1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1 c’est-à-dire de l’amour menacé et condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme occidental, ce n’est pas le plaisir de
2 ucation, dans les images qui font le décor de nos vies  ; enfin le besoin d’évasion exaspéré par l’ennui mécanique, tout en n
3 us en sommes venus à voir en elle une promesse de vie plus vivante, une puissance qui transfigure, quelque chose qui serait
4 exalte à ce qui semblerait combler notre idéal de vie harmonieuse ? Serrons de plus près cette contradiction, par un effort
5 st constitué le groupe. (Récits symboliques de la vie et de la mort des dieux, légendes expliquant les sacrifices ou l’orig
6 moins. Elle est toujours aussi dangereuse pour la vie de la société. Elle tend toujours à provoquer, de la part de la socié
7 et non point comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l’amour est une destinée (c’était le phi
8 le bonheur, la société et la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religio
9 goût d’y voir clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Trista
10 r clair, de prendre conscience de sa vie et de la vie de ses contemporains. Si je m’attache au mythe de Tristan, c’est qu’i
11 permet de mettre à nu certain dilemme dont notre vie hâtive, notre culture et le ronron de nos morales sont en passe de no
12 ce. D’où le nom du héros, la couleur sombre de sa vie , et le ciel bas d’orage qui couvre la légende. Le roi Marc de Cornoua
13 stinée « qui jamais ne leur fauldra jour de leurs vies , car ils ont beu leur destruction et leur mort ». Ils s’avouent leur
14 rêt de Morois. Trois ans durant, ils y mènent une vie « aspre et dure ». Un jour, Marc les surprend endormis. Mais il se tr
15 le pas d’opposer la fiction d’un certain idéal de vie aux réalités tyranniques ? Plus d’une énigme que nous pose le Roman n
16 la manière d’un rêve, et non point à celle de nos vies  : les prétextes du romancier, les actions de ses deux héros, et les p
17 figurer — au détriment de leur bonheur et de leur vie même… ⁂ Nous commençons à distinguer le sens secret et inquiétant du
18 rêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meinent et dure : Tant s’entr’aiment de bonne amor L’un par l’autre n
19 Combien durra vostre folie ? Trop avez mené ceste vie . Ainsi les admoneste Ogrin. Tristan li dist : or escoutez Si longue
20 us heureuse dans le malheur d’amour que dans leur vie commune du Morois… ⁂ On sait d’ailleurs que par la suite, et bien que
21 la passion, jusqu’au point qu’ils en perdront la vie , « lui par elle, elle par lui… » L’égoïsme apparent d’un tel amour ex
22 souffrir (sa blessure se rouvre) et à risquer sa vie (il se sait épié). Mais la passion est alors si violente, si animale
23 lle Tristan le surmonte est une affirmation de la vie . En tout cela, Tristan n’obéit qu’à la coutume féodale des chevaliers
24 assion » sur le désir. Triomphe de la mort sur la vie . ⁂ Ainsi donc cette préférence accordée à l’obstacle voulu, c’était l
25 e, c’est essentiel à la grandeur exemplaire de sa vie . Les raisons de la Nuit ne sont pas celles du Jour, elles ne sont pas
26 pâlissent toute sagesse, toute « vérité », et la vie même. Il est au-delà de nos bonheurs, de nos souffrances. Il s’élance
27 u’à nous faire accéder, malgré nous, à la « vraie vie  » dont parlent les poètes. Mais cette « vraie vie », c’est la vie imp
28 vie » dont parlent les poètes. Mais cette « vraie vie  », c’est la vie impossible. Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscule em
29 nt les poètes. Mais cette « vraie vie », c’est la vie impossible. Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscule empourpré d’héroïs
30 n’annonce pas le Jour, mais la Nuit ! La « vraie vie est ailleurs », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort, le
31 lheur qui le guette. Il y faut cette menace de la vie et des hostiles réalités qui l’éloignent dans quelque au-delà. La nos
32 l’on perd ce que l’on avait — la jouissance de la vie . Mais cette perte n’est pas sentie comme un appauvrissement, bien au
33 ne en récompense ! Attirés par la mort loin de la vie qui les pousse, proies voluptueuses de forces contradictoires mais qu
34 tant que l’amour-passion rénove le mythe dans nos vies , nous ne pouvons plus ignorer, désormais, la condamnation radicale qu
35 que la passion est une ascèse. Elle s’oppose à la vie terrestre d’une manière d’autant plus efficace qu’elle prend la forme
36 re : une seule longue période de réunion (l’aspre vie ) à quoi répond la longue période de séparation (le mariage de Tristan
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
37 la vertu d’une telle discipline est relative à la vie même, non à l’esprit. Elle cède au succès obtenu. Elle ne cherche rie
38 on-désir. La dialectique d’Éros introduit dans la vie quelque chose de tout étranger aux rythmes de l’attrait sexuel : un d
39 onde médiéval. Ainsi l’Orient vint rêver dans nos vies , réveillant de très vieux souvenirs. Car au fond de notre Occident, l
40 21. Il est certain que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventureuse, très semblable à celle de la terre, m
41 que les Celtes croyaient à une vie après la mort. Vie aventureuse, très semblable à celle de la terre, mais épurée, et dont
42 te conception dualiste, manichéenne, voit dans la vie des corps le malheur même ; et dans la mort le bien dernier, le racha
43 in de l’esprit, son but, c’est aussi la fin de la vie limitée, obscurcie par la mutiplicité immédiate. Éros, notre Désir su
44 onheur terrestre. Considéré du point de vue de la vie , un tel Amour ne saurait être qu’un malheur total. Tel est le grand f
45 c Dieu, et la Parole était Dieu… en elle était la vie , et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténè
46 la Parole était Dieu… en elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et le
47 à sublimer l’homme, et aboutissent à condamner sa vie « finie ». Le dieu Éros exalte et sublime nos désirs, les rassemblant
48 appelle « mort à soi-même », c’est le début d’une vie nouvelle, dès ici-bas. Ce n’est pas la fuite de l’esprit hors du mond
49 Une recréation immédiate. Une réaffirmation de la vie , non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais
50 Une réaffirmation de la vie, non pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’
51 n pas certes de la vie ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vra
52 ancienne, et non pas de la vie idéale, mais de la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’est fait hom
53 e au-delà de la mort, mais il se retourne vers la vie . Et cette conversion de l’amour fait apparaître le prochain. Pour l’É
54 tait que fuite illusoire au-delà du concret de la vie . Aimer devient alors une action positive, une action de transformatio
55 trême logique, aboutissait, du point de vue de la vie , au malheur absolu, qui est la mort. Le christianisme n’est un malheu
56 is un malheur recréateur et bienheureux dès cette vie pour le croyant que « saisit le salut ». 4.Orient et Occident E
57 temps son ascèse, la voie qui mène au-delà de la vie . Agapè au contraire ne cherche pas l’union qui s’opérerait au-delà d
58 cherche pas l’union qui s’opérerait au-delà de la vie . « Dieu est au ciel, et toi tu es sur la terre. » Et ton sort se joue
59 du moi en Dieu. L’Amour divin est l’origine d’une vie nouvelle, dont l’acte créateur s’appelle la communion. Et pour qu’il
60 umineuse, au-delà de tout amour possible en cette vie . Voilà pourquoi l’Amour suppose la chasteté. E d’amor mou castitaz (d
61 e donner un sens au phénomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux34, a cru
62 du cycle de leurs épreuves — comportant plusieurs vies , physiques ou autres, pour les hommes non encore illuminés — la créat
63 a doctrine n’exigeait-elle pas qu’on mît fin à sa vie « non par lassitude ni par peur ou douleur, mais dans un état de parf
64 n mystique de l’homme, fortement attestée dans la vie même des âmes. Essayons à nouveau de repérer, entre les pointes et le
65 es ; celui, entre autres, du mystique Suso : « La vie de la chrétienté médiévale est, dans toutes ses manifestations, satur
66 u sang et de l’eau. Voilà la sanctification de la vie poussée à ses extrêmes limites57. » Dira-t-on que l’on tombe ici du s
67 badours — l’on sait au vrai peu de choses de leur vie  — nous rappellerons l’exemple des sectes gnostiques, qui condamnaient
68 -Hallaj et Sohrawardi devaient même payer de leur vie cette accusation d’hérésie65. Il est bien émouvant de constater que t
69 ort. Pour moi cependant la mort par amour est une vie  ; je rends grâce à ma Bien-aimée de me l’avoir offerte. Celui qui ne
70 t mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie , c’est en effet le jour terrestre des êtres contingents et le tourmen
71 de l’hérésie, entre l’exigence des Parfaits et la vie réelle des Croyants… Citons là-dessus l’un des plus sensibles interpr
72 n’occupaient tout de même pas le plus clair de la vie , et n’avaient tout de même pas supprimé toute espèce d’impulsions nat
73 les aider à vivre, mais non pas à comprendre leur vie . Car tous, tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de c
74 tant que nous sommes, sans le savoir, menons nos vies de civilisés dans une confusion proprement insensée de religions jama
75 oïsme, mais en vue de prolonger la jeunesse et la vie en économisant le principe vital, plutôt que de conquérir la liberté
76 rcabru.) Voici le Service de la Dame : Prenez ma vie en hommage, belle et dure merci, pourvu que vous m’accordiez que par
77 resterait indifférent s’il n’avait gardé dans nos vies , au travers des nombreux avatars dont nous allons décrire la processi
78 ruides qu’ils ne se rencontreraient pas dans leur vie , mais qu’ils se rencontreraient après la mort, pour ne jamais se sépa
79 traduisible — comment il peut se recréer dans une vie ou dans une œuvre. 13.Du roman breton à Wagner, en passant par Got
80 a fois rive à la sexualité, qui est une loi de la vie , et contraint à la dépasser dans un hybris libérateur, au-delà du seu
81 erté dont on ignore si elle ne lui a pas coûté la vie . Mais il est non moins clair que le cadre du roman, son intrigue et s
82 e que le reflux et l’invasion anarchique dans nos vies d’une hérésie spiritualiste dont nous avons perdu la clef ; 2° qu’à l
83 et le mythe de la passion n’agissent que dans nos vies privées. La mystique d’Occident est une autre passion dont le langage
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
84 e ses situations romanesques la progression d’une vie mystique. Certains « moments » relèvent de la pure tradition cathare,
85 a vocation qui la surprend comme malgré elle. Une vie nouvelle commence ici106. Normalement, ce premier et décisif appel de
86 lle d’Irlande, amoureuse et sauvage ! » Toute une vie de pénitence devra maintenant racheter le sacrilège. Mais le malheur
87 ants. Reprenons par exemple le récit de l’« aspre vie  » dans la forêt de Morois. « Nous avons perdu le monde, et le monde n
88 psychologique : la passion n’est nullement cette vie plus riche dont rêvent les adolescents ; elle est, bien au contraire,
89 ariage spirituel » de Dieu et de l’âme, dès cette vie , tandis que l’hérétique espère l’union et la fusion totale, mais au-d
90 t ne pouvaient connaître ce retour de l’âme à une vie rénovée. « Je meurs de ne pas mourir », dit sainte Thérèse, mais c’es
91 c’est de ne pas mourir assez pour vivre toute la vie nouvelle, et pour obéir sans tourments. Je ne trouve rien, dans Trist
92 le péché. « Toutes les créatures passent de leur vie à leur être. Toutes les créatures se portent dans ma raison afin d’êt
93 a mort m’est un gain », c’est que « Christ est ma vie  », et Christ s’est incarné, c’est-à-dire abaissé. Ainsi le chrétien n
94 presque fatalement amené à transposer dans notre vie profane toutes ces allégories trop bien voilées. Il est facile d’imag
95 langage de la passion Le fait central de toute vie religieuse de forme et de contenu chrétiens, c’est l’événement de l’I
96 nirvana ne peut accueillir le samsara (qui est la vie diverse, infiniment mouvante). Au contraire, Eckhart verra Dieu prése
97 ue, par l’âme du croyant, elles « passent de leur vie à leur être ». La confrontation est rendue possible par le fait qu’il
98 e chrétien, la mort à soi-même est le début d’une vie plus réelle ici-bas, non la catastrophe de ce monde. D’ailleurs Otto
99 ans sa jeunesse des romans de chevalerie (voir sa Vie par elle-même, chap. ii) ; elle eut même, paraît-il, l’idée d’en comp
100 our parfait se communique à nous au travers de la vie . (Ils ne croient pas l’humanité du Christ.) Ils veulent aller tout dr
101 le.) Refusant que le Jour les enseigne dans cette vie et par le moyen de la « matière », méconnaissant une Agapè qui sancti
102 istoire de la déchéance du mythe courtois dans la vie « profanée ». C’est le récit des tentatives de plus en plus désespéré
103 … « L’âme échappe à sa nature, à son être et à sa vie , et naît dans la Divinité. C’est là qu’est son devenir. Elle devient
104 ne anthologie). 119. ID., ibid., et P. Sabatier, Vie de saint François d’Assise. 120. B. de Ligt, la Paix créatrice, II,
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
105 ouches profondes et muettes des peuples, là où la vie sociale ne se prête plus aux formes nobles, ne fournit plus les beaux
106 Pitié) — jusqu’à ce que tous aient pu recevoir la Vie nouvelle138 ? Ce qui doit paraître ici-bas blasphématoire, c’est l’éq
107 éfinir enfin ce dont on parle. « Cet Amour est-il vie ou mort ? » demande courageusement le premier. Et le second répond :
108  ; de même celui qui est pénétré d’amour puise la vie dans la contemplation de sa dame, car ainsi il soulage sa grande pein
109 tendres, angéliques étincelles, béatitudes De ma vie où s’allume le plaisir Qui doucement me consume et détruit. (Les Yeux
110 our moi, ne ressemblent plus à la lumière et à la vie  : c’est une nuit infernale et une cruelle mort. Et pourtant ! (voici
111 suis enfermé Qui me clôt le chemin vers une telle vie  ! » (Chanson 72.) La « nuit infernale » devient le Jour, la « cruell
112 ernale » devient le Jour, la « cruelle mort » une Vie nouvelle, et pour qu’à la passion ne manque pas le sublime, voici la
113 rebours : la gauloiserie Imposer un style à la vie des passions — ce rêve de tout le Moyen Âge païen tourmenté par la lo
114 dulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fait que d
115 n humain de substituer à la réalité le rêve d’une vie plus heureuse. C’est encore une aspiration à la vie sublime, tout com
116 e plus heureuse. C’est encore une aspiration à la vie sublime, tout comme l’autre, mais cette fois du côté animal. C’est un
117 pelés aussi « chevaliers joyeux » à cause de leur vie dissolue, et malgré leur saint patronage. 6.Suite de la chevalerie
118 e Wagner. Tant qu’on ignore à peu près tout de la vie , voire de l’identité de Shakespeare, il est vain de se demander s’il
119 isons même de vérité. Ici c’est l’art et non « la vie  » qui mène le jeu. Nous sommes en face d’une création de l’esprit, et
120 e n’est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie . » L’on sent tout l’artifice et la faiblesse du « raisonnement » qui
121 e, son aspect diurne, son reflet moral dans notre vie de créatures finies. Il y manque l’aspect nocturne, l’épanouissement
122 spect nocturne, l’épanouissement mystique dans la vie infinie de la Nuit. Il y manque ce que l’on pourrait appeler, symétri
123 ouble. L’Éros courtois voulait nous libérer de la vie matérielle par la mort ; et l’Agapè chrétienne veut sanctifier la vie
124 a mort ; et l’Agapè chrétienne veut sanctifier la vie  ; mais les « passions excitées » par Racine, cette « tristesse » à la
125 hèdre est un moment décisif non seulement dans la vie du poète, mais dans l’évolution du mythe à travers l’histoire de l’Eu
126 e Rousseau, pas plus que Pétrarque à la fin de sa vie , n’est dupe de la « religion » d’amour. Qu’on relise la grande lettre
127 urs enivrantes pour lesquelles je donnerais mille vies , mais rends-moi tout ce qui n’était point elles, et les effaçait mill
128 artient peut-être à l’amour comme le sommeil à la vie . Ce n’est pas la plus noble part, et l’homme vigoureux préférera touj
129 sans consumer, toute la félicité ineffable de la vie supérieure, germée au plus secret de l’âme. L’esprit déploie mille an
130 devez emporter René dans les espaces d’une autre vie  », c’est le chant pur de la passion de la Nuit. Mais il n’est point d
131 ur ne sera pas longtemps félicité ineffable de la vie supérieure » dont parle E. T. A. Hoffmann ; mais plutôt cet amour « t
132 d’intérêt naïf pour les formes quotidiennes de la vie facilitera le détachement de l’esprit, la purification abstraite du s
133 passe en eux, entre les lois inacceptables de la vie terrestre et finie, et le désir d’une transgression de nos limites, m
134 nt, et que tout élément « sacré » disparaît de la vie sociale. 17.Stendhal, ou le fiasco du sublime Homme du xviiie
135 pessimisme incompatible avec la conception de la vie qu’il s’était faite ? C’est la question qu’il ne se pose jamais. Il n
136 me faite pour les passions sent d’abord que cette vie heureuse (le mariage) l’ennuie, et peut-être aussi qu’elle ne lui don
137 lus loin : « Il y a peu de peines morales dans la vie qui ne soient rendues chères par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà
138 der, ce qu’il faut au bourgeois pour ressentir sa vie … Qu’on y soit parvenu si rapidement et complètement ne saurait d’aill
139 apparente victoire : de cette blessure par où la vie s’écoule, elle fait le gage de la suprême guérison, celle que chanter
140 un dualisme douloureux, permanent au niveau de la vie , mais qui s’évanouit dans la grâce lumineuse au-delà de la mort physi
141 s sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie . Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande puissance
142 s contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie , c’est l’instinct libéré de l’esprit, la grande puissance solaire qui
143 qu’une vache. » ⁂ Cette nouvelle mystique de la «  Vie  » a pu donner naissance à de belles œuvres littéraires. Mais elle por
144 cause de toute la confusion, et il l’a payé de sa vie , voilà qui est clair. Mais j’ajouterai ceci, qui est non moins clair 
145 ’infect, l’on croit retrouver l’authentique de la vie , et l’on ne fait pourtant que s’abandonner au torrent des déchets de
146 ire ! À l’infini, jusqu’à la consomption de toute vie et de tout esprit. Voilà ce que peut faire l’homme qui se prend pour
147 plice, elle voudrait y passer ce qui lui reste de vie . » 144. Saint Jean de la Croix : « Ô brûlure suave ! » et tout le co
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
148 n est un embrassement. Sa tuerie est de donner la vie pour l’aimé. » ⁂ On a vu que la rhétorique courtoise traduit, à l’ori
149 elle est la défaite du monde et la victoire de la vie lumineuse. Amour et mort sont reliés par l’ascèse, comme par l’instin
150 gle étrange, si l’on en croit Froissart, coûta la vie , dès le début de l’ordre, à plus de quatre-vingts d’entre eux. » De m
151 re l’une à côté de l’autre deux conceptions de la vie  : la conception pieuse, ascétique, attire à elle tous les sentiments
152 cole quasi sacral ; la conception ascétique de la vie militaire (jeûnes prolongés avant l’épreuve des armes) ; les conventi
153 oujours à cheval, couvert d’armes et assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus est presque toujours
154 assuré de la vie lorsqu’on se rend prisonnier… La vie des vaincus est presque toujours respectée. Ils ne sont pas longtemps
155 nes jouaient un rôle parfois considérable dans la vie sociale. Les plus célèbres se distinguaient par leur culture, récitan
156 nt, tenant conversation. Cette paganisation de la vie sexuelle dénote un recul sensible des influences courtoises, une dépr
157 ivilité. Il n’était plus question de condamner la vie . Et « l’instinct de mort » semblait neutralisé. ⁂ C’est sur cette Ita
158 rsuadé qu’un bon général pourra la faire toute sa vie sans s’y voir obligé. » S’il faut cependant en venir aux mains, ce se
159 but de leurs pensées et la grande affaire de leur vie … Que de combinaisons de romancier et de stratégiste ! Pas un n’attaqu
160 mais l’aggraver alors en la faisant peser sur la vie même des peuples ainsi constitués en blocs. L’État totalitaire est bi
161 que pour modeler et organiser dans ses limites la vie complexe des hommes, même militarisés. Des mesures de police ne font
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
162 vouer qu’elle ne joue plus un rôle direct dans la vie de nos sociétés, qu’elle a tant contribué à former. Ce qui explique,
163 que tout homme doit un jour connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ».
164 inalités s’excluent. De leur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes insolubles, et ce conflit menace en
165 ont pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justement, que les modernes font dé
166 it un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exaltant que son « petit bonheur »… Ou l’ennui résigné
167 assion : tel est le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mar
168 mour fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à
169 t toujours l’aventure. C’est ce qui va changer ma vie , l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours
170 et il l’épousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie  », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme so
171 n signifiait « vivre » pour Tristan, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mais nous avons perdu
172 ture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnelle ; selon le second, l’union monogamique serait la forme la
173 poser à l’idéal antisocial de « bonheur » et de «  vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnutz geht vor Eigennutz !
174 plutôt l’impression qu’il met de l’ordre dans sa vie et qu’il s’ouvre un nouvel avenir. L’économie de l’épargne, une fois
175 meilleures chances de durer : buts et rythmes de vie , vocations comparées, caractères et tempéraments. Si l’on veut le mar
176 e. L’émancipation de la femme (son entrée dans la vie professionnelle et sa revendication d’égalité) est un facteur non nég
177 gence que leurs ancêtres quant au mariage et à la vie matrimoniale. Ces exigences iront croissant avec la diffusion des « s
178 e opinion : « Les crimes sont un tribut payé à la vie . » (Carpocrates, cf. Schultz, Dokumente der Gnosis.) 203. Encore que
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
179 cable, que signifie le choix de la mort contre la vie . Et comment échapper au démon que l’on fixe ? Pour attaquer la passio
180 vre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il ne se tue
181 t, et après coup, tel que je le reconnais dans ma vie . Et ce n’est à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’
182 t la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie  ; puis la surmonte en exaltant le mariage, suprême valeur du « stade
183 e que signifie le choix d’une femme pour toute la vie , l’on en vient à cette conclusion : choisir une femme, c’est parier.
184 les chances de votre côté — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calculer — jamais vous ne pourrez prévoir vot
185 la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie , le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des pl
186 on en vertu de laquelle on s’engage pour toute la vie « advienne que pourra ». Mais justement cette décision comme telle pa
187 rité : c’est vous que je choisis pour partager ma vie , et voilà la seule preuve que je vous aime. (Vraiment, pour dire : Ce
188 r revendication fondamentale, leur religion de la Vie , s’y oppose diamétralement. Ils considèrent la fidélité comme une dis
189 damentale de créateur. Ainsi, dans la plus humble vie , la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et de s
190 ur toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie , fût-elle la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur
191 re de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui donnant un but essentiellement spi
192 alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Isolde agonisante. Fidélité qui con
193 me » d’Isolde agonisante. Fidélité qui consume la vie , mais qui consume aussi la faute, et divinise un moi purifié, « innoc
194 a gardé parmi nous que l’illusion d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’empire de cette illusion trahit encore l’obscure
195 délité courtoise ; une négation sans retour de la vie . Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engagement pris
196 que la fidélité dans le mariage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie)
197 st la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mo
198 elle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). L’amour de Tristan et d
199 ers le jour afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’est alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Un
200 iance. ⁂ Une vie qui m’est alliée — pour toute la vie , voilà le miracle du mariage. Une vie qui veut mon bien autant que le
201 ur toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui veut mon bien autant que le sien, parce qu’il est confondu avec l
202 ndu avec le sien : et si ce n’était pour toute la vie , ce serait encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans
203 uit. « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais sa vie . » ⁂ Éros s’asservit à la mort parce qu’il veut exalter la vie au-des
204 s’asservit à la mort parce qu’il veut exalter la vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le
205 si le même mouvement qui fait que nous adorons la vie nous précipite dans sa négation. C’est la profonde misère, le désespo
206 ’exprimant, Agapè l’en délivre. Agapè sait que la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’être adorée, ni même tuée, ma
207 nt aussitôt, et par là même, le pire ennemi de la vie , la séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’est fait chair et
208 l’ascension interminable du Désir qui consume la vie , mais ici-bas, dans l’obéissance à la Parole. ⁂ Et qu’aurions-nous al
209 ecret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie . J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu. Le c
210 grave d’une existence autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif aspect,
211 t lent et difficile, il engage vraiment toute une vie , et il n’exige pas moins que cet engagement pour révéler sa vérité. E
212 e. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une p
213 là où les religions païennes menaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’est pas l’amour chrétien, ni même le « sou
214 goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et aut
215 e est née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, puisque c’est là le but et la fonction orig
216 nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie produit aussi la mort. Il suffit qu’un accent se déplace pour que le
217 e des chances nouvelles à la passion. C’est notre vie et notre mort. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est le s
218 ins qui obsède aujourd’hui tant de fronts ? Notre vie ne se joue pas dans l’au-delà temporel, mais dans les décisions toujo
219 uire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». Nous nous
220 xtrême de la passion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente, mais sous l’incogni
221 lut, que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de
222 stion qu’elles nous posent et la réponse de notre vie .) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’une natur
223 ar la rencontre d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui offre une