1 1948, L’Europe en jeu. Trois discours suivis de Documents de La Haye. I
1 s à construire en pleine marée totalitaire. Je la voyais à l’œuvre en Suisse, pays où la vie politique épouse mieux que nulle
2 suite on se promène, on dit : « Où en es-tu ? qui vois -tu ? quels sont tes soucis ? » Et puis, après ce petit tour d’horizon
3 e que je traduirai par ces mots : on dirait, à la voir , qu’elle a perdu la guerre. Militairement, Hitler et ses séides ont é
4 me. Dans telles grandes capitales de l’Europe, on voit des écrivains et des savants donner des gages d’apparente loyauté au
5 es intellectuels. Ce qui est nouveau, c’est de le voir pratiqué précisément par ceux de l’avant-garde ou qui se donnent pour
6 els en politique. Ce qui est nouveau, c’est de le voir défendu par ceux-là mêmes dont la fonction serait de l’attaquer, d’où
7 s prolétaires, et tout essai de critique libre se voit taxé de réaction. Cette mauvaise foi brutale en service commandé est
8 ine, mais l’idée d’une révolution à main armée se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu
9 on à main armée se voit acceptée comme fatale, se voit nourrie de nos passivités. Voilà ce qu’on nous prépare à droite comme
10 ssentiments de nos défaillances internes, elle se voit confirmée et comme objectivée par la rapide élévation de deux empires
11 alement refermée sur elle-même. Il y a plus. Nous voyons l’Europe comme vidée, au profit de ces deux empires, de certaines amb
12 e connaît pas. Et de même le progrès social s’est vu bridé et contrarié par la tyrannie de l’argent, dont la Russie nouvel
13 l conditionne aussi notre culture. Et nous allons voir qu’il traduit, et parfois aussi qu’il trahit, la conception européenn
14 dence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, pour tenir vitalement aux conceptions et aux coutumes européenn
15 onde, ce changement de point de vue va nous faire voir une très solide réalité spirituelle. S’il est vrai que l’Europe, jusq
16 ule et reine de la planète. Mais en 1946, elle se voit affrontée à deux empires. Du même coup elle ressent son unité et la d
17 tion, l’homme dialectique par excellence. Nous le voyons , dans ses plus purs modèles, crucifié entre ces contraires qu’il a d’
18 es entreprises et les plans gigantesques que nous voyons proliférer ailleurs. D’autre part, elle a pour effet de concentrer su
19 ans cette même agonie permanente dont on vient de voir qu’elle est la condition de l’homme européen, la source vive de sa gr
20 que l’un des éléments en équilibre faiblit, ou se voit écrasé et absorbé par l’autre. La volonté d’unification nationale à l
21 t, et je ne le répéterai jamais assez, qu’il faut voir dans le nationalisme la maladie européenne, l’anti-Europe par excelle
22 berté ne connaît plus aucun scrupule. De même, on vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis à l’intérieur, puis se co
23 t plus aucun scrupule. De même, on vit Hitler, on voit Staline, écraser les partis à l’intérieur, puis se comporter vis-à-vi
24 s’arrange à merveille de leur complexité ; elle y voit même la saveur de la vie ! Tout cela va compter — à la longue. Un bea
25 es ne sont pas davantage comparables. On l’a bien vu lors de la Conférence des Seize. L’URSS s’oppose à toute tentative d’
26 Il faut vraiment se boucher les yeux pour ne pas voir de quel côté les promesses faites aux masses sont tenues : aux USA, n
27 e, c’est de la faire, donc de nous fédérer. 1. Voir L’Esprit européen, Neuchâtel, La Baconnière, 1947, p. 205.
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28 re et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans la tension entre ces deux pôles : le particulier et le général ;
29 oit à son prochain — indissolubles. Cet homme qui vit dans la tension, le débat créateur, le dialogue permanent, c’est la p
30 les dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir , pendant la dernière guerre, que les résistances que rencontrent les
31 t probable que, sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de
32 emise en question par une propagande agressive se voit contrainte de développer pour sa défense une théorie. Nous vivons ce
33 danger de l’heure présente, pour la Suisse, je le vois dans ce fait qu’elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait s
34 at fédératif moderne. C’est pourquoi la Suisse ne verra jamais sans une certaine méfiance certains « Grands » s’arroger l’ini
35 a qualité qui prime. Par exemple : le totalitaire voit une injustice ou une erreur dans le fait qu’une minorité ait les même
36 utumes de la vie politique et culturelle, où l’on voit la Suisse romande, et la Suisse italienne jouer un rôle sans proporti
37 Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun d
38 d’un centre ou par le moyen des gouvernements. Je vois la fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et de
39 à ces personnes, de toute ma conviction, mais je vis bien qu’elles demeuraient sceptiques, et qu’elles se disposaient à ré
40 oi, et bien peu se le demandent. Le jeu électoral vit de nos oublis, et dure à la faveur de notre étourderie.) De même, l’a
41 es, les autres politiques. Si tout le monde ne le voit pas d’un coup d’œil, c’est que « l’homme moderne est démodé » comme l
42 posait son atlas pour faire tourner un globe, il verrait que le plus court chemin de l’Amérique à la Russie ne passe plus par
43 vre des voies nouvelles. Seul il peut surmonter —  voyez la Suisse — les vieux conflits de races, de langues et de religions s
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44 pe. Cette distinction fondamentale, vous allez le voir , correspond à deux attitudes entre lesquelles nous aurons à choisir d
45 l’autre en toute souveraineté nationale, et vous voyez peut-être à quoi je pense. Fédérés, au contraire, nous remonterons au
46 mais pour laquelle il sait mourir, parce qu’il en vit . Il l’a montré pendant la Résistance. Je rappellerai ensuite que si l
47 ané de l’individualisme et du collectivisme, nous voyons se définir un certain idéal, qui n’a trouvé son nom qu’au xxe siècle
48 sse, c’est d’organiser le monde sans eux, et vous verrez que, sans eux, ce sera facile. Et cela fait, comme ils ne sont pas fo
49 , et tant pis pour le mot Démocratie : quand nous voyons que les staliniens l’ont à la bouche, tremblons pour lui, car ils ont
50 allume un phare visible au loin. Vous venez de le voir  : les vrais obstacles à la fédération de l’Europe ne sont pas d’abord
51 pratiquement la mort prochaine de nos diversités. Voyons d’abord le cas de la nation : La diversité des nations, correspondant
52 onter le nationalisme et l’esprit partisan, je ne vois personne au monde qui puisse le faire avec quelque chance de succès.
53 i répondre. Après cela, l’on fut moins surpris de voir quelques-unes des thèses fédéralistes acceptées par une assemblée una
54 déralisme. Et parfois ses tenants s’inquiètent de voir les conclusions pratiques qu’ils en déduisent adoptées par des hommes
55 des « deux grands ». Un chrétien convaincu, s’il voyait son église se remplir subitement d’une foule d’incroyants répétant av
56 els résultats tangibles avons-nous obtenus ? J’en vois deux, qui dépassent en importance les résolutions adoptées. 1. Le Con
57 tations, confusions et manœuvres souterraines, on vit le Congrès rallier progressivement quelque chose dont il refusait le
58 s juste, nous ne serons pas suivis at home, on ne voit pas les choses de cette manière chez nous…) Les grandes vertus politi
59 on pas une fédération. » Et c’est ainsi que l’on vit toutes les tendances s’accorder sur un refus commun. J’aurais souhait
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60 des peuples de l’Europe — on n’avait jamais rien vu de pareil dans notre histoire — et il entend proposer en leur nom bie
61 on de la culture. Et cela aussi ne s’était jamais vu . Ce simple fait, qu’établit à vos yeux notre séance plénière de ce ma
62 lectivisme, renaissant à toutes les époques, nous voyons se définir un certain idéal, qui n’a trouvé son nom qu’au xxe siècle
63 t. À tel point que l’adjectif « démocratique » se voit revendiqué par ceux-là mêmes qui ont fait de la dictature un article