1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1 signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les mœurs n’ont guère changé, sous ce rapport, depuis des siè
2 atistique est cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons -nous dans une telle illusion, dans une telle « mystification » que no
3 ère, que seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probable aussi qu’elles l’entretie
4 confusion des morales et des immoralismes qui en vivent , aux moments les plus purs d’un drame, il arrive qu’on voie transpara
5 e plus en plus conscients des illusions dont nous vivons . Et peut-être que la fonction du philosophe, du moraliste, du créateu
6 ’en ai trouvé qu’une seule trace. C’est quand ils vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meine
7 ste tradition celtique qui affirmait l’orgueil de vivre . C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le dési
8 yant et inavouable, que non seulement ceux qui la vivent ne sauraient prendre aucune conscience de sa fin, mais que ceux qui l
9 cendons à l’expérience de la passion telle que la vivent les hommes d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan ré
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
10 l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre . Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour c
11 ement de sa doctrine du mariage) dans les âmes où vivait encore un paganisme naturel ou hérité. Mais tout cela resterait bien
12 s les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’astreindre à tous les pré
13 t pu se côtoyer chaque jour sans se connaître, et vivre dans deux mondes absolument étanches, au sein de la grande révolution
14 re. » Est-il imaginable que les troubadours aient vécu et chanté dans ce monde-là, sans se soucier de ce que pensaient, croy
15 t sentaient les seigneurs aux dépens desquels ils vivaient  ? On a rétorqué à cela que les premiers troubadours sont apparus dans
16 les clercs et leurs alliés les féodaux ? Et s’ils vivent de préférence à la manière errante des « purs » qui s’en allaient deu
17 e. Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre . C’est ici le cri même de la mystique occidentale mais aussi du lyri
18 r ! Al-Hallaj disait : En me tuant vous me ferez vivre , car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La v
19 me ferez vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre , et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des
20 vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des êtres con
21 isme et du manichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène au
22 nt-Victor et Abélard lui-même. Héloïse et Abélard vivent d’abord, puis publient largement en poèmes courtois et en lettres, le
23 les idéaux (eux-mêmes en conflit !) et la réalité vécue . La psyché et la sensualité naturelles se débattent entre ces attaque
24 blèmes… Cette illusion touchante peut les aider à vivre , mais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes,
25 orps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
26 e Thérèse, mais c’est de ne pas mourir assez pour vivre toute la vie nouvelle, et pour obéir sans tourments. Je ne trouve rie
27 vec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue . J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nom
28 ) pour louer les œuvres de Dieu telles qu’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences furent plus réels que leurs paroles.
29 nvient à l’expression de l’amour spirituel qu’ils vivent . Et elle convient même d’autant plus à l’expression des rapports « ma
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
30 anscrira en langage moderne. Et en Irlande, elles vivent encore de nos jours. Je ne puis examiner ici le problème des rapports
31 oir voulu combattre et nier cette passion dont il vivait , et ce mythe même que réinventent ses deux plus belles tragédies : Po
32 e où vous m’avez jetée, et méprise le repos où je vivais , avant de vous avoir connu… Adieu ! Aimez-moi donc toujours, faites-m
33 encore, la décadence est manifeste. L’Héloïse qui vécut au xiie siècle163 et dont nous possédons les lettres à Abélard, évoq
34 la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre  : c’est peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité
35 seule le combler. Aimer passionnément, ce serait vivre  ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la nature
36 re et impure langueur dans l’âme qui se guérit de vivre . Seule la lumière douloureuse du troisième acte — l’obsession jaune d
37 leur mort. Ainsi le mythe « achevé » par Wagner a vécu . Vixit Tristan ! Et s’ouvre l’ère de ses fantômes. 19.Vulgarisatio
38 mes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre . Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une fem
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
39 ibertins et bien décidés à sauver « la douceur de vivre  ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multiplient l
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
40 st la confuse dissension au sein de laquelle nous vivons de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, m
41 connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et le mariage so
42 on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivre que dans l’acceptation, et meurt dans la revendication. C’est qu’il d
43 ale définie par la stabilité. 3.« Aimer, c’est vivre  ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour était considéré comme n
44 u sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre  ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une im
45 la possession. Aimer d’amour-passion signifiait «  vivre  » pour Tristan, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort tran
46 courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu . Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans les laboratoires.
47 cipes « émancipés » — qu’ailleurs on se bornait à vivre … 210. Terme difficile à traduire, bien qu’il rappelle précisément le
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
48 de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre , quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à
49 de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre , pour les glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peuple !
50 aint Paul, pour l’avoir toléré… (Seul le Christ a vécu en chrétien !) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants sont re
51 e folle (et en même temps toute naturelle !) pour vivre le parfait dans l’imparfait. Mais je sais néanmoins que cet effort po
52 e son épouse, c’est dire à Mlle Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous êtes. » Car cela signifie en vérité : c’est
53 u encore ils y voient l’effet d’une impuissance à vivre largement ; d’un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un d
54 s mystérieux, le plus profondément lié au fait de vivre . Toutes les religions païennes divinisent le Désir. Toutes cherchent
55 e drame passionnel227. Mais au-delà de la passion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons-nous désormais entrevoir ? Le
56 é par l’amour infini, devra marcher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’autre tâche ni plus urgente ni
57 e action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de l’absurde », c’est