ce sens, le vrai risque d’Ulysse n’est pas le naufrage définiti
111 n que j’en propose, sont analogues à celles de la personne . Les paradoxes et les tensions, les ambivalences perpétuelles que l’o
112 ours du Progrès sont nées avec notre notion de la personne , elle-même issue des débats trinitaires au cours desquels se définire
113 ns génératrices de l’Occident. C’est pourquoi la personne est seule juge, et mesure à la fois, du Progrès. Si ce dernier mérite
114 ent son nom et s’il avance, c’est au statut de la personne dans notre société qu’on en jugera. La prise de conscience élargie de
115 sert-il, ou non, nos chances de mieux devenir la personne que nous pourrions être ? La réponse ne saurait dépendre d’une enquêt
116 La réponse ne saurait dépendre d’une enquête. La personne n’est jamais mesurable : elle mesure. Elle n’est donc pas objet de st
117 ujours aux calculs des cerveaux électroniques. La personne seule connaît la personne chez autrui, comme seul l’amour actif décou
118 veaux électroniques. La personne seule connaît la personne chez autrui, comme seul l’amour actif découvre le prochain. Comment m
119 90. Le Dieu-homme, l’Incarnation, le concept de personne . Aimer Dieu et le prochain — comme soi-même. Être au monde — comme n’
11 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Troisième partie. Où allons-nous ? — Le drame occidental
120 e une supériorité intellectuelle et technique que personne ne lui contestait. Si aujourd’hui les peuples affectés par ses méthod
121 00 ans à jamais, pour chacun et pour tous, contre personne .) L’histoire du monde commence au xxe siècle Dire que l’empire
12 1957, L’Aventure occidentale de l’homme. Troisième partie. Où allons-nous ? — Où l’Aventure et la Voie se rejoignent
122 et favorisant pratiquement les libres choix de la personne . Il s’agit donc de comparer deux systèmes de conventions de base, l’u