1 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe de Tristan
1 n de l’amour dont on n’a peut-être pas vu qu’elle rend ce lien, dès le principe, insupportable ? Je constate que l’Occidenta
2 réduit au silence la raison, ou tout au moins, la rend inefficace. Or je me propose d’envisager Tristan non point comme œuvr
3 du sa forme primitive voilà précisément ce qui le rend si dangereux. Les mythes déchus deviennent vénéneux comme les vérités
4 ar l’entremise duquel Tristan offre au roi de lui rendre sa femme. Marc promet son pardon. Les amants se séparent à l’approche
5 stel ». Chez Orri le forestier, ils ont plusieurs rendez -vous clandestins. Mais les barons félons veillent sur la vertu de la
6 i donne la raison de cet acte8. Pourquoi Tristan rend -il la reine à Marc, et cela, même dans les versions où le philtre con
7 ourir de nouvelles aventures, alors qu’ils ont un rendez -vous dans la forêt ? Pourquoi la reine coupable propose-t-elle un « j
8 i fait pâlir le romantisme tout entier ! Qui nous rendra ce dur « patois du cœur ? ») Un dernier trait : lorsque Tristan reço
9 sommé ; Iseut livrée. — Tristan banni de la cour. Rendez -vous sous l’arbre. — Tristan revient à la cour. Le « flagrant délit »
10 sent trois ans dans la forêt, puis se séparent. —  Rendez -vous chez Orri le forestier ; Tristan s’éloigne. — Tristan revient dé
11 de cette « emprise » magique, se verra condamné à rendre la passion moins inhumaine plus acceptable aux yeux du moraliste. Inf
2 1939, L’Amour et l’Occident. Les origines religieuses du mythe
12 stacle instinctif à l’instinct, ayant pour fin de rendre les guerriers plus valeureux. Or la vertu d’une telle discipline est
13 nullement l’amour d’un Tristan, par exemple. Elle rend d’autant plus évidente l’intervention d’un facteur « étranger » seul
14 n tant que le moi et le monde sont pécheurs, mais rendu à soi-même et au monde en tant que l’Esprit veut les sauver. Désormai
15 ais le platonisme dégénéré, qui nous obsède, nous rend aveugles à la réalité de l’objet tel qu’il est dans sa vérité — ou bi
16 et tel qu’il est dans sa vérité — ou bien nous la rend peu aimable. Et il nous jette à la poursuite de chimères qui n’existe
17 e de ce déchirement intérieur, de ce dissidio qui rend si pathétiques certains vers de Pétrarque ? » Cette question qui deme
18 igieux au sommet de la joy d’amor : Al-Hallaj se rendait au supplice en riant. Je lui dis : Maître qu’est cela ? Il répondit :
19 s poursuit. Dans Bailé et Aillinn, ils se donnent rendez -vous en un lieu désert, où la mort les précède, empêchant leur réunio
20 dre allusion à son origine sacrée. Tous ces faits rendent vraisemblable la conclusion d’Hubert : à savoir que la mythologie cel
21 vec profondeur que le roman de Tristan et d’Iseut rend un son particulier, qui ne se retrouve guère dans la littérature du M
22 36.) Ce « son particulier », que Bédier sut faire rendre à sa moderne transcription de la légende, est si nettement sensible à
3 1939, L’Amour et l’Occident. Passion et mystique
23 surgit ailleurs. Marquons tout de suite ce qui le rend inévitable à notre sens. a) S’il n’y avait en jeu, dans le cas de la
24 pas87… b) Inversement, la mystique à elle seule, rend -elle compte de la passion ? Il faudrait alors expliquer pourquoi c’es
25 t de leur vie à leur être ». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il existe au Moyen Âge une tradition mystique
26 nt opposés sur le point précis de l’union divine, rendait possible une confrontation. Mais la lecture des mystiques franciscai
27 t impossible, ce qui entraîne le malheur divin et rend l’amour humain possible en ses limites. D’où il résulte que le langag
4 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe dans la littérature
28 à la ressemblance du « sublime » qu’elles ont su rendre inoubliable. C’est pourquoi l’on n’aura pas grand-peine à jalonner l’
29 mit, tel Tristan se séparant d’Iseut lorsqu’il la rend à son époux : Ô dure départie Pourquoi m’as-tu de mon mal éloigné ?
30 tu en sauras la cause. Dis-moi : qu’est-ce qui te rend triste à ce point ? Est-ce bien le cours des choses de ce monde ? Est
31 acine De ce plaisir qui heureux ne le peut jamais rendre … Il n’a que trop longtemps mis son espoir en « cette fausse douceur
32 itié, et suivre une voie que le malheur des temps rend totalement impraticable. L’Église de Rome a triomphé. Mieux vaut dès
33 nde encore une fois qui recommence, et le Prince, rendu à son règne sévère : Ce matin nous apporte une paix assombrie… Sépar
34 passés dans la forêt. Tristan avait le recours de rendre Iseut à son mari. Alidor est contraint d’inventer un rival. Souffrant
35 jour qu’il veut servir désormais, oblige Racine à rendre le jeune prince insensible à l’amour de Phèdre. Il déclare donc cet a
36 urner cette loi sévère qui, condamnant l’inceste, rend impossible la passion. Et voici comment il s’y prend : en rendant Hip
37 ai cru lui devoir donner quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable envers son père, sans pourtant lui rien ôter de cette
38 oméo : Et la mort à mes yeux dérobant la clarté Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté. — Elle expire, Seigneur !
39 e imprévisible décident désormais d’une union, et rendront seuls « aimable » un parti soigneusement raisonné. Triomphe de la mor
40 passion n’existe pas sans la douleur qu’elle nous rend désirable notre perte. Écoutons la Religieuse portugaise, Mariana Alc
41 elle écrit à l’homme qui l’a séduite : « Je vous rends grâces du fond de mon cœur pour la désespérance où vous m’avez jetée,
42 lancolie. Les « qualités » et les « mérites » qui rendent « aimable », selon les roués de la Régence et du règne de Louis XV, n
43 Mais Don Juan aime le crime en soi, et par là se rend tributaire de la morale dont il abuse. Il a grand besoin qu’elle exis
44 tes pour lesquelles je donnerais mille vies, mais rends -moi tout ce qui n’était point elles, et les effaçait mille fois. Rend
45 n’était point elles, et les effaçait mille fois. Rends -moi cette étroite union des âmes… Julie, dis-moi donc si je ne t’aima
46 toujours veiller à dormir. Voici deux textes qui rendent un son proprement manichéen : On doit séparer Dieu et la Nature. Die
47 a peu de peines morales dans la vie qui ne soient rendues chères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai : nous a
48 l’ordre social établi. L’instinct de conservation rend en effet cet ordre tolérant à l’égard de ce qui feint de le renier, m
49 d’une invraisemblance que le désir de romantisme rend insensible. Ainsi, pendant une heure ou deux le roman pourra rebondir
50 ue. Ce que vous appelez morale, c’est ce qui nous rend méchants, tristes et honteux. Ce que vous appelez l’ordure, voilà ce
51 t disposé à reconnaître. On n’a plus de comptes à rendre à cet « esprit » platonicien. Il était cause de toute la confusion, e
5 1939, L’Amour et l’Occident. Amour et guerre
52 er qui décoche des flèches mortelles. La femme se rend à l’homme qui la conquiert parce qu’il est le meilleur guerrier. L’en
53 et à les tourner par surprise ; enfin la dame se rend à merci. Mais alors, par une curieuse inversion bien typique de la co
54 e quatre arpents ; sinon ils devront mourir ou se rendre . Et cette règle étrange, si l’on en croit Froissart, coûta la vie, dè
55 la mêlée une armure empruntée, est-on tenu de la rendre  ? — Est-il permis de livrer bataille un jour de fête ? — Vaut-il mieu
56 ais en la voilant religieusement, de manière à la rendre acceptable au jugement de la société. Le tournoi « joue » le mythe, p
57 couvert d’armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus est presque toujours respectée. Ils ne
58 recréer le mythe de la passion, c’est-à-dire pour rendre à la puissance anarchique un cadre et des moyens d’expression rituels
59 détruisait pas la nation même dont on voulait se rendre maître : on se bornait à réduire ses défenses. Bataille rangée contre
60 ment oppressant de sa culpabilité morale. Elle se rend au sauveur terrible et le nomme son libérateur dans l’instant même qu
61 r — et de ne pas effrayer les peuples au point de rendre impossible tout recrutement des volontaires… 175. J. Boulenger, Le
6 1939, L’Amour et l’Occident. Le mythe contre le mariage
62 lui qui contrevenait à ce triple engagement ne se rendait pas « intéressant », mais pitoyable ou méprisable. La synthèse cathol
63 i David en volant Bethsabée commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend
64 s Tristan, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des
65 re notre conscience du problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impui
66 idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nous introduit
67 iment intéressante… Or c’est la douleur seule qui rend consciente la passion, et c’est pourquoi l’on aime souffrir, et faire
68 e même de ces recherches191 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur efficacité : elle révèle l’étendue du désastre
69 dicter une série de lois contre le divorce (qu’on rendit beaucoup plus onéreux), contre l’avortement et contre l’abandon des e
70 femmes allemandes, et l’on ne manquera pas de les rendre obligatoires à bref délai. Le but dernier de l’entreprise ne fait pas
7 1939, L’Amour et l’Occident. L’Amour action, ou de la fidélité
71 gesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est rendu , comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et
72 ur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et il se peut aussi que r
73 « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’es
8 1939, L’Amour et l’Occident. Appendices
74 -ci l’a privé de son amour, disant qu’il s’en est rendu indigne en implorant et en acceptant pareille licence. Arrêt de la r