1 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Avertissement
1 e suis parti d’un type de la passion telle que la vivent les Occidentaux, d’une forme extrême, exceptionnelle en apparence : l
2 les lectrices tout en amusant les savants. ⁂ J’ai vécu ce livre pendant toute mon adolescence et ma jeunesse ; je l’ai conçu
2 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Préface à l’édition de 1956
3 ormes de passage sans lesquelles nous ne saurions vivre . Aux historiens, je répondrai simplement que j’étais à la recherche d
3 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe de Tristan
4 signifie, de fait, un malheur. La société où nous vivons et dont les mœurs n’ont guère changé, sous ce rapport, depuis des siè
5 atistique est cruelle : elle réfute notre poésie. Vivons -nous dans une telle illusion, dans une telle « mystification » que no
6 ère, que seraient toutes nos littératures ? Elles vivent de la « crise du mariage ». Il est probable aussi qu’elles l’entretie
7 confusion des morales et des immoralismes qui en vivent , aux moments les plus purs d’un drame, il arrive qu’on voie transpara
8 e plus en plus conscients des illusions dont nous vivons . Et peut-être que la fonction du philosophe, du moraliste, du créateu
9 ’en ai trouvé qu’une seule trace. C’est quand ils vivent dans la forêt de Morois, après l’évasion de Tristan. Aspre vie meine
10 ste tradition celtique qui affirmait l’orgueil de vivre . C’est une manière de purification de ce qui subsistait, dans le dési
11 yant et inavouable, que non seulement ceux qui la vivent ne sauraient prendre aucune conscience de sa fin, mais que ceux qui l
12 cendons à l’expérience de la passion telle que la vivent les hommes d’aujourd’hui. Le succès prodigieux du Roman de Tristan ré
4 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Les origines religieuses du mythe
13 l’événement inouï qui nous délivre du malheur de vivre . Tel est le centre de tout le christianisme, et le foyer de l’amour c
14 ement de sa doctrine du mariage) dans les âmes où vivait encore un paganisme naturel ou hérité. Mais tout cela resterait bien
15 s les seconds avaient le droit de se marier et de vivre dans le monde condamné par les purs, sans s’astreindre à tous les pré
16 t pu se côtoyer chaque jour sans se connaître, et vivre dans deux mondes absolument étanches, au sein de la grande révolution
17 re. » Est-il imaginable que les troubadours aient vécu et chanté dans ce monde-là sans se soucier de ce que pensaient, croya
18 t sentaient les seigneurs aux dépens desquels ils vivaient  ? On a rétorqué à cela que les premiers troubadours sont apparus dans
19 les clercs et leurs alliés les féodaux ? Et s’ils vivent de préférence à la manière errante des « purs » qui s’en allaient deu
20 . Celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre . C’est ici le cri même de la mystique occidentale mais aussi du lyri
21 r ! Al-Hallaj disait : En me tuant vous me ferez vivre , car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La
22 me ferez vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre , et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre de
23 vivre, car pour moi c’est mourir que de vivre, et vivre que de mourir. La vie, c’est en effet le jour terrestre des êtres co
24 isme et du manichéisme, et peut-être l’expérience vécue autant que de nouvelles recherches personnelles, tout cela m’amène au
25 nt-Victor et Abélard lui-même. Héloïse et Abélard vivent d’abord, puis publient largement, en poèmes courtois et en lettres, l
26 les idéaux (eux-mêmes en conflit !) et la réalité vécue . La psyché et la sensualité naturelles se débattent entre ces attaque
27 blèmes… Cette illusion touchante peut les aider à vivre , mais non pas à comprendre leur vie. Car tous, tant que nous sommes,
28 orps, si bien que je ne puisse vieillir… Celui-là vivra cent ans qui réussira à posséder la joie de son amour. (Guillaume de
5 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Passion et mystique
29 e Thérèse, mais c’est de ne pas mourir assez pour vivre toute la vie nouvelle, et pour obéir sans tourments. Je ne trouve rie
30 vec la nature profonde de l’expérience qu’ils ont vécue . J. Baruzi écrit de sainte Thérèse : « On a démêlé les sources de nom
31 ) pour louer les œuvres de Dieu telles qu’ils les vivent dans leur âme. Et leurs silences furent plus réels que leurs paroles.
32 nvient à l’expression de l’amour spirituel qu’ils vivent . Et elle convient même d’autant mieux à l’expression des rapports « m
6 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe dans la littérature
33 anscrira en langage moderne. Et en Irlande, elles vivent encore de nos jours. Je ne puis examiner ici le problème des rapports
34 oir voulu combattre et nier cette passion dont il vivait , et ce mythe même que réinventent ses deux plus belles tragédies : Po
35 e où vous m’avez jetée, et méprise le repos où je vivais , avant de vous avoir connu… Adieu ! Aimez-moi donc toujours, faites-m
36 ncore, la décadence est manifeste. L’Héloïse qui vécut au xiie 152 et dont nous possédons les lettres à Abélard, évoque Ise
37 la mort, chez les Allemands, exalte la saveur de vivre  : c’est peut-être qu’il est plus « naïf », plus assuré de la réalité
38 seule le combler. Aimer passionnément, ce serait vivre  ! Il s’imagine de très bonne foi qu’un tel besoin relève de la natur
39 et brûlante langueur dans l’âme qui se guérit de vivre . Seule la lumière douloureuse du troisième acte — l’obsession jaune d
40 leur mort. Ainsi le mythe « achevé » par Wagner a vécu . Vixit Tristan ! Et s’ouvre l’ère de ses fantômes. 19.Vulgarisatio
41 mes desséchées de vertu, nous ont gâté la joie de vivre . Nous nous vengerons de vos « divines ». La femme est d’abord une fem
7 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Amour et guerre
42 ibertins et bien décidés à sauver « la douceur de vivre  ». Les légendes épiques et les romans de la Table ronde multiplient l
8 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Le mythe contre le mariage
43 t la confuse dissension, au sein de laquelle nous vivons , de deux morales, dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse,
44 connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et le mariage so
45 on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivre que dans l’acceptation, et meurt dans la revendication. C’est qu’il d
46 ale définie par la stabilité. 3.« Aimer, c’est vivre  ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour était considéré comme n
47 u sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre  ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une im
48 la possession. Aimer d’amour-passion signifiait «  vivre  » pour Tristan, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort tran
49 courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu . Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans les laboratoires.
50 cipes « émancipés » — qu’ailleurs on se bornait à vivre … 196. Terme difficile à traduire, bien qu’il rappelle précisément le
9 1939, L’Amour et l’Occident (1972). L’amour action, ou de la fidélité
51 de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre , quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à
52 de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre , pour les glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peuple !
53 aint Paul, pour l’avoir toléré… (Seul le Christ a vécu en chrétien !) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants sont re
54 e folle (et en même temps toute naturelle !) pour vivre le parfait dans l’imparfait. Mais je sais néanmoins que cet effort po
55 son épouse, c’est dire à Melle Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous êtes. » Car cela signifie en vérité : c’est
56 u encore ils y voient l’effet d’une impuissance à vivre largement ; d’un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un d
57 s mystérieux, le plus profondément lié au fait de vivre . Toutes les religions païennes divinisent le Désir. Toutes cherchent
58 e drame passionnel209. Mais au-delà de la passion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons-nous désormais entrevoir ? Le
59 é par l’amour infini, devra marcher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’autre tâche ni plus urgente ni
60 e action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de l’absurde », c’est
10 1939, L’Amour et l’Occident (1972). Appendices
61 phère plus restreinte, la pensée de tous ceux qui vivent dans les cercles de la cour et de la noblesse est imprégnée de l’idéa
11 1972, L’Amour et l’Occident (1972). Post-scriptum
62 out le temps, j’écris très vite. Après trois mois vécus dans un état de transe et d’allégresse quotidienne de découvrir ou d’
63 qu’à mieux sentir, à mieux comprendre pour mieux vivre une certaine forme exaltée d’exister, une certaine aventure de l’âme,
64 ui-même. C’est parfois tout simplement la joie de vivre en aimant, ou c’est un jeu — flirt ou « petting ». Mais déjà chez Gui
65 u’il ne puisse vieillir ou encore : Et un homme vivra plus de cent ans S’il peut saisir la joie de son amour c’est-à-dire
66 l’amour de la femme, le printemps et l’ivresse de vivre le temps neuf, cet épanchement de la grâce en la Nature. Et voici le
67 « celui qui ne meurt pas de son amour ne peut en vivre  ». Mais pour al-Hallaj, l’Amour s’adresse à Dieu (comme à un homme),
68 qui est allégué, étiqueté, plutôt qu’à ce qui est vécu , expérimenté, mais encore ils paraissent tout ignorer des complicités
69 oute critique, l’incompatibilité de la volonté de vivre et du désir de mort, pourtant unis dans le vertige ; des Croisades et
70 de la poésie. Ce que l’on n’a pas cherché, subi, vécu soi-même, comment ferait-on pour le reconnaître, à tant de siècles de
71 rée, passion-mariage, rêver l’Éros et le subir ou vivre l’Agapè et l’agir. Et j’ai pensé qu’une fois mieux vue la nature des
72 inant l’un de leurs termes, il fallait décider de vivre leur drame, et choisir d’exister dans leur tension toujours changeant
73 termes s’impliquent, se posent en s’opposant, ne vivent pas l’un sans l’autre, et finissent par nouer des alliances fédérales
74 imité. Et quand les passionnés sont contraints de vivre ensemble, le philtre cesse bientôt d’agir ! À l’extrême, il s’agit d’
75 t que le philtre agit et maintient l’amistié, ils vivent la réalité de leur double illusion. Mais ce que l’analogie de la drog
76 aux du Cabardès, du Minervois et du Lauragais, où vivaient des seigneurs cathares, les Cabaret, Pennautier, Miraval, Laurac, Sai