1 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte
1 iie siècle, six plans majeurs d’union européenne voient le jour : le Nouveau Cynée d’Émeric Crucé, moine parisien, en 1623 ;
2 celui-ci se crée à Genève dès 1949, tandis qu’on voit depuis une vingtaine d’années se multiplier autour de lui, bien souve
3 nion très différent, l’« intégration », qui s’est vu proposé peu après à l’attention méfiante des gouvernants — toute acti
4 au dépassement des cadres de l’État-nation. Or on voit bien que toutes sont en interaction. Faute d’une concertation contine
5 qui la forme depuis deux ou trois millénaires. Je vois que cette unité est comparable à celle d’un corps organisé : elle est
6 de tensions, elle n’est pas du tout homogène. Je vois que la traduction de ces données de base en termes politiques d’insti
7 t de nos États totalitaires de toute couleur. Je vois que la formule sacrée, quoique moderne, de la nation étatisée qui se
8 rs « justes » par définition, des deux côtés), je vois que cet État-nation, qui garde dans l’esprit de la totalité de nos ho
2 1970, Lettre ouverte aux Européens. I. L’unité de culture
9 les autres hommes pour former un groupe distinct. Voyons ces trois espèces d’arguments. Naissance ? — « On a voulu que l’Empi
10 rres dont ils décrivaient les côtes9 ». Mais pour voir les vocables Europe et européen entrer dans le vocabulaire courant, i
11 grand pape sous le nom de Pie II, que l’Europe se voit définie, face à l’islam de Mahomet II, comme l’héritière chrétienne d
12 ccidentales sans jamais se fixer pour longtemps : voir aujourd’hui le rideau de fer, frontière aussi peu « naturelle » que p
13 istance. Vue d’assez loin, l’Europe est évidente. Vus d’Amérique, quelle que soit notre nation, nous sommes tous des Europé
14 oit notre nation, nous sommes tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas besoin d’insister, on nous prend même parfois pou
15 ntières multipliées dans tous les ordres, nous ne voyons que des différences. Quoi de commun entre anciens et modernes, croyan
16 sement entretenues et commentées, que l’on peut y voir une première définition de l’Europe. Rien de plus commun en effet à t
17 ultiver chacun sa singularité jusqu’à l’excès d’y voir sa raison d’être ! C’est à tel point que tout en présidant une imposa
18 nce et qui l’assument ; non seulement ceux qui ne voient que les arbres, mais aussi ceux qui pensent et vivent la forêt. Final
19 ns vraie que l’orientale ; mais seulement de bien voir la relation qui l’unit à certains choix fondamentaux, caractéristique
20 nc sur un malentendu profond. Ce faux problème se voit aujourd’hui dépassé par la science physique elle-même. Il apparaît au
21 valant 4320 millions d’années solaires. Un Brahma vit 249 milliards d’années, puis meurt, et l’univers retourne au chaos, j
22 end la place des dieux de la Cité : « Tant que tu vis , ne dis jamais : ce sort-là ne sera pas le mien », dit un personnage
23 urée réelle dans notre histoire10, nous permet de voir de la manière la plus précise comment les valeurs germaniques d’honne
24 tous les hommes de notre continent, et l’on peut voir en lui le plus proche équivalent, dans notre civilisation profane, de
25 s et parfois leurs complicités, tout cela dure et vit en nous de mille manières. Tout cela préforme, dès avant notre naissa
26 , sera « rééduqué » pour l’avenir collectif. Nous voyons au contraire l’homme d’Europe chercher la singularité, la différence,
27 ts — et les nécessités de la concurrence. Nous le voyons chercher sa voie selon ses goûts, ses croyances qui diffèrent (ou du
28 différemment. Pour ma part, je tenterai de faire voir comment l’idée du moi distinct, de la personne — à la fois mère et fi
29 littérature, vulgarisé par Hollywood. Mais on les voit tentés, et de plus d’une manière, de prendre à son sens littéral cett
30 culture, en Occident, le non-conformiste est bien vu , tandis que la banalité disqualifie. Tout l’effort de l’artiste europ
31 impunément dans les États totalitaires, où il se voit réduit à n’exprimer qu’une clandestinité désespérée. Et c’est enfin p
32 ne certaine distance par rapport à ce que l’on se voit être. Dans l’humour, c’est donc la personne qui juge son propre indiv
33 essaire du continent. Il est donc urgent de faire voir  : – que les diversités qui font notre richesse ne sont précisément pa
34 t que des derniers cent-cinquante ans. Nous avons vu que les tensions génératrices de l’énergie européenne sont nées de la
35 e et la grandeur de l’Europe. Au siècle qui les a vus naître et s’imposer, le xixe , tout ce qui compte pour l’esprit refus
36 dit le « nationalisme bovin » de nos pays, il n’y voit qu’une maladie d’esprits fatigués, il refuse de vivre en Allemagne, e
37 Rappelons d’abord un grand fait de base qu’on ne voit plus parce qu’il est trop évident : l’Europe seule a conçu et possède
38 dés, genres et structures de l’œuvre, que nous ne voyons plus parce que trop évidente, est décisive : elle atteste la spécific
39 s écrivains de grand talent : Wladimir Weidlé15 y voit avec raison une preuve de plus de l’existence d’une unité européenne
40 ne montre pas le fonctionnement concret. Il faut voir que la seule préparation valable au civisme (à tous les degrés) consi
41 e de la seconde moitié du xxe siècle. Quand on a vu de quoi cette vie est faite, on voit aussi sans discussion possible,
42 le. Quand on a vu de quoi cette vie est faite, on voit aussi sans discussion possible, sans adjurations pathétiques, sans pr
43 s : « Right or wrong, our Europe ! », mais ferait voir que l’Europe risque d’être détruite par ce qui tue l’esprit critique,
44 énoncent sans pitié par le livre et le film. On a vu en Europe le film Blackboard Jungle : la description y est certes à l
45 bénéfice, même pas l’élève le plus ignare, car il voit son ignorance acceptée comme la norme ! Quant aux plus intelligents,
46 ues jours après ses examens finaux, l’étudiant se voit assigner par l’État un poste de travail pratique, et ce stage dure au
47 volonté de le former. Respecter l’individu, c’est voir en lui la personne qu’il peut devenir s’il découvre sa vocation et re
48 l’oublions souvent et les autres l’ignorent ; ils voient plus facilement ce qui est beaucoup plus bas, au niveau du contact br
49 ité où les Européens, ayant créé « le monde », se voient menacés d’être dépossédés par ce monde même qu’ils ont suscité et qui
50 és par ce monde même qu’ils ont suscité et qui se voit en mesure d’abuser de nos pouvoirs, non seulement contre nous, mais a
51 r nos valeurs en même temps que nos créations. On voit que l’alternative est utopique, chacun de ses termes l’étant. Il nous
52 Les prophètes de la décadence Le xxe siècle a vu la civilisation — qui ne saurait être que la nôtre, quand on en parle
53 vulgarités. Mais en même temps, le xxe siècle a vu se multiplier les prophètes de la décadence européenne : et ils sont
54 e beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le mon
55 urent le théâtre de tant de splendeur, et je n’ai vu qu’abandon et que solitude… Qui sait si sur les rivages de la Seine,
56 conquêtes coloniales et ses protectorats. Elle ne voit pas encore, mais elle pressent déjà la perte de sa longue royauté mon
57 sans précédent dans toute l’histoire ? Nous avons vu que la civilisation européenne, née de la confluence des sources les
58 ins séduire tous les peuples du monde. Nous avons vu aussi que l’Europe envoie dans le monde plus de machines et d’assista
59 eptable et imitable qu’aucune autre. Mais il faut voir enfin que cette civilisation n’a pu devenir universelle qu’en vertu d
60 es par la grecque et la romaine, dont l’essentiel vit dans la nôtre, sont-elles vraiment mortes ? Leurs conquêtes ont été p
61 tant d’écoles antiques de sagesse et de mystiques voient leurs livres sacrés publiés de nos jours et retrouvent partout des fi
62 du temps de l’humanité. Troisième raison : On ne voit pas de candidats sérieux à la relève d’une civilisation devenue mondi
63 t nés de la substance même de l’Europe, et je les vois s’européaniser par la culture plus profondément que l’Europe ne s’amé
64 laborées par l’Europe moderne. Résumons cela : je vois l’Asie du Sud, sous-développée, courir après l’exemple de la Chine, q
65 eux que j’ai cités. Le mal est venu, nous l’avons vu , et nous l’avons vaincu au prix de millions de morts… Et maintenant,
66 dirigèrent d’un pas martial aux champs. Ici on ne voit plus de petits groupes de deux ou trois paysans qui fument tout en ch
67 from Learning, par Joan Dunne, McKay, 1955. 19. Voir le Rapport du Pr. Nicholas De Witt, du Harvard’s Russian Research Cen
3 1970, Lettre ouverte aux Européens. II. L’union fédérale
68 iques, c’est de toute évidence fédéralisme. Je ne vois pas d’autre formule qui réponde à la double exigence du respect des d
69 ntir leur concurrence féconde dans la paix. Je ne vois pas d’autre réponse imaginable au défi que l’Histoire nous pose dans
70 munalistes, régionalistes et nationalistes, qu’on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de nations en instance de divo
71 s plus ou moins contraignantes. Au surplus, je ne vois pas un seul État-nation de type unitaire que ce double mouvement de c
72 s ou cités libres, comme Rousseau l’avait si bien vu , ni aux conditions de développement de rentabilité et de sécurité, au
73 Suisse, c’est le régime fédératif lui-même qui se voit invoqué (non sans paradoxe d’ailleurs) pour refuser l’adhésion du pay
74 prescrire, être très sûr de sa formule. Or, je ne vois pas de terme du langage politique qui prête à pires malentendus !
75 République… Pratiquement, le Français cultivé se voit naturellement porté à condamner le fédéralisme interne comme visant à
76 me de fédéralisme étant tabou à Strasbourg, il se verrait obligé de quitter le comité si l’on adoptait ma proposition. Je compr
77 ais qu’elle soit juste et éclairée. » Nous allons voir , enfin, que nos critères d’évaluation des dimensions et d’attribution
78 ions publiques en général. C’est ce qu’avait bien vu le regretté Pierre Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vi
79 e Duclos, lorsqu’il relevait que « le fédéralisme vit d’une vie que la forme institutionnelle dénommée État ne suffit pas à
4 1970, Lettre ouverte aux Européens. III. La puissance ou la liberté
80 été aveuglé par la superstition jacobine, il eût vu comme nous tous que la souveraineté absolue n’est qu’un mythe, invent
81 ne illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où la voit -on à l’œuvre ? Non pas dans les faits, mais seulement dans les discou
82 Pour la première fois dans l’histoire, l’homme se voit aujourd’hui en situation de choisir librement son avenir. Jusqu’à nou
83 s d’influence plus idéologiques que commerciales ( voir le Vietnam) et l’on travaille pour le profit, qui est en somme du sup
84 toujours eu pour fin réelle la puissance ; et je vois bien que toutes les civilisations que nous connaissons ont choisi la
85 , ou pure et simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls des Européens, rares mais exemplaires, ont osé procla
86 s airs, et de ne pas perdre une occasion de faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il est
87 ’y a pas de « cultures nationales », nous l’avons vu , il n’y a que des divisions tout arbitraires opérées après coup dans
5 1970, Lettre ouverte aux Européens. IV. Vers une fédération des régions
88 lement importante de notre temps27. » Mais qui ne voit que ceci s’oppose à cela, dramatiquement, et que cette « réalité fond
89 éritablement importante de notre temps » ? Qui ne voit que si l’Europe qu’appelait Winston Churchill n’est pas faite, c’est
90 isse, patrie (dit-on) du fédéralisme intégral, on voit le Jura francophone et catholique se révolter contre l’étatisme de Be
91 ire condamné et bafoué. Les cinq siècles suivants verront se renforcer et se sacraliser de plus en plus l’idée fatale de la sou
92 ret, non plus dans leurs seules prétentions. Nous verrons aussitôt que tous, sans exception, sont à la fois trop petits si on l
93 agit là d’un phénomène complexe et neuf, que nous voyons lentement prendre forme au seuil de ce dernier tiers de notre siècle,
94 et préfets, éditeurs et animateurs sociaux, je me vis le seul non-Français : j’en conclus que j’étais censé représenter dan
95 sembler logiquement contradictoires. Mais je les vois complémentaires, concomitants. Dans l’Europe de demain, libérée de la
96 égions Au cours des dix dernières années, on a vu se multiplier les recherches scientifiques et les grands reportages,
97 empêche la plupart des hommes d’aujourd’hui de le voir , ou d’en croire leurs yeux quand ils le voient, c’est le dogme inculq
98 e le voir, ou d’en croire leurs yeux quand ils le voient , c’est le dogme inculqué dans les esprits pendant plusieurs génératio
99 me. 51. Vers une politique des régions On a vu que la notion de région s’est imposée à l’attention des économistes d
100 qui a résulté partout de la colonisation. Qui ne voit en revanche que la région articulée dans une fédération continentale 
101 passer à travers leurs frontières comme sans les voir , pour composer dès maintenant (sans attendre ni exiger des permission
102 s. Ils préfèrent mendier des subventions à Paris. Voyez les Bretons, qui votent gaulliste. » « Les conflits entre les régions
103 la fonction visuelle et par l’identification du «  voir  » et du « comprendre » qui s’ensuit. L’homme de la civilisation visue
104 McLuhan, ne peut vraiment comprendre que ce qu’il voit . L’expression « Faut-il vous faire un dessin ? » évoque le modèle mêm
105 États-nations européens. C’est un peu ce que l’on voit se dessiner — encore un terme visuel ! — dans les essais de « régiona
106 je crierais à l’assassin, au gangster et au fou ! Voyez Hitler. Mais personne ne m’a démontré qu’entre les ambitions de Napol
107 era là, sans fracas, instaurée dans les faits. Je vois le processus se développer à la faveur de certains types d’action ou
6 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte, suite et fin
108 volonté du peuple. Cette volonté, on vient de le voir , n’est nullement de refuser l’union au nom de « l’indépendance » qui
109 , aux yeux des journalistes que je cite — mais je vois bien que les auteurs de telles phrases n’ont rien compris, même au Ma
110 côté de la France, expansion ! Il suffit, on le voit , d’être du bon côté, pour que l’impérialisme devienne philanthropie e
111 tières, entraînerait pour une nation donnée, sans voir que cette absence supprimerait, en fait, non seulement les motivation
112 et je me borne à citer en France : Mai 68, qui a vu surgir un Manifeste pour l’Europe des régions fédérées, signé par de
113 roses, des psychoses et de la criminalité). Je ne vois d’autre alternative à la violence que les aménagements d’une vie civi
114 e fera pas l’Europe sans casser des œufs, nous le voyons depuis vingt-cinq ans. Et c’est pourquoi le projet fédéraliste doit a