1
considéré par plusieurs comme l’un des héritiers
de
Barrès. Le rapprochement est peut-être prématuré, tout au plus peut-o
2
u’à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle
de
Barrès, nous offre plus qu’un agrément purement littéraire : une leço
3
us qu’un agrément purement littéraire : une leçon
d’
énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, c
4
ent littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique
de
n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétude libérat
5
e inquiétude libératrice que produit la recherche
de
la vérité. Dès son premier livre, il s’est montré tout entier, il a b
6
uancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup
de
grâce à cet esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a
7
bolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine
de
M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la
8
est sortie toute formée et casquée pour la lutte
de
l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le mo
9
dans le monde romain les virus du christianisme,
de
la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de libert
10
romain les virus du christianisme, de la Réforme,
de
la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès
11
, de la Révolution et du romantisme, les concepts
de
liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philo
12
tion et du romantisme, les concepts de liberté et
de
progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est cel
13
me, le bolchévisme. L’autre philosophie est celle
de
l’antique Rome, qui a inspiré le catholicisme, la Renaissance, le tra
14
therlant comme pour Maurras, est ce qu’il importe
de
sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien d’original da
15
arder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien
d’
original dans cette conception simpliste du monde, qui n’est en rien d
16
simpliste du monde, qui n’est en rien différente
de
celle de l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation,
17
e du monde, qui n’est en rien différente de celle
de
l’Action française ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurr
18
ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps
de
méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée, puis « le
19
la tranchée, puis « le sport l’a saisi aux pattes
de
la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étrein
20
t l’a saisi aux pattes de la guerre encore contus
de
huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ».
21
x pattes de la guerre encore contus de huit coups
de
griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu
22
e encore contus de huit coups de griffes et chaud
de
l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressa
23
te du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps
de
se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, l
24
s de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui,
d’
une façon obsédante, le rythme de la guerre. Du moins a-t-il ainsi évi
25
ngeant pour lui, d’une façon obsédante, le rythme
de
la guerre. Du moins a-t-il ainsi évité le choc fatal pour tant d’autr
26
justifier, ce qui n’a pas été sans quelques tours
de
passe-passe de logique, admirablement masqués d’ailleurs par des faço
27
ui n’a pas été sans quelques tours de passe-passe
de
logique, admirablement masqués d’ailleurs par des façons cavalières u
28
« fondre dans une unité supérieure » l’antinomie
de
l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité co
29
upérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et
de
l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il
30
oue-t-il franchement. Il me semble bien paradoxal
de
vouloir unir dans une même philosophie la morale jésuite, faite de rè
31
ans une même philosophie la morale jésuite, faite
de
règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liber
32
philosophie la morale jésuite, faite de règles et
de
contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initi
33
de règles et de contraintes imposées dans le but
de
restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale de
34
nglais, morale qui veut former des hommes maîtres
d’
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus parado
35
eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble
d’
autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premi
36
itive. Mais on peut oublier la partie doctrinaire
de
cette œuvre, elle ne lui est pas indispensable : « Ces simplification
37
ne préfère le monde ». Je préfère à la dogmatique
de
M. de Montherlant son admirable lyrisme de poète du stade. En un styl
38
atique de M. de Montherlant son admirable lyrisme
de
poète du stade. En un style d’une fermeté presque brutale parfois, un
39
admirable lyrisme de poète du stade. En un style
d’
une fermeté presque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’on s
40
e d’une fermeté presque brutale parfois, un style
de
sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref
41
pes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému
de
« cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée
42
nt les contemple, ému de « cette ivresse qui naît
de
l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’en
43
ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois,
de
la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix
44
t aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps
de
l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés… ». Voici passer u
45
ser un coureur : « À peine a-t-il touché la piste
d’
herbe, c’est une allégresse héroïque qu’infuse à son corps la douce ma
46
foulée, bondissante et posée, est pleine du désir
de
l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plu
47
us que le corps en mouvement, c’est la domination
de
la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination q
48
us comme une lutte sauvage et déloyale, la morale
d’
équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon
49
nt les qualités du parfait citoyen : juste vision
de
la réalité, abnégation, sentiment du devoir de chacun envers l’ensemb
50
on de la réalité, abnégation, sentiment du devoir
de
chacun envers l’ensemble (Montherlant insiste plutôt sur le sentiment
51
ôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui
de
la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseignement plus génér
52
ien l’on pense). Enfin, enseignement plus général
de
la morale sportive : « la règle de rester en dedans de son action, ap
53
t plus général de la morale sportive : « la règle
de
rester en dedans de son action, application de l’immense axiome formu
54
morale sportive : « la règle de rester en dedans
de
son action, application de l’immense axiome formulé par Hésiode et qu
55
le de rester en dedans de son action, application
de
l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien
56
de que le tout ». Le sport comme un apprentissage
de
la vie : tout servira plus tard : Ô garçons, il y a un brin du myrte
57
n brin du myrte civique tressé dans vos couronnes
de
laurier. Vous n’êtes pas couronnés d’olivier. La main connaît la main
58
s couronnes de laurier. Vous n’êtes pas couronnés
d’
olivier. La main connaît la main dans la prise du témoin. L’épaule con
59
allon. Le regard connaît le regard dans la course
d’
équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses
60
ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent
de
jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Qu
61
e silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot
de
ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien de moins artificiellem
62
de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien
de
moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si
63
t prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur
de
la précision. » On évitera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien
64
le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage
de
la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-on. M. de Montherlan
65
ue l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage
de
la guerre, dira-t-on. M. de Montherlant répondra : non, car la faible
66
us conduirait cette « éthique du sport » tempérée
de
raison. Ce qu’on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’e
67
it. » M. de Montherlant illustre sa propre pensée
de
cette citation d’un dominicain : « Formez des jeunes filles assez for
68
rlant illustre sa propre pensée de cette citation
d’
un dominicain : « Formez des jeunes filles assez fortes pour pouvoir t
69
our pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin
de
roman catholique. » C’est ce qu’on pourrait appeler une « morale cons
70
qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera
de
soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’épuise-t-il pas à com
71
s : il développe ses qualités, le reste s’arrange
de
soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux
72
uitté le stade, se rendra mieux compte à distance
de
la contradiction sur laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
73
laquelle est bâtie son œuvre. L’intéressant sera
de
voir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésui
74
. L’intéressant sera de voir ce qu’il sacrifiera,
de
la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homm
75
oir ce qu’il sacrifiera, de la morale sportive ou
de
la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement
76
n, voici un homme, et non plus seulement un homme
de
lettres. Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeun
77
Un homme en qui s’équilibrent déjà l’enthousiasme
d’
une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » qu
78
l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue
de
l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les
79
lus proche que la sensualité vaguement chrétienne
de
tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal,
80
salut des équipes avant le match : « En l’honneur
d’
Henry de Montherlant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset, Pari
81
lant, hip, hip, hurrah ! » 1. Éditions Grasset,
Paris
. 2. L’attitude de M. de Montherlant légitime une telle « simplificat
82
! » 1. Éditions Grasset, Paris. 2. L’attitude
de
M. de Montherlant légitime une telle « simplification ». a. Rougemo
83
ne telle « simplification ». a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La S
84
Conférence
de
Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1
85
u xixe siècle à nos jours. Partis du classicisme
de
David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe
86
le à nos jours. Partis du classicisme de David et
d’
Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle, un
87
dans les domaines du romantisme, du naturalisme,
de
l’impressionnisme, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et
88
près cent-vingt-cinq ans, à peu près à leur point
de
départ. Mais leurs recherches n’ont pas été vaines. Ils en reviennent
89
s n’ont pas été vaines. Ils en reviennent chargés
de
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très
90
nent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients
de
leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur technique (contrairem
91
chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens
d’
expression. Très maîtres de leur technique (contrairement à ce que pen
92
cients de leurs moyens d’expression. Très maîtres
de
leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils
93
nse souvent le public), ils préparent l’avènement
d’
un classicisme nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe de la
94
nouveau. M. Meili a mis en évidence cette courbe
de
la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œu
95
une netteté et un relief remarquable. Les œuvres
de
cet artiste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes
96
iste, qu’on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient
de
ces mêmes qualités : car la façon de peindre correspond à la façon de
97
témoignaient de ces mêmes qualités : car la façon
de
peindre correspond à la façon de penser du peintre. Souhaitons d’ente
98
s : car la façon de peindre correspond à la façon
de
penser du peintre. Souhaitons d’entendre encore M. Meili. Est-il beso
99
spond à la façon de penser du peintre. Souhaitons
d’
entendre encore M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance de t
100
haitons d’entendre encore M. Meili. Est-il besoin
de
souligner l’importance de telles prises de contact entre artiste et p
101
M. Meili. Est-il besoin de souligner l’importance
de
telles prises de contact entre artiste et public ? b. Rougemont De
102
besoin de souligner l’importance de telles prises
de
contact entre artiste et public ? b. Rougemont Denis de, « Confére
103
t entre artiste et public ? b. Rougemont Denis
de
, « Conférence Meili », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 oct
104
Rougemont Denis de, « Conférence Meili », Feuille
d’
avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
105
nt Denis de, « Conférence Meili », Feuille d’avis
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 30 octobre 1924, p. 6.
106
enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
de
Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
107
un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier
d’
une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
108
ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour
de
nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
109
dur pour ses erreurs plus encore que pour celles
de
l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
110
Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent
de
barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
111
bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs
de
ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
112
es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant
de
faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
113
ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui
d’
un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
114
t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup
d’
antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
115
ui tiennent qu’une telle attitude est responsable
de
ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
116
ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie
de
la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
117
avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert
d’
exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
118
ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter,
d’
une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
119
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires
de
Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
120
dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton
de
vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
121
e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front.
D’
une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
122
st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant
de
l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
123
e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe,
d’
un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
124
e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un
de
ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
125
ncore transparaît un doute, parfois : « On craint
d’
être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
126
aint d’être injuste en décidant si… cette absence
de
haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
127
épouvante, devant la guerre… proviennent de plus
d’
humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
128
vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou
de
moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
129
uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins
de
santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
130
de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
d’
affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
131
s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est
d’
avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
132
ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence
de
guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
133
a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré
de
souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
134
va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir
de
l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
135
n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte
d’
un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
136
e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot
de
grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
137
e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle
de
cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
138
ne sais s’il faut en voir la raison dans la force
de
la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
139
ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse
de
sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
140
la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière
de
la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
141
carrière de la grandeur où Montherlant est entré
de
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
142
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que
de
sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
143
l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu
de
vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
144
dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
de
son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
145
rester digne de son rôle et vraiment le coryphée
d’
une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
146
oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur
de
toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
147
squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme
d’
une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
148
e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire
de
Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
149
ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau
d’
un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henr
150
. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent
de
joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant
151
au d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
152
enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
de
Verdun », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars
153
s de Verdun », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
154
e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague
de
rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
155
une « vague de rêves », la logique, dernier agent
de
liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
156
de rêves », la logique, dernier agent de liaison
de
nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
157
r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans
d’
ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
158
it pas toujours chez Breton à masquer la banalité
de
la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
159
s chez Breton à masquer la banalité de la pensée.
D’
autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
160
s passages où il expose directement les principes
de
sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
161
de sa « révolution » semblent au contraire tirés
de
quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
162
mblent au contraire tirés de quelque terne manuel
de
philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
163
e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou
de
psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
164
Ils se laissent hélas résumer en un court article
de
dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
165
utomatisme psychique pur par lequel on se propose
d’
exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
166
’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit
de
toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
167
it de toute autre manière, le fonctionnement réel
de
la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
168
ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée
de
la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
169
el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence
de
tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
170
2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte
de
méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
171
scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence
d’
une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
172
éconiser l’existence d’une littérature fondée sur
de
tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
173
le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant
de
cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
174
s le monde du Rêve autant de cellules isolées que
de
rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
175
ommunicable, le poète étant un simple sténographe
de
ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
176
e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit.
De
ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
177
aits, je tire cette conclusion pratique : inutile
de
publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
178
t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils
d’
eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
179
n poème » cette mystification est dans la logique
de
ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
180
e de ses principes, mais je lui conteste le droit
de
faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
181
i conteste le droit de faire suivre son manifeste
de
proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
182
nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
d’
illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
183
ne me seraient-elles perceptibles que par le fait
d’
une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
184
l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop
de
choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
185
serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait
de
donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
186
non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne
de
Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
187
’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher
d’
accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
188
rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton
de
préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
189
si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté
d’
un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
190
un art purement formel. Car c’est ici le tragique
de
cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
191
donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas
de
pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
192
sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils
de
métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
193
Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres
de
raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
194
nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
de
nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
195
emment, — on sait ce que c’est que la « liberté »
d’
un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
196
t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur
de
tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
197
Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation
de
matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
198
S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux
de
démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
199
r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons
d’
une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
200
tout morales. Les tendances encore un peu vagues
d’
un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
201
t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire
d’
un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
202
s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot
de
Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
203
our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument
de
vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
204
e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton
de
mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
205
dommage pour les lettres françaises qui risquent
d’
y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
206
qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Breton, Manifeste du surréalisme », Biblioth
207
surréalisme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
208
Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume
de
la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
209
Le nouveau volume de la collection des « Maîtres
de
l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
210
nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté
de
narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
211
uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits
de
la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
212
olin s’est contenté de narrer les faits de la vie
de
Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
213
té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais
d’
une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
214
est peu intéressant. On en a connu bien d’autres
de
ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
215
se croient une vocation, végètent dans des œuvres
d’
évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
216
’est que le plus sauvage génie ait choisi un être
de
cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
217
t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont
de
gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
218
c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies
de
Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
219
sont de gauches copies de Millet. Mais son manque
de
talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
220
vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement
d’
Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
221
ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces
de
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
222
mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur
de
ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
223
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin
de
n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
224
Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités
de
cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
225
risme dont on a voulu charger la « vie héroïque »
de
Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
226
l nous laisse à notre émotion devant le spectacle
d’
une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
227
spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme,
d’
une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rou
228
’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre
de
pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
229
an Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Paul Colin, Van Gogh », Bibliothèque universelle e
230
n, Van Gogh », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
231
court », curieux homme. Il se livre à des travaux
de
précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
232
tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ;
de
temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
233
et s’y bousculent ; de temps à autre une notation
d’
artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
234
lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou
de
psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
235
le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint
de
suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
236
ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman
de
500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
237
est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne
de
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
238
lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple
de
Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
239
mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring
d’
être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
240
abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
d’
affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
241
la nouvelle mise en servitude du peuple rustique
de
France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
242
ats et des capitalistes des villes. Mais dans une
de
ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
243
t, le libérateur va se lever. C’est un descendant
de
Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre
244
le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme
de
la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
245
terre », qui va susciter un formidable mouvement
de
protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
246
œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain
de
ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
247
n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments
d’
un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
248
e avait là les éléments d’un grand roman : autour
d’
un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
249
les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet
de
vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
250
brûlant, une intrigue puissante, des personnages
d’
une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
251
nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence
de
style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
252
tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes
de
la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
253
l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant,
d’
une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
254
t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire
de
nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Roug
255
ssi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Lucien Fabre, Le Tarramagnou », Bibliothèque unive
256
Tarramagnou », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
257
Les Appels
de
l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
258
925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle
de
la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
259
u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle
de
critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
260
mporains accumulent les documents. La littérature
de
ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
261
rature de ces dernières années n’est qu’une forme
de
reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
262
nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience
de
son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
263
surtout conscience de son propre génie, l’Europe
d’
aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
264
avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance
de
l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
265
e réelle connaissance de l’Orient, une conscience
d’
elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
266
oriental, car il semble bien que dans le domaine
de
la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
267
n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour
d’
un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
268
ques savants européens qu’il le devra, tandis que
d’
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
269
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé
de
son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
270
a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels
de
l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
271
fort intéressant tableau des multiples réactions
de
l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
272
enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue
de
Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
273
lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir
de
l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
274
« l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses
d’
André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
275
particulier). Car la plupart des enquêtés se font
de
l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
276
t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur
de
symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
277
u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est
de
cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
278
sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir
d’
antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
279
bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a
de
sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
280
e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain
de
tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
281
t vain de tenter un classement parmi les réponses
d’
une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
282
rents, si différentes même les conclusions tirées
de
points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
283
mblables, qu’un esprit analytique et organisateur
d’
occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
284
al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique
d’
idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
285
a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et
de
jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
286
pique d’idées et de jugements contradictoires, et
de
termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
287
, et de termes dont le sens change avec l’échelle
de
valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
288
mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs
de
l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
289
ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité
de
l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
290
upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance
de
choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
291
ide dans sa « puissance de choix », dans le génie
d’
abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
292
e dans une Europe vieillie, les parfums puissants
de
l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
293
rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller
de
beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
294
u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc
de
deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
295
provisoire et qui porte en son principe le germe
de
sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
296
ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut
de
n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
297
ar exemple, qui cependant produit un grand nombre
de
citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
298
ions in abstracto qui le mènent à des conclusions
de
ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
299
nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen
de
« suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
300
historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu
de
Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
301
listes, qui, eux, apportent des documents, savent
de
quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
302
uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit
de
conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
303
, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun
d’
en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
304
réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer
de
nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
305
frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons
de
maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
306
isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison
de
nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
307
s entrevu peut-être pour la première fois le rôle
de
l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
308
conscience du monde », entre une Amérique affolée
de
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
309
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
de
Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rouge
310
ns sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois
311
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Les Appels
de
l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
312
ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
313
Jean Prévost, Tentative
de
solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
314
mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle
de
nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
315
rôle que les autres nous imposent », dit un héros
de
Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
316
ourci psychologique. « Tout homme normal est fait
de
plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
317
fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer
de
soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
318
s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche
d’
un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
319
st avant tout une démonstration ; mais, puissante
de
sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
320
une démonstration ; mais, puissante de sûreté et
d’
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
321
d’évidence, elle a cette beauté froide et massive
d’
un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
322
le a cette beauté froide et massive d’un théorème
de
Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
323
’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est
de
la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemo
324
ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse
de
nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de, « [
325
frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude », Bibliothèqu
326
enis de, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative
de
solitude », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
327
de solitude », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
328
nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches
de
la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
329
ciété », pour reprendre la pittoresque définition
de
M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
330
au des auteurs édités depuis lors les grands noms
de
la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
331
lors les grands noms de la littérature européenne
d’
avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
332
nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits
de
ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
333
mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée
de
ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
334
nnent une juste idée de ce que fut la littérature
d’
avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
335
ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps
de
la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemo
336
u le temps de la moisson, — le temps des éditions
d’
œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] S. Fische
337
ditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] S. Fischer Verlag, Almanach 1925 », Bibliothèque u
338
manach 1925 », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
339
g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux
de
l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
340
quelque superficialité, du moins faut-il le louer
d’
avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
341
-il le louer d’avoir conservé une vision générale
de
notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
342
sion générale de notre temps et un évident besoin
d’
impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
343
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie
de
cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
344
. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties
de
son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
345
les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent
d’
une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
346
ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation
de
petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
347
ccumulation de petites touches précises des types
d’
après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
348
petites touches précises des types d’après-guerre
d’
une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
349
rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu
de
l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
350
celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre
de
son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
351
de son pays, suivra obstinément le « bon chemin »
de
la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
352
ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et
de
la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
353
et de la raison. C’est à lui que va la sympathie
de
l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto
354
ie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Otto Flake, Der Gute Weg », Bibliothèque universel
355
er Gute Weg », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
356
. Pour présenter au public français cette œuvre «
d’
importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
357
u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative
de
qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
358
éger, notation suggestive, telles sont les vertus
de
sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
359
à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure
de
son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
360
n trouvera la mesure de son admiration et le gage
de
sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
361
êt très profond : elles nous transportent au cœur
de
préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
362
œur de préoccupations des plus modernes, problème
de
la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
363
rnes, problème de la réalité littéraire, problème
de
la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
364
r Prologue pourrait presque aussi bien être celui
d’
une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
365
ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce
de
Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
366
ges des trois nouvelles « sont réels, très réels,
de
la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
367
réels, très réels, de la réalité la plus intime,
de
celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
368
u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté
d’
être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
369
onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou
de
ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
370
lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros
de
Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
371
issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu
de
la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
372
personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté
d’
action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
373
erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant
de
confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
374
ar on imagine difficilement un art plus dépouillé
de
détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
375
ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou
d’
enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
376
é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture
de
ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
377
d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
d’
une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
378
es trois tragédies, d’une classique sobriété mais
d’
une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
379
d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
d’
une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
380
une ironie romantiques, laisse la même impression
de
grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
381
urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation
de
barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
382
’amère volupté des formes. Une sensation de barre
d’
acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Miguel
383
barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et u
384
un prologue », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
385
Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
386
-être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet
de
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
387
s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière,
de
ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
388
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient
d’
ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
389
tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité
d’
un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
390
l’œuvre du penseur vaudois la substance originale
de
la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
391
le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop
de
peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
392
s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps
de
doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
393
ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée
de
Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
394
ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme »
de
tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
395
ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme
de
Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
396
nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont
de
peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
397
ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu
d’
importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
398
s sa position purement chrétienne — un mysticisme
de
cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
399
lière — me paraît infiniment plus forte que celle
d’
un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
400
nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle
d’
un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
401
Son unité est plus réellement profonde, son point
d’
appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
402
tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas
de
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
403
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle
de
ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
404
e ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la
405
ndu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
406
e française », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
407
e et la mort « où se reflète le passage incessant
d’
oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
408
rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux
de
la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels
409
ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie
d’
une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
410
se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité
de
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
411
ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus
de
la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
412
-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots
de
tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
413
mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive
de
situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
414
pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie
d’
images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
415
lité se retrouve dans la manière dont ils tentent
de
fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
416
J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive
de
graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
417
me cosmique. On est plus près de l’infini au fond
de
soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Ju
418
de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jules Supervielle, Gravitations », Bibliothèque un
419
ravitations », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
420
raine offre un spectacle bien passionnant : celui
de
la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
421
ctacle bien passionnant : celui de la renaissance
d’
une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
422
ne littérature nationale à la fois cause et effet
de
la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
423
n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer
de
leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
424
payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme
d’
une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
425
ne pouvait produire qu’une littérature très neuve
de
forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
426
ittérature très neuve de forme et traditionaliste
d’
inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
427
Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois,
de
parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
428
e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler
d’
un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
429
et conserver dans l’admiration son sens critique
de
Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
430
res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu
de
rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
431
lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
de
l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
432
éalisme également lyriques. m. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes », Bibliothèque univ
433
des bardes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
434
Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman
d’
aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
435
-t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle
de
la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
436
écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné
de
beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
437
les du parti que peut tirer le nouveau romantisme
de
ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
438
uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté
d’
en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
439
l’épopée dans Prikaz, cette traduction française
de
l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
440
rikaz, cette traduction française de l’énorme cri
de
délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
441
vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
d’
un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
442
tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes
de
l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
443
t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue
de
la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
444
vait-on rêver pour un psychologue de la puissance
de
Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
445
vu la Révolution sans romantisme, dans le détail
de
la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
446
olution sans romantisme, dans le détail de la vie
d’
une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
447
. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante
de
millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
448
’un grand mouvement est la résultante de millions
de
petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
449
bouleversement accompli dans la « Cité secrète »
de
la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
450
mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin
d’
entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
451
trement que les individus. L’auteur, qui est l’un
de
ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
452
», d’ailleurs assez peu choquants, que le revers
de
grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
453
peu choquants, que le revers de grandes qualités
de
réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
454
que le revers de grandes qualités de réalisation
d’
idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
455
tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais
de
M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
456
e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes
de
La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
457
ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur
de
trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
458
remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et
de
faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
459
russe : mais des possibilités, à chaque instant,
d’
explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
460
ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent
de
toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
461
nté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Hugh Walpole, La Cité secrète », Bibliothèque univ
462
ité secrète », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
463
Conférence
de
René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)c M. René Guisan, pro
464
» (2 février 1926)c M. René Guisan, professeur
de
théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de phil
465
, professeur de théologie à Lausanne et directeur
de
la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula
466
de théologie à Lausanne et directeur de la Revue
de
théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un
467
Lausanne et directeur de la Revue de théologie et
de
philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux pu
468
que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis
de
la pensée protestante ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet d
469
nte ». M. Guisan avait choisi un sujet qui permet
de
façon particulièrement frappante la comparaison des points de vue cat
470
oints de vue catholique et protestant : la notion
de
« Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Sa
471
u’il serve. Mais très vite on étend l’appellation
de
saint à ceux qui par leur élévation morale ou leurs souffrances sembl
472
cutée, le martyre devient le signe par excellence
de
la sainteté. Le peuple, encore païen, voit dans la vénération des pèl
473
t dans la vénération des pèlerins pour les tombes
de
leurs saints une forme d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyan
474
èlerins pour les tombes de leurs saints une forme
d’
adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée pa
475
les tombes de leurs saints une forme d’adoration
de
dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souples
476
orisée par la souplesse dont fait preuve l’Église
d’
alors quand il s’agit d’adapter des traditions antiques au dogme en fo
477
dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’agit
d’
adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen Âge l’
478
On spécialise les « compétences » des saints, ou
de
leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la pr
479
ent prodigieusement. Alors éclate la protestation
de
la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple de leur vie : mais Chr
480
de la Réforme. Honorons les saints pour l’exemple
de
leur vie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’adresser le
481
sser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre
de
gravité religieux est replacé en Christ. — Comment l’Église catholiqu
482
e là nous juger ? Les catholiques nous reprochent
d’
avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent
483
oliques nous reprochent d’avoir méconnu l’élément
de
grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan
484
se. M. Guisan va très loin dans ses concessions à
de
telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus de forc
485
e telles critiques. Mais c’est pour affirmer avec
d’
autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’a
486
ques. Mais c’est pour affirmer avec d’autant plus
de
force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement
487
ns l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle
de
la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers ordres de
488
protestantisme affirme qu’il existe divers ordres
de
sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas
489
missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas
de
saints protestants, il existe des saints dans le protestantisme. Mais
490
saints dans le protestantisme. Mais il n’est pas
de
fin aux œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limit
491
otestantisme. Mais il n’est pas de fin aux œuvres
de
Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
492
rfaite ne commence qu’aux limites les plus hautes
de
la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister de saint véritable. Il n’y
493
tes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exister
de
saint véritable. Il n’y a pas de saints, mais il faut être parfait. T
494
ne peut exister de saint véritable. Il n’y a pas
de
saints, mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement de Jésus, t
495
mais il faut être parfait. Tel est l’enseignement
de
Jésus, telle est la pensée qu’a voulu restaurer le protestantisme. La
496
manque pour louer comme il conviendrait la clarté
d’
un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrét
497
d’un exposé solidement documenté, et le scrupule
d’
historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de
498
lidement documenté, et le scrupule d’historien et
de
chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse av
499
d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan
de
montrer le point de vue adverse avec autant de compréhension et de sy
500
an de montrer le point de vue adverse avec autant
de
compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses co
501
nt de vue adverse avec autant de compréhension et
de
sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécu
502
danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté
d’
un esprit animé par une foi agissante. c. Rougemont Denis de, « Con
503
nimé par une foi agissante. c. Rougemont Denis
de
, « Conférence Guisan », Suisse libérale, Neuchâtel, 2 février 1926, p
504
ible ou désirable subissent cette rage désespérée
de
course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
505
s, vers autre chose. À certains signes — démences
de
fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
506
gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim
de
violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
507
situdes ou faim de violences — on sent l’approche
de
quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
508
la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur
de
conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
509
uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles
d’
une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
510
lée et ridiculement opportuniste où mène la pente
de
notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
511
jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs
de
l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
512
, quelques autres, sont parmi les plus conscients
de
ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
513
s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons
de
pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
514
pâles opportunistes sans culture qui se chargent
de
gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
515
se chargent de gaver les masses du pain quotidien
de
la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
516
e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise
de
tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
517
velles. Toute la jeune littérature décrit un type
d’
homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
518
nque une certitude foncière, une foi en la valeur
de
l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
519
’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop
d’
importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
520
le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur
de
la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
521
ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise
de
notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
522
a crise de notre civilisation, il y a un problème
de
morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
523
oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace
de
servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
524
des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas
d’
esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
525
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves
de
tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
526
es vagues soulevées par une même tempête. L’unité
de
notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
527
e notre temps est en profondeur : c’est une unité
d’
inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
528
: ils ont construit des édifices très différents
de
style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
529
maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles
de
famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
530
ssent bien les ancêtres des nouvelles générations
de
héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
531
n les ancêtres des nouvelles générations de héros
de
roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
532
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien
d’
étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
533
étonnant : ils ne sont que les projections du moi
de
leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
534
r le créateur. Mais quel est ce besoin si général
de
s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
535
ce besoin si général de s’incarner, dans le héros
de
son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
536
énéral de s’incarner, dans le héros de son roman,
de
se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
537
re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même
de
la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
538
ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules
de
Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
539
pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux
de
Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
540
ue et l’esthétique convergent dans la littérature
d’
aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
541
neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question
de
rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
542
estion de rechercher ici les origines historiques
d’
une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
543
ception qui, de plus en plus, se révèle à la base
de
tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
544
littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un
de
ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
545
de ses derniers articles2. Il rendait responsable
de
tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
546
e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle
de
le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
547
nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain
de
dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
548
ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face
de
la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
549
conséquences. Connaissance intégrale et culture
de
soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
550
le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe
de
toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
551
des combinaisons possibles. Exaltation méthodique
de
nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
552
possibles. Exaltation méthodique de nos facultés
de
plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
553
les dissonances les plus aiguës prennent la place
d’
honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
554
ans des esthétiques construites en hâte à l’usage
de
sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
555
chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût
de
la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
556
lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût
de
soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
557
i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût
d’
une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
558
nous avons un corps, et c’est très beau, Breton,
de
crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
559
vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon,
de
ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
560
plus rien attendre du monde, mais on voudrait que
de
moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
561
attendre du monde, mais on voudrait que de moins
de
gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
562
violence. Une sensualité moins énervée lui permet
de
brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
563
reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir
d’
action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
564
ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré
de
contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
565
, et, déchiré de contradictions, tire du désordre
de
ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
566
sordre de ses certitudes fragmentaires la matière
de
quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
567
che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds
de
l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
568
’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin
d’
une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
569
même désenchantement précoce, sans la brusquerie
de
ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
570
’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point
d’
y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
571
cause secrète des inquiétudes modernes : la perte
d’
une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
572
études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin
de
Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
573
ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre
de
son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
574
lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas
de
peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
575
pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps
de
faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
576
s de faire la critique des méthodes et des façons
de
vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
577
ue des méthodes et des façons de vivre autant que
de
penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
578
nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient
d’
esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
579
tachée à chercher dans le seul moi les fondements
d’
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
580
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur
d’
une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
581
ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés
de
la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
582
à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que
de
favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
583
l’emportent, il est plus facile et plus enivrant
de
se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
584
facile et plus enivrant de se laisser glisser que
de
construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
585
y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
de
détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
586
ela tourne alors en passion de détruire, en haine
de
toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
587
passion de détruire, en haine de toute stabilité,
de
toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
588
Attitude parfaitement folle, mais c’est justement
de
quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
589
la suprême liberté. Le désir se précisait en moi
de
commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
590
i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable
de
tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
591
… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide
de
perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
592
’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès
de
toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
593
ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce
de
sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
594
urellement à repousser avec horreur tout argument
d’
utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
595
ons toute vérité, nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
596
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
597
aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées
d’
un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
598
phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4,
de
Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
599
e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement
d’
une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
600
nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre
de
Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
601
ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons
d’
inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
602
il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude,
de
malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
603
pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises,
de
révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
604
moins complètes au gré des tempéraments. Le geste
de
Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
605
te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
De
l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
606
urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros
de
roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
607
alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie
de
s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
608
ur une folie de s’emballer. La plupart des romans
de
jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
609
me personnage : un être sans foi, à qui une sorte
de
« sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
610
ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit
de
commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
611
l méprise toutes également ; n’attendant rien que
de
ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
612
ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde
de
juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
613
e de juger5. Il y a véritablement une littérature
de
l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
614
re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique
de
notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
615
tique de notre époque. Mais Gide est responsable
d’
une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
616
e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode
de
culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
617
de est responsable d’une autre méthode de culture
de
soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
618
ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «
d’
intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
619
re méthode de culture de soi, « d’intensification
de
la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
620
usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début
de
la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
621
intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect
de
moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
622
la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni
de
mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
623
ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi
d’
après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
624
mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront
de
joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
625
— rien que l’orgueil, sachant une chose si forte,
de
me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
626
chose si forte, de me sentir plus fort encore et
de
la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
627
plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie
d’
une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
628
n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
de
céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
629
’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et
d’
être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
630
vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre
de
sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
631
ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement
de
l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
632
un certain immoralisme comme la seule vertu digne
d’
une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
633
vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit
de
la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
634
it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot
de
paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
635
adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin
de
porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
636
besoin de porter à son excès toute chose, au-delà
de
toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
637
propre intérêt6… » c’est proprement la perversion
d’
une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
638
Je ne vais point nier la fécondité psychologique
d’
une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
639
s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
de
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
640
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir
de
violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
641
tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas
d’
une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
642
tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin
de
sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
643
tigue devient un des éléments les plus importants
de
notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
644
calembours, expression métaphorique et symbolique
de
la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
645
rique et symbolique de la pensée : la littérature
d’
avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
646
a pensée : la littérature d’avant-garde est fille
de
la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
647
grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour
de
fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
648
n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante,
de
Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
649
, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
de
nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
650
de nos psychologues est cet état presque inhumain
de
celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
651
art, la fatigue est un des états les plus riches
de
visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
652
ement nous y perdons graduellement l’intelligence
de
nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
653
nt l’intelligence de nos instincts, la conscience
de
nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
654
de nos limites naturelles, tout ce qui servirait
de
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
655
proportions ; rééduquer les instincts du corps et
de
l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
656
du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale
de
demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
657
de demain sera en réaction complète contre celle
d’
aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
658
sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois,
de
renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
659
fois, de renier l’immense effort pour se libérer
de
l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
660
ntraire profiter des démonstrations par l’absurde
de
quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
661
rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération
de
cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
662
ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient
d’
oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
663
ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas
de
la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
664
pas la culture ; sans autre parti pris que celui
de
vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
665
autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire
de
construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
666
lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres
de
langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
667
dire de construire ; sobres de langage et maîtres
de
leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
668
es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a
de
pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
669
ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a
de
liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
670
umission aux lois naturelles ; et leur effort est
de
retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
671
est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas
de
choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
672
raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni
de
les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
673
es se recueillent encore dans l’attente angoissée
d’
une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
674
ngoissée d’une révélation et dans la connaissance
de
leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
675
ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions
de
l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
676
hent, quand viendra le moment, détourner les yeux
de
leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
677
core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits
de
sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
678
ts de sa nature, ne connaître que les grands mots
de
la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
679
e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode
de
l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
680
r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
de
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
681
tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais
de
Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
682
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas
d’
exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
683
resque tous les jeunes écrivains — se souviennent
de
penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
684
le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus
d’
agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
685
leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière
d’
agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
686
ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept
de
littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
687
3. « Il s’était développé en nous un goût furieux
de
l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
688
t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours
de
René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
689
e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans
de
Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
690
l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain
de
Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
691
’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages
d’
Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
692
de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland,
de
Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
693
; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon,
de
Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
694
nd du romantisme moderne nous empêche secrètement
de
construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
695
moderne nous empêche secrètement de construire et
de
nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
696
n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente
d’
une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
697
iver, et en fait l’on se contente d’une violence,
d’
un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
698
fait l’on se contente d’une violence, d’un vice,
d’
une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
699
leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge
de
la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
700
èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition
d’
homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
701
condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée
de
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
702
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe
d’
hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
703
e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois
de
Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
704
la Rochelle, s’il voulait…) o. Rougemont Denis
de
, « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et la morale
705
t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
706
(avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies
d’
un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
707
tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel
de
Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
708
s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang,
de
la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
709
le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et
de
la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
710
’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire
de
passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
711
Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et
de
crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
712
t de crime, intense et tragique comme un couchant
d’
automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
713
te en brèves notations lyriques suivant le rythme
d’
un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
714
é par les élans alternés ou confondus du désir et
de
la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
715
ondus du désir et de la prière. On sort lentement
d’
une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
716
e même, pour suivre la naissance et l’embrasement
de
la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
717
uivre la naissance et l’embrasement de la passion
de
Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
718
la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement
d’
une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
719
Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles
de
roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
720
sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre
d’
observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
721
me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche
de
passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
722
une signification plus profonde. (Il serait aisé
de
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
723
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes
de
famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
724
a su tirer des complexes de famille freudiens, ou
d’
analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
725
des complexes de famille freudiens, ou d’analyses
de
démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
726
é dans un monde poétique où il paraît inconvenant
d’
introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
727
e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon
de
la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
728
science moderne.) Si nous reconnaissons à la base
de
cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
729
des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
de
la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
730
quelques chapitres inspirés presque littéralement
d’
une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
731
és presque littéralement d’une anecdote italienne
de
Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
732
e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
de
Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
733
ique » et prévue, l’originalité foncière du roman
de
Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
734
énements inconscients. Certaines proses mystiques
de
Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
735
de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes
de
l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Den
736
u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur
de
Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Co
737
les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et
de
Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pier
738
et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 », Bibliothèque un
739
aulina 1880 », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
740
Alix de Watteville, La Folie
de
l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
741
La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste
de
grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
742
qui la guerre a fait perdre le goût des théories
d’
écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
743
re a fait perdre le goût des théories d’écoles et
de
quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
744
principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet
de
conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
745
onventionnels et l’invraisemblance assez piquante
de
ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
746
ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi
d’
une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
747
se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent
de
Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
748
cription du milieu patricien que dans la création
d’
un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
749
ieu patricien que dans la création d’un caractère
de
grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
750
in le vent du large, parmi des gens qui craignent
de
s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alix de Wattev
751
ui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace », Biblio
752
de, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie
de
l’espace », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avr
753
de l’espace », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
754
Conférences
d’
Aubonne (7 avril 1926)d e Pour la première fois cette année, les co
755
our la première fois cette année, les conférences
de
l’Association chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non
756
nnée, les conférences de l’Association chrétienne
d’
étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à
757
ein succès a répondu à cette innovation. Le sujet
de
la première partie des conférences, les Objections des intellectuels
758
psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup
d’
intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religi
759
ation scientifique. C’est donc à la seule volonté
de
choisir. M. le pasteur Bertrand de Lyon, répondit en exposant les exi
760
trand de Lyon, répondit en exposant les exigences
de
l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vig
761
face de la pensée moderne, et fut impressionnant
de
vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la
762
, et fut impressionnant de vigueur dialectique et
de
largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompr
763
pressionnant de vigueur dialectique et de largeur
d’
idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interrompre les discu
764
ovoquées par ces deux travaux. Avec la conférence
de
M. Jean Cadier, un jeune pasteur français, on descendit — ou l’on mon
765
it — ou l’on monta suivant M. A. Léo — du domaine
de
la pensée pure dans celui de l’action. M. Cadier montra le conflit de
766
A. Léo — du domaine de la pensée pure dans celui
de
l’action. M. Cadier montra le conflit de la théologie moderne avec l’
767
ns celui de l’action. M. Cadier montra le conflit
de
la théologie moderne avec l’action religieuse en s’appuyant sur des e
768
yant sur des expériences faites pendant le réveil
de
la Drôme, dont il est l’un des artisans les plus actifs. Pour remplac
769
une causerie émouvante sur l’Évolution religieuse
de
Jacques Rivière, qui se trouva préciser bien des points laissés en su
770
points laissés en suspens dans la première partie
de
la conférence. Puis M. A. Brémond, étudiant en théologie, présenta de
771
nd, étudiant en théologie, présenta deux ouvriers
de
Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les c
772
étudiant en théologie, présenta deux ouvriers de
Paris
, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditi
773
ris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion
de
partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réali
774
ont il a eu l’occasion de partager les conditions
de
vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre d
775
les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un
de
la Réalité prolétarienne, l’autre de la Mentalité prolétarienne. Brém
776
rlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre
de
la Mentalité prolétarienne. Brémond conclut en montrant la nécessité
777
nclut en montrant la nécessité et les difficultés
d’
une action missionnaire dans ces milieux, comme M. Terrisse l’avait fa
778
risse l’avait fait le soir avant pour les milieux
d’
ouvriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions de partis, avec un
779
vriers noirs au Cap. Sans toucher à des questions
de
partis, avec une passion contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffe
780
es questions de partis, avec une passion contenue
d’
hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots
781
nt vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus
de
mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs
782
ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni
d’
utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
783
Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs
de
leur lit de préjugés pour les placer véritablement en face de la « ré
784
émond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit
de
préjugés pour les placer véritablement en face de la « réalité prolét
785
que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus
de
la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un trava
786
dition, et nous n’y arriverons que par un travail
d’
éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pou
787
s écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant
de
cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’a pas conn
788
que. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper
d’
être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis
789
re bien pensant et les Romands recouvrent l’usage
de
la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursui
790
anquier et un philosophe au milieu d’une centaine
d’
étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit
791
hilosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et
de
professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un insta
792
ui nous fit croire un instant à la fameuse devise
de
la Révolution. d. Rougemont Denis de, « Conférences d’Aubonne », S
793
se devise de la Révolution. d. Rougemont Denis
de
, « Conférences d’Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926,
794
volution. d. Rougemont Denis de, « Conférences
d’
Aubonne », Suisse libérale, Neuchâtel, 7 avril 1926, p. 2. e. Signé :
795
ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet
de
bâiller en public. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de, «
796
blic. On connaît le danger… r. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Wilfred Chopard, Spicilège ironique », Bibliothèqu
797
ge ironique », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
798
ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit
de
la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
799
ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte
de
Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
800
ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante
de
toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
801
r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin
de
la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
802
ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups
d’
exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
803
cidents et le style volontairement sec permettent
de
suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
804
e développement un peu théorique mais intelligent
d’
un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
805
premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier
d’
avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
806
sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points
d’
exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
807
un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Cécile-Claire Rivier, L’Athée », Bibliothèque univ
808
er, L’Athée », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
809
Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur
de
son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
810
i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits
de
critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
811
meilleur de son œuvre : ses récits de critique et
d’
esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
812
d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte
de
Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
813
Académie. Disons pour aller vite que sa recherche
de
l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
814
echerche de l’ordre révèle simplement une volonté
de
construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
815
r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur
de
Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
816
ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse
de
beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
817
hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites
de
cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
818
de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens
de
vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
819
’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer
de
pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
820
s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est
de
se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
821
urs que les miracles les plus étonnants sont ceux
de
la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
822
et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté
de
son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
823
. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et
de
l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
824
nture, en musique. Suppression du clair-obscur et
de
la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
825
t sur une machine luisante et tournante. L’esprit
de
Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
826
nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable
de
précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
827
t de Cocteau est une arme admirable de précision,
d’
élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
828
e admirable de précision, d’élégance mécanique et
de
rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
829
charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs
de
cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. Rougemo
830
parfum, ne se faneront pas. t. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à l’ordre », Bibliothèque uni
831
l à l’ordre », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
832
émoignages ne manquent pas sur la détresse morale
de
la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
833
, « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge
de
l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
834
ansposition romanesque le trouble caractéristique
de
sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
835
e caractéristique de sa génération. Terrible aveu
d’
impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
836
ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
de
l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
837
ec une intelligence dont la triste profession est
de
détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
838
l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse
de
sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
839
isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion
de
tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
840
parvenue au point où elle « ne semble avoir rien
d’
autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
841
Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage
de
contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
842
implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage
de
prier… u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon co
843
ait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi », Bibliothèque univ
844
orps et moi », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
845
L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)f Cette conférence s’ouvrit par
846
du diable et se termina sous le plus beau soleil
de
printemps. Libre à qui veut d’y voir un symbole. On ne saurait exagér
847
e plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut
d’
y voir un symbole. On ne saurait exagérer l’importance des conditions
848
portance des conditions météorologiques du succès
d’
une telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tomb
849
à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère »
de
s’établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esp
850
acle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit
d’
Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’il y a de plus protestant — mais
851
uire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit
de
liberté, tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la lib
852
. Mais précisons : c’est bien plus que la liberté
de
défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’
853
erté de défendre sa petite hérésie personnelle et
de
s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche.
854
e hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens
d’
autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’on ne
855
convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés
de
Janson, de Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas m
856
qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson,
de
Brémond, j’en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal de préju
857
en sais plusieurs qui ont ainsi « lâché » pas mal
de
préjugés en matières sociales. Mais ce qui est peut-être plus importa
858
on eut l’impression, durant les discussions entre
de
Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les ob
859
soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires
d’
un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arri
860
ous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir
d’
arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le
861
loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose
de
définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion
862
arriver à quelque chose de définitif à la fois et
d’
intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude de
863
e mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude
de
Maury sur Jacques Rivière : combien reconnurent dans le tourment de c
864
es Rivière : combien reconnurent dans le tourment
de
cette âme leur propre recherche, — et dans ses lumineuses conquêtes s
865
réponses désirées. Tout cela, c’est l’atmosphère
de
la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la
866
vaux et méditations. Dehors, on honore la liberté
d’
un culte moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’on ne pe
867
on ne peut juger les Associations qu’à leur façon
de
jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelques nuits la vis
868
o offrit pendant quelques nuits la vision étrange
d’
une salle où les spectateurs étendus en pyjamas sur des paillasses att
869
sur des paillasses attendraient en vain le lever
d’
un rideau sur une pièce inexistante. Enfin le dernier soir, l’on vit a
870
Henriod debout sur un tronc coupé n’eut pas trop
de
toute sa souplesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de s
871
sse pour maintenir l’équilibre des discussions et
de
sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pen
872
Abauzit chanta « les Crapauds » avec âme, appuyé
d’
une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air de
873
apauds » avec âme, appuyé d’une main sur l’épaule
de
Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Apr
874
âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et
de
l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Richar
875
attendu pour le manifester ! — et qu’il suffisait
de
souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je
876
! — et qu’il suffisait de souscrire à la brochure
de
la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelq
877
re : f 2.50, nom et adresse. f. Rougemont Denis
de
, « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelle
878
adresse. f. Rougemont Denis de, « L’atmosphère
d’
Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association
879
onne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles
de
l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 4
880
ta : nouvelles de l’Association chrétienne suisse
d’
étudiants, Lausanne, mai 1926, p. 44-45.
881
us disons adieu aux charmes troubles et inhumains
de
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
882
mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit
de
créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
883
or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène
de
force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
884
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée
de
l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
885
menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit
de
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
886
lle use et conduit lentement l’usure des milliers
d’
êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
887
Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles
de
travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
888
us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou
de
repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
889
de repos, ni dans son plan ni dans le détail des
rues
. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant
890
i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème
de
l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
891
sement des préoccupations esthétiques et sociales
d’
aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
892
et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise
de
notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
893
faut mieux que des dictateurs : des Architectes,
de
l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
894
des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et
de
la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
895
rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré
de
lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
896
nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles
de
Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
897
e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées
de
lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
898
des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est
d’
une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
899
On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé
d’
avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
900
ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même
de
tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
901
thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant
d’
aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
902
aucun doute un des livres les plus représentatifs
de
l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
903
un des livres les plus représentatifs de l’époque
de
Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
904
monde comme un ossuaire est couvert des détritus
d’
époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
905
rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre
de
notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
906
e cadre de notre existence… construire les villes
de
notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
907
les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan
d’
une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
908
n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries
de
verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
909
lle contemporaine ». Pures géométries de verre et
de
ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
910
mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel
de
la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
911
tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour
d’
un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
912
e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence
de
l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
913
s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs
de
la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
914
umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers
de
résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
915
es jardins suspendus à tous les étages soulignent
de
verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
916
ées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants des
rues
immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne
917
s, et minces en regard de leur hauteur, entourant
de
leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
918
urant de leurs multiples « redents » des terrains
de
jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
919
e organisé par l’Architecture avec les ressources
de
la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
920
vec les ressources de la plastique qui est le jeu
de
formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
921
jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation
d’
un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
922
rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve
de
joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
923
a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et
de
raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
924
Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où
de
grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
925
tériels formidables des ensembles soumis aux lois
de
l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
926
bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et
de
la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
927
archique. Tirer des lignes droites, est le propre
de
l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
928
es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes
de
révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
929
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
de
ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
930
ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène
de
haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
931
scurément à cette parfaite expression du triomphe
de
l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
932
era la passion du siècle ». v. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Le Corbusier, Urbanisme », Bibliothèque universell
933
, Urbanisme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
934
(mai 1926)g Écrire, pas plus que vivre, n’est
de
nos jours un art d’agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-
935
re, pas plus que vivre, n’est de nos jours un art
d’
agrément. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si crainti
936
s-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux
de
ne pas nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvre
937
que nos œuvres, si elles furent faites à l’image
de
notre esprit, le lui rendent bien dans la suite ; c’est peut-être pou
938
t-être pourquoi nous accordons voix dans le débat
d’
écrire, aux forces les plus secrètes de notre être comme aux calculs l
939
s le débat d’écrire, aux forces les plus secrètes
de
notre être comme aux calculs les plus rusés. Nous choisissons les idé
940
ées comme on choisit un amour dont on est anxieux
de
prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressort
941
’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint
de
ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurémen
942
dont on craint de ressortir trop différent. Amour
de
soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de
943
oi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède
de
craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’obje
944
urmente obscurément et nous obsède de craintes et
de
réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de perd
945
ont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur
de
perdre le fil de la conscience de soi, peur de subir l’empreinte impr
946
enons pas toujours l’objet. Peur de perdre le fil
de
la conscience de soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des chos
947
s l’objet. Peur de perdre le fil de la conscience
de
soi, peur de subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi…
948
ur de perdre le fil de la conscience de soi, peur
de
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour de soi… Mais moi, qu
949
subir l’empreinte imprévisible des choses. Amour
de
soi… Mais moi, qui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame de
950
ui suis-je ? Par ces trois mots commence le drame
de
toute vie. Ha ! Qui je suis ? Mais je le sens très bien ! je sens trè
951
’autres désirs contradictoires ; au gré du temps,
d’
un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges vien
952
contradictoires ; au gré du temps, d’un sourire,
d’
un sommeil, tant de bonheurs ou de dégoûts étranges viennent m’habiter
953
, d’un sourire, d’un sommeil, tant de bonheurs ou
de
dégoûts étranges viennent m’habiter ; je ne sais plus… Je suis beauco
954
où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu
de
sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une
955
rendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement
d’
une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’une fatigue profonde ;
956
je devins si faible et démuni, livré aux regards
d’
une foule absurde, bienveillante, repue, — tous paraissaient détenir u
957
les, si cruellement présentes et dures ? La cause
de
cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que j
958
référais me leurrer à combattre des imperfections
de
détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes q
959
trouble que je me refusai pourtant à nommer peur
de
rire. Cette amertume au fond de tous les plaisirs, cette envie de rir
960
ant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond
de
tous les plaisirs, cette envie de rire quand il m’arrivait un ennui,
961
mertume au fond de tous les plaisirs, cette envie
de
rire quand il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir de mes vi
962
il m’arrivait un ennui, cette incapacité à jouir
de
mes victoires, à pleurer sur mes déboires, ce malaise seul liait les
963
découvrais, dans tout mon être une force aveugle
de
violence s’était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où
964
organisaient brusquement les éléments désaccordés
de
ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un
965
dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus
de
l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui
966
t tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi
de
trop grand pour ma vie — toute ma joie ! » Ce n’était plus une doule
967
r ? dans quel sens ? Provisoirement j’étais sauvé
d’
un désordre où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas
968
e où l’on glisse vers la mort. L’important, c’est
de
ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques
969
problèmes dont je sais qu’il est absolument vain
de
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’
970
prétendre les résoudre, mais que je dois feindre
d’
avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème de Dieu, à la b
971
résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Problème
de
Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début d’une recherche
972
vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde
de
m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre m
973
, à la base. J’aurai garde de m’y perdre au début
d’
une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre plein
974
erdre au début d’une recherche qui n’a que ce but
de
me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’arrête parfo
975
a consiste à retrouver l’instinct le plus profond
de
l’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les
976
eul qu’ils sont naturels : la nature est un champ
de
luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’
977
sont naturels : la nature est un champ de luttes,
de
tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un méla
978
la construction ; c’est un mélange à doses égales
de
mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, pui
979
tion ; c’est un mélange à doses égales de mort et
de
vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est
980
ales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence
de
faire primer la vie, puisque n’est pas encore parfait cet instinct qu
981
rfait cet instinct qui est la Vertu. Ma vertu est
de
chercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ; de ren
982
la Vertu. Ma vertu est de chercher cette Vertu ;
de
me replacer dans le sens de ma vie ; de rendre toutes mes forces comp
983
hercher cette Vertu ; de me replacer dans le sens
de
ma vie ; de rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord
984
e Vertu ; de me replacer dans le sens de ma vie ;
de
rendre toutes mes forces complices de mon destin. D’abord donc, chois
985
de ma vie ; de rendre toutes mes forces complices
de
mon destin. D’abord donc, choisir Mes instincts, ensuite, les éduquer
986
éduquer, selon des lois établies par le concours
de
l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le
987
lois établies par le concours de l’expérience et
d’
un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la consc
988
par le concours de l’expérience et d’un sentiment
de
convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes li
989
en quoi se composent le plaisir et la conscience
de
Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouver ces limites :
990
la vie moderne, mécanique, nous les fait oublier,
d’
où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfecti
991
fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement
de
l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les dire
992
ermet que des associations suivant les directions
de
moindre résistance. Mais je ne m’emprisonnerai pas dans ces limites.
993
mprisonnerai pas dans ces limites. Ma liberté est
de
les porter plus loin sans cesse, de battre mes propres records. De ce
994
a liberté est de les porter plus loin sans cesse,
de
battre mes propres records. De ce lent effort naît une modestie que j
995
s loin sans cesse, de battre mes propres records.
De
ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de conn
996
ie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et
de
cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de m
997
ueillis un peu de connaître ; et de cette volonté
d’
un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis de ma sincérité. La s
998
une faiblesse en la nommant ; or je ne veux plus
de
faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en sui
999
t, comme elle veut une conscience. Je fais partie
d’
un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’
1000
ial et dans la mesure où j’en dépends, je me dois
de
m’employer à sa sauvegarde ou à sa transformation. Mais il y faut une
1001
ur une doctrine possible, sur une systématisation
de
mes petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment d’être dans un d
1002
petites certitudes5, j’éprouve vite le sentiment
d’
être dans un débat étranger à ce véritable débat de ma vie : comment s
1003
’être dans un débat étranger à ce véritable débat
de
ma vie : comment surmonter un malaise sans cesse renaissant, comment
1004
lois du monde, et comment augmenter ma puissance
de
jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite s
1005
uissance de jouir, en même temps que ma puissance
d’
agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par écl
1006
puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond
de
néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète espérance m’empo
1007
. Mais comme un écho profond, une attirance aussi
d’
anciennes folies… Combat, oscillations silencieuses dans ma demi-consc
1008
, lueurs éteintes dans une nuit froide. Les notes
d’
un chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’
1009
chant qui voudrait s’élever. Puis enfin la marée
de
mes désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emporten
1010
ennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent
d’
un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens, j’écoute le vent ;
1011
ont. Une fois écrites elles prennent un caractère
de
certitude qu’elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sinc
1012
une dérision complète. Je m’étonne qu’après tant
d’
expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un sys
1013
’expériences ratées on puisse encore se persuader
de
la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai,
1014
ratées on puisse encore se persuader de la vérité
d’
un système, hors la religion. Un système n’est pas vrai, il est utile.
1015
itimes chez d’autres, même celles que je juge bon
d’
éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement norm
1016
d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer
de
moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal » de vie
1017
on équilibre, ou plutôt, son « mouvement normal »
de
vie. g. Rougemont Denis de, « Confession tendancieuse », Les Cahier
1018
« mouvement normal » de vie. g. Rougemont Denis
de
, « Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois, Paris, juin 1926,
1019
« Confession tendancieuse », Les Cahiers du mois,
Paris
, juin 1926, p. 144-148.
1020
ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré
de
dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
1021
ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil
d’
essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
1022
a donné la première œuvre importante du mouvement
de
construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
1023
œuvre importante du mouvement de construction et
de
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
1024
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
d’
aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer «
1025
qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas
d’
étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
1026
ification historique ou technique, mais tâcherait
d’
épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
1027
ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis
de
les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
1028
e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit
de
cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
1029
ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas
d’
un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
1030
non vers le passé catholique ; mais tenant compte
de
leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
1031
compte de leur effort, il puise dans l’échec même
de
leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
1032
dans l’échec même de leurs analyses les éléments
de
sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
1033
ur œuvre, comme une découverte couronne une série
d’
expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
1034
ne une série d’expériences négatives. La critique
de
ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
1035
it temps que l’on dénonce la confusion romantique
de
l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
1036
iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre
de
Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
1037
confusion. Mais s’il est bien établi que les lois
de
la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
1038
la vie sont essentiellement différentes des lois
de
l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
1039
phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin
d’
admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
1040
thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente
de
prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
1041
r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen
de
connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
1042
quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières
de
se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
1043
ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière
de
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
1044
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion
de
ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
1045
de ces thèses subtiles, d’autant que la position
de
l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
1046
peut se demander s’il nie vraiment l’interaction
de
la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
1047
nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et
de
l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
1048
tement par opposition à la conception proustienne
de
la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
1049
ption proustienne de la personnalité — « mosaïque
de
sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
1050
s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie
de
la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
1051
« garantie des sentiments », où l’on est en droit
de
voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
1052
ntiments », où l’on est en droit de voir le germe
d’
un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
1053
se fonderait solidement sur les données modernes
de
la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
1054
ent sur les données modernes de la psychologie et
de
la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
1055
philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir
d’
analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
1056
d’analyse — une analyse qui retient les éléments
de
la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
1057
point si dangereux, il nous propose l’expérience
d’
un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
1058
us propose l’expérience d’un Newman, les exemples
d’
un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
1059
rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et
d’
un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
1060
d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train
de
l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
1061
ont su « penser dans le train de l’action, faire
de
la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
1062
du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile
d’
adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
1063
tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant
de
pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
1064
xpression trop technique ou obscure, une richesse
d’
idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
1065
et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut
de
forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
1066
être inhérent, dans une certaine mesure, au genre
de
critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
1067
sienne, en effet, où l’on court le double risque
de
paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
1068
n’empêche que son livre manifeste une belle unité
de
pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
1069
et qu’il propose quelques directions très nettes
de
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
1070
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports
de
Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
1071
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques
de
Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
1072
ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages
de
Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
1073
ont les premières contributions à l’établissement
d’
une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, «
1074
aptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Ramon Fernandez, Messages », Bibliothèque universe
1075
z, Messages », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
1076
Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe
de
violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux a
1077
me tirant hors de ce « long songe de violence et
de
volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’il f
1078
des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu
de
ce livre, qu’on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’aute
1079
e ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats
de
taureaux du jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome de ses m
1080
jeune Montherlant est en réalité un nouveau tome
de
ses mémoires lyriques. Une œuvre d’une seule coulée, presque sans int
1081
nouveau tome de ses mémoires lyriques. Une œuvre
d’
une seule coulée, presque sans intrigue, sans cette orchestration de t
1082
, presque sans intrigue, sans cette orchestration
de
thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
1083
de thèmes qui faisait la richesse du Songe, mais
d’
une ligne plus ferme, d’une unité plus pure aussi. Le sujet était péri
1084
a richesse du Songe, mais d’une ligne plus ferme,
d’
une unité plus pure aussi. Le sujet était périlleux : si particulier,
1085
périlleux : si particulier, il prêtait à des abus
de
pittoresque, de couleur locale, de détails techniques ou de fastidieu
1086
articulier, il prêtait à des abus de pittoresque,
de
couleur locale, de détails techniques ou de fastidieuses explications
1087
ait à des abus de pittoresque, de couleur locale,
de
détails techniques ou de fastidieuses explications nécessaires, défau
1088
sque, de couleur locale, de détails techniques ou
de
fastidieuses explications nécessaires, défauts auxquels Montherlant n
1089
e dans l’allure puissante à la fois et désinvolte
de
son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à propos des premier
1090
is et désinvolte de son récit. On a souvent parlé
d’
excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette
1091
sinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès
de
lyrisme à propos des premiers ouvrages de Montherlant. Cette fois-ci,
1092
d’excès de lyrisme à propos des premiers ouvrages
de
Montherlant. Cette fois-ci, on le traite de naturaliste. Mais comment
1093
rages de Montherlant. Cette fois-ci, on le traite
de
naturaliste. Mais comment montrer des taureaux sans que cela sente un
1094
ue cela sente un peu l’étable ? L’étonnant, c’est
de
voir à quel point Montherlant reste poète jusque dans la description
1095
poète jusque dans la description la plus réaliste
de
la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il
1096
t poète qu’il peut atteindre à pareille intensité
de
réalisme. Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui do
1097
ntensité de réalisme. Une perpétuelle palpitation
de
vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblé
1098
ers « comme un chant mystérieux entendu au-dessus
de
la mer », il y a toujours dans un coin du tableau des ruades, des che
1099
ent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes
de
désir ». Une intelligence si profonde de la vie animale suppose entre
1100
es bêtes de désir ». Une intelligence si profonde
de
la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Mon
1101
e à plusieurs reprises. C’est « par la divination
de
cet amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête
1102
raiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont
d’
immenses amants »6. Mais envers les taureaux cet amour tourne en adora
1103
reflet bleu clair, soudain inquiètes à l’approche
de
l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne
1104
sage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein
de
simple grandeur. Voici la mort du taureau dit « le Mauvais Ange » :
1105
ureau dit « le Mauvais Ange » : La bête chancela
de
l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accom
1106
e » : La bête chancela de l’arrière-train, tenta
de
se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quel
1107
ement les articulations grinçaient, avec le bruit
d’
un câble de navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase
1108
rticulations grinçaient, avec le bruit d’un câble
de
navire qu’on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
1109
sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime
de
son spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, ell
1110
à la cime de son spasme, comme l’homme à la cime
de
son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s
1111
t ses jeux, et les génisses, et la chère plaine.
De
tels passages qui abondent dans les Bestiaires font pardonner bien d’
1112
les Bestiaires font pardonner bien d’autres pages
de
vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
1113
de vrais délires taurologiques. Quand le lyrisme
de
Montherlant décolle de la réalité, c’est tout de suite une orgie d’év
1114
logiques. Quand le lyrisme de Montherlant décolle
de
la réalité, c’est tout de suite une orgie d’évocations antiques, de r
1115
olle de la réalité, c’est tout de suite une orgie
d’
évocations antiques, de rapprochements superstitieux, de grands symbol
1116
st tout de suite une orgie d’évocations antiques,
de
rapprochements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se p
1117
ations antiques, de rapprochements superstitieux,
de
grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant,
1118
x et Alban confondent leurs génies dans une sorte
de
cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce pa
1119
nfondent leurs génies dans une sorte de cauchemar
de
soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalt
1120
s génies dans une sorte de cauchemar de soleil et
de
sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
1121
e soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut
de
ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices sanglants.
1122
r ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout ivre
de
la fumée des sacrifices sanglants. Pour ma part, je le trouve assez p
1123
uve assez peu humain et comme obsédé par une idée
de
violence tonique certes, mais décidément un peu pauvre pour fonder un
1124
une religion. Mais ce n’est peut-être qu’un rêve
de
poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’e
1125
plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste
de
grande race, qui peut nous mener à des hauteurs où devient naturel ce
1126
us mener à des hauteurs où devient naturel ce cri
de
sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que ce
1127
de sagesse orgueilleuse : « Qu’avons-nous besoin
d’
un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de n
1128
ue celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible
de
ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie
1129
e de ne voir dans les Bestiaires qu’une évocation
de
l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu
1130
xion des phrases, ce qui s’élève en fin de compte
de
tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un t
1131
qui s’élève en fin de compte de tous ces tableaux
de
violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inver
1132
fin de compte de tous ces tableaux de violence et
de
passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d’au
1133
eaux de violence et de passion, c’est la présence
d’
un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’analysent sans fin,
1134
, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse
de
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant
1135
tant d’autres qui s’analysent sans fin, avant que
d’
être, Montherlant impose un tempérament lyrique d’une puissance contag
1136
d’être, Montherlant impose un tempérament lyrique
d’
une puissance contagieuse. Il y a là de quoi faire oublier des défauts
1137
nt lyrique d’une puissance contagieuse. Il y a là
de
quoi faire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Cert
1138
ne soulève directement aucun des grands problèmes
de
l’heure. La violence même qui sourd dans son être intime l’en empêche
1139
n être intime l’en empêche, le préserve des états
d’
incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit,
1140
problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant
de
son désaccord avec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Al
1141
vec la vie. Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il
d’
Alban — (de lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou e
1142
Ni métaphysicien, ni logicien, dit-il d’Alban — (
de
lui-même) — il n’« accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, qu
1143
ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée
de
la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la g
1144
es soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met
de
la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les chos
1145
’ai pas dit les choses sentimentales. Le tragique
de
la vie ne lui échappe pas. Il en parle, il le chante avec pathétique.
1146
ttitude agace des gens qui se soucient avant tout
de
trouver des réponses de l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes p
1147
ui se soucient avant tout de trouver des réponses
de
l’intelligence ou de la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes s
1148
tout de trouver des réponses de l’intelligence ou
de
la foi aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées de Dieu. Mont
1149
telligence ou de la foi aux inquiétudes profondes
de
leurs âmes séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là
1150
aux inquiétudes profondes de leurs âmes séparées
de
Dieu. Montherlant est aux antipodes de ceux-là « qui cherchent en gém
1151
s séparées de Dieu. Montherlant est aux antipodes
de
ceux-là « qui cherchent en gémissant ». Mais cette personnalité dont
1152
insolence les forces créatrices, ne vaut-elle pas
d’
être élevée en témoignage pour notre exaltation ? Comme la vue des ath
1153
vie ardente qui peut entraîner l’âme dans un élan
de
grandeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de
1154
r. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que
d’
oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il p
1155
e point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier
de
vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant
1156
ion aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force
d’
y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’abandonner parf
1157
s obscures qui nous replacent dans l’intelligence
de
l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemmen
1158
plus âpre et violemment contractée, par la grâce
de
l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages v
1159
la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux
de
noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’inst
1160
’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que
de
tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Bergs
1161
de tels passages viennent à l’appui de la théorie
de
l’instinct de Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique
1162
es viennent à l’appui de la théorie de l’instinct
de
Bergson. Bergson suppose aussi entre le sphex qui pique une chenille
1163
du dedans, pour ainsi dire, sur la vulnérabilité
de
la chenille. » (Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place de
1164
Évolution créatrice, p. 188) Je n’ai pas la place
de
citer ici plusieurs autres passages qui préciseraient ce parallélisme
1165
e du poète et du philosophe. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires », La Semaine
1166
Il y a dans le monde intellectuel une « Question
d’
Orient » dont on ne peut plus méconnaître l’urgence. Des prophètes — h
1167
occidental », et, au-dessus des ruines prochaines
de
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage d’un Orient paradisi
1168
nos cités mécaniciennes, ils rallument le mirage
d’
un Orient paradisiaque d’où nous viendraient une fois de plus la sages
1169
ils rallument le mirage d’un Orient paradisiaque
d’
où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De réce
1170
raient une fois de plus la sagesse et la lumière.
De
récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fo
1171
pourtant subsistent encore. Or, le nouveau livre
de
M. de Traz1, par les précisions importantes qu’il apporte sur les rap
1172
isions importantes qu’il apporte sur les rapports
de
l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus
1173
tes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et
de
l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de ces
1174
paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces
de
ces confusions. M. de Traz a visité l’Égypte, ses habitants, ses tomb
1175
secret dernier des choses, lucide, avec une sorte
d’
acharnement, comme seul il sait l’être aujourd’hui sans que cela nuise
1176
aujourd’hui sans que cela nuise en rien à un don
de
sympathie qui est parfois la plus subtile de ses ruses de psychologue
1177
don de sympathie qui est parfois la plus subtile
de
ses ruses de psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapi
1178
thie qui est parfois la plus subtile de ses ruses
de
psychologue. C’est parce que son livre, aux petits chapitres à la foi
1179
à la fois si concis et achevés, n’est ni un album
de
vues pittoresques, ni le journal plus ou moins lyrique auquel nous on
1180
habitués les voyageurs en Orient, mais une suite
de
coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu
1181
ne suite de coups d’œil aigus sur l’âme orientale
de
l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois —
1182
ante — si passionné. Nul n’est moins oriental que
de
Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne
1183
ne nous renseignent pas sur une partie orientale
de
lui-même, comme c’est si souvent le cas, mais bien sur l’Orient. Enco
1184
l’Orient sont les œuvres des Orientaux. L’intérêt
d’
un livre comme celui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que
1185
on des deux mondes que dans la peinture elle-même
de
l’Orient. Tandis que s’accumulent les traits qui composent le portrai
1186
mulent les traits qui composent le portrait moral
de
l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et
1187
composent le portrait moral de l’Oriental, celui
de
l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’
1188
précise dans la même mesure, — et aussi la figure
de
l’auteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’entre individ
1189
aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère
de
comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu euro
1190
araison valable qu’entre individus, et comme type
d’
individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même
1191
ce irréductible pour le vrai ». Ce qui lui permet
de
voir profond dans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil de l’
1192
met de voir profond dans cet islam qu’il qualifie
de
« religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis
1193
ans cet islam qu’il qualifie de « religion du fil
de
l’eau », ou de « prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du c
1194
u’il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou
de
« prodigieux stupéfiant », tandis que « l’attrait du christianisme es
1195
r âme en veilleuse, dit-il des rêveurs orientaux.
De
leur immense paresse, jusqu’à leur mysticisme, partout c’est une démi
1196
une démission qu’ils désirent. Du difficile oubli
de
soi-même nous avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en
1197
e la fidélité. » Ses remarques sur la psychologie
de
l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatati
1198
on fondamentale que « notre intelligence et celle
de
l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment collaborer,
1199
se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions
de
M. de Traz — si tant est qu’on peut conclure en une matière si comple
1200
à attendre des musulmans, c’est que le spectacle
de
leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre. » La place me m
1201
voulu le faire des deux autres parties du volume,
d’
une importance moins actuelle, mais d’une qualité d’art peut-être supé
1202
du volume, d’une importance moins actuelle, mais
d’
une qualité d’art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines
1203
une importance moins actuelle, mais d’une qualité
d’
art peut-être supérieure. Les méditations sur les ruines de la Haute-É
1204
t-être supérieure. Les méditations sur les ruines
de
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe de l’histoire aux v
1205
ons sur les ruines de la Haute-Égypte révèlent en
de
Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réaliste
1206
la Haute-Égypte révèlent en de Traz un philosophe
de
l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hard
1207
s et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies —
de
la hardiesse de ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun —
1208
alistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse
de
ce bon sens qui est le plus éloigné du sens commun — mais qui reste t
1209
igné du sens commun — mais qui reste trop méfiant
de
tout romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par u
1210
: le christianisme n’est-il pas le plus beau don
de
l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages d’un accent très noble et c
1211
don de l’Orient à l’Europe ? Il y a là des pages
d’
un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertu
1212
’un accent très noble et courageux mêlé, parfois,
d’
une certaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
1213
rageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où
de
Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue qu
1214
e, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’impose
d’
ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de
1215
’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence
de
la mort qu’il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religi
1216
aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prince
de
la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque cons
1217
eurs, que l’attitude presque constamment critique
de
M. de Traz diminue l’intérêt vivant de son livre : cette impartialité
1218
t critique de M. de Traz diminue l’intérêt vivant
de
son livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face
1219
son livre : cette impartialité même, cette façon
de
se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre
1220
lité peut-être mieux que ne le feraient une suite
de
pages lyriques toujours un peu stylisées. Il apparaît, ici, comme le
1221
me le type du voyageur intelligent, qui n’accepte
d’
être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses orig
1222
arder dans ses dépaysements un point de vue fixe,
d’
où comparer et, parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le
1223
t à la légende le vrai, même amer, non par défaut
d’
un sens artistique dont plusieurs de ses morceaux attestent la délicat
1224
on par défaut d’un sens artistique dont plusieurs
de
ses morceaux attestent la délicatesse, mais parce qu’il sait y trouve
1225
parce qu’il sait y trouver les seuls motifs réels
d’
exaltation. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset, Paris. a. R
1226
ion. 1. Le Dépaysement oriental, chez Grasset,
Paris
. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépayse
1227
iental, chez Grasset, Paris. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Robert de Traz, Le Dépaysement oriental », Journal
1228
bert de Traz, Le Dépaysement oriental », Journal
de
Genève, Genève, 16 juillet 1926, p. 1.
1229
ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires
de
Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
1230
ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait
de
Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
1231
vre vaut par son allure plus que par des qualités
de
composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
1232
llure plus que par des qualités de composition ou
de
perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
1233
tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
de
ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
1234
fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits
d’
énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
1235
lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou
de
savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
1236
les subites violences, qui composent la séduction
de
cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
1237
lences, qui composent la séduction de cet « homme
de
la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
1238
ques descriptions des prairies espagnoles pleines
de
simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
1239
t longue fidélité aux taureaux braves et simplets
d’
esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
1240
sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées
de
haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
1241
des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires », Bibliothèq
1242
Bestiaires », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
1243
Soir
de
Florence (13 novembre 1926)i Des cris mouraient vers les berges du
1244
e la ville présente au couchant, dans ce corridor
de
lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus se
1245
crète. Vers l’est, des collines fluides et roses.
De
l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les l
1246
reposante. Cette imparfaite accoutumance au monde
de
sensations inconnues où nous étions baignés nous promettait pourtant
1247
promettait pourtant une connaissance plus intime
de
certaine tristesse. Seule une maison blanche est arrêtée tout près de
1248
est arrêtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas
d’
elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depui
1249
ui nous accompagne depuis un moment sur le chemin
de
l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant d’un char tiré par des
1250
de l’autre rive. Il y a un homme debout à l’avant
d’
un char tiré par des bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais d
1251
s bœufs blancs. Comme une apparition. (Tu parlais
de
chromos, de romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange
1252
cs. Comme une apparition. (Tu parlais de chromos,
de
romantisme… nous voici dans une réalité bien plus étrange.) Une atmos
1253
ns une réalité bien plus étrange.) Une atmosphère
de
triste volupté emplit notre monde à ce chant. L’odeur du fleuve est s
1254
dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a
d’
autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi
1255
luent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui
de
l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. Sans pensé
1256
insi simplement. Sans pensée, perdus dans un soir
de
n’importe où, un soir de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
1257
sée, perdus dans un soir de n’importe où, un soir
de
la Nature… L’homme chante une plainte inouïe de pureté. Deux phrases
1258
r de la Nature… L’homme chante une plainte inouïe
de
pureté. Deux phrases rapides ondulent dans l’air lourd. Le chant desc
1259
ennent au ras du fleuve sombre. Nul désir en nous
de
comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’impose à nos pens
1260
impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus
de
sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’odeurs, formes mouvantes, remous
1261
rait sacrilège, comme une barre droite au travers
d’
un tableau. Nos yeux ont regardé longtemps — où va l’âme durant ces mi
1262
s sèches… Puis la brume est venue comme une envie
de
sommeil. Une lampe dans la maison blanche nous a révélé proche la nui
1263
Nous nous sommes retournés vers la ville. Fleurs
de
lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfa
1264
Fleurs de lumières sur les champs sombres du ciel
de
l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato
1265
ent des ombres informes et des harmonies troubles
de
parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétra
1266
informes et des harmonies troubles de parfums et
de
courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme cette
1267
ds et faibles, caressant en nous la lâche volupté
de
sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’ode
1268
et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade
de
fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse d’être pliée au vent
1269
s un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil
de
plante vaguement heureuse d’être pliée au vent qui ne parle jamais. N
1270
e fleuve, un sommeil de plante vaguement heureuse
d’
être pliée au vent qui ne parle jamais. Nous fûmes si près de choir da
1271
ui nous enivrait, promettant à nos sens, fatigués
de
l’esprit qui les exerce, des voluptés plus faciles — pour infuser dan
1272
lus faciles — pour infuser dans nos corps charmés
d’
un repos sans rêves une langueur dont on ne voudrait plus guérir… Mais
1273
rbes qu’épousent nos ferveurs, angles purs, repos
de
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade éle
1274
l’esprit qui s’appuie sur son œuvre ! La sérénité
de
cette façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe d’un équilibre
1275
façade élevée lumineuse sur le ciel fut le signe
d’
un équilibre retrouvé. Un grand pont de fer, près de nous, érigeait l’
1276
t le signe d’un équilibre retrouvé. Un grand pont
de
fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaine
1277
grand pont de fer, près de nous, érigeait l’image
de
la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui
1278
sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs
de
villes d’usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il étai
1279
oups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes
d’
usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y
1280
t la vie des hommes pour demain, et il était beau
d’
y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des rues. L
1281
eu avant de nous abandonner à l’oubli luxueux des
rues
. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, p
1282
es formes devinées dans l’espace nous environnent
d’
une obscure confiance. Livrons-nous aux jeux des hommes-qui-font-des-g
1283
tes. Les autos répètent sans fin les notes mêlées
d’
une symphonie qui va peut-être composer tous les bruits de la ville en
1284
mphonie qui va peut-être composer tous les bruits
de
la ville en un chant immense. Il passe une possibilité de bonheur par
1285
lle en un chant immense. Il passe une possibilité
de
bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire.
1286
rabesque des sentiments et le mouvement perpétuel
de
l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de force
1287
nts et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir
de
se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit
1288
mour. Plaisir de se sentir engagé dans un système
d’
ondes de forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, poli
1289
aisir de se sentir engagé dans un système d’ondes
de
forces qui tisse la nuit vibrante, intérêts, politesses, politiques,
1290
des musées ! — et si tu veux soudain le son grave
de
l’infini, pour être seul parmi la foule, lève les yeux, au plus beau
1291
au plus beau ciel du monde. i. Rougemont Denis
de
, « Soir de Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 192
1292
u ciel du monde. i. Rougemont Denis de, « Soir
de
Florence », La Semaine littéraire, Genève, 13 novembre 1926, p. 547-5
1293
lques idées graves en leur présentant les miroirs
de
personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
1294
souhait, qui manifestent, avec un certain manque
de
conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
1295
avec un certain manque de conviction et des poses
de
mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
1296
oses de mannequins, les tendances contradictoires
d’
un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
1297
pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière
de
vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
1298
oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte
d’
unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
1299
vante dans le rythme des désirs jamais simultanés
de
ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
1300
irituellement « poétique ». y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jacques Spitz, La Croisière indécise », Bibliothèq
1301
re indécise », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
1302
Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme
d’
un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
1303
ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus
de
quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
1304
els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette
d’
un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
1305
osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple
de
juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
1306
uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet,
d’
un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] A
1307
d’un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Alfred Colling, L’Iroquois », Bibliothèque univers
1308
L’Iroquois », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
1309
André Malraux, La Tentation
de
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
1310
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit
d’
Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
1311
inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond
de
Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
1312
e on devine une détresse. C’est encore une vision
de
l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
1313
e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît
de
ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
1314
« une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée
de
la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
1315
t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle
de
l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
1316
humilions sans trêve notre sensibilité au profit
de
ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
1317
cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves
de
puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
1318
tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal
de
l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
1319
té essentielle » que le Chinois distingue au cœur
de
la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
1320
vie occidentale apparaît mieux par la comparaison
de
l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
1321
ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal
de
culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
1322
es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois
de
telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
1323
lativisme angoissant qui semblait devoir résulter
de
cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
1324
évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure
de
l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
1325
humain que nous découvrons, et qui nous permettra
de
juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
1326
us prenons chaque jour une conscience plus claire
de
la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
1327
aque jour une conscience plus claire de la vanité
de
nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
1328
plus claire de la vanité de nos buts, « capables
d’
agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
1329
« capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins
de
dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
1330
acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté
d’
action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
1331
ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas
de
position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
1332
s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque
de
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
1333
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût
de
la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
1334
en nous qu’un « étrange goût de la destruction et
de
l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
1335
e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt
de
passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont
1336
archie, exempt de passion, divertissement suprême
de
l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Ma
1337
uprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident », Bibli
1338
de, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation
de
l’Occident », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, d
1339
l’Occident », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
1340
ise humeur qui flotte dans l’air nous proposerait
de
débuter par l’inévitable discours sur les difficultés du temps, en gé
1341
celles en particulier qu’implique la publication
de
notre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de m
1342
is nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait
de
mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ir
1343
jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison
d’
être. La vie d’aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou
1344
mble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie
d’
aujourd’hui, on le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser de n
1345
le sait, nous oblige à nous affirmer ou à refuser
de
nous affirmer avec une netteté qui a pu paraître parfois quelque peu
1346
que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation
d’
être nous-mêmes. Et, disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement
1347
s n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés
de
chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder
1348
rcher plus patiemment encore à nous comprendre et
de
nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et
1349
s, ce sont les jeunes qui passent… » Pas question
de
les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place a
1350
unes qui passent… » Pas question de les saluer ni
d’
emboîter le pas, mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’il
1351
e les saluer ni d’emboîter le pas, mais seulement
de
retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer ave
1352
e retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et
de
les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « Apr
1353
les considérer avec sympathie. Il est bien facile
de
s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on
1354
cile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et
de
se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais
1355
: « Après moi, le déluge ! », et de se détourner
de
ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours
1356
uge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume
d’
appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un…
1357
notre « désordre ». Mais on est toujours le fils
de
quelqu’un… Et, peut-être, la considération du « déluge » peut-elle fa
1358
eur bénévole, un exercice mensuel à votre faculté
d’
indulgence. Par contre, nous nous empressons de vous laisser le soin d
1359
té d’indulgence. Par contre, nous nous empressons
de
vous laisser le soin de juger si nous avons de quoi faire les modeste
1360
tre, nous nous empressons de vous laisser le soin
de
juger si nous avons de quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, av
1361
ns de vous laisser le soin de juger si nous avons
de
quoi faire les modestes… Être nous-mêmes, avons-nous dit, c’est à l
1362
plus » ; nous ne voulons pas être « l’expression
de
la jeunesse romande ». Nous sommes autre chose. (Belles-Lettres est t
1363
indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe
de
fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et v
1364
, mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce
d’
une volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis de, « Avant-propo
1365
volonté sans doute divine… a. Rougemont Denis
de
, « Avant-propos », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève
1366
a. Rougemont Denis de, « Avant-propos », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
1367
Paradoxe
de
la sincérité (décembre 1926)c Nous voyons un mythe prendre corps p
1368
us voyons un mythe prendre corps parmi les ruines
de
ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu d’une anarchie dont on
1369
de ce temps. Il fallait bien tirer quelque vertu
d’
une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’elle est plus nécessaire —
1370
us trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours
de
probité intellectuelle ou de courage moral, nous avons élevé à la hau
1371
le prétexte toujours de probité intellectuelle ou
de
courage moral, nous avons élevé à la hauteur d’une vertu première — e
1372
u de courage moral, nous avons élevé à la hauteur
d’
une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi n
1373
e vertu première — et qui légitime tous les dénis
de
morale à quoi nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et cer
1374
n réalité on sait quel dégoût, et certains désirs
de
grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu doulou
1375
e originale : tant qu’à la fin la notion concrète
de
sincérité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradict
1376
e ; envers votre idéal ou envers les fluctuations
de
votre moi ? Votre sincérité est-elle consentement immédiat à toute im
1377
me telle qu’elle est » (Rivière), ou encore refus
de
choisir, volonté de tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en q
1378
» (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté
de
tout conserver en soi ? Ou bien une attitude en quelque sorte scienti
1379
cientifique, à la fois curieuse et désintéressée,
de
naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encor
1380
la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste
de
l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’aff
1381
reusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé
de
l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les éclaircissements du subti
1382
us rien comprendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage
de
tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonne
1383
ectateur. Pour parler avec un peu de clairvoyance
de
ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour de notre jeunesse, il faudra
1384
yance de ce dont nous avons vécu jusqu’à tel jour
de
notre jeunesse, il faudrait pouvoir sauter hors de soi. Seule, une mé
1385
it pouvoir sauter hors de soi. Seule, une méthode
d’
observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’
1386
hors de soi. Seule, une méthode d’observation et
de
déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-
1387
donner l’illusion et peut-être certains bénéfices
de
cette opération idéale. En même temps, la froideur d’une telle méthod
1388
ette opération idéale. En même temps, la froideur
d’
une telle méthode atténuerait dans une certaine mesure — parce que néc
1389
aine mesure — parce que nécessaire — ce qu’il y a
de
déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions au
1390
ssaire — ce qu’il y a de déplaisant dans l’effort
d’
un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondém
1391
laisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager
de
confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères
1392
ères sont aussi les moins calculés », écrit Gide.
D’
où l’on peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits
1393
», écrit Gide. D’où l’on peut tirer par une sorte
de
passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéit
1394
rousseauiste, inspire, explique un vaste domaine
de
la littérature contemporaine. Cette sorte-là de sincérité, on la nomm
1395
e de la littérature contemporaine. Cette sorte-là
de
sincérité, on la nomme gratuité. Lafcadio poussant Fleurissoire « pou
1396
ui aboutit naguère au surréalisme. Tous les héros
de
roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’a
1397
iculer « gratuitement ». Et les critiques d’abord
de
s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : «
1398
ndigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés
de
l’affaire : « Gratuit ! », déclarent-ils chaque fois qu’ils ne compre
1399
audrait s’entendre. Et, ici encore, prenons garde
de
confondre le plan littéraire avec le plan moral. Telle action peut pa
1400
e personnage. Mais quant à l’auteur, il n’y a pas
de
gratuité. Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résu
1401
us incongru du héros n’est jamais que le résultat
d’
un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actio
1402
t gratuit que relativement à un système restreint
de
références. Il résulte de semblables considérations, dans le domaine
1403
à un système restreint de références. Il résulte
de
semblables considérations, dans le domaine de la morale, que le meill
1404
lte de semblables considérations, dans le domaine
de
la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’e
1405
ns le domaine de la morale, que le meilleur moyen
de
se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que récl
1406
leur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est
de
mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de
1407
uite que réclament les surréalistes. Le contraire
de
la liberté. D’autre part, on veut donner à l’acte gratuit une valeur
1408
s secret dans la personnalité. Ce serait un moyen
de
connaissance plus intégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque
1409
Ce serait un moyen de connaissance plus intégrale
de
soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitaris
1410
is pour être moins pittoresque et plus « entachée
d’
utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible
1411
ision réfléchie, aussi peu gratuite que possible,
d’
un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ?
1412
e du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne
de
me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mieux : inté
1413
suffisamment son rôle en se bornant à nous donner
de
nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la
1414
se et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que
de
nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre, l
1415
scurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir
d’
action vive, un élan vers certain but précis. Ou bien j’aurais juste
1416
tain but précis. Ou bien j’aurais juste le temps
de
le noter avant de partir. Ou bien je me mettrai à l’analyser plus lon
1417
ent. Mais alors je le fausse, puisque je le prive
de
la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. C
1418
je le fausse, puisque je le prive de la puissance
de
se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’é
1419
frein lui-même, bientôt — par un mouvement normal
de
l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que
1420
l’attention — et fatalement c’est à la découverte
d’
une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomp
1421
e que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu
d’
accomplir ce que l’élan appelait. Second exemple. — J’éprouve le be
1422
ppelait. Second exemple. — J’éprouve le besoin
de
faire le point : à quoi en suis-je, qui suis-je ? Je revois des actes
1423
ntiments que je crois avoir éprouvés à tel moment
de
mon passé. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir de certain
1424
. Parfois — rarement —, je parviens à me souvenir
de
certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physiqu
1425
profondes et indéfinies (telle sensation physique
de
bonheur, dans une rue au coucher du soleil, des phares d’automobiles
1426
es (telle sensation physique de bonheur, dans une
rue
au coucher du soleil, des phares d’automobiles étoilent le brouillard
1427
ur, dans une rue au coucher du soleil, des phares
d’
automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fo
1428
dans des fourrures, personne ne sait la richesse
de
ta vie…). J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet de notes, j
1429
. J’écris ces choses. Puis, dans un ancien carnet
de
notes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments
1430
oposaient à mon souvenir ont été passés au crible
de
la minute où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user d’une image
1431
te où je me penchais sur mon passé. Ou, pour user
d’
une image plus précise, cette minute est baignée d’une lueur de triste
1432
’une image plus précise, cette minute est baignée
d’
une lueur de tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du p
1433
lus précise, cette minute est baignée d’une lueur
de
tristesse ou de sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
1434
te minute est baignée d’une lueur de tristesse ou
de
sérénité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi de certains déco
1435
énité qui métamorphose le paysage du passé. Ainsi
de
certains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière
1436
trospection : ce daltonisme du souvenir. Si l’un
de
ces deux procédés peut m’apprendre quelque chose, c’est bien le secon
1437
ait atteindre « la vérité sur soi » en se servant
de
la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-limite, j’e
1438
, j’en conviens. Pourtant, n’est-ce pas le schéma
de
tout un genre littéraire moderne, cette espèce de confession romancée
1439
de tout un genre littéraire moderne, cette espèce
de
confession romancée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et
1440
tte espèce de confession romancée dont les livres
de
Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les e
1441
e de confession romancée dont les livres de Bopp,
d’
Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples l
1442
ssion romancée dont les livres de Bopp, d’Arland,
de
Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus ré
1443
livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout
de
René Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs
1444
us ces livres évoquent assez précisément la forme
d’
un entonnoir. La vie serait le liquide tourbillonnant à l’intérieur. U
1445
se regarder vivre, le personnage à douter du sens
de
sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspirati
1446
t dans un râle, brusquement c’est le vide. Centre
de
soi, l’aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film de mon passé
1447
aspiration du néant. J’ai revu à l’envers le film
de
mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes dé
1448
: ce qui était élan devient recul, et l’évocation
de
mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourr
1449
e n’assiste pas à moi-même, mais à la destruction
de
moi-même. Par les fissures, un instant, j’ai pu soupçonner des profon
1450
le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant
de
René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de
1451
la démonstration la plus cynique que je connaisse
de
ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’acharne à approfo
1452
ofondir — il était venu y chercher quelque raison
de
vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée
1453
s purement (« cette curiosité donnée comme raison
d’
une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merv
1454
uteur découvre c’est ce « merveilleux contraire »
de
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tris
1455
l’élan vital qu’il nomme élan mortel — générateur
de
l’incurable tristesse qui rôde dans certaine littérature d’aujourd’hu
1456
able tristesse qui rôde dans certaine littérature
d’
aujourd’hui. J’ai dit : ravages du sincérisme. C’est plus exactement f
1457
plus exactement faillite qu’il faudrait. Faillite
de
toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de fa
1458
ction, en littérature et en morale. Impossibilité
de
faire mon autoportrait moral : je bouge tout le temps. Danger de fair
1459
toportrait moral : je bouge tout le temps. Danger
de
faire mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Fa
1460
e suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine
d’
éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous
1461
est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage
d’
un enrichissement, d’une consolidation de l’individu mais avant tout u
1462
s cet effort sur soi le gage d’un enrichissement,
d’
une consolidation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaît
1463
le gage d’un enrichissement, d’une consolidation
de
l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est
1464
solidation de l’individu mais avant tout un moyen
de
se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’hom
1465
ncère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter
d’
être différent », ce qui est la négation de tout progrès moral. De la
1466
haiter d’être différent », ce qui est la négation
de
tout progrès moral. De la sincérité envisagée comme moyen de connaiss
1467
», ce qui est la négation de tout progrès moral.
De
la sincérité envisagée comme moyen de connaissance, le cas extrême d’
1468
grès moral. De la sincérité envisagée comme moyen
de
connaissance, le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’il f
1469
sagée comme moyen de connaissance, le cas extrême
d’
un Crevel nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas
1470
assez étroites empiriquement fournies par le sens
de
son intérêt propre, une analyse sincère ne puisse faire découvrir que
1471
découvrir quelques richesses et ne serve parfois
de
contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigres en regard des dang
1472
r, tant dans le domaine littéraire que dans celui
de
l’action. En littérature : refus de construire, de composer ; impuiss
1473
ue dans celui de l’action. En littérature : refus
de
construire, de composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est
1474
e l’action. En littérature : refus de construire,
de
composer ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’
1475
Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe
de
soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquo
1476
r, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et,
d’
un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanc
1477
créer des personnages ? C’est parce qu’une sorte
de
sincérité les retient d’imposer aux héros ce rythme volontaire par le
1478
C’est parce qu’une sorte de sincérité les retient
d’
imposer aux héros ce rythme volontaire par lequel un Balzac les fait v
1479
lairement. En morale : défaitisme quand il s’agit
de
gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « réalisme
1480
réalisme » décourageant, et, bientôt, incapacité
d’
agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une confiance dans l’élan qu
1481
paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation
de
la personnalité, car l’analyse la plus savante, comme l’a fort bien d
1482
ments du moi, moins le principe unificateur ».
De
quelques sophismes libérateurs La fonction de l’homme est aussi bi
1483
De quelques sophismes libérateurs La fonction
de
l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sin
1484
érateurs La fonction de l’homme est aussi bien
de
croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Riviè
1485
fonction de l’homme est aussi bien de croire que
de
constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus ri
1486
e de constater. F. Raub. La sincérité obstinée
d’
un Rivière n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore de la sinc
1487
La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus rien
de
spontané. En quoi est-ce encore de la sincérité ? Trop sincère, pas s
1488
n’a plus rien de spontané. En quoi est-ce encore
de
la sincérité ? Trop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que
1489
la sincérité est la recherche, puis l’acceptation
de
toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi,
1490
mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin
de
mentir. Il devient dès lors impossible de faire rien qui ne soit sinc
1491
besoin de mentir. Il devient dès lors impossible
de
faire rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi
1492
z pour qu’ils vous aident3 — mais jamais au point
d’
oublier la vérité qu’on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’ar
1493
ire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que
de
s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente
1494
ssi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt
de
l’indétermination violente qu’est la sincérité selon Rivière. La sinc
1495
ans le vide qu’exige toute foi ; c’est la volonté
de
sincérité, c’est-à-dire une sincérité tournée au vice, invertie, qui
1496
sincérité tournée au vice, invertie, qui retient
de
l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même
1497
ser. Petite anthologie ou que le « style » est
de
l’homme même J’en étais à peu près à ce point de mes notes — à ce
1498
l’homme même J’en étais à peu près à ce point
de
mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaien
1499
s à peu près à ce point de mes notes — à ce point
de
mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et q
1500
t de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient
d’
appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’o
1501
inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard
de
quelques lectures, je pris note des passages suivants (les paraphrase
1502
ote des passages suivants (les paraphraser serait
d’
une ingratitude insigne — ils marquent au reste fort bien les jalons d
1503
igne — ils marquent au reste fort bien les jalons
de
cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montre
1504
de cette recherche) : Puissiez-vous avouer moins
de
sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne somm
1505
ez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus
de
style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Cer
1506
n qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que
d’
être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mêmes
1507
istant pas ? (François Mauriac.) La valeur morale
de
M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait de garde
1508
erait définie par l’aspect seul qu’il souffrirait
de
garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale d’un homm
1509
-même à son propre regard. Ainsi la valeur morale
d’
un homme équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable d’entretenir
1510
équivalait-elle à l’illusion qu’il était capable
d’
entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’on appelle une œuv
1511
appelle une œuvre sincère est celle qui est douée
d’
assez de force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un
1512
une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez
de
force pour donner de la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ?
1513
celle qui est douée d’assez de force pour donner
de
la réalité à l’illusion. (Max Jacob.) Un rôle ? Oui. Mais si le perso
1514
me même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour
de
l’adolescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, p
1515
paraît plus sinistre à la sincérité presque pure
de
cet âge. Mais il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité d’un
1516
il le faut dépasser.) Si j’en crois l’intensité
d’
un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma
1517
time, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute
de
ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait re
1518
rs, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que
de
tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par
1519
vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité
d’
y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela de l’
1520
moyens les plus efficaces ? Mais on nommera cela
de
l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’
1521
Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge
de
l’hypocrisie Non, non !… Debout dans l’ère successive ! Brisez, mo
1522
................. Le vent se lève, il faut tenter
de
vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma triste lucidité, je t’ava
1523
t tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein
de
ma triste lucidité, je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante e
1524
Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe
d’
une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop vis
1525
ent, tu prêtais bien quelques voiles à mon dégoût
d’
un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuf
1526
rément vrai, tyrannique, insuffisant. Mais un pli
de
ta lèvre, un peu sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve d’u
1527
sceptique, quand mon esprit partait dans le rêve
d’
un idéal de fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux a
1528
quand mon esprit partait dans le rêve d’un idéal
de
fortune, idole naïve de ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’au
1529
t dans le rêve d’un idéal de fortune, idole naïve
de
ma jeune angoisse… Je t’ai mieux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une
1530
ux aimée ; d’autres soirs, alors qu’une symphonie
de
joies émanait de toute la vie : chaque chose proposait une ferveur no
1531
es soirs, alors qu’une symphonie de joies émanait
de
toute la vie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque
1532
tat de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire
de
telle possession particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’elle
1533
ement à l’invite que je soupçonnais la plus riche
d’
inconnu, je m’élançais sur la voie qu’elle m’ouvrait, avec tant de rir
1534
is, vers tout ce que momentanément je choisissais
de
laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’
1535
baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible
d’
attribuer comme objet à ma jubilation, non pas ce but peut-être dériso
1536
vers quoi je me portais, mais bien ces figurants
de
mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ai
1537
C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond
de
l’être, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’a
1538
une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance
d’
une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne
1539
discrètement les décisions et les rend complices
d’
un dessein logique, peut-être lointain, en quoi consiste l’unité la pl
1540
lointain, en quoi consiste l’unité la plus réelle
de
l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées
1541
— en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux
d’
idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’he
1542
d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus
de
l’amour ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et
1543
ur ! Voir l’heure à la pendule pendant l’étreinte
d’
un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde
1544
une volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin
de
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je
1545
s’expliciter pour être efficace — qui m’interdit
de
nommer ce dont je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’u
1546
s souffrir. (Car il n’est peut-être qu’une espèce
de
souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’on tire de soi
1547
ritablement insupportable, c’est celle qu’on tire
de
soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque amb
1548
ce sourire des sphinx ; hypocrisie, masque ambigu
d’
une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, n
1549
é, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que
de
toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’éla
1550
me je veux être !… 1. La véritable description
de
l’élan supposé dans le premier exemple, ce serait le récit des gestes
1551
ychologie moderne souligne la quasi-impossibilité
de
traduire un dynamisme directement dans notre langage statique. 3. «
1552
langage statique. 3. « Et certes quand il s’agit
de
parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un
1553
que. 3. « Et certes quand il s’agit de parole ou
d’
écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de cert
1554
ffirmation prouve moins une certitude qu’un désir
de
certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont
1555
e moins une certitude qu’un désir de certitude né
de
quelque doute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Par
1556
ute au fond. » (René Crevel) c. Rougemont Denis
de
, « Paradoxe de la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuc
1557
(René Crevel) c. Rougemont Denis de, « Paradoxe
de
la sincérité », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fr
1558
ont Denis de, « Paradoxe de la sincérité », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, décembre 1926, p.
1559
clef des champs (1927)l « On sent l’absurdité
d’
un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur l
1560
rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire
d’
une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consomma
1561
ournal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table
de
café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme
1562
re d’une table de café. Je venais de m’asseoir et
de
commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heures
1563
m’asseoir et de commander une consommation. Comme
d’
habitude, un peu après six heures. J’étais seul. Le café est un lieu a
1564
du bureau, les gages insupportablement familiers
d’
une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apé
1565
ges insupportablement familiers d’une vie honnête
de
type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici d
1566
ête de type courant. Pour dix sous et le prétexte
d’
un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les plus étranges
1567
étranges qu’appelle la musique. Je me gardai donc
d’
ouvrir le journal. Les Petites nouvelles ont un pouvoir tyrannique sur
1568
cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien
de
moins divers. Mais je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et
1569
tte mécanique me restitue chaque fois un peu plus
de
lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette r
1570
chaque fois un peu plus de lassitude, un peu plus
d’
ennui. J’essayai donc de rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : pe
1571
de lassitude, un peu plus d’ennui. J’essayai donc
de
rêver. Mais cette rose oubliée me gênait : perdre une rose pour le pl
1572
. Il déplia le journal et se mit à lire les pages
d’
annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes
1573
es. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini
de
boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et
1574
oulait dans la banlieue printanière ; des soupers
d’
amis dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes de couleur pour
1575
dans notre modeste salle à manger ; des jaquettes
de
couleur pour ma femme… Mais l’homme avait posé son journal. Soudain,
1576
. Il en parcourait rapidement les pages, la proie
d’
une agitation visible. Bientôt il m’offrit de jouer un moment. Nous fi
1577
roie d’une agitation visible. Bientôt il m’offrit
de
jouer un moment. Nous fixâmes comme enjeu nos consommations. Je gagna
1578
r vaguement. Les couleurs du bar me remplissaient
d’
une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en mo
1579
uel. C’était un jeu très simple où l’esprit libre
de
calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au
1580
e de calculs se tend ardemment vers la conclusion
d’
un hasard qui opère au commandement de la main. Ce soir-là, une confia
1581
conclusion d’un hasard qui opère au commandement
de
la main. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais
1582
mouvants où je me voyais figurer comme une sorte
de
« personnage aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues de sa
1583
aux dés ». Ce furent d’abord des images décousues
de
sa vie, brillantes ou misérables, passionnées. Mais bientôt : — « Des
1584
-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins
de
perdition j’ouvre sans cesse à ta course aveugle ; tu n’aurais pas tr
1585
tout seul, avec tes airs pessimistes. De nouveau,
d’
un coup de dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le v
1586
avec tes airs pessimistes. De nouveau, d’un coup
de
dés, je bouscule tous tes calculs, ha ! tu te disais : le voilà riche
1587
tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup
d’
imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à
1588
pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers
de
situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la cord
1589
à travers de situations complètement démodées et
d’
intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre, ha
1590
pensais que j’allais me cramponner à cette espèce
de
bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aus
1591
leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable
de
lier des valeurs morales aux cours de bourse. « Heureux quoique pauvr
1592
nexplicable de lier des valeurs morales aux cours
de
bourse. « Heureux quoique pauvre » comme ils disent dans leurs manuel
1593
s voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi
de
situer le paradis dans la classe d’impôts immédiatement supérieure à
1594
r manie aussi de situer le paradis dans la classe
d’
impôts immédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie
1595
voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier
de
plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour
1596
ec assurance contre faillites morales et douleurs
d’
amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caiss
1597
prix du lâchez-tout ! Ils ont inventé les caisses
d’
épargne, monuments d’une bassesse morale inconcevable, temples de leur
1598
Ils ont inventé les caisses d’épargne, monuments
d’
une bassesse morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leur
1599
ments d’une bassesse morale inconcevable, temples
de
leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissanc
1600
morale inconcevable, temples de leurs paresses et
de
leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un autr
1601
eurs paresses et de leurs lâchetés, glorification
de
leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont re
1602
cevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu
de
papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre
1603
’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement
d’
une destinée dans l’autre, de douleurs en ivresses avec la même joie,
1604
e ! Sauter follement d’une destinée dans l’autre,
de
douleurs en ivresses avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Dési
1605
i est en train de me soutirer les quelque billets
de
mille dont je venais de régler le sort, puisque demain dès l’aube, j’
1606
aube, j’irai tenter la misère aux yeux las pleins
de
rêves, la misère qui fait des soirs si doux aux amants quand ils n’on
1607
ants quand ils n’ont plus que des baisers au goût
d’
adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et
1608
r des visions. Les lustres doraient un brouillard
de
fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était as
1609
cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit
d’
un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regard
1610
mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé
de
joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musi
1611
garder bizarrement et j’étais possédé de joies et
de
peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la ru
1612
s lumineuses dialoguaient follement au-dessus des
rues
parcourues de longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieu
1613
loguaient follement au-dessus des rues parcourues
de
longs cris en voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de
1614
yage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et
de
cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lendemai
1615
es paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles
de
mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit plus à m’e
1616
ue je devrais tenter quelque chose. Je suis plein
de
rêves, certains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme
1617
le lait va monter. Alors, dans ma chambre, avant
d’
aller souper, je m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et j
1618
sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein
de
mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus am
1619
é. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et
de
désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus amè
1620
te haïr… 9. Calembour sur une idée juste. (Note
de
l’éd.) l. Rougemont Denis de, « Dés ou la clef des champs », Neuchâ
1621
idée juste. (Note de l’éd.) l. Rougemont Denis
de
, « Dés ou la clef des champs », Neuchâtel 1928 : beaux-arts, arts app
1622
Louis Aragon, Le Paysan
de
Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
1623
Louis Aragon, Le Paysan de
Paris
(janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’
1624
s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes
d’
un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
1625
les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité
de
paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
1626
ur temps à recenser les incohérences pittoresques
de
ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
1627
il leur réserve mieux encore : après une kyrielle
d’
injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
1628
ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie
de
la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
1629
et une passion farouche pour la liberté, qui font
de
cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
1630
qui font de cet ombrageux personnage une manière
de
Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
1631
de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation
de
révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
1632
. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
de
fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
1633
ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et
d’
intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
1634
ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon
de
ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
1635
fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant
d’
insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
1636
nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas
de
le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
1637
le tempérament le plus hardi et le plus original
de
la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
1638
nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop
de
talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
1639
tre littérature pour trouver semblable domination
de
la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
1640
e. Et parmi les modernes, il bat tous les records
de
l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
1641
fatigantes et quelques sombres délires, des pages
d’
un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
1642
isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu
de
justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
1643
ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen
d’
une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
1644
l’hallucination du décor des capitales, créatrice
d’
un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
1645
u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux
de
chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
1646
es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant,
d’
une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
1647
d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan
de
Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
1648
ne véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
Paris
est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappel
1649
logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
de
promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
1650
mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits
d’
octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
1651
d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur
de
divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
1652
Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer
de
la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
1653
n passant par la description réaliste ou imaginée
d’
une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
1654
r la description réaliste ou imaginée d’une boîte
de
nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
1655
ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit,
d’
une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
1656
ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture,
d’
un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
1657
d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre
de
l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
1658
ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur
d’
Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
1659
e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus
de
vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
1660
erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin
de
France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
1661
r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais
d’
alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rouge
1662
non plus de vin de France, mais d’alcools pleins
de
démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, «
1663
e vin de France, mais d’alcools pleins de démons,
de
drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « [Compte ren
1664
ogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris », Bibliothèque u
1665
enis de, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan
de
Paris », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
1666
s de, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de
Paris
», Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1927
1667
an de Paris », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
1668
dues Sur le mont gris pâlissants Des bouquets
de
vagues brumes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’adresser
1669
s pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe
d’
un faux nom. d. Rougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revu
1670
e on signe d’un faux nom. d. Rougemont Denis
de
, « Billets aigres-doux », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1671
ougemont Denis de, « Billets aigres-doux », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
1672
Conte métaphysique : L’individu atteint
de
strabisme (janvier 1927)f g Comme le démiurge venait de peser sur
1673
ateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus
d’
hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du c
1674
’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions
de
chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’Urbain, premier du nom
1675
famille, laquelle n’avait compté jusqu’alors que
d’
authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu
1676
accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès
de
bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon d’une r
1677
printanière, Urbain donc, premier mauvais garçon
d’
une race entre toutes bénie — par qui ? elle était anticléricale, on n
1678
pudiquement dissimulé. Vers 1 heure, elle éclaira
d’
une rose caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, le
1679
a d’une rose caresse lumineuse la chevelure rouge
d’
Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagéré
1680
s remarquablement exagérées, lui valait le surnom
de
Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les é
1681
On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées
de
leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffectée, c’est bien dommag
1682
s irons chercher dans le souvenir les vent-coulis
de
la mort. Garçon, un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe de
1683
un café, un ! » Mais l’étoile chantait dans l’axe
de
sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui souri
1684
oue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain, fort
d’
une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la pert
1685
e et française, dédaigna des avances que la perte
de
son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymolo
1686
se, dédaigna des avances que la perte de son sens
de
l’éternel rendait pourtant considérables, au sens étymologique du ter
1687
ile pleurait, sentimentale. f. Rougemont Denis
de
, « L’individu atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue de Be
1688
e. f. Rougemont Denis de, « L’individu atteint
de
strabisme. Conte métaphysique », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Ne
1689
atteint de strabisme. Conte métaphysique », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
1690
Dans le Style (janvier 1927)h Nous recevons
d’
un bellettrien facétieux cet « Hommage à Paul Morand » : Billet circ
1691
: Billet circulaire pour Paul Morand, auteur
de
« Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte
1692
ul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur
de
maint roman de caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titr
1693
ur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman
de
caractère gras quitte Charing-Cross, songeant aux titres, aux tire-l’
1694
matique, fait balle au cerveau du poète qui meurt
de
sommeil naturel. Le tunnel sous la Manche escamoté, le train dépose d
1695
tenant des Anglais fragiles. L’aube tire un écran
de
pluies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’éveillant en f
1696
: Mardi dernier a été célébré en l’église grecque
de
la rue Georges Bizet le mariage de M. Paul Morand avec la princesse H
1697
église grecque de la rue Georges Bizet le mariage
de
M. Paul Morand avec la princesse Hélène-C. Soutzo. Les témoins étaien
1698
la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre
de
Roumanie à Paris. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont D
1699
on Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à
Paris
. C’est encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis de, « Dans l
1700
encore mieux dans le style. h. Rougemont Denis
de
, « Dans le style », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genèv
1701
h. Rougemont Denis de, « Dans le style », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1927, p.
1702
ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet
de
roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
1703
ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans,
de
vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
1704
, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans
de
vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
1705
ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre
d’
imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
1706
cristallisation une fièvre d’imagination qui orne
de
beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
1707
magination qui orne de beautés illusoires l’objet
de
l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
1708
lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens
de
ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
1709
vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer
de
feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
1710
encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit
de
quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
1711
plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux
de
la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
1712
aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre
de
leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
1713
e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié
de
la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
1714
ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés
d’
eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
1715
our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est
d’
Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
1716
rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche
d’
allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour
1717
e sait ce qui la retient : son amour ? son manque
d’
amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
1718
r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre
d’
une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
1719
Jacques, il souffre d’une incurable adolescence,
d’
un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
1720
scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre
de
réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… «
1721
es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle
d’
homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
1722
er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif
de
sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
1723
tte analyse trahit Barbey : son art est justement
de
voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
1724
st justement de voiler les intentions du récit et
de
les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
1725
es moyens qu’il parvient à une certaine puissance
de
l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
1726
iolence, autour de ces êtres dont la détresse est
d’
autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
1727
us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre
de
Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
1728
s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse
de
son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
1729
os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre
d’
une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
1730
uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage
d’
hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
1731
s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur
d’
un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
1732
sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus
de
passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
1733
la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques
d’
un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
1734
emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant,
d’
une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
1735
mplaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Bernard Barbey, La Maladère », Bibliothèque univer
1736
La Maladère », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 256.
1737
mmes, écrire ne soit que le recensement passionné
de
leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
1738
ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé
d’
une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
1739
action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur
de
vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
1740
u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
de
jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
1741
joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon
de
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
1742
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion
de
sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
1743
ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit
de
« déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
1744
our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot
de
la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
1745
r la souffrance indispensable au perfectionnement
de
son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
1746
isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle
de
choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
1747
eu plus viennois que naturel s’il parle de choses
d’
art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
1748
Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui
de
l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
1749
pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou
de
l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
1750
s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte
de
froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
1751
n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet
de
souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
1752
faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que
de
ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
1753
e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin
d’
évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
1754
e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition
de
son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
1755
, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu
d’
une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
1756
etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant
d’
une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
1757
r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou
de
secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
1758
ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir
d’
éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
1759
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble,
d’
insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
1760
semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit
de
cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
1761
e inquiète et un peu hautaine. Que la composition
de
cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
1762
site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce
de
modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
1763
ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie
de
l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
1764
ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre
d’
une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
1765
involte, glacé, passionné. ad. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Montclar », Bibliothèque univers
1766
s, Montclar », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
1767
927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau
de
phrase dans l’édition originale.
1768
’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux
de
vous écrire au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous
1769
de vous écrire au moment où je vais me suicider,
d’
autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que
1770
ez ne pas voir dans cette phrase quelque allusion
de
mauvais goût.) Je vous ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lie
1771
ai rencontrée quatre ou cinq fois dans des lieux
de
plaisir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent le
1772
existiez en moi, à certain désagrément que j’eus
de
vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage de les
1773
entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courage
de
les dire. Enfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un de mes a
1774
nfin, avant-hier, à ce bal. J’avais demandé à un
de
mes amis, qui vous connaît4, de me présenter. Il m’en avait donné la
1775
vais demandé à un de mes amis, qui vous connaît4,
de
me présenter. Il m’en avait donné la promesse. Vos regards rencontrèr
1776
romesse. Vos regards rencontrèrent les miens plus
d’
une fois pendant une danse qu’il fit avec vous, mais vous les détourni
1777
ecrètement attirante ; et je pensais que la force
de
mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je d
1778
sais quel démon du malheur me paralysa. Je venais
d’
entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondan
1779
alheur me paralysa. Je venais d’entrevoir l’image
d’
un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on
1780
vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège
de
rires empressés. Une autre danse reprenait. Je sentis une invincible
1781
dait, en passant, si j’étais malade. Je désignais
d’
un geste incertain quelques bouteilles de champagne vides ; car on par
1782
ésignais d’un geste incertain quelques bouteilles
de
champagne vides ; car on pardonne l’ivresse, mais non certaines doule
1783
mais non certaines douleurs. Même, je fus obligé
de
confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes
1784
es œillères géantes aux pensées, le ciel trop bas
d’
un rêve sans issue, pesant comme l’envie d’un sommeil sans fin… J’avai
1785
op bas d’un rêve sans issue, pesant comme l’envie
d’
un sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue d’un liquide me s
1786
sommeil sans fin… J’avais soif, mais la seule vue
d’
un liquide me soulevait le cœur. L’aube parut. On éteignit toutes les
1787
a table en désordre où je venais de jeter mon col
de
smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le se
1788
n col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse
d’
une autre femme dont le seul défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux,
1789
illesse d’une autre femme dont le seul défaut fut
de
m’aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au so
1790
l défaut fut de m’aimer… (Froid aux genoux, odeur
de
vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Co
1791
sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions
d’
oriflammes sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le ch
1792
une chambre étroite… J’ai dormi quelques heures,
d’
un sommeil triste, tout enfiévré par la crainte du réveil. Puis je sui
1793
a crainte du réveil. Puis je suis revenu dans ces
rues
où je vous rencontrais parfois, du temps que j’ignorais vous aimer. E
1794
disais-je elle y entrera, et, me glissant auprès
d’
elle, je pourrai lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’
1795
evais paraître si perdu. Chaque fois qu’un paquet
de
dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’
1796
r descendant… Il aurait fallu monter, mais l’idée
de
vous trouver peut-être assise en face de votre bel ami laqué, sourian
1797
suis sorti. Il y avait beaucoup de monde dans les
rues
, sous la pluie. Les autobus passaient par groupes. Plusieurs fois, j’
1798
oule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris
de
numéro, je ne pouvais pas monter. Je finissais par vous voir partout.
1799
Je finissais par vous voir partout. Chaque visage
de
femme révélait soudain un trait de votre visage. Il aurait fallu cour
1800
Chaque visage de femme révélait soudain un trait
de
votre visage. Il aurait fallu courir après celle-là qui venait de tou
1801
ir après celle-là qui venait de tourner à l’angle
de
cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous p
1802
celle-là qui venait de tourner à l’angle de cette
rue
et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous pouviez par
1803
éticents, maladroits, contradictoires… Un autobus
de
luxe s’était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur
1804
Mais je n’osais presque pas la regarder, à cause
d’
une incertitude qui redonnait tout son empire à ma timidité. Peut-être
1805
tre était-ce vous. Je ne saurai jamais. À l’arrêt
de
la Place Saint-Michel, elle sortit, en me frôlant, sans me regarder.
1806
s parapluies la dérobèrent à mes yeux. Une bouche
de
métro m’attira. Les rames s’arrêtaient avec un sifflement particulièr
1807
utes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit
d’
un long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à me
1808
ue j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard
de
damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fra
1809
épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments
de
rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans
1810
nts, je me pris à parler à haute voix, par bribes
de
phrases incohérentes. Je voyais avec une sombre joie les employés et
1811
les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna
de
force sur un trottoir roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheu
1812
ce sur un trottoir roulant qui me remonta dans la
rue
. La fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je
1813
roulant qui me remonta dans la rue. La fraîcheur
de
la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux
1814
’ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma
rue
. Il doit être maintenant 5 heures du matin. Premiers appels d’autos d
1815
tre maintenant 5 heures du matin. Premiers appels
d’
autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent d
1816
, mais il me semble que toutes choses s’éloignent
de
moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vingt-quatre he
1817
du la notion du temps. Je ne me souviens plus que
de
cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous
1818
ue de cette déception insupportable et définitive
de
mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis encore évoque
1819
-je pas vraiment aimée, mais bien ce goût profond
de
ma destruction, ce rongement, cette sournoise recherche de tout ce qu
1820
truction, ce rongement, cette sournoise recherche
de
tout ce qui me navre au plus intime de mon être… Le revolver est char
1821
recherche de tout ce qui me navre au plus intime
de
mon être… Le revolver est chargé, sur cette table. (Je le caresse, en
1822
sse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste
de
ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends pl
1823
e ne vous dirai pas son nom. i. Rougemont Denis
de
, « Lettre du survivant », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
1824
ougemont Denis de, « Lettre du survivant », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
1825
ur », écrivait Cocteau dans la préface des Mariés
de
la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’i
1826
préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note
d’
Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dan
1827
Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile
de
dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne
1828
e dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant, c’est
d’
y découvrir possibles deux interprétations symboliques au moins ; de n
1829
ibles deux interprétations symboliques au moins ;
de
ne pouvoir m’empêcher d’y songer sans cesse en lisant cette « tragédi
1830
s symboliques au moins ; de ne pouvoir m’empêcher
d’
y songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ; de ne pouvoir m’emp
1831
songer sans cesse en lisant cette « tragédie » ;
de
ne pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau d’en avoir plus
1832
« tragédie » ; de ne pouvoir m’empêcher non plus
de
soupçonner Cocteau d’en avoir plus ou moins consciemment concerté la
1833
pouvoir m’empêcher non plus de soupçonner Cocteau
d’
en avoir plus ou moins consciemment concerté la possibilité. Orphée, p
1834
, dit-il, il faut obtenir un scandale. Il faut un
de
ces orages qui rafraîchissent l’air. » Il prétend « traquer l’inconnu
1835
prétend « traquer l’inconnu ». Sa femme l’accuse
de
« vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase »
1836
est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond
de
la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagram
1837
ur du fond de la mort. » Or, on découvre à la fin
de
la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves pu
1838
s, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées
de
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de distinguer les q
1839
l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait
de
distinguer les quelques préoccupations assez simples dont l’étude cha
1840
ursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes
de
calembours… Art chrétien, a-t-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas
1841
-on dit5. Certes, cette pièce n’est pas dépourvue
de
certaines des qualités qui, selon Max Jacob, permettraient seules de
1842
alités qui, selon Max Jacob, permettraient seules
de
taxer de chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivo
1843
i, selon Max Jacob, permettraient seules de taxer
de
chrétienne une œuvre d’art. Mais, d’autre part, cette équivoque des s
1844
ettraient seules de taxer de chrétienne une œuvre
d’
art. Mais, d’autre part, cette équivoque des symboles, cette simplicit
1845
dmire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scéniques
de
cette pièce sont grandes. Je ne saurais même indiquer aucun endroit p
1846
cipes chers à l’auteur du Secret professionnel et
de
la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif
1847
tif restera l’un des titres les plus authentiques
de
Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des
1848
se utilisation des expressions courantes, maximum
de
« situation » des personnages obtenu avec un minimum de répliques ; e
1849
ituation » des personnages obtenu avec un minimum
de
répliques ; enfin, un style parfaitement pauvre dans le détail, un vr
1850
parfaitement pauvre dans le détail, un vrai style
de
théâtre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiari
1851
pauvre dans le détail, un vrai style de théâtre,
d’
une netteté qui pourtant n’est pas maigre, d’une familiarité dramatiqu
1852
tre, d’une netteté qui pourtant n’est pas maigre,
d’
une familiarité dramatique qui cerne le mystère d’un trait pur. Il sem
1853
d’une familiarité dramatique qui cerne le mystère
d’
un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il
1854
es. « Puisque ces mystères me dépassent, feignons
d’
en être l’organisateur », disait le photographe des Mariés. Dans Orphé
1855
n somme, ce qu’il faut reprocher à Cocteau, c’est
d’
avoir réussi complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’a
1856
pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère
de
l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien à Orphée, sinon
1857
rphée, sinon peut-être cette indispensable « part
de
Dieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part de l’humain, l’imp
1858
ieu » — comme dit Gide — qui serait aussi la part
de
l’humain, l’imperfection secrète qui fait naître l’amour. Parce que l
1859
’une fois de plus, Cocteau a comprimé des pétales
de
roses dans du cristal taillé, selon toutes les règles de l’art, mais
1860
s dans du cristal taillé, selon toutes les règles
de
l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parf
1861
de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est
de
rose, est sans parfum. (Tout de même, Cocteau est un poète : j’en v
1862
ur mon compte, dans le fait que je ne sais parler
de
lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette d
1863
par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette
de
Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conju
1864
sanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie
de
l’amour conjugal ». Vraiment, nous n’en demandions pas tant… k. Rou
1865
us n’en demandions pas tant… k. Rougemont Denis
de
, « Orphée sans charme », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
1866
Rougemont Denis de, « Orphée sans charme », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
1867
que s’ouvre où l’on attend un miracle pour la fin
de
la semaine. « Messieurs, disait Dardel, y a pas à tortiller, il faut
1868
s ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas
de
ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et
1869
out ça semble idiot. Il y a des soirs où une idée
de
la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de
1870
s soirs où une idée de la responsabilité s’empare
de
nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en hu
1871
s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit
de
déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heu
1872
it de déranger 5000 personnes en huit soirées, et
de
les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entrevue
1873
trevue par chacun dans son for le plus intérieur,
d’
une fuite en auto, nous rassure provisoirement… Prosopopée, à propo
1874
e, édentée et tâchant à prendre un accent anglais
d’
un comique assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant d’un doig
1875
assez macabre. Ses derniers sectateurs, désignant
d’
un doigt impitoyable son flanc déjà meurtri, la suivaient en hurlant :
1876
oi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui
d’
une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononça
1877
le et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant
de
séniles calembours… Pénétrés d’horreur, les bellettriens avaient fui.
1878
eau en prononçant de séniles calembours… Pénétrés
d’
horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour d’une ivresse, ils re
1879
’horreur, les bellettriens avaient fui. Au détour
d’
une ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée d’anciens rêves qui
1880
ne ivresse, ils rencontrèrent une créature évadée
d’
anciens rêves qui hantait les limbes depuis un an déjà. Ils ne tardère
1881
dèrent pas à reconnaître Cinématoma. Naissance
de
Cinématoma Cinq bellettriens furent commis au soin d’engendrer cet
1882
matoma Cinq bellettriens furent commis au soin
d’
engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un
1883
dorable monstre. Ils se réunissent parfois autour
d’
un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit
1884
rojet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et
de
la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jama
1885
de ce paludesque et stérile consistoire, une idée
de
génie vint s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin
1886
s’asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche
de
Lugin, sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un
1887
par la bouche de Lugin, sa langue dans la langue
de
Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
1888
se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur
de
la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. »
1889
uration. » Enfin l’on joua aux petits dés le sort
de
notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la
1890
partit pour la Riviera afin de négocier la vente
de
cette martingale avec des surréalistes hétérodoxes. Il revint juste à
1891
revint juste à temps pour assister à la cérémonie
de
la pose du point final de « Cinématoma ou les épanchements de la jeun
1892
assister à la cérémonie de la pose du point final
de
« Cinématoma ou les épanchements de la jeune Synovie », parade « née
1893
u point final de « Cinématoma ou les épanchements
de
la jeune Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos
1894
ts de la jeune Synovie », parade « née du mariage
de
nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le
1895
ovie », parade « née du mariage de nos veilles et
de
nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu
1896
ue le disait si poétiquement le programme. Un peu
d’
histoire (erratum de la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’I
1897
iquement le programme. Un peu d’histoire (erratum
de
la chronique de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à
1898
ramme. Un peu d’histoire (erratum de la chronique
de
Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur de Gogol à l’époque où le
1899
que de Mossoul). Belles-Lettres joua l’Inspecteur
de
Gogol à l’époque où le Cuirassé Potemkine était interdit à l’écran. P
1900
ise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul
de
se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-
1901
cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il
de
pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ét
1902
dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et
d’
oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans
1903
-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite
de
Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut
1904
ie. 6. Revue ou prologue. l. Rougemont Denis
de
, « L’autre œil », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
1905
. l. Rougemont Denis de, « L’autre œil », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, février 1927, p.
1906
Conférence
d’
Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1
1907
Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation
de
l’édit de Nantes » (16 février 1927)j Le sujet que M. Esmonin, pro
1908
e M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres
de
Grenoble, traita mardi soir à la Grande salle des Conférences, devant
1909
un des plus passionnants et des plus controversés
de
l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile de reste
1910
ants et des plus controversés de l’histoire. L’un
de
ceux, aussi, où il est le plus difficile de rester impartial. M. Lomb
1911
L’un de ceux, aussi, où il est le plus difficile
de
rester impartial. M. Lombard, recteur de l’Université, en introduisan
1912
ifficile de rester impartial. M. Lombard, recteur
de
l’Université, en introduisant le conférencier, a fait allusion aux di
1913
cation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue
de
l’historien scrupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et le
1914
(Cette attitude est plus rare qu’on ne le croit,
de
nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clarté comment, entre
1915
avec beaucoup de clarté comment, entre 1578, date
de
la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France
1916
arté comment, entre 1578, date de la proclamation
de
l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus gr
1917
date de la proclamation de l’édit, et 1685, date
de
la révocation, la France passa de la plus grande liberté à la plus gr
1918
, et 1685, date de la révocation, la France passa
de
la plus grande liberté à la plus grande tyrannie. En proclamant la li
1919
religieuse, Henry IV mettait le royaume à la tête
de
la civilisation ; en interdisant aux réformés d’exercer leur religion
1920
de la civilisation ; en interdisant aux réformés
d’
exercer leur religion, mais en même temps de quitter le pays, Louis XI
1921
ormés d’exercer leur religion, mais en même temps
de
quitter le pays, Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires qu
1922
oire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau
de
la France de l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orat
1923
gistrés. Après avoir fait un tableau de la France
de
l’édit, victorieuse dans la guerre de Trente Ans, l’orateur expose co
1924
e la France de l’édit, victorieuse dans la guerre
de
Trente Ans, l’orateur expose comment on en vint à la révocation. C’es
1925
tion. C’est d’abord l’influence du clergé, jaloux
de
ses droits considérables encore ; puis ce sont les conseillers intime
1926
t fort bien leurs intérêts immédiats à leur désir
de
gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuv
1927
n serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable
de
lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « un niais en
1928
eil et capable de lui faire pardonner les erreurs
de
sa jeunesse. Le roi, « un niais en matière religieuse » au dire de sa
1929
e roi, « un niais en matière religieuse » au dire
de
sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre
1930
ants. Aussi ne s’effraye-t-on pas trop, au début,
de
l’émigration des fidèles qui suivent leurs pasteurs proscrits. On esp
1931
eurs pasteurs proscrits. On espère bien convertir
de
gré ou de force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins
1932
urs proscrits. On espère bien convertir de gré ou
de
force tous ceux qui resteront « Les enfants seront du moins catholiqu
1933
ont presque anéanties ; les conséquences funestes
de
l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la
1934
e anéanties ; les conséquences funestes de l’acte
de
révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confessio
1935
cation commencent à se révéler politiques (guerre
de
la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félici
1936
à se révéler politiques (guerre de la confession
d’
Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées
1937
par Louis XIV au pape, les catholiques sont loin
d’
être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’indigne, dans une le
1938
loin d’être unanimes à louer la révocation. L’un
d’
eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont
1939
L’un d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois,
de
ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évan
1940
« les dragons ont été les meilleurs prédicateurs
de
notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’
1941
Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis
d’
autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle :
1942
ns contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que
de
« déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civile s
1943
le succède aux dragonnades. M. Esmonin s’abstient
d’
en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs.
1944
faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit
de
ses auditeurs. Il termine en citant le jugement d’Albert Sorel, selon
1945
e ses auditeurs. Il termine en citant le jugement
d’
Albert Sorel, selon qui la date du 16 octobre 1685 marque une déviatio
1946
octobre 1685 marque une déviation dans l’histoire
de
la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséqu
1947
e, en effet, que nous en sentons les conséquences
de
nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjo
1948
e M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir
de
retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à Louis XIV l’exp
1949
qu’il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué
de
parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique prof
1950
XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et
d’
une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. j. R
1951
une si élégante science du sympathique professeur
de
Grenoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation de l’édit de Nant
1952
que professeur de Grenoble. j. Rougemont Denis
de
, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel,
1953
enoble. j. Rougemont Denis de, « La révocation
de
l’édit de Nantes », Feuille d’avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 févrie
1954
e, « La révocation de l’édit de Nantes », Feuille
d’
avis de Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
1955
révocation de l’édit de Nantes », Feuille d’avis
de
Neuchâtel, Neuchâtel, 16 février 1927, p. 8.
1956
1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare
d’
un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
1957
té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce
de
romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
1958
ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer
de
son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
1959
emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité
de
critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
1960
nt appuyer de son autorité de critique et surtout
de
son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
1961
critique et surtout de son expérience déjà riche
de
romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
1962
s, mais il garde une certaine discrétion, cet air
de
rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
1963
garde une certaine discrétion, cet air de rêverie
d’
un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
1964
es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns
de
ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
1965
uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux
de
Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
1966
mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant
d’
amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
1967
de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié
de
l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
1968
mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un
de
ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
1969
va pas s’attabler au café en face des personnages
de
Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
1970
dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée
de
lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
1971
t au héros plus confiant et secrètement incertain
de
ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
1972
et secrètement incertain de ce roman. À la veille
de
se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
1973
incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend
de
l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
1974
sa femme, « mais comme on aime une petite maison
de
province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
1975
tite maison de province quand on a failli hériter
de
Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
1976
ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image
d’
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
1977
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance
d’
une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
1978
ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit
de
longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
1979
rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens
de
ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
1980
et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous
d’
essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
1981
s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel,
de
ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
1982
tes avant que la raison n’intervienne, mouvements
de
nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
1983
s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système
de
valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
1984
ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril
d’
un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
1985
itent des personnages spirituellement dessinés un
de
ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
1986
, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge
d’
or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
1987
d’or, un désenchantement profond prend le masque
d’
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
1988
dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo
de
destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
1989
ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases
de
Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
1990
onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup
d’
amis inconnus. af. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond Jalo
1991
beaucoup d’amis inconnus. af. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… », Bibliot
1992
usse aimée… », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
1993
Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)n Surprendre est peu
1994
b. Ce soir-là, le programme comprenait : un film
d’
avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, d
1995
ilm japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire,
de
René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’un
1996
et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort
de
Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’a
1997
Mort de Phèdre (environ 1905) : quelques acteurs
d’
une troupe de province s’agitent incompréhensiblement dans un décor tr
1998
re (environ 1905) : quelques acteurs d’une troupe
de
province s’agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, lé
1999
rine ; et une crise intérieure par un court accès
de
danse de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en c
2000
une crise intérieure par un court accès de danse
de
Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse.
2001
ès de danse de Saint-Guy. Art classique : la mort
d’
Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cad
2002
te bande est antérieure à l’époque du long baiser
de
conclusion. Le film japonais : une historiette un peu plus banale que
2003
bien photographiée. C’est le film du type « Jeux
de
soleil dans les jardins, complets variés, ça fait toujours plaisir de
2004
ardins, complets variés, ça fait toujours plaisir
de
voir des gens bien habillés. » Soudain éclate Entr’acte (1925). « Une
2005
25). « Une étude sur le Monde des Rêves ». Rondes
de
cheminées dans le ciel où des pressentiments clignent de l’œil. Des p
2006
inées dans le ciel où des pressentiments clignent
de
l’œil. Des poupées en baudruche gonflent leur tête jusqu’à éclater, t
2007
sent au fond à toute vitesse. Rigueur voluptueuse
d’
une colonnade, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche d’un gr
2008
Rigueur voluptueuse d’une colonnade, puis un jeu
d’
échec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à desc
2009
, puis un jeu d’échec serré, mais sur la corniche
d’
un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur
2010
hec serré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel,
d’
où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevard
2011
tte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau
de
papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est as
2012
t à descendre un petit bateau de papier, sur fond
de
boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrai
2013
its flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse
de
phares d’auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides.
2014
nts, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phares
d’
auto, les 100 000 yeux de la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasse
2015
. Mitrailleuse de phares d’auto, les 100 000 yeux
de
la nuit. Des imprécisions rapides. Un chasseur, toujours sur son toit
2016
asseur, toujours sur son toit ; il tire sur l’œuf
d’
où naît une colombe. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait de
2017
be. Chasse. Mais un papillon éclatant qui battait
de
l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l
2018
apillon éclatant qui battait de l’aile un dixième
de
seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse
2019
e enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque
de
verre, vue par-dessous. Quelques miracles qui suivent sont embrumés d
2020
ont embrumés dans mon souvenir par le rayonnement
de
la robe, fleur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux
2021
ur qui s’ouvre pour dégager le mouvement obsédant
de
deux jambes, l’harmonie de leurs arabesques à trois dimensions mêlées
2022
le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie
de
leurs arabesques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une pe
2023
. Ils revoient la danseuse, font une ronde autour
d’
une tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, pu
2024
danseuse, font une ronde autour d’une tour Eiffel
de
bois de la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Ch
2025
, font une ronde autour d’une tour Eiffel de bois
de
la taille de l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Ély
2026
nde autour d’une tour Eiffel de bois de la taille
de
l’Obélisque de la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une al
2027
e tour Eiffel de bois de la taille de l’Obélisque
de
la Concorde, puis enfilent les Champs-Élysées à une allure grandissan
2028
il roule dans les marguerites, il en sort un chef
d’
orchestre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂
2029
e pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons
d’
entraînement dans le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et no
2030
eux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce
de
trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût
2031
rne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop
de
plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même
2032
’enterrement au ralenti, à l’éclatement des têtes
de
poupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire de cinéma. Quand l
2033
oupées, à la conclusion. Ce n’est pas le bon rire
de
cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où il
2034
là par exemple, où nous ne pouvons nous empêcher
d’
admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines th
2035
er l’utilisation artistique ingénieuse et précise
de
certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu ces dessous
2036
n ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts
d’
Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée de certaines scènes (l’enterr
2037
éfauts d’Entr’acte, c’est la fantaisie recherchée
de
certaines scènes (l’enterrement). Cela fait bizarre. Or, dans le mond
2038
oit nous « transplanter », un certain naturel est
de
rigueur ; toute bizarrerie détourne du véritable miracle auquel nous
2039
du véritable miracle auquel nous assistons. Mais
de
pareils défauts sont presque inévitables dans une production de début
2040
auts sont presque inévitables dans une production
de
début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le
2041
dans une production de début, et Entr’acte mérite
d’
être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier film où l’on a fait d
2042
aphiques. Ici le geste pictural remplace le geste
de
l’acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mai
2043
is comme pour le film 1905, on a sans cesse envie
de
crier : « Trop de gestes ! » C’est une question d’épuration des moyen
2044
ilm 1905, on a sans cesse envie de crier : « Trop
de
gestes ! » C’est une question d’épuration des moyens. Rendre le plus
2045
e crier : « Trop de gestes ! » C’est une question
d’
épuration des moyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait d’un
2046
oyens. Rendre le plus par le moins, c’est le fait
d’
un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques de style. D’ores et dé
2047
d’un art à sa maturité. Mais ce sont là critiques
de
style. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films de René Clair u
2048
e. D’ores et déjà, il faut admirer dans les films
de
René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas
2049
ersant. Et je ne parle pas du miracle genre conte
de
fée, comme le Voyage imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré).
2050
cière transforme un homme en chien, cela n’a rien
d’
étonnant au cinéma. C’est la photographie d’une chose qui ne serait ét
2051
rien d’étonnant au cinéma. C’est la photographie
d’
une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas enco
2052
que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle
de
ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi q
2053
miracle du cinéma, c’est, par exemple, l’éclosion
d’
une rose, un homme qui court au ralenti, certaines coïncidences de mou
2054
omme qui court au ralenti, certaines coïncidences
de
mouvements… C’est une réalité quotidienne dans une lumière qui la mét
2055
des nées des nécessités sociales — nous empêchent
de
découvrir la richesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme d’inc
2056
ichesse immédiate. Surréel qui n’est pas synonyme
d’
incompréhensible, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que l
2057
le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question
d’
imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est une aide puissan
2058
faisons nos premiers pas, étourdis, dans un pays
d’
illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter l
2059
and nos regards plus assurés sauront enfin gagner
de
vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par
2060
s-nous, pris par surprise dans l’exploration ivre
d’
un projecteur, des signes fatidiques, le visage d’un ange. n. Rouge
2061
d’un projecteur, des signes fatidiques, le visage
d’
un ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte de René Clair, ou L’él
2062
iques, le visage d’un ange. n. Rougemont Denis
de
, « Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles
2063
d’un ange. n. Rougemont Denis de, « Entr’acte
de
René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2064
cte de René Clair, ou L’éloge du Miracle », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1927, p. 124
2065
rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état
de
velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
2066
intelligence très nuancée maintient en une sorte
d’
instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
2067
contemporains ont poussées à l’extrême avec moins
de
prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
2068
ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi
de
lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
2069
ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues
d’
une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
2070
ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère
de
l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
2071
irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu
d’
analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
2072
sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif
de
tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
2073
dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris
de
tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
2074
oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant
d’
un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
2075
t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût
de
l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
2076
ue et anarchique : ce sont bien les grands traits
de
notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
2077
e extérieur, que je crois décisif, des conditions
de
la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
2078
les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens
d’
aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
2079
gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle
de
Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
2080
angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que
de
Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
2081
ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur
d’
un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
2082
, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation
de
créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
2083
emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse
d’
un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
2084
foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes
d’
un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
2085
ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît
de
l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
2086
utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que
de
la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
2087
autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas
de
M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
2088
ui formule admirablement les exigences conjointes
de
l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
2089
ement les exigences conjointes de l’inquiétude et
de
la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
2090
te à le chercher encore… » ag. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Daniel-Rops, Notre inquiétude », Bibliothèque univ
2091
inquiétude », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
2092
je sens qu’une puissance étrangère s’est emparée
de
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle
2093
mon être et a saisi les cordes les plus secrètes
de
mon âme, qu’elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si
2094
I (Notes écrites en décembre 1925, au sortir
d’
une conférence sur le Salut de l’humanité.) Ce soir en moi trépigne
2095
bre 1925, au sortir d’une conférence sur le Salut
de
l’humanité.) Ce soir en moi trépigne une rage. Sur quelles épaules
2096
ne une rage. Sur quelles épaules jeter ce manteau
de
flammes, puis à qui dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique
2097
ce manteau de flammes, puis à qui dédier l’ennui
de
ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé
2098
our le pittoresque. — Attrape ! Il n’existe pas
de
théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en no
2099
des Dieux, mais c’est pour détourner nos regards
de
cela qu’il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en v
2100
s nous ont en vain tentés, ô tortures fascinantes
de
la sainteté, seules vous nous appelez encore hors de cette voix de l’
2101
eules vous nous appelez encore hors de cette voix
de
l’infini où chancellent parmi les éclairs nos premiers pas. Aragon, d
2102
lairs nos premiers pas. Aragon, dans ces tempêtes
de
nuits filantes où s’enfuient, souffles à peine parfumés, les vices en
2103
st un ricanement splendide comme un éclat de rire
de
condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats don
2104
s palinodies, font encore rêver les anges écœurés
d’
azur. Alors un juron mélodramatique, d’une voix torturée, hurle au pap
2105
es écœurés d’azur. Alors un juron mélodramatique,
d’
une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Lo
2106
diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat
de
l’infini, annonce l’entrée de l’éternelle anarchiste, la Poésie. On
2107
ouis Aragon, avocat de l’infini, annonce l’entrée
de
l’éternelle anarchiste, la Poésie. On dit : « Des mots ! » au lieu
2108
!, trois mots dont l’un savant. Je ne connais pas
de
meilleur remède contre Dieu. Monsieur, vous avez dit : « C’est incomp
2109
! » — avec une indignation où j’admire une pointe
d’
ironie vraiment supérieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe d
2110
érieure. Car rien ne pouvait mieux exciter, signe
d’
aise extrême, vos glandes salivaires, pourtant si éprouvées par le rep
2111
la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre
de
ce côté. Retournez à vos amours. ....................................
2112
ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts
de
la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques h
2113
désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût
de
s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le derni
2114
e s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui
de
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
2115
n eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier rire
d’
Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque d’être seul sur un faux somme
2116
souffrir. Le dernier rire d’Aragon, c’est l’éclat
de
sa joie brusque d’être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles
2117
r rire d’Aragon, c’est l’éclat de sa joie brusque
d’
être seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’efforcent — mais
2118
es nargue. Il connaît enfin une solitude défendue
de
tous côtés par ses rires scandaleux, quelques « goujateries » affecté
2119
ux, quelques « goujateries » affectées par mépris
de
l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant
2120
eries » affectées par mépris de l’honneur, le mot
de
Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rê
2121
neur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases
d’
un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des édifices, ne qu
2122
ne quitte plus, attiré par les premiers sophismes
de
l’aurore, ces corniches de craie où t’accoudant tu mêles tes traits p
2123
les premiers sophismes de l’aurore, ces corniches
de
craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobili
2124
bilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien
de
critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une des tentative
2125
Nous sommes ici en présence d’une des tentatives
de
libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses
2126
belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses,
de
bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. S
2127
tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et
de
faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu
2128
tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens
de
l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutis
2129
it connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens
de
la pureté ou fanatisme de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il
2130
Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fanatisme
de
l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit de rendre impratic
2131
’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’agit
de
rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis : « N
2132
Il s’agit de rendre impraticables quelques portes
de
sortie » ou compromis : « Nous étions dominés par le sens d’une réa
2133
u compromis : « Nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
2134
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’inf
2135
Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle
de
l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté l
2136
aurions-nous accepté le sort communément heureux
de
nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
2137
i ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité
de
rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? » Nous naisson
2138
à quelque chose qui imite la vie dans une époque
d’
inconcevables compromissions où triomphe sous tous les déguisements, d
2139
omissions où triomphe sous tous les déguisements,
de
Ford à Clément Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit
2140
pour nous n’est nulle part9 ». Ultime affirmation
d’
une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la C
2141
s paroles sur la Croix, il n’y a peut-être pas eu
d’
expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire,
2142
il n’y a peut-être pas eu d’expression plus haute
de
l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’e
2143
pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café
de
Paris. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Rie
2144
arisiens, et dire qu’elle est née dans un café de
Paris
. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien de rien. » Riez-en d
2145
. « Je n’attends rien du monde, je n’attends rien
de
rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubi
2146
vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens
d’
entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dog
2147
, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix
d’
un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingén
2148
ix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer
de
dogmes bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant de m’élever à l
2149
es bassement ingénieux : « Si j’essaie un instant
de
m’élever à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle pu
2150
« Si j’essaie un instant de m’élever à la notion
de
Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
2151
je me révolte qu’elle puisse en aucun cas servir
d’
argument à un homme. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales d
2152
. » Voilà qui nous fait oublier certaines morales
d’
extrême moyenne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites
2153
fait oublier certaines morales d’extrême moyenne
d’
où sont exclues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’on veut
2154
enne d’où sont exclues toutes grandeurs au profit
de
fuites lâches qu’on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une ré
2155
tout sur une révélation possible, ou la naissance
d’
un prophète qui rapprenne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux
2156
: pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr
de
n’avoir pas la tête en bas par rapport au soleil. Quelques gestes enc
2157
s gestes encore, interceptant les messages égarés
de
l’infini… Un tel homme, — est-ce encore Aragon, sinon qui ? — sa gra
2158
ver quelques pages écrites il y a un an, tel soir
de
colère où le thermomètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. E
2159
selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu
d’
une dignité tragique qu’il trouverait sans doute un peu ridicule. C’es
2160
tagieuses. Comment, en effet, ne pas voir la part
de
littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des préte
2161
qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes
de
l’auteur, son incontestable « séduction ». Pour un peu, je découvrais
2162
duction ». Pour un peu, je découvrais une manière
de
prophète un brin janséniste chez ce poète. Aujourd’hui, je le verrais
2163
orie du scandale pour le scandale qui a le mérite
de
n’être pas qu’un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset,
2164
osé dans notre siècle et chez qui tout est devenu
de
quelques degrés plus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et
2165
. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire
de
son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grand
2166
on prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte
de
donquichottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il
2167
emier à s’amuser ? Février 1927. Relu Une vague
de
rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — ma
2168
vrier 1927. Relu Une vague de rêves et la préface
de
Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plus belle, — ce
2169
me un désespoir en quoi je ne vais pas m’empêcher
de
reconnaître la voix secrète de notre mal de vivre. Désespoir métaphys
2170
ais pas m’empêcher de reconnaître la voix secrète
de
notre mal de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phra
2171
êcher de reconnaître la voix secrète de notre mal
de
vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase de Vinet —
2172
de vivre. Désespoir métaphysique. Je me souviens
d’
une phrase de Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteur
2173
sespoir métaphysique. Je me souviens d’une phrase
de
Vinet — laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
2174
laissons s’esclaffer du rapprochement les auteurs
de
manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le con
2175
esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels
de
littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du
2176
le savons… Mais pour Aragon, ce n’est point façon
de
parler. Son « nulle part » est sans dérobade possible par sous-entend
2177
entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe
d’
attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévocable désespoir n’
2178
ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fini
de
chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne l
2179
as mérité du premier coup qu’on se donne la peine
de
l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’esprit « bien Pari
2180
ise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont
de
récentes statistiques de librairie montrèrent les ravages bien plus é
2181
t « bien Parisien » dont de récentes statistiques
de
librairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’on n’osait le c
2182
enu qu’une introspection immobile ne retient rien
de
la réalité vivante ; si je dénie à des incrédules le droit à parler d
2183
nie à des incrédules le droit à parler des choses
de
la foi comme étant d’un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ic
2184
e droit à parler des choses de la foi comme étant
d’
un ordre qui leur échappe ; de même je récuse ici certain sens critiqu
2185
nt on voudrait que soient justiciables les œuvres
d’
un écrivain, les démarches de sa pensée, ses délires, ses visions. Un
2186
ticiables les œuvres d’un écrivain, les démarches
de
sa pensée, ses délires, ses visions. Un critique qui n’épouse pas le
2187
s visions. Un critique qui n’épouse pas le rythme
d’
une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifi
2188
me d’une œuvre, mais s’avance à sa rencontre armé
de
l’appareil à frigorifier de sa raison, est destiné à dire des bêtises
2189
e à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier
de
sa raison, est destiné à dire des bêtises. Cf. certaines remarques —
2190
s bêtises. Cf. certaines remarques — pas toutes —
de
novembre 1926. 2 mai 1927. « Nous avons dressé notre orgueilleuse r
2191
gueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’il y a
de
profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond
2192
loux.) Entre un monsieur en noir : Permettez-moi
de
me présenter… d’ailleurs une ancienne connaissance… le Sens Critique.
2193
dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être
de
quelque utilité… Moi. — Ah ! oui, oui… c’est cela, utilité,… en effe
2194
es jours-ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop
d’
êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Compren
2195
, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et
de
choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : su
2196
ntion… Moi. — Que voilà un singulier impertinent
de
votre part. (Le reconduisant :) Croyez, Monsieur, à mon estime la plu
2197
nous sommes débordés, voyez vous-même, pas moyen
de
causer aujourd’hui… Quoi ?… Bon, bon, c’est entendu, on ne peut rien
2198
Mais plus tard, plus tard. Tenez, voici un traité
de
métaphysique, vous lirez ça en attendant. Très bien fait. Excellente
2199
ez, ma vie ? La Muse (mais oui, la Muse, sortant
de
derrière un rideau). — J’attends votre plaisir… III Il y a des
2200
t avoir tout dit quand ils ont montré à l’origine
de
telle doctrine mystique une exaltation nerveuse ou des troubles organ
2201
opposent à ces « délires » les thèses rassurantes
de
la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas
2202
Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers
de
la grande tradition gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
2203
gréco-latine » pour assigner à Minerve le bassin
de
la Méditerranée comme promenoir, avec défense sous peine de mort de s
2204
comme promenoir, avec défense sous peine de mort
de
s’en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déess
2205
tisane assagie, parfois dévote, phraseuse, sèche,
d’
humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géograph
2206
« À bas le clair génie français. » Alors la voix
de
Rimbardp à la cantonade : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont o
2207
s’éprenne ! Les œuvres les plus significatives
de
ce siècle sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurit
2208
significatives de ce siècle sont écrites en haine
de
l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature mo
2209
sont écrites en haine de l’époque12. Le reproche
d’
obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifest
2210
la littérature moderne n’est qu’une manifestation
de
ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’ind
2211
ical entre l’époque et les quelques centaines (?)
d’
individus pour qui l’esprit est la seule réalité. C’est pourquoi nous
2212
pourquoi nous ne pourrons plus séparer du concept
de
l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le pl
2213
ourrons plus séparer du concept de l’esprit celui
de
Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a e
2214
e-vingt-treize, la Réforme, Karl Marx, la préface
de
Cromwell. Mais il ne s’agit pas de refaire notre petite révolution à
2215
rx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’agit pas
de
refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est mê
2216
tes : qu’ils aient voulu s’allier aux dogmatiques
d’
extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
2217
e dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli
de
crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, et
2218
, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes
de
Karl Marx ? Si vous ne dites pas aussi merde pour Marx ou Lénine, je
2219
. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer
de
cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est f
2220
ique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu
de
vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge p
2221
ez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis
de
discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple r
2222
ennemis de discuter avec eux dans leur langue et
de
crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vous
2223
cet esprit « bien français » qui s’associe à tant
d’
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il ins
2224
t « bien français » qui s’associe à tant d’objets
de
votre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’il inspire ? Al
2225
objets de votre mépris, en prenant le contre-pied
de
tout ce qu’il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y
2226
arisien qui, comme tout ce qui est parisien, hait
Paris
mais ne saurait vivre ailleurs… Mais non, il y aurait trop à dire, et
2227
tent Aragon, Breton et leurs amis alternativement
de
dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heur
2228
Breton et leurs amis alternativement de dévoyés,
de
farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue
2229
urs amis alternativement de dévoyés, de farceurs,
de
chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des
2230
ernativement de dévoyés, de farceurs, de chacals,
de
déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions
2231
qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret
de
l’invention. Il nous faut des entrepreneurs de tempêtes. Un grand
2232
de l’invention. Il nous faut des entrepreneurs
de
tempêtes. Un grand principe de violence commandait à nos mœurs. … et
2233
des entrepreneurs de tempêtes. Un grand principe
de
violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à
2234
s. … et nous portant dans nos actions à la limite
de
nos forces, notre joie parmi vous fut une très grande joie. Saint-Joh
2235
ction contre tout ce qui prétendait nous empêcher
de
vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garan
2236
re tout ce qui prétendait nous empêcher de vivre,
de
rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chap
2237
ui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et
de
souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’opti
2238
lte du moi avec ses recettes garanties, chapelets
d’
optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Desc
2239
ranniques évidences, ordre et désordre, principes
de
Descartes, mathématiques aux pinces de crabe, examens de conscience t
2240
principes de Descartes, mathématiques aux pinces
de
crabe, examens de conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus
2241
artes, mathématiques aux pinces de crabe, examens
de
conscience toujours ratés — on ne m’y prendra plus ! — morales améric
2242
eurs abstractions que nous haïssions. Notre haine
de
certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’en son nom l’on mesurait
2243
Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas
de
ce qu’en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour
2244
ine pour nous sans prix ? Mais nous avions besoin
de
révolution pour vivre, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
2245
re, pour nous perdre. Vivre était devenu synonyme
de
magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous
2246
nous connaissions dans les coins et nous mourions
d’
ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisai
2247
s d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus
de
nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues jou
2248
ous-mêmes que faisaient paraître les petits faits
de
nos longues journées. Nous aimions la révolution comme on aime l’amou
2249
esse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution
de
toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à trave
2250
révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que
de
vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense qu
2251
Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui
rue
dans les brancards, c’est très bellettrien. Un disque de gramo comme
2252
les brancards, c’est très bellettrien. Un disque
de
gramo comme par hasard nasille : Nous avons tous fait ça Plus ou moi
2253
es bonnes farces, et aussi pourtant des histoires
de
copains qui ont mal tourné, on pensait bien, ah ! cette jeunesse, mai
2254
u six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous
de
nous faire la jambe, pardon escuses, avec ce thème à condamnations pa
2255
mace. Il y a encore des gens pour qui les limites
de
l’anarchie sont : chanter l’Internationale dans les rues, faire la no
2256
anarchie sont : chanter l’Internationale dans les
rues
, faire la noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des ge
2257
ale dans les rues, faire la noce, écrire un livre
de
tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écriv
2258
finalement nous écraser par l’évidence définitive
de
notre absurdité. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et to
2259
fait une vérité changeante et toujours évidente,
de
laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se conten
2260
contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience
de
ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes telleme
2261
st plus combattre, c’est l’épanouissement violent
d’
une immense fleur palpitante au parfum de passions, c’est une atmosphè
2262
violent d’une immense fleur palpitante au parfum
de
passions, c’est une atmosphère toute chargée d’éclairs qui nous attei
2263
m de passions, c’est une atmosphère toute chargée
d’
éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miracu
2264
ns cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement
d’
aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous somme
2265
cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes
de
folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux.
2266
revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et
de
joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage de
2267
pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage
de
tendresse va crever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cr
2268
orage de tendresse va crever sur le monde. Aigles
d’
amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes.
2269
es aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs
de
passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le grand Libre-Éc
2270
s que des valeurs de passion. Balayez ces douanes
de
l’esprit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’avancer des
2271
us sommes prêts à les accueillir. 7. Une vague
de
rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superfic
2272
surtout pour un homme qui élit Freud « président
de
la République du Rêve » – c’est presque un non-sens de chercher l’abs
2273
République du Rêve » – c’est presque un non-sens
de
chercher l’absolue liberté dans le rêve. Le rêve, c’est la tyrannie d
2274
ie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que
de
brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset d
2275
s sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset
de
La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres le
2276
s plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre
de
Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des Fra
2277
, quelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan
de
Paris. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », R
2278
uelques esthètes du machinisme. 13. Le Paysan de
Paris
. o. Rougemont Denis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue d
2279
me. 13. Le Paysan de Paris. o. Rougemont Denis
de
, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2280
nis de, « Louis Aragon, le beau prétexte », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 13
2281
il 1927, p. 131-144. p. On a conservé la graphie
de
l’original, sans doute voulue par l’auteur.
2282
e, École errait, École suivait une femme dans les
rues
tant soit peu métaphysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait
2283
e femme dans les rues tant soit peu métaphysiques
d’
une capitale de mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels
2284
s rues tant soit peu métaphysiques d’une capitale
de
mes songes. On exigeait d’une saison de marque de tels soupirs, d’ail
2285
ysiques d’une capitale de mes songes. On exigeait
d’
une saison de marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’
2286
capitale de mes songes. On exigeait d’une saison
de
marque de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs refle
2287
de mes songes. On exigeait d’une saison de marque
de
tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fuss
2288
eurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel
de
névroses dans tous les poèmes où détresse rimait avec maîtresse. Écol
2289
e du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu
d’
un désir. Elle était donc venue. Il la suivait entre les devantures qu
2290
la suivait entre les devantures qui se passaient
de
l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil toujours de fa
2291
s qui se passaient de l’une à l’autre deux séries
de
profils jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule
2292
e deux séries de profils jusqu’au soleil toujours
de
face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement.
2293
ci, elle descend à sa rencontre parmi les éclairs
d’
un luxe mécanique, le visage dans sa fourrure. Elle découvre en passan
2294
. Elle découvre en passant près de lui le sourire
d’
amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’es
2295
en passant près de lui le sourire d’amitié mortel
de
tout ce qui n’arrive jamais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il p
2296
ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange,
de
ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt il téléphone à ceux d
2297
la boutonnière, le marquis pénétra dans le salon
de
la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Pu
2298
on de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit
d’
un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très r
2299
uchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup
de
revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. L
2300
Mais tu es si laid que cela me donne encore plus
de
plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui.
2301
… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les
rues
sourdes comme un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoil
2302
Il neigeait dans les rues sourdes comme un songe
de
son enfance. Aux fenêtres du palais s’étoilèrent des halos. Le jour t
2303
des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide
de
la mort. Il vit des fleurs de son enfance, une églantine, quelques ro
2304
issait sous l’égide de la mort. Il vit des fleurs
de
son enfance, une églantine, quelques roses, un sourire qui perce le c
2305
esses des flocons, plus perfides que des murmures
d’
adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensive des jardins.
2306
rt. » Il fait assez beau pour que s’ouvre ce cœur
de
l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il respire déjà l’o
2307
s’ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia
de
tendre orgueil. Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et de
2308
t bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question
d’
amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un
2309
que je reviens seul. Mais moi, qui regarde comme
de
l’autre bord, je songe qu’il est des visites à de certaines grandes d
2310
de l’autre bord, je songe qu’il est des visites à
de
certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre se
2311
s le retenir, Je ne pouvais pas le suivre. On dit
de
ces phrases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis de, « Quatre
2312
rases. Même, on en pleure. q. Rougemont Denis
de
, « Quatre incidents », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
2313
Rougemont Denis de, « Quatre incidents », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1927, p. 15
2314
le passé ? Allons-nous assister à un regroupement
de
ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le
2315
nts nécessaires à ce regroupement existe : il y a
de
jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà d
2316
uchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà
de
discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons
2317
que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère
de
combat nécessaire au développement de certains jeunes tempéraments le
2318
’atmosphère de combat nécessaire au développement
de
certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ai
2319
r fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent
de
s’établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais p
2320
a même mesure. Ainsi risquent de s’établir autour
d’
eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès,
2321
dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde
d’
amateurs de découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiq
2322
des efforts artistiques. Tout ce monde d’amateurs
de
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant
2323
stiques. Tout ce monde d’amateurs de découvertes,
de
snobs, de marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde
2324
out ce monde d’amateurs de découvertes, de snobs,
de
marchands de tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous l
2325
d’amateurs de découvertes, de snobs, de marchands
de
tableaux, de critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémisme
2326
découvertes, de snobs, de marchands de tableaux,
de
critiques d’avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés
2327
de snobs, de marchands de tableaux, de critiques
d’
avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus
2328
uvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à
Paris
, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à n
2329
e à nous revenir munis du passeport indispensable
d’
une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tabl
2330
re. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau
de
jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles loca
2331
hand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent
de
touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pa
2332
eillera cette consécration bien méritée du talent
d’
un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans u
2333
ra cette consécration bien méritée du talent d’un
de
ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Ro
2334
ccorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils
d’
un tel père. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en fai
2335
force se développe. N’était certain petit plaisir
d’
impertinence, je me fusse dispensé de redire ces lieux communs, auxque
2336
etit plaisir d’impertinence, je me fusse dispensé
de
redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confère
2337
D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins
de
malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incomp
2338
achons le reconnaître, il y a moins de malice que
de
paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que
2339
de paresse dans les jugements du public, et moins
d’
incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer n
2340
gements du public, et moins d’incompréhension que
de
timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissance,
2341
éhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas
de
ne citer ni dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophé
2342
ité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates
de
naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions d
2343
pas de ne citer ni dates de naissance, ni traits
d’
enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. D
2344
ts d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions
de
critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a 25 ans, jusqu
2345
si les peintres dont nous allons parler méritent
d’
être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part j
2346
graphie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer
de
contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucu
2347
tre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen
d’
aucun de ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’a
2348
el je ne saurais me prémunir par le moyen d’aucun
de
ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplô
2349
plômé. Premier péché contre l’histoire : au seuil
d’
un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente
2350
ésente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva
de
Genève il y a de cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures
2351
li, un Zurichois qui nous arriva de Genève il y a
de
cela cinq ou six ans. Il peignait alors des natures mortes, de petits
2352
ou six ans. Il peignait alors des natures mortes,
de
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons de fard. C’était un
2353
petits paysages, il dessinait des nus aux crayons
de
fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Mati
2354
res, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée
de
surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des rech
2355
à des recherches un peu théoriques et abstraites.
De
cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors
2356
cette époque datent des toiles comme le Souvenir
de
l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout e
2357
venir de l’Évêché. Décors et personnages semblent
d’
une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement.
2358
parfait seulement. Il manque à ces recompositions
de
la nature, à ces natures remises à neuf, l’imperfection humaine qui t
2359
ection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure
de
ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère.
2360
dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille
de
constater combien l’épuration rigoriste de sa technique sert une visi
2361
veille de constater combien l’épuration rigoriste
de
sa technique sert une vision aigüe de la vie. La série de gravures su
2362
n rigoriste de sa technique sert une vision aigüe
de
la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité
2363
chnique sert une vision aigüe de la vie. La série
de
gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d
2364
qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre
de
réalisme stylisé. C’est d’un art très volontaire, qui connaît ses res
2365
un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’est
d’
un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user ave
2366
t en user avec la sobriété qui produit le maximum
d’
expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout
2367
affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra
de
reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu biz
2368
ïque, c’est elle qui permettra de reconnaître une
de
ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse s
2369
e reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin
de
comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le m
2370
ad Meili apporte chez nous une inspiration neuve,
d’
origine germanique, mais qui a choisi de s’astreindre à la voluptueuse
2371
on neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi
de
s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épuran
2372
les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément
de
vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il cass
2373
pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant
d’
air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soul
2374
e fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle
de
Neuchâtel 1927 7 il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuc
2375
âtelois. Actuellement, Meili achève la décoration
d’
une salle d’hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce
2376
uellement, Meili achève la décoration d’une salle
d’
hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste
2377
pressionniste s’astreindrait jamais aux exigences
de
la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes
2378
rapprochements moins paradoxaux. Donzé n’est pas
de
ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son por
2379
consiste à habiller une idée. Voyez son portrait
de
Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce v
2380
a presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a
de
la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, une sensualité qui s
2381
l voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement
de
ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut
2382
nsualité qui sait se faire délicate quand du haut
de
San Miniato ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des ja
2383
se faire délicate quand du haut de San Miniato ou
de
Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvre
2384
x allures discrètes promène sur le monde des yeux
de
Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne c
2385
scrètes promène sur le monde des yeux de Japonais
d’
une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais i
2386
lus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air
de
songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa premièr
2387
peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer,
d’
une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palet
2388
qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs
de
nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentime
2389
grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte
d’
aristocratique dissimulation dans l’œuvre de Bouvier. Sa technique qui
2390
sorte d’aristocratique dissimulation dans l’œuvre
de
Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intenti
2391
; mais il faut pour comprendre cet art emprunter
de
singuliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient
2392
omprendre cet art emprunter de singuliers chemins
d’
accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bo
2393
’abord vous prend et vous retient dans un tableau
de
Bouvier, c’est toujours une sorte de dissonance, un défaut par où l’o
2394
s un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte
de
dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmo
2395
où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère
de
l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout dev
2396
e mystique exige pour être compris une complicité
de
sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron,
2397
pour être compris une complicité de sentiments ou
d’
état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés,
2398
rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres
de
ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie de B
2399
i la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie
de
Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’épano
2400
de Bouvier l’entraîne à mille lieues des jardins
de
sourires qui s’épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujo
2401
ins de sourires qui s’épanouissent sur les toiles
de
Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre deux pluies. Il aime ce
2402
t, et sait rendre mieux que personne la liquidité
d’
un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, ca
2403
urtant l’impression, à voir ses dernières toiles,
d’
une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, le
2404
Charles Humbert ou comment on passe en cinq ans
de
Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles
2405
ut craindre que Charles Humbert ne devînt le chef
d’
une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes
2406
t, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes
d’
une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déj
2407
en des scènes d’une bizarre fantaisie, un mélange
de
Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine
2408
es d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et
d’
Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H.
2409
l avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins
d’
un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était
2410
intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets
d’
une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient av
2411
tureuse que les formes, il y a une belle richesse
de
lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûre
2412
se de lueurs sur une matière traitée largement et
d’
une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup att
2413
t ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre
de
ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités im
2414
es possibilités imprévues. Il y a un côté « homme
de
la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale.
2415
n a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit
de
le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux
2416
yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains
d’
un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela commu
2417
lle lourdeur, tout cela communique une impression
de
puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline
2418
ssance domptée et qui semble se faire une volupté
de
la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renai
2419
ampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi,
d’
un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis
2420
e (elle peint aussi, d’un œil regardant le sujet,
de
l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le p
2421
ssins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles
de
Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habi
2422
is retrouver, allons errer un peu dans le royaume
d’
Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver
2423
rcevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme
de
chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur s
2424
n sans se douter qu’il avait pris quelques années
d’
avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Saluta
2425
s choses bien curieuses sur son compte. Il a fait
de
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges
2426
la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit
de
noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à
2427
rie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et
d’
oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des
2428
l administre une feuille religieuse. Il déniche à
Paris
des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle ave
2429
r… Retournez-en une autre, ce doit être un dessin
d’
horlogerie, ou quelque plan d’une machine à mouvement perpétuel. Une a
2430
doit être un dessin d’horlogerie, ou quelque plan
d’
une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’
2431
eux où se coupent des plans transparents, cellule
de
quelque palais de glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où s
2432
des plans transparents, cellule de quelque palais
de
glaces en miniature, sorte de boîte à miracles où sous un éclairage t
2433
e de quelque palais de glaces en miniature, sorte
de
boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet
2434
et, mais inusité, l’objet le plus banal se charge
de
mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
2435
se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe
de
quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’
2436
intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance
d’
un songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’incarne dans ces
2437
pas naissance d’un songe ? C’est en effet un rêve
de
précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
2438
rne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir
de
la perfection exercée par jeu. Mais quel support à de nouvelles songe
2439
a perfection exercée par jeu. Mais quel support à
de
nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à c
2440
rte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une
de
ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou
2441
r en instruments métaphysiques ces bonnes montres
de
précision de La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappel
2442
nts métaphysiques ces bonnes montres de précision
de
La Chaux-de-Fonds… Avant de quitter les peintres, rappelons le souven
2443
nt de quitter les peintres, rappelons le souvenir
de
Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mes
2444
toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins,
d’
une sûreté un peu traditionnelle, d’un style pourtant assez large et q
2445
des dessins, d’une sûreté un peu traditionnelle,
d’
un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réal
2446
scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume
d’
aviateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Per
2447
⁂ Mais voici dans son costume d’aviateur, retour
de
Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout
2448
uelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur
de
rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’at
2449
rceaux comme le Joueur de rugby. C’était le poids
de
la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignai
2450
it le poids de la pierre, plus que celui du corps
de
l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre.
2451
semble avoir évolué vers une plus grande harmonie
de
lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un
2452
par les sujets et un style qui sait rester ample,
d’
une simplicité non dépourvue de puissance. Une fois de plus l’on peut
2453
sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue
de
puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon de s
2454
fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon
de
style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son
2455
par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager
de
son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perr
2456
errin décora naguère fort plaisamment une pendule
de
Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art
2457
ique d’art, compose des coussins, des couvertures
de
livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perreno
2458
coussins, des couvertures de livres, des étoffes,
d’
une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tab
2459
ptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine
de
petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusem
2460
tes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage
de
grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plu
2461
le fait des circonstances peut-être plus que par
de
naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et
2462
ctive. Est-il possible, au sein de ce mouvement,
d’
en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccu
2463
s qui pourraient aboutir peut-être à la formation
d’
un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des
2464
et et le domaine où elles se réalisent que celles
de
Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
2465
, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche
de
la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la
2466
toutes une recherche de la simplicité savante et
de
la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui
2467
t de même une orientation générale vers une sorte
de
classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloi
2468
n avenir peut-être proche dira dans quelle mesure
de
tels groupements correspondent à une réalité artistique. Pour aujourd
2469
vions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité
d’
une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu
2470
est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et
d’
une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté util
2471
lecteurs. 8. Voir sur cet artiste neuchâtelois,
de
son vrai nom Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro de févr
2472
Ch. E. Jeanneret, un article paru dans le numéro
de
février de cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes ne
2473
nneret, un article paru dans le numéro de février
de
cette revue. k. Rougemont Denis de, « Jeunes artistes neuchâtelois
2474
o de février de cette revue. k. Rougemont Denis
de
, « Jeunes artistes neuchâtelois », Das Werk, Zurich, avril 1927, p. 1
2475
ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas
d’
une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
2476
un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a
d’
ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
2477
ité : les caractères se résument dans son avidité
de
puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
2478
ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement
de
ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
2479
niement de ses origines. Le vieux père s’effondre
de
honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
2480
es origines. Le vieux père s’effondre de honte et
de
douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
2481
père s’effondre de honte et de douleur. « On vend
de
l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
2482
eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension
de
Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
2483
on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre
de
platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
2484
s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et
de
vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
2485
, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner
d’
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
2486
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et
de
suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
2487
que vous m’avez assigné à force de m’humilier et
de
me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Le
2488
ilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Bernard Lecache, Jacob », Bibliothèque universelle
2489
ache, Jacob », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
2490
Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu
de
tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
2491
e tout dire est une des plus tragiques inventions
de
l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
2492
é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception
de
la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment
2493
inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence
d’
une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
2494
sincérité ne serait-elle à son tour que le masque
d’
un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
2495
le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond
de
ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
2496
écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce
de
Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
2497
nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées
de
Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
2498
féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou
de
Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
2499
lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes
d’
Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
2500
’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
de
ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
2501
vit et nous touche par la force de ce tourment ou
de
ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
2502
elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin
de
certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
2503
n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché
de
la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
2504
ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre
d’
art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
2505
mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur
de
document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
2506
ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé
de
redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
2507
’aime guère ce style abstrait, semé de redites et
d’
expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
2508
ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre
de
René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
2509
. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens
de
la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Roug
2510
qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] René Crevel, La Mort difficile », Bibliothèque uni
2511
t difficile », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
2512
Paul Éluard, Capitale
de
la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
2513
resses coupantes comme certaines herbes. Capitale
de
la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
2514
rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont
de
belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
2515
s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées
d’
un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
2516
faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup
d’
oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
2517
cent au bord des verres, se posent sur les cordes
d’
une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
2518
l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur
d’
une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
2519
mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont
de
jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
2520
lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même,
de
laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
2521
oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué,
d’
élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
2522
Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant,
de
« bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
2523
çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache
de
couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
2524
sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit
de
ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. Rougemont
2525
ble avec incompréhensible. aj. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur », Bibliothèqu
2526
Denis de, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale
de
la douleur », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, m
2527
la douleur », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
2528
chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «
De
quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
2529
s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ?
de
détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
2530
i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou
de
rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
2531
un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté
de
secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
2532
de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée
d’
apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
2533
e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin
d’
être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
2534
une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre
de
sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
2535
te » qui révèle encore dans le fond quelque chose
de
solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
2536
vèle encore dans le fond quelque chose de solide,
d’
authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
2537
e de solide, d’authentique. J’aime cette violence
de
redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
2538
où je distingue bien autre chose que les « éclats
de
l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
2539
hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux
de
rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
2540
ains français un homme qui ait à ce point le sens
de
l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
2541
de l’époque, une vision si claire et si tragique
de
la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
2542
ision si claire et si tragique de la civilisation
d’
Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
2543
nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu
d’
avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
2544
u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe
de
la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
2545
ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais
d’
avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
2546
ion, — et je sais bien que c’est là un des signes
de
sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
2547
utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme
d’
aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al.
2548
écidé à mépriser le bluff. al. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées
2549
s les idées », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
2550
, Monsieur, normalement bon. L’idée, par exemple,
d’
étrangler un chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais de peiner
2551
n chat pour le plaisir me répugnait. Je détestais
de
peiner quelque être, même ennemi, — car celui-là je le méprisais trop
2552
Mes parents me savaient vierge et c’était la joie
de
leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leu
2553
. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux
de
cette femme, de peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’e
2554
e détournai pas mes yeux des yeux de cette femme,
de
peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je
2555
lendemain était le premier jour du printemps. Les
rues
riaient. Le ciel descendait dans la ville, on marchait dans le bleu.
2556
te femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis
de
bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon
2557
m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et
d’
insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savait t
2558
jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur
de
la saison. — Au soir, mon père savait tout. Il effleura mon front de
2559
soir, mon père savait tout. Il effleura mon front
de
ses lèvres sans une parole quand je vins lui souhaiter le bonsoir. Le
2560
lui, sans doute, j’étais perdu. Mais il souffrait
d’
autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais jus
2561
maintenant. » Je songeais justement à un sourire
de
mon amie quand il voulut m’adresser la parole après un silence vertig
2562
it mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara
de
mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus
2563
e plus tard, j’étais à la gare, j’écrivais un mot
d’
adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelc
2564
la gare, j’écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse
d’
une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce
2565
direction quelconque. Il advint que ce fut celle
de
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’articles sur la m
2566
l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus
d’
articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux
2567
divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien
de
mon pays où je cherchais mon dernier papier, je lus mon nom en grosse
2568
m en grosses lettres : c’était l’annonce du décès
de
mon père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée d’un café ; une b
2569
n père. » J’étais assis à la terrasse ensoleillée
d’
un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me re
2570
cement… Je me levai sans payer, je partis par les
rues
, une joie violente commençait à m’envahir, contre laquelle je luttais
2571
augmenter ma volupté. Bientôt je ne pus me tenir
de
chantonner. J’entrai dans un établissement luxueux d’où sortaient à c
2572
hantonner. J’entrai dans un établissement luxueux
d’
où sortaient à chaque tour du tambour des bouffées de musique. » La fe
2573
ù sortaient à chaque tour du tambour des bouffées
de
musique. » La femme en bleu dansait en regardant au plafond. Après de
2574
x tangos, nous montions ensemble dans une chambre
d’
hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumiè
2575
uet transfiguré par la lumière et que reflétaient
de
nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des solei
2576
une avenue et ses autos rouges, tout un couchant
de
grand port de la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore
2577
ses autos rouges, tout un couchant de grand port
de
la Méditerranée. Nous nous aimâmes en sifflotant encore par instants
2578
s aimâmes en sifflotant encore par instants l’air
de
la dernière danse, mais nous avions aussi envie de pleurer, à cause d
2579
e la dernière danse, mais nous avions aussi envie
de
pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
2580
soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir
de
bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se
2581
son sac à main : c’était assez pour me permettre
d’
entreprendre quelques beaux vols… » Dès lors, je vécus, comme vous me
2582
s, comme vous me voyez vivre encore, dans un état
de
sincérité perpétuelle envers tous mes élans, accueillant avec un enth
2583
moral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide
de
l’Europe centrale — région où l’on est forcé de prendre conscience de
2584
e de l’Europe centrale — région où l’on est forcé
de
prendre conscience de soi-même — je découvris une nuit, au moment de
2585
— région où l’on est forcé de prendre conscience
de
soi-même — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma pas
2586
ue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années
de
joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je se
2587
’avait-on pas dérobé des années de joie au profit
d’
une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le
2588
bscurément. Je sentais bien que le ressort secret
de
la vertu dans laquelle on m’avait emprisonné c’était un bas opportuni
2589
unisme social, résultante des paresses accumulées
de
tous les cerveaux bourgeois incapables de concevoir un monde sans vie
2590
umulées de tous les cerveaux bourgeois incapables
de
concevoir un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans ge
2591
escroquerie morale dont je fus la victime, ce vol
de
quelques joies parfaites de ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsi
2592
us la victime, ce vol de quelques joies parfaites
de
ma jeunesse… Mais il est trop tard, Monsieur, pour critiquer les moda
2593
trop tard, Monsieur, pour critiquer les modalités
de
ma vengeance. Veuillez ne voir dans la confusion où je parais être en
2594
omique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée
d’
ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fond
2595
’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie,
de
mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridiculement, les fondements mêm
2596
ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes
de
la société. » C’est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que
2597
mes de la société. » C’est avec le produit du vol
d’
un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel
2598
ociété. » C’est avec le produit du vol d’un tronc
de
chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis gra
2599
uel je fis graver : Prêté — rendu, pour la gloire
de
l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais g
2600
t un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il,
de
la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… B
2601
e vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique
de
ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quel
2602
s grâce, poursuivit-il, de la chronique de ma vie
de
rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois,
2603
, poursuivit-il, de la chronique de ma vie de rat
d’
hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’a
2604
t-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et
de
sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à joue
2605
jouer le pickpocket. Cela permet, avec un minimum
d’
adresse, de découvrir certaines personnalités sous un jour assez parti
2606
ckpocket. Cela permet, avec un minimum d’adresse,
de
découvrir certaines personnalités sous un jour assez particulier, trè
2607
us un jour assez particulier, très souvent ignoré
d’
elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… L
2608
pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût
de
la propriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus gén
2609
et des plus généralement répandus, j’ai vite fait
de
classer mon monde d’après les quelques réactions élémentaires qui ne
2610
ues réactions élémentaires qui ne manquent jamais
de
succéder au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse
2611
psychologique n’est pas mon fort. Je me contente
de
quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vé
2612
les manifestations vivantes avec une prodigalité
d’
épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véri
2613
es et enjolivures où je vois le véritable intérêt
de
ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement
2614
e. C’est vous dire que seule une certaine caresse
de
l’événement naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir de chaq
2615
naissant peut encore m’émouvoir. C’est un plaisir
de
chaque minute auquel succède immédiatement le sommeil. Je rêve beauco
2616
j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier
de
vous dire qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on
2617
ron des voyageurs… » Saint-Julien parut satisfait
de
cette dernière plaisanterie. Il but avec beaucoup de délicatesse quel
2618
but avec beaucoup de délicatesse quelques gorgées
d’
eau minérale. Isidore sentit alors que la bienséance l’obligeait à éme
2619
ur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que
de
l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-il,
2620
lâchant tout de suite ses compliments, ce qui est
de
mauvaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté de votre vie. El
2621
vaise politique, — c’est l’extraordinaire netteté
de
votre vie. Elle est sans bavures, sans réticences ; elle m’apparaît c
2622
paraît comme un divertissement perpétuel et dénué
d’
inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin,
2623
couter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu
d’
appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle de vie. Ma
2624
’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur
de
l’expression — une règle de vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me
2625
pardonnez la lourdeur de l’expression — une règle
de
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer de votre co
2626
vie. Mais, je vous l’avouerai, ce qui me retient
de
tirer de votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliq
2627
s, je vous l’avouerai, ce qui me retient de tirer
de
votre conduite les conclusions morales qu’elle paraît impliquer, c’es
2628
ales qu’elle paraît impliquer, c’est ce caractère
de
, comment dirai-je…, de juvénile insouciance, pour ne pas dire inconsc
2629
liquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…,
de
juvénile insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’attache à
2630
ts et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit
de
quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en
2631
L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une
de
ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux
2632
ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farces
d’
étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus
2633
’étudiants qui ne sont que la traduction en actes
de
jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit S
2634
ts qui ne sont que la traduction en actes de jeux
de
mots plus ou moins cruels… » — Je vous entends, interrompit Saint-Jul
2635
t la sincérité tournait vite à l’agressif — effet
d’
une timidité naturelle dont il paraissait lui-même gêné. En deux mots,
2636
t raison. Mais justement je n’éprouve aucun désir
d’
avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent
2637
bien que vous ce que mes principes peuvent avoir
de
« bien jeune », de banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal.
2638
ue mes principes peuvent avoir de « bien jeune »,
de
banal presque, et, pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour qui
2639
oir de « bien jeune », de banal presque, et, pis,
d’
agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi profondéme
2640
quiconque est aussi profondément persuadé que moi
de
l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindre geste
2641
ondément persuadé que moi de l’absurdité radicale
de
notre vie, la moindre farce, le moindre geste convenu dans le genre «
2642
onvenu dans le genre « révolté » prend une saveur
de
raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derri
2643
re apprendrez-vous à découvrir derrière certaines
de
mes plaisanteries la dérision secrète qu’elles masquent par caprice.
2644
......................... ⁂ s. Rougemont Denis
de
, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue de Belles-Lettres, Lausann
2645
nis de, « Récit du pickpocket (fragment) », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 180-
2646
nève-Fribourg, mai 1927, p. 180-185. t. Une note
de
bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises da
2647
ction rappelle que les idées émises dans la Revue
de
Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas
2648
aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude
de
boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris d
2649
ques : le goût du suicide, l’habitude de boire et
de
fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité
2650
excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris
de
la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibili
2651
e, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive
de
l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous
2652
éalité, l’exaltation maladive de l’imagination et
de
la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes :
2653
ens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin
de
tous les principes qui sont à la base de la société même. » Ceci es
2654
is enfin de tous les principes qui sont à la base
de
la société même. » Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Ber
2655
t à la base de la société même. » Ceci est tiré
d’
un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
2656
loysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques
de
1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le d
2657
M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal
de
Genève sur « La maladie du siècle », écrit : « Plante des pommes de
2658
ne homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne
de
200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siè
2659
e 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres
de
plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de
2660
ècle ne sera plus malade, les temps seront guéris
de
leur crise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. A
2661
bilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal
de
Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz ar
2662
tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée
d’
un savoureux “demi” de Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou
2663
it une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi”
de
Lavaux. » Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes
2664
tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux
de
notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils n
2665
lement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût
de
l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ». — Citez-
2666
ui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique
de
tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mo
2667
e de tous les « vices romantiques ». — Citez-m’en
de
ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce f
2668
re… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe
de
la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la gue
2669
mple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait
de
la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce
2670
; ce fait de la révolution russe… cet autre fait
de
la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison
2671
it de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout
de
la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Princip
2672
s n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z.,
de
ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point
2673
tement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin
de
rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait de
2674
n, le satisfait artificiel. u. Rougemont Denis
de
, « Conseils à la jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâ
2675
emont Denis de, « Conseils à la jeunesse », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mai 1927, p. 186-
2676
sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte
d’
une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
2677
terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie
de
saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
2678
voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse
de
Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
2679
aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie
de
nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
2680
que c’est une vraie manie de nommer à tout propos
d’
Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
2681
la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez
de
« procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
2682
e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit
de
l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
2683
nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable
de
cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
2684
re Girard est un peu responsable de cette douceur
de
vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
2685
ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose
de
fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
2686
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès
de
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
2687
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté
de
l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
2688
proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours
de
Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
2689
vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir
de
ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
2690
… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen
de
cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
2691
et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu
de
fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
2692
i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
de
sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
2693
ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
de
ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
2694
es désertes glisse un grand souffle oblique plein
de
fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
2695
se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et
de
pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Girard,
2696
fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes
2697
des femmes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
2698
La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature (juillet 1927)v I Parler littérature Si je pro
2699
I Parler littérature Si je prononce le nom
de
tel de vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge
2700
arler littérature Si je prononce le nom de tel
de
vos confrères, si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et s
2701
lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres
de
votre paradis poétique. Si je cite tel auteur dont nous fîmes notre n
2702
uteur dont nous fîmes notre nourriture une saison
de
naguère, voilà le rictus de votre bouche, une injure de pythie. Vous
2703
nourriture une saison de naguère, voilà le rictus
de
votre bouche, une injure de pythie. Vous dites de ce conte : c’est tr
2704
uère, voilà le rictus de votre bouche, une injure
de
pythie. Vous dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce r
2705
de votre bouche, une injure de pythie. Vous dites
de
ce conte : c’est trop écrit. Vous dites de ce roman : c’est trop agré
2706
dites de ce conte : c’est trop écrit. Vous dites
de
ce roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’on aurait pou
2707
tes de ce roman : c’est trop agréable. Vous dites
d’
un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alo
2708
d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est
de
la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant : — Je vous
2709
in que leurs sincérités gardent au moins l’excuse
d’
une audace qu’ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous
2710
voici un bar où je vous suis. Vous y entrez plein
de
mépris pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme de ces lieux. V
2711
is pour Paul Morand par qui découvrîtes le charme
de
ces lieux. Vous composez un cocktail en guise de métaphore, avec une
2712
d Écart… », dit quelqu’un. À ce coup, l’évocation
de
Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot de Cambronne : hommage à L
2713
ion de Cocteau fait fleurir sur vos lèvres le mot
de
Cambronne : hommage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation de Va
2714
mmage à Louis Aragon. Ce cristal est une citation
de
Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrase
2715
une citation de Valéry, cette œillade se souvient
d’
un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l
2716
on de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers
d’
Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut de l’ivresse n
2717
14. Et des phrases, des cris, des mots. Au défaut
de
l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votr
2718
ie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir
de
son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Pois
2719
rop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir
d’
être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pude
2720
qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin
de
l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus
2721
les et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule
de
bois pour en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons de votre
2722
en faire des poèmes. Alors je cherche les raisons
de
votre indignation, quand il m’échappe une citation. Seraient-ce les g
2723
», « hallucinant » ou « purement gratuit ». C’est
de
la littérature. À force d’avoir mérité ces épithètes, pour nous laud
2724
ment gratuit ». C’est de la littérature. À force
d’
avoir mérité ces épithètes, pour nous laudatives, vous vous étonnez au
2725
ur nous laudatives, vous vous étonnez aujourd’hui
de
la simplicité. Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que
2726
implicité est simple simplement. La bouche brûlée
d’
alcools, vous découvrez à l’eau un goût étrange. L’eau est incolore, i
2727
votre mépris pour le pittoresque, vous témoignez
d’
un goût du bizarre qui révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas fair
2728
pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez
de
compter avec cette réalité de la littérature qui est en nous (dangere
2729
en lu. Vous refusez de compter avec cette réalité
de
la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Ma
2730
s ce refus n’est pas seulement comme vous pensez,
d’
une ingratitude salutaire, c’est refus de limiter le mal. Je vous vois
2731
pensez, d’une ingratitude salutaire, c’est refus
de
limiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez
2732
ahi par des démons que vous prétendez m’interdire
de
nommer. Mais moi je partage avec certains Orientaux cette croyance :
2733
ez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté
de
ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes. Vous n’allez pas me sur
2734
du feu. Je dis ces noms, ces opinions, ces titres
de
livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vi
2735
lleurs. L’addition, s’il vous plaît. Il est temps
de
sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vr
2736
addition, s’il vous plaît. Il est temps de sortir
de
ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce
2737
vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et
de
ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt
2738
s de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres
de
vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur
2739
le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance
de
la littérature On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il n
2740
arle littérature. Mais il y a des mépris qui sont
de
sournoises déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés
2741
a des mépris qui sont de sournoises déclarations
d’
amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une t
2742
es curés, c’est qu’il se fait une très haute idée
de
la religion. Ainsi, de la littérature : votre mépris pour ses réalisa
2743
e fait une très haute idée de la religion. Ainsi,
de
la littérature : votre mépris pour ses réalisations actuelles donne l
2744
s pour ses réalisations actuelles donne la mesure
de
ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois
2745
actuelles donne la mesure de ce que vous attendez
d’
elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette atte
2746
de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond
de
ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vo
2747
e. Que la littérature nous est un moyen seulement
d’
atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des éta
2748
rature nous est un moyen seulement d’atteindre et
de
préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieurs q
2749
oses dures, amères comme un destin, comme le goût
d’
une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des soupless
2750
que tout se fond catastrophiquement dans l’infini
de
la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces
2751
ue nulle poésie même ne peut dire, parce que rien
de
ce qui nous importe véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’
2752
la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen
de
connaissance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’on ne l’écr
2753
ble : cela consisterait dans l’expression directe
de
la réalité individuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’il d
2754
ellement incommunicable qu’il deviendrait inutile
de
la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si
2755
s obscurs des allusions furtives à certains états
de
la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques
2756
e, — mariant l’utile à l’agréable selon les rites
d’
une esthétique ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signif
2757
à l’agréable selon les rites d’une esthétique ou
d’
une autre, plus ils perdent leur pouvoir de signifier les choses qui n
2758
que ou d’une autre, plus ils perdent leur pouvoir
de
signifier les choses qui nous importent. Vous le savez. Alors vous le
2759
avez. Alors vous les lâchez en liberté, par haine
de
cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même
2760
chez en liberté, par haine de cette esthétique ou
de
ce sens social, — et voilà qu’ils perdent même la problématique utili
2761
oilà qu’ils perdent même la problématique utilité
de
liaison qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’on
2762
qui était leur excuse dernière. Avouons-le : rien
de
ce qu’on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de
2763
. Avouons-le : rien de ce qu’on peut exprimer n’a
d’
importance véritable. Alors, cessons de nous battre contre des moulins
2764
primer n’a d’importance véritable. Alors, cessons
de
nous battre contre des moulins à vent. La littérature, considérée du
2765
vent. La littérature, considérée du point de vue
de
la psychologie de l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal
2766
ure, considérée du point de vue de la psychologie
de
l’écrivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfa
2767
u anormal, que l’on satisfait dans certains états
de
crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelq
2768
t on tire parfois quelque plaisir, plus rarement,
de
quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète.
2769
t, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu
d’
une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un
2770
eu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction
de
défense. On cherche un mot, une phrase, pour tuer une réalité dont la
2771
qui est proche du sens biblique. Il ne s’agit pas
de
la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se con
2772
ude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit
de
l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’avoue pre
2773
êt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet
de
conversation, au café. Dans un salon, par contre, c’est d’un ridicule
2774
sation, au café. Dans un salon, par contre, c’est
d’
un ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper.
2775
dicule écrasant : mais rien n’est plus facile que
d’
y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant me p
2776
lus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité
de
la littérature Montherlant me paraît être le moins « littératuré »
2777
araît être le moins « littératuré » des écrivains
d’
aujourd’hui. Quand il parle littérature, il a toujours l’air de mettre
2778
. Quand il parle littérature, il a toujours l’air
de
mettre un peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’entre
2779
rs l’air de mettre un peu les pieds dans le plat,
de
dire de ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer s
2780
de mettre un peu les pieds dans le plat, de dire
de
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu de passer sous sile
2781
ces choses qu’entre gens du métier l’on a convenu
de
passer sous silence. C’est assez drôle de voir le malaise des chers c
2782
convenu de passer sous silence. C’est assez drôle
de
voir le malaise des chers confrères. Ils ne pardonnent pas à ce toréa
2783
miliarités avec une Muse qu’ils n’ont pas coutume
d’
aborder sans le mot de passe de la dernière mode ou de savantes séduct
2784
se qu’ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot
de
passe de la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’
2785
n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe
de
la dernière mode ou de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs,
2786
order sans le mot de passe de la dernière mode ou
de
savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient
2787
t bien, d’ailleurs, qu’elle les entretient. Bande
de
gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas
2788
illeurs, qu’elle les entretient. Bande de gigolos
de
la littérature ! Qu’on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore aval
2789
de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse vivre
de
ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai p
2790
ble ; mais, pour sûr, jamais vivre pour écrire16.
De
tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité li
2791
plus satisfaisant, celui qui rend le mieux compte
de
la réalité, c’est André Breton qui l’a exprimé : « On publie pour che
2792
es pas tant, n’est-ce pas, à poursuivre une quête
de
l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines
2793
les mépris, les haines douloureuses ou grossières
de
tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leu
2794
s instables certitudes, et qui nous font un péché
de
notre acceptation des réalités spirituelles parce qu’elles troublent
2795
e reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus
d’
autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’el
2796
re excuse que celle-là, la littérature mériterait
d’
exister : qu’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de no
2797
erait d’exister : qu’elle soit le langage chiffré
de
notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peu
2798
le soit le langage chiffré de notre inquiétude et
de
nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous permett
2799
udes, le seul langage peut-être qui nous permette
d’
échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps,
2800
eut-être qui nous permette d’échanger les signaux
de
l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuse
2801
Voici donc les seules révélations que j’attende
de
la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de
2802
que celle des autres m’aide à prendre conscience
de
moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le mon
2803
ir quelques êtres par le monde… Il ne s’agit plus
de
mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à
2804
tres par le monde… Il ne s’agit plus de mépris ni
d’
adoration. J’ai défini une « maladie » dont je parviens à tirer quelqu
2805
ue les bienfaits que j’en escompte, il sera temps
de
songer sérieusement à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce qu
2806
ir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends
de
ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympathique Philip
2807
ors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté
de
vous répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’
2808
) Mais non, cher ami, voici qu’une envie me prend
de
vous conter un peu cette histoire. Seulement, allons ailleurs ; il y
2809
istoire. Seulement, allons ailleurs ; il y a trop
de
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, t
2810
y a trop de monde ici. 14. Paul Morand, auteur
d’
Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écar
2811
monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et
de
Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman de
2812
itres également scandaleux. Le Grand Écart, roman
de
M. Cocteau, a donné son nom à un établissement de nuit très en vogue
2813
de M. Cocteau, a donné son nom à un établissement
de
nuit très en vogue à Paris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Ara
2814
on nom à un établissement de nuit très en vogue à
Paris
. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes
2815
), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes
de
lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française.
2816
s de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry,
de
l’Académie française. Narcisse, personnage mythologique. — Là ! [NdE]
2817
! [NdE] Le texte publié place également un appel
de
note plus bas dans le paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sach
2818
après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’agit
d’
une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissance
2819
e », sans qu’on sache s’il s’agit d’une erreur ou
d’
une volonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16.
2820
n sache s’il s’agit d’une erreur ou d’une volonté
de
l’auteur. 15. Variante : des puissances d’action. 16. J’en vois cer
2821
lonté de l’auteur. 15. Variante : des puissances
d’
action. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie de telle sorte
2822
n. 16. J’en vois certains qui arrangent leur vie
de
telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». L
2823
bien modernes ». Leurs amours sont des pastiches
de
Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire »
2824
’y a plus qu’à les écrire ». v. Rougemont Denis
de
, « La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature », Revue d
2825
Denis de, « La part du feu. Lettres sur le mépris
de
la littérature », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-
2826
Lettres sur le mépris de la littérature », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
2827
Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue
de
Belles-Lettres — la seule revue de langue française où l’on dise la
2828
vec la Revue de Belles-Lettres — la seule revue
de
langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même.
2829
rité librement et pour elle-même. Nous regrettons
de
n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu
2830
r citer, faute de place, que ces quelques phrases
de
Drieu : « On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sym
2831
voit déjà éclater dans les singuliers mouvements
de
sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fratern
2832
ouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune
de
l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestatio
2833
fraternité qui existe, en dépit des protestations
de
haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capita
2834
épit des protestations de haine, entre les athées
de
l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscien
2835
les athées du Capitalisme quand il est conscient
de
soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là
2836
mmunisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement
d’
un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de t
2837
moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée
de
tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révol
2838
lleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours
de
l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le
2839
Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux
de
l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’a
2840
ez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et
de
l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d’au
2841
Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas
d’
autre sens. 17. 20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis de
2842
avaient pas d’autre sens. 17. 20, rue Chalgrin,
Paris
16e. w. Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue de Belles
2843
20, rue Chalgrin, Paris 16e. w. Rougemont Denis
de
, « Les derniers jours », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-
2844
Rougemont Denis de, « Les derniers jours », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
2845
juillet 1927)x Nous passons la main au central
de
Genève, fidèles à la tradition — en ceci au moins. Nous nous retirons
2846
gnation provoquée sur tous les bancs par certains
de
nos articles nous épouvante. Notre retraite est toute « statutaire »
2847
taire » — si l’on ose dire. Elle nous permet donc
de
considérer la situation sans fièvre, sans lamentations d’adieu. On
2848
dérer la situation sans fièvre, sans lamentations
d’
adieu. On nous a parfois traités de fous (avec ou sans sourire). Nou
2849
lamentations d’adieu. On nous a parfois traités
de
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir.
2850
fous (avec ou sans sourire). Nous sommes à l’âge
de
nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné de nous voir « si différent
2851
’âge de nous en réjouir. On s’est beaucoup étonné
de
nous voir « si différents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
2852
st beaucoup étonné de nous voir « si différents »
de
nos aînés. Nous avons l’énorme candeur de trouver ça naturel. On nous
2853
rents » de nos aînés. Nous avons l’énorme candeur
de
trouver ça naturel. On nous a fait des reproches contradictoires. Nou
2854
x mots sur la paradoxale situation intellectuelle
d’
une revue d’étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accord
2855
a paradoxale situation intellectuelle d’une revue
d’
étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’accorde pour trouv
2856
lectuelle d’une revue d’étudiants comme la nôtre.
D’
un côté, en effet, on s’accorde pour trouver légèrement ridicule un je
2857
i recherche activement la Sagesse (« Ça n’est pas
de
votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui p
2858
nt la Sagesse (« Ça n’est pas de votre âge ! ») ;
de
l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un
2859
s vous souciez vraiment trop peu des conséquences
de
ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’att
2860
En définitive, il semble que certains n’attendent
de
nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vé
2861
e, il semble que certains n’attendent de nous que
d’
innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on n’
2862
tendent de nous que d’innocentes farces — ou bien
de
ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévo
2863
tions dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper
de
prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connu
2864
ces, puisqu’il n’en est aucune qui ne soit connue
d’
avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons
2865
s mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords
d’
avoir déçu cette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir
2866
’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie
de
lecteurs. Aucun remord non plus d’avoir troublé quelques bonnes petit
2867
ette catégorie de lecteurs. Aucun remord non plus
d’
avoir troublé quelques bonnes petites somnolences par des cris intempe
2868
ir et pour en accepter les conséquences. Et puis,
de
temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne tromp
2869
e temps à autre, voici que nous parvient un signe
d’
amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que po
2870
mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer
d’
autre ? Il y eut quelques découvertes qui nous consolèrent de tout le
2871
l y eut quelques découvertes qui nous consolèrent
de
tout le reste. Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaqu
2872
écombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune
de
ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance avec une ardeur
2873
re Revue-phénix s’élance avec une ardeur rajeunie
d’
un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera l
2874
ument imprévisible. Que nous apportera le Central
de
Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’an
2875
s plus blasés. Lecteur, fais confiance au Central
de
Genève. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas aj
2876
fais confiance au Central de Genève. Souviens-toi
de
la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde cha
2877
au Central de Genève. Souviens-toi de la grandeur
de
ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de
2878
ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids
de
nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y
2879
ah ! comme nous y tenons ! x. Rougemont Denis
de
, « Adieu au lecteur », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Ge
2880
Rougemont Denis de, « Adieu au lecteur », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, juillet 1927, p.
2881
(août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère
de
commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
2882
uère de commun entre elles que la forme : ce sont
de
lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
2883
, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
de
leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
2884
andres, peu à peu, se précisent les circonstances
d’
une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
2885
t demain : Une femme « encore jeune » se souvient
d’
un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
2886
e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur
de
ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
2887
e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans,
d’
une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
2888
i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps
de
son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
2889
ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit
d’
un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
2890
(L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été
de
vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
2891
premières inquiétudes du désir viennent troubler
de
ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
2892
du désir viennent troubler de ravissantes amours
d’
adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
2893
eux autres, est une réussite rare par la justesse
de
l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
2894
esse de l’observation autant que par la sympathie
de
l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
2895
i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi
de
tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
2896
le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant
d’
adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
2897
esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air
de
facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
2898
dresse sous un air de facilité qui serait presque
de
la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
2899
lescences avec une tendre minutie, avec une sorte
d’
amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
2900
ec une sorte d’amoureuse application du souvenir,
d’
une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
2901
souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art
de
détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
2902
ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et
d’
une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
2903
; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie,
de
la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
2904
réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer
d’
avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
2905
» reprend quelques droits. an. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours », Bibliothè
2906
ères amours », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
2907
anique, il faudra opposer l’excellent petit livre
d’
Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
2908
ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil
de
divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
2909
rs articles et essais, dont certains — le Message
de
Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
2910
— le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux,
de
ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
2911
loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace
de
lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
2912
. Non pas une photographie morale, mais une sorte
de
synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
2913
e photographie morale, mais une sorte de synthèse
de
l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
2914
morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et
de
l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
2915
enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une
de
ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
2916
e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet
de
songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
2917
dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais
d’
expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
2918
religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin
de
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
2919
in que la sempiternelle « stratégie littéraire »,
de
gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
2920
« stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur
de
ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
2921
au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas
d’
actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis d
2922
tude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke », Bibliothèque
2923
Maria Rilke », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
2924
tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise
d’
écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
2925
ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein
de
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
2926
ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
de
n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
2927
Mais il a des façons parfois bien désobligeantes
de
voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
2928
es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint
de
ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
2929
u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros
de
Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
2930
. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte
de
pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
2931
Cela rend peut-être moins convaincantes certaines
de
ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
2932
ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité
de
l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
2933
plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité
de
cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
2934
jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte
d’
analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
2935
re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était
de
taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
2936
onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus
de
choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
2937
même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat
d’
un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
2938
p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit
de
géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
2939
cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes
de
sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
2940
ète complaisance à se regarder vivre qui est bien
d’
aujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
2941
ujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Léon Bopp, Interférences », Bibliothèque universel
2942
terférences », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
2943
C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine
de
le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
2944
tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres
de
Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
2945
ine-Paris cette magie des sensations et des rêves
de
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
2946
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour
de
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
2947
ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre
de
poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
2948
romanesque, naissant des situations mêmes et non
de
dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
2949
lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel
de
sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
2950
e témoin intelligent et un peu ironique des cours
d’
Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
2951
et un peu ironique des cours d’Europe à la veille
de
la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
2952
ique des cours d’Europe à la veille de la guerre.
De
cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
2953
’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce
de
collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
2954
ce de collaboration résultent à la fois le défaut
de
composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
2955
de composition du livre et sa richesse. L’enfance
de
Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
2956
du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à
Paris
est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle
2957
e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours
de
l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
2958
Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse
d’
un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
2959
seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône
de
Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
2960
uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt
d’
un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
2961
iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté
d’
esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
2962
tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration
de
jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
2963
e roman repart dans une troisième action (l’amour
de
Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
2964
à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle
de
ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
2965
l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances
de
la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
2966
u roman sont sauvées par un style brillant, plein
de
trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
2967
« pointes » faciles mais cela même ne manque pas
de
naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
2968
u roman et des mémoires. Mais si son début permet
de
croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
2969
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque
de
la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
2970
eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition
d’
un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prin
2971
on d’un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Princesse Bibesco, Catherine-Paris », Bibliothèque
2972
erine-Paris », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
2973
bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
de
période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2974
stoire n’a pas connu de période où les directions
d’
une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
2975
e, ou, pour mieux dire, une organisation générale
de
la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément
2976
ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement
de
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
2977
sation toute-puissante n’est plus qu’une question
de
quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
2978
Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert
d’
une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
2979
e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure
de
toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
2980
puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi
d’
un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
2981
aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore
de
le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
2982
prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien
d’
autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
2983
érale à proclamer le désordre du temps. On a peur
de
certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
2984
ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence
de
la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
2985
ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine
de
sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
2986
r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant
de
regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
2987
Il suffit pourtant de regarder autour de nous et
d’
en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
2988
onne ne s’est approché plus que lui du type idéal
de
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
2989
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense
de
ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
2990
tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas
de
caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
2991
Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet
de
ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
2992
: je prends pour la juger ce que l’époque m’offre
de
mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
2993
ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie
de
Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
2994
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils
de
paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
2995
à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement
de
ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
2996
dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années
de
jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
2997
événement de ces années de jeunesse, son « chemin
de
Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
2998
omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose
d’
« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
2999
r » il met dans l’expression), c’est la rencontre
d’
une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
3000
ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant
de
12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
3001
ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine
de
route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
3002
ur présent, ma grande et constante ambition a été
de
construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
3003
nstruire une bonne machine routière. » Les étapes
de
sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
3004
Les étapes de sa jeunesse sont : la construction
d’
un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
3005
sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis
d’
un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
3006
eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin
d’
une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
3007
« et commence à réaliser son rêve, le type unique
d’
automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
3008
tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite
de
chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
3009
c’est une suite de chiffres indiquant le progrès
de
sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
3010
e chiffres indiquant le progrès de sa production,
d’
année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
3011
mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire
de
son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
3012
qu’un résultat secondaire de son activité. Le but
de
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
3013
de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
de
s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
3014
it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu
d’
hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
3015
il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes
de
le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
3016
faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
d’
augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
3017
monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler
d’
égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
3018
int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup
d’
États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
3019
aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri
de
toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
3020
taques, du point de vue technique. L’organisation
de
ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
3021
ation de ses usines, des salaires, des conditions
de
travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
3022
sines, des salaires, des conditions de travail et
de
repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
3023
st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement
de
sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
3024
re. Au contraire, il a résolu la question sociale
d’
une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
3025
açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires
de
gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
3026
aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
de
promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
3027
nisation complète du monde, seule méthode capable
d’
empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
3028
Du même coup, en supprimant l’esclavage financier
de
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
3029
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée
de
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
3030
ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage
de
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
3031
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture
de
Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
3032
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression
de
netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
3033
de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté,
de
solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
3034
mon œuvre une impression de netteté, de solidité,
de
propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
3035
à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit
de
succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
3036
me un peu facile mais fort goûté du grand public,
de
l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
3037
a sans peine la popularité mondiale des « idées »
d’
Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
3038
leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés
de
prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
3039
ment, pendant qu’il reste quelques chances encore
de
régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
3040
crivait récemment un économiste. Ford, perfection
de
l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
3041
striel, offre au monde moderne le premier exemple
de
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
3042
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif
de
la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
3043
ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure
de
la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
3044
e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros
de
l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
3045
ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie
de
ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
3046
Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but
de
la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
3047
vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie
de
Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
3048
érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision
de
l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
3049
d’abord la vision de l’auto routière : naissance
de
sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
3050
ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce
d’
en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
3051
ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur
de
l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
3052
vagant du bonheur de l’humanité par la possession
d’
automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
3053
Et, comme il est très intelligent, il a vite fait
de
démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
3054
t de démêler les conditions les plus rationnelles
de
la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
3055
ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme
d’
action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
3056
ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure
de
produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
3057
voici en mesure de produire des quantités énormes
d’
autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
3058
ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt
de
la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
3059
a réclame s’en charge. Par le procédé très simple
de
la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
3060
eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion
de
Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
3061
nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que
de
lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
3062
t plus maintenant que de lui donner une apparence
d’
utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
3063
r une apparence d’utilité publique. À chaque page
de
ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
3064
ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice
de
la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
3065
mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air
de
rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
3066
client. Mais cherchons un peu les causes réelles
de
cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
3067
hons un peu les causes réelles de cet abaissement
de
prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
3068
t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a
de
tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
3069
er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout
de
l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
3070
. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte
de
suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
3071
, une sorte de suicide du genre humain, par perte
de
son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
3072
uicide du genre humain, par perte de son instinct
de
préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
3073
umain, par perte de son instinct de préservation,
d’
autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
3074
son instinct de préservation, d’autorégulation et
d’
alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
3075
est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
de
la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
3076
grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a
de
profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
3077
fondément antihumain dans la conception fordienne
de
l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
3078
cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre
de
la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
3079
e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et
de
la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
3080
relâche les ouvriers et leur donne une apparence
de
liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
3081
ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi
de
leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
3082
ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable
d’
augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
3083
la consommation. Il rend plus complet l’esclavage
de
l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
3084
puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle
de
la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
3085
us la production s’intensifie, plus il faut créer
de
besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
3086
on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et
de
loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
3087
jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et
de
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
3088
point Ford est conscient des buts et de l’avenir
de
son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
3089
effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
de
produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
3090
eut très bien envahir un cerveau moderne au point
d’
en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
3091
moderne au point d’en exclure toute considération
de
finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
3092
lement fondamental n’empêche pas notre industriel
de
philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
3093
lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs
de
la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
3094
te américaine. Voici, par exemple, une définition
de
la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
3095
nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen,
de
quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
3096
quoi vivre convenablement tout en restant maître
de
régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
3097
en restant maître de régler à sa guise le détail
de
sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
3098
nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent
de
l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
3099
rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages
de
la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
3100
uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle
d’
huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
3101
n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire
de
cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
3102
e prix que nous payons à la terre la satisfaction
de
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
3103
la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque
de
la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
3104
me des machines. J’y vois la réalisation concrète
d’
une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
3105
alisation concrète d’une théorie qui tend à faire
de
ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
3106
réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est
de
démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
3107
s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines
de
milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
3108
, comment expliquer que des centaines de milliers
de
lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
3109
rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses
de
cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
3110
ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin
de
son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
3111
eure Ford vers la fin de son livre : Le problème
de
la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
3112
t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons
de
le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
3113
ns que nous avons de le faire. Tout notre système
de
concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
3114
t notre système de concurrence, tout notre effort
de
création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
3115
rence, tout notre effort de création, tout le jeu
de
nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
3116
ord passe outre et se remet à discuter des points
de
technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
3117
problème moderne. D’ailleurs, les idées générales
de
cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
3118
dans son livre. En général, il se borne à parler
de
problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
3119
perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige
de
l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
3120
ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme
d’
homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
3121
optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme
de
la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
3122
rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté
d’
humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
3123
l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie
de
celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
3124
n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits
de
tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
3125
es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que
de
philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
3126
’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un
de
ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
3127
ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore
de
nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
3128
otre temps ait prononcé définitivement le divorce
de
l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
3129
prononcé définitivement le divorce de l’esprit et
de
l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
3130
fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
de
la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
3131
formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est
de
croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
3132
ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée
d’
une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
3133
elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et
de
ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
3134
e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe
d’
une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
3135
prise dans notre vie, il détourne la civilisation
de
son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
3136
Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant
de
l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
3137
it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion
de
posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
3138
yons notre passion de posséder la matière du prix
de
la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
3139
de la seule possession véritable, la connaissance
de
l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
3140
, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait
d’
expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
3141
’homme d’affaires à l’américaine tient les choses
de
l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
3142
ns le cas le plus favorable, « il se passera bien
de
cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
3143
ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs
de
personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
3144
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel,
de
nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
3145
es est une des manifestations les plus frappantes
de
notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
3146
appantes de notre régression. Cette perte du sens
de
l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
3147
omme bon sens américain. On en fait quelque chose
de
jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
3148
américain. On en fait quelque chose de jovial et
d’
alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
3149
uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose
de
très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
3150
s’en doute, cela en prend la place. Les facultés
de
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
3151
affaires, tout ira bien. (On pense que les formes
de
la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
3152
nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses
de
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
3153
rne manie les choses de l’âme avec une maladresse
de
barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
3154
homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu
de
chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
3155
donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres
d’
horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
3156
’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse
d’
aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
3157
une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit
de
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
3158
plus subtilement encore que son travail aux lois
d’
une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
3159
nt encore que son travail aux lois d’une offre et
d’
une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
3160
l’homme qui était un membre vivant dans le corps
de
la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
3161
ls et les plus profonds à tous les autres membres
de
la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
3162
enu sourd à cette harmonie universelle, incapable
d’
en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
3163
onomiques et des exigences les plus rudimentaires
de
son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
3164
te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
de
sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
3165
u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs
de
l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
3166
il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué
de
trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
3167
vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop
de
satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
3168
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts
de
sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
3169
a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment
d’
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
3170
ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
de
ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
3171
dans le plaisir, la conscience de ses besoins et
de
ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
3172
travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique,
de
l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
3173
, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même
de
l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
3174
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre
de
la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
3175
mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait
de
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
3176
t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir
de
notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
3177
ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort
de
l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
3178
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués
de
quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
3179
nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait
de
rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
3180
est pas une faculté destinée à amuser nos moments
de
loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
3181
en contradiction avec celles que le développement
de
la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
3182
la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
d’
une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
3183
lus en plus rare, qui savent encore quelque chose
de
la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
3184
uelle grâce ? un peu de cette connaissance active
de
Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
3185
on les écarte des engrenages où ils risqueraient
de
faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
3186
des engrenages où ils risqueraient de faire grain
de
sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
3187
e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
de
l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
3188
prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie
d’
on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
3189
’elles les rendent inutilisables dans les rouages
de
la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
3190
s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe
de
Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
3191
mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage
d’
une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
3192
réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte
de
franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
3193
devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie
de
quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
3194
e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines
d’
individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
3195
raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur
de
la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
3196
qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
de
l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
3197
de l’Occident. La logique, parlant par la bouche
de
Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
3198
détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas
de
compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
3199
ison, une fois de plus. Pas de compromis possible
de
ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
3200
ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
de
se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
3201
éresser simplement des buts — si bas soient-ils —
d’
une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
3202
bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids
de
laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
3203
ilisation sous le poids de laquelle nous risquons
de
périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
3204
l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
d’
un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
3205
enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels
d’
aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
3206
une tâche pressante : chercher s’il est possible
d’
échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
3207
e. Pour le reste, je pense que c’est une question
de
foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
3208
lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre,
de
Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
3209
t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches,
de
Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
3210
chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays
de
langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
3211
e allemande, son succès est encore plus grand, et
de
meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
3212
s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas
de
l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
3213
ambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre,
Paris
, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici et là, l
3214
poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis
de
, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
3215
ougemont Denis de, « Le péril Ford », Foi et Vie,
Paris
, février 1928, p. 189-202.
3216
Mais les Viennois avaient fui dans les opérettes
de
Strauss, qu’on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peupl
3217
uve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple
de
fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applau
3218
euple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants
de
la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre deux airs anglais
3219
glais Le Beau Danube bleu, en commémoration polie
d’
un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au
3220
d’un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer
de
se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce qu
3221
ut-être pour essayer de se prendre encore au rêve
de
valse qu’on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres
3222
vaudrait bien d’autres stupéfiants. Mais un tour
de
tourniquet anéantissait cette Vienne tout occupée à ressembler à l’id
3223
ge, ouvert au vent glacial, crée autour du centre
de
la ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement
3224
r à la Russie et au sifflement des balles perdues
d’
une révolution. Sept heures du soir : le moment était venu d’arrêter l
3225
ution. Sept heures du soir : le moment était venu
d’
arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste a
3226
du soir : le moment était venu d’arrêter le plan
de
la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants p
3227
rée, et cette promenade où il y avait juste assez
de
passants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’une frileuse
3228
e frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser
de
cette duperie, qui rendre responsable de ma déception, sinon moi-même
3229
accuser de cette duperie, qui rendre responsable
de
ma déception, sinon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’u
3230
er son objet, de même qu’atteignant certain degré
d’
intensité, un état d’âme crée une situation qui l’exprime — bien qu’on
3231
ées que par un léger décalage dans la chronologie
de
nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine
3232
décalage dans la chronologie de nos sentiments et
de
nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un
3233
, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais
d’
un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de compromis sen
3234
omantisme viennois, je fus conduit, par une sorte
de
compromis sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes d’Hoffman
3235
sentimental, à l’Opéra où l’on donnait les Contes
d’
Hoffmann. Je comprends aujourd’hui le lien qui unissait dans mon espri
3236
n esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir
de
Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé inté
3237
dans l’ombre du théâtre, en retard, un peu ennuyé
de
me trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’on attend dans
3238
re, en retard, un peu ennuyé de me trouver à côté
d’
une place vide : la jolie femme qu’on attend dans ces circonstances, u
3239
uait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard
d’
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare de tout mon être — a
3240
avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème
de
la Barcarolle s’empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent p
3241
arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’empare
de
tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d’une fanf
3242
être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son
d’
une fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que sus
3243
e fanfare militaire, ainsi je m’abandonne au rêve
d’
un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des
3244
ïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et
de
la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surnatur
3245
de la pureté où vibrent par instants les accords
d’
une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je
3246
oi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend
d’
aller le rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation d’un amour t
3247
rejoindre. Me voici tout abandonné à l’évocation
d’
un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais
3248
enaçantes. Mais la musique est si légère, la voix
de
la jeune fille si transparente : la mort même en devient moins brutal
3249
istesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche
d’
une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibl
3250
ndeur où se perdraient nos amours terrestres dans
d’
imprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où
3251
là que la forme blanche, sous un brusque faisceau
de
lumière m’apparaît avec le visage même de mon amour. Je me sens volup
3252
aisceau de lumière m’apparaît avec le visage même
de
mon amour. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige de te revo
3253
. Je me sens voluptueusement perdre pied. Vertige
de
te revoir, vertige de te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce
3254
sement perdre pied. Vertige de te revoir, vertige
de
te perdre vraiment, parce que c’est toi, parce que c’est bien toi de
3255
de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir
de
cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisi
3256
du ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez
d’
atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous rencontrons. Vous m
3257
ais le temps approche où vous n’aurez plus besoin
de
souffrir pour comprendre. Le faisceau de lumière quitta la scène, un
3258
s besoin de souffrir pour comprendre. Le faisceau
de
lumière quitta la scène, un reflet balaya le parterre, le visage de m
3259
la scène, un reflet balaya le parterre, le visage
de
mon voisin m’apparut, pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis
3260
ge de mon voisin m’apparut, pâle dans son collier
de
barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une ca
3261
connu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode
de
1830, qui, à la rigueur, pouvait passer pour une élégance très modern
3262
moderne. Il n’y avait dans toute sa personne rien
de
positivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment de quoi que ce s
3263
itivement démodé ; je n’eus même pas le sentiment
de
quoi que ce soit d’immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté
3264
e n’eus même pas le sentiment de quoi que ce soit
d’
immatériel. D’ailleurs le trouble où m’avait jeté la première reconnai
3265
jeté la première reconnaissance empêcha ma raison
d’
intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
3266
e empêcha ma raison d’intervenir entre la réalité
de
ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes e
3267
éalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut
de
sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’O
3268
sion et mon cerveau pris au défaut de sa carapace
de
principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de
3269
eau pris au défaut de sa carapace de principes et
d’
évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi,
3270
e principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes
de
l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, co
3271
Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit
d’
autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un éch
3272
qu’un échange tacite suffit aux petites décisions
de
la vie quotidienne. Gérard tenait en laisse le fameux homard enrubann
3273
nnois, me dit-il, parce qu’ils y voient une façon
de
me moquer de leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. »
3274
-il, parce qu’ils y voient une façon de me moquer
de
leurs petits chiens musclés… Je n’en suis pas fâché. » Il y avait pe
3275
is pas fâché. » Il y avait peu de monde dans les
rues
. Des jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s
3276
s jeunes gens avec une femme à chaque bras, l’air
de
ne pas trop s’amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songe
3277
ins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours
de
Vienne. — Certes, répondit Gérard, malgré les apparences, cette vie s
3278
ités qui correspondent encore à l’image classique
de
Vienne. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mai
3279
. Sentimentalisme capricieux d’ailleurs, dépourvu
d’
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtr
3280
cieux d’ailleurs, dépourvu d’ironie, mais non pas
de
légèreté. C’est une sorte d’inconstance folâtre qui cache une incapac
3281
ironie, mais non pas de légèreté. C’est une sorte
d’
inconstance folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionne
3282
soit. Cette ville, qui est toute caresses, a peur
de
l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, a
3283
ablement… À ce moment, comme nous traversions une
rue
sillonnée de taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresse
3284
moment, comme nous traversions une rue sillonnée
de
taxis rapides, le homard refusa obstinément de progresser. Gérard dut
3285
ée de taxis rapides, le homard refusa obstinément
de
progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinc
3286
Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires
de
pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le hom
3287
inces s’accrochèrent désespérément à ses manches.
De
terreur, le homard avait rougi : il conserva toute la nuit une magnif
3288
eur orangée. Gérard semblait habitué à ces sortes
de
scènes. On reparla de l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à
3289
mblait habitué à ces sortes de scènes. On reparla
de
l’inconstance viennoise. Gérard l’attribuait à une certaine anémie de
3290
à une certaine anémie des sentiments, à un manque
de
caractère aussi. La fidélité véritable est une œuvre d’art qui demand
3291
t amour, c’était parce que je découvrais en elles
de
secrètes ressemblances, qui pour d’autres paraissaient purement mysti
3292
e dont l’idée me vient à la vue de cette vendeuse
de
fleurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets da
3293
le. Nous nous arrêtâmes non loin, à une devanture
de
robes de soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les rev
3294
nous arrêtâmes non loin, à une devanture de robes
de
soie, nous amusant à imaginer les corps précieux qui les revêtiraient
3295
pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau
de
fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non mo
3296
refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps
de
regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler n
3297
fleurs pour se donner le temps de regarder autour
d’
elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle f
3298
te dont Gérard attendait évidemment quelque chose
d’
imprévu, la seule chose contraire à la coutume viennoise. L’enfant éta
3299
ain où nous nous engouffrâmes dans un grand bruit
de
saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango
3300
engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et
de
cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkanique t
3301
r en tango, un Balkanique très lisse nous délivra
de
notre conquête pour la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce
3302
anses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que
de
prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nous a
3303
vous êtes moderne, vous vous contentez peut-être
de
cette pêche miraculeuse — c’est une façon de parler — à laquelle on s
3304
être de cette pêche miraculeuse — c’est une façon
de
parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre faç
3305
de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux
de
plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, av
3306
se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon
de
parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étai
3307
sir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu
d’
illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c
3308
vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient
de
meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’o
3309
qu’elles le rattachaient aux buts les plus hauts
de
notre vie. Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des b
3310
s femmes qui élargissent des sourires à la mesure
de
votre générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes de distributeurs
3311
rires à la mesure de votre générosité. Vos boîtes
de
nuit sont des sortes de distributeurs automatiques de plaisir. Autant
3312
re générosité. Vos boîtes de nuit sont des sortes
de
distributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les f
3313
uit sont des sortes de distributeurs automatiques
de
plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce q
3314
t épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants
de
concupiscences élémentaires : Ce sont vos contemporains livrés à la d
3315
aisirs achetés au détail dans une foire éclatante
de
faux luxe. La misère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que
3316
s une foire éclatante de faux luxe. La misère est
de
voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe
3317
qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et
de
détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse de
3318
viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
de
sa danse. Je la nomme Clarissa, parce que cela lui va. Mais comme c’e
3319
soit touchée par les mains outrageusement baguées
de
ces courtiers alourdis de “Knödl”. En Orient on en ferait une chose e
3320
outrageusement baguées de ces courtiers alourdis
de
“Knödl”. En Orient on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’o
3321
’on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux
de
la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend
3322
. » Des bugles agonisaient, aux dernières mesures
d’
un tango. Notre encombrante conquête revint s’asseoir auprès de nous.
3323
moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle
d’
un ton de reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois
3324
Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’un ton
de
reproche, évidemment scandalisée par cette atteinte aux lois du genre
3325
ment, pauvre colombe dépareillée, vous n’avez pas
de
ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne compr
3326
homard qui, laissé au vestiaire, y était l’objet
de
vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons
3327
stiaire, y était l’objet de vexations diverses et
de
curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie inut
3328
une proie inutile lâchée pour l’ombre, dit Gérard
d’
un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est
3329
Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre
de
cette ville illusoire est la plus douce à mes vagabondages sans but.
3330
lié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas
de
Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers m
3331
emps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux
de
s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire
3332
blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe
de
cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs d
3333
re. Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs
de
se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard «
3334
rs de se répéter, et que c’était la première fois
de
la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-R
3335
s devenaient légères comme des ballons. La rumeur
de
Vienne baignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illus
3336
et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile
d’
ombre flatteuse aux caprices redoutables. Cette nuit-là nous rencontrâ
3337
es, allusions. Plus tard, dans un petit bar laqué
de
noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert de glaces qui, reflétant le pla
3338
ar laqué de noir jusqu’à mi-hauteur, puis couvert
de
glaces qui, reflétant le plafond à caissons dorés, l’étendent indéfin
3339
ulé joue très doucement. Nous sommes assis autour
d’
une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquari
3340
use, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium
de
rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ail
3341
y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras
de
Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citron
3342
e, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons
de
Pompéi, l’Octavie du golfe de Marseille, ou bien plutôt, par je ne sa
3343
nglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du golfe
de
Marseille, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur d’images, — c
3344
lle, ou bien plutôt, par je ne sais quelle erreur
d’
images, — ce serait la gravité énigmatique d’Adrienne, mais dans le lo
3345
reur d’images, — ce serait la gravité énigmatique
d’
Adrienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond d’un regard pareil
3346
rienne, mais dans le lointain, Aurélia lui répond
d’
un regard pareil. Des visages naissent comme des étoiles dans un halo,
3347
antes dans la même minute toutes les incarnations
d’
un amour dont l’être éternel apparaît peu à peu, à travers la simultan
3348
nel apparaît peu à peu, à travers la simultanéité
de
ses manifestations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoi
3349
tous les visages aimés revivent dans cette coupe
de
songes avec toutes leurs illusions, — illusions des formes passagères
3350
sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié
d’
ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il con
3351
il connaît enfin la substance véritable et unique
de
toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel. Tous les
3352
toutes ses amours, il communie avec quelque chose
d’
éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la
3353
t que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame
de
son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des géné
3354
s les formes animales. Pour lui, les choses n’ont
d’
intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-t
3355
france qu’elle entraîne, nous révèle le sens réel
de
nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue ca
3356
us révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu,
de
leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exal
3357
yrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher
de
moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enfantines que po
3358
on. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte
de
ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombé
3359
les correspondances, chaque geste, chaque minute
d’
une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a
3360
e qu’il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée
de
Gérard, qui tiendrait toute en une heure, en un lieu, en une vision.
3361
une vision. » Nous sortîmes. Seules des trompes
d’
autos s’appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus
3362
la neige fraîche ou s’accoudaient à la banquette
d’
une boutique à « Würstel » où nous nous arrêtâmes. Au léger sifflement
3363
ui éclairait la boutique, et que le vent menaçait
d’
éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu
3364
on et la fit prendre au homard avec toutes sortes
de
soins. Les chauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’étonn
3365
outes sortes de soins. Les chauffeurs regardaient
d’
un œil las, trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais d’un pied
3366
trop las pour s’étonner. Transi, je me balançais
d’
un pied sur l’autre dans de la neige fondante, tout en croquant une de
3367
ransi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans
de
la neige fondante, tout en croquant une de ces saucisses à la moutard
3368
e dans de la neige fondante, tout en croquant une
de
ces saucisses à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et aill
3369
mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond
de
la cour du palais, descendaient les invités du bal. Des femmes sans c
3370
ux faces maigres qui ressemblaient terriblement à
d’
anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière
3371
es comtes athlétiques et la silhouette échassière
de
la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau de velours ros
3372
une duchesse de Clam-Clamannsfeld dont le manteau
de
velours rose laissait découvertes des jambes extrêmement hautes tandi
3373
isée jetait des insolences sur les chapeaux noirs
de
ses cavaliers. Tout cela s’empila dans des autos ; en dix minutes, il
3374
x cheveux noirs en bandeaux, au teint pâle, l’air
d’
autrefois. Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apai
3375
encieuse fila devant moi ; je reconnus la voiture
de
la femme aux bandeaux noirs. Mais les rideaux étaient baissés. Déjà o
3376
orteurs passèrent à toute vitesse, m’éclaboussant
de
neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelqu
3377
èrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et
de
titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comm
3378
e, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus
de
sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose comme « pâtisserie-crème
3379
pâtisserie-crème fouettée ». m. Rougemont Denis
de
, « Un soir à Vienne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et
3380
é la science parce qu’elle ouvre des perspectives
d’
évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
3381
se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que
d’
avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
3382
le véhicule à la mode pour conduire des millions
de
lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
3383
ntaisiste où les équations tyranniques deviennent
de
merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
3384
ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer
de
l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
3385
la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres
d’
étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
3386
d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur
de
mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
3387
ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons
de
correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
3388
mes dans une civilisation qui, selon l’expression
de
Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
3389
ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect
d’
une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
3390
nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche
de
ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
3391
n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes
d’
une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
3392
rons-nous longtemps encore dupes d’une conception
de
la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
3393
on de la littérature si pédante qu’elle exclut un
de
nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
3394
ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas
d’
y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
3395
’est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Marguerite Allotte de La Fuÿe, Jules Verne, sa vie,
3396
, son œuvre », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
3397
tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent
de
M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
3398
nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux,
de
considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
3399
yeux, de considération. J’admire autant le talent
de
celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
3400
ire autant le talent de celui qui mène 60 parties
d’
échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
3401
avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens
de
l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
3402
cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité
de
clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
3403
e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups
d’
exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
3404
traite du style, à coups d’exemples qui méritent
de
l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
3405
u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes
de
l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
3406
surde confondu avec le poétique, ou ces disciples
de
Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
3407
urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez
d’
avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
3408
, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée
de
voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
3409
i enfin valent le respect. as. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Aragon, Traité du style », Bibliothèque universell
3410
té du style », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
3411
ers écrits des surréalistes débattent la question
de
savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
3412
ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui
d’
autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
3413
mes en France — vers la politique. Or ces ennemis
de
toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
3414
eurs avances dédaignées par les communistes, gens
d’
action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
3415
simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien
d’
étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
3416
d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs
de
l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
3417
plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent
de
faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
3418
ient. Certes il était urgent de faire la critique
de
« cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
3419
it urgent de faire la critique de « cette réalité
de
premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
3420
« cette réalité de premier plan qui nous empêche
de
bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
3421
, comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition
d’
aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
3422
M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et
de
prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
3423
plus loin et de prendre une connaissance positive
de
ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
3424
lité. Il est certain que s’ils avaient le courage
de
se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
3425
ils avaient le courage de se soumettre au concret
de
l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
3426
que le « service dans le temple » s’accommode mal
de
tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
3427
mple » s’accommode mal de tant de gesticulations,
de
gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
3428
de mal de tant de gesticulations, de gros mots et
de
discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
3429
à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels
3430
tellectuels », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
3431
ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit
de
la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne
3432
oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes
d’
action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
3433
ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre
de
ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
3434
ontradictoires : elles représentent deux manières
de
sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
3435
lles représentent deux manières de sentir l’unité
d’
une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
3436
x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée
d’
action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
3437
Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses
de
coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
3438
s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies,
d’
ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
3439
més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même
de
la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
3440
etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation
de
l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
3441
cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux
d’
une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
3442
l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution
de
rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
3443
spect quotidien et mystérieux d’une révolution de
rues
, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fait pre
3444
iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve
d’
un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
3445
révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
de
le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
3446
mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher
de
Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
3447
, admirablement objectif, est aussi, mais à coups
de
faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
3448
est aussi, mais à coups de faits, une discussion
d’
idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
3449
discussion d’idées. Il est surtout la description
d’
une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
3450
ut la description d’une angoisse que le nihilisme
de
M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
3451
naître au cœur du monde contemporain l’absurdité
de
ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
3452
absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un
de
ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
3453
nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes
de
l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
3454
raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
de
Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
3455
ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant
de
l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
3456
nchaînement passionnant de l’action, il se dégage
de
ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
3457
telligence et cette sensibilité ont quelque chose
de
trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
3458
cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu,
de
dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
3459
’appliquent à distinguer les forces déterminantes
de
l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
3460
romanciers contemporains. au. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, Les Conquérants », Bibliothèque uni
3461
Conquérants », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
3462
ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire
de
Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
3463
is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard
de
rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
3464
ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal
d’
étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
3465
cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés
de
musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
3466
n Espagne lamentablement réalisés les témoignages
de
l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
3467
entablement réalisés les témoignages de l’éthique
de
cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
3468
échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur
de
celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
3469
rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince
de
l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
3470
as à baptiser son héros « prince de l’illusion et
de
la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
3471
rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité
de
l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
3472
t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image
d’
un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
3473
Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup
d’
adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
3474
u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et
de
charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
3475
de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard
de
moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
3476
II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens
d’
action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
3477
a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet
de
Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
3478
’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et
de
Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
3479
t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence
d’
amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
3480
douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus
de
souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
3481
s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur
d’
étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
3482
re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour
de
soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
3483
ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès
de
ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
3484
gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler
d’
illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
3485
er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient
de
moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
3486
as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu
d’
une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis
3487
te mais non moins franche. av. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi
3488
Hamlet-Roi », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
3489
Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard
d’
une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
3490
re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur
de
ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
3491
il aime à raconter certaines scènes terrifiantes
de
la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
3492
é condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à
Paris
même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’espèce de
3493
le jeune Français par ces évocations et l’espèce
de
fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
3494
e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps
de
son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
3495
inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu
de
semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
3496
t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait
d’
être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
3497
le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est
d’
être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
3498
e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète
de
mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
3499
e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte
de
la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
3500
ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux
d’
avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
3501
itue une tentation pour tous les poètes. Le désir
de
« plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
3502
plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence
d’
une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
3503
un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation
de
cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
3504
ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire
de
la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
3505
rien fausser, transcender… aw. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Daniel-Rops, Le Prince menteur », Bibliothèque uni
3506
nce menteur », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
3507
1928)n « Remonte aux vrais regards ! Tire-toi
de
tes ombres… » Paul Valéry. Stéphane est maniaque, comme tous les jeu
3508
Stéphane est maniaque, comme tous les jeunes gens
de
sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’est pas porté sur les au
3509
ivers types humains. Mais on lui sait peu de grés
de
sa curiosité. Sans doute est-il trop impatient, demande-t-il aux être
3510
en, n’est-ce pas ? Il en tombe d’accord ; accepte
d’
attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa
3511
lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher
de
devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de rentrer en
3512
r quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille
de
rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendr
3513
soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un
de
nos classiques. Repoussé par le monde parce qu’il n’est pas encore qu
3514
rche à savoir ce qu’il est. C’est une autre manie
de
sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de l
3515
Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas
de
livre pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derri
3516
ivre pour y pourchasser un moi qui feint toujours
de
se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse
3517
rs. C’est pourquoi il en installe un sur sa table
de
travail, de façon à pouvoir s’y surprendre à tout instant. Cet exerci
3518
r dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux
de
lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa
3519
x. Il varie sur son visage les jeux de lumière et
de
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dans l
3520
e lumière et de sentiments. Il découvre une sorte
de
rire au coin de sa bouche dans les moments de pire découragement ; et
3521
sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin
de
sa bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autr
3522
rte de rire au coin de sa bouche dans les moments
de
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’i
3523
pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus
de
ce genre, qui l’intriguent à n’en pas finir. Quand il est très fatigu
3524
n aventure. Nous vivons dans un décor flamboyant
de
glaces. À chaque pas, on offre à Stéphane sa tête, son portrait en pi
3525
ête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte
de
se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’asce
3526
rait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser,
de
se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle l
3527
lise chez le coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte
d’
angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les a
3528
qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive
de
prendre son image pour celle de n’importe quel passant, il se sent co
3529
s s’il lui arrive de prendre son image pour celle
de
n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profond
3530
e n’importe quel passant, il se sent comme séparé
de
soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de
3531
comme séparé de soi, et si profondément différent
de
cette apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses y
3532
ndément différent de cette apparence, qu’il doute
de
sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche un
3533
apparence, qu’il doute de sa réalité. Le mystère
de
voir ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve
3534
cherche une révélation et n’y trouve que le désir
d’
une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a
3535
n à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude
d’
être. Mais il s’épuise dans une perspective de reflets qui vont en dim
3536
ude d’être. Mais il s’épuise dans une perspective
de
reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa n
3537
ans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal
de
superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une découverte
3538
folle le mène à une découverte sur les sept sens
de
laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau d
3539
ouverte sur les sept sens de laquelle il convient
de
méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane es
3540
prend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir
de
soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier
3541
se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin
de
vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par l
3542
me dès l’instant qu’il se traduit par la négation
de
l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confiance. Or la personnalité est
3543
pas eu confiance. Or la personnalité est un acte
de
foi : Stéphane ne sait plus ce qu’il est. Semblablement, il ne sait p
3544
vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique
d’
une aventure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lect
3545
chologique d’une aventure qui en a bien d’autres,
d’
aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la craint
3546
e le lecteur dérisoirement troublé par la crainte
de
n’avoir pas saisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois de cet
3547
la crainte de n’avoir pas saisi le sens véritable
d’
un texte, trouve parfois de cette incompréhension des marques certaine
3548
aisi le sens véritable d’un texte, trouve parfois
de
cette incompréhension des marques certaines. Si le rapport intime qui
3549
rations précédentes lui échappe, qu’il y voie une
de
ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière. Orphée perd E
3550
ne de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot
de
prière. Orphée perd Eurydice par scepticisme, par esprit scientifiqu
3551
it scientifique, par doute méthodique, par besoin
de
définir, par défiance envers les dieux. À chaque regard dans notre mi
3552
e nouvelle. La mort dans la transparence glaciale
de
l’évidence. Un jour, à propos de rien, Stéphane pense avec fièvre :
3553
er son visage, ne serait-ce pas devenir un centre
de
pur esprit ? » C’est un premier filet d’eau vive qui perce le sol ari
3554
n centre de pur esprit ? » C’est un premier filet
d’
eau vive qui perce le sol aride : mais Stéphane n’entend pas encore gr
3555
d pas encore gronder les eaux profondes. Le désir
de
s’hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre reg
3556
s. Un soir, après quelques alcools et un échange
de
pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plus en plus frap
3557
un échange de pensées au même titre avec une amie
d’
une beauté de plus en plus frappante, il croit saisir dans un regard d
3558
en plus frappante, il croit saisir dans un regard
de
cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeu
3559
croit saisir dans un regard de cette femme l’écho
de
ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt
3560
hi bruyamment, bâillonnent sa raison, l’empêchent
de
protester contre le miracle. Parmi tous ses mots fous, noms, baisers,
3561
ais je suis ! » Un peu plus tard, ce fut un jour
de
grand soleil sur toutes les verreries de la capitale. Les fenêtres ba
3562
un jour de grand soleil sur toutes les verreries
de
la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conj
3563
— à une femme qu’il aimait. n. Rougemont Denis
de
, « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’A
3564
u Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers
de
l’Anglore, Genève, décembre 1928, p. 37-42.
3565
légèrement absurde en face d’un récit comme celui
d’
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
3566
te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté
de
lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
3567
il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre
d’
un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
3568
onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie
d’
un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
3569
sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme
de
lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
3570
ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes
de
son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
3571
tomes, où il décrit des scènes de son enfance et
de
sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
3572
on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art
d’
Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
3573
esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant
d’
apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
3574
-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas
d’
évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
3575
out un branle-bas d’évocations hautes en couleur,
de
rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
3576
nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves,
de
visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
3577
e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour
de
l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
3578
nvention romanesque considérée comme une revanche
de
la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
3579
mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait
de
lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
3580
onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein
de
verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
3581
ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent
d’
amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
3582
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler
de
sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
3583
cain qui viennent nous rapprendre que les sources
de
la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
3584
ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un
de
ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
3585
cette époque je croyais fortement en l’existence
d’
une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
3586
je croyais fortement en l’existence d’une espèce
de
secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
3587
pour insister sur la laideur. “C’est une frasque
de
gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
3588
e que si je m’approchais tout à coup par-derrière
d’
un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
3589
approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou
d’
une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
3590
nous en irions bras dessus, bras dessous en riant
de
nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
3591
as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et
de
tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
3592
era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde
de
fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
3593
lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible
d’
évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
3594
endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford,
de
Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
3595
t, a contribué davantage que n’importe quel autre
de
mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
3596
l pas être considéré un jour comme le grand tueur
de
son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
3597
dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle
de
l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
3598
sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence
de
la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
3599
sous lui conservassent la virilité et le respect
de
soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
3600
servassent la virilité et le respect de soi était
de
son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
3601
ernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un ho
3602
is un homme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
3603
s-Lettres, c’est la clef des champs. 2. L’essence
de
Belles-Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réput
3604
des champs. 2. L’essence de Belles-Lettres, c’est
de
l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettre
3605
poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis
de
sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essentiellement une mystique.
3606
entiellement une mystique. Mais parce que je suis
de
sang-froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bi
3607
eunes hommes ivres. Mais alors point n’est besoin
de
formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes l
3608
que pour mourir ou pour entrer en religion : rond
de
cuir ou poète (au sens le plus large de ces mots.) (Mais je tiens à l
3609
on : rond de cuir ou poète (au sens le plus large
de
ces mots.) (Mais je tiens à le leur dire ici : les anciens bellettrie
3610
triens qui ont perdu toute foi ne connaîtront pas
de
pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont fon
3611
e monde moderne ont encore une « essence ». Celle
de
Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillem
3612
t ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou
de
blasphème, selon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se l
3613
elon. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point
de
se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
3614
et simplement. 7. (Secret). y. Rougemont Denis
de
, « Belles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue de Belles-Lettr
3615
elles-Lettres, c’est la clef des champs… », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, janvier 1929, p.
3616
écrire en quarante petites pages tous les méfaits
de
l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
3617
que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
de
grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
3618
r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet
de
l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
3619
je considère les thèses comme acquises : L’Éloge
de
l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
3620
s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance,
de
M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
3621
Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants,
d’
Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
3622
ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme
de
tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
3623
t, et ne lui donne à la place que des laideurs et
de
la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
3624
ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité
de
l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
3625
. J’apporte un témoignage personnel, une réaction
de
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
3626
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité
de
tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
3627
me blesse, la liaison fatale avec la démocratie,
de
tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
3628
out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle
de
beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
3629
à sécrétion socialiste qui a été établi par coup
de
force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
3630
et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime
de
punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
3631
e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment.
De
pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
3632
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui
de
naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
3633
lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent
d’
être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
3634
à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse
d’
aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
3635
jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine
de
l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
3636
gémir n’est pas un argument. Je demande le droit
de
démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
3637
rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas
de
proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
3638
oser une nouvelle forme politique. Je me contente
de
vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
3639
ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable
d’
en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
3640
dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler,
de
grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
3641
ève pour mettre en doute l’excellence du principe
de
l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
3642
ndique un mépris vraiment exagéré pour la jugeote
de
l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
3643
iente, cette lâcheté devant la discussion précise
de
leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
3644
je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses »
de
cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
3645
le compte sommairement. Cela n’empêchera personne
de
me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
3646
prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain
de
temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
3647
réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit
de
juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
3648
r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même
de
leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
3649
ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
de
faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
3650
angereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace
de
certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
3651
certaines utopies. (Les religions, la découverte
de
l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
3652
des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas
de
le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
3653
’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit
d’
aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui ri
3654
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans
d’
une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
3655
gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès
de
langage, je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
3656
es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai
de
cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
3657
ect du problème que l’on peut appeler la question
de
droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
3658
fet, tirent toute leur force dans les discussions
de
la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
3659
ts et les principes. Tourmentés par les scrupules
de
leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
3660
gements, même violents, que cela ne manque jamais
de
provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
3661
cela ne manque jamais de provoquer, je me propose
de
marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
3662
ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme
de
ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
3663
ce recensement lamentable, je poserai la question
de
savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
3664
erai la question de savoir si tant de laideurs et
d’
outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
3665
bon sens peuvent être légitimés par le but final
de
notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionner
3666
les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent
de
l’Institut Rousseau.
3667
des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
de
classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
3668
de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux
de
leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
3669
x de leur enfance et les font indûment participer
de
la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’«
3670
er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie
de
nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus » de la tâche des inst
3671
nous faire croire qu’« il n’y a rien au-dessus »
de
la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
3672
au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire
de
ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
3673
es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et
de
ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
3674
ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes
d’
arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
3675
es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
d’
occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
3676
r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien
d’
heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
3677
aire ici du sentiment, je suis sensible au charme
de
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
3678
taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier
de
la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
3679
s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait
de
mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
3680
monce à nous gâter toute une journée. Une journée
d’
enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du m
3681
embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur
de
faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
3682
nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées
de
craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
3683
? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond
de
jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
3684
l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée
d’
une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
3685
des cloportes dans la toile mouillée d’une tente
d’
Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
3686
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs
de
peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
3687
, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins
de
dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
3688
s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller
d’
huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
3689
anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile
de
foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
3690
nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie
de
morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
3691
asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils
de
vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
3692
el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours
de
carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
3693
incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée
d’
une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
3694
omenades en tenant la forte main du père qui fait
de
longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
3695
de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert
de
souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse2. Deux angoisses domin
3696
ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop
de
place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
3697
même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea
d’
illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
3698
! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par
d’
innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
3699
brables exemples cet axiome qui devint la formule
de
mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
3700
de mes premières douleurs morales. Après six ans
de
ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
3701
oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité
d’
originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfa
3702
lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge
de
18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
3703
profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé
d’
évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
3704
fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
de
mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
3705
is un jour qu’elle contient la cause déterminante
de
notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
3706
peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop
de
certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la
3707
vissement. Je songeai aux vertueuses indignations
de
nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
3708
tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile
de
l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manue
3709
sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation
de
l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
3710
dogmes démocratiques, qui sont une généralisation
de
la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
3711
ratiques, qui sont une généralisation de la règle
de
trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
3712
uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez
de
verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
3713
moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur
d’
esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
3714
sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager
de
leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
3715
empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts
de
la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
3716
avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et
de
la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
3717
us ces ressorts de la révolte et de la libération
d’
une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
3718
ation d’une personnalité : l’imagination, le sens
de
l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
3719
l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens
de
la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
3720
ens de la relativité des décrets humains. Le prix
de
mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
3721
ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles
d’
une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
3722
ur lequel on nous préparait —, c’était un système
d’
abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
3723
s et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges
de
l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
3724
ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers
d’
un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
3725
oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
de
leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
3726
mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus
de
« superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
3727
e trompent que les illettrés, mais qu’il convient
de
s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
3728
qu’il convient de s’incliner devant les miracles
de
la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
3729
ence appliquée. On nous faisait voir tout au long
de
notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
3730
out au long de notre histoire le Progrès constant
de
l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
3731
et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils
d’
ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
3732
iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal
d’
un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
3733
Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher
de
croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
3734
rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert
de
cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
3735
as plus tôt découvert et nommé cet asservissement
de
l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
3736
s mythes stériles, que je les rendis responsables
de
ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
3737
riles, que je les rendis responsables de ma perte
de
contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 2. Dans
3738
e contact avec les réalités les plus élémentaires
de
la vie. 2. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vide
3739
ption du monstre Le service militaire me permit
de
retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
3740
ce militaire me permit de retrouver quelques-unes
de
ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
3741
ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues
d’
anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
3742
aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades
d’
école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
3743
imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait
d’
autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces différences
3744
s. Car ces différences sont les premières marques
de
la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
3745
ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis
de
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
3746
ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur :
de
l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continuité, la différence
3747
u’un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas
de
solution de continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge,
3748
teur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution
de
continuité, la différence n’étant qu’une question d’âge, non d’expéri
3749
continuité, la différence n’étant qu’une question
d’
âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
3750
la différence n’étant qu’une question d’âge, non
d’
expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
3751
s doute injuste et faux dans un très grand nombre
de
cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
3752
ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie
de
le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
3753
ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante
d’
être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
3754
dante d’être consciencieux, à une façon blessante
d’
être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
3755
blessante d’être supérieur, à une façon livresque
d’
expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
3756
que d’expliquer les choses, à une façon théorique
de
juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
3757
teurs automatiques (brevetés par le gouvernement)
de
la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
3758
de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour
de
la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
3759
t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience
d’
appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
3760
’appartenir à une élite responsable, cela se voit
de
loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
3761
isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion
de
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
3762
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses
de
l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauff
3763
ait un peu, je crois que je m’oublierais au point
d’
insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
3764
nuer que les instituteurs galonnés causent autant
de
tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
3765
des manifestes en mauvais français — et je ferais
de
la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand
3766
en mauvais français — et je ferais de la peine à
d’
excellents garçons. Revenons au civil. Au village, quand on vous parle
3767
lage, quand on vous parle avec respect et trémolo
d’
un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
3768
instruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit
d’
un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où il
3769
ruit, vous êtes presque certain qu’il s’agit d’un
de
ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farces où ils son
3770
violette, périodiquement, comme on fait… un rhume
de
cerveau. Il joue de quelque instrument. Il a des idées modernes sur t
3771
ment, comme on fait… un rhume de cerveau. Il joue
de
quelque instrument. Il a des idées modernes sur tous les sujets, espé
3772
articuliers : cheveux longs, regard profond voilé
de
douceur. Car le type populaire du poète romantique s’est dégradé en d
3773
allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
de
la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
3774
ui veut traiter militairement ses élèves témoigne
de
la même maladresse professionnelle. J’en connaissais un qui avait cou
3775
ssionnelle. J’en connaissais un qui avait coutume
de
dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
3776
aissais un qui avait coutume de dire à une classe
de
garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
3777
qui avait coutume de dire à une classe de garçons
de
10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
3778
11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes
de
ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
3779
ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous
de
la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
3780
urs : ils sortent tous de la même classe sociale,
de
la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
3781
, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes
de
l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
3782
ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait
de
Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
3783
t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie
de
dire du mal des petits bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
3784
si sympathiques que n’importe quelle autre classe
de
la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
3785
este dans l’école primaire est un véritable virus
de
mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
3786
telle. C’est celle même du régime. l’architecture
de
nos « palais scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y
3787
chitecture de nos « palais scolaires ». symbolise
d’
une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
3788
s ». symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
de
schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
3789
ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et
de
monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
3790
ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup
d’
enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
3791
st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
de
dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
3792
on de dégoût au moment de passer la porte, au son
de
la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
3793
de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur
de
goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
3794
orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et
d’
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
3795
—, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes
de
mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens
3796
de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années
de
votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
3797
Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice
d’
un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
3798
us la voyons est semblable à tous ces monuments «
de
la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
3799
ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence
de
style est encore un style ; c’est même le pire.
3800
Ayant épanché un peu de ma rancune, à seule fin
de
montrer pour quelles raisons j’ai entrepris de combattre l’instructio
3801
in de montrer pour quelles raisons j’ai entrepris
de
combattre l’instruction publique — on ne me contestera pas ces raison
3802
absolument personnelles et qu’elles ont la valeur
d’
un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un
3803
que je fasse passer un petit examen aux principes
de
cette institution passionnément détestée. Vous allez voir comme il ba
3804
sonnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste
de
dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-
3805
he point l’équité. Pas plus que vous qui défendez
de
parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé paci
3806
défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit
d’
équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit de véri
3807
son préjugé pacifiste n’est pas toujours l’esprit
de
vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la v
3808
esprit de vérité, il s’en faut. Or je ne suis pas
de
ceux qui subordonnent la vérité à la tranquillité bourgeoise. Je tien
3809
à la tranquillité bourgeoise. Je tiens le « gain
de
paix » pour illusoire : il consiste à repousser la difficulté dans l’
3810
consiste à repousser la difficulté dans l’avenir,
d’
une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voic
3811
mps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage
de
cinquante ans de radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement e
3812
e, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans
de
radicalisme sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déj
3813
tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent
de
trancher le nœud. Je me bornerai à l’examen des caractères les plus g
3814
nerai à l’examen des caractères les plus généraux
de
l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni l
3815
e n’atteignent dans leur principe ni les réformes
de
détail ni les modalités locales de réalisations pratiques. Le progr
3816
i les réformes de détail ni les modalités locales
de
réalisations pratiques. Le programme a) l’horaire : c’est un cad
3817
étéroclites, sans égard à leurs qualités propres.
De
8 à 9 arithmétique ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se s
3818
à leurs qualités propres. De 8 à 9 arithmétique ;
de
9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition
3819
ortuit, de manière à prévenir toute concentration
de
l’esprit. b) plan d’études. On a divisé l’enseignement en branches bi
3820
prévenir toute concentration de l’esprit. b) plan
d’
études. On a divisé l’enseignement en branches bien distinctes. On att
3821
stinctes. On attribue à chacune un certain nombre
d’
heures par semaine, au jugé. On s’arrange à faire tenir dans cette cla
3822
tenir dans cette classification le plus possible
de
« connaissances » qui dès lors deviennent obligatoires. La somme et l
3823
ers. Ce plan régit les huit années réglementaires
de
la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout
3824
mentaires de la scolarité, et englobe la totalité
de
la science nécessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que si
3825
Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme
de
disposer d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle
3826
u’il suffit pour établir ce programme de disposer
d’
une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour divis
3827
r ce programme de disposer d’une ou deux feuilles
de
papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers r
3828
mme de disposer d’une ou deux feuilles de papier,
d’
un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulair
3829
d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et
d’
une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien propre
3830
, bien proprement.) Évidemment, il est préférable
de
savoir aussi les noms des sciences élémentaires. Mais il n’est en auc
3831
ntaires. Mais il n’est en aucune façon nécessaire
de
connaître la psychologie des enfants, ni même le contenu des sciences
3832
ns voudrait que l’on tînt compte des possibilités
d’
adaptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines
3833
ue l’on tînt compte des possibilités d’adaptation
de
l’enfant ; de la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diver
3834
ompte des possibilités d’adaptation de l’enfant ;
de
la valeur fort inégale de ces disciplines ; de la diversité des besoi
3835
daptation de l’enfant ; de la valeur fort inégale
de
ces disciplines ; de la diversité des besoins ; enfin des rythmes nat
3836
; de la valeur fort inégale de ces disciplines ;
de
la diversité des besoins ; enfin des rythmes naturels de l’esprit hum
3837
iversité des besoins ; enfin des rythmes naturels
de
l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à
3838
eux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas,
de
quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit de ces enfa
3839
s plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’esprit
de
ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les exa
3840
ndes épreuves cyclistes. Les participants du Tour
de
Science doivent s’inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arr
3841
ts du Tour de Science doivent s’inscrire au terme
de
chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôture ont à refaire l’
3842
herie est difficile, tandis qu’à l’école elle est
de
règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le
3843
ertant s’explique justement par cette psychologie
de
l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas
3844
ut à l’heure que la connaissance n’est pas exigée
de
ceux qui établissent les programmes et les examens. « Les examens fau
3845
ens. « Les examens faussent complètement l’esprit
de
l’enseignement », lit-on jusque sous la plume de divers maîtres prima
3846
ires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même
de
l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordo
3847
travail, qualité du travail, santé, liberté, sens
de
la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plai
3848
es, instruction véritable et autres plaisanteries
de
gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit,
3849
ies de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas
d’
enseigner qu’il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l
3850
érité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’agit, mais
de
soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc, — n’avez-vo
3851
s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle
de
l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte de vous faire rappeler s
3852
e de l’État, voyons donc, — n’avez-vous pas honte
de
vous faire rappeler sans cesse des vérités aussi élémentaires. L’é
3853
mentaires. L’égalitarisme des connaissances
De
l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la
3854
e l’existence des programmes, qui est un fait, et
de
l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mo
3855
es programmes, qui est un fait, et de l’existence
de
la Démocratie, qui est une prétention (réservons le mot d’idéal), déc
3856
ocratie, qui est une prétention (réservons le mot
d’
idéal), découle cette exigence théorique : tous les enfants doivent à
3857
enfants doivent à tout instant être en mesure 1°
d’
ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte de
3858
t être en mesure 1° d’ingurgiter la même quantité
de
« matière » ; 2° d’en rendre compte de la même façon, dans le même te
3859
d’ingurgiter la même quantité de « matière » ; 2°
d’
en rendre compte de la même façon, dans le même temps. Contentons-nous
3860
e quantité de « matière » ; 2° d’en rendre compte
de
la même façon, dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que c
3861
a même façon, dans le même temps. Contentons-nous
de
remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc
3862
qui repose donc sur une tranquille méconnaissance
de
la nature humaine. L’histoire enregistre bien une ou deux autres bêti
3863
stoire enregistre bien une ou deux autres bêtises
de
cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé
3864
he. L’école s’attaque impitoyablement aux natures
d’
exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4.
3865
des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen
de
réaliser les précédents. Plus ou moins rationalisé. Son instrument le
3866
un résumé clair et portatif des résultats actuels
d’
une science. Le bon sens voudrait qu’on étudie d’abord la science dans
3867
à aucune réalité. Ils ne renferment rien qui soit
de
première main, rien qui soit authentique. Ils négligent toutes les pa
3868
où pourrait s’accrocher l’intérêt. Ils dispensent
de
tout contact direct avec ce dont ils traitent. Or la valeur éducative
3869
re en commerce intime avec elles. On apprend plus
de
deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une
3870
ce intime avec elles. On apprend plus de deux que
de
mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre conséq
3871
r assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés
de
gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’i
3872
l est absurde. Mais où sont à l’école les modèles
de
ce qu’on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leç
3873
ois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons
de
calligraphie. La discipline On conçoit que la réalisation d’un
3874
La discipline On conçoit que la réalisation
d’
un programme entièrement contre nature exige une discipline sévère. D’
3875
rement contre nature exige une discipline sévère.
D’
où notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’il est des disc
3876
pline sévère. D’où notre conception pénitentiaire
de
l’école. Mais, s’il est des disciplines qui renforcent, il en est d’
3877
ite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend
de
ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légiti
3878
aître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend
de
ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité de l
3879
e qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il soit
de
nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à ces petits.
3880
doute qu’il soit de nature à légitimer l’énormité
de
l’effort qu’on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération
3881
t n’est plus qu’une entrave énervante, un système
de
vexations mesquines, propres à étouffer toute spontanéité chez un peu
3882
peuple qui vraiment ne péchait point par l’excès
de
cette vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes,
3883
t blanches qui marquent un peu partout le passage
de
l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre so
3884
e permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol
de
s’écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patr
3885
» La préparation civique Tous les pontifes
de
l’instruction publique sont d’accord sur ce point : l’école primaire
3886
r ce point : l’école primaire doit être une école
de
Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction ci
3887
ocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons
d’
instruction civique sont insuffisantes pour former le petit citoyen :
3888
faut que l’enseignement tout entier soit occasion
de
développer les vertus sociales de l’élève. « Une classe est une socié
3889
r soit occasion de développer les vertus sociales
de
l’élève. « Une classe est une société en miniature. » Ceci est une én
3890
e bourde. Juxtaposez trente enfants sur les bancs
d’
une salle d’école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit
3891
xtaposez trente enfants sur les bancs d’une salle
d’
école, vous n’aurez rien qui ressemble en quoi que ce soit à aucun éta
3892
’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge
de
6 ans, favorise le développement de leurs penchants les plus « commun
3893
ble dès l’âge de 6 ans, favorise le développement
de
leurs penchants les plus « communs » : jalousie, vanité, panurgisme,
3894
a plus tard socialisme, morgue bourgeoise, esprit
de
parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocrati
3895
e parti, arrivisme et parlementarisme. La culture
de
l’esprit démocratique telle qu’elle est comprise par les instituteurs
3896
sion !) Pour moi ce que je retire de plus évident
de
mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eû
3897
sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas
d’
égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne p
3898
st la même pour tous. Je ne parle pas des manuels
d’
histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ils donnent une image me
3899
’hui démontré qu’ils donnent une image mensongère
de
l’ancienne Suisse, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas d’
3900
, à l’usage du peuple souverain qui ne manque pas
d’
en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui com
3901
ie qui commence par nous soustraire à l’influence
de
la vie ? Quelle est cette éducation sociale qui enlève l’enfant à la
3902
l’enfant à la famille ?5 Quel est cet instrument
de
perfectionnement civique qui assure l’écrasement des plus délicats pa
3903
t utiliser pour son profit humain la petite somme
de
connaissances indispensables qu’on lui donne à l’école. (Cet argent d
3904
ormales créées par l’école publique. Mais l’idéal
de
l’école est autre ; il est même tout contraire. On ne peut pas exiger
3905
contraire. On ne peut pas exiger qu’il soit tout
de
noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’
3906
n ne peut pas exiger qu’il soit tout de noblesse,
de
vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que
3907
s exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et
de
grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et
3908
, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner
de
voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une prémédita
3909
icule et mesquinerie. Il y a là une préméditation
de
médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élèv
3910
éditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher
de
trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a de bons points. Or les
3911
de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui a
de
bons points. Or les bons points vont aux parfaits imitateurs. Oyez-mo
3912
« Quant il neige, c’est comme des petits morceaux
de
vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la
3913
ctoria montre une âme docile, un rassurant défaut
d’
esprit critique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race
3914
vie appartient manifestement à la race dangereuse
de
ceux qui voient avec leurs yeux. Le bon élève est aussi l’élève disci
3915
s Helvètes un légalisme écœurant6, un conformisme
d’
imbéciles ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantag
3916
égalisme écœurant6, un conformisme d’imbéciles ou
d’
impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’à l’avantage des gens en p
3917
te quelques « brillantes carrières » fournies par
d’
ex-forts-en-thème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
3918
res » fournies par d’ex-forts-en-thème, voire par
d’
ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit de réussites qui, pour avoir e
3919
ire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’agit
de
réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’un
3920
pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition
d’
un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales
3921
l’espoir et enflammé l’ambition d’un grand nombre
de
régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en eff
3922
d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que
d’
être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrand
3923
os petits futurs grrrands citoyens ayant accompli
de
« fortes études primaires et secondaires » (témoignage suffisant de l
3924
primaires et secondaires » (témoignage suffisant
de
leurs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au pas
3925
ssage un grade universitaire, prennent leur essor
de
chérubins du parti au cours de ces nombreux banquets de cercles locau
3926
rubins du parti au cours de ces nombreux banquets
de
cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les
3927
t les réputations, où se « baptisent » les hommes
d’
avenir. Un jour on voit s’étaler en première page des illustrés la fac
3928
des illustrés la face épanouie quoique énergique
d’
un de ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édi
3929
illustrés la face épanouie quoique énergique d’un
de
ces coqs de village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice
3930
face épanouie quoique énergique d’un de ces coqs
de
village qu’on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administrati
3931
qs de village qu’on vient de jucher sur la flèche
de
l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière
3932
eurs fort grande. Tous ceux qui ont eu l’occasion
de
comparer les bons élèves de diverses classes d’un collège ont été fra
3933
qui ont eu l’occasion de comparer les bons élèves
de
diverses classes d’un collège ont été frappés de constater que la for
3934
n de comparer les bons élèves de diverses classes
d’
un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité
3935
de diverses classes d’un collège ont été frappés
de
constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en rais
3936
rappés de constater que la force et l’originalité
de
leur jugement sont en raison inverse du nombre d’années d’instruction
3937
de leur jugement sont en raison inverse du nombre
d’
années d’instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai
3938
ugement sont en raison inverse du nombre d’années
d’
instruction publique qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué
3939
. Le dilemme J’ai indiqué que les principes
de
l’instruction publique ne coïncident qu’accidentellement avec ceux du
3940
cile, qu’ils constituent une inversion méthodique
de
toutes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâ
3941
s divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode
d’
abâtardissement de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous
3942
nes. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement
de
la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dér
3943
ardissement de la race. D’autre part, il est aisé
de
voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’éco
3944
est publique, obligatoire, et soumise au contrôle
de
l’État. Alors ? Ou bien vous acceptez le régime — mais aussi ses con
3945
ombattez l’instruction publique — mais vous êtes,
de
ce fait, contre le régime. Il y a là, dirait M. Prudhomme, un bien gr
3946
iplines scolaires : « Les épaves scolaires, faute
d’
un traitement pédagogique approprié, tombent dans une apathie intellec
3947
cillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École
de
demain, Genève, Kündig, 1918, p. 12. 5. Il est peut-être avantageux
3948
5. Il est peut-être avantageux dans certains cas
de
soustraire l’enfant à l’influence d’une famille anormale. Mais d’abor
3949
certains cas de soustraire l’enfant à l’influence
d’
une famille anormale. Mais d’abord c’est sanctionner cet état anormal
3950
t anormal (il y aurait sans doute d’autres moyens
de
sauver l’enfant dans sa famille). Ensuite, pourquoi fait-on en réalit
3951
que, égalité, légalité, sont les meilleures armes
de
la bassesse contre toute valeur réelle, absolue.
3952
as attendu ma colère pour entreprendre ce travail
de
démolition. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’abondante l
3953
ail de démolition. Il suffit pour s’en convaincre
de
parcourir l’abondante littérature publiée sur le « problème de l’écol
3954
l’abondante littérature publiée sur le « problème
de
l’école nouvelle ». On appelle école nouvelle tout établissement où l
3955
ole nouvelle tout établissement où l’on s’efforce
d’
enseigner selon des principes tirés de l’observation des enfants, c’es
3956
n s’efforce d’enseigner selon des principes tirés
de
l’observation des enfants, c’est-à-dire : en contradiction sur toute
3957
igne avec l’enseignement officiel. Les promoteurs
de
ces mouvements tentent la gageure de réformer l’école primaire sans t
3958
s promoteurs de ces mouvements tentent la gageure
de
réformer l’école primaire sans toucher au principe de l’instruction p
3959
éformer l’école primaire sans toucher au principe
de
l’instruction publique. Les réformes qu’ils ont proposées jusqu’ici s
3960
actuelle est fondée sur une remarquable ignorance
de
la psychologie infantile. Où il y avait non-science, on a voulu appor
3961
e. Où il y avait non-science, on a voulu apporter
de
la science. Mais c’est un art qu’il faudrait. Sinon l’on retombera da
3962
s absurdités. On a créé par exemple des « jardins
d’
enfants » où l’on apprend à des élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs
3963
ins d’enfants » où l’on apprend à des élèves âgés
de
3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école prati
3964
4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle
de
l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et
3965
s, et réciter par cœur et à rebours, les noms des
rues
et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profe
3966
ar cœur et à rebours, les noms des rues et places
de
leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la profession de chau
3967
comme s’ils étaient tous destinés à la profession
de
chauffeurs de taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à
3968
aient tous destinés à la profession de chauffeurs
de
taxi. Si cette conception du pratique prévaut, il est à craindre que
3969
marcher en décomposant les mouvements avec l’aide
d’
un métronome pédagogique. De même, sous le louable prétexte d’école ac
3970
me pédagogique. De même, sous le louable prétexte
d’
école active, on prétend faire apprendre la grammaire par le moyen de
3971
prétend faire apprendre la grammaire par le moyen
de
gesticulations appropriées : foin de ces analyses de textes absurdes
3972
par le moyen de gesticulations appropriées : foin
de
ces analyses de textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les
3973
gesticulations appropriées : foin de ces analyses
de
textes absurdes où l’on soulignait en rouge tous les mots en « al »,
3974
les campagnes, tirant le meilleur parti possible
de
l’exercice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la s
3975
cisément. Je ferai à l’école nouvelle un reproche
d’
une autre nature. Elle prétend donner plus de liberté aux enfants en l
3976
oche d’une autre nature. Elle prétend donner plus
de
liberté aux enfants en leur rendant le travail amusant, en leur laiss
3977
travail amusant, en leur laissant la possibilité
de
trouver par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’
3978
nisée ? En réalité, cet amusement a pour seul but
de
faire avaler la pilule amère des connaissances. On songe à M. Ford, q
3979
d dimanche, afin qu’ils consomment deux fois plus
de
machines. Jeu du chat avec la souris. On n’impose plus des résultats,
3980
ion ; on capte scientifiquement les sources mêmes
de
sa liberté. « Instruire en amusant » peut être la formule d’une tromp
3981
té. « Instruire en amusant » peut être la formule
d’
une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce q
3982
la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas
de
réaction vive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’on tra
3983
traite le gosse comme un organisme dont il s’agit
d’
obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hommes com
3984
le rendement le plus élevé. On cultive les petits
d’
hommes comme des plantes de serre dans ces jardins d’enfants. On y par
3985
On cultive les petits d’hommes comme des plantes
de
serre dans ces jardins d’enfants. On y parle de « l’enfant » comme on
3986
ommes comme des plantes de serre dans ces jardins
d’
enfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle d’un produit chimiq
3987
s de serre dans ces jardins d’enfants. On y parle
de
« l’enfant » comme on parle d’un produit chimique : On remarque chez
3988
nfants. On y parle de « l’enfant » comme on parle
d’
un produit chimique : On remarque chez l’enfant… Dans ce milieu l’enfa
3989
nt ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant
de
6 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’
3990
ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts
de
l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Ma
3991
ois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine
d’
où renaîtrait peut-être l’humanité… Je songe à un enseignement sans éc
3992
es gens qui appliquent avec ferveur les principes
de
l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joy
3993
des programmes, et dont les classes joyeuses sont
de
vraies foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet de leur fair
3994
foires : ils ont toute mon amitié. Cela me permet
de
leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ils trahissent le des
3995
on amitié. Cela me permet de leur faire remarquer
d’
autant plus librement qu’ils trahissent le dessein profond de l’instru
3996
us librement qu’ils trahissent le dessein profond
de
l’instruction publique, qu’ils trahissent leur mission officielle. Il
3997
trahissent leur mission officielle. Ils éduquent
de
futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’on leur avait confié, c’était
3998
eur avait confié, c’était la fabrication en série
de
petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentend
3999
dis-je ; car le monde ne progresse qu’à la faveur
de
malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouvelle n’échappe
4000
e n’échappe à l’absurdité primaire qu’à la faveur
d’
une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’il y a
4001
’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai
de
réforme. Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sorti
4002
Qu’il y ait là cependant une possibilité pratique
d’
en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue de la vérité, force
4003
en sortir, je ne le nie pas. Mais du point de vue
de
la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste d
4004
Mais du point de vue de la vérité, force nous est
de
reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urge
4005
fabriquer des électeurs Je crois à l’absurdité
de
fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer
4006
er des électeurs Je crois à l’absurdité de fait
de
l’instruction publique. Je crois aussi qu’on ne peut réformer l’absur
4007
m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ;
de
quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terriblement simple
4008
éponse est simple, terriblement simple : du droit
de
la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs sia
4009
sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli
d’
un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écoute
4010
s et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre
de
ne plus la reconnaître, une fois dissipée la fumée des civets, des ci
4011
ivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur
de
partager avec mes adversaires se trouve correspondre à des faits pate
4012
s patents et simples ; il serait vraiment dommage
de
priver ces Messieurs d’une aubaine pour eux si rare. Un fait simple,
4013
l serait vraiment dommage de priver ces Messieurs
d’
une aubaine pour eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que l
4014
éalisable. Ici, je demanderai poliment au lecteur
de
vouloir bien ne point trop faire la bête, sinon je me verrai contrain
4015
trop faire la bête, sinon je me verrai contraint
de
lui expliquer un certain nombre de vérités tellement évidentes — que
4016
rrai contraint de lui expliquer un certain nombre
de
vérités tellement évidentes — que cela n’irait pas sans quelque indéc
4017
et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut
de
l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela
4018
ent les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et
de
l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite, il
4019
noffensifs. Enfin, il faut un nombre considérable
de
leçons, et le plus longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
4020
longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps
de
se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le t
4021
t cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
d’
écouter la nature qui répète par toutes ses voix, d’un milliard de faç
4022
écouter la nature qui répète par toutes ses voix,
d’
un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temp
4023
ure qui répète par toutes ses voix, d’un milliard
de
façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir
4024
que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps
de
découvrir la Liberté9, parce que celui qui l’a embrassée une fois, un
4025
amoises. Continuons. La démocratie doit à l’École
de
vivre encore. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’un re
4026
lée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs
de
l’instruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ils faisai
4027
l’instruction publique aient eu pleine conscience
de
ce qu’ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simpleme
4028
ossible que parce qu’elle était liée aux intérêts
de
la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore
4029
le n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie
de
partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’on
4030
utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou
de
proposer aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement
4031
ellement et obligatoirement l’art du saxophone ou
de
la balalaïka. Soyez certains qu’il ne manque à cette plaisanterie, po
4032
nterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé
d’
un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés
4033
ux, que dis-je, la valeur hautement moralisatrice
de
ces glapissants entonnoirs. D’ailleurs cette complicité, si évidente
4034
illeurs cette complicité, si évidente à l’origine
de
l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non m
4035
à l’origine de l’institution, se manifeste encore
de
nos jours, et d’une façon non moins flagrante, dans ses suites normal
4036
institution, se manifeste encore de nos jours, et
d’
une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en veux
4037
rante, dans ses suites normales. Je n’en veux pas
d’
autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de p
4038
s d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré
de
notre instrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’une expli
4039
l’état grotesquement arriéré de notre instrument
de
progrès par excellence. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
4040
ce. Car il n’est qu’une explication vraisemblable
de
cette incurie : l’école, sous sa forme actuelle, remplit suffisamment
4041
uffisamment son rôle politique et social, qui est
de
fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en tout cas démocrates
4042
radicaux, en tout cas démocrates). Je me souviens
d’
un dessin humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre de Kitchen
4043
humoristique publié en 1914, représentant l’œuvre
de
Kitchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des to
4044
tion, tous les crânes ont été décervelés et dotés
d’
une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désormais l’aut
4045
sous qui suffit à régler désormais l’automatisme
de
la vie civique. Le cerveau standard du type fédéral ne laisse craindr
4046
i peuvent apparaître chez les enfants ? Ce serait
de
l’art pour l’art. On ne peut pas en demander tant aux gouvernements.
4047
as rentable. Il est clair que si le but principal
de
l’instruction publique était d’éduquer le peuple d’une façon désintér
4048
le but principal de l’instruction publique était
d’
éduquer le peuple d’une façon désintéressée, les gouvernements seraien
4049
l’instruction publique était d’éduquer le peuple
d’
une façon désintéressée, les gouvernements seraient un peu plus fous q
4050
eraient un peu plus fous qu’on n’ose les imaginer
de
ne pas entreprendre sur l’heure une véritable révolution scolaire ; c
4051
comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie
de
bousculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements de terre, vous to
4052
usculer quoi que ce soit. J’aime les tremblements
de
terre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce de gens qui font
4053
rre, vous tombez mal. J’appartiens à cette espèce
de
gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’aux idées des autr
4054
us qu’aux idées des autres. Or, c’est une révolte
de
ma sensibilité qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mett
4055
orterait que l’École soit une machine à fabriquer
de
la démocratie — si je ne sentais menacées dans cette aventure des val
4056
sentais menacées dans cette aventure des valeurs
d’
âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine de la démocratie est
4057
’âme auxquelles je tiens plus qu’à tout. Ma haine
de
la démocratie est l’aboutissement de l’évolution dont je viens de déc
4058
ut. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement
de
l’évolution dont je viens de décrire la marche nécessaire11. On ne ma
4059
écrire la marche nécessaire11. On ne manquera pas
d’
insinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, d
4060
e11. On ne manquera pas d’insinuer qu’à l’origine
de
tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites douleurs de jeun
4061
sinuer qu’à l’origine de tout ceci il y a surtout
de
la nervosité, de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de ven
4062
gine de tout ceci il y a surtout de la nervosité,
de
petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça che
4063
y a surtout de la nervosité, de petites douleurs
de
jeunes bourgeois. Essayer de venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas,
4064
de petites douleurs de jeunes bourgeois. Essayer
de
venir me dire ça chez moi, n’est-ce pas, mes agneaux. C’est justement
4065
C’est justement dans la mesure où je participais
de
l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif
4066
écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais
d’
un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiquement noble en chaq
4067
ommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a
d’
authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple souffrent
4068
aque homme. Si les fils du peuple souffrent moins
d’
un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aus
4069
ent moins d’un tel régime, c’est qu’ils n’ont pas
d’
eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’étiolent
4070
si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit
d’
un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce
4071
aient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur
d’
âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal
4072
t d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel
de
ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printan
4073
dégel de ces principes, et ce peut être le signal
de
la grande débâcle printanière. Il n’y a de révolution véritable que d
4074
signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a
de
révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbuter
4075
printanière. Il n’y a de révolution véritable que
de
la sensibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs siè
4076
ibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs
de
leurs sièges, ils comprendront le sens des images.) 9. J’emploie ce
4077
oir note A à la fin du cahier. 11. Est-il besoin
de
déclarer formellement qu’une telle attitude n’est en aucune façon tri
4078
e telle attitude n’est en aucune façon tributaire
de
l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Dé
4079
réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques
de
la Démocratie partant de points de vue presque opposés coïncident en
4080
Mais que deux critiques de la Démocratie partant
de
points de vue presque opposés coïncident en tant de points — voilà qu
4081
6. La trahison
de
l’instruction publique (Ici, le procureur prit un ton plus grave.)
4082
tait là, nous venons de le voir, son unique moyen
de
parvenir. Elle participe donc sur une vaste échelle à cette « Trahiso
4083
en ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas
de
pardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit d’un
4084
e péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’il suffit
d’
un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous pr
4085
Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et
d’
information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de be
4086
nformation pour jouer au prophète, on nous promet
de
tous côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouisse
4087
r jouer au prophète, on nous promet de tous côtés
de
belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’en réjouissent mauvaisemen
4088
met de tous côtés de belles catastrophes. Je suis
de
ceux qui s’en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était t
4089
bien fait. C’était trop laid ».) À peine capable
de
nous instruire, l’École prétend ouvertement nous éduquer. D’ailleurs
4090
urs réalistes, sans lesquelles le monde s’enfonce
de
son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théo
4091
ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif
de
ceux qui s’y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des ve
4092
ans des « lumières », et qui pourtant s’indignent
de
voir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « ce
4093
ille, « cette cellule sociale ». Et je les traite
de
mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. Ceci fait, constat
4094
rmes sociales qu’on prétend y substituer à celles
de
la famille sont falsifiées. Non seulement l’École ne constitue pas le
4095
ue pas le pôle idéaliste nécessaire à l’équilibre
d’
une civilisation — et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais en
4096
re d’une civilisation — et c’est l’aspect négatif
de
sa trahison —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’il y a d
4097
s encore elle tend à développer tout ce qu’il y a
de
spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à ell
4098
sant dans l’esprit moderne. C’est sa façon à elle
de
répondre aux besoins de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
4099
ne. C’est sa façon à elle de répondre aux besoins
de
l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est
4100
de l’époque. Pauvre époque ! On parle sans cesse
de
ses besoins. Il est vrai qu’elle est anormalement insatiable… Je croi
4101
ent insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin
d’
une purge violente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et qua
4102
isme. Et quand on m’aura démontré que les besoins
de
l’époque exigent une organisation à outrance du monde, je répondrai q
4103
sfaite naît un nouveau besoin qui est précisément
d’
échapper à cette organisation. Or il semble bien que nous en soyons-là
4104
nous en soyons-là, s’il faut en croire les signes
de
révolte qui apparaissent de toutes parts. Mais l’école empoisonne les
4105
toutes parts. Mais l’école empoisonne les germes
d’
une renaissance de l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favor
4106
s l’école empoisonne les germes d’une renaissance
de
l’esprit dont elle devrait être la mère. Elle favorise le culte exclu
4107
ait être la mère. Elle favorise le culte exclusif
de
l’utile, l’incompréhension brutale de la nature, la haine des supério
4108
te exclusif de l’utile, l’incompréhension brutale
de
la nature, la haine des supériorités naturelles, l’habitude de l’ersa
4109
la haine des supériorités naturelles, l’habitude
de
l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais
4110
rnir son contrepoison. Au contraire, elle prépare
de
consciencieuses poires, des esclaves du mot. Il est clair, par exempl
4111
l est clair, par exemple, que seules les victimes
de
l’instruction helvétique sont capables d’absorber sans fou rire les d
4112
ictimes de l’instruction helvétique sont capables
d’
absorber sans fou rire les discours de tirs fédéraux. On a comparé le
4113
nt capables d’absorber sans fou rire les discours
de
tirs fédéraux. On a comparé le monde moderne à un vaste établissement
4114
comparé le monde moderne à un vaste établissement
de
travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résign
4115
l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état
de
citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle tue tout ce qui lui d
4116
. Mais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie
de
se libérer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’es
4117
érer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie
d’
ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissanc
4118
s moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à-dire
de
démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation len
4119
démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance
de
crétinisation lente, standardisation de toutes les mesquineries natur
4120
puissance de crétinisation lente, standardisation
de
toutes les mesquineries naturelles (je ne fais le procès de la bêtise
4121
les mesquineries naturelles (je ne fais le procès
de
la bêtise humaine qu’en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’Écol
4122
ns ses collèges, l’y enferme et l’y laisse crever
de
faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle
4123
lle constitue la plus grande force antireligieuse
de
ce temps. L’instruction religieuse qui prend les enfants au sortir de
4124
z-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi
de
déclamatoire, de… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un
4125
vouer qu’avec ce je ne sais quoi de déclamatoire,
de
… journalistique, de bedonnant creux, cela vous a un petit air démocra
4126
ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique,
de
bedonnant creux, cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et
4127
dans une direction tout opposée. C’est très malin
d’
avoir inventé un instrument de progrès : encore faut-il le mettre en m
4128
e. C’est très malin d’avoir inventé un instrument
de
progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il
4129
l’instruction publique s’est arrêtée aux environs
de
1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moin
4130
’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moins
de
consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’a
4131
. Le moteur n’en continue pas moins de consommer,
de
ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que «
4132
en continue pas moins de consommer, de ronfler et
de
tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument d
4133
peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument
de
progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on distille du radic
4134
al. On me fera observer que beaucoup des servants
de
la machine sont socialistes : voilà qui ne change pas le rendement, j
4135
produits excrétés. On forme nos gosses, dès l’âge
de
6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par c
4136
s gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser
de
questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse. Regardez un éc
4137
trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme
de
la curiosité. Il est vrai qu’il ne fallait pas moins pour assurer la
4138
’il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité
d’
un régime établi dans des fauteuils ; car un peuple d’électeurs fantai
4139
régime établi dans des fauteuils ; car un peuple
d’
électeurs fantaisistes serait parfois tenté de retirer brusquement ces
4140
ple d’électeurs fantaisistes serait parfois tenté
de
retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui ridiculise à coup
4141
et qui ridiculise à coup sûr sa victime. En fait
de
farces, vous allez feindre de trouver bien bonne celle-ci : je préten
4142
sa victime. En fait de farces, vous allez feindre
de
trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique
4143
oins ! Elle est destinée à légitimer par la force
de
l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Dr
4144
pas réactionnaire, non, même pas. Car les forces
de
réaction collaborent à leur manière au progrès, elles corrigent, stim
4145
rigent, stimulent, vivifient. L’École se contente
d’
être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’enl
4146
Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre
de
l’évolution normale de l’humanité, comme vous ne manquerez cependant
4147
èse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale
de
l’humanité, comme vous ne manquerez cependant point de le dire, avec
4148
humanité, comme vous ne manquerez cependant point
de
le dire, avec ce sens exquis du cliché qui est un hommage à vos maîtr
4149
os maîtres respectés. La Démocratie, par le moyen
de
l’instruction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc de
4150
blique, limite l’homme au citoyen. Il s’agit donc
de
dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je distingue d
4151
u citoyen. Il s’agit donc de dépasser le citoyen,
de
retrouver l’homme tout entier. Je distingue dans cette opération deux
4152
le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité
de
demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une
4153
nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer
d’
inventer. Je ne puis m’empêcher de voir une intention providentielle d
4154
ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêcher
de
voir une intention providentielle dans cet amour de la destruction et
4155
voir une intention providentielle dans cet amour
de
la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps
4156
rovidentielle dans cet amour de la destruction et
de
l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beauco
4157
uction et de l’anarchie que les génies directeurs
de
ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avoue
4158
faire des signes dans le vide à des hasards gros
de
dangers, c’est peut-être à quoi notre génération devra limiter l’effi
4159
quoi notre génération devra limiter l’efficacité
de
ses efforts. Critiquer le présent au nom du passé ne signifie pas que
4160
désire un retour au passé. Mais la considération
de
régimes anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre so
4161
recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que
d’
avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arrièr
4162
e un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies
de
tradition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur q
4163
ies de tradition, avec tout le vaste arrière-fond
de
poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ai
4164
ion, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et
de
grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les ré
4165
ratif, dont l’esprit est la jalousie rancie armée
de
pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière,
4166
antisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs,
de
la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rare
4167
e la poussière, des petites habitudes sordides et
de
cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : la p
4168
tionnarisme, vous alliez le dire, est un ramassis
de
lieux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité
4169
assis de lieux communs. Mais il s’en faut, hélas,
de
beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et
4170
s débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a
de
grands balayages à faire, un grand courant d’air à créer qui emporter
4171
y a de grands balayages à faire, un grand courant
d’
air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il
4172
l en restera toujours assez pour allumer des feux
de
joie, etc. Bon. Supposons tout cela fait. Respirons. Mais déjà vous m
4173
à vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez
de
dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour préparer les temps
4174
me question. Aurai-je la naïveté non moins énorme
d’
esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique
4175
instruction publique est la forme la plus commune
de
la peste rationaliste qui sévit dans le monde depuis le xviiie (depu
4176
pestes noires). Si vous creusez un peu la notion
de
démocratie, vous trouvez bien vite qu’elle repose sur des postulats r
4177
ux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel,
d’
une même mentalité. Elle s’est développée au xviiie dans l’aristocrat
4178
nt dans les principes démocratiques, et dans ceux
de
l’École, mais encore dans toute la conduite moderne de la vie. C’est
4179
École, mais encore dans toute la conduite moderne
de
la vie. C’est notre américanisme et c’est notre sécheresse sentimenta
4180
’est lui qui stérilise nos utopies et les empêche
de
devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu d
4181
e que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu
de
le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre
4182
Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et
de
le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette pre
4183
er et de le pourchasser dans toutes les démarches
de
notre vie. Mais cette première tâche constitue un programme si riche
4184
onstitue un programme si riche qu’il est superflu
d’
en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des générations plus libr
4185
. Laissons ce soin, à des générations plus libres
d’
imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable
4186
s générations plus libres d’imaginer, bénéficiant
de
notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui
4187
imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et
de
cette formidable expérience négative qui aura duré deux siècles au mo
4188
qui aura duré deux siècles au moins. L’évolution
de
l’humanité paraît conforme à la dialectique hégélienne ; on y retrouv
4189
retrouve facilement les triades : être —négation
de
l’être — nouvel être. Notre époque serait le deuxième temps d’une de
4190
ouvel être. Notre époque serait le deuxième temps
d’
une de ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes
4191
être. Notre époque serait le deuxième temps d’une
de
ces triades. Son rationalisme nie l’être sous toutes ses formes, trad
4192
e nouvelle et plus complète, à un degré supérieur
d’
inconscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct d’i
4193
onscience, si je puis dire. Alors ce sera au tour
de
l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce t
4194
je puis dire. Alors ce sera au tour de l’instinct
d’
intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que l
4195
’intégrer la raison. Je crois que nous approchons
de
ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce
4196
avènement. C’est pourquoi je réclame l’expulsion
de
la congrégation radicale des instituteurs. On me demande encore ce qu
4197
trais à la place. Et parce que je ne propose rien
de
bien précis, on triomphe grossièrement. J’aurais voulu vous voir dema
4198
ent. J’aurais voulu vous voir demander à un sujet
de
Louis XIV ce qu’il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût
4199
tion. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille
de
la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ils appelaient
4200
rd à peine à la folie démocratique, à cette danse
de
Saint-Guy politique dont rien de leur temps ne pouvait offrir la moin
4201
e, à cette danse de Saint-Guy politique dont rien
de
leur temps ne pouvait offrir la moindre préfiguration ? Eh bien ! ind
4202
rir la moindre préfiguration ? Eh bien ! induisez
de
cette similitude les possibilités formidables que nous réserve le siè
4203
secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont
d’
un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarderez pas à périr. 12.
4204
uel vous ne tarderez pas à périr. 12. La Raison
de
Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec
4205
rderez pas à périr. 12. La Raison de Spinoza ou
de
Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre des
4206
12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que
de
lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rationa
4207
oza ou de Descartes n’a que de lointains rapports
de
parenté avec ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit d’une m
4208
ce maigre descendant nommé Rationalisme, produit
d’
une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise — et qui sans cesse déroge.
4209
ute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention
de
vous faire rigoler, si cela peut vous rassurer quant à ma santé menta
4210
ssurer quant à ma santé mentale.) La question est
de
savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins
4211
question est de savoir si nous serons des hommes
de
chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelle
4212
t de savoir si nous serons des hommes de chair et
d’
esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu impor
4213
stupide) et les philosophes13 les mieux informés
de
ce temps s’accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la
4214
s de ce temps s’accordent sur un point : le salut
de
l’Europe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude de l’âme. Cec
4215
int : le salut de l’Europe est lié à la naissance
d’
une nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une gran
4216
pe est lié à la naissance d’une nouvelle attitude
de
l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imaginatio
4217
e. Ceci revient à dire que seule une grande vague
de
l’imagination collective peut désensabler le vieux bateau occidental.
4218
d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même
de
concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
4219
pêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a
d’
anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froidement la s
4220
ve ce qu’il y a d’anti-irrationnel dans la nature
de
l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dé
4221
spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens
de
la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait d’échapper à la méca
4222
la liberté. Elle détruit tout ce qui permettrait
d’
échapper à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque d’imagination d
4223
per à la mécanique. Bref, elle perpétue ce manque
d’
imagination dont les conséquences seront matériellement catastrophique
4224
s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu
d’
imagination à l’homme moderne n’est pas créateur d’êtres spirituelleme
4225
’imagination à l’homme moderne n’est pas créateur
d’
êtres spirituellement vivants, ni d’aucune grandeur supérieure à la so
4226
pas créateur d’êtres spirituellement vivants, ni
d’
aucune grandeur supérieure à la somme de ses éléments. Il n’engendre p
4227
vants, ni d’aucune grandeur supérieure à la somme
de
ses éléments. Il n’engendre pas, il ajuste. Quand nous aurons épuisé
4228
Quand nous aurons épuisé toutes les combinaisons
de
vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de no
4229
rons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et
d’
ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, — le
4230
nnui à quoi présentement nous usons le plus clair
de
nos forces, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peup
4231
dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples
de
somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos dro
4232
ouïs. Il ne tient peut-être qu’à une forte équipe
d’
idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau miracle d’une civilisat
4233
être qu’à une forte équipe d’idéalistes pratiques
d’
en faire sortir le beau miracle d’une civilisation aux ordres de l’Esp
4234
istes pratiques d’en faire sortir le beau miracle
d’
une civilisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès main
4235
tir le beau miracle d’une civilisation aux ordres
de
l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élit
4236
ces élites, et cela ne se peut que si les tenants
de
l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être, malgré les mots14, de
4237
enants de l’ordre spirituel retrouvent le courage
d’
être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle a
4238
et intégralement humain. L’anarchie est un degré
d’
intensité dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste, de droite co
4239
é dans la vie, non pas un parti. Tout extrémiste,
de
droite comme de gauche, se trouve être dans une certaine mesure un an
4240
on pas un parti. Tout extrémiste, de droite comme
de
gauche, se trouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’il dé
4241
aine mesure un anarchiste s’il défend son opinion
de
toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste de la mauvaise espèce, un
4242
on de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste
de
la mauvaise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime
4243
nt tout en le suivant. Que faire, diront les gens
de
bonne volonté dont mon imagination romantique suppose l’existence. Qu
4244
s si vous tenez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur
de
manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plu
4245
enez, oui ou non, M. W. Rosier, auteur de manuels
d’
histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereus
4246
on, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et
de
géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereusement plat qui
4247
s répondent oui, cela finira par créer un courant
d’
opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos :
4248
agent désormais à ne publier plus un seul article
de
fond où ne perce leur mépris pour l’instruction publique. Ils peuvent
4249
uoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion
de
racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’une rédemption du
4250
casion de racheter bien des choses. Ce n’est rien
de
moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’es
4251
-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop
d’
invraisemblance de petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour évite
4252
i qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance
de
petites réformes. Mais j’en ai assez dit pour éviter ce malentendu :
4253
ce malentendu : je ne crois pas à la possibilité
d’
une réforme suffisante. C’est une révolution qu’il faut. Alors, suppri
4254
le. Le peuple qui déteste l’école a pourtant faim
d’
instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux.
4255
faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un
de
ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bourre
4256
lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit
de
lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa cultu
4257
préparer le terrain. D’autre part, il faut partir
de
ce qui est. Mais comment retourner contre l’ennemi ses propres batter
4258
batteries ? Autrement dit : quel emploi utopique
de
l’organisation existante peut-on imaginer ? L’école devrait donner à
4259
n entourage ne peut plus lui donner : des modèles
de
pensée. Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme de connaissa
4260
i donner : des modèles de pensée. Un entraînement
de
l’esprit, au lieu d’une somme de connaissances mortes. Une technique
4261
Un entraînement de l’esprit, au lieu d’une somme
de
connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fa
4262
la concentration. En vérité, toute force résulte
d’
une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident com
4263
n plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche
de
comprendre, ici encore, c’est la peur scolaire des mots. Ce terme hin
4264
e dit : vous ne voyez tout de même pas une classe
de
gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices d
4265
syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices
de
contrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne s
4266
rée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle
de
la respiration. Il ne s’agit nullement de cela. Nous ne sommes pas au
4267
ontrôle de la respiration. Il ne s’agit nullement
de
cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. M
4268
veut obtenir une grande intensité avec un minimum
de
moyens. J’en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le dril
4269
ysique, aux exercices élémentaires que l’on exige
d’
un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’importance prim
4270
aires que l’on exige d’un initié. Le fameux arrêt
de
la pensée dont on sait l’importance primordiale dans le yoga correspo
4271
au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre
de
ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante
4272
loin, — et en même temps constituent des sources
d’
énergie nouvelle. Le parallèle peut être poussé dans les détails. Il s
4273
peut être poussé dans les détails. Il s’agit bien
d’
un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le drill est u
4274
drill est un yoga corporel, le yoga est un drill
de
l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulair
4275
en couvents. Tant pis. Le drill offre un exemple
d’
éducation efficace. L’armée de milices suisses fait des soldats en moi
4276
ll offre un exemple d’éducation efficace. L’armée
de
milices suisses fait des soldats en moins de trois mois. Si l’école a
4277
rmée de milices suisses fait des soldats en moins
de
trois mois. Si l’école appliquait en les transposant des méthodes de
4278
’école appliquait en les transposant des méthodes
de
concentration analogues, même dans la mesure sans doute faible où la
4279
le supporte, on économiserait plusieurs semestres
de
travail. Si chaque matin l’enfant parvenait à mettre sa pensée au gar
4280
à-vous durant quelques instants, il s’épargnerait
de
longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela n
4281
épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là
de
quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en
4282
e tordre. Car tout cela nous donnerait des années
de
liberté en même temps qu’un peu de calme. Ces années de liberté nous
4283
erté en même temps qu’un peu de calme. Ces années
de
liberté nous permettraient de vivre, seule façon de s’instruire inven
4284
e calme. Ces années de liberté nous permettraient
de
vivre, seule façon de s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous p
4285
liberté nous permettraient de vivre, seule façon
de
s’instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprend
4286
ire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait
de
comprendre beaucoup de choses qui restent cachées aux agités ; la nat
4287
le. Je ne demande pas qu’on nous enseigne le goût
de
la nature. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder. De faire c
4288
oût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps
de
la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
4289
. Mais qu’on nous laisse le temps de la regarder.
De
faire connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout
4290
re connaissance. Je ne sais s’il est très exagéré
de
dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance in
4291
ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent
de
la même manière. Dans un système de culture spirituelle, les différen
4292
s progressent de la même manière. Dans un système
de
culture spirituelle, les différences s’accuseraient, mais se légitime
4293
ls. Méditez un peu ces truismes : On apprend plus
d’
une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab u
4294
pprend plus d’une chose longuement contemplée que
de
mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de concentr
4295
erçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute
de
concentration intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des h
4296
concentration intense dégage dans l’individu plus
d’
énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supéri
4297
age dans l’individu plus d’énergie que des heures
d’
exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quelques-uns est p
4298
’exercices gémissants. De même, le bien supérieur
de
quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup.
4299
es-uns est plus utile à tous que le bien médiocre
de
beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’elle le contien
4300
nt en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie
de
l’esprit est nécessaire au bien public. Certains proposent en rougiss
4301
au bien public. Certains proposent en rougissant
de
leur hardiesse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je l
4302
le temps des mages : ils comprennent les théories
d’
Einstein, ils composent de la poésie pure, ils mesurent des sensibilit
4303
omprennent les théories d’Einstein, ils composent
de
la poésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc
4304
des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel
de
sentiments dont les accords imitent la blancheur éclatante de l’amour
4305
s dont les accords imitent la blancheur éclatante
de
l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l
4306
ur… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et
de
l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ? Areus
4307
es choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé
de
sa folie démocratique ? Areuse, 26 décembre 1928-10 janvier 1929.
4308
-10 janvier 1929. NOTE A On est toujours tenté
d’
attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment crim
4309
ocratie. Les journaux, les cercles, les coulisses
de
parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusatio
4310
de parlements et autres potinières ne vivent que
de
semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle
4311
nt un très brave homme, il fait partie du conseil
de
la paroisse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs ré
4312
ations ont ait porté atteinte à la dignité morale
de
ce M. Machin, membre du conseil de paroisse. Je préciserai donc : je
4313
dignité morale de ce M. Machin, membre du conseil
de
paroisse. Je préciserai donc : je tiens l’École pour criminelle. Mais
4314
je ne tiens pas tous les instituteurs pour gibier
de
potence. Ils font beaucoup de mal, mais ils sont les premières victim
4315
complique dès que l’instituteur prend conscience
de
la nocivité de son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-
4316
que l’instituteur prend conscience de la nocivité
de
son action… Ils sont consciencieux, certes, mais sont-ils dans la mêm
4317
le ne saurait même pas prévoir. NOTE B La culture
de
notre sensibilité nous aiderait à retrouver l’accord avec l’ordre nat
4318
trouver l’accord avec l’ordre naturel. La culture
de
notre force de pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos eff
4319
d avec l’ordre naturel. La culture de notre force
de
pensée nous rendrait une liberté sans laquelle nos efforts resteront
4320
ront vains pour instaurer cette nouvelle attitude
de
l’âme. Mais ces méthodes ne prendraient tout leur sens et toute leur
4321
igieux. Pour quiconque a une foi et la conscience
de
cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les
4322
a une foi et la conscience de cette foi, il n’est
d’
enseignement véritable que religieux. Mais les questions confessionnel
4323
ut. Imaginez une culture spirituelle indépendante
de
toute destination religieuse particulière. On peut faire des haltères
4324
haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez
de
la grande vulgarité de mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein se
4325
ifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité
de
mes attaques. Ce qui est vulgaire, au plein sens du mot, c’est le gen
4326
e, au plein sens du mot, c’est le genre distingué
de
la bourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes
4327
pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin
de
leurs attendus pour juger. 14. Ces deux mots en effet, terrorisent à
4328
uent plus même le sens. Ils les lancent à la tête
de
tous ceux qui les dérangent, comme des pavés, ou plutôt des grenades,
4329
Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour (mars 1929)z Prison Prisonnier de la nuit mais plus libr
4330
le de jour (mars 1929)z Prison Prisonnier
de
la nuit mais plus libre qu’un ange prisonnier dans ta tête mais libre
4331
s Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier
d’
une saison morte au tombeau des fleurs obscures les mains de l’absence
4332
on morte au tombeau des fleurs obscures les mains
de
l’absence se ferment sur le vide Tu pleurerais Mais la grâce est f
4333
leurerais Mais la grâce est facile comme un matin
d’
été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
4334
comme un matin d’été la grâce tendrement dénouée
de
ta vie comme de cette nuit le jour d’un grand été qui consent…
4335
d’été la grâce tendrement dénouée de ta vie comme
de
cette nuit le jour d’un grand été qui consent… Ailleurs Colo
4336
ent dénouée de ta vie comme de cette nuit le jour
d’
un grand été qui consent… Ailleurs Colombes lumineuses des ma
4337
ent… Ailleurs Colombes lumineuses des mains
de
mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez
4338
es mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que
d’
aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il est
4339
ucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes
de
mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoil
4340
res rivages où mieux qu’ici l’on meurt. Étoile
de
jour Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est
4341
rient c’est la caresse des anges parmi les formes
de
l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante
4342
e l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable
de
savoir la dansante liberté d’un désir à sa naissance L’étoile qui l
4343
le sourire adorable de savoir la dansante liberté
d’
un désir à sa naissance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi d’un
4344
issance L’étoile qui l’accueille au sommet ravi
d’
un silence c’est le miroir d’une absence mais le signe de sa grâce D
4345
eille au sommet ravi d’un silence c’est le miroir
d’
une absence mais le signe de sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœu
4346
lence c’est le miroir d’une absence mais le signe
de
sa grâce Dans l’or vert évanouie au cœur éclatant du jour scintille
4347
œur éclatant du jour scintillera l’invisible gage
d’
un amour perdu. z. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoil
4348
e gage d’un amour perdu. z. Rougemont Denis
de
, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue de Belles-Lettres, Lausa
4349
. Rougemont Denis de, « Prison. Ailleurs. Étoile
de
jour », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg,
4350
s de, « Prison. Ailleurs. Étoile de jour », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, mars 1929, p. 168
4351
Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand ave
4352
Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)aa Quand avec un air fin
4353
peut se permettre quelques malices, quelques jeux
d’
esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous a
4354
ettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou
de
méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le souri
4355
t ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais
d’
être absous avec le sourire par la clientèle des librairies romandes,
4356
par la clientèle des librairies romandes, en mal
de
cadeaux de Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Am
4357
entèle des librairies romandes, en mal de cadeaux
de
Noël ou de première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet
4358
librairies romandes, en mal de cadeaux de Noël ou
de
première communion. Parmi les compatriotes d’Amiel, Godet restera l’u
4359
ou de première communion. Parmi les compatriotes
d’
Amiel, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et q
4360
ue fort alerte. Jugez-en à la façon dont il parle
de
« ses quelques succès, si disproportionnés avec son mérite ». Il ajou
4361
vec son mérite ». Il ajoute : « j’ai eu la chance
de
discerner très jeune, avec une clairvoyance singulière, mes propres l
4362
lière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse
de
ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise qu
4363
esse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble
de
l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capi
4364
onomie bourgeoise que cette administration exacte
d’
un petit capital. Le contraire de la poésie, bien sûr. Mais on n’en de
4365
istration exacte d’un petit capital. Le contraire
de
la poésie, bien sûr. Mais on n’en demande pas tant dans les familles.
4366
souvent à ces récits : ce n’est point un paysage
d’
âme qu’on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. To
4367
ailleurs est élégant. Mais comme tout cela manque
de
chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vrai
4368
élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et
de
rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de p
4369
’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que
de
petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa.
4370
on ne se nourrissait vraiment que de petits mots
d’
esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Deni
4371
urrissait vraiment que de petits mots d’esprit et
de
malices ? Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis de, « [Com
4372
Noisettes et cornichons ? aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
4373
is de, « [Compte rendu] Philippe Godet, Souvenirs
d’
enfance et de jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel
4374
pte rendu] Philippe Godet, Souvenirs d’enfance et
de
jeunesse », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribo
4375
det, Souvenirs d’enfance et de jeunesse », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, avril 1929, p. 19
4376
Panorama
de
Budapest (23 mai 1929)b Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six
4377
Panorama de Budapest (23 mai 1929)b Passer
de
Vienne à Budapest, c’est, en six heures d’express, changer totalement
4378
Passer de Vienne à Budapest, c’est, en six heures
d’
express, changer totalement d’atmosphère, passer de la lassitude à la
4379
’est, en six heures d’express, changer totalement
d’
atmosphère, passer de la lassitude à la turbulence, d’une propreté jol
4380
’express, changer totalement d’atmosphère, passer
de
la lassitude à la turbulence, d’une propreté joliette à un désordre p
4381
mosphère, passer de la lassitude à la turbulence,
d’
une propreté joliette à un désordre pittoresque, d’un scepticisme poli
4382
’une propreté joliette à un désordre pittoresque,
d’
un scepticisme poli à une excitation agressive. La simple visite des c
4383
La simple visite des cafés dans l’une et l’autre
de
ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pour
4384
sation : ce que vous pourrez voir durant le reste
de
votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne
4385
on. Vienne : assis sur les banquettes rembourrées
de
profondes loges, les clients dégustent des cafés débordants de crème,
4386
loges, les clients dégustent des cafés débordants
de
crème, avec une apathie qu’aucun orchestre ne vient troubler, aucune
4387
tastrophe imminente, une révolution, le transfert
de
la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles de l’Opéra aussi sont en gros
4388
nsfert de la SDN à la Hofburg… Mais les nouvelles
de
l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s
4389
finira bien par s’arranger, comme au dernier acte
d’
une opérette. Ce peuple s’est résigné avec une facilité incroyable à l
4390
spondre à son état d’esprit le plus naturel. Mais
de
quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des aprè
4391
ent des après-midi entiers devant les deux verres
d’
eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout
4392
nt les deux verres d’eau que le garçon renouvelle
de
temps à autre, à lire des potins tout en essuyant une moustache de cr
4393
à lire des potins tout en essuyant une moustache
de
crème fouettée ? Budapest : une vague de musique tzigane vous emporte
4394
oustache de crème fouettée ? Budapest : une vague
de
musique tzigane vous emporte dès l’entrée. Un violon vient vous siffl
4395
ous siffler à l’oreille les notes les plus aiguës
d’
une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus
4396
s d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité
de
la salle, par-dessus la rumeur des clients, le violoncelle répond de
4397
ssus la rumeur des clients, le violoncelle répond
de
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux
4398
sa voix profonde et passionnée, sous les roulades
d’
un cymbalum. Aux parois, la prière pour la résurrection de la Hongrie,
4399
balum. Aux parois, la prière pour la résurrection
de
la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les porte
4400
pour la résurrection de la Hongrie, des portraits
de
lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! j
4401
« Non ! non ! jamais ! » Officiers élégants, tout
de
noir vêtus, belles femmes aux voix agréablement rauques… Sortez pour
4402
le… « Savez-vous qu’on nous a pris les deux tiers
de
notre pays ?… Non, non, jamais ! » La rue est sale à cause de la font
4403
ux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La
rue
est sale à cause de la fonte de la neige (une boue ocre, épaisse, on
4404
n, jamais ! » La rue est sale à cause de la fonte
de
la neige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les
4405
vie les bottes que portent les femmes), encombrée
de
piétons qui traversent en tous sens, évitant vivement les trams qui s
4406
s qui déferlent sur les boulevards comme une nuée
d’
insectes affolés. Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas d’
4407
Les maisons sont basses, couvertes du haut en bas
d’
affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale
4408
tes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et
d’
inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui so
4409
jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison
de
pierre brune, puis une banque en style hongrois, façade aux grandes l
4410
açade aux grandes lignes verticales, peinturlurée
de
bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursoufl
4411
grandes lignes verticales, peinturlurée de bleu,
d’
or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de pré
4412
lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et
de
violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétentions
4413
peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une
rue
de pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un
4414
turlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue
de
pierre grise toute boursouflée de prétentions munichoises. Puis un pa
4415
t. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée
de
prétentions munichoises. Puis un palais gothique 1880, qui est le Par
4416
olidement amarrée à Pest par quatre énormes ponts
de
fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas
4417
viennent se briser avec un fracas sourd les îlots
de
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve
4418
glace qui descendent lentement le fleuve. Au cœur
de
Prophète chauve s’élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tom
4419
e. Au cœur de Prophète chauve s’élève la montagne
de
pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, f
4420
de Prophète chauve s’élève la montagne de pierre
de
St-Gellert. Elle tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et n
4421
on amiral régent et ses gardes blancs aux casques
d’
or s’avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. De
4422
nt cette ville désordonnée. Derrière, ce sont des
rues
silencieuses, provinciales, bordées de petits palais à un étage, clos
4423
sont des rues silencieuses, provinciales, bordées
de
petits palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries
4424
a chez des gens qui vous ont reçu comme un cadeau
de
Dieu, — c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette p
4425
eçu comme un cadeau de Dieu, — c’est leur formule
de
salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères f
4426
e salutation — vous constatez que cette profusion
de
liqueurs légères facilite singulièrement les rapports sociaux. On vou
4427
s vous êtes levé, comme tout le monde, à l’entrée
d’
un des archiducs. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour d’un
4428
. Car ce peuple, seul en Europe, attend le retour
d’
un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens q
4429
ropéen ne sait le faire, et dansent à tout propos
de
folles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en ch
4430
finissent en chutes ivres sur des divans couverts
de
coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passi
4431
spoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs
de
naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voy
4432
voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme
d’
une passion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panoram
4433
sion poétique un peu folle… b. Rougemont Denis
de
, « Panorama de Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p.
4434
n peu folle… b. Rougemont Denis de, « Panorama
de
Budapest », Journal de Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
4435
emont Denis de, « Panorama de Budapest », Journal
de
Genève, Genève, 23 mai 1929, p. 1-2.
4436
pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre
de
poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
4437
isser créer en nous son silence particulier avant
d’
entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
4438
ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu
d’
images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
4439
tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate
d’
un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
4440
nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions
de
l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
4441
décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que
de
l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
4442
mmobile et sache attendre que ton cœur se détache
de
toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
4443
minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés
de
rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
4444
une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond
d’
un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
4445
itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel
de
la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
4446
e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche
d’
un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
4447
pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat
de
notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
4448
ait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jules Supervielle, Saisir », Bibliothèque universe
4449
lle, Saisir », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
4450
La tour
de
Hölderlin (15 juillet 1929)o « Je lui ai raconté qu’il habite une
4451
nt des heures récite des odes grecques au murmure
de
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau d’un piano dont il
4452
l’eau ; la Princesse de Homburg lui a fait cadeau
d’
un piano dont il a coupé les cordes, mais pas toutes, en sorte que plu
4453
ont il a cassé les cordes, c’est vraiment l’image
de
son âme ; j’ai voulu attirer là-dessus l’attention du médecin, mais i
4454
’attention du médecin, mais il est plus difficile
de
se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’o
4455
u. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement
d’
un des poètes auxquels notre temps doit vouer l’attention la plus grav
4456
ion la plus grave — car il vécut dans ces marches
de
l’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains d
4457
à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage
de
l’émouvante Bettina, rêvé sans doute assez profondément pour qu’aujou
4458
nt un hasard… Hier, c’était la Pentecôte. La fête
de
la plus haute poésie. Mais dans ce siècle, où tant de voix l’appellen
4459
où tant de voix l’appellent, combien sont dignes
de
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est po
4460
s’attendre au don du langage sacré ? Cette langue
de
feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un ad
4461
ui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage
de
jeune fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans
4462
e premier, quand Hölderlin doit quitter la maison
de
Madame Gontard12, déchirement à peine sensible dans son œuvre. Car ce
4463
n œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu
de
sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur
4464
poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, —
d’
une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas son auteur. Qui parle par
4465
ité presque effrayante. Vient le temps où le sens
de
son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelqu
4466
au moment où meurt Diotima, Hölderlin errant loin
d’
elle (dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ;
4467
ima, Hölderlin errant loin d’elle (dans la région
de
Bordeaux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie d’un coup l’en
4468
(dans la région de Bordeaux croit-on), est frappé
d’
insolation ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillar
4469
aux croit-on), est frappé d’insolation ; sa folie
d’
un coup l’envahit. C’est une sorte de vieillard qui reparaît en Allema
4470
n ; sa folie d’un coup l’envahit. C’est une sorte
de
vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauv
4471
pauvre corps abandonné vivra dans la petite tour
de
Tubingue, chez un charpentier — vivra très doucement, inexplicablemen
4472
rès doucement, inexplicablement, une vie monotone
de
vieux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce q
4473
ne aux visiteurs venus pour contempler la victime
d’
un miracle. — C’était l’époque des amateurs de ruines. Je suis descend
4474
ime d’un miracle. — C’était l’époque des amateurs
de
ruines. Je suis descendu au bord de l’eau, un peu au-dessous de la ma
4475
peu au-dessous de la maison, en attendant l’heure
d’
ouverture. Il y a là une station de canots de louage où j’ai vite déco
4476
endant l’heure d’ouverture. Il y a là une station
de
canots de louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à
4477
eure d’ouverture. Il y a là une station de canots
de
louage où j’ai vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté d’un
4478
vite découvert un « Friedrich Hölderlin » à côté
d’
un « Hypérion ». En cherchant, je trouverais bien aussi un « Nietzsche
4479
vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle
d’
une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaun
4480
à la main. L’un après l’autre, dans cette paresse
de
jour férié, les clochers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
4481
e, dans cette paresse de jour férié, les clochers
de
la ville sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors de vieille
4482
chers de la ville sonnent deux heures. Allons. Un
de
ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtr
4483
sonnent deux heures. Allons. Un de ces corridors
de
vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’
4484
traient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés
d’
armoires. Un couloir, la chambre. L’homme qui me conduit est le propri
4485
? — (et comme je considère un ravissant médaillon
de
marbre) — Ça, c’est Diotima. » On rougirait à moins. — « Je ne puis p
4486
» On rougirait à moins. — « Je ne puis pas parler
de
lui, ici à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à ra
4487
menade, et le guide désigne familièrement l’image
d’
une femme par le nom qu’elle portait au mystère de l’amour… Trois peti
4488
d’une femme par le nom qu’elle portait au mystère
de
l’amour… Trois petites fenêtres ornées de cactus miséreux, une pipe q
4489
mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées
de
cactus miséreux, une pipe qui traîne sur l’appui ; le jardinet avec s
4490
Vingt-sept ans dans cette chambre, avec le bruit
de
l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fi
4491
ambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte
de
malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’agrément de ce monde
4492
complainte de malade épuisé après un grand accès
de
fièvre… L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeun
4493
puisé après un grand accès de fièvre… L’agrément
de
ce monde, je l’ai vécu. Les joies de la jeunesse, voilà si longtemp
4494
L’agrément de ce monde, je l’ai vécu. Les joies
de
la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’elles ont fui. A
4495
en, je n’aime plus vivre. Il y avait encore plus
de
paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en fac
4496
s. Il voyait des prairies et des collines basses,
de
l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans
4497
prairies et des collines basses, de l’autre côté
de
l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la v
4498
et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit
de
la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plaint
4499
et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas
de
plainte »… Vivait-il encore ? Ce lieu soudain m’angoisse. Mais le gar
4500
. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement
de
2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts
4501
pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une
rue
étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du
4502
fée entre des maisons pointues et les contreforts
de
l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque jour le fou au prof
4503
je vois s’y engager chaque jour le fou au profil
de
vieille femme qui promène doucement dans cette calme Tubingue le secr
4504
ène doucement dans cette calme Tubingue le secret
d’
une épouvantable mélancolie. Les étudiants le rencontrent, qui montent
4505
ui montent au Séminaire protestant : il leur fait
de
grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
4506
de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis
d’
une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous les marronniers. À
4507
La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse
de
café au bord du Neckar, sous les marronniers. À quatre heures, l’orch
4508
ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons
de
mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tourn
4509
ime pas les jeunes Doktors à lunettes, en costume
de
bain, qui pagayent vigoureusement, les dents serrées. (« Weg zur Kraf
4510
pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil
de
l’eau, ce qui est le comble des vacances. À une table voisine, des ad
4511
lafrés font des signes énergiques à une compagnie
de
cavaliers qui passe devant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeo
4512
compagnie de cavaliers qui passe devant la statue
d’
Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chop
4513
tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon
de
poser parfois de ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans
4514
dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois
de
ces grandes questions naïves.) Lui aussi a vécu dans cette ville, tou
4515
t seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose
de
terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux
4516
out le monde s’accorde à trouver malsain ce genre
de
tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la
4517
a tête et citent la phrase la plus malencontreuse
de
Pascal : le « Qui veut faire l’ange… » a autorisé des générations de
4518
i veut faire l’ange… » a autorisé des générations
de
« bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dan
4519
geois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’agit
de
l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne sais que
4520
la bête dès qu’il s’agit de l’âme. Dans la bouche
de
certains, cela prend l’air de je ne sais quelle revanche du médiocre
4521
âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air
de
je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiai
4522
mme cela on est mieux pour donner le coup de pied
de
l’âne… Écoutons plutôt Bettina — la vérité est plus humaine, est plus
4523
» Ô cette chambre, où pénètre la facilité atroce
de
cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d
4524
ambre, où pénètre la facilité atroce de cette fin
d’
après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle es
4525
fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums
de
fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un
4526
midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et
d’
eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soi
4527
urs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde,
de
ces mondes à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique de la facili
4528
des à mes yeux soudain simultanés ?… Le tragique
de
la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle
4529
à beau fixe. Pourquoi troubler le miroir innocent
de
ces eaux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ils ne sou
4530
our leur donne une petite fièvre, — cette semaine
de
leur jeunesse où ils ont cru pressentir de grandes choses généreuses
4531
emaine de leur jeunesse où ils ont cru pressentir
de
grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, to
4532
ru pressentir de grandes choses généreuses autour
d’
eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre,
4533
e : déjà je leur échappe — je t’échappe ô douceur
de
vivre ! Tout redevient autour de moi insuffisant, transitoire, allusi
4534
de l’Hypérion et des poèmes. o. Rougemont Denis
de
, « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neu
4535
et des poèmes. o. Rougemont Denis de, « La tour
de
Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, 15 jui
4536
éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge
de
la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
4537
res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout
de
chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
4538
te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur
d’
oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
4539
fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus
de
désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
4540
doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein
de
malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
4541
un dévergondage sentimental, plein de malices et
d’
envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
4542
gondage sentimental, plein de malices et d’envies
de
pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
4543
ais bien vite un intermède bouffon, impossible et
d’
une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
4544
es personnages ont cet air un peu ivre et capable
de
n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
4545
ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre
de
Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
4546
oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que
de
ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
4547
ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur
de
tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
4548
it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci
de
vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
4549
nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un
de
ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
4550
venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles
de
liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
4551
as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre
de
Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
4552
re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent
de
gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
4553
romans « bien faits ». Car il y a toujours assez
de
vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Den
4554
jours assez de vérité dans une histoire où il y a
de
la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, L
4555
re où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes », Bibliothèque un
4556
des songes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
4557
eignaient les upanishads et la tentative poétique
de
Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
4558
ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus
d’
un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
4559
étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à
de
mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
4560
français… Mais non, nous préférons voir ici l’un
de
ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
4561
signes qui de toutes parts annoncent une rentrée
de
l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
4562
pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur
de
cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
4563
èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance
de
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
4564
ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une
de
ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
4565
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon
de
proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
4566
vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion
de
notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
4567
pour faite honte à ceux qui sont encore capables
d’
une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
4568
ceux qui sont encore capables d’une telle honte,
de
leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
4569
eusement pur qui se soit révélé par le truchement
de
la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
4570
é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre
de
Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
4571
ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question
d’
Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
4572
on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité
de
sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
4573
baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant
de
Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
4574
olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible
d’
inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
4575
il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris
de
Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
4576
évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice
d’
une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Com
4577
ion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant », B
4578
d le voyant », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
4579
Julien Benda, La Fin
de
l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
4580
ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure
de
venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
4581
les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs
de
cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
4582
les lecteurs de cette revue connaissent la thèse
de
la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
4583
e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin
de
l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
4584
t que reprendre la défense contre ses adversaires
de
tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
4585
bords. Je voudrais souligner seulement la beauté
de
l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
4586
gner seulement la beauté de l’effort désintéressé
de
Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
4587
da, et l’obligation où nous sommes tous désormais
de
répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
4588
emeure. Je suis loin de partager toutes les idées
de
M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
4589
son tour quand il tire argument contre une thèse
de
M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
4590
nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel
de
ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
4591
t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas
de
faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
4592
ne manqueront pas de faire observer que la « fin
de
l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
4593
re observer que la « fin de l’éternel », la chute
de
l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
4594
a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue
de
la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
4595
nante tout comme si elle n’était pas le contraire
de
la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
4596
mme si elle n’était pas le contraire de la Raison
de
Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
4597
t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent
de
triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
4598
qui lui permettent de triompher syllogistiquement
de
l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
4599
riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon
de
la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
4600
e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse
de
logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
4601
pas nous masquer l’audace tranquille et admirable
de
son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
4602
re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire
de
M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
4603
sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera
d’
avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
4604
e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme
de
la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
4605
emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes
de
droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
4606
butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et
de
gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
4607
et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms
de
clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
4608
ons sont exactement celles qu’il fallait attendre
de
ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
4609
ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour
de
la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
4610
. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article
de
M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
4611
de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse
de
M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] J
4612
de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel », Bibliothèque
4613
t Denis de, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin
de
l’Éternel », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, no
4614
e l’Éternel », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
4615
Soudain il lui pousse des ailes, une grande paire
d’
ailes. Allait-on s’émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre
4616
le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela
d’
un romantisme ! ma chère, d’un mauvais goût ! Cependant le jeune homme
4617
euses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère,
d’
un mauvais goût ! Cependant le jeune homme agitait ses ailes non sans
4618
iles non sans une ingénue fierté. Mais au courant
d’
air s’enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi,
4619
ourant d’air s’enrhuma le grand-papa. On craignit
de
le perdre. — « Eh ! quoi, — vinrent lui dire ses amis, — l’orgueil t’
4620
inconsolables, ô sans cœur, ô pervers, ô disciple
de
Nietzsche ! » — Sous le poids de cette accusation, comment ne point c
4621
vers, ô disciple de Nietzsche ! » — Sous le poids
de
cette accusation, comment ne point céder : il fit couper ses ailes. O
4622
t céder : il fit couper ses ailes. On le félicita
de
son retour à l’état normal, qui est pédestre. Mais à partir de ce jou
4623
Dieu, dans sa pitié, leur envoya un ange porteur
d’
une solution fort simple qui d’ailleurs était la bonne, car le grand R
4624
le grand Remède, c’est un Simple. Des hurlements
de
rage ne tardèrent point à s’élever de toutes parts. Les uns défendaie
4625
ie outragée, les autres disaient qu’il n’y a plus
de
morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qu
4626
plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon
de
trancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’on ne lui fît u
4627
nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion
de
reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l
4628
dent. L’ange s’enfuit par l’un des nombreux trous
de
leurs raisonnements. L’inspiration Comme le poète terminait sa
4629
Comme le poète terminait sa théorie sur la nature
de
l’inspiration, un doute lui vint. Il alla au cinéma. On donnait un fi
4630
ïne, mais sans espoir. Il lui écrivit, en sortant
de
là, dans une crèmerie pleine de couples à la mode. Mais en écrivant i
4631
rivit, en sortant de là, dans une crèmerie pleine
de
couples à la mode. Mais en écrivant il pensait à une femme blonde ass
4632
Ayant demandé un timbre pour attirer l’attention
de
la femme blonde — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et
4633
usable de la part d’un poète en état, sans doute,
d’
inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’hier vous m’adressâtes un
4634
veloppe qu’hier vous m’adressâtes une déclaration
d’
amour destinée à une femme blonde. Je suis noire. Mais je sais qui c’e
4635
tion est le nom qu’on donne en poésie à une suite
de
malentendus heureusement enchaînés. » Cette histoire, en effet, lui v
4636
ffet, lui valut une Muse. ab. Rougemont Denis
de
, « L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue de Belles-L
4637
re social. Le Libéralisme. L’inspiration », Revue
de
Belles-Lettres, Lausanne-Neuchâtel-Genève-Fribourg, novembre 1929, p.
4638
er à décrire en 50 petites pages tous les méfaits
de
l’instruction publique. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
4639
que. C’est à peine assez pour indiquer leur ordre
de
grandeur ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet de l’instruc
4640
r ; à quoi je me bornerai. Il a paru sur le sujet
de
l’instruction publique deux petits livres1 excellents dont je considè
4641
je considère les thèses comme acquises : L’Éloge
de
l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfan
4642
s thèses comme acquises : L’Éloge de l’ignorance,
de
M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roor
4643
Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants,
d’
Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appau
4644
ue la science apprise à l’école appauvrit l’homme
de
tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que
4645
t, et ne lui donne à la place que des laideurs et
de
la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué e
4646
ens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité
de
l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein
4647
. J’apporte un témoignage personnel, une réaction
de
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité de tout cela qui me
4648
tempérament. Je marque d’autre part la nécessité
de
tout cela qui me blesse, la liaison fatale avec la démocratie, de tou
4649
me blesse, la liaison fatale avec la démocratie,
de
tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autr
4650
out ce qui moleste ma liberté et sans doute celle
de
beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble. Nous vivons sous un
4651
à sécrétion socialiste, qui a été établi par coup
de
force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et t
4652
et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime
de
punaises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle p
4653
e existence. Je l’ai subi ; l’on va voir comment.
De
pareils souvenirs légitiment toutes les haines. Je serai méchant, par
4654
reproche auquel je compte ne pas échapper : celui
de
naïveté. Définition du naïf dans le monde moderne : individu qui sout
4655
lus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui refusent
d’
être complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’est en fait
4656
à-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse
d’
aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les
4657
jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine
de
l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argum
4658
gémir n’est pas un argument. Je demande le droit
de
démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pa
4659
rde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas
de
proposer une nouvelle forme politique. Je me contente de vitupérer ce
4660
oser une nouvelle forme politique. Je me contente
de
vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on
4661
ée, on la renvoie, même si l’on n’est pas capable
d’
en faire soi-même une meilleure. Mais j’aperçois là-bas, vautré derriè
4662
dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler,
de
grâce mettez-lui les mains sur la bouche ! Donnez-lui sa choucroute,
4663
ève pour mettre en doute l’excellence du principe
de
l’instruction publique, on crie sur tous les bancs : « Alors, vous êt
4664
dique un mépris vraiment exagéré pour la jugeotte
de
l’adversaire ou s’il traduit simplement cette mauvaise foi pas même c
4665
iente, cette lâcheté devant la discussion précise
de
leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par
4666
je ne sais. Mais je m’attends à cent « réponses »
de
cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories
4667
le compte sommairement. Cela n’empêchera personne
de
me resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant
4668
prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain
de
temps — je n’aurai plus qu’à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. R
4669
réponds : 1° qu’ils ne peuvent me dénier le droit
de
juger ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même de leur sceptic
4670
r ces faits ; 2° qu’ils ne peuvent, en vertu même
de
leur scepticisme quant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
4671
ant à la valeur réformatrice des idées, m’accuser
de
faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficac
4672
ngereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace
de
certaines utopies. (Les religions, la découverte de l’Amérique par Ch
4673
certaines utopies. (Les religions, la découverte
de
l’Amérique par Christophe Colomb, l’Europe napoléonienne, la Russie d
4674
des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas
de
le dire : l’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit d’aller
4675
’instruction publique.) Résumé : 1° On a le droit
d’
aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui ri
4676
infâme réactionnaire, etc. Ce sont les partisans
d’
une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de
4677
gressiste et tolérante qui se livrent à ces excès
de
langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai de cet
4678
es renvoie en corps au chapitre 5 où je traiterai
de
cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Ce
4679
ect du problème que l’on peut appeler la question
de
droit. Certains, en effet, tirent toute leur force dans les discussio
4680
fet, tirent toute leur force dans les discussions
de
la tranquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les princip
4681
ts et les principes. Tourmentés par les scrupules
de
leur conscience libérale, ils fuient la rigueur jusque dans leurs rai
4682
gements, même violents, que cela ne manque jamais
de
provoquer, je me propose de marquer ici la distinction classique du f
4683
cela ne manque jamais de provoquer, je me propose
de
marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est p
4684
ue dans ses réalisations actuelles, puis au terme
de
ce recensement lamentable, je poserai la question de savoir si tant d
4685
ce recensement lamentable, je poserai la question
de
savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être lég
4686
erai la question de savoir si tant de laideurs et
d’
outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de notre
4687
bon sens peuvent être légitimés par le but final
de
notre institution-tabou. 1. Je ne puis naturellement pas mentionn
4688
les ouvrages scientifiques. Les meilleurs sortent
de
l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique d’une grande vulgar
4689
l’Institut Rousseau. 2. Guguss, journal comique
d’
une grande vulgarité qui jouait alors le rôle de nos bandes dessinées.
4690
e d’une grande vulgarité qui jouait alors le rôle
de
nos bandes dessinées.
4691
des gens qui s’attendrissent sur leurs souvenirs
de
classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les
4692
de classe. C’est qu’ils les confondent avec ceux
de
leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez
4693
x de leur enfance et les font indûment participer
de
la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’
4694
er de la même grâce. Voyez Péguy, quand il essaie
de
nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des ins
4695
nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus »
de
la tâche des instituteurs : Faire de ces belles analyses logiques, e
4696
au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire
de
ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait dro
4697
es, et grammaticales, où tout retombait droit… Et
de
ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement sép
4698
ù tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes
d’
arithmétique où il fallait si soigneusement séparer les calculs du rai
4699
es deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle
d’
occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des ap
4700
r ensemble), (drôle d’occupation), (après combien
d’
heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on mu
4701
aire ici du sentiment, je suis sensible au charme
de
cette fantaisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier de la quin
4702
taisie. Mais ce qui fait très bien dans un Cahier
de
la quinzaine, ça faisait de mauvaises notes dans nos carnets hebdomad
4703
s bien dans un Cahier de la quinzaine, ça faisait
de
mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous
4704
monce à nous gâter toute une journée. Une journée
d’
enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mè
4705
embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur
de
faire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait b
4706
nce à gratter son ardoise où sèchent des traînées
de
craie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’en
4707
? Mais l’enfance est ailleurs. Je revois ce fond
de
jardin où l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée d’une tent
4708
l’on trouve des cloportes dans la toile mouillée
d’
une tente d’Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemi
4709
des cloportes dans la toile mouillée d’une tente
d’
Indiens, des petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des all
4710
alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs
de
peaux, comme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout pro
4711
, odeurs de peaux, comme dans un rêve, des matins
de
dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue
4712
s de dimanche sonores et tout propres, la cuiller
d’
huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gr
4713
anche sonores et tout propres, la cuiller d’huile
de
foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement
4714
nores et tout propres, la cuiller d’huile de foie
de
morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des chos
4715
asse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils
de
vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la forêt en automne
4716
el Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours
de
carrousel, les chemins dans la forêt en automne, des jeux, des feuill
4717
incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée
d’
une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans le
4718
omenades en tenant la forte main du père qui fait
de
longs pas réguliers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’
4719
de longs pas réguliers… L’École, dans ce concert
de
souvenirs, n’est qu’une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses domi
4720
ît chaque jour, je pense que tout cela tient trop
de
place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais appris à lire, en cachette
4721
a même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea
d’
illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint la formule
4722
! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par
d’
innombrables exemples cet axiome qui devint la formule de mes première
4723
brables exemples cet axiome qui devint la formule
de
mes premières douleurs morales. Après six ans de ce régime, on m’avai
4724
de mes premières douleurs morales. Après six ans
de
ce régime, on m’avait suffisamment rabroué pour que je ne montrasse p
4725
oué pour que je ne montrasse plus aucune velléité
d’
originalité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malf
4726
lfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge
de
18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à caus
4727
profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé
d’
évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être éga
4728
fois deux quatre, c’est stérile, mais ça ne fait
de
mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un
4729
is un jour qu’elle contient la cause déterminante
de
notre malaise. Il me fallut un certain temps pour m’habituer à cette
4730
peut-être des découvertes qui eussent ruiné trop
de
certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la
4731
vissement. Je songeai aux vertueuses indignations
de
nos maîtres quand ils dénonçaient « la marque indélébile de l’éducati
4732
tres quand ils dénonçaient « la marque indélébile
de
l’éducation jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz, par l’espri
4733
sprit petit-bourgeois, qui est une généralisation
de
l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisati
4734
dogmes démocratiques, qui sont une généralisation
de
la règle de trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut pa
4735
ratiques, qui sont une généralisation de la règle
de
trois, aussi profondément certes qu’un Voltaire le fut par les jésuit
4736
uites : du moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez
de
verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on av
4737
moins ceux-ci lui laissèrent-ils assez de verdeur
d’
esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé e
4738
sez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager
de
leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte e
4739
empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts
de
la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le
4740
avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et
de
la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitr
4741
us ces ressorts de la révolte et de la libération
d’
une personnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens d
4742
ation d’une personnalité : l’imagination, le sens
de
l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix
4743
l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens
de
la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffrances était d
4744
ens de la relativité des décrets humains. Le prix
de
mes souffrances était donc ce conformisme indispensable aux « immorte
4745
ié, si évident, si parfaitement soumis aux règles
d’
une arithmétique élémentaire, ce monde dont la Démocratie apparaissait
4746
our lequel on nous préparait — c’était un système
d’
abstractions primaires, c’était le rêve raisonnablement organisé des e
4747
es et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges
de
l’État, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder pa
4748
ennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers
d’
un régime dont ils sont les seuls à s’accommoder parce qu’ils l’ont ét
4749
oder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte
de
leurs besoins. Nous ne croyions plus aux démons, mais à la Commission
4750
mais à la Commission scolaire. Nous n’avions plus
de
« superstitions grossières » comme celles qui touchent à l’action des
4751
e trompent que les illettrés, mais qu’il convient
de
s’incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisa
4752
qu’il convient de s’incliner devant les miracles
de
la science appliquée. On nous faisait voir tout au long de notre hist
4753
ence appliquée. On nous faisait voir tout au long
de
notre histoire le Progrès constant de l’humanité vers les lumières, l
4754
out au long de notre histoire le Progrès constant
de
l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel.
4755
et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils
d’
ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous
4756
iel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal
d’
un petit Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher de croire qu
4757
Dauphin — et même nous ne pouvions nous empêcher
de
croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas
4758
rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert
de
cette compression morale pour, une fois matériellement délivré, en su
4759
as plus tôt découvert et nommé cet asservissement
de
l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma
4760
s mythes stériles, que je les rendis responsables
de
ma perte de contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie
4761
riles, que je les rendis responsables de ma perte
de
contact avec les réalités les plus élémentaires de la vie. 3. Dan
4762
e contact avec les réalités les plus élémentaires
de
la vie. 3. Dans le cas le plus favorable, c’est un silence, un vi
4763
ption du monstre Le service militaire me permit
de
retrouver quelques-unes de ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieur
4764
ce militaire me permit de retrouver quelques-unes
de
ces réalités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues d’anciens c
4765
ités. J’y retrouvai aussi plusieurs têtes connues
d’
anciens camarades d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’en
4766
aussi plusieurs têtes connues d’anciens camarades
d’
école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait d’autant mie
4767
imaire. Comme ils avaient changé ! On s’entendait
d’
autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces différences s
4768
s. Car ces différences sont les premières marques
de
la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable
4769
ougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis
de
l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur : de
4770
ressemble plus à un bon élève qu’un instituteur :
de
l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité, la différence
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’un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas
de
solution de continuité, la différence n’était qu’une question d’âge,
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eur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution
de
continuité, la différence n’était qu’une question d’âge, non d’expéri
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continuité, la différence n’était qu’une question
d’
âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injust
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la différence n’était qu’une question d’âge, non
d’
expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux d
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s doute injuste et faux dans un très grand nombre
de
cas, mais pourquoi ai-je envie de le dire ? L’instituteur sous l’unif
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ès grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie
de
le dire ? L’instituteur sous l’uniforme peut être défini par son inco
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ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante
d’
être consciencieux, à une façon blessante d’être supérieur, à une faço
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dante d’être consciencieux, à une façon blessante
d’
être supérieur, à une façon livresque d’expliquer les choses, à une fa
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blessante d’être supérieur, à une façon livresque
d’
expliquer les choses, à une façon théorique de juger les êtres. Ces di
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que d’expliquer les choses, à une façon théorique
de
juger les êtres. Ces distributeurs automatiques (brevetés par le gouv
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teurs automatiques (brevetés par le gouvernement)
de
la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils
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de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour
de
la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir à une élite responsa
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t pas pour de la petite bière. Ils ont conscience
d’
appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire
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’appartenir à une élite responsable, cela se voit
de
loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils mépris
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isent le plus, et ils auraient souvent l’occasion
de
s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne
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s’en douter s’ils étaient sensibles aux finesses
de
l’ironie paysanne. Mais je n’en dirai pas plus, de peur de m’échauffe
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ait un peu, je crois que je m’oublierais au point
d’
insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armé
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nuer que les instituteurs galonnés causent autant
de
tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des
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des manifestes en mauvais français — et je ferais
de
la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusio
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en mauvais français — et je ferais de la peine à
d’
excellents garçons. Revenons au civil. J’ai fait allusion au lieutenan
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allusion au lieutenant-instituteur qui veut faire
de
la pédagogie avec sa section. L’instituteur-lieutenant qui veut trait
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ui veut traiter militairement ses élèves témoigne
de
la même maladresse professionnelle. J’en connais un qui avait coutume
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rofessionnelle. J’en connais un qui avait coutume
de
dire à une classe de garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater le
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connais un qui avait coutume de dire à une classe
de
garçons de 10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de
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qui avait coutume de dire à une classe de garçons
de
10 à 11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes de ma section,
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11 ans : « J’ai bien su mater les quarante hommes
de
ma section, je saurai aussi vous mater. » On imagine à quoi peut mene
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ous en sommes aux instituteurs : ils sortent tous
de
la même classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit
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urs : ils sortent tous de la même classe sociale,
de
la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprèg
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, ou bien préexiste-t-il dans les principes mêmes
de
l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Num
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ttire-t-il les petits bourgeois comme le portrait
de
Numa Droz attirait les mouches ? (Le verre en était toujours jaune.)
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t toujours jaune.) Je n’ai ni le droit ni l’envie
de
dire du mal des petits-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathique
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si sympathiques que n’importe quelle autre classe
de
la société. Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel q
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este dans l’école primaire est un véritable virus
de
mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autre
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telle. C’est celle même du régime. L’architecture
de
nos « palais scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
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rchitecture de nos « palais scolaires » symbolise
d’
une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la
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es » symbolise d’une façon frappante ce qu’il y a
de
schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde.
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ne façon frappante ce qu’il y a de schématique et
de
monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est pir
4808
ue du monde. Entrons, c’est pire encore. Beaucoup
d’
enfants ont un frisson de dégoût au moment de passer la porte, au son
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st pire encore. Beaucoup d’enfants ont un frisson
de
dégoût au moment de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur de
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on de dégoût au moment de passer la porte, au son
de
la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corrido
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de passer la porte, au son de la cloche : l’odeur
de
goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des éc
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orte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et
d’
urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste
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—, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes
de
mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre vie, citoyens
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de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années
de
votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur l
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Nature. Quelle peut bien être la vertu éducatrice
d’
un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la
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us la voyons est semblable à tous ces monuments «
de
la mauvaise époque » qui sont dans nos villes l’apport du xixe siècl
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ue le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence
de
style est encore un style : c’est même le pire.