1 1944, Les Personnes du drame. Introduction
1 apparences. Et leurs rencontres dans ces pages ne sauraient être justifiées qu’à titre, si j’ose dire, de métaphores critiques, p
2 1944, Les Personnes du drame. Sagesse et folie de la personne — Le silence de Goethe
2 e rationalisme, sans tension ni grandeur : ils ne savent pas voir dans la sagesse faustienne qu’elle est surtout une défense c
3 Goethe ? Il est un fait de sa jeunesse dont on ne saurait exagérer l’importance à la fois historique et symbolique : les premie
4 n devine chaque phrase sous-tendue et que rien ne saurait mieux trahir que la retenue même de l’expression. C’est pourquoi nous
5 l’esprit, dans la région où seul accède celui qui sait préserver sa passion au sein d’une interminable patience. N’est-ce po
6 joue d’un coup. La grandeur de Goethe est d’avoir su vieillir, celle de Rimbaud de s’y être refusé. Transportez la dialec
7 bée, faisant place à une stupeur désolée. « Je ne sais plus parler. » Le renoncement dès lors est fatal. « Moi ! moi qui me
8 e ses aspects le suggèrent. C’est l’opposition du savoir et du pouvoir, de la connaissance et de la souffrance, de la spéculat
9 a pas connu de tels déchirements. C’est lui qui a su vivre cette maxime de la Saison : « Pas de partis de salut violents »
10 résulte de la définition même d’un tel yoga. Tout savoir doit être confirmé par un faire, qui le tait et l’exprime à la fois.
11 t ceux-là seuls entendront ce silence, qui auront su percevoir l’accent dominateur et tendu des pages les plus égales et s
12 nne aussi. Mais gardons-nous de tirer de là je ne sais quel critère de jugement qui permettrait de placer Goethe « au-dessus
13 nce de Goethe n’est pas moins dangereux, pour qui sait l’entendre, que l’imprécation de Rimbaud ; et tous deux nous contraig
3 1944, Les Personnes du drame. Sagesse et folie de la personne — Goethe médiateur
14 veux dire entre ce qui lui fut donné et ce qu’il sut tirer de ces données ? Car Goethe est en ceci un homme moderne, que s
15 ut ici est organe, tout est nature. Et Goethe l’a su . Mais quand nous contemplons de loin cet arbre vénérable, aux basses
16 de Paracelse, de Jacob Boehme, de Swedenborg. On sait qu’avec Mlle de Klettenberg il se livra même à des expériences d’alch
17 nné de voir, de contempler, de se reposer dans le savoir pur. Le Second Faust est un anti-Goethe — ou mieux : c’est la « perso
18 e dire — et à la manière allemande —, parce qu’il sut réaliser en lui d’abord la médiation d’une valeur irrationnelle et d’
4 1944, Les Personnes du drame. Sagesse et folie de la personne — Kierkegaard
19 santeries, il avait sa légende « d’original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre
20 n autre esprit du siècle ne les dépasse. » Nul ne saurait mesurer aujourd’hui le développement promis à l’influence de Kierkega
21 . Il force les hommes à être attentifs. Ah ! Dieu sait s’ils deviennent attentifs — ils le tuent. Mais c’est là ce qu’il vou
22 Sous cette réserve, on peut louer ce sage : il a su choisir une pensée suffisamment stérile et désabusée par nature pour
23 avec la plus grande rigueur. Ceci dit, il reste à savoir si son échec final le jettera dans la foi, ou bien dans le néant. C’e
24 lière de cette idée. Pourquoi cela ? Parce qu’ils savaient que leur idée pouvait mourir, — sans eux. L’amour, la volonté de puis
25 evant l’Éternité. La substance du sérieux vrai ne saurait exister que dans l’acte qui rend l’éternité présente. Le seul fait ac
26 tre même une éthique héroïque. Mais tout cela, on sait de quoi c’est fait. On sait ce que vaut la menace. Une seule réalité
27 e. Mais tout cela, on sait de quoi c’est fait. On sait ce que vaut la menace. Une seule réalité peut advenir, de l’extérieur
28 phétie fait briller devant lui comme un éclair. «  Sachez qu’à l’origine — lit-on dans un dialogue de Kassner30 —, toutes les c
29 de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuv
30 ons le temps est lié au péché, le pécheur seul le sait , dans l’instant de la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si
31 e contraire de l’acte, c’est le désespoir Nous savons tout cela comme nous savons qu’il faut mourir : sans y croire. À vrai
32 le désespoir Nous savons tout cela comme nous savons qu’il faut mourir : sans y croire. À vrai dire, nous avons toutes rai
33 sibilité de l’oser. Celui que la foi vient saisir sait maintenant que l’acte est le contraire du désespoir. Mais il le sait
34 l’acte est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le ra
35 l’esprit ? « L’esprit, c’est la puissance que le savoir d’un homme exerce sur sa vie 46 ». Ce n’est pas le savoir, ce n’est p
36 ’un homme exerce sur sa vie 46 ». Ce n’est pas le savoir , ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice.
37 , ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Qu’on ne croie pas à une subtilité : le savoir autonome,
38 exercice. Qu’on ne croie pas à une subtilité : le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celui qui les détient, mais l
39 elui qui les détient, mais l’exercice effectif du savoir peut fort bien le conduire à la ruine, ou peut-être même au martyre.
40 ire qu’il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait b
41 le matérialisme au nom de biens qu’ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tardivement que «
42 u bien tu vois que la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, — ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russi
43 u bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais -tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? C
44 distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouverait-il
45 ion d’être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait ou l’avait commencé, celles-là l’auraient eu,
46 s de ce temps. Le génie réaliste de Kierkegaard a su la dénoncer au plus intime de l’existence individuelle. Chaque fois q
47 r sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner : elle est dans le refus moderne de cette « catégori
48 s des romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme d
49 ntenant, tu vas témoigner de la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’es pas fo
50 be du « héros », dernière insulte54. Il s’agit de savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur », son
51 ’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il existe un « ailleurs » et que l’Éternel vient à lui, il peut ré
52 nté », elle apparaît pour la première fois. Je le sais , je sais aussi ce qu’il m’en a coûté, ce que j’ai souffert. Je puis l
53 le apparaît pour la première fois. Je le sais, je sais aussi ce qu’il m’en a coûté, ce que j’ai souffert. Je puis l’exprimer
54 commode, surtout au regard des souffrances qu’il sait trop bien que lui vaudront ses attaques contre « l’église établie ».
55 « Cette maladie n’est point à la mort ». Or Jésus sait que Lazare va mourir. Ce qu’il veut faire comprendre aux assistants,
5 1944, Les Personnes du drame. Sagesse et folie de la personne — Franz Kafka, ou l’aveu de la réalité
56 Procès, ou la loi qui conduit à la mort Je ne sais pas si le Procès est le chef-d’œuvre de Kafka, mais il est difficile
57 urs lui apprennent qu’il est inculpé, mais ils ne savent pas de quoi, et n’ont pas qualité pour le savoir. Puis on lui rend la
58 savent pas de quoi, et n’ont pas qualité pour le savoir . Puis on lui rend la liberté. Toute l’histoire sera celle non du proc
59 e. Nous sommes tous arrêtés, il vaudrait mieux le savoir  : car nous saurions alors que réellement il n’y a rien à faire pour n
60 , pas même un seul », dit l’Écriture. Que nous le sachions ou non, nous avons tous failli, et nous sommes tous, virtuellement, d
61 s n’inspirent pas précisément confiance, mais qui sait  ? Nous n’avons pas le droit de négliger cette chance minime et humili
62 , non la miséricorde. C’est l’état de l’homme qui sait que Dieu existe, mais qui ne peut plus lui obéir, et qui ne sait pas
63 xiste, mais qui ne peut plus lui obéir, et qui ne sait pas comment l’atteindre, parce qu’il ne connaît pas « le chemin » qui
64 stant d’après… Mais non, Kafka suspend l’élan. Il sait qu’il faut sauter, mais au dernier moment, il ne croit plus que de l’
65 nce chrétienne — précisons : judéo-chrétienne. Il sait que Dieu et sa Justice existent, mais il le sait d’une manière négati
66 sait que Dieu et sa Justice existent, mais il le sait d’une manière négative, ou plutôt, il pressent qu’il l’a su, et cela
67 anière négative, ou plutôt, il pressent qu’il l’a su , et cela suffit à réveiller en lui le sens obscur d’une culpabilité ;
68 c’est concrètement la repentance. Or celle-ci ne saurait être provoquée que par la certitude du pardon… Mais justement la foi
69 me, par la venue du Christ dans l’histoire. Kafka savait qu’il devait y avoir un chemin, et cela suffisait à lui faire prendre
70 t suppose autre chose ? Mais il est impossible de savoir quoi : personne n’a traversé le voile et les messages interceptés ne
71 pas clairs… La transcendance, dans notre vie, ne saurait se manifester que sous une forme négative : dans l’angoisse, dans le
72 royait pur. Or la vision très singulière de Kafka sait discerner toutes ces poussières, mais sans le rayon. Cas unique, et p
73 anscendentale par des moyens purement humains, ne saurait aboutir ailleurs que dans l’éthique de l’immanence, qui est l’éthique
74 ur61 ? Nous sommes ici dans un domaine où l’on ne saurait imaginer de certitude non équivoque. Car c’est là le domaine de la fo
75 ntés d’inférer de ces trois œuvres géniales je ne sais quel jugement de valeur sur l’expérience intime qu’elles traduisent o
76 , il resterait à expliquer pourquoi le seul Kafka sut mettre en œuvre, d’une manière à ce point signifiante, cette prédispo
6 1944, Les Personnes du drame. Liberté et fatum — Luther et la liberté de la personne
77 méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, pr
78 toutes ses chances non sans ironie toutefois, et sait enfin conférer à son choix la force et la simplicité d’une constatati
79 é par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l
80 nt il pouvait, en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop fortement ce trait : c’est encore en théologien, en do
81 ’objection parfaitement anachronique, mais que je sais inévitable, et qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe 
82 immobile c’est l’image même de la mort. L. — Que savons -nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imagin
83 Dieu qui nous prédestina ! Quand le croyant, qui sait que Dieu a tout prévu éternellement, adresse à Dieu, au nom de sa pro
84 paradoxe luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à un
7 1944, Les Personnes du drame. Sincérité et authenticité — Le Journal d’André Gide
85 férentes de poursuivre une même confidence. On ne sait plus si le journal est en marge de l’œuvre, ou si l’œuvre n’est qu’un
86 atures, reprises d’actes manqués… Il s’agirait de savoir si la vraie vie est dans ce qu’on fait, ou dans ce qu’on pense de ses
87 que à un pasteur : « Vous, vous croyez, mais nous savons  ! ») Ceci explique que le souci central de Gide ait été de débarrasse
88 esser ce que la chair ni le sang par eux-mêmes ne sauraient confesser. Alors seulement pourrait se poser en termes nets le problè
89 nfiniment complexes, sociales ou théologiques, ne saurait s’expliquer autrement que par une défiance d’artiste à l’égard des id
90 x trop « écrits » à son gré. Mais ce qui reste ne saurait tromper. On ne se débarrasse pas si facilement de la morale, même dé
8 1944, Les Personnes du drame. Sincérité et authenticité — Vues sur Ramuz
91 au sein d’une société donnée, bien définie. Il ne saurait être question d’une société bourgeoise et citadine : celle-ci reste,
92 audois. On a loué cet « artiste raffiné » d’avoir su « se ravaler au niveau des simples ». Mais non, Ramuz ne descend pas
93 le tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puissance naturelle, dans sa fascinante monotonie73. Un art do
94 cablante simplicité. Me tromperais-je ? Ai-je mal su lire tant de brillants essais sur le monde actuel et futur ? Est-ce l
95 que d’avoir cru distinguer dans ces œuvres je ne sais quelle complaisance qui les faisait éviter d’instinct tout point de v
96 convenables. Nous recherchons désormais ceux qui savent dévisager notre condition la plus nue. « Alors on voit paraître le gr
97 emière fois en public, on éprouve le sentiment de savoir par avance tout ce qu’il doit en dire. Je n’ai pu me défendre de cett
98 matière comme seuls les spiritualistes bourgeois savaient la mépriser. (Dix ans de discussions, chez les philosophes de Moscou,
99 ut ce que le résumé critique de la figure n’a pas su dire, nous le retrouvons indiqué dans le chapeau, le verre, la lampe.
100 pulaire, dont Ramuz est peut-être le seul à avoir su montrer la nécessaire dignité. Le sens de l’objet, chez Ramuz, est li
101 ’est jamais « aussi direct que possible ». Goethe sait mal le grec, et connaît les statues par l’estampe. Il lui faut les in
102 Or une question ne peut être sérieuse que si l’on sait que la réponse existe. Il fallait nous apprendre cet embrassement, ce
9 1944, Les Personnes du drame. Sincérité et authenticité — L’Art poétique de Claudel
103 nnaître, de cognoscere, sera : co-naître. Il faut savoir ce que parler veut dire. (D’où l’on vient, où l’on va : tel est le se
104 e sens « courant ». Dans cette affaire, celui qui sait où il va risque encore d’augmenter l’embarras, et de se faire copieus
105 ue son humanité, que son lyrisme, ou que ce je ne sais quoi de bouleversant obscurément qui saisit l’auditeur le plus profan
10 1944, Les Personnes du drame. Une maladie de la personne — Le romantisme allemand
106 e très nettement la question : « Il nous faudrait savoir jusqu’à quel point nos songes nous appartiennent ». Quand nous rêvons
107 leur fera-t-elle accumuler pour dire que rien ne saurait être dit… Et pourtant si : romantiques et mystiques sont persuadés qu
108 ui fit la vie même. » Non sans lucidité, Moritz a su dépeindre l’état de conscience qui naît de cet obscur déchirement : «
109 ouvons rejoindre l’Autre, l’indicible. 89. On ne saurait trop insister sur l’importance du quiétisme pour la formation de la p