1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1 le plus profond du mythe, c’est le pouvoir qu’il prend sur nous, généralement à notre insu. Ce qui fait qu’une histoire, un
2 déguisé et d’en jouir par l’imagination, sans en prendre toutefois une conscience assez claire pour qu’éclate la contradiction
3 ntisocial, qui est la passion. Le mot « contenu » prend ici toute sa force : la passion de Tristan et d’Iseut est littéraleme
4 roi Marc de Cornouailles, frère de Blanchefleur, prend l’orphelin à sa cour et l’éduque. Première prouesse ou performance :
5 entre leurs corps son épée nue. Ému par ce qu’il prend pour un signe de chasteté, le roi les épargne. Sans les réveiller, il
6 steté, le roi les épargne. Sans les réveiller, il prend l’épée de Tristan et dépose à sa place l’épée royale. Les trois ans
7 de ces faits dont l’envergure échappe souvent aux prises de l’érudition scrupuleuse. Je veux parler de l’opposition qui se man
8 ens gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont, à tout prendre , que des artifices romanesques. Or il résulte de nos remarques au suj
9 d’où le rebondissement de l’action. Et ici le mot prend un sens symbolique : l’action empêche la « passion » d’être totale, c
10 que non seulement ceux qui la vivent ne sauraient prendre aucune conscience de sa fin, mais que ceux qui la veulent dépeindre d
11 qu’à partir de soi, non de l’autre. Leur malheur prend ainsi sa source dans une fausse réciprocité, masque d’un double narci
12 stre d’une manière d’autant plus efficace qu’elle prend la forme du désir, et que ce désir, à son tour, se déguise en fatalit
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
13 ner » le sublime à l’infime, l’étrange erreur qui prend pour cause suffisante une condition simplement nécessaire. C’est auss
14 de l’homme. » Ainsi l’aspiration vers la lumière prend pour symbole l’attrait nocturne des sexes. Le grand Jour incréé, aux
15 ctrine de Mani (qui était originaire de l’Iran) a pris , selon les peuples et leurs croyances, des formes très diverses, tant
16 ’origine et la portée mystique de valeurs qu’elle prenait pour une mode et qu’elle accommodait à ses plaisirs. Elle ne devait p
17 dans son inspiration elle-même, puisque celle-ci prend sa source dans un système fixe de lois, qui seront codifiées sous le
18 eanroy (quitte à reprocher à chacun de ces poètes pris à part de n’avoir montré aucune espèce d’originalité et de s’être bor
19 Satan et la femme d’une beauté éclatante, ont été prises dans des corps matériels, qui leur étaient et leur demeurent étranger
20 de Manès, ne s’est pas vraiment incarné : il n’a pris que l’apparence d’un homme. C’est ici la grande hérésie docétiste (du
21  remerciements pour de gracieuses hospitalités », prend ainsi le caractère imprévu d’une sorte de lettre pastorale ! Et pourt
22  ! Et ce cri de Bernart de Ventadour : Elle m’a pris mon cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s
23 de Ventadour : Elle m’a pris mon cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’est elle-même dérobée à
24 a pris mon cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis elle s’est elle-même dérobée à moi, ne me laissant que
25 lmodique des symboles fondamentaux. De même, pour prendre un exemple moderne, le « sentiment chrétien » que l’on reconnaît chez
26 muler le sens des symboles qu’il emploie, ni d’en prendre une conscience distincte. Il est indemne de ce rationalisme qui nous
27 ais l’offre à Marie qui le donnera à son fils. Il prend sa boisson en cinq traits pour les cinq plaies du Seigneur ; mais il
28 ce cas, le symbole se double d’une allégorie, et prend un sens cryptographique. Je veux parler de l’école du trobar clus, dé
29 e processus minimum d’inspiration et d’influence, prenons un exemple moderne. Un exemple dont je crois pouvoir dire que les don
30 t soutenu une théorie de la libido ; et qu’il ait pris une attitude déterministe : or le surréalisme fut une école littérair
31  sultan des amoureux », Omar Ibn al Faridh — pour prendre un exemple entre cent — l’auteur décrit la passion terrible qui l’env
32 ave, ont dit : Pourquoi ce jeune homme a-t-il été pris de folie ? Et que peuvent-ils dire de moi, sinon que je m’occupe de N
33 un grand courant religieux manichéen, qui avait, pris sa source en Iran, remonte par l’Asie Mineure et les Balkans jusqu’à
34 aient le jeu primitif, on voit la Dame (ou Reine) prendre le pas sur toutes les pièces, sauf sur le Roi, celui-ci se trouvant d
35 romis. (Marcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle et dure merci, pourvu que vous m’accordiez q
36 es : il s’agit des choses spirituelles. Et vous y prîtes la couronne d’orgueil : c’est pourquoi le chevalier vous renversa si
37 qu’il a, s’il n’eût pas été le sien : son cœur ne prend en aversion que le bonheur qu’il est contraint d’avoir. Le lui eût-on
38 s religieuses, c’est-à-dire une décision que nous prenons presque toujours inconsciemment, en toute ignorance de cause, de fins
39 op. cit., I, p. 20. Et de même, les dieux gaulois prennent des noms latins sans se transformer autrement. 24. Par E. Benveniste
40 eligions, juin 1938) va jusqu’à proposer que l’on prenne certains poèmes des troubadours comme sources d’études sur l’hérésie.
41 emble avoir deviné le caractère « tantrique » que prend l’amour courtois, dans le cycle breton, plus réellement, je crois, qu
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
42 s bizarres, comme disait à peu près Schopenhauer. Prenons le problème tel que nous le pose le mythe, et tel qu’il se posait au
43 sage de l’admirable cri de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’est e
44 de Ventadour : « Elle m’a pris le cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’est elle-même dérobée à moi,
45 ’a pris le cœur, elle m’a pris moi-même, elle m’a pris le monde, puis s’est elle-même dérobée à moi, ne me laissant rien que
46 s le débat au bénéfice de ce qui est le plus bas. Prenons le cas des métaphores : on dit d’un goût qu’il est amer mais on dira
47 est contraint de se servir de métaphores. Il les prend où il les trouve et telles qu’elles sont, quitte à les modifier par l
48 ette décision tout arbitraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa prima
49 itraire, il est temps de la prendre ici, et de la prendre en faveur de l’esprit, c’est-à-dire de sa primauté. Qu’elle soit arbi
50 humanité sacrée en laquelle il a déclaré lui-même prendre sa complaisance. » 110. Nulle part, en effet, les généralisations ne
51 int Jean de la Croix, p. 613) si nous tentions de prendre une vue générale des diverses mystiques connues, « l’expérience mysti
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
52 t expression ne sont guère séparables. La passion prend sa source dans cet élan de l’esprit qui par ailleurs fait naître le l
53 s les Saints implorent cette faveur. Seule, Pitié prend notre parti, car Dieu dit, et c’est de ma Dame qu’il entend parler :
54 is, c’est nous ; ses petits, qu’un chasseur lui a pris , ce sont les vertus, et le chasseur c’est le démon, qui nous fait voi
55 e profanée. Nous allons voir Pétrarque se laisser prendre « à ce qui n’est pas », c’est-à-dire à l’image de sa Laure, qui trop
56 espérance. Où Pétrarque triomphe, c’est quand il prend la harpe de Tristan141, c’est dans le cri de la « torture délicieuse 
57 el. Mais cela, jusqu’alors, à rien ne m’a servi… Prends ton parti avec prudence ! Prends ! Et arrache de ton cœur toute racin
58 n ne m’a servi… Prends ton parti avec prudence ! Prends  ! Et arrache de ton cœur toute racine De ce plaisir qui heureux ne le
59 n lisait de son temps avec passion150. Il ne s’en prend , dans son Quichotte, qu’aux romans d’aventures profanes. Cette omissi
60 e. Mes yeux regardez une dernière fois ! Mes bras prenez votre dernier embrassement ! Et mes lèvres, ô vous Portes du souffle,
61 « Cette bonne femme, écrit-il tristement, a dû me prendre pour un apprenti serrurier. » ⁂ En vérité je me sens fort capable d’e
62 jours ? Alors que les mystiques et les religions prennent au contraire une grande vigueur dans les réfutations et railleries qu
63 qu’il s’arrête aux sentiments vulgaires ? Il le prend de haut : méfions-nous. C’est qu’il se dispose à mentir. Il ne faut
64 , cette « tristesse » à laquelle il nous invite à prendre on ne sait quel « plaisir », cela révèle en définitive d’assez morbid
65 ne la désire pas comme une transfiguration : il a pris le parti du jour, la mort n’est plus que le châtiment de ses trop lon
66 nd impossible la passion. Et voici comment il s’y prend  : en rendant Hippolyte amoureux d’Aricie, dont on va voir qu’elle est
67 tout obstacle détruit, la passion n’a plus où se prendre . Et l’on parle de « passionnettes ». Le dieu d’Amour n’est plus un du
68 l’aventure scélérate, tels sont les parangons qui prennent la place de l’idéal détruit par le xviie siècle. Ce refoulement du m
69 ns avec une sorte de dépit à peine voilé : « J’ai pris pour toi des sentiments plus paisibles, il est vrai, mais plus affect
70 nudité même, je sens trop bien qu’ils risquent de prendre figure d’arguments, à cet endroit de notre voyage, du seul fait de le
71 indiciblement chère… Notre engagement n’était pas pris pour ce monde… Maximes de Novalis : Toutes les passions finissent
72 l’aventure des mystiques unitives qui de nouveau prend son départ dans la conscience occidentale. C’est l’éternelle hérésie
73 out cela composait une sorte de complexe que l’on prenait pour la « nature » elle-même, bien qu’il ne représentât qu’une surviv
74 ut esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se prend pour son dieu. Voilà le mouvement dernier de la passion, dont l’exasp
75 iait cette diffuse exaltation de l’amour. Nous la prenions pour un printemps de l’instinct et pour une renaissance des forces di
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
76 e ne revêtait pas ce caractère absolu qu’il avait pris dans les pays nordiques. Les femmes de la haute société recevaient un
77  » délicate et toute hédoniste. La « courtoisie » prenait son sens moderne de politesse et de civilité. Il n’était plus questio
78 le considéra comme une réussite glorieuse d’avoir pris une ville assiégée en ne faisant de part et d’autre que trois morts.
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
79 usse avec horreur. Car l’engagement religieux est pris « pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient aucun co
80 dans le mariage paraît légèrement ridicule : elle prend figure de conformisme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de
81 jours — et ce n’est qu’un début — un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé ne
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
82 dit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins, ou des névrosés, pourquoi ser
83 n que dénoncent les romantiques, ou l’homme moral pris dans les rets sociaux, et incapable désormais de concevoir les vérité
84 commande au jeune homme de « réfléchir » avant de prendre une décision : elle l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d
85 s peuvent y lire. « Notre engagement n’était pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée perdue. C’est
86 té dans le mariage est au contraire un engagement pris pour ce monde. Partant d’une déraison « mystique » (si l’on veut), in
87 sur le concret dans ses limitations. Le chrétien prend le monde tel qu’il est, et non point tel qu’il peut le rêver. Son act
88 omplexes et collectifs, qui échappent souvent aux prises individuelles. Le signe de la crise du mariage nous parle et nous ave
89 20. En quoi consiste le respect, au sens où je le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’une personn