1 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe de Tristan
1 il au même degré les qualités contraignantes d’un vrai mythe ? Cette question ne peut être esquivée. Elle nous porte au cœur
2 mer d’un feu pur ; et qu’il est plus fort et plus vrai que le bonheur, la société et la morale. Il vit de la vie même du rom
3 tive. Peut-on soutenir que la faute morale est le vrai sujet de la légende ? Le Tristan de Wagner par exemple, ne serait-il
4 à la passion que l’on désire éprouver. Ainsi, le vrai sujet d’une œuvre est révélé par la nature des « trucs » que l’auteur
5 tuité même des obstacles invoqués peut révéler le vrai sujet d’une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu.
6 voqués peut révéler le vrai sujet d’une œuvre, la vraie nature de la passion qu’elle met en jeu. Il faut sentir qu’ici tout e
7 man tel que l’aiment les Occidentaux. Quel est le vrai sujet de la légende ? La séparation des amants ? Oui, mais au nom de
8 r jusqu’à nous faire accéder, malgré nous, à la «  vraie vie » dont parlent les poètes. Mais cette « vraie vie », c’est la vie
9 vraie vie » dont parlent les poètes. Mais cette «  vraie vie », c’est la vie impossible. Ce ciel aux nuées exaltées, crépuscul
10 oïsme, n’annonce pas le Jour, mais la Nuit ! La «  vraie vie est ailleurs », dit Rimbaud. Elle n’est qu’un des noms de la Mort
11 n’est pas réciproque ne passe point pour un amour vrai . La grande trouvaille des poètes de l’Europe, ce qui les distingue av
12 ou du moins, qu’ils en sont persuadés. Et il est vrai qu’ils sont, l’un envers l’autre, d’une fidélité exemplaire. Mais le
13 ntradictions. Alors a commencé notre recherche du vrai sujet de la légende. Derrière la préférence accordée par l’auteur à l
14 rt, qui se révèle au terme de l’aventure comme la vraie fin, le désir désiré dès le début de la passion, la revanche sur le d
15 ond avec notre goût de la guerre. Enfin, s’il est vrai que la passion, et le besoin de la passion sont des aspects de notre
2 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Les origines religieuses du mythe
16 ion de ces faits. Le plus bas nous paraît le plus vrai . C’est la superstition du temps, la manie de « ramener » le sublime à
17 la vie présente que l’Esprit ressaisit. Dieu — le vrai Dieu — s’est fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Chris
18 aisit. Dieu — le vrai Dieu — s’est fait homme, et vrai homme. En la personne de Jésus-Christ, les ténèbres vraiment ont « re
19 énomène qu’ils passent leur vie à étudier. Il est vrai que Wechssler, dans un ouvrage fameux34, a cru pouvoir tout éclaircir
20 es vides de sens ». Excellent « matériel » il est vrai , pour un philologue qui se respecte et n’entend pas « solliciter » le
21 en 1939, d’un ouvrage théologique (tardif il est vrai ) le Livre des deux Principes 37 s’ajoutant à la restitution d’un Nouv
22 ésire ? Et voici Guiraut de Bornheil qui prie la vraie 49 lumière en attendant l’aube du jour terrestre : cette aube qui doi
23 deux par deux) : Roi glorieux, lumière et clarté vraie Puissant Dieu, Seigneur, s’il vous agrée À mon copain fidèle soit aid
24 bien a-t-il trouvé au sein de la nuit la Lumière vraie dont il ne faut se séparer ? Beau doux copain, tant riche est ce séj
25  » pour lui53, le troubadour souffrant de l’amour vrai  ? Un seul baiser, un seul regard, un seul salut. Jaufré Rudel, au ter
26 chant devine ce que chaque mot signifie. » Il est vrai qu’il ajoute — boutade ou précaution ? — « car moi-même je suis embar
27 ont portées contre les troubadours — l’on sait au vrai peu de choses de leur vie — nous rappellerons l’exemple des sectes gn
28 la part spirituelle et angélique de l’homme, son vrai moi. Ce qui pourrait nous orienter vers une compréhension nouvelle de
29 nt en criant : « Des preuves ! » ou « Comme c’est vrai  ! » ⁂ 1. La Révolution psychique du xiie siècle. — Une hérésie néo-m
30 terniser le désir ».) C’est au comble de l’amour ( vrai ) et de sa « joie » que Jaufré Rudel se sent le plus éloigné de l’amou
31 t éclairer indirectement sur la nature de l’amour vrai ou du moins sur certains de ces aspects. Et tout d’abord, dit Marcabr
32 éation, selon le catharisme ?) Les adversaires du vrai Amour sont les « homicides, traîtres, simoniaques, enchanteurs, luxur
33 la me paraît vraisemblable, tout cela peut être «  vrai  » aux divers sens du mot, et simultanément, et de plusieurs manières.
34 pénétration nous ferait voir au contraire que la vraie barbarie est dans la conception moderne du roman, photographie truqué
35 , il n’est pas « pur ». Seuls les « purs » et les vrais « sauvages » comme Bohor, Perceval et Galaad parviendront à l’initiat
36 et les séparations) voilà la suprême vertu, et la vraie voie divinisante. Entre ces deux extrêmes illustrés par le mythe sur
37 point à vrai dire capital. 49. L’emploi du mot «  vraie  » devant Dieu, Lumière, Foi, Église, est un indice probable de cathar
38 ais il faut également relever que Peire Cardenal, vrai cathare, se montre sévère pour la « courtoisie » dans un poème où il
3 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Passion et mystique
39 is nous savons que c’est la souffrance qui est le vrai but de la séparation voulue… Nous rejoignons alors la situation mysti
40 igne matériel d’un processus de divinisation. Les vrais mystiques, tout au contraire, sont la prudence même, la rigueur même,
41 les éléments de l’homme fervent. Pour Eckhart, la vraie voie mystique n’est pas celle qui, s’élevant d’un état de sentiment,
42 ité et non similitude. Par le Dieu vivant, il est vrai qu’il n’y a plus là aucune distinction. » Cette thèse, extraite des œ
43 n forment à elles deux la vérité. L’une n’est pas vraie sans l’autre, et ne se peut concevoir que par rapport à l’autre. Affi
44 réjugé consiste à croire que le physique est plus vrai et plus réel que le spirituel ; qu’il est donc à la base de tout ; qu
45 Agapè qui sanctifie la créature, ignorant donc la vraie nature de ce qu’ils tiennent pour le péché, ils courent le risque de
4 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe dans la littérature
46 blir, je m’en tiendrai à un jugement certainement vrai pour la plupart des cas ; dès le xive siècle, la littérature courtoi
47 ite courtoise — c’est l’amour de la femme idéale, vraie femme déjà mais femme inaccessible dans son jardin givré d’allégories
48 end mieux qu’ailleurs chez les poètes italiens le vrai mystère des troubadours, de même que c’est au crépuscule que se révèl
49 xiiie siècle, exprimant dans une petite fable la vraie nature de l’amour qu’il chante et le danger de s’arrêter aux formes t
50 rarque. Et ce qu’il y a de mieux, c’est que c’est vrai … Qu’appelle-t-on un homme simplement amoureux ? Rien d’analogue. Lui
51 tourne autour de toi Immortel et paré ! S’il est vrai — qu’ici-bas tant joyeux de son mal votre désir s’apaise par un coup
52 cte. Chaque moment de cette progression vers le «  vrai  » se trouve lié, plus étroitement qu’au précédent, à un moment corres
53 du xviie siècle qui inventa le happy ending. Le vrai roman courtois débouchait dans la mort, s’évanouissait dans une exalt
54 les ruses du mythe, nous ferait bien voir que la vraie volonté du personnage est exactement opposée à ces hautaines déclarat
55 faveur d’une crise révélant à Racine lui-même la vraie nature de son délire. Phèdre est un moment décisif non seulement dans
56 e la Champmeslé, et les premières atteintes d’une vraie foi vont le pousser comme malgré lui, et plus qu’il n’espérait, aux e
57 ême ; les faiblesses de l’amour y passent pour de vraies faiblesses ; les passions n’y sont présentées aux yeux que pour démon
58 is pour toi des sentiments plus paisibles, il est vrai , mais plus affectueux et de plus de différentes espèces… Les douceurs
59 ilence ! ceci paraît exalté, et pourtant c’est si vrai  !) Voilà le seul accomplissement. Mais nous avons des devoirs sacrés
60 définition de l’amour-par-essence-impossible, le vrai amour qui repousse tout objet pour s’élancer à l’infini. C’est, dit-i
61 lusions désolées. Certes, Chénier décrit comme un vrai romantique : L’enthousiasme errant, fils de la pâle Nuit. Et la célèb
62 ui conclut sur une épigramme : « Et encore est-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d’aussi peu
63 un regard désabusé, cesseront bientôt d’être les vrais obstacles. Et le mythe, appauvri de ses formes extérieures, deviendra
64 par l’émotion qu’elles excitent. » Voilà qui est vrai  : nous aimons la douleur, et le bonheur nous ennuie un peu… Cela vous
65 de série, le théâtre à succès, enfin le film. Le vrai tragique de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai série
66 de notre époque est diffus dans la médiocrité. Le vrai sérieux dès lors, implique la connaissance, le rejet ou l’acceptation
67 ané du mythe. Celui-ci cesse d’ailleurs d’être un vrai mythe dès qu’il se trouve privé de son cadre sacral, et que le secret
68 res178 et non plus religieuses ou morales. À dire vrai , les seuls écarts considérés comme intolérables sont ceux qui entraîn
69 e renversement des rôles : l’instinct devenant le vrai support d’une rhétorique dont les figures lui prêtent désormais un se
70 urifier. Vos tabous sont des sacrilèges contre la vraie divinité, qui est la Vie. Et la vie, c’est l’instinct libéré de l’esp
5 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Amour et guerre
71 à le situer dans la logique du mythe, qui est mon vrai sujet. On peut penser d’ailleurs que l’examen des formes n’est pas mo
72 pirituelle de la société médiévale !) Or s’il est vrai que cette morale courtoise ne parvint guère à transformer les mœurs p
73 its ne laissent pas de doute sur ce qui flatte la vraie passion de l’homme du Moyen Âge. Gloire du sang ! Mais le xviiie siè
74 on, un amour narcissiste du Soi collectif. Il est vrai que sa relation avec autrui s’avoue rarement comme un amour : presque
6 1939, L’Amour et l’Occident (1956). Le mythe contre le mariage
75 vorce, et il l’épousera ! Avec elle, ce sera la «  vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comm
76 ue. (Pas même la couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’amour » moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussi
77 passion signifiait « vivre » pour Tristan, car la vraie vie qu’il appelait, c’était la mort transfigurante. Mais nous avons p
78 ns à remplir par les candidats au mariage — cette vraie « coexistence » durable, pacifique, et mutuellement éducative. On pou
79 e peu d’effet dans un monde qui a gardé, sinon la vraie passion, du moins la nostalgie de la passion, devenue congénitale à l
80 lui qui la commet. Tandis que du point de vue des vrais cathares, nous l’avons vu, le véritable crime, c’est d’avoir « consom
7 1939, L’Amour et l’Occident (1956). L’amour action, ou de la fidélité
81 ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le mariage est vrai , par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques —
82 comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans r
83 iaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et le mari
84 qui s’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé q
85 mariage, c’est à l’autre, en même temps qu’à son vrai moi, que celui qui aime voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité d
86 on obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire après Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’am
87 anisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme, passion, dynamisme, corresponde
88 t la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à
89 offre une alliance sans fin, initiant un dialogue vrai . Alors l’angoisse comblée par la réponse, la nostalgie comblée par la